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Full text of "L'inquisition françoise; ou, L'histoire de la Bastille"

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A/tr    /:<:f/ 


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3)C 


L'INaUISITION 

FRANÇOISE 

ou' 

L'  H  I  S  T  O  I  R  E 

DE  X,A   BASTILLE.: 

..  -,.i  î,..,.->f-.'.         PAR 

'  Mr.  Constantin  dh  Rinneville, 


A    AMSTERDAMj. 

Xiia  EiŒioœ  RosEKiMaidiaMl-ibnurt.- 

M.  V.  ce.  XV. 


.C<x,8lc 


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-J'-/^^ 

iTruvû'  .^  :z>w 

finir 

»A.//^ 

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fB^  d.i'igii^^. 

\^m^ 

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//■Ai-, 

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.4j-^U, 

Vi^  /^ 

^^■ùvù  ^j,:^ 

■«■  f^ 

/.  Cù 

/noâj  a. 

A    S  A' 

MAJESTE, 

I      GEORGE  PKEMIER,' 

J   ROI  DE  LA  GRANDE  BRETÂGNEi 
r        DE  FRANCE,  ET  D'IRLANDE,       . 
»•  DEFFENSEUR  DE  LA  FOI;  . 

»l  DUC  DE  BRUNSWIC  ,  ET  DE  LU- 
«       NEBOURG  .   ELECTEUR  ET  AR- 
CHI-TRESORIER  DU  SAINT  EM- 
PIRE, &c.  &c.  &c. 

j'apporte  au  pied  du  Troue  de 
V  ô  T  RÊ   Majesté'-  l'Hilïoire  de 
•  2  -,  h-' 

ui:,izf--„GoOglc 


JV  E  P  I  T  R  E. 
la  BaAille ,  comme  à  mon  R  o  i ,  à 
mon  Juge  ,  &  à  mon  Protec- 
teur. Vous  y  verrez ,  Sire,  ce 
que  f ai  fbuf&rt  pour  la  bonne  caufe  ,- 
3c  quoique  mespeines  aient  été  extrê- 
mes, je  ne  dois  plus  me  plaindre  des 
rigueurs  de  rinquifîtion  Françoife, 
puifqu'elles  me  procurent  aujourd'hui 
vavaotage  de  les  confacrer  à  V.  M. 
dont  fans  doute  elles  attendriront  le 
grand  cœur:  &  fofe  me  flatter  qu'à 
l'abri  du.  Sceptre  équitable  d'un  Puif- 
fant  Koi ,  dont  je  me  déclare  haute- 
ment le  Sujet ,  je  n'aurai  plus  à  re- 
douter la  Verge  de  fer  de  mes  cruels 
ennemis.  Comme  mou  Juge,  vous 
m'y  verrez ,  Sire,  perfecute  pour 
avoir  detefté  l'Erreur,  fitaimèla Ver- 
tu des  Souverains  qui  la  poflèdoient 
au  fuprême  degré  ;  &  le  ïeul  crime 
que  m'a  imputé  l'Envie ,  cft  d'avoir 
unploré  leur  mifericorde.  Je  fuis  tom- 
bé dans  les  pi^es  que  m'ont  tendu  les 
Ennemis  de  la  Paix,  qui  pendant  plus  - 
d'onze  Années  m'ont  fait  ibuffi-ir  des 
peines  plus  améres  que  la  mortlaplus 
'" ri- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


E  P  I  T  R  E.  V 

r^oureulè.  L'œil  vigilant  de  V,  M. 
empêchera  bien  que  h  Tour  de  Lon- 
dres, qui  ne  Eut  trembler  que  les 
Criminels,  ne  fc  convertiffe  en  BafiU- 
le,  quiécrafe  plus  d'Innocents ,  que 
de  Coupables.  Etcommc  mon  Pro- 
tecteur, Sire,  vousmedeffèndrez 
demesPerfecuteurs,  qui  fir  font  gloire 
de  pourfuivre  jufque  dans  le  Sani^uai- 
receux  qui  dévoilent  leurs  crimes,  ou 
qui  ont  le  malheur  de  leur  depliîre  :  & 
quoi  qu'ils  aient  donné  à  toute  l'Eu- 
rope trop  de  funeftes- preuves ,  qu'ils 
oient  étendre  leurs  violences  julquc 
dans  les  retraites  les  plus  facrèes ,  ils 
redouteront  fans  doute  le  glaive  de  ]\£- 
tke  quibrilledans  les  mains  de  V.  M. 
pour  la  confolation  des  Juftes  ,  &  la  ' 
terreur  des  Tyrans. 

J'aiefluiè  mes  lannes  dès  le  mo- 
ment que  l'ai  vu  V.  M.  monter  fur  le 
Trône.  Mais  je  fens  couler  dans  mon 
cœur  une  joie  f^naturelie,  &  que  je 
ne  puis  expriiiier,  en  approchant  de 
ce  Trône  augufte,  oiï  je  vois  aifis  avec 
tantdeCioire,  de  Majefté,  &dedoa- 
•  3  ceut 


VI  E  P  I  T  R  E. 

ceur  un  Prince  que  Dieu  nous  a 
envoyé  par  une  grâce  fpeciale  de  fa 
.Providence,  pour  rétablir  les  I-oix,- 
un  Prince  qui  eft  le  Proceâeur 
de  fon  Eglife  affligée,  l'Ange  de  la 
Paixj  qui  vient  pour  la  rappcUer  du 
Ciel  fur  la  Terre  ,  &  ratterniir  non 
feulement  dans  toute  l'Europe  ,  mais 
pour  l'étendre  encore  dans  les  cli- 
•  mats  les  plus  éloignez,  enfin  un  Roi, 
tel  que  le  Ciel  le  pouvoit  accorder  à  nos 
plus  juRes  foiihaits ,  Ennemi  déclaré 
de  la  flatterie ,  l'Ami  de  Dieu ,  le 
Pcre  Se  les  Délices  de  fon  Ptuple.. 

Oui  Peuple  bienheureux. I  c'eft  ici 
vôtre  Alcicle,qui  vient  étouffer  cette 
Dilcorde  qui  vous  a  troublez  depuis 
li long-temps  ;  abattreunGerion,  qui 
menaçoi:  de  traiijer  après  lui  la  Ty- 
rannie, la  Superflition ,  la  Vengean- 
ce, &  un  nombre  infini  de  Monftres 
noir5&  cruels,  quifepromettoientde 
rendre. l'Angleterre  dclave  :  on  lui 
verra  percer  cet  Hydre  orgueilleux  , 
dont  les  fifflements  cmpcftez  prcfa- 
geoiem  vôtre  mort.  Sous  lui  vçm  ah 
Jez 

..Xooyic 


E  P  I  T  R  E:  viï, 

lez  voir  renaîtne  vôtre  Liberté  dans 
.toute  fa  fpJenrfeur.-  Il  va  rappellcr  chez 
vous  l'Abondance  jaflurer  vôtre  Com- 
merce i  purger  les  Mers  ,  dont  vous 
l'avez  pxochmé  Roi  à  jufte  titre  j  i^otc- 
gervos^ Alliez;  &  étendre  vôtre  gloi- 
re jufqu'aux  extramitez  les  plus  recu- 
lées de  la  Terre. 

.  En  expofant ,  Sire,  à  V.  M. 
les  peines  que  j'ai  fouffertes  ,  (c  ne 
dois  pas  oublier  les  malheureux  que 
fay  iaiiïè  dans  ces  mêmes  peines , 
ou  qui  fouffrent  encore  fur  les  Galè- 
res. Ces  preuv«s  animées,  ces  té- 
moignages vivants  de  la  fureur  de  leurs 
Perfecuteurs  reclament  par-  ma  voix 
vôtre  mifcricorde.  Ils  attendent  de  vô- 
tre Clémence,  que  V.  M.  remontrera 
à  un  Grand  Roi  l'injuftice  que  commet- 
.  temceuxà  qui  il  confie  fon  autoritéSc 
iàiufticç,  &qui  s'en  feivem  pour  pcr- 
tuer  les  tourments  de  leurs  viâi- 
raes  infortunées,  dont  la  pJupart  font 
.  réeonniies  innocentes,  par  ceux  mê- 
me qui  les  perfecurent.  Du  fond  des 
£nfer$,  des  bords  de  l'Acheron,  ces 

*♦  op- 


viii  E  P  I  T  R  E. 
Oppritnez  implorent  vôtre  apui.  Que 
vôtre  Autorité,  Sire,  pénétre  dans 
ces  Abymes,  fur  ces  Rives  infernales, 
qui  jufqu'ici  n'ont  été  acccflîbks  qu'à 
k  Fureur  ,  à  la  Rage ,  &  au  Defef- 
poir,  Coifime  un  autre  Hercule  al- 
lez forcer  Plutoo,  le  cruel  Bernaville.de 
Vous  relâcher  une  infinité  de  Thefèes, 
qu'iltraittecn^omèthèes  &cn  Ixions. 
Ce  font  des  fu jets  dignes  de  la  Piété  de 
V.  M.  &  qui  la  publieront  par  toute  U 
Terre,  après  que  vous  les  aurez  re- 
tirez du  Tombeau  j  &  leur  Poftèrirè 
la  plus  ébignée  (çaura ,  que  vous  au- 
rez eu  du  pouvoir  fur  la  Mort ,  en 
ks  rappellant  à  une  féconde  vie* 
'  Que  le  Salomon  de  la  Grande-Bre^ 
tagnc ,  qui  par  fa  Piété,  &  Juftice ,  fa 
B(xicé  ,  fà  Sagelfc  ,  &  tant  d'autres 
Vcxtus  qu'il  poflède  dans  un  fublnne 
degré .  s'eft  rendu  digne  defa  haute 
vocatioi,  trîomj^e ,  non  lèulemem 
dans  rAngtetcire ,  mais  qu'il  foit  ré- 
véré de  cmiterEarope,  fie  redouté  des 
Peuples  les  plus  Barbares,-  luiqbin'im- 
poTe  à  ics  Sujets  d'autre  joug .    que 

ror- 


E  P  I  T  I  E.  nt 

i'Ordtc  de  craindre  Dieu,  &d'obfeD- 
vtr  ks  Loix. ,  &  qui  laifiTant  à  cet  Ar- 
'  t»credes  Rois  le  feprême  pouvoir,  fe 
borne  à  Tautoritè  que  lui  prdcrk  fk 
juftice,  de  nous  faire  du  bien  ,  & 
qui  par  l'obèiflàoce  qu'il  rend  i  fec 
conunandements  fe  trouve  dans  Lliea- 
leuie  itnpoflibilicè  de  nous  £ure  du 
mal.  C^  ce  P  r  i  n  c  x  autant  ja- 
loux des  Privilèges  de  ks  Sujets 
que  des  Prérogatives  de  k  Couron- 
ne, puiiTe  ren^e  dans  LcHidres  l'or 
d*Ophir ,  &  l'argent  auHî  commiuis 
que  les  pierres.  Q^e  mm  feulement 
la  Reine  de  Sçeba ,  mais  que  tous 
les  Princes  dek  Terre,  vientmit ad- 
mirer la  magnificence  de  fon  Trône,' 
&  la  profondeur  de  la  Sagcfle. 

Pour  moi ,  Sire,  je  dois  bénâ- 
à  jamais  l'adorable  Providence,  qui 
après  m'avoir  délivré  des  fers,  per- 
met, tout  mutilé  que  je  fuis ,  que  j  ap- 
proche  du  Tr&ie  de.  V  ô  t  r  e  S  a- 
CR£*E  Majesté',  pour  être  a- 
gregè  au  nombre  de  vos  .Sujets  1er 
plus  zclez ,  &  mêler  mes  vœux  à 
*  j  .ceux 


X  E  P  I  T  R  E. 

ceux  de  nu  nouvelle  -Se  chcrc  Pa- 
trie, pour  attirer  du  Ciel  (urV.M. 

&fur    VÔTRE    ROIALE    ET    Aù-   • 

GusTH-  Famille  fes  Bénédic- 
tions les  plus  precieuFes.  Je  de- 
mande à  ce  Monarque  Tout-Puif- 
lànt,  qui  foit  r^ner  les  Rois,  qu'il 
affermilîe  vôtre  Trône  fur  la  Juftir 
ce  ^  la  Prudence ,  &  après  .  que 
V.  M.  l'aura  gouverné  pendant  un 
long  &  heureux  rœne,  qu'il  foit 
pofledc  en  Paix ,.  jiuqu'à  la  fin  des 
fiéclespar  Vôtre  Postérité'  Hé- 
ritière des  Vertus,  &  de  laPiètè 
de  V,  M.  auin  bien  que  de  ks  Cou- 
ronnes. Que  la  Religion  foit  infcr 
parable  de  vos  Royaumes ,  la  Gloi- 
re de  vôtre  Trône ,  1^  Vidoirc  de 
vos  Armées,  k  Fidélité  du  cœur  de 
vos  Sujets  ,  la  Paix  &  l'Abondance 
de  vos  Etats,  &  la  Vénération  qu'on 
doit  à  vos  Vertus  des  coeurs  de  tous 
les  Peuples  de  la  Terre.  Ce  font  Ic$ 
ibuhaits  fiocéres  d'un  de  vos  nou- 
veaux Sujets ,     SiRB ,  à  qui  Tes  £n- 

QCQiis  n'ont  Uiflé  que  jU  vie  ,  qu*il 

-  '      ---        -  ^  ^^ 


E  P  I  T  R  E;  -  XI 
eft  prêt  de  làcrifier  à  V.  M.  jut 
qu'à  la  dernière  goûte  de  ion  fang ,' 
pour  lui  prouver  avec  ^el  atache- 
mcnt ,  quel  zçlc  ,  &  quel  relpcét  B 
cft  de  Vôtre  Majesté*, 


SIR  E, 


Le  très  huDible,  tfit  obttflàat 
Serviteur  &  Sujet  plus  founû» 


COKITAKTIH  »E  REHKETltU:. 


•  «         PRE-; 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE. 

JE  dois  rendre  nifon  dans  cette  Pré- 
face des  motifs  qui  m'ont  porté  à  é- 
crire  cette  HiftoJre;  pourquoi  je  lui 
ai  donné  le  Titre  de  Pïnquliltion  Fian- 
çoife,  ou  Hiftoire  de  la  Baftille,  &  des 
fins  pour  lefquellcs  je  Tai  rendiîe  publl- 
*que.  Les  motils  ont  été  te  bien  gêne- 
rai &  le  particulier.  I^  General  regar- 
de tout  le  Monde  ;  puilque  j'ai  vu  dans 
cet  Antre  abominable,  pendant  le  temps 
de  ma-  Frifon  ,  malgré  la  vigilante  pre* 
caution  de  nos  Ai^s  ,  non  feulement 
des  François,  des  AJIemans ,  des  An- 
rioîs,  devËcoSois,  deslrlandois,  des 
Ëfpa^ols }  des  Polonois  ,  des  Suédois , 
des  Danois  y  des  Mofcovites ,  St  géné- 
ralement des  perfonnes  de  toutes  les  Na- 
tions de  l'Europe  ;  maisencorcdesFeu- 
plcsdetoulEslesPartJesdela Terre,  & 
même  des  plus  reculées  ,  &  qui  à  pei- 
ne nous  font  conniies.  J'y  ai  vu  des 
A^ncaûis,  des  Aliatiques ,  des  Ameri- 
cainS) 


.--„Googlc 


PREFACE.  xm 
etiàs,  desTtins,  des  Mores,  desPi. 
p&-<7rxc5,  desDerrô,  desPrçkts^des 
Miniftres  ,  de&  Prêtres ,  8i  des  Moines 
de  toutes  les  cotilenrs,  J^  ai  vu  des 
Princes ,  cooune  le  Fib  du  Roi  de  Ma- 
roc ,  <)ue  Pon  y  a  traitté  d'une  manière 
btrbire&  cruelle,  &  comme  le  dernier 
des  Goujats  -j  Le  Prince  de  la  Riccia ,  ou 
malgré  iês  éminentes  Qualitez,  6i  ks 
Vertus  véritablement  digues  d^admira- 
tioDi  aété  laviâimede  Tavarice,  &de 
la  haine  fûrieufe  de  Porgualleux  Bema- 
ville  }  le  plus  inexorable  de  tous  les 
Tyrans.  J^  aivûdes  Ducs  &  Pairs ,  des 
C«vlons-b]eus,  des  Officiers  Généraux; 
entr*autres  le  Lieutenant  General  Cher- 
berg  ,  du  Canton  de  Zuric  j  Homme 
plus  que  Sqituagenaire ,  qui  avoîtblan* 
chidansleierviceduRc»,  &qui,  pour 
avoir  dit  trop  l&rement  Ta  penfée  à  Mr. 
te  JVLiréchal  de  Vitlçroi  à  la  Bataille  de 
Ramillies  ,  fut  enfermé  dans  cette  af' 
freufe  Spelouque ,  où  Bemaville  fait 
fbufinrï  ce  venenâ>le  vieillard  des  tour- 
ments ,  dont  les  plus  cruels  Bourreaux 
de  l'Armée  ne  voudrtMcnt  pas  punir  un 
Soldat  Saiâë,  qui  anroit  dix  fois  mérité 
rE&npaâe.  Voici  cependant  tout  Ton 
crime.  Ce  General  voyant  le  Rogi- 
*  7  ment 

u,:,-,zf--„GoOglc 


HT  PRE  F.A  CE. 

ment  du  Roi  qui  alloJt  être  etivélopé  Se 
ttiUé  en  piecesÀ  Ramillies,  dit  à  Mr.  de 
Villeroi,  ^ueii.iilui  vouloitdoDnerfeu- 
kmeot  trois  ou  quatre  Efcadrons  de  Ca- 
valerie ,  il  lui  promettoic  fur  Ql  tête  de 
dégager  ce  Régiment,  &  de  lui  faire  fai- 
re une  honorable,  retraite.  AquoiMr. 
le  Duc  de  Villei'oi  re^iondit ,  qu'ilavoit 
d'aufli  bons  yeux  que  lui  :  fur  quoi  le 
zèle,  à  la  vérité  trop  fîncére  de  ce  Gene- 
ral lui  Bt  répondre  :  que  &  cela  étoit, 
les  Troupes  du  Roi  ne  (broient  pas  ex- 
pofées  au  carnage  des  £nnemis  ,  -com- 
me il  les  voioit ,  qu'elles  étoient  bon- 
nes ,  &  fei'oient  admirablement  bien  leur 
devoir,  fi  elles  étoient  bien  conduites. 
11  n'en  fallut  pas  davantage  pourenvoier 
ce  brave  Officier  à  la  BaAillej  où  une 
petite  recommandation  de  Mr.  le  Duc 
de  Vilkroi,  qui  fans  doute  en  ignore  les 
confequences ,  a  iàtt  agir  la  rage  de  Ber- 
naville  dans  toute  fon  étendiîe.  Ce  vé- 
nérable Officier  a  été  cinq  ou  lïx  Ans 
enfermé  dans  une  Chambre  au  deffusde 
k  nôtre.  Je  lui  ai  entendu  pouffer  de» 
gemifrements  douloureux ,  des  cris  de 
defefpoir,  fiflesplainteslesplustouchan- 
tes.  Oui ,  difoit-il  ,  je  voudroîs  qu'il 
m*e(kt  cofité  tout  moa  bien  »-  &  même 
un 

u,:,-,zf--„GoOglc 


r  R  E  F  A  C  E.  XV 

an  bris  ,  &  que  le  Roi ,  que  Mgr.  le 
Dtic  de  Chartres ,  que  mes  Maîtres,  ou 
même  Mr.  de  ViUerôi  eufiènt  k  con- 
noifiance  de  la.  manière  indigne,  dont  je 
fuis  traittéparun  miferable  Voleur,  qui 
cent  fois  a  monté  derrière  le  Carolle  > 
dans  lequel  fétois  traîné  avec  fon  Maî- 
tre le  Maréchal  de  Bellefond  ;  i  la  Ta* 
ble  duquel  ce  Tartuffe  cent  fois  m*a  ver- 
Sé  à  boire  danskpoAurela  plus  humbJej 
&  qui  me  met  aujourd'hui  le  pied  fur  .la 
gorge,  m'écrafe  comme  un  miferable  , 
&  me  &it  mourir  de  froid  &  de  faim. 
En  effet  pendant  tout  le  temps  qu'il  a  é- 
té  dans  cette  Chambre  fur  la  nôtre  ,  fi.-- 
mais  on  ne  lui  a  donné  du  feu  i  on  ne 
lui  porta  pas  un  feul  morceau  de  bois 
l'Année  du  grand  Hyver  1 709.  Vingt 
fois  les  Porte-Clefs,  parméprife,  nous 
ont  apporté  fon  dîne  pour  le  nôtre;  je 
protelle  que  dans  la  plus  miferable  Gar- 
gotte  de  Paris  ,  un  Crocheteur  feroit 
meilleure  chère  pour  huit  fols  :  cepen- 
dant j'ai  fçu  par  Rheilhe  8c  par  Ru,  que 
le  Roi  donnoit  au  Gouverneur  quinze 
&ancs  par  jotv  pour  la  nourriture  de  ce 
Genertl  ;  que  cet  Hypocrite  Gargotticr, 
aflifté  du  vénérable  Père  Rjquelet ,  & 
comité  duPeredelaBeaumeJefUites,  ont 
mis 

u,:,-,zf--„GoOglc 


CTi         PREFACE. 

,  mis  pour  lûtlj  dire,  ^  la  Torture,  pour  lui 
Aire  changer  de  S.cligk»i ,  lui  promet- 
tant k  grâce  de  U  part  de  Mr.  de  Vil- 
roj.  (>i  aurcMt  moins  fait  fôuffrir  cet 
Officier,  en  IcEù&nt  moutir  tout  d^|n 
coup,  pour  punkion  d'un  zélé iodifcret, 
que  de  le  fxtre  languir dins  les  pluscruek 
tourments ,  depuis  près  de  neuf  Ans  :  ce 
^i  me  fit  feire  cette  Epîgramme  ftircet 
infoTtnné  General,  que  je  trouvai  le  {c 
crct  de  lui  envoler.  • 

EPIGRAMME. 

Tri^  généreux  Chtrbtrg  que  ton  fort  tfi 
criitl  '■ 
'  "Ion  xJIeféur  la  gloire  q|f  cmfe  de  ta 
peine  : 
Jamaii  h  Grand  Couit  «t  t*etlt  cru 

crimintli 
Si  tu  n'avais  firvt  que  ftm  le  Grand 
Turttiae. 
.  J'ai  vu  dans  ortte  Caverne  de  Poly- 
I^me  Mr.  le  Baron  de  Sacinet  Officier 
General  de  TEmpereur ,  qui  maigre  ii 
Piété  exemplaire ,  fa  Charité,  qui  loi  fai- 
foit  donner  aux  pauvres  ,  par  les  mains 
itttégret  de  Bemaville  ,  la  rtjoitié  de  la 
Pealion  que  Sa  Majïfté  Impériale  lui 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.  ïvii 
faifoit  tenir  dans  jâ  Frifon ,  &  fes  autres 
Vertus  Chrétiennes  ^  étott  traitté  indi- 
gnement par  fon  inhumain 'Guichetier, 
Répertoire  fidelle  d'Avarice  ,  où  Har- 
pagon n'auroit  pu  trouver  à  glofer.  J'ai 
vu  dans  ce  lieu  de  delêfpoir  un  Gentil- 
•Homme  Alleman  nommé  Mr.  de  Nift- 
vitz,  dont  l'extrême  beauté  faifoit  tout 
le  crime.  Elle  panità  laCourdeFran- 
ce  avec  tant  d'éclat  ,  que  les  Maris  de 
la  première  diftinfïlion  en  furent  allar- 
mez.  four  éviter  le  fort  d'Aâeon  , 
dont  ils  fe  croioient  menacez ,  l'un 
d'eux  porta  la  jaloufîe  fi  loin  ,  qu'en 
roulant  dérober ,  à  (joelque  prix  que  ce 
fût*,  ce  Fils  de  Cythére  aux  rœards 
trop  curieux  d'une  Epoulê,  qu'il  foub* 
çonnoit  de  trt^  de  tendreJTe  ,  il  trou- 
va moïeu  de  le  plonger  dans  un  a- 
Mme  capable  d'éteindre  jufou'k  la 
nxMndre  étincelle  de  l'amour  qu'A  pour- 
roit  infpirer  ,  &  d'effacer  dans  peu  les 
traits  les  plus  parfaits  de  ce  charmant  Ado- 
nis. J'ai  vu  dans  ce  Repwre  infâme,  au- 
trefois la  Prîfon  des  Pnnces  du  Sang,  de 
U  NoWefle  de  France ,  enfin  des  Prifon- 
niefsd'Etat,  j'yayTeudcsCrocheteurs& 
des  Prélats  ;  des  Decroteurs  de  Souliers,  & 
des  Mini&FL'S  ;  des  Abbez  &  des  Prêtres; 
des 


sviii       PREFACE. 

des  Pouflêcus  &.  des  Religieux  i  des  Sol- 
dais &  des  Qjiatre  Mendiants  ;  desCIercs 
de  Procureurs  &  des  Magirtrats  ;  des 
Bei^eis  &ç  des  Colonels  :  .des  Ciieufes 
de  vieux  Chapeaux  &  des  Religieufesi 
des  Vieillards  &  des  Enfants  ;  des  Doue- 
gnas  décrépites  &  de  jeunes  Filles  ,  des 
Criminels  Se  des  Inoocents.  Enfin  j'y 
ai  veu  de  toutes  fortes  de  Perfonnes  & 
de  Nations  confondues  les  unes  avec  les 
autres,  dans  le  dur  Prefibir  d'airain  d'un 
Tyran,  gui  faifoit  mouvoir  tous  les  ref- 
forts  de  la  machine  inferna/e,  pour  ex- 
primer la  fubAance  de  fes  malheureux 
Pigeonneaux,  aiufî  qu'il  les  appelle.  O 
Nations  étrangères  !  que  la  curiofîté  por- 
te à  voir  la  France  un' des  plus  beaux 
Rpïaumes  du  Monde.  &  fur  tout  Paris, 
la  plus  delicieufe  de  toutes  les  Villes  de 
la  Terre ,  fouvenez-voiis  qu'elle  enferme 
.  dans  fon  fein  la  Baftille  &  Bicêtre ,  le  Puf- 
gatoire&  l'Eijferdece  Monde ,  où  un  E- 
.tranger  court  fouveut  rirque  d'être  Ic^é 
quoique  très  innocent.  Voilà  l'avis  que  je 
donne  en  gênerai  à  tous  les  Hommes. 

iit  vous  Citoiens  de  Paris ,  quand  vous 

nîenerez  vos  Enfants  àlapromenadefur 

le  Boulevart  de  .St.  Anthoine  ,   dans  le 

Bois  de  Yinoeiuies  ,  dans  les  Jardins  de 

l'Ar- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.         x'x 

J'Arfenal  ,  faites  leur  confiderer  atten- 
tivement ces  Tours  énormes  &  affreufes 
delà  Baftille  ,  &  de  Vincennes  :  qu'ils 
apprennent  de  vous  ,  &  apprenez-le  de 
cette  Hiftoire ,  que  c'eft  là  que  prefident 
Bernaville  ,  &  St.  Sauveur  fon  Neveu  , 
les  plus  cruels  Tyransqu'ait  jamais  vomi 
PEnffer  dans  fa  fureur.  Bernaville,  dont 
la  Gcneiation  ell  û  ohfcure  ,  qu'il  a  é- 
té  en  obligation  pour  en  cacher  la  Baif- 
feOè ,  de  changer  fon  nom  de  Charles 
Fournier ,  en  celui  de  Bernaville ,  Vil- 
lage où  il  eft  né ,  &  qui  appartient  à  Mr. 
le  Maréchal  de  Bellefond  fon  Maître  j 
comme  font  d'ordinaire  tousles Laquais, 
dont  les  uns  fe  nomment  Champagae , 
Bouiguignon,  Picard,  Jean  de  Paris, 
d'AIençon,  Chalons ,  d'Auberyilliers, 
Charenton  ,  Vaiçirard  ,  &c.  du  nom 
de  leurs  Provinces,  Villes,  ou  Villages. 
C'eft  à  ce  Maître  que  ce  Chevalier  de 
l'Arc-en-Ciel  a  dérobé  les  dehors  d'une 
vertu  folide,  dont  ce  Maréchal  étoit  orné, 
ce  miferable  voulant  (bus  ce  voile  cacher 
le  CG^ur  ]e  plus  monftrucux,  où  jamais 
rHypocrifie  ait  fourré  fesplus  peniicieu- 
fes&ridicules  grimaces  &fonp]usdange- 
reux  poifon.  Bernaville  entend  trois  Méf- 
ies par  jour  :  ô  le  Saint  Homme'  mais  ce 
jour 


XX  PREFACE. 

jour  la  même  Bernaville  îmtnole  trois 
Innocents  à  fon  avarice  &.  à  fa  fureur  : 
ô  le  cniel  Tyran  I  ô  le  méchant  fcélé- 
rat  1  Ce  Tartufe  couvre  du  manteau 
de  la  vertu  le  plus  méchant  Homme, 
que  l'Envie  ait  pètr!  pour  l'affliftion 
du  Genre-Humain.  Avec  une  mode- 
ration  affeâée,  il  eft  d'une  févérité  & 
d'une  dureté  implacable.  La  cruauté 
eft  peinte  fur  fon  vîftge ,  &  i'Hypo- 
crifîe,  toute  diffimalée  qu'elle  eft,  n'a 
pû  cacher  l'air  menaçant  de  fon  front 
d'airaia.  ïlnefongctous  lesjoursqu'àm- 
venterde nouvelles  gênes,  pourmettre 
à  la  torture  fcs  maineurcufes  vjÂimes, 
donc  il  boiroit  le  làng  avec  moins  de 
plaifîr  j  G  les  cbiin  n'en  étoient  pas 
ccMifûmées  à  petit  feu  par  «e  Barbare. 
Toujours  dans  le  trouble  ,  toujours  dans 
l'inquiétude  ,  toujours  dans  i*agitation  j 
ftns  que  Tor  qu'il  amafTe  ,  comme  un 
autre  Tantale  puiflè  étancher  la  foif  vio- 
lente qu'il  en  a.  L'éclat  éblouiflànt  de  . 
cet  or  ,  qu'il  accumule  par  les  griffes  de 
laLefine,  &qu'i]  pétrit  dans  le  iângde 
fes  malheureuiesHofties,  non  plus  que 
le  brillant  feftueux  de  fes  meubles,oe  peu- 
vent charmer  ni  fon  chagrin ,  ni  fes  re- 
mords. Il  étoit  moinsfujet  aux  vapeurs, 
quand 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.  ixi 
quand  il  ne  voioit  que  fon  toit  niftique, 
&  les  choux  &  les  panets  de  (bn  petït/ar- 
din ,  qui  compofotent  tout  fon  héritage. 
L.e  lit  voluptueux  dans  Icque)  il  coudie 
aujourd'hui  n'empêche  pas  qu'il  ne  trouve 
lesnuitsplus  longues,  qnelorsqn'il  étoit 
étendu  iurquelques  peaaxdeBcebis,  on 
qu'il  couchoit  dans  les  Gcenieis  de  Mr. 
le  Maréchal  deBeUefond.  Après  Vévt- 
6on  du  Comte  de  Bucquoit,  qui  fe  fiut- 
Ta  de  la  Baftille  le  4.  Mai  1 70{>.  comme 
on  le  verra  dans  cette  Hifloire,  il  fit  a^ 
battre  tous  les  granit  Arbres  du  Jardin, 
aplanirtousleirecoiosdn Corridor,  dont 
il  fit  renverfer  tous  les  ornements ,  oà 
Voa  pouvoit  attacher  des  cordes  ;  6ta  les 
couteaux  des  Prifonniers ,  Si  tous  leurs 
ferrements  ,  jusqu'aux  moindres  clous  ; 
tout  le  boisqu'iUsvdentdans  leursCbam- 
bres,  jusqu'aux  manches  de  leurs  baSais. 
11  nous  6ta  nos  couvertures ,  parce  que 
ce  Comte  s''étoit  feiTi  de  la  nenne  dans 
fon  entreprilë.  Cet  Abbé  ou  Comte  de 
Buquok,  CM-il  eft  l'un  &rautre,  étoit 
dans  une  Chambre  au  deflnsde  la  mîen* 
ne  quand  il  Ce  &uva:  je  lui  «vois  très  dif- 
ttnâement  entendu  limer  Es  griHes}  ce 
qui  fit  que  Pigeon  mon  Coacaptif,' con- 
jointement urecCiiiigalet,  dirent  aiM^ov* 
ver- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


«Il       PREFACE. 

veur  que  j'avois  eu  connoifiàoee  ^(i  def^ 
fein  de  ce  Comte.  Cefotaflèzquelade- 
pofition'de  ces  fidelles  Témoins  pour  me 
faire  plonger  dans  d'atTreux  CadioCs, 
oà  nôtrecruel  Tyran  me  laiflatrès  long- 
■temps  pourrir  ,  fans  paille  ,  fans  une 
pierre  où  repoiër  ma  tête ,"  couché  fur  le 
limon  du  Cachot  &  la  bave  des  Cra- 
paux  ,  avec  du  pain  &  de  l'eau  pour 
.  toute  nourriture ,  &  d'où  il  ne  me  reti- 
ra que  lors  que  je  fus  crevé.  J'avoïsles 
yeux  prévue  hors  de  la  tête,  le  nez  gros 
comme  un  moien  concombre  ,  plus  de 
la  moitié  des  dents  ,  que  j'avais  aupara- 
vant très  faines,  tombées  du  (corbut,  la 
bouche  enflée  Si  toute  en  gale  ,  &  mes 
os^  perçoient  ma  peau  en  plus  de  dix  en- 
droits- Quand  le  Médecin  me  vit  dans 
ce  déplorable  état ,  il  dit  que  Ton  m'a- 
voit  outré  j  que  j'avoîs  plutôt  béfoio  de 
quelqu'un  qui  m'exhortât  à  la  mort ,  que 
d'un  Chimrgien  ,  &  ne  daigna  pas  lèu- 
iemeotordonnerqu'on  me  pensât.  Rheil- 
he  cependant  le  fit ,  par  manière  d'ac- 
quit. Je  guéri  contre  toute  efperance  , 
mais  après  avoir  porté  pendant  près  de 
deux  Ans  un  emplâtre  qui  me  couvroit 
tout  le  nra  &  l*œil  droit.  J'en  fus  quît-  . 
te  ^ouruoe  partiedu  neaqui  me  tomba, 
& 


PREFACE.  XII 1 1 
il  ma.  &Dté  que  je  n'ai  jamais  pu  rétablir. 
Après  cette  évafîon  du  Comte  de  Bu- 
,  quoît,  on  faiibit  deux  fois  la  Icmaioe  la 
vilïte  'dans  nos  Chambres.  Il  y  avolt 
toûjoare  un  Officier  prefeot  avec  les 
Porte-Ciefe  j  qui  aportoient  des  mar- 
teaux à  Maçon ,  &  des  pics ,  avec  lef- 
'  quels  ils  {ondoient  nos  grilles  &  nq&mursj 

toamoient  &  renverfoient  nos  Lits,  pil'-    " 
,    loieiit  toutes  nos  hardes^    &  ae  nous 
:  -laiflblent  pas  repofer. 

■   Quelc^ies  Prifonniers  avojent    attra- 
'  pé  des  rJgeonneaus  qui  avoient  volé 
dans  leur  .Chambre  &  leur  avotent  atta- 
.   ché  des  billets  fous  les  alles^  pourdon. 
'  net  avis  à  Jeuis  Parents  du -lieu  où  ils 
étoient  eufermâz.     BeiTiaville   décou- 
vrit la  rufe  i  &  pour  y  remédier  ,  il  fit 
.  tuer  tous  les  Pigeons  ,    tous  les  Palîè- 
Teaux  qui    failbient  leurs  nids  autour 
de  la  Baftille ,  &  détruire  à  coups  defu- 
£1  tous  les  Oifeaux  qui  voloient  dans  le 
Jardin.  Les  Pinçons  joïeux ,  Se  les  chaTr 
mantsR,onignolsn'en  furent  pasexempts. 
Les  tendres  acceats-de  Philomélejiepu- 
.  rent  amolir  la  dureté  de  Bcmaville  :    il 
fit  tout  mourir  v  ju^ues  aux.  Roite- 
lets. 
Son  feul.afpeâ  ell  afil-eux  ,  il  a. deux 
yeux 

u,:,-,zf--„GoOglc 


„,T  PREFACE, 
yeux  de  Veron  enfoncez  fous  deux 
Iburcils  épais  ,  qui  fembleat  lancer  la 
mort  dans  liuis  terribles  reganis  ,  com- 
me le  Bafilic.  Son  front  menaçant  êe 
ridé  paroltêtreuneécorced' Arbre,  fur 
laquelle  quelque  Mufti  a  gravé  l'Alco- 
lân  en  caïaaéres  Arabes.  C?eft  fur*in 
teint  que  l'Envie  cneille  fea  foucis  les 
plus  jaunes.  La  Maigreur  femHe  avoir 
travaillé  furfon  viftge  à  ftire  le  Portrait 
de  la  Lefine,  fa  Divinité  favorite,  qa'el- 
leacouvert  d'un  culibafané,  qu'on  pren- 
drait pour  de  ce  papier  marbré  lugubre 
dont  on  couvre  lés  Oiaifons  funèbres ,  tt 
les  Offices  des  Morts.  Ses  joues  pliffées, 
comme  des  bon«is  à  Citons,  reffem- 
Mént  «ul  gifles  d'un  Singe  ,  dont  il  a 
la'phifionomie  &  la  malice,quoique  le  tout 
pris  enfemble' n'approche  pas  mal  du  vi- 
Sge  de  certàncs  petites  écreviffe»  de 
lïfcr  qu'on  apelle  Chevrettes,  ou  bon" 
qiiets.  Son  poil  ell  d'un  roux  alfent 
brûlé  ;  il  me  fouvient  que  quand  il  étoit 
Chevalier  de  la  Mandille ,  il  portoit 
fes  cheveux  plats,  &  frifez  comme  des 
chandelles,  d'un  blond  d'airain ,  qui  ju- 
loient  que-  leur  Maître  étoit  de  bonne 
odeur.  Quoiqu'il  parle  rarement  ,  il 
doit laen  s'écouter  patlcr,  puifqu'ilala 

DOUf- 

ui:,iz.--„GoOglc 


PREFACE.  „, 

bouche  fort  près  des  oreilles  :    clje  ne 
s  ouvre  jamais  que  pour  prononcer  la- 
coniquement des  anêts  cruels.    Ces  ar- 
rêts ,  quoique  monofflabes,  font  exécu- 
tez ponauellement  par  fcs  barbares  Sa- 
tellites ,  quiue  fe  font  jamais  repeterdeui 
fois  la  mlmechofe:  ils  connoiffcnt  leur 
Maître.    Je  me  fuis  vu  loi  demander  à 
genoux  la  Permiffion  d'écrire  à  mon  E- 
poufe,  pomlui  maïquer  feulement  que 
J  4tois  encore  en  vie  ,  &  pour  l'obtenir 
fembniflbis  les  fcns  que  j'arrofois  de 
mes  larmes;  pour  m'en  détacher ,  iln'a- 
voit  qu'à  dire  ces  deux  mots  ;    au  Ca- 
chot   Dansl'iuftant,  fes  Harpies  m'en- 
levoient  avocla même  rapidité,  quel'oa 
peint  Euridice  entraînée  aux  Enfi:re  par 
les  Diables,  malgré  Jes  tendi-es  accents 
de  fon  Cher  Orphée.     Si  c'étoient  mes 
Ouvrages  qu'on  lui  apportoit,  après  me 
les  avoir  ravis  ;  il  n'avoir  qu'à  pronon- 
cer, au  feu.    Dans  le  moment  fcs  Gilf- 
foni,  fans  examiner  fi  c'étoient  les  Souf. 
fnmcesdejEsus-CHiirsT,  oudesRc- 
flexions  Chrétiennes  qui   remplifibient 
mes  Cahiers ,    en,  faifbient  un  Sacrifice 
à  Vnlcain  ,  dont  leur  Maître  meritoit 
bien  plus  la  fureur  ,  que  ces  innocents 
«rit!.    C'eft  S  ce  cruel  Tyran  qu'il  faut 
**  que 


«VI       PRÉFACE. 

que  tous  les  Prifonniers  obeîflêiit ,  fuT- 
leDt-ils  Princes  du  Saog  j  mîferable  qui 
n*a  jaimis  rendu  d'autie  fei-vice  au  Rdï  , 
"  que  d'écorcher  fes  Sujets  ,  fans  diftinc- 
tion»  au  contraire  il  traittoit  plus  fa- 
vorableoient  ceux  dont  la  ba(le  ez.ti'ac- 
tion  appi'ochoit  plus  de  la  (îenne ,  & 
fur  tout  ceux  ,  qui  comme  lui  avoient 
été  bi^rez  de  couleurs.  Cependant 
le  P.  Kjquelet  avoit  le  front  un  \qai  dé 
me  fbutenir  que  c*étoit  un  HooimË 
de  Qualité ,  proche  Parent  de  Mr.  le 
Maréchal  à^  Bellefond;  mais  je  le  con- 
fondis, ai  lui  fidiâot  voir  que  je  (à vois 
mieux  ion  extradiion  que  lui.  En  effet 
f  ai  été  Diredeur  dans  le  Pais  de  Ber- 
naville ,  &  j*ai  vu  St.  Sauveur  n'étant 
encore  qu'Enfant ,  Neveu  de  Bemavil- 
lè)  dont  la  Mère,  Sœur  de  cet  iliuAre 
Gouverneur ,  étoit  rediùfc  dans  une 
pauvre  petite  chaumière  enfumée  ,  St. 
Sauveur  ,  djs-je  ,  i-evêm  d'une  jaquet- 
te de  froc  blanc  ,  toute  percée ,  auffî 
bien  que  le  bonnet  qu'il  avoit  fur  Ùl  tê- 
te de  même  étofiè  ,  prendre  mon  che- 
val par.  la  bride  ,  &  me  tenii-  l'étrié  , 
quand  je  mcmtois  deffus  :  cçpcoduit  il 
avoit  le  front  à  la  ÇaHiJJe ,  .de  me  IÔup- 
tcAir.  que  je  ae  le  coouoifibis  pas,  i^if» 
'        ■  je 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.  xxTO 
je  oe  TatoÎs  jamais  v&  y  quoiqtK  daniis 
que  fon  Oncle  l'avoit  tire  de  la  m to», 
pour  le  faire  participant  de  (â  Fortime, 
je  lui  euffe  donné  à  foiç^  chez  moi  à 
Paris  i  où  Mr.  de  k  Viîlemœeon  ,  qiy 
a  époufé  une  desParentes-deMr.le  Ma- 
réchal de  Bellefondj  &  un  Chanoiae  de 
Coutance  me  J'avoient  amené  i  &  ccoc 
fois  je  l'avois  vu  à  Vjncennefi  auffi  bieti 
que  ion  Oncle  chez  Xiidatne  la  Maré- 
chale de  fiellefood.  Mais  qaand  uns 
fois  ces  fortes  de  Gmis  de  Néant  foc* 
élevez  (m  la  roue  de  la  Fortune ,  la  pre- 
mière chofe  qu'ils  oubiient  c'eft  les  dCr 
grez  par  où  ils  y  ont  monté  ;  &  c'eftc^ 
que  n*oubIie  jamais  le  Public  ;  principjr 
iementquandonlesyvoitinfoleœ,  carn^ 
me  Bernaville  &  (à  Séquelle  maudite, 
qu'il  a  enracinée  daiis  la  Baftille,  dans 
leïperance  qu'ils  y  fleuriront  comme 
lui  j  Et  malheur  aux  Frifonniers ,  car 
de  l'Auney  &  St.  Sauveur  heriterom 
&ns  doute  de  la  cruauté  ,  de  ravarice  , 
&  de  la  malice  de  Bernaville ,  comm^ 
de  fes  biens  immenfes.  Ce  cruel  T]^ 
lan  a  trouvé  les  moïens,  à  force  d'ar- 
gent, défaire  avoir  la  Lieutenance de 
Koi  de  hBaflille  à  de  PAunay  fon  Cou- 
âuj  afin  de  n'avoir  plus  Fedbnne  qui 


■oylc 


xivm  PREFACE. 
contrôlât  &  LeGne  &  fès  cvuautez  ;  & 
pour  cet  efiêt  il  iê  défit  de  Mr.  d'Avi- 
gnon, qui  étpit  un  très  HonnèteHom- 
me ,  &  brtve  Officier  ,  comme  on  le 
verra  dans  cette  Hifloire.  Il  a  fait  de 
même  avoir  la  Lieutenance  de  Roi  de 
Vincennes  à  faint Sauveur  fon  Neveu, 
par  un  Brevet  qui  lui  a  coûté  bien  de 
Targent ,  mais  dont  il  e(l  alTuré  de  fè 
Tecompentèr  au  centuple  :  ainfi  voila  " 
toute  la  Famille  érigée  en  Tyrans;  ~& 
peut-être  que  l'on -en  fera  des  Che- 
valiers de  St.  Louis ,  pour  recompenfe 
de  leurs  belles  Adèions.  Et  pourquoi 
non  ?  on  en  avoitl«en  honoré  St.  Mars, 
dont  tout  le  mérite  étoit  d'avoir  gar- , 
dé  à  vue  le  déplorable  *  Mr.  Fouquet 
&  Mr.  Je  Duc  de  L,auzun  pendant  tout 
le  temps  de  leur  cruelle  &  longue  Pri- 
^o.  t  E^  mahtm  quai  vidi  fut  foie ,  tpiafi 
ftr  errorem  tgrediem  àfatii  Principii.  Poji- 
tum  (iultum  in  digtîitate  Juilimi  dr  iivitei 
feder«  dtorjum.-  Vidi  ferves  in  tquit  ,  & 
Printifet  tmi'tilaxtes  fufer  tenamgùafijer- 

Et 

•  L'Aataor  inrite  le  Leâeur  ï  lire  utie  Hif- 
toîrc  qu'il  raportc  dc.ccs  deux  lllullrcs  Prironoieis 
'çàns  fa  Préface  "des  Pfcijimes  de  la  l'élût  cncC 
"■  ■  t  Ecdefiaft,  «p.  n.  y.  j:  fi:  &  ?• 

u,:,-,zf--„  Google 


PREFACE:        ixîi 

EtBernaville  n'a-t-i]  paslçû  par  fon 
cagotifine  outré  ,  apuie  pir  des  Gent 
qiu  étoioit  lai^mmt  païez,  pour  éta- 
ler devant  le  Koi  des  vertus  qu'il  n'eut 
jamais ,  à  moins  qu'on  ne  mette  au 
rang  des  vertus  la  Tyranie  la  plus  bar- 
bare ,  attraper  un  des  meilleUFs  Gou- 
vememens  de  la  France  y  dn  moins  le 
pins  lucratif,  pendant  que  de  bi^ves 
Officiers  ,  qui  ont  pafTé  toute  leur  vie 
au  fërvice  dn  Roi ,  en  Ibnt  fniftrez.  Ses 
Patrons  aveuglez ,  ne  manquoient  pas 
de  faire  valoir  à  S.  M.,  fon  2ele  inviola- 
ble pour  &  PerTonne  facrée ,  dans  le 
temps  que  ce  pernicieux  Sujet  ne  s'oc- 
cupoit  qu'à  détruire  la  réputation  de-fbn 
Mdtre ,  par  les  crimes  abominablesqu'il 
commettoit,&la  r^ueur  inhumaine  avec 
laquelle  il  trailtoit  les  Etrangers,  fous 
l*«utorité  ,  &  à  Pinfçû  de  ce  même 
Maître. 

■  Pour  prouver  que  cet  Impofteur  n*st 
que  le  -mafquc  trompeur  de  la  Piété,  & 
rien  moins  que  de  la  vénération  pour 
Dieu ,  &  pour  fon  Roi ,  je  n'en  veux  ra- 
porterqu*iin  exemple,  dont  j'ai  étéle  té- 
moin oculaire  j  Se  que  j'attefte  devant 
Dieu ,  connue  une  vérité  que  je  fuis  pr^ 
de  ngner  de  mon  fang.  Quelques.uns 
**  j  des 

u,:,-,zf--„GoOglc 


i«         PR  £  F  A  C  E. 

des  Afïeurs  de  cette' Scène' Ibnt  encore 
léhieltement  à  la  Haye. 

Lorlqu'étant  dïois  un  état  deploraUe 
je  fus  introdiric  àans  la  première  Cham- 
bre de  la  Tour  du  Coin ,  où  les  Poitc- 
Glefs  me  portereut  preiquemourant;  je 
jus  mis  en  entnuit ,  dans  l'enfoncement 
de  la  Chambre ,  à  l'oppc^te  de  la  che- 
minée ,  où  fur  le  mur  on  avoit  peint  à 
frefque  un  JESUS-CHRIST  de  gran- 
deur naturelle  attaché  en  croix  ;  que  des 
Prifonniers  avoient  mutilé  d'une  manié* 
re  monltruenfë  &  cruelle.  Ilsenavoient 
efîJLcé  tous  les  traits ,  lui  avoient  peint 
deus  cornes  fiir  la  tête,  ai  la  place  du 
voile^  ou  de  l'écharpe,  dontd'ordînai- 
tse  on  fait  une  ceinture  au  Crucifix  par 
bieiWéance:  ik  avoient  figuré  memhum 
raormt  ,  horreaium  >  tx  quo  copiofe  fintàot 
virus  f  ^ued  fcekfti  Sacriiegi  o^/maboMtw» 
jHorbo  i/enereo  procedere.  Et  fur  Ùl  p<M- 
trine  ils  avoient  écrit  r  *Myftért  t  h  grandt 
Sabylone^  la  Mtre  des  mpadiàtet.  >  tf  des 
obûmitiathns  de  la  lerre.  Et  quantité  d'au- 
tres Totifes  de  cette  nitare.  Il  y  avoit  up 
Portrait  du  Roi  fur  la  chenimée ,  pafîà- 
blement  bien  fait,  iùr  la  tête  duquel  ces 
Prifonniers  fcelerats  avoient  peint  des 
cot- 
•  ApociiL  Ch.  17.  vers,  j, 

■  •         ,  ...^Xooglc 


PREFACE,        XXXI 

nés  comme  lu  Crucifix.    Bien  plus,  ils 
avoîcDC  poairé  la  fureur,  ce  qSe  je  n'é- 
CTJs  qu'avec  horreur ,  Ôt  tremblement , 
jufqu  à  peindre  Téfigie  de, S.  M.  iàcrée 
attachée  à  une  potence,  avec  cetteexe- 
crable  înicriptim.  Louis  XIV.  pendu 
pour  fcs  bienfaits  &  une  autre  couchée 
fiir  une  roiie  avec  des  inlôriptionsabomp' 
Bables.   II  7  avoit  dans  k  même  Cham- 
bre un  malheureux  Prisonnier,  nommé 
Auguftin  le  Charbonnier ,  des  environs 
d'Alençcm,.  qui  avoit  entièrement  per- 
du l'efprît ,    mais  qui  malgré  Gi  loMc 
coofervoit  une  vénération  Filiale  &  Zé- 
lée pour  Dieu  &  pour  le  Roi,  qui  fans 
cefTe  crioit  par  la  fcoétre.    Sentinelle  a- 
vertis  Mgr.  PArdieVêqae  de  Paris;  a- 
verds  Mgr.  le  Chancelier  que  d'abomi- 
nables Scélérats  ,    ont  ici  mutilé  &  pro- 
fané l'Image  de  J.  C.  ont  attaché  des- 
comes  fur  la  tête  augufte  du  Roi,  avec 
des  infcriptions  infamantes.   Ils  ont  mis 
fon  éfigie  fur  la  roue,  &  l'ont  pendue  à  une 
potence ,  avec  des  foufcriptions  atroces,  • 
diaboliques,  fl£  exécrables: -Va  vite",  te 
dis-je,   le!  en  avertir,  autrernent  la  ÉaP- 
tille  va  abymer.   Quand  les  Officiers  ou  i 
les  PoiteClefs  entroient',    ce  pauvre. 
HomESC'fetrainûit  juÊju'à  eux ,  car  ces 
•"•"  4 ,  mUc- 

u,:,-,zf--„GoOgk 


ixxii  PREFACE. 
milèribles  Tyrans  lui  avoientcaffé  une 
cuifle,  (fui  Pcmpêchoit  démarcher,  & 
il  leur  faifoit  remarquer  cesimaeescrimi- 
nelles.  Si  tôt  que  je  fus  entre  dans  la 
Chambre  où  je  trouvai  trdis  fous,  dont 
le  Charbonnier  étojt  le  moins  infuporta- 
ble,  fpeéiacle  affreux  &  terribJe ,  car  l'un 
des  deux  autres  étoit  le  plus  fste ,  &  le 
plus  importun  de  tous  les  fous  ;  &  le 
troifiéme  avoit  des  intei-vales  où  lime 
pai'loit  tout  à  fait  juâe ,  &  d'autres  où  il 
extravaguoit  à  perte  de  vue ,  Mr.  médit 
le  Charbonnier ,  foiez  le  bienvenu,  me 
prenant  pour  un  Commiflaire,  ïly  a  ici 
des  Scélérats  qu^il  faut  faire  brûler  tout 
vifs  ;  voiez  ce  Crucifix  ,  comment  ils 
l'ont  mutilé  :  volez  les  outrages  qu'ils 
ont  fait  au  Roi,  le  plus    grandi  &   le 

fjlus*  refpeâàble  Monaïque  qui  foit  fiir 
a  Terre.  Quoique  je  fufle  accablé  -dé 
mal  &  de  douleur,  les  cris  importuns  de 
ce  Fou  me  fij-ent  jetter  les  yeux  fur  ces 
images ,  qui  me  donnèrent  de  la  fraïeur. 
Lorfque  le  forte-Clefs  m'aporta  un  peu 
de  bouillon  ,  je  lui  dis,  en  lui  montrant 
ces  figures.  Ru  quelles  abominations  font 
ce  h?  mais  il  ne  me  repondit  que  par  des 
éclats  de  rire ,  comme  fi  c'eût  été  la 
chofe  du  monde  la  plus  plaifiinte.  Lorf- 
qu'il 

u,:,-,zf--„GoOglc 


P  K  Ë  ï".'  A  C"  E.       rxxm 

2il'il'  vint  des  Officiers  me  voir,  je  leur 
s  remarquer  la  même  chi^e  :  mais  ils 
me  repentirent  que  s'il  falloit  châtier  les 
crimes  de  tous  les  Prifonoiers,  ilnefau- 
droit  ceflèr  du  matin  jufqil'au  Toir  de  rom- 
pre &  de  brûler.  Quatre  jours  après  on 
amena  avec  nous  un  Vieillard  qui  étoit 
l'Auteur  de  ces  abominations,  ficquien' 
Êûfoit  gloire,  comme  j'en  ferai  ailleurs- 
le  détail.  Quand  je  pu  me  traîner,  feC- 
façai  fout  ce  qui  n'étoit  peint  qu'avecdu! 
charbon,  &  oùjepouvoisatteindre;mais 
tout  ce  qui  étoit  peint  fur  le  Crucifix,  2e 
les  cornes  fur  la  tête  du  Roiy  étoientenr 
core  ,  quand  je  fuis  forti  de  cette- 
Chambre  ,  &  y  ont  été  même  très  longr 
tempsapi-ès,  comme  je  l'ai  fçu  depuis.. 
BemaviUe  a  cent  fois  entre  dans  cette 
Chambre,  où  il  a  vu  ces  deteftables- 
impiétez;  On  lui  en  a  fait  des  reproches- 
fKtr  un  écrit,  dont  la  copie  iéra  inférée 
tout  du  long  dans  la  fuite  de  cette  Hifloi- 
re:  a  t-ilpourcela-fïitagiriâpreteodùe' 
piété?  a^-t-il  fait  paroîtreiemoindrezele 
pour  le  Roi?  Il  n'a  pas  fèùlonent  daigné - 
Bure*  effacer  les  cornes  &  les  ordures  qiâ 
étoient  peintes  fur  le  Cnidfix,  ni  leseor"-  - 
nesqui  étoienrfur  latêteduRoi.  LeP. 
BJqaelet-a  été  iaformd^de^eft&crilégcj, . 
*♦'  5^  fans^ 


xxxÎT     PRE  E  A  C  E. 

ùm  »*ea  émoiivoir:   ponr  paraître  înv 

çroiat}le,:celan'eneftpourUnt  pas  moins 
vrarl  V^r  qui  ces  ûcriléges  etoient  ils, 
commis  ?  on  croira  fans  doute  que  c*é- 
toitpaf  quelqa'infidelle,  quelqu'Athée^ 
QU  du  moios  par  quelque  Reformé  outrée 
Non  i  l'Autcuc  etoit  un  vieux  Catholi- 
que Romaàij  &  l'Exécuteur  un  Fou 
Hirieux.  Poux  moi,  quand:j!atflprofondi 
h  choie,  j'ay  cruquelesofficiersavoieufe 
fimulédemépri(êrce  crime,  crainte  dele- 
fitire  punir,  ce  qui  aurolt  coûté  la  yie  à, 
^etques  uns  de  leurs  Pigeonneaux,  c|ul 
leur  étoit  plus  precieufe  ,  par  les  gams, 
qu'Hsen mclroient,  qiiela  gloire  de  Dieu,: 
&  celle  d'un  Grand  Roi ,  qu'ils  voient 
îoipunement  en  Cmulantde  le  fervîr. 

En  etet  ces  gaini  font  exprbitaa?.  Ja 
«ets  en  fiùt  que  dqiuis  le  16  de  Sep- 
tembre 1 708  que  Bemavjlle  a  ïticcedé^^ 
à  St.  Mais,  il  a  tiré  plus  de  quatre  mil* 
^ons  de  profit  de  iês  malheureufês  vîn- 
mes. OnSci  phimes  de  maigres  Pigeon-. 
Hçoux!  La  demonftration  en  &ra  éviden- 
ip:  c^ellon  fait  âcile  à  veri6erauxMt-. 
Iiiftfes  du  Roi ,  pour  peu  qu'ils  veuil- 
lent s'en  dooncT  â  pdne.  Je  fîipore  que 
fioiu.  aïoos  été  aûuellement  deux  Cens 
l|rilôpnieis  dans  ce  maudit  Enfer}  ce. 
qu'au-. 

u,:,-,zf--„GoOglc 


FR  E-rXcTE:.  xxxt; 
qu'aucun  T^fonnierDe  peut  içavoir  qi» 
ptr  conjeéHire  ;  ■  carilmeiiirequ^eDlôrtv  - 
un  7  en  remet  d'autres;-  je  mtperfaaAé': 
qu'il  eft  peut  être  entrédeux  milIePrifon-  ■ 
nters  dans  ce  maudit  Trebudiet  peudàntr 
pIusd*onzeAnsquej'y«ifoupîré.'  Jefup— 
pofe  encore  qu'ils  étoieut  tous  aune  PiC-- 
tolè  par  jour,  ce  qui  n'eft  pourtant  pas», 
car  ir  y  a  des- Priftinniers  qui  n'ont  que  ■ 
dnquante  fols  par  jour ,  comme  les  De*-  - 
croteurs  de  Souliers ,  les  Valets  ,  -  &  au-  - 
très  Prifonniers  de  bafiè  conditioiï.  Il  y-- 
m  a  à  cent  fols,  d'autres  à  dix  francs,, 
d'autres  à  quinro,  à  vingt,  &  juiqu**^ 
vingt  cinq  fi"ancs  par  jour  j  tel  qu'^tOienÉî 
S.  A.  -Mr.  le  Prince  de  k  Rtccia,. 
Mrs  leDucd'Étrées',  MOucdeFroa- 
ftc,  le  Comte  d'Harcour,  Mr.  deSur-- 
▼ille  Lieutenant  General,  ,&  plufîeurs  au- 
tres. Je  fuppofe  en  outre ,  quTlencoûte; 
au  Gouverneur  vingt  fols  par  jour  pour  la  t 
nomiture  de  chaque  Prifonnier,  ce  qui  eft  : 
outrer  la  deperice  ;  car  fuppofé  qu'îl  yait 
dix  Prifonniers  à  qui  qui  l'on  failç  meil^  ■ 
leure  chère  qu'aux  autres ,  tout  le  rêfte  ' 
cft  mifcraWemcnf  traitté  ,  &  il  yen  ai 
beaucoup  qui  Icfontd'uneniàniéfetruel-- 
Jé,  ti  qui  pour  cinq  fols  vivroierittnîeus  ■ 
ailleurs. .  II  i^èn  coûte  au  Gouverneur" 
**'  6^  qu'an  i 


.--„Googlc 


«in  P  R  E.F  ACE. 
qu'un  fou  par  jour  pour  ceux  ^î  ftinfc 
sus  Cachots,  qu'il  a  toujours  Ibm  de  te- 
nir bien  garnis  :  ce  qui  lui  fait  appeller 
ces  lieux  abominables  Jei  denier/  ctairs  ;. 
car  un  fol  pour  le  Prifonnier ,  le  refle 
pour  le  pauvre  Gouverneur  ,  cela  eft 
clair  y  il  ne  faut  point  de  plume  p»ur  en 
faire  le  calcul.  Je  foutiens  encose,  que. 
le  revenant  bon  des  vingt  fous,  que  je 
lui  paflè  par  jour  pour  la  nouo-iture  de 
chaque  Prifonnier ,  elt  plus  que  fufi^b 
pour  oourriiigraflèmcntj  &  païer  large- 
ment tous  les  DomeAiques  ,.&  faire  ferviu 
&.  table  abondaniiment ,  où  il  ne  fbuffre 
plus  aucun  Prifonniei: ,  comme  fkifoit  St. 
Mars  qui  regalolt  parfaittementbienceui: 
qui  étoient  admis  A:  fa  table. 

Je  dis  donc  deux  Cents  Pnlbnniers  à- 
dix  francs  par  jour  coûtent  au  Roi  deux 
mille  Livres 20ooi 

Sur  quoi  il  faut  deduii'C  vingt  fols  pas 
chacun  pour  leur  nourriture.     .       200^. 

Relïe  de  profit  par  jour- au  Couvert 
neun 1800  i 

Qui  multipliez  par  36;;.  lui  produir 
fent  pî»r  An  de  proÇt.     .     ,    (S^Socoi 

IJ  y  a  plus  de  fix  Ans-qu'il  ell  Gou- 
verneur, ce  qui  a  du  pouflèr  Ibn  reve- 
naptbon  àplusdequatremillions,  cûmv 
me  je  Paidtf,  II. 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.      ixsvn 
II  eft  facile  au  Miniftre  de  voir,  s'il  y  a 
dePerrear  iûr  le  nombre  des  Prîibnniers, 
&  iîir  la.  formne  que  donne  le  Roi  i  cha- 
que Prifonnier,  &  en  faire  après  unefu- 
putation  jufte.    Mais  polons  le  fait  qu'H 
n^it  gagDê  que  deux  millions;  où  eft  le 
Goiiycrnement  de  Province  qui  foît  fi" 
Jucratif  aux  Princes  qae  le  Roi  en  grati- 
fie? Qu'eft  ce  que  Bernavillc?  Unmife- 
rkblç  CheTalier  de  la  MandilTe,  quFa- 
près  avoir  couru  longtemps ,  &  roulé 
derrière  \m  Carofle >  a  trouvé  le  fêcret 
de  fe  lancer  dedans,  oà  fon  orgueil  lui' 
ftit  croire ,  qoe  la  Terre  n'en  pas  capa>- 
blc  de  le  porter.    ïl  a  railbn  ,   car  il  de- 
▼roitêtre  en  l'air  fiiraneroïïepourpunir 
tirai  des  cPÎmes  qu'il  a  commis,  jitcurritt 
t^aguret,  &  plaudite  ParaviuiConfui'fac- 
tut  ^  ■>    qui  Mulii  fikaBat.     Cependant 
ee  qui  me  pafle  ,    c'eft  que  ce  TattufTe 
«ft  regarde  à  k  Cour ,     *  Qiue  redore 
fach   HjfpecrhatH  prof  ter  ptaata  pepulî', 
comme  un  Saint  du  premfer  ordre ,    ua 
Beat  au  m'and-  coiier  :  avec  fés  yeux 
baiflea,  famine  mortifiée,  fbn  fllence 
mome  ,   fi-  douceur  affeélée,    fbn  air 
eoinpofé ,  cons-  ceux  qui  ne  Icconnoif^- 
jènt  pas  y  foat  tréispez  j  car 

»  Jl!>b  Cap.  Î4.  TMf-  3o* 


.--„Googlc 


Mxvui     PREFACE. 

BerttaviUt^àlev6irt»lectturnut  CbrAUnX 
t^iiii  il  plume,  en  Faucon  ,  &  je  vente  en 
Vaitn, 

On  ne  fait  cependant  qu'attendre  fk  : 
•  mort  pour  le  canonifer  ,  &  le  joindre 
au  Bienheweux  Jafmin  ,  Laquais  de 
Mad.  la  Prefidente  Nicolai  ^  dont  on  a 
déjà  publié  la  vie  &  les  miracles  dans 
Paris,  &  qui  feroit  canonifé  ,  fi  quel- 
que Bourvalet,  quelque  de  Jean  y.  queU 
que  la  Peyronnie  j  quelque  Ç,ale ,  ou. 
^uelqu'auti-e  de  fes  Confieres  les  Par- 
tifans  avoit  voulu  en  faire  les  frais. 
Mais  quand  ces  fortes  de  Gens  font  hors 
de  la  Sphère  de  l'Arc-en  Ciel,  ils  font 
trop  orgueilleux,  poui-  recoonoltrecetis. 
qui  en  font  encore  pavez  des- coul^rs ,.. 
pour  leui>  Aflçciez..  Les  fommes  ira-, 
menfes  dpnc  de  BeraavUle  fupleronc  à 
tous  les  deux  j  car  il  n'eftpasdecesHy- 
pocritcs  fans  fruit  qui  iê  donnent  auDia- 
ble  gratis;  mais  up  de  ces  Rafinezqui 
n'aiment  de  la  Dévotion  .que  leproduit; 
&  on  fera  une.acoJade  du.  Bien- Heureux 
Jafmin  &  Bernaville ,  pour  les  inftalcr,. 
daos  le,  CaloM^ier  Romain  eolaplacedB 
St:. 


.--„Googlc 


r  R  R  F  A  C  E.  sxit» 
St.  Crefpin  *  de  St.  Cre^inie».  Car 
comme  le  corps  veneraUe  des  Cheva- 
liers de  k  Msndille  aft  beaucoup  plus 
nombreux  que  celui,  àss  Maîtres  Jurez 
de  k  Maoique.^  il  aura  h  prefêreace  } 
euand  ce  ne  ferok  que  par.  h  nouveauté  ' 
du  miracle.,  devoirdeuxS^nts  Laquais. 
Rei  mnandal  Us  auroieat  bien pA.  pré- 
tendre même  à  la  d^radatisn  de  St. 
Cofine,  &de&.  Damién,  pourfcibu^ 
ter  en  ]eur  place ,  par  la  con&nnitê 
des  couleurs  &  de  la  £^ience  ;  mais  le 
crédit  des  Fagons,  &  de  tous  les  Fago 
tins  eft  trop  bien  foutenu ,  &  Fempor- 
leroit  fur  une  multitude  atândonnée  des 
ingrats  qui  rougiâèiit  d^avoir  été  -mem- 
bres de  leur  Corps.  C'èft  à  cet  HypO'- 
crite  y  qu'il  faut  que  tous  les  Frifônniers, 
de  quelque  Qjialité  qu'ils  (oient ,  o\^\C- 
ftnt  &  qu^I  fait ,  quand  il  lui  plaît ,  uns 
diftinâion  &  iâns  mjet  l^itime,,  al!bln- 
mer  à  coups  de  nerfs  de  bcEÙf .  JI  en  9 
outragé  le  nofnjné  Fontaine  de  TounUÎ 
jufdu'a l'excès ,  qoieAmortdelaBgueurj 
apiès  «voir  fouffeitun  MaityMitiexpri- 
mable..  11  a  ait  cafler,  la  cuifie  à  Mr. 
Einchy.  Capitaiue  Irlandois  ■■,  La  jambe 
au  nomma  Henry  ou  Heniicnie ,  Sx.  qœ 
l^QQinVditêtreËfpignol.  Mr.  leChe- 
valier 


IL        préface; 

valier  Veizer  de  Bixich  eft  ici^  aâtiellâ*- 
meot  à  h  Hay« ,  foiti  de  k  fiaftille  le 
premier  jour  de  Décembre  1714.  par  le 
Bénéfice  de  la  P«x  faite  entre  rÉmpî- 
re  &  la  France  ;  c'eft  un  Homme  dedif-- 
tin£tion&  de  mérite,  d'une  Famille  très 
connue  dans  la  Carinthie  i  Officier  d'un 
long  lêi'vice  qui  a  été  Lieutedant  Colo- 
nel dans  les  Troupes  du  Roi  Charles 
aujourd'hui  Empereur ,  &  qui  parle  fis 
fortes  de  langues  avec  la  même  facilité 
C|ue  ik  langue  maternelle.  Il  m*a  afSrmé, 
&  m'a  certifié  par  éait,  qu'il  a  été  plu- 
fieurs  fois  frappé  de  coups  de  bâton  juf- 
qu'aufang,  pai-  ordre  &cn  prcfencedo 
cruel  Bernavilic  ,  qui  après  l'avoir  fait 
brîlêr  de  coups  ,  le  i&iroit  traîner  tout 
âmglant  dans  les  Cachots ,  où  ce  Ty- 
•ran  le  lailToit  au  pain  &  à'  l'eau  juf- 
i]u'à  ce.  que  ces  forces.  AiÛent  entière- 
ment, épuifées.  Be  fèpt  Années  qu'il 
a  été  ^ans  cette  cruelle  Prilbn  ,  il  en 
a-  pall%  cinq  dans  ces  horribles  lieux 
foutemins.  Mr.  Guéri  Capitaine  Ir- 
Jaodois  dent  tout  le  crime  étoitd'avoir 
jêrvi  fous  le  Roi  Guillaume- ,  de  glo- 
rieufè  mémoire  ,  &  de  s'être  déclaré 
pour  la  bonne  caufe,  de  onze  Aimées 
q^'ila  été-  enfermé  dlans  cette.  ÛLveme 


.--„Googlc 


P  R  K  F  A  C  E.  xu 

txa  T^res  ,  en  2  paflé  neuf  duis  les 
Cichots,  d'où  on  ne  Fa  Touvent  reti- 
ré ,  que  lors  qu'il  étoit  pi'êt  d'être  no- 
yé par  Teau  qui  aToit  inoncié  les  Ca- 
chots ,  &-  où  on  Ta  laiiTé  des  journées 
toutes  entières  à  crier  mlfericorde  ,  & 
fe  voyant  prêt  d'être  noyé,  ayant  Peau 
julqû'à  lagoi^e  ;■  c'eft  ce  brave  Offi- 
cier ,  homme  de  mérite  &  de  pr(^i- 
té ,  qui  a  Ibufièrt  des  tourments ,  qui 
rendront  Ton  Hifloire  affrcufe  &  que 
la  (âge  Poftérité  aura  peine  à  croire  , 
qui  peut  àJre  avec  Job.  &  le  Piàimifte  : 
Dohres  mortir  tircaïuiedtrunt  bu,  Mr.  le 
Baron  de  Bfoch  le  jour  même  qu'il  for- 
tit  aïant  redemandé  à /on  butiare  Gou- 
verneur l'aident  qu'on  lui  avoit  pris  en 
entrant,  &fes papiers,  cerdficats ,  obli- 
gations ,  fcs  bijoux  ,  &  Tes  hardes  ,  lui 
remontrant .  qu'éloigné  de  'deux,  cents 
liciiesdefonPaïs,  il  n'étoit  pas  un  Hom- 
me pour  y  retourner  làns  un  fou  ,  & 
s'étant  otrfliné  à  vouloir  fe  les  faire  reC 
tituer  ,  de  l'Aunay  Coufin  du  Gouver- 
neur &  Lieutenant  de  Roi  de  la  BaftiU 
le ,  pour  l'expiation  des  péchea  des  Pri- 
fonmers  ,  Tyran  piiis  cniel  &  plusin- 
humainencore,  fijerofedire,  queBer- 
navUIe  ,  le  Édfît  à  la  gorgp ,  en  lui  di- 
tânt 

u,:,-,zf--„GoOglc 


XLi  t         P  R  £  F  A  C  £. 

Tant.  Ah  !  Ms.  rAltetnaod ,  Cheval 
ÎDdon^é,  tu  n'ai  as  donc  pas  aÛèz  euî 
•puiique  tu  n*ee  pas  content ,  je  vais  te 
Aire  donner  ton  refte  j  &  pour  le  bran- 
le de  fouie  il  le  fit  tenaf&r  par  ies  Sa^- 
telJites  ,  qui  après  lui  avoir  donné  cior 
quante  coups  de  bâton ,  &  de  nnnche 
d*hallebarde ,  le  plongercht  dans  mi  Ca- 
chot feignant  de  tous  les  c6tez,  &  oùils 
le  taiflerent  piiqu'àceque  l'Exempt,  qui 
le  dcvoit  faire  fortir  hors  du  Royaume 
pour  lui  fîgnîfier  ion  bannilTemeDt,  lûr 
les  limites  de  France ,  Tcn  vint  retirer, 
&  Tenchtina  avec  Mr.Scbrader  dePeck, 
Gentilhomme  de  Hanovcr ,  Se  accou- 
plez comme  deux  Galériens,  lesentrsi- 
na  hors  de  cetEnfer,  9c  ne  les  decbalnft 
^  lra^u*ils  furent  à  plus  de  deux 
heûes  hors  de  Paris.  Seroit-ce  les  Turcs 
qaâ  fêsoient  de  (êmblabks  violences  l  11 
■  eft  i  remarquer  que  ces  Tyrans  font  ban- 
nir de  la  France  prcfqoe  tous  ceux  qu'ils 
fimt  forcez  de  relâcher ,  pour  les  empê- 
cher de  porter  leurs  plaintes  au  Roi ,  & 
à  fes  Miniftres ,  de  leurs  barbares  cniau- 
tez>  &parlacnuntequMlsontquequeI- 
que  généreux  Prifonnier  ne  fe  venge  de 
leurs  outrages  diaboliques  par  quelque 
coup  d'éclat;  comme  ils  l'ont  vu  depuis 
peu 

u,:,-,zf--„GoOglc 


P  R  E  F  A  C  E.  xuii 
pea  oue  leur  Major  a  été  poignardé  pa^ 
des  Gens  inconnus  ,  &  eft  tombé  mort 
i  la  porte  de  la  Baftille  fins  prononcer 
une  ieule  parole.  Châtiment  terriblcj  mais 
digne  d'uD  Tyran.  Mifèrable  Batteur  en 
Grange  des  environs  de  Rheims  i  qui 
un  jour  de  Fête  ,  s'étaAt  trouvé  dam 
une  Taverne  en  Ton  Village,  oùîlyeut 
un  Homme  tué  en  fâ Compagnie,  pour 
en  Éviter  le  châtiment  s'enrok  pour  Sol- 
dat; defèrta  des  troupes  de  France,& paf- 
&  diuis  celles  de  Hollande.  Il  y  fërvit  dans 
le  Régiment  de  Mr.  le  Comte  de  Hor* 
nés  pendant  toute  Ja  Guerre  terminée  à 
k  Faix  dcRyfwiek,  puis  il  defeit»  encwe 
de  Beigues  op  Zoom ,  replia  eu  Fnnt 
ce.  Se  s*ei^;agei  dtns  le  Riment  aux 
Gardes,  d'où  it  &v<»t  pris  la  Seigneurie 
de  Fierrot.  Après  il  Ce  maria  à  Tournai  à 
unevendeufe  d^heibes,  qui  ctmtînisa  ibn 
métier,  pendant  que  Îdd  Mari,  pour  ie 
diftinguer,  {bumifibit  les  tables  de  l'Ar- 
mée de  dez  &  de  cartes.  C*cft  de  cette 
noble  occupation  ,  que  Mr.  des  G  ran- 
ges «  dont  il  le  dtfoit  Allié,  le  tira  pour 
en  Aire  le  Major  de  la  Baftille.  Aînfî 
Mn  le  Batteur  en  Grange  ,  Je  Soldat , 
Je  Deiërteur,  le  Pierrxrt  ,  PEftaficrfut 
érigé  ca  Officier,  &  bien -tôt  en  Ty- 
ran 


xLiv       PREFACE. 

nm  tout  des  plus  brutaux  &  inexorables. 

Quid  Domhù  facitnt  ■  auitnl  cum  talia 
Fures  ? 

J'ai  été  arrêté ,  détenu  Frifonnier  on- 
ze Ans  deux  Mois,  traitté  avec  une  cruau- 
té inoiiie,  mis  hors  de  la  Baftilk,  &  ban- 
ni de  la  Fruice ,  ans  que  Jamais  f  aïe  peu 
en  apprendre  le  fujet ,  fans  même  qu'on 
ait  voulu  me  permettre  d'écrire  à  Mr. 
le  Marquis  de  Torcy  pour  reciamer  la 
juftice  de  ce  Miniftre  d'Etat  qui  m'avoit 
fait  arrêter  j  je  defirois  Cçavoir  de  lui  de 
quoi  on  m'accufoic ,  &  le  prierdem'ac- 
corder  des  Commiâàires  pour  examiner 
ma  caufe.  Cependant  je  prends  Oiéu  à 
témoin  ,  lui  qui  fraide  les  cœurs  &:  les 
reins,  &  qui  me  punira/êverement,fije 
luis  aflez  téméraire  pour  en  impofer  en 
Apr^oice  redoutable,  que  jamais  je  n'ai 
eu  le  moindre  reflenttment  ou  de  haine, 
ou  de  vengeance  contre  ce  ÂgeMjniUre, 
que  de  méchantes  Gens,  &  qui  pourtant 
veulent  me  perfuader  encore  tous  les  jours 
qu'ils  font  mes  Amis  ,  avoient  prévenu 
contre  moi  par  leurs  calofnnies:  langues 
&plumes  ptxnicieufesjpeftea  de  laUepu- 
blique,  que  Dieu  réprimera  un  jour  lans 
doute  y  &  qui  méritent  d'être  battus  de 
plu- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.         iLT 

phlfieurs  coups  ,    pour  avoir  &it  un 
fi  mauvais  uâge  de  leurs  [>el)es  Lumié* 
res.    Les  vertus  de  ce  Miniftre  cftimé 
d«  (es  Ennemis  mêmes  >   m'ont  fonte* 
nu  conti'e  un  Mixture  plus  crael  que  h 
mort  ;    *  t.Mtlior  efl  mort  ,  quam  vita 
ttmara  i    &  re^ms  mttrna  quam  langmr 
firfeverans.    J'étois  bien  éloigné  de  re- 
fHt>dieT  à  fa  Prudence  des  auautez  qui 
avoient  leurs  fouîtes ,    &  dont  f allois 
dierdier  la  racine  dans  le  cœur  de  nos 
borbaixs Bourreaux  ,  pourra  converfios 
deiquels ,  &  la  prorperité  de  cet  illuftrè 
Miniftre  ,  je  priois  Dieu  tous  les  jours 
avec  une  ferveui*  non  feinte.    Je  Im 
rends  juftice ,  ans  efpoir  de  le  revoir  ja- 
mais ,  ou  d'obtenir  la  moindre  grâce  de 
lui.    S*il   avoit  été  mon  Patron ,    & 
qu'il  m*eût  connu  ,    comme  Mr.  Cha- 
millart  me  connoiiToit ,  il  m^aorbit  mieux 
protégé  que  celui-ci  n'a  fait',    malgré . 
toutes  iês  proteftatioos  par  écrit ,    que 
je  conferve  eiïtore,&  qmiie  meferventà 
prefënt  qu'à  me  convaincre,  que  ce  n'eft 
qu'en  Dieu  fèul  que  nous,  devons  fonder 
IH»  efperasices,  puis  qu'il  Ji*y  a  que  lui 
iêut  qui  oe trompe  jamaéj,    i.Safiiaàa 


•  Ecdefiafl.  Cap.  30.  V.  17. 
t  EccUfiaft.  Cap.  T.yei.  ao. 


.--„Googlc 


iiTi        PREFACE. 
amjm/ivit  fM/ùtntem  fuper  dttetn  Prinàpts 
Civitatit. 

J'ai  donné  le  Titre  à  mon  Hiftoîre 
d'Ioquifition  Françoife.  L'Inquifition 
de  Goï  qui  pa0e  {}our  le  Tribunal  le 
plus  inique  qui  foit  2U  Monde  ,  :  n'eft 
rien  en  ■  comparaifon  des  injaftices  qm 
îe  pritiquent  en  la  Baftille.  Ceux  qui 
voudront  confronter  cette  Hiftoire ,  a- 
vec  celle  qui  a  pour  Titre ,  Relation 
de  l'Inquifîtion  de  Goa  ,  imprimée  à 
Paris  chez  Denis  Hortemels  ,  Rue  St. 
Jaques ^  auMecœnas,  i*An  i(S88.  avec 
Pnvilége  du  Roi,  trouveront  qu'il  n'y 
a  pas  de  comparaifon  des  Rigœurs  de 
l'Inquifition  de  Goa  à  celles  de  laBaif- 
tille.  L'Auteur  fe  plaint  d'avoir  été 
deux  Ans  dais  les  Prifons  de  Goa ,  ce 
qui  eft  une  chofe  extraordinaire  ,  puif- 

auede'denx  Ans,  en  deux  Ans,  ou 
e  trcns  Ans  tout  au  plus,  on  fait  Ibr- 
tir  tous  les  Prifaaniers  pour  être  pimis, 
on  ab<bus.  Le  Doïeo  des  Piiibnniers 
de  la  Baflàlle ,  qui  y  étoit  encore  quand  ^ 
f  en  fuis  ibiti ,  8c  qui  s'affile  Mr.  Jean 
Caodel  de  Touif  ,  y  eft  depuis  trente 
Aaa  :  ^oi  qu'au  bout  de  trois  Aos  il 
«t  été  reconnu  Innocent  par  Cz  Partie 
même,  comm*  j&  Tai  dk  d&os ma  Fa- 


PRE  F  A  CE.      xLvir 
npbrafe  en  Sonnets  des  Cantiques  do 

la  ointe  Eo-iture ,  &  comme  jen  ië* 
rai  une  ample  Relation  dans  la  fuitte  de 
cette  HiftoJre. 

j*ai  vu  un  autre  Prifoniiier  en  i?of. 
qui  avoit  été  arrêté  long  temps  avapt 
Mr.  Carde),  dont  je  n'ai  jimais  pu  fça* 
voir  le  nom  :  mais  R.u  le  Porte-Qefseif 
me  reconduilânt  en  tua  Chambre,  de  U 
Sale  où  J'avois  vu  ce  pauvre  infortuné, 
me  dit  gn*il  y  avoit  trente  un  An  qu'il 
étoit  Pnfonnier.     Qjie  Mr.  deSt.  Mars 
Tavoit  vnené  avec  lui  de$  îû&  de  5te. 
Mai^uerite,  oà  il  étoit  condamné  aune 
Prifon  perpétuelle, ,  pour  «voir  fait  é- 
tant  Ecolier  îgé  de  douze  à  treize  Ans 
deux  Vers  contre  les  Jefuites.  Ç'eft  ce 
qui  me  fit  croirequ'il  étoit  P Autheur  de 
ceux  que  je  vais  raporter  qui  furent  affi^ 
chezcontre  la  Porte  des  JcfuttesdeParis» 
à  peu  près  dans  ce  temps  là.  Vonfçtài 
aflez  que  fiir  cette  Forte  ,.  il  y  avoit  au- 
trefois écrit  en  Lettres  d^or  y    eu  gi-os 
arzâéte».     Ceiiegium  Claromtittanftm  Sv- 
càtatù  Jifui.    Les  Jeiùites  prièrent,  le 
Roi  &  fa  Cour,  d'honorer  de  leur  prÇr 
i^ce  ime  Traite  ,  qu'ils,  avoîent  fai- 
te à  la  gloire  de  Sa  Majefléi   .  Jls  la  fi- 
lent ixorefeater  pu  leurs  EûqUcc»  de  la 
*^  The- 


XLvni       PREFACE. 
première  Qualité:  Aâeurs,  AfSbioes, 
Danceui-s ,  &  Danceuiês  ,  Orcheftue  de 
rOpera  ,    Décorations  &  Machines  de 
Théâtre  ,    rien  ni  fut  oublié.     Le  Roi 
en  fut  fort  fatisfàit ,    &  comme  le  Père 
Redcur  du  Collège  reconduîfoit  Sa  Ma- 
jcflé  UD  fevori  loiia  les  Revei'euds  Pères 
de  ta  Société  fiir  le  bon  fitccez  de  h  Piè- 
ce.    Sur  quoi  le  Roi  dît  ;   F«ut-il  s*ea 
étonner?  c'eft  mon  Colége.    Le  Rec- 
teur étoit  trop  habile  Couitîfan  ,  pour 
ne  pas  ptofiter  de  cette  déclaration  favo- 
rable.   Dans  le  même  inftant,  îloivoia 
quérir  des  'Ouvrieis  ;    leur  ordonna  de 
graver  en  grandes  Lettres  d'or  fur  du 
ftiarbre  noir.     CoUegtumLttdavià  Mt^ai. 
&  qu'il    vouloit'  abfolument   que   ce- 
la uit  prêt  pour  le  lendemain  au  ma- 
tin, qu'il  fit  ôter  le  Nom  de  Jtsus 
pour  mettre  celui  de  Loihs  de  le  Grand 
en  la  pface,  ainfi  qu'oa  l'y  voit  encore 
aujourd'lïui.    Un  Ecolier  témoin  du  ze^ 
le  de  ces  Révérends  Feres  fît  ces  deux 
Vers  ,    qu'il  appliqua  le  foir  contre  la 
Porte  du  Collège,  &  en  divers  endroits 
de  Paris,: 

jikpuHt  kim  J  t  -s  u  u ,  ptfuitque  Infignia 

■      ■**2'>-      '       ■ 
hifiaGént:  aliatiniOMCûùtiUaDevm. 
La 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.        xux 

La  Sodété  ne  manqua  pas  de  crier 
tu  Stcrilége  !   Ainremment  que  l*Au- 

•  leur  fut  découvert  j  &  quoi  que  ce  fût 
un  de  leiirs  tendres  Ecoliers  ,  il  fût ,  à 
c'cft  celui-là  que  j'ai  vu ,  à  la  Requête 
des  R.  F-  condamné  à  une  Prifon  perpe^- 
meUC}  &transferéauxlflesdeSte.  Mar- 
guerite en  Provaice ,  pour  cet  effet , 
d^QÛ  St.  Mars  le  ramena  à  la  Badille  a- 
vec  des  précautions  extraordinaires  j  ne 
le  laiflànt  voir  à  Perfonne  par  les  chemins. 
Enfin  cet  infortuné  Poète,  queReilhe, 
qui  nous  en  a  conté  toute  rHiftoire^ 
nous  aflùra  être  un  Homme  de  Qualité  , 
gagna  le  P.  Rlquelet  par  le  bon  endroit. 
Fendant  le  temps  de  fa.  Prilôn ,  il  étoit 
devenu  l'Héritier  de  toute  Ci  Famille  , 
qui  polTedoit  de  grands  biens.  Il  en  fut 
averti  par  lecharitableRlgueletfonCon- 
feÛèur.  Lapluied'or  qui  força  la  Tour 
de  Danaë,  ht  le  même  e^t  fur  celle  de 

,  la  Baftille.  Le  zèle  du  P.Riquelet  fitre- 
montrerauxPeresdetâSociété,  Fcifon- 
nes  fort  definterelîées ,  comme  tout  le 
Monde  le  fçait.  Futile  neceflité  de  met- 
tre dehors  fon  Pénitent  en  toutes  nuf^ié- 
res.  La  Société  pria  le  Roi  de  pardon- 
ner à  un  Seigneur,  dont  la  Famille  al- 
toit  s'éteindre  iâns  fon  fêcours.  Le  Roi 
•  *  *  qui 

...^Xooglc 


L  PREFACE. 

qui  n'avolt  confenti  à  Pemprifonnemer^ 
,de  cçtEqfantqu'àla  confideration  de  ces 
R.  P.  figna  volontiers  fou  élai^iflemept 
à  leur  Requête.  Il  fortit  deux  pu  trois 
Mois  après  tjue  je  l'eu  vu  dans  la  Sale., 
QÙ  par  mepnfe  je  fus  introduit  avec  lui. 
Les  Officiers  m'aïant  vu  entrer,  ils  lui 
firent  promptementtoutnerledos devers 
moi,  ce  qui  m'empêcha  de  le  voir  au  vi- 
lâge.  C*etoit  un  Homme  de  moïenne 
taille,  mais  bien  traverfée,  portant  iês 
cheveux  d*un  crêpé  noir,  Si  fort  épais^ 
4ont  pas  un  n*étoit  encore  mêlé. 

Leîiommé  Fariede  GarlinenBearn, 
a  été  vingt quatreAnnéesentiéiesenfer- 
mé  tant  a  Vincennes  ,  qu'à  la  Baftille 
pour-n'avoir  pas- voulu  abjurer  la  R.R.  Il 
eft  forti  de  ce  dernier  Gouffre  le  Moisde 
Novembre  dernier;  Le  nommé  la  Masy 
eft  enfermé  depuis  l' Année  itfp'. pour a- 
yoir  dit  quelques  véritez  choquantes  à  une 
IJame',  qui  n'étoit  pasindiferenteàMr. 
de  Pontcnartrain ,  pour  lors  Controlleur 
General  des  Finances,  &  depuis  Chan- 
celier. Mr.  de  Brunsfields  Kouakre  An- 
glois,  qui  eft  pour  la  Troifiéme  fois  àla 
Ballille ,  dit  y  avoir  vu  un  Confeillerdu 
Parlement  de  Paris ,  qui  y  a  été  enfer- 
mé pendant  trente  quatre  Ans.  Quand 
il 


PREFACE.  t-t' 
il  en  fortit ,  il  trouva  que  &  Petite  TQ- 
le,  dont  &  Fille  étoit enceinte,  quand 
il  fut  arrêté,  étolt  Àyeule,&par  ce  moien 
l'avoit  fait  Trjfaïeul.  II  ne  connoiflbit 
plus  rien  dans  fa  Famille,  tout  étant  mort 
pendant  la  détention  j  il  ne  connoiflbit 
paslâ  Maifon  même,  à  laquelleonavoit 
^t  quelques  changements.  Le  nommé 
Henry  Francillon  de  St.  Maximin  près 
de  Gienoble  a  été  enfermé  dansce  Cloa- 
que pendant  dix  huit  àdixneufAns,pour 
h  Religion  ,  &  y  eft  refté  encore  dix 
Ans  après  avoir  fait  abjuration.,  preuve 
évidente  de  k  Piété  &  du  zèle  de  Bernai 
ville  &  du  Fidelle  P.  Riquelet.  Entre 
feize  Prifonniers  que  nous  étions  dans  la 
Tour  du  Coin  ,  nous  formions  plus  de 
Cent  cinquante  Années  de  Prifon. 

Si-tôt  que  Ton  s*accu(ë  de  fon  péch£ 
commis  ou  imputé,  &  qu'on  en  marque 
ton  lepentir  aux  Juges  de  Tlnquifitionde 
Portugal ,  on  eft  aflûré  d'être  élargi  : 
nuis  vous  avez  beau  TousaccuieràlaBàA 
tille,  on  ne  vous  écoute  pas.  Des  fëize 
f  jîlônniers  que  je  viens  de  citer ,  il  n'y  en 
avoit  que  deux  qui  fe  confeflallètit  cnmi- 
nelsi  les  quatorze  autres proteftoient fur 
ce  qu'ils  avoient  de  plus  lacré,  qu*ils  ne 
Icavoient  pas  feulement  de  quoi  on  les  ac- 


.--„Googlc 


ui  PREFACE. 

cu^it.  J^tù  vu  peudePrifonniersCrHtii- 
QcIs  à  la  Ba^le  i  &  une  ioânité  d'inno- 
cents,  mais  plufieurs  d'une  ionocence a- 
verée. 

Tel  étoit  Mr.  Delfino  Geatil-Homœe 
Génois  Secrétaire  de  Mr.  le  Comte  de 
Walftein  ,  dont  tout  le  crime  étoit  d'a- 
voir été  pris avecce Seigneur furunVait 
feau  Portu^is ,  pardesArmateursFi'an- 
çois ,  lorfqu'ii  revenoit  de  fon  Ambaiîi- 
de  de  Portugal  où  S.  M.  I.  Tavoit  envoie. 
Quoique  ce  Secrétaire  fût  d'un  rare  me- 
rjte,  &  d*une  douceui' achevée,  il  a  été 
traitté  par  lesOffîciersdelaEaflilled'une 
£iÇon  barbare,  Qu»  poufTélafurçurjur- 
qu'à  tiier  devant  lui,  .contre  le  mur,  un 
petit  chien  qu'il  avoît ,  qui  n'étoit  pas 
plus  gros  qu  un  Rat  &  foit  mignon ,  & 
après  lui  en  avoir  fj-otté  le  nez  ,  on  le 
traina  dans  le  Cachot ,  où  on  lui  donna 
tout  le  tçmps  de  rÊgrctter  les  plaintes 
qu^tl  avoit  faites  de  la  mauvaifë  nourriti}- 
re  :  &  fcs  Bourreaux  ont  abîmé  fâ  lanté 
pendant  neuf  ou  dix  Années  qu'ils  l'ont 
outragé  daps  cet  Abyme  contre  le  droit 
des  Gens. 

Tel  eft  un  Charles  Frédéric  JanJçon  de 
Montdevis,  Fils  de  l'IntendantdeMr.le 
Marêchîd  de  Schombei^,  qu'iJsfontgç- 


.--„Googlc 


PREFACE.  un 
mir  dans  ce  Tombein  ,  depuis  lêpt  on 
huit  Ans,  pour  avoir  euJatendreuèd'é- 
crire  à  Mr.  fon  Frere,  qui  s'eft  établi  en 
Hollande  proche  de  GraTe  ,  &  l'avoif 
prié  de  IVâifter  de  quelque  cholë,  parce 
qu'il  étoit  chargé  d'une  nombreufe  Fa- 
mille. Sa  Femme ,  qu'il  aimoit  tendre- 
ment cil  morte ,  dans  un  eipèce  de  de- 
refpoir,  de  voir  fcHi' Mari  Prilbonicr,  & 
deux  de  Tes  Enfants  ,  qui  font  morts 
auflî  de  douIeu^  &  de  nnfere  r  ce  que  ce 
pauvre  Efclave  ignore,  &  qif  il  ignorera 
apar^mtnent  long-temps. 

Tels  font  un  Mr.DeodatideGenéve, 
&  un  PierreBont  de  Manheim ,  dont  on 
peut  voir  PHiftoue  dans  la  Prc&ce  de 
mes  Cantiques  de  l'Ecriture  Ste.  Para- 
phrafez  eu  Sonnets,  de  Plinpreffion  de 
Mr.  Eftienoe  Roger  à  Amsterdam. 

Tel  eft  le  Sieur  Pierre  Guenon  jeune 
C^rçon  de  Beurdeaux,  Fils  de  Mr.  de 
Baubuiflbn  Porte -Arquebufe  du  Roi 
Guillaume,  accufé  parieSr.  Menard  Tail- 
leur d'habite  de  Paris  fon  Hôte,  de  vou- 
loir pafler  dans  lesPaïs-Etrangers,  par- 
ce qu'il  avoitfoubconnéce  jeune  Homme 
de  quelque  galanterie  aveciâ Fille,  qu'il 
lui  vouloit  faire  époufer  malgré  lui 
Tel  étoit  le  nommé  Vincent  Béguin 
***  3  un 

u,:,-,zf--„GoOglc 


tiT  P  R  E  F  A  C  E. 
un  des  Bedeaux  de  Ste.  Geneviève  de 
Paris,  accufé  de  vendre  des  Livres  def- 
feodus ,  par  un  Saveticj-  fon  Voifîn ,  qui 
Touloît  faire  avoir  à  fon  Fils  la  place  de 
Bedeau  de  ce  pauvre  Homme ,  qu'il  fit 
pour  cet  efîet  mettre  à  la  Baftille  par  le 
Voraced'Argenfon  1  &  telle  eft  enfin  une 
multitude  prodigieufe  d'autres  Victimes 
Innocentes  ,  dont  on  pourroit  faire  ua 
volume  plus  groa  que  Calepin  j  que  l'A- 
TOrice  tient  à  la  chaîne  iâns  aucunemife- 
ricorde, 

^uaod  à  k  nourriture  i  le  Pri&tuiiec. 
de  Goa  avoue  que  leurs  Inquifiteurs  ont 
foin  de  les  bien  nourrir ,  qu'on  leur  lërt 
trois  repas  par  jour.  Ils  ontlematinàfix- 
Heures  un  petit  pain  de  trois  onces-,  avec 
dupoitTon  frit,  des  fruits  ou  une faucif^ 
le  :  à  dix  heures  du  matin ,  de  la  viande 
oudupoiflbn,  unplatderis,  &quelque 
ragoût  3  &  au  foupe  furies  quatre  heures 
du  foir,.  on  leur  apporte  encore  un  pain, 
du  poiflbn  frit,  un  plat  de  ri»,  &  un  ra- 
goût de  poiiTôn  ou  d'œufs..  Etles  Inqui- 
fiteurs de  la  Baftille  ne  donnent  à  leurs 
Pigeonneaux,  avec  le  pain  &  de  très 
mauvais  vin ,  qui  fouvent  n'en  a  que  le 
nom ,  que  trois  ou  quatre  onces  de  mé- 
chante vache,  que  BemaviUe  achette , 
rIut 


P'  R  E  F  A  C  E.  Lv 

plutôt  de  l'Ecorcheur  que  du  Boucher. 
Aux jourstnaigres  des  haricots,  des  len- 
tilles ,  des  fèves  y  ou  des  poix  cuils  à  l'eau 
&  au  ïël.  Et  fî  vous  êtes  aflèz  témérai- 
re ,-  que  d'en  faire  la  moindre  plainte , 
vous  êtes  plongé  iâns  remiflion  au  Ca- 
chot ,  au  pain  &  à  l'eau ,  fi  long-temps , 
que  vous  avez  le  loifir  de  r^retter  la 
charogne  qui  vous  avoit  fait  poufler  des 
foupirs. 

A  Goa  on  laiflelaPortedes Chambres 
des  Frifonniers  ouverte  depuis  fix  heures 
du  matin  ju(qu'à  onze,  afin  que  le  vent  ■ 
y  entre  &  que  l'air  de  la  Chambre  foit  - 
purifié:  àlaEaftille,  fi  un  Porte-Clefs 
avOit  la  témérité  de  laiflèr  la  porte  d'un 
Prifonnier  ouverte  pendant  un  demy- 
quart  d'heure,  quoiqu'il  fût  impoflîble 
à  ce  pauvre  Reclus  de  fortir ,  l'efcalier  é- 
tant  fermé  de  trois  ou  quatre  portes  é- 
paiflès  d'un  grand  demi-pied  chacune,  & 
couvertes  pour  laplupartdelamesdefer,' 
il  feroit  chaflé  lâns  mifericorde.  J'ai  vu 
mourir  Mr.  Hugues  d'Hamilton  Gentil- 
Homme  Ecoflbis  d'un  mérite  diftingué, 
&  dont  les  vertus  merîtolent  un  meilleur 
fort ,  faute  d'un  peu  d'air.  Le  Médecin 
difoit  hautement,  que  fi  on  vouloit  ac- 
corder deux  heures  par  jourdepromena- 
^*»  4  de 


iTi        PREFACE. 

de  dans  la  Copr  à  ce  Moribond  il  repon- 
droit  de  fa  vie  i  mais  Bernaville  aînia 
mieux  le  laiflèr  crever.que  de  lui  accor- 
der cette  grâce ,  quoique  de  fon  avœu, 
&  celui  de  Corbé  ^  ce  pauvre  Homme  , 

Ïui  a  langui  près  de  quatre  Ans ,  fût  très 
nnoceut.  Bernaville  a  fait  murer  tous 
les  Créneaux  des  Cachots ,  pour  les  ren- 
dre plus  affreux  &  p]  us  redoutables  à  ceux 
qui  oient  fc  plaindre  de  la  mauvaife  nour- 
riture. J*ai  été  pendant  trente  neuf  jours 
dans  celui  de  la  Tour  du  Coin ,  &  treize 
jours  dans  celui  de  la  Tour  de  la  Liberté, 
fans  paille ,  couché  fur  le  liuion  &  la  ba- 
ve des  Crapaux  ,  fans  voir  d'autre  lu- 
mière que  celle  d'un  flambeau  de  poix- 
i-aifîne,que  la  France,  Porte-Clefs,  avoit 
ia  malice  de  venir  mettre  fous  mon  nez, 
parce  qu'il  voioit  que  fa  fumée  m'étoit 
infuportable ,  dans  un  lieu,,  oùjen'avois 
aucun  air ,  &  où  l'on  avoit  crevé  les  re- 
traits dont  l'ordure  Si  la  puanttur  m'ont 
mis  au  pitoïable  état  où  je  fuis;  car  ce  fut 
Uqueje  perdis  mes  dents,quej'avois très 
feinesj  &  d'où  je  fuis  forti,  aïant  la  tê- 
te enflée  &  mole ,  les  yeux  prefquehora 
de  la  Tête,  le  nez  gros  comme  un  moien 
concombre ,  &  la  peau  percée  en  plu- 
fieurs  eudçoits.  l\  fillut  m*emporter  à 
qua,- 

u,:,-,z'f.--„GoOglc 


PREFACE.  tvi'i 
quatre  de  ce  lieu-  d'horreur,  où  il  y  a- 
voit  cinq  jours  que  je  envois  pris  aucun 
nounîture,  unegrofie  fièvre  que  j'avois 
s'étsat  tournée  en  continue  depuis  cinq. 
oulix  jours.  Le  Médecin  dit  qu'il  falloit 
que  j'eulîè,  comme  le  Fils  de  Ferrxwiia. 
trois  âmes  cramponnées  dans  le  corps. 

L'Inquifiteur  à  Goa ,  accom[ngn£ 
d'un  Secrétaire  &  d'un  Interprettej  vi-- . 
lltc  tous  les  Pcifoonierstous  lesdcux  Mois». 
pour  leur  demander  fi  ils  ont  befoin  de^ 
quelque  choie,  fi  on  leur  apoite  à  man- 
ger aux  heures  prefcrites,  &  s'ils  n'ont 
point  quelques  plaintes  à  faire  contre  leS' 
Officiers  qui  les  approchent!  Et  jamais^ 
on  ne  voit  là.qued'Argenroii,.  qui  a  été- 
quelques  fisis  jufqu'à  trois  Ansfaos  vifi- 
tet  les  Prifonniers.  Et  fi  quelqu'un  eft- 
aâ'és  hardi  que  de  lui  faire  une  plainte^  il- 
cft  aflbié  que  le  refaltat  de  cette  plùnte 
c'eft  le  Cachot.  Pendant  les  dernières 
Années  de  ma  Prifon,  d'Argenlbnavoit. 
pris'la  coutume  de  monter  une  foisl'Àa- 
née  dans  les  Chambres. des  Prifonniers,. 
oii  il  tachoit  de  ks  furprendre  ,  lâns  les- 
en  &ire.avertir:  il  y  entroitbnifouement: 
avec  Bemaville  &  toute  fa  Séquelle.  Il  ire-- 
gxrdoit  les  Prifonniers  les  uns  ^rès  IeS' 
autres  j  &  fi  quelqu'un  lui  fùfôit  unede- 
*■*•  j;  mac— 

,  ...^Xooglc 


ivin  F  R  E  F  A  CE: 
taaodé,  fam  lui  fstire  de  r^nfe,  H  fé 
tQurnoit  promptement  wrs  l'autre ,  & 
après  leur  avoir  à  tous  recommandé  la 
patience  ,  ûia  leur  donner  la  moindre 
conlblatiod ,  il  fortoit  au  plus  vite  :  û  bien: 
qu'en  moins  de  deux  ou  trois  heures  il  a- 
voit  vifité  toute  la  Baftille.  Etcelas'ap-, 
pelloit;  la  Vifîtede  Mr.  d'Argenfon,  dont 
•on  amufoit  les  pauvres  PrilÔnaiers,  com-v 
me  fi  leur  Liberté  eûfle  du  être  au  bout 
£n  onze  Ans  deux  Moi»  que  fai  été  dans. 
QE  cruel  Labyrinte ,  je  n^  ai  pas  vu  une 
feule  foisMr.leComtedcPontchartrainf 
dont  l'œil  vm]anL&  pénétrant,  &  la  prur 
dencefî  confommée,  &  fi  généralement 
connue  yferoienttrèsnécefîairespourte- 
DÏrles  Officiers dansiaci'ainte,  le  refpcÙy 
&  le  devoir  3  il  n'y  eft  venu  qui  que  ce 
foitdefapartj&je  n'ai  paseucfxmoilTan- 
cie  qu'aucun  de^esCkincaptifs  l'ait.vû. 

On  rend  exadïement  ce  que  l'on  apris 
aux  FftfouniersdansriticiuintiondeGoa,  , 
I^es  Inqmfîteurs  de  la  Baftille  font  feur 
profit  de  tout  ce  qu'ils  peuvent  arracher. 
a'IeursmaUieureufesvidimes.  Aprèsm'a- 
voir  fait  figncr  qu'il»  m'avoient  toutren- 
du ,  ils  me  pillèrent  jufqu'à  la  chemilè. 
JVvois  une  chemifttte  de  flanelle  qu'il  7 
ayoithuit  Ansqjuejepot^oisj  Us  eurent 
i'in-.' 

u,:,-,zf--„GQOglc 


PR.  EF  A  C  ET.        iix 

l'inhumanité  de  m*endepouiUêr  en  for- ; 
tant.    Ils  m'ont  retenu  l'argent  que  fa" 
vois  en  entnuit  d'une  manière  odieufe , 
comme  on  le  verra  dans  le  corps  de  cet- 
te Hiftoire  ;   ce  que  favois  de  bijoux  ^  ■ 
comme  mon  diamant  j  une  tabatière  au  ^ 
moins  de  douze  Louis ,  de  très  bcaulin- 
ge  ,  de  fort  belles  dentelles.  J'ai  perdu  '■ 
deux  Coffres  &  une  valifé  pleine  de  har- 
des,  de  très  beaux  habits  î  mes  papiers, . 
ÔCquatoi-ze  ouquinze  mille  livres  cl'obli- 
gations  &  d'effets;  mesLivresi  mesAr- - 
mes  très  belles  &  très  rares ,  particuliè- 
rement une  épée  dont  j'avoisrefufé  vingt - 
piftoles  de  Mr.  Mahoni,  quatre  jours  a-  - 
vant  que  d'être  arrêté  &  dont  je  voulois  ■ 
faire  un  prefentà  Mr.  ChamillartleFils, . 
en  lui  prefentant  Sept  Tomesd'unLJvre  ; 
que  i'aVois  dédié  à  Mr.  fon  Père.     Le  ' 
nommé  Pierre  Pigeon  eft  afluellèmentà 
la  Haye.  BcrnaviTle  à  la  foitie  de  cet  in- 
fortuné, qui  étoit  Prîfonnier'depuis  trei- 
ze Ans ,   pour  avoir  conduit  des  Refu-  - 
giez  en  Hollande,  luiarrachafesculottes 
que  le  Roi  lui  avoitdonnéesdepiuslîxou  ' 
icpt.  Ans,  &  le  laiffa  avec  celles  qu'il  a- 
Tolt' quand  il  entra  dans  la  Bastille,  dont' 
il  n'y  avoît  plus  un  feul  morceau  de  leur  ■' 
première  inf^itution.    Peut-on  pouffer  :' 


.--„Googlc  — 


IX        PREFACE. 
plus  loin  la.  rage  &  Tavarice  î 

Enân  qu'oa  compare  l'Inquifîtlon  de 
Goa ,  i.  celle  de  la  Baftille ,  où  la  pudï- 
cité  des  Femmes  &  des  Filles  eftcruelle- 
mcDt  expofèeauxdemi£resépreuveâ,  Se 
l'on  verra  Qii''on  commet-  à  la  Baftille  des. 
injuftices  pfus  criantes  cent  fois  qu'à  Goa. 

Je  dis  quel'honneurdesFemmes&des- 
FUIes  ycourtdetrèsgrandsdangers;  jjar- 
ce  qu'elles  ne  voient  que  des  Hommes  j 
&  des  Hommes  inhumains  &  corrompus. 
Les  deux  Exemples  que  je  vais  raporter 
en  feront  foi. 

J'étois  dans  la  Seconde  Chambre  delà 
Tour  du  Gôln  avec  les  nommez.  Jean 
Bonneau  Médecin  d'^AubulTon ,  Mathias- 
duWal  Pilote  Irlandois,  &  Samuel  Gcin- 
galetduVillagede  Verni  au  PaïsdeGeix;- 
lorfque  le  lo,  Aouft  lyos- jour  au  quel 
PEglife  Romaine  célèbre  la  Fête  de  St. 
Laurent  Martyr ,  B,n"  entra  dans  nôtre 
Chambre  en  ctiemifê  &  en  Caleçons  qui 
étoient  enfatiglantez  de  tous  cotez.  Il  pa- 
roiflbit  tout  épouvanté  i  &  comme  en  ce 
temps  la  il  nous  difoit  tout ,  &  que  les 
Porte-Clefs  ne  fàifoiènt  pas  les  Myfté- 
xieux,  comme  ils  ont  fait  depuis^  nous 
lui  demandâmes  ce  qu'il  avoit.^  &  voici 
oe  (gi'il  nous  dit.  Corbé  vjentd'exercer,. 
dit^ 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.  m 
dit-il ,  une  cruelle  veDgeaoce  fûrane  Pri- 
îoométe  que  je  lèrs  :  âe  eft  {lutant  ver- 
tueulë  qu'elle  efl:  belle.  Il  y  a  plus  d'un 
An  que  cefcelerst  la  pourfiiit,  lànsen 
pouvoir  venir  à  bout.  Il  y  a  plus  de  fîx 
Mois  que  la  rage  lui  afattreti'aiicherplus 
de  la  moitié  de  l'ordinaire  de  cette  inno- 
cente Damoi(ëUe  >  ce  qu'elle  a  {buffeit  t- 
vec  une  patience  angelique ,  fans  en  avoir 
pouflé  un  foupir.  Centfoisilm'aordon- 
t^  de  la  malti-aitterpouravoirun  prétex- 
te de  la  mettre  au  Cachot  :  mais  j'ai  fait 
tout  le  contraire  ,  f^achuit  la  raifon  qui 
lui  &it  haie  cette  vertueufe  Fille.  Cema- 
lÏD  f  ai  conduit  ma  Prifonniére  à  la  Mef> 
&,  :  Ccrbé  m'a  fait  lainèr  mes  clefs  à  fa 
porte  ,  ibus  prétexte  d'aller  vifîter  la 
Chambre  de  cette  Demo^elle  ;  où  il  a 
mené  la  France  mon  Camarade,  autre- 
fois *  -?qiiai?  ,  &  à  prefent  ame  damnée 
de  Corbé.  Ils  ont  fait  eux  mêmes  un  ' 
trou  à  fon  plancher  ,  fie  m'aïantfait  al- 
lerulleurs)  ilsl'ontreconduitedelaMef- 
fe  à  la.  Chambre  -,  où  ils  ont  limulé  de 
découvrir  le  trou  de  communication, 

Îju'ils  feignoient  qu'elle  avoit  avec  les  Pri- 
onniejs  fes  Voifin».  Ils  Pont  voulu  me- 
ner au  Cachot.  Je  fuis  arrivé  dai&le  temps 
q}ie  la  France ,.  la  trdnant  par  les  pi«^ 


.-„Goo.jk- 


txii        PREFACE, 
dans  l'efcalier,  luienfaifoitcomptcrtou- 
tes  les  marches  avec  le  derrière  de  fa  tê- 
te, &  decouvroit  à  fon  in&me  Bouc  de 
Maître  l'objet  de  fâ  fureur ,  que  la  pudeur 
leur  devoit  faire  du  moins  recouvrir  à  mon 
abord.  Je  lui  ai  moi-même  rabattu  les 
juppes,  &  j'ai  jette  le  Porte-Clefs  la  Fran- 
ce du  bautenbasdesmontées;  &ma]gré 
Corbé  j'ai  remporté  maPriibnniéreffens 
Gl  Chambre  :  elle  étoit  évanouie  &  toute 
couverte  de  fon  ftng.  J'ai  appelle  l'Ecu- 
yer  C^itaine  des  Portes ,  ,quj  a  été  ou^ 
tréaum  bien  que  moi  decetteaétionnoi- 
re  &  infâme.  Nousavons  été  tous  les  deux . 
en  faire  nôtre  raport  à  Mr.  de  St  Mars, 
qui  veut  abfolument  oue  la  France  ibit 
mis  au-  Cachot  &  après  chaffé  ;   &  il  a, 
de^ndu  à  Corbé  de  retourner  dans  la 
Chambre  de  cette  pauvre  Demoifelle , . 
du  fuig  de  laquelle  vous  me  volez  tout 
couvert.    Mais  bien  loin  que  cela  ait  é6S  . 
exécuté  voici  le  refultat  de  cette  aflàire; 
La  France  ne  fût  pas  au  Cachot,  au  con- 
traire ,    il  poffeda  mieux  que  jamais  les 
bonnes  grâces^  fon  Maître ,  quifevcn- 
gea  fur  l'Bcuyer  Capitaine  des  Fortes ,  . 
qn*il  fitdiafler  delaBaftilIc,  après tren- 
tequatre  Ans^JefervicerendusàSt.Mars  - 
Oacted«  Corbé^  ,N*en  pouvant  faire  au- 
-  tant  1 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.  Lxm 
tint  i  Ru  ,  H  le  fit  changer  de  Tour  ;*  Se 
periëcuta.  fi  craellement  la  pauvre  Dc- 
nioiiëlle,  que  l'aiant  enfcnnée  dans  nô- 
tre Tour,  dans  un  Pourpoint  de  pierre 
large  de  Gx  à  (ëpt  pieds  entoi]sl!ëns,  qui 
étoit  à  câté  de  nôtre  Chambre ,  la  -pau- 
vre malheureufe  s'y  étrangla ,  quelques 
Années  après  y  de  fes  propres  mains  , 
pour  &  délivrer  de  celles  de  lêsBourreaux. 
lln'yavoitquedeuxjours,  qucBertrand 
Clerc  de  Procureur ,  lui  avoit  parlé , 
pbtu-  lui  ofirir  de  nôtre  part  tous  lés  iè- 
cours  que  nous  pouvions  lui  donner  dans 
fiHi  Cachot. 

L.*autre  exemple  n*eft  pa*  moins  ter- 
rible, he  nommé  Odricot  &  6  Femme 
Fille  de  ta  Veuve  Lailly  Irlandois  furent 
tous  trois  mis  à  la  Baftille  en  1701.  pour 
des  raifens  que  je  déduirai  dans  la  fuite  de 
^tte  Hiftoire.  La  Femme  d'Odricot  é- 
toit  fort  jolie  i  ce  qui  fît  que  l'Abbé  Gi- 
mut  &  Corbé  cmploierent  leur  fçavoir 
fiâre  à  la  corrompre.  Il  y  parut  bien  tôt: 
Bu  lui  fêrvit  de  Matrone  a  Tes  premières 
couches  qui  fê  firent  à  la  Baftille.  Mais 
comme  elle  ne  pouvoit  décider ,  encoa- 
&îeBce,  qui  étoit  le  Père  de fôn Enfant,' 
ou  de  l*Abbé,  ou  de  Corbé;  celai  d 
vpulut  lui  faire  tu^autrc  Eoiànt,  dont  H 
pût 

,.-„.Xooylc 


Lxiv  PREFACE. 
pût  être  certain  d'être  Pei-e.  Il  prit  de- 
juftes  mefures  pour  s'en  aflurer ,  &  em- 
pêcher rAumônier  de  la  voir  davantage, 
qui  s'en  confola  avec  d'autres  Prifonnié- 
res,  Si  des  Religieufes  dont  il  étoit  l'A- 
donis d'Egypte.  La  Femme  d'Odricot 
4evint  encore  grofle.  Corbé  la  fit  fortir 
delaBaftille,  &  fut  le  Perc  &  le  Parain. 
de  l'Enfant,  qu'il  nomma  avec  une  Fil- 
le de  Mr.  de  St.  Mars ,  que  fon  Pcre  a- 
voît  deshcritée,  &  qu'ii  ne  vouloit  pas 
voir,"  à  caufê  qu'elle  avoit  eu  elle  même 
un  Enfant  de  Mr.  Mole  CapilaiDC  aux 
Gardes;  aînfi  que  nousl'affir  ma  Bertrand.. 
Odricot  Mari ,  de  cette  malheureule 
Corrompue,  qu'il  n' avoit  jamais  pu  o]> 
tenir  la  liberté  de  voir  depuis  fonemprî- 
fonnemcnt ,  le  fcut ,  entra  dans  des  fu^ 
reurs  terribles ,  &  jura  de  s'en  vengerfur. 
Giraut  &  Corbé.  Pour  l'empêcher  d'en, 
ajler  porter  là  plainte  à  la  Cour ,  &  de. 
joiiir  du  Bénéfice  de  la  Paix  que  la  Fran- 
ce a  faite  avec  l'Angleterre  j.  fes  Bour;- 
rcaux  pour  mettre  le  comble  à  leurs  cri- 
mes, l'oHt  fait  transférer  à Bicêftre,  où, 
fans  un  miracle  du  Ciel,  ou  de  quelque, 
bon  Prince  en  fa  faveur  il  eftpourkref- 
te  de  fes  jom"s.  II  eftCocu,  Battu,  car 
ils  l'ont  roué  de  coups,  mais  je  fuis  très, 
perr- 


PREFACE.  riv 
peribadé.  qu'il  n*eft  pas  Content. 

C'eftcependant  ce  mêmcCorbé,  qaî 
bien  loin  d'étrecoucbé  furuneroiiepour 
punition  de  fes  crimes ,  a  été  couché  fur 
.^tat  pour  recompenië  de  fes  fcrvites 
importants  :  on  lui  donne  une  Penfîon 
confîderable ,  &  on  lui  avoit  promis  de 
le  fiiire  Chevalier  de  St.  Louis  ;  mais  je 
doute  fort  que  S.  M.  lui  aaairde  cette 
grâce ,  fi  jamais  ellejcttc  les  yeux  for  cet- 
te Hiftoire. 

Les  fins  qui  me  l'ont  fait  compolér , 
font  pour  informer  le  Roi  &  Tes  Miniftres 
des  crimes  qui  fe  commettent  dans  cette 
CaTeme  de  Voleurs ,  à  i'inlçu,  &  ce- 
pendant fous  l'autorité  de  S.  M.  pref^ue 
ibusiêsyeux;  puiÂ]uec'eft  dans  fa  Ville 
Capitale  }  dans  un  Château  Ro'isl ,  la 
Priibn  des  Princes  &  de  la  NoWefle  de 
France,  aujourd'hui  une  Caverne  à  Vfr; 
leurs,  oùd'Argenfon&Bemavilleexer- 
cent  le  métier  de  Polyphême.  Je  fuis  très 
perTuadé  que  l'on  prendra  toutes  les  pré- 
cautions néceflaires  pour  empêcher  que 
cette  Hiftoir'e  ne  vienne  à  la  connoiûan- 
ceduRot.  Mais  peut-être  que  ce  Grand 
Prince  fur  qvi  toute  TEùropc  a  les  ycnx 
ouverts,  &  qui  fait  l'admiration  de  fcs 
Amis  &  de  £(»  Ennemis  j  de  qui  tout  le 
Mon- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


ixvi  PREFACE. 
Monde  aïtend  de  fî  grandes  choies  :  ce 
Sçfivant,  ce  Curieux  qui  lit  tout  jusqu'à 
Fmchefae;  ceCatonàquinean'échape,' 
poum  lire  ces  véritez  que  f  écris.  JLe 
co£ur  juile  &  droit  de  ce  Héros  eft  hia^ 
cellible  aux  Cabales  de  ces  Sangfues  du 
Peuple,  qui  lëmblent  n'être  admis  dans 
les  grandes  Charges  que  pour  le  renvei'- 
ftraent  des  Lois ,  &  la  deftruftioa  des 
Roîuimes;  fie  je  croi  leur  châtiment  io' 
dabitablc  s*il  vérifie  les  faits  conltaotsde 
cette  Hiftoire.  Comme  il  a  hérité  du 
Frince  fon  Père  de  Tamour  des  Péaplesy 
tuant  que  de  Ca.  valeur;  fefpere  qu^l  Ce 
déclarera  hautement  le  Proteââur  &  le 
Vengeur  des  innocents  ;  fur  tout  de  ceux 
qui  gemilTent  depuis  fi  long- temps  dans 
ce  lieu  de  defefpoir  &  d'horreur.  Peut- 
être  que  Madame  Belle  Soeur  du  H-oi,  u- 
nc  des  plus  vertueufës  Pr!nceflcsdel*Eu- 
rope  j  &  la  Charité  même  dans  tout  fon 
liiftre,  abai0era  les  yeux  fur  cette  Hif- 
toirej  qui  Pattendrira  ad'és  pouren  faire 
fon  rapqrtau  Roi.  Peut-être  que  Mr. 
Voilîn,  en  qui  le  Roi  a  trouvé  un  méri- 
te fi  diftingué,  qu'il  l'a  honoré  desdeux 
phis  éminentes,&  importantes chargesde 
fon  Royaume,  de  Chef  de  fajuftice  & 
de' fes  Armées ,  &  qui  fait  honneur  à  tou* 


■oylc 


PREFACE.  ixvn 
tes  les  deux ,  ce  Chancelier  équitable , 
ce  Mimftre  vigilant,  voudra  bien  iê  don- 
ner la  peine  d'approfondir  les  tcniblcsvé- 
nte£  que  je  raporte  ici ,  non  pas  pour 
me  venger  de  mes  Ennemis,  à  Dieu  ne 
plaHê ,  je  le  prie  très  ardemment  pour 
leur  coQverHon,  mais  pour  exciter  les 
Proteâeurs  de  la  France  à  fouiner  de 
nuUieurei^ës  viâimea,  ^  gemiffent  dans 
les  ièrs ,  où  f ai  ftmptré  poidant  plos 
d'onze  Ans  uns  enrçavotriacaufe.  Sans 
.  doute  que  Mr.  de'  Toicy  dont  jejnùs  Ai- 
re PËloge  y  fans  crainte  de  [nficr  powt 
fiàteor,  piufqne  m'aiaot  détenu  £  loo^ 
temps  Pnfbnnier,  j'ofe  matera  Faccabio* 
ment  où  j^  été  roluit ,  soutenir  qu'il 
iîit  l^tcfaiiration  ,  non  feulement  des 
François ,  mais  univerfellemcnt  de  tous 
les  Etrangers ,  &  des  Nationsles  plus  é- 
lo^ées  qui  ont  le  bonheur  de  traitter»- 
veclui,  8î  qui  viennent  desconfinsdela 
Terre  à  Verfailles  pour  rendre  Homma- 
ge à  fon  Maître  &  à  lui  j  fans  doute  dis- 
je  qu*il  voudra  bien  prendre  la  defiénfe 
de  pauvres  affligez  qui  font  H  prèsdelui, 
lui  qui  protège  avec  tant  d'éclat  les  Peu- 
ples les  plus  éloignez.  J'écris  dans  un 
Païs  libre  ou  l'intérêt  ni  lacnùnte  nepeu- 
vent plusrienfui'moncœur,  oû[:riut-à- 
Dieu 

u,:,-,zf--„GoOglc 


il^iii  PREFACE. 
Dieu  qu'il  eût  été  mieus  écouté ,  quanil  | 
il  y  eft  venu  pour  réconcilier  (on  MaStre 
avec  les  Anciens  &  fidelles  Amis  !  Ce 
Sage  &  Habile  Miniftre  &  les  autres  que 
k  Roi  admet  dans  fon  Conreil  peuvent 
examiner  les  faits  que  je  raporte  ,  &  s'il 
s'en  trouve  un.  feul  faux ,  je  ctmfcns  de 
paflèr pourCalomniateurt  ficcommet^l  . 
d'être  banni,  non  feulement  des  Cours 
de  tous  les  Souverrains,  qui  me  doivent 
partantd'endroitsleurProtcâicHii  mais 
même  de  la  Société  de  tout  le  Genre 
Humain.  Je  fuis  d'une  Famille  très  An- 
cienne de  l'Anjou»  &quis'eft  étendit 
dans  la  Bretagne ,  &  la  Gtiienne  ,  oâ 
mes  Parents  poffédent  aituellement  les 
Premières  Charges  deces  Provinces.  J*ai 
été  élevé  à  Caën  ,  où  la  mémoire  de 
mon  Père  eft  encore  très  precieufe ,  & 
où  i]  s'eft  actjuitté  de  les  chai-ges  avec 
honneur  &  diftinftion.  Je  (îi-s  le  Cadet 
&  le  feul  qui  refte  de  douze  Frères  qui 
tous  avons  répandu  nôtre  faug  pour  le 
Roi  i  fept  deiquels  ont  été  tuez  à  fbn 
fervice.  Voudroïs-je  raporter  des  faufle- 
tez,  quand  j'ai  tant  de  véritez  à  dire, 
que  je  n'en  pouraï  jamais  écrire  le  quart, 
ijuelquc  précaution  que  je  prenne  à  faire  , 
une  relation  fidelle  ?  Q,u'on  interroge 
tous 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.  «« 
-tous  les  PnfbDoiers  qui  ibot  ibrtJs  de 
k'  BafliUe  &  reftez  ea  France  i  qu'on 
s'iofonne  de  tous  les  Etrangers  qm  ont 
été  de  mon  temps  dans  cet  Enfer,  &  â 
tous  ne  tombent  pas  d'ftccoi:d  des  ùits 
que  je  raporte ,  je  veux  bien  pafTerpour 
«nimpofteur,  querondoitchaflercom- 
me  un  Perturbateur  du  repos  public.  Je 
ne  raporte  que  des  faks  qui  me  font  ar- 
rivez j  que  j'ai  vu ,  ou  qui  m'ont  été  ra- 
portez  par  des  Témoins  oculaires  Se  fi- 
delles }  ou  la  plupart  desquels  j'ai  par  é- 
crit  de  la  main  de  Gens  d'une  probité 
dont  je  prairrois  répondre ,  comme  de  la 
mienncï. 

l\  n'y  4  que  la  manière  d'écrire  &  de 
raconter  ces  faits,  que  l'on  peirtrepren- 
dre ,  &  qui  certainement  eft  dans  laTt- 
gueur  digne  de  cenfure.  Elle  eft  fi  négli- 
gée à  la  vérité  ,  que  je  n'ai  pas  eu  le 
temps  même  de  relire  mes  eflàis ,  la  fci- 
tuatiiMi  où  je  fuis  ne  me  le  permettant 
pas.  Lorique  je  ferai  plus  tranquille ,  je 
puis  alfurer  le  Public  ,  que  je  lui  donoe- 
lai  quelque  chofê  d«  plus  digéré ,  &  une 
narration  plus  Uniée  j  mais  l'ardeur  que 
j'ai  de  foulager ,  s'il  eft  poffible  mes  in- 
^Mtunez  Concaptifs,  m'a  fait  hazarder 
ce  Premier  Tome ,  qui  fera  immédiate- 
ment 


LXi       PREFACE. 
ment  Tuivi  de  ptufieurs  autres.   En  drai- 
nant le  Titre  d'Inquiâtioa  Françoîfe  à 
mon  Hiftoire ,  je  ne  pretens  pas  met- 
tre une  tache  liir  le  front  de  ma  Nation , 
une  des  mieux  policée ,  &  une  des  plus 
civile  de  rEurope^encore  moins  quePé- 
ckt  en  rejaliûe  fur  S.  M.  un  des  plus 
Grands,&  des  plus  auguftes  Rois  de  laTer- 
re ,  pour  lequel  je  conferveraî  de  la  vé- 
nération Se  du  relpedl  jufqu^au  dernier 
fbupir  de  nu  vie.  Je  n'en  veux-  qu'à  Pa.- 
varice,  &  à  lacniautédesTyrans&des 
Loups ,  que  ce  Monarque  a  Commis  (ut 
la  Eailille ,  comme  les  Juges  &  Jes  Pal^ 
teurs  de  fes  Brebis  égarées  j  poui'  les  ra- 
mener au  devoir ,  8c  qui  les  tourmentent 
comme  des  Furies ,  Sclesdechirentcom- 
me  des  Tigres  altérez  de  faug.   II  m'eft 
bienamer,  aprèsavoirrepandumonlàng 
pour  ma  Patrie  de  me  voir  forcé  d'em- 
plpier  ma  plume  pour  tâcher  d'en  ùire 
corriger  les  abus  ,    par  ceux  qui  ont  in- 
ipediionfiiries Prévaricateurs.  Jeuedou- 
te  point  que  Mr.  le  Comte  de  Pontchar- 
train,  aux  lumières  adïives  &  juftes  du- 
qud  rien  ne  peut  échaper ,  qui  voit  tout 
par  lui  même  ,   &  dont  la  balance  pefe 
tout  à  un  poids  exatS  &  r^oureux  ,  qui 
tient  toute  la  France  dans  Pétonnement 

u,:,-,zf--„GoOglc 


PREFACE.  Lin. 

Ce  la  cramte ,  &  qui  a  la  Dîreéïion  de  la 
BaffiUe,  n^ezamine  les  grandes  véritez 
que  j'expofe  à  iês  yeux  ,  la  terreur  des 
égarez ,  pour  reprimer  des  abus,  dont 
il  feroit  lerpoarable  devant  Dieu,  s'il  les 
foufiroit,  après  qu*il  n'en  doutera  plus. 
Je  me  âate  aulfi  que  tous  {es  Princes  delà 
Terre,  Se  principaJetneot  ceux  pourqoi 
f  ai  ibufiert  une  Pnfba  plus  cruelle  que 
h.  mort  ■}  &  que  tous  les  Hommes  eiûSn 
qui  auront  de  la  Piété ,  &  feront  iiifcep- 
tiblesdecommilëration,  me  plaindront 
du  moins  en  voïant  ce  que  j'ai  fouffert  fi 
indignement,  &fi  injuftementavecune 
patience,-  qui  m'avoit  fait  donner  lenom 
de  Job  par  mes  Concaptifs. 

La  Priibn  eft  un  fupplice  plus  rigou- 
reux qu'on  ne  s'imagine  :  L'Homme  na- 
turellement libre,  ne  .le  fouffre  privé 
qu'avec  peine  d'un  avantage  qui  femble 
l'égaler  à  Dieu.  JolêjA  s'eft  rendu  fi- 
meux  par  l'afcendant  de  Ibn  mérite, -fic 
par  la  vertu  de  les  predi»3ions.  Cepen- 
dant après  deux  Ans  de  Prifon,  il  n'y 
eft  pas  encore  acoutumé  ;  il  prie  l'Offi- 
cier dont  il  avoit  prédit  k  délivrance  de 
fc  Ibuvenir  de  lui ,  lorlqu'îl  fera  rentré 
en  grâce ,  &  de  faire  par  Tes  bons  ofEces 
,ai5)rès  du  Roi ,  .qu'on  le  mette  en  liber- 
té. 

u,:,-,zf--„GoOglc 


*xïH  PREFACE. 
té.  Il  a  fçu  foufirir  avec  patience  U  diA 
gi'ace  de  ton  exil ,  rejetter  avec  coura^ 
^  foUicitations  de  /à  MaitreHe  ;  mais  il 
voit  que  (on  cœur  n'étoit  pas  à  l'épreuve 
de  fa  captivité. 

Les  Soldats  eutrent  dans  le  Jardin  pour 
prendre  le  Fils  de  Dieu  ;  un  jeune  Hom- 
me s'y  rencontre  au  même  inftant.  Se  il 
aime  mieux  abandonner  le  {êiil  vêtement 
qui  le  couvre ,  que  de  tomber  entre  ies 
mains  qui  pouvoient  Tarrêtèr. 

Il  n'eft  pas  dit  que  St.  PieiTe  ait  dor- 
mi dans  la  Pri(bn  ou  il  étoit  r^enu ,  que 
cette  nuit  U  même  où  il  devoit  être  dé- 
livré. 

St.  Paul  obligé  d'inllruire  de  fes  fouf- 
frances  les  Fïdelles ,  ne  parle  que  de  fes 
chaînes  :  mais  comme  s*il  étoit  accablé 
par  leur  pefantcur ,  il  cherche  à  ladimi- 
iiuer,  appellant  de  fa  caufè  à  Cefar  j  U 
quaUfi^  d£  mort  lui  fembknt  préférable 
il  celle  de  Prifonnier.  *  AdCttJaremap- 
ftUo. 

t  II  n'y  a  rien  de  fi  cruel  que  de  vivre 
d'une  vie  plus  cruelle  que  la  raorti  &je 
ne  vois  pas  qu'aucun  Homme  d'eipritait 
cm  que  la  mort  fût  un  mal  pourquique^ 


♦  Au.  Apoft.Cap.  »î.  T.  II. 
t  Cicer.  }■  Ëp.ad  Toiqiut.  L.  5> 


.--„Googlc 


P  R  E  F  A  C  Ç.  ixxut 
ce  foit  i .  non  pas  m&ne  pour  celui  qui 
TÎrroiC  dans  une  profonde  féjicité. 

*  £Â,bonneconicieiij::ee{tiapItj8gnut~ 
■àc  çonfolaticMapourlesdil^rices ,  .& tout 
le  inal  quleik  daus  leMoade eft  peu  de 
chofe  fî-i'ôn  en  excepte  le  pÉche. 

La  Priibn  de  la  BaftUle  eft  une  mort 
^mle,  quifaitdeûcerlaraortnfllurcHâ'à 
cbaqueioftailtpeodxiit'des  vingts  &  tiien- 
teAnoées.  iLfaut:être:biea:affifté  de 
la  grâce  pour  re£âer  à  une  épreuve  plus- 
crueilequekaïQn  laplusten-ible,  Auâî 
dé  dix  Priiqnniers  quel'oneriftvelrt  dans. 
cxTocubeau,  &.quePon;7affligedes pei- 
nes dont  j'ai  étéaccablé.,  trcûs  iueiùent 
oppr^nez  fous  le  poids  de  ]a  B^ftille , 
Trois  s!y  itranglent ,  s'y  caflênt  lâ^êto 
contre  les  murs,  ou  s'y  coupent  la  gor- 
gev  trois  y  perdent  leur  efprit,  *&c'eft 
grand  hazard  quand  un  en  fort  avec  foa 
pgement  libre ,  &  il  en  doit  bénir  Dieu. 
C'eft  ce  que  je  fais  de  tout  mon  cœurj 
ïe  priant  de  confoler  les  affligez,  decon- 
Tcrtir  les  Oppre0eurs  ,  de  délivrer  les. 
Oppreflèz,  &  de  fortifier  fes  Amis  dans: 
â  grâce.  Le  fruit  du  repos  que  Ton  trou- 
ve en  Keu ,  eft  "de  ne  point  craindre  tous, 
ks  efibr  lis  des  Hommes ,  lors  même  qu'ils.  ■ 
•  ««*  onit 

• -Gcw.  4.  Ep.  à  Torquat.  V  s- 

,.-„..C.ooylc 


Exxrv  PREFACE. 
vnt  refolu  de  nous  perdre.  Car  k  véri- 
table Foi  n^eft  point  timide.  £t  celai 
qui  craint  Dieu  ,  comme  l*Ecnt«re  dit 
w  craint  que  lui  feu!  :  parce  que  la  puîA 
âtice  des  HonuiKs ,  quelque  gnuode 
qu'elle  paroilTc ,  ett  afltijettie  a  la  neotie. 
Apres  ce  que  m'ont  fait  {ouSick  mes 
Tyrans  j  il  ne  leur  vefte  phi5qu''à  m'ai«- 
DBcherliTie ,  que  ja  leur  i^ndonnc  vo- 
Jontîecs:  }e  prie  Diâu  Seulement  que  m(Mi 
ûiçneleuEtoitpasimputéàjuftice^  mais 
plutôt  qu*il  ferve  à  leur  deffiUer  les  yeux 
ûft  le  wrd  de  TAMnie  ,  pour  l'éviter 
en  deteftant  Içurs  crimes  &  rendant  glot* 
ne  à  Dieu. 

Qii^uiffiu  ift  major ,  '  m^is  tfi  piateMù- 


mm 


w  ..Google 


A^y.\ 


.--„Googlc 


Pag.J.- 


L'INQUISITION 

FRANÇOISE 

ou 

L' HISTOIRE 

DE  LA  BASTILLE.' 

'Eft  avec  une  jufte  raifonque 
je  puis  dite  avec  Salomon  :  * 
J'ai  veu  les  opprcffions  quilè 
font  fous  le  Soîeïl ,  les  lar- 
mes des  Innocents  ,  fans  , 
qu'ils  aient  pcrforine  oour  les  ' 
conlbler  ;  &  l'impuil&nce  où  " 
ils  font  de  refiftcc  à  la  violence,  écantabaa- 
dotinez  du  fccours  ie  tout  le  monde. 

Et  j'ai  préféré  l'état  des  morts  â  celui  des  ' 
vivants. 

Et  j'ai  eflimé  celui  qui  n'eft  pas  encore  né 
plus  heureux  que  les  uns  &.  les  autres,  &  qui 
n'a  point  veu  les  crimes  qui  fe  commettent 
ï«is  le  Soldl.  A  Ce 

■  Vidi  catumnjasqax  Tub  rele^nintuijtc^mas  inno- 
AHiom,  &  DcminïDi  confoliioicm  ,  ntc  poflê  icCftcie 
Mnin  nolfDiîs  <  cunâoiuai  amilio  deflitotoi. 
.  £t  landa  (i  migti  moiiaoi  quim  vivcnlcf. 
Si  fclkionm  utioijuc  judlcari,  qui  necdam  iianucft,niec . 
«UtI  mtU qux &b iole lut.  £ttl'ftfj:iif. ^.V.i,xi*  %. 


.--„Googlc 


Ce  lige  Prince,  lorfqu'il  écrivoit  ces  Pai^ 
ivgcs  ne  fcmbloic-il  pas  lire  datis  l'avenir,  & 
nous  dévoiler  les  ioliuautiitez  des  iKu-hares 
OSciers  de  la  Baftille  opprimons  les  Inno^ 
cents  également  arec  les  Cfiininels  f 

En  eâct  que  n'ai-jc  pas  veu  dans  ce  lieu 
d%orreur  pendant  pins  d'onze  Années  qu'on 
ra'f  a  fait  fooârir  des  qisar  qnî  font  an  delà 
de  toîite  exprcffioa?  fans  avoir  jannùsfubi  aiji 
Icul  interrogatoire  ;  faas  avoir  peu  obtenir 
ni  Juges,  nfCommiUàires  poureiamiflerma 
caufe  ;  lans  que  les  MiniÀres  da  Roi  aïent 
voulu  me  déclarer  le  fujet  de  ma  détention. 
On  m'a  fait  foudrir  un'fapplicede  plus  dp 
deux-  Lultrcs ,  plHS  inlùportable  que  -la  tnoi^ 
la  plus  ctuellé,  lâns  m'en  dire  lacaufe;  lans 
vouloir  pendant  un  fi  long  efpace  de  temps 
m'accorder  ïz  grâce  d'écrire  i  mon  Epouze, 
à  mes  Parents,  à  mes  Amis,  pas  mcme  au 
Miniflre  qui  m'avoit  &it  arrêter.  Jemcvoiois 
enlèveli  tout  vif,  iàns  pouvoir  aprendre,  iî 
j'avois  encore  une  Femme  &  des  Enfants  an. 
Monde  ,  quelques  prières  &  quelques  fou- 
miflîons  que  j'en  fiOê  à  mes  inexorables  Per- 
fecuteurs. 

J*aî  veu  l'A^'arice  animée  faire  mourir 
prefque  de  faim  des  Prifonniers  auxquels  le 
Roi  croit  qu'il  ne  manque  rien  que  la  liber- 
té; car  outre  une  Penfion  vii^èrc  qu'il  don- 
ne très  confiderable  ,  fuivant  le  rang  &  la 
qualité  des  Perfonncs,  &  qui  s'étend  depuis 
cinquante  Ibis  qu'il  donne  par  jour  pour  la 
nourriture  des  Laqûus,  &  des  plus  inTlèra- 
blès,  jufqa'à  cinquante  livres  pour  les  Pria- 
ces;  il  païc  encotç  largement  les  Médecins, 
Chi- 


•«  riSflaire  de  U  BaJJHle.  *| 

<>}rrirgîens ,  Aporfiicaires ,  &c ,  fournît  !«; 
lîts,  I«  ïutfes  meubles,  &  tout  le  lingedes 
Prifooniers  ;  il  donne  une  fomme  conuden- 
blc,  pour  les  entretenir,  les  blanchir,  Ccles 
habiller  honnêtement,  que  les  Officiers  em- 
ploient à  fc  parer  ,  Comme  de  grands  Set" 
gneats ,  pour  rdever  lear  baflelTe,  fit  fc  do^ 
rra  comme  des  Calices ,  pendant  qu'ils  laîf- 
teas  aller  leurs  viâimes  toutes  niies. 

En  plus  d'onie  Ans,  je  n*ai  eu  qu'unfcnl 
jaQaucorps  de  revefche;  j'ai  été  plus  dccînq 
Ans  fans  culotes  ;  j'ai  porté  pendant  près 
d'onze  Ans  les  mêmes  bas  ;  j'avois  encore  ï 
mes  pieds  les  mêmes  foulicrs  que  j'aportaï 
â  la  Baftille,  ped  avant  que  d'en  fortir.  Le 
nommé  Pigeon  eft  îcîàla  Haïe,  qulelirot- 
li  de  la  Baintle,  avec  lamêmeculotedeplu- 
che  qu'il  avoit,  quand  il  y  entm,  après  l'a- 
-Voir  portée  plus  de  treize  Ans,  &  y  avoir 
mis  pins  de  cent  pièces. 
■  J'sû  veu  le  crime  triompher  delà  vertu; 
fouler  fous  fes  pieds  l'Innocence;  l'Avarice 
Te  regorger  du  fang  des  mîferables  ;  Le  Four- 
be cruel  &  vindicatif  caché  fous  le  manteau 
de  l'hypocrifie  ,  écbufer  tous  les  fenriments 
de  Pieté  &  de  Rçligîon  pour  opprimer  impu- 
■pement  de  malheureulès  viâîmes. 

j'ai  veu  l'Impudicité  fe  prévaloir  d'une 
iàtorité  fans  bornes ,  pour  fednire  &  forcer 
la'  vcrtù&  la  pudiclté  d'ilUiflres  Dames,  & 
jèones  lïamoifelles ,  &  d'inoocemes  Brebis 
qui  éroient  facriâées  à  ces  Iloâcs  puante  & 
Infsnnes. 

J'ai  tA  de  gcnertus  &  nobles  Officiers , 
«oaveiitii  d'honorables  plaïes  qu'ils  «voient 


.--„Goôglc. 


4  VI»^*ifitk»  froMfoifi 

reçues  aoferviccduRoi,  ou  des  autres  Prin- 
ces, courber  leurs  têtes  &  leurs  dos  fous  Jes 
courgées  de  tniferables  Canailles,  qui  n'aa* 
Toient  pas  ol^  dans  le  Monde^gûtder  ces 
Braves  outragez  au  Tront. 

J'ai  vu  traîner  dans  d'affreui  &  de  puants 
cachots  des  PerfooDes  de  qualité,  des  Mî- 
niftrcs  de  Dieu,  Abbei,  Prêtres,  Religieux, 
de  vénérables  Vieillards ,  des  Daines  ver- 
lueufes ,  de  jeunes  Filles ,  &  de  tendres  En- 
lùnts,  fans  d'autres  fujets  que  celui  d'aflba- 
vir  l'inlàtiable  avarice  d'un  barbare  Gouyer- 
neur,  qui  pour  s'aproprier  tout  l'argent  que 
le  Roi  donne  aux  Prilonniers ,  fur  la  moin- 
dre vétille  les  plonge  dans  ces  lieux  de  ténè- 
bres, d'horreur,  &  de  defcfpoir,  où  àpeiue 
il  leur  donne  un  peu  de  p^n&  d'eau,  &  fou- 
vent  point  de  paille;  ce  qui'  lui  fait  appcller 
CCS  Antres  de  miféres,  qui  font  affés  nom- 
breux à  la  Baflille,  fes  denicis  clairs,  qu*il 
tient  garnis,  tout  de  fon  mieux ,  &  aux  dé- 
pens de  qui  que  ce  puifle  être  :  car  pour  ua 
ïbl  de  pain  il  y  nourrît  une  malheureufe  vic- 
time', a  qui  le  Roi  donne  une  piltolepoprû 
nourriture  par  jour,  aux  uns  plus,  aux  au- 
tres moins.  Un  fol  pour  le  Prifontiier ,  le 
refte  pour  le  pauvre  Gouverneur,  cela  eu 
clair }  le  compte  efl  bien  tôt  &it  ;  il  ne  faut 
point  de  iettons  pour  calculer;  &  H  fes  in- 
fortunez  Efclaves  en  murmurçnt,  ce  Tyrjia 
inhumain  ,  les  charge  de  chaînes ,  &  les  fait 
accabler  de  coups  de  nerfs  de  bœuf,  fans 
diflinftidn  de  caraâérc ,  d'âge,  de  fcxe ,  oi.dc 
qualité.  En  forte  que  les  Prifonniers  peu- 
vent s'écikilFaâifitmiiJ  tmnitim  ferilfi»na. 
.,'•■..        .  Ou  . 


.--„Googlc 


M  riSftmre  de  la  BaJlWt.  ^ 

Oà  «la  fe  fàit-il  ?  par  qui  fe  foit-îl  ?  prefqu© 
Ibas  les  yeux  du  pltis  ^atid,  &  du  plus  au- 
gufte  Roi  de  la  Terre ,  au  milieu  de  fa  Vilr 
le  Capitale,  dans  un  Château  Roïal,  la  Pri- 
foo  des  Princes  du  fang,  &  de  la  NoblelTc 
du  Roïaumc,  devenue  aujourd'hui  la  Car 
veine  de  Polyph^mc,  le  Repaire  de  toutes 
les  immondices  du  Monde  :  car  J'y  ai  veudes 
Decrotears  de  fouliers  ,  des  Croctielears  ^ 
des  Porteurs  d'eau,  desHermites,  desQua^ 
tre  MuidianE,  des  Bergers,  des  Soldats  aux 
Gardes,  des  Bedeaux,  des  Clercs  de  Pfocu-> 
rettr,  des  Filles  de  joye&c,  car  tout  ell  bon, 
ponrveu  qu'on  puiilc  l'écorcher;  en  fortcy 

?ae  fi  Monfeignear  le  Dauphin^,  un  desbons 
rinces  qui  fut  jamais,  eût  bien  voulu  fuie 
taviâte  de  ce  Ciiîteau,.  il  auroit  peu  dire  a- 
vec  jnllice  ,  ce  que  Jefu^-Chrilt  difat  aux 
Marchands,  &  ans  Changeurs  qui  trafiquoient 
,  dans  le  Temple.  *  Otet  cela  d'ici ,  &  ne  fai- 
tes pas  de  laMaifon  de  mon  Pcrc,  une  Ca- 
rême de  Voleurs  ;  &  îsàùnt  autant  de  laqs 
de  cordes,  qu'il  y  a  de  Minières  d'iniquité 
dans  cette  noire  fpelonque  ,  attachez  tes  y 
to«s  au  bout ,  &  envoyez  les  à  la  Grève ,  j 
pa'i'cr  une  partie  de  ce  qu'ils  doivent  à  Dieu 
6:  au  Moiidc.  Quels  ibnt  ces  Officiers  ?  au- 
trefois on  a  veu  pour  Gouverneurs  de  laBaP- 
tille,  des  Perfonnes  de  la  premiéreQualîté , 
mime  des  Princes  ;  aujourd'hui  ce  font  des 
gens  de  la  dernière  baiieàe:  un  Bernaville, 
-qui  a  porté  la  Mandîlle  chez  feu  M.  le  Ma- 
réchal de  Bellefond.  t  S'rvi  dtmtnati  futtt 
A  %  noj- 

»  St.  liàM  Ib.  t.Virl.  It, 
f  Orti,  Imia.  itf.  ji 


.--„Googlc 


4  L^ImjM^tw»  Framfùtpt 

9»/iri:  mtmfmit  qui  rejimertt  de  mtmm  ^crtim  t 
suTerable  qoi  a*a  jamais  rendu  d'autres  ïêr- 
Tîces  au  Roi ,   que  de  decrotcr  {es  bottes  de 
Ion  Maître,  oa  de  Ini  fellec  Ton  Cheval  ;  & 
qui  n'a  jamais  été  i  l'Année  que  Hu  des  ptt- 
sieis  de  bagages,  ou  dans  des  furgoos.    Ce 
Singe  de  foo  Maître,  qui  en  imitât  Tes  gel^ 
les,  &  non  pas  les  veitos,  avec  des  yeux 
buflez,  un  filence hypocrite ,  uneminemor- 
nc  &  leveie,  eft  parvenu,  premièrement  à  Ê- 
Ve  Garde  des  Chaûcs  du  &iis  de  Vinceanes 
eut  enfuite  le  foin  d'apiéter  i  mang^  aux 
Prilbnniers  du  Château  de  Vincennes,  doot 
Mr.  le  Maréchal  de  Bellefbnd  avoit  tcGon- 
Temcmem,  trop  gencrcox  pour  vouloir  e'é- 
tigu  en  Gargpttier^  emploi  qui  honoraBer- 
oaville,  qui  fut  la  bsze,   le  pivot ,~  le  pre- 
mier moÛIc  de  fa  fortune.  Enfin  ion  M^ 
tre  le  créa  de  foo  chef  Lieutenant  du  Châ- 
teau &  des  Bois  de  Vincennes,  ccquidq>en-  , 
doit  de  lui  en  ce  temps  là ,  Mr.  le  Maidchal 
dcBellefoudétaotinort,  &BernaviUen'dant 
^lus  pafonne  qui  coatrdlàt  fes  aâions ,  puis- 
que Madame  la  Maréchale  ft  donuseutiérer 
■ement  à  la  dévotion ,    &  fon  Petit-Fils  I« 
Marquis  de  Bellefond  qui  avoit  eu  la  forvir 
vance  du  Gouveruemeut  n'étant  qu'un  Eqt 
&nt,  BernaviUe dis-je,  fit  profiter  les  Ulcnt$- 
de  la  Gargotte ,  &  de  la  Challè  de  Vincent 
ues ,  fans  obÛ^les  &  haut  à  la  main.  II  ror 
gna  la  portion  de  fes  Pcifonnicrs  de  tous  fes 
oogles  afilez  comme  des  rafoirs  ;  il  les  plo- 
ma  fans  crier;  &  fc  fcrvit  du  Gibier  &  dcf 
lopins  de  Vincenqes  pour  fe  faire  des  Amis. 
Il  envoigit  ttis  regulicEcmot  ieax&às  cha- 
lue 

u,:,-,zf--„GoOglc 


M  PISfinf»  it  î»  "BttfiUt.  i 

que  ttmaiae  des  Lapins  ,  ies  Perdrix  i  St 
^aotre  Gibier  au  Roi  ,  i  Monfdgnear  le 
Dao^in,  à  Mr.  de  Pontchaittiiiii,  aux  en- 
trés Miniftrcs,  fur  tout  au  P.  de  la  Chftiïe 
Confellèar  du  Rot ,  auprès  duquel  ce  bon 
Tflitafie  l'efforçoit  de  palTer  pour  un  Saiot 
àa  premier  ordre.  Cela  lui  reuffit  admirable- 
ment bieu;  car  Mr.  da  Joncas  Lieutenant 
du  Roi  à  la  Bafttlle  étant  morr,rodcar  de  ce 
Gibier,  plus  forte  qne  celle  du  mérite  de 
Bernaville,  &  quelqn'argent  femé  à  propos, 
^éveilla  \es  Efprits  de  ceux  qu'il  avoir  ména- 
gez depnis  It  long  temps,  pour  loi  faire  ob- 
teuir  cet  emploi  ,  an  préjudice  de  mille  & 
mille  Braves ,  qui  l'avoient  mérité  au  prix 
de  leur  fang ,  de  leurs  bras ,  de  leurs  jambes 
It  de  tout  ce  qu'il  vous  plaira. 

Qm*  mem  mtrtali»  feutra  régis 
AMrifiursfëmti  f 

Ce  métal  éblouilTant,  l'apui  du  P.  de  J» 
■Cl»ire,  la  foUîcitaiion  de  Mad.  la  Marécha- 
le de  Bellefond,  &  laproteaion.de  M.  de 
Pontchartrain  firent  entendre  au  Roi ,  que  le 
cagotiTme  dcBernavilIefctil,  l'emportoit  fur 
le  incrite  de  tous  les  Officiers  de  lès  Troo- 
pes  ;  qu'on  avoit  befoin  d'un  homme  dur  & 
fevne  i  la  Baftillc,  &  qu^on  n'en  trouveroit 
pas  an  dans  tout  le  Roïaume,  qui  eût  ces 
necelfaires  vertus  dans  un  plus  haut  degré  de 
pcrfcâion  que  lui;  vcu  principalement  que  le 
vieui  St.  Mors  Gouverneur  de  la  Baltîlle , 
ne  faifoit  plus  que  radoter,  jurer;  &qu'à 
peine  luireÛoit-il  aSéa  debonfens,  pour 
compter  ta  Quantité  prodigîeafê  de  lacs  d'or 
&  d'argent,,  qu'il  avoitamallèz  avec  toute  ta 
A  4,  bar- 


•  VJn^M^itian  Fraufoifi 

-barbarie  tmagiaable,  anx  dépens  des  pleurs^, 
des  cris,  do  fang,  &  de  la  vie  mJinc  de  tes 
déplorables  viâimes. 

Ce  bon  &  vieux  Serviteur  mourut  comblé 
,d*or,  d'Années,  &  lur  tout  demilediâîons. 
Bernaville  avoil  trop  d'argent,  de  crédit,  & 
de  tares  talents,  pour  qucceGouvcrnetnent 
fût  donné  si  un  autre,  &  quarante  mille  lî- 
vtes  qu'il  fceut  placer  en  ttèc  bon  lieu  j  car 
.ce  n'ed  pa«  un  homme  à  tirer  ià  poudre  aux 
iMoincaux,  l'eaiForterent  fnr  tomes  les  bri- 
çaes  de  la  Cour  j  m£me  fur  la  bonne  inten- 
tion, qn'avoit  S.  M.  d'en  gratifiez  un  de  les 
bons  &  fidèles  Sujets.  VoilaThomme  dont 
je  me  telêrve  de  faire  le  Pontait  en  temps  & 
lieu ,  auquel  îl  faut  que  tous  les  Frifonniers 
d'Etat  foieot  Ibumis,  foilènt  ils  lesPremieu 
Princes  du  Sang,  U  ils  oublioient  allez  leur 
devoir,  pour  fe  rendre  Criminels  de  Leze- 
Majefté,  Homme  qui  jour  &  nuit  ne  fônge 
qu'a  inventer  de  nouveaux  moiens',  de  nou- 
velles machines  pour  prefurer,  alâmUqucr» 
&  tirer  la  QuinteÛcnce  de  fes  ftuâueufes 
>i£times.  Encore  Â  îl  les  âatoit  en  tirani  le 
làng  de  leurs  veines,  patience;  mais  non, 
il  n  y  a  point  de  fupplice  qu'il  n'invente  pour 
les  poullcr  à  bout.  Comment  pouvcMr  espri- 
mcr  Ta  rage,  fa  furent,  ià  barbarii:,  &  tout 
ce  qu'il  a  innové,  inventé  pour  plumer  fes 
malheureux  Pigeonneaux-,,  comme  il  les  ap- 
pelle, les  tourmens  dont  il  les  accable,  in- 
connus aux  Nerons  &  aux  Dioclctiens  ;  fa 
malice,  fes  mfes,  fa  fevcrité,  fou  inhuma- 
nité:, les  tortures;  la  férocité  qu'il  inlpire 
aux  auis  Exécuteurs  de  fes  ordres  tyranni- 
ques, 


éM  rj£fto:rt  Je  lé  BafiilU.  -  9 
9ie«,  enfin  le  monftnienzaflèmblagedètoa- 
icsfes  p^Bonsiaftinales? 

*  Et  ftMTMTn  psrs  magHt  f*i.  QmitaliafaMdo 

■   Vu/ci  ' 

Temferet  à  laerymisl 

C'eQici  qu*on  ponrroît  dire  t  avec  Tertnllieri. 
n  '*,Oa  ■  vcot  perdre  des  perfonnes  înnocen- 
»tei.  Et  dans  ceddTeinondffinmiileleiirvc^-' 
^ta,  qui  eft  très  conniie,  &.  on  tâche  deles  ' 
„ noircir  par  des  crimes  cachez,  que  jamais  ' 
„perfonne  n'a  pu  prouver.  Ceux' qui  fontir- 
„  reprochablcs  dans  leur  conduite  font  trai- 
yttei  comme  des  criminels.  On  ne  leur  op- 
„pofe  que  des  violences  &des calomnies,  & 
„OQ  leur  Are  tous  les  moiens  de  les  repouf-  - 
„fèr.  La  terreur  de  ceux  qui  leur,  font  coiï- 
,,ttaires  rend  toutes  les  boudies  muettes  pour  ' 
nies  deffendre.  Quelques  uns  les  plaignent, 
„niais  tons' les  abandonnent.  Ils  font  iànt 
^i^perance  &  faDsfecoursdelapartdeshorrf- 
^fnies.  Il  ne  leur  rcfte  que  les  larmesj  que 
,,1'on  voudfoit  accufer  d'oreueïl,  oud'în- 
„jallice,  .&quî'ne  fervent  ^iràirriterdavan-- 
„tagc-ceu}[  qui  les  oppriment. 

C'eft  le  feu!  fujet  de  haine  que  j'ai  donnf 
i  mes  redoutables  Oppreflëurs:j'ai  gémi  de- 
vant'Dien;  J'ai  fonpiré  devant  euxj  je  me. 
fois  plaint  aux  hommes ,-.  &  j'ai-épreUvéque 
le  ecxnble  des  malheurs  extrêmes,  c*eft  d'être 
forcé  de  renfermer  fa  douleur,  &  de  a'ofcr 
répandre  des  larmes  en  lîbené.  - 

•tOtmii.Uà.II. 

■  •  Imtm.  IB  >H/Miu.-ril.  -' 


j|3  Vlii^mtfitio»Iratpifr 

Ovouï,  mon  Dieu  !  qui  m'avei  feu!  Gan- 
tïuu  dans  un  li  ]ong  &  fi  CTuelMartyre,  aî- 
dËz  moi  à  en  faire  la  peinture  nai've  &  îîn- 
cerc,  &  ncpermettei  pas  quÇ't*ainour  prb- 
prei  la  haine,  la  vengeance.,  oa  quetqu'aa- 
tre  pallion  me  faSis  déguifcr  la  vérité  en  la. 
moindre  circonftance.  Vous  fçavet  qae  le 
principal  but  que  je  me  propoie ,  en  e2po> 
faut  cette  hiHoirc  aux  yeux  de  toute  laTetre, 
cH  de  vous  glorifier,  de  faite  connottrc  à  un 
grand  Roi,  &  à  fes  Minières,  les  crimes  qui 
le  commettent  contre  Vôtre  Divine  Msjef- 
té,  fous  leur  ^tptité,  pour  qu'ils  y  aportent 
le  remède  fi  neceûâire  à  foulager  les  infortu- 
nez  C^fs,.  que  j'ai  laiffé  dans  cet  abîme, 
&  ceux  qui  y  entrent  tous  les  joius  ;  &  de 
faîte  coanoître  au  Roi  de  la  Grande  Breta- 
gne &  à  T.  H.  &  T.  P.  S.  M-  L.  E.G.  ce 
que  j'ai  fôufTert  poiu:  leurs  intérêts ,  &  pour 
in'étre  fournis  à  leur  DoiniQation4  aâu  de 
les  animer  à  me  ftoKgsi  contre  laTyranoie 
de  mes  Enoemjs ,  & loul^er  mesmalheurs. 

Pour  eatrer  en  matière  ;.  je  dirai  qu^étant 
venu  m'établir  en  Hpilande  avec  coi^  Faoïillc. 
en  l'Année  ifiyji.pour  y  vivre  danslactaîn' 
le  de  Dieu  &  la  Liberté  de  fon  Saint  Svan-^ 
(ile,  chofe  quej'avois  déjà  tentée  dn  l'An-t 
née  1^88:  i  la  fqllicintion  de  igon  Zpoatfi 
qui  deficoit  ardemment  de  fe  retirer  en  As-. 
^eterre^  ou  en  HoUaD4e,  &  n'y  ftjant  pu. 
trouvé  tous  le&  avantages  que  je  m'y  étotjt. 
I^rqpofé,  &  pour  d'atttret,piiilIuiçesraifo&*., 
je  prÀai  Toreille  aux  foUîcîtatiQns  {ireiGuitat 

Ïie  meiîûfoit  M.  Cbamillart  de  retourner  en 
tancf  |»w  des  litres  très  engagcantft,  que 
l« 

u,:,-,zf--„GoOglc 


d*  rHifiÙTt  a  là  SaftiUe.  tv 

je  communiquai  à  mes  plus  intimes  Amis,. 
&  k  des  Perfoones  de  la  ptemî^ediltlnâtoD, 
qui  me  coofeîllcrent  &  foUiciterent  mémede 
ne  pas  balancer  mon  retour.  L'envie  de  pto  ■ 
carer  quelque  choie  d'avantageux  à  ma  Fa- 
mille; le  projet  dSin  établillèmeot  confide-- 
rabie  ;  l'Amour  de  la  PaOie  ;  peut-être  l'am- 
bition , .  &-  làns  dqme  l'aveuglement  d'une 
Fortune  trompeofe  ,  me  firent  refondre  à 
Isiflcr  ma  FanuUe  en  Hollande,  fouslapro- 
tcâioQ  de  quelques  Puîïlânts  Aints ,  &dere-^ 
toui-ner  à.  la  Cour  de  France;  où  j'étois  ra- 
peHé  par  M.  ChamiUart,  qui  depuis  monde- 
part  avoït' joint  au  Contrôle  General  des  Fi- 
nances le  Mioiilifre  dË  la  Guerre  ,  dont  le 
Roi  l'avoit  honoré  après  la  mort  de  M.  de 
Barbezieuz. 

Après  avoir  ;louÉ  une  Maifon  i  la  Haye 
pour  mon  £pouzef  que  je  quittai  avec  une' 
douleur  qucj[p  ne  fcautois  ailes  vivement  ex- 
primer, je  partis  d'Amfterdam  le  Tcndredi 
11:  Janvier  1,70a.:  je  fortis  deRoterdam  le 
lundi  itf.  pour  prendre  la  barque  d'Anvers  ,. 
d'oà  je  nie  rendis  à  Bruxelles,  &detftàPa- 
ris  par  la  route  (»diiiaire  ;  &  enfin  j'arrivai  à 
Vemillcs  le  aj».  du  même  Mois.  Je  fus  re- 
een  de  M.  ChamiUart  avec  des  dcmonflra- 
tions  d'amitié  au  delà  de  tout  ce  que  j'en  - 
ponvois  attoidre.  Je  ^nai  les  antres  Minif- 
ncs,.  &  aiant  éx£  prefènté  à  M.  le  Marquis. 
^Torcypar^M.  te  Comte  Davaux,  j'en  fus 
nçA  très  ÂtvoiablejneEit.  M.  ChamiUart  me 
vovlnt  donner  de  l'emploi  dans  la  Guerre, 
m  dans  les  Finances  ;  mais  lui  ai'ant  temoi~ 
pé  hk  paffion.  qoe'  j'avois  de  m-MUcher  K  ■ 
A.  fi  Itti^. 


S«  Vlnjuii/itian-Pratifaife 

luî,^l  joignit  i  une  Penfîon  de  mille  Livres 
dont  il  me  fit  gratifier  par  IcRoi,  l'clîx>irdu 
premier  Emploi  vacant ,  avec  mille  écus 
d'afçointemens.  Il  ne  me  refiifoit  aucune 
des  grâces  que  je  lui  demandois.  J'obtins  une 
Compagnie  vaccaiite  dans  le  Regim^il  de 
Bannois  pour  M.  Ic-Chevalier  deDigoville 
Frère  de  M.  le  Comte  de  Lapenti  mes  inti- 
mes Amis.  Après- l'atijùre  de  Crémone,  je 
fits  le  Solliciteur  des-pauvresirlandoîs,  dont- 
la  plupart  des  Offiders  me  font  témoins , 
que  je  leur  fis  i  tous  plailir,  foit-pour  les  a- 
vancer  dans  de  meilleurs  polies,  foit  pour, 
leur  &îre  accorder  des  gratifications ,  ou  les 
feire  pflïer  de  ce  qui  leur  étoit  dcu.  Mylord 
Sianemepeut  rendretémoignagéqueparmes 
jbllîcitations  auprès  de  M.  Chamillart,  je 
lai  obtins  un  Régiment  nouveau  à  la  paie  é- 
trangercj  mais  des  raifons  particulières,  &  • 
lamortdu  Roi  Guillaume  de  giorieufe  mé- 
moire étant  furveniie,  il  prit  le  boaparti,  &. 
retourna  en  Angletetre;  ce  qwnecontribus 
pas  peu  à  mon  malheur,  comme  je  le  dirai 
dans  la  fntte> 

Je  ftifois  aufll  fontJA&emeat  laa-Cour  è 
M.  le  Marquisde  Torcyqui  me  faifoit  mb 
Rcs  bon  accueil ,  &  je  voiois  très  fouvenc 
M.  Pequet  fon  Secrétaire  homme  d'un  mé- 
rite diftingué.  Je  me  mainCenois  toujours  biea 
auprès  de  M.  le  Chancelier,  &-de  M.  leConv» 
te  de  Pcmtchartrain ,  &je  cultivois  particu— 
lièrement  l'amitié  de  M.  de  la  Chapelle  fon 
Secrétaire^  mon  ancien  Ami ,  dompourfiu-' 
re  l'Eloge  en  peu  de  mots,  il  fuflSt  de  dire,- 
¥f!U.eft  Is,  digne  Fils  da  jguneux  lyl.  .de  1% 

■    ■  ■  Ch»;. 

u,:,-,zf--„GoOglc 


M  rWfloire  de  U  BtfiilU.  t) 

Chapelle  de  l'Acsidemie  Françoifc,  Ne? en  de 
VlUuftre  M.  des  Preaai,  &  le  Favori  deM. 
le  Comte  de  Pontchattrain^  qu'il  ftit  hOQ- 
nenr  à  tous  les  trois. 

Je  planois  i  la  Cour  ,  où'  je  me  &ifbis 
qiumtîté  d'Amis  par  \i,  fiivenr  de  M.  Cha- 
niîllan,  ne  cherchant  qu'à  ikîie  plaiHl  à  ton- 
tes les  Ferlbunes  de  m^ite  qui  m'en  folHci- 
toicut ,  tocfque  lajaloujiede miferables Mon<- 
ches,  dont  il  n'y  &  que  tttyf-  en.  ce  lieutle 
nombre  s'en  augmentant  tous  les  jours  par 
l'impunité  de  leurs  crimes ,  &  l'Envie  cette 
cruelle  Megerc  an  teint  livide  &  jaune,  & 
qui  corrompt  les  chofes  les  plus  pures  qu'el- 
le atteint  de  fa  dent  pourie,ttoubIerent  mon 
repos-L'envie  aiant  veifé  foa  plus  nnir  poîfba 
dûis  le  fcin  d'un  malheureux  corrompu ,  que 
j.'avois  autrefois^  particuliéremmt  oblige,  ce 
.  qui  fkit  voir,  combien  il  elt  dangereux  de  fe- 
mer  dans  une  teiie  ingrate ,  il  envoia  à  M. 
le  Marquis  de  Torcy  deux  Pidces  en  vers  de 
ma  façon ,  que  je  n'avois  faites  que  pour  o- 
bliger  cet  ingrat ,  qui  fe  m£loit  de  dWertir  le 
PnbliCr  par  qoantitédeRapfodies,  &degr*- 
vares  telles  qu'il  les  pouvoir  «traper,boiuies 
oa  maovaifes;  env^t  qu'il  fit  dans  la  feule 
TÎie  de  me  nuire  auprès  de  ceMiniflre,  &de 
loi  faire  f».Cour  à  mes-  dépens  ;  car  j'épris, 
par  Paremhefe ,  qu'il  en  tiroit  Penfîon.  Si 
itft  qne  ce  Minilû-e  les  eut  reçiies ,  il  qk  fit 
appel  1er,  &  me  les  aïant  produites  écrites  de 
ma  main,  avec  des  ratures;  il  me  demanda 
d'wi  air  à  glacer  les  plus  intrépides,  H  je 
connoiflbis  PAutcur  de  ces  Vers^  en  me  les 
atomtatit'  La  Xfios^  (le  mon  Fiippoo,  dont 
A  7  je 

u,:,-,zf--„GoOglc 


14.  Uluquifuieit  Fraftftife 

je  coODOilTois  fptt  bien  le  caraâérc  ,  écoît 
a  cbx ,  ainfi  il  D'y  eut  plus  à  balancer.  Je  lof 
avouai  la  chofe,  :^  je  lui  dis  iDgsDiuneilt^ue 
je  les  avois  compofez,  mais  qae.I04ieii-de  li- 
berté où  j'étoîs  quand  je  Ics-fis ,  joint  à  lade- 
mangeaifon  que  peut  avoir  un  jeune  homme 
de.  dire  un  boa  mot,  me  les  avoir  fait  écrire^ 
uns  croire  que  cela  pûc  altérer  en  la  iDoiah- 
dre  manière  le  zéLe  que  j'avais  pour  le  Roi  » 
&  l'amour  >^ue  je  confervois  pour  ma  Patrie: 
les  voici. 

MADRIGAL,. 

En  faveur  de  la  France  &  de  l'E^pj^e- , 
contre  Us  Alliei  de  la  Maifon  d'Autriche  ,. 
par  Allution  fur  te  jeu  du  Piquet  auxtennes 
<le  Quintç  &  Quatorze,  avec  les  Noms  des 
Rois  Philippe  V.  &  Louis  XIIIL 

Coturt  Quinte  ^  Qtuavzt  en  m'aJMiMij  itoA 

jtM  ; 
0»  ejl  mimt  en  danser  4t  perdre  U  PértUf 
ï)ei  pluift^ei  Cenflits  toute  la  farte  unie 

Kefert  de  rient  mfirt  de  peu, 
Penples  qui  -voiu  ligmzt  qu'avec  vmsqKikm- 
Jante 
On  vâtreperte',  om  vôtre  gMÏmf 
.Combattant  P^pagnt  £3"  h  France 
Vogs  trettoerez  toUfvnrs  QKÎntei'fjilnanrMt» 
M<n». 

.  .L!hommc  en  qneâion  me  fit  voir  c« 
Vex»,  &  vcNCi  U  R^ufe  ipie  j'y  %t  for  ]« 
cbiD>p.. 


.--„Googlc' 


tu  FHiftoire  it  U  BafiilU.  t  j 

Kepoafè  «n  Bouts-nmez  au  précèdent  Ma- 
drigal de  la  part  des  Alliez, 

Cemtre  QmiMi  bf  Quatorze  tnftmt  faire  .     . 

teaMJetti 

Om  rfi  mime  t^ur/  de  gagner     .     U  Partie; 

Jtmjt  fluî  fagei  Comfeih  môtre  force  eft  .    tarie. 

Vitre  Qfuterzee^MMtivitrrQmiHteeJttrojppeM. 

Le  Ciel  qui-  voit  et  jeu  fait  faucher  la    .     èa- 

lame 

Pêmr  vôtre  ferte ,  bf  mStre    .     .   faè»î 

KêMJ  ferons  tm  Aefie,  ^     .     .     fE^agne 

flf  la  FroKte. 

Se  treuvertMt  Capot    .     .    .   QmmtebfQma- 

torze  tn  main. 

Mon  Brouilloa  en  garda  l'Original  qoeje 

fos  aJfês  iimple  de  lui  confier ,  &  après  aroir 

cftropié  &  défiguré  le  Madrigal ,  il  le  rendit 

Poblic.  je  ne  fçai  par  ^cl  hazard  ftu  M.  le 

Verroni  attrapa  une  copie  du  véritable  ori- 

S'ual ,  &  l'inlèra  dans  &  Qntntellcnce  da  j. 
1  Mois  de  Décembre  1701.  Il  fttfort  h- 
tome,  qa'aajeanc  homme,  deni  jours  après, 
^BÎ  o'avoit  pas  Tcu  cette  Quinieflènce,  lui 
tporu  me»  mêmes  Boan-itmei ,  &  deux  on 
trois  mots  jw^ts ,  qaHl  aToitchange» ,  lui 
fontenaot  que  e'Âoît  lui  qut^oît  tait  cette 
Piecej  quDïqse  M.  le  Vetroox  fût  Hen  cer* 
tain  da  coiàt^e.  J'anivaiJtifteiBeDt  com^ 
ne  cec-lioame  teooit  cette  Piéceenfs'maïi^ 
&  fitfoft-  r*e  l^wtte  de  fon  effionteri*.  Lorft 
qa'il  mcTÎt  le  ftu  lui  monta  au  vif^,  &il 
deiaesra  fi  confits  1  qu'If  ne  pouvoît  pronon- 
cer au  fcDl  mot;  pendant  que  je  me  con^ 
mnUoit,,  fax  te  boirijtnr  qw  j'wois  de  me 
^,   -►  ren- 


■„r  ..Google 


iS  L'IxqiùJtt'uii- Franf^ife- 

rcncoQtrer  fi  jufte  avec  les  brâax  Efiwiw^-  Il 
ïvoiia  qu'il  avoît  leumes'Vers ,  âcqu'itsToît 
fuivi  ma  penfôe ,  mais  qn'il  avoit  entièrement 
oublié  mesBouts-rimcz,  lotfiju'il  compoâ 
les  fiensi  Cet  avœu  redoubla  la  raillerie,  Lic 
Vertoui  pour  achever  de  le-demontcr  tioas 
tirade  fon  Poitefeuillo  tes  VetsTuivaivs,  & 
nous  iuvita  tous  les  deux  à  y  i;!;po{>drefur..]e 
champ  en  Bouts-rimci.  J'acceptai  ie  défi  a- 
Tcc  plaifir,  &  je  me  retirai  en  un  coin,  où 
quoique  nous  tullïous  fori;  à  l'ep-oit,  dans  ua 
litti,  où  l'on  n'avoir  pas  la  difcretiondcme 
prêter  le  filence  ncceflàire,  en  moins  d'une 
heure,  je  fis  les  Bouts-rinacï,  quç  l'on  va  ■ 
voir  ap;èg  la  Pièce  loivantc. 

A.  S.  A.  S.  M.  le  PrinceEDg^oedeSavoij 
yefur  fa  Càmf^ç£,de.Cbiari.-;, 

Oui  troinvez  Uûjùuri  le  feiret 
P^enfiiujfer  Q^iHZe  cents  avet  QtiatorXe^Uri  ■ 
^itX,-4ttOMt  î»ftrMÛ^.vigiiMitisf  diferèt. 

Je  vous  fient  fîut  ?Wi-»»  qu'Atlnk.  - 

SoieztBàjouTs  muni  de, faut,; 

Et  datu  un  p»fi«  inafcêfft^ie  i.-. 
Vont  poufferez  toâjt/urs  vas  iiif»Mnit  abouti:  ■ 

J^oui  ferez  teâjours  inviueièlt. 
Mais  ^  fir^fi  jii'^is  de  vof  relràMfbetfttMt  ■  . 

r«ur  combattre  i  ou  faire  retrmtê^ 
^Us.voHS  exfoferitz  à  reniiért  défaite-    ^  "■ 
Pt  de  que  vous  avez  avec  vous  d'Ail«Mam,.. 
.         Quand  par  leur  vaUur  fans  feetnde^ 
fis  auraient  emporta le^Cbduau  da  Milam- 
Peut  être  pouvez  vous  faire  unplfiiju^plM^ 
Et  vofts  pT$mtttrt  d'eux  k  CoMfuéie  ^  Monde. 


tM  ftËfloht  it  U  BdftilU.  rj 

Méat  £rthaKttMi»t ,  qu'ow  »'i>  rifMveittf^al 

Parmi  Ut  Lwomi  Romanes  I 
Âkt  ta,  /a  voutpfitit,  Maufitur  li  Gtwtr^ 
Om  mepi»t  vous  pajfer  des  parolei  Ji  vatmet  > 

F»0iez  i/omtplnigramdqtt'AMminU, 
J<  Jfai  tant  ie  rtjptél  qtCon  doit  à  vStre  AUefft'~ 

Il  faut  lui  parltr  fans  fimtfe; 

Et  Kt  lui  rien  dire  à  mohi/. 

Vpms  aurez  It  ^  it  Mtxfe  i 

f^emi  verrez  la  J'erre  prtmife  i 

Mai/  veut  m'y  mettrez  pat  Itfi/' 

Reponfc  ea  BoiUs-dmez. 
Ssmi  itrt  Faitfaron  on  trùHve  ,  .  .  lefeertfr 
Avte  UM  Peleleit  au  deffout  deviup  .  .  millf 
D'arrêter  VUlerti  ChefvaiUtmtfmait  .  ^firet, 
Eugéme  fm  UUfe  i^  généreux  ,  >  AthiU 
Demtute  ce  grand  Duc  en  refifimt  à  .  teut  ;. 
Framebijftnt  dit  Rotberilaeititt  ^inneeejtble. 
Qui  ^nn  heroi  moixt  ^ge  <ib  misFadrege  •    * 

à  bout^ 
Il  pejie  maigri  lai  Çon  Armée  .  hnineibUx 
Si  l'Ennemi  s'attache  àjes  ,  retranehememi  » 
//  le  forte  à  gra/tds  foupi  à  faire  fa  .  retraitt 
l^  frudeut  y  illerei  pour  e  ouvrir  fa  .  défaite^ 
Dit  ^n'il  a  fait  cacher  le  Chef  des  .  Allemans; 
Et  pour  faire  briller  fa  .  valeur  fams  féconde  » 
Enflé  defes  exploits  il  s'enferme  a  .  Milauy 
Oi  là ,  pour  le  Printemps ,  il  médite  le  .  fia» 
Qui  Udoit  expojir  aux  yeux  de  tout  le.  Monde» 
Cmone  ungraudConfueraut  fui  n'eut  jamait^ . 

dWgali 
Et  tfni  doit  effacer  les  ProAeJfef  •  Romaines. 
Oui  font  doit  rtj^eéler  te  (Taillaut  .  General, 
ilui  voit  eeuler  lefang  dans  f es  bouillantes .  veines 


iB  h'InfKÎjitmt  Framfoife 

De  Cyms,  AUxamire^  Afimhûl  .  .  Awmttsl 
Aitt  ta  grand  htrt$\  é{»uut  fi»  .  .  Akeffe ■, 
Qjn  v»mi  dit  hsmumtml,  faut  de f  Mrs  .  fattJjf- 

Nom,  mm  ^m'il  ne  vint  f mi  feur  ritmfair*  ._ 

Il  tmfimt  défnhir  le  detHm  .  ...  de  Mayfe< 
Pomrveit  pie  *  Jafi/  de  .  la  Terre  Promt/i  , 
Pomr  frmit  de  fom  trepai  me  voui  laiffi  unfcml  . 

fi/. 

Après  qne  j*eus  remis  mes  Vers  entre  le» 
mains  de  M.  Je  Verroui,  nous  cames  la  pa- 
tience d'attendre  encore  rendant  plus  d'une 
heure  tes  effets  de-mon  Jeune-Homme,  qat 
fuoit  ï  grolTesgoates,  quolqa'il&tFort^oid, 
cfi  fe  rongeant  les  ûnales,  eu  un  coin.  L'iiU". 
patience  nous  prit  :  le  Verrooivoulut  voir  ce 
gi^'il  avoit  fait  ;  c'étoit  quatre  miferables  V  as, 
où  tl  ni  avoit  ni  fens,  ni  forme,  ni  aorS:* 
truâion.  Le  pauvre  Homme,  tout  honteux, 
nous  dit  pour  foa  eicule ,  qu'il  n'écoit  pài 
dans  fa  veine ,  &  fortit  en  nous  taiilànt  un 
rtfible  «xttnple  du  ridicule,  oùs'expofcnt 
cent  qui  1«  parent  des  depoUitles  d'kutnii. 

Je  ne  ^aî  par  quelle  avannire  mon  Origi* 
nal  avoit  palKdes  main«  de  M.'  le  Verroux 
daiK  celjes  démon  Peifide,  &  je  nclefçau- 
r«i  jainais,  car  ils  font  morts  tous  deux; 
maiscëqu'ilyadecûnftant,  c'eftquelesdsUX 
Originaux  des  Bouts^imet  que  je  viens  dera- 
pOFMT'étoient  entre  les  mains  de  M.  le  Mar- 
qui»>dB  Torcy. 

hftki  mon  aveu,  il  me  dit  d'un  ton  très 
obli- 

^UEmftnm  UfM  * 

u,:,-,zf--„GoOglc 


M  PHifieir»  i»  la  BttfiHU.  jf 

flUigeiatrjc  fii»  bnen  aife  d'être  conninca 

3 oc  vous  avez  ide  rElbritt  mais  je  vous  prie 
e  mîeox.  remploiera  ravenir;  &  t'aperce- 
vant  de  la  peine  où  j'<(tois  devoir  ces  Origî- 
Baax  rcftei  enuc  fes  mains,  il  les  jctta  dam 
le.  feu  en  m^  prcftacc.  Je  fus  fi  fenfibletnent 
toacfaé  An  ce  trait  de  bonté ,.  qoe  tout  tranf- 
poné,  je  m'eSbrçai  de  loi  balfèr  les  mûns, 
mais  lui  poor  me  combler  degraces^  m'em- 
braflà  tendremeat.  Je  répondis  à  cetexcèsde 
generofittf  par  des  larmes,.  plti)éIoqueDunetTt 
qite  je  a'aor(xs  &ic  par  les  difcours  Itfs  pins 
ândie». 

.  Cène  a6HoD  me  toacha  6.  f«ilîbleinent ,  & 
me  fit  fi  bien  rentrer  en  moi-même  poarap- 
profondît  toutes  les  paffions  qoi  m'avea- 
glQÎent,  que  je  refolas  de  m'attachcr  uniq«e- 
meijt  i  un  Patron  â  gencreox ,  &  d'un  fî^oti 
cvoc ,  &  pow  cela  &  renoncer  à  tout  autft 
Commerce;  même  de  donner  la  préférence 
i  ce  Sage  &  éclairé  Mîniilre  fui  M.  Cha- 
niiJlart,  je  &ifois  à  tcms  momensdet  ¥«tt- 
iellet.de  tous  lesdrax,  qui  me  finnbloîeitt 
fbn  jndicieia  &.me  coafirmoienidans  ma 
lefolutioD.  Je  redoublai  donc  mes  affidttîtez 
auprès  de  M.  le  Marquti-de  Tore^,  &je 
Toiois  ton;  les  jours  fort  esaâement  M.'Pe- 
quet ,  es  qui  je  déconvrois  de  [4us  en  plas 
1)0  fond  de  prc^ité  qui  roecharmoit. 

J'écois  dans  ces  heureufes  difpolîtioiis  , 
lorfqu'nne  tcttre  qm  vint  d'Hollande  me  pM^ 
dît  entiétemenc.  -  Elle  étoit  écrite  par  aBe 
Petfonne  de  diflisâion  que  j'timeis  &  qœ 

Ïbonorois  particnliércmoitL;  jeveustakefoa 
ïom  pat  i'çftimeqw  j'a^pewrltt'i  *  «f®*" 


.--„Googlc 


20  Vlnqmfiiam  HrMiifùifi 

re  taéme  chuïtablcmeat  qv'tl  l'aTOît  i£cHÉ* 
piBCÔt  par  mepiiCèi  que  pai  mtlice.  Qnoi> 
qu'ih  en  foit  clic  fut  adrcfliie  i  M.  de  Torcy 
qui  m'envoie  quérir^  &  avec  qnc  doiu^ur 
queje  n'oublierai  jamais,  & qol-m's  foateiMi 
peiidatit  toute  ma  Piifoa  contre  tonCct  les 
impulfions  de  la  Nature  leroltée,  il  me  Is 
doana  à  lire',  me  i^ardant  fiiemetit  pen- 
dant que  je  la  lifois.  Après  l'avoir  leiic^  il 
me  dit  :  H^  bîeo.Monâau  que  dites  vous  de 
cela?Je  lui  rqtODdlsT  ûaxi  m'agita,  nitn'alr 
Ianner:je  dis  qse  c'eH  on  homme  qui  me 
vent  perdre,  &  qui  pretcod  vous  faîie  l'inf- 
trament  de  fa  Tcngeacce  :  mais  vous  métne, 
McmfeigDeur,  qa^  penTex-yons ? ofèrcMS-je 
vous  demander,  fi  je  fêtai  aâifs-nalbeoreux 
que  de  vous  roîr  donner  dans  lepi^eqn*<Hi 
me  dreÛc^Si  je  vous  aoioii  Cnmue],  xe- 
prii-il,  yqasaorin  déjà vâtretéteàrof  pied»; 
quoique  M.  ChamUIan  ait  répondu  de  vôtre 
iotiocence  an  Roi ,  il  t'a^it  de  m'en  convain- 
cre; û  vous  voBlez  que  j'en  réponde  suffi  î 
S.  M.Nemedegniftsricn,  &j«poadecihoi 
jufte.  Après  quoi  il  m'interrogea  fbr  le  con- 
tenu de  cette  Lettre,  &  je  lui  répondis  avec 
tant  de  tranquiljté ,  tant  de  juJldlè  &  de  mo- . 
^ieration  ,  qu'il  fut  tout  à  £ut  perfiudé  de 
mon  innocence.  Allez  me  dit-il,  continuel 
vôtre  emploi  ,  &  quand  j'aurai  bcfoin  de 
vous,  je  Yous  demanderai  àM-Cfiamillart, 
pour  m'en  (irvit  utilement  :  je  veux  faire 
quelque  chofc  pour  vous. .Non,  Moofei- 
fineur,  lui  repondis-je,  m«s  EuBcmis  n'ont 
pas  commencé  par  ce  qutvous  m'svczfiui 
la  grâce  de  me  communiquer,  pour  en  de- 
meu- 


.--„Googlc 


*g  rmjioirtJt  la  BafiilU.  1 1 

■enrer-là  ;  ils  pourront  s'adreflèr  à.qUel" 
^'auue  de  la  Cour, qui  n'aura  pas  vôtrepc- 
DOratioD  ,  &  qui  me  fera  la  vi'âime  de  leur 
«ngcance.  Soiiifrcz  que  je  m'éloigne  de  la 
CoDT,  M.  Chamillan  m'a  vouludonoer  de 
l'emploi  dans  les  Arinéesdu  Rot,  ou  dans  les 
Finances  ;  je  vais  lui  reiaontrer  de  quelle  con- 
fcqueuce  eli  la  ncceflité  qoi  me  fait  prendre 
i  i^efenc  un  parti  que  j'ai  d'abord  rc&fé  ;  à 
moins  que  vous  même,  Monfcigueur,  n'ai- 
fflin  mieux  m'cmploier  dans  lès  Pais-Étraa- 
gcis  ;  &  je  fuis  prêt  d'aller  en  tel  lieu' du  Mon- 
de qu'il  vous  plaira  m'ordonner,  pour  Atct 
tous  les  foupçons  qu'on  voudroît  vous  don- 
aa  de  ma  conduite.  Non  ,  demeurez ,  me 
dîi-il  d'une  manière  obligeante  ;  je  fuis  très 
content  de  vûtre  obeïûàncc,  ^  je  veux  vous 
bitedubieu.  VosEnneçiis  nepoujroatriea 
rarmon  eTprit,  ni furcelul d'aucun Miuiflre, 
lupiès  defquels  je  vous  protégerai  tant  que 
ïouî  marcherez  droit ,  il  ni  auta  que  la  veri- 
t£  prouvée  de  ce  que  l'on  avance  contre  vous 
Qui  pourra  vous  nuire. 

Je  ne' manquai  pas  de  coiamuniquer  exac- 
tement cctw  Scène  à  M.  Chamillart  qui  dif- 
fipa  ma  cr»ntc  ,  me  donna,  de  nouvelles  af- 
furances  de  fa  proteâion ,  dans  des  termes 
très  touchants  ^  &  me  promit  de  parler  à  M. 
de  Ttwcy  en  ma  &,vcar  ,  pour  difliper  juf- 
qu'aa  moindre  Jiua^e  &  d'eu  prévenir  même 
le  Roi.  Je  le  priai  très  in^ammeiit  de  m'c  • 
loigner  deUCour  ,  msûs  ce  fut  en  vain,  nu 
mftuvùfe  étoile  couvoit  les  influences  malt- 
Eoes  fous  Icfquelles  je  devois  être  opprimé  : 
Il  cft  cepeadvot  cerMÎD  qne  j'Aurois  pris  I« 
'  parti 


.--„Googlc 


parti  de  faire  mralte  ,  fans  les  EicmpIafMf 
d'un  Livre  que  j'attendois  d'AmUerdam,  oâ 
)I  s'imprimoic  chez  M.  Etienne  Roger  en  ftpt 
Tomes ,  que  j'avois  dcdté  à  M.  Chanûllart, 
&•  qui  n'arrivèrent,  malhcureufement  que 
trois  jours  après  que  je  tiis  arrêté,  2e  qui  ont 
été  perdus  pour  moi ,  auifi  bien  que  quan- 
tité de  hardcs  que  mon  Epoulè  y  avoir  join- 
tes; j'écrivis  à  mon  Epoule, pour  l'avertir  de 
ce  qui  î'étoit  palTé ,  &  la  prier  de  ne  tn'écri- 
re  que  dans  tadernléreneceffité,  Adedeman- 
der  la  ménie  grâce  à  tous  mes  amis  ;  &  for 
Wut  de  m'adrcflèries  Let^es  chez  M.de  Tôt-' 
cy  à  qui  je  remit  les  miennes  toutes  ouvertes 
le  fuppliant  d'ordonner  à  les  Gens  de  les  fàl' 
re  tenir  à  leurs  adrelTes.  Mais  toute  la  prtf- 
dence  humaine  ne  fert  de  rien  ,  contre  les 
décrets  de  Dien  :  Il  avoit  refolu  de  me  fu- 
re  fiire  pénitence  des  éçarements  de  ma  jeu- 
nellè  ;  «  il  voulut  que  je  les  espiafle  dans  la 
plus  cruelle  Prifon  du  Monde,  pour  me  ga- 
rantir des  hoiTcurS  d'une  Prifon  éternelle: 
que  fon  faint  Nom  en  foit  gloiiôé. 

L'a&idnité  qne  i'avois  auprès  de  M.  Cha- 
millart  ne  m'empëchoit  pas  de  faire  eiafits 
ment  ma  Cour  àM.deTorcy,  dequij'étoij 
toujours  traité  fâvorablemetit  ;  cependantun 
dimanche  i+.  Mai  1701.  je  le  rencontrai  qui 
forloit  feul  du  Confcii ,  je  me  fcrvis  de  cette 
ôccallon  pour  l'accompagner  de  chei  leRô! 
jBfques  chei  lui  ;  mais  il  lança  fîir  ntoi  ih) 
*ei!  terrible,  me  demanda  tiëremcnt  ccquejè 
demandois,  &  mecoiffiedia  avecunehiuteur 
i  me  faire  trembler.  Il  n'en  ^lloit  pas  da> 
Tamise  pour  me  faire  rentrer  en  motmémc^ 

u,:,-,zf--„GoOglc 


•M  FHiflairt  de  UBaJiilU  J| 

t  prendre  le  puti  de  fortii  de  VcrTaîlIfcs ,  S 
j'ttois  dû  éviter  mon  malheur.  Mais  je  fus 
MDs  le  moment  chez  M.  Chanullard;  je  1« 
tronvû  qai  fônoit  auâîdnConlè)l,enviroa- 
0^  d'anc  foutle  prodigieofe  d'Officiers  de  toui 
te  les  efpéces ,  car  on  6to\t  fur  le  point  d'en- 
trer veritid>temeQt  enaâion  de  tons  les  cAiez, 
pois  que  la  Guerre  tut  déclarée  le  lendemaia 
de  la  part  des  Aliiei.  Il  étoit  obfedé  de  Ducs^ 
de  Cordons  bleus,  Mardchaoz  de  France j 
ï'îeutenants Généraux, Maréchaux  de  Camp* 
Sn^adïcrs,  Colonels, &  on  aurott  bien com^ 
pofé  un  Battaillon  des  Capitaines  ,  &  autres 
Offidersquis'eSbiçuientde  l'aprochei.  J'en- 
trai dans  ion  Cabinet,  où  je  l'atendis,  malgré 
Fcnant  qui  s'eSbrçoit  de  me  periuader  d'en 
fiHtir  ;  cor  ceux  qui  ont  Tufage  de  la  Cour 
ftfvent  que  le  Cabinet  du  Miuiflre  cA  naer- 
[wce  de  Sanâuaire,  dont  l'entrée  n'eit  permi- 
&  qu'à  ceux  qui  viennent  de  la  part  du  Roi, 
ou  qui  font  introduits  par  ordre  exprès  du 
M'niltre  ;  autrement  il  feroît  accablé,&n'au' 
roit  pas  la  liberté  de  travailler  en  pais  aux 
'  affaires  de  la  dernière  importance.  M.  Cha- 
iBitlart  me  voïant  tout  efïrué  ,  m'endeman■^ 
da.le  fajet,  que  je  lui  comptai  le  plasfuccin-^ 
temeni  qu'il  me  iùt  poffible.  Il  me  dit  qu'it 
ne  pouvoir  pas  me  garantir  de  lapeor ,  mais 
bien  du  mal  que  je  craignois ,  qu'il  vcrroit  le 
lendemain  M.  de  Torcy  ;  que  l'air  dont  il  mV 
voit  reçu  ,  procedott  des  afiàîres  dont  il  6- 
tint  accablé  ,  &  qu'il  ne  me  vooloit  aucun 
mal. 

Le  lendemain  je  me  rendis  à  la  mémeheo- 
re  dans  fes  appartcmetus ,  &  comme  il  for- 
toit 


14  Ulnqulfition  Fraufoift 

toit  dnConfei]  ;  il  m'aperçut,  au  trJtversdes 
Légions  qui  raccabloient  ;  il' me  ât  figDc  de 
U  main  qu'il  vouloir  me  parler  ;  mais  Fer- 
rant ne  voulut  jamais  me  permettre  d'entrer 
dans  le  Cabinet,  comme  j'avois  fait  le  jour 
precedeiM:  il  fallut  l'attendre  à  la  porte  de  ce 
Cabinet ,  d'où  je  lus  debufqué  par  les  flots 
de  CCS  Officiers ,  dont  les  torrents  m'en- 
trainetent,  quelque  refiflance  que  je  âllc.  Il 
entra;  la  porte  fut  fermée:apres  quelamul- 
titude  fW  éclvprëe,  je  gratai;  Ferrant  vint; 
&  quoiqu'il  fut  mon  bon  Ami,  ilmeditque 
quand  il  s'aglroit  de  ma  vie,  il  nepouvoic 
pas  m'introduire ,  li  je  ne  venois  pas  de  la 
part  du  Roi. 

Il  me  confeîlla  d'attendre  fonMidtrçdans  ; 
une  galerie  par  où  il  devoir  palier  pour  aller 
dinerrmon  malheur  voulut  qu'il  montât  pat 
nu  petit  cCcalicr  dcrot>é.  La  delicatellè  que 
j'eusde  ne  me  pas  picfenter  à  fa  table,  pour 
ne  palTcr  pas  pour  un  piqueur;  qui  d'ailleurs 
n'étoit  que  trop  affichée  par  une  quantité  pro- 
digieufe  d'Officiers  Généraux,  fie  que  je  re- 
mis à  le  parler  lorfqu'il  en  fortitoit  ;  mais  il 
defcendit  dans  fbn  Cabinet  par  le  même  es- 
calier, qu'il  étoit  monté.  J'atcndis  encore 
i.  le  voir  lorsiiu'ilfortiroitpourallerauCon- 
fcil  des  dépêches,  qui  fe  dcvoii  tenir  l'après 
midi  ;  mais  le  Roi  envoie  avertir  les  Minif- 
ter  qu'il  n'y  en  auroît  pas ,  parce  qu'il  alloit 
à  Trianon.  Sortant  de  chez  lui,  je  rencon- 
trai le  Baron  de  Corneberg,  fi  connu  pour 
ce  brave  Colonel  de  Houllars ,  qui  ayoit. 
f«it  tant  de  belles  aâions  pendant  la  derniè- 
re Guêtre,  &  qui  s'étant  brouillé  avec  M>: 
i.  ■  de 


ACooylc    • 


«»  PHiftoire  it  h  BmfitSt,  i-} 

^BarbcficQx,  svoit  son  fealemmt  perdu 
le  fruit  de  fes  traviux  ,  mais  bien  plus,  a- 
Toit  €té  mis  à  la  Baflille  ,  par  ce  MiDiItre, 
qai  l'y  avoir  retenu  pendaniplas  de  trois  ans: 
&<}ai  contre  les  Sollicitations  desPriscJ- 
ptux  de  la  Cour ,  de  tous  les  Officiers  de  tné  ■ 
rite,  &des  pre^ntes  inftances-qac  je  fis  {-' 
Mr.  Chaenillart  pour  le  fwe  rentrer  en  grâ- 
ce, ent  ordre  de  Te  retirer ,  &  de  fortir  au  ' 
plut6t  du  Roïaume  :  il  m'entraîna ,  malgré 
nu  refiilance  dtner  avec  lui ,  &  pendant  tout 
lerepaSf  il  ae  me  patlaquedelaBaAille,  & 
delà  manière  dont  il  y  avoir  été  traité  par  feu 
Mr.  de  Béfemaui ,  qui  pour  lors  m  étoit 
Gouverneur.  Nous  ne  nous  doutions  pas 
tons  les  deux  que  je  devois  le  lendemain  ma- 
tin à  huit  heures  enuer  dans  cette  Caverne 
dePolyphéme ,  dont  il  me  faifoit  la  defcripr 
lion.  Il  me  dit  qu'il  panoit  le  lendemain  pour 
illcren  Hollande,  fortpenetrédes  bonsftiv 
vices  que  je  m'étois  efforcé  de  lui  tendre  , 
je  l'embralTai  tendrement  ,  &  jfl  le  priai  de 
voir  mon  Epoufeà  la  Haye,  pour  lui  domier 
de  mes  nouvelles,  &  j'ai  ^pris  qu'il  s'en  eft- 
Ktjnité  fort  ponâuellcment. 

Je  travaillai  toute  l'après-midi,  &  Air  les 
boit  heures. du  foir.  Je  faschezMr.  leCitar- 
pentier  y  prendre  uueronte,  pour  l'envoyer 
iMt.  leChevalietdcDigoville,  pourcondui- 
rtUQC  rccriie  à  Ton  Regiment,qui  étoit  it  Stras- 
bourg ;  j'avois  encore  cette  route  dnns  ma 
poche  tors  que  j'enctai  dans  la  Baâille  ,  & 
que  lEtOfficiers  ne  voulurent  jamais  envoicr 
imonAmi.  )e  fas  prendfel'aitlfur  later- 
nflë  où jctiouvai  Mr.  du  BoQUay,  Capicai- 
_        B  ce 


1$  VlmfMÎ/îtiii  FratrfQîfi 

Dedans  le  RcgîmentD«afin,  qui  voulut  m*a- 
mener  fouper  avec  lui ,  ce  que  je  refufàii. 
Comme  je  me  cetîiots  chei  moi ,  je  vis  des- 
cendre le  Roi  de  Coo  caroflè ,  à  Ton  retour  de 
Ttianon,  &  j'aperçus  qu'il  fe  mrtioit  en  pof- 
ture,  comme  s'il  eût  voulu  faire  des  armes  > 
en  parlant  à  «des  Seigneurs  qui  l'attendolenc 
fur  les  marches  delà  petite  Cour,  à  l'entrée 
du  grand  efcalier,  Je  m'aprochai  pourfçavo/r 
ce  que  c'étoît,  &  j'apris  qu'à -fon  retour  de 
Trianon,  il  avoit  trouvé  deux  Officiers  dans 
le  bois  qui  fc  barioicot  à  l'épce  ;  que  le  Roi 
ks  avoitfait  feparer,  dcfarmer,  &  conduire 
en  Prifon  ;  mais  qu'ils  étoiem  fi  pleins  de  vin, 
qu'on  n'avoil  pu  fçavoir  le  fujct  de  Icurqae* 
telle,  DÎentireiaucunenùfon.  J'étoisprcf' 
que  forti  de  la  Cour ,  lors  que  Mr.  de  Mau* 
pertuis  Goufin  de  Mr.  ChamîlIarC  courut  a* 
près  moi  &  m'arrêta,  pour  me  demander  li 
je  voulois  lui  donner  i  fouperou  qu'il  m'en 
donnât:  jeprisie  pajti  de  lui  eiidonneravec 
plailîr  :  il  me  dit  qu'il  partoit  le  lendemain 
pour  Bruxelles,  où  il  alloit  entrer  dans  une 
affaire ,  que  lui  procuroît  Mr.  Chamillart,  qut 
étoitadmirable,  qu'il  vouloit  que  je  fufle  de 
iapartie;  que  nôtre Fortuneétoitaffiirtfc,  & 
que  Mr.  ChamiUart  m'y  fêroit  entrer  d'une 
part  li  tôt  que  je  le  voudrois,  &qu'il  m'al^ 
droit  de  mes  avances.  Après  le  repas  if 
m'en  fit  voir  le  plaa;  &qiioiquel'afïiiiremc 
parût  très  bonne ,  je  le  remerciai  de  Gi  bonni! 
volonté  ;  mais  il  pétfifla  à  vouloir  m'y  oh 
gager  &  dit  que  le  lendemain  ,  d^s  les  qua> 
ire  herresdu  matin,  ilferoîtàinapoitepoiii 
m'anjenei  d^jeuQcraveclui,  &inefmevïttc 
Ict 


.--„Googlc 


.'...^Xooglc 


•mrHifi»iredeUBafiii!e.  V? 

fct  confcq»eoces  de  l'affaire  qnfl  mcpropo- 
foit.  Je  lui  fis  voir  l'cflài  de  l'Epitre  dcdica- 
toirc  de  mon  Recneil  des  Voiages  qui  oQt 
ftrvi  ï  l'établiflement  &  au  Progrès  de  la 
Compagnie  des  Indes  Orientales ,  formée  dans 
ks  Provinces  Unies  dcsPaïs-bas,  avec  la  vi- 
yoctte  an  dcObs  de  l'Epîtrç ,  où  j'avois  fait 
fraver  les  armes  de  Mr.  Chamillart,  Apres 
l'arofr  leiie,  je  la  mets,  dit-il,  dans  ma  po- 
che, pour  vouî  marquer  l'eftime  que  j'en  fajs 
&  je  retiens  un  Exemplaire  de  vos  fept  To- 
mes. Minuit  fonna,  je  fisailu-nerunflam- 
bcza  pour  le  conduire  chez  lui  ;  jnaîs  il  ne 
■voulut  jamais  permettre  que  jb  l'accompa- 
f  naiTc  ,  &  me  renvoya  coucher.  J'écrivis  en- 
core i  mon  Epoufe  avant  que  de  le  faire  3c 
après  je  me  mis  au  lit. 

Jamais  je  n'avoisdormi  S.  tnmquîlement  ni 
fi  profondément  que  je  fis  cette  nuit:  c'étoit 
le  dernier  adieu  que  je  difoîs  aux  plaillis  ; 
Itvsque  fur  les  quatre  heures  du  matin  j'en- 
tendis friper  i  la  porte  de  ma  chambra , 
jecrûquc  c'étoit  mon  Ami  qui  venoit  s'ac- 
qnker  de  fa  promeiTe  ;  je  me  levai  prompte- 
mcnt  en  Robe  de  chambre  pour  lui  ouvrir. 
Mais  quelle  tiii  ma  furprife  ,  quand  au  lieu 
de  Mr.  de  Maupertuii,  je  vis  un  Exempt  de 
Mr.  lePrevôt  de  l'Hôtel  ,avec  trois  Hocque- 
tons,  dont  le  premierme  prefentalc  bontde 
fx  ^ale  baguette  &  les  autres  le  bouc  de  leur 
carabine  contre  !c  ventre ,  dont  le  rcffort  étoit 
lond^.  Sij'avois  fç'ûqucilcdevoitécrelafuite 
de  cette  première  Scène,  indubitablement  je 
llaurois  enfanglantce,&  je  me  ferais  fait  tuer, 
carlamoit  citfans  doute  pius  douce  que  ce 
B  %  CLUC 

u,:,-,zf--„GoOglc 


i8  L'Iwqmfitian  fr^Mfoift 

Soej'idfottgat.  L'Exempt  medk:  Mon-  | 
eur  je  vous  uiëte  de  par  le  Roi  ;  oe  bran- 
la pas.  A  quoîjc  répondis  :  fansdoi]te:vou> 
vous  méprenez  .Moniteur  ;  vous  me  preoez 
pour  un  autre  ;  je  m'apclle  Mr.  Cooflantia 
de  Renncvillc.  C'eÛ  à  vous  même  que  j'en 
veux ,  reprit  il  :  j'obéis  lui  dis-je  ,  fans  taire 
-  paroîtrela  moindre  émotion,  ni  changetneat 
devifage,  faites  vAtre  devoir:  après  je  lui  de- 
mandai iî  jVvois  la  permiffion  de  m  habiller. 
Oui  Moqueur,  me  ait-il,  mais  faites  prompr 
tement,  &  me  donnez  vos  atmcs&  vos  pa- 
piers. 
Je  loi  fus  quérir  moi  même  mes  acmes  , 

3ui  confifloient  en  une  paire  de  piitolets  & 
euzépées ,  dont  l'une  éioit  parfaitement  bel- 
le, travailléeen  pointcsde  diamants,  de  ces 
beaux  ouvrages  de  Berlin;  j'en  avois  rcftiic 
deux  cents  livres  de  Mr.  le  Chevalier  Maho- 
ui  peu  avant  que  d'Être  arrêté;  jeladellinois 
au  Fils  de  Mr.  Chamillart  ,  &  j'attendois, 
pour  la  lui  otlric  i  que  les  Exemplaires  de 
mes  livres  fuflcnr  venus ,  pour  n'en  pas  fai- 
re à  deux  fois,  &  lui  prefentcr  les  fept  Tomes 
de  mon  Livre  avec  mon  Epéc,  que  Mr.  de 
Maupertuis  :ivoit  admirée  le  foir  precedcm. 
L'Exempt  lit  monter  Mr.  l'Affilé  mon  Hô- 
te,  &  en  nu  prefence ,  lui  remit  mcsarmes 
&  ma  canne,  qui  n'avoit  pu  entrer  dans  mes 
coffres ,  dans  lefquels  il  ine  fit  mettre  tou- 
tes mes  hardes;  &  .après  m'avoir  tait  fermer 
>  clef  mes  deux  coffres  &ma  valife,  il  remit 
■  le  tout  àMr.  l'Affilé  devant  moi ,  enmedj- 
Jant  que  quoi  qu'il  fût  en  droîtdegardcirnes 
jir;ncs ,  il  o'avoît  jamais  voulu  profiter  des 
dç- 


.--„Googlc 


a»  PHifiBire  de  UBâftiUt,  ty 

débris  d^  infortanez ,  &  me  fit  coas  les  com- 
plîmeas  dont  ces  Meffienrs  ne  font  pas  avares' 
dans  de  femblables  occalîons.  Pour  mes  pa^ 
picrs  noQS  tes  rcnfennimes  dans  deux  de  mes 
fërvîettcs ,  qn'it  ferma  de  foo  cachet  âftiu  mien 
i^>Tès  les  avoir  bi«(i  cousutfs  ,  lui  mJme  le 
porta  chez  Mr.  de  Torcy,  comme  il  me  1» 
dît  après.     Je  lui  demandai  fi  lui  &  Tes  Gent 
avoient  déjeuné,  &m'aiant  dit  que  non,  te 
fis  apporter  du  pain  &  du  vin ,  dont  nous  bû- 
me»  chacun  deux  coups ,  pendant  que  moa 
bâtCf  Jà  femme  &  fa  fervante  fon(k)îent  en 
larmes  ,   que  je  confolois   de  mon  mieux. 
L'Exempt   me  dit  de  prendre  quelques  li> 
rtes  dont  j'avois  un  bon  nombte,  pour  me 
delèimuier,  &  fitprendre  maRobc  decham- 
bce,  monManteaa&mon  bonnetdenuitpar 
on  de  îès  hocquetons,  co  qui  me  fit  lui  de- 
mander ,  fi  je  coucheroic  en  la  Prifon  oà  il 
m'alloît  mener,  &  âil  Jic  meferoit  pasper- 
nûs  d'en  fortir  îbus  camion  ;  à  quoi  il  ne  me 
repondît  rien,  &  fe  prit  à fourire  quandilvit 
que  j'ordonnoîs  à  mon  hôte  de  m'y  aporrer  i 
manger.  Nousdefcendimes  dan$1aGour,où 
je  troQVEÛ  un  CatoITe  à  quatre  chevaux  &  deux 
chevaux  de  felle..  Ce  fut  pour  lors  que  je 
lut  demandai,  où  il  vouloir  me cotidoire;  & 
m'aiant  répondu  que  c'étoit  i  la  Bailille ,  je 
me  recriû  contre  cette  injuftice  ,   &  contre 
Mr.  ChaniiUart  qui  l'autoiifoit   ou^  qui  du' 
.  moins  laXbuâroit.  J'eus  encore  aHez  depre- 
fence  d'efprit  pour  lui  demander  deux  jcia- 
ces;  l'une  demelaiûèrécrireâMr.  de  Tor- 
cj,  àMT-Chamillart,  âcàmonEpoa&'i-rau-' 
tre  de  me  laiHer  emporter  mes  hatdw •    Pour 
S  3  To» 

u,:,-,zf--„GoOglc 


9o  VlnpÊtfitKH  Ft-enfâift  %. 

vos  harâes,  HtAX ,  vous  n'en  aurez  pss  ht- 
iôin  ,  cttr  je  fçai  <}ac  vous  ne  demeuiereï 
pas  longtemt  où  je  voue  mène;  &poarvo9 
LetrcsvcHU  les  écrirez  à  IftBaiUtle,  ajerons 
engage  tïia  parole  que  j'en  donner»  deux 
en  tnaÏQ  propre  ails.MinilÎTcs,  &  l'auixe  je 
la  mettrai  moi-même  ï  la  pofte. 

Koui  montâmes  co  CftiolTc  :  nous  nom 
KÎmes  r£icnipr&iïK)îdatis  lefbnd,  &deux 
des  hocquetons  iSu'\t  devant  ;  &  ït  dît  tons 
haut  as  troiliAne  de  remener  les  dicvaux  â 
L'Ecurie,  &  quelatranqnilîté  que j'avoii lUl 
paroître  ,  &  mon  peu  d'dniotîon  lui  étoient 
de  feurs  gtrantsque  je  ne  ferojt  aacnne  rio- 
fèace.  Sur  ^uoi  je  loi  protcAai.  que  jemc 
cioiois  â  peu  coupole,  qnefile Roi,  m'eût 
ordonné  de  me  conÔitaa  moi-icéme  Prifoft- 
Dîer,  j'aïuoitexecHtéresordretËmsIemlnif- 
tére  d'aucun  de  fes  Qfficiert.  Je  le  prîat  de 
me  dire  lequel  des  MiniÛrei  me  &ifôit  tr- 
réter ,  it  quoi  11  ne  répondit  pas.  Je  lui  de- 
mandai fon  Nom;  il  me  dit  qu'il  s'appelloit 
de  Bowbon ,  &  il  fe  trouva  que  nous  avion» 
ièrvi  enfemble  dans  les  Moufquet^ûres  fon 
f'ils  &  moi;  il  me  dit  que  ccFils  étoit  Ca- 
pjtùDc  de  Cavalerie  ;  que  pour  lui  quoiqu'il 
tût  Ëxen^» ,  il  n'en  Ikijbit  plus  les  fonâîons, 
étant  auprès  de  MadJa  DuchcQè  du  Ludc,  qui 
l'avoit  pris  pour  fon  Ecuycr  ,  &  que  c'étoit 
bien  contre  fon  inclination  qu'il  avoit  été  for- 
ce  de  prendre  l'ordre  de  m'arrêter ,  lorsque 
le  jour  [recèdent  il  s'étoit  trouvé  dans  les  apar- 
tements;  ce  qui  me  fit  cotmoltrequecet  Or- 
dreavoitété&g&éaaConfèilleluiidi,  &qne 
le -lignai  que  m'avoit  ^t  Mr.  Otamillart  en 
for- 


.--„Googlc 


M  rHJflo'tre  de  Im  BafHtte.  ^ i 

fortant  du  Conftil  étoit  «[^nremment  pout 
m'en  donner  avis. 

Je  l'entrcrenois  avec  la  même  liberté,  qne 
s'il  to'eût  conduit  à  qusique  partie  de  pîw-  ~ 
fir  ;  &  aïant  aperçu  fur  les  coties  d'armes  des 
Hocquetons  nnemafle  tonte hcrifféedc  poin- 
tes avec,  cette  dcTÎfe:  Me/i/tromm  ternir  t  je 
lui  dis  en  riant ,  lui  montrant  fcs  gens  :  voi- 
la donc  la  terreur ,  &  voici  le  Monftrc  ;  en 
me  montrant  après  :  (ilcRoienavoitunmi- 
lion  de  pareils  ils  feroîent  plus  propres  i  ê' 
poQvanter  les  Ennemisde  S.M.qu'àtuinuia 
re.  Sur  quoi  je  pris  occafion  de  Inî  dire  que 
j'ftois  le  Cadet  &  le  féal  qui  reftois  de  dou- 
te frères  qui  tons  avions  répandu  nôtre  fang 
an  fervice  du  Roi  ;  fepc  delquels  avoientété 
tan  dans  le  môme  fervice.  Que  mon  Père 
iioit  pareillement  le  plus  jeune  de  donie frè- 
res qui  tons  avoient  aufli  fervi  ;  &  que  fon 
Père  mon  Aïeul étoit  pareillement  le  dernier 
de  douM  Frères ,  qni  tous  avoient  aulfl  porté 
les  armes,  &  avoietii  verfé  leurfaii^pourla 
qaerelJe  de  leurs  Rois  ;  que  de  pareils  Sujets  . 
ne  devoiem  pas  pafTcr  pour  des  Monfttéîi , 
dans  le  moment  encore  que  j'avois  quantî- 
téde  NevcQï,  de  Confins  &  d'autres  proches 
psrens  qui  fervotenc  le  Roi  dans  fes  Armées. 

L'Esempt ,  qui  me  parut  être  un  très  hon- 
nête homme ,  me  promit  affeaueufement  qu'il 
me  rendroit  fervice  auprès  des  MiniftreS. 
Nous  arrivâmes  à  Paris  ;  il  voulut  fçavojr 
quelle  heure  il  étoit  ;  je  tirai  ma  montre  ; 
pour  la  confronter  au  quadran  de  la  Samari- 
taine; il  étoit  huit  heures  juiles.  Nous  ^- 
perçumes  Mr.  le  Comte  dç  Grianniont'qni 
B  ♦  def- 


SS  Vli^mifit'u»  Trtmftîft 

defcendoit  les  marchesdu  Pont-neuf,  îlvoff- 
Im  faire  artéter  le  CaroHè  pour  lui  parler, 
mais  le  Cocher  ne  l'entendit  pas  &  palïi  outre. 

Enfin  nous  arrivâmes  au  lieu  redoutable  ; 
CD  entrant,  lirtât  que  les  fentinelles  nous  ap- 
perceurent,  ils  mirent  feur&chapeauxdevaat 
leur*  vifages  :  j'ai  apris  depuis  qu'ils  fai- 
ibient  cette  étrange  cérémonie  parce  qa'il 
leur  eA  ddfendu  de  regarder  uo  Prifonniet 
.CD.  face. 

Etant  arriver  à  la  petite  Cour  de  l'apartc- 
^ent  du  Gouverneur,  où  nom  mimes  pied  à 
'  terre ,  nous  fumes  reçus  au  pied  de  l'eJcalier 
psr  un  liomme  de  bonne  mine ,  qui  comme 
je  l'ai  apris  dans  la  fuite,  tftoitle  Lieutenant 
de  Roi  nomrn^  Mr.  du  Joncas,.  &  on  autce 
petite  figure  d'homme  de  tr£s  mauvaise  apar 
iCDce ,  &  fort  mincement  vêtu ,  qui  s'apel> 
loit  de  C9rb(f,  Neveu  du  Gouverneur  ,  qui 
nous  conduijîrent,r£ienipt  &  moi  dans  ra- 
partemeat  de  Mr.  de  St.  Mars.  Les  deux 
Hocquetons  avoient  commencé  \  monter 
dans  l'efcalicr  ,  pour  nous  y  fnivrc  ;  mais 
Mr.  de  Joncas  fe  tournant  vers  eux,  les  fit 
defcendie  ,  en  leur  difant  avec  allez  de  fier- 
té ;  quand  vous  nous  arex  remis  Monfieut 
entre  les  mains ,  nous  fotnmes  aflex  cwa- 
blesd'en  repondre  ;demeurei  au  bas  del'efca- 
lier.  NousentràmesdansunecKambretcudue 
d'un  damas  jaune ,  avec  une  crépine  d'argent, 
anime  parut  aiTei  propre,  aoffi  bien  que  It 
Gouverneur  qui  étoit  devant  un  grand  feu  ; 
c'étoit  un  petit  vieillard  de  très  maigre  appar- 
tence,  branlant  de  lat£te,destn3insadetoiit 
feo  corps,  qui  nous  reçut  fort  civilement  : 


.--„Googlc 


eal'HifioSredtlaBaJl'iIU.  i\. 

il-  me  pre&Dta  fÀ  maia  tremblante ,  qa*!l  mît 
'  dans  la  micane  ;  elle  étoit  troide  comme  un 
glaçon  ;  ce  qui  me  ât  dire  ea  mon  cœur  : 
voici qnieftdemauT^feaagnré,  lamort^  ou 
fon  fubfïitut  fait  alliance  avec  moi.  L'Esempt 
lui  donna  ma'  lettre  de  cachet',  où  l'bidre  de 
m*arr£tcr  ,  &  ràîanr  tiré  en  Tin  coiti  de  là 
chambre  pour  lui  parler  bas  à  roreille;com- 
me-le  GouvetncarétotiJî  fourdqxt'îlncpoa- 
vojt  l'emendte,  il  loi  ât  repeter  ce  qu'il  lui 
dïfoit  plus  haut  ;  &  j'entmdîs  fort  dlAinâe- 
mcnt  ces  paroles  :Mr,  Chamillart  m'a  ordon- 
na de  vous  recommander  particulièrement' 
oeMonficur  ,-  &  vous  enjoint  de  le  traiter 
plnS'favoisUemcQt  que  les  autres Prifbnoier^ 
ce  qui  t'obligea  à  me  Toiir  faire  beaucoup 
de  carelE».  Enfuîte  il  ligna  le  double  de 
ma  lettre  de  cachet  aubasde  laquelle  il  mit 
&  recoanoiilànce  ,  comme  TËiempt  m'a- 
vcMt  remis  entre  lès  mains  ;  &  m'étant  un 
■MO  avancé,  je  vis  qne  la  lettre  étoit  lignée 
<uOlbert  ;  ce  oui  me  fit  récrier  :  quoi  donc 
c*eft  Mr.  de  Torcy  qui  me  fait  arrêter  !  lui 
même  répondit  l'Exempt ,  &  c'eA  chez  lui 
que  j'ai  poité  vos  i»piers.  Je  le  priai  de  me 
tenir  ïk  promeOe,  &  de  fe  chaîner  des  trois > 
lettres,  dont  je  lui  avois  parlé  le  matio.  Il 
demanda  du  papier  au  Gouverneur  pour  les 
écrire  ,  qui  lui-r^>ondit',  quefî-tot  qn'un^ 
Prifonnier  ell  entre  fes  miiai,  il  nepouvoit 
M  permettre  d'^rire  Jàns  an  or^e  particu- 
lier de  la  Coar.  L'Esempf  pour'me  confb- 
lo de  cette  difgtacc,  mejwomt,  fi-tôtqu'il 
fetoit  i  Verfailles  ,  d'aller  trouver  Mrs.  de 
Totc;  &  Chailùllan-  pour  en  demander  la; 
B  j  ppt- 


.--„Googlc 


^  L'Inqu^îtien  Franfaîfe 

ferwiSion.  Le  Gouverocur  doos  oSrjt  A 
tous  le  déjeuné  ;  mais  L'Exen^tt  qui  I'cq  re- 
mercia prit  ]a  parole ,  &  dit  que  j'y  avois  pow 
vu  ,  &  que  je  leur  avois  fait  boire  d'excel- 
lent vin  de  Bourgogne  :  il  prit  cougé  du  Gou- 
verneur &  de  fa  Compagnie  avec  lefquels  il 
me  laiflà.  Le  Gouverneur  ordonua  à  foa 
Neveii  d'aller  me  faire  ptepsKC  la  fecdode 
chambre  de  la  Chapelle  :  fur  quoi  ce  petit 
hoihme  répondit  avec  étoniiepunt  ;  la  fécon- 
de de  la  Chapelle?  Ôiii,  répondit  l'OticIe, 
la  féconde  de  ia  Ch^elle,  en  ^mnt  le  St. 
Nom  de  Dieu ,  &  lançant  des  yeux.terribles 
fur  lui,  tous  nébuleux  qu'ils  étoîenl  ;  exécu- 
tez mes  ordres  ,  dît-il  ,  &  ne  me  répliquez 
pas.  Le  Neveu  defcendit  au  plus  vite  ,  & 
étant  le^lé  feul  avec  Mr.  de  Jbncas  &  lui, 
]]  me  demanda  Ê  j'ctois  di^puis  long-temps  à 
la  Cour  ;  &  fur  ce  que  je  lui  dis  que  j:*^ 
^tois  arrivé  de  Hollande  depuis  quatre  Mois, 
il  fe  mit  lur  fes  prolixes  dont  il  me  van- 
ta l'énotmité ,  i  mon  gté  fort  mal  â  pro^ 
pos. 

Il  me  dit  qu'il  étoît  fort!  de  Hollande  le 
lendemain  de  la  Naili^nce  du  Roi  Gtiilbu-* 
me,  autrefois  Prince  d'Orange,  parcequclA 
jour  précèdent ,  comme  tout  le  Monde  étoit 
dans  la  teJQuiilance,  il  avait  pris  querelle a-> 
vecf^tHoIlandois,  dont  il  etiavoittuéqua'- 
tre,  &defarméles  t^ois  autres.  Je  regardas 
ce  Palladin  qui  s'érigeoit  en  Hercule  ,  éc 
^ui  ne  m'en  paroiiToit  être  tout  au  plus  que 
rexcremcnt.  De  li  il  s'écoit  embarqué  pour 
.  Lisbone  ,  où  il  avoit  remporté  le  prix  danfr. 
«Q  &meux  tournoi.    Ssfûte  il  iveit  paâiE 


.--„Googlc 


«»  PfËficirt  tU  U  lèdfiiUe .  J  j 

âlaCourde  Madrid,  oùilsVtoit&it  at^- 
rer  dans  one  conrfe  de  Taureaux  ,   dont  il 
avoir pareillemeat  emporté  leprii  ,avec  l'ad- 
miradoR  de  toutes  les  Dames,  quîl'avoîeni- 
yeaCÉ  noï'cr  fous  un  déluge  d'œufs  parfumez  . 
remplis  d'eaux  de  (ènteurs;  &  il  ne  pronoa- 
çoit  pas  quatre  mots  lans  jurer  ,  pour  afiQr- 
mer  des  todomontodes ,  qui  ne  repondoient  ■ 
gncre  à  fon  volume.  Aparcmmentqu'ilm'al- 
loit  conduire  dans  les  Indes  pour  j  enlever  ■ 
quelqo'In^te ,  lors  que  fon  Neveu  vint  a- 
fertir  que  je  n'avois  qu'à  defcendre ,  que  tout 
ftoit  prêt.     Mon  nouvel  Hôte  me  fit  bien 
dw  proteftations  qu'il  auroîE  pour  moi  tons 
les  égards  poflîbles  ;  que  je  fèrois  bien  irai-  ' 
té,  &  qo'tlmevifiteroit  fonvent.  Nous  dcf- 
cendimes  dans  la  Coui  du  Gouvo'neut ,  où  je 
irottvai  encore  l'Exempt  que  je  priai  devoir  , 
Mr.  Chanullartde  ma  part  &  de  le  conjurer 
it  ne  pas  me  laiffer  languir  long  temps  dans 
a  lieu  de  defolation ,  ce  qu'il  me  promit. 
Corbé  Neveu  du  GouverHeur  accompagné 
de  trois  hommes  de  fi  mauvaife  mine  ,  -que 
•jetés  pris  pour  des  bourreaux,  mefitrraver- 
fet  an  corps  de  garde ,  où  ilyavoit  pluiieurs  • 
Soldats  fous  les  armes  ,  qui  fe  mirent  aullî 
Icars  chapeaux  fur  le  viiàge,  d'où  nouspaP- 
flniesdaits  BnegratideCoiit,  au  bout  de  la-  - 
ijMlle  à  main  droite,  nous  entrâmes  par  uqe 
porte  qnarrée  peinteen  verd,  oùl'on  monte 
pw  trois  marches  ,  dans  un  gVand  cïcalîer 
fttmédedenx  portes,  qui  firent  un  bruit  é- 
poavcntaWe  en  les  ouvrant.Après  avoir  mon- 
tÉTmgtcinq  ou  trente  marches  de  cet  efca- 
fe,  nous  entrâmes  par  deuj  perte»  couTer- 
B  6  tet 


SA  ■V'Iuqiiifitiom  IkâUftife 

tes.  de- lames  de  fer,  qui  firent  encore  plos  de- 
bruit  ea  les  ouvrant  que  o'avoientiâit  Ictirois 
premières,  dans  un  grand, lieu  qui  me  parut 
être  un  fepulchre,  long  de  plus  de  foiiante 
pieds  ,  large  environ  de  quinze ,  &  haut  de 
treize  à  quatorze  ;  je  me  mis  à  me  récria'  ; 
quel  crime  ai-jedonc  commis  pour  me  met- 
tre dans  un  Heu  lî  aJTreux,  &,uns  meubicsî. 
£ir  quoi,  un  de  mes  aŒQants,  homme  en-^ 
core  plus  épouvantable  que.  te  lieu  ,  c'étoit. 
cependant  le  Capitaine  des. Portes,  médit,, 
pour  me  confoler ,  que.  c'étoit  la  plus  belle 
chambre  de  la.Baftitle,  &.que  l'on  n'yinet- 
tpit  que  des  Princes.  Mais  quel  fut  mon  €- 
tonnement,  lors  que  ce  petit  homme  qui  pa- 
roinbitles  commande):,  me  dit  d'un  ton  mat. 
affermi ,.  qu'il  ^tloitlui  donner  tout  ce  que 
i'avois  fur  moi;  &  fur  ce. que  je  lui. dis  fiè- 
rement ,  en  le  regardant  d!un  air  qui  le  fit 
p^lir  ,  que  je  n'en  ferois  ti^Q  v  V^^  j'étois: 
dans  une  Pruonroï^le^  où  les  Officiers,  de— 
vxoient  avoir  horreurdesaâions.quifairoient 
rougir  les  Goiciietiers  les  plus  féroces.  II. 
me  proteilaquec'£toitnoa  feulement  la.cou-i-. 
tume,  mais  même  l'ordre  du  Roi  &  de  fes, 
lk$înillres  ;  &  fur  ce  qu'il  fe  mit  en  devoir: 
de  venir  me  dépouiller  ;  miferable  lui  diSTJe, 
4. tu  m'jiproches,  je  te  vais  étrangler  de  mes 
mains,  tiie  moi  iï  tu  veux  avoir  madq>ouil- 
he,  car  tu  ne  I*aiiras  jamais  de  mon  vivant: 
«1^-ce  daas  un  Château  tel  que.celuîrct,.qu'ii.  . 
tH  permis  de  detroulTer  un  homme ,  que  hors 
d'ici  tu  âj'oferois  regaiderenirc  les^ei^x?  Sa, 
£gnre  ne  pouvoit  pas  me  faire  deviner  que 
Cétoit Jç  Nçvcn  du .GouYCrueur  à qnijepar-.  ' 
"içis;, 


.--„Googlc 


.--„Googlc 


Mt  CHifimt  de  U  B»flilU.  ^ 

\snt'.  il  «rottuapctic  tuMtgris  deras  dcN^ 
mes,  fî  pelé  ,  qu'il  ^foit  peur  va\  voleurs 
ca  leur  moatrani  la  corde  ;  une  mechtruc 
ruiote  bleiie  toute  oTée  rapiécée  pu  les  gc 
DOUX ,  &  d'une  étoSè  leUe  qu'on  ea  donne 
lux  lôldats  ;  UD  chapeau  Jadis  noir  ombragé 
d'nu  vieux  plunaetnoir  tout  plumé ,  qui  pa- 
toilToit  avoir  eûùîé  la  fatigue  de  plus  de  qua- 
tre Aricre-baus  ,  qu'il  tenoit  de  uiauvaife 
gtace  fous  fou  bras  ,  &  une  perruque  qui  rou- 
giiToit  d'être  Q  antique  ;.  là.  mine  balle,  bien 
encore  au  de0bus  de  foc  équipage  l'auroit 
plutôt  fait  prendre  pour  un  Pouwcu ,  que 
pour  ua  Officier.  Ses  trois  autres  Énafiers 
encore  plut  tnal  bitis  &  plus  hideux  que  lui, 
étoieut  chapeau  ha.i  auprès  de  lui  fans  bnio- 
1er;  quand  le' plus  igé  qni  paroillbit^trefoa 
Père  &  avoir. tout  au  moins  foixante  &:quin2e 
in»,  quc^  l'on  me  dica]nis  être  le  Capitaine 
des  Portes ,  prit  la  parole ,  éc  me  dit.  Mon- 
fîeur  vous  pouvez  en  toute  fcnrcté  remettre 
ce  que  vous  avei  dans  vos  poches  entre  les 
niains  de  Mr.  o&tic  Lieutenant  ^  il  ne  vona 
en  fera  pas  fait  tort  d'une  épingle  ,  &  l'on 
¥ons  rendra.  ri»t  ponâuellement  le  tout ,  a» 
l^ès  que  Mr.  le  GtMivernenr  &  Mr.  le  Com^ 

fiiïlàire  l'auront  examiné.  Il  n'entre  pas  un 
tifonnicr  ,.  quand  ce  feroit  un  Frince,  qui 
ne  faSt  la,m&ne  chofc.  Faites-le  de  voua 
même  ,  iaes.  contraindre  Monfieur  à  4àire 
nioi^ter  des  Soldats  q.ui  vous  y  forceroient 
avec  une  violesce  indigne  de  vous..  Mon- 
iteur vous,  va  donner  un  Mémoire  de-  tout 
vôtre  argent,  &  de  toutes. vos  h8r4es,-avec 
une  foomiffîoB  .4c  vous  les  remettre..  Le  dif. 
B  7  cour, 


j8  L^JmipiifiiiM Fiwif»^f  ■■■■ 

cours  de  cet  Homme  m'apaifil ,  &  je  con- 
nus bien  que  le  meilleur  panique  j'avois  à 
prendre  étoit  d'y  Kcquiefcer.  Le  Lieutenant 
en  queilion  rira  vite  de  fa  poche  du  papier 
&  une  écritoire  ;  &  moi  je  lui  vuidai  dans 
Ton  petit  chapeau  tout  ce  quej'avois  dans  les 
miennes ,  que  ce  vieui  Capitaine  des  Portes 
fouilla  eofuite  très  eiaâemcnt  ;  &  aperce^ 
vant  uae  bague  au  petit  doigt  de  ma  main 
gauche ,  il  ms  dit  de  ialeur  donner  par  forma- 
Eté  feulement  :  je  me  doutai  bien^ue  c'étoit 
pour  la  parapher,  ut  ■varittur.  Mon  Aigre- 
fin fit  un  memoiredemesNipes,  &demoii 
argent,  &  mit  fa  foumiiTîon  au  pié  ,  qu'il 
the  lailTa,  &  m'en  fit  iigner  le  double,  qu'il 
empoita  avec  ma  dépouille  ,  en  mOntraiir 
unejoîe,  conune  fî  le  toetluieûtdéjaapar- 
icnu  :,^  cous  }es  antres  fermèrent  lespottcs 
fur  nioî  ,  aVcc  un  bruit  effro'iable  ,  en  me 
taiflant  feiit  dans  ce  lieu  de  ptair3nce,où  je 
n'avois  pour  tonte  Compagnie  ,  qu'un  cha- 
grin devorsnt,  avec  lequel  je  iiae  mis  i  ru- 
jniaer  fur  ce  qui  ponvoit  caafermadifgTace. 
Suis  je  trahi,  di fors -j« ^ fans  doute  quelque" 
fatale  Lettre  femblable  à  11  première  a  caufé 
mon  malheur.  Pourquoi  n'ai-je  pas  veuMr. 
Chamiltarti'  Je  vololt  de  peni^  en  peufée, 
fins  pouvoir  décider  laquelle  étoit  la  plus 
^tâe,  puis  qo'iln'yenavokpasune  qujdon- 
nit  fiu  bat.  L'image  de  toutes  mes  infortn^ 
-  oes  qui  fivppa  le  pins  mon  imagination  ,  &' 
^ui  portale  coup lepIusfeAfibleàmon cœur,- 
fitt  celle  de  ma  Ch^e  Ëpoufe,  atnndonn^e 
à  la  dottlrnr  la  plus  vive  dans  un  Pais  étran- 
ger, fius  p«ov«irtitetde  fKamn  &  decon- 
fola- 


.--„Googlc 


9B  PH^we  de  U  BaftiHe.  3J 

rofiCÏon  de  Pcrfoane  ,  que  d'an  Jeune  En* 
tant  dont  l'âge  tendre  étoit  plus  capable  de 
ladcfoler,  que  de  la  foulager.  Cette  feûl« 
idée  m'a  plus  tourmenté  ,  quelque  refigna- 
tiiHi  -que  j'aïe  eue  en  ia  mirericorde  de  Dîcti, 
Cfoe  toutes  les  cruautez  ,  dont  on  m'a  acca- 
blé pendant  plus  d'onze  Années. 

Après  avoir  ftitplufienrstoursàgrandsîîaB 
dans  cette  vafte  Caverne,  je  me  mis  à  en 
&jrc  l'inventaire,  qai' fut  fore  fuccînt  ^  car  il 
f  avoit  pourcout  meublé  un  petït  Ht  compo- 
12 d'une  mechinte  paillaQè,  d'un  petitlitde 
plome ,  4*un  matelas  de  bonre  ,  d'ane  mé- 
chante couverture  ,  d'un  périr  boîs  de  lit , 
tout  mang^  des  vers,  avec  un  ToordeBïo-- 
quelle  ou  Porte-Paris  ,  qui  étolt  la  moins 
DMOvaife  pMce  dn  Grabat ,  avec  trois  grands 
FaaMnils  de  commodité  garnis  debougran!^ 
&  bien  embourez. 

Les  mnr^'lles  toutes  noires  &:  enfilméeS 
de  cet  epartement  étoïent  tapiflTéesdes  noms 
de  mes  ntajhcnreuxpredeceueurs,  Àdetout 
c«  qn'tls  y  «voient  voulo  écrire.  Sur  l'eu-* 
(froit  le  pJni  aparent ,  à-cftté  de  la  cheminée, 
'  il  yavùîtécrit  en  gros  earaflére.  La  Veufve 
Lailly  &  Odricotte  fa  Fille  Irlandoîfe  ont 
(û  amenée»  dans  cet  Enftr  le  17.  Septem- 
bre 1701  :  je  mett  celles  cy  les  Premières  ,' 
eu  j'aerat  fejet  dans  la  faite  de  lîion  Hiftôi-. 
[c  ds  parler  amplement  de  Cet  Femmes  ,  &.- 
d'Odncot  Mary  de  laFillede  la  Veuve  Làil-, 
ly;  veu  qui!  lenrïft  arrivé  des  chofes  terribles, 
&  qui  dcvroient  rendu*  CorbéSc  l'AumÔnjet^ 
Gimat  *gnes  do  feu.  Ce  Vers  (Etoit  écrit, 
for  la  ehemiatîe. 

Z}4f 


.--„Googlc 


4A  '  L^lnjMifitiam- FréUftifi- 

Dot  ventatH  Corvis-,  iSix'at  ernfnra Cilomhar*  - 
&■  au  defTous  Maillefer  Prieur  du  Val-SecreC 
né  à  Rheiins  ;  &  plus  bas  Henri  d©  Mont- 
inoreacy  Duc  de  Luzcmbourg  %  été  amena 
îct  :  le  relie  étoit  effacé  :  en  c0et  j'aprîs  qa& 
ce  Maréchal  de  France ,  qui  f^ès-afait  tant 
'  d'éclat  dansle  Monde, avoii  été  long-temps  - 
enfermé  dans  cette  Chambre  ,  anlSbien  qae^ 
le  Maréchal  de  Biroa ,  &  le  Macéchal  de 
BaiTompierie.  L'on  meditQacoreottec'é-- 
toît  dans  le  m£mc  lieu ,  que  Mr.  de  Sacy  ft- 
voit  fait  la  plus  grande  partie  defon  admira- 
ble Traduâion  de  l'Ecritute  Sainte ,  avec 
fon  excellente  Explication  tirée  des  SSi  Po-- 
ries,  &  des  Auteurs  Ecclefiafliques.  QucMr.- 
delaToUanne  à  qui  l'on  vcnoitde  faire  ren- 
dre compte  d'une  manière  &  prodigieufe,  y 
avoir  été  enfermé.  A  côté  de  la  fenêtre  qui. 
ttoït  Uen  vitrée  ,  &  fermoit  i  deux  grands 
volets  ;,  qui  n'avoîent' qu'une  grille  ,  mais- 
très  forte,  avec  un  treillisdeboÏE  endehors 
peint  en  vcrd  ,  qui  empëchoit  i  ceux  qui  fe- 

Îromeuoient  fur  le  Corridor,  on  dans  le- 
irdin  de  voir  les  Prîfonniers  |.  mais  quin-em-  -  ■ 
pêchoit  pas  les  Pnfonniers.de  les  voir,  &  u- 
ne  grande  partie  du  Jardin,  de  la  Porte  ,  Sx. . 
du  r  aux-bourg  S.  .Aôitoine  ;  à  c6té  dis-Je  de 
cette  fenêtre,  on  voioit  écrit  les  Noms  fui- 
vans.  Poiret  dcVileroi  de  Vaucouleur  ,  Iç 
Vicomte  dé  la  Laone ,  X.oUi$  Getvais ,  Clas-  - 
de  de  Launay,  Madelaioe  de  faim  Michel, , 
&  une  inanité  d'autres^  dont  il  ne  me  Cou- 
vient  plus,  avec  quanciiédebellesl^nccaces;, 
mais  il  y  avûif  do  Coofcild'UD  Priace  Ita- 
lien,, 


en  rHifioipe  d*  Ât  Bi^tte.  41 

lien,  que  je  trouvai  aflifslïngalicr, mais d'a- 
ne  très  pcroicicafè  confeqoence: 
EmpvifiHM  ovè  JirtMgola. 
Cependant,  comme jeraiapmdanslïfui- 
te,  il  n'y  a  eu  que  trop  de  mes  malhcoreax 
Concaptifs,  qui  ont  mis  cet  abominaUe  avî» 
en  ptvique;  je  l'eSa^ai auffi bien  que  lenom 
deion  Auteur ,  que  je  tais  pai  le  lefpeâ  qui 
cft  dâ  à  fa  Famille.  Te  fuis  très  perfuadé 
que  Mr.  le  Prince  de  Kiccia  arrêté  pour  les 
troubles  de  Naples,  qui  étoit  dans  cetapar- 
tement  quand  je  fuis  fort!  de  la  BallilIc,ratH 
la  Qiaé  de  meilleures  maiimes ,  &  c'eS  dcquoî 
fes  vertus  ,  &  fur  tout  fon  édifiante  Pieté 
me  repondent.  Je  ne  puis  encore  m'empé- 
chei  de  ^^MUtc^  ce  qui  étoit  écrit  derrière  un 
des  vollets  de  la  fenétie  :  à  la  fuite  de  plu- 
fieucs  qui  7  avoient  écrit  le  fnjet  de  leur  dé- 
tention, on  voioit  ce  qui  fuit.  Et  moijeaa 
Crânier,  j'ai  ité  traduit  ici  deViacennes, 
oùj'avois  ciSi  la  tête  au  fripon  de  Beraaville 
Gargotier ,  ou  plutôt  Bourreau  du  Chitcau  de 
Vincennes,  pour  m'avoir  fait  rouer ,  en  fa^e- 
fence ,  de  coups  de  bâton.  Un  Prifonnier  avoit 
fait  cette  fentcnce  :  Patient!^  hvimsfil  malmm. 
&  le  même  Crouier  avoit  écrit  au  defibus  : 
Ls  Patience  edlavertu  des  Afnes,  &cnûa- 
te  qu'on  doutât  qu'il  étoit  l'Auteuideccye- 
nenible  Proverbe  ,  il  avoit  mis  fon  nom  au 
deflbns.  J'ai  connu  &  fréquenté  très  parti- 
culièrement le  Frère  de  ce  même  Ctânier  , 
fi  connu  en  Hollande  pour  celui  qui  faifoît 
la  Gazette  Burlefque  ,  fon  Ftere  t'appelle 
SimeoQ  le  Crôoler  Sr.  du  Teil  de  la  Paroif- 
h  de  St.  George  de  Rouellay  ,  Ifieutqaaot. 
de 


.--„Googlc 


4>  L'iMfMiJitioK  Franfoifi 

de  rEleaion  de  Mortwi  ,  qui  cft  an  très 
honnËEc  homme ,  bon  &  genereui  Ami ,  & 
qui  a  une  fort  aimable,  &  honorable  Famil- 
le; il  m'avoit  feit  entrer  dans  leur  Société , 
qui  eft  tonte  des  plus  charmantes  ,  &  com- 
pose dePcrfbnnesfçavantes&dcmentc, en- 
tre autres  de  Mr.  de  Hoiicflay  Seigneur  &  Pa- 
tron du  Heu,  &dcMcflîeurs  fes  Frères  Gen- 
tils-hommes  très  accomplis ,  deMr.duPont 
Oué  du  lieu  ,  DoÛetir  de  Sorboiine.  l!  lî- 
toit  de  Magelone  en  Languedoc  ,  &  fa 
fdence  ,  quoique  très  profonde  ,  bien  loin 
d*itre  fauvage,  étoit  toute  enjoUée&fecom- 
muniquoit  aifement,  &  avec  plaifir;  unAd- 
vocat  nommé  Mr.  de  Kiotiere ,  qui  avec  de« 
manières  tris  civiles  faifoit  parfaiteincntbien 
lei  honneurs  de  fa  Maifon,étoit  do  nombre. 
Comme  je  Ans  ravi  de  dire  du  bien  de  mes 
Amis  ,  jB  croi  t;iie  l'on  ne  fera  pas  fâché 
que  cette  petite  flirgreffion  faflfe  connoître 
les  douceurs  que  j'ai  goûti^es  ,  avec  des 
Gens  qu'on  ne  peut  trop'  loiicr.  En  faiHint 
TEloge  de  ceui-là,  je  ne  dois  pas  paflcr  fous 
filence,  Mr.Ie  Comtcdc  l'Apenty  ,  &Mrs. 
fes  Frères,  Mr.  le  MarquisduBaillculHer- 
fty  de  Goron  ,  Mr.deLongu^veLouvigtn-, 
Mr.  de  Champcaux  Mattîgni  ,  Mrs,  de  St. 
Patrice,  Benuflon,  du  Bailleul  Lieutenant 
General  de  Mortain  ,  &  fes  Coufins  ,  du 
Temple  Rufigni ,  &  une  quantité  d'autres 
Gentils-hommes  qui  font  honneur  à  leur 
Païs,  &  qui  vivent  d'une  Société  toutà  iâit 
exemplurc ,  &  dont  j'ai  reçu  mille  marques 
d'amitié  pendant  quatre  ans  ijuc  j'ai  vécu  a- 
vcc  eux  ;  Je  connoiffols  d<j»  la  plupart  de 
ces 


tm  THiftolre  dt  la  Bafiiïle.  4| 

ces  Meffieurs  de)>ais  long-ten^s ,  pour  vttAt 
ûadié,  (mfervi  IcRoiaveceux.  ' 

l'étoîs  occupé  à  lire  les  vstiâez  qui  étcrient 
écrites  iax  ce  terrible  &  inébrsinldble  cafaiei^ 
qae  l'on  appelle  commanenxnt  le  Reg^ftrc 
des  fous  ,  lors  que  j'entcadjs  bruire  les  ver* 
roux  de  mon  trifte  «patement ,  dont  il  ftl- 
loit  ouvrir  cinq  portes  avant  que  d'y  entrer, 
qni  âiîfoienE  un  bniit  terribteçn  lefrOQvr&nt; 
ï.  Quoy  repondoient  lagubremeat  les  EctiM 
qui  tftoient  luitdaAs  l'efcalier ,  qn*  dans  Ici 
^rtemei»  qui  y  joignoJent.  Les  claq  pot^ 
tçs  ouvertes ,  je  vis  entrer  an  Monâre  iuîvl 
d'an  Satyre ,  cnr  c'ejl  aîsfl  qa'oo  peot  ae> 
peller  les  deia  hommet  qiri  me  vlnreoi  v»- 
tcr.  Le  premier  qui  eflti4  aT<^  le  mesflb 
UDt  bûuâ ,  fon  fiiont  fcmUoit  être  latedcot- 
ee  d'arbre  ftir  laquelle  )•  petite  vérole  «voit 
pris  i  ttche  de  graver  l'Alcontt ,  Tes  yeiït 
cachez  comme  aufond^denicoracstidez, 
fous  deux  fourcils  ép^s  d'un  ponce,  étoieat 
rotn  &atfreax,  fon  nez  tout  buriné,  &  tour- 
né en  pied  de  marmite  .  chargé  de  vingt  ou 
trente  «utrepetltei  n«  detoutes  les  couleurs, 
paroiflbir  une  néâe  écrafôe  au  deffus  de  fa 
bouche  dont  Ict  Mvres  bluâtre*  fcmées  tfc 
petits  rubis  &  de  petites  perles  fe  rdevoiem 
eu  doubles  bonrelets ,  fçavoîf  la  fupetiéta« 
au  niveau  de  fon  neï,  &  l'inferiçoie  ombra- 
geait une  partie  de  fon  menton  couvert  d'un 
crinpiusnoir  que  du  geaîs  :  î%  âcure  courte 
&  ramaiTée ,  oe  pouvoit  prefque  Te  fomentf, 
tant  l'eau  de  vie  dont  elleétoit  pleine  U  UX~ 
foit  chanceler,  lié  Satyre  éroit  en  cherrùfê 
Aien  eatleçoQs  Tans  autre  bonnet  à  ia  léte- 
qu'une 


44  L'l0quifitio»  FrMfoîfe 

qu'une  maffe  de  poîl  roux  ,  nuis  d'an  roux 
d'airain  tout  hciilTé  &  qui  paroi0bit  n'avoir 
^té  peignée  de  plus  d'un  An  ;  un  pareil  poil, 
d'une  nuance  plus  roulTc  cachoit  toutronvi- 
fàge  jufques  fous  les  yeux ,  qu'il  avoit  toat 
botdei  d'écarlate  :  au  travers  de  ce  poil ,  on 
ne  laiflbit  pas  de  voir  que  fes  jolies  creufes 
étoîent  pliâmes  comme  un  vertugadin  ;  &  la 
bouche  relevée  comme  celle  d'un  N^ure  , 
en  s'ouvrtDt ,  montroit  un  râtelier  jaunâtre, 
&  mal  rang^.  Dans  la  faite  j*^  apris  que 
le  Monstre  s'appelloit  Jacques  Ro]!àrge,q)ie 
.le  GouTerneur  avoit  érigé  en  Major  ,  &  le 
Satyre  Anthoine  Ru ,  qui  étoit  un  Serviteur 
-de  ceux  qu'on nommePorieclefs,  &quil!e- 
:Toit  me  fcrvir;  tous  deux  Provenceauij^pis 
je  ne  te  peux  dire,  difoitHenry  IV.  LePre- 
micr  en  entrant  dans  mo^^  antre ,  le  clia- 
peaufôus  le  bras  ,  &  très  mal  Enguenîllé  , 
car  Ton  habit  jadis  bleu  ,  d'un  gros  drap  qui 
montroit  la  corde  de  tous  les  cdtez  étoit 
blanchi  de  vieillefle  &  paroiiToit  li  caduc , 
qu'il  ne  fe  foutenoit  plus  qu'à  l'aide  de  plu- 
fieurs  pièces  de  raport  fort  difcordantes  arec 
le  gros  de  la  macJiine  ;  ce  Narquois  dîs-je , 
me  ât  quatre  àcinq  révérences  avec  des  con- 
torlions  &  des  mouvemens  qui  dansuncaa- 
treiàifonne  m'auroient  pas  peu  rejoui.  Le 
fécond  portoîc  une  petite  table  pleiante  ton- 
te oeufved'unemain,  &  de  l'autre  une  gran- 
de cruche  de  grais  pleine  d'eau  ,  qu'il  dg>o- 
fa  dans  ma  chambre  ,  &  pendant  que  le  Ma- 
jor m'entreienoit ,  il  retourna  quérir  un  Pot 
a  c»i,  &  un  pot  de  chambre  de  &îsiicejjin 
vene,  deux  lerviettes  blancbes^  goe  dwife 
pcr- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


'  am.rrUftoireJtUBéfltUt.  4f 

fece^ede  bois  .de  noyer  fott  ftropre,  une 
fàilicre,  une  cneitlicr,  &uaefbatcbened*é- 
taÏQ,  arccURpaîtçoiue&u,  letonttoutneu^ 
an  psùn  environ  d*une  livre,  &  unebouteit- 
te  de  Tin  d'un  verre  double,  environ  de  troÎE 
demy  fcpriers  ;  ii  étoîi  à  peu  près  onie  heu- 
res &  demie.  Je  demandai  à  cet  homme  , 
qui  me  dit  éttbie  Major ,  û  L'on  ne  me  met- 
troitpas  dans  une  Chambre  plus,  propre  ft 
tapiâée ,  &  fî  Mr.  le  Gouyernear.me  fù-enoit 
pour  un  bandit,  de  m'envoicrune  cuillier  & 
uoe  fourchette  d'étain.  Il  me  protcûa  qu'on 
n'en  doonoît  pas  d'autres  aux  Princes  ;  que 
il  ta  Cour  vouloir  bien  me  te  permettre  ,  je 
pourrois  en  faire  venir  d'argent,  &  d'auttct 
meuble^  tels  que  ielesvoudiois ,  mais  qu'il 
meiallolt  un  oiore  exprès  du  Miniftrc  :  il 
me  protcila  que  Citais  dans  la  plus  bdte 
chambre  de  la  BaUille,  comme  depuis  i'ù 
apris  que  c'étoit  la  vérité ,  que  le  Roi  ne  don- 
noit  aui  Prifonniers  que  les  quatre  muraillets 
&  qu'il  me  fàudroit  paj'er  fix  francs  par  Mois 
pour  te  loyer  de  mon  lit;  ce  que  depuis  j'ai 
apris  être  une  friponnerie  des  Officiers,. pu» 
que  le  Koi  fournit  les  Pdfonniers  d'£cat^|F^ 
neralement  de  toutes  les  chotès  oécefTaires 
{>onr  la  vie  &  pour  la  confervaciou  de  leur 
fanté.  Il  voulut  envoler  qucrir  un  £^ot  & 
fïire  allumer  du  feu  pour  chaâcr  te  mauvais 
air  de  la  Chambre  ,  mais  je  l'en  remerciai 
parce  qu'il  ne  ^foit  déjà  que  trop  chaud. 
Je  lui  deo^ndai  lî  l'on  ne  me  tendroit'pas 
mamomte,  domj'avoisbefoia,  &  lesautres 
Mrdes  qu'o{i  n^'^oit  pilfes  le  matin  ,  mais 
.fili  tou[  uses  Itvies  qui  pouiroiciu  m'entre- 


4t  L'Iufiùfitia»  FrMUfaife 

tenir  duis  ma  fblinide.  Il  me  répondit  qae 
&  tût  que  le  Miniftre  en  auroit  fait  l'eiamen, 
pn  me  les  leadroit  à  la  reÇenc  de  l'aigcnt  , 
&  des  ferremeats  qoi  pcnin-oïenc  oie  Icrvir  à 
quelque  maarais  ul^e.  Je  voalus  fçavoîr 
quel  étoit  leMinidreaevant  qui  ilfalloitf»- 
re  palier  mes  babioles  en  reviie  :  il  me  dît  | 
que  ccladepeiidoitdeMr.leComcedePoat-  ' 
chartraÎD  ,  qui  ne  venoic  prefque  jamais  ,  à 
JaBaftîlIe,  qu'il  enavoit  tailTéle  ToinàMr. 
des  Granges  ion  Commis  ,  Beau  Père  du 
Filsde  Mr.deSt.  Mars,  avec  uneefpécede 
Dîreâionà  Mr.  d'Argençon  te  Lieutenant  de 
Police  de  Paris  ,  qui  avoit  encore  fous  loi 
Mr.  Camufct  Commiflàire  de  la  Baflille.  H 
me  demanda  combien  d'argent  j'avois  Tur 
moi  quand  Corbé  s'en  éioic  emparé.  Je  lui 
dis  que  je  n'avois  que  cinquante  deux  livres 
&  quelques  lettres  de  change ,  te  reite  étant 
dans  mes  coffres  :  je  lui  montrai  le  mémoire 
de  mes  hardcs  ,  avec  la  foumiflîon  de  Cor- 
bé.  Comment  dit-it  brufquement ,  voilide 
bonnes  nippes  î  cela  doit  m'apartenir  ;  je 
vais  bien  les  lui  faire  rendre.  Ce  DifcouFS 
me  donna  bien  à  entendre  en  quelles  mains 
j'étois  tombé,.  &  m'anonça. la  perte  de  mes 
bijoux  ;  car  comme  il  étoit  yvre  ,  je  raî- 
fonnois  fur  le  pciocipe 


Je  lui  demandai  quelle  forte  d'homme  c'âioit 
que  ce  Corbé,  &  quel  étoit  fon  emploi  :  il 
me  dit  qu'il  étoit  Neveu  du  Gouverocar  i 
qui  l'avoir  fait  Lie'uttnani  de  la  Compagnie 
qui  gtudoit  le  Chftteau  j  mais  qu'il  étoit  an 
dcf- 


.--„Googlc 


o«  FHiJhire  it  U  B^ïtle.  ^7 

ètScas  de  lai,  puifqii'il  étoît  Major  de  I« 
Baflîlle  ;  qu'il  étoît  parvenu  à  ce  pofte  glo- 
rieux par  tous  les  degrez  ;  qu'il  yavoit  treate 
&  un   an  qu^l  fcrvoit  Mr.  de  Si.  Mars  ; 

S'il  avoit  d*abord  poné  le  moufquet  dapsfa 
mpagntc,  &quc  lors  qu'ilétoicvenuavec 
lui,  des  Ifies  de  Sainte  Mar^erite  à  Paris, 
il  avoit  rhoimeur  de  porter  ia  hallebarde.  Il 
n'en  falloit  pas  plus  que  cette  éloquen- 
K  decIaratioQ,  joiwe  à  là  figure,  pour  m« 
tiiire  co9iioître  le  Perrotinage.  Je  lepriai  ce- 
pendant de  faire. mes  excufes  à  Corbé,  apre^ 
nant  qu'il  étoit  le  Neveu  du  Gouverneur , 
de  ce  que  je  l'avois  brufqué  le  marin ,  mais 
qne  l'affront  qu'il  m'avoit  fait ,  joint  au  char 
grin  de  me  voir  arrêté  contre  toutes  (es  ré- 
gies de  la  juftiçe ,  m'avoient  pou/le  à  lui  en 
tôno^ner  mon  relTentiment  contre  les  de- 
voirs de  la  bienfeance  :,  il  me  répondit  que 
ce  a'étoit  qu'une  bagatelle;  qu'il  elTuioit  des 
chofes  bien  plusoutrageantes,&qu'ilfelcsar- 
litoit  par  fes  manières  dcfobligeantes  &  parfon 
avarice  dcmefu ré e.  A  peine  pouvoît  il  fe  foute- 
nir,  cependant  il  ne  raifoanoit  pas  mal  pour 
un  homme  qui  paroîiroit  enfevelidaoslacrar 
pule;  il  fortiteiifail^ntdesSStrèsperiSleufes 
&je  l'entendis  qui  penfafe  cafferlecoudaaï 
la  montée.  Le  Satyre  qui  puoit  plus  que  le 
bouc  le  plus  infeâ,  ferma  la  porte,  en  me 
^^t,  qu'il  m'alloit  aporter  à  dîner  dans  lé 
ntomeat:je  lui  demandai  rï  c'étoic  le  Roi  qui 
me  nourriroit ,  OU  s'il  me  feroit  permis  de 
me  faire  aporter  i  manger  à  mes  d^ens , 
mais  il  ne  voulut  pas  me  repondre. 
Je  ine  am  aurore  i.  i£vei  Gu  ma  fùnefle 
avan- 


.-„Goo.jlc 


48  L'iMjuifithit  Fraufoîfe 

ftvanture  ,  1  reparler  tout  ce  que  j'avoîs  farè 
&  dit;  ■&  plus  je  chcrchois  à  deretoper  la 
csiufe  de  mon  malheur,  plus  je  m'enfouçois 
daiK  des  raifonnements  qui  m'entreiEtoii^at 
d'un  abyme  dans  un  autre  lâns  en  pou- 
voir Ibrtir.  j'élois  enfevcli  dans  ces  rêveries ,  - 
quand  une  heure  Tonnant ,  je  fus  revallé 
fax  te  tintamare  des  verrous  qui  fembloient 
me  pénétrer  dans  les  os;  laderniére  porte  ou- 
verte je  vis  entrer  Gorbé,quimef3lna  d'oii 
air  riant  ;  il  écoit  futvi  de  mon  puant  Porte- 
clefs,  chargé  de  plats  ;  JE  mît  une  de  mes 
fervtcttes  fur  la  table  &  y  plaça  mon  difné, 
qui  confiltoit  en  une  foupe  aux  poids  verds , 
garnie  de  laitues,  bien  mitonnée  &  deboone 
mine,  avec  un  quartier  de  volaille  deflus  ; 
dans  une  alGette  il  y  avoit  une  tranche  de 
bœuf  iiicculent  avec  du  jus  &  une  couronne 
de  perlïl ,  dans  une  autre  un  quartier  de  go- 
diveau,  bien  garni  de  ris  de  veau,  de  crêtes 
de  coq,  d'alperges,  de  champignons,  de 
truffes  &c.  &  dans  une  autre  une  4angue  de 
-mouton  en  ragoût,  tout  cela  fort  bicnapré- 
té;  &  pour  le  dcCftrt  un^  t  cuit  éC  deux  pom- 
mes de  tenettes.  Si  tôt  quelcPorte-Cletseut 
fervi  iJs'enalla.  Corbcs'affit  auprès  de  moi  fii 
ne  voulut  pas  prendre  ladroitte;  je  l'invitai  à 
manger,  mais  il  me  dit  que  cela  ne  lui  étoit 
pas  permis,  &  voiant  que  ^e  ne  mangeoii 
qu'un  peu  de  potage .  il  me  loUicita  déman- 
ger d'une  manière  très  engageante  ;  je  lur  fis 
des  excufes  fur  ce  qui  s'étoii  pailif  t«  matin  ; 
mais  il  me  dit  fort  obligcammentqil'ilfalloit 
uc  pas  taire  attention  à  la  fentibilité  d'un 
homme  qui  r«  voioitdaaslaJîtuatioaflchcQ- 
fç 


.--„Googlc 


r 

am  PHiftùire  de  la  BafiHk.  49 

j  ïèoàj'étois;  qnedèsqa'il  le  pourcoi'til  me 
■  fcroit  rendre  mes  hardes,  J'inlillai  fur  mes 
firres,  &  il  nie  promit  que  fi-tôt  qu'ils  aa- 
lOicQt  été  examinez,  il  me  lesrapottcroitluï 
même.  Il  voulue  me  verfcr  du  vin  de  cette 
botucille  qu'on  m'avoït  aportée  le  matin , 
c'étoit  de  rrès.bon  vin  de  Bourgogne,  &  le 
pain  éioit  excellent.  Je  le  priai  de  boire , 
mais  il  m'affirma  qu'il  ne  lui  ^toit  pas  per- 
mis. Je  lui  demandai  fi  je  païerois  ma  nour- 
riture, ou  II  j'en  ^tois  redevable  au  Roi.  II 
■  médit  que  je  n'avois  qu'à  demander  tout  ce 
qui  naturellement  pourroit  me  &ire  plailîr, 
qu'on  tâcheroit  de  me  iàtisfaire,  &  que  S. 
M.  païoît  tout.  Je  m'informai  fi  M.dcTor- 
cy  ne  me  donneroit  pas  des  Commiflaircs 
pour  m'cxatniner  ;  il  me  dît  qu'il  falloii  at- 
inidre  les  ordres ,  que  d'ordinaire  on  adref- 
Toit  à  M.  d'Argençon,  que  M.dePontchar- 
triin  avoir  commis  pour  en  faire  le  raport 
an  Roi.  Je  le  pn'ai  demedirequandilcroioit 
que  je  pourrois  le  Toîr  :  il  ne  vous  verra  pas, 
me  repondit-il,  qu'il  n'en  ait  un  ordre  exprèi 
du  Minillrc  qui  vous  a  fait  arrêter ,  ainu  ne 
vous  impatientez  pas ,  &  fur  tout  point  de 
lriûel&,  banniflc2  la  autant  que  vous  pour- 
rez. Si-tôt  qucj'cus mangé,  il  prit  congé  de 
moi  de  fort  bonne  grâce,  en  medifant  que 
fi  je  voulois  qu'une  autrefois  il  eût  le  plaîfir 
de  m!entretenir  pendant  mon  repas,  iltallott 
que  je  mangeaflè  de  meilleur  apetit ,  &  c'é- 
loit  dc^noi  fon  Oncle  me.  prioittrèsinftam- 
nent.  Je  fils  fiirpris  de  trouver  tant  de  civi- 
lité daas  un  homme  de  li  mauvaife  apparen- 
ce ,  &  qui  m'avoit  patu  II  btutal  le  matin  ; 
C  mi;is 


^...Cooylc 


g«  L'iM^MÎfitioKfranfoi/i 

maif  firas  doate  que  fon  Oncle  lui  avoit  fait 

fa  leçoD  ,     comme  j'ai  eu  tout   lieu  de   le 

Cfoire.     Il   ferma  toutes    les   cinq    portes 

fur   moi ,  &    me  laiHà  fcul   arpenter  ma 

chgmltfe. 

Mes  refleiions  vinrent  encore  m^aflôillir  ; 
celle  qui  dans  te  moment  meparoilTotttapIUs 
vrai-lèmblable ,  'étoit  détruite  par  celle  qui  '  la 
fuivoit  ;  de  reflexion  donc  en  reflexion ,  je 
vins  à  celle  qui  me  rapclîaquej'av^isétéia- 
vité  par  unOflicier  de  !a  Panneterie nommé 
Mr.  Warm:é ,  fort  joly  homme ,  &.  d'autres  * 
Officiers  d'être  d'un  rt^al  qu'ilsdcvqîeiîtfai- 
re  à  St.  Cyr,  lieu  qu'ils  avoient  chom  pour 
la  commodité  de  Mr.  de  la  Fcrté  IHreâeur 
de  St.  Cyr  mon  bon  amî ,  qui  en  deroit  êtTe^ 
&  où  ils  dévoient  célébrer  la  fête  de  St.  Ho 
noré  ,  que  i'Egliib  Romaine  a  indiquée  aa 
if.  Mai,  f^netle  jour  pour  moi.  Un  (laf^ 
con  en  mi  place  n'auioit  pas  manqué  dédi- 
re que  MocitîeuSt.  Hoanorat,  l'auroit  beau- 
coup deshounorat  :  pour  moi  j'admiroîs  la 
viciflîtude  des  Chofes  :  aujourd'hui  ,  difoit-       , 

.  je,  je  devojs  me  régaler  avec  mes  Amis,  Se 
je  Aïs  enfermé  dans  un  lieu  zàïeax  ,  oà 
dans  un  morne  lilence ,  je  n'ai  que  lescha-  j 
^rins  &  la  triileil^  pour  toute  ctunpagnîe  :  \ 
mes  amis  boivent  à  ma  lànté  ,  &  peut  être  ' 
qu'ils  raiibnDent  lôr  mon  cmptifonncment  ! 
bien  ou  mal ,  Aiivant  que  te  vin  leur  fugge-  j 
re,  tandis  que  moi-même  j'en  raifoiuie  peut  I 
^treencoreplusmal  qu'cui,fuivantque  mea  j 
caprice  le  veut.    O  jour  tàial  !  m'écrioSs-jç 

'  en  mon  cœur  ,  que  le  i6.  Mai,  que  je  dois      | 
bien  te  marqua  d'une  pierre  ooitc!  Ce  ts, 
jour 


ou  VH^m  Je  U  BsfiilU.  j^ 

da  Mots  de  Mai  me  n^lls  un  Trîolet  de 
Mr.  Ranchin ,  tpiî  »  été  regarda  comme  le 
Ony^éc  des  Trfolets  :  Le  voici ,  fl  j'ai 
booue  mémoire  : 

te  premier  jt*r  dm  Mais  de  Mat 
Fmt  le  plHJ  heureux  de  ma  vie  : 
Le  ieau  dejfeiu  que  je  fortnsi 
Lt  premier  Jour  du  Moii  de  Msi\    ■ 
y«  vont  vit  Es"  je  voMî  siméi  : 
Si  ce  drffetK  vomi  plut  Syhie , 
Le  premier  jour  du  Meti  de  Mai 
Fut  le  pim  heureux  de  ms  vie. 

Et  dans  le  moment  je  fis  ces  Bouts  -  rimez 
I   *pw  j'écrivis  contre  le  mur  avec  mon  coa- 


BOUTS-RIME  Z. 

Le  fcizi/mt     -     -    -    dmMiit  de  Mai 

Fut  le  plus  erutJ    -    -    d«  ma  vie: 

Datu  ia'BaJIilli  je  fâ   -  mai 

L  e  feiivémt     -     -     -     dm  Meit  de  Maif 

Ou  me  ravit  te  que  f  -  aimai  ; 

Pmiique  jt  perdtj  ma  -  Syhfie, 

Le  feiiiAti*     •     -    .      du  Mois  de  Mai 

Fut  le  plui  fruel    -     -  4*  ""'  "'• 

_  Uo  moment  après  avoir  rfcrît  ces  Bouts- 
■iinei ,  je  voulois  les  efFacet  r  quoi  !  fuis-je 
fon,difois-jcenmoî-méme,  dcnùrcdcsveii 
dans  us  tombeau  ,  où  je  ne  dcvrois  fongtf 
^B'ilàiremonEpitaphe  i  car  c'eft  ici  tetom- 
bnu  des  vivants  ,  où  je  me  tchs  cefcvcii  A 
C  a  M 


.-:„GoOglc 


la  fleur  de  mon  ige.  Je  promenois  mes 
yeux  fur  cette  valte^  éteudut:  ^murailles  , 
qui  fembloient  netne  prefeatcr  qucdesfpec- 
tacles  d'horreur  :  j'aperçus  auï  quatres  an- 
gles de  la  Chambre  quatre  figures  antiques 
mal  taillées,  &  les  aïant  examinées  de  plus 
près  je  reconnus  que  c'étok  les  quatre  fim- 
boles  que  l'on  applique  aux  quatre  Evange- 
liftes ,  l'Ange  que  l'on  donne  à  S.  Matthitu, 
le  Lîoii  à  St.  Marc ,  le  Taureau  à  St.  Lac, 
.  &  l'Aigle  à  St.  Jean  :  je  vis  encore  d'autres 
niM-ques  qui  me  firent  croire  que  ce  lieu  a- 
voit  fervi  autrefois  de  Chapelle,  ce  qui  me 
fut  après  confirmé  par  les  Officiers  ,  qui 
me  dirent  que  c'eil  ce  quj  fàifoit  appellcr  ce 
liew  l'apartement  de  la  Ch^elle.  Il  s'éleva 
r après  midi  un  vent  qui  donnant  contre  mes 
fenttres  ,  formoit  des  accents ,  en  parlant 
par  les  jointures  des  carreaux  des  vitres  , 
comme  d'une  Perfonne  qui  fe  feroit  plainte 
(JoulouTcufement.  Quoique  J'euffe  une  con- 
noiiïaace  parfaite  de  la  çaufe  qui  exciroît  ce 
bruit,  il  ne  laiffoit  pas  de  redoubler  ma trif- 
tcffe  ,  &  de  me  rapetler  les  plaintes  funelles 
&  juiies  qu'alloit  faire  ma  chère  Epoufe  & 
toute  ma  Famille  defolée  lors  quelle  apren- 
droii  mon  crilel  einprifonnement.  Quand 
le  vent  redoubloit ,  ces  prétendiies  plaintes 
redoubloient  avec  une  variété  très  touchan- 
te ,  &  cela  continua  jour  &  nuit  fort  long- 
temps ,'  ce  qui  ne  laiflbit  pas  ,  malgré  ma 
Philofophie  ,  d'entretenir  ma  trilteflè.  J'y 
aurois  Wen  mis  ordre  ,  fi  j'avois  eu  du  pa- 
pier &  de  la  colle  ,  mais  j'étoîs  dedituc  de 
tontes  chpfes ,  &  quaad  j'en  dçipaodai  aux 
^ _  Of- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


OH  riSJÏcirtdt  h  BafiilU.  j^ 

Officiers  ,  en  'car  fàtfànt  connoître  lefujei 
pourquoi  je  le  demandois ,  ils  me  dirent 
qu'ils  ne  pouvoient  m' enaccorderfàns  un  or- 
dre exprès  de  laConr, 

Sur  les  quatre  heures  après  midi  le  Porte- 
Clefs  vint  deflêrvir  accompagné  du  Capitai- 
ne des  Portes  ;  il  m'^orta  quatre  groflèsr 
chandelles  de  quartier,  un  chandelier  de  fi- 
ïance  ,  une  bouteille  de  vin  pareille  i  celle 
du  matin  ,  &  une  pure  de  draps  très  fins  Se 
blancs  ;  je  leur  demandai  fi  quelqu'un  vien-' 
droit  faire  mon  lit ,  mais  le  Capitaine  des 
Portes  me  dit  ,  qu'il  felloit  obtenir  de  la 
Conr  la  liberté  de  faire  venir  mon  Vallet, 
dont  le  Roi  paicroit  la  nourriture  &  l'entre- 
tien ,  &  qu'en  attendant  qu'on  m'eût  accor- 
dé cette  grâce,  je  ferois  obligé  defairemoti 
Ift.  IJc  Porte-clcft  fortit  avec  tout»  favaîP-- 
felleA  fon  dîné,  auquel  je  n'avois  pas  preP- 
que  touché ,  non  plus  qu'»i  Vin  qu'il  rempor- 
ta ,  &  me  laiHâ  feul  avec  le  Capitaine  des 
Portes.  C'étoit  un  homme  affreui ,  &  tel 
que  Rubensdépeignoit  fes bourreaui ,  quand' 
il  vouloir  nous  iaiflêr  une  fanglante  idée  de 
h  paffion  de  J.  C.  dans  quelqu'un  de  fcs  ta-- 
bleaax.  Ilavoitles  épaules  groflês- &  roit- 
des  comme  une  timbale  renverfée  au  niveau 
de  fa  tête  ,  qui  fembloit  enfoncée  dans  fcs 
épaules;  à  peu  près  commeBoierPetit-Puys 
dans  fes  voy^es  ,  nous  peint  certains  Peu» 
ptes  qu'il  dit  avoir  veu  dans  les  Indes_ ,  ati 
delTusdufaultdelaRivieredeSunnam  >  qui- 
ont  le  vifage,  un  peu  au  detfous des  épaules, 
à  côté  de  leurs  bras  ,  &  immédiatement  au 
delliis  de  l'eltomach.  Son  vif^e  compofif 
C  3  «n 

u,:,-,zf--„GoOglc 


54  VhpùfitioM  FfMifife 

en  moliqae  ,  ham  &  1ns  &  tout  de  ttaver t , 
avoif  plus  l'air  d'un  Lion  contourné  que  d'ua 
Homme;  il reilêinbloktantfes  jolies  écoieot 
bouffies,  au  Chérubin  du  jugement  fonnant 
de  la  trompette  ,  excepté  qu'il  s'en  ^Iloit 
beaucoup  qu'il  ne  fût  (î  beau  ;  fôn  nez  étoit 
&tt  comme  le  bout  d'un  andoiiiile  ,  &  tout 
Son  vilàge  cnIuminéd*uniougenoif ,  paroif- 
ibit  itxe  un  de  ces  uiafques  ,  dont  onfefeit 
i  l'Opéra,  quand  on  tàitparoîtie  fur  laScé- 
ne  des  Diables  foitauts  de  l'enfer.  Toute  Ik 
^KoregroiTe,  coune,  &rainiiir^eétoïtplutAt 
tonde  que  carr^  :  il  portoit  fes  propres  che- 
veut ,  dont  malgré  fou  grand  âge  ,  il  n'y  en 
^voitpas  encore  un  feul  de  blanc  j  ileilvraj 
que  s'il  en  eût  eu  deceUe  couleur  on  ne  les 
anroit  pu  diRinguer ,  tantiis  étoient  confits 
dans  la  grailTe  ,  outre  ^u'ii  n'en  avoit  qu'un 
jKU  fur  les  oreilles  &  au  deiriù'e  de  la  t£tc 
tout  le  relie  ^tant  pelé  comii^e  un  genou. 
.  U  me  dit  qu'il  javoixtremedeuzans  qu'U 
ftfvoit  le  Gouverneur,  un  an  avant  le  Ma- 
jor ,  qnî  Tavoit  Tuppiani^  dans  cet  en^loi  ^ 
qui  devoir  lui  apaitenir,  puifque  l'autre  étoû 
un  miferable  Ramonoeur  de  ctieininées ,  qui 
étoit  entré  la  première  fuis  dam  Paris  lagaa- 
le  fur  l'épauk.  Que  pour  lui  il  avoit  eu 
i'bonneur  de  conduire  ks  Chevaux  de  Bas~ 
Il  les  Mulets  des  fils  de  Mr.  le  Gouverneur. 
Qu'il  étoit  bien  vrai  que  fi  il  avoit  f(â  lire  & 
.écrire,  on  ne  lui  auroitpas  {ait  cette inji4fti- 
cc,  Ciue  bois  ceuefcience,  ilneluienman- 
quoit  pas  une  feule  ;  qu'il  avoit  eu  le  bon- 
hem  de  convertir  pour  la  bonne  part  quantité 
de  PioteHantt ,.  k  même  îles  Miniflrts  des 
plus 

u,:,-,zf--„GoOglc 


e»  fHiftaire  de  la  BaJIille.  f  j 

plus  hauts  hnpcz.  Si  les  pins  barbares  tour' 
ments  peuvent  pa£Ièr  pour  de  légitimes 
moiensde  convcrlion,  je  fuis  perroaa^  qu'il 
nùTonnoit  jufle ,  car  ^s  M^res  en  avoient 
inventé ,  dont  il  avoic  été  l'exccuteur ,  qui  au- 
iwat  retuté  les  bourreaux  des  Nerons  ,  & 
des  Diocletlens  j  cependant  j'ai  remarqué  * 
dans  la  fuite  qocc'étoit  ie  moins  méchant  de 
tous  lesËcorcheurs  de  la  Baflille,  &leplus 
confciencieux  des  Officiers ,  (i  tant  efl  qu'il 
icfte  de  la  confcience  à  ces  Gents  là,  après 
qu'ils  ont  fait  le  ferment  de  fidélité  entre  les 
mains  de  leurs  Maîtres  ,  dont  le  premier  & 
le  plus  inviolable' ell  de  ne  jamaisdire  la  vé- 
rité. Il  me  plaignit  beaucoup  d'être  tombé 
dans  un  lien  suffi teniblequccdui où j'étois, 
&  ^rès  avoir  bien  prié  Dieu  de  me  donner 
la  patience  de  fuporter  mes  croix  avec  con- 
ftaoce ,  il  me  lailTa  feul  r£ver  il  ma  dif- 
gnicc. 

Repris  le  psr^  de^Kremonlîi  poorUpr^ 
miére  fois ,  le  moins  mal  <]ae  je  pus ,  après 

?;Uoi  je  reattaidanslclabyrinthedcmeicrcti» 
es  refleâions  :  je  m'y  égarois  CDcinre  lors 
que  ùu  tes  fepthçnref  j'entendis  recommen- 
cer le  charivait  de  met  tânianisverroux  ,capa^ 
pie  de  faire  trembler  l'homme  le  plus  ferme. 
La  porte  s'ouvrit,  &  jevis  entrer  Corbéfol- 
vi  de  Ru,  chargé  de  tnoQ  fuupé ,  quicontillott 
cnun  morceau  deveaurôty  de  très  bonne  ap- 
parence S(  du  jus  defTous  ,  avec  deux  autret 
aflicttes ,  dans  l'une  derquclles  il  y  avoit  la 
moitié  d'un  poulet,  &  dans  l'autre  un  ragoût 
debeatilles;  au  tout  ^toitjoiatune  faladede 
cœurs  de  Intact  trètbieo  aflàifgonée ,  &  pour 
■  C  \  le 


.--„Googlc 


Jff                Uînquifitian  Franpoife 
le  dcflert  une  affiette  de  fraifes  au  vîn  &  au 
fucre.     Depuis  le  iff.  Mai  que  j'entrai  dans 
cette  chambre  jufqu'au  31. Juîlletfuivantqne 
j'en  fortis,  je  fus  toujours  trairté  à  peu  près 
de  la  même  manière  ,   mais  toujours   avec 
changement;  c'cllàdire  que  fi  j'avoiseuau- 
jourahuî  un  quartier  de  volaille  furmafoup- 
pe,  le  lendemain c'étoit  un  morceau dtjaret 
de  veau,  ou  unquarrédemouton:  toujours 
de  la  patillèrie ,  foît  de  petits  pâtez  fur  le  bord 
de  mafouppe ,  foit  un  quart  de  godiveau  ,  & 
les  deux  aflîettes  qui  ac co m pag noient  mon 
bouilly  toujours  différentes  de  celles dn  jour 
précèdent.    Au  foir  on  obfcrvoii  la  même 
légle:  un  jour  c'étoit  de  l'Agneau  ou  du  Mou- 
tonavec  un  Pigeonneau,  &  l'autre  jour  c'é- 
toit du  veau  &  la  moiiii;  d'un  Poulet,  ou  le 
quart  d'un  chapon&toûjouts  iin  ragoût  dïf- 
ftrent,  avec  une  làlade  &uni3ejrert,,le  tout 
très  propre  &  très  -  bon.     Tous  les  matins 
on  m'aportoit   pour  tout  le  jour    un  pain 
d'une  livre  cuit   la  nuit  précédente,   &  du 
meilleur  de  Paris  &  une  houteille  de  vin 
environ  de  trois  demi-feptiers  pour  mort  dî- 
né ;  &  l'aprts  midi  ,  on  m'en  aportoit  une 
pareille  pour  mon  foupé.  Les  jours  maigres 
j'étois  encore  mieux  traité  que  les  jours  gras. 
J'avois  toujours  pour  le  dîné  une  très-bon- 
ne fouppe,  quelquefois  aux  écrevifes,  aux 
huitres ,    aux  moules     avec  un  plat  de  trèj 
bonpoilToR   bouilîy  &  un  de  rôty  ou  frit, 
4  une  affiette  de  légumes,  comme  afperges, 
artichands  ,    petits  poids  ,    choux  fleurs  \ 
felon  la  fiu'fon  ,  ainfi  que  du  defert.     Pour 
te  poiffott  foit  de  Mer,  foit  d'eau  douce,  je 
^.. puis 

u,:,-,zf--„GoOglc 


0»  VHiftoire  J*  la  BafiilU.  Jf 

puisaffiimer  que  c'étoît  da  meilleur  de  la 
PoiflbDnerie,rouventda  Siuraon  frais,  des- 
Vives ,  des  SoUes  ,  de  la  Perche  ,  da  Bro- 
chet j  des  Trurttes  &c.  tout  bien  af  rété. 
Dans  une  des  bounes  Auberges  de  Pm-ïs  je 
n'aurois  pas  mieux  été  fervi  à  un  ëcu  par  re- 
pas: mais  dans  la  fuite  il  y  eut  bien  à  rabat- 
tre, paîfque  le  cruel  Corbé&  l'Avare  Berna- 
ville,  à  peine  m'ont  donné  de  la  vache  plu) 
inauvaifeque  cellcqu'on  donncauz  Soldats, 
Scdeméchantes  légumes,  comme  pois, fèves, 
haricots,  lentilles  &c.  cuites  au  Tel  &à  l'eaii,. 
&  cependant  le  Roi  pai'oit  le  même  prix  au- 
dernier  jour  comme  au  premier,  comme  je-. 
l'ai  apris  dans  la  fuite,  qui  écoit  une  piltole. 
I^  jour  pour  ma  feule  nourriture, 

C5orbé  me  âi  encore  pins  de  civilitez  au  fou-' 
^qu*ilncm'enavoit  Ait  àmondîn^:  il  m«. 
l'ervit  lui-même  à  manger  &ï  boire-,  me: 
pria  de  lui  dire  ce  qui  étoit  de  mon  goât ,  a-  ~ 
lin  qu'il  m'en  ût  fervir  ,  &  me  fit  bien  des  • 
honnâtetez,  auxquelles  jenemanquaipas  de- 
repondre  de-mou  mieux,  &  quand  j'eus  foupé- 
il  prit  congé  de  moi,  &  me  Idlfafeul  enfer' 
mé  dans  tna -chambre  attendrela  plustrille- 
miit  que  j'euQe,  encorepalfée  de  ma  vie,  qui^ 
a  été  fuivie  de  4&ci8.  autres,  dont  la^  plupart, 
m'ont  paru  plus  améres  que  la  mort.  Si-tdt- 
qu'ii  eut  fermé- les  portes,  &  que- leur  bruit 
^raïant  eut  cefTé ,  je  rentrai  dans  mes  rêve- 
ries ,  dent  Dieu  meretira  par  fa  divine  tnilè- 
ricorde  pour  me  faire  rentrer  eu  moi-même  &. . 
ine&ireretoumer  vert  lui,  Jeme  jeuaiàfes  , 
pieds,  j'implorai  foa  aâiHance.  dans  l'état  de  : 
ptonU>Icoàj«inevoïoisredatt:jerepallùitou-. 

c  j;  «^ 


.-■^.(Google 


jet  t*Imf»^tiê»IrMifo!Ji 

te  maviey'cB  deêeftai  rirrégularité,&  ma  niM- 
Ttilè  conduite,  4c  les  égarements  dema jeu- 
net excitèrent  en  mon  cœur  un  verîtablefic 
Sacire  repentir,  «^ui  me  fit  répandre  un  tor- 
rent de  larmes.  J'entrai  amoureufcmentdans 
les  plaies  de  ].  C.  &  j«  le  priai  tendrement 
d^briïler  &decoafbmcr  dans  le  feu  de  fon 
aniente  charité  tout  ce  qu'il  voioit  en  moi 
«Tindignederadivineprefence.  Pourquoi  ,dî- 
fois-je  chcrdher  hors  de  moi  les  fajets  de  ma 
ftiron,  dontje  ne  découTrinii  jamais  la  ve- 
ntt'bIe'C«i(ë-qK*«nDieH  &d8ns  iafource  de 
BM  coeruptioa  ?  Nedois-jcpas  lui  rendre  ua 
Bâlion de ^cesdelatàveur  qu'il  m'accorde 
d'en  Aire  KÎ  pénitence  ?  n'cft-il  pasinanifefle 
<}u'ilveut  mefauver  &  me  rapeller  àluipar 
unchïtiment  quej'aifijaftementmerTté.  Oi 
feniis-je  i  |»elem,  s'il  m'eût pnni feion  que 
je  le  merrtois  toutes  les  foii  que  j'ai  provo-^ 
qWî  îi  colère?  Quelle  coraparaifon  y-«H-il 
de-cette  Prifos -oùil  nfaccorde  la  grâce  de  le 
«clamer,  â  cette  PriïbBéfernclleioù  les PÎ- 
oheors  impénitents  Ualplvémeront  fon  Saiiit 
AredoutiAle  Nom  pendantuneétcrnitémal- 
heureulè ,  fans  aucun  efpoir  de  voir  jamais 
finir  leurs  peines  f    Pénitence  des  damnez 

S  te  tu  es  Tt{;ouraufè  mais  que  tu  ce  Inutile  ! 
e  ftt  d«ns  ce«  bons  lèntimens  que  je  paf- 
fai  toute  la  nuit  fans  repoTer'que  très  légè- 
rement. 

Si  tôt  que  les  T^ïons  de  l'Aurore  vùireot 
xtc  découvrir  les  horreurs  de  mon  rednit,je 
«;C(afacrai  à  Dieumoncoeur,  les  prémices  de 
l'a  jonrfléc  &  tous  les  momcns  de  mon  heu- 
ttBX  esclavage  qec  je  regardoit  comme  de 
pre- 
• 

u,:,-,zf--„GoOglc 


«*  niiftohedeUBaftilk,  1» 

•  fBCcieaxdons  que  Dteu  m'accordolt  pour  fà- 
tisfaire  à  fa  JuÂice  qne  j'avois  fi  cruellemcat 
oatrxg&.  Je  as  ua  paiaklle  judicieux  de  ce 
■que  j'Étois  à  ce  que  je  devois  être  :  je  priiu 
  juftice  de  redoubtêr  les  chârimcns  à  pro- 
portion de  met  péchez  ,  twûs  de  me  doanef 
en  même  temps  ta  mefure  4e  Ta  grâce  fi 
aece&ire  pour  ea  fourmir  le  poids  âusfac* 
comber,  &  c'eftde  <|aol  depuis  cetlieureax 
moinencje  ne  me  fuis  jamais  deHflé,  pendant 
tout  le  reftede  ma  PrUbo,  daiM  qudqaeao- 
cablement  que  je  mefois  trouvé.  Aufl)  c'eft 
daas  ce  retranchcmoit  falutdre ,  que  j'ai  trou- 
vé lesr«âbarcesdontj'aJ  eu  befoîopoBrfoo- 
tenir  les  ^auts  continuels  fous  (dquels  le 
Monde  &  l'enfer  m'ont  voulu  accabler  p.cn- 
4tiit  onze  Aqs  deux  Mois  ,  fans  me  don- 
iMr  ni  trêve ,  n!  r^>OE ,  connue  on  )e  v^ra- 
4aii«  la  ruit«. 

Si  t6t  q»e  je  fiis  luibillé ,  je  £«  rra  prière, . 
&.je  la  fis  da  profond  de  mon  ccevr  :  après 
je  fit  mon  lit  :  pendant  cette  occnpaiion ,  je . 
refiechiflois  à  la  douceur  que  j'avois  reffcn- 
tie  dans  cettepriére,  bien  difierentede  la  tié- 
deur, pourneftasjjireda  degoùtqucmecau- 
foit  celle  que  j'étois  forcé  de  faire  d^ns  Je 
monde,  pour  m'acquiter  de  moa  devoir  de 
Qif'^tioDi  &jeprQtcâe  qu'ii^vès  plnfienrs 
réflexions  ftn^lftbles  ..ou  plus  fortes»  fv^- 
raent,  pour  ne  pas  dire. jamais, jenemcljitS' 
vAvfé  de  moB  oraifon  qu'avec'  de  nonvel- 
)«t  fior^ec.  ]<  tain^  ces-  endroits  ,  qub 
I^CU  m'efl  témoin  que-j«  ne.  mets  pas  ici 
par  v^ité  ,  mats  pour  &  gloire,  fi  je  n'a- 
rois  «as  en  vik  d'animer  à  «e  làiot  exerci- 
--.  C6.  ce 


.--„Goo'jlc 


tfO  L'tHqu]fitioji  Fraufoif» 

ce  ceux  qui ,  comme  moi ,  fê  troaveroat  dans 

de  pareilles  affliâions. 

Lors  que  mes  rcveri'es  &  mes  agitations 
vouloiem  m'attaquer,  je  me  retournois  du 
côti  de  Dieu  &  j'imfloroîs  fon  aliiitance, 
&  foudain  j'éprouvois  fon  fecours.  Ce  fttt 
en  reâechinaatriirlefujet  de  ma  Prifon  que 
je  fis  les  quatre  Vers  fuivants,  que  j'écrivis 
fuc  la  porte  de  ma  Chambre. 

DéUt  M  liefiirifte  isf  fomhe ,  oà  r/gme  leff 
lenct 
Xit  Roi  nte  fait  gémir ,  fam  rawir  méritai 
Grand  Dieu',  t'eflbienplutôl l'effet dt.tabomU. 
Qui  veut  q:^entre  tes  murs  jcfiffifenitemee. 

En  eflet  depuis  que  j'eus  raporté  à  Die» 
toutes  mes  affligions ,.  le  poids  ne'm'en  ajar 
mais  pu  accabler:  C'efl  ce  qui. me  fit  écricc: 
ces  quatre  autres  Vers  fur  ma  cheminée. 

PriJoHmers  qui  demi  Us  miferts 
Gemijftz  dam  te  trifie  lieu  , 
OffrtK  Iti  dt  hou  ^eeur  à  Dieu,, 
£/  vont  Jet  Irouvertz  légères. 

Se/eut  fupremafaeerefeturoj  mala. 
Des  mxuir  extiëmes  ont  coutume  de  aoat: 
mettre  eu  feuret^  ,  dit  Séuéque. 

Les  Officiers  de  1»  ^^Aille  coQtiniiereDt 
[DÛjours  à  me  venir  voir,  &  jamais,  tant  que 
je  fus  dans  cette  chambre  je  ne  mangeai 
qu'en  ptefeace,  foit  du  Major,  du  Lieute.- 
oaot  Cotbé-,  ou  du  Capitaine  des.portes;  & 


.--„Googlc 


nremcDt  le  Major  y  efl  Ï1  venu  fans  ^tre 
yvre  ,  &  me  Mic  voir  de  pins  en  plus  le  tï- 
dicule  outré  du  p!uï  fat  ,  &  du  plus  rifible 
Personnage  (^  ftitjamds^.  Ilsmetrouvoieut 
toâjonrs  dans  une  profonde  trifteflè ,  lànsea 
pouvoir  péeétrer  la  véritable  caufc,  qu'ils  at- 
itibuoicnt  à  la  dureté  de  mes  fers  ;  mais  qui 
itoitcettetriftcflelèlon  Dieu,  domparlerA- 
p6trc,  qui  opdre  le  Salut. 

je  ne  leur defliandoisplosquemes  Livres, 
&  for  tont  mon  Nouveau  Teftament ,  &  mes 
Plèaotnes  de  David,  deia  Verfioti  de  Cou-  ■ 
lan  ;  enfin  au  bout  de  huit  jours  oa  me  rap- 
porta mon  Nouveau  Teftament  ,  parce 
«pi'heoreufement  pour  moi  il  étoi't  de  Ijvcr- 
fion  du  P.D.  Amelotc}  pour  mes  Pfeaumes 
ilt  ftirent  jugei  apocrifes  ;  on  me  rendit  en? 
coreaa  petit  livfede  prières ,  un  peuplusgros 
([De  le  pouce,  dans  lequeiiiy  avait plufieurs 
rlèuunes  en  Latin.  Ces  livres  ont  beaucoup 
contribué  à  me  confoïer  dans  nies  tribula- 
tioni,  paiiqacje  n'en  lu»  point  d'autres  pen- 
dant que  je  fus  feul.  -Je  lus  âc  reins  mon 
Nouveau  Tc(l»mcnt  avec  tout  le  retpeS  St 
l'attention  que  mérite  nA  Lirre  11  lùint,  Sf 
plus  je  te  lilbîs  &  plus  j'y  trouvofs  cet- 
te manne  cachée ,  dont  plus  on  mange  plus 
en  fent  rcdoublerfafaim;  j'y  decouvroîs  ces 
lumières  qui  font  voilcfes  aux  yeuxdumon< 
de:  &  je  fut  pénétré  par  mon  expérience  de 
cette  conQaate  veiité  de  l'Apôtre  :  f  fi  l'E- 
vangile cil.  couvert  d'un  vdile ,  c'cft  pour 
ecoi  qui  pcrilTent  qu'il  eft  couvert^'  Pour 
cmi  à  qui  le  Dieu  du  fiecle  a  a,venglé  J'cf- 
C  7  prir 

U.  tfii.  *  A.  l4)d  «w  tn.ti.  4.  wr(  l  i^  M 


.--„Googlc 


4l  '    L*IiifuifitJoM  Fraafoife 

pcit  par  l'incrédulité,  afin  que  la  ^endeBr. 
de  l'ËvaDgile  de  la  gloire  de  Jefus  -  CtiriA  , . 
uii  cfl  l'iinage  de  Dieu,  ne  les  éclsîre  pas. 
Pendaut  le  prcmicc  Mois  de  Juin  dejnia.Prî- 
fon,  ^  Ibs  très  axieativaaeot  tom  le  Non*- 
veau  TeflajsieQt  juToues  i  oeuf  fois  ,  &  I9 
dernié're  fois  gue  je  le  liibis  c'«toit svee pliu- 
d'avidité  que  ]a  précédente. 

Ce  fut  le  Majoi:  mi  me  raports  ces  deux 
Livres  ,.  avec  nu  Montre  qui  eA  très  belle 
&  pac&itanent  bonne ,  faite  à  Loutres  pxr 
de  Charmes,  ua  des  ineilletiK Ouvriers  de 
cette  célèbre  Ville,  Ci)rt>é  pour  montrer  un- 
iîchaudllQQ  de  Tes  tours-  de  Maître  Gouih  , 
Tavint  cftropiée,  &.il  me  fit  demander  aa 
âom  du  Gouyerueur,  came  faiikirtfsiredes 
excu(ès.de  ce  ptOteodJj  «ccideot ,  fi  jt  vou- 
Lois la v«idre, parce  qu'il  Irt^fWjvoitâBBtîtif» 
te:  je  lui  ri^oodisqdc  }tà'ifoisf»viïBiMT- 
phaud  de  ces  Ibrtes  de  chofes  «  mais  .que  je 
me  ferois  un  plaiHr  de  la  dog^f  r  «u  GÔaver— 
tteur  ,  &- je  priai  le  Majof  4e  ia  lui  pn&ar- 
ter  de  ma  part:  il. la  De&iToit d'une  maniéce' 
a  me  faîrjecoi^nciitre  qu'il  en  «voit  gifledeeti.r- 
yje  ;  j'inlii^ai  à  1*  ^  Eure  prendre  ;  o^m»- 
âaoX  ou  bom^efortunc  fi  cQtUiittreCR toutes 
cbofes,  jne  uvOrjfà  povrla  CfmPi  &■  lui  lis- 
les  tpains  pour  Ae  p4s  l'acKtcbo.  Je  jsoo- 
nus  le  iejidernajn  qtie  1«  Gouv«fncttf  n'i- 
Yoit  eu  aucune  Mrt  à  cette  £ripHtnerio4  car 
h  me  âr  dcTpware  da^s.une  gandJc  Satie 
le  nteicredy  ,14,  du  fuoit  as  m«f  iieevié-> 
mp  jour  de  iQQp  emptl^fumemeot  posr  me 
'  parler.^  &  aprfs  si'av.Qir  dewudï  rtàatdemft 
UUUf)  &  ^  j'étoit.cootentde  ma -noiuTii^e, 


.-■^.(Google 


.--„Googlc 


^o-..^ 


.-.G<>o;(lc     ._ 


a  me  prit  d'une  aaaïÊK  fore  enfpgeuite  dô- 
BC  me  poÎDi  chugriaer  :  je  loi  repondis  arec 
ane  hoQn^teté  doxit  il  j>ai'a[  très-iàtùfâit  ; 
wm  il  fut  ftxt  âonn^  de  me  voir  tirer  im 
noutre  ,  que  je  lai  srcfciitv  de  fort  bonae 
graee  ^  en  le  priant  de  l'accepter.  Il  me  dk 

fti'il  n'étoit  pas  homme  à  riai  prendre  d'an 
nfoDoier,  a.  qu'il  ^toicfore  furprîs  démon 
compliment;  furquoije  lui  répliquai  que  j'ai- 
mois  beaocoti^  mieai  lai  donner  ma  motv- 
■Dï  que  de  Ja  Ini  vendre  :  il  me  ât  explî- 
qHcr,  &.  qoand  ii  eut  découvert  la  friponn»- 
tiède iim  Neren&du  Major,  il  emradans 
snciùreor  terrible:  il  juroit,  iltrappoitdes 
^edî,  il  ^ofl:rophoît  &  le  Neven  «  le  M.^ 
jor  par.de&iBJnres  q«'il  lèmbloit  forger  es- 
pfis  pour  eux^  mais  quand  }e  lui  xlemandai 
mes  byonx  ,  À  qn'U  afrît  qu'on  ne  me  les 
■voit  pas  i«i<^i .,  il  es[r««ui9  des  «mpor- 
tanents  qnt  le  readircnt  «lOt  ■d&^t ,  &  le 
baBfportereDt  hors  de  hutnéme.  }e  &ifois 
loiu  aoes  el&ns  pour  l'appuTer  ;  il  ne  ai^4- 
«Dtaok  pas , .  il  s'écoutoic  qne  &  pafioR  ;  il. 
fit  cfaercherCorbé&kMjMor;  maiii  iSn  «V 
VDjcnt  gapde  de  paDOttre.  Le  Jèn  lui  fonoit 
des  yeux  ,  fes  tremblement  mtar^  i«> 
dcmbloteQt  d'oK  force ,  ^eje  croioit  qa'II. 
mlloit  fc  diUbqncf  &  tomber  en  moroeanz. 
Enfin  ftpr^s  des  agitattonE  tertibtet ,  il  s'ap- 
Mi£i  on  peu,  At  parut  levntîr  dans  ïbn  boBL 
Icas  ;  &  quand  il  ^t  an  peaplus  traoquile  , 
â  me  dit  qoc  dus  le  moment  il  «lltÀ  DM 
pcDvoïcr  tont  ce  que  l'on  m'avoitpris ,  dont 
je  lui  fis  voir  l'^^rentaire  tigné  de  fon  Ke- 
«en,  Api^B  41  «K  tit  aitèoii  duu  os  ^raod 
Enu- 


■oylc 


^  L^Inquifitip»  Fraxfoif*- 

feuteuil,  &  s'alÙt  devant  moi,.  la  table entrt 
nous  deui ,  fur  laquelle  il  y  avoit  du  papin 
blanc  ,  des  {«lûmes  &  une  éciicoire;  &  s'^ 
tant  mis  eu  devoir  d'écrire ,  if  me  dit  que  le 
Roi  defiroit  deiçavoir,  lij&n'avoispa^d'ao- 
très  papiers  que  ceui  qae  l'on  m'avoit  failîs  c 
je  lui  dis  queij'avois  de  que»  en  charger  plus 
de  deux  Mulets,  mais  que- jeJes^avois  iaiffé 
en  Province  ,  comme  titres  qui  re^rdoient 
ma  Famille,  &  mesaSairesdomelliqueEi  Ge 
nefout  pas  ceux-là  que  je  vous  demande,  re- 
prit-il,en  blaTphêmant  le  SalntNom  de  Dieu  ; 
ce  font  ceux  que  vous  devez  avoir  cachet  à 
Ver&illcs ,  &  qui  regardent  vos  négociations 
avec  les  PuiJiànces  Etrangères ,  &  fur  tout 
ceux  qui  concernent  les  tiaifons  que  vous  avez 
avec  l'Angleterre  &i la  Hollande.  Je  pris  mon 
ferieux;  6c  le  regardant  d'un  air  fier, je  liU 
demandai  fi  c'étoit  pour  fe  moquer  de  moi, 
qu'il  me  faifoit  defcendre;  que  Mr.de  Tor- 
cy  avoit  tous  les  papiers  généralement  qu» 
j'avois  à  Ver&jlles,  &,quc  ie  n'avois  nulle 
reisuion  avec  qui  que  ce  foit,.  qui  pût  m'at- 
tirer  la  difgraceduRoi  ;  &que  jedemandois 
avec  inftance ,  qu'il  plût  à  S,  M.  de  me  don- 
ner des  Commiilàires  pour  m'cxaminer  ■;  Ig 
■]ue  li  l'onmetrouvoit  coapable,  jenevou- 
Jois  aucune  grâce,  maisque  fi  J'onmetrou-; 
voit  innocent,. je  rcclamois  lajuflice  du 
Roi,  pourmereadrç  ma  liberté  avec  fa  bien^ 
veillance  ordinaire.  Je  lui  dis  cela  d'un  ton  fi 
haut  qu'il  en  piit  un  plus  j'adouci ,  pour  me 
denundetfijeconnoifibis  MyloidSlane,  Se 
fi  je  ne  lui  avois  pas  confeillf  de  rcps^lèt 
«.Angleterre?,  Je.  lui  répondis  que  j'axai» 
l'hoa- 


s«  rUlJiBlrt  dt  la  BaftUh.  6; 

l'honneur  deconnoître  trèspaniculidrement 
ccMylord;  mais  que  bien  loin  de  lui  avoir 
inlpiré  le  defTcin  de  rerourner  chez  lui ,  My- 
lora  Barwik,  toute  la  Cour  d'Angleterre, 
Mr.  le  Duc  de  Bouflers ,  Mr.  Charaillart , 
Mr.  Callîeres  &  plus  de  cent  autres  Perfou- 
ncs  d'honneur  m'éroient  témoins,  auffi  bien 
quêtons  les  OfEciers  Irîandois,que  j'avuis  fol- 
licité  un  Régiment  Irlandois  de  nouvelle  créa- 
tion à  la  paye  étrangère  pour  ce  Mylord,  qu'on 
lui  avoir  même  accordé;  mais  qu'en  lutte  on 
l'avoir  donné  à  Mylord  Earvvick ,  ce  qui  a- 
vojt  fait  prendre  le  parti  à  Mylord  Slane  a- 
prcs  la  mort  du  Roi  Guillaume,  defe  reti- 
rer chcï  lui  ;  qu'il  étoit  alTés  prudent  pour 
fe  confeiller  foi-méme  ,  &  qu'il  n'y  avoît 
nulle  aparence,  qu'il  m'eût  voulu  confulter 
fur  an  fait  dont  il  pouvoit  lui  feul  être  le 
juge  j  &  que  Mr.  Chamillart  lui  avoit ,  de 
fon  mouvement,  en  ma  prefence,  accordé 
fon  Paffepott.  Que  je  ne  dcmandois  pas  d'au- 
tre témoin  que  ce  Mylord,  Seigneur  très  in-  ■ 
légre  ëz  d'une  probité  généralement  aprou- 
vée,  &  fi  il  difoit  que  je  lui  eufle  ditunfeul 
mot  pour  l'engager  de  retourner  en  Angle- 
terre, que  je  fignerois  ma  condamnation  de 
mort  au  pié  de  Ih  déclaration.  Il  eft  ici  Prï- 
fonnicr  avec  vous  dans  ce  même  Château  , 
reprit  le  Gouverneur,  &  c'cft  lui  qui  vous 
accufe.  Faites  leparoître,  lui  dis-je,  il  il 
vous  va  defavoUer  dans  le  moment.  Je  plains 
ce  Seigneur  qui  mérite  un  autre  fort' que  ce- 
lai de  la  Baftille,  après  les  fervices  qq'il  ft 
rendus  à  la  France  &  i  Ton  Roi  :  ne  puis-j.* 
pas  le  voir  ?  lî  faut  un  ordre  de  la  Cour  pour 
cela. 


.--„Goog[c 


66  Vlnquifitiou  fr^uifc^t 

cela,  me  dit-il,  &  quaDdiircravwiH,jeTOOt 

ferai  parler  â  lui. 

II  me  denuada  aufli,  fi  je  n^avois  pas  eu  à 
la  Haye  des  Conférences  avec  le  feu  'R.cA 
Guillaume ,  &  de  fréquentes  conver&tious»- 
*cc  Mylord  Portland  ?  je  lui  dis  que  je  le 
avois  fait  folticiter  par  mes  Amis ,  pour  eo 
obtenir  de  l'emploi  dans  l'éiablilTement  que 
je  pretendois  faire  en  Hollande ,  ou  en  An- 
gleterre. II  me  dit,  que  le  Miniftre  deiiroit 
encore  fçavoir ,  quelle  relation  j'avois  avec 
M.  le  Marquis  de  Bougy ,  M.  de  l'Etang ,  & 
M.  de  Colombieres  Capitaine  auï  Gardes  à 
la  Haye.  Je  lui  dis  que  c'étoient  trois  de  mes 
Amis,  dont'deux  étoient  des  Gentils-hommes 
de  la  Province  où  l'avoisétéélevé,  qu'un  de 
mes  Frères  avoit  €xé  Capitaine  dans  le  Régi- 
ment de  Cavalerie  de  M.  leMarquisdcBoa- 
gy,  très  intime  Aiïiî  de  féu  mon  Perc;  & 
qu'iïant  fait  connoUlànce  avec  Mr.  de  Co- 
lombicres  dans  ie  temps  quej'étoisDireâear  , 
ï  Carenten,  je  rayoisrenouvclléeàlaHaye, 
OÙ  il  m'avtrft  ftfi  un  accueil  favorable.  Uuî, 
dit-il  1  nous  fçavons  que  Mr.  de  l'Etang,  & 
le  Capiiaiae  aux  Gardes,  vous  ont  fouvem 
mené  chez  Mr.  le  Grand  Penlionnaire  ,  & 
que  Mylord  Poriland  conjoîntemeni  avec 
Mylord  Galloway  vous  ont  plufieursfoiiîn- 
troduit  auprès  du  fcu  Roi  Guillaume,  avec 
lequel  vous  avei  eu  de  longues  conférences. 
Je  niai  abfolument  la  choie,  &  je  dis  que  je 
confiéDiDls  de  mourir,  fi  oo  pouvoir  me  la 
prouver;  à  la  relèrve  de  leur  proteâiOQ  qoe 
je  leur  avois  dciofladée  pour  moa  étabulfc- 
.vasm. 

A- 


.--„Googlc 


OM  i'HiJîoire  de  la  BaJlUle.  4j 

Après  cela  il  me  ât  des  propoftdons,  qui 
ineËreiUhoiTear,&qiiejc]]cvcux  pas  coucher 
fur  ce  papier  par  le  refpeâ  que  j'ai  pour  les 
Minières  de  France}  quoique,  làni  doute, 
le  Gouverneur  parlâtdefonchef,  lànsTavcu 
de  pas  un  d'eiji.  Je  croVois  être  mieui  connu 
de  Mr.  Chai^larti  reprts-je  d'un  ton  fier  : 
Sii  ce  o'efl  qu'aux  dépends  de  mon  honneur, 
qa'il  vent  me  mettre  hors  de  la  Bafiille,  on 
m'y  gardera  jufqu'à  ma  mort  ;  dites  lui  cela 
s'il  vous  plaît  de  ma  part ,  Mou{îeur,  &  qu'il 
fe  foavient  bien  mal  des  belles  promeilès 
qu'il  m'avoit  Eûtes  en  merapcllant  en  France. 
Je  vais  lui  écrire,  &  à  Mr.  de Torcy  tou- 
te uâtre  coDverfatioQ  mot  pour  mot ,  me 
dit-il ,  en  attendant  leur  reponce  tenez  vous 
joleux,  je  vous  rendrai  fer  vice ,  oujenepou- 
rai ,  car  je  connois  que  vous  £tet  loubçooné 
i  ton  &  que  vous  êtes  un  tuave  homme  ; 
comptez  la  deHus.  U  me  fit  reconduire  dans 
Ojacbambre,  après  plufieurccûmplimeusde 
part  ii  d'antre  :  cependant  oncques  depuis  je 
nel'airevAt  &jen  aipculuiparler,  quelques 
inltaaces  que  j'en  aie  faîtes. 

On  ue  me  raporta  pas  meshardes,  que  j'ai 
prefqac  toutes  perdijes ,  aulïï  bien  que  mon 
argent,  &  mes  Lettres  de  change ,  comme  je 
l'expliquerai  dans  lafuitte.IjeMa.jorvintmiC 
voir  iînet ,  comme  i  l'ardinaire  ;  je  lui  fis  des 
ezcufet ,  fiir  la  méprife  que  j'avois  &ite  en 
oCram  ma  Montre  au  Gouverneur,  &eDlui 
redemandant  mçs  hardes.  Vous  ne  connoif- 
ïèz  pas  ce  R^iard  là,  reptîile  Major;  ilvou- 
droit  tenir  vôtre  MoHtrc ,  fi'ous<ftteiHom- 
inc  ^  U  ini  vcii4rç,  vous  a'va  toftcJKnnpas 
dç 


.--„Googlc 


tfS  L'IuquifitioK  Franfaife 

de  fva  argent;  ^  comme  le  Nevcn  nevaut 
pas  mîeui  que  l'Oncle,  vous  coutei  rifqae 
de  ne  revoir  jamais  vos  bijoux,  vôcreargent, 
&  vos  lettres;  fi  vous  u'infiftez  pas  àmefoi- 
re  remettre  le  tout,  c'eft  autant  de  perdu  pour 
vous.  Quoi  qu'il  fût  yvre  à  ne  pouvoir  fefou- 
tcnîr,  j'ai  reconnu  qu'il  difoit  vraienpartic. 
Pour  ta  Montre  j'ai  apris  depuis  de  Mon- 
ficur  le  ChevfliierBurnet,  Neveu  do  Fameux 
MylordBurnet  Evéqucde  Salysbury,  &  du 
P.  Florent  de  Brandebourg  Capucin  ,  aux- 
quels je  parlai  quelque  temps  après,  qu'on 
leur  en  avoit  fài:  tout  autant  qui  moi.  Ces 
Filouz  pour  escroquer  les  Montres  de  leurs 
Prifonniers,  en  ôtoient  une  pièce;  ils  fimu- 
loient  après  qu'il  étoit  arrivé  accident  i  la 
Montre;  ils  propofoicnt  au  Propriétaire  delà - 
vendre;  fi  on  étoii  aflïs  lîmple  pour  le  taire, 
]a  Montre  leur  demcnroit,  &  l'argent  ils  vous 
le  difcomptoient  en  bois,  chandelle,  loyer 
du  .lit  &c.  Si  non ,  ils  y  remettoient  les  piè- 
ces qu'ils  en  avoient  ôtées,  &  fâifoient  croi- 
re qu'ils  CD  avoient  paie  unefommeconlide- 
rable  à  l'Orloger. 

La  Converlàtion  que  j'avois  eue  avec  le 
Gouverneur  fcrvit  à  me  f^re  connoître  de 
quoi  l'on  me  ibubçonnoit ,  ce  qui  me  donna 
de  terribles  inquiétudes  ;  car  je  reflechiflbis  i 
ce  que  l'avarice  efl  capable  de  produire,  & 
jufqu'oà  mes  Ennemis  qui  avoient  commen- 
cé de  me  perfecutcr,  pouvoient  pouffer  leur 
malice. 

Je  regardols  d'un  autre  côté  en  quelles  mains 

j'étois  tombé;  c'étoit  entre  les  mains  degests' 

jaclpablet  d'aucun  \Àea,  &  capables  d«  tout- 

mal. 


.--„Googlc 


on  rmjtoire  de  laBaJîilU.  69 

nial.Itne  feroitpasmal  je  cioi  de  dire  par  qui 
laBïftillc  étoit gouvernée,  lorrquej'yfuisen- 
rré  ,  &  quel  étoit  le  caraâére  &  la  figure  de 
ces  Hommes  qui  enavoientradminiftratîon, 
comme  Je  l'ai  reconnu  dans  ia  fuite  ,  tant 
par  ma  propre  esperictice,  que  par  uii  jufte 
&  fidèle  récit  que  m'en  ont  fait  mes  Concap- 
tifs. 

Voici  les  noms  des  Officiers  ;  Mr.  de  St. 
Murs  Capitaine  du  Château  de  la  BalliUe , 
mais  à  qui  prefque  tout  le  Monde  donne  la 
qaalité  de  Gouverneur.  Mr.  du  Joncas  Lieu- 
tenant de  Roi  ;  ce  font  les  fenls  qui  font  à  la 
aomination  du  Roi,  &  inllalei  par  luevet, 
ceux  qui  fuivent ,  font  à  !a  nomination  du 
Gouverneur,  qui  peut Icscaflcr,  quandilluî 
plaît.  Jacques  Rofarge  Major,  Guillaume 
Formanoir  dit  Côrbé ,  Lieutenant  de  la  Com- 
pagnie qui  garde  le  ChSteau ,  Neveu  du  Gou- 
verneur. Ijc  nommé  l'Ecuyer  Capitaine.dcs 
Portes.  Abraham  Reilhe  Chirurgien  ,  le 
nommé  l'AWjé  Giraut  Aumônier ,  Antoine 
Ru,  les  nonnnez  Boutonnière &Bourgouin; 
ces  trois  derniers  étoient  Porte-Clefs.  Il  y 
avoit  encore  ]c  P.  Riqoclet  Jcfuite  Confef- 
fcur  ordinaire  de  la  Baftille,  mis  de  la  part 
du  Roi  à  la  nomination  du  Père  de  la  Chai- 
fe  fon  Confeffeur  ;  un  Médecin  nommé  M, 
Frefquier,  de  la  part  du  Roi ,  à  la  nomitia- 
tionde  M.  Fagon  fon  Premier  Médecin,  & 
ua  Apothicaire  en  titre  d'Office.  Il  ne  faut 
pas  oublier  un  petit  Drôle  nommé  Jacques 
la  France,  que  l'on  difoit  être  Fils  naturel 
de  Corbé ,  &  pour  lors  fon  Laquais ,  ^ui  elt 
vfi  des'  plus  méchants  &  plus  fcéletats  Per- 


.--„Googlc 


7o  VlmqMifitkn  Fravfoife 

fonnages ,  qui  dans  la  fuke  ont  para  fur  la 
Scène.  Le  Gouverneur  avoît  encore  les  Ser- 
reants,  autres  Officiers  Subalternes,  &Sol- 
dats  de  fa  Compagnie  qui  gardoient  le  Châ- 
teau ,  mais  qui  n'kvoicnt  aucune  communi- 
catiou  avec  les  Prilbnniers;  non  plus  que  fcs 
Valets  de  Chambre,  Officiers,  Cnifiniers, 
Cochers,  Laquais  &  autres  Cents  quilefcr- 
voient.  Tous  les  Prifonnïcrs  ,  de  quelque 
'qualité  qu'ils  fuient,  le  Gouverneur,  Se  tous 
les  Officiers  que  j'ai  nommez,  &  générale- 
ment  tous  ceux  qui  ont  quelque  relation  i  la 
BaAille ,  font  fous  la  Direâion  de  Mr.  le  ' 
Comte  de  Pontchartrain  Miniftre  &  Secré- 
taire d'Etat  ;  mais  comme  il  vient  rarement 
à  laBaftille,  car  en  plus  d'onte  Aonéesque 
j'y  ai  été,  je  ne  l'ai  pas  veu  une  feule  fois, 
ni  qui  que  ce  foit  de  fa  part",  il  y  a  fubdele- 
eué  Mr.  d'Argençon  Lieutenant  de  PoHce,& 
depuis  peu  ConfciUcr  d'Etat ,  qui  a  fous  loi 
le  Commil&ire  de  la  BaAille,  nommé  Mr. 
Camuftt ,  [fes  Secrétaires ,  Grclîers ,  Inter- 
prètes, &  autres  Officiers  ;  &  quand  il  ^ut 
juger  quclqi^'un  à  mort,  il  fe  ftît  donner  un 
ordre  du  Confeil  privé  du  Roi,  qui  le  nom- 
mé Juge  en  dernier  reflbrt ,  &  fans  appel , 
avec  une  certaine  quantité  de  Confeillersda 
Chatelet,  que  d'Argençon  prend  toujours 
à  là  difcrction;  ainli  il  e(t  le  Maître  ab(bla 
de  la  vie  &  de  la  mort  de  ceux  qui  tombent 
&  qu'il  fait  tornber  dans  fes  filets  :ergo  mal- 
heur à  fes  Ennemis.  Outre  ce  Minîifre  Me. 
!c  Comte  de  Pontchartrala  àvoit  établi  un  de 
lès  Commis  noiiuné  Mr.  des  Gianges ,  qui 
avoit  une  clpéce  d'inQ)eâioa  fur  le  Gouver- 
neur 

u,:,-,zf--„GoOglc 


Coojlc 


.--„Googlc 


I  BaflHle.  71 

delafiaftille,  & 
r  on  ■contre  les  Pri- 
ic  grand  amateur 
itponrcefacrétne- 
nniers,   dit -on,  fc 

naqucjcvaiscom- 
s'appclle  Marc  Re- 
arquis  d'Argençon 
itcnant  du  Prelidial 
devenu  Intendau: 
de  la  part  du  Roi  en 
Itdit  Sr.  d'Argen- 
ute  lafînefTe&cout 
toute  l'adrefle  &  la 
A  voix  publique  dit 
onmie  c'eft  un  être 
déjà  tant  donné  de 
e-Branche,  Cordc- 
taiit  d'autres,  il  n'a- 
Qger.  Je  ne  parlera! 
,  &  de  fon  corps  : 
revêtu  Magiftrale- 
e,  femble  être  une 
an.  On  auroit  peine 
tu,  de  fa  perruque, 
rnx,  de  Ibn  vtfage  , 
s  noir  :  je  n'ai  que 
j'en  ai  déjà  dit  la 
Veux;  il  fautl'îtvoir 
'  a  point  d'homme  , 
lit,  qui  ne  foit  làiii 
t.Ileft  d'une  Kvérité 
poavantable ,  d'une 
luiuivc  icuuuiw'c,  <A  d'une  avaiicc  în&ia- 
bte. 

u,:,-,zf--„GoOglc 


7»  L'IufHifitiçtt  FroHfoife 

ble.  Ot£ï  le  de  ù,  M^ftrature,  dans  la  vie 
civile,  c'efl  ijn  Homme  d'une  converfation 
agréable,  très  fçavant,  très  poli,  &  à  fa  fi- 
gure près  tout  charmant.  Malgré  toutes  les 
charges  dont  il  eft  accablé  ,-  &  qui  donoe- 
roient  bien  de  l'occupation  à  vingt  des  plus 
habiles  hommes  de  la  France,  il  vacquc  à 
toutes ,  tant  bien  que  mal  ;  &  fur  tout  il  tire 
la  quintelTqnce  de  toutes.  Il  eft  autant  haï  dans 
Paris, .qu'il  yeft  redouté;  &  quoi  qu'il  n'y 
foît  mmé  de  qui  que  ce  foit ,  pas  même  de  Is 
Famille,  il  va  la  tête  levée  partout,  avec  la 
même  audace ,  que  s'il  étoic  aimé  de  tout  le 
Monde  -,  parce  qu'il  connoît  parÊiicemeiit 
bien  le  cœur  des  Pariiiens.  Si  il  leurafaJtdu 
bien,  en  donnant  la  chaflè  aus  Ftloux&aax 
Filles  dejoïe,  il  leur  fait  encore  plus  de  mal. 
Mais  l'on  peut  dire  que  c'eft  fur  les  Prifon- 
hiers  de  la  Baitille  quetombefafuieur.  C'eft 
là  que  fa  malice  n'eft  bornée  par  aucune  con- 
sidération ni  divine,  tii  humaine;  car  com- 
me fon  unique  but  clt  de  plaire  au  Roi,  il  le 
tait  aux  di;pens  de  tous  ceux  qui  luitornbent 
entre  les  mains;  &  fous  ombre d'admipiftret 
la  Juftice  d'un  des  plus  grands  &  des  plusju- 
dicieux  Monarques,  qui  Ibient  au  Monde,  il 
y  exerce  la  plus  cruelle  Tyrannie  qui  foît  dans 
VUniveis,  ûnsen  excepter  les  Enfers  ;  car  là 
les  Démons  ne  font  que  les  objets  ,  ou  les 
iiiftrumenis  de  la  colère,  &  de  la  juftice  de 
Dieu,  &  ne  châtient  que  des  criminels;  Se 
ce  Miniflre  accable  &  dévore  également  1  ih- 
noccnt  comme  le  coupable  ,  pour  aflbuvir 
fon  avarice  &  fes  autres  palÉous.  Comme' 
j'aurai  tujetde  parler  de  lui  encore  plus  d'une 
fois , 


.--„Googlc 


MirJfi/hireJttàBaJtUU.  -y^ 
ftij»,  je  quitterai  fon  Portait  pôurfûre  celai 
du  GoaveiDCDr. 

Bniigne  de  St.  Mars  ^toit  tut  Homme  de 
-Fortune,  de  qm  leveritablenommêmea'eft 
pas  Wen  connu.  Le  nommé  Pierre Bertraol 
du  Village  de  Joigny  près  d'EOampes,  jadi» 
Clerc  de  Procureur  que  j'ai  connu  trcs  par-, 
ticuliérement  d&ns  laBailîlle,  m'aaffirmifa- 
vec  ferment  <jue  le  propre  nom  de  St.  Mar» 
AoJt  Bénigne  d'Auvergne;,  qu'il  avoit  uoe 
Niécc  nommée  Anne  û'Auyergne  Servante 
chez  Mr.  deTurmény,  avec  laquelle,  lui 
Benrand,  avoit  été  en  promeïIcdeMarii«e: 
mais  comme  ce  Bertrand  eft  un  Homme  fiti» 
foi,  &  des  plus  grands  fourbes  que  j'aie  ja- 
nms  connu,  je  ne  puis  rien  avancer  de  poli- 
tif  fur  fa  parole.  Ce  qu'il  y  a  de.conûaut, 
c'eft  que  Mr.  de  St.  Mars  étoit  garde  du. Corps, 
lorfque  Mr.  Fouquet  fiit  arrêté,  &  que  l'on 
jetta  les  yeux  fur  lut  ,  pour  garder  à  viie  ce 
déplorable  Miniflte  dans  fa  Prifou  ;  parce 
qu'on  crut  ne  pouvoir  pas.trout^er  d'homme 
dans  toQt  le  Roïaume  ,  plus  dur  &  plus  in- 
exorable, pour  être  enfermé  avec  lui,  dan« 
le  temps  qu'il  fut  traqsfèré  &  étroitement 
gardé  dans  la  Citadelle  de  Pignerol.  Il  s'en 
acquitta  fi  bien ,  c'ell  à  dire  avectant d'inhu- 
manité ,  qu'on  lui  donna  encore  en  ià  garde. 
Mr.  le  Comte  de  Lauiun ,  après  là  di/grace, 
La  férocité  brutale  avec  laquelle  ce  Tyran 
itaitU  ces.illoftres  Malheureux,  a  quelque 
chofè  de iiterrible,  qu'elle ferolt  capable  de 
faite  rougir  les  Denis  &  les  Nerons.  Grain- 
te  qu'on  ne  taie  ma  plume  de  légèreté  ,  je 
veni  cB  npoitet  on  Exemple  que  je  tiens  de 
j  P  fou 


^..Xooylc, 


}4  X'jwyjfffM»  frmif«ifi 

ibn  fiddle  Nevea ,  <ia^)iacoiitoit  comme  aif 

aâe  ^mcoi  de  l'hcroisme  de  fon  Oncle  ,   à 
les  nulhenreBlcK  viâtmes,  pour  lenrdonner 

Quelques  itnprcfik»u  de  la  dureté  de  nAtre 
îeoÛer  ,  &  reptodre  de  la  tCTTeurdans  le 
coeur  des  plos  innepidcs,  pour  les  Aire  ram- 
per fout  la  verge  de  ter. 

Ce  Comte  iiiîbrtuDé  s'^tuit  voalu^ch^>«r 
des  mains  cntcltcs  de  foa  Tynn  inhumaïa  , 
&  fit  ^>porter  des  cordes,  da  limes,  &  les 
antres  inftramcntt  dont  il  avoit  befoio  pour 
iÔD  évafion,  pat  fou  Valet  de  Chambre:  ils 
furent  furpris,  co  exécutant  leur  entieprilè^ 
Mr.  le  Comte  de  Liauzun  fut  defcendu  dans 
un  affi-enz  Cachot  au  fond  de  la  Citadelle. 
L'on  fit  le  procez  à  Ton  malheureux  Valet  de 
Chambre ,  qui  fut  pendu.  St.  Mars  voul  ut  a- 
ioBter  aux  di%:accs  do  Comte,  aujourd'hui 
Duct  celle  détacher  le  Cadavre  de  fon  Va- 
let aux  créneaux  de  fon  Cachot,  afin  qu'il 
eût  cpntinuellcmcnt  devant  les  yeux  cet  nor 
TÎble  fpeâaclct  dans  un  lieu,  où  ce  Comte 
couché  lùr  la  paille, -réduit au pain&àt'cau; 
n'avoit  pour  toute  coulblation ,  que  les  idées 
de  l'a  grandeur  paffîe.  Saut  livres ,  fans  oc- 
cupation, n'étant  vîtité  que  delonbu'bare 
Surveillant,  lorfqu'il  lui  ^oRoitdupain:  le 
Comte  ne  fçachant,  à  quoi  s'amnfèr,  avotl 
apris  i  une  petits  Aragnée  de  fon  Cachot  ) 
delcendre  dans  &  main,  pour  y  ptendre  da 
painqa'il  lui  tendoit.  Un  jour  St.^  Mars  en- 
tra dans  le  moment  que  le  Comte  étoit-dans 
cette  amufànte occupation avccfosAragoée; 
il  lui  ^t  le  detul  de-ce  beau  divsKiflèraoïf-v 
&  ce  brutal  voiant  qaé  le  Comte  y  prenoit  un 
ef- 


.--„Googlc 


tCfia  it  phtifir,  lat  ^crafa  l'Ar^née  daiii 
la  tmio,  caluidifsnt,  qnc  les  Criminels', 
comme  lui,  étoiem  indigoes  du  moiodrc  dl- 
fenH&inent.  Mr.  le  £)iicdeLauzmi,  depuis 
Sa'il  eft  rentra  en  grâce ,  i  protcfté  à  St.  MirS, 
que  de  tout  les  rarai  qu^I  loi  avoit  fiait  eil;- 
ourcr,  celui  la  lui  avoit  paru  le  ptus  infupot- 
«We,  fans  en  excepter  fon  Valet  pendu  atn 
fbi^irans  de  Ion  Cachot.  Tant  il  efl  vnl  qu'il 
w  faut  qu'ooc  bagatelle  ponr  démonter  un 
homine,  quand  il  e(l  dans  ladonlcur,  &qiie 
les  plus  grands  efprits,  après  avoir  renflé  aux 
phi!  rudes  ai&uts  de  la  Fortune  irritée,  fuc- 
nœibcnt  qiiclqaesfois  fooïunefoibleffe,  quî 
les  feroit  rougir,-  fi  Hfl  étoient  dans  une  fi- 
tmiofl-à;  pouvoir  ennnner  le  néant  de  Ta 
Chimère  qoi  les  Wciïè. 

Si  St.  Mars  a «crcé  departîHes  dnretez 
eavcrs  Bft  FaTori  du  Roi ,  comme  (bn  Ne- 
vee  l'a  raconté,  nos  feulement  à  moi,  mais 
à  quantité  d'autres  Prîfonnîets  dignes  de  Foi, 
ëoBt  quelques  uns  même  font  encore  aÛnet- 
femem  à'  la  Haye ,  ïe  laJOe  i  penfer  ce  qu'A 
a  pâ  £u¥e  fur  des  malheureux  fans  apni. 

Mt.  Fouquct  mon ,  &  feu  Mademoifelte 
vmt  feit  rentrer  Mr.  le  Duc  de  LaUiun  CQ 

Ece,  St.  Mu*  eut  le  Gouvernement  des 
sd'Hieres,  pottr  teeompenft  des ctuautci 
qu'il  avoit  exercées  l'mf  fes  deux  malheureu- 
ftt  viiAimes.  Ce  fat  H  qu'éloigné  dû  Soleil 
itit  des  croautecinoaies,  if  j'en  veux  croire 
-qodqaes  un?  dcmeaCotitiaptrfs,  qulavoieût 
jwlé  i  lies  Prifoiffliers  quravoienrétéfousl» 
Serajc^leSt.  Mars  dans  PlflcSt.  Marguerite, 
lis  VK9^£nKat  (Pavois  povSCè  Is  foreur  juf - 
D  a  qu'à 

u,:,-,zf--„GoOglc 


yf  .  L'iKjMÏfitUM  Frampife 

.qu'à  loUIêr  mourir  de  &îm ,  &  mémfi  faii« 
étouffer  plufîetirs  de  fes  Prifonniers>  dont. il 
ne  laiiToit  pas  de  toucher  la  pcnllon^  çomniç 
fî  ils  eufTent  été  vivants ,  long-tems  après  leur 
mott.  £nân  Mr.  de  BeHemaux  Gouverneur 
de  la  BaAille  étant  mort,  Mr.  des  Granges 
Commis  de  Mr.  le  Comte  de  Poatchartiaio, 
&  Beau-Pere  du  Fils  de  St.  Mars ,.  ibllîckm 
ce  Gouvernement  pour  le  Père  de  (on  Gen- 
dre, &  l'obtint  du  Roi.  St.  Mars  étoît  im 
petit  homme  très  laid,  &  crâs  ma!-£ut,  qui 
paroifToit  âgé  de  près  de  quatre  vingts  ans, 
quand  je  l'aiveu  la  première  fois ,  tout  cour- 
bé, tremblant,  &  d'un  emportement  terri- 
ble, jurant  &  blafphémaot ,  continuellemt^ 
&  paroiffaut  toujours  être  en  colère  ;  dur  ia- 
'exùrable  &  cruel  au  dernier  point. 

Guillaume  de  Formanoir  dit  Corbé  Ton  ' 
Neveu,  étoit  encore  plus  laid,  plus  mal  tour- 
né, &  plus  méchant  qtie  fou  Oncle.  Les 
'Porte-Clefs  &  fur  tout  Ru,qui  le  hailfoit  mor- 
tellement, difoient  hautement  aux  Prifoor 
nicrs,  &  Ru  aie  l'a  dit  plufieurs  fols ,  que 
Corbé  étoit  Fils  d'un  Jardinier  de  Montfo;^ 
Lamaury  en  Beaullè.  St.MarsfonOnc!epar 
fon  crédit  lui  avoit  Sût  quitter  la  bêche  &  le 
.râteau,  poîif  l'élever  à  la  dignité  de  Sous- 
Lieutenant  dans  une  Compagnie  de  celles 
qu'on  appelle  falades;  pofte  qu'il  avoitcoo- 
llamment  conlèrvé  lous  la  proteâion  deî);ip 
Oncle  pendant  dix  lept  à  dix  huit  An«,  ^ 
dont  faas  doute  il  auroit  été  à  la.  en  chaîlé  ,' 
malgré  faperfeverancé,  II  fouQnclcn'ena- 
Tuit  délivré  ta.  Compagnie,  poureniàireaS- 
trc  Seau.  Il  avoit  à  peu  près  cinquante  Ans, 
quand 


.Coogic 


0»  rHifloire  dt  là  BiJUnt.  if 

quand  je  l'ai  vcn  U  première  fais.  Sbnfront 
pas  plus  large  que  le  pouce,  fcmble  être  une 
étiquette  de  parchemin  grillé,  fous  lequel 
s'enfoQcent  deui  petits  yeux  de  cochon  brû' 
H ,  noirs  comme  des  pruneaux  relavez  ;  il  a 
un  nez  pointu  comme  un  fupolitoire ,  ou- 
Tcn  par  les  narines  en  forme  de  ces  machi- 
nes dont  on  éteint  les  bougies  dans  les  Eglt- 
fes.  Il  s'entend  fort  bien  parler,  car' fa  bou- 
che aboutit  à  fes  deux  oreilles;  il  a  tout  au 
moins  les  deux  tiers  du  vifage  en  gueule  ; 
iès  dents  toutes  corrompiies,  &  d'une  puan- 
teur infuportable ,  ont  été  peintes  en  ébeine 
par  la  fumée  du  tabac  qu'il  prend  en  quanti- 
té :. quand  il  rit,  il  ouvre  labouche& ferme 
les  yeux  d'une  manière  toutàf^itrilible.  L'on 
preodroit  fon  menton  pour  le  polilToir  d'un 
Cordonnier.  Il  marche  tout  courbé  furdeui 
jambes  caignenlès,  toutes  contoiiraécs>  com- 
me celles  d'un  Balfetd'Artois:  cependant  Ibn: 
cTprit  elt  plus  mal  bâti  &  plus  de  travers  que 
iôn  corps. 

Mr.  du  Joncas  Lieutenant  de  Roî,  étoït- 
nu  Gentilhomme  des  environs  de  Bordeaux; 
il  étoit  Exempt  des  Gardes,  lorfqu'il  entra 
Officier  à  la  Baflille  ,  homme  de  moienne 
t^lle,  ipais  bien  fait,  qui  paûbît  fes  fixante 
Ans,  qui  avoir debounes&demauvaîfesqu^- 
litez,  comme  tous  les  autres  hommfe.  Pour 
moi,  à  qui  il  n'a  jamais  fait  que  du  bien,  je 
fuis  obligé  d'en  dire  lincerement  mon  fenii- 
ment.  Ses  bonnes  qualitez  l'emportoîent  de 
beaucoup  fur  les  autres.  Il  étoit  Officieux  , 
aSable,  doux,  honnête  :  jamais  il  ne  m'a  dit 
«ne  pû-ole  derobligeante  ;  au  contraire  il  ne 
D  3  cher- 


TI  L*Uf»y!tim  h-smfaipt 

cherchoiE  qn'i  mé  coafolcr^  &  il  n'a  p«s  te~ 
BB  i  l«i  que  je  n'aie  obtenu  ma  liberté.  La 
Jeroùfre  paroje  qa'il  médît  avant  fa  nort, 
•ft  qu'il  m'alloit  faire  foittr ,  ou  qu'il  n'y  poui- 
»it  rien.  Tant  qu'il  a  vfcu  ,  il  m'a  prêté 
beaccoap  de  Liîvret ,  &  il  fe  declura  haute- 
«lem  pour  moi  contre  la  Tyrannie  de  Got- 
bé.  S^hant  que  la  France,  quefon Maître 
»?oit  érigé  en  Porte-Cleft ,  m'avoit  outragé 
4e  paroles ,  il  s'emporta  contre  lui ,  jufqo^à 
couloir  l'envoieraaCadiot,  &protella,  que 
fi  il  lui  arrivoit  jamais  d'infulter  le  moindre 
Prifbiuiier,  Il  le  chaflèroît,  comme  unMa- 
raut  qu'il  <tolt,  malgré  la  Proteâiondefoa 
Adattre.  Ceui  <jui  &  plaignoicnt  de  Mr.  da 
JoQcas  l'accufoient  d'étie  inquiet ,  vif,  re- 
ainant ,  d'une  (é'vétivi  outrée,  -&  de  ne  dire 
jiBiâii  ÎA  Tcritc.  Capcndait' je  protefte  qnTî 
ai'a  to4j(Mirc  parié  avec  fÎQcérité.  Il  me  faî- 
ibit  beaacoup  de  douceurs ,  qu'il  ne  bîtoit 
pas.  anz  autres  Prifbnniers  ,  foit  parce  qu'ff 
étoit  pcrfuadé  de  mon  innocence,  ou  parce 
<;n't)  connoilfoit  particulièrement  un  de  mes 
proches  Parents  Conrciller  an  Parlement  de 
Gafenne,  qui  lui  avoir  &itp]aiJîr,  comme  II 
me  l'a  dit  plnfieurs  fois.  Il  eft  vrai  que  c'cft 
Mr.  du  Joncas  qui  a  fait  mettre  pour  la  pre- 
mière fpîs  des  doubles  portes  à  toutes  les 
Chambres,  &  des  avant  griites à plufîeurs fe- 
nêtres ,  pour  ôter  aux  Prifonniets  la  viie  fnr 
las  iUies  de  Paris,  &  dans  prefque  toutes  les 
Chambres,  il  n'y  a  laiifé  qu'une  feule  fenê- 
tre ouverte,  ce  qui  a  fiiit  un  très  grand  pre- 
mdîce  à  la  fanté  des  Prifonniers ,  auxquels 
il  ne  fouffroh  aucune  communication  :  car 


.--„Googlc 


Y  FHifiwt  dt  Is'Baftaie.  ff 

on  trou  fait  i  U  cheminée ïod  aa  pltndwr, 
pour  parler  i  tes  Voifios;  paâôit  dm  tul 
^ui  un  nci  grand  crime,'  qu'il putiiflbittrcs 
lifvà'emeiu. 

Je  croi  qu'il  n'cft  pas  bcIbÎD  qneje  retou- 
che le  PoTtr^tde  Jacques  Ro&rge  Major, 
le  plus  brucat  de  tons  les  hommes  ;  j'en  aï 
déjà  aiTés  dit  &  la  fuite  de  ctne  Uiltoirefcra 
conuoître  que  lesPrifonniers  ne  pouvoient 
pas  tomber  dans  de  plus  iadignes  mains  ,  fi 
4'on  n'en  excepte  la  France  Porte-Cicfs,  &, 
Bernaville.  J'en  dis  autant  de  l'EcuyerCapi* 
talDC  des  Portes ,  cependant  bien  moins  mér 
chant,  fans  compataifon,  que  Je  Major,  & 
même  il  paroilloit  qu'il  avoit  encore  qucl- 
qn'e  p^ccdc  crainte  de  Dieu. 

Abraham  Reilhe  Cbinugieii  de  laBaltilIe, 
cofiuu  de  Nifmes,  &  c'cA  teut  dire,  avccle 
fçavoir  £urc  &  les  foupleilèsdHuiLaiigoedo- 
cien  ,  &  l'avidité  d'ua  Gafcon  ,  avait  dei 
ooglcs  juicju'aui  coudes  affilez  comme  des 
nloirs  :  jôgcz  s'il  ayoit  envie  de  feire  For- 
tune ,  auHi  n'y  épa^noit-il  fasfespetîts  foin». 
Uétoit  tout  nouveau  venuàlaB^lIe,  lorf- 
iqne  j'y  entrai,  où  l'Abt>é  Ginwt  l'avoit  in- 
troduit; il  étott  FiaiCT,  dans  ime  Cooipa- 
gnie  d'Iuiantcrie.  Il  avoit  encore  l'babit  de 
Soldat  fur  le  corps ,  qttaod  je  le  vis  la  pre- 
mière fois.,  qm  malgré  la  nuuvaîfé  tctnmrc 
de  caâ'é-,  dont  on  l'avoit  ondoie  ,  jnroit 
qu'il  coafetvcroit  là  première  inlHtutionJuf- 

?a'à  l'eiuémité ,  dont  il  ne  patoinbit  pas 
m  éloigné.  Ce  Frater  était  un  petit-bout 
d'homme  bien  alêne,  au  fond  fort  ignorant, 
car  à  peine  If  avoit-il  ùiit  la  batbe  dans  ion 
D  4.  No- 


.--„Googlc 


,9d  Z^ImqmJiMM^dimfeife  , 

Noviciat;  mus  ïqx  dépens  des  Prifonniert^ 
à  plulîeurs  desquels  il  en  a  coûté  cher,  Am- 
nc  à  moi  f  par  exemple  qui  en  fuis  quitte  pour 
le  bout  da  nez  ,  &  à  quelques  uns  la  vie  ; 
-  nomme  aux  Abbei  Gomcllcs  Francomioîs 
Frères,  dont  il  a  tué  l'Aîné,  auquel  à  deui 
beutes  après  midi  ,  lor'fqu'tl  fe  portoît  fort 
bien,  il  donna  de  l'Emetique,  pour  le  fjire  . 
vomir ,  à  trois  heures  il  redoubla  la  doie  ;  à 
ciivq  heures  iii^a^xr  ut/upra,  &  à  dix  heures 
defoir  il  étpît  mort,  dans  uue  efpéce  dera- 

f:,  &  des  douleurs  inexprimables.  Pour  Ton 
rere  ,  il  en  a  6ié  quitte  pour  être  eiiropîé 
<i'un  t^s  ;  mais  il  ell  fans  doute  plus  mat- 
heureux  que  ïbn  Aîné,  tout  mort  qu'il  eft, 
puifque  le  chaj;rin  &  ledcfefpoirrontfaii de- 
venir Fou ,  comme  on  le  verra  dans  la  fuite 
<le  cette  hîQoite.  Aux  dépens  dîs'je  de  Cet 
Patiens,  ce  Frater  efl  devenu  un  bon  Sujet 
de  St.  Cofme.  Et  ce  qui  a  achevé  d*en  faire 
un  Homme  de  confcquence ,  c'ell  que  I*A- 
pothtcaire  de  la  Baflille  efl  mort,  il  en  a  a- 
cheté  la  charge  ,  par  la  médiation  de  Berna- 
ville,  auquel  il  en  afaîtuneretrîbntion,  cai 
rien  pour,  rien  chez  les  Tyrans,  &moiennai]t 
-la  loïalc  part  qu'il  lui  fait  de  fes  parties  d'A- 
pothicaire ,  les  Prifonniers ,  qui  auparavant 
-Kheilhe  Titulaire,  avoiçnt  abondamment  tou- 
tes les  drogues  de  laPharmacie,  ibntaujour> 
d'hui  privea  du  très  neccf&ire ,  en  paiiUènt , 
«n  gemiirem ,  &  en  font  fort  incommodez  , 
pour  ne  rien  dire  de,  plus.  Le  Regillre  n'en 
.ctt  pas  moins.Iargement chargé,  aux  dépens 
,dn  Roi,  &  de  la  fanté  des  pauvres  languîf- 
fants.  Quand  il  entra  dans  ce  Cb&tCBP ,  il  é- 
loit 

u,:,-,zf--„GoOglc 


M  rm/isire  ie  Ut  BafliUt.  8 1 

toit  fouple  comme  tm  gtind  rîen  de  plut 
Kamblc ,  ni  de  plus  aSeâueux  ;  miIs  quand 
il  eui  fait  émondw  fa  tête  taillée  en  buis ,  fur 
chaque  cheveu  de  laquelle  il  y  avoit  aux 
moins  quatre  lentes,  arbora  une  des  vieilles 
perruques  furannées  du  Gouverneur ,  &  en- 
doSé  un  de  fes  vieux  juflaucorps ,  il  devint 
ïnfolent ,  &  traitta  les  Prifonniers  avec  ua 
mépris  iafoportaUe;  &  Mr.leBarbetotttaa- 
cha  du  Grand  Seigneur. 

ô  T'emplira  !  S  morei. 

Ru  étoit  un  des  Porte-Clefs,  âgé  d'environ 
cinquante  ans  que  le  Gouverneur  avoii  a- 
taeaé  de  Provence  :  il  en  avoit  bien  les  ma- 
nières, &  rencherilTfHt  même  fur  les  plus  a-  * 
oivêrfellement  defaprouvéeï.  Jecroi  en  avoir 
touché  quelque  chofe,  &  ilfctrouveraocca- 
fiOQ  de  parler  de  lui  plus  d'une  fols. 

Il  ne  contribuoit  pas  peu  àfaîreparoîtreles 
deux  autres  Porte-Clefs  encore  moins  mau- 
vais qu'ils  n'étoient  ;  quoique  peut  être  il  n'eil 
pas  entré  de  meilleurs  Entants  qu'eax  à  la 
Baftille.  pour fervir les Prifonnieis.  Bouton* 
niere- étoit  Paiilïen,  Boutonnier  de  fa  pro- 
fellïon,'bon  lïraëlite,  &ns  fraude  ni  dol; 
fort  compatifTant  aux  mifetes  des  Prifonniers; 
&  je  puis  dire  que  les  cruautei  que  l'on  a 
exercées  contre  moi  l'ont  attendri ,  juCqu'à 
répandre  i&s  larmes  fur  mes  Souffrances- 

Mais  Bouraouin  particulièrement  meritoit 
une  autre  deflinée  que  celle  de  Porte-Clefs  ; 
aulli  ne  relta<-il  pas  long-temps  à  la  Baftille. 
Il  étoit  Bourguignon  ;  il  avoit  fervi  dans  les 
Dragons  ,  ou  il  étoit  Maréchal  des  Logis  .  ' 
T>  i  quanq 

..^Xooylc  " 


8  s  Vln^uifitien  Fr^nfoife  ■    ■ 

quand  VAhbi  Ginxit  qwÉ  étoit  allé  acheter  da 
via  ch«  l'Oncle  de  Buuigouia  Curé  en  Bour- 
ffogne ,  l'en  raira  fous  ombre  de  lui  faire  li 
Fortuoe,  &  quand  il  le  tint  à  ia  Baftille,  il 
l'attacha  au  collier  de  mifere.  Mais  bien  loin 
d'y  contrarier  la  férocité  <iu'infpire  ce  barba- 
re emploi,  il  étoit  civil,  hoanéte,  afable,& 
bienfàifant ,  &  uns  faire  tort  à  fes  Maîtres  , 
il  fe  fiifxàt.  an  plailîr  d'obliger  tuas  les  Pri- 
fisnnters  ;  je  n'eii  al  pat  veu  un  feul  qui  oe 
l'aimac  tendrement. 

J'ai  gardé  les  DiredeiirE  de  Ja  confcîence 
des  Prîlonniets  &  dcsPrifontiiercs ,  au  moins 
de  ceux  &  de  celles  qui  avoicat  le  malheiu 
de  les  écouter  ,  pour  clore  nies  Ponraits. 

,  Aux  derniers  les  Bons. 

L'Abbé  Giraut  Aumônier  ordinaire  de  la 
Baftille  eft  encore  un  Provençal  que  St-Marsi 
avoit  amené  de  l'Ile  de  St.  Marguerite.  L'on 
dîToit  que  fon  bon.M^tre  Sl  Mats  n'avoit 
point  d'aroe;  mais  on  fc  trompoît  fort  ;  car 
ce  charitable  Prftre  étoît  famé  de  St.  Mars-, 
vûifque  St.  Mars  n'étoit  animé  qtic  par  lui , 
li  ne  juroit  que  pu  lui ,  il  n'écorchoit  que  par 
lui ,  il  ne  tyrannifbit  que  par  hii.  L'Abbd 
<!toit  la  Marotte  de  St.  Mais ,  &  St.  Mars  c- 
tpit  le  Godenot  de  l'Abbé.  Nervis  alienis  m»- 
kiie  ligaum.  Il  n'agiflbit  que  par  l'Abbé ,  qui  - 

'  i((]uffloit  de  tous  fes  poumons  (jemetrompe, 
puifqu'ils  pal&ient  pour  tous  pouris)  fur  ce 
•i'raa  tifon,  pour  l'embralêr  &lul  &ire  met- 
tre le  feu  à  tout  ce  qui  l'environooit.  Il  loi 
glfoit  connoître  que  c'étpît  l'intetuiou  de 
ieu,qiu  fe  fervoit  de  fon  pieux  miniilérc  poor 
^unir  let  Méchants.  Ce  zélé  Aiunânicr  étoît 


.--„Googlc 


-,c,,     />>~.^^^ 


e»  PHiJloirt  de  la  Ba/ttÛe.  fij 

le  Gargorier  de  la  Baftille,  qaand  j^yentral; 
mais  Corbc  le  trouvant  trop  prodigue  ,  le 
fubtlitua  en  fa  place  pour  rétrécir  les  tnarmîl- 
tcs ,  bannir  de  la  cuifîae  toutes  les  cafTeto-, 
les,  &  metamorphoferlebceufen vache,  que 
Bernavillc  encherillant  fiir  lui  a  trouvé Icfe- 
crct  de  convertir  en  charogne.  L'Aumânier 
garda  toujours  jufqu'à  la  mort  de  St.  Mars  l* 
charge  de  fommclier  de  la  Badille;  &  (1  la 
charité  de  J.  C.  lui  fit  changer  l'eau  en  vin, 
ce  dcteftable  Architriclin,  pour  être  en  tout 
Ante-Chrift  ,  fans  miracle,  trouva  l'art  de 
changer  le  vin  en  eau.  Bien  loin  d'aller  con-. 
foler  les  Prtfonniers  dans  leurs  Chambres, 
comme  fon  devoir  l'y  obligeoit,  je  ne  l'ai 
jamais  vu  venir  qu'une  feule  fois  dans  la 
nôtre,  le  jour  précèdent  d'une  vilîte  que 
devoit  faire  M.  le  Comte  de  Pontchar-* 
train  ,  mais  qu'il  ne  fit  pas  fc  contentant 
de  ta  faire  taire  par.  M..  d'Argenlbn  ,  pour 
me  prier  de  la  part  de  Iba  cher  Maître  ,  &. 
m'exhorter  chrétiennement  de  ne  pas  ^irO: 
de  plaintes  contre  la  tnauvaîfe  nouriiure,  &■ 
far  tout  de  ne  pas  découvrir  qu'on  nous  Uif^ 
Ibic  paJTer  tous  les  hyvCTS,  fans  voir  d'autre 
feu  que  celui  d'une  très  avare£handelie,me 
promettant  de  la  p^  de  M.  de  St.  Mars ,  & 
me  juranc  foi  de  Prêtre,  que  non  feiilemenc 
on  ne  me  laiflèroit  manquer  de  rien  ,  mais 
que  tous  les  deux  ,  prévenus  de  mon  iouo- 
cence,  Ploient  travailler  ferieufement  àroe 
procurer  ma  liberté.  Je  fis  femblant  de  le 
croire  :  je  ae  dis  mot ,  voiant  que  d'Argcn- 
çon  étoit  feul  à  &ûit  la  vifite  :  je  fus  ccpen-; 
dant  encore  .plus  maltiaitté  qu'auparavant/ 
D  s  Si 


.--„Googlc 


ïfî  Vlnquifitiom  Frànfatfe 

Si  il  ne  vifitoit  jamais  les  Prifonniers,  il  n'en 
ôoii  pas  de  même  des  Prifonnieres ,  chex  Icf- 
quetles  il  éioit  toujours  fouré ,  cho.  celles  au 
moins  qui  en  valoient  la  peine.  C'eft  «ne 
chofe  iiorrible ,  que  d'entendre  les  abomina- 
tions que  les  Prifonniers  en  racomoient^  &. 
dont  plufieurs.affirmpient  avok  été  les  t€- 
moins  oculaires.  Le  jeune  M.  Schrader  de 
Pec  Geotilhomme  de  la  Ville  deHame  dan» 
le  Pais  de  Hannovre  ,  fort  J0I7  Garçon,  & 
d'un  mérite 'diftingiié  ,  m'a  protdlé  d'avoic 
vu  par  des  tro&s  .qu'il  avok  laits  à  fon  plan- 
cher ,  une-Femme  nommée  Fleury  ,,  ^  ""^ 
jame  Fille  nommée  Marton  toutes  nues,  & 
ce  Bonc  exécrable,  commettre  des  crimes  fi. 
horribles,  que  je  rougTOis  d'en  falirmaplu- 
me  ,  &  plût-à-Diea  les  pouvoir  bannir  aaSi. 
iùcilemeiit  de  ma  penfée  ;  &  Corbé  partager 
avec  luiresin&mes  plaifits;  iSt  que  tous  deux 
Avoîent  encore  corrompu  un«  jeune  Damoi- 
i!dle  Donmufe  Bondy  ,  belle  à  charmer.  Le 
Frère  atné  de  M.dePec,quifutmisaprès  lui 
dans  la  même  chambre,  &  l'Abbé  Papafare- 
do  Prêtre  lulien ,  ont  veu  &  affirmé  la  mf- 
ine  chofe.  Le  nommé  Jean  Alexandre  vxa 
der  Burg  HolIandoJs,  quife  difoîtd'Amiier- 
dam,  m'aprotcfté  que,  c'étoit  una  chofe  qui 
n'étoit  que  trop  conjtante ,  me  récitant  det- 
circonflances  épouvantables  ,  qui  étaient  a~ 
l^ées  par  quantité  d'autres  Prilbnniers, di- 
gnes de  foi.  '  Quand  ces  infâmes  ayoieot  à 
leur  dîfpofitîon  une.  Femme  ,  ou  une  .Fille 
qoi  leur  plaifoit  ;  S  elles  refîfloicnt  à  leurs 
^talitez,  ils  la  piongeoient  dans  d*^reux 
Q^Cho»  ,  pOQi  la  fîpic  fuccomber  .&.  la  for^ 


.-„Goo.jlc 


0»  FBflért  de  U  BaJtilU.  85 

cer  i.  fe  rendre  :  fi  elle  7  acqwefçoït ,  rien  ne 
lui  manquoit.  Ces  in^gres  AdmÎDiftrateiirs 
kii  foumflToient  abondamment  les  chofes-les 
plas  d61icieu&s  de  la  vie  :  le  Gibier  le  plas 
rare,  les  vins  les  plus  exqaia,  les  pJus belles 
'  confitures ,  I2  p^tlTerie  I2  plus  fine  ;  rien  ne 
leui  étoit  épargné  ;  to«  lent  étoit  donné  g- 
Tec  piofulion  ;  cnforte  que,  qoand  fes  A- 
mams  étoîeniroitîs,clle  en  foatnillbit  ^)on- 
damment  tous  fes  votiîns ,  qui  étoient  fiitfa 
t^te,  &iQUS  fes  pieds.  Le  jeune  M.  Schrs> 
der  de  Pec  ,  qui  avoîi  été  &ul  fur  la  tête  de 
plufieurs  ,  &  enlùite  en  compogiue  dans  le 
métne  lieu,  m'a  juré  que  laFleury  &  Mar- 
ton  avoient  léfolu  de  le  &ire  defceodrcdans 
leur  chambre  ;  &  qu'elles  avoient  demandé 
à  leurs  Gîalants  une  broche  pour  tâtit  leurs 
Perdrix  &  Leurs  Cailles  ,^  fous  prétexte  de  les 
Bianger  plUG  chaudes  ,  mais  dans  la  vérité 
pour  la  fK-étcr  à  M.  Schrader,  pour  faire  un 
trou  dans  la  cheminée;  ce  qu'il  nlloitexecur 
ter,  lorsqu'on  lui  amenapouc  Con^^nont 
l'Abbé  Papaflàredo  &  le  nommé  ^^colas  • 
Sandro ,  tics  bon  enfant  du  Village  dés  Ha- 
yes  d'Avefneduc&té  duHainaut,  autres  té- 
moins oculaires  de  ces  abominations.  J'ai 
eu  avec  ce  dernier  uue  communicatïondont 
je  parlerai  dans  la  fuite  de  cette  Hilïoire.  Le 
jour  que  l'Abbé  Papaflàredo  &  Sandro  en- 
trèrent avec  M.  Schrader.au  dclTus  de  fes 
Femmes  ,  elles  leur  donnèrent  de  quoi  faire 
fi  bonne  chère  ,  que  Papaffarcdo ,  qui  étoit 
affamé  de  longue  maia  ,  s'emplît  tant  l'efto- 
niK  qu'il  en  penfa  cioier  :  il  mangea  tant 
decoDÛtuicS)  &>at  tani.de,viad'£lf>^n&, 
P'  7  qu'U 


.--„Googlc 


8tf  .L' Iiqu'/ttian  Franfoift 

qu'il  ne  fit  que  vomir  tottte  là  nuit;  &  fôs 

Compagnons  étoient  fort  embaraiTez  à  pur- 

fer  leur  Chambre  de  fon  ordure  ;  car  l'odeut 
u  vin  &  des  confitures  ti'auroit  pas  manqué 
de  les  fiiîrc  découvrir  le  iendemarn.  La  dîf- 
grefiion  ett  ua  peu  lougue ,  mais  très  neceP- 
lairc,  pour  faire  connoîtrè  l'intégrité  de  ce 
[>ieux  &  charitable  Aumônier,  qui  étant  un 
Hotnoje  de  moienne  taille  ,  a  le  vifage  (ait 
comme  un  mafque  de  grands  yeui  creuï,  un- 
long  net  en  rabattant  a  laBoromée,  fait  en 
tec  de  Perroquet ,  une  bouche  relevée  com- 
me celle  d'un  More  ,  arec  un  teint  plomba 
&  olivâtre,  crachant  continuelletneut,  &  i% 
plaignant  fans  ceiTe  d'une  oppreffioa  de  pot- 
tfiue.  Auieftc  d'uneproprcté.AlAatialCj tou- 
jours le  cailor  le  plus  lultré  ,  la  perruque  la. 
plus  blondeâc  la  mieux  poudrée ,  le  rabatde 
ia  bonne  ikifeufe,  leplusregulier,  fur  lequel 
ja  Nonne  Ii  plus  critique  ivauroitpfis trouvé 
la  moindre  -  chofe  à  gWer;  le  glan  le  plus, 
poupin,  le  bas  deibïekniîeuxtiré,  &leîba- 
Ucr  tout  dcs'plus  mJgnons>  Anâî  nous  avons, 
découvert  dûii  la  fuitte,  comme  je  le  ferai 
voir  qu'il  ne  t'en  tcnoit  pas  à  fes  feules.Pou- 
lettes  les  PrifonDieres ,  &  qu'il  étoit.encore 
l'Adonis  de  certaines  Nonnatoes  qui  t'acca^ 
blotcat  de  prefens  &de  bille»  d»UE,  un  4es- 
quels  le  hazàrd  &  fon  avarice  nous-firent 
tC>mber  entre  les.  mains  comme  on  le  verra 
plus  bas, 

:  Le  Perç  Riquclef  de  laveqeraUe  Sodété'i 
£unblc  èutl  là  mine  groffiére  &  lourde  un 
Jdtiite  tonc  des;  plus  FmchÎBftt  y  t>i*î^  àvat 
\t  Soai  il  «ft  lia  de«;plut  £iu  ^  (tnpliis  ic*- 
\  :..  ^toïs. 


.--„Googlc 


.-.Goosic 


•«  rUipirt  Ji  la  BaftilU.  t^ 

tors.  Les  fubtilitM  loi  fortciit  de  tous  les  cô- 
t«;  il  eft  tout  farci  de  rdîriâions  mentales^ 
&  doublé  de  la  plus  6ne  étamine.  Je  ne  fçal 
fi  c'cft  fon  naturel,  ou  l'air  contagieux  deU 
Ballille  qui  le  fàifoït  mentir;  mais  il  n'a  ja- 
nuit  dit  Is  vérité  aus  Prifonnicrs  fes  Enfants 
l{>irituelE,Iégitimes  ou  Profelytes ,  ce  qui  l'a- 
voit  tait  lurnommer  le  Bateleur  fpiritucl ,  ou 
l*endormeur  de  Couleuvres.,  J'ai  entendu  on- 
ze Prifotinicrs  fèparez  en  trois  Chambres,  ft 
Ëùre  un  raport  fidelle  de  la  converfation  que 
chacunenpatticuîiei,  &feparementavoiteue 
avec  ce  bon  Père  eu  un  m^mejour,  quitou- 
tes  fc  trouvoient  différentes  &  le  contrarîoient 
quand  on  en  ^ifoit  le  raport  des  unes  aux  au- 
tieE.>  Jamais  il  ne  regarde  un  homme  enface. 
toujours  la  veîie  bailTée  fur  le  plancher  j  £cil 
eft'&cile  de  remarquer  la  gène  &  l'inquiétu- 
de oâ  il  elt  i  chercha  des  reponces  confor- 
mes à  fes  iatentions ,  ou  à  celles  des  Perfon- 
nes  qui  l'emploient.  Il  a  un  grand  défaut  : 
c'cft  qu'il  manque  de  mémoire  ,  qualité  fi 
Deccflaiie  a  un  bon  menteur.  Pour  m'étre 
lailTé  feduire  à  cet  Artificieux,  par  le  delïr  de 
nu  liberté,  &  avoir  fimulé  d'écouter  favora- 
blement cet  ImpoDcur,  je  dirai  dans  la  fuite 
ce  qu'il  m'en  écouté;  car  c'a  été  fans  doute 
un  de  ceux  qui  a  le  plus  contribué  ï  malon- 
gue  détention ,  &  le  prînrtpai  infltument  de 
mes  tourments.  Que  Dieu  lui  fafle  miièri- 
corde,  &  le  convettiflc&  tous  les  Méchants. 
'  La  première  chofe  que  lesPiifonniert  difoient 
i  un  Kouvcftu-venu  ,  c^étoit  defe  prendre 
gude  dtt.Pete  Riquelet,  qui  ne  fe  fàilbitpirf 
onXctBiKdcdcievclec  laCbnftflîDD  desPrî^ 


^..Xooylc 


S8  Uluquifitten  Frauftife    . 

fonniers  aux  MiaiflresdcIaBaftilIe,  conune 
pluticurs  l'ont  malhcureufement  éprouré,  .6t 
quelques-uns  raeront  affirmé  fur  tout  ceqtfiis 
avoieuLde  plus  facré. 

J(:  devrois  encore  iddkeqaslquecholèda' 
nommé  la  France,  mais  j'attends  à -le  faite 
qus^je  le  mettrai. fur  laScéne,  oùilajouâ 
un  Perfonnaee  tout  des  plus  cruels. 

J'ai  déjà  dit  que  jedcmearaidanslaCham^ 
bre  delà  féconde  de  la  Chapelle  depuis  le  1 6. . 
du.  Mois  de  Mai  1701.  jour  de  mon  «tnpri^ 
fonnement ,  jufqu-au  ]i.  de  juillet  fuivant. 
Fendant  ce  temps  là  il  nefepailâiiendecoa^ 
liderable  qui  put  parvenir  à  ma  connoiflance, 
puifqu'il  n'étoitpermis  qu'aux  mouches,  aux 
rats,  &  âmes  Tyrans  de  mevifîter,  J'enten- 
dois  tous  les  foirs  régulièrement  un  bruit 
fourd,  .conune  H  l'on  eût  reirapé  delaMon- 
noieàiaBalUUe.  Ce  bruit,  qui  fembloit  ve-. 
nir  comme  des  fouterrains  du  Jardin,  ..ctHil* 
inençpît  iuftemeut  à  dix  heures  &  demie  .du 
ibir  1  &  durcit  jufqu'à  uncheure  pf ecife.  Ç'é- 
toit  la  même  cadence,  lemfnieiatervale,  Is 
mënie  bruit  .  &.  tous  les  mouvemcats  d'ua- 
balauciei ,  a.  qui  continuoit  tous  les  Jours 
làns  interruption,  excepté  le  Dimanche;  &  j'ai 
cru ,  ou  qu'ils  faifoient  de  la  Faufle  monnoie^ 
ou  du  moins  qu'ils  remarquoient  I^eipèces. . 
Ils  étoient  ailes  avares  â^és  méchants  pguc 
ajouter  ce  crime  â  tous  ceus  qu'ils  commet'-' 
toîent.  Il  y  eut  auffi  ua  Sergeant  de  la^Com- 
i>^nie  qui  tomba  du  Coridor  dans  le  foifé  , 
&îe  tua.  J'avoisdefleiad'avertir  lès  Officiers, 
que  les  Ouvriers  qui  travaJlloient  depuis  quel* 
q^es  JOUIS  au  Coiidor,  avoieot  fimaldifpg? 
fé. 


•s  Tfiijieiri  de  làBafiiUe.  89 

ft  leurs  planches,   que  ceux  qui  paflêroient 
dellùs  courroiem  rifquc  de  fe  bleifer ,  iflais 
malbcnreufement  ce  hit  le  Major  qui  vint 
me  voir  foii(>er,  &  H  étoit  fi  yvre  quejalmis 
je  ne  pu  lui  faire  entendre  raifon.    Sur  «s 
onie  heures  du  foir  j'entendis  le  Sergeaût , 
qui  dcjnanda  3  la  Sentinelle  s'il  pouvoir  paf- 
fer  fans  haïaid  fur  la  planche.  Oui ,  lui  d't 
le  Soldat,  pourvu  que  vous  preniez  du  c6t^ 
de  la  muraille;  cVtoit  jugement  le  mauvais 
en^oit,  aparemment  qu'il  vouloit  ft  venger 
de  quelques  coups  de  manche  de  hallebarge; 
&  comme  j'avois  très  diUinÛemenf  entendu 
ce  dangereui.Confeil ,  je  me  levm  au  plus 
vite  pour  lui  dire  de  n'en  rien  faire  :  mais  dans 
l'indant  que  j'ouvrois  mafenfitreenluicriaru 
^  paflïr  de  l'autre  côté  ;  j'entendis  la  plan-  " 
che  qui  lui  manqua  fous  les  pieds,  &lepau- 
vte  Homme  tomber  dans  le  folfé,  delahau- 
teur  de  plus  de  trente  fis  pieds,  oùiel'exhor- 
tai  de  mon  mieux  de  demander  paraon  à  Diea 
defcs  fautes,  ÔEdeluirecommandcrlbname. 
)ls  Âircnt  tris  longtemps  avant  que  de  le  fe- 
coarir,  &  l'enlevèrent  avec  bcaucoupdedîfi- 
cttlté  ;  car  pour  dcfcendre  dans  le  foffé  il  n'y 
a  qu'un  efcalier  tournant ,  où  un  homme  li- 
bre a  affc's  de  peine  à  paflèr.  Deux  jours  a- 
pris  il  mourut  tout  brifif ,  dans  des  douleurs 
ttès  aiglies,   comme  me  le  dit  le  Major.   Il, 
m'affirma  que  le  Gouverneur  en  avoit  beau- 
coup de  chagrin ,  puifque  le  mort  étoit  un 
Gentilhomme  d'un  mérite  dittingué,  trèsbrar 
ve  Officier,  &  fort  aimé  des  Soldats.  Il  n'y 
avoit  qnc  ce  dernier  article  qui  fût  véritable  ; 
car  cet  infortuné  Sergeant,  Aoit  un  pauvre 
Tail- 


^...Cooylc 


90  Vlm^Mifitie»  frsitf»ift 

Tailleur  de  ù.  profcffioh,  qui  habilloit  les 
Prifonoierï,  pacce  qu'ils  le  font  tous  «la  dé- 
pens du  Roi ,  quand  ils  n'ont  pas  la  libetté 
d'écrire  chci  eux;  &  le  Gouverneur  luiavoit 
accorda  Ik  hallebarde,  quoiqu'il  n'eût  jamais' 
lèrvi,  pour  avoir  fes  façons  d'habits  à  meil- 
leur marché.  Je  dirai,  parpareuthéfe,  que 
ce  Coiidor  qui  n*e(l  ouedcbois,  &  qui  tour- 
ne tout  au  tour  de  la  Baitille,  coâte  plus  aa 
Koi  à  entretenir,  que  s'il  l'avoît  fait  bitirde 
marbre  de  Paros,  oudcGranit;  caiityatous 
les  Ans  une  quantité  confiderable  d'Ouvriers 
à  y  travailler.  Le  Roi  en  eft  la  dupe;  mais 
qu'importe  ?  Les  Officiers  y  trouvent  leur 
compte,  &  les  Ouvriers  auŒ. 

J'emendis  dans  la  fiute  qu'il  y  avoit  des 
Prifonnieis  dans-  tme  Chani>re  qui  étoit  aa 
deObs  de  la  mienne;  j'eo  beau  letir  donn^ 
d«s  jîgnaux ,  ëc  Ir^per  contre  le  plancht»- , 
avec  un  morceau  des  fonds  de  mon  lit ,  je  ne 
pu  les  obliger  à  percer  le  plancher ,  pour  me 
parler.  J'ai  pourtant  fçeu  depuis  que  c'étoit 
un  Kouakre  nommé  Mt.  de  Brnnsfields  An- 
glois,  qm  «voit  fuîvi  le  Roi  Jacques,  qui  é- 
toit  dans  cette  Chambre  avec  le  Curé  de  Le- 
ry,  comme  ce  dernier  me  l'a  dit  cinq  ou  Sx 
Mois  apris. 

Un  foir  que  j'étois  couché  &  que  je  dor- 
mois  iranquilemcnt ,  malgré  l'horreur  du  lieu 
où  je  repofois,  &  la  dureté  de  mon  grabat , 
je  fus  reveillé  par  le  fracas  des  verroux',  à 
minuit  ;  &  tout  d'un  coup  je  vis  entrer  le 
M^r  yvrc  i  fon  ordinaire,  qui  me  deman- 
da tout  en  fureur ,  d'où  vient  queje  chantots 
en  langue  étrangère  f  que  le  Gouverneur  en- 
vou- 


.--„Googlc 


«ff  riTiJioire  de  la  Ba/Ulk.  9  * 

fonloit  fçavoir  U  raifon,  &  que  la  Sentinel- 
le m'avoit  entendu  chanter  en  Angjoîs.  Je 
lui  dis,' qu'outre  que  la  fituacÎDn  où  il  me 
trouvoît  lui  pouvoTt  fcrvir  de  rqionce,  que 
je  nepouvois  pas  comprendre ,  comment  un 
homme  poavoit  chanter  dans  l'Enfer  ;  &  qu'à 
pnne  pouvoîs-je  demander  mes  oeccffiteï , 
en  Anglois.  j'ai  cependant  bien  enicnda 
chanter  depuis,  &  par  des  Gens  tout  d'us 
autre  caraâére  que  des  Chanteurs  de  l'Opé- 
ra, ce  qui  r^a  pas  été  une  de  mes  moindres 
peines.  Ru  qui  l'accompagaoït ,  encore  qu'il 
ne  fût  pas  plus  raifonnable  que  lui,  quoique 
moins  plein  de  vin,  lui  affirma  qu'il  fe  m€- 
[>renoit ,  auffi-bien  que  la  Sentinelle ,  qui  a- 
ïoit  pris  une  Chambre  pour  l'autre ,  &  qu'il 
ièdouioitWen  qui  ftoit  celui  qui  ivoit  chan- 
ta. En  eiîet  j'*i  fçû  depuis  que  c'éioit  le 
Kouakre.'  Ils  rcfènncrent  les  Portes,  &  me 
Idflcrent  rêver  à  cette  bifarc  avanture. 

Totne  mou  occupation  dans  cette  Cham- 
bre ,  fut  de  me  reconcilier  lîuceremcnt  avec 
le  fuprérac  Souvcrwn  ;  d'apprrfondir  mon 
irfant,  de  repaflcr  les  égarements  demajcu- 
neffe,  ponr  les  detefter  du  plus  profond  de 
mon  cccur  ;  de  me  confacrer  entîdrement  à 
Dieu,  &  de  prendre  des  fermes  refolutions 
pour  diriger  à  l'avenir  tous  lesaÛesdenia 
Tie,  au  niveau  de  fes  divines  loix;  del'avoit 
toujours  prefent  devant  mes  yeux,  &  de  lui 
dévoiler  jufqu'à  mes  moindres  penfécs.  je 
pris'uue  habitude  de  ne  commencer  aucune 
aâion,  quelque  Wgcre  qu'elle  fit,  fans  Im 
avoir  auparavantdemandéfcslumiércs,  pour 
rcxecuier' félon  (on  bônplaHir.Le  matio,  «» 
me- 

■ .Coogic 


m'^TcUlant,  je  prcTCOots  prtMnptemcnt  mes 
penfff es ,  pour  loi  ea  offni  tes  prémices  ;  & 
c*efi  toâionrs  ce  que  j'ai  confûmment  ac- 
coinptt  oepais:  &  j'en  ù  retiré  ,&  j'en  re- 
tire encore  tons  les  jours  de  très  grands  a- 
vantages.  Les  Perfonnes  de  piété,  ne  feront 
peut-être  pas  ûchécs  de  voir  à  quoi  j'em- 
-'ploîois  le  temps  dans  ma  Prifoii  ;  &  de  quel- 
les limes  je  merervois,  pour  lîmermesféTt, 
&  le  fruit  qne  je  retirois  de  mes  méditations. 
Voici  quelques  Somiets  que  j'écrivis  contre- 
les  mors  de  ma  Chambre,  &  qui  n'ont  pas 
heareufement  échapé  de  ma  mémoire,  par 
rhabîtnde  que  je  me  fuis  ^te  de  les  rq>eter 
toiu  les  jours  ae  nu  PrifOD. 

Sonnet  Chrétien ,  ta  fbtme  .de 
Priete  pour  le  Matin. 

Au  f  «*«  •mvrmtt  Itj  ye»x ,  jr  t'awvn  am^ 

Emkrtf*  U^  SeigtKmTf  itsftm*  d*  tKntm»ttr% 
Et  fmts^m*  t*  hoMté  m^setorJe  rmeor  fejomr^ 
Emfiebt  fue  U  viev  t»  tormaft  U  fr*mt. 

Ut  Vtrtms  qt^um  Mtude  ttvemgït 

Qiu  Im  eraimtt  &  l'effeir  m'amiacm  tour  i 

tour  : 
ÛMefoMS  teffe  occupé  Att  charmes  de  taCoUr, 
Mon  coeur  élance  au  Ciel  iej  torrtui  defafiame. 

Arrache  dt  monfiim  Vwgmtil,  la  vamiti\ 
Quefa/fh-i  àta^ioire,  avec  bumilit/i 

Que 


.--„Googlc 


f»  ranime  Jt  la  Smjmje.  «j 

claire. 

Qf'Jeififife  e»  fatx  U  riguutr  de  ttiMforti 
Qm*  chaqme  aâe  aujomrdbui  me  prtfsrt  À  U 

tnart, 
-E»  f««  mom  fiul  dtfirfm  ethù  Je  te  plaire. 

Sonnet,  en  forme  de  Prière,  pour 
le  Soir.  En  Bouts-rimez. 

ye  ferme,»  Dieu,  mes  yeux, i^  je  t'euvre  .  . 

memame', 

Ji*Mf  les  hras  du  fonuneil  fais  vtilltr  mom  .,  . 

amoHTi 

Qiu  la  nuit  du  fiibi  faffe  flate  au  grand  .  . 

pur , 

Dont  le  temps  nef  aarra  jamais  Hftr  .  la  trame. 

Jtujemrdhui  foi  p/fb/ ,  fen  mérite  le   .  .  . 

blâme  j 

Excite  ma  danlenr^  par  m»  heureux  re-  .  .  . 

taur  : 

Que  je  rentre  au  fentitr  qui  conduit  à  :  :  ta 

Cturf 

Qu^iferct  defoupirs  jeralume  ma  .   .  fiâme. 

Je  detefie  àtes  pieds  .   .  I'argueil,la  vauit/f 

ye  veux  à  ton  exemple  aimer  r  •  .  bumilit/i 

Dam  Pamirre  de  la  Muit ,  ^ue  ta  grâce  .  .  mV- 

tlaire. 

-    ta  iuftice  tu  et  Ut  peut  ttrmtuer  .   .   mon 

firtt 

Et 


.--„Googlc 


M  L'iKfmifitiê»  B'^imfvflr  < 

EfjaÙÊdrt  mêMfêmmeil  am  fimKuil  Ji  .    .  U 

Mort; 

Jt  matarai  fitisfait  t  fi  ma  mm  ftMt  ...» 

flaire. 

Autte  Soane(,  en  fcMunc  de  Prière 
pour  le  Matin. 

Ouvrant  les  yeux  ,  Seigaeur  ,  Mtm  ame  eft 
■   éhUuU 
De  Pau^u/le  clart/  qmî  iiffifft  U  nuit  : 
Je  t'effrt  cet  imfiamt  £^  ttui  ceux  àt  ma  viV,- 
Pnrge  moi  Ju  poifon  ^ui  tent  fois  m^ajedxh. 

y'aiore^  humilié^  ta  Cramieur  tufisie} 
Je  •utHxpar  (*n  amour  fms  cej(fe  être  conduis,: 
Si/o/ai  t'sffenfer .  qnr  ta  hâté  Pomblie  ; 
Car  privé  de  ta  grâce  oiferois-je  réduit  f 

Arrache  de  mou  fei»  toas  les  defirs  frivoles; 
EUve  ma  penfie  ;  anime  mes  paroles  ;  * 

Somtitns  tKa  foi  fragile  J  excite  ma  langtsettrw 

Que  je  fouffrt  tes  camps  fatu  murmaretfans 
plainte'. 
Fais  mai  fuivre  tes  Loix  ;  fais  moi  vivre  en  ta 

faisftndre  avec  ta»  feu  laglact  de  mam  eaur. 


.--„Googlc 


Autre  Sonnet ,  fur  le  même  fujet  en 
Bouts-rinKZ. 

De  mitU  twtbmmtemeius  vois  mon  am*   i  . 

.  éblouit ,  ■ 

Fau  mM/m-tir,  Se^meur,  deUterrUle  .  nuit 

Ûi  P Ennemi  crSel  a  fait  Unguir  .  .  ma  vit  : 

StUilfur^  fait  imi  vir  Perreur  qui  .  .  m^a 

frJnif. 

D'ms forfait  infini,  U  peine  efi  .  .  infinit: 

ye  tremble  au  bord  du  gouffre  oitTorptetl  m^a 

'  .  .  eonduit  : 

Ne  permets  pat ,  4  Dieu  !  ymV»  ce  jours  je  *' 

.  .  eMbii», 

Peins  à  met  yeux  P horreur  ok  Pîujujie  ejl  .  . 

reiitiL 

Que  f  abhorre  le  Monde  ,  ^  fis  pomfet  .  . 

frivoles  ',  ' 

Devoilt  moi  le  fou  diUtfMmku  .  .  fmoles. 

Si  mo»cœuri*a£oupity  réveille  fa  .  langueur, 

Sijemeurs  daiKietfirt,  fme/yvive  .  .  . 

Jan  s  plainte  i 

Peree  umfein  erimiuel  des  fiéeies  de  ...  t» 

eramte\ 

Dtefen  de  tog  amour  daigne  enfidmer  .  .  mon 


Sonnet 

.--„Googlc 


jt«.  Vlnquifitit»  Framfoife 

S(»nct,  en  f«-me  de  Prière,  pour 
le  Soir.   . 

Sur  les  mêmes  Bouts-rïmez. 

Dm  féux  jtmr  Jm  pétbi  .  .   mtm  sme  eft  /- 

Sf»  AUt  Alipfé  me  fait  erdmàrt  .  .    /«tJ^f, 

Ce  terme  redemté  f«i  Jeit  hamtr  .    .  ««  *«  : 

Parthvne  moi .  SeitiieKr  l'erreur  qui  .  •  w'« 

^  f/Juit. 

yadore  em  me  couçha»t  .  .  uGrOnJetiri»- 

finie: 

y  Mffire  i  ce  grand  jomr  oà  la  Foi  mut  .  .  , 

tOMtiuit, 

HèUt!  qu'elle  tft  h  fin  ^$m  Péebeiir  qui  t^  .  . 

.      lublieX 

Et  fi  tu  m^ouiMstoà  ferw-je    *     .    redmtt 

Bauui  Jlr  mom  finuueil  tous  les  fii^et  .   .  . 

fi-ivolet; 

Peut-iirt  }out-ce  ici  les  derm/res  .  .  .paroles 

QKemuboutbe t'a^efft aveetrtfie  .  Ut^meur. 

Çiue  ne  puis- je  miltr  met  pleurs  avee  ma  .    . 

plaèuteï 

Regarde  avee piti/lefujet  de  ma  ,  .  eraintei 

/icforde  ton  or^aHraux  Claies  .  .  Je  mou  eàar. 


.--„Googlc 


M  THiftoiTe  it  U  Baflaie.  97  . 

Autre  Sonnet ,  fur  le  même  fiijet. 
Sur  les  mêmes  Bouts-rimez. 

Ntfiuffrt pas.  Seigneur,  quemen  âme  .  ', 

Slouie 

Des  omhrtsdHffehifaffe  àPaffrmft  . .  tmiti 

■Ni  ju'u»  Jammeil  fatal  u  tlirnier   .   ,  de  m» 

vie. 

Me  livre  à  l'Impofteur  .    .  qui  cent  f oh  m'a 

feduit. 

Mm  crime  efi  iiifimi  ,  msis  ta  grâce  ,  .  in» 

finie 

M'arrache  dt  l'abyme  »U  l'erreur  mus   .  .  > 

conduit  ; 

Je  U  feus  qui  m'éveille  alori  que  je  t'  .  ouèlie^ 

Et  me  fait  voir  P/tat  oà  l'ingrat  eji  .. .  réduit, 

A  ta  fieds  p-ojlerni i  de  cent  tbefes  .  .  fti~ 

voles. 

De  mille  égarements,  d'indifcrettes  ..  paroles 

Je  m'accuje  confus  avec  trop  de  .  .  langueur. 

Anime  mesfeupirs  j  écoute  ma  eom-  plaint^ 

Fatsfncceder  l'amonr  à  ma  trop  iujie  .  craintes 

■Quand Je  dors  dam  tes  iras,  viens  veiller  dont 

•  '  mon  cxur. 

Un  jour  que  je  reflechidbis  aux  capricec 
■de  laFortano,  &  que  je&ifoîs  un  paraleiie 
■de  l'éclat  pompeui  où  Mr.  Chanwilart  étoit 
^ievé,  avec  l'état  humiliant  où  je  mevoiois 
Kdnit^  contre  toutes  les  tendres  &  obligeant 
£  £es 


^...Cooylc 


y8  UJwfM^iar  FrêMftifi 

tes  promeflet  qu'il  m'avoit&iccs,  demepro- 

coicron  établiflèmctulblide,  jefiscetteEpi- 

gnunme. 

VHtMftre  ChamiUart  m*a£cerJoitfatenirtf- 

Lors  fM  Km  bemreux  icîatbrilloildamsmsùÏM' 

h"' 
Ls  rorttme  F^live  t  antMMt  q^elU  tiCabmfft^ 

Cmt  il  eft  f<ât  MiMiftre  ^  f^jefmis  em  Prifim. 

Cependant,  difoisjc,  nn  momeat  après', 
quelle  ell'cette  élévation  ?  qu'elle eAéblouif- 
ènte  !  qu'elle eft  fragile!  qu'elle  ell  incons- 
tante !  qu'elle  ell  oncreufe  !  où  me  conduirott- 
ellci  fi  c'étoit  mon  état  ?  peut-être  dans  une 
^ternit^  malheureufc!  où  me  conduiront  mes 
fou6rancei?fansdoatc dans  une  écermtdbieo- 
heureufe ,  fi  j'en  fais  un  bon  ufâ^  I  après  tout 
no)  n'cft  malheureux  en  cette  vie,  que  celui 
qui  le  croit  être  :  &  rien  ne  peut  troubler  ce- 
lui qui  cherche  fbn  unique  bonheur  dans  la 
volonté  de  Dieu.  Saint  Paul  étoit  plus  hea- 
reux'  dans  fes  chaînes ,  que  l'Empereur  qui 
l'en  chargeait  ne  l'étoit  lîit  fon  trône.  Fer- 
tKMé  xiftrrima  tuta  efij  difoit  Ovide. 

Comme  je  rappcllois  dans  mon  idée  tons 
les  morceaux  de  Poelîe  que  J'avois  veûdaiw 
le  Monde,  &  qui  n'étoient  pas  encoreécha- 
pcï  à  ma  mémoire,  comme  ils  ont  iàit  de- 
:yuis;  car  alors  je  l'avois  parfiutement  heu- 
reulè,  &  je  l'ai  cottfervéc  telle  jufqu'à  l'âge 
de  cinquante  ans;  nuis  foit  que  laNaturec- 
|>utfôc  par  tant  de  travaux  que  j'ai  foufferts  ■, 
luit  qtte  r»<âivité  ar^  laquelle  j'ai  travaillé 


.--„Googlc, 


en  Profe  &  ea  Vers  pendant  plus  d'onte  aat 
l'ait  énervée ,  je  l'aî  prefqu'cntîerement  per- 
dae,  &  peu  s'en  cR  fallu  que  je  n'aye  eu  le 
même  malheur  de  Corviuus  :  en  repaHEànt , 
dis-je,  le  Sonnet  de  Mr.  Lombud  Mmiâre 
à  Midelbourg,  qui  eS  très  beau,  qaoiqu^r- 
rraulia;  je  voulus  eflàier  d'en  faire  on  l^r  l« 
même  matière.  Voici  le  lîea 

Sonnet  de  M.Lombart  fur  le  Tabac. 

Doux  fiarme  de  luafoJitHJe  , 
Brulamte  fippe ,  ardant  foameoH 

§  y  purge  d^tuneur  mùm  cerveà$iy 
t  mom  tfjirit  d'iuqiâetudt  ^ 

Tabac  degt  moH  amt  eft  ravie  , 
Lvrs  quejt  u  vois  perdre  en  l'air 
ÂMffi  frompttntmt  qu'tim  /clair  t 
Je  voii  rimage  de  ma  vie. 

Je  remets  data  mon  fimeair  ^    . 
Ce:  ^u'mn  jour  je  doit  devenir . 
N'/tawt  fx'am;  ettidre  animéti 

£t  tout  coufui  je  m't^erfii  * 
OjÎiV»  ceuraut  afrir  tafxmée  , 
je  faffe  de  mime  que  toi. 

Voici  le  mien- 

Sonna  Chrétien  fur  le  Tabac; 

Taàae  ^  precseirx  fiiu  y  amufaute  fum/e 
T»  mats  Jtvaitt  mes  yeux  l'imàn  dt  U  mert; 

£»  rm 


lOO  L'TiÊjKifitiM  FraHfolfi 

Tom  htrhe,  em  difiilautUvafrur  qui  m'endort^ 

Dams  te  crenfet  frapU  tjl  bit»-iôt  eonfumét. 

Qt^ejl-te  qut  HÔtre  viet  mte  ctnirt  animée; 
Elle  l'évaMiit  afrès  amfeibh  effort  ^ 
Nôtre  etrftfe  diJJoMt,  t'efprit  pretidfonejfert. 
Et  laijfe  ce  fHinier  dont  noire  âme  eft  charmée. 

Suhtile  exbalaifon  fmt  ^évapore  en  l'airy 
Tu  montrer  q»t  nos  jours  fajfent  cofime  hk  é- 

clair-i 
Le  temps  nous  les  ravit  ^kmc  -uîtejfe  extrême. 

l'on  eharhon  emhrafé  ftmble  dire  tout  bas  : 
Ti»  déteins  tomme  moi,  in  finiras  de  même, 
Maisfi  ton  corps  ferit  y  toi*  ame  ne  meurt  fai  ■ 

J'ai  bicndes  fois  repaflif  les  bcanx  Vers  fut- 
Tants ,  &  j'ai  eu  tout  le  temps  de  regretta  la 
faute  que  j'avois  faite  de  ne  les  p»  mettre. eu 
pratique  dans  le  Mbude. 

Stet  quicunjue  V«Iet  polens 

Aula  limine  Luèrict} 

Me  dulcis  future C  quîts  i 

OyfcHre pofitus  hcû.,  .-.  ■  i 

Lene  ferfruar  osia,  ..       ^, 

Nullu  nota  Quiritièus 

JEtai  per  tacitum  fiuet. 

Sit  (um  tranfterint  met 

NuUo  cumjirepitu  Mes, 

Plehejus  moria^  Seuex.   >    .       ,  ,  _ 

un  mors  'gravis  incubât. 

Qui  nimis  mi^s  omsfibMS^ 

l^natuf  moritur  Jibi.  ^ 


ïn 


.--„Googlc 


En  voici  une  imituton  qnt  m'a  p&ni  tris 
belle,  §,  fur  taqnelle  je  fis  les  Bouts  rimez 
fuivants,  qui  me  femblcrent  conveaJr  allez 
bien  au  déplorable  état  oùjemevoioisredatt. 

SONNET. 

Silivt  ffw/  voudra,  par  f^rre ,  tupor  eirt^t 
Jmjqu'au  fimmet  gl'^i"*  dti  Grtmdettrj  dt  U 

Cour; 
hfoije  vetrxt  fan%  qniittr  mam  aimable  fejamry 
Loia  dit  Momde  i^  d»  bruit  rtehtrther  m  Sa  ■ 
S'I- 

Là,  faut  crainte  deiGramdi,  fans  faftejans 
triftep, 
Mtjyttux  ,  aprèf  la  mmit ,  vanut  uaitre  U 

jvurX 
Je  verr4i  fet  f'ifi'sfi  fuivrt  tour  i  ttitr  t 
At  dams  um  doux  refos  f  attendra  la  vitillejfe. 

Aiufî  lorfqme  U  fort  vïemdra  rompre  le  cours 
Des  iieu-heuremx  mtmeuts  qui  composent  met 

jours , 
Jt  momai  etarg^  d'amiy  iutomtKfolitairt. 

QM*mm  Homme  efi  miferath  y  à  Heure  dm 
trépas. 
Lors  qu^aiant  néglige  U  feul  point,  uiceffaire  , 
Il  meurt  connu  de  tous,  i^nefe  couuoit  pas. 


Ej  Sonnet 

u,-,,..,  Google 


Somet  ca  B(»Ks-rime& 

Sfiaa  item  Jt  Feffrît ,  Ufamt  bte»  ^  T  . 

aàrefft 

Ponr  fvittr  Ut  Uqj  jne  Fom  tmd  i  .  h  Cour  ; 

S.IU  ffi'tf  VtMdu  eb€r  fam  feJipfMt ,     .  Jejouri 

Gbm^di  fil  MttrtatiJt  uuMftu  it  .  .  fa- 

v^- 

S*s  flMf/îrt  m'tMt  fbug/ Jaiu  t^ap-enfe  .  . . 

tripe fe; 

Et  fin  èrilhart  Alat  m  V  fait  ftràre .  ïi  jamt  \ 

Dm  Ltttvre  féi  ttmbidams  urne  ohfcmr*  .  Tcmr. 

Oàj*  vûj  (9IU  Ui  maux  prévenir  ms  .  .  *«/- 

up. 

Jm  fWwiJt  »  hi  fiagrim  ,  fomw  tit  êmtir 

.  .    .  le  court , 

Em  trsaj^tsl  m  eomiasifovt  éf^der  met  .  ,. 

Mf.iliii'gemt  en  ttmbtdmmiM  j/Mtrt  ■  folitaire. 

C«P  fn'l^t^f  f«f  «M  vtif  n»  Jttrnel  .  .  . 

trepatt 

Çm  mt  i*  Uigi  i<i  ,  tvim»  »»  nui  •  •  ntcef- 

faire 

Pwrfniffrir  nuiU  PMrtt^  i^fenrn'e»  »e«- 

rir  ,  .  .  .  fat. 

Ce  fiit  âv»s  ce  tn9c  Urt  qae  je  commen- 
fû  à  compoftt  mon  Foemc  de  l'Amour  & 
«e  l'Amitté,  que  dans  la  fuite  j'ai  poafféjaC- 
qu'à  iîx  mille  Vers,  quemet  barbares  Tyrans 
m'Qttttvtij  aulG  buea  qi)C  mes  ■.atcet  Ouvra- 
ges, 


.-„Goo.jlc 


OM  Pittfime  dt  ia  BafiilU.  10} 

ges,  dont  la  perte  m'a  ^té  plus  fenlîble ,  que 
tous  les  tourmeots  que  j'ai  fouâïrts  dansm^ 
Prifon ,  quelqu'eicefljfs  qu'ils  aient  été  :  car 
c:c  que  j'en  aï  fauve  n'aproche  pas  de  ceux 
que  j'ai  perdas  ;  j'avoîs  eacore  tout  mon  feu 

3iiand  je  les  ai  compofez,  &  pluid'onzeans 
e  Baflille  l'om  bien  étouffé,  poornepasdi- 
re  entièrement  éteint.  CcPocmeétoitceqoe 
j'ai  fait  de  menai  mauvais  en  ma  vie;  auffi 
l'avois-je  compofé  en  viie  de  ma  Chère  E- 
pouie  ,  dont  le  ptecieux  ibuvenir  Icmbloit 
m'en  avoir  diâé  les  plus  tendres  endroits. 
•  Le  Sonnet  de  des  Bareaux  efl  trop  beau  , 
trop  célèbre,  &  meconvienttropbïcn,  pour 
le  laiflèr  fans  Bouts-riaic2  ;  je  fçai  qu'on  en 
a  fiut  plulieurs  qui  valent ,  fans  doute,  mieus 
que  le  mien,  cependant  je  le  donne  tel  qu'il  cft. 

SONNET. 
Le  Pécheur  s'accuCmt  dbnmt  Dieu.' 

Seigmemr  Us  j^imenlsfamt  rtn^Ut  ^é^m$éi 

TtiSjoMrj  tmfrtMis  fUifir  i  mamj  être  fnfUe} 
Mms  foi fétt  tsmt  Je  maifjmejamah  tdhiiÙ 
NtfeMtmepmfdommtTtfÊMS  tbtfmertsjmlliff. 

Oui  ,  mom  Dieu ,  la  rrmmitmr  it  mêm  tuf 

fiit/ 
Ne  iaiffeàtoMfomvoirfiU  le tbtix dM  fmfplic»; 
Tom  intérêt  t'ofpofe  à  mafelleit/, 
El  ta  CUmenee  mime  attend  que  je  ftrijfe. 

CwUeHte  lem  d<firt  fuis  am'il  t'eBrhrttmx  ; 


104  L*I»fkifitïom  Franpife 

Offtnft  toi  des  fUurs  fui  touleat  de  mesjfemx^ 
lieme ,  Jrappf,  il eft  ternes ^rendi  meiGuerrf 
fOKT  Guerre, 

jPadere  t»  expirant  la  raifm  qui  t'aigrît 
Mais  dejfus  quel  endroit  peut  tomber  ton  t»a- 

mtrre, 
QnintfMttoMtCBUVertdufai^deJefus-CbriJi- 

Sonnet  en  Bouts-rimez. 
Dieu  répond  au  Pécheur- 

Puifque  mes  '.  .  jugements  font  remplit  d*/. 

qmit/f 

Au  Vichtur  fénitint  jt  veux  .  ■  être  propice: 

ileftvr^i  que  ton  ertme  a  lajfé  ma  ,    .  hni/i 

Mais  je  fuis  pardonner ,  fani  ibofuer  ma  .    . 

jttfiice. 

Oui,  quoiqme  la  grandeur  de  ton  ,  .  imfi/t/ 

N«  laiJlt  À  mon  courroux  .   .  que  le  thotx  du 

fupplice  j 

Tes  cris ,  qui  m'ont  JUchi  fottt  ta   .  .  felicit/, 

MenJmtnr  ne  veut  pas  qu'un  coeur  contrit  .  . 

perijje. 

toujours  de  faireirate  il  me  fut  .  glorieux; 

yt  fuss  touché  des  pleurs  qui  coulent  de  tes  .  . 

yeux'. 

idu  fenl  impénitent  je  déclare  la  .  .  .  Guerre. 

Un  foupir  m'adoucit,  fi  le  fiché  »'  .  aigrit. 
Mon  Fils  qui  te  reclame  arrête  mon  .  tonnerre; 
Quepuis-jt  rtfufer  au   fang  de  Jefus-Chrijlf 

Je 


om  TlSftoire  ii  la  BaftiJU.  rb% 

Je  fis  encore  quantité  d'autres  Vers  dans 
cette  Première  Chambre,  mais  outre  qu'il  ne 
m'en  fouvicnt  plns,il  dl  temps  de  pafler  à  une  ■ 
aut-reScéhc,  carfîj'emploiois  autant detemps 
à  tontes- les  autres,  je  crafndrois  d'abufcr  de 
la  patience  de  ceux  ,  qui  voudront  bien  fê 
donner  la  peine  de  lire  cette  Hiftoire. 

Il  y  avoit  deux  Mois  &'demijuftesqucj'é.^ 
tcMS  datis'  la  féconde  de  la  Chapelle,  lorlquc 
le  lundi  31.  jour  de  Juillet,  fut  les  troisheu- 
rcs  après  midi>  après  le  vacarme  ordinaire' 
des  cleft ,  des  verroui ,  des  portes ,  &  des  €- 
00s,  je  vis  entra  dans  ma  Chambre  le  Ma- 
jor accompagné  de  Ru ,  &  d'un  autre  viftge 
qaï  m'étoit inconnu.  Rofarge,  aprèsfesbur- 
lefques  révérences,  dont  il  n'étoit  pas  avare, - 
me  dit  de  m'habiller.  Quoi!  luîdIs~je,Mon- 
fieur ,  eft-ce  que  ma  liberté  eft  vehiie  ?  Non ,  - 
Moniteur,  reprit  il,  c'eft  un  petit  change- 
ment,unpetitchangement,  parordrcdeMr. 
le  Gouverneur  qui  veut  faire  reblanchirvAtre 
Chamtn-e.  Pendantque je  quittai  ma  Robe  de 
CSiambre  pour  m'habiller,  les  deux  Affif^ 
tants  du  Major  fetàilirent  de  mes  bardes,  & 
lui  me  donna  ta  main  avec  une  gravité  rifl- 
blCj  pour  fonir  de  la  Ch^nbre  &  delcendré 
l'efcalier:  on  ferma  la  porte  &  pendant  tout 
le  reflc  de  ma  Prifon,  je  n'ai  pas  rentré  datis- 
cetteTour.  On  me  fit  traverfer  la  Cour,  bà 
je  ne  vis  Iperfoone,  fans  médire  où  l'on  me 
menoit.  Le  Major  ouvrit  la  porte  d'une  au-> 
treToHr,  dittelaBortaodiére,  commejcTai' 
apris. depuis,.  &•  après  avoir  monté  environ 
vingt  cinq  à  trente  marches,  onmefitentret  ' 
dons  ati'liea.,"Oû  l'onçe'voioitj^dute.  Je - 
-  ;  £  J.  veu- 


.--„Googlc 


voulus  demander  an  Major  ce  que  j'avoîs 
ftit  i  Mr.  le  Gonverneor ,  pour  me  mettre 
4*as  un  lieu  fi  aflreux ,  mais  Cids  vouloir  me 
lepondre  un  fcot  ntot,  on  jett»  idcs  bardes 
dûs.  rembrafutc  d'tHi  crcneaa ,  &l'onferma 
prOQ^ement  Ii  porte  Cur  moi.  Je  me  miTà 
rêver  fuf  cette  avuiture,  (aXts  m'allarmet  ce- 
pendant. Ç'itoit  un  petit  réduit  Oâogonc 
large  environ  de  douze  i  aàze  pied$ea.taa5. 
fcns ,  j)t  à  peu  près  de  la  même  hauteur..  Il  y . 
avoit  on  pied  d'ordure  fur  te  plancher ,  qui 
ctDpJchoît  dcvpir  qu'il  étoit  d(;pjâtr«;  tous 
lei  crcnauiz  étoiem  boucbei ,  à  la  referve. 
■  de  deux  qui  étoieot  grillez.  Ces  créneaux  é-^ 
toietu  du  cAtéde  la  Chambre  larges  de  deox. 
piedi ,  &  tliojent  toujours  en  diminuant  en. 
*^e,  dans  l'épaitleur  du  mur  jufqu'à  l'ei^ 
trénaîté,  qui  dacdté  dufoiTé  n'avoit  pasdc-s 
my  pied  d'ouTertnrc  &  parce  mèm^  côté ,  é- 
toiem  fermer  d'un  treillis  de  01  de  ffr  fort: 
ferré;  comme  c'Aoit  à  travers  de  ce  treîtlÎE 
qse  vcqoit  le  jour,  qu'il  étoit  encore  (^cor- 
ci  mt  cette  épaiffcnr  de  mur ,  qui  de  ce  côt< 
a  dix  pieds,  par  lanille,  &;pai  n^ie  fen£tcQ- 
<îfà  fèrmoit  «a  dedans  de  la  Chambtc  à  vo- 
let, garni  d'un  verte  trcc  cfais,  &  très  Tal- 
le,  H  étok  G  foible,  que  quand  il  entrent 
dans  la  Chambre  ,  à  peine  fervoît-il  i  faire, 
diftinguer les' objets,  &iicft>nnO!tqa'anfi»ax,  • 
jour  :  en  forte  qu'il  iàlloit  s'apuier  Uu  le  cte  ; 
ncan,  pour  pouvoir  lire  quand  le  Soleil  d(HV 
iKrit  à  plomb,  &  que  trèi  foavent  au,M.^*, 
d'Août  il  a  £dlu  allumer  de  lachandellcpôur 
m'éclairct  à  dtnet.  Les  murs  de  la  Cbatniwe. 
^toient  tiis  failc*  St  g&tez  d'Qtd^irc,  Ce.  «îu'il. 


.--„Googlc 


0itPHift»irt<^dèUSMfiilU.         107. 
y  avoit  de  pins  propre,  c'étoit  unplafonddé- 

E litre  très  uni  œ  très  blanc.  Poortontmen- 
le  il  n'y  avoir  qa'une  petit»  fable  pliant*-' 
très  violle  &  rnmpuj! ,  &  Que  petite  ctnùft 
enfoncée  de  paille,  fidifloqufe,  qti'à  pcifltf 
ponvoiton  s^aflbir  delïus.  La  Chambre  étoif 
fi  pleine  de  poces ,  que  dans  an  inflant J'en 
fiis  tout  couvert,  &  qoe  mes  habici  en  fem- 
bloient  tout  noircis,  four  me  confoler  de 
l'incommodittf  que  me  canfoient  ces  infcc* 
tes,.  Ra  me  dit,  dans  la  fuite,  qnecelapro' 
venoit  de  ce  que  le  Prifonnîer  qui  en  yenoit 
de  fortir ,  pîlloit  fans  façon  contre  les  murs  ; 
ils  itoiem  tapiffeï  des  noms  de  quantité  de 
Prifonnicrs.  -voici  ceux  que  j'ai  peu  retenir. 
Marc  Liiich  Capitaine  Irlandoîs  arrêté  le  a  5. 
Juin  1 6p9.  *  amené  ici  fansfçavoir  pourquoi  ; 
c'étoit  on  fort  brave  &joîi Homme,  comme 
je  le  dirai  dans  la  fuite ,  car  j'aurai  bien  fujec 
de  parler  de  lui.  Pierre  Linck  de  Limi  en 
Autriche.  Jean  Caftel  des  Sevénes:il  avoit 
écrit  contre  la  Porte  &  le  mur.  Jeari  Caftel 
de  St.  Hypolite  dans  les  Sevénes  de  la  Reli- 
gion Prétendue' reformée ,  amefié  ici  fans  fça- 
Toir  pourquoi.  François  Doublet.  F.  Poirot 
Maître  d'Hôtel  de  Mr.  !c  Duc  de  Chevrea- 
fe  ;  &  pluiïeurs  antres  qui  me  font  échapcx 
de  la  nacmolre.  Sur  les  fept  heOres  Ru  m'a- 
(Kjrta  un  petit  lit  de  Campdefanglés,  unpe-  , 
tit  matelas,  on  travers  de  lit  garni  de  plu- 
mes ,  une  méchante  coovertore  verte  toute 
percée,  &  fi  pleine  d'une  épouvatitable  ver- 
mine, que  j'ai  eu  bien  de  la  peine  i  l'en  pur-: 
ger  ,  &  anc  paire  de  draps  blancs.  Je  puis 
proteftcr  qttc  ;e  tas  aflàilli  des  qUitirc  Man- 
£.  t.  diants,, 


.--„Googlc 


ioïf  L'InquifttioiiFranfeife] 

diants,  qui  me  firentbeaucoupfoufTrir.  J'^k' 
rois  bien  voulu  les  rcnvoier  dans  les  Con- 
vents  leurs  véritables  domiciles.  C'étoicpouc 
la  premîtïre  fois  de  ma  vie  que  j'étois  affligé 
de  ces  vilains  hôtes,  &  par  ta  gracedeDieu 
c'a  été  la  dernière,  car  je  n'en  ai  pas  été  inr 
commode  d!un  feul  depuis,  pendant  tout  le 
reftc  de  ma  Prifon,  Je  fis  de  grandes  plaintes 
au  Porte-Clefs  de  la  manière  indigne  dont 
j'étois  traltté  ;  je  le  pri^  de  me  dire  ce  que 
j*avois  fait  à  Mr..lc  Gouverneur,  pour  être 
outragé  de  la  forte,  &  s'il  voudroit  faire  cou- 
cher un.  de.  fes  Laquais  fur  un  lit  auâl  mef- 
«juin  que  celui  qu'on  me  donnoit-^  Pourt-ou- 
te  raifon ,  il  me  dit  de  prendre,  patience ,  & 
que  c'étoit.pour  mon  avantage  quel'oncnu- 
foît.ain(i.  U  referma  promptement  la  porte,, 
&  me  laina.moialifer  lout  à  mon  aife^tur  l'é- 
tat pitoiable,  où  je  me  voioîs  réduit.  Ce  fut 
le  Suprême  Confolateur  qui  me  fit  porter  ea 
paix  un  revers  fi  funellerje  lui  conlacrai  cet- 
te crois  , .  &  je,  le  conjurai  de  me  donner  la 
force  dont  i'avois  befoin  pour  la  porter  conf- 
t^mmçnt.  Sur  les  neufheuresduloirRumV 
porta, un  très  méchant  foupé  &  m'aluma,m3. 
chandelle,  car  j'en  avoisencoredeux  des  qua-,: 
tre  qu'il  m'ivoit  aportées  la  première  fois.  Il, 
n'y  avoit  point  d'ûfBcier  avec  Ru;  aparem- 
ment  pour  s'épargner  les  reproches  que  je 
n'aurois  pas  manqué  de  lui  faire  fur  fa  mau-. 
vaife  chère,  fur  ma  Chambre ,  qn'oii appelle 
•n  ce  lieu  un  Cachot  clair  ,  &  îur  l'irregu-  . 
l»ritè  de  mes  meubles. 

Je  foupai  très  mal,  &  je  couchai  encore 
pjus  va3,\-,  car  outre  les  mauvais  hôtes  qui  mei 

tOUtï 


ou  rHifiairt  de  la  Bajlilte.  109 

toarmentoicDt,  &  qui  ne  me  permirent  pas  ■ 
de  fcnneri'œilpcndanttoutclanuît,  ]apuaa- 
tcur  de  laChatnbreJtoitinfiiportabîc;  âchs- 
que  quart  d'heure  de  UnuitlaSentinellefon- 
ooit  une  cloche  qui  étoit  lî  proche  de  ma 
Chambre  que  je  croioîs  l'avoir  dans  les  oreil- 
les^ aufï  bien  que  le  qui  va  la  des  Sentinelles, 
qtu  hurloient  d'une maniéreépouvantabIej& 
pendant  tout  le  temps  que  je  reftai  dans  cette 
Chambre,  fçavoir  depuis  le  31,  Juillet  jus- 
qu'au a  8.  Septembre,  je  ne  pus  obtenir  un  ba> 
lai  pour  netoïcr  mon  Cachot.  Ajoutez  à  cela 
que  depuis  le  jour  précèdent  de  mon  empri- 
founcment  je  n'avois  pas  changé dcchemife, 
Sl  que  je  n'en  changeai  que  le  1 1 .  Novembre 
enmivant  :  celle  que  j'avois  fur  le  corps  qui 
étoit  très  fine,  devint  toute  brune;  &  cepen- 
dant elle  ne  pourit  pas  ;  &  après  l'avoir  feît 
bien  blanchir,  elle  m'a  fervi  encore  plus  de 
quatre  ans,  moiennantlesteparattonsquej'a- 
pris  à  y  faire,  ce  qui  efl  nne  des  principales 
occupiuions  des  Prifonniers.  Ce  qu'il  y  a  de 
rejouJUànt  dans  cette  affaire  ,  cVit  qu'ils  a- 
voient  une  quantité  de  très  beau  linge  il  moi:' 
car  le  famedi  avant  mon  emprifonnementj*a- 
vois  donné  ce  que  j'avois  de  linge  fâlle  à  nu- 
Blanchifiëafè  à  Verfailles;  &  aïant  fait  en- 
tendre à  Corbé  qu'il  étoit  très  beau,  avec  des 
dentelles  très  ânes,  &desMalinestoutesdeS' 
plus  belles^  il  en  prit  un  mémoire ,  l'envoi»- 
»  Verlàilles  ;  ôtaportet  mon  linge,  au  moins' 
ce  que  j'en  avois  mis  entre  les  mains  de  ma 
BlanchiOèofe  ;  m'en  fit  ligner  la  réception  en- 
viron le  S.  Juin,  &  legardajuiqu^uii. No- 
vembre ,  qu'il  me  le  rendit  à  moitié  ufé,  quoi* 
Et  q"« 


.--„Googlc 


1 1«  L'lHt(ttifitiM  Franfeift 

qie  je  reu0e  fait  fuie,  an  peuavaiitqiied*é< 
tre  ariété.  Dix  fois  an  moins  je  Ini  aï  vu  por- 
ter mon  linge  :  je  reconootllbis  mes  chemilè» 
&  mes  cravattes  fur  lui ,  pendant  que  jVtois 
falle  comme  un  Ramoimeur  >  &  qinad  je  te 
menaçois  de  frapper  à  ta  porte,  pour  m'ea 
plùndie  au  Goiavemenr ,  il  me  menaçoit  à 
{bti  tour  de  me  faire  mettre  aux  fers  dans  an 
Cachot.  A  la  au  lui  &  Ra  m'ont  pîtlâ  tout 
ce  que  j'en  avoisdcplas  beaa,  &  m'ont  nfé 
le  celle;  car  vingtfotsj'eaaicceonnufarRu, 
qui  CQ  étoir  quitte  pour  en  rire  de  tout  fo» 
coeur^  dJEe  qp'il  me  le  rendrok.  Quand  je  lui 
en  dooaois  à  blanchir  toûjoiars  ta  plut  belle 
pièce  avoit  éti  perdue  au  blancbil^c  ;  oà  it 
mfépargDoit  le  foin  de  la  lui  demander  deux 
fois,  en  me  difaat  qu'un  Fripon  étoit entré 
dans  fa  Chambre,  qui  me  l'avoitvoUe,  c'é- 
toit  peut  être  li  &ule  choie ,  qu'il  m'a  ditte 
de  véritable.  Ru  m'aa&rtBépluâeursfoiiqne 
moD  ling^  avoit  fait  beaucoup  de  plaîSr  & 
d'bonneor  à  Corbé,  car  it  n'en  avoit  pas  ou 
morceau;  &  il  lui  3  reproché  devant  moi, 

£il  i^avott  qu'aiie  diteaàSt ,  qoaDd.ll  entra- 
is la  Baâitie,  &  qa'il  fillot  qu'il  loi  <K. 
prêtât  une  des  fiennes  pottr  en  dia0g«. 

Je  defccnds  dans  ces  paiticulaiim  pour  £ù- 
ce  voie  julqu'où  cet  Gens  pouâbient  Icni 
lc6ne,  teus&Iponneric&leiubarkcrîecnverS' 
les  Prifomùers.  C»  qei  a  lit  de  pint  dut 
que  de  laifTst  un  Uommefànsehai^erdeliO'' 
se  pendant  plut  defisMots,  qnaiidik  en  obC 
nac  qnuiùé  conâdmblc  à  loi  ?  Mon  otfcu-. 
pationdone  ftit  d'all«eiaâemcntâl3.ohairey: 
&j«fi$wi  frgCTildcMawgc  de  gibier  TOrtctj 
■que 


»u  PHifteirt  d*  la  Bt^Qt.  1 1 1 

e  je  le  detrutfis  rsDs  qQll  ea  rcftit  imeièii- 

piéce  d'aucose  c^cce. 

(Quand  le  Porte-Clefs  aporta  à  mai^a 

BS  DÔtie  Tour,  j'écoutai,  &  je  recODot» 

.  t'îl  entroit  dans  fept  aputemcnts,  trou  aa 

ûbus  du  Bu'ea,  &  aois  aadcfiût;  &  j'ai 

pris  depuis  qu'il  y  a  dans  cette  Toor,  qui 

l  double,  doux  Cachots  oUcais  les  uns  fur 

^  aaiics  :  celui  d'enbas  dl  tout  des  ptas 

tnels.   J'ai  éK  mis  dans  on  pareil,  dan»  la 

rour  de  la  Liberté.     La  première  Chambre 

m  deflbus  de  ta  mienne  étoît  pareille  à  cetle 

DÛ  j'étots  :  il  n'y  en  a  que  quatre  jèmblables 

lans  la  Baftille;  fçavoir  la  premi^e  &  lafe" 

ponde  de  la  Tchu  de  laBertaudiere,  &  la 

première  &  la  féconde  de  la  Tour  de  la  Ba- 

ainiere.  J'ai  fait  le  plan  de  la  mienne  qui  peut 

IdonDct  une  idée  des  trois  autres.  La  Cham' 

jbre  «a  defliis  de  la  mienne  s'appelloît  la  Tror- 

|Sémc  ;  j'ay  fçû  qu'elle  étoft  aiKS  belle  âi  bien 

I  éclairée ,  auÉ  -bien  que  la  quatrième  ;  &  en- 

I  fia  la  Calotte.    (L'on  appelle  ainlî  Ici  plat 

I  hatits  &  derniers  ètsges  deaToora,  quieffec- 

I  ôvement  abondflcni  en  fotme  de  Calottes) 

I  comme  j'y  ai  €t€ ,  je  me  refcrve  à  en  faire  la 

I  defcripiion  un  peu  ^usbai.  L'onna'aaâlfmé 

^e  tontes  les  Calottes  font  de  la  lOJmc  &• 

çon:  pour  ks  Chandircs  elles  AMBCtouieadif* 

I  tcrentes.  De  ^'atUce  cAté  de  l'^calicr  itctu 

te  mime  Tour ,  l'ai  m'a  cncoie  dtcqu'il  J 

avoir  quatre  Cbanbrea  &  une  Calotte  ièm- 

blaUa  i  cellct  que  je  viens  de  décrire^  c'eS 

4t  quoi  je  ne  me  fui)  jjunan  pea  bi»  é* 

clwcir. 

FiÙfijiM  j'ai  iaiMt  vfk  PHa  4«  1*  T«w  4« 

te 


.-„Goo.jlc 


»I1  L'I^quifititH  Franfùijê 

la  Bertaudiére ,  je  vcus  donner  de  fuite  celn( 
de  toute  la  Baltille  ;  ce  lieu  (I  fàmcu![  &  fi  re- 
douté ,  non  feulement  dos  François ,  inais 
tucorc  des  Etrangers  ,-  mérite  bien  que  j'err 
£^e  11  defcriptioB. 

Cétoit  autrefois  la  Porte  de  Paris  par  ow 
l'on  p^bit  pour  aller  au  Faux-bout^  St, 
Anthoine;  mais  Hugues  d'Aubriot- Bourgui- 
gnon^ qui  p»  la  faveur  dn  Duc  de  Bourgo- 
gne s'a.vanç3.beaucoup  à  la  Cour  de  France,, 
où  il  eut  le  foin  des-Financas ,  &  fut  Prévôt 
des  Marchands  dePwis,  la  changea  en  Baf' 
tille,  dont  il  pofa  les  fondements  le  ij.  Avril  ■ 
i^tfj),  felondu  Tillet,  par  ordre  de  Charles^ 
V.  Après  avoir  fait  achever  cet  énorme  Edi- 
fice, il  fut  le  premier  qui  yfut  enfermé:,  car 
il  fut  à  la  poUrfuite  du-  Clergé ,  condamné  à 
finir  Tes  jours  entre  quatre  murailles ,  pour 
crime  d'impiété  &  d'derefic,  &  pour  î'itre- 
montré  cruel  Ennemi  de  l'Univerlité. .  Des. 
feditieux  qu'on  nomma  MailIotîns>  quis'éle-' 
verent  contre- les  impots  au  co  m  me  n  cernent - 
duR^ne  de  Charles  VI. L'An  lîSt.fousua. 
Chef  nomméC^ïoche  écorcheur,  briferent^ 
les  Prifons,.  &  en  firent  fortit  cet.AubriOt  >. 
qu'ils  choilirent  pour  leur  Capitaine.  Mais  il' 
les  quitta  dès  le  foirméffie  du  jour  qu'ils  I© 
mirent  en  libené,  &  prit  la  fiiiteenfonPaïs- 
de  Bourgogne,  où  il  mourut  peu  de  temps  a- 
près.  Les  Auteurs  de  ce  temps  la  dilènt  q«& 
Hi^es  d'Aubriot  avoit  tenu  un  grand  ranjj 
ï  la  Cour,  &  qu'outre  la:Baitille.ilavoitfait 
'ftùre  de  beaux  édifices  à  Paris  ,  comme  le 
Pont  S.  Michel,  qui  étoit  alors  de  bois,  le 
EetU-Pont.d*  Pierre^  le.Pctit-Ci»içlet,.& 
les 


.--„Googlc 


.--„Googlc 


.--„Googlc 


o«  PHifloiffie  la  BaflilU.  1 1  ) 

I«s  mors  de  la  Pone  9t.  Antoine  le  long  de 
la  Seine.  Ceux  qui  étoient  oppofcz  au  parti 
de  la  Mailbn  de  Bourgogne,  fe  declaxerent 
contre  lui ,  &  lui  firent  des  affaires.  II  étoit 
de  la  même  Famille  que  Jean  d'Aubriot  de 
Dijon  Evâque  de  Châlons  liir  Saône  depuis 
l'An  1341.  juG]u'en  I9JO.  Ceciregarde  Ton 
Fondateur ,  dont  j'ai  voulu  donner  une  idée 
avant  que  de  parler  de  £à  Struâure. 

La  Baftille  ell  bitie  à  la  gauche  de  la  Sei- 
ne, à  cdt£  de  l'Arrenal.  On  y  entre  du  côté 
de  la  Rue  St.  Antoine  par  une  porte  oà  il  y 
a  un  Corps-dc-Garde  avancé  :  quand  on  l'a 
paffé  on  trouvenuPont-LeTisavecunegran- 
de  Porte  qui  conduit  ï  l'apartemeutdoGoa- 
Tcmeor ,  que  Bernaville  a  f^it  rebâtit  depuis 
un  An  tout  de  neuf,  aux  dépends  du  Roi , 
cela  s'entend;  il  ,cft  tout  des  plus  propres.  Il 
cft  bien  iufte  qu'un  Homme  te]  que  lui  fe  dif- 
tingue  a  ne  loge  pas  dans  un  vieux  Palais  , 
qui  jufqu'à  lui ,  n'avoit  fervi  qu'à  mettre  à 
C0QV«t  quelques  miferables  Princes,  ou  au- 
tres Gouverneurs  moins  lignalez  qu'un  Che- 
valier de  laMandille.  Cet  apartement  donc 
eft  feparédu  Corps  delà  Baftille,  compofé 
de  huit  grolfes  Tours  &  de  leurs  intervalles, 
par  un  folK  que  l'on  paflê  encore  fur  un  au- 
tre Pont-Levis,  &  on  entre  par  une  grande 
&  fbrte  Porte  dans  un  Corps  de  Garde,  où 
font  les  Officiels  &  Soldats  pour  g^er  la 
Baftille.  Outre  cela  il  y  a  une  grande  &for- 
te  Barrière,  dont  Icspicuxfontarmezdefer, 
qui  fepare  le  Corps-de  Garde  de  la  Grande 
Cour,  &  en  rend  les  Soldats  les  Maîtres  : 
cac  li  les  PriTonoieis  trouvoieiu  le  tpc^en  , 
P" 


1 14  VÎM^mifitia»  TréMfaift 

pir  aac  ftiiprUè ,  de  dcrccndre  dam  l«  graO' 
de  Cour  ;  il  ftodioic  poiv  fortii ,  qu'ils  for- 
çatfëm  cette  Bairiérc  :  avut  que  de  fe  ica- 
dre  Maltret  du  Corpi-dc-Girde  &  il  feioït 
fiuile  auj  Soldats  de  les  aiquebofèr  an  tia- 
Ters  des  paliilàdes  de  liBamére,  qui  a  une 
Pone  &ite  de  grollcs  pièces  de  bois  croifées  ^ 
percées  ajout,  &  feimantes  à  def,  par  oâ 
ron  entre  dans  la  grande  Cour ,  qui  cil  as 
grand  qoarré  long,  qui  ni*a  paru  de  la  lon- 
gaeat environ  de  fiz-vingt  pieds,  futqoatre- 
vingt  de  laigenr.  C'eft  dé  cette  Cour  qne  l'on 
cotre  dans  routa  les  Tours ,  excepté  deux  , 
ftxiont  ht  baoMur  &  les  mailês  redoutables, 
gmies  de  grilles  de  kx  rendent  cette  Cour 
i^cofe.  £n  entrant  par  la  Porte  de  la  fior- 
liérc,  àmaÏD  droittc,  l'on  trouTe  un aparte- 
ment  où  l<»ent  quelques  Officie^  Subalter- 
oes,  le  Soldat  Taiilenr  dcliBafliUc,  &m«. 
me  quelques  Prifonuieis  qui  ont  la  liberté  des 
Cours  ,  &  qui  penrent  s'appeller  les  favoris 
du  Gonremenr.  Mais  j'ai  apris,  que  depuis 
i]De  celoi-cy  cfl  en  charge,  U  y  a  très  peu  de 
ces  fortes  de  Prifonniers  dans  cet  stpntcnient  ; 
car  Bcrnavillc  ne  ccumoît  point  d'aocrcs  F»- 
VMÏs  que  Ta  Fomine.  Joiguant  fut  la  droite 
ou  troure  la  Tour  de  la  ConKé ,  en  Aiite  la 
Tour  du  Trefor,  ajwès  on  trouye  enviroa 
dans  le  milieu  de  la  Courunc  Arcade  quifer- 
Toit  autrefois  de  Porte  i  la  Vilicde Paris,  & 
oà  ï  prefent  on  aménagé  divers  apartements; 
&  c'cft  dans  l'un  de  ceai  la  qu'étoit  Mr.  le 
BarondeSacinct  quand  je  fuis foni  delà Baf- 
tille,qui  fia  pris  pendant  IcsprcmierstrosUes 
de  NapIeSf  oâ  il  était  allé  pou  leCcrvicede 
l'Em- 


.--„GooglQ 


tnrHiftnndtUB^itle.  llf 

rEmpmiir,  &  amené  en  France  avec  Mr. 
If  Priace  de  laRiccia,  an  commeacemmt 
4c  J'Aiinie  i>o>.  Enfuiteontrouvelecorpj  ■ 
de  rADCîeaiie  Chapelle,  doQtonafàitdiven 
■partemenïs  pour  les  Priibanicrs;  c'eftlcprer 
nier  oô  je  fiis  eus  en  arrivant,  comme  J4 
l'ai  dit  a  &  le  même  oà  étQït  encore ,  quand 

Ëfois  forti  de  la  BafliUe,  Mr.  le  Prince  de  la 
cela  i  ^ès  ugaoi  dans  reocoigiHire  ell  la 
Tour  de  U  Chapelle.  Voila  ce  qui  coDipo& 
l'aîle  droite  de- la  Cwit,  «wecdegtaodtMnn 
«à  joigiient  les  Tours  les  vacs  aux  autres  , 
•ont  l'jUpeâ  feul  fait  tremi^ci,  daol  le  cear 
tie  defqtùls  on  a  ménagé  divers  trous ,  pout 
&ire  conyer  aux  Pigeonneaux  du  &tal  CoLotn- 
Mcr  des  piftoles  pour  le  panTte  GoBTeroeuf, 
Dans  le  fond  de  la  Cooc  efttiQ  gcaod  Corpa 
de  I/ogjs^  qui  Tepare  la  srandcCoardelape< 
tile  Cow,  qteron  sppdle  laCoiuduPuita^ 
parce  qu'eSeâivement  il  jr  a  nn:  gcandPaits, 
ponr  Vttfige  des  Cniânes  :  o«  phtt6t  coi 
Cours  qui  autrefois  n'm£iiroieiitqu*Boe,  ont 
ttt  fepaiées  par  ce  Ëitiment,  qui,  conum 
U  eft  »fè  de  le  voir  a  ct^  biti  long-temps  ai- 
près  le  Corps  de  laBaûUle.  CeC<Hptdelja> 
ps  eft  ftpaté  ea  deux,  par  nn  grand  Ëfcaliet 
qui  condait  aux  Âpartements  d'enbuit ,  ft 
we  Allée  qui  conduit  à  la  petîteCour.  A  la 
droite  d'un  JEfcalier  de  cinq  marcbetoqui  àna.- 
ne  dans  la  gzaitde  Cour,  ontroavePApane- 
ment,  dans  lequel,  après nnVeftihale,  cA 
une  grande  Salle»  cm  Mr.  d'Ar^çoa  &ks 
antres  Mintllres  imeito^cnt  les  Priîbanieis, 
qsand  Us  veulent  km  aire  leur  proc^  r  (1  j 
%  d»s  rcofonjceioeu  no  grand  Cabinet,  06 
l'oa 


Il(f  L*IiijKifitiom  Frajifoife 

l'on  enferme  toutes  les  hardes,  Alespapier» 
que  l'on  faifit  aux  Prilbnniers.  Derrière  cet- 
te Salle  ,  du  côté  de  la  Cour  du  Puits  foot 
d'autres  réduits,  dans  l'undefqtiels  mangent 
les  Porte-CIeft ,  &  autres  Officiers  Subalter- 
nes, les  autres  fervants  i  d'autres  uftges.  A 
la  gauche  en  entrant  par  ce  même  elcalier  , 
font  les  Cuifines  &  les  Offices,  qui  ont  en- 
core une  fortie  par  la  Cour  du  Puits.  On 
monte  par  un  efcalier  de  bois  dans  les  apar'- 
tements ,  où  d'ordinaire  on  met  les  Prijb&' 
niers  qui  ont  la  liberté  des  Cours.  C'eftanffi 
an  plus  haut  de  ce  corpsdelogis,  làrlamain  . 
droite,  qu'efl  Tapartemnit  du  Lieuteuantde 
Roi.  Joignant  les  Cuiilnesde  l'autre  i6t(  de 
la  grande  Cour,  qni  en  &it  l'aile  gAuche  en 
entrant  par  la  barrière,  on  trouveendefcen- 
dant  des  apartemens  à  ladroite,  la  Tour  de 
la  Liberté,  dont  les  cachots  s'étendent  fôas 
les  Cuifines  :  après  la  Tour  de  la  liberté  on 
IroQve  an  vieux  apartement,  dans  lequel  on 
«  memgé  une  Chapelle ,  avec  des  niches  pOor 
cacher  les  Prifonniers  ,  defquelles  nichés  , 
de  l'invention  deBemaville,  ilsentendentla 
Meflè  malquée,  parce  qu'outreunmurgril- 
lé,&des  vitres  qui  les  feparent  de  la  Chapelle, 
on  y  met  encore  dédoubles  rideaux,  que  l'on 
ne  tire  que  dans  le  temps  de  l'éievatioii<de 
l'holtie.  .Sur  la  Chapelle  &  i  fes  cotez  en  def- 
cendant  du  côté  de  la  Barrière,  on  trouve  la 
Tour  de  la  Bertaudiére  :  en  fuite  de  vieux  A- 
partemems,  où  logent  le  Major,  leCapitai- 
ne  des  Portes  les  Porte-clefs,  &  autres  Do- 
meftiques ,  &  eufindans  l'encoignure  qui  joint 
i  la,  barrière  eft  la  Tour  de  la  13a£niére  :  a- 
vant 


eu  Pf£Jl»ire  de  la  BafiiUe.  iir 

T«nt '<}ue  d'y  entrer ,  or  rencontre  une  petite 
coQr  ou  velljbule,  qui  a  communication  pu 
onc  porte ,  qui  ferme  à  clef,  au  Corps  de 
garde. 

J'ai  dit ,  que  dans  le  Corps  de  logis  qui 
ftpare  les  deur  Cours,  on  trouveuneelpèce 
de  galerie  ou  allée  qui  donne  entrée  à  la  Cour 
du  puits,  C'eft  dans  l'enfoncement  de  cette 
Cour ,  en  entrant  à  la  droite  que  l'on  trouve 
la  Tour  ditte  du  Coin ,  qui  eft  feparée  de  la 
Tour  ditte  du  Puits  par  de  vieux  &a&rcusap- 
panements,  où  logçnt  les  Cuifiniers,  mar~ 
mitons,  dometliquesdesPrironniers,  &  m^- 
me  quelques  Prifonniers  qui  y  (ont  enfermés 
d'une  manière  cruelle  ,  comme  je  le  dirai 
dans  la  fuite  de  cette  hiltoire.  La  veille  que 
j'en  fuis  forti  ,  j'apris  que  très  certaioe- 
meat  Monficor  Jean  Cardel  de  Tours,PriIbQ- 
nîer  depuis  plus  de  vingt  huit  ans,y  étoit  en- 
core, &  n'en  avoir  pas  forti  depuis  ttois  ans 
que  je  l'y  avois  entendu  monter. 

La  Co:ur  du  Puits  cil  plus  large  que  lon- 
gue: elle  n'a  pas  plus  de  vingt  cmq  pied»  de 
fongueur fur  environ cinquantede  largeur: el* 
le  eS  très  infeâée  par  la  puauteur,  c^c'efl 
là  que  les  Cuifiniers  jettent  leursvuidanges, 
^tètent  leur  j>oilfon,  &  lavent  leur  vaifl^IIe; 
c'eft  encore  là  que  le  Gouverneur  cuf^rma 
là  Volaille. 

Au  tour  de  ce  Château  il  y  a  un  foflï  lar- 
ge d'environ  fis  vingts  pieds,  qui  l'envirou- 
ne  eiçiérement  \  il  eft  fermé  d'une  muraille 
hante  â  pp u  près  de  foii:ante  pieds  ;  contre  la^. 
quelle  on  a  appliqué  un  coridor  Qu  galterie 
de  bois  avec  fou  parapet ,  qui  régne  tout  au- 
tour 

u,:,-,zf--„Go6glc 


i-iS  UIuqnifitiM  Frimftift 

tour  da  foflSï  à  l'oppoSie  du  châteaa ,  for  le- 
quel il  y  a  tout  U  jour  une  Senttaclle  pouc 
garder  les  Prifonniers ,  &  la  nuit  on  y  ea 
met  dcui  dq>ais  l'évalion  de  Mr.  rAyjé  du 
Bucquoit.  On  y  monte  par  deux  efcaliers  qui 
font  i  droit  &  a  gattchcacvant  le|rand  corps 
de  garde  du  Château.  L'Hyver  &  quelques 
fois  l'été  le  foffé  eft  plein  d'eau  qui  y  entre 
par  les  dt^rdcments  de  la  Seine,  &  par  les 
grandes  pluies.  Au  dehors  de  la  Baftillcdu  cô- 
té du  Fauxbou^  S.  Anthoine  il  y  aungrand 
Baltion  dégagé  du  corps  du  Château  (ai  le- 
quel on  aplanté  des  arbres  &  fait  un  Jardin  , 
dans  lequel  on  entre  par  une  porte  qui  a  été 
pratiquée  fur  le  Coridor,  ris  i  vis  des  apor- 
tements  de  la  Chapelle.  A  la  Gauche  de  la 
Ballille  efl  U  Porte  de  St.  AlUhoiae  qui  eft 
flanquée  d'Un  autre  Baftioo  qui  iait  £tce  an 
BaAion  de  la  Bailîlle  ;  fur  celui  U  aboutit  le 
beau  Cours  à  double  rang  d'Arbres  que  Ton 
a  plantez  depuis  quelques  années  autour  de 
Paris  &  qui  régne  depuis  la  Porte  St.  Hono- 
ré ,  julqu'à  la  Porte  St.  Antoiiie.  £stre  les 
deui  Badtons  il  y  a  le  beau  Pont  depienede 
la  Porte  S.  Anthoine,  avec  les  fbOès  de  ié 
Ville  des  deux  cdtez  :  ce  Pont  aboutît  ï  nst 
grande  place,  qui  fait  face  à  la  Baftillt^  cotK 
rouhée  de  belles  Maifbns,  &  où  aboattflètu 
quantité  de  belles  rues,  particulièrement  cel- 
le du  Fauxbourg  St.  Antoine. 

Après  m'étre  promené  partoate  laBaftille 
&  rinâme  dans  fes  dehors  ,  il  eft  temps  que 
je  rentre  dans  mon  Cachot  clair ,  pour  tuit 
ce  qui  s'y  paiïa  peadtnt  le  titlle  fejonr  qiw 

j'y  fi*- 

Le 

u,:,-,zf--„GoOglc 


e»  FHifiûft  dt  U  Sicile,  i  tf 
Le  leodcmaia  maciaRum'oportâmonnia 
&  mon  via  comme  à  l'ordinaire  ;  nuis  il  oe 
voulut  pas  m'écouter,  oi  me  parler.  Après 
qu'il  eut  fermé  ma  Porte  &  qu'il  fut  faors  de 
û  Tour,  je  frapai  au  haut  ae  mou  plafond 
pour  avertir  ceux  qui  ^toieut  fîir  ma  tête , 
qoe  je  delttots  avoir  quelque  communiauioa 
avec  eux  \  je  frappai  pareillement  fur  mon 
plancher ,  pour  avertir  de  la  même  cholï 
ceux  qui  etoieat  deflbus  tnoi  ;  mais  perfoaae 
ne  voulut  me  rq>ondre.  j'auiois  été  fort  def- 
oeuvré  fans  mes  pratiques  de  piété,  quejete- 
doublois  autant  qu'il  m'étoit  poffible  ;  car  je 
n'avois  du  jour  que  deui  ou  trois  heures  tout 
au  plus  par  jour  pour  lire  auplus  haut  du  fo> 
Icil  fur  le  tnidi,  apuié  I\ir  les  bords  de  moa 
créneau. 

Ru  vint  fènl  m'aporter  à  d!acr  fur  les  deux 
heures  :  l'un  avoit  beaucoup  retranché  mon 
ordiiuùrc  ;  j'avois  cependaiit  une  bonne  fou- 
pe  aux  croûtes,  un  morceau  de  bceufpaflàble , 
une  langue  de  mouton  en  r^oût,  &  deuxé- 
chaudez  pour  mon  dcilèrt.  Je  fus  fervi  à  peu 
prësdclamémemaiiiére  pendant  tout  le  temps 
qoe  je  fiis  dans  ce  trtfte  lieu ,  quelquefois  OU 
adjoutoit  furma&uppeuueaile,  ouunecuiÇ- 
St  de  volaille  ,  on  quelquefois  on  mettoit 
Xur  te  bord  de  ma  fouppe  deux  petits  pâtez , 
niais  Ibuvent  je  me  fuis  ^erçu  que  Ru  les 
croquoit,  par  les  fragments  qui  en  lelloient 
Gix  les  bords  du  plat.  Le  foîr  j'avois  ou  du 
veau,  ou  du  mouton  rôty,  avec  un  peu  de 
jragoût ,  quelquefois  un  Pigeonneau ,  "  & 
quelquefois,  mais  plDs  rarement,  lamoir 
XM  d^uu  Potttet ,  in  df  temps  en  temps  une 
iài- 


.--„Googlc 


I U3  -  .  L'iHqmifithit  FrMtfâfè 
Iklade.  ]e  rendoîs  les  trois  qnartsdetout cela 
au  Porteclcfs  ;  c'étoîcnt  fes  profits ,  auflî 
bien  qoe  les  puins  entiers  ;  les  morceaux  é- 
toient  reportez  à  la  cuifine,  pour  fervir  à  la 
fonpe  des  Prifonniers  :  quand  j'en  fus  certain, 
j'avoiî  la  compisûfance  de  ne  leur  rendre  ja- 
mais de  morceaui_  ;  quelquefois  un  pain  me 
faffifoit  pour  toute  une  fcmaine  :  quelque 
appétit  que  j'aie  eu,  rarement  J'ai  mangé  plus 
de  rrois  pains  par  femaine,  ainîi  je  leur  ai  toû  ■ 
jours  readu  au  moins  quarrc  pains,  &  quel- 
quefois (îx  par  femaine  ;  &  quelques  cruau- 
tez  qu'ils  aient  eiercéeî  contre  moi,  quand 
ils  m'ont  plongé  dans  d'affreux  cachots  où  ils 
m'ont  traiité  avec  la  dernière  indignité ,  ja- 
mais je  n'ai  cefl?  de  leur  faire  tout  le  bien 
que  j'ai  pu  :  quand  je  n'y  ayois  que  da 
pain  ,  comme  je  n'en  pouvois  prefque  pas 
manger ,  je  leur  en  rendois  toujours  la  plus 

'  grande  partie ,  &  jamais  de  morceaux.  J'étoi* 
ravi  de  pratiquer  le  précepte  de  Jefus-Chrilï. 
Aimet  vos  ennemis.  Faites  du  bien  à  ceux  qui 
vous  haïffent  Et  priez  pour  ceux  qui  vous 
pcrfccntcnt  &  qui  vous  calomnient.  G'eft  ce 
que,  par  la  grâce  de  Dieu,  j'm  toujours  ac- 
compli du  plus  profond  de  mon  cœur.  Je 
fus  encore  vifité  de  temps  en  tems ,  mais  ra- 
rement, par  Corbé,le  Major  &  le  Capitaine 
des  Portes,  ce  n'étoient  pas  Cents  i  medon- 
ncr  fatisiâàion  fur  mes  jultes  plaintes. 

Je  delîrôis  toujours  de  communiquer  avec 
quelqu'un  :  l'Homme  eft  né  pour  lafociété: 
&  ma  curiofité  étoit  du  moins  pardonnable 

dans  une  IbHtude  aûffi  fiinefteque  la  mienne. 

Les  Prïfonniers  qui  étoient  audeiTousdemoî 


.--„Googlc 


OK-FUifime  tU  la  BaftiiU.  Ht 

-De  me  repondoient  pas  j  j'ai  depuis  uns  que 
c'étoit  le  Curé  de  Lery,  &  le  Kouaicre  Mr. 
Brunsâelds  ,  qui  tous  deux  lia  peu  aupan.- 
vaut  ëtoient  au  defTus  de  moi  dans  latioifié- 
me  dimibie  des  apanements  de  la  Chwclle. 
Ceux  quiétoicncfurmatéte,  me  repondoient 
^r  des  flgnaux,  mais  il  n'y  avoit  pas  d'apa- 
Teace  de  percer  le  plancher  ;  c'étoic  un  pla- 
fond dès  blanc  8c  irès  uni ,  où  la  moindre 
ftââure  auioit  été  trop  TÎCblc.  A  force  d'y 
rSver  j'inventai  une  manière  de  leur  commu- 
niquer mes  penfées  tout  à  fait  extraordinaire. 
Je  formai  un  Alfabetdansmatcte,  qnej'ese- 
cutai  en  frappant  contre  la  muraille  avec  uq 
des  bltons  de  ma  ctiaife.  Pour  former  uoa, 
je  frappois  un  coup  ,  pont  un  b  deux,  pour 
un  c  trois  ,  ainfî  du  rcile,  en  augmentant. 
Par  Eïcmplc ,  pour  exprimer  le  mot  de 
Monfieur  :  ^our  l'M,  je  frappois  id'abord 
d<5uze  coups  &.  puis  jem'arrétois  un  moment: 
pour  l'o  j'en  frappois  quatorie  &  je  m'arrè- 
lois  encore,  pour  l'n  j'en  frappoistrdze&jc 
jn'art(:tois  de  même  :  pour  l's  j'en  frappofs 
dis  huit,  &  puis  je  m'arrêtoîs  ;  pour  l'i ,  j'en 
frappois  neuf,  &  je  fàîfois  encore  unepaufe; 
pour  l'e,  'jcftappûis  cinq  fois ,  après  quoi  j'at- 
lendois  un  moment  ;  pour  l'u,  j'en  frappois 
vingt  ',  ap^s  quoi  une  autre  paufc  :  &  cnfiii 
pour  Tr  je  frappois  dix  fept  tbis  ;  &  puis  je 
m'arrctois  longtemps.  A forcederepeterunc 
'infinité  de  fois  ce  llratagcme ,  ceux  qui  étoient 
aii  deffiis  de  ma  tStc  le  comprirent ,  &  je  fiis 
Agréablement  fûrpris  qu'ils  me  demandèrent 
«de  la  mSme  manière  qui  j'étois  ;  je  leur  djs 
"mon  nom;  ils  me  aient  connoître  qu'ils  m'en- 
F  leu- 


IIS  L'Infnifithm  fréHifoife 

tendoient  Men.  Ils  me  dirent  pareillement 
leor  nom  :  l'un  s'appeUoit  le  Comte  deBrc- 
"derodc  ,  qui  depuis  a.  été  amené  dans  ma 
Chambré,  un  antre  Mr.  Stinklbn  Banquier 
Anglois,qui  demcuroit  dans  le  Cnl  de  Sac  de 
la  Kiie  Quinquempoix ,  &  tin  Abbé  Italien 
de  qui  je  n'm  pft  apprendre  le  -nom  :  îl  fe 
ftifoit  un  mifiérc  de  !ï cacher,  commebeau- 
coup  d'antres  que  j'ai  connui  dans  la  iûite. 
Comme  il  ûltoit  mie  forte  ^pHcation  Se  va. 
grand  filencc,  pour  mettre  en  pratique  ccp- 
tc  métode  de  parler ,  nous  ne  commencions 
nôtre  manceuvre  qu'a  dix  heures  jufles  du  foîr* 
Qiiand-  on  m'eut  donné  un  Compagnon  je  né- 
gligeai cette  gênante  manière  de  parler  :  j'aî 
<tt  pl«s  de  quatre  ans  fens  la  mettre  en  pra- 
tique ;  même  fans  en  entendre  plus  parler. 
Mais  je  fiïs  fort  furpris,  qu'après  un  fi  long» 
temps,  il  vint  de  nouveaux  PrifoniersquipfU'- 
loient  de  cène  manière-  avec  >ine  fsici\icé  & 
une  TÎielIë  prodigicule.  Mon  Art  avoîtéti 
perfcâionné,  de  vous  dire  par  qui,  c*eil.de 
■quoi  je  fuis  en  peine.  Cen'eftpasaflùrement 
pat  Mr.  le  Comte  de  Brederode  ;  c'ell  donc 
par  Mr.  Stinkfon,  par  l'Italien,  ouparquel- 
qu'autre  à, qui  l'un  des  deux  l'a  communiqué; 
«n^s  enfin. dans  la lliitedu temps,  il  yeutpeù 
de  Prifonicrs  qui  n'apriflènt  cA  Art  &  qiii 
ne  s'en  fcrvillènt  ;  il  fiit  nommé  la  manière 
'de  parler  du  bâton.  Les  Officiers  lefçurent; 
&  cela  fit  un  fort  bon  efïeâ  ;  car  dans  la  fui- 
te ,  après  la  mort  de  Mr.  du  Jûncas ,  ils  nt 
turent  plus  fi  exads  à  empêcher  les  PrifonuierS 
d'avoir  des  comrhunications ,  par  les  chemi- 
nées, au  travers  des  Wilnchws,  &parlBsf*- 
ni' 


Vftfxts  ,  d'une  mantâepliu  commode,  ooib- 
mcje  l'expliquerai  dans  ion  temps. 

Ëafin  le  vendiedy  8.  de  Septembre,  jeAif 
fort  faipris  d'eiUendie  ootiù  laTcporavÉtiC 
«latre  heures  du  mititii  &  de  vdirRaenmii:' 
oaos  mon  Cachot  chaj^  d'un  lie  de  fajigle  ; 
après  il  apoita  une  paill«£&,  anmatelas,  ua 
travers  de  lit,  une  convcrliirc,  éc  une  chaifè 
cofoccée  de  paille,  le'toutrout  neuf.  Jc-hû 
demandai  ce  que  tàa.  âgni&Mt:  c'eû  dit-il, 
on  Comffgooa  qa'oa  va  tous  donner  ;  .on 
bcare  iGarçoo  Jî  il  en  fîit  jamais  :  aux  'condi- 
tions t)B*jl  ne  l'avoit  jaBoais  vu ,  comme jeie 
1^  trcùs  jours  après ,  car  ce  Compagnon  ne 
vint  que  le  lundi  onze  Stiptembre- fur  Icshuic 
besres  da  mads.  l>ès  les  cinq  heures  j'avois 
entendu  un  grand  bruit  dans  la  Toor ,  mon- 
ter &  dcicendre,  &  les  Port&c]e&  &  donner 
bien  du  monvemeot  :  qqand  enfin  je  vis  ou-» 
vrir  ma  porte,  &  entier  un  homme  âflësÛea 
iak,  mats  en  très  mutais  état,  quirimmc 
iànter  au  coupoufm'embral&r,  esmedifant 
qne  j'étoili  le  jH'emier  bommç  qu'il  avoir  vé 
depuis  deux. ans,  excepté  fci  Guichetiers^ 
Vous  faites  hten  de  l'honneur  ï  Meâîears  les 
Officiers  <le  Vinoesnes  de  les  traitter  de 
Saichctias ,  reprit  fièrement  Je  Major ,  qui 
rsvoit  conduit  avec  Ru  dans  ma  chambre  ; 
Ëtaaaijedis,  mon' Ami ,  que  c'ell  l'hon- 
neur qu'ils  «Miiteut  Auflî-bieo  que  toi,  reprit 
rinttodsit,.  car  fomlcO'elilB'iïpasdeplui 
«andt  Ibelcrats  .que  ceux  qui  affligent  l« 
UomiQes  par  des  iJuppltoes  qui  ne  coBvien- 
nent  qu'aux  damaee,  âtdontlesdÎAUesfculi 

1 i.ittc  kl  Jdiaiftïes.  Vtaw&eswiii 

Fi  de« 


.--„Googlc 


114  Vluqui/itien  Framfoife 

des  causilln  indignés  de  \x  vie.  Mon  étoo- 
nement  dtoit  extrême  de  voir  un  Ptifonier. 
dire  li  librement  les  véritez  à  des  bouneaux 
qui  avoient  fui  nous  upe  autorité  abfolue  & 
lâniborues.  Le  Major  orgueilleux  comme  on 
Paon,  s'cDtendaut  tutoicr,  fonit  crainte  de 
s'attirer  quelque  chofe  de  plus  ddàvanta- 
gcux ,  &  tit  refermer  la  Porte  fur  le  nouveau 
venu  &  fur  moi ,  après  avoir  jette  fes  hardes 
dans  ma  chambre ,  qui  confi  Itoient  en  un  v  ieux 
Manteau  de  Dragon  ,  &  sn  petit  pacquet  de 
linge  blanc.  La  première  chofe  que  nous  6- 
mes  d'abord  que  nous  fumes  fculs  ce  fut  da. 
nous  demander  mutuellement  qui  ètesvous^ 
d'oi;  venei-vous  ?  qui  vous  a  mis  ici  ?  Après 
avoir  faris&it  à  fa  curiulité  du  mieux  qu'il  me 
futpoflîble,  il  contentai!  mienneabondam- 
ment,  car  il  pziloit  beaucoup  &parloitbia]. 
C'étoit  un  homme  qui  n'avoit.que  trente  cinq 
ans  ,  &  qui  cependant  en  avuit  déjà  pafTé 
vingt  au  licvlce  du  Roi  :  il  étoit  Officier  dans 
le  régiment  de  dragons  de  Zaïde.  Il  avoit  l'air 
aflés^  guerrier  ;  ii  étoit  de  moienne  taille  , 
mais  bien  traverfé  &  nerveux;  il  avoit  le  vi- 
lage  mile,  &  dont  lescicatricesdevoientfai- 
re  rougir  ces  Juges  qui  enchainoient  li  injuf- 
tement  fa  valeur  depuis  decx  ans  entiers,  par 
un  pur  motif  d'avarice ,  &  pour  la  chofe  du 
Monde  la  plus  criante.  Voici  le  fait  :  On  a- 
voit  iTMS  en  parti  la  recherche  de  la  NobIcC- 
fe,  pour  taxer  les  faux  Nobles  ,  &  les  re- 
lancer dans  la  roture,  d'où  ils  s'étoicntvoa- 
lu  defembonrber  par  des  voies- illegitimesi 
Cela  ctoit  très  jufte  ;  Si  les  harpîes  de  Partit 
lins  n'avoieiit  pas ,  pai  une  in  uUice  inouïe  { 
cou- 


ou  rfjijiolfe  de  la  tafiilk.  "HJ 

confondu  les  vrais  Nobles  avetces  ofurpa- 
teors.  Ils  avoieot  obtenu  un  arrêt  du  ConîëU 
qui  ordonnoit  que  tous  les  Nobles  reprefen- 
teroient  en  ordinal  leurs  titres,  leurs  extraits 
de  Baptême  &  les  Contrats  de  mariage  deleurs 
Pères  &  de  leurs  Aieux ,  des  copies  collation- 
D^es  lôi  les  originaux  &  en  bonne  forme  ne 
fDffifoieni  pas  ;  il  falloit  les  minutes  ;  ce  qui 
^oit  proprement  leur  ordonner  rimpoffible'; 
car  les  Parrifans  avoient  trouvé  le  iècrct  de 
.i'eniparer  de  la  plus  grande  partie  de  ces  ori- 
ginaux ,  &  par  concernent  étoient  les  MattrR 
«  de^adct  de  leur  Nobleffe  la  plupart  des 
Gentilshommes,  prjpcipalement  ceux  que 
l'on  appelle  Campagnards.  Mon  nouveau 
Compagnon  £tott  dans  le  cas.  Il  s'appelle  Jean 
fiaptilte  de  l'Ormeau  Seigneur  de  Falour- 
det,  qui  etl  une  tene  noble  dans  la  paroillè 
dcPongy,  bourg  à  quatre  tieiies  de  Tt-oye  en 
Champagne  ;  il  prouvoit  fa  NoblelTe  pardes 
titres  autcntiqucs  déplus  de  quatre  cents  ans. 
Il  m'a  affirmé  que  dans  l'Eglife  Paroiffiale  de 
St.  Denis ,  &  dans  plulieurs  autres  de  fon 
Païs,  on  tiouvoit  quantité  de  tombeaux  deftï 
Ancâires  d'une  antiquité  incontcftable.  IJ  a- 
Toit  recouvert  tous  les  originaux  des  Contrats 
de  mariage  de  fes  Ancêtres ,  à  la  relèivc 
de  celui  de  Ton  Bisaïeul  qai  étoit  marié  à 
Anei ,  faute  duquel  on  prçtendoit  le  faire  dé- 
grader de  Nobkfle,  quoiqu'il  en  eût  une  co- 
pie en  parchemin  en  bonne  forme.  L'ïntea- 
dant  de  ia.  Province  avoit  aaminé  fes  titres , 
&  aiant  trouvé  que  cette  pièce  y  manquoit  on 
Tavoit  aflîgné  par  devant  Mr.'  d'Argcnfon 
Snbdelegué  du  Confeil,  pouriugerdece$af- 
F  î  M- 


'!<  L'TMfUffitio»  franfittfi 

£ùres.  Il  avtttt  été  chn  t«  Commis  qne  le  ' 
aiime  d'Aigenfba  avoitfvopoCei  pour  en  fai- 
re l'eiamen,  lefqaelï  Im  a?oîcDt  dît  que  fi  il 
Touloit  leur  donner  use  fommed'argent ,  ils 
)e  tir  Aoîcnt  d'inqni^tudcA  feioient  confiimor 
A  Noblefle  par  Arrêt  du  Confcil.  ,  S'étant 
accommodé  atec  eux  pour  trente  pîllotes , 
ils  l'envoierent  à  Anet  chci  les  héritiers 
du  Notaire  qui  avoit  fat  le  Contraâ  de 
MMÎage  de  fon  filfaienl  y  pour  en  chercher 
Tor^nal  ;  c'étoient  de  bonnef:  Gens  qui  vi- 
^Toiedt  à  la  Campagne,  &  qui  poot  i^ac  légé- ~ 
rtf  fomjne  l'inirodûilîreiit  dans  un  grenier  oà 
Soient  toute)  les  papcfaûès  du  defuitt  Notai- 
re dont  il)  avoicnthcrité ,  tt  l'y  lafilcroat  U\xl 
eiaminer  ces  vieux  cahier)  tant  qu'il  Tonlut. 
Il  avoTt  beau  chercher  nnc  chofc  que  les 
Ctmunisd'Argeufon  ettS:mJmes,quiyavoicat 
étéav«m4Bi,  avotentcnlevéeftibrepticemeni. 
Quand  il  fut  de  retour  auprès  d'om  il  leur  ri- 
potta  qu'il  n'avoitricn  trouvé  ;  c'efldcqnoi  il^ 
étoient  très  Inen  prévenus.  Ces  Commit d'î- 
Biquîté  l'adteâèrênt  enfuite  chez  vn  vieux 
FaulTaîre  Agé  de  pins  de  quatre  vingts  ans  qnî- 
demcuroîC'dans  la  riie  St.  Antoine  dans  itn 
coin  de  gcenier,  qui  pour  une  modique  fom- 
me  contrefit  le  Contrat  de  mariaj;c  de  fon 
Sîsaieul ,  dans  les  marnes  termes  qu'il  étoit 
conçu ,  &  en  pareille  écriture  gotique,  qu'il 
infera  dans  un  vieux  rcgitlre  ,  où  ce  édcllc 
Ecrivain  en  avoit  fourré  quantitéd'autres,  à 
la  follicîtation  des  mêmes  Commis  de  Mr. 
d'Argenfon.  lis  firent  encore  attendre  long- 
temf»  Mr.  de  Falooidct  juiqu'à  ce  que  le  Re- 
ùAU  SB  queflioufût  tout  remplUaprès  quoi 
ils 

u,:,-,zf--„GoOglc 


tu  FH^atre  tU  UBafiilU.  Ht 

ils  le  renvoierent  à.Aoct,  avecleânixR^r- 
trc  dans  fes  chaulïcs  ,  cher  les  mêmes  héri- 
tiers, qui  l'introdaifirent,  conimclapremié- 
rè  fois  dans  le  même  Grenier.  Denx  heures 
MTcs  qu'il  y  fut,  il  feignit  d'avoir  trouvé  le 
Regiftre  qu  il  chcrchoit  :  ces  bonnes  Gens  eu 
mrent  réjouis  :  ils  euvoïerent  quérir  unNo- 
taîre  qui  lui  en  délivra  une  copie  ,  avec  ai- 
feftation  que  l'original  étoit  relié  entre  les 
mains  des  héritiers  du  Notaire  qui  en  avoir 
cnrcgillré  la  miniftc.  L'affaire  wt  mifè  au 
raport  de  Mr.  de  Caumartin  ,  qui  ne  put 
s'empêcher  de  lui  donner  gain  de  caufe;qaoi- 

3u'il  fouljçonnât  qu'il  y  avoit  quelqiK  chofc 
C' caché,  voiant  tant  de  Contrats  de  ma- 
riage pa£Ièz  à  Anef,  quoique  les  parties  fiif- 
fcnt  d'une  Proviijce  très  éloignée  ,  comme 
de  Normandie,  du  Maine,  de  Bourgogne  , 
d'Anverene,&  autres  Provinces,  carravarice 
avoii  tellemeHt  aveuglé  ces  Commis ,  qu'ils 
àvoieût  mis  au  raport  en  môme  temps  , 
quantité  d'affaires  de  Perfonnes  inquiétées 
pour  leur  "Noble/Iè  ;  dont  les  Contraâs  a- 
voient  été  gaffez  à  Anet.  CeMîniftrcfedou- 
la  de  la  friponnerie  des  Commis,  Il  fit  venir 
Mr.  Falourdet,  &  en  lui  délivrant  tbfl  Arrêt, 
il  lui  dît  :  J'ai  vu  Monfieur  par  vos  titres 
que  vous  êtes  d'une  très  ancienne  &  incon- 
teflable  Noble0c  ,  &  ce  n'cft  qu'une  chican- 
ne  gae  les  Traîttants  vous  ont  fait,  en  vous 
obligeant  de  rqrefentef  l'Originaldu  Coiir 
trat  de  maris^e  de  vôtre  Bisaieul  ;  ,  je 
fuis  convaincu  que  la  copiequevousencon- 
fcrvez  dans  vôtre  Famille  eft  véritable,  njais 
je  foubcpime  de  1%  fraude  dans  l'original  :  a- 
F  4.  voiiêi 


.--„Googlc 


1x9  L^Iuqui/ïtieM  Franfoifi 

voilez  moi  la  véricé,  &  je  vousprometsquei 
■  non  feulement  vôtre  NoblelTe  vous  fera  con- 
fctvée  ,  mais  que  je  vous  ferai  recompenfêr. 
par  ]e  Roî ,  dont  vous  aveT,  toiijonrs  éxé  fi-, 
délie  Serviteur.  La  Hncérité  avec  laquelle 
parloir  Mr.  de  Caumartîti  ,  ouvrit  un  rafte 
champ  à  celle  de  Mr.  Falourdet  pour  tirer  Ix 
Té;ittf  des  ténèbres,  &  fc  venger  de  latyrau- 
uiedesCommisd'Argenfon,  qui ^areinment. 
de  concert  avec  ]es  Traitants  métoient  tout^ 
en  pratique  pour. plumer  les  vrais  &  les  faux. 
Nobles;  Les  vrais  enlcnrfâllàntacheterlcur' 
titres  autant  qu'ils  en  pouvoient  tirer  d'argent  j  - 
&  les  Faux-Nobles  en  leur  vendantdes titres 
fuppofez  le  plus  chfr  qu'ils  pouvoient.  Ils  &- 
voient  tiré  de  MaJ  de  St.  George  d'Aunây, 
de  la  généralité  deCaen,  quejeconnoish'es 
particulièrement,  jufques  a  fîx.mîlle  livres, 
pour  lui  vendre  de  pareils  titres ,  elleaperdu 
Ibn  argent,  a  été  enfermée  deux  ans  à  Vin- 
cennes,  où  elle  a  beaucoup  foufTert,  &  elle 
&  fes  Enfants  ont  été  déclarez  roturiers.  Mr. 
de  Falourdet  découvrit  toutle  mylitTre  àMr. 
de  Caomartin  qui  jura  de  lui  tenir  fa  promeP' 
fe,  le  tenvoia  dans  fa  Province  ,  &  écrivit 
i  l'Intendant  de  ne  pas  l'inquiéter.  II  fit  as- 
réter  les  Commis,  plufieurs  faux-Nobles  ;  & 
le  vieillard  Fauffaire  ,  qui  auroit  été  penou  j 
fi  la  mort  ne  lui  en  eût  pas  naturellement  €• 
pargné  la  honte  ,  en  l'enlevant  dans  le  châ- 
teau de  Vîncennes.  Mr.  de  Falonrdçt  jouiP 
foit  pleinement  &  pai^blement  des  privilèges 
de  fi  Noblefle  dans  fa  terre,  où  il  s'étbit  de- 
puis peu  d'années  marié  à  utie  iaimàble  E- 
poofe ,  qui  étoit  nouTellemeDt  accouchée  , 
lors 

u,:,-,zf--„GoOglc 


««  PBJîoire  de  la  BâJUlU.  II? 

Jors  qu'étant  à  la  chaflè  à  cheval  avec  foft 
vallet,  il  fevit aborder,  parquatrcCavaliers, 
qui  lui  dirent  qu'ils  venoient  le  làljier  de  l« 
part  des  Officiers  de  fou  Régiment,  lllescrut 
bonnement ,  &  les  invita  à  l'accompagner 
dans  fon  Château,  où  il  les  recevrcât  delba 
mieux  :  mai»  étant  auprès  de  loi  ,  ils  fc  jet- 
tcrent  fur  fes  armes  ,  &  lui  firent  entendre 
qu'il  falloir  les  fuivre  chez  Mr.  de  Cautnar^ 
tin.  I!  leur  témoigna  qu'il  étoit  furpris  dé 
leur  procédé  ;  que  Ii  Mr.  de  Caumartin  ,  de 
qui  il  aroit  reçu  des  lettres  depuis huiljoursj- 
lui  avoit  ordonné  de  fe  rendre  chez  lui ,  le 
moindre  billet  de  fa. part  étoit  fuâî tant  pour 
le  faire  partir  dans  le  moment  ponrobeir  i 
fcs  ordres ,  fans  l'envokr  qumr  i  main  for- 
te, contre  laquelle,  lî  il  fecroioitcotipable, 
il  (çavoit  bîencommeilpourroitîwirj&daHs  ■ 
l'inltant,  donnant  de  l'éperon  à  u  cavale,  il 
écarta  ceux  qui  le  voulbit  arrêter  &  fè  déga- 
gea de  leurs  mains,  pendant  que  fon  vallet; - 
couchant  le  plus  apparent  de  la  troupe  en  joiic , , 
Jura  qu'il  l'alloii  jetter  en  bas  fi  il  branloit, 
Mr.  de  Falourdet  comraanda-à  ibn  Vallet  de 
lever  fon  fuiïl  ;  mais  de  ne  pas  ft  laillèr  apro- 

■  cher  :  enliiite  il  demanda  à  ceux  qui  le  vou- 
loiect  arrêter,  s'ils  defiroient  l'accompagner 
chez  lui ,  où  il  vouloit  dire  Adieu  à  fa  l  cm- 
nw  avant  que  de  les  fuivre.  Il  s'étoit  fi  adroi- 
tement debaraffé d'eux  qu'il  étoitencore Maî- 
tre de  fes  armes  à  la  rcferve  d'un  de  fes  pif- 
toletS',    dont  s'étoit  faifi  un  des  Cavaliers  ; 

-  mais,  loin  de  vouloir  profiter  du  defordre  où 

•il  les  avoitjettei ,  il  leur  dit,  nelècroîant 

pas  coupable,  quel!  Iapropo£tion  qu'il  leur 

E  j,  tai- 


î?o  ,  VlHquifitiom  fraupiji 
(fûfott  !<iir  MuToit  le  moindre  cmbaras,  qu'il 
itoit  prit  àe.  les  accompagner  ,  quoiqu'il  ne 
(dt  fia  tn  eut  de  t^ire  un  fl  long  voiage^  £e 
-trouvant  avec  peu  d'argent  fur  lui  &  n'aiant 
■f»s  m^e  d«  linge  pour  changer.  Ils  luipro- 
«cûerent  ^ue  rien  ne  lui  manqueroît  qu'ils 
aroicnt  Drdre  de  fournir  à  fa  d^ence,  qu'ils 
:Ie  poutvoiroient  abondamment  de  tout  ce 
^u'tl  saroit  befoin  ,  &  que  Mr.  de  Caumar- 
•tfn  lui  donneroit  de  quoi  retourner  chez  lai. 
il  donna  fon  fufîl  à  fon  valet  ,  qu'il  renvom 
dans  fa  M«foa  avec  ordre  de  dire  à  fa  fem- 
me de  ne  fè  pas  inquiéter.  L'Esempt  &  fïs 
gardes  loi  tinrent  leur  promeflêenlecoudui- 
fant ,  le  Cavalier  lui  rendit  fou  piftolet  &  ils 
lui  lajflêrentlèsarmesj  pendant  tout  le  voïage 
ili  le  tegalcrent  bien  ;  mais  au  lieu  de  le  con- 
duire à  Paris  chez  Mr.  de Caumartiu ,  ils  iêi- 
Snirent  de  vouloir  pafler  au  travers  du  château 
e  Vincennes  quand  ils  fiirent  auprès ,  & 
quand  ils  forent  dans  U  Cour,  ils  lu!  décla- 
rèrent que  c'étoit  là  qu'ils  avoient  ordre  de 
le  laifTer ,  en  attendant  nouvel  ordre  de  liL 
Cour.  On  lui  fit  rendre  fes  armes  ,  qu'on 
«Bt  foin  de  renvoieravecûCavale&toucfoa 
^uipage  chez  lui,  marque  qu'il  avojt-à faire 
4  un  honnête  Exempt  ;  ajccroiqtiec'ellMr^ 
'  4e  Bourbon  le  même  qui  mVréta.  Il  s'apec- 
>çilt  trop  tard  de  la  iaote.  qu'il  avoit  faite  :  '  il 
jji'^toii;  plus  temps  dé  faire  le  brave  dans  ua 
château  tel  que  celui  où  ils  étoient ,  dont  le, 
Pontlevis  fut  levé,  &  les.  port.es  fermées  dès, 
-qu'ils  Y  furent  entrer  U  ^liU  mettre  pied  à. 
torre  &  paflèr  dans  le  Oonjon  où  l'on  garde 
'l«%'f!nf«Qiiiei.s..  C'eâU^u'iJaKAédeBxaDs,. 


pu  PiSjloir* d«  UBafifîU.  .I3<' 
avec  ^lantitëdeCoQcaptifsquiy^toieDtpout' 
iâ  tn^me  afrair«  que  k  iïenne  &plu£eursaU' 
.  très  qui  j  étoient  pour  d'autres  fujets  ;  & 
quoiqu'il  ait  toujours  iîé  lèul,  iln'apaslaiF- 
fé  d'avoir  communication  avec  plulîears  de 
ces  Mtffieurs,  «ntr'wttes  avec  S.  A.  M.  le 
Prince  de  la  Riccia  arrêté  pour  avoir  pris  le 
parti  de  l'Enipercur  dans  l'af^e  dcNaples 
au  commencemetit  de  i7P>;  dnlî  qu'avec  le 
nommé  Farie  .de  (jarlm  en  Bearn  qiii  étbît 
.  Ptifonnier  depuis  oaze  ans  lorfqu'il  lui^Krla,. 
pour  n'avoir  pas  voulu  abjurer  là  Religion  *. 
qui  étoit  la  Reformée;  ce  pauvre Hommeé- 
toit  tout  nud  fans  chemirc  &  dans  une  calot-  - 
te,  où  ilavoit  pour  tout  meuble  une  c»uver- 
turedans  Jaqudleils'euvelopoittiljoiiifibit,, 
,  tmlgré  toutes  les  rigueurs  dont  on  Taccabloît,. 
d'une  faute  par&ite  ;  il  ëtoit  gros ,  &  gras,  & 
:  d'une  fcnneté  inébranlable  dans  fa  relignaiion 
,BUi  oti^res  de  la  Providence.  J'ai  vu  quantité 
^de  fes  écrits,  qu'il  avoit  donnés  à  Mr.Fa- 
,toutd^  ,  ppnr  Élire  tenir  i  fon  Eppuie  &  i' 
:;fes  £nfants,  ,fon  édifi^Qts  ;  o^.,  quoiqu'on. 
'  rît  bien  qn'it  n'avoir  pas  d'éçiide,-  la  piété  é- 
_toit  iôweniie.  d'une  éloquence  naturelle  & 
fblide  ;1^  manière  dont  ils  fe  communiquoieiic 
e(l  aûez  linguliére..Mr.  Falourdet  avoit  une- 
.glanchpfut  laquelle  il  écrivojt  avec  du  char-- 
.bon  eo  gio|i  caraâére  i^n  mot,  puis  ilappro- 
..chQ.it  la  planche  4p  S^,  fenftre  &  quand  Faric  : 
.  l'areitlu,  V(u)tr&].?£lfaçoit  &  en  éctivoit  ail 
.«Bti«  ,  &:jtoâJQar«  -dp  fuite  ,  ce  que  Farie 
tranfctivoitiur  du  papier  gris,  qtl'ùn  leur  don- 
noir  pour  leurs  néccâitez;  car  ii  avoit  fait  des. 
plumes  avec  des  os  ,  &  de  l'encre  avec  du 
r  ï-  noir 


ijj  Vlnquifitian  FraMfolfe 

noir  de  filmée.  Fane  faifoît  une  ample  rcpon- 
ce  à  Mr.  Falourdet  fur  du  papier  gris  ;  & 
comme  j'ai  déjà  dit  que  Farie  étoît  dans  «ae 
calotte  je  dois  dire  encore  que  Mr.  Falour- 
det étoit  dans  un  premier  étage  où  il  avott 
été  mis  pour  être  plus  à  portée  de  le  foigner, 
parce  qu'il  avoit  été  malade  &  avoit  penfë 
mourir  &  où  il  avoit  même  la  liberté  de  te 
promener  dans. un  petit  jardin  qui  domioitau 
pied  de  la  Tour  où  étoit  enftrméFarie,  qui 
lalfl<)!t  tomber  fon  papier  dans  lequel  î]  cnve- 
lopoit  un  os  pour  lui  donner  plus  de  poids, 
rautre  le  ramaiToit,  le  métoit  dan»  fà  poche 
&  le  lifoit  tout  à  loifir  quand  i!  étoit  eaternié 
dans'Gi  Chambre.  Lorfqtie  Mr.  Falourdet  fac 
entièrement  gueti  ,  on  ne  lui  donna  plus  la 
liberté  de  îe  promener  dans  le  jardin  ;  mais 
comme  la  fendre  étoit  au  niveau  de  ce  jar- 
din, il  s'avifad'aprendreà  une chicqnefêrme 
qu'avoit  Eernaville  à  lui  raporter  unj>eîottoa 
de  papier,  qu'il  lui  jettoit  de  Ta  fenétiedans' 
le  jardin  ,  &  qu'elle  lui  raportoit  du  Jardin 
fur  la  fenêtre  j  pour  la  païer  de  fa  peine  ,  il 
ïui  gardoit-  une  partie  de  fa  viande  qu'il  lui 
donnoit.  Après  qu'il  l'eut  bien  eiercée  à  ce 
badinage  ,  il  en  avertir  Farie  en  lui  écrivant 
far  là  planche ,  &  ils  convinrent  à  un  certaài 
fignal,  qui  marqueroit  à  Farie  que  la  chienne 
étoit  dans  le  jardin  ,  parce  qu'il  ne  l'y  pou- 
voit  pas  voir  du  lieu  où  il  étoh,  qu'il  l«{(Iè- 
voit  tomber  fon  papier  avec  une  petite  pferrc 
envelopée  dedans  :.  iis,  ^iereat  prenûéte- 
meot  avec  du  papierftns écriture;  ladiiennc 
l'aportB  fort  fidcllemenc  à  Mr.  Falourdet;  iJ 
«i.epyoia  d'écrit. qui  eut  le  mOme  foccès.; 
,  «iûfi. 


éu  rHijïoire  de  ta  Ba/lilU.  I  î  5 

*sunG  la  chienne  leur  fervir  de  meiliiger  pen- 
dant un  très  long-temps.  Mais  enfin  ils  fu- 
rent, lî  non  découverts,  du  moins fonbcon- 
nei;  heureufcment  pour  eux  iln'yavoïtdans 
le  papier  que  des  raifins  fecs  que  Farie  en- 
voioit  àfqn  Ami ,  fans  écriture ,  dans  l'inllant 
qne  la  Chienne  l'aportoit  à  Mr.  Falourdet , 
BernaTille  entra,  à  qui  elle  le  prefenta;  fi  y 
trouva  des  railîns;  il  n'en  dit  mot,  &  quoi- 
que Farie  priât  le  Porteclefs  ,  quand  il  Iiii 
porta  à  tonpé ,  de  lui  rendre  fes  raiiins  qu'il 
difoit  avoir  mis  i  fecher  fur  le  bord  de  fa 
■fenitrc,  &  qui  étoient  tombeidans  tejardîn, 
on  ne  lalflâpasde  mettre  des  palkTadesdevant 
la  fenêtre  de  Mr.  Falourdet,  pour  empêcher 
Ift  Chienne  d'en  approcher.  Farie  communi- 

3ua  cependant  toujours  avec  lui  jufques  "au 
emîer  jour  de  la  fottie  de  Mr.  Falourdet , 
car  il  démonta  fa  table,  fur  unedes planches 
de  laquelle  il  écrivoiten  gros  caraâérçs,  & 
hâCoh  lîte  fon  écriture  â  fon  cher  ami ,  qOi 
refpeâivcment  loirepoadoitdela,m,ôinema- 
niére.  ■ 

Depuis  fai  va  ici  3  là  Haye  une  lettre  ^ 
critte  de  Pao  en  Bearn,-  eh  datte  du  21.  Dé- 
cembre 1714.  parun'Âmi  à  Mr,  de  la  Foc- 
cade  Miniftre  du  St.  Evangile  y  qui  lui  don- 
no!t  avis  que  Mr.  Farie  avoit  été  nais  en  li- 
berté, en  taveur  de  laPaîx générale,  lèmoïs 
de  Noveinbre  précèdent,  après  vfngt  quatre 
-Années  de  Prifon,  &  qu'il  avoit  vu  unelet- 
tre  du  dit  Sr.  Farie  qu'il  écrivott  de  la  Ballïl- 
le  i  un  de  fcS  amis ,,  en  datte  du  mêmerhois 
de  Novemto'e,  potfr  Ini  donner  àvisde&de- 
livrance  ,  &  le  prier  d'ivcrtii  f»  Femme  & 
E  7.  ft!,. 


.--„Googlc 


]^4  L*Imqui/a!o)i  Framfêifi 

:^s  En&ns  qu'il  auroit  la  confolatioD'de  les 
embioilèr  bien  tôt.  Le  dît  St.  Farie  avoîcété 
snèté  en  ifi9i  à  Paris  eafortaat  de  UBoutî- 
que  d'un  Apoticairc  ,  &  enfcnné  dans'Vin- 
cennes,  d'où  il  fnt  transféré  à  la  Bafttlle  en 
1707,  lors  que  Bemaville  liictedaàMr.  du' 
Joncas.  Dieu  lui  fàffe  la  graqe  de  faire  un 
bonQ^ederaIibettc&  d'en  jouir  long  temps. 
.  Mr.  de  Falourdet  communîquoit  enco- 
re avec  Mr.  le  Matquis  de  la  Baldonniére 
Poitevin,  qui  étoit  accufé  d'avoir  le  feciet  de 
£ure  de  l'or  :  il  y  avoit  dix  ans  que  ce  pauvre 
Gentilhomme  étoit  Priibnnier  i  Vinceunes  , 
lors  qqe  ce  Minillre,  pour  fe  dcbaranbi  d^ 
iiAportunitez  de  Madame  fon  Epouic,  qi^i 
Ibllicitoit  vivement  la  liberté  de  fon  Mari  y 
la  fit  arrêter  &  enfermer  dans  le  même  chili— 
-teau  de  Vincennes ,  où  elle  a  été  pendant 
denx  ans  mangeant  le  méjne  pain ,  beuvaat 
le  même  vin  que  Ibnmary,  fans  avoirjirnais 
pu  obtenir  la  liberté  de  le  voit.  Tout  ecque 
-Bemaville  leur  accorda  ,  après  avoir  eii^ 
"d'cuï ,  ponr  cette  faveur ,  une  grande  lampe, 
&  lix  chandeliers  d'argent  pout  la  cha^llede- 
Vinccnnes,  fut  la  permlÉon  de  s'écrire  de 
temps  en  temps.  Mr.  Falourdetvilibrtir Ma- 
dame de  la  Baldonniére  de  cette  fucieltc  c^e  ;. 
elle  étoit  magnifiquement  habillée  ^  fortfaiea- 
fitte,  ftavoit  un  air  uia;ellueuz,  ellejiairojt 
ponr  avoir  beaucoup  devenu.  MïideJaBâî- 
-âonnlére  étoit  un  vendable  vieillv'l  qiùétoit- 
d'ane;pI6té  conlbmmée.,; 

Il  parla  encore  iunMinillrêProEë&ajitqut 
Aoit  dans  un  état  lamentable,  &  qui  ne  vou- 
lut P3S  loi  dire  fon  nom.  Depuis  une  longue 
fui-- 


.--„Googlc' 


wrHifttirtJt  UBm0U.  t%^ 

fuite  d'auQées  il  étoit  dons  un  trou  obGmr  , 
où  le  jour  a'entroit  jninitij  ,  où  le&rbare 
Bcrnaviile  l'avoic  enfermé  pour  lut  f&ireafa- 
jorer  fa  Religion.  On  lui  poitoît  à  maoser 
aux  flambeaus,  &  conune  cedcplorableanU- 
gé  s'opîaiâtroit  à  ne  pas  manger  ,  qu'on  ne 
lui  eâtpamis  de  voir  le  Soleil  encore  une  fois 
.avant  que  de  mourir ,  car  IVIr.  Falourdet , 
.qui  n'en  étoit  fèpiié  que  d'une  cloifon  ,  ne 
perdoit  pas  an  mot  de  tout  ce  qu'il  diruit,  il 
remendit  battre  crnellementà  coups dener^ 
.debcEuf  par  desfoldats,  euprefenceducniel 
Bernaville,  pour  le  forcer  à  manger,  &  qui 
lui  difo't  itnpitoiablement ,  tu  ne  verras  ja- 
mais le  Soleil,  vieux  tifon  d'Enfer,  quêta 
ne  lois  Catholique  ;  &  le  pauvre  Homme ,  ' 
quoique  devenu  fou ,%  pHoit  Dieu  pendant 
qu'on  l'aflômmoitinhumunement.  Hvit,  & 
entendit  encore  le  ConfelTeur  de  Madame 
Guyon  -,  cette  fameufe  QuîetiHe  dont  rtiif- 
toire  a  tant  fait  de  bruit  dans  le  monde  ,  & 
qni  étoit  alors  dans  nôtre  même  tout  de  la 
Éeitaudiére,  comme  je  le  dirai  plus  bas.  C'é- 
toit  un  vénérable  vieillard,  blanc  commaun 
Cygne,  âgé  de  plus  de  quatre  vingts  ans;  je 
le  croi  de  l'ordre  des  Bernabites  i  il  Âoic 
aufli  dans  un  Cachot  obfcur  ,  où  du  matin, 
jufqu'au  foir  il  ne  celfoit  de  chanteren &u. 
bourdon  des  înveâives  contre  Bernaville,  «: 
les  Elogec  de  Mad.  Guyon  la.  faiote;  jivct- 
till&nt  tous  les  FrifiHUueis  de  le  pitni^  gar- 
de de  l'Hypocrite  &  perfide  Betnaville  ;  da- 
teftont  les  JeSlitcs  &  une  Dame  de  la  Cour 
qu'il  difcMi  être  leur  PrMeârice.  La  cervel- 
le lui  avoittoat&J  P»  Ici  ootiagei  dou  l'a-, 
«oit. 


■„r  ..Google 


Jji  L' Inquifitiatt  Trenp'ift 

voit  accablé  fon  exécrable  Tyran. 

Parmi  une  quantité  prodigieiïfe  de  Prifbn- 
niers  qui  étoicnt  enfermez  à  Vinceimes  , 
pour  la  même  affaire  de  Mr.  Fak)iKdet  j'aî 
rerenu  les  noms  de  ceux-cy  qu'il  m'avoît 
nommez,  le  Major  de  St.  George  dont  j'ai 
déjà  parlé,  le  nommé  Varin  de  Rennes  en 
Bretazne  qui  avoit  été  Co'mmis  de  Mr.  Puf- 
fort.  Mr.  Anchoiae  Vidal  de  Toulooie,  c'é- 
.  toit  un  Homme  qui  avoit  infiniment  de  TcG. 
prit»  &  qui  fouvent  a  démonté  Mr.duBuif- 
fon  Intendant  des  Finances  qui  étoit  rapor- 
teur  de  cette  affaire,  tout  Stoïque  qu'il  étoit. 
Mr.  Jean  Felix,Gaotierd'Heniflàrt,  &Mar- 
.  guérite  Fijandtier. marchande  de  cheveux  du 
Cloître  Se.  Oportune.  Cette  pauvre  Fille  qoi 
.étoit  l'Amante  de  Mr.  Vidal  avoit  été  lade- 
.politaire  de  quatorze  cents  &ancs  qu'il  luiar- 
.voit  confignea  avec  un-  billet  cacheté,  qu'eN 
le  devoit  garder  fermé  jufqu'à  un  certain. 
:  temps  ,  &  enfuite  l'ouvrir  pour  en-donner 
l'argent  à  celui  qui  lui  feroii  indiqué  par  ce 
billet;  ou  autrement  remettre  le  tout  entre 
les  mains  de  Mr.  Vidal.  Cette  fomme  étoit 
confignée  pat  un  Homme  inquiète'. pour  fa.. 
.Nobiciiè  ,  qui  dans  ce  billet  conlcutoit  que 
Ja  Somme  tournât  au  bénéfice  des  Commis 
-df  d'Argcnfon  ,  en  cas^qu'ils  filTent  fon  af- 
laite  ;  &  quoique  cette  pauvre  Fille  n'eût  au- 
cune connoiOance  de  cette  convention  ,  & 
-ne  fçût  en  auctme  manière  la -raifon  pour  la- 
quelle c£t  argent  lui  étoit  conligné,  on  I*a 
retenue  pendant  deux  ans  Prilbnniére  à  Vi»- 
cennes,  ce  qui  a  f^t  un  préjudice  trèscon* 
Hderable  à.  fon  négoce  ,  à  ËL^mté ,  &  à  fon 
éta- 


■  Coo^jlc 


OH  rHtJîoire  de  la  BapiUe.  f  j? 

établiflcpietit  ;  qui  la  recoiilpenferadc  tout  ce- 
la? d'Afgehfon?  il  a  la  confckhco trop teH- 
drepour  nepasindêmuifer,  &mêmereconi- 
]>enrer  cette  innocente  vîâime.  Mr.  Falour-  ' 
det  m'a  dit  i^uè  cette  FÎIIe  étoit  d'une  hu- 
meur tout  à  fait  agréable.  Comme  ils  ontét< 
long-temps  voifins;  lors  que  le  Porte-cleft 
lia  venoii  férvir ,  li  tôt  qn'''  alloir  nétoier  fes 
pots ,  elle  fortuit  promptemem  de  (à  Cham- 
bre, dont  il  laillbit  la  porte  entr'ouvene,  & 
venoif  dire  quelque  plaîfatiterie  i  Mr.  dcFa.- 
loortcr ,  &  lui  tendre  la  main  ail  travers  de 
là  grille  ;  puis  elle  retournoit  aVec  la  mSme 
l^itelTe  fe  rentbticer  dans  fon  antre ,  où  elle 
rfiantoit  du  matin  jufqu'au  foir.  Cependant 
en  faifant  ce  badinage ,  elle  Hfquoit  d'aller 
au  Cachot,  qui  lui  eût  éié  in&îiriWe,  flellc 
eût  été  prife  fur  le  f^t.  Ori  lui  avoit  donné 
'des  oiftaui  ,  auxquels  elle  acoitapris  mille 
■paile-paiïês;  nn  jour  un  chat  lu)  en  ptitnn; 
elle  appella  promptement  l'officier  qui  étoït 
dans  le  jardin  pourleprierd'arracherdesgrif- 
fes  de  ce  voleur,  le  plus  adroit  de  fes  moi" 
neaux  :  ah  !  dit-  elle ,  Mianfieur  courrez  vite  ; 
c'eft  celui  qui  dance  iî  bien  le  rigcsdon  ;  elle 
fit  des  chaulons  tout  à  fait  drôles  fur  cette  a^ 
vàOture  ;  &  le  Confeffeur  de  Mad.  Guyoh  fit 
Voraifon  ftmèbre  du  PalTereau  d'une  manière 
tout  à  fait  rilible. 

Il  eft  temps  de  décrire  ce  qui  fe  paflàdans  , 
'nôtre  fpelonque,  pendant  que  Mr.  Falourdet 
■&  moi  nous  y  reliâmes  enfemble.  Sur  les  dis 
"heures  do  matin  du  jour  de  fou  entréeRua- 
porta  le  pain  &  le  vin;  il  y  avoit uttpaîn  cha- 
pelle, tel  qu'il  m'en  apoitoitd'ordia^e,  & 


>ï8  VltifuifitiaM  FramfMp 

un,  antre  pain  de  U  mÉmc  groflcur ,  maïs  d*a- 
□e'i^te  moias  fine;  avec  une  bouteille  de  vîn 
de  Bourgogne  telle  qu'il  avoit  coutume  deme 
.  la  donner,  &  uue  autre  petite  bouteille  tout 
au  plus  de  demy  lèptier,  M.  Falourdet  lui 
demanda promptemerit,  pourqniétoîtlagrof 
fe  bouteille  ?  &  Ra  lui  ayant  repondu  que 
c'étoitpour  moi,  &  la  petite  pour  lui;  ileui- 
tra  dans  une  fiircur  terrible,  Veuï  tu,  li^ 
dit-ïl ,  que  je  te  c^  la  tête  de  cette  petite 
boDteille  ?  apprehs  à  itie  connoître  :  Va  dire 
i  ton  Gouverneur  que  (î  il  ne  m'envcne  pay 
une  bouteille  de  vin  pareille  à  celle  deMoit 
iîeur,  que  je  m'en  plaindrai  avec  éclatâmes 
Juges  lî-iÔt  que  je  comparoîtrai  devant  eux; 
que  je  ne  leur  répondrai  pas  qu'il  ne  m'aieni^ 
fait  raîibn  de  cette înjuftice&qu'enattendaià 
il  n'entrera  pas  dans  la  chambre  tant  que  j'f 
jëraî  Doe feule  bouteille  femblableicettepe- 
tite,  que  je  ne  la  cafTe  dansleinbmeotconr 
*re  le  mur.  Ru  lui  répondit ,  qu'il  y  a.voît 
diSerence  de  moitié  de  (â  penSon  à  lamien- 
JWÎ  que  le  Soi  ne  luidonnoit  que  cent  ïbls 
pai  jour.  Comment  ceiit  fols  par  jour]  re^ 
pondit-il,  avec  cette  Tomme,  ton  Maître  tne 
doit  donner  une  Perdrix  ,  ou  l'équivalent  à 
tous  mes  repas ,  .&  du  meilleur  vin  de  la  Vit 
le  ;  &  devroit  ftire  chère  de  Commidàire  ï 
MonJîeur  pour  fa  pilïolle.  Ru  alloit  fortîr , 
&  lut  laiflcr  la  petite  bouteille  ;  quand  M. 
Falourdet  iè  jeta  deffus  avec  fnrîe  &  lui  en 
alloit  caÛêr  la  t^te,  il  je  ne  l'avols  retenu  : 
je  me  mis  au  devant ,  je  lui  arrachai  la  bou- 
teille des  mains  t  &  je  le  priai  d'accepter  la 
nu'enoe  ,  &  que  Je  gardeiois:  lapetitepour 
moi, 


.--„Googlc 


M  PHiJIeirs  de  la  B^fi^le-  t  Jy 

tnot.  Ra  devînt  laifoBa^e  poorlapremiérfr 
fois;  il  reprit  la  petite  boatcille,  &  dit  qu'il 
alloit  lai  en  siporter  ane  grofle,  puifque  le 
Gouverneur  g^ooit  aSet  vai  nous  ;  &  daes 
le  momcDt  il  revint  avec  une  groQè  bouteille 
lêmblable  à  fa  mienue.  JYtoisdansledernier 
ftonnement  de  voir  avec  quel  emportement 
M>  Falourdet  biurquoit  des  Gens  qui  étoieut 
ea  pouvoir  de  tout  faire,  impunément  contre 
luL  11  me  fit  entendre  que  s'il  n'avoit  ufédo 
la  même  hauteur  avec  Bernavilte  ï  Vincen- 
ne»,  il  l'auroit  traitté  comme  les  malheureuict 
vtâimes qu'il  avoitreduittes  datis  no  état  dé- 
plorable ,  &  qu'il  nourriiToit  plus  mal  qu'on 
nefait  le^kleiiens  àMarreille.  lime  fit  en- 
tendre (MPïIloil  fortir  dani  qmnze  jours^i 
plus  tard  de  la  Bailille ,  &  que  le  bien  ou  I« 
mal  de  toa.  affaire  étantdecidé,  iln'avoitplm 
Aucuns  ménagements  à  garder  avec  dea  Gcut 
qu'il  n'envilageoit  que  cootme  let  plttS 
barbares  Boureaux  qui  fulTent  fous  1«  Ciel. 

Mais  ce  fut  tout  autrechofe.lDrfqu'oaitPUt 
aporta  à  dîner  ;  &  qs'jl  vit  qu'on  lui  I^volt 
ane  mâchante  foope,  qui  îembloitn'éttepH- 
reitient  qne  de  l'eaubottillte  avec  un  morceau 
de  bœuf  defliis,  qui  aiant  fervi  ï  fiûredBJus  » 
<toit  pins  ïëc  qne  du  bois,  puili]nc  le  fuc  en 
tfto-'t  tout  eiprimé,  lorfqu'on  me  fervoit  ua 
ordinaire  p^ble.  Il  entra  dans  des  fougues 
lenibleï.  LePorteclefsdécampa,,  aprcsavoit 
fermé  la  porte:  il  ïCy  avoit  pas  moiendejet» 
ter  les  plats  par  les  fenêtres;  il  apoUrophalt 
Gouverneurdelabellemaniérei  ilfiappavio- 
lemment  à  laporte,  malgré  toutes  mes  oppo- 
sitions }  pOBT  cooclofioa  le  Major  vint  lui 
dire 


.--„Googlc 


140  VlH^uifftien  Frattfçifi 

dire  au  travers  de  la  porte,  qu'il  le  d<Hinât 
patience,  qu'il  feroit  mieux  tiaittélefoir,  & 
que  G  il  vouloit  faire  des  violences ,  on  fça- 
voit  fort  bien  les  moïcns  de  l'eu  punir. 

Je  le  confolai  de  mon  mieux,  il  s'adoucit, 
nous  nous  accommodâmes  de  ma  petite  por- 
tion, &  il  garda  la  iieane  entière  pour lajet- 
ter  à  la  tâte  du  Porte-clefs  quand  il  entreroit. 
Jcgagnaiencorefur  lui ,  qu'il- n'en  feroit  rien, 
qu'il  fe  contentcroît  de  lui  faire  voir  qu'il  n'y 
avoit  pas  touché  ;  &  de  lui  dire  qu'on  ncde- 
Voît  pas  traitter  ainfl  un  Homme  de  fon  méri- 
te. Le  foir  il  fut  un  peu  mieux  traltté  ;  m«s 
t>endaQt  tout  le  temps  qu'il  demeura  avec 
tnoi ,  fa  fierté  eut  beaucoup  à  ^Ëir  ,  pai 
toutes  les  couleuvres  que  ces  g9Ra  lui  fi- 
rent avaler,  car  affùrement  tout  ce  qu'on  lui 
donnoit  bien  iiipputé  ,  ne  montoît  pas  à  dix 
fols.  Il  me  fit  le  détail  de  fon  afi'aire  :  il  me 
parûilToit  fort  inquiet,  &fansdoute,  Itona- 
voit  pouifé  les  chofcs  à  la  rigueur ,  il  avoit 
railbn  de  l'être.  Il  avoit  donné  de  l'argent  an 
Fanflàire  pour  contrefaire  l'original  de  fou 
contrat,  qu'il  avoit  porté  lui  memeclandeC- 
tinement  dans  le  grenier  des  héritiers  du  No- 
taire d'Anei  ;  tout  cela  ne  pouvoir  être  adou- 
ci que  par  l'avceu  qu'il  en  avoit  f^t  à  Mr.  de 
Caumartin,  fur  la  parole  que  ce  Miuiftrelui 
avoit  donnée  de  ne  lui  pas  faire  de  mal,  pw 
la  folidité  confiante  &  cfFcaivedefaNoblef- 
fe,  pour  laquelle  on  l'inquiétoît  mal  à  pro- 
pos ,  &  par  la  (implicite  du  Gentiltiomme 
qui  inhabile  dans  les  affaires  ,  s'étoit  laiflif 
féduire,  làns  en  connoître  les  confequences. 

Il  me  dît  encore  que  Mr.  du  fiuiObn  In' 


.--„Googlc 


tu  rHiftair»  Je  la  BafFilU.  141 

tendant  d<is  finances  qui  étoit  fon  Raporteur , 
lui  avoit  témoigné  beaucoup  de  compaflioo 
&  de  bienvdllanîe;  qu'in'avoit  toujours  fait 
aflbir  &  fe  couvrir  quand  îlI'avoitimerrOTé; 
qu'il  ne  le  cachoît  pas  de  dire  devant  lui  à  mr- 
naville,  que  la  feule chofe qui pouvoitfauvcr 
la  vie  aux  Commis  de  d'Argenfon  ,  cft  que 
le  Maître  y  écoit  tellement  impliqué,  qu'il  é- 
toit  impoflible  de  pouflèr  les  chofes  à  la  ri- 
gueur  contre  ceux  là  ,  fans  y  enveloper  ce- 
lui ci:  qu'il' dîfoïE  encore  hautement  en  fa 
prefence  que  d' Argenfon  Aoit  un  homme  qui 
ne  trouvoic  rien  de  trop  chaud  ni  de  trop  froid , 
&  tellement  avide  d'argent ,  qu'il  bandoil 
tous  les  relforts  de  fon  efprit,tout  des  plus 
fabtils,  peut  en  attraper,  fans  confulter  fa 
confcience  ni  fon  honneur.  Jamais  Mr.  du 
BoiJTon  ne  fbrtoit  d'avec  mon  Concaptif,làns 
le  recommander  ï  Bernavilie ,  à.  en  particu- 
lier il  lui  demandoit  lî  il  en  étoitbient'raitté. 
En  effet  Bernavilie  lui  permettait  d'écrire  tous 
les  Mois  à  fon  Epoufe&  d'en  recevoir  répon- 
ce.Il  étoittrès  bien  nourri.  Quand  il  fut  malade 
&r«luît  à  l'extrémité,  on  lui  donna  une  fem- 
mepour  le  garder,&  on  en  eut  un  foin  tout  par- 
ticuJier.  De  tout  cela  j'angurois  que  fon  affaire 
preodroitunbontour;  ^qu'ilen  ferait  quitte 
pour  avoir  perduun  Œil  &  une  partie  de  la  mâ- 
choire dans  faPrifon  pendant  fa  maladie:  dans, 
Is  fiiite  j'ai  fçu  que  je  ne  m'étois  pas  trompé. 

Pendant  nôtre  conc^tivité  il  me  conta  les 
^conlbnces  d'une  fuperAition  très  particu- 
lière, <^i  fe  pratique  en  fon  pays  ;  &  com- 
nie  il  m'a  pant  très  lîncére  pendaJit  tout  le 
ira^  "¥ie  j'ai-^té  avec  lui,  je  le  cru  trèsfe- 


»-,  Google 


141  VlnqmfiAm  FrsHfaije 

.  ciknKttt  :  il  me  certifia  que  (Uns  la  paroUIè 
de  St.  I>eiiis  ,  où  j'ai  déjà  dit  qu'il  y  avoiC 
pluHeOFE  tonUJeaux  de  fes  Aïeux ,  &  qui  cfl 
tout. proche  de  fit  Teire,  l'on  communie 
les  chiens  eoiagez ,  les  chevaux,  les  bœufs,  les 
vaches,  &  autres  animaux  qui  fcotmaladet; 
&  voici  comme  il  m'a  affitm^  que  l'on  exé- 
cute cette  cérémonie.  Les  Propriétaires  des 
Bé[eG  qui  ont  beibin  d'être  £>ulagées ,  les  ar- 
mènent  dans  le  cimetière  de  St.T^coif;  &i% 
cholè  en  vAutlapeînc,  ils  fom  dire  une  Mtil 
fe,  le  remède  en  eâ  plus  efficace  ;  api«s  quoi 
on  les  introduit  .dans  le  bas  de  r£gliié  où  il 
y  a  une  grande  cure  pleine  d'ean  DOiîte.  Si 
tdt  que  lePrétre  revftu  dc|fcu)furplis&d'a- 
ne  étole  a  reccn  le  prix  fix^  'povi  chaque  es- 
pèce d'aBÎmal ,  car  il  iaat  garder  ta  bonne  foi 
par  tout ,  l'cHi  tic  Sak  grâce  à  perfonne ,  mais 
l'on  uc  ^end  pas  plus  qu'il  oc  faut ,  il  pofe 
le  bout  d'en  bas  de  fon  étole  ûu  la  tête  de  la 
bâte  malade  &  dît  le  plus  promptemeot  qu'il 
peQt,&pour  caufe,uneoraifoaponrfaitonva- 
IdrencC]  &  labenït  d'un  figne  de  croix  ;'  en  fuite 
11  pr<nd  un  petit  mor.oeau  de  pain  ,&  une  petite 
image  que  rulgairemenî  l'on  nomme  un  noot 
de  Jefus  qu'il  bénit  pareillement  d'unaïUtefif 
gne  de  croix,  pois  il  trempe  le  tout  dans 
l'eau  iï&ite  Tufilite ,  &  le  depofc  dans  U 
gtKoJle  de  la  BCte  iàuffrance  ,  que  pour  cet 
effet  JePn^ïriétaire,  ou  le  Clerc  do  Ptétte 
ouvre.Ieplus  large  qp'il  peut;  aprèsUyvcr- 
lè  de  l'eau  bénite;  celait,  fi  l&BétCBKBrL 
c!efi  lepeude  fbi  du.Propnétaite,  qnicBeft 
la  caofe,  carunc  foisje  i-rëtcca  filicibnd»> 
voùdaasJcs  foriïics,.f]iast:q>eadancétrefo^ 
■  jet 

u,:,-,zf--„GoOglc 


tftPHifith'etlt  û  BafiiUe.  14) 

jtt  4  la  garantie.  Il  «lejumqa'H  y  avoit  quel- 
ques années  <jue  prcfijue  toutes  les  vaches 
de  la  Champfçoeavoîentétémaladesj&que 
l'cin  €fi  nvoit  conduit  une  fi  grande  quantité 
4-St.  Denis,  que  le  CiKé  &  les  Prêtres  en a- 
toîcm  tiré  un  profit  très  eonfidcrable.  Au- 
jootd'hai  que  la  maladie  régne  univcrfelle- 
ment  fur  tous  les  belKaui ,  dans  une  bonne 
^partie  tie  l'Europe  ,  l'on  aurait  bien  befoia 
dn  fecours  de  ces  bons  &.  zélei  Prêtres  ,  fi 
l'oo  avoit  ici  autant  de  ftiô  qu'en  Champa* 
goe  ,  mais  c'eft  de  qooi  je  ne  fais  pas  bien 
pet&adé. 

Le  tnême  m'a  encore  affirmé  qu'à  Vitry 
le  François  pendant  qu'il  y  étoit  jeune  éco- 
lier ,  il  vit  trainer  fur  !a  clayc  une  Femme 
toute  niie  dont  le  crime  étoit  d'être  morte 
dans  la  ReHgion  reformée,  érqu'enfuiteellc 
fat  jettéc  à  la  voirie,  où  les  Ecoliers  firent 
mille  indignitez  àce pauvre cadavte,tuibrûleT 
rent  avec  de  la  paille  tout  le  poil  du  corps , 
&  exercèrent  deflUs  des  infamies  que  la  pu- 
deur m'empêche  d'eipriracr  ,,  &  qui  feroient 
révolter  les  eceurs  les  plus  barbares  ;  pen- 
dant qoe  le  Mari  rfefolé  de  cette  mîfcrable 
Tiâîmepleiiroir  à  chaudes  larmes,  &fejettoit 
au3  pieds  ides  femmes  de  fes  Juges ,  en  les 
fiippîîant  d'avoir  commrfèration  d'un  refte 
malheoreoT  de  leur  Sexe  ;  &  que  ces  Dames 
n'ofoient  lui  repondre  que  par  des  pleurs , 
des  Ibopirs  &  en'  haullanc  les  épaules.  Mon 
■Compagnon  dcmandoitpatdon  a  Dieu  de  tout 
ton  cœur  d'avoît  été  un  des  AÔeurs  de  cetf 
te  fnneftc  Tn^jedic,  comme  Ecolier  &  toilt 
'des  pins  malins.       -  - 

•  ,  Quand 

.....Xooylc 


X44  L^Iifjuifitiç»  FrMUfoife 

QuïiiJ  je  fiis  certain  de  fafortîe,  jepiofi-> 
tai  dtrs  bonnes  difpoUtioQS  où  je  le  voiois  de 
me  rendre  fetvice  :  il  avoit  heureufement  du 
papier,  fur  lequel,  dans  un  pre£(ânt  befoîn, 
i'oQ  pouToit  encore  écrire;  je  fis  des  plumef 
avec  des  os  j  &  de  l'encre  avec  du  noirielà 
fumée  de  notre  chandelle.  J'écrivis  à  mon 
EpoufeSt  àmonFils,  i Mr.de Torcy&Cha- 
millart ,  &  à  mes  autres  Amis.  Je  fuis  très 
perfuadé  de  fa  bonue  volonté  &  qu'il  a  fait* 
tous  £es  eiTorts  pour  m'obliger;  cependant 
mon  Epoufe  n'a  pas  apris  mou  cmprifonne- 
ment  par  foii  canal ,  &  les  lettres  que  je  lui 
remis  ne  font  pas  parveoUes  >ufques  i  elle  ; 
elle  aprit  la  nouvel  le  douloureufe  de  mon  mal- 
heur par  la  Gazette  deRotterdam ,  qutdifoit 
polîtivemcnt ,  que  Mr.ConflantindeReiine- 
ville  Commis  .de  Mr.  Chamillart.avoit  éiij 
arrêté  &  conduit  à  la  Babille  fans  fçavoîr 
pourquoi. 

Enfin  le  jour  de  Cbnjugementarriva,  quîj 
fi  je  ne  me  trompe  fut  le  lundi  25.  Septem- 
bre 1 70:.  Dès  cinq  heures  du  matin  le  Ma^^ 
jor  vint  l'avertir  de  fe  tanirprct pourctre ju- 
gé. Il  me  fit  les  derniers  adieus,commeB  il 
eût  du  mourir;  Jereteiioismes  larmes,  pour 
l'encourager  de  mon  miçux ,  &  lui  Protefter 
qu'il  en  lerott  quitte  pour  la  peur.  Enfin  fur 
les  dï%  heures  du  matin,  le  Major  accom- 
pagné du  Capitaine  des  Portes  &  de  Kii  vint 
le  faire  fortir  de  nôtre  antre,  je  l'en^aOàî 
l(;ndrement  avant  qucde  le  laiiTer.  Quandif 
porte  fut  fermée  fur  moi  je  ne  pus  epip'êchèr 
mes  pleurs  de  fe  débonder  ;  j'en  vçi'fai  quj 
partoient  du  piofoad  de  mon  cœur  ,  car  je 
l'ai- 


.--„Googlc 


««  FHiftûre  Jt  la  Béfiitte.         14$ 

roimois  véritablement  de  toute  mon  ame, 
aufiî  le  meritoit-il  bien ,  &  je  croi  qu'il  me 
rmdoît  biea  le  redproque.  Je  me  jettai  à  ge- 
noux ,  &  je  pliai  Dieu  très  ardemoien:,  qu'il 
lui  accordât  les  fèconrs  donc  II  avottbefoin, 
&  je  ne  difcontianai  pat  ma  prière  ,  jufqu'à 
ce  qu'il  fût  de  retour.  Enfin  je  le  vis  arriver 
deux  heures  après  &  voici  le  récit  qu'il  me  lit 
de  ce  qui  s'étoit  pafTé  depuis  nôtre  ièpat*- 
tion. 

A  lafortic  de  nôtre  Chambre  le  Major  le 
prit  par  UD  coin  de  fonjuHaucorps,  «qu'il 
eiude  lapcineàfouflnr;  au  pied  de  l'efcalier 
de  la  Tour  il  trouva  plulieurs  Soldats  armez, 
.  dont  quelques  uns  furent  affés  infoleiitc 
'pour  l'outrager  par  des  railleries  tout  i  fait 
hors  de  raifon,  tous  enfen^le  rejoignirent 
an  Major ,  &  à  fa  Compagnie  pour  Pefcor- 
ter  jufqu'à  t'ArXenal,  oùilsentrerentparune 
.petite  porte  qui  a  communication  à  la  BaP- 
tille;  iptès  avoir  traverfé  lagrande Coikr ,  la 
'Barrière.,  le  Co^s  de  garde ,  &  la  Cour  de 
l'apartement  du  Gouverneur  de  la  Baflille* 
on  le  .fit  paflîr  par  plufieurs  apartcments  de 
l'ArfenaL,  &  en  tin  on  le  .fit  aitéter  dans  une  , 
.grande  faLe  toute  remplie  de  Laquais.,  Huif- 
.fiers ,  Exempts  ,  .&  d'autre  vermine  fembla- 
ble  :  où,  après  l'avoir  fait  attendre  .pendant 
.près  de  demy  heure.,  oal'introduifit  dans  une 
^grande  &  magnifique  fale. toute tapifféedejti- 
ges  ,  qui  fembloient  collez  contre  le  mur  , 
.enfoncez  dans  leurs  ^uteuils  comme  daiS 
.autant  de  niches,  avec  des  robes  d'éca^late, 
s&  de  grandes  perruques ,  dans  IcfqueUçs  teur.s 
Jlàtts  tembloiem  eolevelies.  M.  de  la  Renie 
G  '    pre- 


.--„Googlc 


I4<  '  Vlfefui/SfÛM  J^fMtfpiJi 

ptefidoit  far  cet  aagufte  SeniU:,  ^s  dans  «n 
efpèce  de  tr6ae  &'Mr.<Iu  fiuiilbn  raporteor 
de  Vaffiate  ét(ritadisàfonc6té  droit,  &toas 
les  antres  Jugjes  en  fuàte,  à  droit  &  i  gauche 
^e  ce  terrible  Tribunal.  Aux  pieds  deMr.de 
ta  Renie  écoit  aâls  le  Greffier,  avec  une  lon- 
gue table  devant  Ini, couverte  d'un  g^and  tapis 
traînant  à  terre  ,  aux  deux  extremùtei  de  1^ 
i)iietle  étoient  d<Â>out  plolteurs  Huiflîers  avec 
Jeors  maûès.  Un  Huiffier  ût  ailbir  Mr.  Fa- 
lonrdct  au  milieu  du  Parquçt  fur  une  petite 
fellette  de  bois  élevée  d'un  pjcd  de  terre.  Il 
m'a  juré  depuis;. que  dans  I^indant  il  tut  prU 
.d'«n  tremblement  fi  terrible  qu'il  perdit  loa- 
te  connoiflânce,  ft  penlà  tomber  àlarcnver- 
.ft;  Non ,  me  ditoit-il,  j 'ai  aidé  à  foutenir  le 
Si^e  deNamurconirel'Atmée  du  Roi  Guil- 
laume &  de  fes  Alitez  ;  toute  la  terre  a  fçn 
avec  quelle  vigueur  nons  fAmes  attaquez  ; 
j'aimerois  cependant  mieas  efliiîer  vingt  px- 
reils  Sièges  que  de  fubirune  femblable  ièan- 
ce.  Je  tne  repcefetitai  le  jugement  dernier;  & 
,l2  crante  de  la  mort  avec  tout  fîm  appareil, 
me  ûilit  11  fon  le  cœur  que  j'allois  tomber 
en  defiullance,  lors  que  M.  dekRenîe,  qui 
s'en  apcrjBt,  me  ranima  ^ar  de  douces  parch- 
les,  anm  bien  que  Mr.  du  Bulffon.  Emhite 
■unHHilïïer  dilWbua  à  chacun  des  Juges  un 
Cahier ,  dans  lequel  aparemment  étoît  écrite 
la  copie  de  Cm  interrogatoires.  Alors  le  Prc- 
lident  l'interrogea,  fur  ce  qu'on  luîavoitde- 
mandé  dans  fes  intcrrogatoircs,qu'il  affirma 
véritables.  Lors  qu'il  élevoitnnpen  (à  voix, 
■.on  lui  iùîfoit  vilement  prendre  un  ton  plus 
bâsj  &  lors  qu'il  parloit  bas,  un  autre  Juge 
lAi 


tHTi^me  Jt  fa  SsfiiUt.  14J 
lui  eommandoit  de  prmdre  un  ton  plsS  haut. 
Il  y  en  eut  □□  i^uEIe  reprit  de  ce  qu'il  le  don- 
noit  trop  de  mouvemenr  en  gefticulantfnrfa 
&\ette.  Helas  dfi-îl,  MefrdgncurE ,  fi  vous 
me  l'ordonnei ,  je  me  jctteni  i  genoux ,  & 
je  me  proftemerai  même  levifagecontretcr- 
,  re.  Ce  terrible  aâefÏDi,  toCte  1  Wcn^lée loi 
témoigna  êtic  contente  de  fes  reponces  fit 
fans  lui  dire  le  fiiccer  de  fon  affaire  on  le  fit 
relever,  &  un  HutlTier  le  conduîlit marchant 
âreculons,  le  vlfage  tourné  du  cAcé  de  ièc 
Joges,  jiifqu'à  ce  qu'il  fût  hors  de  la  fale  & 
dans  l'ami chaid^e,  où  le  Major  &  faSequel- 
Ic  rattendoient,qiii  le  ramenèrent  dans  ma  ca- 
verne, où  il  me  fit  le  (fetail  que  je  viens  de 
rapoiter,  ûir  lequel  aoustaiiônflâmes  tout  le 
reâe  da  Jour  i  perte  de  viie  ;  c»  les  hauts  & 
\  bas  des  Prifanniers  font  étranges;  eaunmo- 
meat  on  pafTe  de  reiperanceâanetrifledefo- 
ladcm ,  &  on  flotte  încell&niiaeBt  entre  l'cf- 
■    j>oïr  &  la  crainte. 

Après  deux  uis  d'sfctar^e  &  de  mifêre 
rbeureux  moment  arriva ,  qui  devoit  termi- 
ner fes  peines  &  le  remettre  en  liberté  :  ce 
fiit  le  jeudi  x8.  Septembre  fur  les  f^t  heures 
de  matin  que  te  Major  Tint  lui  dire  de  B'ha- 
trilkr  &  que  fa  Itbené  étoitventîe.  llpriatrès 
îiiÂamment  ce  fobre  Oficier  de  lui  dire  quel 
étoit  fon  jugement,  &fi  on  lerenvoioitchez 
hii,  ou  à  la  grève;  ii  lui  dit  que  le  Gouver- 
neur lui  en  alloit  dire  des  nouvelles.  Je  pris 
congé  de  luiteElarmes^uxyeuT,  nefçachant 
pat  quel  étoitfon  jugement.  Nôtre fe|^ation 
iut  xullî  tendre  qu'elle  eût  pik être,  iinousa- 
«ions  toujours  vécu  enièmble  dès  DÔcre  en- 
■    G  a  fttt- 


.--„Googlc 


I4$  L'Inqttifition  Fraufaifi 

faitcâ  dans  une  pariante  union.  Un  quart 
d'heure  après  qu'il  fut  font,  Ru  vint  prendre 
fon  manteau,  qu'il  avoir  oublié  dans  ma  chmn- 
bre,  &  ni'affura  que  Mr.  Falourdet  avoir  la 
liberré  de  retourner  chci  lui  yvivre tranquil- 
le, ce  qui  me  donna unegrandeconfolation. 
J'en  rendois  grâces  àDicu,  lorfquefurles 
huit  heures  du  matin  le  Major  vint  me  dire 
de  ploier  tout  mort  bagage,  &  qu'il  m'alloit 
conduire  dans  une  des  Chambres  de  lafialtil- 
]e.  Je  ne  me  le  fis  pas  dire  deux  fois,Ru  qui 
l'accompagnoir  &  un  autre  Portccleft  Ce  faî- 
lirent  de  mon  bagage.  Je  montai  tout  au  haut 
de  la  Tour  ;  mais  quel  fut  mon  étonnement 
quand  au  lieu  d'une  Très  belle  Chambre,  j'en- 
trai dans  une  Calotte.  C'ell  une  Chambre  oc- 
togone, dont  huit  arcades  qui  aboutiiTent  en 
calotte  occupent  la  plus  grande  partie  ,  en 
forte  qu'on  ne  peut  fe  promener  qu'au  milieu 
de  la  chambrei  &  qu'on  a  peine  à  inettre  un 
lit  de  camp,  dans  les  intervales  des  arcades. 
Il  y  a  une  avant-grille  devant  la  fenêtre  au 
dedans  de  la ,Ghamtire,quî  eft  dclahauteurde, 
cette  Chambre;  elle. empêche  qu'on  ne  puiflè 
approcher  de  .diï.  pieds.,  qnifontl'épaiflèurdu 
mur,  de  l'autre  grille  qui  efl  .pofée  au  dehors 
de  la  muraille,  ce  qui  borne  extrêmement  la 
vile,  fans  quoielleferoitd'unevafteétendiie,. 
car  malgré  cet  oWlacle,  on  découvre  une 
grande  partiede  Paris ,  on  voit  bicaavant  dans 
larijj  de  St.  Antoine,  comme  auffi  les  Tours 
de  Nôtre  Dame,  les  Invalides,  &  encore  bien 
su  delà.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  incommode, 
t'eft  qu'en  Eté,,i!  y  lait  une  chaleur  exccffi- 
ve,  &  en  hyver  un  froid  inTupoitahlo.  Tou-? 


.--„Googlc 


.--„Googlc 


■  -,Googlc 


ùH  fHîJioire  de  U  BaJiUJe.  I49 

téis  les  Calottes  font  faîtes  à  peu  près  de  la 
même  mahiéie.  J'ai  étédanscdIedelaTour 
du  Coin ,  qut  eft  tout  à  fait  femblable,  excép- 
té  fes  ¥ués:  celle-cy  regarde  le  Soleil  Icvaut, 
Si  l'autre  le  couchant. 

ans  cette  Calotte  un  Jeune 
Lir  fon  lit,  envelopé  dans  une 
e  de  fatin  raî^  doublé  de  taffè- 
lit  fort  fâle,  &  ne  branla  pas 
nous  entrâmes  dans  la  Chaîn- 
ai au  Major  fic'étoit  tàleplus 
la  Bailillc ,  comme  il  me  IV 
lui^   Monfîeur,  me  dit-il,  & 
oudroientbieny  être,  n'ylbnt 
:iixquiyfont,  luirepondîs-jc, 
1  n'y  itre  pas.    Je  ne  fus  p.is 
■  qu'il  ne  m'avoit  pas  accufC 
beauté  de  nôtre  Chambre ,  car 
ar  la  première  fois  qu'il  eût  dit 
ois  déjà  tontaccoutumé  à  l'eii- 
;   Tous  les  Officiers  faifoient 
edeteftable  vice,  pour  mieux 
'ère  du  menfonge. 
'eurent  enfermé  avecmon  nou- 
veau Compagnon ,  &  «3ue  je  mevisfeuiavec 
■lui,  je  fus  l'embtafferfurfoniit,  d'oùilnV 
voit  iàît  encore  aucun  mouvemeat.  Il  fe  le-    . 
va,  &  me  fit  voir  on  grandjeune  homme  bien 
fait  de  dix  neuf -à  vingt  ans  ;  mais  fort  trifte  & 
deifaît.  Je  connus  bien  qu'il  et  oit  étranger  je 
lui  demandai  d'où  il  étoh,  mais  il  ncmc  répon- 
dit que  par  un  cariiet  iierftan  ,    ce  qui  me  fit 
conjeûurer  qu'il  étoîtAlleman.  Je  lui  demaii-- 
dai  en  marnais  Hollandois,  que  j'entendois 
alors  un  peo ,  de  quel  Canton  d'Allemagne 
G  J  il 

u,:,-,zf--„GpOglc 


rîO  Vlwfuifitiott  Frmfeife 

S  6toîc  ;  il  me  rqiondit  qa'il  étoit  de  Leîpfic 
en  Saxe  :  Je  lui  parlai  iktiD  ;  il  me  iqiliqaa 
âans  la  même  langue  ;  il  Ce  trouva  mfine 
qu'il  fçavQiE,  ftuûi  bien  que  moi,  un  peu  ]8 
^gue  Italienne.  Je  ne  fîis  pas  long-temps 
fans  connoître  que  cVtoit  un  fort  joli  hom- 
me, &  d'un  mérite  diftineu^.  Son  nom  étoit 
GhriHîea  Henri  Liuck ,  Fils  dtin  Medecif) 
trËs  Puinàu't  &  riche  de  la  Ville  de  Leipfic  : 
Il  me  laconit  pai  quel  malhcnt  il  étoit  ton^ 
bé  dans  ce  funcile  &  mi&rable  abyme.  Son 
Fere  qui  l'aimoit  tendrement,  :^re$  fes  étu- 
des l'ayoit  envoie  dans  toutes  les  Cours  d'Al- 
lemagne :  on  lui  avoit  taitac  trouvé  tant  de 
mérite  dans  celte  de  Wiitemberg ,  qu'on  l'a:- 
Toit  retenu  auprès  de  S.  A.  S.  Madame  U 
Dnchcûè  Régnante  pour  Stte  Ibn  Médecin, 
iafcience  farpsiTant  làjeanellèXabeautéd'a- 
ne  jeune  Languedocienne,qui  étoit  aàpràsdc 
cette  Princeflc  ,  pour  lui  aprendre  la  langue 
Françoilèf  attesarit  fon  jeune  cœur  pour  la 
^emiére  fois.  £lle  étoit  favorite  de  la  Du- 
cheHe  ;  nos  deux  jeunes  Commeulàux  ne  fu^ 
tent  pas  loi^tenips  fans  s'aimer.  L'Amant 
écrivit  à  fon  Fere  pour  obtenir  la  permiJiîon 
d'époufer  cette  aimable  Demoifclle,  qui  s'ar 
pcUe  Marguerite  de  Vicqae  de  Montpellier , 
que  les  troubles  de  la  Religion  ont  faitfortir 
âe  France  :  elle  eft  Nièce  &  Héritière  du  fa- 
meux Mr.Troiiillon  Doâeur  en  Médecine, 
tefugié  à  Bâlepoui  le  m^mefujet,  dcqui  el- 
le jeîpeic  de  grands  biens  ,  -  puifque  c'cll  un 
bomme  très  âgé ,  fort  riche,  &  fans  Enfants. 
I/c  Peie  de  Mr.  Linck  jugea  qu'il  étoit  trop 
Jeune  pou.  fe  mvicTi  &  quoi^^'îLaprouvit 
fore 


.--„Googlc 


fbrt  le  choix  judicieux  de  fon  Fils  ,  il  lui 
confeilla  de  voir  la  France  au  l'Italie  à  Son 
choit,  &  même  toutes  ces  deux  charmaates 
parties  de  l'Europe  avant  que  de  s'étaiblir.  Le 
délit  d*a{)teiidre  la  lanfueFian^oilè,  poiulè 
minix  uire  entendre  de  lÀMaittellè,  lui  fit 
commencer  par  la  France.  Il  vintlogcràPa- 
ris  chei  Mr.  Chuas  Apothicaire,  âts  dufea 
célèbre  Moyfe  Charas  Doâeur  en  Médecine»' 
riic  des  Boucheries  au  Faux-bourg  St.  Ger- 
main, quiautrefoisademeuréchezMr.LJnck. 
le  Père  à  Leiplic,  car  il  eil  Médecin  &  A-, 
pothicajre,  ces  deux  ptofeiEons  étant  fou- 
vent  conjointes  en  Allemagne.  CeJeaneSa^ 
xon,  alloît  aux  Ecoles  de  MedecineàParis, 
pour  fe  peifeâiooner ,  aufll  t»eii  qu'aux  Hô- 
pitftux  ,  au  Jardin  roïal  des  plantes  ,  &  Aûi 
autres  lieux  d'allèniblées  qui  concernent  cet 
Art  I  &  failbit  les  Exercices  d»as  cette  fii- 
p«rbe  Ville ,  lors  qu'on  ie  vintavenïr  de  for- 
tir  du  Royaume ,  où  il  nVtoit  pas  en  feureté, 
pai  le  trouble  que  la  mort  du  Roi  d'Eliragne 
mettoit  eutielaMaifcuid'Aluric^&laFraa- 
ce.  Oed  ce  qui  fit  refoudre  Mr.  Linck&let 
autres  AUemans  qui  étoient  de  fa  conuoif- 
fànce  au  retour  de  la-  foiredeBefons,  oikilt. 
avoient  été  fe  divertir,  d'aller  à  Verfàilles: 
trouverM^DicBelk-Soeurdu  Roi,  ftPro-- 
teârice  genereufe  de  là  Nation,  pour  la  fup->- 
plier  de  leur  fa&e  counoître  li  ils  potivoient. 
lefter  en  feurettf  à  Paris.  Elle  leur  ât  entea- 
dre  qu'ils  n'avoient  lïen  à  craindre  ,  maiS' 
que  pour  plus  grande  aâiuance  elle  voaloic 
le  içavoir  au  ^oiméme,  &4ans  le  moment 
elle  fut  le  trgHver  pour  ce  fujet;  &  peu  de 
G  4.,  tenq>S' 


rj»  Vlnquifiûom  Franfoift 

temps  après  elle  revint  leur  protcflcr ,  qa'ilt  • 
rftoient  les  Maîtres  d'y  demeurer  fccrement, 
&  qu'elle  les  feroit  avertir  de  U  part  de  S. 
M.  quand  ils  dcvroientfe  retirer.  Cependant 
dès  le  lendemain ,  fans  attendre  pluHoin ,  a- 
près  leur  retour  de  Verfàilles,  ilsfiirentpoai 
la  plus  grande  partie  arrêtei  à  Paris.  Hnît 
jours  auparavant  Mr.  Anchiiz ,  aniïi  Saxon, 
k.  quelques  autres  Allemands  avoient  déjà 
tti  emptifonnés  ;  mais  ceux-ci  croioientque 
c*étoit  pour  d^s ,  &  n'en  prenoieni  aucun 
ombrage. 

'  Ce  mt  le  5.  Septembre  jour  de  la  naifl^- 
ce  du  Roi  deFrance,  que  for  les  quatre  heu- 
res du  matin  on  vintfrappcràlaportedeMr. 
Linck  ;  il  ouvrit  &  fiit  riirpris  de  voir  entrer 
trois  ou  quatre  viTages  inconnus,  &  de  très 
mauvaife  aparencc,  qui  lui  demandèrent  fi  il 
»e  s'appelloit  pas  Mr.-  Linck  &  iî  il  ne  con- . 
Hoiûbft  pas  Mr.  Anchits;  il  leur  fit  entendre 
par  Mr.  Charas  qu'il  fit  monter  qui  il  étoit , 
&  la  relation  qu'il  avoit  avec  Mr.  Anchits  ; 
ils  lui  dirent  qu'ils  vcnoient  de  fa  part  loi 
propo&r  que  comme  Mr.  Anchitz  luidevoit 
de  l'argent,  qu'il  lui  avoit  prfté  depuis  peu , 
&  doiit  il  ne  lui  avoit  donné  aucune  recon- 
noiflàace ,  il  defiroit  -lui  en  donner  des  aflii- 
nuices  pour  s'en  faite  païer  par  fes  Parents  ; 
ft  n  il  ne  vouloit  pas  bien  inciter  en  Caroflè 
avec  eux  pour  l'aller  trouver  pour  ce  fujet. 
Ils  avoient  apris  de  Mr,  Anchitr  Prifonnier 
depuis  peu  à  la  Baftilie  ces  particularitei  qui 
firent  le  malheur  de  Mr.  Linck.  Lui  qui  ne  fe 
doutoit  pas  du  piège  que  ces  Filoux  lui  ten- 
doicot,  leur  témoigna  qu'il  étoît  près  de  les^ 
Où,-* 


-  fiiivrc;  Ilfiit  fort  étonné  dcvoirqu'ilscont* 
menccrent  par  faire  rinventairc  de  fits  meu- 
bles, &  de  s'en  mettre enpofleffionenmén» 
temps  :  après  quoi  ils  le  firent  dcfcendre  & 
monter  en  Carolfe.  Mr.  Charas  voîoic  cet- 
te injuflice  avec  douleur ,  fans  ofer  s'y  oppo- 
iev.  Si  tôt  qu'il  fiit  entré  dans  le  caroftc  on  le 
ferma  de  tous  les  cotez  fans  ylailTeiquetrès 
peu  de  jour.  L'Exempt  étoit  à  ùl  droite  dans 
le  fond;  deux  pooûèculs  furledevam,  &Ies 
aatrcs-fiir  le  derrière,  &  à  côté  du  Cocher  , 
car  il  y  enavoit  plufieurs  qui  étoieni  rcflez 
dans  la  riie  devant  la  Maifon  de  Mr.  Charas.  - 
liors  qu'ils  tinrent  leur  proie,  ils  firent  tou- 
cher promptranent  au  funeflc Colombier,  où 
en  dcfcenaant,  ils  nemanquerenupas  d'cJj- 
ferver  la  ceremonîedc  lui  mettre Jeur  chapeau 

.  devant  le  vifage.  Ainlidonc-à  tâtons-,  fuis 
fçavo»  où  on  le  menoit ,  il  fut  conduit  dans 
le  gîte  où  nous  étions  tous  les  deux,  &donc 
j'ai  déjà  fait  la  defcription.  Il  itoit  environ 
Cn  heutes  du  matin  lorfqa'il  entra  dans  cat 
antre  épouvantable  ,  où  il  n'y  avoii  aucun 
meuble  ;  pas  même  une  pierre  pour  s"airoir  , 
&  on  l'y  laiflà  enfermé  jufqu'à  onze  heures 
du  foir,aptci  avmrpris  tout  fon  argent,conl)-  . 
fiant  en ■««. louis ,  trentcécns  ,  &  une  latte 
de  crédit  fur  Mr.Tourton  banquier ,  quanti- 
té de  pieferies  qu'il  avoir  fur  lui,  toutes  fes 
hatdes  ,  &  tourné  toutes  ft-s  poches. 
■  II  eut  pendant  ce  temps  beaa.fàlre  des  re- 
fieiions ,  dontpasunenetouchoit  au  but, car 
il  ne  fçavoit  où  il  étoit.  Enfin  accablé  de  laffi- 
tude,  dc&im',  &defommeil,  ilafTemblaa- 
vec.tcs  mains  &  fes  pied;  tout  lefiiatier  de 
G  j;  fon. 


]  j4  VJâ^iî»»  FrdKfeift 

ibn  redait ,  dbat  il  fc  compofa  un  espèce  dq  , 
&;  il  fe  depoailU  de  Ton  juAuicoips  qu'il 
mit'  deilôt ,  mit  foa  chapeau  couvert  de  ia 
fcTTuqnr:  pour  lui  fervir de  chevet,  s'eiivelo- 
fat  la  t^  de  foo  mouchoir  &  fc  coucha  ea 
Tcfte  fur  cedurgrabat.  llcommençoitàroniT 
SKiller  lors  que  fur  les  onze  heures,  il  en- 
tendit, braire  lesTciTOtUt  dont  le  tiatamarre 
^Kiayantabic,  lui  et  croire  qu'il  alloit  voir 
Aitrer  tous  le&  Diablet  daf»  fà  caverne  :  mai) 
u  &  remit  un  peu,  voiant  qu'il  cnétoitquît- 
Ijc  pour  voir  entrer  Ru ,  qui  n'étoit  guert 
^loins  hideux,  ppttaiit  une  table  &  une  chai-. 
ts  avec  une  chandelle  allumée,  fuivi  de  deux 
autres  homin^s  chargez  de  molles ,  conûf- 
MntSj  en.irn  lit  de  langlçs,  unepaLUaSè,  uo 
matelas ,  un  travers  de  lit,  deux  coasetturcs 
^cox  draps.,  &  deux  fervieties,  le  tout  tout. 
■enf  ;  &  le  Capitaine  des  portes  portant  foa 
£>upév  comppfé  d'un  morceau  de  mouton, 
.fbty  &oid&  d'un  pain  blanc  d'une  livre.  Ru 
l'étant  déchargé  de  ce  qu'il  ponoi» ,  aoflî 
hien  que  les  deux  hommes  qui  l'accompa- 
ghoicnt,  ils  retournèrent  quérir  une  bouteille 
^vindedèmyfeptîer,nnecruchepIeined'e3t^ 
«ne  cuiller,  une  fourchette,  une  Ïftl1iére,na 
petit  couteau ,  un  verte,  on  chandelier,  &un 
pbt  de  chambre  de  faïance ,  le,  tout  auSi  tout 
lieuf.  lis.  lui  parletcot  &  il  leur  parla,  mais 
comme  ils  ne  s'entre  entendoient  pas,  ceiaex- 
droit  Ru  à  rire  de  tout  fon  cœur.  Us  rcfer-. 
merent  les  portes  fur  lui  ^  ^irès  lui  avoir  aL; 
lamé  une  chandelle.  ' 
'  Comme  il  n'avoit  ni  bû,  njniangédetou-. 
tiç  la  joarnée,  laptemi^ic  cbofequ^ljfit,  fut, 
'  '  dp; 


de  couvrir  là  tible,  de  «'y  aflbîr,  A  d'y  fl»»,- 
Torcr  Tes  viânaillcs ,  cC  qui  Ait  tHcnt^tclP^  ' 
dié  ;  aprèsqnoi,  ilfitfongrid>at,  t'ycoucaa|- 
&  dormit  de  toute  fon  ame.  11  étoiteofeveli  ■ 
daos  UR  profond  fommeii ,  tocfquc  fut  les.- 
trots  tieares  du  matin  il  fut  tev^Ué  pariia> 
bruit  épouvantable.  Il  y  avait  quelques  te- 
jouiQïmces  en  campagne ,  qui  firent  tirer  1»  ' 
Canon  de  laBaflille,  &  les  Boëtes  qu'en  ce 
temps  là  ,  &  longtempt^ièt  l'on  rangeoit. 
far  la  plue  forme,  d'où  on  les  a  deCcendiies,- 
dans  la  fuite  dans  le  Jardin ,  paioe  qu'elle  ' 
crevoicot  letVoateSt  comme  elles  firent  C(t- 
matin  la,  que  le  pa^yre  Mr.  iJinckcnpeulÀ 
être  tué.  Lc-C^onronloit  fm  fàiâte;  en-: 
tre  eux  il  a'ya'Voit  que^l'épajlfèuidâlavoute^: 
Xieg  Boc'tes  par  leur  eâoTt  creyerent  cette 
Toute  droit  lùr  la  tête,  &  firent  tomber  à  ua- 
pied  de  fan  lit  une  quantité  prodigieulc  dq - 
{verres..  Je  Uiflè  à  penfer  quelle  fut  la  peut - 
4*un  Jeune  Hcraune,  qui  ne  fçavoit  où  il  é- 
toit,  qui  enteodait  tont  le  fracas  desBoëtes, . 
ft  du  Canon ,  ,&  qui  fe  crut  enCeveli  fous  \'éi  • 
bouicment  de  fa  Caveroe.  Il  m'a  juré  depuis  ' 
qu'il  crut  qu'on  alloit  le  faire  iÀutcrcn  l'air, . 
puce  qfa'il  étoi't  Saxon  ,  dont  le  Duc  avojt  : 
éti  declaté  Roi  de  Pologne ,  par  prcferenc*  - 
à  Mr.  le  Prince  de  Conti.  Sur  les  fept  heu^ 
res  on  lui  aporta  un  pain  &  demy  feptier  d«  -' 
vin  :  il  fit  voir  à  Ru  les  pierres  éboulées ,  qui  '■ 
«voteiit  manqué  d'écrafer  fon  lit  :  mais  Ru  n« 
r^iondit ,  qu'avec  de  grands  éclats  de  rit*.. 
Enâaiidcmeurafaiisfçavpiroùilnoit,  ni  ce  ; 
(^'on^lni  vouloir  jufqu'à  l'oqiieme  de  Sep- 
ttmbre ,  qu'on  lui  amena  pouf  Comp^gnoa  ^ 
G  6-  le^ 


.--„Googlc 


Ipï  I^n^K^thn  Françeîfe 

le  nommé  Varin  de  Rennes  en  Brewçne  , 
gros  homme  alTcz  bien  Mt ,  &  qui  étoit  un- 
dès  Commis,  de  d'Argenibn,  dont  J'ai  déjà' 
parlé ,  pourfaivi  pout  la  friponnerie  tàiic  en- 
Faffaire  de  la.  recherche  des  Nobles ,  &  au- 
quel 11  l'on  avott  rendu juilice,  on auioit fait, 
nirenne  perilleufe  c^riole.  Il  avoit  été  Com- 
ftiisdeMr.  Pullbrt.  Il  apritàMr.Lînck par- 
ce qu'il  fçavoit  parler  laîin  ,  qu'il  étoit  à  la 
BaHîllo,  que.  le  Canon. qu'on  avoit  tiré  letf. 
du  mâme  Mois-  étoit  en  a^îon  de  grâces  de 
quelque  viâôire  qui  i^iareouncnt  avoit  été 
remportée  par  les  François ,  &  qu'indubita- 
blement on  l'avoic  arrêté  par  ce  qu'il  étoit  é- 
tranger,  &  que  la  guerre  étoit  déclarée  entre 
I^Ëmpirs  &i  la  France.  Dans  les  convcrfa- 
âons  qu'ils,  eurent  eoTcmble,  ^Ar.  Linck  fit 
tonnoître  à  Varin*  que  la  chofc  qui  lui  fai-. 
foit  le  plus  de  peine  ,  c'éioicune  MaitreU^ 
qu'il  avoit  laiuée  ii.Stoutgard,  qu'il  aimoic 
pajiîonnément  :  it  luifit.voirunebaguequ'eK 
lè  lut  avoit  donnée  daq^  l'aneaa  de  laquelle 
elleayoit  f^i  graver  Ion  nom  ^  &  qn'ilavoit 
dérobée  à  l'avarice  de  fes  detroullèurs,  parce 
qu'il  la^iortoit  toujours  attachée  fur  fôn  cœur. 
Varin convoita  la  bague,  qui  félon  fes  bons  . 
principes  en  valoitb>en  lapetne,  &levoiant 
^rt  delireux  de  faire  fçavoir  de  tes  nouvelles 
ï  Stontgard  à  fa^  MaiirefTe  &  â  fon  Père  à 
Ijcipfic,  poiu  lequel  iî  avoit  une  vénération 
toute  paiticuliére ,  il  lui  piomi.t.de  leiirécri- 
re  à  tous-deuï  le  jour  quîit  lèroitXorti^  & 
qu'il  leur  enfeigneroit  les^  motens^c  lut  procu- 
rfr  fa  liberté  ;  mais  que  comme  il  craignoit 
(tout>Uei:  le  nom  dç  MadMe  V  icque ,  qui  é^ 


.--„Googlc 


tu  rBifloire  de  laBaJiiîk.  Iî7 

ttrft  gravé  dans  la  bagne ,  il  étoît.  néce/Taire 
qu'il  la.lui prêtât pout  s'en  fervir  â  mettre  fou 
âdreire  for  la  lettre  qu'il  lui  devoit  écrite  ;  & 
que  dans  te  moniem  qu'il  auroit  fa  Itbené  , 
à  laquelle  il  alloit  travaillrt  inceflàmment  , 
il  lui  reodroit  fa  b^uc,  dont  il  faifoit  une  fi 
grande  eflime,  à  caufe  de  la  main  qui  la  lut 
avoit donnée:  Mr. Linck  qui  auroit  accordé 
fil  peau  pour  faire  fçavoir  de  fes  nourdles  % 
foa  Perc  &  à  fa  Mairrcfle,  &  fortir  de  l'hor- 
rible gouffre  où  il  étoit ,  donna  fa  b^e  à. 
Variii,  mais  je  doute  fort  qu'il  le  foît  acqui- 
té  de  fes  commiôioBs  ,  &  encore  plus  qu'il 
ait  rendu  la  bague  à  Mr.  Linck  après  qu'il  a 
il€  mis  en  liberté. 

Varin  fut  jugé  le  même  jour  que  Mr.  Fa- 
lourdel-,  maïs  loin  d'avoiier  ingetiiiement  à 
fian  Ccréfipagnon  qu'il  avoii  étémisfurla  fel- 
lette,  il  fit  entendre  à  Mr.  Linck,  que  Ces 
Jnges  ne  l'avoient  fait  cntrerdansleuraffem- 
blee  que  pour  lui  faire  de  grandes  eicufesde 
se  qu'on  l'avoit  retenu  fi  long-temps  Prîfon- 
Bter.  Cependant  le  Major  nous  dit  aprèsqu'il 
en  avoit  été  quitte  pour  être  banni.  Ce  qu'il 
y  a  de  particulier  ,  c'«ft  que  pendant  tout  le 
temps  que  ce  Varin  fut  à  la  ÊaÛille,  on  eut 
pour  lui  des  égards  tout  eitraordrnatres  :  il 
liu  nourri  délicieufement.,  on  lui  fervoit  du 
gibier  le  plus  an ,  les  mets  les  plus  delîcats,le 
vin  le  plus  exquis,  on  le  promenoit  tous  les 
jours  fui  la  terrallè  &  dans  le  jardin ,  pour 
quoi  ?parceque ce-criminel  apartenoîtà d'Ar- 
ceDlbn,daus  le  temps  qu'on  donnoitdabœul^. 
dont  on  avOit  eiprimé  le  jus ,  à  Mr.  Falour- 
4ct  mQuCompagnoainnoecQti  EnfiaceVa< 

Gl  7  a» 

u,:,-,zf--„GoOglc 


Ij8.  UInquifi^Q«Framf<ttft 

ria  fottït  le  17.  M.  Falourdet  le  »8.  joum* 

quel  je  fus  mis  a,vec  M.  Linck. 

Le  premier  fervicc  que  me  rendît  Mr. 
Linck  ,  fut  de  me  couper  la  barbe  avec  de 
vieux  cifeiux  tout  rouillez  qu'il  avoit  trou- 
vez daos  la  poulTiéie  de  fon  réduit,  quilàat 
doute  n'4voit  pas  ballaié  depuis  deuxoa  trois 
ans.  L'on  ne  m'avoit  pas  râfédepuisquej'é- 
tois  \  la  Bannie ,  ce  qui  faifoit  que  mabarbe 
me  fervoit  de  Cravatte;  Il  me  lacoupaavec 
tant  d'adreflTe ,  qu'il  auioit  été  diâcile  à  un. 
habile  Barbiec  de  le  iâire  plus  proprement  a— 
vec  un  bon  rafoir^  J'ai  déjà  fait  connottre. 
que  ce  pauvre  £t)£iat  avoit. été  mis  à  la  petite, 
bouteille,  &  comme  par  confequent  il  Àoîti- 
la  petite  portion,  je  lai  enfeignaile  feactde 
ft  faire  mettre  à  lagtoûè;  car  quoiqueje  me- 
filTe  un  plailîr  de  lui  faire  paît  de  mon  vin  , 
&  de  ce  qu'on  me  donnoit  de  mpins  inau~ 
viis,  comme  quand  ou  me  fervoit  despîtez. 
ou  quelque  cholë qu'il  aimoit,qaeietrouvois- 
la  manière  de  lui  faire  agtéêr;  même  malgré  ^ 
loi,  il  luiétoitdeladerniéreconfequeacede 
lai  faire  accorder  le  gros  ordinaire.  Ilppih-- 
voiE  reJler  long-temps  à  la  Baftille  ;  eneSet, . 
il  fçait  bien  que  fans  qwi,  il  y  teroit  encore-' 
comme  la  plupiut  des  autres  AUeinaods  : 
nous  pouvions  être  fepam  ;  c'étoît  donc  ua 
coup  (îe  partie  de  l'anacher  d'une  miféieqoi- 
.  pou  voit  durer  longtemps.  Il  m'avoit^ùtea- 
toidre  qu'il  étoitpuiilàmment riche,  comme- 
en  eflet.c*étoitJa vérité:  jeluiconieillai donc 
<te  donner  cinq  écui  à  Ru;  ,il  leâtavecplai-' 
Sr  ,  &  Ru  en  aprit  la  nouvelle  encore  avec 
()W  de  joie;^  pf>urnout-ea  ^moisoer  fa- 


.--„Googlc 


M  rUiJMrêiUUBaflUU.  159 

rccoMKHffiutce  ,  il  tioas  arertit  (ja'II  fidloit 
gagner  Corbé  ;  (]bc  comme  il  étoit  enréoie- 
ment  iotéreiTé ,  &  que  Mr.  Li'nck  avoît  d* 
fort  belles  btgues ,  il  M\o'n  qa'il  lui  en  ftt 
pieAnt  d'uoe  ,  &  que  dam  le  moment  non 
feulement  on  lui  accotderoit  la  gioQc  por- 
tion &  la  gr<^  bouteille  ,  mais  encore  que 
Corbé  nous  mettroitdaasIaplasbclleCham- 
bre  delaëallille,  &  ooos  obtiendroit  defon 
Oncle  la  liberté  de  faîr*vcnirde  H  Villepour 
ndtie  argent  toutce  que  nous  voudrions.  Mr. 
Xiinck  y  confentit  de  toM  fon  cœsr  :  Ru  eut 
ordre  de  faire  montei  Corb^ànôtreCalotte, 
qui  ne  ic  le  fit  pas  dire  deoz  fois ,  aprenant 
que  cVioit  pour  recevoir  nue  grati^cationdt 
confec^acc ;  il  vint  dans  le  momant  ;  ilre* 
fttt  le  pjefent  en  fai^t  des-  reveisnces  qui 
vaa  £ient  croire  qu'il  s'alloit  diUoqUer  tout  1« 
carps  i  malbeureafement  il  n'en  £t  tien.  Çt 
prefcQt  âott  on  parfaitement  beau  zaphirac> 
compagne  de  lix  diamants  le  tout  des  plus 
brillants.  Il  promit  la  grcHe  portion,  &  la 
g[u0ê  bootcille  «  &  Mr.  Linck  l'cnt  dia  le 
jour  même,  tnifii  bien  que  la  permiflion  de, 
Uir«  venir  de  la  V  il  le  tout  ce  qu'il  roudroit 
poHr  Ton  argent:  pourmoi,  on  médit  qu'il  mc 
^loit  uo  ordre  de  la^Cour  ,  &  commejenV 
vois  pRS  donné  de  bagues  quoique  Corbém*«i 
«t  escroqué  dans  la  fuite  aae  fort  jolie ,  je 
n'aijan^spuobtËnitce privilège.  Il  nousde- 
OUudauB  peu  plus  deC^ôips  pour  nousjnettre 
âans  une  des  plus  bcUes.Chamlxes  delaBaf- 
tille;  pacceqne,  nous  difoir-il.  poorenAifC 
îiiUa  ceux  qui  y  font ,  il  faut  que  je  preBO*. 
flpipa  tanp*P<Mui«w&ire  BJW  qnct^le  d'AlU- 


.--„Googlc 


itfo  LTnfuifitioM  FrdMfoiJé 

man  ,  &  le  faire  troaver  boa  à  mon  Oncle. 
Si  j'étcns  le  feul  maître  ici ,  tout  iroit  le  mieux^ 
du  Monde  ,  mais  je  ne  »is  pas  tout  ce  que 
je  veux  ;  il  s'en  feut  bien.  En  attendant 
demandez  moi  tout  ce  que  vous  voudrez;. 
tant  que  j'aurai  de  l'argent  à  vous  rien  ne 
vous  fera  refufiS  ;  &  vous  ferez  fervi  ho- 
norablement. 

En  eâ'et  aux  dépens  de  la  bourfe  de  Mr. 
Link,  nous  fîmes  uis  bonne  chère,  Pigeons^ 
Chapons  ,  Gibier  ,  Entremets ,  Patillèric  ,.. 
Deûèrt,  vin  de  Bourgogne  &  de  Champa^nej 
Ratafiats,  rien  ne  nous  manquoît.  Nous  ne. 
touchions  prefque  pas  à  l'ordinaire  de  laBafr- 
tillc.  Ru  faifoit  fôn  petit  compte  avec  nousj 
tout  le  mieux  du  Monde  :  cependant  il  defo* 
loit  Mr.  Linck  ,  quand  nous  le  voions  aa 
travers  de  nôtre  porte  manger  ce  que  nous 
avions  de  meilleur  ,  mais  principalement 
nôtre  patifTerie  ,  dont  lui  &  Ru  étoient 
grands  Amateurs  :  Ru  ne  preooit  {>as  garde 
qu'il  y  avoii  un  grand  trou  à  nôtre  porte ,  ■ 
par  où  nous  l'examinions  très  facilement. 
Si-tôt  qu'il  avoit  ouvert  la  première  porte» 
après -avoir  polîf  nos  plats  fur  la  fèciHid» 
marche  ,  nous  le  voïons  qui  enTsùfoit  la  rei 
vite  &  qui  engloutiHbt  en  un  moment  C9~ 
.qui  ^toit  le  plus  à  fon  apetit ,  &  qui  pour  en 
confoler  Mr.  Linck  ,  prenc^tunedenosbou-- 
teilles,  donifouvcnt  d'un  feul  trait,  fans  go» 
belet  ni  verre ,  il  vuîdott  plus  de  la  moitié, . 
&  nous  difoit  après  qu'elle  s'étoit  répandii» 
dans  la  montée.  Si-tôt  que  Ra  eut  ordre  d'a- 
cheter à  Mr.  Linck  tout  ce  qu'il  lui  deman* 
4eioît.,  .ce.<]uiiutfjùcâasieatiâi9a«  loifquc 
Mr. . 


.--„Googlc 


9MrBftoirtdtUB*ftilU.  i<( 

Mr.Tourtoa  fameux  Banquier  de  Paris  vint 
par  ordre  du  Père  de  Mr.  Linck  dire  aux 
Officiers  de  laBafiilIe  ,  qu'il"  répondoit  gé- 
néralement de  tout  .ce  qu'on  lui  donneroit, 
fans  limitation,  ainfî  que  Corbé  nous  l'affir- 
ma ,  Ru  dis-je  ,  plumoit  le  paUvre  Pigeon- 
neau d'une  manière  exhorbitantc  ;  il  lui  vou- 
loir faire  pafler  du  vin  à  fii  fok  au  plus  la 
bouteiilc,  pour  duvin  de  Champagneà vingt 
fols  ;  de  méchantes  pommes  ,  qui  auroiem 
rebuté  des  cochons  un  peu  délicats  ,  pour 
des  pommes  de  Renettes  ;  de  petites  châtai- 
gnes pourics  poui  des  marons  du  Mans  ,  de 
vieilles  Poulies  dures  pour  des  Gelinotes  du 
Cotentin,  ainli  detouteschofcs,  cequïnons 
obligea  à  faire  avec  lui  un  règlement  fort  ai- 
ceilaire  ,  &  qui  en  rempliflant  fon  avarice  , 
pouvoit  mettre  là  confcîence  en  repos,  fup- 
pofé  qu'il  en  eût ,  c'eft  ^ue  Mr.  Link  lui 
dit,  en  prefence  deCorbé,  qu'il  lui  permet- 
toit  de  lui  compter  les  chofes  le  double  de 
ce  qu'elles  valoîent  aux  conditions  de  Içs 
choifir  toutes  des  meilleures.  Corbé  trouva 
la  propolition  trop  avantageufe ,  &ttoprai- 
fon.iable  pour  ne  pas  prendre  ce  parti;  il  fit 
entendre  qu'il  s'acquiteroit  mieux  des  achapts 
que  Ru,  qui  étoit  trop  embaraHépourle  fai- 
re eiaâement.  Qu'il  laîfleroît  à  Ru  le  dé- 
tail des  petites  provifions  ,  pendant  que  lu) 
fe  chargeroit  des  groiTes  :  une  fois  il  ell  rai- 
fonnable  que  tout  le  monde  vive.  Il  nous  pro  - 
mit  que  dès  le  foir  même  il  nous'  envoiroit 
nne  douzaiue  de  bouteilles  devin  de  Cham- 
pagne ,  un  Dindonneau ,  fit  un  plat  de  Gi- 
bier de  fon^hoix  ,  &  qu'il  lailTeroit  à  Ru  le 
foin 


.-Xooyic 


If»  Vhi^mifititm  FrMtfetfi 

foin  d'acheter  leddlèrt,  qu'il  pretendoit  Jtr« 
tout  du  meilleui.  Il  s'acquita  ponâuelle- 
ment  de  fàpromcflè:  nouseumesdouïebou- 
teiilesde  vin  délicieux,  tel  qu'il  cq  croît  aux 
Ronl;eres ,  le  Gibier  répoodoit  an  boa  vin, 
&  pour  le  coup  Ru  acheta  un  très  bon  dcflert, 

Jiuoiqu'outré  d'avoir  vu  que  Corbé  l'avoît 
upplanté  dans  fa  principale  négociation  ;  fe 
flataift  fans  doute  de  lepaier  cette  diigrace  j  - 
la  première  occalion. 

Comme  des  jours  maigres ,  on  nous  don- 
noit  encore  de  très  bon  Poiflbn  ,  &'dc  très 
bonnes  légumes,  MrXinck  ne  faifoit acheter 
^ue  du  vin  &  du  deflert:  mais  il  y  avoît  na 
inconvénient  qui  defoloit  Mr.  Link  ;  c'eft 
que  Ru  avoît  un  Amienfèrmé  danslacham- 
bre  fous  la  nôtre,  i  qui  nous  entendions  fort 
diltinâement  qu'il  donnoit  tout  ce  que  nous 
,  avionsde  meillçur.  A  la  fin  laJKdece  ma- 
nège, il  lui  en  témoigna  fon  chagrin,  &  ]« 
pria  de  ne  plus  faire  le  libéral  à  nos  dépens. 
Mais  Ru ,  nous  dit  fort  naiVement  que  c'é- 
toit  un  Prifonnierquifçavoit  peindre  ■  &que 
commeîl  lui  avoit  feitpl'ufieurs  petits  tableau^ 
il  étoit  bien  juitc  qu'il  eût  de  la  reconnoit 
&nce  pour  lui- 
Dans  ce  temps-là  nous  découviimes  que  la 
fameufc  Mad.  Guyori  ,  fi  connue  pour  une 
des  plus  zélées  Partîfannes  duQuiétifine,  é- 
toit  dans  la  troifiéiue  chambre  de  nôtre  Tour, 
d'oùà  la  fin  fes  Paréos  qui  étoient  très  con- 
fîderables,  la  firent  forrir;  &  obtinrent  fa  li- 
berté aux  conditions  qu'ils  ne  la  laifleroîent 
parler  à  Perfonne  ,  comm,e  Ru  nous  l'affir- 
ma i  nous  avions  trouvé  le  fccretdc  l'huma* 


.--„Goi>glc 


Bifer  ;  en  adjoutant  aax  ptCfeott  Iréqnents 
des  âort  de  vin  &  de  ratifia:  il  ne  nous  ca- 
choii  rien.  I»  vimo  verùas. 

Si  Uiet  iit  vimc  Veritas ,  ut  carmina  dictait^ 
Iitvemh  vertim  Themje ,  vet  hrveniet.  ■ 

C'eft  ce  que  Mr.  Linck  Tçavoit  admirable- 
ment bien  pratiquer ,  à  l'aide  de  Bacchus  il 
titoit  les  vers  du  nez  de  nôtre  Satyre  ,  que 
nous  attendfilSoQs  allez  quelquefois  pour 
qu'il  noos  embraint  tout  deux  fletroittemcot, 
que  nous  avioni  occafîoa  de  nous  en  repen- 
tir pIuE  d'ua  quart  d'heure  après,  par  l'tafiec* 
tioa  do)U  ftt  baifers  étoient  accompagnez. 
Mr.Liock  à  quij'apreaois  à  parler  François, 
ce  qu'il  faifoit  avec  use  vivacité  mervcLIlen- 
,fi ,  lui  donnoit  la  queilioa  }  &  quand  il 
vcMt,jqn'ilfiùfi3it(liâc:*lté dévoiler,  unvcc* 
rc  de  vin  ou  de  ratifia  donné  bien  à  propof, 
cmpéchoit  Ru  de  perâder  dans  fon  âlence; 
cela  nous  a  produit  dans  la  foitte  de  grandes 
découvertes,  comme  on  pourralc  remarquer 
dons  cette  i^Aoire. 

Enfin  le  »\.  Novembre  i7oa.iin'minlian 
siaiin,  Corbé accompagné  deRheilhe,n&tre 
Oiirurgien  ,  viût  nous  auoncer  Ta^éable 
souvelle,  que  nous  allions  fortir  de-  nôtre 
,  Calotte ,  pour  entrer  dans  nne  des  plus  bel- 
les Chambres  delaBaQille;  nous  renremer^ 
cilmesdans  des  rennes  tout  des  plus  giadenx, 
&  fur  les  onze  heures ,  Ru ,  aflîflâ  de  deux  au- 
tres P(wte- clefs,  vint  prendre  nos  meubles 
pour  les  traafpoiter  dans  nôtre  apartementi 
oûCorbd  nous  ytot  condatre,  &  noos  VûSi 
fott 


.-„Goo.jlc 


I&4  L'Inquifition  Fra^feife 

ftwt  fatifws  de  nôtre  changement,  outre  qu'on 
me  donna  mon  linge,  qu'il  y  avoît  fii  mois 
que  Corbé  avoit  fait  venir  de  Vertàillcs-,  ce 
qui  me  fit  un  plaifir  indiciblcj  car  je  n'avoÎ! 
pas  changé  de  linge  depuis  mon  emprifonne- 
ment.  CorW  &  Ru  avoiem  leurs  Rations  pour 
cela,  carils  portoienttous  les  joursmonlin- 
ge,qui  leur  ^ifoit  honneur ,  &  qu'ils  me  ren-, 
dirent  à  moitié  nfé. 

Cette  Chambre  elt  une  des  plus  belles  delà 
Baftille,s'it  eft  vrai  qu'on  puifle  trouver  de  \i\ 
beauté  dans  une  Prifon  ;  c'eti  la  troifiémc  de  1ï 
Tour  ditte  du  Coin:  elle  efl  oâogone ,  com' 
me  le  font  prefque  toutes  les  Clîambres  det 
Tours  ,  haute  de  plus  de  tteîie  pieds  ,  ave<  : 
on  beau  plafond ,  fort  uni  &  fort  blanc  ;  lar- 
ge environ  de  vingt  pieds  fur  tous  les  fens  -. 
elle  a  une  grande  cheminée  qui  fume  rare- 
ment. Il  yavoit  autrefois  dcni  très-belles  croi 
fées,  mais  Mr.  du  Joncas  à  ce  que  nousdï 
Ru,  avoit  &ii  boucher  cellequiregardoitdi  : 
côté  de  la  Ville.  Oamontoitàceîle  qui  reft  ; 
ouverte  par  tiois  marches ,  depuis  l'estrémi  ! 
té  dcfquelles  elle  cft  eihaiiflée  jufqu'auplan 
cher  ;  le  haut  en  e(t  fermé  par  un  chaffis  ar  , 
rété  ,  &  le  bas  par  un  chaÂis  volant,  de  I: 
hauteur  de  fis  pieds  ,  que  l'on  ôte  &  rcme 
comme  on  veut ,  derrière  lequel  i!  y  a  troî 
grilles  de  fer  dans  l'épaiflêur  du  mur  ,  don  ' 
les  barreaux  font  de  la  grofleur  du  bras.  A" 
travers  de  ces  barreaux  on  a  une  très-bell  . 
viie  qui  regarde  fur  la  Porte&  le  Boullevai  i 
St.Amhoine,  bien  avant  dans  le  Fauibonr 
&  s'étend  à  droit  &à  gauche  bien  au  dclàd 
IgMaîAïQdes  Jeliiites,  qui  elt  d'ordinaire  1  ■ 
fc  ' 


.--„Googlc 


ùU  VHiJiQiTt  it  U  BaJUIle.  iSj 
iè,our  de  Plaifànce  du  Confeffeur  du  Roi , 
&  que  ces  Révérends  Pères  ont  baptifée  du 
nom  de  Mont-Loiiis  ;  foit  que  le  Roi ,  leur 
tit  fait  bâtir  cette  agréable  Maifon  ,  comme 
on  a  voulu  nous  petfuader  ,  ou  par  la  poli- 
tique de  cette  Société  ,  qui  fçaît  rafiner  fur 
tout.  Nous  avions  encore  par  cette  fenêtre 
la  commodité  de  voir  tous  ceux  qui  emtoîent 
dans  le  Jardin  de  la  Baftiile,  que  l'onapra- 
tiqué  fur  un  des  BouUevars  de  la  Porte. 

Si  -tôt  que  nous  filmes  feuls  nous  com- 
mençâmes ,  comme  le  font  d'ordinaire  tous 
les  Prifonnî«rs ,  par  faire  l'inventaire  de  nôtre 
Chambre ,  nous  trouvâmes  dans  les  cendres 
quelques  papiers  fignei  de  Mr.  Vidal  qui  con- 
cemoient  fes  aSaires,  &  qui  nous  firent  ju- 
ger par  leur  force,  qu'il  avoit  beaucoup  d'ef- 
prit  ,  &  connoître  qu'il  étoit  forti  de  cette 
Chambre. 

J'ai  déjà  dit  qu'il  étoit  embaraffé^dan  s '.l'af- 
faire de  la  recherche  des  Nobles ,  &  j'igno- 
re encore  comme  il  s'en  e(t  tiré.  Nous  fi- 
mesune  leâurc  exaÛc  du  Reçîftre  de  nôtre 
Chambrei  .&  nous  lûmes  pamii  quantité  d'au- 
tres Noms  de  Prifonniers  dont  je  ne  peux  me 
reffoûvenir,  ceui-ci.  Mr.Amonnet,  Calvi- 
niftc  ,  cette  ^ithéte  étoit  gravée  après  îbn  ' 
nom.  Polrel  Villeroy  de  Vaucouleur,  entré 
en  1689.  Beauchéne,  EcuverdeMr.  le  Prin- 
ce deCondé  ,  Jean  Syo  de  St.  Lo,  Potier 
Breflànt ,  Guilladme  du  Bois  ,  Lugiiî  des 
Coutures ,  Cahanel  de  St.  Lo.  Le  Marquis 
de  Cagnj' ,  &c. 

Apres  que  nous  eûmes  arrangé  nos  meu- 
bles ,  ce  qui  fut  biea-tôt  dépêché ,  &  fait  nos 
gra 


.--„Googlc 


if  6  L'ÏMqtùfitk»  FrjMfffife 

grabats  ,'  on  nous  apportu  n6tre  dla6  puéJùr 
blement  boii.  A  peine  nous  étions  nous  mi» 
à  table ,  que  nous  enteadiincs  ouvrir  nôtre 
porte ,  &  nous  vîmes  entrer  uti  homme  que 
Ru  BOUS  amena  dans  un  état  pitoïabte  ;  od 
ne  pouvoit  pas  le  regarder  fans  fréoair;  ilé- 
toit  tout  éguenillé  ;  Ton  chapeau  étoit  tout 
percé ,  &  a  peine  paroiflbit-i!  avoir  été  noir. 
Il  nous  dit  daiis  ta  fuite  qu'il  y  avoii  deux 
ans  qu'il  lai  fervoît  de  chapeau  &  de  bonnet 
de  nuit;  il  ne  lui  reçoit  plus  que  quelques 
cheveux  altafhez  à  [&  coefie  de  fa  perruque 
qui  étoit  &  ^àile,  qu'on  ite  pouvoic  en  dif' 
çtiner  le  miîeaa  :  il  nous  affirma  qu'il  y  a. 
voit  deux  aos  qu'elle  n'avok  peigné;  une  vieil- 
le manche  de  chemitc  toute  déchirée  luifat- 
Toir  de  cravatte,  &  étoit  blanche  comme  te 
predeoK  coi^s  de  la  cheminée.  SonjuÔan- 
corps  étoit  tout  en  lambeaux  quoiqu'it  fut 
foôiciiu  de  pu»  de  cent  pièces  .  ft  <chi»nifè 
aulITnoire  que^  cravatte fottoit  par  plusdit 
trente  endroits  de  fa  culotte  qm  n'en  «voit  - 
plus  la  fbrme ,  le  plus  grand  mOTceau  de  Cts 
bas  n'étoit  pas  plus  large  que  le  poace  ,  U» 
lèmelles  de  fes  ifoâiiers  toutes  percées  se  un 
noient  au  delTas  qu'avec  des  cordes,  &daiii 
'  laiùîtteaj'ant  eu  le  temps  d'examinerde  plus 
près  cçsideûiis,  nous  reconnûmes' qu'il,  n'y 
svoit  plus  nnfeiil  morceau  de  leur  première 
inflitution  ,  .  &  que  tout  étoit,  compofé  des 
dd>rîs  de  vieux  gands.  Tontes  les  pjéces  qui 
foûtenoient  l'économie  de  cette  machine  é- 
toicnt  cousUes  afec  du  fi!  dc.toutesfortcsde 
couUurs.  SoQVifage,  quoique  gros  &  bour- 
Xouffié  demifere^  éwil  Cuiné  &  déËût ,  & 


.--„Googlc 


-71         tr 


.ojlc     ^5^ 


■couvert  d'onc  barbe  moufle  &  grife  i  pea  près 
comme  on  peint  celle  de  St.  Pierre.  Si-tôt 
quenous  vîmes  cette  effraïantc  figure,  nous 
noas  écriâmes  d'étonnemeat,  en  demandant 

-à  Ru  cequcnous  vouloir  cet  Homme.  Mef- 
fieurs,  nous  dit-il,  c'eft  un  Compagnon  que 

.Mr.  le  Gouverneur  vous  prie  de  fouflrir  a- 
vec  vous  ,  qui  ne  vous  incommodera  pac 

Jongtemps.  ;  &  lui  connoilTant  bien  que  l'é- 
tat mifcrablc  où  il  étoît,  pourroit  nous  for- 
cera le  refufer,  prit  la  parole,  &  bous  dit: 
.Meffieurs  quoique  mes  habits  ne  fembJente- 

,tte  que  ceux  d'un  bandit ,  je  fuis  cependant 
Tin  honnie  homme  ,  &  li  vous  voulez  bien  , 
.me"  Ibuffriren  vôtre  Compagnie,  jefuis très 
.pcrfuadé  quevousn'enferez  pas  Hcheï,  ou- 
tre que  je  ne  vous  importunerai  pas  long- 
.temps,  pnifqne  je  dois  fortirdans  peu  dece 
terrible  lieu.  L'entendant  parler  fi  honnê- 
tement, Je  me  levai  pour  lui  ftire  civilité  ;  je 
i'embrafÉu  même,  Mr.  Lincken  fit  autant, 
,&  jeluiprefentai  unechaifc,  car  nous  ena- 
TÎons  trouvé  quatre  dans  nôtre  nouvel  apat^ 
.tement.  Ru  nous  protcfta  que  Mr.  le  Gou- 
verneur nous  fçauroit  très  bon  gré  de  nôtre 
.honnêteté  ,  prit  congé  de  nous  ,  &  referma 
,I8  porte. 

Nous  voulûmes  .faire  mettre  lïôtre  Con- 
captif  à  table;  mais  il  nous  dit  qu'il  avoît  dî- 
né; nous  leémes  aprocher  du  feu,  car  on 
nous  en  étoit  venu  allumer  un  fort  grand  u- 
.ne  heacc  après  nous  avoir  introduit  dans  nô- 
.tre  Chambre,  il  nous  jura  qu'il  y  avoitdeux 
.ans  qu'il  n'avoit  vu  aucun  feu  ,  ce  qui  nous 
Jferpnt  extraoïdiuairement ,  né  pouvant  pas 
croi~ 


.--„Googlc 


lit  UInfMÎfitnM  Franfvift 

croire  que  je  ferois  fept  ans  fans  aptochcr 
d'autrCKuquedc  celui  de  la  chandelle;  auSi 
avoit-il  toute  la  peau  des  mains  comme  des 
pleures  d'oignon  pourri.  Je  luiprcfentai  deux 
petits  pitcz qu'il  avalà  fans  mâcher  en  nous 
difant  que  c'écoient  de  bons  Kâteaui  ;  n'en 
aiant  pas  fenti  la  viande,  je  lui  fervis  de 
même  une  aile  de  poule  dont  le  pauvre  hom- 
me ne  6c  qu'un  article ,  &  but  trois  ou  quar 
trevcrres  de  vin  avec  une  avidité  extraordi- 
naire. Il  ouvroit  les  yeux  fur  nôtre  table, 
avec  un  étonnemcnt  qui  m'en  fit  deviner 
le  fujet,  ce  qui  me  fit  lui  di^mander  ce  qu'il 
avoit  mangé  à  fondiué.  Helas  !  reprit-  il  Mon- 
fieur,  un  peu  de  foupe  d'eau  bouillie  &  envi- 
ron deux  onces  de  viande  pire,  que  celle  qu'on 
domie  aux  Soldats  ;  il  y  adeus  ans  que  ces 
Meffieurs  ici  me  font  moudrde  ^m,  mais, 
je  fors  d'une  Chambre  où  il  y  a  des  Pri- 
foiiniers  plus  maltraltci  que  moi,  &  un  plus 
mifciable  cent  fois  puifqu'tl  a  perdu  fonef^ 
prit  ;  il  y  a  plus  de  fept  ans  qu'il  vcft  tout 
nud  fans  cheniife,  &  lans  un  bonnet  i  cou- 
vrir fa  tite,  St  C\  '^E  n'euflepas  tècouru  un 
pauvre  malheureux  qu'on  lui  avoit  donné 
pour  Compagnon,  il  alloit  éprouver  le  mô- 
me fort,  &  tomber  dans  une  terrible  frene- 
fie;  car  lorfque  j'entrai  dans  leur  Chambre 
il  en  avoit  de  dangcrcufes  atteintes. 

Lorfque  nous  l'eûmes  bien  fait  '  chauf- 
fer, &  plus  que  fuSifament  boire  &  mangée, 
.car  r.-ividité  avec  laquelle  il  le  faifoit  nous 
faifoit  appréhender  qu'il  ne  s'incommodât , 
&  que  nous  lui  eûmes  dit  en  peu  de  mots 
f}ui  nous  étions ,  nous  lui  demaadânfes  foa 
Nom, 


.--„Googlc 


e«  rUifliire  Je  la  BafiiUt.  tt^ 

Nom, celui  de  fa  Patrie,  &  ce  qui  le  redni' 
foit  au  pitoyable  ëtatounouslcvoiousrpoar 
làdsiàire  à  nôtre  cutiolîté  ,  voici  à  peu  près 
la  répoDce  qu'il  nous  fit. 

Je  m'apelle  Jacob  le  Berthon  ;  je  luis  de 
la  Ville  de  Chatelleraut,  en  Poitou ,  Fili 
d'an  fameui  Médecin ,  qui  nous  a  \^\Si  un 
bien  confiderable  pour  vivre  honorablement. 
Mon  Père  m'eovoya  étudier  à  Genève  dans 
l'eiperance  de  m'avancer  dans  le  Miniftére  ; 
car  nous  étions  de  la  Religion  Reformée. 
Mais  la  Perfecution  contre  nos  EgUlès  nou* 
aïant  pour  la  plupart  faXt  pa£Ièr  dans  les  Pa» 
Ëtrangers ,  je  lus  en  Hollande.  Je  me  ren- 
dis âlaHaye,  oùj'avois  un  Oncte ,  Miniftre, 
nommé  Mr-Orillac,  &  quantité  de  Parents 
alfès  accommodez  des  biens  de  la  Fortune. 
Je  CToiois  que  je  n'avois  qu'à  me  prerenterà 
l'Eglife  pour  être  fcçû  Propofaur,  ouà  mes 
Parents  pour  trouver  de  l'emploi  ;  mais  je 
trouvai  que  ta  charité  étoit  bien  refroidie, & 
que  la  Hollande  n'étoit  rien  moins  que  ce 
que  je  m'étois  figuré.  Après  avoir  frappé 
v»nement  à  toutes  les  portes ,  je  fus  contraint 
de  porter  le  moufqueti  la  faveur  demesPa- 
reus  s'étendit  à  me  recommander  à  Mr.  d'Où- 
werkerque,  dans  le  Régiment  duquel j'étôts 
entié  Soldat  parleur  médiation,  &  oùjede- 
mcurai  jufqu'à  la  JBataille  de  Fieurus,  Mr. 
outre  Colonel  s'étoit  jette  dans  le  Chttean 
de  St.  Atnand,qu'il  deôenditvigoureu&ment, 
mais  les  ennemis  aïant  pointé  douze.piecet 
de  canon  contre  cette  méchante  Place,  qu'ils 
avoient  environnée  de  toutes. parts  ,  &  où 
nous  nefûmespasJècOTinis,  ils  nou»  forcèrent 
H  à 


i  OMt  fCitdre  PriiÔDiùeis  de  Gticire.  Moa's 
f^mes  wtBoet  i  Tioye  en  Champagne  ,  où 
par  <ics  itdiiÛittDÎtez  inouïes  ,  on  dobs  con-^ 
traigoit  de  prendre  pani  àuis  les  troupes  de 
FrsQCt.  Je  fus  mis  dins  te  Regimen«  de  Sur- 
Itobc,  ,&  mmé  mqoaitier  d'hyver  ï  Aknçon. 
I^a.pieilUéfe  ftûsqnejc  piHkienrevâë,  mon 
IWDlunr  voulu  c}ae  te  Conunîttàire  ffit  un 
de  mei  Coafbis,  quim'û'?nt  reconna  nwtî- 
I»  des  rangs  y  it  msix  donner  inon  Congé. 

,  Csanao  Ja  ne  voulait  i^olnmcne  pas  i»e 
faite  de  \a,  Rel^îon  Romaine,  Je  convins  a- 
vec  ine&  Ft:c3es  d'une  penfion  aflëz  modique, 
avec  ht^ielle  je  me  retinû  à  Paris  ,  croïant 
ituciix  Ot'y  cacher  qa'eH  lieu  du  Roiaume. 
T^ais  une  hcueliè  chez  qui  j'avu>s  demeuré 
phiûeucs  aanôes,  qui  avoir  reconnu  que  j'é- 
toi&  dfi  bL{l.Blîgtoii  Rcfoiraée  ,  fur  un  faxtx. 
fonhcOB  qu*Blte  eut  que  }'avois  découvert  à 
foti  mari  qwetgB'intrigue  amourtsafe  qu'elle 
axQÎtt  allamsiienoncec  à  Mr.  DargeRfon,' 
.  (pii  me  âl  anjtec  il  y  a  un  peu  plus  de  deux 
aiis,  &  cuaduioe^ons  ce  ctueVGouffi-e.  Dès 
lea  pcanjei»  jqw<-  <]i>C  j'y  ^^  entré  on  me 
fatiicsadedunoar  deRetigtion  ,  avec  pto- 
iHei&  dâ  ji)»EeadM  Bta  libené ,  &demedon- 
noc  ut)  hop  oKiploi  :  mais^  le  Père  Riquelet, 
ni:  \e&  CtËcicf  t-a\uHU  pu  rien  gagner  fur  moi, 

caR.  Pvxa.  m^iant  fait  venir  devant  lut&ls 
GDQnuGtaeur,  pour  iliçavoir  ma  deraiére  ceK^u- 
t^GUL,  mctiouxafU'inébîanlable,  i]«s'empo'F- 
teceot  au  (kcnieE  point  contre  moi ,  ils  me 
chaflàrçai  du  Isaf-pj;«i«nce ,  en  me-proteilant' 
quejsn^  l£xor»pa»ieçdà  faire  mot)  abjura- 
tian  quaadtjcl&vQttdiois-,  &  me  âreatcoâ- 
dui- 


.--„Googlc 


.--„Googlc 


.--„Googlc 


m 

tt 
de 
II 


rit 

if- 


ris 
H 


de 


.--„Googlc 


XTS  L'ImfMffitfoK.frsiifQifi 

rctombei  eo  dc&illaace ,  quand  mon  pan- 
vre  Compagnon  enguenillé,  fe  prit  âme  coa- 
folcr  du  Ton  mieux  ,  &  me  fit  entendre  que 
j 'avois  belbin  d'un  grand  fond  de  patience  pouf 
ne  pas  fuccomber  dans  ce  lieu  de  delèfpoir, 
où  il  gemillbit  dcpnis  uois  ans  ,  làas  avoir 
peu  trouver  lefecretde  fkîie  fçavoir  à  fa  fem- 
me qu'il  4tolt  à  la  Ballil^e  ,  qui  fans  doute 
auroît  tout  mis  en  œuvie  pooi  l'eu  retirer  â 
elle  en  avoit  eu  connoiHance. 
.  Après  avoir  nn  peu  repiÏB  mes  efprits ,  je 
lui  demandai  qui  il  était ,  &  pourquoi  il  é- 
toit  à  la  Baflille  dans  un  jj  pitoyable  état. 
II  ne  &ut  pas  que  j'oublie  à  vous  dire,  que 
pendant  toute  la  Scène  qui  fc  paiTa  depuis 
mon  entrée  dans  ce  lieu  de  plaifancc  ,  mon 
autre  Compagnon  i»  ptirii  Moturalibus  ,  n'a* 
voit  ceifé  de  rite  à  goi^e  dcploiée  ,  &  de 
ganibader  en  découvrant  ce  que  la  pudeur, 
ji  il  en  avoit  été  capablci  lui  auroitdeu  faire 
cacher  ;  &  difant  qu'il  étoit  le  Dieu  du  Ciel, 
le  Roi  de  la  Terre,  &  le  Seigneur  Univer- 
fel  de  toutes  cftofés.  Mon  pauvre  Confola- 
teur,  en  jett&nt  uu  grand  foupir,  me  dit*  je 
m'^clic  Charles  Farcy  ;  je  fuis  Soldat  aux 
Gardés  ,  cependant  fils  d'un  bon  Bourgeois 
de  Paris  ;  car  mon  perc  étoit  Maître  Cou- 
vreur de  cette  Ville&fort  riche;  il  a  donné 
quarante  mille  livres  à  mon  unique  fœur  en 
la  mariant  à.  ua  Courier  du  Cabinet.  L«  U- 
tertiiiage  me  fit  tnéprifer  laprofelHon  de  mon 
Père  ,  pluï  que  les  dangers  de  ce  périlleux 
métier ,  quoique  je  fois  un  jour  tombé  de  11 
cime  du  clocher  de  St.  Paul ,  qui  n'ell  pas 
loin  de  nôtre  enfer ,  &  faus  moa  marteau  , 
que 


.--„Googlc 


imflBfinrêdeUBâflnit.  I7i 
quejepiquài  dans  l'ùdoife,  &  qal  me  retint 
jMTeï  pour  ne  p»  taire  une  â  lourde  chute  que 
celle  que  je  dévots  &iie,  je  Q'auroîs  jamais 
éti  traîna  ï  ,iâ  Ba«illc  ;  &  plét  àDieu  être 
mott  dans  ce  temps,  je  nicferpis  épargné u- 
tfs  infinW  de  iravcrfes  ,  car  ma  vie  tfa  été 
qu'une  fuitte  de  malheurs  ,  que  j'aurai  tout 
le  temps  de  vous  raconter..  Je  {x-is-le  parti 
des  armei ,  refource  de  tous  les  débauchez  , 
où  il  m'etî  arrivé  des  avantures  tout  à  fait 
bizarre  &  «xcraordinaires.  Après  plusieurs 
Çanjpsgoes ,  je  me  irouTai  enroUé  dans  le 
RegimeiHdcirâ«rdES.  l^a  Veuve  d'an  Mai^ 
çhà^d  épicier ,  fott  jeune  &  jolie  femme, 
chea  qui  j'allois  fouvent  boire  de  l'eau  dévie, 
me  trouva  fi  i  fon  gnf ,  qu'cHe  m'époulà  , 
frntve  le  confentement deiès  Parents.  El- 
le me  diégagea  &  me  ât  pailèr  M#)rre  ;  mais 
i'Aoïpiix  q^^elle  avoir  pour  moi ,  -tu  tous  ftr 
4gvd^  i  aejn'arxacherent  pasà  mon  liberti- 
pag^i  qçLVdtoitpour  aiiili  dire  nataraliféen 
moi-.  Je  fréquentai  mes  anciens  Camarades, 
&  pour  être  plus  à  portée  de  continuer  mes 
debiuiches  avec  eux  ,  je  m'emollai  encore 
dans  .la  ^^me  Compagnie,  d'oâ  maFemme 
mlavptt  déga^t^  i  force  d'argent,  &  avec  une 
tendrelfe  qvi  ,me  dcvoit;  readre  {dus  Sage.- 
M^^  il  rpe  ËiUqit.  trois  ans  de  Badille  pour 
me  donner  le  tempide  teâechir  fur  meséga- 
remeots.  Cependant  elle  étoit  fur  le  pant 
deme  dégager  ,  unefecondefois,  forlespro- 
melTes  que  je  lui  avois  faites  de  vivre  mieur 
à  l'avjEniri  &  méttie  elle  étoit  convcaueavec 
mon' Capitaine,  lorCju-'un  mâtin  au  plus  fort 
de  rt^yer<talucoucliéaiu>cèsde  mafènune» 
"Ha  .         dès 


4csl«]tewile  At  JQâr ,  î!enten<UG  fitji^ft  â  H 
porte , de  <BaiBoiUàc|na,x]ai  Ëuiïe  coin  de  la 
itié  dieiure.dc  N^r^JDéme.  Croiant«^e'c'<-' 
boit  des  ourij^s  q^î  <rauloiCnt  boire  -dtf 
r«aii<kvie,  jeinitusk-t*a«i|«we  de  pren- 
ne BiB  owJqu»  ,  &  Revêtir  11  Siqaâiiille  d<! 
iTreilil^  qve  l^'on^ûDoe  aus  SoMsts  ,>  pour 

fanf  ,b»$  J'jQUKds  pcompuautit  ma  boutiqae,' 
^aù  i  l'iatbtnt  je:âts<icé  avecYtolence  par 
fij  bonunujyri  me  ^«nnbroatîa  bouche  d'un 
mouahoir  ,  ifonà  nr'eiiip^disr  4eciier  ,  ^È 
nul  cQDiDiejIâoiSjjnejetMMm-daiisunCs^ 
Eââè  &  sj'eiftiBÎiifitaat  dans  cette  tnteaèkt 
Utwlè  ;  ;OÙ  iÙBslïiat  ma^  j'^tOis  l'on  m'a- 
loefw  ey«c  se  J'Apvi^^q^] ,  -^i  depuis  apen- 
1<  i>ar  ûts  .«atasftganaet  ,  me  retA^pfér  \4. 
sfipreMe.  {^i^EiioB.fiiffîoB5  .pti,^u«'fi3ft 
4e  Hi^Her  ,:  je  oepA  Obtenir  tâ'haJ>ier;'  Ici 
O^ers  jnc  é'âqt  pour  KXite  -PaifiïU  j  -  ^(i« 
nptt  Cfanp^ibniVen  .ps^oitbibti ,  <ue  j4 
çp  dMHÛ  {»t  )£tce  plus  délicat qneltlL  Ton* 
tjp  Ia  'SfMS  qu'ils  Boe  fiqent  fut  â«  me  doH- 
B«f  Ar^is  boiXes  ^  j^iUw  pow  me  coucher, 
Vl'iiiï  Jï'Qllt  paGiy9Blu4Df;«btuig«rdepBftfr<^ 

J'4i.f)r!£'»tiMrncat  les  OfficiârB  ,'  &  je  I«s 
ai  <cfiniM''U>awedcsiaiiiKs  capables  d'uteii- 
4rjr  d^  l^f^^  )  de  tne  dire  If  Âijct  de  ma 
d«teptiG>e  :  ^s  m'iOBt  rebutté  «vec  une  dure- 
il^  ctpabie.  <de  <Faiix  perdre  pattejice  â  tous 
^  SaiMS  du  Paradis. .  J'ai  eu  t<Mit  le  tenips 
^  Iti'expniiaer  :  d'abord  j'ai:  cm  <ïaec't!to]t 
lësFfCU.âema  Ffanmeosiift  £ch«^  de 
,  :  ■     Paris,, 

u,:,-,zf--„GoOglc 


0»  PHi/hiréJelMÉ^^^lU.  ils 

Parii ,'  qoi  confiii  d'avoir  nn  Be««  Ftwe 
Soldat  aux  Garder  ,  m'avoit  &it  arrêter  ; 
mais  j'si  bien  connu  d^is  qoc  je  m'étob 
noinpé,  &  fans  doute  «n  vkAcs  l'infîullibtt 
fujet. 

Un  jour  que  j'étoïs  tllé  monter  la  ^rdfe 
A  VerfiiUles  ,  je  me  trouvai  à  boire  dans  uti 
Cabaret  avec  d'autres  Soldats ,  Acomtnema 
Femme  m'avoit  donné  de  l'argem  nous  pouf- 
ruines  loin  la  débauche.  Nous  chantâmes 
des  cbanfODS  de  Qtivois,  tt  dans  la  chateor 
du  vin  i  j'en  chantai  une,  où  MadamedeMam'- 
teiKiu  a'étoit  pas  épargnée  ;  cependant  c'étdit 
atuchanfoQ  que  chautoient  hautement  dans 
les  liies ,  les  Enfants  de  PatiS;  Un  Laquais 
de  cette  Dame  qui  buvoit  dans  une  Chambfc, 
^aijoigooitlanôtre,  vint  me  regarder  &  en- 
joignit au  Maître  de  fçavoïr  mon  Nom,  & 
■dequclteCompagaiej'étois.  L'hôte  vint  tri'ço 
donBeraviB,  ceqnimetttfbrtlraupluj  ytteda. 
.  .Cabaret ,  &  huit  jours  après  je  fus  arrêta. 
-  ■  Je  ne  pu  m'cinpéchet  d'interrompre  la  nar- 
ration dé  Mr.IeBcrthon,  povrlnidireqticje 
ctoiois  CEtte  Dame  incapable  d'une  ven- 
geance fi  iodigtw  de  ton  é)6vatioQ^  dt  defes 
^grandes  qualitez.  Quoi  difois  je  nous'voi'ons 
dans  l'hiltoire  qu'un  joui-  Catherine  de  Me^ 
dicis  femme  de  Henri  H.  &  Mère  de  trois  ' 
de  nos  Rois,  enteudatit  des  Soldats  gui  en 
filant  rôtir  une  Oye  tous  fts  ftsi^tres,  difoient 
de  cette  Reine  des  cht^ès^  abominables  &  les 
plus  outrageâmes ,  elle  fr  contenta  d'^onvrfr  fa  - 
tcnéire  jponr  dire  i  cette  Canaille  i  Pottfquoi 
dittes  vous  tant  de  mal  de  la  paavre  Reînc 
.  Caitierine  t^i  oC'Voas  fait  tuctin.  tort  i*  c'en 
H  ♦  .  elle 

•  'o,:,-,.-„Cooylc 


H*  Vlkqitifitie»  Ffanfoife 

elle  qui  vous  paie  H  biea  ,  &  qui  eft  Caufê 
<jae  vous  rfititicz  l'Oye.  Surquoî  le  Roi  de 
Navarre  ,  qui  étoit  avec  elle  ,  &  qui  avo^ 
entendu  les  injures  de  ces  fielitres ,  aïaat 
voulu  fortir  pour  les  faire  châtier ,  elle  le 
retint,  &luî  dit:  Mon  Frère,  lailTez  là  ces 
milèrables ,.  nfttre  colère  ne  doit  pas  defcen- 
dre  jnfqu'à  eus.  Cependant  un  des  plus  grands 
hommes  du  Régne  de  cette  Reine  l'appelloit 
la  Furie  de  la  France,  qu'elle  dcchboitim- 
pitoiablement  ;  &  l'on  me  fera  croire,  qu'u- 
ne Dame  d'un  Génie  fubtime,  &dn  comble 
des  grandeurs  où  la  fortune  l'a  élevée,  vou' 
droit  s'abaiÛer jufqu'à un  Soldat  aux  Gardes, 
&  le  faire  punir  pour  une  chantbn  ,  chan- 
tée mémeau  fort  de  la  débauche ,  &lepunir 
d'un  long  fupplice  mille  fois -plus  cruel  que 
ia  mort  ?  cela  eft  incroiable. 

Cependanc-rien  n'ell  plus  vtai ,  reprit  Mr.  le 
Serthon  car  depuiS'  que  nous  fommes  enfcmr 
ble,  Mr.  d'Argenfon  l'afaitdefcendre&luîa 
demandé  fi  une  autrefois  il  s'aviferoit  de  chan- 
ter des  chanfons  contre  les  Perfonnes  de  quali- 
té ;  &  fa  Femme  ^rcs  quatre  mis  de  recherches 
inutiles,  ai'ant  aprisparunPtifonnierquifor- 
ti  t  de  la  Baflitle ,  avec  lequel  nous  avions  eu 
une  communicatioaXecrette  ,  que  fan  mari 
yétoil  enfetmé„quoiqttc  les  Officiers  lui  eut 
lent  protelié  vingt  fois  qu'il  n'yétoitpas, 
«lie  alla  fe  jettcr  aux  pieds  de  Madame  Veu- 
ve de  Moniteur  Frère  unique  du  Roi ,  pour 
la  fupplier  de&ire  rendre  la  liberté  àfoaMa- 
rj.  Quoique  Madame  ,avecunebontéqu'on 
nef^uroit  aflez  loiier,  l'eût  obteniieduRoi 
ion  cieie,  ct9i.ordonBa.àMrJc.Chaacelier 
de 


.--„Googlc 


tiriSfieire de  laBaJimt.  Ifl' 

défaire  fouir  Farcy,  les  Officiers  l'ont  en- 
core retenu  un  An  tout  entier.  Sa  Femme 
est  la.  liberté  de  levcnirvoir  trois  fois  lafc- 
maine  ;  je  t'»  Ttic  plus  de  trente  fois,  car 
Rn  qnî  la  conduifoit  fur  l'cfcalicr  devant  nfl-, 
tre  Chambre  pour  y  voir  fon  Mari,  qu'il  fai- 
foit  ftmir  d'avec  nous  pour  cet  effet,  s'endor- 
moit  fur  les  marches  j  pendant  qu'ils  pailoient 
enfemblcj  &  Farcy  entr'ouvrQit  nôtre  porte 
pendant  fon  fommeil  pour  me  la  faire  voir. 
C'eft  une  fort  jolie  &  aimable  Femme  -,  qui 

{laroît  avoir  bien  de  la  vertu,  mais  qu'on n? 
çauroit  aiTei  loiier  de  toutes  les  démarches 
qu'elle  a  faittespourfon  Mari,  L'aiant trou- 
■yé  tout  nud  elle  4ui  apporta  un  très  bon  ha- 
bit, du  linge,  &  nn  fort  bon- lit;  jamais  el- 
le ne  l'eÛ  venuvoir  fans  nous  apporter  quel-  ' 
qvechofe,  tantât  c'étoit  un  chapon  rôti,  ou  ■ 
quelque  GodiVeài ,  un  panier  de  "Fruit,  un 
Gâteau  j  .&  toujours  quelques  bouteilles  dé 
très  bon  Vin.'  Elle  ne  celloit  d'alJcr  à  -St.  - 
Ciou  folliciter  Madame,  qui  en  a  parlé  trois 
fois  an  Roi,  &  qui  enfin  dit  à  Mr.  le  Chan- 
celier que  le  Roi  vouloit  qu'on  rendît  la  li- 
berté à  ce  malheureux-,  qu'elle  prenoit  fous 
fa  proteâion ,  &-  que  li  il  ne  le  âilôit  pas  é- 
J»r^r ,  ce  feroit  à  lui  que  S.  A-  R.  s'en  prep- 
<lK>it,  &  qu'elle  demanderait  fatisIlËlion  au 
Roi.  C'eft  ce  quô  Mad.  Farci  dit  à  fonMa- 
ri  vendredi  au  matin  ^  ,  en  Iim  apportant  un 
excellent  pâtéd'anguilles&deux  bouteilles  de 
boD'  vin  de  Bourgogne.  Elle  {ni  dit  auffi  que  ~ 
Mt,.  d'Argrafon  l^voit  iàit  veiM'r  cheilui 
jeudi ,  &'  qu'après  l'avoir  traittée  avec  une 
:  JQdigtù  d'un  MagiArat ,  &  de  I» 
■       H  ,  Prc-  - 


.--„Googlc 


1)8'  VJÉqii^tttiiFrlÊttfoift 

ProteiSioa  Roïale  doQt  cette  fenuneâoâ 
honorée  ,  il  Jui  tînt  ce  dificoars.  Tu  t«ui 
donc  ,  malgré  moi  ,  ravoir  ton  Mari  i  ra. 
l'auras  \  mais  dis  lui ,  qu'à  la  première  faiiflè 
demuche  <ju'ilféra  ,  je  le  ferai  pendre:  voit 
fi  tu  T«ux  l'avoir  à  csHe  coodiiion  ?  &  la 
renvoya  avec  indignation. 

Samedi  au  foirftlr.  d'Arfienfon  fitdefcea- 
dre  Farci  (x.  lui  tint  à  peu  prèE  leQiéoie  latii- 
gage  ;  4c  ^rès  lui  avoir  ^  lever  la  main  ^ 
&  jitfM*  qu'il  ûc  dirttt-ffen  de  ce  quilf  patft 
«n  la  Biiftille  ,  &,lHi  «a  avoir  ftit  figner  lu 
protellation ,  &  qu'il  avoit  été  traitté  fnivant 
i'întenCîoB  du  Roi,  il  le  renvoya  dans  nôtre 
Chambre ,  où  il  étoit  encore  quaudon  m'ea 
a^t  fonir  ;  rxM»  apparemment  qu'il  elt  en 
liberté  de  ri)cure  que  je  vous  parle.  C'eflun 
faqnune  très  tûen  fait  de  corps  ,  baut  de  gx 
pieds  ,  d'une  nande  iin^llcité  '  &  douceur  ; 
tL  quoi  qu'il  ait  été  fon  débauché ,  il  n'a  pas 
le  fond  mauvais  ,  &  jamais  n'a  commis  de 
ctimes  reprehenlîbles.  Mais  le  pauvre  Hom* 
me  étoii  fort  altéré  quand  je  fuis  \\aa  avec 
lui,  &  fans  doute  il  aJloit  perdre  topt  à  Uit 
l'efprit ,  qu'il  avoJt  échauÂ'é  outre  mcfnre, 
fans  les  confolatious  que  je  lui  donnai  ,  À 
la  joi'e  qu'il  eut  do  voir  fa  Femme  ,  qvi  le 
remit  entièrement ,  &  moi  auflî  ;  car  li  elr 
le  «voit  attendu  tioic  Mois  à  venir  ,  nous 
ferions  mous  tous  les  deux;  cous  navions 
plus  que  la  peau  percée  en  diveijs  «adrotrt 
cundue  fur  les  OG  tous  d^^harnez  :  nous 
ae  pouvions  plus  nousfoàtenir  dcjiotit.  L*a& 
fitVance  qu'elle  J)ous  a  donnée  m'arenu£«it 
VitfHi  oà  Yftuc  mu  v^efe,  queQieulalteDiiïèi 


Coo^jlc 


'  Le  fou  gui  é(oit  avec  nous  eft  un  homme 
fort  bîoti  ïtit,  &  bien  groportioDué  ;  il  a  le 
corps  fort  blanc  &  QOEVçtis,  il  eA  à  peu  près 
de  la  hauteur  <lc  Farçy  i  a  les  ckeveux  d'ua 
châtain  bruu  ciefpé  qu'il treOrcomoiiuement 
avec  fa  barbe,  qui  elî  fNt  longue  &  de  menu; 
couleur.  Il  y  t  plu$  M  fe^t  atu  qu'il  «R  tout  ' 
nud,  fansfouSiic  leinoifldrehahillemeDtfiic 
fon  corps,  de  borniQt  k  fi  (été,  ni  dechauf' 
fure  à  Ses  pieds.  Il  t'appelle  Nic.od^me  Dciïm- 
berg;.  il  ert  de  GrcaoWe- 

Après  avoir  fervilongtçQips  dans  les  Trout' 
pesduRoi,  un  bâ£tilLo^.duRegi|T)eatdePi•■ 
ca^die  qu'il  conuna&dait  en  qïULlk^  de  pre~ 
mier  Ca^aioe  fui  détaché  pour  le  Siiîgc  diî 
Namur  ;  là  Compagsie  y  fiit  entiéremei}!  de- 
,^e ,  &  lui  àangaeuikawm  t>l«£K.  U  viqt  fol-: 
}u;itN>^  auprès  éi  Minière  de  qumr«iQettre  Hi  • 
Compagnie-  ;    nms  loiut  de  le  recompcolèr  , 
comme  il  le  meritctt,  oa  iecaiSi.  En  vain  il 
fit  parler  tous  les.  Officier^  Q«Qff*qx  ep.là  - 
faveur,  qui  aaeAoienE  qu'il  étpituaïFcsbra-  - 
veHomqiff,  ai'aattoAJQiiispsr^'remeptbleii 
fait  ioA  devoir  :  U  Aoitrefomiéd'otigitiq;  âî  ■ 
l'on  apdt  qn'îL  neêèCm  pati  rexftr(;içe  de  'a  ' 
fiel^ton  Romaine  ;  -e'«n  6»  siCis  pf)ijE  1« 
traita  indij^BtineUf ,  loin  (k  Ittttfil^fN  jiiâjr  ' 
ce.  ^ofia  réduit  au  delÀfpoîr  il  pWA  fa  AÂ'  "^ 
gle»ew«,  &  par  d£S  Amis.  &  desOffisjers  qui 
coMiaiflcipiit  û)a  metiw ,  il  obti«  »tn«  «#'  ■ 
dience  dbt  Sici,  Guillsusir  d^  glocJeti&  iMIt^  ' 
moiir. 

.  II  ât  uns  propo^tioft  i  S.  M.  fi  tpmiïiif  ^ 
coure  le  Roi  de  Franfc  ,  qif   Vié^e  f««l« 
«aAitliolBQira  &¥ic>trQiuil'Kaiès«ltf  lâMM  ' 
H  6  ic^ 


Coo^jlc 


l8t-  L'Inquifuhn  FrMfoife 

le  filcnce;  fealement  je  dirai  pour  l'honiïeTir 
de  la  mémoire  de  ce  Grand  Prince  ,  que 
quoiqu'on  lui  propofîr  lu  vengeance  de  ioa 
plus  grand  Ennemi ,  dans  un  temps  qu'il  de* 
couvroit  tous  les  jours  des  confpirations  tra.- 
mécs  contrcfaviéprétieulè,  que  même  Char- 
nok  &  Grand  Val  avec  lears  Complices  a- 
voient  été  exécutez  nouvellement,  atteint!! 
&  convaincus  de  crime  de  haute  trahifon  au 
premier  Chef,  &  qu'on  avait  découvert  les 
Auteurs  de  CCS  abominations ,  comme  tout 
le. Monde  Ta  fçâ,  il  fit  retirer  ce  miferable 
de  devant  lui;  commanda  qu'on  Tarrêtât,  St 
l'envoia  pieds  &  mains  liez  à  Louis  XIV, 
ayec  une  déclaration  de  la  Propc^tiou  de  ce. 
malheureux.  Je  laifle  toutes  les  Réflexions 
<tn'0D  peut  pouirer  loin  fur  un  fi  beau  fujet, 
1  faire  ï  tous  ceux  qui  oml'ame  bien  placée, 
^  qui  aiment- les  grandes  aâions. 

Dezimbcrg  fe  voiant  en^arqué  pourrepaf^ 
Ça  en  France  fut  fi  frappé  des  terreurs  de  la 
inoit  cruelle  que  metitoit  l'énormité  de  Ton 
«rime,  qu'il  perdit  entièrement  l'cTprit.  Ji'a^ 
bprd  qu'il  fut  remis  entre  les  mains  des  Mi- 
Btftres  de  France,  ils  crurent  qu'il  &iibic  le 
fou,  pour  fc  deiober  à  la  mott;  mais  il  ne 
doutèrent  plus  de  la  vérité- du  fait ,  quandils 
fçurent  que  ce  Criminel  avoit  dectiité ,  noa 
feulement  tous  fes  habits  ^  mais  même  tout 
fon  corps,  dont  les  ruilTeaux  de  âng  couloient 
de  tous  cAtez  j  qu'il  avoit.fallu  l'enchaîner 
pour  l'empêcher  de  fe  caifcr  la  tête  contre  les 
niuis  j  qu'il  s'outrageoit  impitoiablcment  de& 
ongles  &  de  la  dent,  fans  fouffrir  d'babits^ 
iù.yQulf>il  couch»  fui  de  lits,  qu'il  mettoit 
tout 


.--„Googlc 


**r  rnijhire  Je  la  BtjUlU.  i%  i 

tout  tri  pièces,  qnand  on  lui  en  dotinoit.  Il 
futli  furieux,  que  petidant'plusd'an An,oa 
n'avoït  ofé  entter  mas  le  lieu  où  il  étoit  en- 
fènné,  &  qu'on  fiii  contraintdetàlreuntron 
à  la  porte,  par  où  on  lui  jetoitdupai'n,  qu'il 
devoroit  avec  une  ragequifeilbittrembter  mê- 
me jufqu'à  fes  Porte-Cleft ,  dont  la  plupart 
n'ont  pourtant  rien  d'hanutn.  Cependajit  les 
Officiers  de  la  Ballilie  ont  eu  la  cruauté  d* 
hazarder  de  lui  donnerdes  Camarades.  Farçy 
n'avoit  pas  tté  le  Premier;  CefutimCorde- 
lier  nommé  le  Père  Dainav.e  ,  fi  j'ai  bonne 
mémoire,  qui  avoit  été  Aumônier  de  M.d« 
St.  Ruth  General  des  Troupes,  de  S.  M.  en 
Irlande.  Ce  vénérable  Moine  avuît  tué  ua 
Pone  Cleft,  à  pour  l'en  punir,  après  l'avoir 
tenu  enchaSoé  pendant  deux  Ans  dans  un  re- 
trait ,  oa  l'expofa  à  la  fureur  de  ce  Deiioi' 
bere,  qui  s'adoacil  enfaveurdubéatcaraâé- 
re  de  fon  AlTocîé  j  ils  s'aprivoiferem  lî  bien 
cnfemble  ,  que  quand  le  Gouverneur  avok 
quelque  Prifonnier  qu'il  vouloJt  cruellement 
.  punir;  Quelque  reformé  endurci,,  comme  il 
les  i^)pelle  ,  à  qui  il  vouloit  faire  faire  pro- 
fî^on  de  la  Religion  Romaine,  il  l'enfcr- 
'moit  avec  Deiimberg;  qui  outre  qu'il  étoft 
de  l'csdre  des  Adamites ,  ou  des  Temifcar 
mins , .  ne.  lùflbit  jamais  repofer  fes  Caiharo/- 
des.  Il  TeptiHbk  toutes  les  nuits  coHiiifémeat 
toutes  fes  lUantares  ;  &  etitroit  quelquefois 
dans  des  ttanlpons  furieux ,  quand  il  pronon^ 
çpit  le  Nom  de  Louis,  de  Louvois,  ou  de 
Èarbezieux,  av«c.des  blalphémes  épouvautar 
blés;  &  ce  qu'il  y  a.de  prodigieux  c*ell  qu'il 
&'a.iamats  nononcé  le  Nom.duRoiGuU- 
H  7  Uu^ 


.--„Googlc 


l8»  .    VInqtùfitio»  Franfoift 

Uuîne,  qu'avec  r€fpea,.â:qu«adfesComi 
pagnons  «HUtoieat  fet  feclks  aâions  dece 
Graud  Prince- devant  ini,  biEn4oui  d'en  pa- 
roitre  cDiÛ  il  Jes  éca«Uoitavcc  atteorion.  Il 
ne  fouffroit  iamais  qiie.lesFoitc-CLefsoutra- 
geaflieiu  fes  ConipagDOOî,qu'il  deffwdoit  avec 
use  fureur  de  Lion. 

C'«ft  wcc  ces  ie\a.  Homme»,  dont  je  viens 
<ie  voaï^&iic  le  Poctrgtt,  que-j'aiétéenfcrrarf 
pcodant  d»x  Ans,  &  avcclelquolti'airotit- 
feK  un.  fupjice  iucomiu  \  tous  les  Satellites 
ifii  Netons  &  dei  Dioclerieiis.  Il  y  a  prèsde 
deux  Ans  que  je  demande  à  ^re  profeffion 
de  U  RcltgiâQ  Rotnaine  fans  Je  pouvoir  ob- 
ccnii. 

Sur  ict  reoiontf^ces  ^at  nous  lui  ~ûmt%, 
il  fe  (vil  ï  pleurer  am^ement  &  nous  dit:  je 
fi^ai  hiea  qse  w  trabiE  naa  i:onû:ience,  pour 
fortir  de  cet  tiiièr,  duûe  j'el^eix  que  £)ieu 
Mra  convalTuu  de  ma  foibleirË  &  me  fera 
nti&ricotde,  car  il  n't^ore  pas  ce  que  je  lui 
ai  promis,  loriquBj'fturw  ma  liberté,  &Lyt\.a 
prei^  i  téamo  de  tnee  booncs  inteqtiobs, 
Nouit'nhaTtânii££&  nous  le  coQlbUqiei  an. 
tïâmx  qu'il.  fli3Ut  (az  pofiible ,  &  par  leebciiit 
mitemcots  que  npus  lui  âmet,  il  fut  bien- 
-bât  rêtnis  ;  liel»s  !  fi  le  pauvre  ttommen'avolt 
tBsngc  que  ce  qiie  lec  Porte^Clefs  lui  apoi* 
toieat  pour  fon  ordioair* ,  il  aurçit  abffdu- 
ment  fuccembé,  car  hçrcdupftÎBj  &UflcpC' 
tit«  lw»|teiJte  do  Xtkt  mauvais  v'm^  <}uî  tanolt 
wiTWop  ■n.iwte  &  demi,'^«roôeJeilln(»l^;»■ 
1tnu«  tu  v^eit  paf  un  fou.  A  midi  oa  lui». 
f  oitoft  un  fWQ  de  p^j»  tvetnpé  ^iuu  ^  l'«aii 
-hoOilUc^ciaVwtMptUbit^atUMftjlifiMipc,  a.^ 


.-„Gooylc 


M  rSipire  'Je  la  Badine.  i«j 

■*«€  uiie  ou  deux  enccs  dq  Bœuf  dont  oa  a- 
toit  eiprîmé  le  jus  pouf  les  T^lés  des  Offi- 
clers  ,  deflèch^  comme  du  boij .  &  qu'un 
Chien  aoroit  eu  peine  âmangcr;  éclcfoiron 
hiî  aportoit  d'orainaire  un  certain  os  de  mou-  ' 
ton  que  l'on  appelle  vulgairement  la  Mâtre, 
fcndu  en  deux  ,  &  envelopé  dans  un  petit 
morceau  de  pcao.  Je  protcfte  fincerement  qu'il 
n'y  avoit  pas  çn  tSutdequoîraffalîcruneiou- 
rtJ  i  mais  nous  Je  dedpmnugions  amplement 
de  la  Lelîne  de  nos  avares  Gargotlers.  Mr. 
Linck,  qoi  avoit  la  liberté  défaire  venirdcla 
Ville  tout  ce  qu'il  vouloit,  ne  nous  laiflbit 
pas -manquer  des  viandes  les  plus  deticicufes, 
des  malleurs  vins,  &  de  toutes  fortes  de  Ra- 
tafiats  que  lut  m jme  fçavoit  par^itement  bicii 
compofer  :■  &  de  tout  cela  il  en  tepandit  Ta- 
bohdance  non  feulement  dans  nôtre  Cham- 
bre, mais  dans  toutes  les  autres  Chambres  de 
liôtrc.Tour,  où  îl  en  envoioil  largement  a- 
T«  une  generofïté  que  je  ne  içaurois  trop 
loiiçr ,  dn  moins  ^toit  ce  fon  intention  j  maiî 
dont  le  Fripon  de  Rn  Porte-Clefs  faifob 
un  très  mauvais  ufage  ;  car  peu  après  le  de* 
part  de  IWr.  Linckj  eus  communication  avec 
les  Prifoimicts  de  la  même  Tour  ,  qui  me 
proteltercnt  que  ce  Scélérat  ne  leur  avojt  ja- 
ppais 4onné  la  moindre  chofe  de  ce  que  Mr. 
Linck  leur  avoît  envoie  avec  profiiflon ,  & 
ijue  ce  méchant  hpmme  metîoit  à  fon  profit; 
quoique  Mr.  l,inck  j  pour  l'obliger  à  le  ftr- 
vir  avçc  jj^lc  &  aftiYittf  ^  l'accabiSt  tous  les 
jourç"de  prçfçnts,  &  fljufftit  fans  s'cnpiîjti- 
dre  ^Sl  lui  volït  fon  plus  be^u  linge.  Qoln- 
ie  jouts  -svjitit  que  de  ibrtir  Mr.  LinoK  iid 


f84  Ulnqu'^thm  FraUfotft  ' 

dbâna  un  très  beau  Manteau  d'EcarIstâ  tonf' 
ueuf  t  dans  la  feule  viie  de-  l'eaggger  à  nou&- 
fsirc  plailir,  n'en  aiant  plus  belom  pour  lui- 
même,  étant  aflîiré  de  fa  liberté.  Iln-yavoit- 
point  de  j.our  non  plus  qu'il  ne  fit  boire  lar^ 
cernent  ce  Satyre  ,  dont  ÎL  farciffoii  le  corps- 
de  toutes  fortes  de  bon  gibier ,  &  fabreuvoït 
des  vins  &  des  rataâats  les  plus  esquis,  auffi- 
bien  que  nAtre  ridicule  MCjoi,  qui  n'entroib 
jamais  dans  nôtre  Chambre  qu'ilnefùtchaa- 
ccllant,  quand  mcmc  il  y.feroit  venu  dès  qua- 
tre heures  du  matin,  cequîmefitcroirequ'il 
ne  defenyvroit  Jamais. 

Un  famedi  au  ibir,  comme  nous  allions  - 
nous  mettre  à  Table. on  fitdefcendreMr.  Ja- 
cob le  Berthon ,  &  une  heure  ^rès  on-  nous 
le  ramena  tout  pille&  tout  tremblant.  Quand 
Je  Porte- Clefs  eut  refermé.la  porte  fur  nous  , 
&  que  nous  eûmes  fait  revenir  BÔtreCompa- 
gnon  flupefiéj  avec  un.cordial  de  Champa- 
gne, nous  lui  demandâmes  le  fujet  de  fa  peur 
&  de  fon  lîmotîôn.  Pour  ma  peur,  nous-  dit- 
il,   elle  cfl  légitime,  car.jevîens  de  voir  le - 
Piable  ,,  &  mon  érhodon  ell.toute  des  plus  ■ 
jiiftes,  carjç  viens d'apFendrcquejevaisfor- 
■jir  dei'Enfer,  Aces  agréables  nouveUcs-nouJ 
redoubiâines  la  dofe  du  Confottaiif ,   aptes  - 
quoi  il  nous  fitatnH  le  récit  de  fon  avaoture^ 

En  defcendant  au  pied  de  l'cfcalier  j'ai 
tiouvé  le  Major  qui  m'adonne  la  main  corn» 
me  à  une  mariée;  aptes  l'avoffûlud,  je  lui 
aï  demandé  ce  qu'on  mcvouloit',- mais  iàn» 
vouloir  me  donner  de  repQnce,  il  m'a  «m* 
duit  dans  une  grandeSale,  oiij'aitrQuvéMr,"  . 
d'Aigenfon  sSis  le  dos  au  feu  àe\aat  une  - 

.  .  " Pm-- 


»i  PHiftolre  dt  U  BafiHk.  1 8  f 

gronde  Table ,  autonr  de  laquelle  devant 
lui  étoîent  debout  pluficursPerftionesIapIa- 
pari  à  moi  inconnues.  Ce  Minidre  <toit  re- 
vêtu de  fa  rot>e  magiftrale  ,  ce  qui  m'a  fait 
vous  dite  que  j'avois  vu  le  Diable,  car  fi  il 
n'cll  pas  plus  méchant  que  lui,  du  moins  eft-' 
il  tout  auffi  laid,  &  tout  auflî  noir.  liaient 
quelqne  temps  fans  lever  les  yeux  fur  moi , 
pendant  qu'un  autre  homme  auffi  en  robe  noi- 
re, &  qtte  j'ai  apris  être  Mr.  GamufetCora- 
mii&ircde  la  BaRilleétoit  debout  devant  luii 
fàos  branler  non  plus  qu'une  (latiie:  dans  un 
des  coins  de  la  Chambôre  étoit  un  autre  petit! 
homme  qui  écrivoii  fur  une  table  >  &j'aifçu 
que  c'étoit  le  Secrétaire  de  Mr.  d'Argenfon  ; 
CSC  Oii  peu  à  c6té  un  antre  homme  qniécrivoit 
fur  un  Bureau,  &  j'ai  apris  dans  la  fuite  quti 
cVtoit  le  Grefier.  CorW  étoit  debout,  cha- 
peau bas,  les,  yeux  baillez  ,  demtoieç|uéld 
Capitaine  des  Fones&quelquesaatres.  Tour 
d'un  coup  le  Magiflnu  s'cft  levé,  &  me  re- 
gardant d'un  air  à  donner  tout  au  moins  laco- 
.  lique,  il  m'a  dît  brufqucmeot  que  fwstuici? 
Helas  Monfeigneur,  ai-jedit,  jefouffre&je 
jeune  beaucoup.  Es  tu  dans  la  refolution  de 
perljfter  dans  les  erreurs  du  Catvinifmefa-t- 
il  repris.  Ne  vous  a-t-on  pas  dit ,  Mgr.  qu'il 
y  a  deux  Aas  que  je  demande  à  en  ^re  abjo-^ 
ration?  lui  repondis-{e.  Oui,  dit-il,  maïs  tu 
tt'étois  pas  encore  bien  converti.  Ah.  Mgr. 
la  BaAille  elt  capable  feule  de  convertir  tous 
les  Démons  de  t'£nfer  ,  lai«-jedk.  H  eft 
queflion  d'un  autre  fait,  a  til  continijé  en 
rompant  les  chiens  ,  &  le  prenant  d*an  ton 
plus  haut  Je  veui  te  feire  pendre,  car  m  ai 
me- 


mérité  la  ootée.  A  cet  puoles ,  j'ai  en  qne 
tous  mec  ot  Ce  dilloq«oieiitpoarrefervird'é' 
tai  les  «lu  va  autres.  N'as  tu  pas  fervi  Icf 
'S-OMms  4e  ^.  M.  &  Dc  t-4  t-on  pas  pris  les 
année  à  la  muo  coiure  toa  Koî  à  la&taaiUe 
de  Fleuras?  Il  eft  vrai  Mgr.  q\at  m'Aantte- 
tité  £B  HoUanjc  à  caufi:  Ze  maRcUgion,  & 
p'V  tiouvant  ptMpt  d'^nploi ,  icliiï.coutraîiit 
de  prendre  patti  dans  les  Trempes  de  HoUan-; 
d£  ,  mciG  ils  n'avoieflt  pat  dé  guArFc  alors 
çpqtrc  la  Roi ,  &  i^vasd  elle  a  Cté  déclarée 
cqtw  $.  M.  &  L.  H.  P.  jevQuhitmeictkcr, 
PWM  on  Rc  vovilut  pwm'acowdcriBonCon- 
gé,  *  jefti«  fotçcileferTitinalgréiiioi,pni& 
^tie  l'on  m'auroii  paai  comme  delcitcur  , 
Soais  j'ai  feivî  depuit  en  France  &j'ai<uparc 
i  l'AiestCtkr  qve  1«  Roi  a  accorda  à  toosies 
Ff*oç(H»  ^  <»it  porté  les  Aintcs  contre  lai. 
Cotte  gwe  dii  Rpi ,  reprit*il  ,  ne  s'dl  pas 
4teti^U<;  jufqu'» CQ),  ain^  tsfsdjgoedeoipn, 
&,  pWpsye  toj  àcuropcvoirrAtrêt.  L'airnae- 
oaçaat  dom-jl  proflonÇ(»tcesparolesin'afàic 
croire,  qu'il  difou  vrai,  &jugeidcmapciirt 
je  Jiv  imi  jette  i  genoux  en  pleuraiu  &  lui 
difaQt.tlHe  I#  Roi  ésoit  le  Maître,  &  que.}« 
lai  deàiADdois  QitJ«ricorde.  il  te  fait  grace 
V'a-t-i]  dit,  mais  tnx  oondittonsquetutete- 
iw  de  la  Religion  Romaine.  Peux  tu  ici  me 
donner  caution  de  ta  promeflc  i"  11  y  a  en  cet- 
te Ville  (jaits  laRUc  desLouibardsun Riche 
Marchand  Âinquier  <]Di  porte  mou  nom ,  qai 
feut-ctre  œ  me  rcfuièra  pas  la  graoe  de  me 
çautionqer ,.  lui  dis  je,  linon  monFrercqni. 
Remettre  ï  GhateUeraut  le  fera  je  croivolon- 
twifi  &  ûdesûueréta  deFamilierencmpé? 
'.  .  choient* 

u,:,-,zf--„GoOglc 


■ciM9t«QC ,  je  fste  tkèi  palCvaàé  que  monBMm 
fv6te  i^d  et  an  ides  .ptas  tuHpm.  A4vÉ>««fs 
^  f^onricH  te;A)niile  tout  fbn «XAr.  llafris 
-j'ddrfâè  de  tbtitec  oesJPcrioMes ,  xfvès  qtici 
41  MI*-!  dft  (ttouEne'  im-Ctwiitoe  ,'  pries  y 
iùen  E)i«u  pour  S.  M.  le^m  GUmt»>tdc»U!s 
-les  Roic,  qui -te  fait  grâce,  âc  ibsgs  à  vtrié 
à  l'avesir^ti  boa&âdéle4ii!f«.    -  - 

A  |»eiiie  it  jUHwiont  nous  Iwre  rer«o{r  dfe 
-ion  tr^lbleiHent')  Mr.  liocfc  «6  fbHgeoit 
-qù^  le iâke  largeciMm  toiM  povir  1«  congn- 

^fet^ab  4  fcotiter^iafortiepeBFAtrt 
-4^Mr«|ir  de  me»  nowetles  àUMl  »è»  Oh«i«Ë>■ 
-fK>uze  &  à  pvOciKW  te'LrbOftrf  i  Mf .  LÀatk. 
Voici  <»ffiBwm  j«  m*yftit".  ■ 

Mr.  LtnckawSft  dsMK  «a  lj!vR'^ft»tk< 
de  papier  blanc  qai  n'^toil  Me  itnfiiaié^  jt 

-i'FltuAMiN  aiM«d«  liw»  Aftti^vinaH  ois  L«»- 
itcG  a'oRC  jam^B  <tié  feivUkE  t  Icurc  «dvd^C 
aparcmmcnt  p^  larliniditf  de  Mr.teSbrthost 
j}ui  lesOffiders  n'ovbliérentpasdcdiw,  com- 
me. Us  font  à  rou»  tefl  ^ff {ÔBnicM  qui  foRMK 
4e  leors  grifes ,  q«e  fi  4)4aBaci}t4e  nos  bouv 
wietles  dans  le  Monde ,  il  ne  jnâaquef oit  pab 
-d'-âtre  Ternis  â  1a  BbIHHé  potir  le  r>Ile  de  fin 
-j'sdTS  ;  Se  même  ils  ^font  tiike  ftnnentdV  ofe 
Tiçn  rcvélw  de  ce  qaî  f«  p«lfe  à  1«  Baftilfo', 
«vec  des  menftçes  terribles  en  cas  de  eontra- 
-%t»fym.  C'eft  eparfeaiBwnt  «  quiftcmpé^M 
-Mr.  -FatOHVdet!  mon  Preiirief  Cojn^agnon  de 
-inettt«:à  la  poflè  cellet  que  je  lui  avofti  do«- 
-tiétBvmriee  miecws  Perfonms.  MX'  Unck 
.  .  fitt 


i88  Vlnq^iim  f^aàtôifr 

fut  pJiis  heureux  ;;&sIjeai«sfiKenttti^i£% 
que  j'écrivis  poBT  tei  à^l'Aii«Qnicr,<iu  Reft- 
deut  tic Danaenitrk  à  Parts,  i]^  cot^oUTpit 
pftrticolÎÉrejnen»  Mr  Linck}  ■&  à  Mademoi- 
iclle  Skmftre,  qui  étoit  use  Fill«  AUemande 
A  qui  Mi^œefiufoic  une  Penfiop  &  qu'elle  - 
tenoit;  fous  fa  Protcâion.  Mi.  Linck  promit 
deux  Cents  Logis  i  cette  DaiogifcUe,  (iellf 
pouvoit  le  ^reJbrtir  de  Prifoa,.cc  qui  lui 
îcroit  £icile  eQSjlâDtttouvïrMadanieà  VcC- 
^11^,  if.  liii  BcmoDtnnt  riRinlU^equ'onlui 
jivoitf^te,enl'art6nnt)ai  &r  k«  autres  Allo- 
«laipds,  dès  le  lendeniaîii.dviour:q'U«^eUe 
Grande  PtiaodTe  teurwpit  doonéUa  pai»lè 
du  Roi.fon  Ftere  qu'opine  leur  feroit  auco- 
ne  injure,  Sx.  qu'ils  pouroicot demeurer  àP»- 
■rjs  jufiju'à  rprie  que  S.  IWL  Ifcûr  fçroit  .don- 
ner de  ibrtir  4a  Roïanme-   :  '-> 

KpBS  coarunes  tQulc»  cçs  Lettres  dans  les 
)Guenilles.de,Mr.l^erthoni.«tt¥Jadoubla- 
-M  &  iedelTus.defoujuftattCOrpa,  &oouspri- 
jo^  tdtttes  BUS  mefuros  pour  qu'il  en  pât  as 
ntcûns  ïâuver  quelques  unes. 

EnfiA  le  bienheureui  moment  de  la  fortte 
doMr.JaçobJftBerdion  arriva  lefoirà.uattf 
-henitiS  &  d«nyuti&inedi-3o.DecembK;i.ïot. 
Of):  ne  nous  apotta  aôtie  ordinaire  qu'après 
«ya'ii  lut  fçr-ti ,  pour  avoir  !abarb«re  làtis^o- 
doB'de  le  mettre  dehors  fans  fouper;  même 
nos  cru^USourreauxtrouvoient  mauvais  que 
nous  preientallîpas  du  vin  ï  cepauvreHom- 
nK,qu'ilstraitterentBvec  laderniéreinhum»- 
^nit^i  &Rufurtout,  qui  devant  nous  lefouK- 
lA  par  tout ,  mente  aux  endroits  les  plus  f^- 
«cets,  ^rec  ooefurçur  biqt4Uc>.ei)lùdi^Rt 
"     les 


.--„Googlc 


les  îojvres  les  plus  .groffi^res  &  les  puoles  les 
plus  ouusgejintes,  ceqtieceboD  Vieilltrdagc 
4e  près,  de  66.  ans  routTric  avec  une  patience 
c^>able  d'amolir  des  Tygres.  Ils  le  mirent 
dehors  uns  ronlters,  &  uns  avoir  voulu  per- 
mettre àMr.  Liuck  de  loi  enikirc  âiceàfès 
dépends,  qui  avoitvoulnmémele&irehalnl- 
1er  fans  que  ces  inhumains  vouluiTent  jamais. 
lui  donner  la  permiffioo  de  leiàire  :  il  legra* 
tifia  d'un  billet  pour  aUer  chci  Mr.  Toucto» 
Baaquier  y  prendre  rargeot  dont  il  avdit  bc 
foin  pour  fe  mettre  en  ecat  deretournerchcz 
lui  &  le  conduire  jufqu'à  ChâteUeraut.  Ce. 
Bonhomme  étoit  fl  tranfporté  &  G  trem- 
blant, tant  lajoîe  de  fe  voir  libre  ravoitfai- 
ii ,  qu'il  ne  put  jamais  nous  dire  une  feule  pa> 
rt>le;  Excepté  qu'après.qucnousreumeïcm- 
braflc  tendrement  il  fe  retourna  devers  nous, 
quand  il  iiit  forti  de  la  Chami>re,  pour  nous 
dire.  Adieu  mes  chers  Meffieurs^  priez  Dieu 
pour  moi. 

Nous  fimes  une  FÈte  de  &  fortie,  qui  da- 
ta tQut  au  mpius  une  Oâavc  toute  entière  ; 
&  certainement  Mr.  Linck  avoit  bien  raifon. 
de  s'eu  rejouir,  eu:  lÀns  cela  il  Êouroit gran- 
de rifque  de  demeurer  jufqu'i.  la  Pais,  dans- 
cette  maudite  Caverne  à  Voleurs;  &  la  Sor- 
tie de  Mr.  le  Breton  &  moji' induàrie  prooa- 
rereiit,  non  lèulemem  là  Libené ,  mais  en- 
core celle  de  Mr.  Nifvitz  &  de  plufieursau- 
très  Allemands ,  pont  l^uels  Mr.  Linck 
allapuîilemmcntfolicitcr Madame,  lorsqu'il 
fat  mis  en  liberté. 

- 1^  lendêmatu  Corbé  notu  vint  voir  ,   & 

s'adrcljjuu  à  Mr>Lmck,  ranerdexinot,  lui 

dit- 


.--„Googlc 


dit-il-.,  d(r  TOUS- itvi^r  ^ia]^4  t^Kvntqti^tf 
Tâas-m  x«reioc«>ftté«DavlMbi4)«ra£h«iiiIttf-; 
et  tàotma  (}ut  foRin  a'avac  Tbu«  hier  as  Cokf 

tôt  voas  Mr.  demandes  |Nrtk>n  à  Dfâsdtf^ 
m'Ëo  aroit ea^4«hé ,  (fit Mt.  Lincfc  j-ja- nHf- 
droïs  xfoir  psfij  ie^M&le  des  chofcs' dont  ît^ 
«voit  bofoùc  &  qu'il  at  KR  pat-forti  a&ffi  VH^ 
ftn^  qoe  Taui>  Tavex.  Uiilë  etiliotW'de  véît- 
Malw.  t  V  nns  sa  nipoiuke%  devant  EXsU-,  «!ar 
BXin  inteatioa  »  ivé  tjonae.  Il  fonJt'tràfr.HMll 
fiaiit^  de  la  reponce  que  M¥.  t^inêk  AVûif 
fiute  à^  fon  barbare  aomplimeDt. 
-  Nôtre  amiad  croiHoit  tout-  les  jobte  de 
plus  en'  plusj  j&  clïetîfMs  Mr.-Lincfe  tiQim-' 
metmon  Fils^  &  il  ni'aicnoitdoitiitte  Ion  Pe- 
rd. Le  ibir  comme  nou«  noAs-chauâons  }• 
B^tre<  aUè  du  boiSvquHl  fairoit-  abendoihmenf 
Atherer ,  ncn».  enteni^mes  ptt  rïâni'  ckosH" 
Aée  dâ&  voit  conliifêfr  de  Pr^ainOTS  qui  .é- 
toicnt  au  deOuus  de  nous.  Nous  m>H«  ha- 
zM4ï«eet  (bi  peton"  la  ctied^tkfe^  ft  avee  de 
U'HeotlB  qw  nouc-âffieis  tn'««  lât  boâcfiOcKi 
dw  bailtn4la»<f«iiia  de  Ch^ïipa^â'^u^oRi 
nous.' ^>ot«oit  dn  GabaieT  «ouief  coëtfêaS-,' 
MoHffdfflbeot^Hei  «a  birtttt  â-iiof  Voilins^; 
ï)s  l^antcbercM  aulB  E^ân  qu»  Erfare  titodïe  a*' 
Trie  une  violanoe',  doue  nou»  ne  pouvions- 
deviow  la.  eaaCSi  Nous-  sii'  ôcrifwrws.  uni 
ff^e<q«îbi«linipn  numvilleuFruccsi^-Noa» 
Viw  ^lioiw  'q«Â'  ffou9  â^osà-y  -it'nèus  les 
^iiems  d&'tWRWs»  teiï  <^a'  «oïli'poffîiMiv 
nous  confolcr  mutuenemem^,  mais  ilti  àni 
•voa\àmat  pas  ncnu  faire   aitGtt««rEipott«é  j 

-  .fit 


.--„Goog[c 


■■.:    ',CX 


■'x,:ïi- 


.C<x,8lc 


-'  'r\ 


oit  ^S^okfie}»  IbifUl^.  lifi 

fit  eft*«B(ke  ttds  tlilKnaèinrim  tout  ce  qu7Tî 
diibient.  Je  diflîngnai  la  voiJ  d'un  nommé 
Mr.  le  Poulllou»  Gentithomme  du  Poitbii^ 
les  autre»  étoient  les  nomiriei  Jean  Bonnem, 
Medecki ,  6!s  d'un  MiniftrBd'Aubuffimea 
Aaifêi^ne ,  Mathîas  du  Val  ,  Pilote  Irlair- 
dois. ,  &  Jean  Geflnin  ,  Semirier  de  Paris. 
Noos  counômes  facilement  qae  Mr.  tePooil- 
touii'quî  étoit  d'une- hu [heur  fiwt  douce,  a- 
Toii  beaacoap  à  Ibaffriravcc  les  trois  autres^ 
lotit  deus  étoktit  fous  ,  &  le  troiHéme  pa- 
ieiffôitunAnïrppophagc  infuportable.  L'en- 
ïie  que  j'avois  cependant  de  parler  à  Mr.  le 
Pouilloux,  me  fit  haïardèr  dcieùr  parlerpar 
.  HÛtre  troçj  mafs  je  ftis  fort  fôrpris  d'eateir- 
.d«e  Mr.  le  Ponilloux  ,  qur  me' conjura  de 
boucher  bien itôtre  trou,  qui  nous  fcroit tons* 
aller  as  Cachot,  fi  il  étoit  déconrcrt  ;  qu'il 
aA'oitds  moins  autant  d'envie-quc  moi  de  me 
parler  ,  mais  qu'il  avoit  des  raifons  invinci- 
Wcs  qui  l'en  etnpdchoient..'' Nous  fuiviines 
fon  confeil  &  nous  jugeâmes  bien  qu'il  y  a- 
voit  quelqu'un  pannfeux  alï?s  tr^re  &  mâ- 
chant pour  aous  découvrir. 

Le  i&.  Janvier  de  l'Ai:ntfe'i70j.  comme 
nous  achevions  de  dîner  derantbonreu,  nous 
entendimes  ouvrir  nôtre  porte  ,  &  nom  vî- 
mes entrer  le  Major  &  Ru,  fuîvis  d'un  Prô- 
tre  de  môîenne  taille,  mais  bien  traverfé'te, 
'  vi&ge  aflêzmâle;  mais-cepeHdanrd'une  très 
inànvaif&  PhyfiOHOmie.  Sfes  yeux  étoienr 
rouges  ,  comme-  ceux  d'mn  Afptc'  Au  refttr 
c'éEoît  un  bon  groi  Gourdin  bien  j>ontmé ,_ 
îriïïs  trais  &  dans  la  vigueur  de  fon  âge,  car 
Une  paroilToit  pat  avoir  plus  de  j^.  à  35- 
ans. 


.--„Googlc 


ij)»  L'InfifithK  Frampaife 

ans.  A  ù.  carure ,  fes  jambes  &  fes  bras ,  îl 
Ë^bluir  que  la  nature  eut  eu  delTein  d'en  ai- 
re un  Porteur  de  Chaife  ,  ou  un  Porte-&ix  ; 
iaais  dans  ia  fuite  on  verra,  qu'elleavoiteu 
detièspernicieuièsraîfons,  pour  en  faiieun 
Curé  tonal.  Cet  Hommeen  eacrant  nousCi- 
lua  alTés  fièrement  ;  puis  il  remit  pron^te- 
ment  fon  chapeau  fur  là  tête  ,  pour  prendre 
un  des  pans  de  fon  manteau  ,  qu'il  pofa  fur 
fon  épaule,  eu  s'en  cachant  la  moitié  du  vi- 
fage  ,  &  UitlK  pendre  l'autre  en  bas  ,  ïur  la 
partie  inférieure  de  fon  audacieufe  figure. 
Le  Major,  après  fes  gtotefq\ies  révérences , 
nous  dit  que  c'étoit  uu  Compagnon  que  Mr. 
le  Gouverneur  nous  envoioit,  &  qu'il  nous 
priôît  de  recevoir  avec  nous  ;  &  Ru  prit  la 
parole  t  pour  nous  affirmer  que  c'étoit  un  des 
meilleurs  Gars  de  laBaftille,  &  que  nous  en 
ferions  contents.  Nous  nous  levâmes  pour 
lui  fiiirc  civilité,  &  nous  prefentâmes  duvjn 
à  nôtre  nouveau  Venu  ,  5c  à  fes  Introduc- 
teurs, qui  après  avoir  bû  deux  coups  de  cha- 
que main  ,  nous  dirent  qu'ils  ne  pouvoient 
pas  relier  plus  long-temps  avec  nous  ;  qu'ils 
en  étoient  très  fâchez,  fur  tout  le  Major  qui 
fçachani  que  nos  Cantines  étoicnt  bien  gar- 
nies, ne  les  quittoit  qu'à  regret,  mais  qu'ils 
avoient  des  anaires  deladerniéreconfe>)uen- 
ce;  &  aïant  refermé  lesPoirtes,  ils  nous  laif* 
ftrent  feuls  avecnôltenouvelAflbcié.  Ilou- 
vroit  les  yeus  fur  les  débris  de  nôtre  dîné , 
aifés  bons  encore  pour  être  convoite!  d'au- 
tres que  d'un  Famélique,  comme  s'il  n'eût 
mang^de  trois  jours.  Ce  quim'obligeadelui 
demsnder,  lî  il  avoit  dîné,  &  s'il  nevouloit 
pas 


.--„Googlc 


om  V-Hijioirt  dt  la  BaftilU.  19$ 

ns  tnen  nous  &ire  la  graçe  de  fe  mettre  i 
Table  avec  nous  auprès  du  feu  ?  Je  ne  m'en 
ferai  pas  prier  deux  fois ,  nous  dit-il  ;  car  ou- 
tre que  je  vois  que  vous  êtes  de  bons-Vî- 
vjtnts,  c'eft  que  j'ai  toûjonrs  fait  trèsmai'^ 
dierc,  depuis  que  je  fuis  àlaBaltille;  ledif- 
né  que  j'ai  fait  aujourd'hui  ne  m'empêcheroit 
pas  d'aller  à  la  Noce ,  &  je  n'ai  pas  veu  de 
feu  depuis  que  je  fuis  dans  ce  diable  de  gouf- 
fre, quoiqueje  fois  en  Enfer.  J'aportai  une 
carcaue  de  Dindon  froid  de  furerogation  à 
nos  bribes  ;  je  lui  prefeotai  nue  chaifc  à  la 
place  la  plus  honor^le,  &  je  le  priai  de  met- 
tre fon  manteau  bas ,  pour  erre  moins  eini:^' 
raflï.  Mais,  quelle  mt  ma  furprifè,  quand 
après  l'avoir  depofé  ,  je  vis  que  c'étoit  un 
Abbé  mi-party  ,  moitié  froc  &  moitié  drap. 
Avant  que  dt^  le  mettre  à  Ton  aife  auprès  du 
feu ,  où  je  le  ferai  tancôc  jafer  comme  un  E- 
tourneau,  il  efl  très  eiipedient  que  je  fallêln 
dcfcription,  fi  je  le  puis,  de  fon  hétéroclite 
figure.  Je  commencerai  par  fun  chapeau  \  il 
Ijb  merite"bieii.  C'étoitunCaudebecgoderou- 
né ,  tant  il  étoit  fduienu  d'audaces  ;  ou  en 
auroir  bien  rctroucé  le  chapeau  detlouzeScrf- 
dais  aui  Gardes,  tant  il  portoit  de  gances  à 
lérecoquiller,auffimedit-iidanslafnite^que 
les  Abbcx  uu  peu  Galants, commeIui,appel- 
loient  ces  fortes  de  chapeaux  entr'eus  ,  des 
Caftors  à  la  falbala  pretiutailJeï.  SaPerruque 
étoit  la  meilleure  pièce  du  fac  ;  clleétciitd'ua 
très  beau  blond  ;  &  nous  aprîmes  avec  le 
temps ,  que  c'étoit  la  Tonfuce  d'une  de  fcs 
MaitreiTes.  Son  rabat,  jadisblanc,  auflibitu 
^eXes  manchettes,'  étoient  d'une baptillc 
I  tou- 


Coo^jlc 


19+  VlnqHiJt'tion  Fraufolfe 

toute  des  plus  belles:  il  nous  jura,  qu'elle  Inî 
avoit  coûté  dix  francs  l'aune  dans  Cambray. 
En  revange  fa  chemiiè  étoit  d'une loilje  plus 
groffiére ,  que  celle  dont  on  fait  les  facs  :  il 
devoit  cependant  bien  la  chérir,  puifquec'é- 
toit  fon  unique ,  comme  nous  l'aprîmes  après  ; 
parce  que,  nousdifoit-il,jen'aimeàmechar-- 
ger  que  du  néceU^re,  &  qusjeme  mets  fort 
peu  CD  peine  des  chofes  qu'on  ne  voit  pas. 
Sous  fon  manteau  il  étoit  en  verte,  dont  le 
devant  &  les  poignets  étoient  d'un  très  beau 
drap,  éc  tout  le  refte  étoit  d'un  froc  tout  des 
plus  revêches.  Le  devant  de  fa  Cuiote  é- 
toit  de  veloux  violet;  &  le  derrie're  de  froc 
bleu  ;  ce  qui  m'a  fait  dire  ,  que  c'étoit  un 
Abbc-mi  -p^ci.  Ses  bas,  qui  étoicnt  attache?  au 
delfous  de  fes  genoux  avec  des  cordes  ,  lài- 
foient  une  figure  tout  à  fait  drôle:  il  en  avoit 
fait  defcendre  le  gras  de  la  jambeàlachevil- 
le  du  pté;  car  à  mefure  que  fes  bass'ufoient 
par  le  pîé  ,  lans  façon  ,  il  coupoit  ce  qui  é- 
loit  ufé ,  &  faifoit  defcendre  le  relie  plus  bas , 
en  forte,  qi(e  les  talons  fe  virentd'abordfe- 
melles  ;  enfuitc  le  bas  de  la  jambe ,  &  il  en  étoit 
augrasdelajambe,  quand  il  cntraavec  nous:  fi 
bien  que  fes  jambes  qu'il  avoit  naturellement 
très  gro/fes ,  paroiffoieut  monflrueufcs.  Il  a- 
voîi  la  figure  d'un  I.  Gtec  renverfé.  11  n'y 
avoit  plus  de  femelles  à  fes  fouliers ,  qui  ne 
tenoient  à  fes  pieds  qu'à  force  de  cordes ,  & 
làns  exagération,  fon  pié  avoit  près  de  deux 
pieds  de  Roi ,  tant-ilétoitéiiormement grand 
lïc  p'at.  Ilrougii,  quand  il  eut  mis  fon  man- 
teau bas,  s' apercevant  bien ,  qucnousavïons 
allës  de  peine  à  nous  empêcher  de  rire,  d'un 
ha- 

u,™--„Goog[c 


0X  FHi/loirt  de  la  Ba/IlIIe.  197 

habillement  auffi  bizare  que  le  lîén.  Mcffi'cufs, 
nous  dîuil ,  fi  le  Major  m'avoit  donné  le 
temps  de  prendre  mon  Jultaucorps  fur  moi., 
vous  m'auriez  vu  plus  propre  qiron  Lapin, 
car  il  eft  du  même  drap  que  le  Maiiteat%  de 
tout  entier ,  que  j'aiacheté en  Hollande.  Maie 
entre  nous  autres  Abîmez,  qui  nefommespas 
trop* riches,  &  qui  voulons  cependant  paroî- 
tredans  le  Monde,  nous'nenous  formalifons 
que  de  ce  que  l'on  voit,  &  nous  ne  nous  in- 
formons guère  de  ce  que  l'on  ne  voit  pas  : 
pourvcu  que  l'extérieur  foit  de  miiè  &  brillé, 
l'intérieur  va  comme  tu  pourras.  Il  parloit  . 
un  Normand  fi  grolTiCT  ,  que  je  connus  bien 
à  ion  langage  qu'il  étoit  du  côté  de  Koiien^ 
LojueU  manifefiuin  fecit.  Il  s'aflît  fans  façon 
au  haut  bout  de  la  table  ,  c'étoit  l'homme 
d'Efope ,  il  fe  prit  â  dévorer  ;  il  u'avoit  pts 
le  temps  de  mâcher,  il  avaloît  les  morceaux 
tous  entiers  :  ce  qui  fît  que  Mr.  Linck  me 
dit  bas  à  Toreille  afTez  plailamment,  qu'il 
buvoit  la  viande  ;  exprefiîon  que  je  troa- 
vm  aflei  fignificatiVe,  quoique  très  naïve. 

A  peine  eut-il  bîl  une  demi -bouteille  de 
vin  que  le  feu  lui  monta  au  vilàge.  Je  crô 
d'abord  que  c'étoit  l'eifea  da  feu ,  dans  le- 
quel nous  avions  jette  cinq  ou  fix  bûches 
d'augmentation  ;  mais  Tes  extravagances  nous 
:tirerem  bïen-t'ôc  d'erreur.  Sans  en  être  re- 
quis, il  nous  fit  un  détail  de  fa  vie,  la  plus 
■dépravée,  &  la  plus  débordée,  comme  on  le 
va  voir,  dont  les  plusgrands  Scélérats  puif- 
ient  être  capables.  EccUfta  feriierfa  oflendet 
faeiem  Diabali.  Vérité  ,  dont  nous  voient 
■un  exemple  exécrable  devant  nous.  Il  noui 
i  1  «voit 

u,:,-,zf--„GoOglc 


1^6  L^lmft^fitaH  Fraiffoife 

avoit  dit  qu'il  s'appelloît  Mr.  de  la  Motthe, 
Abbé  de  St.  ADtoine.  Meflîeurs ,  nous  dit- 
il  ,  je  vois  bien  que  vous  êtes  d'aflcz  bons 
Enmits ,  pour  ne  vous  rien  celer  :  mon  vé- 
ritable nom  ed  Antoine  Sorel ,  Curé  de  Lie- 
ry  ,*4  quatre  lieues  de  Rouen  .  qui  eft  la  troi- 
fiéme  Cure  qne  j'ai  perdue  pour  mes  diables 
de  galanteries.  *  u  Nâtre  bon  Rouai  a* eu 
'„  grand  tort  de  ne  pas  m'anvoyai  à  TAmc- 
,1  tique,  j'y  érols  peuplai  comme  quatre  des 
■„  pu  hardis.  En  treîie  mois  de  temps  il  y 
„  a  eu  frpt  Filles  de  ma  Parouaiflc  qui  ont 
„  accouchi  pour  mouai ,  dont  il  y  en  avoit 
„  une  belle  comme  unSoIey,  nommée  Eli- 
„  fàbeth  de  la  Feuillée  ,  fœur  d'un  Maître 
,,  Chapelier  de  Roiien,"  qui  étoit  ma  Coufi- 
„  ne  Germaine;  non  comprins  les  Femmes, 
■,,  car  j'ai  feit  en  forte ,  quin'ontrientretou- 
„  tes  a  lè  reprochi;  exceptai  trois  ,  que  je 
„  n'ai  jamais  pu  mettre  à  la  raifon  ;  &  fi  j'a- 
,,  vois  da  encore  des  Maitrefîcs  à  Roiien  & 
,,  de  tous  les  cotei.  Dame  Dame  ,  vêla  un 
,,  Cur^  ftila.  En  achevant  celte  belle  Con- 
ftffion,  il  fi;  leva ,  &  me  prit  par  la  nuùn 
pour  me  coùtraindre  i  dancer  avec  lut  ;  Se 
voïant  que  j-cVen  étois  pas  d'humeur,  il  le 
prit  â  dancer  feul  d'une  manière  aufli  barleC- 
que,  que  j'aie  veu  dancer  eu  ma  vie  ;  '  en 
^i^nt  des  lâuds  û  lourds ,  &  avec  tant  de 
-violence,  qu'il  eût  enfoncé  le  pjanché,  s'il 
•eût  été  moins  folîde ,  en  chantant  une  chan- 
fon  fiin&me,'  qu'elle auroit fait  rougir Icplus 
ef. 

•  Tout  «  qu'il  dit,  ic  c|Di  rit  difUngui  ^'  de»  guîll». 
ncuBD  commencaaent'du  lignc>i  df  du  Nocxiaàd,  id 
qu'il  le  pttlgit. 


.--„Googlc 


eu  VHiJietre  de  la  Baflitti.  Ijt? 

èCfrcHité  Goujat  de  l'Armée.  Cependant , 
nous  difoiï-il ,  „  je  l'ai  fiiit  danchi  bîea  des 
„  fouais  anxFumcIles  deinaParouaiire,dafis 
„  men  Prebîtaite,  principalement  les  Diman- 
I)  chesquejedanchionsl'aprèsmidijenatten- 
„  damVeipres,  &  après  Veipres,'q«ei'avions 
„  mille  câlins  :  jenosegofillionsdc^îrecom- 
„  medcsCoffres.  LepauvreMr.Lînck,lQÎiI 
de  rire  de  cette  datice  lôrbare ,  &  de  ce  ridicule 
Perfonnage  ,  alla  fe  jetter  fur  fon  lit ,  tout 
trifte  ,  ou  il  fe  prit  à  pleurer  le  malheur  de 
fe  voir  enfermé  avec  cet  extravagant.  Je  cou- 
rus à  lai  pendant  que  nôtre  vénérable  Curé 
paJIbit  en  rcviie  les  bribes  de  nôtre  dtnc  , 
pour  fe  refaire  de  fa  fatigue  ;  car  véritable- 
ment il  fuoit  ï  groflTcs  goûtes.  Mr.  Linck; 
va  me  ferrant  la  main ,  ah  Dieu  !  me  dit-il , 
qud  Homme  nous  a-t-on  donné  ?  c'eft  un  ■ 
Diable  plutôt  qu'un  Prêtre.  Si  un  de  nos 
Minîdres  avoit  fait  cbez  nous  la  dixième 
partie  des  crimes ,  dont  ce  fcelerat  Xe  vante , 
on  l'auroit  brillé  vif:  fi  les  Ofiders  laiOënt 
reperdu  avec  nous,  indubitablement  j'en  mou- 
rai  de  deplaiCr.  Je  le  confolaidu  mieux  qu'il 
roc  fiit  poffible  ^  en  l'aflurant  que  nous  fei 
rions  les  Maîtres  de.le  chaflcr  d'avec  nous; 
mais  nous  ne  coimoifltons  pas  encore  U 
Baftillc.  Nôtre  charitable  Curé  me  deman- 
da ce  qn'avoit  Mr.  Linck  ;  &  lui  aïant  ré- 
pondu qu'il  fe  trouvoit  un  peu  mal  ^-  mais 
que  quelques  heures  de  repospourolentlere- 
mettre.  „  Mordîere  qu'il  boive  &  mange 
„  comme  mouai;  qu'il  cabriole,  &  qu'il  fe 
,,  goffe  de  l'incontûncc  :  vive  la  jpïe.  Je  le 
priai  de  le  l^llèr  un  peu  repolcr ,  (Sclurai'aiic 
t  5  ,       ter- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


158  Vhqmfitioti  Fraitfoift 

verfé  an):  rgfade  de  vin  de  Champs^e  ,  qtii 
acheva  de  lui  tourner  la.  cervelle  ,  je  le  fis 
aiToir  Auprès  da  feu ,  &  je  le  priai  de  me  fai- 
re l'Hiftoire  de  û  vie,  où  je  ne  doatois  pas 
qu'il  n'y  eût  des  avantures  tout  à  fait  extra- 
ordinaires. ,  Jamais  Bufcon,  reprit-il,  ni 
„  Laiarillc  de  Tonnes  n'y  firent  œuvre  :  je 
,1  vos  raconterai  tout  de  point  en  point  : 
„  mais  au  moins  ,  i  la  pareille.  Un  Bar- 
M  bier  raze  l'autre;  vosme  dégouaifern  la 
„  vôtre  i.  vdtrc  tour.  Voici  comme  il 
commença ,  eu  parlant  affez  haut  pour 
que  Mr.  Linck  o'en  perdit  pas  uo  fcul 
mot. 

„  Je  fieus  deLeryprèsduPoat-dc-l'Arche 
„  en  Normandie  ,  Fils  d'un  bon  Fermier 
„  de  Mr.  le  Cardinal  de  Bouillon.  Mea 
,,  Père  e(l  d'une  des  meilleures  Familles  du 
„  Village,  &avouaJtgentimentdubieii,  mais 
„  comme  nos  étions  biaucoap  d'Ends  qu'il 
„  à  tous  ^lu  élevai  honorablement ,  l'en 
„  petit  fait  y  a  palTai  :  il  n'y  a  que  men 
„  Fïere  ainai',  qui  eft  demeurai  à  fe  n'aife  , 
„  &  qui  a  prîns  les  fermes  de  Mr.  le  Cardi- 
y,  nal,  en.Ia  pladie  de  mcn  Père,  &  un  de 
„  mes  Cadets  ^  qu'un  bon  mariage  a  bien 
„  mis  à  ie  n'aife.  J'ai  itout  une  Sœur  qui 
,,  eQ  mariée  à  un  des  pu  fameux  Cabaretier& 
„  de  Louviers ,  qui  s'appelle  Mr.  Bras-dor. 
,,  Vos  voiez  que  je  fommes  gentiment  apa- 
„  rentSz ,  &  que  je  ne  fommes  pas  de  la  Ca- 
„  nmlle  otiida.  Dèsquej'étois petit,  menPe- 
p  rc  me  deftinoit  pour  eitrc  Preitre  ;  car  é- 
>,  tant  Fermier  de  Mr.  le  CardinaldeBouil- 
,1  loa,  ij  ]f.doutoit  bieà  que. les  Cuics  ne 


--„Googlc 


•«  rHifioire  de  la  BafliUf.  ]»p 

„  me  maat^ueroient  pas  pu  que  liaa  dans  la 
„  Rivicre.  J'étudiai  pour  cet  effet  à  Rouen  ; 
„  &  comme  j'écois  ai&z  bîau  mile  ,  une  £- 
„  chopiére  devint  amoureufe  de  mouaî.  Je 
l'interrompis ,  pour  lui  demander  ce  qile  vou- 
loît  dire  une'  Échopiéie.  „  Comment  me 
),  répondit-il  brurquement  !  eites  vou&  le  feul 
„  enlfraclqui  l'ignoriei?  C'cft  une  Femme 
„  qui  vend  de  la  grailTc  ,  de  t'huîte  i  brûlai 
„  à  petite  mefure,  du  beurei  du  tard,  de  la 
„  chand^Ie  ,  &c.  Tout  le  monde  appelle 
y,  cela  Ëchopiére  ;  &  Vaagelas  la  nomnu: 
,1  aiufî  dans  l'on  Diâionnaire  du  bîau  Lan- 
*i  Saffc.  Je  lui  demandai  excufe  de  ce  que 
j'avois  oublié  ce  terme  ,  &  qu'il  devoh  «- 
tribtt^  ce  defïaut  de  mémoire  à  ma  Prifoii. 
■Jiftèi  quoi' il  Ce  trauquilifs ,  car  il  âoittout 
.^ma  de  mon  ignorance  :  il  continua  «ulî. 
a,  Tontes  les  touais  que  je  pxffois  devant  fa. 
tt  boutique^  elle  m'arr^toit pour  mecareflai;  " 
„  tantôt  elle  me  donnoituiK  becrée  avec  un 
„  COUP  de  bon  gros  cidre;  tantAt  des  poires 
^  ou  acs  pommes  cuittes  ,  &  trejoois  qué- 
y,  qucs  petites  ftiâleries  :  qoéqucs  fouais 
t,  itout  elle  me  fkifoit  entrer  daos  l'gtnéte 
»,  Boutique  ,  &  mefaaifoit  i  lajoe.  Enfin 
,.  elle  devint  fi  éperdiiemcnt  amourefife  de 
„  mouaî,  qu'elle  mé  voulait  épouîâi  à  toa- 
„  tes  i'orccs ,  &  qu'elle  me  fit  la  piopclîtion 
„  de  tne  donnai  tout  fcn  bien ,  fi  je  vouloJs 
„  en  taire  ma  Femme.  Elle  me  dit  qu'elle 
y,  me  donncroit  raillant  plus  de  deux  mille 
^  'écus  :  qu'elle  m'acbeteroit  une  Charge  de 
,»  Fcanc-Porteus  au  Grenier  à  fel.  Elle  eflt 
„  bien  éiai  ma  Qrand-Mere  ,  &  c'étoit  une 
I  4  gtoûè 

.     ,  ,  -.^Xooylc 


aoe  L*îmqt^ti»m  frampoife 

„  groflè  tripière  ^i  me  M&yx  mal  an  cœur  ^ 
„  tant  elle  ètoit  graiiTeufe  ;  mais  le  bien  & 
„  la  Charge  me  firent  ouvrir  les  yeui.  Je  l'y 
„  dis  que  je  le  voulois  bien  ,  &  que  j'îrois 
„  en  pârlw  à  men  Père  &  à  maMete.  Jen'y 
„  manqui  pas.  Men  Père  &  ma  Mère  vin- 
f,  rent  ] a  voilais.  Ellenosregalîtqaerienn'y 
1,  manquoit.  J'étions  près  d'écrire,  quan4 
„  fes  héritiers  èvantlrentla  mèche  &  même- 
M  naffiicm,  que  fi  j'ypenfois  feulement,  ce 
„  feroit  fait  de  mouai.  Elle  avoit  des  Ne- 
I,  veus  Purins  qui  étoient  de  grands  drôles 
„  bien  découplés  :  ils  me  guètirent,  ce  qoî 
,t  fat  caafe  que  je  n.'ofoïs  pu  y  allai  que  le 
„  foUer.  Unefois  que  j'en  fortoisbientard, 
f,  ils  me  tirèrent  no  coup  de  piHoletfansme 
„  blechi ,  qui  me  fit  décamper  de  la  belle 
„  manière.  Ma  Soeur  ,  qui  ètoît  Fille  de 
„  Chambre  chetMad:!a  PrefidèntePlot,  ne 
„  voulut  pu  que  j'y  retourniffc,  &  dit  qu*el- 
„  leaimoit  mieux  que  je  fulTe  Preitre  ;  & 
„  pour  cet  effet  elle  priit  Mr.  le  Prefidcnt  de 
ti  me  Couvai  une  condition  ,  pour  entrer 
,1  Prec^teoT  dans  une  maifou  de  Qnatitai  ; 
„  car  j'ctois  bon  Rhetotîcicn.  Je  failbis  dc- 
,1  jolie  petite  profe  latine,  tout  comme  Ct- 
„  ceron,  il  n'y  avoit  pas.de  choix  entre  nos 
„  deui.  Je.faifois  itoutde  jolis  petits  Ver» 
t.  Grecs  ;  ppur  des  Vers  Latins,  jcm'cnbat- 
„  tois  ies.fellês  j  je  n'y  ai  jamais  pu  mordre; 
„  cela  m'elugeoit  lacervelle.  M.  Plot  écri- 
,,  vit  ï  Lion  i  Tes  Parents  ;  &  il  ut  ordre  de 
„  m'y  envi^ ,  pour  dire  Précepteur  des  En- 
,>  fants  de  Mad.  Plot  de  Bulliou.  J'y  fus , 
„  &  j'ètois  là  comme  le.poïc  ï  Vaâ%e.    Je 


■oylc 


en  THiJithe  d*  U  SaJIHU.  toi 
'  K'  n^y  cù  pas  été  trois  mois  ,  .  qùè  je'  deritig 
.,  vermeil  commeune  Rofe,  &  grascomme 
„  un  Moine.  Pendant  que  mes  Ecoliers  é- 
1,  toient  en  claflè,  j'étudîois  mouai  en  Phi- 
t,  lofophie,  oùj'argumentois  comme  un  Pla- 
nton. Je  m'aperçn  bien-t6t  que  ma  Mai* 
t,  tfeOè  étoit  devenu  aoiourenfe  de  mouai; 
„-  Je  no^  enlrclorgnîons  à  qui  mieux  Bueux^ 
„-  les  meilleux  morcianx  de  la  Tableelte  me 
,j  les  tapoit  toujours  fu  me  n'âffiette.  EulSa 
„  j'étoisâgogo,  qnandjçm'acoAid'uugraad 
„■  drûle  d'Ecolier  bien  découplat  ,  qui  étoû- 
,,  debanchi ,  qui  me  perdit  eotieremeut:  Ma  - 
„  MaitrefTe  qui  difott  irejouts  qu'elle  vou- 
„  loit  m'attachi  pour  jamais  aupreis  d'elle  ,■  > 
„■  &  pour  cet  -efFet  me- donnai  une  des  Cure» 
,,.  qui  étoient  i  fa  nomination,  car  ene<:toit 
,j  Dame  dcqoatre  o  cinq  Parouaiffes  ,  m'a- 
„-  voit  fiiit  recevoaer  Dincre  ^  quand  l*Eco- 
„•  lier  que  j'ai  dit ,  qui  s'appelloit  l' Abbé  de 
„  St.  Martin ,  Gentilhomme  de  St.  Etienne 
„  en  Forêt;  me  fit  faire  i'EcoIe-biflbnniére,  ■ 
,,:pour  m'en  traînai  au  cabaret,  avec  d'autres* 
,1  garnements  comme  liU',  on  je  fricaSious- 
„  tout  ce  que  je  ponvois  attrapai,  Il  m'avûir 
„■  tellement  enfôrcclai  que  je  ne  pouvois  pu' 
„  me  paflài  de  li.  Je  n'écoutois  pu  les  re-  ' 
„  montrances  de  ma  Maitre^e:  elleavoit 
„  biau  mefermonnai ,  un  mot  de  men  Ca- 
„  marade  de  débauche  c^çoinont;  Quand 
„  heureuftnienl  pour  mouai,  il  s'engagridani 
„  la  Cavalerie,  où  je  me  feroîs  mis  avecli, 
„  fi  je  n'avois  pas  étai  dans  les  ordres  ;  & 
„  fen  Capitaine  l'amenit.en  Allemagne.  Je- 
„ll'cQ  entendit  pu  parler  peada^t  cinq  o  fix 
l  j  ■  „  mois,  - 

.....^Xooglc 


40t-  ^  Vîé^MifùioM  Fra/tfaife' 
„  mois.  Je  repriQS  l'Etude  ;  &  j'étois  prft 
„  à  chaatai  m»  première  Meflc ,  quand  un 
„  btaa matin,  jercçuune  lectredemonGail- 
„  lard  qui  m'écrivoît  du  Faux-bourg  de  la 
„  Guilotiéte,  audelàduPont,oùilmeprioit 
„  de  l'aller  trouvai,  dans  un  Cabaret  où  il  me 
1,  marquoit  qu'il  m' attend  oit.  Je  ne  me  le 
„  fis  pas  dite  deux  fouais  ;  j'y  vôlîs.  Mais 
„  quelle  fut  ma  fnrprife,  quand  je*l'ytrou~ 
„  vis  en  habit  de  Recolet  ;  je  penfi  tombai 
„  de  meri  haut.  Jamais  Mafcarade  n'a  été 
lit  pu  dràïe.  Vb^it  pourtant  ne  demantoit 
„  pas  fa  bonne  mine  ;  c'étoit  trejours  le  mé- 
,,  me,  droit  comme  un. jonc  ,  frais  comme 
„  un  Gardon.  Apr&s  les  Ambrachades  ,  je 
M  fimes  venir  du  vin,  &il  me  coniit  qu'en 
„  Allemagne  il  avoir  trouvai  ua  Recolet  de 
t^  faconnoilTaiice,  quil'avoitteEiraidansfon 
„  Convent,  parcequefon  Capicainene  luia- 
„  voit  pas  voulu  donnai  fon  congeaiL  Que 
„  les  Moines  l'ayoicnigardaiprèsd'unmoiï, 
yf  jttfqu'à  ce  que  fa  Compagnie  fût  partie; 
„  pendant  lequel  temps  ces  bons  Religieux 
„  l'avoient  prefque  fait  crever  à  force  de  boî- 
,,  re;  &  qu'après,  crainte  qu'il  ne  fûttecon- 
„  nu,  &  prins  comme  Deferteur,  ils  liu  a- 
„  voient  donnai  un  habit  de  Recolet ,  avec 
„  une  obédience,  pour  allai  de  Convent  en 
„  Convent  jufqu  à  Lîon ,  où  il  devoit  quit- 
3^  ter  l'habit  ,  &  le  rendre  aus  R,  P.  Re- 
„  colets.  Que  par  toute  la  route,  il  avoit 
„  fait  une  vie  defordonniîe.  Qu'aux  Con- 
„  vents  où  il  avoit  logeai  ,  on  lui  avoit  par* 
„  tout  donnai  de$  prcfeais,    p<^  apporter 


m  PHiJhire  de  la  Bd/fille.  su} 

,,  au  P.  Supérieur  ,  &  à  divers  P.  Rccolets 
i,  de  Lidn  ;  mais  que  par  It  chemîii  ,  il 
„  âvoit  tout  vendu  &ftica0àt.  Qu'ca  fartant 
i,  d'un  Convent  où  les  bout  ReJigieui  l'a- 
„  voient  tant  fait  boire  ,  qii'it  en  étoit  trou- 
„  b)ai  ;  il  renconttit  une  Fille  qu'il  voulut 
r;  forçai,  &  il  dc  fçavoit  pas  ce  quicnletoit 
i,-  arrivai ,  iUns  des  Païfans  qui  accouruient 
„■  aux  CriK  d«  la  Fu:Tjelle  ,  &  qui  voulurent 
,y  le  ratberiai  au  Convent,  pour  te  tàirechâ- 
„  tiaî  par  fes  Supérieurs ,  ne  voulant  pas  l'y 
t)  tojichi,  àcaufedefencaraâére, maiscom- 
»r  me  il  étoit  plusforiquCcesRuftres,  après  ■ 
i,-  s'être  gourmai  avec  cui ,  il  s'^roit  échapai 
„  de  leurs  mains.  Je  -fûmes  trois  jours  en- 
„  tiers  ^tK  te  CabaretdelxGuilotiéret  fans 
j,  nos-<]uittai  j  mais  comme  il  n'avoit  pas 
„-  an  ^ou  ,  &  que  je  e'étois  guère  chai^cai 
„  d'argent,  quand j'enmes  tout  mangeai,  je  ■ 
„  IJ  confeilli  d'aller  aux  Recolcts  ,  leur  de- 
,,'inandai  deshabiit  &quelqu'argentp(»)rre- 
ft-loVrRai  chez^  li  ;  pucequ'il  en  étoit  bien 
1,'comio,  &  qac  les  bons  Peces  alloiencàla 
f,  queite  fotfvent  chez  fen  Fera  &  fa  Mère.: 
),-/e  CacccMnpagni  jafqa'au  Gonveiit.  Mais 
„  je  vis  bientôt  qu'il  alloit  bien  mat  de  fes 
„  afaiies;  car  je  ne  fumes  pas  plutôt  entres  • 
„  dans  te  Couvent,  que  le  Frère  Portier  fou- 
„  Bit  trois  fois  uns  cloche  ,  qui  fit  parnître  ' 
„  tout  à  ccajp  «inq  ou  fix  grands  Eliafiers  do 
„  Moines ,  qui  comtnencirsiK  à  vomir  mil- 
i,  le  injHFes- contre  li ,  en  liu  difaitt.  Ah  ! 
„  vous  voici  donc  Mr.  le  Fripon  ,  qui  avec 
]>  QÔtre  habit  nos  avei  fcandalifci  par  vos 
I  «  •  „  (ie- 


.-iCooglc 


M4'<  L*Imqmifitiêm  Ffamfnfi- 

n  ddianches  ;  qui  «t«  &icsflài  toatcequ'on 

■n  vos  aroit  donnai  pooi  le  Convent ,     & 

11  qui  vonkz  foiaù  les  Filles 'Entrez,  cn- 
ji  Irez  dans  le  Rereiâoiicrcj.ilyaloiigtemp^ 
1)  qne  nos  .vos  attmdonE.  EtvosMr.  fe 
tt  loumant  .dcTCrs  monii,  a*£tcs  vos^  pas  de 
»  Gi  Compagnie?^  ne  velci  vos  p?s- entrer 
it  avec  lia,  pour  être  regabi^Neoiii dames, 
)>  R.  P.  ce  leoE  dit-je,  voiant  .qu'il^-^toient; 
n  d^ja  plos  dfi.  quinze,  cm  fcizc  Papplards  » 
y\  qni  le.tiroîontdan&le-ReftâDuere  ,  ou.il 
)i  n'entroit  pas  de.bonc(SQE;  jeneleconnoîs 
,•  fcalement  pat  :  btmimtm  tmf.  mevi  :  .c'cduiv 
■V,  bon  ReHgieui  ,qni  m'a  priai  de  li  montraî- 
„  le  chemin  do  Convent.  Je  Icreniy  commc. 
,1  Pierre,  &  en  dîTam  cela  jç  decanq>e.ftapu. 
„  vite.  II  D^  avoit  pas  pu  de  deux  heures  gu'e^, 
ft  jVtoie  de  retour  à  ia.Mai&]n,  oànaaMai-:- 
,t  Creflc  me  lavit  laieite  de  labeUejnaniére^. 
,1  que  je  reçu  un  billet  de  mcu  pauvre  Ca- 
,)  marade,  qui  me  ptioit  de.raliai  trouvai: 
^  dans  le  mJme.C^âret,  où.j'aviOQS  paflàl> 
y^  trois  jours  enfènable.  L'envie.que  j'avois  ■ 
,1  de  fçavoiier  comment. il  s'^oit  tirai  des 
,,  nains  de  ces  Caffiuds  de. Moines,  ât:.quc 
,1  je  ne  balaoci  pas  .un  moment  :  Je.prins  le 
p  reile  que.j'avois  d'argent^  &.  preftenjent  j^ . 
fi  fus  le  trouvai.  Jamais  je  ne  fus  pu  ébahi., 
„  que  quand  je.le  retrouvï  eticore .dans;  fort 
„  habit  de  Recolet..  Mais  te  pauvre  Garçon,' 
„  après  avoir  barrai  japortQrurnosdeui,de- 
„  tachit  fa  corde,  lailijrtqmbairaRobe,  && 
„  mie  tput  nud.  Il  étoit  comme  un  Etfe  bo^ 
,,  W0.  lis  ne  ravoieoc  pasfeflâi,  ils  revoient 
^,,.ccorchi.  Il  fc.mil  î  pleurai ,  &  mo^ài  1 
pieu- 


oii  fHi/tcire  4t  Is  Bë/SUlê.  KOf 
^  pltoru  devMtli  ;  Je  pleuHons tous  dfeuX'i 
Y.  qui  mieux  mleai.  A  la  parfiitil  me  contit 
rt  &n  avaaUie^  Si-t6t  que  je  fiis  entrai,  <ijt> 
««  ii,  dans  te  Rcfcâouere,  ilsm'j'doiinireiu 
„  aatMaarcgal.  Us  meliyrcntàon  des  piliers 
,»  avec  RU  corde,  &  les  leurs,  ftaprism'a'' 
„  voit  bien  çurotai  pdï  les  picdS'&  les  maioa^ 
„  il»  me  mtrcnt-  tout  nad  ,  &  aprè»  ils  tnc 
M  ceignircntcooU'e  le  piliéàtfftTeFsdesreini^ 
,,  en  Jbne  qse  ic  ne  ponvois  tnanJai ,  ni  pié; 
„  ni^atte.  Apwicbela^uxgrandsPwUiards 
„  des  pu  dccoujpSés  iè  fonc  pris  i^m'émouchi-ï 
n  coups  de  difciplioe,  Dieufi^ait  la  joie}  ils 
,t  n'ont  pas  travailU  long,-tenipsqB'ilsin*ônt 
M  eu.dcchirai  la  piau,  d^is  les  £paale$juf- 
,,  qa'aoi  nions..  Je  criois  comme  un^SoJai. 
„  J'ai  biea  fenu  que  c'étoit  lùr  les  feflfes^u'ila 
I,  le  font  le  jpa,  acbarn^s-;.  aiiSje  ne  Crof 
n  pas  en  gnnir  de  plus-  de  quinze  jours.  £q 
n  Ole  flagellant ,  Us'  me  diloient  :  vêla  pour 
t,  lepreientdu  R.  P.  ftici;  yela  pour  lepre- 
tv  Cent  duR-P.âila.;  TCla  pour  avoir  voulu 
}>iHÛ&i  la vilagpeil£^;  enfinilsm'en^cKitdDn''^ 
n  lUù  pour  tmis  mes.  péchez,  poorlxvigile 
n  &  le  jour.  Après  m'en  avouéiJionnai  dos  de 
„  ventre  ,  il  a  ét^  qucllion  de  me  renVid 
„  chcax  men  Père.  L'un  difoit  qu'il  me&l-> 
„  loit  mettre,  dans  un  eu  de  baûé  -foJIè  pen« 
y,  dant^qulDxe  jours,  au  pain  &àliau.  L'iih' 
^  tcc  qu'il  me  lalloit  domtai  un- habit  f(!ei>' 
„  lier,  &  me  faire  jurer  que-jeleTchveira^Sj 
t,  quand  je  ferois  arrivai  i  la^Ma^bli.  Ne 
„  vos  y  âcz  pas  difoit  us  autre,  il  le  gard&a 
„  ra.  D'autres  dilbienc  qu'il  me  fiilloit  rea- 
^.riai  arec  l'habit,  de  Recolet,  &.mc  donnai 
1.7  on' 


.--„Googlc 


xoâ  Vluqu^ition  Fr-aiÊfaifi 

„  un  pfire  &  an  Frère  pour  m'aBcâmpagni, 
^  &  laportai  l'hsbit;  .Jnait  pas  oq  n^  voulu 
M  accqrui  U  comottâlon  de L'Ambal&de-:  ils 
y,  ont  biea  fait  car  (Uns  .leâe&li>cHr  ailils 
,1  m'ont  mi»  ,  je  les  éiois  tués  tous  deux. 
it  D'autres  ont  dit. qu'il  jnc  falLoit  rcnviai 
},  tout  feul ,  &  écrîre'une  Lettre  dc-  civilitaî 
y,  à  mçn  Père  ,  qui  étoit.  honuéoe  hanutie  , 
y,  &.qui  iiuJuIjitableaienL «cnrdrok  l'fuibit. 
>t,  Enénaprps  s'êtve.rcticai.eii  nscoia,  &a< 
^  voir  conférai  longtempsesftmble,  lïdei- 
„  nier  avis  a  paHai  à  la  pluralitaî  des  vois. 
^  Us  m'ont  detachi  &après  ijue.le  P.  Pré-  • 
^  lat,  maeu^t  un  fermon,  qu'.ilneEncte< 
t,  noi(  d'eutendj-e ,  puurfn|aihortai  àimioux 
I,  vivrc,^il  m'a  demandai,  li|B«ouljMsinBnr 
,,  gçai.  Ab!  ce  li  ai-jc  ropondu,  on  fondant 
^t  eu  larinei  ■  il  ue  m'cn.ti«iit  c-vos  in'aveï 
„  allé«  bien,  régalai  :  vos  m'eti  «vcs-dontiaî 
,,  pour  le  relie  de  ma  vie..  Enonces  Frclwn- 
t,  pieis  m'ont  fait  jcpiaicUe  Leur  diable' d«  : 
u  froc  ,  écm^ontËBi  rccoadieu/eàDrsdeU 
u-Mi^le  plu:.q^atre.de  teursplus forits- SmcIt 
y  lit^s  ,  qui  par  le  cbcœiD  ine  cwvlqlteient 
yx:4*  DC  pas  oœ  vantcE  daen  aOâ  de  maboa? 
Il  ne-iofinne;  &  que  je  pauvoiiétreaiTaTavi 
^  que  , de  leur  cûtat  cela  ïèrolt  cafeveltTous 
y^  terre..  Pendant  cctcnaps  là  jcoaeditois  les 
1,  moiens  de  m'en  vangeoi  :  mait  que  fkirc 
la^-f^Aocre  ces  Ëciilies  de  Moines?  je  pettao^ 
,»ve  point  id'aulre  refonccc  quc-de  les  allai 
H.  brûlai  dans  !eui  Convent  y-  dilbii-jecaipoiT 
w  la^me.  Enfin  qoaitd  ils  m'ont  eu  quittai, 
*,  &  perdu,  devile,  j'aipiinsungranddecour, 
j,  -?t.  je  &ÔS.  lerxiut  ici  ,  moa  cber  &  iotinv 
',  .  Ami,. . 


.--„Googlc 


tu  PHifiairt  dt  UBafltlU.  S07 

M  Ami  ,   pour  te  confiiltai ,   &  te  conjorai 

„  par  nôtre  amitié  inviolable,  que  («m'aides 

>,  à  me  vanKcai  de  ces  .Bourreaux  de  C&^- 

„  fars.    Apres  que  je  liu  eu  promis  &  jurai^ 

1,  que  je  ferois  généralement  toutauMonde 

„  ce  qn'il  voudroit.   As-tu  de  l'argent ,  me 

,,  dit-il?  Bien  petitement-,  H  repondis-je;  & 

,1  pour  peu  que  je  tardions  ici ,  je  n'en  drai  *c 

„  que  (H>ur  en  ionir.    Allons  ,  buvons,  te- 

I,  piit-il  ,  pour  en  avalai  le  courroux.     L» 

„  nuit  porte  Confeii  :  mais  faifons  aupara- 

„  vaut  venir  de  l'huile  d'amende  douce  ,   & 

„  m'en  frotte  je  te  prie  par  tout  ;   car  mefc 

„  playes  me  cuifent  comme  du  feu  ,  &  me 

„  picquent,  comme  des  égullcs.  Ce  qui  fut 

,,  diti  fut  fait.  Après  je  bûmes  pendaiu  une 

„  bonne  partie  de  la  nuit.  Enfin  après  avouer 

,1  biçu  r^vai  à  tons  les  molens  dont  je  pOu.^ 

1,  lions    nos  vangeai  de  ces  Pères  KouaiW 

I,  ieuj[  ;  il  fut  reK>lu  que  je  nos  habillerions 

„  tous  deux  en  P.  Rccolets,   &  quej'itionft 

„  par  tpus  les  vilages  faire  la  Que^e;  &qù'è 

„  mefure  que  j'amaûètions  de  quai ,   je  me 

,>  ratùLlerois  dans  mon  habit  d'Abbé  ,   pdUB 

'    ,1  «lier  vendit  ce  que  j'éiions  queicai.     L* 

„  quediont^toit  d'avoir  encore  un  habit,  &  par 

^  ifii  le  &ire  faire.  D'abord  il  vonlokquejo 

,«  tuiâioas  deux  Recolets  pour  le  va&geai  &. 

it  prendre  leor  dépouille  :  mais  la  Confei)  é-< 

,1  toil  trop  dangereux.  A  quéquQfiA,  derif- 

„  quai  la  corde,  pour  allât  à  MQueite^  Qui 

„  a4e  Tvgent  ades  coquilles  ■  triedk-il  ; 

,»  va  cbes  tcâ;  prend  tout  ae  que  tu  pourras* 

(,  avoir  de  meilleur,  &  puis  vien  metetrou- 

,t  vai.  Je  fui&  refolu  de  <taçit«r  ftol^  jufqu'î' 

»  ce 


.-„Goo.jlc,   ■ 


^  ce  que  nos  faons  arrÎT^s  cb«  qù   der 
„  Fermiers  de  tnen  Perc  ,    qui  cft  on  bon 
„  homme- &  bien  liche:  je  contreferai  i'écri-' 
,,  curede  meo  Fcrci  qnileprîra  demedon- 
„  oer  ccDt  fnaci  ■  à  valoir  far  ce  qu'il  lor 
^  doit,  pour  faire  iB.ftlltndemaProfeflioaj 
„  parce  que  je-fuis  -KtxX  m&faîreRccolct, 
^  &  puis  je  te  ferai  habiUcf .  Je  donni  mca 
„  aprobatton  à  lèd  projet.  Dans  lemomeaf 
^  je  fÎM  dans  -ma  Chambra ,  où  je  raffli  tout- 
„  ce  quej'avois  âeLirres  ,  dellingc,  &dc' 
„  pu  biau  &  de  meïlUar,  &  jevintleretroa- 
^  vai  dans  le-  Cabaret  ;   mais  tout  y  fut  au-  - 
„  tai,  avant  que  d'en  fortir,  &jevandisjuf- 
^  qu'an  boucles  de  mes  fouliers ,  2e  auxbou-- 
„  tons  de  mes  manches,  qui^toientd'argent,'. 
„  auparavwitqiie-d'en  partir.  A  lafinjcnos^ 
„  minmes  en  chemin.  Quand  il  entroit  chcz*- 
„  les  bonnes  Gentt  j  j'érois  jurai ,  qu'il  n'au-  - 
„.  roit  fiut  d'autre  mette  en  fa  vie  que  do  qaei- 
„  tai,  tant  il  fi  prenoit  de  bonne  grâce.  Diem 
Q  foit-ccans,  difoit-il  en  entrant,  lafaiidu' 
„  Seigneur  Joit  avec  vos  &  vos  accompa-' 
,1  gnepar  tout:  qu*ilbeniâè  &  multiplie  vos - 
^  biens.  Je  viens  eicitai  vAtre  Ciiaritaienfe--  ' 
„  iiienr  de  nos  R.-  P,  qui  priront  EWeu  pour 
„  vos  &  pour  tous  leurs  Bienfaiacursi  «quii 
„  offriront  le  St  Sacrifice  dclaMcdâè,  pour 
„  le  repos  des  Ames  de  vos  Parents  &  boni 
„  Amis  trépanas-     Vos   fcavés   que'nâire* 
„  Convem  eff  pauvre  ,     &- que  nos  avonsr 
I,  bien  de  la  peine  à  vicre;  en  recompaifeil' 
„  eft  riche  en  bosnes  oeuvres ,  dontdenfttre- 
„  côtay ,  je  vos  donnerons  une  part  aboa. 
,,.  duite.  CAnslaplupandesMaifoat,  auffi-, 


M  THiJïoirt  de  la  'Èsftine.  )0> 

»»l6t  que  j'y  entrions  la  napc  ftoit  mifb-, 
„  ou  du  moins  on  nos  dounott  i  boire  ; 
apès  quoi  nos  ne  ibrtîons  jamais  le* 
^maÏDS  vuides.  Sî  il  s'y  rcncontroit  qu<- 
^  que  jeune  Fille  i  mariai ,  il  ne  manqnoft 
*»pas  de  demandai  ff  elle  étoit  accordée  i 
»,on  fi  elle  avoait  qnéque  bon  Ami^  &  fui^ 
„  vanï  fa  reponce  il  ne  manqnoit  pas  dedi-. 
re  qu'il  connoiflbit  un  Jeune-homme  bien- 
fait, &  bien  fage  ,  qui  avoit  de  bon  bien, 
"  qui  itoit  du  Cordon  du  Seraphiquc  Père 
**  St.  François ,  qui  l'avoît  priai  de  lui  trou- 
ai v«  quÉque  jolie  &  honnête  Fille  :  qui  fc- 
tioix  bleu  fen  afTaire  ,  &que  fi  ellelctroa- 
^Toîtbon,  il  li  amen  croit  au  premîcrjour. 
^  Aux  jeunes  Garçons,  aui  Veufs,  &  aux 
Veuves  ,  il  leiir  en  difoit  autant,  &  il  a- 
**voit  trejoursàqui les  accouplai;  carcom- 
*»mc  vos-  fcaveï  ,  leur  difoit-il,  que  nos 
*»  entrons  dans  toutes  les  bonnes  maîfons  ; 
r,  &  que  nos  connoilTons  tout  le  monde, 
j,  nos  ne  cherchons qu'àrendrelebîenqo'oB 
,  nosbit  au  centuple.  Je  fors  du  Conveot 
*  de  Nantes  ,  eu  j'ai  étai  bien  regretai ,  & 
**  dans  les  environs ,  à  fis  lieues  à  la  ronde  ;  eà 
nunande  temps  j'^af  fajtplus  decentma^ 
*>riages  ,  &  de  la  grâce  i  Dieu  ,  jejurervî 
„bien,  fur  laveritai,  quejedoisauSeigaeui^ 
,,  &  à  nôtre  Seraphique  Père  St.  François, 
que  je  n'en  ai  pa»  eude  reproche  d'un  fcul, 
"  tant  que  j.'aî  la  main  bonne ,  pour  étrctodre 
**  le  nœud  du  grand  Sacrement ,  commedit 
*  l'Apôtre  St.  Paul.  Après  cela  Dieu  fçift 
»»  combien  ccni  que  cela  regardoit  nosdon- 
y,  noient  de  benedfâicina  ,  -&  combien  cet* 

u,:,-,zf--„GoOglc 


^  lO  UIwqKifltWH  FrMMfCift 

leur  fiùfoit  ouviir  les  maÎDS  ,  vciat  faire 
,  pluvouer  dans  la  Tirelire  ,  le  Panier,  & 
*  laBefaflë.  Les  unsnosdooaoientdeI*a^- 
*'gcIlt|  da  bceure,  des  œufs,  du  lard,  da 
VFtomage,  de  la  chandelle,  duel,  delafi- 
ii  laûe  ;  tout  nos  ctoit  propre  &  Je  ne  refii- 
,1  lions  rien.  Quéqucs  uns  li  de-nandoteac 
,ce  qu'^toit  devenu  Frère  Pancrace,  quîé- 

toit  un  û  bon  Religjcus  :  il  leur  nommoît 
*'dans  riiiilaniuûConvent,  où  il  itoit  allai 
"  par  ordre  de  les  Supérieurs ,  &  tju'ii  ftoît  vc- 
**  nu  en  là  pUce ,  &  qu'avec  In  faiote  j^ce 
M  du  Seigneur,  ils  ne  l'croicnt  pas  moins  coa- 
\,  teats  de  li  ,  que  eu  bon  Frère  Pancnuc 
^Quand  ou  lï  demandoit  Ten  nom,  il  dïlbit 

ju'il  s'apelloit  Timuihée  i  Frcre  Recolec 
^  indigne.  Toui  Hu  4emaadoient  qui  j'étois  ; 
*)  &  il  lepoudoitque  j'Aois  uuPoAulftRtpour 
•'  le  iàini  Habit ,  à  qui  ;  l'oa  i«foit  tàirc  foa 
»  Noviciat  de  Oueite  ^  &  mouai  je  bsil&JS 
),Iej  yeux  &jeâlfois  le  C^otà  merveilles. 
^  C'^toit  mouai  qui  portois  un  grand  Panier, 

que  j'avions  en^runtai ,  pour  demandai  la 
^  Charitai  :  coût  le  monde  admirait  ma.ie- 
,^' lignatiou,  &  m'encourageoic  dsBS  la  per- 
'»'  leverance  ;  jl  n'y  avoit  que  qnéqties  jeunes 
**fumelles,  qui  bauilbient  les  épaules,  eudî" 
^£uil  toutbû:  que  dommage  1  Pour  men 
„  Compagnon,  il  portoic  la  beface,  qucj'a- 
j  vions  faite  d'une  des  ua^es  dt  nôtre.  Hôte 
.'.  de  la  Guiloti^re  ,  que  je  l'y  aviorsexca- 
»'  motée  pour  Ip  coup-de  partie  :  il  gagnent 
■«'  ailés  fur  mes  Livres,  .&  fur  mes  jiipes.  il 
.M  poMoit  itoui  une  titelire  de  fttrblanc  que 
.«j'ajiiops  achetée,  pom.  mettre  l'aient,  de 


.--„Googlc 


ùu  PHiJiolre  dt  U  BafiilU.  lis 

„  nos  QBeîtcs.  Pour  décriai  les  Rtcolcts  , 
j^  quand  j'avioos  feit  la  QueiK  dans  ao  Vil- 
lage, &  qacje  n'avions  pu  rien  à  ypretcn- 
-*'  dre  ;  quand  je  rencontrions  depetits  Gar- 
»'  yons,  &qutaoGdem3ndoiejitdesCbapdeft 
>t  ou  des  Images  ;  va  au  diable  leur  dlToit  ii , 
,1  ou  bien  il  kur  jettoic  d  la  teite  les  inja- 
„  rcs  les  plus  impudentes ,  &  les  plus  grof- 
fiéres.  Quand  jerencontiionsqDéqucsgen- 
**  tilles  Filles .  qui  )i  demandoient  fa  bene- 
'*  diâion  ,  il  leur  diïbit  du  fotiiès ,  &  les 
""  P^  grofès  ordures  ;  &  quaod  eliei  Notent 
i>  graçdettes  &  loutes  fcralcs  ,  il  rouloit  les 
,1  baifai ,  &  je  ne  UilEoot  pas  d'ea  croqat  qu£' 
„  ques  unes,  moïtit!  fi^iwt  &  moitié  raiiÎDi. 
No«  lai^nsuacbcmiBodcurdes  Rfcoleti 
par  tout  où  je  paflioas.  il  arivit  qaêjeftt- 
'^  mes  queitai  dans  un  Village,  oà  il  a'f  «'• 
**  voit  que  quinze  jours  que  Frerc  Psocaee 
ri  avoit  £tic  fa  Queite.  Je  le  cfaer diimei  pw 
,1  tout  :  a  je  l'avions  rencootiai ,  je  H  eof- 
^,  fioQ  charitablement  reoda  aa  «iouble  ,  ce 
,  que  Tes  Pères  Hagncnactcts  avoimc  prêtai 
*  à  men  Camarade  Timotée.  £nân  après 
'*  avoUer  rodai  pu  de  llx  £émaines  de  temps, 
'*  en  faifant  gogailles  de  nos  qudCes^  j*anvi- 
nmes  chsji  le  Fermier  du  Pete  <u  Mr. 
},  l'Abbé  de  St.  Martin.  II  me  gt  cachidaos 
j^unTaillis,  derrière  lainaifonoùilentroît. 
j^  11  fit  fon  compliment  &  prefentit  la  Jcctre 
pretendiie  de  fen  Père  ,  au  Boa-Hotnmet 
"qui  ne  pouvoir  pas  croire  ce  qu'il  voïoîf. 
*>  Eh-quoi  !  lui  dilbit  ce  bon  Vieillard,  l'on 
"  ne  fçaîtoùvouseites,  t'oneftdaas  oncin- 
,>  quiétude  terrible  chcux  vôtre fi«redeccj^tve 


.--„Googlc 


tli  VlHfuiJitim  Frtmpife 

,,vos  cites  devenu  ,  &  tout  d'un  conp  vos 
■  parouaîUêz  en  Père  Recoîet  !  quelchange- 
mem?  Vosvousùcï,  rcpritiiôtrebonTar- 
"tufFe,  quand  il  ptaît  à  Dieu ,  il  touche  nos 
«cœurs,  &  d'un  Libcrtinil  en  fw'tun  grand 
*»  Saint.  Vos  f^avei  ce  qui  efl  arrivai  à  St. 
,1  Auguftin  ,  &  à  St.  Guillaome  Duc  d'A- 
j,  quitaine.  No»  feçit  taliur  umni  Nation*. 
^  Depuis  que  je  me  fieus  couvert  decefaint 
'  habit ,  j'ai  tâchai  d'eipiai  mes  péchez  fous 
**  le  fac  &  lacendre,  par  le  ,eune,  la  mor- 
*'  tiâcatioti,  &  fiir  tout  par  la  difcipline  ;  je 
f»  fçai  le  fnïît  qu'on  tire  de  ce  làînt  outil  ', 
,t  &  ce  qu'en  vaut  Taune.  Mertifieate  car- 
^»et  vefiraj.  Quelle  confolation ponr  vô- 
tre Père,  pour  vôtre  Mère  ;  &  pour  toutp 
*laFanulle!  reprcnoitlcboiiFermier,p!eu- 
"raotprefquedejo'i'e.  Hstas!  ilt  craigtioieiï't 
»  que  vôtre  efprit  efcarbillard  ne  vos  cauliUï 
*)  qu^que  delaHre  ,  &  ne  leur  âfle  quéqnfc 
j,  honteux  eniront  ;  mais  ,  grâces  à  Dieu  1 
„  les  velà  heureufemeat  trompés  :  le  Ciel 
en  foit  bcni.  Ce  pauvre  Bon-homme  ap- 
*'  pellît  fa  Femme  i  &  toute  fa  Famille ,  pour 
**Mrticipai  à  fa  juye  &  le  régalai  :  mais  le 
»»  R.  P-  Timoihée  prefToit  trejours  pour  fe 
*»&irecoiuai  l'argent.  Quand  tout  fut -ait 
nlëmblai,  pendant. qu'on  regatoitmondrô- 
^le,  &  qnejegM-doiîIes  Maotiaux,  ilatj- 
^^  vit  un  de  leurs  Voillns  ,  qui  étoit  pu  i^ti 
qu'eux,  qui  gitittout  le  Miltére  ,  &  rui- 
>*  nit  nos  prétentions.  Il  nos  avoit  vu  con- 
»  ferai  cnliirable ,  &  me  c«chî  derrière  Te 
-n Taillis,  ce  qui  llfit  fobçonnai  duquafttf? 
«fîl.demaadit  à  fen  Vcôiia  ,  d'où  vient  que 
„Mr. 


.--„Googlc 


„  Mr.  de  St.  MartinlePetc,  qui n'étoît qu'à 
deux  iiciies  de  là,  ue  l'avoit  pas  plutôt en- 
**yrai  quérir  par  un  Laquais  ,  pour  lipor- 
**  tai  de  l'argeur ,  que  de  li  écrire  par  fen  r  ils, 
»»  que  naturellement  il  devoît  retenir  chci  li, 
„  &  faire  tuai  le  Viau  gras  ,  pour  le  régalai 
^  comme  l'Enfant  Prodigue.  A  quoi  nôtre 
Cagot  repartit  promptement,  que  fen  Pe- 

*  re  avoit  été  bien  aife  de  donnai  la  fatisfàc- 
"  tion  à  fen  Fermier  de  voir  fon  Fils  qu'on 
»  croioit  perdu,  &  qui  étoit  ii  lieureufement 
»  retrouvai.  Il  liu  demandît  ;  -  pourqiiai  il 
,,  étoit  feul ,  puifque  jamais  les  Recolets  ne 
„  vont  que  deui  à  deux  ?  Il  li  repondît ,  que 

^  fen  Compagnon  étoit  reBaî  à  la  maifon  de 

*  fen  Père  ,  parce  qu'il  étoit  blelfaî  à  un 
',' pied.  Qu'eft-ce  donc,  reprit  le  Voifin» 
»'»  qu'un  jeune  Prcitrequi  étoit  tantôt  en  con- 
,»  fercnce  avec  vos  ■  &  que  vos  avez  fait 
,,  cachi ,   avec  fen   panier  &  vôtre  beface  * 

,  dans  le  Bois-Taillis ,    où  il  eft  encore  ? 

*  Cette  interiogatoueredemontit  le  bon  Re- 
'*  ligieux.  Il  repondit  pourtant ,  que  c'étoit 
*'  un  jeune  Pollulant  ,  qui  n'avoit  ofai  en- 
»»  trai.  Tout  cela  jetit  du  foubcon  dans  l*ef- 
j,  prit  du  Fermier ,  qui  concluiit  ,  qu'il  &l- 
^  loii  portai  enfemble  les  cent  francs  à  fen 

Père ,  qui  en  feroit  tout  ce  que  bon  liu 
"fembleroît.  C'étoit  le  parti  qu'il  fallait  ac- 
"  ceptai,  &^rlccheminj'enérionsdé[rouf' 
"fai  le  Bon-Homme,  Je  nos  en  repentîmes 
'jbien  après  ,  maïs  il  n'en  étoit  pu  tcnips. 
>)  Sage  Normand  après  le  fait.  Le  Père  Tî- 
,,  mothée  dit  au  Fermier  qu'il  alloit  encore 
„  faire  une  viiite  ayec  fea  Poftulant  chcux 


ÏI4  VlnfmJÎMH  Franfeife 

jjtinc  de  fes  Confines  qui  demenroît  à  one 
liciJe  de  là ,  A  qu'au  retour  ;   il  le  repran- 
** droit  en  palfant  pour  allai  eiifemble  cbeux 
**feR  Père.     Ce  que  j'en  eu  de  bon  ,     c*eft 
y*  qu'on  me  dcnichtr ,  malgré  mouai ,  de  mon 
n  ambufcade  ,  &  l'on  me  lit  entrai  cheox  le 
»,  Fermier ,  où  j'eumes  tous  deui  une  bon- 
ne lecareîure  de  ventre.     Enfutte  je  fortî- 
mcs  pour  allai  faire  la  vilite  cheux  laCou- 
**  fine  du  R.  Perc ,  &  après  revenir  prendre 
**  le  Bon-Homme  ,   qui  nos  attend  encore, 
n  Quand  je  lûmes  dehors,  je  pellimes  terri- 
nblement  contre  le  ma'udii  Voifin  du  Fer- 
(,  mier .   qui  nos  avoit  emçefchi  de  touchai 
^,  nos  cent  francs  ;    &  après  l'avoir  donnai 
ie.  bon  cœur  à  Satan  ,  je  primes  une  autre 
*'  route  ,  pour  retournai  de  l'autre  cotai  de 
*'Lion,  continuai  nôire  Qucitc,  qui  alloit 
«trejours  rondement  fen  petit  train.  Mais 
»  à  une  petite  lieiie  de  Lion,   je  rencontii- 
j,  mes  un  Ecolier  de  nôtre  connouaiflancç  , 
qui  revcnoit  de  laCampaguepalïàilesFei- 
tes  de  Pâques  cheux  fes  Parents  ,  qui  nos 
■  voiant  dans  ce  bel  équipage,  fedoutitbien 
''  que  c'étoit  de  nos  qu'on  avoit  parlai  dans 
**  fen  Villagej  &  nos  dit ,  qu'il  y  avoit  or- 
>)dre  de  la  part  des  R.  P.  Recolets  de  Lion" 
,)  de  nos  arrêtai  :  que  le  Dimanche  précèdent, 
^  il  avoit  entendu  le  Curai  de  fa  ib'arouaifle, 
recommandai  à  fen  Prône  ,  à  fes  Parou- 
**aiiricns  d'arrôcai   deux    Garnements    qui 
*'  queitoicnt,  dont  l'un  étoit dcguifai  enRe- 
»  colet ,  &  l'autre  habilli  en  Preitre.  Il  n'en 
»  fallut  pas  d'avantage.,  pour  nos  faire  preii- 
„  dre  un  autte  parti.    Ce  fui  de  paflài  tous 
..deux 


.--„Googlc 


f: 


m^^. 


.--„Googlc 


■  -,Googlc 


,      ouî'BlfiBire  de  taBaflilte.  HJ 

^deox  en  Italie.  Jenosyachemîmmesdond, 
^  mais  trejonrsenqueîtant,  &  n'oubliant  pas 
*de  faire  des  nôtres,  à  nôtre  ordinaire  ;  co 
'*  qui  nos  fit  bientôt  pourfuivre  la  fourchi^ 
'>aiicu,  commedes Loups.  Unjourquejc 
9)  filmes  queicai  dans  un  gros  Bourg  ■  où  mal- 
(jheureulcmenr  il  y  avoir  un  Convcnt  de 
,.  Recolets  ^  qui  avoîent  étai  avertis  de  nos 
fredaines.     Ils  avoient priât,  que  fîonnoc 
*  decouvroit  ,   on  eût  a  les  en  avertir ,     ce 
"  qui  fut  fait.    Tout  le  Conveiit  (brut  ia 
•    *»  nous  ;  &  veU  tous  les  Moines  &  leurs  Val- 
m  lets  à  nos  trouiiès.    Heureufement  pour 
„  nos  1    il  y  a:voit  une  Montagne  tout  au* 
près,  dont  je  nos  reudimes Maîtres,  &au 
detliis  il  y  avoit  une  Forer.  Et  à  coups  it 
"  cailloux  fur  les  Caffards',    je  les  tenion» 
"  en  refpeét  &  en  crainte.     J'en  attrapi  un 
"  d'une  miche  de  St.  Etienne  par  t'eftomac, 
M  que  je  jetis  les  quatre  fers  en  l'air, &  que 
,',  je  fis  dégringolai  jufqu'au  bas  de  la  Mon- 
tagne ,  d'où  je  le  vîmes  remportai  à  fbn" 
^  Couvent ,  par  deux  Champions ,  qui  étoicift 
'"  bien  ailes  de  prendre  ce  prétexte ,  pour  ia 
"retiïaide  la  BataiHe.,  qui  ctoitrude&làfv» 
»»glante,  &  évitai  nôtre  fureur,  carj'étîon;^ 
})  tous  deux  1  comme  deui  Lions.     Comme 
,>j'(îtoisen  ibutanelîe,  jYtois  le  plusalert-e': 
,^j'eu  bien-totgagui  la  Montagne.  Il  m'etf 
coutir  portant  men  panier  ■    où  il'y  avoit 
"'pour  pu  de  trois o  quatre  écus de mifieha^ 
"  dile  que  j'ivions  queitée;'  il  mefïchîtb&ik 
»'5e  le  quittai-j  mafs  fi  je  m'etoîs  bbÛjnai 
»  à  te  gardai ,  j'érois  étai  happai  ;  outre  que 
,.jeu'Éto!s  pas  aflcz  dilpos ,  pour  me  deP 
„  fendre 

,u,:,-,zf--„GoOglc 


kitf  VInqMiJiti»»  Frauftifi 

,, fendre  ,.fans  le  meore^à  bas  :  les  Aflàil* 

lants  m'fpargnireat  la  peine  de  le  r^ortaî 
"aux  bonnes  Gents  à  qui  je  l'avoîs  emprun- 
•*tai.  Mais  men  Camarade  quoi  qu'il  eût 
**retroufliû  fa  jaquette  jufqu'au  deflùs  des 
«igenoai,  &  qu'il  fût  bien  alerte,  il  nepou- 
«1  voit  pas  courir  fi  vite  que  mouai  Se  ne  vou- 
^  lut  jamais  quïuai  fa  betàce  qui  étoit  |;ciiti- 

ment  garnie  ,  &  qu'il  fe  mît  en  écharpe* 
**  ceinte  de  fa  corde.  Il  y  eut  un  Moine  qui 
*»l*atcignît ,  armai  d'un  grand  bâton  ferré|'; 
"  l'autre  fans  s'étonnai ,  l'atendit  de  pied  fer- 
nme;  &  après  avouer  parai  fon  coup,  il  iè 
),jait  lin  fes  quatre  quartiers,  lui  arachit  fon 
„  bâton  1  &  ii  en  lâchit  une  volée  fur  le  corps, 

qui  [e  culbutit  au  bas  de  ta  Montagne.  Le 
*  plus  refolu  de  la  troupe ,  fe  prefcntit  avec 
*'  une  fourche-fitfre  pour  revengeai  feu  Com- 
ȕ  pagnon  j  mais  le  mien  li  ramenit  un  fi  grand 
}i  coup  fur  la  teite,  du  bâton  qu'il  avoît  arra> 
»,  chiauR.F.Etriili,qu'il;l'envoiit,touten(à^- 
„  glantai ,  les  pieds  contre  Mont ,  trouvaîfon 

Camarade  au  picddelaMontagne;  &pen- 

dant  ce  temps  là  je  roulois  des  pierres ,  du 
*'hauidclaMontagne,  pugrofles  ^ejen'é- 
«  tois  par  le  corps ,  qui  en  dégringolant  avec 
*t  des  lauts  terribles  ,  faifoient  tout  tremblai. 
iy  lis  nos  laiffirent  donc  échapai,  &  aiant  gagui  , 
j^  la  Forêt ,  je  nos  enfoncimes  dedans.    Je 

courûmes  tout  le  refte  dujour  fans  nos  ar- 
^'rcitai.  Après  Soleil couchi,  nosvimesdc 
"loin  delatuméedanslaForét,  &j'y fumes 
^rout  droit.  C'étoient  des  CharbonnîeK, 
»»  à  qui  je  fimes  entendre  que  j'étions  égarés . 
j.  Ils  nosdonnîrem  te  couvert,  &  du  forma  - 
«gc 

u,:,-,zf--„GoOglc 


M  rWfiotrf  Je  la  BafiiUe.  1 1^ 
n^-gè  de  chèvre  :  heufeufcmem  j'ayions  en- 
'■  corc  du  paîn  ,  donc  te  leur  donnimcs  ,  & 
■**  ils  aToieiit  de  bon  vin  ,  dont  je  butnes  à 
'*  gogo  ;  j'en  filmes  quitte  pour  un  chapelet, 
*>  que  je  aonnimes  aune  petite  Fille  d'un  des 
»» Charbonniers,  qui  avoit  prêtai  fa  baguede 
»,  Hans-Carvcl  à  Frerc  Ttmothtfe  ,  comtnfc 
^j  il  me  le  dit  après ,    &  dont  je  le  grondfs 

,  afiës,  pour  ne  m'en  avoiier  pas  averti  pa- 
*  eût.  Dès  la  pointe  du  jour  le  lendemain, 
*'  après  leur  avouer  donnai  nôtre  benedic- 
■»>tion,  qu'ils  reçurenttoos  à  genoux  ,'  un 
M  deus  vint  nos  mettre  hors  laForét.  Je  nos 
„  echcminimes  vers  Rome  ,  en  demandaiït 
,,  la  Charicai,  mais  on  nos  avertit  de  ne  pas 
allai  à  Rome,  parce  qne  ,  comme  on  aN 
"  toit  ouvrir  l'Année  du  Grand-Jubilai  en 
"  1*99-  o"  arrêtait  tous  les  Bandits  &  Va- 
■»»  fiabons  ;  ce  qui  nos  fit  peut ,  &  nos  fit  ti- 
»  rai  d'un, autre- côui.  Un  jour  de  la  Pen- 
»,tecÔte  ,  bon  jour  bonne  œuvre,  jft 
rencontrimes  une  jeune  Femme  qui  É~ 
toit  groilè  ,  &  qui  s'en  ail  oit  à  Veîprcs. 
"  yVoiTitôt  fans  fechon  le  R.  P.  TimotJiiîc, 
»"  qui  s'aperçut  qu'elle  nos  lorgnoit  tous 
■»'  deux  avec  convoîtife ,  li  demandit  la 
>)  courtoifie.  Mais  elle  nos  fie  entendre  , 
,,  du  mieux  qu'elle  put  ,    qu'elle  ne  pou- 

-voit  pas ,  car  elle  avoit  communiai  ce 
-  jour-là.  Cependant  i!  la  cajolît  ii  bien', 
"car  cVtoît  un  bigre  de  corps  qui entendoit 
'*bien  fon  métié,  qu'elle  nos  remenit  à  ii 
•»  Maifon.  Elle  -voioit  deur  jeunes  drôles 
vt  \Aca  atenes ,  &  Ii  fur  tout  efi  un  des  biaux 
^,  Gardon! ,  qu'on  paillé  rcgtudai  de  dcuic 
K.  yeuï. 


.--„Googlc 


,,ycuX',  &  comnc  vos  voies  «  jene  lî  e* 

,  cède  de  guère.    £llç,tiosfit  c^jendce  ^'ÎI 

*<^IIoït  mont:»  dans  ua  Grenict  à  foîa,  t& 

**ddrus  de  l'ttablé  aux  Vaches  ,  où  jepjrf- 

*>  ferions  la  nuit ,  &qu*elle  nos  y  aporteroit 

t*  bien  à  mangeai  &  i  boire  j  car  fî,  Tcn  Mar 

>)  ri  noi  d^couvroit ,  il  aos  étrîpcroit  tons 

j^ trois.     Je  vDUlij  doncioontai  le  premicT 

an  Grenier  ,   pendant  que  le  R.  Père  s'a- 

**  mnfoit  à  caieuài  la  Villageoife  :  maïs  mal' 

"heureufement,  comme  il  faloit  montai  A 

*>  Grenier  ,  pài  dans,  le  Râtelier  ,    qui  étoit 

ntoût  vermoulu,    &.quejc  n'étois  pas  dç 

.„  plume,  je  fis  tooitaiteRatclicr,  Kjetom* 

^bis  avccque  fiir  les  Vaches  ,  &  fur  Frerè 

Timothee.    Heureufement  que  la  Fumel- 

le  que  mcnCompagiionavoitpuuflctecon- 

**  tre  la  muiaillc,  n'en  fut  pas  atteinte.    Ce 

»*  fut  fur  le  Bon  Pcre  que  lomhit:  le  pu  pe- 

'j>fant  du  faidiau,  &  il  en  fuf  quitte  pouia- 

^y  ne  jambe  demiiè  j  &.  uo  bias  to^it  écorchî. 

^^Jé  crions  tous  à  qi}i  mieui  pi'cux ,  IcsVâ- 

'  ,  ches  &  nos  deux,  &  la  pauvre  Femme  é- 

■    '  toit  i  demi-mot^c.    Tous  les  Voifins  quï 

**dtoit:nt  reHez  dans.leuiE  Maifoqs  accoo- 

»»  furent  auTiatamar* ,  &  nos  prenant  pour 

,>  des  Voleurs ,     nos  .vouloienî .  aObnunai  » 

tt  ce  qu'ils  érQÎent  fait  immanquablement  ^ 

^fans  la  Femme,,  quîleurâ^entendre,  que 

^,jVitons  de  bonpcs  Geqts,  quili^vionsde* 

*  mandai  du  lait  ch^ud  ;  &,  que  voulant.(EW- 

'*re  une  Vache,  elle  s' étoit  épouvantée,  & 

»'avoic  fait  tomber  le  Râtelier,  fu  ellç  Âfa 

»  nos.    Ces  bons  RuÛres  p^flirçnt  de  latu- 

^leur'à  la  commiretation  ,  îls.eHyoyef.euc 

que- 


êM  PHfJhh-f  Jt  U  BdJKUi,         if  >t 

i,  rîr le  Barbierdo  Village,  qniittSt  à'Vei<J 
ti.pres  ;  <)ut  Ik&sâifouavouît,  que  censeur'' 
^  re  pafToît  là  cap&cinù.  Qac  Ift  chnTitle  dft" 
,1  Rcverend  Pete  Aoit  deboirtev&rqo'it  f*- 
»,  loit  abfolumoit  le  poctir  à  ooalongne-,  ' 
„  qui  ctoit  la  Ville  la  pà  proche-,  où  l'oa' 
„  poorroît  le  medlcftoicntcr.     11  ae  li  en'te- 

,i  Doit  pu  de  rire 

Comme  il  en  éEoit  là ,  nous  entendîmeï^^Is- 
carillon  des  vcrroux  ,  &  Ru  entra  qui  nod»- 
sportoitnos  oïdinaires,  &  celui  deMr.  l'Ab- 
bé à  paît ,  qui  étoit  û  exigu  ,  qu'il  n'y  aiuoit' 
pas  eu  d«  quoi  rafT^ûer  un  Rat  bien  afiamé^- 
âvecune  bouteflledeviui  telle  qu'on lad<KW' 
noit  à  Mr.  Jacob  le  Brethon,  qui  ne  tesdit' 
pas  deux  verres  ,  &  du  vin  encore  non;^po-> 
table.  Mr.  Litick  avoit  comtnaitdë  à  Ru  de 
lui  apporter d'extraordii»ire,poarfbn argent,' 
un  bon  Chapon ,  &  deux  douzaines' d*Al~' 
loiietes ,  qui  avec  nâtre  foupé  fuppléérent  à' 
celui  du  pauvre  Cwé,  à  qui  l'on  apporta  tom' 
fou  bag^e,  quiconlîtloitaujudaueorpï'qn'ilt 
nous  avoit  vaoté  ,  en  un  périt  portaei^le  ,. 
dans  lequel,  il  y  avoit  cinq  ccdicts,  &  aa-> 
tant  de  manchmes^  &  fou  Brcviairc.  Leiif 
jde  Mr.  le  Brethon  étoit  encore  dans  nôtres 
Chambre,  dont  on  lui  ditdes'acconunoderv- 
avec  denx  fiiaps  que  Ru  lui  donna.  Qum» 
le  PoFte-clc&  eut  refermé  la  porte.  „  ^el- 
„  leconfuliouMcfBeurs,  nous  dit  ndtreKuF- 
„  tauc,  pour  un  homme  comme  mouafi  tia' 
„  Preitre  Titrai  !  un  Gurat  quî  a  Cba^d'A'- 
„  me!  de  le  voir  traitai  comme  nn  Oredinl-  , 
,,  anmilcrable!  J'ovoiiey  que  quandJ'enteR<: 
•dis.  le  Titre  demeuré  charge  d'iUne ,- qu'il 
■  Kl  fe 

u,:,-,zf--„GoOglc 


MO  VI»q*ifuiom  Framf^fe 

fe;donBoit  spiès  la  Confeffioo  qu'il  venoît 
de  nous  faire ,  je  ne  pu  jamais  retenir  ud  é- 
clat  de  rire  qui  m'échapa.  Il  en  rougit  ;  Se 
pout  reparer  mon  indifcretioD  ,  Je  lui  dis: 
Mr.  l'Abbé ,  fi  vous  avez  eu  charge  d'Ame, 
TOUS  vous  en  fites  bien  aquité  :  preuv*  vôtre 
Coultac  la  belle  Babet  de  la  Feuiltée,  &  Tes 
Aflbciées.  „  II  eft  vrai,  me  dit -il,  quej'ai 
,t  eu  la  foiblcflc  de  donnai  dans  çu  maudit 
„  penchant,  mais -c'a  été  celui  de  Salomon, 
„  &  de  tous  les  Grands  Hommes  ,  &  dans 
„  la  colère ,  je  ne  fçai ,  fi  je  me  fcrois  pu  em- 
,>  pefchide  jouir  de  ma  propre  Sœur  :  pour 
„  mes  Nièces»  ma  Sœur  a  eu  grand  tort  de 
„  me  ks  confiai.  Brifons  là  delFus ,  repris- 
je,  Mr.  l'Abbé;  je  n'en  veux  pas  fça  voie  da- 
vantage fur  ce  Chapitre  ;  feulement  je  puis 
•^ous  affirmer,  que  ce  n'a  pas  été  ,  par  ce 
crime  deffendu  par  la  Loi ,  &  détefté  de  0ieu, 
que  Salomon ,  ni  fes  ftrnblablcs ,  ont  mérî-^ 
té  le  nom  de.  Grands.  Laiflbns  là  vos  Fem- 
mes &  vos  Filles  de  joie  ,  &  ne  fongeons  à 
prefcnt  qu'à  bien  fouper  &•  à  étourdir  nôtre 
chagrin;  &  ^rèsfonpé,  fi  vous  voulez  bien 
m'achever  vos  agréables  Avantures ,  vous 
me  ferez  un  fignalé  plaifir.  „  Taupe  &iin- 
,1  que;  je  le  veux  bien  mordiére:  buvons  & 
„  rejoiflbns  nos ,  des  Femmes  je  m'en 
w  gauberge  ;  je  vodrois  qu'il  n'en  fût  non 
^pu  que  de  Merles  blancs:  après  je  vos  con- 
M  tcrai  mes  Avantnres  :  mais  il  y  en  a  au 
„  nioins  pour  pu  de  trois  jours ,  lî  je  veuï 
„  tout  dire.  Mr.  Linck  le  regardoit  avec 
horreur  &  indignation.  Je  fis  ce  que  je  pu, 
pour  lui  foire  quitter  fon  air  foml»e&  trîfte. 
Je 

u,:,-,zf--„GoOglc 


ou  fHlflolre  Je  la  Bajiille.  Xi\ 

Je  fis  cent  Contes  à  plaiflr  ,  &  rejouiflànts  i 
mais  moins  gras  que  ceux  de  nôtre  Pitaur, 
qui  le  faîfoient  éclater  de  rire,  Ct  bon  Curé 
affirmoit  „  fouai  de  Preitre ,  que  fi  jamais  il 
„  étoit  Evéque  ,  comme  une  habile  Egyp"  ■ 
,t  tienne  li  avoitprédit,  ilvoudroittourjours 
„  m'avouer  à  fa  Table.  Mr.  Linck  lui  dit  de 
prendre  garde  d'être  Evéque  de  Campagne, 
&  de  donner  la  benediâîon  plutôt  avec  les 
pieds  qu'avec  les  mains.  Cette  prediftîon  , 
dont  raccompliflemcnt  n' étoit  £as  incompa- 
tible, avec  fon  mérite  ,  étoit  trop  fine  pour 
lui ,  pour  qu'il  pût  y  rien  comprendre. 
„  Mordiére,  dit-il  ,  fi  j'étois  Cardinal,  Ar-" 
„  cbevcfque  ,  ou  tant  feulement  Eveff^ue  , 
„  je  donncrois  ma  benediâion  des  mams  , 
„  des  pieds  &  de  tout  le  corps  :  je  n'en  ib- 
„  rois  pas  vilain:  morgicnne  il  feroit  bon  a^ 
■■„  vec  mouai  :  je  ne  fuis  f«is  chiche  de  Lard, 
„  quand  j'ai  du  Cochon.  Ma  dernière  Cu- 
t,  le  bon  An  ,  mal  An  ,  me  valoir  bien  au 
„  moins  cinq  cents  bonnes  livres  de  revenu, 
„  &  fi  au  bout  de  l'An  je  n'en  avoispasun 
„  fou  de  lefte:  au  contraire,  il  n'y  apas  on 
„  de  mes  Parouaiflîens  à  qui  je  ne  doive  au 
,,  moins  une  Piftollc;  &ii ma  Famille aroit 
„  voulu  me  croire  ,  je  l'éiois  réduite  à  1!^- 
„  cuelle  :  mats  un  bon  mariage  paira  tout. 
„  Que  je  fois  Cardinal  feulement  un  petit , 
„  pour  voiles  comme  cela  ira:  comment 
„  diantre  je  ferai  ciaqnîr  mon  fouet.  .  Vous 
«n  prenez  affés  bien  le  chemin  ,-  reprit  Mr. 
Linck.  „  Je  n'en  luis  pas  fi  élotgni ,  peuN 
„  être,  que  vousiecreiriezbien,  dit-il.  Les 
„  premières  teites  Couronnées  de  l'Europe.-... 
K  ]  mai»  ' 

u,:,-,zf--„GoOglc 


A!»  L't^^HJfitifM.  Frgnfùife  ■ 

„  .raiàs  mot.  Je  nHM^en»  iooppç  &  je  me 
^  taj^  ,J'a<linii;oi& cette  affiuence  d'itnpcrtî- 
^iticçs  dont  il  le^prguott ,  &  la  nunicredi- 
ivertilQuite ,  dpntil  I«fi  dtbitoft.  Si  S^tcho, 
■^ifois-jk:,  A  éU  rEcii)«çr  .du  CbevalÏCT  i  la 
.Xrifte-F'gure  ,  .celnitci  en  jdoit  toetout  au 
^oins  l'AumoniQr'i,  &  Don  Quixote  te  fera 
,ArcI|evéque  d'-uoe  Iflé  en  Terte-ftrme.  J'é- 
.tQÎs  cejoiii  d'avoir, un  £,oman  Comiouctont 
■  yivaiit,  dans  Je  temps  que  Mr.  Lincb  «i  é- 
.{oîtdefoU;  &.cncâa,'il  av»jc  plus  de  ni- 
iba.  qjie  qaol,  par ^nerpri[rpiophetiq.ue;  cv 
.ce  Ki)âre4a9t.Uf))it«;  ^m^  fut -une  peine., 
jSe  ua  tort, cppJtfUrablf  par  £ï  qvlioe.  Avec 
.fts  nuiuér«sj|ïoâîéroS'& lourdes,  lluvoicuD 
artiâce  dinboli^ue.  U^icû  fourbe,  méchaat, 
vindicatif,  ^  d'uaorgtieil  iartippôtttblc;cat 
^ooîqu'il  £&t  lie  la  deuiârc  csmt  à.a  PeuplCr 
f]£tii  dans  la  ^iJî)i]£ ,  &  fans  «stcsftç  iéi^-  • 
jiQin,  (juiud  il  parlott  de^i'Ajnitle,  ilfem- 
,4iloit  qu'il  ponvoit  compteraiï  «leHus  de  f«- 
Ze  quartiers  de  Nol>Ielië..  11  ôtoit  fon  cha- 
'.ff»a.  toutes  les  fais  qu'il  {rroBoaçoit  le  BOtQ 
r4c  Mr.  6m$'d'OF:rfonj&c«a-Frere,&deMr- 
^avet,  Beau-Frcrcde^nFrerei  cependant 
vj'ai  ^ô  depuiS'  du  nonuné  Pigeon  qui  étoit 
.de  l^niviçis ,,  &  ^\  .cow>oiQbit.triès  porticu- 
JîéieBieattoutclaf  unlllfl.de  Sorel,  quecV- 
toit  de  laCsflailletpiKede  la  plus  vile  &<je 
.  Jji  plus  ;honteulè  ;  que  «c  Mr.  Bras  •  d'or  > 
XfUif  vaBt^,it«ooif  M  Cabaret  borgne  à  Lou- 
.vicrc,  QÛ  peodo^potiTQnfejgDe  le  brat-d'or, 
.^(oiuce  de  fa  Seffipeorîe.  Je  demandois  an 
iaur,à  ce  bon  PJëtre,  ce  que.c'étoit  ose  ce 
Il^.I^vet,  4Qi».tl  âu&il;.fanDeT.IeNoin)î 
Haïu. 


.--„Googlc 


haut.  yy.  C'ed  pçut  ekrc:,  dit-il ,  ondes  pu  ri-' 
I,  ches  Marchands  de  Paris:, il  demeure  fuE 
„  le  Quai  de  l'Ecole.    Ç'çfl  Ji  qui  a  le  foia 
,',  de  faire  déchargi  tout  le  boit  qui  vicn^  de. 
^  î^ornÙDdïe  par  la  Semé  ;   &  il  tient  une. 
„  Cbambrje  à  li  tout  lèul  dans  une.  Aubetve, 
„  où  tous  ceux  qui  viennent  à  Paris  vendre 
„  leor  bois  ,    vont  prendre  lenr  repas  :     il  a. 
,^  condit  li  même  pendant  très  long  t^nps 
„  lin  des  Chalants  dans  quouai  no  voiture. 
-,(  le  bois  fu  la  Seios.  On  peut  juger  par  l'E- 
loge de  ces  paiticuliut ,  ce  que  pouvoit  être. 
le  total.    ^ÎJuand  il  ie  mettoit  çn  colère ,   il 
Jtoit  tout  furieux  ;  il  n'y  avoît  point  d'ia.u- 
res  les  plus  groffiéres,  &4'ordures&lesplus 
infâmes  qu'il  ne  vomît.     Cependant  il  difoic 
à  tous  moments  qu'il  avoit  fon  cœur  fur  le 
6oïd  de  Tes  icvrcs  :  ce  *iul  me  ut  Is:  clirc  uh 
jour  (  que  je  ne  m'étonnois  doi}c  pas  poUf 
quoi  r&  l?puche  fentoic  ii  ni^iuvais.    £n  effet 
elle  étoit  d'iine  puanteur  11  infupponable , 
qu'un  joor  Mr.Liacl;  s'évanouit  en  luicou* 
pant  la  barbe  avec  fcs  cifeauxf  &  pour  s'en 
excufer  ,   il  difoit  que ,  cela  Eie  liù  étoil  pas 
naturel  ,   mais  que  c'étpit  un  refte  dé  quel', 
ques  petites  galanteries  ,  &  que  fans  rien  a- 
voir  bazardé  àlaX^otteriei  il  avoit  eu  le  gros 
lot.     Quaud  il  vouloitaÊnneTquelquemèn- 
fonge,  ce  qui  luiarriroit  allifs  louvent,  ilfc 
levoit  promptemcQt  &  alloit  prendre   fon 
Bréviaire  ,    en  dilànt  „  fouai  de  Prcitre  * . 
y,  çonime  j'fû  les  deux  mains  fïr  çu  Bcevlai-  . 
,t  rCt  celaeit  véritable,  oujeveui  perdiele 
,1  caraâere  que  je  porte. 
KottS  quittâmes  ia  Table ,  où  Mr.  Liock 
K  if:        "       .      s'en- 


M4'  L'Imfmifititm  FraMfoift 

ï'eonBÎoitd'cntcndrefrsfotifts;  &aprèsfca- 
pé,  aïaatptts  nu  lxniteille&  deux  verres  bien 
rincei  uprès  d'nn  bonftn;  je  le  priai deme 
lenir  fa  parole,  „  Très  volontiers ,  dît  -  il , 
y,  mais  faites  mouai  fcniTenir  oà  j'en  étions 
„  dcmenin  de  mon  Hiftoirc.  Vons  étiez , 
Jui  dis-jc ,  vons  &  vôtre  R,  Père  Eftropié 
chex  vôtre  Paîfànnc,  fort  cmbarafFez  corn* 
ment  vons  ponrtin  le  voitarer  &  le  fbivre  à 
l'Hôpital. 

„  JufleDientt  dît-il.  Qaand  le  Mari  delà 
„  Femme  fat  revenu  de  Veipres ,  fçachant 
,1  ()ue  le  de(â(lre  étottarrivai  dans  fa  Maifoo, 
,,  &  par  la  faute  de  fa  Vache  >  du  moins  y 
li  avoir  îl  de  la  corne  au  fait,  il  eut  la  cha- 
,1  ritai  ,  pour  nos  recompenfaî  de  celle  que 
.,  j'avions  voulu  aToiicr  pour  fa  Furaelle  , 
„  de  nos  cherchai  une  Liitiére  ,  &  lî  mcmê 
„  vint  conduire  le  bon  Religieux  àlHôptal- 
„  deBoulongne  ,  qui  par  1c  chemin  crioit^ 
„  comme  un  Diable,  &liaffirmoit pourtant, 
,,  quand  fes  bouffées  li  donnoient  quéque 
„  relâche  ,  que  fi-ïôr  qu'il  fcroitgneri,  il  le 
',,  retourneroit  voir;  &  il  lî  promctioît  cent 
„  Méfies  pour  lé  iccompenfai  de  la  peiné 
„  qu'il  prenoit.  Le  Bon-Hommefecroîoit 
„  déjà  délivrai  du  Purgatoiiere  ,  par  rintcr- 
,1  ceflîon  du  Bon  Saint  Timothée.  A  la  par- 
,,-fin  je  parvînmes  à  l'Hôpital  de  Boufogne 
„ ,  fur  les  dix  heures  du  foiicr.  D'abord  quç 
„  le  Chartier  c«t  dît  que  c'étoit  un  bon  Re- 
„  lîgieui  qui  étoît  blcfîai ,  &  un  Prcître  qui- 
„  l'accompagnoit ,  onnosouviittoutàThcu- 
„  rc.  On  m  promptement  venir'  les  Chi- 
„■  rurgiens .,  qui  lui  firent  l'cçetatioa  parfei- 


.-„Goo.jlc 


guTHiJIoire  de  la  BaflUie-  »i  J  ' 

,1-  tement  bien.  Apres  quoi  on  me  fit  va  Ht 
j,  auprès  de  celui  de  men  Compagnon ,  le 
„  R.  P.  Timothéc ,  où  je  nje  coudîis ,  sçrèï 
,,  avoiier  Iplendidemcatj foupaî >  &  auR.Pe- 
„  re  on  H  donnît  de  bonBouillon ,  &  deux 
■„  œufs  freiï.  Mais  il  peofit  mourir  quand 
„  il  entendit  que  les  Chinirgieas  defFendirent 
„  de  li  donnai  du  vin,  &  qu'on  eût  à  H  fat- 
„-  rc  boiiere  force  tifaane.  £aân  je  demeu- 
„  rimes  là  près  de  cinq  femaines.  Mais  une 
,t  des  bonnes  Sceurs  Claires  qui  avoicatfoin 
^  de-mouai&  du  R.  Père,  devint  amoureu' 
,,-Iëde  li,  ce,qui  mit qnéque petit  empéclie- 
M  ment  à  fa  guerifon,  &  11  fit  prendre  pude. 
„'  ptaifir  à  l'Hôpiial ,  où  rien  ne  nos  manquent» 
„  par  les  foins  de  la  boDïie  Sœur,  qui -me 
„-  fie  quéquc  petite  part  de  fcs  bonnes  gra-' 
„'  ces  ,  û  bien  qu'elle  -&  nos  /avions  tout' 
„  à  gogo.'-  - 

„  Quéquebicn  que'Je'fufiîons,  étant  gras  ' 
M  Â  rebondis  comme  des  Moines,  il  en  fal-  ■ 
„-  tut  fortir  au  grand  regret  de  laBoune  Sqeur 
„  Claire  ,  qui  fe  tuoit  de  dire  au  Bon-Frcrc  " 
„  Timothée  ,  défaire  tourjours  fêmblant  de 
,,-bokai  plus  bas.    Elle  nous  dotinit  eiv  Cot* 
,1  tant  gentiment  du  linge  ,  &  un  biau  qua- 
„  iruple  d'ordabon  Dieu,  ou  plutôt  de  Sa- 
„  tan  ,  car  ce  fut  entre  nous  la  pomme  de  ' 
„.difcordei  leR.  Pcrelevouloitgarderpour 
„  li  tout  feul  ,  dîfant  qu'il  l'avpait  gagnai  à 
„  la  lueur  de  fan  corps.  Et  mou^  t  quoai  ? 
„.lî  difois-je:  je  pcnfe  m'étre  alfés  bic;i  &c-  • 
,,'quJtaî  de  men  petit  devûUer.     J'en  vijiiG» 
„  es  rq>ioches..   Je  li  dis  ,  que  j'^tois  bieit- 
ji  tiiulheuieuz  d'tvoUer  quittai  mes  Etudes, 
K  s-  ..  fc- 


.--„Googlc 


jj.A  fenla  inft  Fortune  ,  après  avouer  oun- 
fj  goaï  tout  meo  petit  fait-,  pourfuivreuniaT 

^  par  Vaux  &  par  Mont.  Que  j'^tois  com- 
"  me  le  poiflbn-  daas  rî«i  chez  Mad.  Plot 
»  de  Sultjoui  quand  it  m'eiLavoît  tiiai  :  ^ue 
!•  Ptns  ïi  je  Arois  4e  l'heure  c^'il  e&  Cui ai 
>,  d'une boni>cPaFC^aî£b,àboidie'<)«e veux- 

ta,  oà  fait,  ootBme  j'Aote,  jeIêrotsqiu« 
^  û  Makrc  de  cholfir  la'fubdlc^de  mes  Outil- 
**  tes  pODT  Bies  meatiE  pbifirs^  Tn  ne  fera»- 
*>  JMnaJS  4)a'ua  fat,  rqxit-il  ,. dis  monai^ 
»  tourjours  chinniQ  Aifiuit ,.  de  testes  no», 
»•  bmaesAventures  qvl  nos  font  arrivées^ 
^>  en  as  tu  pntcnrai  une  féale  ï  la.  comiou* 
^,  naotsi  t'  Non ,  H  di«-je,  mais  û  ta  as  pro^ 

curai  des  b(»tBes ,  ta  diabte  de  tcite  nos  3t 
**  attii«i  toBtes  les  mauTÙfes.  Tais  toit  coq- 
"  tinaa-t-il.  Si  je  te  qui  trois  ,  tu  moorois  de, 
'«'faimj  comme  an  iipbecile  qnetues-  Mais. 
ti  poH^ac  j'en  fonuiws  aux  reproches  >  dib 
^  mouM  on  ^eo- ,  noo  Ami ,  qoi  eH-cc  qaî 

m'a  eilroptaL  que  ta  bnualitxi  ^  &  ta  mal  • 

«drcfle?  &i;s  toi  qoel  plailir?.  &  qui  te. 
'ttuveit  ptocorai  h  étù,  t»cn.  i  touai  I  faî'. 
*>  re.dce  coinparûfon&  avec  un  Gmtil-bgnv 
,  *>  me  comme  moaai  !  Mordiéro  je  fuis, 
ijdans  les  Ordres,  repilii-je,  &  oa  Preitrc^ 
>  quéqae  petit  qu'il  foit ,  fijt-ce  le  Fils  du. 
,^  Porcher  du  Vllage ,    a  le  pas  àcnnt  fboL 

S^gnau  dftFarouai0«.  Situleprendspar 
*»  U  ,  moa  Ami  ,  dit  Taotrc  ,  je  ptwte  iW. 
**MtdeRccalet,  àquitudois  duicfpeâfSa- 
M  t«nt  qu'à  ma  P^rfonne.  A  quel  titre  iç. 
H-pone  ta,  lî4i$'je,&<iaaiulcej[i:ioû-l^>-. 
timc: 


.--„Googlc 


J 


^  .-  -.- 


*    I 


^■%a; 


ii"tflhè{î^t»depiiis  quand  as  tu  appriftsqae 
-^îttrfLMiJmespaflentdevant  ïcsPreitrcs?  de 
•^ijalfithM  iFr«lanipiers  !  de  bons  pouiHards! 
*'<He  biS^tfx  f^èdins  ?  dès  Prélats  bicQ  relevés, 
<»  jfertir'firèndre'lc  pis  ft  dec  Génts  càmmr. 
j^niôUâi!  Je ttpreflisqiieçet habit qoetuvari- 
i^  testant.  i!c  qui  t'a  déjà  tant  fait  tftiHlli,  te 
■■'tïiJt'tténmfeiinjdtir,  &  tu  nct'endetfaisau 
''■Wi  *fe.:''CHcvaI  de  Carbtte  ,  me  dit-il  ( 
î'!Ît=i(e*pk!ttrpa  foiiffrir  tes  impertinences.; 
«îfëh-dSffiHècda  il  ferait  fuinouaî;  & 
*'«dfiâi'^ae"le''recpvoueF  les  roings  fermei 
j,  dé  W'bfihnt  minière.  Lé  Combat  fut  ni-  - 
jj'tfé^  il  jftoitfoîT  iStmoùai  itont;  &ânsd<S' 
'  CflSf ^ilSs^Jâi  nos lèparirent.;  jenosferîqps 
'■^W'irràtfral-lèsîeuxde  fa  teîte.  J'étioa 
^wH  tr^'ch  fang.par  le  nci  &  par  làbou- 
vgF»":fe  '«■^tjjs  caflàiioutesks  dents,  & 
#~fl'ifi'dvôTf  Btitifi  va  ée\i  au  beù(c  noir.  Les 
ji;^^S' dipiià  flE  (ié  poing,  trottoient  dni& 
jc'éiiiiâ^  ôttcraiihVtenâoitpas  l'antre.  En'- 
"  finjè-noîftF'ârimcs,  enhosdiraTit  mîileîn-- 
'iures  ,  &;u>s  donnant  autant  du  nialedicr.- 
*'mftS.  ' Il -av6lt  pourtant  le  bon  par  deverç 
*»1î,  I^iiibd^pïcà  tèbîdKc..  Il  fiitdèfen 
ïrftWâi,  a- mouâidumien;  Là  piÉcediiqua-' 
^ffè'piffollciftitftenoit  bien  ail  ccéur.  Ge- 
■"ipt'daBnt,  comme  je  fais  la  bontai  même' 
„af  niott  naturel,  quand  macolere  fiitéta-' 
pôîft,  &  ma  bîle  refroidie  ,  j'eu  bien  du 
'ij^étdécequis'étoit  pafla  ,'  &  l'amitié 
* t'einfforfoît  fur  lahaiue.  Cominent avàuer 
''rompu  ;  difiSis-jc  à  parmouai,  avec  unHorii^' 
»y<nedé  cttfe  confeqnencc,  &avecquij'é~ 
^tois  cbhjolntpar  des  liansfi  teenfonne/i: 
K  6  „Js- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


hS"  Vlnqmfiùtm  frsmfMft 

,  Je  me  donni  le  tort.  Ed  dïèt ,  ^  li  ea-a-. 

vois  trop  dît.  Pendant  que  j'^tois  èa  Ita- 
**lîe,  je  voulu  encore  voir  quéiiues"Viiles 
*-  des  plus  fameufes  ;  &  cornme.on.cft  pa 
n  charitable  en.ce^ïs  là  cent  fois^^'cn 
M  France, car c'eflle Pais deCocagneppurJev, 
»  Pauvres ,  fans  façon  j'allois  couchidans  jes , 

Hôpitaux,  qui  s'y  rcncontrcnii  çhaquebQut 
"de  champ;  oii  j  allflis  aux  PortesdesCon- 
'*  vents  demandai  la  MeneiJlre,  fiiïtoijtàla^ 
»»  Porte  des  Bcaedjâins  ;  ce.  font  d,e  Ix^yes 
n  Moines,  Les  Capucins  itout,  tous  pauvre& 
»»  qu'ils  ibnt,  font  les  chofes  çenereufemenr , 
^  &  les  Cordeliers  ne  leur  cèdent  en  rien  de.' 

ce  cotai  là.  Mais  les  Jefuites  ce  font  des. 
"  Gredins ,  qui  ne  valent  pas  plein  leur  wp». 
**  du  eu  d'eau  bouillante,  desPyratcs  à'"!**- 
'î  coEuts  de  roches ,,  qui  l^ifleroient  moàrir 
i>.  un  Pauvre  à  leur  Forte^  &^te  de.  ]i  tendra 
MUD  morciau  de  pain  ;  itstiedonueroientpas. 
,,  lîau,  où  ontcuitleursœofs.  Jati^âis  je  n'en , 

ai  pu  arrachi  une  gueuUc.,  &  lî  jeleu^par- 
**  lois  Latin  comme  Ciceron.. 
'*  Unjèur  "que  je  fus, pour  ,d(ïnài)dai  Isi-. 
»îcharhai  à  la  porte desCapiicinsdcPii4qi!ei. 
i\\'j  trouvi  l'Abbé  de  St.  Martin  menj^uvre; 
»,  Compagnon  ,  qui  étoit  là  pour  le  âiëme. 
^fujet,  dans  feu  habit  deReligieux.  LicPor- 
,'  tier  nos  fit  entrai  tous  deui  dans  uae  petite , 
'Sale  bien  propre,  toute  tapiflïe  dcScntea-' 
"ces  ,  &  pendant  qu'il  fut  queiir  jiiiPerc' 
"  pour  nos  tenir  Compagnie,  &  qiiçDOsfu-  ■ 
j'.mcs  fculs;  leboiilàngiieputiheptir.  Kos< 
M  velaà  nos  fautai  au  cou  l'Un  de  l'autre  ,.ic: 
tÀ  pleurai  à  ^ui  mieux  mieux,  X^:  Père  cjvî- 


^...Cooylc 


tu  l^Hiflùire  dé  la  Baftilh.         iv^ 
n  àràTit'&  qai  H&âvlttous  Cn  larmes ,_  nos' 
„■  eii.dEmimdît  !e  fujet.  Nos  H dimcsqae  nos ' 
„:^Ôîoiis  dn  mértie  Fais ,    que  nos  Dos  con- 
,tiim)flioHS  paitionliércniCTif,  Sqne  TétatOiï' 
^;(no«  nos  v(rio(is  réduits  l'un  l'autre  ,  avoif 
^  pitovoqva!  nos  larmes.  CelafirunfbrtbOil' 
„  eÔèt }   j'en  fuBitt  mieux  irairéS ,   &  ïe  P. 
jjCapudo-ftftnosquerir  Hn  petitKlltr,  pdar- 
„  -allai  pteiult«jChoo»  letir  Agïot ,  unEùdat' 
^  ponrnosaidsi  i-aos  conduire.  '    '    ,* 
.  „  No.  vel»  r^attfés  mieux  qne  jamaii  :■ 
^  m^s'cene  Ait  paspotirlong^temps:  Jene- 
„  pouïois  m'empêchai  de  lipaïlaiduquatru- 
,,  pie:  il  mereprochoit  Ikjambedcmîfe.En* 
„  fiftjeiiiOBeiitriebatiiTies  encore  une  fbuais,&" 
,,  je  BOS-ftpuimes  ponr  ne  punosrcvooaii* 
„  on  Italie:  Je  iv'en  aVoii  point  entendu  par* 
„  loi,  jnIqtt'aoMoli-de  Mart'del'AïnïOO.' 
^  qu'il  me  vinttrouvai  àLerydansmonPrc- 
,y  bUairc  fcn  habit  d'Abbé  fort  propre  :  ce  n'é- 
„  toit'pn  Fr«e  Titnethéejc'étbitMr.  TAb- 
„. hé  de  St,  Martin  gros  «omme, le  bras.    Il 
,^tBep«rouaiflbit  biênpofai  &  revenu  de  tou- 
,j  t£S.ilcs  foUts^  ïldeminirit  quinze  jours  ou' 
„.  trois  fttnaiiwtciheuï  moiiai ,    où;  je  lî'fis- 
,, .pan "de^ qaaïro  o  cfoq-demeu  oomiesaVan*' 
,^  races,  pOTiT  renouvelai  la  cotincnflànce.  Il- 
„  iiie.coiitit,qu^rètnôtE£feparation, quand 
„  il  eût.  bien  rodej'  par  l'Italie  &  étai  I  Ro" 
„  me  ;    il  s'âoit  daiinai  -i  un  bon  Homme- 
^  d'Htrmitc  pn>ch«-dé  Savone  ;   qui  ravoit' 
,^  ptiqs  en  giâadti  amiité  :  mais  qnrlîî  s'en-'' 
„  notant  de  ce  métiof^e- coquin ,  avt>ît'vô-; 
,^  kï  rHamite  ,   lî  aVtrit  emportâî  tout  ftn  ■ 
,(  arK6[m.^&  «ïuit  ltlonta^  fur  1k  Mille  gucT- 
'*    °  K  7  tea-  - 

u,:,-,zf--„GoOglc 


„  teufe ,  s'en  étoAt  allÀî  tWH  lîM  Tetre  1^-: 
„  voit  pu  portai.  Qu'»pris  quchui  il  s'éloit 
„  fait  Fteitre  i  Albani. .  Qit'fia  ifiriEe  il  étent. 
,,  revenu  chez  li,  où  le»  PurAlUS  rtvis  de  le 
„  voir  li  changeai,  li  VQieiK4btciHi-nBboih 
,,  Bénéfice ,  avec  lequel  il.vivoit  ftvt  tKMio- 
„  rabletncnt.  Mais  que.  nAlbeûreuftineat 
,,  aiant  étai  voir  de«  Keligiewiès^ik  foa  vùx-. 
„'  iînage,  une  étoit  dçveaueamourcnre  deJi ,. 
„  qu'ils  avbîcot  trouvai lestnaiensdefevoff;. 
^  &  que  par  haiard  e(leétoit-(ieVeau6nD£Ief. 
„  &  qu'oa  difoit  qu'il  n'avait  pas  nai  à  fa- 
„  groflcfle.  Qu'ii  avoît  étai  obligeai  de  dc- 
„  campai,  julqu'à  Ce  que  lès  Patents cuilciit 
„  accommodai  la  choîe  ;  (t  mi'il  ealèrDit- 
„  duitté  pour  quéqiifcs  Moi8-«e:&eBiuiarei 
„  Qu'à  lavetilr  il  avoit}arai  dc  r«llalç■i■à■ 
^  feS  fiedatuest  &dei(ivretIibf)iiaJU9Ha^-*- 
„  me.        '     ;   ■  ..■.-.■■  -J:'   .. 

^  Poor  mouai,  jequÏEi  l'Italie  «jqcrcdn. 
„  àLioDt  ta- vicariaot ,  c'elîi.dtrecDflUiiit- 
„ ,  cheài  tous  les  Cui^s ,  dont  \ts  piicWiéaT 
„)bles  me  dônnoient  lapftf&db'i  Qtopil  jo- 
^  paiToispai  des  Villes  oâjl  y,  »V^  ^«sfio-/ 
M  jéges  l'jj'alois  poiiflài. uo^ nfgtaïKaà  &'cela^ 
„  me  Valait  ^ourkws  ^ftéquo  ebofe-.'  Eon-v 
^,f^ant  par  Padoiio  i.  j'argmnciHis. i  «on 
^  oulmaire ,  &  je  pla  tagt  att  RegieaK  &  -MX  - 
^  Ecoliers ,  qû'i^lsme  firent nheCjftiSte  i^i: 
„  moniit  àunePîlioie.  jen'doHleispasfionit 
„  les. Couvents,  &  k^ÛéfitatnaiesAltbtri, 
„  ^  de  lïtiige-  £n  ffiriva»!  à  Xâok,  je  ^s , 
„  tout  droit  ,  ïiuu:%P».»''ctiettx  Mad.  Plot, 
„  mda  ànc^cimê  MaitiëfEq.  £Hc:iinr(rit<pnAS; 
^  UB  autic  FKceptOHTf  s»»  éouftoerce  nY->, 
i  ,.  toit- 


.--„Googlc 


aaFHifhire  JèUB»fiSU.  tyt 
M  to«t  qu'un  Afae  en  companùfonderooiu^ 
»,  OD  le  toit  bien  tôt  dehors. ,  poor  «^  faire 
M  reiuiai.Al»Mutieirçni'obtintdeMr.l^r'« 
„  cbcrdquc  un  «xrist  pour  si'&laî  £^'i^  rece- 
^  TÔir  Pieitre  i  St.  raui-Tri)îs-Chati«it , 
M  piïceqiK  la  chOfcficQbit,  Attendu^uelft 
„  Carc  d«  Gaerin  ■  dans  la  Fiiadpant^  de 
jt  Dombcï  étott  vacante  j  &  comme  «lie  €-t 
rt  toit  à  la  nomioatioti  de  Mad.  PlotçUen'i 


^  Je  □e'peuxpaflWfoQS^eiicetisâfiiedia. 
^  le  de  biefi  drôle  qui  m^aiivit^  en  tevenaat 
^  dcmefî^cordoDiialPreftrc.  J'avionïphn& 
f,  des  Maiettcs,  d'autres  jeunes.  Prcitrcs  Se, 
1,  movai  poar  nos  en  retournai  ILf on..  Peai 
»,  dam  que  je  levions  cli9|nDâte.i  nhCi^ian 
„  kC  BoT];ne  qui  ^toit  fa  ndtiechçmîn,  des 
„'Coiirtaut5  de  Boiuiquc  de.Lioo  ,  qui-a-. 
„  Voient  des  Fumeltes  avec  qn'eux  y  .voqIiit 
„  reiit  prendre  nos  Alkes  y  pour  les  numtal 
r,  defibs^  diiànt  qu'il  fidloit  iitire  lacouttoU 
n  lie  aux  Dames.  J'avtons  paiai  nos  Alaxet- 
M  Us  y  &  il  m'éioit  bico  lâchai  àe  tevenJr  à 
,•  pied  à  lion,  pendant  que  ces  Diolefleif^ 
M  ïèrpient  pavantes  fur  nos  Afnes.  Je  leuj^ 
tyiiùaes.  vfoe.}t  n'en  ferions  rtiAi;q«.^4i 
^ 'ddufl  £ttiff«à ,  &  que  fi  iisvonloieDtniOiv< 
„  toi  letiti!  Dames  ,  ikpOavoieiU  leDi.lou4 
n  das  Baudets T  CQitune  nous.  lU  vonlurCnj^ 
M  prendre .  nos  montores  de  force  , ,  en  nos 
„  appeiuts  GictStts,  JSlal-^nflS,  &  milànf^ 
„  Ùes.  J«  nos  eatrcbatimes  :  Us  miorciK  lié-; 
^  pée  à  la  main.  Un  de  mit  Prcttrc&ntiLiùc 
H  tuâ:  li  caffit  fe  nVpée  ,.  étda'tionfoik  L^ 
n.  en  tûicbit.TivaiuatlHoicil]cfc  Cdamf^ 


.-„Goo.jlc 


a^%  L'Ixfuifiti*»  FrOKftifi  - 

^  mit  le  ventre  an  coeor:  j'ca  entre-|mas  do' 
^  qat  paroUIbk.  le  plus  animai  ;  &  du  premier 
t,  coup  de  bâton  que  je  ]i  porti,  jcHcaffiun- 
,^  te^s,  pour  1i  apprendre  à  écoutai  uix  por- 
»,  tes  ;  &:  je  l'éiaudis  au  biau  mitaada  che- 
„  mini  oùilccioit,  commeun perdu;  &!e»- 
^  Fnmelies  étoient  comme  autant  de  Bac- 
,„  chaotes  ,^qui  harloient  comme  des  Mege- 
„  res.  Je  nos  échapiroes  ,  en  remontant  fur-  ' 
„  nos  Aûies.  Les  Courtauts  voulurent  nos- 
„  &ire  des  aâiures  à  Lion.  Mais  Mf.  l'Ar- 
y,  chereftfue  étant  informai  du  fait  &  làchanc- 
„  que  c'étoït,  eox  qui  étoieut  les  Agrellèux  ^ 
y,  il  Icut  deSbndit  dcpaflài  outre  ;  &  le  Cour- 
„  tant  eut  le  bras  calFai  pour  fon  compte. 
Mr.  Ltnck'luidit,  que  c'éioitlaime bonne 
»âion  de  grâces,  pouc  bénir Dieud'avoir été 
introduit  dans  le  .Sacerdoce;  queSamucI,cu 
pareil  cas^-n'en  aorait  pas  iaitmoias.  ,<  Bien 
„  attaqua  ,..  bien  dftfendn  rqirit  vilement- 
„,  l'Abbé.  Je  fuis  bien  certain  que' li  on  avoit' 
„.  voulu  démontai  Aton  même  ,  &  tirai  l'é- 
^  {>eefus  Ji,  qu'il  ne  t'étoit.pasfouttertlànB. 
„  montrai  qu'il  avoit  d^tfang.aux  oiKles. 
„  Tancia  je  chanti  ma  premi^ic  Meflè  i^ 
),  Guecin  .dont  Mad.  Plot  ât  tons  les  frais  ,- 
f,  &  meublit monPrdiitaire r  comme  laMai- 
y,  fon  d'une  Mariée  ,  &  m'y  donnit  fesEa- 
^'f^nttcn  peniion;  en  me  tbumiâknttoutes' 
,,.le$  ProTilions  qui  m'étoient  néccûâires  ,- 
,-,.pour  commençai  un  ménage.  Mais  m»- 
„.manraife  étoile  ne  m'en  laîffit  pas  jouir 
„  long  temps.  C'efl  le  p!us  bisi  Pais  qu'il  y. 
^.ait  fous. le  Ciel,  &qu  il  ^rottlesmeilleuz 
^,Tiiu  du  Monde.    Le  Sexe  cQ^ut  des  pv 


.--„Googlc 


*«  rHifloire  de  la  Ba/IilU.  133 

»,  gracienx,  maïs  il  a  une  Janguecommettar 
»,  tout  aillcut's.  Quéques  Femmes  revclirent 
»;  il  Icnrs  Maris  les  propos  que  je  leur  avofs 
>,  tenus  dans  le  Confeffionna?.  D'autres  s'a- 
t,  perçurent  de  la  ftmiliantai  que  j'avois  avec 
t,  leurs  Fumelles  ;  fi  bien  qu'ils  me  firent  une 
»,  fi  cnielle  Guêtre,  jufqu'à  m'aflîegeai  dans 
>,  mon  Prcbitairc  ,  que  je  fus  contraint  de 
j,  quittai  le  bénéfice.  Outre  que  Mad.  Plot 
ï,  rebuttée  de  mes  fredaines  >  m'avoit  retirai 
»,  fës  Enfiints ,  &  m'avoit  abandonnai.  Que 
■«  &i*je  mime  fi  elle  n'animoit  pas  mes  Pti- 
i,  rouaiffienscomremouai,  furquielleavoît 
,,  toute  autoritai  ,  parce  qu'ils  étoient  ftï 
„  Vaflaux,  Ce  qui  eft  dé  certain ,  c'eft  qut 
I,  bien  loin  de  me  protégeai  auprès  de  Mr. 
„  l'ArchcTelque ,  elle  me  l'avoit  mis  à  dos. 
»,  Ajoutés  à  tout  cela  que  mes  Parents,  bnv- 
,,  lant  d'envie  de  me  voir  Preitre  &  dtnteit- 
„■  dre  m»  Mcflfc ,  m'avofent  obtenu  de  Mr.  le 
,,'Càrdina]  '<fe Bouillon  la  Cure  de  Ledan  i 
,t  deus  lieiies  de  Lery.  Un  biau  matin  donc 
,,  je  vendis  tous  mes  meubles ,  que  mes  Pa- 
„  rouatfficnS  achettrent  avec  joïe»  Afansdi- 
„  re  adieu,  à  Perfomie  ,  pas  même  à' Mad'. 
„  Plot  ma  bonne  Maitreffe ,  fottement  je  qnit^ 
„  ti  la  Cure  de  Guerln ,  qui  eft  une  tics  plus 
„  grandes  feutes  que  j'aie  ftitte  en  ma  vie; 
„  car  ma  Cure  me  valoit  pu  de  fii  cents  H- 
„  vres  de  revenu.  J'étois  logeai  comriieun 
„  Prince,  avec  un  biau  Jardinât  toutes  fortes 
„  de  bons  fruits,  je  dimois  fiif  tout;  &  fi  je 
,,  n'avois  pas  voulu  diimai  fii  les  Fumeltes, 
,t  i'éroH  étai  le  plus  heureux  Ciirai  du  Mon- 


.--„Googlc 


Itî4  L'iM^iJttitm  FrMfêift 

,,  Ce  fut  encere  ce  qiii  fit  mon  nuilbrai 
f,  à  Ledan  ;  je  mi  adrem  foax  pa  haut  hvpT 
„  pées.  Ma  bonne  mine  ft  lepofte  où  j'é- 
„  tois  ,  me  faifoit  tout  entreprendre:  niais 
„'  quéques  unes  ne  me  gaidirent  pas  le  fe- 
„  cret^  Monfètgneur  rEvefqttcd'Evteo^tne 
„  maiidit:  il  fallut  obeïf  après  m'àvouerbieq 
„  lavai  la  itiç ,  il  me  dit  que  ii  je  ne  vouiois 
tt  citre  Sage,  il  metcroit'enf'ertnsù entre quar 
„  "tre  murailles.' 

„  Enfin  par  bonheur  po\iT  mouaî  le  Ctu-sù 
„  de  Lery  mourut  :  mon  Fdre  demandit  1» 
^  Cure  pour  mouai  ï  Mr.  le.Cardfnal  d$ 
„  Bouillon  &  rdbtint.  Comme  j'étois  Èiir 
„  fiât  du  lien ,  les  Femmt^  eurent  ponr'mguàï 
,)  pudeoondefcendance.  Mais  cofin  pu^'ea 
H  avois  &pa  j'en vouloii  avoDcr.  J'étotsu^ 
^  autre  Salomon.  Je  voùlns  iiout  careû^ï 
„  lesFilles.  Comme  j'avouais  toutes  forte; 
4t  d'in/lnimensdans  meoPrebitaire,  entt'an- 
^,  très  unèiauClayectni  liiK  2>emaîtèlledc 
,t  grande  qualitai,  &quî  en  fçavoitbienfon- 
„  nai  y  vmt  :  lî  elle  me  plut,  je  ne  liplupaf 
„  moins  :  malheureufement  il  y  parut  bien- 
„  tôt.  Si  fes  Frères  s'en  étoient  aperças  ils 
„  jnVroient  étropiai.  Que  faire?  je.licon- 
„  feilUs  d'achetai  des  toilleg  ,  dont  ontàit 
t,  quantitai  à  Louviers  &  cheuxnous,  &lbu$ 
nl^etcxte  d'allaï  les  vendre  à  Paris,  d'y  met? 
„  tre  fen  paquet  bas.  Comme  elle  ëtoit  très 
„  fine  elle  fit  lî  bien  que  fa  biautaiendoQnit 
(,  dans  la  viie  de  Mr.  d'Apoigni  Capkai^je  dç 
n  Dragons ,  qui  écoit  en  quartier  d'iryvçr 
_„  dieux  nos.  Ii  eftle  Fils  de  Mî.d'Apoig- 
^  ntt  Fermier  Genûai.  Apparemment  qu'el- 
M  le 


««  J^Hiftti^  Âe  la  Bé^tlJe.  i  J  f 

j,ie  IMtBit-)m».le  chuaiiirbnuge  t  pour 

H  faire  acroire  jqu'it  étoiLleM^trcdemes 

**  auyres  t  mais. j'en  oitris  daqs  iine;tcHcijav 

'*  louât,  que  .j*CD.peniî:tioubhij.    Mais  ce    . 

>'  fut -bien  pis  ^uand  J'ijppms  ^u'il  lavo&loit 

V  4pouzai.    J.'cmri  cniirear.    Jllis  un  to- 

»ïagc  exprès  àAiixeirceoBout^ogoe,  d'oÀ  , 

,j,  j'apprihs  t^'dtbit  fon  Pece  i    &  je  ^terri 

fl  bien  fa'  Uenealogie ,  .qoc  je.  fçd  ,  que  ce 

Fermier  Général  ttoit  rili  d'un.Martfchal 

**  Ferrant.    Tant  |Cela.  ni.  âifoit  lîen.  te  Ca? 

**^ilaitteittâi  bien&it»  ùxàt iboiuéce Hom- 

M  iBt,-aKû[t(^'bien  &âoIcUen:véJi9deS'Fre* 

4,Tes'jCide^SliËtir.C>]aDdjem^ayilîdelidoa' 

„  nii^e  lajslbuiîe ,  I  li  même ,  ««la  lidonnit 

^,  du  TtifroJcyHèment.    Un  joor  qat.  la  De? 

jnoifelle  étoit  Tcnu.foi^nsr  iiu.  Clawaciq 

^  ditai  moMsL*  Jelidi&lesifoptprfdutEiiiorf 

«j  ttfls.    Je  la  trdtis  à'cffrontà^  rfcvitaine, 

t*  deproliituée/d'abandotio^c,  pàidauqu'e^? 

«,1c  foQlioiltoiitiours,limi  faîte  teijMmtae 

m'^coaui.  ,  Mais  quand  j'en  vins,  aux  in^ 

jures  lés  .plus  ^rofll^ces  ,  elle.fe  ievit  tout 

'*'d*an  coup ,  &  encrant  en  fomiE.  Ouîccnûr 

>'  tte,  oui  lâche  ;.  dis  ■^acjc  ûùi  cacore^ 

■»  que  tout  cela,  putl^ue  je.fois  la  Cusoidû^ 

i>  ne  d'an  Pteiire  &  de  mon  Con&fièar.  .  Je 

^vais  mejetlai  aazpiedsdemesFreres,  Icoi 

demandai  pardon  de  les  avouai  deshoi)0> 

rés,  &  les  conjurai  d'en  prendre  vengeao< 

**  ce  Âi  le  pu  mécham  de  tous  les  Honmiet, 

**  &  leur  contai  toute  ta  vie.    Coninie  «lie 

„  étoit 

a  de  I»  DcnoiicU^i 


.--„Googlc 


.  sjS  L'Iirt/uifitioM  Fr^Mfeift 

y,  itoit  Famclle  à  le  faire ,  tout  comme  elle 
„  ic  difoit ,  je  me  mins  au  devant  d'elle  en 
„  tremblant  pu  menu  que  la  feuille  ,  &  je 
i,  voulu  l'appaifai  ;  mais  elle  étoit  ineiora:- 
„  ble:  c'^toituQe  Furie.  Je  l'embrafilii  ten- 
„  dmneni'que  je  la  fis  pleurai.  Quand  je 
„  la  vis  attendrie,  je  jouis  de  mon  relie,  & 
„  je  refis  la  Paix  de  la  Maifon.  AmamiuM 
„  (>•£,  atnoris rtdintrgratiotjl ,\\i\iK-]C.  Juf- 
„  tement ,  reprit-il ,  vos  y  vcla.  Deux  am- 
„  trai&dés  eu  firent  le  rapatriage. 

„  J'en  avois  encore  deui  qui  étolent  en 
„  m£inepoint  qùclaDemoifelleCtavecineu!- 
„  ft,  &  quatre  autres  encloiiéesr,  quimepe- 
„  foient  bien  pu  iur  l'efprit  ,  dont  la  priuci- 
„  pale  étoît  ma  Confine Babet  de  laFeuttlée, 
,i  qui  ne  pouvoii  pu  cachai  la  ^oflèflè.  On 
^  CDinmeDÇoit  à  en  mdrmurai  ,  mais  four- 
„  deïnent;  car  qui  fe  fcroit  perhiadai  qu'une 
^i  Fillette  de  quatoneà  quinie  ans  feroitde- 
j,  venu  grollè  ,  quand  on  ne  H  voiott  poiat 
„  de  Galants  i  Je  m'avifi  d'en  fàiiela  confi- 
„  dence  à  ma  Marine  Madame  de  Vaudreuit 
„  qui  étoit  une  Femme  puilTamment  riche  : 
f,  elle  m'aimott  bien ,  &  même  je  m'aperçft 
M  bien,  qu'il  j  avoit  quéque  petite  chofe  de 
j,  pu  que  de  l'amitié.  Je  convînmes  qu'elle 
„  viendroit  la  prendre  dans  fcn  Garoffe  un 
,(  Dimanche  à  la  fortie  de  la  MclTe  devant 
,,  tous  les  Paroifilens,  &  qu'ellediroithaute- 
„  ment ,  qu'elle  la  trouvait  affez  jolie  pour 
„  en  £ùre  fa  Fille  de  Chambre ,  &  qu'elle  la 
I,  meneroit  devant  tout  le  Monde  au  Vau. 
„  dreuil,  où  je  l'irois  prendre  ,  pour  l»me- 
„  nai  accouchi  chez  un  Savetier  où  j'avoisdc- 
ji-meutai 


.--„Googlc 


tu  THifloire  de  h  Ba/IHU.  xp 

,,  meorai  Ecolier  à  Rouen.     La  chôfe  fut 

,t  exécutée  à  merveille.  Je  fis  Dommai  l'EiF- 

„  font  au  nom  dé  men  Frète,  à  qui  j'en  tis 

„  l'honneur.  Coimneilétoiteucorc  Garçon, 

,i  cela  faifoit  un  bon  eSet.    Elle  acouchit 

,',  d'un  Garçon  qui  fut  nommé  Pierrot ,  com- 

,",  me  men  Frère.    Jamais  on  ne  s'en  Tefoit 

„  aperçu.  Maisj'aiapprins ,  que  depuis  men 

,,  départ  le  Gareleus  >  n'étant  pu  paie  de  la 

,,  pcnlïon  de  l'Entant  ,.  fut  le  portai  publi- 

)",  quemcnt  à  fa  Mcre  à  Lety  ;    &  que  fen 

,-,  Frcre  le  Chapelier  avoit  étai  contraint  de 

„  le  prendre,  faute  de  quoai,  il  feroit  mort 

„  de  faim  ,   car  on  ne  vouUiit  pas  le  rece- 

„  vouer  à  l'Hôpital  des  Enfants  trouvez  de 

,",  Roiien,  car  il  n'étoit  pas  de  la  Ville.  C'eft 

,,  dommage  que  cette  pauvre  Fille  ait  écédes- 

,,  honorée  par  ce  malotru  de  Savetier  ,   car 

„  c'ert  une  des  plus  belles  Créatures  qu'on 

,,  puWTe  voir;  droittc  comme  un  jonc,bloa- 

„  de  comme  un  Baflîn ,  blanche  comme  un 

„  Lys ,  vermeille  comme"  une  Rofe  :    dei 

,,  yeux  bleus  comme  de  l'Aïur;  une  bouche 

„  de  Coraîltcnrjonrs  riante,  &  les  dents  com? 

,,  me  des  Perles;  Vive  comme  une  potée  de 

,',  Souris,  &  remuante  comme  une  Anguil- 

„  lei  &  d'une  taille  deDieiîè: 

■  ,,  L'autre  écoit  une  Marchande  de  Den-' 

,,  terelle  de  Roiien,  blonde  coimne  un  écu 

,,  d'or,  blanche  comme  un  fat  in ,  &  belle  côm- 

,',  me  un  jour;  &  voicin  comme  le  malheuc 

„  li  étoSt  arrivai.     Comme  ma  Cure  nepou-t 

„  voit  pas  fabvenî  à  toute  la  depenlè  que  je 

„  faifoiî;  carj'étois  un  panier  perçai;  je  ne 

„  pouvois  ricu  gardai.    Je  tranchois  trop  du 

„grsuid 

u,:,-,zf--„GoOglc 


t.]S  L'hqttifititm  Fraif^fe 

^grïndSeigBeur,  MaMaiftHi  ae-'deOnipUr- 
j,  loi[  pas  ;  ce  n'étoient  que  fedins.    Je  me 
nuuB  donc  à  faiiedes  mariages  contre  les 
Qrdoaaapces  du  Rouai.  Il  n'en  faUacqcc 
••  deux  o  trois  pour  m'^chalacdai.     Apiis 
*»ceU  ils  yvenoientdctoutes parts,  &com- 
1*  me  cette  Fille  la  étoit  de  la  Religion  Rc-. 
M  fonnie,   elle  fe  trouvtt  à  trois  o  quatre,. 
entr'autrcs  i  celui  de  Mr.  le  Comte  de 
'Brederodes  ,    que  je  mariai  avec..M2d.  là 
'  Marquife  de  Bois-Roger ,  &  qui  fat  lafotir- 
»*  ce  de  tous  mes  malheux.  Cette  belle  Fil- 
f*  le  driie  &  faite  au  tour  ,    qui  n'en  devoit 
»i  rien  à  D\a  Coufîne  Babet  de  la  Feuillue, 
^  me  louit  fur  la  bonne  grâce  que  j'avois  à 
,  mariai  les  Gents;  que  je  faifoistoutcom- 
*mefes  Minifltes,  &  qu'en  me  voyant  fkî- 
*tc  elle  croîoit  eitre  encorç  à  QUerilli,  où 
»'  elle  vojoit  Mr.  Banage  foire  fes  fdnaîons 
"Je  li  dis  ,    que  quand  elle  voudroit  je  lî 
»,  rendrois  ce  bon  office,  &  que  je  la  umi- 
^^rois.    Oui,  n.e  dit-elle  ,  celui  quejçvou- 
droîs  choiSr,  quoiqu'il  l'oit  à  mariai ,    ne 
**  Voudroit  pas,  peut-eitre  quiuai  foa  pofte» 
'*  pour  m'épouiàî.    Je  vis  bien  que  c'Étoit 
*•  de  mouai ,    qu'elle  vouioit  parlai.    Je  M 
»»demandis  la  permiffion  de  l'allai  voiies. 
i>  Elle  me  l'accordit,  &  me  dit  fa  demeure. 
u  J'y  fus,    J'entrimes  en  matière.     Elle  me 
dit  que  fi  je  voulois  paflaî  en  Angleter- 
re avec  elle  ,    qu'elle  avoit  pu  de  vingt- 
*'  mille  francs  en  effet ,  qu'elle  me  donne- 
«roit  ,    &  qu'elle  avoit  affés  d'Amis  pour 
»me  faire  recevouerMiniftre  ,  &  qu'avec  la  ^ 
^  boQoe  grâce  que  j'avois ,  jepourroisbicn- 
„tÔt 


.-„Goo.jlc 


«.'tAt  devenir  Ert^e.  Ce]a.cftltcnt  aSStT'tr 
it.vec.mitpcnliâioiidQl^Ëgyptâeiuin'j'rcoa'- 
M  festît.  Je^fiiaesile  mariage  ËLJcuLdei  Vàgn 
•/□«s.     Elle  fia. biemdi  enclouée^    &  ma 
«•psdÏQic  toutjourt  de  If  teair.ma  parole, & 
V  de  pa^ai  ;ivec  die  eu.  Angleterre.  Rtea  a% 
**  preŒsit.  encore..    Ellç  ctioUii  tu  jour  de 
Noël  poOr  ni&veiHrfomtnitidemaptôi]KG> 
"&,  [juiiiiie  dieux  mouai  ,  fans m'cnaverf^ 
îîttr..  Jamf&  jÊ'.ne  fuEpUis  étodnai  qfi'^n 
,,  dtasttnt  ma  grande  Meffô4e.dix  beinesy 
„qBSiid  jeYÏBsJâ  mé  ret«uruai  ,  pour  dke 
I,  ntoa  Damiiuu  vobifi:u*M-y  yevâ  nu  FuraeL-; 
Hleâ^genoux  contre  laBajuftrade.    Jasais 
(telle ne  m'avoji para  fi  belle.  EUeétcùei;^ 
"  bâbit  de  cheval ,  luftiée  .comméuaeiTaim-j 
'■'  cexellc  ;  riea  n'y  masquoii..   J^vdb  .tôcn 
J'  prcp«raijua  joli  petit  -PrÔRe  pooK  mos  Pat 
^'.roimffieas,  àcaufede-taFeicc;  mais,qiian4 
^*  je  la  vis  ,.je  ranj(aaini  bien-lôi  roea  conm 
,)  planent  :  j'abregi  bien-tôt  ma  Meffc.:    en  . 
,,  deux  tOurt.de  broches  &  un  petit  feu  clai]i 
M  ceia  fut  iien-iAt  rôty.    Après  je  meais  m^ 
rtFumelle  aiiPrebitairt.!  J^ajoutis  àlafbr-, 
t,  tune  du  poc  une  bonne  ^clasche  &  ua  boa 
*>  chapon,  &  peodaiu  que-ceta  ouilbit  je  lî 
"  as  voiies  ma  Ciiambre-,  où  je- la  cegali  de 
fia  bonne  manière.    Je  dinimes  tons  deux 
'•  tcite  à  teite.  Entre  la  poire  &  le  fromagç 
"  autre  vliite  à  laChatnbre  ,  qui  fut  reïciii^ 
V  avant  que  de  moatai  à  Cheval:   elle  s'eif 
ijCetonrnJtgaillacdementà  Rotienj  âtmouai 
,,'je  fus  chantai  met  Veipres  àniesParouaif: 
ttJiens  qui  m'atcendoieBt  impatiemment,  & 
»eiure  .Veipres  &.iaBenediâioa  dii.Sr.  Sa: 
,.ae- 


.--„Googlc 


a44  Vlfio^tdo»  R^iMfoSft 

,  CKDKDt ,  qac  j*a4ois  cxpofki.,  i  cauft'de 
T,  la  Saintetai  au  jour  ,  pour  les  empcfchai 
T,  de  murmurai ,  je  leur  metamoipholi  mon 
1,  Prdnedu  matin,  en  un  joUpecitSermoii, 
t,  dont  ils  dirent  très  contents  ,  &  pour  a- 
j,  bondance  de  droits,  i  laBenediâiondaSt. 
i,  Sacrement  ,  que  je  leur  doimois  le  foir, 
t,  je  leur  fis  encore  oœ  .belle  &  jolie  pe- 
„v  titc  Exhortation.  Mr.  Liuek  l'iiit«r'<> 
rompit ,  pour  lui' dire,  qu'il  s'y  étgitaâ^s 
bien  prépaie,  &  tifmoigna  qu'il  voulut  sM- 
1er  coucher.  „  Pour  Ta  préparation,  dit-il, 
„  je  m'en  berne .  je  Pi^cheiois ,  ai  abrupto: 
„  mais  attendez  ,  je  vos  prie  ,  car  voici  le 
„  pu  biau:  vos  allez  vouer,  cotnmeje  pei«- 
„  dis  ma  Cure.  Je  joignis  mes  princes  aux 
oennes  :  je  fis  faire  g<ou  glou  à  ma  btnudt- 
le  ,  ce  que  je  fUCoii  de  temps  en  temps  * 

Eour  lui  Eure  reprendre  haleine  :  je  mis  du 
ois  au  feu,  &  il  continua  ainfi. 
„  Ma  Fumelle  pour  abrégeai  matière  fut 
„  acccmchî  à  Paris ,  où  elle  poitoit  tûus  ks 
,,  Ans  quantitai  de  dentêrelles  "qu'elle  \suh 
,,  doit  à  des  Dames  de  qualitai,  ave&qui  et- 
„  Je  étoit  achalandée.  Sçachani  qucma  Cla- 
j,  vccineuièyitort  alléépour  le  niêniefujet, 
„  plutôt  que  pour  y  vendre  des  toiles,  pour 
„  montrer  combien  elle  m'airooit.,  elle  fut 
,,  affés  genercuTe  pour  allai  iî  ofiHrde  l'ar- 
„  gent;  mais  IJiutce  la  refiiût  fiéccmenij  ce 
„  qui  me  fit  croire  que-  Mr.  Dapoigni  le  Ca^ 
„  pitaioe  avoit  ta  jouai  du  pouce,  Tavoitiàit 
j,  aconchi  ,  &  s'étoit  chargeai  de  l'Entant. 
^  Je  tùs  aux  coucher  de  ma  Marchande  4â 
„  deutcielleï,  qui  mit  au-, Monde  une  i^ille., 

u,:,-,zf--„GoOglc 


sa  rHiftoîre  ât  la  ^afliiU.  U\ 

,  que  nos  mimss  aux  Enfants  trouvés ,  a- 
.  vcc  un  billet  &  de  t'at^ent  pour  là  penllon , 
f  avec  ordre  de  la  nommai  un  tel  nom  ,  & 

•  de  la  redonnai  à  la  Perfonne  qui  aporte- 
»  roic  un  écrit  pareil  à  celui  qu'on  leur  en^ 
'  voyoit  avec  le  cachet.     Us  ont  bien  lamî- 

•  ne  de  l'attendre  long-temps.  Je  vis  itont 
"  ma  Clavecineufe ,  qui  ne  me  demandît 
"  pas  feulement  comment  je  vouloir  qu'on 
",  nommit  nôtre  Enfent.  - 

f.  Voici  le  coup  fatal.  Le  Diable  qui  ne 
,,dort  jamais,  fie  que  Mad.  la  ComtelTe  de 
»  Brederodes  fe  degoutit  de  Mr.  fen  Mari. 
.•  II  lui  avoit  promis  que  L.  H-  P-  L.  E.  G. 
"-le  meitioient  en  pofleffion  d'une  partie  de 
"iès  héritages  de  la  Waifon  de  Brederodes. 
"  La  Marquilc  de  Montpouillan  fa  Coufî- 
"  ne.  II  avoit  confirmai  la  chofc:-  rien  de 
"tout  pela  ne  venoit.  Elle  l'envoiit  en 
,'Hollande  ,  pour  foUîçitai  du  moins  une 
„Penfîon  :  il  revint  comme  il  étoit  allai. 
I,  Elle  H  refiifit  fa  Maîfon  :  il  voulut  y  en- 
.(■trai  comme  cheux  faFcmmc,qu'eIle^toit. 
t»  Grand  bruit.  Que  fit  elle  ?  Elle  tne  vînt 
u  trouvai ,  &  dit  quej'eultêàdecampat  j  que 
**  ma  vie  &  mes  mariages  tàifoient  un  très- 
"  mauvais  effet  ;  &  que  fi  la  chofe  venoit  à 
"  éclater  &  que  je  iu£Ë  prtRS,  que  je  ferois 
"  pendu.  Elle  eut  l'adrcffe  de  me  &îre  in- 
II  tîmidai  itout  pat  dej  Amis  qu'elle  avoit  d 
„  l'Oflî  ci  alitai  deRoUen.  J'-cu  peui.  Jeven- 
„dis  mes  meubles;  j'empnintide  l'argent  , 
„  &  comme  on  étourdi  j'abandOniiî  ma  Cu- 
«  re ,  dont  mes  Parents  penfirent  mourir  àe 
*)déplaifir  :  quoiqu'ils  fc  doutoîcm  bien  que 
.h  „  la 


.--„Googlc 


*4%  Ulitquifitie»  FroMfoife 

'^  la  cbofè  en  viendroit  là ,  par  la  vie  que  je 
menouais.  Je  ne  voulouais  entendre  remon- 
trance  ni  de  Père,  ni  de  Mère;  &  deux  o 
*  trois  fois  je  nos  étions  entr^iattus  mcn 
)*  Frère  ainai  &mouâîènleurprefence,  par- 
>'  ce  qu'il  fe  meflott  de  me  vouloir  donnai 
M  des  correSions.   • 

>,  L'aflaire  de  Mr.  le  Comte  de  Bredcro- 
„  Âé& ,  &  de  Mad.  la  Marquifc  de  Boit-Ro- 
ger, laFemme,  éctatit  auPaiIcment,  où 
**  an  mariage  fut  déclarai  nul ,  faute  par  lî 
;'*  de  produire  une  atteftation  &  des  preuves. 
»  Il  ne  pouvou^t  avouer  men  Ceniâcai,  puif- 
^,  que  j'étouais  pailài  en  Angleterre,  Les  té- 
,,  moins  n'étoîent]  point  connus  de  Mr.  le 
Comte  de  Brederodes  ;  c'ctoient  Gents  à 
"  la  difcretion  de  Mad.de  Bois-Rc^cr,  auî 
"  quels  elle  fcrmit  la  bouche.  Le  pauvre 
»»  Comte  audefelpoir,  m'a  cherchai  par  tout, 
n  comme  je  l'ai  apprins  depuis  lîins  m'avonet 
„  pu  trouvai, 

„  Ma  Marchande  deDcntereJlesnevou- 
:    lot  pu  que  jerafprochilTe,  depuis  fescca- 

*  ches;  «  pour  m'en  empefcliai  &  d'achevai 
'»  de  li  mangeai  fcn  petit  fiiit ,  que  j'avouais 
»  déjà  terriblement  égrenai ,  elle  paffit  en  An- 
Mglsterre.  Avant-que  de  partir,  ellemedït 
„  de  t'allfli  trouvai.  Je  courus  la  gueule  en- 
,,&rinée ,  cioiaut  que  c'étoit  pour  un  bon 

•  elfet,  mais  ce  fut  pour  me  repiochi  mon 
*  inâdelitai ;  me  dire quedevaut  Dieu  j'étois 

''fen  Mari,  &  que  quand  je  voudrois  joiiir 
"  de  ina  Femme,  j'irais  la  retrouvai  en  An- 
s)  gleterre.  Après  quoai  elle  De  voulut  pu  m'é- 
„  coûtai,  &  iae  mit  dehors. 
,     ,  „Mais 


.--„Googlc 


«»  rHiJloire  de  la  BaJUHe,  li\ 

„  Mais  combien  fut-elle  ravie ,  quand  cl- 
„  le  jne  vit  en  Angleterre  ,  où  je  palîi  au 
„  cojnmencemcnt  de  l'Année  1701.  Je  la 
„  fu  trouvai  chez  fen  Frère  :  rien  ne  li  cou- 
^  toic  àmedonoai  ;  &àmouai  encore  moins 
„  à  le  prendre  ;  qtielle  joie ,  quand  elle  vit 
„  ^ue  je  voulois  ^ire  men  abjuration ,  &  que 
„  je  la  voulois  époufaitoutde  boni  ËUeme 
„  menit  au  Gonnftoire ,  où  l'on  me  promit 
„  de  me  recevoir  Propountt  quand  on  feroit 
„  bien  informai  de  ma  Ooârine,  &  édiâaîdc 
^  mes  mœurs.  Je  as  bien-tôt  men  abjura- 
,^  tion.  On  mit  dans  la  Gazette,  que  l'£< 
„  vefque  de  Lety  avoit  abjurai  les  erreurs  de 
,,  la  Religion  Romaine.  Ne  voiià-t-il  pas 
l'accompliiTcment  de  la  prediâion ,  Mr.  L'Ab- 
bé ,  &  ne  paffiez  vous  pas ,  lui  dis-je  ,  déjà, 
pour  un  Kvêque?  „  Ce  n'en  étoit  encore 
„  qu'un  petit  prélude ,  reprii-ildu^Iusgrand 
„  fericux  du  Monde.  On  me  (àifoiides  hOB.- 
„  neurs  à  l'£glife  tout  â  fait  estraordîn aires. 
„  On  fe  levoir  pour  me  lailTai  paiTat  ;  on  m'in- 
„  vitoit  àdinaîauxmcilleuiesMaifnns.  Mais 
,,  au  bout  de  quéque  temps  tout  cela  s'en  a!- 
„  lit  en  fumée.  Plus  d'honneurs  ;  plus  de 
„  repas;  on  ne  meparloit  pu  de Penlîon ;  à 
,,  pciue  me  tegaidoît-on-  Par  malheux  j'é.- 
„  tois  mal  avec  ma  MaitrcHc:. avant  que  de 
„  rép9ufai,  je  vouluéprouvaifi  ellem'avoit 
^  tourjours  étai  lidelle.  Je  li  dcmandis ,  du 
„  plvs  grand  ferieus  du  monde ,  û  elle  n'a- 
„  voit  jamais  connu  que  mouai.  Elle  me  le 
„  jurit  avec  fincerîtai.  Oh  !  bien,  li  dis-je. 
„  pour  éprouvai  fa  contenance,  jcvaîsinvo- 
„  fuai-^  I}iat)le  ,  fi  ce  que  vos  me  dittes 
L  *  ^clt 


•44  ■  L'Inquifuion  Tranfoift 

,,  eft  vrai ,  il  ne  vous  dira  rien  :  maïs  d  vons 

^m'accufei  faux ,  prenez  garde  à  vous  ,  je 

n'en  réponds  pas  au  moins.     Elle  me  re- 

*'  gardit  avec  indign^ion  ,  &  me  dît.     On 

■*  m'avoit  bien  dit ,    que   Vos  étiez  un  m(?- 

*»  chant  Homme  :  je  n'en  doute  pus  à  pre- 

>*fêiit:  je  fuis  vôtre  duppe,  mais  je  ne  lale- 

,»  rai  plus  de  ma  vie  :  retirM  vos  de  mouaî  , 

&  que  je  ne  vos  voie  jamais.     Je  voulu 

l'arrêtai;  elle  m'échapit  ;  fen  Frerc  vint 

**me  dirci  de  fortir  de  fa  Maifon,  &  de  ni 

•»  revenir  pu.     Je  fus  trouvai  de  ce  pas  Mr. 

»>Tallard  nôtre Ambailàdeux en  Angleterre: 

,tje  li  coufeffi  toutes  mes  fredaines  ,    &  les 

j,  larmes  aux  yeux  ,  je  le  priai  de  m'obtenir 

ma  grâce  de  nôtre  ix>n  Rouai,  &  jelecon- 

-  juri  de  me  faire  rentrai  dans  ma  Cure.    Il 

'*  me  le  promit  &  medonnit  une  lettre  pour  le 

»»Pere  la  Chaife  ,  Confeffeuï  du  Rouaî  ,  & 

n  cinquante  Francs  pout  revenir  en  France. 

,»  Je  revins  en  Hollande  ,   où  je  fus  trouvai 

-nôtre  Ambafladeux  pour  le  m6nc  fujet  , 

qui  me  fit  la  même  grâce,     j'étois  pour- 

*  tant  irrefolu  :  je  difois  la  MeSe  cheus  l'Am- 

»'lraiiradeuï.   &  aux  autres  Egiifes,  &je  ne 

ï'iaiflbis  pas  d'allai  aux  Prêches  cher  les  Re- 

»»  formez.     Enfin  portant  je  me  detctminis, 

„  après  avoir  reçu  de   l'argent  que  m'en- 

voïirent  mes  Parents  ,   fur  l'alTurance  que 

I  je  leur  donnis  de  mieux  vivre  àl'avenir^  & 

■*  que j'avois  un  ordredes  Ambaffadeux d' An- 

*'gleterre  &  de  Hollande  pour  rentrai  daus 

j'  ma  Cure  ;  je  m'embarquis  ppur  Dieppe  , 

«  d'où  je  me  rendis  cheox  nous ,  &  de  lavi- 

jiUmem  à  Paris,  quand  je  vis  4«'ily  «oa- 

«voit 


.--„Googlc 


mrHiJiolre  iehtBafliîU.  a-}5 

,,  voit  un  autre  en  ma  place.    Le  tré  R.  P. 

,  la.  Chaife  leut  mes  Lettres ,  &  me  donnît 

*  un  billet  pour  allai  ï  St.  Lazare;  me  pro- 

*'  mettant  ,  ^ue  fi  l'on  étpit  bien  content  de 

»'  moufti ,   &  que  j  c  fiiJTe  véritablement  bien 

»ï  repentant  de  mes  fautes,  il  me  feroît  ren- 

}i  trai  dans  ma  Cure ,  que  pour  ce  fujet  il  al  - 

,,,loit  écrire  à  Mr.  le  Cardinal  de  Boinllon , 

pour  le  pri^  de  me  la  confervai.    Je  fusa 

'*  St.Laxare,  où  je  fis  fi  bien  le  Cagot  pen- 

"  dant  fis  femaines  ,  que  tous  les  R.  1'.  Cafti- 

»' gants  écrivirent  en  ma  laveur  au  R.  P-  la 

n  Chaife ,  qui  me  dit ,  que  ma  Cure  étant  rem- 

^plscée,  iln'y  avoitpumoien  d'y  rentrai.  Il 

,^me  donnit  un  billet  pout  allai  trouvailVIr. 

j  l'Archevêque  de  Paris  ,   pour  me  donnai 

*  pcrmifllon  de  dire  la  Meffe  dans  l'on  Diô- 

.'*  cefe  ,  me  promettant  que  fi  je  me  com- 

>»  poçtois  bien,   les  Bénéfices  nememanquc- 

"  roîent   pas  pu  que  l'ian  dans  la  Rivière. 

nMes   Meffes  ne  me  valoient  pas  dcquoî 

j,  feire  un  repas  très  fuccinâpar  jour,  avec 

un  petit  demi-fcpticrdevin  ,  qui demeuroit 

**  encrouai  dans  ma  gorge.    Je  fus  revoir  le 

»'  R.  P.  Ja  Chaife  ,   &  Mr.  l'Archevêque  ; 

"  c'étoit  la  Chanfon  de  Ricochet.    Je  me 

»»depiti.  Je  fus  à  Cambrai  trouvai  Mr.  l'Ar- 

tt  chevéque,  l'illuftre  chef  des  Perfecutez  , 

^,  qu'on  m'avoit  dit  être  un  Prélat  très  cha- 

j  titable;  mais  après  m'avouer  écoutai  deux 

'  ou  trois  fois  ,  il  ne  me  voulut  pu  voir.  Je 

*'  pafl!ài  jufqù'à  Bru.xel!es  ;    je  demandai  de 

"  l'emploi  à  tous  les  Ambafiâdeui.    Quand 

>»  je  vis  qu'ils  ne  vouloîent  pas  m'en  donnai, 

»t  je  m'eiigagi  avec  Mr.  le  P.  de  Leycefler, 

L  3  Seig- 


14IÎ  l^lnqmfiùtn  FraMfoîfe 

„  Seigneur  Allemand  ,  en  qualiuî  de  Valet 
I,  de  Chambre ,  pour  voiageai  par  toute  l'Al- 
■,,  lemagoe  ;  mais  auparavant,  alons  nous  cou- 
„  chai;  en  vêla  raiibiiaablementpourlapre- 
„  miérc  fçéance.  Bon  foir  &  bonae  nuit , 
„  c'eft  pour  deux  fois. 

Il  étoit  affîs  tard  pourlecroire.  Pourmoî, 
je  me  faifois  nn  vrai  plaiHr  de  l'entendre  ; 
mais  je  voioîs  bien  qu'il  fetiguoit  Mr.  Lfnck. 
Je  lui  vcrfai  encore  «nvcrrc  de  vin  poailui 
laver  la  bouche  ,  &  je  lui  dis  que  je  me  tc- 
fervoîs  à  faire  mes  reflexions  fur  fa  vie,  qui, 
comme  il  me  l'avoir  fort  bien  dit,  étoit  plus 
pleine  d'événements  que  toutes  celles  des  A- 
vantiiriers  dont  j'avois  lû  l'Hiftoirc  :  mais 
qu'il  ctoit  temps  de  prier  Dieu  ,  fur  toat  de 
lui  demander  pardon  de  nos  fautes,  &  de  nous 
aller  repofer.  Mr.  l'Abbé  ne  vows  reïibove- 
ncz  jamais  de  vos  avantures  «  fur  tout  des 
fcandaleufes,  que  pour  les  detefter,  &  non 
pour  en  tirer  gloire  ;  car  celui  q«i  fevante 
de  fes  crimes  Icmble  csciter  Dieu  à  en  pren- 
dre vengeance.  Je  vous  fouhaîte  une  bonne 
Jiuît. 

Le  lendemain  au  matin  il  écort  tout  prit 
à  continuer  le  récit  de  fes  Avantures;  quand 
je  le  priai  d'en  remettre  la  Narration  pourt- 
près  le  dîné.  Mr.  l'Abbé,  lui  dîs-jé,  voici 
quelle  efl  nôtre  conduite  ,  d^uis  que  nous 
fonmies  eafen^le  Mr.  Linck  &  moi.  ^  Jove 
prhcipium.  Noos  donnons  à  Dieu  les  prémi- 
ces delà  journée,  &  après  lui avoirdemandé 
les  fecours  defagrace,  pour  porter  oonftam- 
menti  &  &n$  murmurer  le  poids  dcnosfers, 
&  toute*,  les  affliiâionï  qu'il  lui  plaira  nous 


.--„Googlc 


M  tBifioiTt  de  U  S^mit.  (47 
çovoier  ,  &  fur  tout  Taflillance  de  fbn  Gàiat 
Éfprit  pour  ne  le  point  offenfer,  noaslifons 
quelques  Chapitres  du  Nouveau  Teftamcm, 
&  de  quelques  autres  Livres  de  pieté.  Enfaite 
nousécrivonsnosréfleïions,  &cc  qu'il  plaît 
à  l'Efprit  Conlblateurde  nous  diâer  pour  nô- 
-  tre  commune  &  irutuelle  édiâcation.  L'a- 
près  midi  nousUronsTHiltoire,  où  nous  £u- 
fons  quelques  autres  ouvrages  innocems  , 
qui  puifftQt  adoucir  U  dureté  de  nos  fers  ; 
nous  nous  les  communiquons  eulùite.  Cet- 
te maai^re  de  vivre  pailîble  &  tronquile  a  ci- 
menté entre  Monsieur  &.  moi  une  union  très 
par&ite.  Je  l'aime  tendrement  comme  mon 
Fils  ,  &  il  me  chérit  comme  fon  Père.  Si 
vous  voulez  bien  entrer  d'un  tiers  avec  nous. 
□OUI  vous  en  faciltceions  tous  ûs  cnoiens 
qui  dépendront  de  nous.  ,•  Palûnguai  je  le 
„  veux  bien  ■  dit-il  :  je  fuis  du  bois  dont  ou 
„  îût  des  Vielles ,  je  m'accorde  à  tout.  Le 
„  matin  je  vos  chanterai  la  MeiflTe,  ^l'après 
j,  midi  mes  Veiprcs ,  car  je  fçaîs  men  pleiu- 
„  chant  ,  comme  le  Maître  des  Enfants  de 
„  Chœurde  Nôtre-Daiic.  Mr.  l'Abbé,  ce 
n'ell  pas  cette  Muûque  là  i  qui  e(l  agréable 
à  Dieu  ,  dans  la  fîtuation  où  vous  êtes-  Je 
croi ,  lui  dis-je,  que  les  accords  des  foupirs 
de  vôtre  coeur ,  avec  l'abondance  de  vos  lar- 
mes lui  feroient  plus  agréables ,  que  tous  vos 
Dem'tHHs vabifcum  ,  &vos  OrateFroires.  Pour 
qu'une  Muuque  foit  a^réalple  ,  il  faut  que 
toutes  les  parties foiem d'accord;  C'cftcequi 
fait  les  charmes  destavi/Tantes^eoibléesdcs 
Fidelles.  Or  quelles  difcordances  fèrions- 
Dous,  fi  vous,  vous  chantiez  vôtre MeQè en 
L  4  La- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


148  I7Imqiiifi$iom  Framfeife 

Latin  ;  Mr.  Lïnck  ,  fes  Pfcaumes  en  Alle- 
mand ;  &  moi  en  François  :  cctEe  harmoaic 
fcroit  elle  bien  agréable  à  Dteu^  Lavt^zqoi 
te  tçnche  d'avantage,  eft  celle  du  cœur:  cel- 
le deslévresfeulc,  n'arrivera  pas  jufqu'à  (on 
tr6ne.  Et  croiei  vous  qu'il  vous  écou- 
te ,  avant  que  d'avoir  fincérement  détefté 
vos  ciimes ,  &  que  vous  ne  lui  en  aiez  de- 
mandé pardoD  du  plus  profond  de  vôtre  coeur? 
Combien  vous  faudra-til  gcmir  ,  pourrallu- 
mer  une  étincelle  de  ce  feu ,  que  vous  avez 
éteintfous  destorrents  de  pcchei.  multipliez 
&  accumulez  les  uns  fur  les  autres.  En  qua- 
lité de  Paftcur,  ce  feroit  à  vous  àmcremon- 
trer  ces  grandes  veritez  :  mais  comme  vou» 
femblcz  prefque  les  avoir  oubliées ,  pcrmet- 
ceimoi,  comme  vôtre  Ancien ,  quejevoas 
en  fidic  rcffouvenir.  Et  pour  y  travdllerrf- 
âcacement ,  &  fur  un  plan  folide  ,  oferois- 
je  vous  demander  ,  de  quelle  Religion  vous 
iàites  profeffion  prefeotemcnt  i"  car  en  un  An,- 
je  vous  en  ai  vu  changer  tout  au  moins  deux 
fois.  „  Dittes  trois  s'il  vos  plaît,  Moufieur, 
1,  fans  crainte  de  mentir,  rcprir-il  prompte- 
„  ment  :  je  me  fis  l'Etal  de  la  même  Âu- 
„  née  Luthérien  à  quatre  lieiies  de  Lcipllc, 
„  qui  comme  je  l'apprenseft  la  VilledcIMIr. 
„  Linck.  C'eft  ce  que  je  vos  conterai  tan- 
„  tôt.  Pour  à  cette  heure  ,  Je  ne  fuis  pas 
„  bien  déterminai  en  fait  de  Religion  ;  car 
„  depuis  que  je  fuis  i.  la  BaHîlle,  j'ai  étai  a- 
„  vec  un  Kouakre  ,  qui  m'a  tait  voir  clair 
„  comme  le'jour  ,  que  c'étoii  la  lîenne  qui 
„  étoit  la  meilleure,  &  queliievouIoîsTem- 
„  braiTai ,  il  me  donaeroit  fa  Fille  en  maria- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


Bsi  VHiJioire  dt  la  Baft'tlU.  S4> 

„  gc,  qui  eft  belle  comme  le  jour  ,  A  riche  ' 
„  à  l'avenant.  Pour  la  Meflè  j'ai  penfai  ren- 
,>  verfai  ma  pauvre  cervelle,  pour  compren- 
„  dre  comment  avec  cinq  mots ,  je  pouvois 
„  fiiire  defccndre  Jefus  Chrift  de  la  droitede 
,,  fen  Père,  où  i!  eft  ailis  pour  toute  IVternî- 
„  taj ,  dans  an  petit  pain  i  chantai  >  qui ,  a- 
„  vant  cette  cérémonie,  valoit  moins  qu'uû 
Il  denier;  &  quieft-cequi  m'adonnaicepou- 
,t  voir  W  :  &  c'eft  de  ce  manque  de  Fonai  » 
»,  qu'cft  venu  la  fâcilîtaide  direma  Mdiècn  ' 
,t  très  mauvais  état  ;  &  je  m'en  (5tois  feît  a '• 
,,  ne  habitude,  qui  après  celaapailàiencou- 
„  tume.  MaisdepuLS  que  je  fuis  à  laGallil*  - 
„  te,  fi  vos  fçaviez  tout  cequej'ayfaîtpour 
',,  en  demandai  pardon  à  Dieu,  vosentrem-  " 
„  blerrez.  Je  mefuis  couchai  tout nud  fuie 
i,  pavai.  J'ai  pafl^'des  jours  tous  entiers  fans 
„  mangear  &  fans  boire.  Un  jour  on  m'a- 
„  portit  un  bail  ai  de  boulio  pour  ballié  ma 
„  Chambre  ;  comme  il  étbit  tout  verd ,  j'en 
„  6s  une  bonne  poignie  de  verges  »  dont  je  -' 
„  m^étrillis  dos  &  ventre.  Mr.leCur^,  re-  - 
pris -je,  toutes  ces  macérations  là  font  immo-- 
derées,  & JcdoutcfortqueDieu  les  approii- 
ve.  IJes  Dervis ,  les  Talapouins ,  les  Bon- 
fes  &  les  Prôtres  des  Idoles  en  font  de  plus 
grandes-,  &  Dieu  les  afansdoutcenhorreur.  ■ 
Nous  déplorons  la  fuperftition  de  ces  pau-  - 
vrcs  Gents,  que  nous  voyons  fc  feire  écrafer 
fous  les  chars  de  leurs  Idoles  ;  ou  s'afïbm- 
mer  mifçrablement  pour  faire  honneur  à 
leurs  Prophètes.  Si  vous  voJlei  retour- 
ner lîncerement  à  Dieu,  commencez  par 
dacfter  vcritablwncnt vos  pechet^  îcluiprc-  - 
L-j,  teftcr- 


»J0  L'ItfKififioM  FréMftiff 

tefler  fans  féfnre  que  vous  aimeriez  mîéur 
mourir  mille  fois  que  âe,  commettre  uq  ftul 
péché.  Si  vous  n'avei  cette  intention,  tout 
ce  que  vous  ferez  ne  icrvira  de  rien.  Knfni- 
tç  demandez  lui  dans  une  profonde  humilité 
l'ainiïance  de  Ton  divin  Eipric  pour  connoî- 
tre  Tes faitucs  yeritez.  P^lcz,  Seigneur,  car 
vôtre  Serviteur  écoute.  Dites  moi  une  pa- 
role de  paix ,  qui  me  leconcilie  avec  vous  y. 
pour  ne  plus  jamais  vous  abandonner..  Lifèz 
humUement  l'Ecrirure  avec  attention ,  &  dans 
j'efprit  d'en  tirer  tout  le  fruit,  qui  ed  renfer-- 
taé  dans  cette  riche  femence..  Si  quelqu'en- 
droit  vous  paroît  obfcur ,  ou  douteui ,  met- 
tçz  vous  à  eenouz  pour  obtenir  les  lumières, 
du  St.  Ëfpnt,  pour  vous  en  doimcr  l'intelli- 
gence: priez,  preJTez,  fans  vous  en  rebuteri, 
jUiqn'à  ce  qu'il  vons  ait  écouté.  Vous  n'au- 
rez pas  pratiqué  cela  long  temps  ,  que  vous, 
n'en  retiriez  de  graads  progrès  &  de  douces 
cpafolations.  „  En  veritai,  MonHeur,  re- 
„  prit-il,  c'eit  dommage  que  vos  n'aiez  pas 
„  étai  Curât;  vosériezpiefcbai  à  merveilles. 
tx  Je  n'eu  ai  pas  entendu  qui  m'ait  toucbidV 
,f  vantage.  l)i$-mouai  qui  tu  as  fréquentai, 
„  &  je  devinera  qui  tu  es.  VeSà  bien  autre 
,t  chofe  que  le  Kouakre  j  il  ne  faudrait  pu 
t,  que  vos  euflîez  une  gentille  Fille,  &  que 
„  vos  voulufQez  bien  me  la  donnai  en  maria- 
fi  9^  I  pont  que  je  li  diOe  adieu  &  bon  foir  â 
^1  ^mais  :  je  vos  érois  bien-tôt  fait  grand- 
„  Père  ,  où  elle  ne  me  voudroit  pas  croire. 
Toujours  des  Femmes,  Mr.  l'Abbé  ,  re- 
pris-je,  &vousmedilîez  hier  au  foir  que  vous, 
rbudriez  qu'il  n'en  tût  pas  plus  que  de  Mer- 
Us 


jcs  blaocs.  „  Qae  voule:L-vos?  ^t  il ,  danp 
„  Ifi  piau  mourra  le  Ren»cl ,  s^il  ti'«ft  écofr 
■jf  diâi  vif  :  mais  je  m'en  voit  tant  priai  le 
„  BonDieu,  qu'iUurapkiédeoiouai.  Nous 
voiaàt  à  genoux,  il  t'y  mit  aulS.  PoistouiC 
d'un  coap  il  te  leva.  „  Velà  qui  e&  ma];- 
*„  hoanéte  ,  cootiiuia  t  il  de  parlai  à  Dieu  .k 
„  Jeunj  riialeine  en  lent  pu  mauvais;  t^fland 
„  j'^i  mangeai  ub  morcîau,  &  bu  un  coup, 
,,  il  m'en  écoutera  mieux.  C'eft  ce^'îlw, 
enfuiie  il  ix  remit  à  genoux  ,  &  ftûDîeude 
ineii1earcourage.£nruite,  il  dit  fon  Bréviaire, 
£n&ilantdes  potlores  touti^'trîJibks.  Il  le 
zenv£rlbit£n  arriére,  la  tête  en  haut ,  en  cou- 
lant les  y«ux  dans  latéte,fi]istout(i'uncoup  il 
-fe^ourbojt  en  devant ,  la  tête  eu  bas ,  en  fecou- 
aat  les  xireil4es ,  &  fe  donnant  des  coups  de 
poing  dans  l'efîomach  japtès^lferelevoittoat 
droit  tjrufqueinent  comme  uncol  de  plomb. 
.Comme  il  me  V4t  écrû-e ,   il  Ce  làilit  d'un 

:  jie  mes  litres  dans  l«s  interlignes  duquel  j')i- 
vois  ictit  un  Traitté  des  Devoirs  du  Fidell# 

'  ,Chc£tion  4aas  tous  les  Etats  4e  la  V  ie ,  &  a- 
près.en  av^r  lu  quelques  pages,  i,  Dame^ 
„  Dame  en  veld  uo  Aila  !  Non  ,  je  ne  croi 
-,,  pas,  dit-il  ,  que  jamais  Grenade  ,  Rodri- 
^,  guez,mSl. François dêSalesaientrieii^Jt 
-*,'  de  plus  biau.  Si  vos  aviez  commençai  à 
,,  ^ccice  de  mdlleune  heiue ,  vos  étiez  éud 
,..  un  autreSt.-Chrilbftome,  ou  St.  Augutlin. 
iVîais  £11  fcuillcttaut  mes  autresLiVces,  il  en 
trouva  an  dans  les  interlignes  auquel  j'avo^ 
liait  tàoQ  Poëme  de  l'Amour  &  de  l' Amitié, 
&  un  autre  Poème  en  Vers  libres,  qui^ftoit 
laI}Gl^il«ion4e  Alont<Loais,  Mskon  4fi 
L.tf.  plai- 


.-„Goo.jlc 


syl  L'ImfiiifiticiÊ  R-anfoIft 

Ïlairance  da  Perc  la  Chufe  ,  Confèircar  Ai 
Loi,  il  cnira  dans  dcseztafes  toutes  des  pins 
t:idîcales.  „Nod.  difoit-îl  àMr.Liack,  vos 
,,  avez  là  UD  trefor  ,  que  vos  ne  connoif-- 
t,  ftz  pas  :  mouai  qui  m'y  connais  un  petit ,  & 
„  qui  m'enmélcparfouais ,  jevousàlfeure& 
„  râoteûe,  fonai  de  Prcitrc,que  Corneille  & 
„  Racine  ne  l'y  fcroicnt  pas  la  barbe.  Je  riou 
de  tout  mon  cœur  de  cette  affluencc  d'abfnrr 
dîtei,  &  j'éprouvoiï  cette  vérité  ;  qac  l'Admî- 
j^'on  immodérée  eft  Fille  de.  rienotance. 

Enfin  on  nous  apporta  nôtre  aîné  :  nous 
Texpcdiâmes  ptomptement ,  &  après  nôtre 
Icâurc,  je  lui  dis  :  hé  bien  Mr.  l'Abbé  ,  la 
continuation  de  vos  Avantures  nous  tiendra 
lieOf  fi  vous  le  voulez  ,  de  leâure  divettif- 
ïànte.  Mr.  Link  a  ici  quelques  Romaos  ; 
mais  il  n'y  en  a  pas  un  rempli  d'événements 
Jî  extraordinaires  que  les  vôtres.  „  Je  les  en 
«  .deâe  tretous ,  dit-il ,  mordiére.  „  Si  vos 
„  qui  avez  une  H  grande  facilita!  à  écrire  , 
„  vouliez  bien  mettre  cela  dans-un  joli  petit 
„  François,  cela  feroitbien  rire  le  Monde  ; 
,»  mais  je  ne  voudrois  pas  que  vos  y  mifllei 
„  men  nom,  car  cela  deshonorc^oitmaFa- 
^  mille.  Mr.  l'Abbé  ,  iî  jamais  je  fuis  vo- 
ue Hilloriographe ,  repris-je,  tout  ira  bien, 
&  je  vous  peindrai  comme  un  Original  ini- 
mitable. „Pa!fangouai,  dit-il, Gttfmand'Al- 
„  varacKe  étwt  un  biau  Bclitre  en  comparair 
„  fon  de  mouai;  &Ji  jene  fuis  pas  encore 
,,  au  mitan  de  ma  courfe:  écoutez  mouai  bien. 

„  J'en  étions  demeurés  hier  au  ibir  â  men 
,,,  engagement  avec  S.  A.S.  Montèigneur  le 
^  Ptiuçe  deXiejceAer,  le  meilleur  Seigneur 


.--„Googlc' 


eu  rBftoire  de  la  BaftilU.        153 

„  qui  fut  jamais  :  je  fûmes  bien-tôt  comme 

j,  deux  Frères.  Jamais  il  ne  s'érpit  fi  bien  ac- 

„  commodai  de  Serviteur,  comme  de  mouai- 

„  Je  le  faifois  piffai  à  fes  chauffes  force  de  ri- 

„  re;  &]'avoTS  des  complailânces  pourliau 

„  delà  de  toute  imagination:  carilyavoitde 

„  certains  temps  où  i!  n'entendoit  pasraille- 

r,  rie-     Il  tenoii  fes  Cents  dans  le  refpeâ , 

j,  comme  de  raifon  •  à  tout  Seigneur  ,  toitt 

„  honneur,  dît  un  des  Sept-SagesdclaGré- 

„  ce  ,  n'importe  pas  lequel.    Il  me  fit  voir 

,,- toute  l'Allemagne  ;  une  partie  du  Danne- 

„  marck  ;  un  com  de  la  Pologne ,  &  un  pe- 

,,  tit  bouWde  la  Suéde.  J'allions  de  Cour  en 

,,  Cour  ,  &  j'étions  bien  venus  par  tout.    Il 

„  ne  fe  fioît  qu'à  mouai.  Comme j'étions  en 

,,  Sase,  il  s'avifit  de  me  demandai  dequelle 

„  Religion  jVtois.  Après  avoir  un  petit  brin 

y,  penm  à  ce  que J'avois  à  lî  répondre^  je  lî 

„  dis  que  l'étois  Calvinilfe Reformai.    lime 

ty  repondit  qu'il  vouloit  que  tous  fes  Gents 

„  fiifiènt  de  ià  Religion  ;  &  que  li  jenevou- 

„  lois  pas  me  faire  Luterien ,  j'euife  à  pren- 

„  dre  men  parti.     Mouai  qui  me  lèrois  ftit 

„  Juif ,  voire  Mahommefan  pour  le  fuivre,, 

„  je  ne  balançi  pas  à  l'y  accordai  tout  ce  qu'il 

,,  voulut.    Anffi-tôt  dit ,  auffi  tôt  fdt.  Il  fit 

,,  Venir  le.Miniftrc  du  Village  où  j'Stions. 

„  Monfeigneur  le  Prince  l'yexpofitlachofc: 

„  le  Miniiire  enftitravidejoïc,  StdansTinf- 

„  tant  fit  fonnai  toutes  ks  cloches  de  l'Egli- 

„  fe,  où  tout  le  Monde  s'aflcmblit.  Mgr. le 

■„  Prince  fit  cherchai  par  tout  du  Gibier  ,  & 

„  tout  ce  qu'il  y  avoitde  pu  biau  &  demeil- 

„  leur  I  &  ordoonit  ï  fen  Cuilîoiet  de  faire 

L  7  oa 


.-„Goo.jlc- 


ft;4  L'InjMÎfitien  FrsMfeifi 

un  Dînai  magnifiquie.  Après  Mgr,  lePrin- 
ce  fonit  de  l'Auber^'e  ^  fuivî  de  tous  fes 
" Doineftiq«es»  me  pliant inarchaiàcûtaJde 
**  S.  A.  S.  à  &  gauche.  Quand  je  fûmes  à 
n  l'Eglîfe,  le  Minidre  fit  un  biau  Sermon  ea 
,1  Allemand,  où  je  n'entendoîs  rien.  Eufui- 
-,  te ,  il  me  fit  faire,  mcn  Abjuration  en  La- 
tin  &  en  François  devant  tous  les  Gentils- 
hommes, &  Jcs  Principaux  deiaPatouaif< 
*•  le ,  qu^l  «voit  vitement  fait  aflèmblai.  Tou- 
■*•  tes  les  cloches  vinrent  encore  à  foonai,-  & 
n  le  Mmillce,  à  qui  S.  A.  S. Mgr.le Prince 
^  de  Leycefler  donijît  trente  ducats  d'or,  no 
,  vint  reconduire  i  n^tre  Aubet^A,  fuîvi  de 
tous  les  Gentils-Hoaunes  defaParooaiilc  ; 
Mgr.  le  Prince  retint  le  Minière  &  lé  pu 
**  Haut-Huppés  à  dinai.  Il  me  fit  mettre  à  la  • 
Vtjble  ;  il  ^toittoutlèul  au  haut-bout  ,leMî-  - 
*>  uitlre  plus  bas  àla  droite  ,  &mouaî  à  câtaj  '• 
«jduMinidre,  &  tous  les  autres  après.  Jeân- 
j  mes  Bonne  chère  ;  &  je  bûmes  tout  comme  . 
^  j  des  trous  jufqu'à  minuit.  Mgr,  lePtince  but 
'  piuficHrs  fois  à  la  fantai.du  niuivlau  Con- 
"*'  verti  I  ^  tous  les  autres ,  au^  bien  que 
•»mouai  H  repondîmes  de  bon  cœur.  LeMi- 
>ï  niftre  ine  jurit  en  Latin ,  qu'en  fa^vw  il  ti'4- 
j,  voit  ea  yne  ii  bonne  journée.  Ajwes  ,cel4 
,,  S.  A.  S.  Mgr.  m'en  aimit  dai^aiitâKe  ,   & 

■  dit  qu'il  vpuloit  ftiire  maf  ottuDc.  Connue 

■  il  .vit  que  j'étois  Homme  d'eiprit ,  &  i^~ 
■"guïmt,  il  écrivit  pour  niouai  à  laÇourde 
^Vienne.  Je  liavoisavouaî,  quej'avoisécai 
:»Pi^re;  h  iB^njie  quej'avoiseucharged'à-r 
»tlie  dans  une  des  boànes  Paro^i^illès  de 
^KQiu^die.    ^ordieie,   dit  il.,  ,ycla  la 

«Guer* 


.--„Googlc 


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M  riEfiùrt  de  la  BapIU.  if  y 
^t  Guerre  qui  va  recommencaî  ;  n'y  tfroit-ïl 
,„  pas  moien  que  vos  eiitruQîci  Aumofpier 
„  dans'  quéque  Rt^imcot ,  &  tàctuû  d'aï  lai 
„  dans  l'Armée  (TAlieimgne^  Rien  n'clt  pu 
„  tacilc,  ce  Ji  rcpondis-jc,  pnuvcoquej'àie 
k,  de  l'argent  pour  allai  poftuJarcet  emploi, 
„  Je  revijifmes  enfemblc  à  Bruielles,  où  le 
,,  proprejour  de  la  Nôtre-Dame  de  Septembre 
y,  170t.  jetouchidouiecentsflorias.  Jaoï^s 
M  je  ne  m'i^tois  vu  (i  riche.  Je  fiis  àlaHaye, 
f,  où  je  me  fis  habillai  en  Preitre  :  je  me  fis 
„  faire  le  Juilaucorps  &  le  Mantiw  que  vos 
\,  me  voicz  là.  Je  fus  i  Amfterdatn  ,  où  je 
„  mis  la  pu  grande  par  de  mon  argent  en  Li-> 
»,  vres  de  contrebande  y  tous  des  pu  drûjes. 
.>,  Je  fils  fans  façon  dire  la  MeHë  chet^  l«t 
„  Ambailideux  de  France  &  d'Efpagne,  qui 
„  me  donntrent  des  Lettres  de  recommanda 
„  tion  pour  Paris.  J'avais  prins  un  Garçon 
»,  Tailleux  pourmenValIet,  quej'avoisfait 
1,  habiUcy  bien,  propre  avec  un  chapiau  Bor- 
„  dai  d*or.  £n  ce  bd  équipage  je  îîis  cheux 
t,  udus ,  où  ma  Famille  fut  bien  aife  de  me 
^  revois ,  li  glorieutëment  au  defTus  de  mçs 
i,.airaires,  malgrai  mes  envieux.  Jejuriàtoqs 
,,  mes  Amis  qu'ils  ne  me  reverroicnt  jamais 
„  que  je  ne  fufTe  Evefque  ,  &  que  j'en  fça- 
y,  vois  bien  les  moîens.  C'ctoit  à  qui  me  fe- 
„  roit  carelTe  ,  &  li  j'avois  eu  quatre  corps , 
„  ils  éroient  été  bien  emploiei  avec  mes  Àu- 
^  ciejmesConnoiflànces.  Enfin j'vTÎvis-iPft- 
„  ris ,  où  en  vendant  mes  Livres  je  podulis 
,t  de  l'empK)!.  J'allois aui Tuîlleries ,  auP^- 
t,  lais  Roial ,  au  Luxembourg  mes  pod^es 
„  pleines  de  Urres ,  &  je  les  remportois 
,,toBr- 


.--„Googlc 


1  j6         '    L'Ittqni/u'tBH  Franfoife 

toofioiirs  pleines  d'argent.  Un  petit  Livret 
"qui  ne  m'avoit  coûtai  que  quatre  fols  en 
**  Hollande,  je  le  revcndois  jufqueï  àtrente 
'  *»  &  quarante  fols  aux  Badams  de  Paris,  Je 
9*  m'en  fus  bien  tât  deSait.  Je  doonis  un 
„C^alogue  de  ceui  qucj'avois  aux  Curieux, 
„&  j'envoiis  mon  Vallet  leur  portai  mes 

Livres  dans  leur  Maifon.  Outre  cela  j'â- 
**  vois  mes  Meflcs  qui  alloient  rondement 
**Ieur  petit  train.  Mr.  l'Abbé  Manoury  dans 
»» le  Palais,  &  Mr.  l'Abbé  deTifis'empioii^ 
M  rent  pour  mouai.  Enfin  je  mistantd' Amis 
»,  en  Campagne  ,  que  Mr.  l'Abbé  Coupar 
„  Aumônier  des  Gardes  du  Corps ,   me  fit 

entrai  AumAnier  dans  îcRegimentdcCa- 
'  Valérie  de  Marivaur  qui  s'en  alloit  en  Alle- 
**  magne. Mr.  l'Abbé  de  Colibeaiix  qui  demeu- 
•ïtoit  cheux  Mr.  le  Curai  de  St. Paul,  m'a- 
,>voit  voulu  feire  entrai  Aumônier  cheux 
j,  Mad^  la  Ducheiïe  des  Diguieres  ;  mais  j'â- 
,  vois  mes  raifons  pour  n'en  rien  faire  :  ce 
'  n'étoit  pas  là  le  chemin  de  l'Evefché,  En- 
"  fin  je  partis  pour  allai  joindre  le  Régiment  - 
«'furleKnin,  qui  étoitàSdieledad.  Mais  je - 
,* priai  Mr.  l'Abbé  Rolet  &  mes autresAmis,  . 
ïjquî  feuls  içavoiencmesaffaîres,  de  icS  bien 
,  cachai  à  tout  le  Monde,  &  furioutàmen 
,,  Vallet_,que  'avois  battu  &  jettai  dehors;  par- 
j,  ce  qu'il  faifoit  du  pair  à  Compagnon  avec 

mouai.  J'avois  même  priai  Mr.l'Abbd-Ro- 
•*lçtquî  li  avoir  promis  de  H  faire  donnai  par 
**Mr.BtunetdeRancy  fermier  General,  une 
MCommiflion  d'Archer  de  Gabelles  de.  n'en 
)»  rien  faire,  parce  qu'il  avoiteurinfolcnce  de 
«me  menaçai,  mémc-enfaprefencedera'ea 
„  faire . 


.--„Googlc 


tu  fHiftoirt  de  laBafiiUe.  ^S^ 

,  faire  repentir  ,  &  qu'il  en  fcavolt  bien  les 
,  moiens.  Quand  je  fus  une  fois  reçu  &aa- 
,  crai  dans  le  Régiment,  lamaniérefamilié* 
,  re  avec  laquelle  je  vivois  avec  les  Officiers, 
,  m'eut  bien-tôt  attirai  l'anutîé  de  tretous  , 
,  jufque  du  moindre  Cavalier.  Je  leur  don- 
,  nois  l'abfolution  tout  d'acheval.  CVioit  à 
,  qui  me  regaleroit.  Quand  unbiaumatindu 
,  »7.J^vier  1702,  parun vendrcdijourquî 
,  m'a  étai  tourjours  tunefte,onme  vînt  arré- 
>  tat  de  la  part  du  Rouai  ;  &  après  s'être  faifi 
,  de  toutes  mes  hardes,fur  tout  de  mes  Livres 
,  &  de  mes  papiers ,  l'on  me  mît  enPrifbn. 

„  Jamais  Je  ne  me  fuis  cru  fî  près  de  ma 
,  fia  que  çu  jour  là,  car  Hilsm'avoientfaili 
,  deux  heures  putôt,  ils  méroient  trouvai  des 
,  Lettres  qui  n'étdiem  pas  de  pdlle,  &dont 
,  heureufèment  J'avois  brûlai  les  originaus  un 
,  moment  auparavant.  L'on  me  mit  tontau 
,  haut  d'une  Tour  dans  un  petit  trou ,  où 
,  pour  tout  meuble,  il  n'y avoit qu'une chaî- 
,  le  de  paille;  j'avois  là  tout  le  temps  defai- 
,  re  des  reflesions.  Sans  doute,  difois-jemçs 
,  Lettres  ont  étai  interceptées  :  adieu  lEvef- 
,  ché;  l'Egyptienne  auramentipourJecoup. 
,  Mais  ce  qui  me  confolc ,  c'eltquefijefuïs 
,  pendu,  ma  Famille  n'en  fi^aura  rien.  J'a- 
,  vois  paOài  une  bonne  partie  de  la  journfe 
,  fans  mangeai;'  quand  l'aptès  midi  une  peii- 
,  te  Fille  vînt  me  demandai ,  fi  je  voulois 
,  mangeai  quéque  choCs  ■  que  j'eulTe  à  li 
,  donnai  de  l'argent.  J'avois  encore  pour  tout 
,  bien  vaillant  un  Louis  d'or,  quejcl'ydon- 
,  nis,  &  jeli  demandisdaIaitboaîtl7,qa'eI- 
,  le  me  ûi  paiei  quinze  fols.  Je  paflîs  la  nujt 

ù,:,-,zf--„GoOglc 


xyt  VlMfiùfitMm  Frémfoift 

^aâisdnuBU  chaifc,  où  il  Dcmeteooîtde 
dormir,  pour  plu&cnre  raifoos.  Le  Icndc- 
nuio  aanutin  sS.  Jnovier,  usiàmedîili 
**  petite  pointe  dajoui,  on  vint  medeiùdù, 
^  pou  me  &ire  montai  i  Cheval.  Il  y  avoit 
M  un  des  Gardes  de  Mr.  l'InteiKbuitdeStns- 
jibotug,  (]iiî  donooitordreàtoot,  qaigron- 
,,dit  tȎn,  qaand  il  fceut  <^'tMi  oe  m^voii 
pudondli  ni  feu  ,  ci  lit.    11  y  avoit  deux 
Compagnies  de  nôtre  Rcgimcot  qui  m'al- 
**  teodoiem  en  H^û  ï  Cheval  à  la  Porte  de 
**  la  PrifMi.  Quud  les  Officier»  ftCavatien 
M  me  vircDt  toDt  pâle  &  défiait ,  Q^fènûrent 
„àbeilài]esye«z,  $  àoicBt  tous  iriAet  ;  & 
^  menai  je  me  mias  1  pkaoi,  qiuad  je  vis 
qu'on  m'ametiotcât ,  &  aa'mi  ne  Irak  les 
**  jambes  avec  «ne  dùine  oc  iér  par  defloas 
*>  le  ventre  du  Cheval ,  &  ea  cebrl  éqnipage 
»le  Gatde,  &  lesdcuxCoaiptgaiesincsie- 
>i  nirent  d  Stra&boofg ,  tont  droit  gkai  i  la 
„Piir(Hi,  tout  au  haut  d'une  Tobt,  d'ovje 
j^découvroiï  tien  loîn  fur  le  Rhin.  Lie  Gar- 
de de  Mi.  l'Intendant  me  traitit  bicB  par 
'*  le  chemin,  &  me  noorità  boucheqncvenx 
**  tu  ?  mais  il  Q£  me  laiHoit  parlai  à  pcrfbn- 
**tie,  ce  tjui  me  ât  croire  quelam^cbeétoit 
M  découverte.  On  me  donnii  un  bon  lit  dans 
^  laPiifon,  &  bien  i  m^ng^,  &àboirede 
^  bon  vin  du  Rhin- 

j^  Dès  le  lendemain  au  matin  fur  les  8.  heu- 
res rioteadant  de  Strasbourg  m'envoiit 
**  quérir  par  le  même  Garde ,  &  une  Compa- 
**  gnîe  d'In^tetie  qui  matchoic  ea  hayc  3 
>>  cAté  de  menai ,  &  qui  ne  fouffroit  à  pcr-. 
^Ibnocdeai'af^Pfdial.  Je  trouvis  l'Imen- 
»,dant 


.--„Googlc 


CM  rWfipire  de  la  BafiHU.  IJy 

~y^  dVM  dtns  vRe  Sale  devant  bin  fën  ,  iree 
>  Teii  SecretaÏTe  &  trois  oo  guktre  «nres. 
"  D'abord  qtfilme  vit.  Hé  bien -Mt.  l'Abbé 
**  medit-ii,  n'êtes  vous  pas  un  honnéteHom- 
*»  me  j  un  bon  Sujet  A  un  boa  Preitre  ,  de 
*»  contrevenir  ,  commt  vos  aveï  fiiît ,  aux 
9> Ordonnances  de  vôtre  Rouai,  le  meiU 
,f  leur  PrincQ  &  le  plus  Clément  qui  fut 
^,  jamais  pour  lès  Sujets,  qui  nedevroieirtlâ 
regardai  qu'avec  des  yeux  d'admiration  f  j« 
"  commcRçai  i  refpîfai,  quand  je  vis  que  ce 
**n'étoit  qôe  cela  ;  car  It  jE  m'aroit  lainai 
»»  parhii  le  preisier  ,  j'«llois  me  jettai  i  ge- 
iinoBX,  demandaipardonànôtrebonRocait 
,,&  me  découvrir moi-mdme.  Akmjeliâisi 
„  Monfeigtieur  il  eft  bien  vrai,  que j*si griè- 
vement contrevenu  aux  ordonnances  du 
*'  RotiSfi  i  m^s  ît  m«  l'a  pardonnai ,  0c  Mr.  - 
"  Tallard  ,  &  le  R'.  P.  la  Chaîfe  en  font  d« 
>i  bons  tdmoÎDs.  J'ai  (ai  lis  (emdnes  auSe- 
^minarre  de  St.  Lazare  pour  leftît,  oùj'ea 
^  ai  feit  une  rude ^Hmitence.  Mr.  TAbbé-d- 
pliflucï  vous  mieux ,  dit-il ,  je  ne  vousea- 
-  tends  pas.  JeveaxdîreMonfe'^eur,  qu'é- 
''  tant  Curai  à  Lery  en  Normandie-,  je  âc 
*>plufieurs  mariages  contre  les  ordres  dr« 
>>  Rouai  ,  qui  me  firent  abandonnai  ma  Cor 
,' re,  &  palîai  en  Angleterre,  où  j'eus  lafoi- 
^  blellè  d'Apoltaliai.  Mais  je  tus  trouvu 
^  l'Aumofnier  de  Mr.  Taljard  à  Londres, 
*  qui  me  reconciliit  à  Dieu  ,  &  fon  Màitie 
'*  au  Rouai.  Il  me  donnit  des  Lcftres  de  re- 
■"  .commaiidation  pour  le  R.  P.  delaGhaiftf, 
»  pour  rentrai  dans  ma  Cure  ,  mais  oomme 
M  elle  écoit  remplie,  j'aiétai-dietdiaidel'enir 
nPioi 


.--„Googlc 


i6o  L'Im^uifitioM  FrAMfoi/i 

y,  ploi  aillcors ;  &  rafio  jefuîsentru  AvtrA- 
„  nier  dans  le  Repaient  de  Marivam.  A- 
„  lors  il  fc  toornit  vers  fen  Secrétaire.  C 
,,  fiuit,  dit-il,  recoDinKDçailePréambalcdc 
„  nôtre  Frocéz  verbal.  Voici  qq  fak  qai  U 
„  meiite  bien  ,  &  un  Homme  pa  coupablct 
tf  que  je  ne  croions.  La  fièvre  me  penSi 
„  prendre,  &je  nedoutoispu,  quclaminu 
„  De  fut  éventée.  J'allois  de  çu  coup  lame 
„  jettai  i  fcs  genoux  ,  &  li  avouai  men  pe- 
„  tit  fait,  quand  il  médît:  N'eft-cepasvos, 
^  qui  avei  vendadesLivresdeSendu5àrAI>- 
„  M  Roiet ,  Précepteur  dei  Enfants  de  Mr. 
„  Biunct  de  Rancy  ,  Fermier  General  ,  & 
„  à  un  Médecin  nommai  la  Sautais  ?  N'eft- 
„  ce  que  cela,  dis-je  en  moi-même?  Mon- 
„  feigneur,  li  dis-je,  j'avois  achetai  par  cq- 
„  nolitai  quéques  Livrés  en  Hollande  ,  & 
„  comme  j'étois  biep  ajfe  de  m'en  deffaire; 
„  &  d'en  ravoir  mon  aident  ,  je  les  leur  ai 
„  redonnai  pour  le  prix  qu'ils  me  coûtolent. 
„  C'étoient  des  Livres  fort  curieux  vraiment, 
„  dît-il ,  &  dont  le  feul  Titre  vos-  dcvoit 
„  &irehorreur»  livosaviciétaîurjbonFran- 
„  çois  i  mais  vos  Mariages  contre  les  Or- 
„  donnances  de  Sa  Majeliaî  font  aJTés  con- 
j,  noître  que  vos  n'avez  jamais  étai  qu'un 
„  très  méchant  &  iufidelle  Sujet.  Ah  !  Mon- 
,t  feigneur,  dis-je,  j'aime  nôtre  bon  Rouai, 
„  pus  que  ma  vie,  &  j'aimerois  mieux mou- 
„  rir,.  que  de  li  déplaire  :  mais  vous  même, 
„  qui  eites  de  fes  Miniflres ,  ii  vos  vos  é- 
„  tiez  trouvai,  comme  ihouaf ,  eu  Hollan- 
„  de  ,  auriez  vos  pu  vous  empefchai  d'acbe- 
„  tai ,  &  de  lire  de  ji  drôles  4e  Livres?    & 

„  tOBS 


;C.oo^jlc 


eu  rHifioire  de  ta  Bajlille.  10I 

i>  tous  les  Miniftresde  France  ne  les  ont-ils 

),  pas  dans  leurs  Cabinets  ,  aufli  bien  que  le 

„  Chancelier,  les  Premiers  Prelidents  &au- 

,-,  très  Officiers  de  Sa  MaeHai?  .Ne  fcavei 

„  vous  pas ,  dit  il  ,  que  vos  biaux  &  drôles 

„  de  Livres  font  ia  caufe  que  l'Abbé  Rolet, 

„  &  la  Saulais  font  à  la  Ballille  ?     Non  , 

>',  Monfdgneur,  li  répondis-je  ,  &  je  plains 

„  le  pauvre  Mr.  de  la  Saulais.  car  jamais  il 

}t  n'en  a  eu  que  trois ,  &tous  des  pu  medio- 

,t  cres.     Pourl'Abbé  Rolet ,  il  en  a  eugea- 

t>  timent  &  bien.     Cependant  reprit  il  teui- 

1,  arrêt  a  étai  tnilis  fur  la  Gazette  ;  ne  l'avei 

„  vous  pas  leiie  ?   Non  Monfeigneur  ,  fi  je 

,»  l'avois  leiie  j   lui  dis-jc  ,  vos  ne  me  tien- 

■    „  driez  pas  dans  vos  pattes  ;  j'érois  bientôt 

T,  futjacqucs  Déloge.  Cependantilyaétailî 

„  bien  mins,   reprit-il,  qu'en  voilà  l'article 

I,  couchaitoutdu  longfur  la  Gazette;  tenez 

„  lifei  là.    Et  qttandje  l'u  Icu  toutdu  long, 

„  je  n'en  douti  pu.    Après  il  me  démandit, 

,(  fi  je  n'en  avots  pas  donnai  à  d'autres?  Noa 

„  Monfeigneur  ,    li  dis -je.     Qu'elle  impu- 

„  dence,  reprit-il  i  comme  fi  nos  ne  fçavions 

„  pas  bien  ,     que  vos  en  avez  aportai  une 

„  quantîtai  prodigieufe  d'Hollande ,    &  que 

„  vos  les  debitiez^aux  Tuilleries,  au  Palais 

„  Roial ,  au  Luxembourg  ■    &  que  vos  & 

„  vôtre  Vallet  les  portiez  vendre  par  les  Mair- 

»,  fons  !    Quand  il  m'eut  dit  cela,  jemejet- 

„  tis  à  genoux,  &  je  lidcmandîs  pardon,  ea 

„  pleurant  ,    &  je  le  priai  de  m'obtcnir  ma 

„  grâce  de  nôtre  bon  Rouai.     Vos  mérite- 

jt  riez,  dit-il  ,    que  je  vos  âlfe  pendre  tout 

„  à  l'heure;  nuii  remereiez  Dieu  de  ce  que 


.--„Googlc 


stf»  Ï^ImqmJitU»  FroMfiife 

„  VOS  aveï  affaire  à  on  Rouai  Clément ,  fc 

„  qui  n'aime  pas  à  répandre  le  fang.     Apris 

„  cela  il  me  ht  paflki  dans  UBe  autre  Cham- 

^  bre  ,  où  je  fus  pu  de  trois  heures  avec  fcs 

„  Gardes,  &  d'autres  Genis,  qui  me  dirent 

,,  que  mes  affaires  alloient  bien  ,    paifqne 

^  Monfeigneur    l'Intendam   m'avoît  parlai 

,^  comme  cela;  que  c'étoit  un  bon  &  hoiH 

^  aète  Homme,  qui  ne  tiroit  pas  les  chofès 

„  à  la  rigueur.    Après   cela  Monfeignenr 

„  l'iqteiKuqt  ine  fie  rentrai,  poiir  me  lire  \ç 

„  procès  verbal  qu'il  alloit  enviai  àla  Cour; 

„  qa'il  u'avoit  pas  manquai  de  commençai 

„  par  l'indulgence  qu'avoit  eu  pour  mouai 

rt  DÛire  bon  Rgu^i ,  de  me  pardonnai  mes 

M  Marines  prohibez  par  Tes  Ordonnances  ; 

„  D0n<d>llant  quouai  j'av:]is  retombai  à  faire 

1,  na  Trafic  fcandaleux  &  éiroitrcmeijt  def- 

„  fendu  du  Livres  diaboliques  ,    que  j'avois 

,1  débitez  par  tout  Paris,  &dont  l'AbbéRo- 

p  lett  Chaaoine  d'Autun,  avoit  achetai  une 

„  qqautitai  confiderable:  que  pour  le  Mede- 

„  cia  la  Saulais ,  il  n'en  avoit  eu  que  trois» 

„  tous'des  plus  Jinples  i,  &  i!  m'ordonnit 

^  de  fîgjBai  çu  procès  VEibfti. .  ^\\]  lidis-Je, 

f.  MonfeigneuTi  vos  meperdeï  ,  en  leçon;-: 

„  njençantpattcnonvelailepaidon,  qucm'a 

ti  accordai  le  boa  Rouait  dont  ne  falloir  i^a 

H  pu  parlai  que  de  mes  vieuillesiitatines  ,  ou. 

I,  des  nits  d'entan,  C'cû,  dit-il,  pourmiem 

„  ot^enir  vôtre  grâce  ;    qui  yos  a  pardonnai 

p  one  fois,  vos  pardonnera  bien  deuji;  &n,ç 

-  H  li<Hei  vos  p^  bien  ,   que  je  tipis  par  dire, 

^  que  vos  VQS  teaiettez  î  la,  Glemepçc  da 

M  &VMi4  d9tUï  VOS  implAT»  19  wreçjcorde, 

,.  Après 


ouVISJtaire  de  la  BaftUU.         atfj 
,,  Après  cela  je  lignîs,  &  il  me  renviit  dans 
laPrilbn  ,  où  je  refti  jufcju'au  ïtf.  Macs. 
""Si  j'avoîs  fçû  que  jedcvois  venir  à  laBaf- 
*'  tille,  je  me  ierois  fauvaivîngt  fouaisponr 
''une;  car  la  Geôlière  éroît  devenue  amou- 
»reufe  de  mouai,  &venoit  à  cœur  dejour- 
„  née  caulài  dans  ma  Chambre»  &  me  con- 
^  toit,  que  quoiqu'elle  fût  très  gentille,  &  eût 
,^  le  plus  biau  corps  de  Femtne  qiii  fut  ja- 
mais, que  fen  Mvi  ne  l'aimoitpas)  qu'il 
"n'avait  que  du  mépris  pour  elle,  &  me  fit 
>*  aflètconnoîti'e,  que  Hjc  voulois  l'amenai 
»»  avec  mouai ,  elle  me  facîlîteroit  les  moïens 
,)  de  me  fauvai  ,  &  qu'elle  emporteroit  tout 
ce  qu'elle  avoil  de  meilleur.     Quedel'aa- 
tre  cotai  du  Rhin  je  ferions  fur  les  Terres 
*  de  l'Empereur  ,   où  ame  qui  vive  ne  nos 
•'  dîroit  rien.     Que  de  la  manière  dont  elle 
«♦s'ypreodroitjeneftnonsjamaisdéconverts. 
>>  Que  toute  £%  vie  elle  aroit  eu  volontai  de 
,t  fe  fktre  de  la  Religion  Reformée,  &  que 
,,  j'irions  tenir  Cabaret  enfemble  à  BaÛe ,  oà 
en   quéqu'autre  bonne  Ville.    Il  t  avoit 
**  itout  fous  ma  Chambre  une  jeune  Troupe 
'*  de  Drôles  condamnez  d'allai  aux  Qaleres, 
"  qui  ne  demandoieat  pas  mieux  que  de  Ce 
r*èmvai-  LiCJourla,  Geolîér«  me  permict- 
„  tott  de  les  allai  voiies  dans  leur  Chambre. 
,,  Il  y  avoii  entr  autres  un  grand  Decouplai 
bien  alerté  nommai  le  Chevalier,  quiétoit 
'  de  Granville  i   en  attendant  la  chaine  ils  ; 
*' faifoiem  une  vie  defordoonée  ,   ^  cban- 
'     **  toient  &  buvoietu  du  matin  jufqu'au  foir. 
hll  ne  tenoît.  qu'à  monai  de  me  f«vir  de 
«tleur  oiiaiftéw  powmoa  iva&oa  ;  mais  il 
„étoIt 


.--„Googlc 


i64'  h'Iuquyitum  franfoïje 

„  étoit  écrit  que  je  dcvois  venir  à  la  Baflille; 
„  &  ma  mauvaife  Fortune  me  gardoit  en- 
„  corc  cette  poîre  d'angoiflc. 

«Enfin  l'heure  fatale  arrivit  ,    qui  fut  un 
„  Dimanche  %€.  Mars  au  matin  .    que  qua- 
t,  tre  Archers  vinrent  meprendreàlaPrifon, 
I,  pour  m'amenai  dans  cedetettable  Colom- 
„  hier  groffir  le  nombre  des  Pigeonneaux  de 
„  Mr.   le  Gouverneur.     La  Geolitfre  ^toit 
i,  toute  éplor^e,  &medifoit  tour  bas  qu'il 
„  txcàt  bien  cmploiai  ,     que  j'alifTe  à  la  Baf- 
,,  tille,  poilqu'il  n'avoit  tenu  qu'à  mouai  de 
„  mefauvaî.     Ils  me  mentirent  achevai  de- 
„  vant  tout  le  monde,  judement comme oa 
t,  fortoit  de  !a  grande  Mefle  ,  &  me  garori- 
,1  rent  les  mains,  &  me  liirent  les  pieds  par 
„  defibus  le  ventre  du  Cheval.  Mais  le  len- 
,,  demainils  me  laiHircntlibre,  quand jeleur 
„  eu)p'romis,fouaide  Preitrc,que  je  ne  m'é- 
,t  chaperois  pas.  Cependant ,  eu  paflànt  dans 
„  tin  bois  ,  la  tentation  me  print:  je  fautii 
„  du  Cheval  à  bas ,   &  je  m'cchapis  dans  le 
„  bois.     Ils   courirent  après  mouai  ,  &  me 
„  ratiapirent ,  &  me  reliirent  mieux  que  ja- 
„  mais.    Ils  me  noùrrifToicnt  comme  un  Pa- 
„  pc;     tourjours  â  nos  repas  Ros  &  Bouil- 
„  Jy  ,  &  du  vin  à  gogo.     Je  les  prii  de  ne 
„  me  pu  liai;  &  je  leur  fis  des  ferments  ter- 
„  riblcs ,  que  je  ne  m'exquiverois  pu  ;  maiï 
„  lis  ne  voulurent  pu  s'y  fiai.     La  nuit  il  j 
„  en  avoit  un  qui  couchoic  tourjours  avec 
„  mouai ,  &  qui  s'attaclioit  une  chaîne  i  la 
„  jan^ ,  qui  tenoit  à  la  mienne,  fermée  d'un 
„  Cadenas.    Je  fis  le  malade  :  Je  ne  voulois 
„  pu  tnaogeai  ;  ce^quifitqulils  meproinicent 
»  de 


.--„Googlc 


»n  l'HiJioire  de  h  'ÉaflUh.  t6f 

,^  deinedetftchai,  quand  nous  entrerîoss  dans 
^j  les  Villes.     Je  n'atcendois  qu'à  palfai  fur 

un  Pont ,  pour  me  jettaî  dans  l'iau ,  &  com- 
»*  me  je  nage  comme  un  poiflbn  ,  je  me  fe- 
»»  rois  bien-tôt  fauvai.  Maisjecroi  qu'ils 
*•  s'en  doutoient  ;  car  quand  je  paffions'par 
,,  deiTusun  Pont,  ou quéqu 'autre endroit pé- 
„  rîllcux.  ils  me  faifoicnt  marchai  au  mitan 

d'eui  quatre.  Enfin  j'arivimes  à  laBaAi'l- 
**  le  un  Jeudi  6.  Avril  1701  :  où  les  Gardes 
*'  me  priîrent  de  rendre  un  bon  témoignage 
wdu  bon  traictement  qu'ils  m'avaient  fait 
,•  par  le  chemin;  ce  que  je  fisétoquemment. 
,,  En  effet  ils  me  donnoient  tout  ce  que  je 
„  vôulois  ,   &  hors  la  libertai ,   rien  ne  me 

mauquoit, 
*  O'abord  en  arriva'  t  dans  ce  maudît  gouf- 
»'  frc  I  on  me  mit  à  la  première  Chambre  de 
»>  la  Tour  du  Trcfor  ;  mais  je  n'y  fus  que 
ijdcuxjnurs.  Après  on  memitàlatroiliéme 
,,dt;  la  Chapelle,  oùjcfisune  Penkenceton- 
,  te  des  plus  rudes  :  cefiKlàquejcm'étrillî» 

de  la  bo{ine  manière ,  ainll  que  je  vos  l'ai 
''racontai.  Comme  en  entrant  ils  ne  m'a- 
*»  voient  pas  fouillai,  croiant  aparemment  que 
'»  je  l'avois  étai  à  Strasbourg,  j'avois  biaucoup 
ti'  de  papier  blanc  fur  mouaî ,  &  mon  éctitoi- 
,j  rc  quejeconfervai.  J'écrivis  ma  Confeflîon 
,  générale  d'un  bout  à  l'autre  bout:  il  yen  a- 
'  voit  une  belle  râtelée  Je  la  cachi  dans  un 
*'  trou ,  en  attendant  le  Gonfefleux  ,  que  je  . 
"  demandois  tous  les  jours  ,  fans  pouvai  . 
'♦l'obtenir.  Et  bien  m'enpriutd'avoirmins 
»  ma  Confellton  dans  un  trou  ;  car  au  boiu 
u  de  quéque  temps ,  on  me  vînt  vllitai  ,  & 
M  II  aprtt 


s4ftf  It^InjuiJttnw  Françoife 

après  avoir  prins  men  papier,  &mcn  écti- 
toire,  ils  me  rournircDt  toutes  mes  poches; 
**niepriiirem  quarante  fols  que  j'avois,  que 
**  la  Geôlière  de  Sttast>oi]rg  avoîi  fourrai  dans 
nm^poche,  enmedifantadicu,  &enm*cni- 
ï)brachant,  &  me  reminrent  dans  laprcmiè- 
^re  Chambre  ,    oà  j'avois  étai  en  arrivant. 
,  Au  bout  de  huit  jours ,  ils  m'en  rctirirent, 
pour  me  remettre  dans  la  troiiîéme  de  la 
Chapelle ,  où  j'avois  cachai  ma  ConfelTîou, 
»  qui  me  tenoit  terriblement  en  cervelle  ;  car 
»>  enfin  ,    fi  elle  ètoit  tombée  es  mains  des 
Il  Officiers,  j'étois  perdu  fans  refource.     Je 
,,  trouvis   dans   cette  Chambre  un  Kouakrc 
Anglois ,  qui  s'appclloit  Mr.  de  Brunsfields, 
"un  des  pu  biaui  elprtts  du  Monde.     G'é- 
'   toit  on  Médecin  de  la  Rciucd'Angleterre, 
*  Femme  du  Rouai  Jacques.     Il  l'avait,  fui- 
*•  vi  en  France  ,  &  c'étoit  pour  la  troifième 
>t  fbuais  qu'il  ètoit  à  la  Baltîlle  ,  pour  avoir 
„dic  Jrop  fincerement  fa  penfôc;  Il  avoital- 
iîfl^  aui  Couchés  de  la  Reine  en  Angle- 
terre, &  à  St.  Gennain;  &  il  H  tenoitu- 
•*  ne  des  mains ,  en  qualitaî  de  fen  Médecin, 
*'  pendant  qu'elle   acoucho-ît.     Quand  j'en- 
»»  tri  avec  li ,  il  avoit  la  teice  liée  d'une  fer- 
>»  victte  toute  enfanglantée.     Ru  l'avoitkit* 
^tVa  y  &  li  avoit  calfai  la  teite  d'une  chaife. 
,  j'eumes  bientôt  fait  connoiffance  ;  il  me 
contit  tontes  fes  avantures.     Il  avoit  prêtai 
^  tout  fon  argent  au  Roi  Jacques  ,    &  à  li 
"Reine  fa  Femme.  Il  aune  bel  le  Femme  & 
«une  belle  petite  Fille  de  dis  o  douze  Ans, 
n  qu'il  ma  promife  en  mariage.  Je  l'ai  vUe  bien 
„  des  fouais.car  la  Mcre  &  I3  Fillevenoient  le 
«voir 

u,:,-,zf--„GoOglc 


cm  VHifiàh-e  de  h  Bâjmie.  i(.f  ^ 
„  voir  fouvent  àlaBaftille,  &  après  cela cl- 
„  les  fe  promenoient  fu  le  Pont  St.  Aotoi- 
,,  ne,  &dans  la  place,  pour  que  je  les  viJffi. 
Nous  l'interrompîmes  pour  lui  dirCj  que  nous 
les  avions  viles  bien  des  fois  aum  ;  &  que 
nous  nous  étions  bien  dautet ,  qu'elles  avoient 
quelqu'un  â  la  Baftille  ,  par  l'attachement 
qu'elles  avoient  à  la  rÉgarder,  „  Ce  n'étoFt 
„  qu'à  mouai  qu'elles  en  vouloient,  dit-  il; 
1,  cat  elles  avoient  déjà  parlai  à  Mr.  Bruns- 
„"fields  quand  elles  venoient  là,  N'ai-jepas 
„  une  gentille  petite  Maîtreffe  ?  Oui  ,  !uî 
dit  Mr.  Linck  ,  mais  quand  vous  feriei  ca 
état  &  Maître  de  l'époufer»  vous  ne  lepour- 
rieî,  quand  à  prefent:  ce  n'efl  qu'un  Enfant, 
Vous  feriez  bien  fon  Père.  „  A  vicui  Chat, 
„  tendre  Souris ,  reprit -il  :  ou  en  croque  de 
„  pu  vertes  :  pour  être  petite  ,  elle  n'en  efl 
„  pas  moins  creufe  ;  &  puis  que  je  ne  fni^ 
„  pas  dehors  ,  je  ne  fommes  pas  tous  deut, 
„  en  Angleterre;  ni  je  ne  fçais  en  quoi  con- 
t,  fiflefen  bien  :  je  veux  voir  clair,  &nemè 
„  pas  mariai  comme  un  fot.  Et  que  devient 
l'Evêché  Mr.  l'Abbé?  répris-je,  „  Patien- 
,',  ce,  tout  aura  fon  temps  ,  répondît-il,  il 
„  eft  des  Evefchei  en  Angleterre,  auflî  bien 
,,  qu'en  Allemagne.  Oui.  disje,  mais  ce 
■  n'eli  pas  pour  les  Kouakres;  ils  en  font  ét- 
eins. „  Monfieur  ,  teprit-il  le  Rouai  peut 
„  touf  ;  &  fi  il  rentre  dans  fen  Roïaume  , 
„  comme  cela  eft  indubitable  ,  ainfi  que  te 
„  Kouakte  me  l'a  fait  voir  ,  comme  un  & 
„  deux  tout  trois  ;  la  Mère  du  jeune  Rouai , 
„  pourra  bien  l'obligeai  de  donner  un  mér 
„  chailtEvefch6,pourrecompenfaiunHoin-  " 
M  »  ..me 


>oylc 


s68  L'IiÊfaifitiff»  FroMf^fi 

■  „  me  qui  leur  a  facrifiai  tout  fen  tnen  ;  car 
^  &RS  l'Evefchtf,  adjeujufqu^aa  revoir:  en- 
^  coiena  coup  je  ne  ferai  rien  fans  voir  bien 
„  clair.  Je  comprïns  bien  tôt,  par  ces  raî- 
lonnements  ,  qu'outre  la  bctife  naturelle  éc 
jnhcrantc  ,  il  y  avoit  bien  du  dérangement 
daos  Gl  cervelle.  „  La  première  chofe  que 
„  je  fis  après  l'avouer  en^ral&i ,  continua  t- 
„  il ,  &  lui  avouer  offert  mes  petits  fervi- 
,)  CCS  ,  ce  fut  d'allai  promptement  vois  en 
»i  men  trou  ,  fî  ma  Confeffion  y  étoit  en- 
tt  core  :  mais  je  fus  bien  ébahi  &  bien  pe- 
"  naut ,  quand  je  ne  ti  trouvis  plus.  Que 
"  cherchei  vous ,  me  dit-il,  Mr. l'Abbé?  je 
"  vos  vois  tout  inquiet.  Rien,  li  répondis- 
"je.  Monlicnr,  dit-il ,  ii'elî -ce  pas  vôtre 
"  ConfefGon?  n'en  foiezpasen  peine;  c'eft 
*'  mouâi  qui  l'ai  trouvée.  En  veritai  où  cft 
"  vôtre  difcrction?  n'eft-ce  pas  afTez  que  de 
,,  demandai  pardon  à  Dieu,  tans  déclarai  vos 
,,  péchei  aux  Hommes  ?  Si  cc'.a  étoit  tom- 
„  bai  es  mains  des  Officiers  ,  où  eu  éùn- 
,•  vos?  &  fi  vos  aviez  lu  cette  belle Confef- 
♦»  fion  à  l'Amôoicr,  ou  au  Jefuite  ■  vos  é- 
»•  tiei  ici  tout  au  moins  pour  le  rcfïe  de  vos 
»'  jours;  car  c'eft  la  même  chofc  que  fi  vos 
"  l'avicï  revcltc  à  Mr.  d'Argenfon.  Ils  n'o- 
"  fcroient ,  fur  peine  d'être  brùlei  vifs  ,  li 
"  dis-je.  Ilsnefont  pasbrûleivifi,  reprînt- 
JJ  il  ,  &  ils  le  font  tons  les  jours  :  j'en  fçaî 
„  des  exemples  ,  contînua-t-il  fi  terribles  « 
„  que  cela  fait  horreur.  Apres  il  me  lavît 
„  de  la  belle  manière  la  teite  fur  toutes  mes 
»  escapades  ,  &  mes  menées.  Penfez  vos 
»  de  bonne  fouaî ,  me  difoit-ilavecunecha- 


.--„Googlc 


M  PHifloire  de  la  Bafiiîte.  i  «9 
j,  titai  paternelle  ,  allai  jamais  en  Paradis  à 
moins  que  de  verfai  une'  Mer  de  larmes  ? 
'  Après  tout,  aufond,  lidis-je,  je  n'ai  fait 
''  tort  qu'à  mouai  même  ,  je  n'ai  tuai,  vo- 
*»  lai ,  ni  iM-ulai.  Quoiiai!  reprenoic-il  ce 
»»  n'ell  faire  tort  qu'à  vos  mêmes,  que  de 
M  corrompre  quafî  toutes  les  Femmes ,  &  les- 
^Filles  d'une Parouaifîe ?  d'en  prendred'au- 
^j  très  par  violence  ,  &  d'emprunter  ,  pour 
ne  jamais  rien  rendre  i  Vos  cites  dunné 
*»  pauvre  Homme  !  fi  vos  ne  fuites  une  pé  ■ 
**  niteace  proportionnée  à  vos  crimes.  C'ell 
M  bien  men  intention  ,  lui  dis-je  ,  comme 
»,  vos  l'avei  pu  vois  par  ma  Confeffion.  Cette 
^,  ConfeâionUelt  un noQvieau crime,  reprit- 
il;  c'elllurladuretaide  vdire  cœur  qu'il  la 
"  fwt  gravai ,  avec  des  larmes  de  fang.  Enfin  il 
*»mefermonnitdelabellemai;ifre.  Quéqiies 
>*joursaprèsquejefumetenfeinb]e.  lâFem- 
n  me  aportit  un  ordre  de  Mr.  de  Pontchar" 
„  train ,  qui  enjoignoit  au  Gouverneux  de  li 
,  faire  vois  fenMari:  il  n'y  avoir  pas  à  balançai. 
Commémore  poui empefchai ,  qu'ilnc  li 
'*  contît  fcsgriefs?  Ilavoitaâuellementdeiu 
'*  trous  dans  lateite,  que  Ru  li  avoit^ts,pour 
M  s'être  plaint  de  ce  qu'on  Icfaifoit  mourir  de 
»  faim.  Enfin  Corbé  montic  à  nôtre  Chan^ 
„brc,  pourlidire,  qu'il  alloit  vois  faFcm- 
„me,  &  laFillejmaisqueMr.  le  Gouverneux 
lepriuit,  de  ncpasdirec&quis'étoitp^fô& 
"  que  li  il  ai  fe  plaignoit  pas  ,  il  li  rendroil 
*^  tous  les  txms  fervices  qui  dependtoient  de  li. 
"  Il  avoit  amenai  avec  li  le  Capitainedes  Por- 
«tes,  le  Chirurgien  ,  &  Bourgouîn  qui  a- 
yt  madouirent  bien  le  bon  Kouakie  ^  pooi 
M  3  jjl'eîi- 


^70.  L'Ivqaifitk»  Fratipife 

,^  l'engageai  i  ne  pas  fe  plaindre,     lis  firent 

,ce  qu'ils  purent  pour  li  faire  ûtai  la  fer- 
*  vietK  qu'il  avoit  à  la  tcite  ,  &  prendre  fa 
**  perruque ,  tnaïs  il  ne  voulut  jamais.  A- 
>7  prCs  Ûea  des  allées  &  des  venues,  ils  lefi- 
Mtent  à  la  parËn  defcendre ,  fur  les  trois 
»r  heures  de  relevée  ,  dans  la  Sak  ,  où  fa 
,,  Femme  l'attendoit  depuis  neuf  heures  du 
j  OUtin  :  il  eft  vrai  que  le  Gouvèroeuï  l'a- 

'  voit  ^leadidement  Im  diiiai  avec  lî,  elle 
.  *'  &  fa  Fille.  P'abord  que  là  Femme  le  vît 
'•  en  il  bel  équipage  ,  elle  fe  mît  à  pleurai , 
>i  &  li  dire  :  eh  quoi  1  mcn  Mari  ou  me  dit 
M  que  vos  faites  ici  le  mauvais.  £t  boa 
^,  Dieu!  qu'cft  devenue  vôtre  douceur  ordi- 
naire ^  &  vos  impatientez -Vos  ,  p^ice 
"que  Dieu  vos  aSUge^  Namii ma  Femme, 
"dit-il  ,  l'on  voi  trompe  :  l'étal  où  vos 
'!  yie  voie*  ,  eft  une  preuve  do  contrsûre. 
»»  Allez  trouver  la  Reine  ,  je  vos  en  coa- 
„  ju^e  ,  &  je  vos  l'ordonne  ,  &  dittes  li  , 
,j  que  fi  elle  ne  me  ti^e  d'ici  ,  c'eft  fait  de 
tnoijai:  l'on  m'y  fait  mourir  de  faim ,  & 
"  q<)an4  je  m'en  plains  ,  Ton  Qi'ajromnie  \ 
»  en  deux  mots  voilà  la  veritai  puis  qu'on  me 
>> force  à  la  dire.  Aparemment  que  je  vos 
n  vois  pour  U  dermére  folies  ,  &  en  difant 
,,  cela  il  l'embraflit ,  cUe&faFille,  quifon- 
^^  doient  toutes  deux  en  larmes.  Sa  Femme 
j^  s'évanouit,  quand  il  fortit  de  la  Sale.  Dès 

.le  lendemain  on  nos  mit  tons  deux  dans 
>''  lapremiéreChambrede  la  Beitaudiére,  qui 
"cft  us  Cachot  clair.  Voilà, dit  il,  pom'me 
*■>  puni  d'avoir  dit  la  veriiai  :  mais  je  fuis  cer- 
it  tain  de  ne  pas  demeurai  daa$  ce  trou  quin- 
,,te 

u,:,-,zf--„GoOglc 


eu  Fniftairt  de  la  BafliUe.  171 

„  le  jours ,  ou  que  j'y  demeurerai  toute  inavic. 
„  En  cttet  j'entrimcs  daus  cette  Chambte  le 
„  17.  Aoult  t   &  ît  efi  forci  de  laBattilIe  le 
„  30.  Septembre  de  l'Année  àetaiéiç.   C'eft 
„  le  plus  bel  efpirit  du  Monde,    il  a  trouvai 
„  le  fecret  de  flire  allai  un  Vaifièau  de  Guerre 
„  contre  vent  &  marée:  ilen  afait^épreu- 
,,  ve  au  delfus  de  Conflans ,  devant  Mr.  de 
„  Poiurîs,  qui  a  dit  au  Rouai,  quccVtoit  la 
„. pu  belle  découverte  du  Monde.     II  fçait 
„  tomes  les  particularité!  de  la  Ballilte  fuie 
„  bout  du  doigt,  &  il  ne  tient  qu'àlidelaire 
„  pendre  le  Gouverneux  &  tous  fes  Satellî- 
„  tes.     Il  tenoit  quali  les  Longitudes  &■  \c 
ft  Mouvement  perpétuel ,  quand  on  ratrêtù. 
„  Il  a  trouvai  le  fecret  d'avcuglai  toute  une 
y.  Armée.     C'eft  le  mcme  dont  fe  fervit  St. 
„  Paul  devant  le  Proconful  Serge  Paul ,  pour 
„  aveuglai  les  deux  Faui  Prophètes.    Il  fait 
donc  des  miracles,  luîdîs-jc''   „  Bon!  il 
,,  fait  tout ,  me  dit-il  ,   hors  la  faufle  mon- 
„  noïe;  encore laferoit-il  bien,  fiilvouloit 
„  C'eft  un  Homme  incomparable. 
„      Après  qu'il  fut  parti  ,  je  fus  mins  avec 
,t  Mr.  te  C^Ton  de  Pokenet  de  Vienne  , 
y.  Homme  de  qualitaj  &  très  bienfait,  quia 
„  éiai  au  Setvicede  l'Eiopereux,  où  ilavoit 
f,  étai  Lieutenant  Colonel  d'uuRrgimentdc 
„  Cayalcric;&  après l'EmpereuxTavoit don- 
f,  iiai  au  Rouai  Ciuillaame  pour  commandai 
„  fes  Années  ,  comme  un  Officier  bien  en- 
,,'Iendii  au  métier  de  la  Guerre.  Et  comme 
„  il  aimolt  paiTioDuement  la  France  ,    on  fl 
„  avoii  fervi  étant  jeuue  dans  tes  Moafque- 
„  taireî    ilyrepa£[itapcÈslaPaû.deR;fwtdt,' 
M  4-  „«t 

■  ..^Xooylc 


»r»  flnqKijîthn  Frawf»!fi 

»,  &  il  3  ^tai  artétai ,  comme  Etranger  H  y  a 
^^  environ  cinq  o  iix  Mois.  Sen  pu  grand 
crime  cft  qu'il  étoit  faifi  des  Eitampcsquc 
"D**'  L'**  F***,  Libraire  à  Amllerdam 
*>  a  iàit  gravai  contre  le  Rouai,  qui  feroient 
w  crevai  de  rire  ,  car  je  les  ai  vu  tretoutes 
nd'un  bout  à  l'autre,  aiiSi-bîenqne  fen  Al- 
„  loiias.  C'cft  de  li  que j'avoîs  achetai  lapu 
„  grande  part  de  mes  Livres  :  c'eft  le  pu  drôle 
^^  3e  corps  que  la  Terre  aitjamais  portai.  Je 
ne  nos  foininesjamaispu  accommodai  Mr. 
"le  Baron  de  Pokenct&mouai;  carildifoit 
s'  qu'il  n'avoit jamais  vu  de  François  fi  mal- 
,1  bâti  que  mouai ,  quejenefçavois  pas  vivre; 
«quejen'étois  qu'un RuUre&un  Pitaut.  Et 
^  inouai  je  li  dilois  qu'il  n'étoit  qu'un  Gre» 
din,  unCociier,  &unBitcleuxi  îln'avoit 
"qu'un  liard  fu  li,  quand  i!  fut  arrêtai,  par- 
"ce  qu'il  avoit  perdu  tout fenargenilefouer 
ï'  précèdent  cheuï  des  Dames  ,  où  il  alloit 
,>  jouai.  Il  eit  vrai  (ju'ila  des  habits  ma^ni- 
,1  fiques,  &Ies  pu  belles  denitrellesduMoii- 
^de,  fines  comme  les-cheveuï.  Il  a  un 
^  Mantiau  de  vclou  rouge  tout  brodai  d'or» 
'  qui  a  coûtai  cinq  cents  écus.  Il  n'étoît 
'*  pourtant  pas,  iî  bien  norri  que  IMr.  Con- 
»'  llaiitin ,  quoiqu'il  fût  à  la  groffe  bouteille; 
„  &  il  me  faifoit  acroire  ,  qu'il  u'avoii  pu 
,,  voir  fen  Valet  de  Chambre ,  ni  fes  Laquais 
^^  depuis  qu'il  avoit  étai  arrêtai  :  mais  je  le 
crois  bien,  car  il  en  avoit  autant  queTi- 
*'tou,  pas  pu  que  ma  Grand-Mcre.  II  y  a 
»'  huit  jours  que  Mr.  d'Argcnfon  le  fit  def- 
'ïccDdre  :  il  le  jettit  à  genouï  devant  li,  le 
M  coajurit  d'avoir  compaHion  d'un  Homme 
»  "ifi 

u,:,-,zf--„GoOglc 


ùitTHiftoire-^laBaftilU.  27Î 

r,  it  oualitai  très  innocent ,  &  que  le  feul 
,,  plai^r  de  demeurai  dans  Paris  rendoitmal- 
„  heureux.  Hier  an  matin  on  Icfit  fortir 
>,  d'avec  mouai.  je  !e  crois  dehors  de  la 
■1  BaliiMe,  car  on  vint  quérir  toutes  fcs  har- 
„  des ,  qui  étoient  dans  nôtre  Chambre  ,  & 
„  mouai  trois  heures  après  on  m'àmenit  ici. 
,,  Et  vêla  !e  Gaillard  !  Allons  buvons  un 
I,  coup;  j'ai  affei  parlai  pour  boire, 

AfTuremeut  Mr.  l'Abbé ,  &  vous  nousavei 
raconté  des  chofes  étranges-,  lui  dis  -je.  Mais 
permettez  moi  de  prendre  vôtre  parti  contre 
vous;mêmc.D'où  nous  coniioiflei  vousMon-' 
fieur  &  moi,  pourïious  faîredes  confidences 
telles  que  celles  quevous  veiiei  de  noasfat^ 
le?  „  Palfanguoai,  je  vos  ai  déjà  dit,  que 
„  j'ai  le  ccEQr  fur  le  bord  de  mes  iévres ,  dît' 
„  il  en  m'interrompant ,  &  que  je  fuis  franc 
„  comme  l'ofier.  Patience  Mr;  l'Abbé,  lui 
dis-je,  écoutez-moi,  je  vous  prie  avec  autant 
de  tranquilité  &  d'attention,  que  j'en  ai  ea 
pour  VOUS;  Un  aveu  indifcret  &  téméraire 
ne  fe  doit  pas  appeller  fincerité.  Nous  coa- 
noiffez  vous  encore  un  coup ,  alfez  ,  pour 
«n  moins  de  vingt  quatre  heures  qu'il  y  a. 
que  vous  êtesavecnous,  nous  rendre  les  Ar- 
bitres de  vôtrevie?  Car  enfin  ,  finousétions 
suffi indifcrets  que  vous,  pardonnez  moi  ce 
terme  ,  où  en  feriez  vous?  „  Que  vos  aî- 
„  je  donc  dit,  Mefficurs?  reprit-il.  Allez, 
Itii  dit  Mr.  Linck  ,  pour  vous  envoler  à  la 
Grève,  fi  nous  n'étions  pas  Monfieur&  moi- 
d'auflt  honnêtes  Gens  que  nous  le  fommesj 
Mr.  l'Abbé  cominuai-je ,  vous  ne  nousavci- 
rien  dît,  &  pour  moi  j'ai  toutoubHé,  quand' 
M  jj.  voui- 

■     ■  u,:,-,zf--„GoOglc 


1^4  L'In^KÎJîtioif.  Fraitfçife 

vous  m'amiei  caffé  un  bras .  jenem'enjbn.. 
vjpndrois  pas  pourvous  faire  du  mal  ;  mais  lî 
ispiais  vous  êtes  mis  avec  quelques  autres 
Çrifonniers ,  aiez  un  peu  plus  de  difcretion. 
&  gardiez  vous  bien  d'avoir  la  îangueli  légè- 
re. L'Evéche  qu'on  vous  a  promis  ,  pour- 
lipit  bieu  vous  &ire  doiyipr  uue  M.ytre  de  pâ^ 
BÎer ,  plutdt  qije  cells  eu  broderie ,  <i^i  vous 
a  fait  tout  haïar4er  pour  l'obtenir  ,  &  après 
lAflUelle  \ous  foupirez  fi  ardemment  &  (w  â 
Iflin.  Voilà  pour' ce  qui  regarde  vûtrecorpsi 
4e  pour  vôtre  ame  Mr.  l'Abb4  ,  hclas!  peu,- 
ftz  -  vous  iàns  trembjer  au  fupçfte  état  où 
vom  êtes,  réduit?  Vos  pcchei  accumulez  & 
Ipultjpliei  parde0\jï,lçg  cheveux, de  vôtreté- 
t^,  ont  éteint  en,  vous  juiqii'à  la  moindre é- 
tincelle  de  vôtre  Foj,  Quellovie  a.  été  la  vô- 
V«  ?  comment  r-eilitucc  l'honneut  à  tant  de 
Çemmçs  &  de  Filjes  que  vou#  avez  corrom-, 
pues?  VousvouB5tpsfcrvi.de  vôtre Minifté- 
^e,  DOp  pas  pou^édifi(;r,  mais  pour  détruire; 
qoQ  pas  pour  retirer  vos  IJrebis  du,  bourbier , 
m^is  pour  les  y  plonge^.  d,'une  manière  ese- 
<;rable.  Ijcur  Conl^eflîon  vous  a  découvert 
If  urs  fccrets ,.  &  leurs  foiblelTes  ^  dont  vous 
Yous  êtes  fervi  ,pour  les  livrer  auoc  paflious  Ie& 
illusfcandalqu|i;s&  les  plus  ctimincllçs.  Quel 
Fadeur,  quidevoroit  fesOuaillesîComtnent; 
lellituer  cet  argent ,  que  vous  avezeippiun- 
té  fi  légérenjcnt  â  vos  Pafoifliens  poi|r;fQur- 
lyr  à  vos  débauches  ?  cetïe  réputation qutsvousi 
^vez  par  majice  i^vie  auj;  Recolets.  ?  Caf  ». 
quoique  la  plupart  de  ces  Moines  ne  valent 
guère  mieuïque  vous,  du  inoins  ilsontfoin 
4?  faurct  les  aparepces.  Et  encoK  biea  qu^ 
vous 


.--„Googlc 


êurWfièirl'diîiffalîiUè.  rfr- 

vousaîetyolé  des  Voleurs,  pnîfqtt'euT  mtf- 
mes,  en  gueufamcommeirstom.  voîentles^ 
véritables  Pauvres,  je  croi  que  tous  él«  en^  . 
obligation  de  leur  reftituer  ee  que  vous  leur' 
avc2  volé  ;  comme  eux  mêmes  fom  obtîgeï- 
dc  reftituer  aux  Pauvres  ce  qu'ils  leur  volcnt- 
tous  les  jours.  Vous  avez  empêché  Mr.  Da-- 
poigni  d'époitfer  une  DemoifellfeqBe  vous  a-- 
viei  corromptie ,  non  pas,  parce  que  l'honneur" 
de  ce  Cavalier  y  étoit  iiuereilîf,  imispArun 
principe  de  jaloufie;  comment  pourrez  voas- 
jamais  reparer  te  tortque  vous  av«  fait  icette" 
Demotfelle  ?  comment  repirer  celui  que  vooS' 
avez  fait  i  vôtre  Confine  Babetti  deJaFeuilMej, 
à  la  Marchande  de  dentelles?  Au-  lieuée  l'ëpou- 
vanter par unefeîme vifion diil>iab!c,  (s'voug. 
.  euffiez  ratifié  !e  mariage  que  devant  Dieu  voo»; 
aviez  contrafté  avec  elle ,  combien  lériez-vous- 
plus  heureux  que  vous  n'&tes  aujourd'hui  ?' 
Vous  n'avez  tùit  vceuderenoncerau  mariage.- 
&de  garder  la  continence  que  pour  enfrein- 
dre les  Lois  les  plus  facrées  du  mariage  ,  &; 
vous  plonger  dans  toutes  fortes dediÏÏbiutiony.- 
Vous  n'avez  plus  de  Religion  ,  parce  que: 
vous  en  avez  làppé  tous  les  fondements ,  re- 
jette la  grâce  ,  &  éteihtdans  ledtbordemenC- 
de  mille  impûretez  le  Flambeau  ^evÔfrefof, 
que  vous  ne  pouvez  plus  raîumer,  qu'en  ti-- 
rant  de  lincéres  foupîrs  d«  plus  profond  de 
vôtre  coeur.  Dieu  ne  vous  a  mis  dans  cette- 
Frifon  ,  que  pour  rentrer  en  vous  même,". 
&  retourner  à  lui  par  une  Pénitence  auftcre 
&  cOnltantc.  Mais  l'ciiènriel-dc  la  Péniten- 
ce ,  c'eft  une  douleur  parfaite  ,  une  hor- 
reur, at^liie  du  péché',  &  une  rcfolution  fin-- 
M.*'    ^  oé*-   - 

u,:,-,zf--„GoOglc 


*7*  L*^I)iqHifit}oH  Franfo'tfe 

cérede  ne  plus  le  commettre.  Sicencfont 
pas  la  vos  fcntimeats  ,  Mr.  l'AbW  ,  toutes 
ces  maccratioDs ,  ces  jeunes  ,  ces  flagella- 
lions  ne  font  que  de  fauffcsaparctices ,  &  Icî 
préludes  de  i'affreufe  Pénitence  que  l'impc- 
nitent  fera  pendant  une  éternité  fans  jamais 
fléchir  la  divine  Mifericorde,  Pardon  Mon 
cher  Mr.  l'Abbé  ,  fi  je  vous  parle  avec  tant 
de  liberté  ,  mais  je  vous  trahirois  ,  &moi 
auffi  ,  fi  je  vous  déguifois  mes  véritables  feo- 
timents.  Je  prie  Dieu  de  tout  mon' cœur  de  ■ 
vous  bénir  par  fa  grâce ,  &  de  vous  rappel- 
1er des tenètffes  à  ù.  véritable  lumière.  „  Et  la , 
»,laMonfieur,  dît  il.  fijepéchc,cen'erï  pas 
»pv  ienorance  ;  j'ai  deux  bons  yenx  >  Dieu 
„merci,  &  ;e  fcai  menCatccime  ,  comme 
,1  men  Paternofler  :  mais  c'tft  ce  diable  d'ai- 
,,guillon  delachair,  qui  regimbe,  commedit 
t>  le  grand  St.  Paul  ,  &  fans  les  Fumelies  j'é- 
„rois  étai  nu  des  grands  Saints  du  Paradis.  Le 
ijVice  3  prins  nature  en  mouai,  âciltautqne 
„  j'aille  à  Ville-Dieu  pour  me  faire  retondre. 
Ah  !  mon  cher  Monfieur  ,  crt«eï-moi  ,  re- 
pris-je  ,  vous  ne  trouverei  jamais  un  meil- 
leur creulèt  que  la  Baflille.-  Sans-Alchimie^ 
un  coeur  qui  entre  tout  d'airain  ,  de  fer,  & 
de  plomb  dans  cette  founiaife  ,  fera  bien-tôt 
chûigé  eu  oi  très  pur ,  fi  il  veut  le  plonger 
dans  les  eaux  de  la  grâce ,  &  l'embrafer  du 
■feu  d'une  ardente  charité:  Il  n.'a  qu'àpleurer 
&  prier:  Dieu  ne  tardera  pas  à  l'exaucer,  &à 
lui  faire  fentir  les  effets  de  fa  toute  puilfance. 

Ru  vint  aporter  nôtre  foupé  ,    qui  inter  • 

rompit  nôtre  morale,  dont  l'Abbé  ne  fut  pas. 

Qché,    „  Avouez  mpuai  le  fait,  dit-il,Monr 

„  ficur 


en  FHifloire  d*  la  Baftille.  177 

-).  fieut ,  nos  avons  tous  deux  aHez  patlaî 
„  pour  faire  une  paufc  ;  &  l'eiitraâe  que 
^  nos  allons  laite,  eft  un  bon  veiiicuie  à  la 
„  contrition  :  car  j'ai  tourjours  oui  dire  aux 
„  plus  anciens  de  ma  ParouaiOe ,  que  ventre 
„  atfamai  n'a  point  d'oreilles.  Mettons  nos 
„  à  table,  &  après  je  prirons  Dieu  de  nos  par- 
„  donnai  nos  tantes  ;  &  puis  vivat. 

ïl  ne  fejourna  pas  longtemps  avec  oous 
Cins  nous  donner  des  preuves  inteillibles,  que 
l'on  nous  avoit  dornié  pour  compagnon  un 
des  pius  méchants  Hommes  qui  fût  fous  le 
Ciel.  Tout  groflier,  fou,  &  brutal  qu'il  é- 
toit,  cVtoît  un  t'ourBc  très  pernicieux  :  il  a- 
voit  des  fîueûes  diaboliques.  M-  Lînck  ne  le 
pouvoir  plus  fuporter.  li  u'v  avoit  point  de 
lottes  de  rufes  qu'il  ne  pratiquât  pour  nous  " 
btouiller  M.Linck&moi.  11  me  liroitàpart 
quand  .M.  Linck  étoii  occupé  à  la  prière  ou 
à  l'étude,  pour  me  faire  un  fous  raportdelui, 
&fafoit  le  femblable  contre  moi  auprès  de  M. 
Linck ,  quand  il  en  trouvoit  l'occafion. 
Voiant  qu'il  n'y  pouvoit  rcuffir  ,  i4  inventa 
tous  les  artifices  que  fa  malice  pouvoit  lui 
^g^erer  pour  nous  cbagrincr.  Qaand  il  nous 
voioit  occupez  à  écrire,  il  fe  mettoit  à  chan- 
ter ou  à  faire  quelque  lingerie  grofiiére.  Il 
s'avifa  de  contrefaire  le  malade,  pourïc&ire 
donner  des  Médecines,  Ce  fut  le  commence- 
ment ouué  de  fa  folie  déclarée.  Il  fe  mettoit 
à  genoux  devant  nous ,  pour  nous  prier  de 
demander  iM.Liiiclt  &  moi  chacun  une  Mé- 
decine ,  il  en  demandoit  auâl  une  ,  &  pre- 
noit  malgré  nous  toutes  les  trois  dans  un  m£- 
me  matin,  S'U  avoit  été  moio&  robuUc,  il  fe 
M  7  fe- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


378  i,'ÎKfM^iiMt  froKfelfr 

feroit  iadabitai^lemcnt  fait  cecvct.  Un  jour 
il  en  prie  en  R  gsaads  qiuutlté  ,  &  qui  mal- 
heureufeoieot  ctoidn  tlvioleatei,  que  jecm 
qu'il  ea  mourott^  parlescfËortseitraordina»- 
res  qu'il  fit  &  par  haut ,  &  par  bas.  Gepea- 
daat ,  fclon  Lui ,  jamâiï.  fa  Médecine  n'avoir 
bien  opéré  :  il  fe  pl^iignoit  de  a'avoit  Ëur  que 
cinq  ou  fis  pauvre»  petites,  fellcs.  Tantôr  it 
s'en  preaoit  à  une  LcÉiucelàiteavectropd'a- 
plicatioa  ;  tatU-àc  àuneplume  qu'il  avoit  tran- 
chée ,  ce  qui  lui  avoit  éch«iffî  le  fang  ;  tan- 
ti6c  à  ne  s'êtnepas  aïïes  coaveR,  Se  toujours 
à  n'avoir  pas  pris  aiiJËs  de  Médecine,  ce  qui 
lui  faifoit  redpublci  la  Sole,  lue  péril  où  il 
k'é  toit  trouvé  par  l'excès  des  Médecines,  ne 
le  reildojt  pa&  pius  circonlped.  Quand  il  a- 
voJt  pris  uns  quaudté  prodigicu&de  drogues, 
fiir  tout  a  écail  li>it  déclaré  pour  les  Apofé- 
msi-  je  lui  su  ai  v^boireju^seEàdeusbou- 
tfiillei^  de  piflte  cbacuoe  pow  un  matin  ;  il  fe 
CQUvrait  de  toutes  noï couvwtuces-,  &{e{a.î- 
IJû'a-  £uer  d'une  manière  pDodi^ieufe.  Il  prenoit, 
pour  iâi..e  év,ai:usr  tous  ces  nemédcs ,.  tout  le 
boiiiUon  qui  uous  étoit  aponté  pour  tous  tes 
tKois,:  outre  lequel ,  îl  ^foit  boiiijlir  toute, 
la,  viande  qiû  nous,  refloit ,  &  qu-'il  avoit  a- 
malISe  queli^e  (oh  d'une  l«inaifis ,  dont  il 
fiti&ic  encore  d-'autre  bouillon. ,  qu'il  enton^- 
aoit  dans  fon  corps^par  dei&i»  l'ature.  Je  lui 
eu  ai  va  Le  venOie  fi  plein  ,  qu'il  étoit  gros 
comme  un.  tambouc  ;,  &  Mr.  Linck  regardoic 
comme  un  prodige  de  ne  le  pas  voir  crever.. 
Ge  a'ell  pas  l'unique  fou  à. qui  j'ai  vu' faire, 
ees  méiiiËS  extravagances,  comme  on  le  ver- 
ra d^us  Uliiitte  de  cette  Hiftoiie.  Nous-noos. 
trouï 


»M  riiifioire  dt  U  BaflilU.  z  7» 

taOïWÏmjïs  fi  htigaez  de  fes  folies  ,   de  Ces 
pnVKears,  de  &s  impettioenees  ,    &  de  fes 
OiâUc«s ,  que  iioits-  fîmes  tout  ce  que  nous 
pûmes  auprès  des  Officiers  poBr  nous  deli- 
vier  de  ce  mauves  Prêtre.   Mr.  Linck  offrit 
ju^ju'à.  dix  Louis  d'or  à  Ru  ,    pour  le  f^re 
Qjettte  ailleius  ;  mats  vainement.     Il  y  a  de 
l*apar£nce  qu'ils  s'oppiniawoient  à  le  laiffer 
4vecoous  ,daDs.l'erperance  de  bous  fàkepci- 
dte  l'elprit  aul£  biea  qu'à  lui ,  pournous  gar- 
der tous  tes  trois  diuis  leur  maudite  caverne, 
juCju'à  la  fin  da  nos  jours.     Sorcl  écrivoit 
ij'«s  fouventdes  billets  aus  Officiers  >  qui  £• 
toient  bien  aifes  aparemmeni  de  l'avoir  pour 
leur  elpion  dans  nôtre  Chambre.  C'eft  de  quoi 
nous  eûmes  de  fortes  indices  ;  comme  on  le 
va  voir.     A^ant  aprîs   <5ue  nous  avions  fait 
un  trou  dans  nôtre  cheminée  1  pour  parlée 
auï  Prilpaoîcrs.qui  étoient  au  deffous  de  nous, 
il  ne  nous  porta  point  de  repos ,   qn'il  n'eût 
'    couvert,  mai%té  nous  ce  metne  trou.  II  s'ef^ 
forçoit  de  nous  perfuader  qu'il  les  feroit  par- 
1er,  ce'qa?ilsnemanqueto(ent  pas  da  &ire , 
quaftd  ils.i^auroisni  qu'il  étoit  Prêtre ,  puif^ 
qu'ils  auroient  du  refpod  pour-fon  caraaére  : 
Ù  avoiï  fct  vues  malignes.    Sou  deflèin  exe-    ■ 
mité  ,  U  eut  beau  iè  nommer ,  les  prier,  les 
conjurer,  les  alfurer  qu'il  avoitdescho(èsde 
ladérniàre  conrequence  à  leur  dire;  il  ne  put 
jamais,  eoitirecv  un  feul  mot.   Il  laiilâ  le  trou. 
Qttvatt ,  aparemment  par  malice  ,  fans  vou- 
loir me  pecniettre  de  le  reboucher.  Il  écrivit 
uiLbiliet  à  fon  ordinaire,  qu'il  donna  le  loir  à: 
Sai.  Bès  le  lendemain  au  matin ,  à  la  potntS' 
dû;  jour.,  le  Ma]oc  uft  maofiua  pas  de  venir 
dans 


.--„Googlc 


»8o  UlHjmfiùoH  FramfoSfe 

dans  nôtre  Chambre,  &  d'aller  droit  au  trou 
delà  Chcmiuéc,  tju'il  trouva  tout  oavct,  & 
Cnfuite  à  une  autre  niche ,  où  ce  bon  Prétie 
avoit  caché  uafetrement)  quelehazaidnou» 
avoir  tait  trouver,  &  dont  il  avoir  ouvert  le 
uou.  Grand  brait  de  la  part  du  Major,  dont 
le  Curé  paroiiToit  toutjoïeuxi  &rioitdetout 
ion  cœur,  croiant.qu'il  nous  alloît  voirtrai- 
oer  dans  leCachot.  CequevoïantMr. Linck- 
toutindignéjilditauMajor  :  n'cft  ilpasvraî, 
Monlieur,  que  l'av.is  vous  en  aéré  donnédc 
nôtre  Chambre?  ehbienjevousjure  foi  d'hon- 
nête Homme ,  que  le  trou  a  été  ouvert  par- 
le mcme  qui  vous  en  a  averti.  Sur  quoi , 
mon  fidelk  Paliçur  ne  put  s'empêcher  de  fe 
découvrir.  „EndiraiitfouaidePrdtre,com- 
„mej'ai  lamainfurçu  Bréviaire,  celan'eft- 
„  pas  vrai  ;  le  trou  ttoit  feit  avant  que  j'eutril". 
„  le  dans  la  Chambre.  Oui  fourbe  impudent , 
reprit  Mr.  Linck ,  3e  trou  étoit  fait ,  &  c'é- 
toit  moi  qui  l'avois  fait,  làns  en  fçavoir  les; 
confequences  ;  mais  n'en  aiant  fait  aucun  u- 
fï^e  ,  puifque  ces  Meâleuis  qui  font  là  bas 
ne  nous  ont  pas  voulu  parler,  je  l'avois par- 
faittemcntbien  refermé  :  mais  tuer  vou-sl'ou- 
vritcs,  malgré  nous,  difantquevouslesfor- 
cericï  à  nous  parler  ,  par  vôtre  mérite  pei' 
fonncl.  Ils  ne  vous  ont  pas  voulu  repondre; 
&  vous  n'avei  jamais  voulupeimettreàMr.' 
CoDllantin  de  reboucher  le  trou ,  fous  om- 
bre qu'à  la  fin  vous  les  feriez  parler  ,  mais 
gour  en  donner  avis  à  Mr.  le  Major,  par  le- 
billet  que  vous  donnâtes  hier  aufoir  à  Ru. 
ïvlonfieur,  cominua-t-il ,  envoies  moi  au  Ca- 
^ox, ,  j*y  coulems  ,  j'y  feru..ceat  fois  plus' 
côn-- 


.--„Googlc 


»»  PHiftoire  de  U  BaJîilU.  iBi 

content  qu'avec  ce  méchant  Prêtre.  Le  Curi 
fkiibit  des  ferments  exécrables ,  pour  protef- 
tcr  ,  qu'il  n'écoît  rfen  de  tout  ce  dont  on  l'ac- 
cufoit.  Le  M^jor,  moins  yvre  qu'à  Ton  or- 
dinaire ,  vint  a  mon  lit ,  oùj'étois  encore 
tranquillement  couché ,  (ans  avoir  ouvert  la 
bouciie,  me  demander  gravement  lavérîté  du 
fait,  pendant  que  Ru  rioit  de  toutfoncœur. 
Je  ^li  dis  :  iVIonfieur ,  fi  vous  connoifîiei  bien 
Mr.  Linck,  vous  rougirîeî,  fans  doute,  de 
douter  un  feul  moment  de  ce  qu'il  vous  dit  : 
&  je  fuis  très  certain  qu'il  ejl  incapable  d'un 
menfonge  prémédité.  Le  bon  Cnré  fe  prit  à 
pleurer,  difant  que  nous  lui  fuppofions  ce 
crime,  pour  le  chafler  de  la  Chambre.  Non, 
Monfieur  le  Major,  repris  je,  je  vous  con- 
jure de  l'y  lailTcr,  mais  feul,  Àdenous con- 
duire Mr.  Linck  &  moi  dans  un  Cachot,  où 
nous  nous  eftimerons  plus  heureux  qu'avec 
Mr.  l'Abbé.  Mr.  Sorel ,  lui  dit  le  Major, 
tranqurlifcz  vous,  &  fi  vous  me  faîtes  remon- 
ter ici  une  autre-fois,  comptez  que  ce  fera 
pour  vous  conduire  dans  un  lieu,  où  vous 
aurei  tout  le  temps  de  vous  repentir.  Le  Ma- 
jor alioit  fortir  ,  lorfque  prenant  prompte^ 
ment  ma  Robe  de-Chambre  ,  je  courus  à  lui 
pour  le  conjurer  d'exécuter  nos  demandes  ; 
poUc  l'attendrir  &  le  forcer  à  ne  pas  nous  re- 
fufcr,  pendant  que  Mp.  Linck  l'arrétoit,  je 
courus  à  une  bouteille  d'excellent  Ratafia, 
dont  je  lui  verfaî  pluiicurs  rafades.  Il  ne  put 
tenir  contre,  non  plus  que  Ru.  lis  nous  ju- 
rèrent tous  les  deux  ,  qu'ils  perdroicnt  leur 
nom ,  ou  qu'ils  porteroicm  le  Gouver^ 
neur  à  nous  tendre  tous  trois  fatistaits,  avant 


la  fin  du  jour  :  mais  c'efl  à  quoi  ils  ne  penfe- 
reot  plus ,  quand  ils  virent  ta  bouteille  bou- 
chée ,  &  qu'ils  eurent  referme  la  Porte.  Le 
Curé  ât  des  fennents  eiecEabks ,  pour  nous 
affirmer  Ton  innocence  ,  &  nous  perfuader 
que  nous  le  foubçonnions  à  tort  ;  ce  qui  re- 
doublait nôtre  indignation  &  nôtre  mépris. 

Souvent  aprèV  nous  avoir  dit  millcinjures, 
&  nous  avoir  fait  cent  outrages ,  il  fe  jettoità 
genoux  &  nous  demandoit  pardon,  &aQiAo- 
ment  après  recommeuçoii  fur  nouveaux  frais. 
Il  avoit  l'infolence  de  reprocher  à  Mr.  Linck, 
qu'il  étoit  IcFilsdMnApotiucaire,  quoiqu'il 
fcût,  qu'outre  qu'il  écoit  Doâeur  en  Méde- 
cine ,  il  éioit  puiflamment  riche ,  conune  le 
font  la  plupart  des  Apothicaires  d'Allemagne. 
Oui ,  lui  difoit  Mr.  Linck  ,  je  fuis  le  Fils 
d'un  Apothicaire,  &  j'en  &is  gloire;  mais  d'un 
Apothicaire  qui  a  dii  Garçons  dans  fa  Bou- 
tique ,  dont  le  moindre  ne  voudrot  pas  s'a- 
baîÉTer  à  faire  comparaifon  avec  un  mifera- 
blc,  comme  vous.  Qui  étçs  vous?  un  pauvre 
Paifan  ,  qui  a  gagné  une  CiKç  à  foiieter  des 
Enfeiits.  &  faire  peut-être  encore  pis,  &quî 
l'a  perdue  en  corrompant  fcs  uialheureufes 
Brebis,  &  en  méritant  le  feu.  Ce  bon  Prêtre 
me  failbit  rire  ,  quand  il  proteftoit  du  plus 
grand  ferieux,  que  bien  loin  d'être  Paifan,  il 
étoit  Fils  d'un  bon  Bourgeois  de  Village  , 
qui  ne  païoit  la  taille  que  pour  foJi  divenif- 
■  èmcnt  ;  que  fon  Frcrc  ctdf  Fermier  d'un 
Prince  de  l'Eglife  ;  &  que  pour  lui  »  s'il  a- 
voir  mieux  pris  fes  mefutes  ,  il  avoit  lepié  à 
l'Etrié  pour  être  Princedel'Eglifeàfontour, 
Quel  grand  miracle!  difoit-il,  „  Siste  V.  qui 
n'é- 


^...Cooylc 


„ n'étoîtqii'uR  Gardem  de  Cochons, parvînt 
„  Wen  il  n'y  a  pas  long  temps  à  eicre  Pape  :  je 
„Be  ibis  pas  dcfibasalooaique  lij  je  mis  dé 
„  chair  &  d'os  coût  comme  lî  ;  &  je  n'ai  pas 
'  „motfis  de  talents  que  II,  pour  parvenir  à  ctt- 
„  te  Dignitaî  ;  ce  qui  me  faifoit  fouvett'r  de 
Balfâc,  qui  dit  dans  une  de  Tes  Lettres,  qu'il 
n'y  a  fi  petit  Preftolet  de  Village,  quinePa- 
pai-je. 

Ses  manières  &  (àbétifc,  qui  nous  avoient 
divsrti  dans  les  premiers  jours  ,  nous  devin- 
rent infaportables  dans  la  fiiite  ,  par  les  cir- 
conftanees  fScheufes  qui  en  étoicnt  infepara- 
bles.  Cent  fois  Mr.  Linck  auroit ufê de maia 
nùre,  pour  châtier  fesinfolences,  fi  je  ne  t'en 
avois  pas  empêché,  en  ïe  priant  de  tempori- 
fer;  ï\  foutenoît  tes  chofes  du  Monde  tes  plus 
ridicules  avec  des  eniîtemens  &  des  hauteurs 
înfuportables,  &  choit  les  plus  &jneux  Au- 
teurs pour  apuicr  fes  Abfijrditez.  Par  exem- 
ple il  maintenoit  que  St.  Jean  Batifte  ayoic. 
été  prcfervd  de  la  tache drigînelle,  QuePha- 
raon  avolt  abufé  de  la  Femme  d'Abraham. 
Que  Jacques  Premier  Roi  d'Angleterre  étoii  " 
Frère  de  Jacques  Second.  Qii'un  Frippier ,  ' 
dans  la  pureté  de  la  Langue-Francoife,  s'ap- 
peltoit  un  Chîncherre  ;  qu'il  l'avoit  lu  dans 
les  Diéiionnairesde  VaugelaSjdeMorerî,  & 
de  Furetiére.  Je  lui  paffois  tout  ;  ce  qui  ic 
faifoit  entrer  dans  des  fougues  terribles;  car 
fouvent  il  ne  difoît  des  pauvretcz  que  pour  ' 
me  donner  matière  de  le  reprendre  ;  ot  ne  ■ 
mê  contredifoit  que  pour  avoir  le  plaifird'eu- 
trcr  en  difpnte. 

Dans  le  temps  dçs  Rogations,  qu'i(  voioit 
ftf- 

■u,:,-,zf:--„GoOglc 


i84  L*Iiifmlfifiom  Frauftifi 

affloer  1  Paiis  toatcs  Ict  Proccfliont  des  Vîl- 
J^cs  drcoQVOtlÎDS  de  cette  t^iande  Ville  ;  il 
CDttoit  dans  des  cstafcs  qui  leraviflbîent  of- 
qu'au  troi&^me  Ciel.  Rien  à  Ton  gré  n'étoit 
plus  majeilueux  qu'un  Curé  rcvétud'ua  Sut- 
plist  avec  une  étolc  aucon,  un  bonnet  carié 
en  tétc  ^  précédé  de  trois  ou  quatre  autres 
Prftres ,  £c  de  quelques  Enfants  de  Chœur , 
armez  de  Chandeliers  d*argent ,'  dont  la  pe- 
fautcur  les  faifoit  fuer  à  grofTes  goûtes  ;  en- 
tre  deux  dcfquels  étoit  une  jeuneFilIct  pt^r- 
tant  un  Cierge  prefqu'aufil  gros  qu'elle,  tdut 
garni  de  rubans  de  toutes  couleurs  ;  le  tcwt 
précédé  de  trois  Paifans  revêtus  de  furplis  par 
delTus  leurs  houpelandts  de  revéche,  dont  l'un 
portoii  laCtoiï,  l'autre laBanniére, 'ATau- 
Ire  deux  petites  cloches .  qu'il  accordoît  au 
charivari  du  gros  du  corps  ,  devant  lequel 
courroient  de  jeunes  Enfants.  Après  !e  Curé 
marchoimi  les  hommes  têtes  niies  ,  &  en- 
fuite  les  Femmes  ;   &  toute  la  marche  étoit 

■  fermée  d'une  Calvacadc  d'Afnes  &  de  Boq- 
riqueï,  furlcfquels  éioient  montei  des  Vieil- 
lards, des  Matrones,  &  les  moins  difposdu 

■  Village  :  tous  fouvcnt  crotei  jufqu'àréchine 
hurlorent  les  Litanies  des  Saints  a  fefme  en- 
tendre d'une  lieiie.  Il  nous  failbic  tout  quit- 
ter pour  venir  admirer  avec  lui  cette  Pompe 
ruilique  ,  &  iicus  en  foire  remarquer  toutes 
les  béautci.  Maisilnefepoiredoitplus,quand 
il  voioit  aller  la  Proceflîon  de  St.  Paul  dans 
le  Fauxbourjj.  „  Venez  vouais  Mr.  Linck,s'é- 
„  crioit-îl ,  vos  qui  cites  Etranger ,  lapu  bel- 
,,  Icchofequi  foit  au  Monde,  &  faifoit  des 
geftes ,  &  tomboît  dans  des  canvullioos,  qui 
ne  fe  peuvent  bien  décrire.  Ve- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


M  rmpire  Je  la  BaJiilU.  *8j 

,  Vonaiïez,  vouaiïez  la  belle  Banitfrc,  quid'or- 
dinaiie  marchoit  un  quart  d'heure  devant  la 
Proceilîon  ,  portée  par  deux  Hommes ,  pré- 
cédée &  fuivie d'une  multitude  prodigieuledc 
Canaille  detoiicesefpéces.  qui  crioient  de  tou- 
te leur  tête,  comme  de»  Bacchantes.  i,;Vouai- 
ifiezlabien  cette  Bannière  i  elleelttouted'or: 
jtjefçai  qu'elle  a  coûtai  pu  de  trente  mille  é- 
„cus:  laConverfiondeSt.  Paul  y  eft  brodée 
„  defl\ïs  ;  vouaîïei,  nediroit  on  pas  que  vêla  feu 
„  Cheval  qui  s'échappe?  Unjour,  parparen- 
théfe,  le  vent  donna  dans  laBanniJre,  avec 
tant    de  violence  qu'il  la  renvcrfa  par  terre, 
auSi-bien  que  les  deux  Hommes  qui  la  por- 
toient ,  l'un  desquels  Ru  nous  aflura  en  avoir 
été  eltropié  pour  le  relte  de  fesjours.  „Vou- 
„  aiïez ,  coniinuoit  nôtre  Adorateur ,  laCroiz 
„quieft  toute  d'or maflif,  &  les  Chandeliers 
„tous  dorei.  Contemplez  le  bel  ordre  de  ces 
jiPrcitres  qui  marchent  deux  âdcux.  Quelle 
^,longue  File!  ily  apeut-eitre,  parmi  cusle 
jjFilsdequéquePrjucedu  fang;  tourjoutsje 
,)  fuis  bien  perfuadai  ,  qu'il  y  a  au  moins  des 
t,Filsde  Ducs  &Pairs  &  des  Maréchaux  de 
I,  France,  qui  tremblenlt  devant  le  Curai  ;  & 
„qui  n'oferoient  avoir  CouÉflai devant  li.  VOQ- 
,t  aiïcx  lai  bien  çu  Curai  ;  il  adc  la  denterel- 
„le  de  pu  de  deux  pieds  de  hauteur  à  fcn  futi- 
„  plis:  vouaitez  feu  Chaperon  de  Doâeur  qu'il 
,,portefufonép3vIc:  quelle  gravitai!  Dame, 
,1  Dame  çu  Curai  li  ne  lé  troquerolt  pas  coa- 
-  i,tre  un  Évéque  !  fa  Cure  li  vaut  pu  de  qua- 
,,rantemillivrcsderente  :  il  «tout  affermai* 
-»,&  n'a  retenu  que  la  petite  oye  po'r  Tes  mp* 
„  BUS  plftilîrs.  A  tout  cela  Mr.  Lincfc  ne  ré» 
pon- 

o,:,-,.-„Go0.îlc  ■ 


igiî  VhfKifitiom  Frmçtife 

•  pondoit  quepu  des  éclats  de  lire;  ftca  tour- 
liant  en  ridicule  ce  qui  failbit  le  ravfHëment 
de  mon  Prêtre  ;  dont  il  eotroit  dans  des  foa- 
gucs  li  turieufcs,  qu'on  eût  dit  qu'il  étoîta- 
giti^  .d'un  muliii  elprit. 

Tous  ic^  jours  il  me  faifoit  la  grâce  de 
dire  que  j'avols  mérité  d'être bruIé  vif;  que 
tout  ce  qu'il  avoit  fait,  en  compHraifoD  de 
moi ,  ce  nVtoit  que  des  bagatelles  ;  parce 
giïc ,  {Tour  lui  tenir  la  prumetTé  que  je  lui  a. 
vois  feitte  de  lui  conter  mts  Avantures,  a- 
prèt  qu'il  m'auroit  bit  un  détail  des  fîen- 
lies ,  je  lui  avois  fait  part  de  quelques  tours 
d'Elpiégle  que  j'avois  laits  ,  lOrfque  j'élois 
Ecolier. 

Je  lui  avois  raconté  qu'un  jour ,  pont  fai- 
'repefter  le  Pretet  du  Colléged«s  Jdbitesd« 
Cacn  ,  le  P.  Gauiruche-,'  le  plus  emporté  , 
quoiqu'un  des  plus  fçavants  de  l'Ordre;  j'a- 
vois attaché  ï  la  porte  de  Ta  Prcftâure  ,  où 
ce  bon  Vieillard  étoitenarmé,  l'Ane  qui  a- 
voit  apporté  ks  Provîfions  du  Gonvent ,  de 
leurTcrredel'Etiifey  ,  Maifon  deCampagne 
qu'ils  ont  à  une  lieiie  de  Gàën  ,  &  que  l'on 
avoitlaiflé  pêître  dans  la  Cour  du  Collège, 
fon  bail  fur  le  dos^  après  l'avoir  déchargé  de 
fts  panniers.  J'avois  lié  l'Animal  aux  oreil- 
les proiiïes  de  fi  près  à  la  porte  ,  qui  s'ou- 
vroic  en  dedans  ,  que  c'étoit  une  chofe  \m* 
poffibicau  Bon-HMIitne  cc  (brtir,  fans  faire 
entrer  le  Doèteur  BSté.  J'attendoîs  dans  la 
Cour,  avec  d'antres  Efearbiilardsdêmatréni- 
pc,  quelle  ftroit  ta  caiaftropbe  de  cette  Sc<î- 
ne,  lorfque  l'on  vînt  i  fotiner  la  cloche  qui 
«ppelloil  te  PreCrt  au  Refcétoir.  Le  Père 
•  tiroic 


.--„Googlc 


.C<x,8lc 


.--„Googlc 


ou  PHiftoirt  Je  la  BaftHh.  »8  7 
tirolt  tout  de  fa  force- en  dedans ,  &  la  Bé» 
indocile  en  dehors.     Le  Bon -Homme  crut 

?tie  cVtoii  qnelqu'Ecolier ,  qui  par  malice 
'empêchoît  d'ouvrir  fa  Porte  ;  &  comme  it 
partoit  toujours  Latin,  même  aux  Femmes, 
il  fe  prit  à  crïef  â  voix  enjouée,  jlperi  Januam 
InfoUns:  quare  PricfeiîiimiuitmretrudiSf  duM 
cam^Anitjanat  J  Verfor  accerfe  CorreSoTtmy 
Ht  pœnas  det  pro  merilis  Petutans  ijit.  A  ce- 
la le  pauvre  Martin  ne  répondoit  pas  un  f^ul 
fnot.  Enfin  après  que  les  deux  Doâeors  eu- 
rent tiré  de  part  &  d'autïe,  «a  charitable  E- 
colicr,  ému  decompaffionde  voir  tantfouf- 
frir  le  forain  ,  pouilà  l'Ane  qui  entra  dans . 
la  Prefeautc.  Il  feroir  bien  diaScile  de  dé- 
crire la  colère  du  R,  Pcre.  Il  s'en  prcnoiti 
la  pauvre  Bâte  ,  comme  fi  elle  eu  ctlt  dté  la 
cauïè,  &  lui  vomîfToit  cent  injures  en  Lat^, 
qu'elle  fuportoit  patiemment)  li  fallut  faire 
ujrtir  le  Baudet  de  laPrefeâure,  quiitialgré 
.  toute  la  fcience  de  fon  Antagonifte  ,  ne  s'y 
ttouvoit  pas  trop  bien ,  &  qui  auroit  prérëré 
iin  chardon,  à  tous  les  volumes  dont  elle  é-  . 
toit  remplie.  Mais  par  fimpliciti;  j'avois  &it 
tant  de  nœuds  au  licou  ,  qu'il  étoit  impoffi- 
blc  au  R.  Père  de  les  dénouer.  Enfin  per- 
dant patience,  il  iîit  prendre  un  gaiiif  fur  fa 
table  ,  qui  coupa  le  nœud  gordien  ,  &  ren* 
Toia  la  pauvre  Bfte  brouter  fon  herbe,  pen- 
dant que  !e  billieux  Préfet  couroit  après  nous  -, 
irrité  de  nous  entendre  rire  à  gorge  dcploVée, 
&  fe  doutant  ■  bien  que  quelqu'un  de  nous 
étoit  caufe  qu'il  mangeroit  fa  foupe  froide. 

La  chofe  du  Monde  qui  faifoit  le  plus'de 
peine  à  ce  R.  Peie ,  c'étoit  d'entsudre  flffler: 


l88  L* InquiJitioH  Framçoife 

an  coup  ^e  {ifilet  le  fairoit  entrer  dans  des 
fougues  terribles.  Comme  ii  étoit  des  iati- 
Dics  Amis  demonPere,  &  qu'il  venoïc  fou- 
veuc  chez  nous  ,  il  nous  en  avoit  dit  la  rai- 
fon,  qui  étoit,  qu'il  avoit  une  dent  creufe, 
dans  laquelle  ii-lui  fembloit  que  l'éclat  da 
fifflct  enttoit  avec  tant  de  violence,  qu'il  lui 
perçoit  la  tête.  J'apoilai  trois  Enfants  de 
mon  âge,  auili  modclies  que  je  l'éiois,  mu- 
nis auflî  bien  que  moi  d'un  lifflet  bien  per- 
çant, &  nous  nous  mimes  aus  quatre  coins 
de  la  grande  Cour  du  Collège.  D'abord  que 
le  Pretct  vint  à  paroître  ,  le  plus  éloigné  fe 
prit  à  (iiflcr  de  toute  fa  force,  &  monR.Pe- 
"re  à  courir  de  toute  la  fîenne  du  côté  où  il 
avoit  entendu  le  fifllct.  Avant  qu'ilfût  arri- 
vé au  bui,  celui  qui  écoit  à  un  des  coins op- 
pofei ,  donna  un  autre  coup  de  fiftlet,  &  le 
Pi-efct  rétrogradant  s'emprellkd'y  voler.  Le 
troiticme  lui  fit  perdre  la  voie;  lequatriéme 
tout  de  même.  Enfin  après  l'avoir  bienfait 
courir  en  vain  aux  quatre  coins  de  la  Cour, 
en  ciiant  qu'il  donncroit  une  lirait  ad  om- 
»tm  immuaitatem ,  à  quiconque  arréteroit  l'In- 
folent,  charitablement  le  plas  confciencieus 
des  quatre  ,  failît  le  premier  Gourdin  qu'il 
rencontra  ,  &  le  livra  au  Père  furieux  ,  qui 
malgré  les  proteflatîons  de  fon  innocence, 
l'entraîna  dans  fa  Prefeélure  ,  où  il  le  fit 
fultiger  de  la  bpnnc  manière  ,  pour  avoir  eu 
la  téraéritÈ  de  lîtilcr  ,  jufqu'à  '  ce  qu'il  eût 
avoué  fon  crime  ;  autrement  fon  derrière. 
n'en  auroit  pas  encore  été  quitte  à  fi  boa 
marché. 
Comme  j'allois  fouvent  dans  fa  Préfectu- 
re, 

..Xooyic 


eu  HHiJlotre  Jt  h  Safiille.  iS^ 

re  f  oà-H  le  plaîfoit  à  me  faire  repeter  mes 
ampliâtations  ,  ou  mes  Vers  ;  je  m'aperça^ 
qu'avant  qpc  d'en  fortir  ,  pour  aller  doaner 
les  ordres  dans  les  ClaJIès  ,  comme  il  avoit 
la  viâe  très  baffe,  il  fc  frotoit  les  yeux  d'une 
caxi,  que,  pour  cet  efret>  il  conlèrvoit  dans 
une  bouteille  de  verre  double.  Un  matin, 
qu'il  en  Était  foni  pour  quelques  affaires , 
éi  qu'il  m'av oit  enjoint  de  l'y  attendre,  pour 
n'yf^s  relier  inutrlemem,  je  m'avi;ài  devuî- 
der  la  bouteille  où  ilmettoit  Ton  eau  pour  les 
yeux .  &  je  la  remplis  d'encre  ,  d'une  groflè 
bouteiilc  qui  en  étoit  pleine  ,  en  i^n  coin  de 
la  Prefeaure.  Il  revint  après  :  je  lui  leu 
mon  théine;  il  me  carelfa  ,  &  je  pris  congé 
de  lui.  Mais  ce  fut  pour  l'aller  guétcr  à  la 
fortie  de  la  Prefeâure  ;  d'où  ,  un  moment 
après  je  le  vis  fonir  barbouillé  ,  comme  un 
Arlequin.  Javois  bien  de  la  peine  i  m'cm- 
p^cher  d'éclater,  je  le  fuivis  jufqu'à  la  por- 
te de  la  première  Clafle  ,  où  d'abord  qu'il 
fut  cntté,  l'on  entendit  une  huée  terrible;  ce 
ii'étoient  qu'éclats.  Le  Régent  lui  même  ne 
pouvoir  s'eiTipêcherde  rire ,  &  encoremoins 
en  empCcher  fes  Ecoliers.  Le  Préfet  n'étoit 
Ruere  en  état  d'impofer  du  refpeCt  :  il  voulut 
s'informer  de  la  caufe  de  leur  infolence.  Le 
Régent  eut  bien  de  la  peine  à  reprendre  fon 
fencux,  pour  luidirequ'ilétoittoutbarbouil- 
ié  d'encre.  Le  Bon-Homme  fortit  pour  al- 
ler tè  demafquer.  Aparemment  qu'il  s'en  prit 
à  quelqu'un  des  R.  P.  de  la  Société  ,  car  il 
ne  m'en  dit  rien  :  aufii  il  me  connoiïToit  trop 
(impie  pour  me  foubçonner  de  lui  avoir  vou- 
lu ^ire  une  telle  lingerie. 

N  Voi- 


.-iCooglc 


ajro  l'inqmjititm  frémfoife 

Voici  daix  autres  touri  qui  parottront  pins 
cntsmels  aux  Imaginaires  ,  mais  qui  dânt  ' 
le  fond  ne  font  quedes  bagatelles.  Il  y  ar 
voit  na  grand  Tidileau  dans  la  Chapelle  dei' 
Jefbites  de  Caën,  dans  lequel  ccsReTereodr 
Pères  avoientfâîtpeindreleursdeux  ApAttCt, 
celui  d'Ef|>]^e,  &  celui  des  Indes  ;  le  N(»t 
de  Jefus  au  milieu  des  deux  ,  d'où  fOTCoiea 
des  flRaKs ,  qui  paroiûbtent  pénétrer  ces  Pa- 
triarches. Au  ddlôus  d'Ignace  étoiz  écrit  en 
gros  caraâéies  d'or,  /fmpiiui  Dmtine  !  àm~ 
fiitts:  &  au  doUbus  de  Xavier,  en  pareils  ca- 
raâéres.  Satis  eft  Domine  !  fatij  efl'  Pour 
.abaîflcr  un  peu  l'orgueil  naturel  de  ces  Révé- 
rends Pères ,  dont  rambilion  demeflirée  com- 
mençoit  â  &re  odicufe  à  la  Ville;  par  le  cré- 
dit defqueh  Mr.  Cally  Reâeur  de  l'Univcr- 
Ifté  &  Curé  de  St.  Martin  de  Caen;  Mr.Ma^- 
JtHiin  Cure  de  St.  Etienne  ,  &  leCur^deSt. 
Sauveur  de laméme Ville avoient  été  envoiez 
en  exil  ,  pour  n'avoit  pas  voulu  ploïer  fous 
]a  férule  de  cesR.  Impérieux,  qui  les  avoioit 
accufcz  de  JanfeaUnie  ,  je  fis  la  PaCquînade 
que  l'on  va  voir.-  Comme  je  fçavois  afl« 
bien  dcffigner,  un  après  midi  qu  il  n'y  avoit 
peribnne  ,à  l'ordinaire  ,  dans  la  Chapelle» 
je  mis  dans  la  mainduBîeH-tieureux:Loy(H«, 
ime  bouteille,  &  dans  l'autre  un  verre, 
comme  s'il  eût  voulu  prefentcr  ralàde  à  foo 
Compagnon,  &  à  côté  de  fon  Ampiius  Do- 
minei  ampiius.  Je  mis:  Camarade  encore uit 
coup.  El  à  côté  de  fon  Aflôcié  ,  de  la  bon- 
,  the  duquel  je  faifois  fortir  quelque  cfaofe, 
qui  faifoît  croire  qu'il  enavoit  trop  pris  ;  j'é- 
crivis fous  le  Satit  ffl  Domne  '.  fath  eji.    Et 


.--„Googlc 


'.'^  m 


.--„Googlc 


«m  rmjloi're  Jt  la  B«/KKr.  %ff- 

ne  vois  ta  pas  que  je  fuis  li  fou  que  je  crÉve? 
Le  lendemain  au  matin,  ma  Pafquinade  qm 
ne  parut  qu'avec  le  jour ,  fut  viie  de  tous  les 
Ecoliers,  plus  attentifs'millcfoîs  à  en  rire  de 
tout  leur  cœur,  qu'à enteadre la MeûTe qu'on 
leur  dîfoit.  Un  des  Rcgentspïeufcment  vou- 
lut effacer  mon  Ouvrage;  m^slePiefeâl'en 
empêcha,  dîfant  qu'il  falloir  que  la  JuAiceen 
Et  mformer.  Le  biuit  que  les  Ecoliers  en 
répandirent  par  toute  ta  Ville  ,  y  attira  une 
foule  prodigieufe  de  Peuple  ,  dont  la  plus 
grande  partie  fît  bien  voir  la  haine  generalev 
que  l'on  avoit  contre  cette  pernicieufe  Socié- 
té, qui  fit  bien  dubniiti  fkns  pouvoir décoa- 
vtir  l'Auteur  de  leur  chagrin  ;  car  j'avoîs  eu 
la  prudence  de  n'en  faire  conâdeoce  ï  perfoQ* 
ne.    A  l'autre. 

Les  Régents  des  R.  P.  de  la  Société  pour 
prouver  leur  grande  piété  dans  les  matières 
importantes  de  laReligîoa ,  s'ctoient  avilèz  de 
mettre  auprès  du  Bénitier,  qui  étoicàla  por- 
te de  la  Chapelle  ,  des  Contrôleurs  ,  pour 
examiner  ceux  des  Ecoliers,  qui  manqnoienC 
à  refaire  un  grand  fignc  de  croii  fur  le  front, 
avecde  l'eau  bcnite,  en  entrant  dans  l'EgJi- 
fe.  Ces  Cenfeurs  marquoient  in&iltiblemenc 
fur  leur  Csaalogue  ,  ceux  qui  avoîent  (:u  le 
malheur  de  leur  déplaire,  ou  de  s'attirer  leur 
indignation,  quiiiemanquoient  pas  d'en  être 
rîgoureufement  punis ,  fouvent  contre  toute 
juliicc.  Je  fus  du  nombrei  fans  l'avoir  mé^ 
rite.  Pour  m'en  venger  voici  ce  que  je  fis. 
Un  matin  en  Hyver  ,  que  l'on  fait  aller  les 
Ecoliers  à  la  MelTe  à  fis  heures  trois  quart», 
je  fils  vuider  toute  l'eau  qui  étoit  dans  leBe- 
N  t  nîtier 


.-„Goo.jlc 


«>l  'VlnquifilioM  Franfoije 

nicîcr  j  &  après  l'avoir  bien  efluié  avec  on  ' 
linge  ,  je  veriai  dedans  une  groflè  bouteille 
d'encre  double  toute  des  plus  noire.  Iln'étoit 
pas  befoin  d'efpionS  ,  pour  tenir  Regiftre  de 
ceux  (juî  s'étoîcnt  fignex  d'une  croîï';  au  con- 
traire leur  Cataloguefut  témoin  de  leur  in6- 
'delité  ,  puîfqn'îls  y  avoient  couché  ceux  qui 
«ftoient  vifiblement  innoccnis  ;  car  tous  les 
Ecoliers  étoicnt  marquei  comme  des  NjOU- 
tons  de  Berry  :  je  n'avois  eu  garde  de  neme 
'pas  mettre  du  nombre.  AptÈs  la  Mt-ffe,  quand 
'les  Ecoliers  vinrent  dans  les  Clailes,  où  les 
chandelles  éioient  allumées ,  chacurt  rîoii  de 
tout  fon  cœur  de  voit  fou  Compagnon  bar- 
bouillé ,  ne  fcàchant  pas  qu'il  avoit  une  pa- 
reille marque:  maisquandod  eut  connuque 
1,  mal  étoit  rnivctfel  ,  on  fe  douta  bien  de 
la  chofe.  Pour  la  vérifier,  les  Regcnts  en-  - 
Toierent  voir  au  Bénitier  ,  où  fans  miracle, 
on  trouva  l'eau  convertie  en  encre.  On  fit 
d'exaâcs  informations  ,  qui  n'eurent  pas  un 
"Wieilleur'fuccès  ,  que  celles  qui  avoîait  été 
'ftîttcs'pour  les  fondateurs  de  la  Société.  Et 
c'f^toit  pour  ces  crîines  énormes  1  pltis  grands 
mille  fois,  que  de  corrompre  la  plus  grande 
partie  des  Femmes  &  des  Filles  d'une  Pa- 
loiffe,  de  faire  violence  à  d'autres,  de  piller 
-toutes  fes  Ouailles, ■&  deconimettredesSa- 
rrik'gcs  fans  nombre,  que  fiiivant nôtre lélé 
fi.  infaillible  Cafoiile  ,  je  tnerltois  au  inoins 
]e£|^. 

Corbé ,  pour  nous  faire  fouffrir  r.ôtre  mal 
en  patience ,  difbit  tons  les  jours  à  Mr,  Linck , 
que  MademOilellcScItingretfavailloît  à  fa  li- 
berté avec  iihe  aâiïité  iitcroiable.    Qu'elle 


alloit 


.--„Googlc 


««  rHijio'trt  de  WBaflilU.  Ipî 

(flloit  fbuvent  jufqu'à  trois  foîs-parfemaïnei 
Veï'faillcs  auprès  de  Madame,  pour  la  fup- 
plierd'înterpofer  fou  autorité  auprès  duRoi. 
En  effet  cette  Princeffe  pouvoir  bien  lui  re- 
montrer rinjuflicc  que  l'on  faifoitàdes  Etran- 
gers ,  qui  avoient  reclamé  fa  proteâion  ,  de 
les  arrêter  le  lendemain  que  Je  Roi  leur  a- 
voit  tait  donner,  par  Elle  ,  fa  parole  roiale. 
qu'ils  pouvoient  demeurer  en  feureté  dans  fon 
RoVauine,  fans  crainte  qu'on  leur  fit  le  moin- 
dre outragé,  &  qu'on  retenoit  cependant  de- 
puis ce  temps  là  3  laBallilIe. 
■  Le  premier  jour  d'Avril  1703  on  nous 
donna  un  terriblePoifTond' Avril.  Nouspcn- 
0mes  être  étouffez  tout  ce  que  nous  étions 
de  Prifonnlersdans  la  Tour,  On  avoitdon- 
néi  quatre  Prîfonniersqui  étoîentfousnous 
<{aas  la  féconde  Chambre,  de  la  paille,  pour 
mettre  dans  leurs -lits^  dout  ils  n*av oient 
point  changé  depuis  un  grand  nombre  d'An- 
nt5es  qu'ils  étoîent  à  la  Baftille ,  entre  autres 
un  Gentilhomme  Poitevin  ,  nonimô  Mr.  le 
Pouilleux.  Ils  àvoient  vuidéleur  vieillej>ml- 
le  daiisunCavoi,  où étoient leurs fjeux com- 
muns, pour  s'en  fervir ,  quandils  voudroient 
ftîre  chauffer  quelque  thofe  pour  leur  ufàge. 
Le  nommé  Gefnouin  ,  Serrurier  de  Paris  , 
dont  le  crime  étoit  d'av-oir  été  en  Hollande 
reformer  fa  Religion,  &  étreenfuîte  retour-' 
né  à  Paris  par  un  xélc  immodéré,  ponrj re- 
former Mr.  l'ArdtevÉquc  &  tout  (on  Cler- 
pi:  ce pauvreHommc,foit qu'il  aimâtmieur 
<tre  étouffé,  que  de  languir  plus  longtemps 
dans  ce  Jieu  de  defolation  ;  foit  qu'il  voulût 
të  vangcr  d'ua  Pilote  Irlaadois  nommé  Ma? 
N  5  thia 

u,:,-,zf--„GoOglc 


«94  L*Imqmfition  Franfoife 

«hias  duWal ,  qui  le  maitraîtoit  tons  les  jonn-, 
foit  enfin  pat  folie ,  (imuia  après  dîné  d'aller  . 
*«j  lieui,  &  mit  le  feu  dans  la  paille.  Com- 
me il  a'y  avoit  aucun  jour  ,  ni  aucune  ou- 
Tcrture  aans  le  Cavot,  quand  le  feu  eut  pris 
dans  la  paille ,  la  fumée  en  fortit  bien-iôt  à 
gros  torrents.  NôtreChambre,  laPremiére, 
.  la  Quatrième  &  même  la  Calotte,  comme 
je  l'ai  apprit  depuis ,  en  furent  remplies  en 
un  inClant ,  en  forte  que  nous  ne  pouvions 
refpirer.  Je  laiffc  à  juger  en  quel  état  étoieut 
les  Prifonniers  de  la  Te conde  Chambre,  Vai- 
nement frapions  nous  à  la  porte  ,  &  appel- 
lions  nous  la  Sentinelle:  perfonnene  venoit 
i  nôtre  fccouts.  A  !a  fin  on  vint  ouvrir  aux 
Prifonniers  de  la  Seconde  Chambre  ,  dont 
B.U  emporta  Mr.  le  Peuilloux ,  &  un  Vieil- 
lard nommé  Mr.  Bonneau ,  Médecin  ,  à  moi- 
tié étouéez.  Pour  nous  &  les  autres  Cham- 
bres ,  on  nous  laiifa  avaler  de  la  fumée  tant 
&  plus.  L'odeur  en  dura  plus  de  trois  jours 
dans  toute  la  Tour  ,  &  plus  de  ijuit  dans  la 
Seconde  Chambre  ,  ce  qui  indubitablement 
avança  la  mort  de  Mr.  le  Pouilloux,  qui  é- 
toît  un  Hcwnme  de  mérite  ;  car  les  Officiers 
eurent  l'iahumanîté  de  fiùrc  rentrer  le  même 
jour  les  quatre  Prifonnicts  dans  leur  Cham- 
bre ,  quoiqu'elle  fût  toute  pleine  de  fumée, 
&  que  le  feu  fût  encore  dans  la  paille  du  Ca- 
Tot  qu'il  leur  ftUnt  éteindre.  Plus  de  &i- 
le  Mois  après  j'ai  été  dans  la  même  Cham- 
bre avec  deux  des  Prilboniers  qui  y  étoietit 
alors  ,  &  l'odeur  de  la  ftimée  étoit  encore 
dans  le  Cavot  qoelque'  peine  qu'ils  euûèot 
prisàrcapuiger,  £{laCluuiitB;eeaétoitieftée 
.  toute 

■,.^.^Xooylc 


éu  rHiJhire  de  la  BafiHU.  •*$ 
toute  noire.  Quand  le  foir  nous  nous  plai- 
gaimes  aux  Officiers  de  ce  que  l'ou  nous  a- 
vdiï  laiffé  fuffoquer  jufqtfà  vomir  le  fàng , 
&  qu'ils  virent  nôtre  Chambre  encore  toute 
pleine  de  fumée  ;  ils  nous  dirent  que  nous 
n'avions  rien  (buffert  encompaiaifondesau- 
^cs  ;  que  Mr.  le  Gouverneur  vouloit  abfo- 
iÛment  qu'on  laifUt  étouifer  les  quatre  Ptî- 
fonniersde  la  Seconde  Chambre,  cequ'îlaa- 
roit  infuilliblement  exécuté ,  Hslik  la  confidcra- 
tion  qu'il  avoîi  pour  Mr.Ie  Ponilloux>  qui  tftoit 
d'une  douceur  &d'uae  afabilïté  exemplaire. 

Le  Samedi  fuivamScptiéme  du  même  Mois 
d'Avril  ,  veille  de  Pafques  Mr.  d'Argenfou 
fit  dcfcendre  Mr.  Linck  fur  les  fcpt  neurcî 
du  foir,  pour  l'interroger.  D'abord  qu'il  en- 
tra dans  la  Sale,  &qu'ileutr3!ii(^avecfraieur 
l'ombre  infernale ,  qu'il  trouva  revécue  M  J- 
gillralenient,  affiliée  de  tous  rcsSupots&  Sa- 
tellites, ce  Miuos  lui  demanda  avec  une  fier- 
té brutalle  &  en  lui  parlant  par  toi ,  ce  qu'il 
étoit  venu  tàireàParis,  Mr.  Linck  lépondit 
qu'il  étoit  venu  pour  étudier  en  Médecine ,  6c 
fatisfaiie  à  lacuriotîté  qu'il  avoit  de  voit  la  plus 
belle  Ville  de  Franc*.  Mr.  d'Argenfon  lui 
dit  qu'il  fçavoit  bien  le  contraire,  &  qu'il  a-- 
voit  découvert  les  intrigues  qu'il  avoit  avec 
les  £nuemis  de  la  France  ,  &  lai  tout  avcC' 
le  Roi  de  Folugne  qui  l'avoit  envoie  à  Paris. 
Mr.  Linck  lui  dit  qu'il  n'avoit  point  d'autres 
relations  avec  les  ËniiemisduRoi,  que  ceux 
que  lui  donnoit  fa  oifinanoc;  qu'étan^Saxoa 
il  étoit  Sujet  du  Roi  de  Pologne ,  comité 
Duc  de  Saxe  ;  mais  que  fon  Peie  étoit  aiTéS' 
paillant  poor  ieâiire  voïager,  fans  avoir  ré- 
N  4.  conr». 

u,:,-,zf--„GoOg[c 


tytf  Vimqmi^hm  Franfùft    ' 

cours  àlamediadoD  de  fôn  Soarerain.  Mr. 
d'ArgeofOD  l'emenduit  repondre  G  iadicicn- 
ixau.ut,  prit  un  ton  plus  radouci ,  «pliisci- 
vil  i  &  après  lui  aroir  ordonné  de  prendre 
une  chaifc  ,  il  l'interrogea  fur  toutes  }es  ba- 
bioles qu'on  lui  avoii  failics  ,  qui  la  plupart 
rcgardoient  fà  Froteflion,  avec  autant  de  prc- 
cautioD  ,  que  il  il  y  avoit  eu  nn  myllére  ca- 
ché fous  ces  limplc^,  <;ui  eût  renfermé  tout  le 
boullcrerfèmcnt  de  U  France.  Mr.  Ltuck  lui 
cipliqua  les  vertus  &  les  propriécei  de  chaque, 
racine,  de  chaque  plante,  de  chaque  graine, 
&  de  chaque  limple  avec  une  netteté ,  &  une 
érudition  qui  le  furpritent ,  &  dont  il  parut 
charmé  ;  mais  il  le  fat  encore  davantage, 
quand  les  Officiers  lui  affirmèrent  qu'il  ne 
ti,avoit  pas  un  mot  de  François,  lorlqu'il  en- 
tra dans  laBailillc,  &  que  c'étoitmoîquilui 
avilis  appris  à  le  parler  en  fî  peu  de  temps. 
£n  le  renvoiant  dans  nôtre  Chambre  ,  il  le 
pria  de  fe  tranquiiifer ,  &  lui  dit ,  quM  pou- 
voit  £ire  aiTeuié  que  fes  aflaires  prenoientun 
bon  train  :  &  en  fe  tournant  devers  le  Coin- 
.miljâire  Camufet.  Mr.  loi  dit -il.  il  faat  que 
TOUS  veniez  demain  cominucr  l'interrogatui- 
re  de  Mr.  Linck  ;  &  fur  ce  que  le  ConuniC- 
laire  s'exculâ  bu  la  lâioteté  du  jour  de  Pâ- 
i]ucs ,  auquel  il  vouloit  fatisfaire  à  fes  dévo- 
tions. Vous  içavcz  ,  lui  repliqua-t-il ,  que 
eeite  affaire  ne  foufie  point  dercmilè,  puit- 
qu'îl  y  a  un  ordre pofîtil'duRoiderexpedicr. 
]Ne  manquez  donc  pas  d'y  revenir  Lundi 
prochain. 

Lorfqne  Mr.  Linck  de  retour  fur  les  neuf 

lieures,  m'eut  Sait  nae  Relation  exaâc  de  ce 

qoi 

u,:,-,zf--„GoOglc 


•«  PHifioire  de  h  Baflillâ.  «HT 

qui  sVroît  paflî,  j'en  conclus  que  Ci  liberté 
prochaîne  c'toil  infaillible  ,  &  comme  il  n'y 
avofc  nuls  moments  à  perdre,  je  me  prefTat 
d'écrire  i  mon  Epouïe  ,  à  Mr.  le  Marquis 
de  Torcy  _,  à  Mr.  Chaihillart  &  ï  mes  Amiâ 
pour  fpllîcîter  ma  chère  libertf.  Le  Curé  ne 
manqua  pas  d'écrire  à  fi  Famille  pour  le  mê'- 
me  i'ujet.  Il  fut  trois  ou  quatre  jours  à  com- 
pofer  une  Lettre  qui  étoit  impaïaMe.  Sf  Mr. 
Linck  en  avoir  retenu  une  copie,  comme  il 
me  l'avoit  promis ,  j'en  tejoiiirois  Ip  public, 
car  rien  n'étoît  plus  rilible.  ■  Pourries  mîen- 
neSi  il  les  a  rendues  (i  eiadement»  qu'il  efî 
venu  ici  exprès  à  la  Haye  remettre  cclics  que 
j'avois  écrites  à  mon  Epouie,  a  mon  Fi!s& 
à  mes  Amis. 

Le  Lundi  des  F^tcs  de  Pâques  leCommîP 
faire  ne  manqua  pas  de  fiàirc  encore  defcen'- 
drc  fur  les  fept  heures  du  foir  Mr.  Linck  ,, 
qu'il  interrogea  feulementpourlaforme,  fur 
pluJîeurs  qacliions  fort  inutiles.  11  lui  fit  bien 
des  civilitei  ;  le  regala  m(;mc  d'une  ampie 
colîatîon  ,  où  le  bon  virt  (Je  Bour^ongtie  ne 
manquoit  pas.  Tout  cela  fentoit  bien  lebran- 
le  de  fonie  ;  dont  je  congratulai  mon  Ami  à 
fbn  retour,  dans  des  termes 'qui  partoientdu 
fond  du  cœur.  I!  n'y  avoir  que  nôtre  PiCné 
qui  en  paroiflbic  chagrin  ;  car  l'ombre  de  la 
prolpériré  de  fon  Prochain  fuffifoit  pour  l'at- 
trifter  ,  tant  il  avoit  l'ame  belle  !  outre  qu'il 
penfoit  bien  i  ^u'il  falloir  direadieu  au  gib- 
Mer,  au  bon  vin  &  à  la  bonne  chére- 

Lejeudidouïcd'Avril,  on  fie  encorc-def- 

ccndre  Mr.  Linck  .  pour  coutronter  tomes 

&s  drogues,  &  en  aàie  des  eflais  devant  l'A- 

N  1^  E> 


.--„Googlc 


•98  L*^Imfuifitkn  Frsmfoifi 

^>tbicaire  de  la  BaAille,  en  prefence  deMr- 
D'Argenfon  &  du  Commiflaire  :  cerertionic 
ifbrt  myft^rieule ,  mais  très  inutile  ;  qui.âmoa 
svis ,  Bc  fervoit  qu^à  perfuadci  aux  Étrangers, 
qu'en  Francç  tout  fc  fait  arec  ordre  &  cir- 
conkpcâion.  L'Apothicaire  étoit  G  ignorant 
^'iL  ne  coniKH^oit  ni  la  nature ,  ni  les  propri^- 
texde  pluSeuts  Hmples  qu'avoii  Mr.  Linclc, 
pas  même,  ce  que  c'étoit  que  le  foufFrc  d'an- 
titooine  >  &à  quel  ufàge  on  pouvoit  s'en  fer* 
Vir. 

Plus  le  terme  de  la  fortie  de  Mr.  Linct 
wprochoit ,  &  plus  les  brutaOtez.  de  nàtre 
fougueux  Curé  fcaibtoient  redoubler.  Mr. 
Linck  aroït  coufu  toutes  iioii  Lettres  dans 
fon  jull»icorpSt  dajis  l'intention  de  les  ren- 
dre ponâaeltement  à  Icursadrelfes.  Unjonr 
cePrJtre,  après  une  profonde  rêverie,  oùil 
pwoilToit  enicvelî  ,  fe  leva  brurqnement ,  & 
vint  dire  \  Mr.  Linck,  qu'il  eût  à  lui  rendre 
fet  Lettres,  &  qu'il  vouloit  les  brûler,  puif- 
qu'il  étoit  très  perfuadé  qu'il  ne  les  rendroit 
1^.  Mr.  Linck  eut  beaul'aiTurerducontrair 
re  :  le  Curé  pouiTa  ia  folie  jufqu'â  le  mena* 
cer  de  frapper  à  la  porte  pour  appetler  des  Of- 
flciers  qui  cootiaindroient,  Mi-  Linck  de  loi 
rendre  Tes  Lettres. 

Il  iàllat  donc  que  Mr.  Linck  eût  la  par 
tience  de  découdre  fon  iullaucor^ ,  pour  lui 
obeïr.  Le  Curé  les  déchira  &  lesjettaaufeu. 
Il  me  rendit  auffiles miennes:  jeJimutaiauJQ 
4e  les  déchirer  ,  &  je  jettai  dans  le  feu  d'au- 
tres papiers,  que  j'avais  promptementdifpo- 
fez  pour  ce  fujet.  Je  rendis  adroittcment  mes 
Letues  i  Mr*Liack,  <iai  les  remit  dus  îba 
juf- 


.--„Googlc 


en  VHifioire  de  Im  Bi^ïUe.  i.99> 

Î'bUaucotps,  lorfqu'i)  lerecooËt,  fànsquclc 
^téirc  s'ca  aperçût.  Le  lendenuun  au  matiii- 
l'Abbé  fuppliant  fc  jetta  igcDonx  devant  Mr. 
l>iacki  pour  le  coDJurcrdeluipeimettred'é- 
■  crire  d'autres  Lettres ,  avaiiant  que  c'éloît 
ion  Deinon  malin  qui  l'avoit  porté  à  faire  le 
trait  de  folie  du  jour  précèdent.  Mr.  Linck 
jura  qu'il  ne  fe  chargetoit  pas  de  fes Lettres» 
que  l'Abbé  ne  m'eût  engagé  par  fcs  prières  k 
vn  écrire  d'autres.  Antres  genafles{oas£icer>- 
dof^Jes  devant'  moi  :  mais  ce  fut  vainement 
qa'il  m'en  pria  ;  je  prôtcftai  que  je  n'en  fe- 
rois  rien  j  maisjepriallincerementMF.  Linck 
de  permettre  àcebonCoQcaptifd'écrired'au- 
très  Lettres;  &  je  lui  demandai  trisinflam- 
ment  eu  grâce  de  les  rendre  it  leurs  adrefles.. 
J'en  ufois  aînli.,  parce  que  je  connoifibis  la 
jaloulïe  d&ce  méchant  Homme  ^  qui  aurolt 
mieux  aimé  que  fes  Lettres  n'cuffcnt  pas  ét^ 
tenlies  , .  que  de  foufirir  que.  Mr.  Linctc  cAt- 
en^orté  les  miennes,  qu'il  croioit  brûlées. 

Enfin  l'heureux  momeiu  de  la  fortie  de~ 
Mr.  Linck  arriva,  qui  fut  un  Dimanche  i  ]. 
May  de  l'Année  170S-  Le  matin  on  nous 
ât  deTcendre  le  pFétre.&  moi ,  &  l'on  nous . 
interrogea  tous  deux  feparemeat.  Mr.  du  Jun- 
cas  me.conjura  de  lui  dire  lînceranem  com- 
me bon  Serviteur  du  Rof,  ce  que  je  croiois 
de  Mr.  Linck.  Jeluiproteftaiquejelccroiois  • 
très  innocent,  &  que  c'étoitundespkishon* 
nétesHommes^  &.pIuscraignaiitDicui  que. 
j'euOe  pratiquera  nui  vie.  Corbé  vint  nous- 
reconduire  dans  nâtre  Chambre,  quifutfuE< 
pris»  auffi-bien que  noas ,  de~n'y  plus  trou- 
Ter.Mr.  Liack.  Après  avoir  caché  toutes  les 
N*.  har-- 


.--„Googlc 


}00  L*lMqmfim»  Fr«meoife 

h&rdes  fous  fon  lit ,  il  s'étott  fonré  dans  Is 
cheminée ,  où  il  ^toit  monté  comme  na  Ka- 
monneur  ,  pour  nnus  âiirc  croire  qu'on  l'é- 
toit  venu  enlever  pendant  nôtre  abTence. 
Lorfqa'il  entendit  l'agriation  ,  où  (.toa.  Coi- 
bé  de  ne  le  pas  trouver,  il  fe  laillà  gtilTer  de 
la  cheminée  dans  la  Chambre,  &  courut  em- 
brafTer  CoiM ,  en  riant  de  tout  fon  cœur  ;  à 
qui  il  dit ,  '  ce  qui  Pavoit  pnné  à  nous  îaxK 
cette  plaifanterie ,  dont  Cotbé  nefitqncrJrc, 
&  après  nous  avoir  ait  adieu  refi^ma  la  pone 
fur  nous.'  Nous  en  rions  encore ,  lorfqu'mi 
piomentaprès  le  Major,  pailablement  yvre 
à  fon  oïdinaire  ,  entra  fuivi  de  Corbé  &  de 
Ru.  Ils  dirent  à  Mr^-Linck de  s'habiller;  que 
|k  Lettrçde<^chetétoitTeniîe,  queMr.Cha- 
ras  l'attendoit  dans  la  Cour  avec  un  Carollc, 
&  que  Mr.  le  Gouverneur  ne  lui  avoit  pas 
envoie  fon  dîné ,  parce  que  Mr.  Charas  lui 
»voit  affirmé  que  les  Amis  de  Mr.  Linck  Tat» 
tendoientavecuQ  repas ,  qui  lui  feroitplusdc 
plaiiir,  que  tous  ceui  qu'il avoitprisàlaBaf- 
tille.  Ce  cher  Enlànt  fit  tout  ce  qu'il  put  pour 
m'obliger  à  accepter  toutes  fes  haides  ,  qu'il 
me  vouloit  donner  :  &voïantquejemecQn- 
tentois  de  lès  Livres,  &  qnc  je  r^ol'ois  abfottH 
ment  le  refle,  il  en  fit  pfefcnt,  en  laprefen- 
ce  des  deux  Offîcieti,  au  Prétre&à  Ru.  Il  a- 
voit  donné  i)  n'y  avoit  pas  long  temps  tiR 
Manteau  d'écarlatc  tout  neuf  à  ce  dernier , 
pour  l'engager  à  nous  faire  du  bien ,  &  ifei^ 
re  donner  au  Curé ,  tout  méchant  &  infupor- 
table  qu'il  étoit,  la  grofie  bouteille  à  Tes  re- 
pas ,  an  lien  de  la  petite  où  il  étoit  réduit , 
%  uQ  jDcUleiu  oïdinaice.  Mi..  Linck  fortit 
avec 


l-iGooglc 


«I»  rHiJîtirt  Jt  la  BaflUU.  30 1 

wec  les  feules hardes qu'il avoitfnr (on  corps. 
Je  l'aroluis  de  mes  larmes  ,  en  iiti  difant  a- 
dieu  :  il,  dît  au  Major  &  à  Corbé  tout  le  bien 
.qu'il  pot  de  moi,  &  les  conjura  d'eobicnu- 
fcr  à  mon  éKard.  Quoique  je  -ver&flc  incef- 
femnlËtit  ra&de  de  vin  au  Major  ,  dont  Mr. 
LinckuousavoitaboDdimmcnt  pouTvus,ilne 
ccffoit  de  prcflèr  Mr.  Linckdeforttr;  iuire- 
montianc  que  Mr.  Charas  l'iiendoit  dans  la 
Cour  do  Château,  oùilnefçavoit  pasqu'ila- 
voit  Ibn  propre  Frcre  enfermé  depuis  très  long 
temps  ,  &  qui  y  a  été  iix  Ans ,  fin  Mois  , 
làns  que  Mr.  Charas- ,  ni  fa  Famille  eullènt 
peu  difcouviir  ce  qu'il  étoir devenu,  comme 
vn  le  va  voir  un  peu  plus  bas. 

Rien  n'a  pu  me  conïbler  dans  la  fuite  de 
nu  Prifou  de  l'abfencc  de  mon  Atni ,  que  le 
plaifîr  de  le  fçavoir  libre.  li  m'a  écrit  depuis 
que  Dieu  m?3  rendu  ma  chère  Liberté ,  pour 
m'apprendre  ,  qu'en  fortant  de  nôtre  Cham- 
bre, on  le  conduiiit  dans  la  fiale,  où  on  lui 
fit  ^ire  fermeni  qu'il  ne  diroit  ricu  de  ce  qui 
fe  palfoii  à  la  Baftille  ,  &  fur  tout  qu'il  ne 
nomtneioic  jamais  aucun  de  ceus  qui  de  fa 
connoiU'ance  y  étoicnt  retenus.  Etdtiice  on 
lui  ât  fiener  une  reconnoiOànce ,  comme  on 
lui  avoit  rendu  tout  ce  qui  lui  apartenoit  ; 
quoiqu'ils  lui  cu0ent  retenufes bijoux lesplus 
precieiu  ,  &ns  compter  fou  argent ,  &  des 
lommes  confidwables  que  Corbc  lui  âtpaïer 
deux  jours  aprèsfa  fcmie,  dont Mr.Tourtpn 
avoit  répondu ,  fur  lefquelles  il  avoit  gagné 
tout  au  moins  les  trois  quarts.  Ru  fut  auffi 
lai  poner  fan  déloyal  Mem<HFe  :  il  nous  dit , 
que W^.  LîDCk. revoit pû'éi  fans eo rabutn 


.--„Googlc 


jCii   ,  X'ImtfMifititm  Frsmfo^é 

un  liard  j  l'avoit  bien  regain  de  Chocolat , 
Racaâas  ,  pâtez^  vias  de  loutct  Ibrtcs;  mais 
qu'il  avoit  eu  l'iiifoleace  de  ac  lui  prelènur 
que  trois  miferablei  Ijouis ,  comme  à  xax 
Croquant)  pour  le  recompcoifr  detoutesks 
peines  qu'il  avoicptifespourlui;  mais  qu'une 
autrefois  îl  ne  fe  fieroît  plus  aux  Prifoimien. - 
Comment ,.  lui  dis-je,  Ru  ne  comptez  vous 
pour  rien  tout  l'argent  qu'il  voosadonné  dans 
la  Prilbn.  cciui  que  vous  avez  gagaé  furfc-s. 
nienioîres  ,  le  Manieaiid'écarlate,,&  toute 
fa  dépouille  ?  Car  dès  le  lendemain  qae  Mr. 
Linck  fut  foiti,  Sorel,  pour  trois  ou  quatre: 
onces  de  tabac,  dooi^  à  Ru  poarplusdedix. 
éç-tis  de  très  beau  linge ,  &t  de  nipes  ,  dont. 
Mr.  Linck  lui  avoit  lait  prefent.en  lui  difant 
adieu ,  &  ce  Curé  ne  fe  rererva.qu£i]uetqucs 
chemircs  de  deflbus,  &uQe.Robede  Chani-- 
bre  qu'il  ôtoit  &  rem^K,  au  moins  dix  fois 
pour  un  matin  :  il  mc&ilbitfouvcnirda Gen- 
tilhomme Bourgeois.  La  Robe  de  Chambre 
éioit  d'un  facin  rayé  encore  psilàblement  bel- 
le, avec  laquelle  mon  Prêtre  £c  donnoit  des 
airs  tout  des  plus  ridicules.  Et  qu'eft- c«.  que 
cela?  me  dit  Ru  ,  bagatelles  !  Uji  Piifonnicr 
uu  peu.raironnabie,  quand  il  fort  d'ici,  nous 
Uonne  ,  tout  au  moins  truite  Louis  ;.&  ce 
n'ed  rien  en  comparaison  durégne.deMr.dc 
Befemauii.  Quand  on  arrêta  les  .Empoifoli- 
neurs  ,  il  y  eut  tel  Prifonnier  qui  donna  juf- 
qu'à  dix  paille-ftaqcs  à  un  Porte-Ciets  poi» 
Jui  porter  une  Hmple  Lettre,  d'où  depcndoit 
Cl  vie ,  ou  celle  de  quelqu'autre  Perfonne  de 
qualité.  ItyaeuunPorte-Cleâquieulbrtaiit 

Ciel  a  «cbéctf  une  Tene  de  <i«urc-Yiiigtmil- 


.--„Googlc 


le  âaacs  avec  upe  bonne  charge  qoi  le  fait 
vivre  en  grand  Seigaear  :  mais  le  teii^s  n'en 
eft  plus;  car  le  Gouverneur  d'aujourd'hui  eft 
un  Bait^e  dur,  qui  garde  tout  pour  lui.  Au 
temps  dont  je  vous  parle  ît  y  a  eutelPrifon- 
nier  tjui  eft'  forti  avec  plus  de  ni:! le  écus  de 
fa  Priiôn:  il  il  voul<»t  changer  Ibnvinenar- 
gent ,  orïleluipaioicddix  folspar  bouteille; 
car  il  n*entroit  dans  la  Bàftille  que  du  v)n  de 
Champagne  &  de  Bourgongne:  cenYtoitpas 
du  tipope  comme  celui  d'aujourd'hui;  duvÏD 
de  fircqujgay  qui  fait  dancer  les  Chèvres  : 
tous  les  r^as  dont  un  Prifunnict  voulott  îè 
faûer  ,  lui  étoicnt  payei  à  quinze  fols  cha- 
cun :  en  ce  temps  là  un  feul  repas  en  valoit 
mieux  que  dii  de  ceux  que  l'on  vous  donne , 
&  iîiffiCuit  pour  nounir  fort  grallèment  un 
homme  tout  un  jour,  &  même  délicatement-: 
Vorrouloit  ici  parmi  les  Prifonnicrs ,  com- 
me au'ourd'hui  tait  la  mifére  :  il  j  avoic  des 
Particuliers  qui  s'y  faiibient  mettre  exprès 
pour  fâirç  bonne  chère  &  s'y  bien  divertir.  1} 
cA  vrai  que  lorfque  j'étois  à  la  Cour ,  un  It^ 
iandois  pria  initainmeat  la  Reine  d'AngIeter> 
le  ,  de  le  âùre  mettre  i  puur  trois  ou  quatre 
Ans  fculemeucâ  laBaOille,  pour racommo- 
der  Tes  aSaiics  :  il  ne  ticndroît  pas  le  méii» 
Uogageaujourd'hui,  iiilTçaToii  comment oa 
ventraiEté;  car  très  lincrircment  lî  l'on  me 
àoQDoit  le  choix ^elaBaftille,  oudelamort, 
je  ne  balancerols  pas  un  &al  moment  â  pre* 
^er  ta  TecriUedes  Terribles,  auxcruautex 
dont  les  impitoïables  Tyrans  de  la  B^ftills 
accablent  leurs  malheureufe)  Viâimes.  11  eft 

«ICO»  viai  que  ce  que  me  difi>it  «lors  Ku . 
»'• 


.--„GoogJc 


304  UlKfMlfitiem  framfoife 

m'»  éié  dqniis  confirma  par  pluficnrs  des  Of- 
ficiera, &?«■  divers  Anciens  PrifonniCrs,  a- 
vec  lef^juefs  j'ai  érf,  qui  rftoîem  à  I»BattiJlc 
dès  le  temps  du  GouTernement  de  Mr.  de 
Beflèmaux.  Tous  les  Officiers ,  &  les  Porte- 
Clefs  fur  tout,  faifoient  des  coups  confidera- 
hles  ;  l'or  y  étoit  plus  commun  qu'aujour- 
d'hui la  patUeue  l'ell  dans  les  Cachots ,  puis- 
que j'y  ai  éxé  jufqu'à  quatorze  jours  fans  pail- 
le ,  couché  fur  le  timon  &  la  bave  des  cra^ 
SOI,  Bien  loin  que  les  Porte-Clefs  y  fsT- 
it  aujourd'hui  fortune  ,  j'ai  vu,  &tonsIcs 
Prifbnn'irsavecmoil'ontlçujque  le  nommé 
le  MaiL"ier  Porte-Clefs  .  donné  à  Bernavil- 
le  par  lii  bonne  MaitreHë  Mad.  la  Maré- 
chale de  Bcllefiind  a  pourri  dans  un  art'reui 
Cachot  pour  avoir  pris  vint  cinq  piltojesd'ua 
Comte,  pour  lui  porter  une  lettre  en  Ville: 
tout  ce  que  le  pauvre  Hommcavoit  légitime- 
ment g^néfut  confifqaépar  Bernaville,  qui 
après  l'avoir  tenu  6\  Mois  dans  cet  enfer  au 
fain  &  il  l'eau  fiins  paille,  où  j'ai  été  pende 
temps  après  ce  malheuteui  ,  &  traitté  en- 
core plus  cruellement  que  lui,  l'a  fait  enfer- 
mer à  Biceftre  pourlerefte  de  fès  jours.  Mi- 
chel Capitaine  des  Portes  ;  l'Ame  damnée 
du  Gouverneur  &  le  cruel  Exécuteur  dé" 
fcs  Arrêts  barbares ,  poar  avoir  trempé  dans 
t'atïàire  de  Mafurier  ,  eut  un  fort  tout  pa- 
reil 1  malgré  jnille  crimes  commis  en  fa- 
veur de  Bernaville  fon  bOnMaîtrc;  ccMi- 
chel  étoit  Irlandois,  mais  un  des  pins  mé- 
chants &  des  plus  cruels  Ëonrreaui  qui  ait 
jamais  emré  daas  laBaÛtlle,  fi  l'on  en  ex- 
cepte celui,  qui  lui  co^unandDit  les  inhu* 
IIH^ 


cuTHifiurt  4e la  BapilU.  JOJ 

manîtei  ,  dont  il  ôoit  l'inâme  Exécuteur. 
C'étoit  ce  Barbare ,  qui  à  l'aide  de  trois  oa 
quatre  autres  Sueliitcs,  depouiltoit  nudslee 
Prifonniers  ',  &.  après  les  avoir  liez  pieds  & 
mains  ■  leur dechargeoit  à  tout  debras  au- 
tant de  coups  de  nerfs  de  Bœuf.,  qu'il  plai- 
foit  à  fon  boh.IMattre,  qui  ^toit  prefent  à 
ce  rpeâacle,  &  comptoit  avec  la  tête  d'ua 
^rond  ûng  froid  ,  tous  les  coups  qu'il  fei- 
ibit  pluvoir  fur  ces  pauvres  Viâimes  ;  & 
de.  la  main  ,  quand  fa  uge.  érdit  alfoavie  , 
fuifoit  un  iigqal  làns  parler ,  pour  marquer 
que  c'étoil  aljèz.  Ce. lâche  Michel  s'anhar- 
noicavecplus  de  fureur  fuc  lis  Compatrio- 
tes ,  pour  prouver  au.Gouvecnear,  dont  il 
coiinoifToit  parfailtement  l'implacable  foreur, 
que  les.Loixies  plus  Jacrées  n'iitoient  pas 
capables  de  teteuir  fs  main'  iànguinaire.  Il 
a  exercé  plulieurs  fois  furunCordelierirlan- 
dois  ce  châtiment  rigoureux.  Le  BoutrciUi 
ne  craignoit  pas  de  mettre  les  mains  facrilé- 
ges  fut  un  Prêtre  ,  &  le  Tyran  ne  craignoii 
pas  de  l'ordouner  ,  quoiqu'ils  fulTent  tous 
deui  CatholiquesRomains  &quemiîmeEcr- 
navillcpaQ'âtdtns  le  Monde  pour  un  Saiac; 
taut  il  fçatt  bien  deguifer  fonCagotifine.  Ils 
ont  fait  devenit  le  pauvre  Coideliert^buàfoi^ 
ce  de  le  maltraitier ,  &  l'ont  après  enfermé 
dans  Bicejlre  pour  le  refte  de  fes  jouis.  Ce- 
pendant /ai  aprJs  depuis  que  ce  Cordclier  c(t 
d'une  des  meillvures  Familles  d'Irlande.  11 
n'y  a  point  de  fiipplice  (i  criicl ,  dans  tout 
ce  qui  eit  raportt!, d»aB  le  Martyrologe,  que 
œ  qve  Beroavillc  &  Michel  ont  fait  foa&rir 
à  Mr.  Quçry  Capitaine  l^liuidois  »  peadant 
onze 


^06  L'Imqmfit'têm  Framfoift 

onze  Ans  qu'il  a  été  ï  la  BaAille.  Oiofe 
incroyable  !  mais  très  vraye ,  dont  j*m  con- 
noiQance  &  que  ce  brave  Officier  m'a  a&t- 
mée  chra  moi  i  la  Haye,  depuis  qu'il  a  été 
mis  en  liberté,  par  les  fol ti citât ioDt  que  j'ea 
ai  &ît  Taire  auptès  de  la  Reine  Annedtr  glO' 
ricufe  mtîmoire,&de  L.  H.  P.  M.  L.  E.  G.  De 
fcs  onze  Années  dePrifon,  îl  enapallïneuf 
dans  les  Cacliots  ,  redait  au  pain  &  à  l'eau; 
.très  fouveiicfans  paille,  &  quelques  fois  dans 
l'eau  jufiiu'au  cou.  Je  dosnerai  fon  Hiftoi- 
re  dans  les  Tomes  fuivants  ,  écritte  de  fa 
propre  main.  Qnel.étqit  foB  crime?  il  étoit 
âdelle  Serviteur  de  Guillaume  le  Conqué- 
rant. Pigeon  &  Gringalet  font  ici  aâttelle- 
ment  à  la  Haye  ,  qui  tous  deur  m'ont  affir- 
mé depuis  nôtre  élargiffemeni ,  que  lorfqae 
nous  étions  enfermez  enfemble ,  ce  Michel 
-les  avoit  pricï  de  fe  jetter  fur  moi  de  (àog 
fioid  ,  &  après  de  frapper  à  la  porte,  &  de 
-protefter  qucj'étois  l'agreffeur  ,  pour  avoir 
Je  plaifir  de  metrainer  dans  le  Cachot,  pour 
fatisiaire  à  la  haine  de  fon  cher  Maître  ;  qui 
fans  avoir  égard  à  tant  de  bons  offices,  acte 
lui  même  le  fourreau  de  fon  Bourreau  ;  & 
lui  tait  traincr  à  Bicôtre  «ne  .vie  mille  fois 
plus  cruelle  que  la  mort,  qu'il  a  tant  defois 
méritée.  Le  nommé  du  May  antre  Porre.- 
Clefs,  pour  avoir  donné  des  nouvelles  à  un 
Pritonnicr  de  la  part  de  là  femme,  à  eu  un 
pareil  fort,  &  après  avoir  langui  dans  les  Ca- 
chots à  été  trainéàBicfitrt,  d'oui!  n'eftfoï- 
tl  que  par  les  inftàntes  follicitations  de  fa 
Femme  ,  qui  alla  fe  jetter  aux  pieds  de  Mr. 
le  Comte  de  Pontctuûtraia ,  pour  obtmir  fa 


.-„Goo.jlc 


vt  rUiftoire  Jk  la  Ba/Jîlle.  Jû^ . 

liberté.  Ce  n'efl  pas  par  là  que  BernavîIIe 
^dlitéra  les  moïens  à  les  Porre-CIcft  d'ache- 
ter des  Terres  Seigiteuriales ,  comme  ils  ont 
fait  fous  Mr.  de  Belfcmaux.  Le  Chinirgieu 
qui  étoit  de  fon  temps,  &  qLiiétoit  auffi  Va- 
let de  Chaml»c  du  même  Mr.de  Beflemaui. 
ne  vouloît  pas  rafer  les  Prîfonniers  à  moins 
de  trente  fols  par  chaque  barbe.  Au01  les 
fervoit-il  avec  un  équipage  tout  des  plus  mar 
gaiâquec  :  Baâln  &  Coci}uemar  d'argent ,  Sa- 
vormecte  parfumée,  Serviette  à  barûc  garnie 
-dedentelle,  beau  bonnet',  rien  n'y  manqnoit. 
Il  portoit  au  doigt  un  Diamant  de  deux  mil- 
leccus,  qu'il  en  tiroit,  lorsqu'ilrafoitqnel- 

Îu*on..  Unjouril  l'oubliadans  une  Chambre, 
-e  nommé  Van  derBurg  qui  s'en  aperçut,  s'en 
faiât lêctetemem.  LcChîriirgîenpeudetemp^s 
après  vint  le  redemander  :  ceux  qu'il  avoît 
rafez  jurorent,  comme  il  étoit  vrai  qu'ils 
ne  l'avoient  pas.  Van  derBurg  qai  ne  fe  fé- 
roit  pas  fait  ralèr  ,  quand  il  ne  lui  en  auroit 
coûté  qu'un  fou,  ne  fil  pas  feulement  fem- 
blant  de  l'entendre.-  Le  Chirurgien  bien  de- 
iblé,  protella  qu'il  avoit  lallfé  fou  Diamant 
dans  la  Chambre ,  &  les  conjura  de  ne  Je 
point  forcer  d'en  Venir  à  des  eïtremitex  qui 
-leur  feroient  à  tous  f^cheufes.  Rien  n'é- 
branla le  Détenteur,  Mr.  de  Beflêmaux  vint 
trouver  les  Prifonnters  dans  leur  Chambre  , 
pour  les  pri«-dc  rendre  un  bijoux  qui  mettoît 
îbn  Valet  de  Chambre  au  defespoir.  Mais 
votant  que  les  deux  Compagnons  de  Van- 
derBurg,  qu'il  connoilToii  pourdesGensin- 
capables  d'ane  pareille  friponnerie  ,  lui  ju- 
toient  fericufément  qu'ils  ne  fçavoicnt  où  é- 


.--„Googlc 


^o9  JJ  Itiijiiijiûon  Franfoife 

toit  le  Diamant,  &que  fiil^toitabrolamenc 
dans  leur  Chambre  ,  il  fçavoit  bien  à  qui  il 
fe  (kvoit  adreffcr  ;  il  les  quitta.  Lorsque 
le  Goavernent  fut  foiti  ,  les  deux  Compag- 
nons de  VanderBuig  eurent  beau  le  conja* 
rcr  de  ne  point  leur  iâîre  d'aftront ,  &  de  lea- 
dre  la  bague,  fi  il  Tavoit:  il  tint  encore  fer- 
me ,  &  fit  des  ferments  horribles  ,  pour  af- 
firmer fon  innocence.  Le  Gouverneur. pea 
de  tempi  après  le  tii  delcendrc  ,  &  lui  dit,: 
je  ne  veux  pas  en  avoir  le  démenti.  Je  içaî 
.que  vous  avei  le  diamant;  lî  vous  tieiereo- 
dez  volontairement  :  voilà  Âz  Soldats  qui  vous 
vont  dt^poiiiller  nud,  &  vous  Itapper  à  coups 
de  nerfs  de  bceuf ,  jufqu'à  ce  que  vous  l'a- 
iez  rendu.  11  ât  encore  deifer.meats  exécra- 
bles qu'il  ne  l'avoir  pas;  jnais.quandle  Gou- 
verneur lui  eut  tourné  le  dos  ,  en  le  r^ar- 
dam  avec  indignation,  &  quêtes  Soldats fc 
.mirent  en  devoir  de  le  dépouiller,  il  fit  rap- 
peller  Mr.  de  Beflemaui,  tirale  Diamant  de 
l'on  fondement ,  où  il  l'avoit  caché  envelo- 
pédans  un  linge,  &  le  lui  rendit ,  en  dilant, 
qu'il  n'avoit  fiut  ce  tour,  que  pour  rire.  Le 
Gouverneur  l'envoia  dans  un  (^choc  aufli 
pour  rire,  où  il  le lailTapeiidïtntquînsc  jours 
au  pain  &  à  l'eau,  en  lui  decIarantquMm^- 
litutt  un  plus  rude  châtiment,  mais  qu'il  é- 
toit  fun  Gouverneur  ,  &  non  pas  iba  Bour- 
reau. Si  il  en  avoit  fait  autant  fous  Beiua- 
ville  ,  il  l'auroit  fait  "ïcotcher  vif  ea.fa  pre- 
,  fynccj  puifqu'il  lui  a  fait  fouffrir  des:fuppii- 
,ces  très  cruels,  fouvent  pour  lui  avoirfcuJc- 
.  ment  reproché  fon  avarice  &  tks,  iuhumaai- 
tez..  Je  n'ai  ikit  cette  dilgreflîon,  qui  n'ell.que 
trop 

u,:,-,zf--„GoOglc 


tu  rHifioire  de  la  BaJtUle.  ]o» 

trop  longue  ■  qut:  parce  que  dans  la  fuitte  de 
cette  Hiftoire  ,  j'aurai  fujet  de  pailer  de  ce 
VanderbHtg  plus d'ujie  fois,  qui n'c'ïoit cOn- 
jiu  à  la  Batnlle  que  par  la  Seigneurie  de  Brail- 
lard ;  fes  extiavagancei  outrées,  St  Tes  em- 
portemerits  fijrieux  lui  ai'ant  acquis  ce  beau 
for  nom. 

£n  quiitantlaBadille,  Mr.Linckfutchcz. 
fAi.  Charas  Apothicaire,  tîjedes  Boucheries 
au  Faui-bourg  St.  (jermain  ,  où  Mr.  Tour- 
ton  Banquier  &  pjujicurs  autres  de  Ces  Amis 
l'attend  oient  à  dmer  ;  d'où  le  lendemain  Mr. 
d'Argenroii  le  fit  venir  chez  lui,  pourlui or- 
donner de  fortirdans  trois  jours  de  Pari».  & 
inceffammciu  du  Royaume.     Cet  ordre  lui 
6t  prendre  le  parti  d'aller  à  Verfailles  t.ou- 
ver  Madame  ,  pour  lui  remontrer  l'impolfi-. 
faîlité  où  il  étoit' d'exécuter  l'ordre  de  Mr. 
d'Argenfon  ,  avant  que  d'avoir  rei^u  de  chez 
lui  les  fecours  qui  lui  étoient  lî  neceUâires 
pour  fe  rendre  à  Leipfik.     Cette  genereufe 
&  obligeante  PrinceJIe  fut  trouver  dans  l'Li-  . 
ftant  le  Roi ,  &  en  obtint  pour  Mr.  Linck 
un  PaJTeport,  avccpermiflion  de  pouvoir  en- 
core relier  huit  femaipes  à  Paris.  Le  troilié- 
me  jour  du  Mois'dc  Juin,  un  Dimanche  a^ 
près  niidî  >   il  vint,  nous  dire  adieu  ,  comme 
,    il  nous  avoit  promis.     Il  étoit  daus  un  beau 
Carofle  avec  plulïeurs  Dames;  il  le  fit  arrê- 
ter dans  la  place  qui  eft  devant  la.Portç  de 
St.  Antoine  ;  &  en  étajit  defcendu  lui  &  Ta 
Compagnie,  il  vint  à.pied  jufqucs  furlePa- 
rapet  du  bord  du  foSé.     Il  nous  falua  plu-, 
iieurs  fois  ;  nous  fît  les  lïgnaus  dont  nous 
ftions  convenus;  après  quoi  il  remonta  eo 
Caroffe.  Il 


3IO  Vhqmjitiim  fnmçtift 

II  meferoit  très  dificUe  de  btea  «primer 
tout  ce  <]ue  j'ai  eu  à  roaSVir  avec  moa  boa 
Prêtre  depuis  le  lî-  Mai  1703.  jufqu'au  17. 
JuiD  que  je  fus  féal  avec  lui.     A  chaqu'in- 
llant  c'étoit  nouvelle  impertinence,  qui  cn- 
cheriffoit  fur  la  précédente.   Très  fouvent  îl 
fe  levoît  brufquemeot  du  lieu  où  il  faîfbit  ïa 
(mère  ,  &  où  il  fembloit  Otre  ravi  en  extalë, 
pour  venir  de  fang  ftoid ,  me  dîRraire  de  cel- 
le que  je  faifois  au  pied  de  mon  lit  ,  &  me 
chanter  toutes  tes  injures  que  fa  rage  te  d 
fblie  lui  pouvoicnt  inJpirer.     (Quelquefois  il 
le  mcctoitâfairc  les  mêmes  aâions,  comme 
s'il  m'-cût  traîné  par  les  cheveux  d'un  bout  de 
la  Chambre  à  l'autre  ;  fautant  avec  fes  deux 
énormes  pieds,  cariHes  avoîc  fi  larges,  que, 
quand  le  Gouverneur  fut  forcé  de  lui  faire 
faircdes  Souliers ,  il  fallut  que  le  Cordonnier 
fit  faire  exprès  une  forme,  n'en  aiantpas  d*af- 
fe/,  grande  pour  luii  faifant  dis  je  les  mêmes 
poilures ,  avec  des  grimaces  furîeufes ,  comme 
s'il  m'eût  foulléfous  les  picds&  m'eutdanfë 
liir  Iccorps,  en  donnant  des  coupsde  poing 
en  l'air  comme  s'il  m'eût; efFeaivcment  outra- 
gé. Je  fiis  forcé  de  lui  dire,-  que  j'avois  gagnd 
fur  moi  de  fouffrir  avec  patience  toutes  fes  er- 
trav^anccs  ,  &quetantiiu'îln'y3voiteuque 
des  paroles  ,  je  les  avois  laiifé  paficr  ;  mais 
que  fi  il  avoit  l'infolence  d'ufer  de  maiiimi- 
fi  je  Je  mettrois  en  état  de  ne  plus  menacer 
pcrfonnc.     Je  me  cru  obligé  d'avenir  les  Of- 
fxicn  de   fes   emportements  fougueux  ,  & 
de  leur  déclarer  que  la  patience  m&îllible- 
ment  m'écbapcroit ,  &  qu'ils  feroicnt  caufe 
des 


.--„Googlc 


M  fHilftin  de  UBaflilU.  Jii 

<ieS  Taïtes  ficheufes  qui  en  pourroient  arriver, 
fi  ils  ne  m'ôtoicnt  pas  ttn  furieux ,  qui  avoît 
plus  bcfôinde  menottes,  que  de  fon  Bréviai- 
re, lioîn  de  fe  rendre  à  de  fi  juftes  railbns,' 
ils  Se  contenterem  de  me  donner  un  troifié- 
me  Compagnon ,  comme  on  le  va  voir  lorf- 
que  j'aurai  dit  cequi  noas  arriva  encore  lorf- 
que  nous  filmes  fculs. 

Le  14.  Mai  170).  le  lendemain  de  la  for-' 
tie  de  Mr.  Linck  fiir  les  deux  heures  après- 
midi,  lorfque  j'écrivois  quelques  réflexions, 
il  vint  une  voix  de  la  cheminée  qui  nous  fa- 
iBâ ,  nous  demanda  IVtat  de  nôtre  i~anté  ,  & 
s'informa  qui  nous  étions,  je  cru  d'atord 
que  c'éroit  la  voix  de  Stentor  ,  tant  elle  me 
parut  affi-eulè  ,  ou  que  c'étoit  quelqu'un  qui 
nous  parloit  de  la  Piate-forme  au  delfus  de  la 
Tour  ,  avec  un  Porte  vois.  Je  fàl:ist!s  à  la 
curiolité  de  Flnquifiteur  ;  &  après  lui  avoir 
dit  qui  nous  étions  ,  au  moins  moi ,  car  le 
Guré  de  Lery  ne  vouloit  £rre  connu  que  fous 
le  Nom  d'Abbé  de  U  Motte  ;  je  lui  deman- 
dai, qui  étoit  celui  à  quîj'avtjisl'honnearde 
p^ler,  quels  étoient  fes  Compagnons,  &en 
quel  lieu  de  la  Tour  ils  étoient?II  me  dit 
qu'ils  étoîcnt  trois  gîtez  dans  la  Calotte  ; 
qu'il  s'appelloît  du  Prey  de  Genève,  quelW 
Comps^nons  s'appclloient ,  l'un  Matliurin 
Picot,  Laboureur  deGournaien  Picardie,  & 
l'autre  Piiilîbert  la  Salle  de  St.  Etienne  en 
Foreft ,  Laquais  de  Mr.  le  Fort  auffi  Prifon- 
niei  à  la  Ballille.  H  me  dit  encore  le  temps 
i  peu  près  qu'ils  avoient  été  arrêtez,  &  ilfe 
trouva  que  ^'étols  à  tous  leur  Doyen  de  Balr 
tille.  Je  Tatisâs-à  leur  curiofité  du  tnieiix  qu'il 


^1»  VltufitipieH  trMfe'ifi     - 

me  fi}t  po^iWe.  Je  luidîs  quej'avoiï  été  ar- 
réu-  à  Verfailles,  âïfldt  été  rafpellé  de  Hol- 
lande à  Ja  Qour  par  ^r.  Cbamillart  ;  Sx.  que 
ynénut  rev<(iu  TM^fa  Fpi  dcceMiniitre,  qui 
m'avoit  reti-mi  auprès  délai,  Mr.  le  Marquis 
de  Torcy  m'-avoic  fait  acrÊccr,  lorfque  jeme 
croiois  dans  la  taveur  par  deflus  les  yeui  ;  & 
que  j'emploioîs  le  crédit  que  tnedonuoit  Mr. 
Chamtilart  i  me  faire  des  Amis,  en  obligeant 
tous  les  Officiers  en  qui  je  croiois  découvrir 
du  mérite.  Il  me  dit  que  lui  du  Prey  avoîi' 
été  trahi  par  un  l' aui-rretc  ,  qui  avoit  feint 
d'être  de  la  Religion  Reformée  pour  le  Li- 
vrer à  Mr.  d'Argcntbn.  Je  lut  repondis  que 
Mr.  d'Argenfon  «'avoit  nulle /autoricé  ai  in-. 
^cétion  fur  Meilleurs  de  Genève  pourJefait 
de  la  Religion  ;  qu'î.s  tutoient  fous  la  Piotec* 
tioD  du  Roi .,  &  que  je  m'étonnois  que  ce 
Minillre  l'eût  tàit  eruprilbiiaer  pour  un  Aâc 
que  les  Genevois  prot'elTuient  publiquement  à 
la  Cour  >  à  Paris  ,  &  par  luut  le  Roïaume 
fous  l'autorité  du  Roi.  Je  vis  bien  parfès  re 
ponics  ambiguci  qu'il  mê  déguifuit  lavérité, 
é'.  je  n'ai  fçû  que  plus  de  trois  ans  enfuite 
&  plus  de  deux  après  que  j'eus  été  fpndeplo 
lable  Compagnon  ,  qu'il  s'appelloit  Samuel 
Gringalet  de  Verni  dans  le  Pais  de  Geiî,  ■& 
découvert  le  véritable  ftijei  dcfon  arrêt  ;  car 
c'écoii  un  homme  qui  faifoii  le  myftérifux  en 
tout;  &  plût  à  Dieu  que  ç'eûtétéfon unique 
delïaut. 

Mathurin  Picot  étoit  un  bon  Laboureur  , 

qui  dans  fon  langage  &  fcf  ipaniéres  paroif- 

wà  très  greffier .  iqais  qui  dans  le  foudétoif 

très  habille  ,    très  honnête  homme  &  bien 

■  ;  "  craig- 


.--„Googlc 


«*»ignant  Diai..Sa  bonté  faifoir  tout  fou  cri-, 
me.  On  l'avoit.  arrêté  pwctqaec'étoit  le  Me-' 
decin  charitable  de  fon  Pats  •  &  qa'il  étoit  2, 
peu  près  à  Gournay  ce  que  Chtifl(^h|e  Oza- 
ne  étoit  à  Cbaurdnu.  ll^avoit  iàit  des  curei^ 
fbfprenaQtes  ,  comme  je  l'ai  appris  fur  les, 
lieux  de  l'Hôte  de  Gourotu  ,  où  nous  droi- 
Hies ,  lorfqne  les  Exempts  du  Roi  nous  coa> 
doifiretu  de  la  fialUlIe  â  l'iûe,  homme  dqai: 
Picot  nous  avoi(  raconté  mille  biens  dan.s^ 
Prifon,  &quime  parutfbrtdroit&  fort  judi- 
cieux. Il  m'aigrit  la  funçUe  cataArophe  du 
pauvre  Picot,  qui  avoit  les  Médecins  pour  par- 
tie :  Gents  implacables;  furtoutquaudoa  va 
Tut  leurs  bnXées,  qu'on  decouvra  leur  igno- 
rance commune ,  &  qu'on  ]«ir  âte  leur  pra- 
tique, eu  dévoilant  la  iKUUpedes  lîraptes  qui 
fKQvcpt  nous  fouJager,  iàns  leur  Galimatias, 
&  les  termes  barbares  de  leur  Faculté.  Pi- 
cot gueriflbit  gratis,  pendant  que  les  antret 
aQàfiinoiem  à  grands  tiais  :  c'en  étoit  plot 
qu'il  n'en  falloit  pour  leur  taire  perdre  leur 
otedit ,  &  les  mettre  ainli  ea  Aireur.  Leur 
Alitoiité  donc  fit  oçttre  Picot  à  la  Babille, 
parce  qu'il  ne  fi^avojt  pas'fervirla  owrtdans 
les  formes,  qu'il ^uetiifott contre lesforpiet, 
<luoîqiie  pour  cet  etfet  il  ne  fûtpasrev^tu  de 
la  Robe  de  Rablais  ,  ni  honmé  du  Bonnet 
XlodoraJ.  Mais  le  crédit  de  Mr.  Amelot  dé 
Ift  Houflàye  ^  dmit  par  bonhaut  Picot,  étoit 
jermicr,  &  Fermi«rdroit  &  fidelle,  r«wi- 
randa  !  le  tira  pour  pncemps  d'un  Ueu,  op 
fçjoo  toutes  les  jiparencçs ,  il  ttoit  renfermé 
four  toute  là  vie.  Car  quand  les  MedecîtH 
tau  fait  tiaiisfcrer  quelqu^on  de  leurs  Auta- 
O  ^o- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


goniftes  tlans'cettcCarcme «ux  Lions,  ilsiy 
tOQt  demeurer  Iç'rcfte  âc  fbt  joQrs  ,  par  le 
dredit  de  Mi.  FagOn  Premier  Médecin  do 
Roi,  qiiÏBeinanqae  pasd'en  remtmneciStt 
Majeflé  les  joAes  &  judicienlës  confeqnea- 
ces.  Picot  de  retour  en  fon  faïs  ,  an  An 
après  qae  je  lui  ea  parlé  par  nfttre  chenu- 
née,  Ât  encore  Médecin  charitable  ,  com- 
âie  je  Pai  appris  fur  les  Hen,  &  fa  fdea- 
ée  ^t  tant  de  bmit ,  que  la  Faculté  ajoatà 
i  lès  accuCidons  contre  lui,  pour  ïmpôfèr 
Alence  à  Mr.  Amelotde  laHot^re,  l'Att 
fterct  prétendu  de  faire  de  l'or.  Ilsgagne- 
rent  le  Cur6âe  Gournai,  qui  afiRnna  avoir 
TÛ  en  Livre  miracbleni  entre  les  mains  de 
picot,  f^r  le  moieii  dtiqael,  il  avoit  conv 
jnunicarion  avec  les  httcltigenccs  fupcrieui- 
rcs.  Le  Livre  ne  s'eft  jamais  trouvé:  ccpcn- 
l^nt  fnr  cette  dépolhion  autcntique  ,  &  le 
crédit  des  Doâeurs  de  la  Faculté,  Picot  fut 
remis  à  la  Baflille,  od  peu  de  temps  après 
il  mourut  dé  deplaifir  ;  &  fkns  doute  de  mi- 
jcre,  acravée  à  la  recommandation  de  Mr. 
FrcfquKf  Médecin  de  H  Batlille.  Il  I^lfii 
noc  Fine  aniqne,  fi  panvre,  malwé  fes  fe- 
crcts,  capables  d'enrichir  tout  un  RoVaumev 
"  que  la  malheureuftétoità  travailler  ajournée 
3  la  Terre ,  lorfiiue  noas  paiHmes  au  Mois 
de  Juiiletdel'Anntfe  1713.  à  GourOai.  J'an- 
rois  été  bieii  aîfe  de  la  voir ,  &  mémet'HÔ- 
tc  voiIlBt  nous  la  faire  appellcr  ,  mais  com- 
me lès  Officiers  de  la  Biltille  m'avoient  de* 
poUîHé  dctout  avant  que  de  m'eiivoycr  en 
exil,  &  que  je  n'avoit  rien  3  donnet  i  cette 
pauvre  Fiile,  poifqtt'll»nem*ar<»eDtp»]«tf- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


ta  FHiftohe  de  ta  BaJMle.  3  f  j 

Ci  un  fou  ,  je  fus  privé  de  laûtis&aion  <{e 
lavoir,  &  de  m'infowner  plus  particulière- 
ment des  malheurs  de  fon  Père,  à  qui  U  j»- 
loulîe  de  la  Faculté  «voit  dopntf  l^  ipott  • 
mais  une  mort  ttès  cruelle,  &  (î'une'Hiaoa- 
re  tout  à  fait  inhumaine. 

Philibert  la  Salleétoitun  jeuiie  ^rçonds 
dJxhuit  ans:  il  étoit  au  fervice  d'un  nomm.é 
Mr.  le  Fort  lors  qu'il  fiit  arrêté.  Son  Maî- 
tre avoir  pris  avec  lui  uncAngloife  très  bien-  - 
faitte,  mais  fort  libertine,  qu  il  faîfoitpaflet 
pour  fa  Femme,  àlatenoiten  chambre  gar- 
nie ,  chez  le  nommé  Collier  ,  Maître  Cor- 
donnier riie  Trouflfe-vache,  Unfbir  fur  Içs 
hait  heures  le  Fort  &  fa  pretendiié  Femme 
furent  arrêtez  par  des  Exempts,  &unenom- 
breufc  Kirielle  de  Hapech«rs,  qui  les^forcç- 
rent  de  monter  en  Carolfc.  Philiberten  qua- 
lité de  Laquais  monta  derrière,  comme  s'il 
eût  eu  bien  affaire  à  la  Baflille.  Lors  qu'ûa 
fit  entrer  fou  Maître  &  fa  Maitreffe  dans  la 
Caverne  de  Polyphémc,  il  fit  l'oflBcieus  &  vint 
ouvrir  la  portière  du  Carofle.  Qu'es-tu  toif 
Joi  dit  un  des  Exempts.  Je  fuis ,  répôndit-ij, 
le  Laquais  de  Mr.  le  Fort  II  n'en  fellot 
pas  davantage  poQr  le  faire  entrer  dans  l'Au- 
tre redoutable,  où  après  Tavoir  gardtf  qu^. 
ques  Années,  fins  ïçavoir dequoi  même  on 
accufoit  fon  Maître  ,  d'Argenfon  Je  vendît 
au  Roi  pour  en  faire  un  Dragon.  J'aidepu» 
apris  que  le  Fort ,  f»  Nimphe.,  '  &  fon  Laquais 
n'avoîcnt  pas  étiï  arrêtez  feu[s  i  que  fmt  i 
huit  Pçrfonnes ,  qui  quelques  jours  avant  leiir 
■arrêt ,  avoicnl  foupéareCeux,  ayciemparcili— 
Icmeia 6ti arr&cz :  que  Collier leaiHôïfi*: 
Qa  ft 


^1.5  .  L'IitfMÏfitiom  FrMtfoife 

la  Femme  ,  malheureufement  ponr  eux  in- 
vitez à  ccfuncne  foupé  ,  avoient  cté  emptî- 

"fîïnnez,  auŒ-bienque  leurs  Enfants  ,  quoi- 
que le  plus  âgé  n'eût  t^tie  huit  ou  neuf  ans, 
Cour  avoir  verfé  à  boire  pendant  le  repas, 
"out  avoir  été  amené  au  Colombier  de  d'Ar- 

^enfon  ,  qui  leur  y  avoit  fait  couver  des  pif- 
toles  à  fou  bénéfice  le.plus  long-temps  qu'il 
avoit  pu  ,  aptes  quoi  il  avoit  laiflé  envoler 
fesPif,eotmeau3.  A paremment  qu'une  defes 

'mouches  avoit  été  durepas,  où  l'oQavoitpû 
lâcher  quelque  parole  contre  fes  extorlîons, 

■  ou  contre  le  Gouvernement.  Le  raport  vnû 

~ou  faux  avoit  liiffi  ,  .pour  faire  arrêter  tous 
CCS  pauvres  Gens.  Mais  ce  qu'il  y  avoit  de 
funcfte  pour  Collier  &  fa  Femme,  c'eft  que 
d'Argenfon  avoit  fait  vendre  les  Ibulitrs,  le 
cuir  &  toute  la  Boutique  du  pauvre  homme. 

'.  Le  Propriétaiie  de  la  Maifon  de  foii  côté  a- 
Toit  fait  vendre  les  Chambres-gatnies,  dont 
avec  là  Boutique  il  faifoît  fubfifter  fàFamil- 
le,  qui  en  fortant  de  la  Ballille  fe  vit  fur  le 
payé ,  eipofée  aux  dernières  miféres.  O  Juge 
Dwbare  de  Police  infernale!  comment  répa- 
rer la  defoi^tion  de  Tes  funcfies  viâimcs  de 
vôtre  avarice  iàns  bornes  i  &  d'un  nombre 
infini  d'autres  malheureui,  opprimeï  par  vô- 

"tre  autorité ,  &  que  vos  eiaâions  ont  réduit 

'à  la  mendiciié  î  Pendant  que  vous  regorgei 
de  leurlàng ,  la  vois  ea  monte  au  Ciel  pour 

'y  provoquer  la  juftice  d'un  Dieu  qpi  ne  fc 

'fcrt  de  vôtre  Minillc're,   que  poiy  châtier 

Yon  Pcuplel  mais  prcne?  garde  quil  ue  jct- 
u  les  verges'  dans  ceitéu  gui  lie  s^teiiidia 

'iamais. 

Ce 


.--„Googlc 


-  Ce  PhilibcrtlaSaHeavanttiDêd'entrcrdans 
i» Calotte , où  il étoît  aflacllemcnt, fortwt àè' 
}a  première  Chambre  de  la  Toarde  la  Com-' 
té,  d'a,vec  Nïcodéme  dcslmbcrs.oùitavoft 
ét^  mis  en  I*  place  de  Farcy  avec  le  Sieur' 
Charas,qaiyavoiréttf  mis  en  laplacedeMr. 
Jacob  le  Beithon.  j'ai  déjadit  ce  qucje  fca-- 
vois  de  Mr.  IrBerthon,  deFarcy,  &dcâet 
Imbers;  &  voici  ce  que  la  f^le  m'afprit  de' 
Mr.  Cluras  Frère  de  celui  qui  le  jourprecv-" 
dent,  étoit  Tenji  faire  fortir  Mr.  Lisck  de  -îa 
Ballîlk,  où-il  'ifcfçavoit  pas  qu'il  avoir  un' 
Frère  depuis  tris  long-temps. 
■  AprèslaPaix  de  Ryfwick  ,  Mr.  ChaKî" 
Chinirgiea,  qui  ^toit'émbti&marié  à  Lon- 
-  drcs  depuis  la  perfecution  ,  eut  envie  de  ve- 
nir voirfa-  Mère,  foa  Frère  &fcsanrres Pa- 
rents; &aianr  laifféfaFemme&fes Enfants' 
chez  lui,  il  vint  à  Paris ,  ^icu  de  fa  naiflàn- 
ce ,  car  il  étoit  Fils  du  Fameui-  Moyfe  Cha- 
ras,  célèbre  Médecin  delà  Faculté  de  Paris, 
celui  donr  les  ouvrages  font  encore  l'admï— ' 
ration  de  tous  les  Sçavans;  A  peine  yfut- 
il  arrivé  ,  qu'il  fut  enleva  &  conduit  ilaBaP-' 
tille.  Sa  Mère  &  Ibn  Frcre  vainement  vin- 
rent l'y  chercher  :  on  leur  affirma  qu'il  n'y 
éioit  pas.  Ils  crurent  que  quelque  chagriif 
ïècret  lui  avoît  fait  quitter  Londres ,  poUr 
voyager'à  t'aide  de  Ion  Art,  où  il  éroit  foft 
habile.  Le  pauvre  Prifonnîerdefoncôté,  nt 
fevoïautpas reclamé,  crut  qu'il  avoitét^ ar- 
rêté par  le  crédit  de  les  Parents  ,  qui  par  là 
Se  feroient  exemptez  de  partager  avec  lui  la 
fùccelllon  de  fon  Pcre.  Mais  c'étoittHCn- 
injullcment ,  puifque  fa  Mère  &  Ipn  Ftorr: 
O  j  ètoieat 

Coo>;lc    ■ 


âoicnt  dans  lA-âeriùéTe  sffltâKmi  de  ne  poo- 
TOtr  Mprendra  ce  qa'H-étoitdtfveDa.  ^sbor- 
hires  Ttiubs  i  pow  Atci  toate  c<»iO(M&aGe 
de  fk  dctentton  à  Cenx  qttr  Ttnnnent  pu  ré- 
clamer l'avoÎMitenferm^dMisHnCachot,  eà 
il  s  refté  r<^«ace  de  pris  de  cinq  «os.  Eirfn 
rèdnit  aa  defeTpoir ,  fc  roiast  tout  nad ,  lès 
haHts  ^rant  ofei  ,  cai  il  n'y  a  point  de  liea 
oà  l'on  en  ufcplas  ^ae  dans  leï  Cachots,  je 
leifupareipcricacc,  mol  RouitU  ^aascoB- 
fgladon,  il  refolntde  (bnninec  fet  jours  par 
fes  propres  mains-  Pour  cet  effet  il  fit  vat 
poÎDte  à  &ia  coQteaa,  àforceAer^aifofiir 
ouccnichedegnus,  dans  l3<]aelle su luidon^ 
noii  de  l'eau  ponr  boire  ,  dont  enfiiite  il  fe 
frappa,  &  toit^  de  faU^ute  ptiv<  decon- 
noiflànce.  Leporte-Clefs  le  tr«ival«itoo*r- 
■vert  de  fon  fa^,  lorfqu*à  l'hcar*  otdioaiie 
il  vint  lui  aporter  du  pain.  Il  aï^laproEMM 
tcmcnt  Rcilha  le  Chirurgien  ,  qui  heoreuft- 
mentlè  troBva  être  des  Parents  de  Mr.  Ch»- 
ras  ,  fans  qae  le  Pcifonnier  en  ait  rien  fçu 
qu'après  fa  délivrance  ,  ainfi  qoe  Reilhe  lui 
m£me  me  l'a  dit  :  il  fonda  fa  blcOùre  ,  qut 
ne  ic  trouva  pas  mprlellc  ,  car  par  bonheur 
le  couteau  avoit  gliiïë  fur  une  c6te.  Lorf- 
qji'il  l'eut  fait  revenir tte  fon  évaaouiiTeinent 
par  fes  remèdes  ,  le  GouTerncor  defcendit 
dans  le  Cachot ,  &  au  Heu  de  le  confoler  , 
es  blafphêmant  le  faint  Nom  de  Dieu ,  d'u- 
nemaatéreesecrable,  il  vomît  contre  lui  tout 
ce  que  fa  rage  lui  put  fuggracr  ;  après  quoi 
ilTenvoia,  pourmietixleguerirdefesbieflii- 
rcs,  avec  des  Imbers,  ce  fou  tout  nud  dont 
j-'ai  pultf ,  &  luidoniia  poiu:  ttoUàcme  Corn-. 
.      -.  pag,non 

.^.C.oo>;lc 


iJâgnbn  La  Sali»  ,  pour  l'empÉchct  de  con  - 
feiWer  à  fe  fiOre  violence  ,  &  prolefta  à  la 
-^lle  ;  qu'il  en  repoadioit  im  fa  téfe ,  en  cstt 
Tjue  Mr.  Charas  vînt  l  s'outrager  en  fa  cofll- 
^agnie  ,  comOie  fi  toute  la  pnideace  hnffiaî- 
■ne-  pouvoir  «np£eher  un  Homnic  d'attefiter 
à  fa  vie  ,  quand,  il  en  a  fermé  la  réfolutïon. 
il'  tut  queftion  d'habiller  le  dit  Siteuf  Charas-, 
pour  le  iiire  Comparoître  devant  Mr.  d'A*- 
genftm.  Le  Roi  païoit  l'habit  ;  maïs  en  ôi 
S«)àtiaiK  Uh  à  Mt.  Charas  les  Officiers  n'en 
«lt<oient  pas  mis  l'argent  dan^  leur  poChlï. 
Que  foire  pour  obvier  à  ce  malheur  ^  L'a- 
varice leur  en  fuggera  le  moyen;  Ils  ftfeitt 
écrire  uilfi  Lettre  à  Mr.  Charas ,  qa'îl  aÀef- 
fbit  àfaMcre,  datléeduChâceaildcHan,  par 
iWquclle  il  la  prioit délai  envoiter  dix  pittotès 
pour  liialdHer  t  puifqu'il  étoit  tout  nud  ;  ft' 
qu'elle  n'avoit  qu'à  donner  les  dix  pîftblcs  à 
mr.  du  Joncas  ,  Lieutenant  de  Roi  de  Ik 
Baifille  ,  qui  les  feroit  tenir  très-feutemcnt 
à  Mr.  le  Gouverneur  de  Han.  Mr.  Charas 
i'Apoticairc  fut  les  porter  lui  m^me  à  Han , 
&  conjura  le  Gouverneur,  par  tout  ce  qnt: 
la  tcndiellè  peut  infpiret  de  plus  touchant  à 
«n  Frère  ,  pour  émouvoif  'un  cœur  ,  de  lui 
fftirc  voir  fon  FrerCi  Le  Gouverneur  qui  i- 
toit  honnête  Homme  rrfiilà  foh'  argent ,  ,& 
l'afllira  dans  des  tetities  fi  forts,  ^ucl'onFre-' 
re  n'étott  pas  dans  foà  Château  y  &  qu'infait- 
liblement  il  écoit  à  làBaftilie,  que  Mr  Cha- 
ras le  crut,  &  revîhtàParis  lollicîcer  1* Oï^ 
■ficiers  de  la  Baftîile  de  lu* avoiierfifon Frè- 
re étoit  entre  leuts  mains.  Ils  lui  firent  <}« 
ferments  horribWs,  pour  luiaffitaietlccofi- 
O  4  traite.' 

-,     .     Coo^jk 


3ao  L'iuqui/ttiùm  FrMMfâfi 

traire.  Enfin  la  Salle  étant  foiti  pour  fer?â 
dans  les  Dragons  ,  il  tint  la  promelTe  qo'fl 
avoit  faiue  à  Mr.  Charas  Prifonoicr,  &il6r 
crivit  i  Mr.  Charas  Apothicaire ,  pour  lui  con- 
firmer qnc  foQ  Frerc  étolt  daiis  la  Baftille. 
.Sa  Mcre  &  lui  cmploïcreat  taot  d'Amis  au- 
près da  Roi;,  de  Mr.  le  Chancelier  ,  &  de 
Mr.  le  Comte  de  Pontchartrajn  ,  qu'ils  jeâ<- 
rcnt  fortir  de  cette. Speloqque  înftrnile  ,  am- 
ples iix  Ans  (ix  Muis  d'unt^Prifon  inhumai^ 
ne,  où  j'ai  appris  que  cet  infortuné,  qui  eft 
un  très  hpniû^e. Homme,  a  perdu  fafaoté, 
ai)$  [»ep  que  moi ,  d'une  maniée^  à  ne  poQr 
roir.  jamais  la  rétablir. 

I^e  prétendu  du  Prey  nous  dît  qu'il  étoit 
foni  depuis  peu  de  la  Calotte  de  ta  Comté , 
où  il  avoit  eu  communication  avec  des  Pri- 
founiers  qui  étoicnt  au  delfous  de  lui ,  dont 
l'un  étoit  l'Abbé  RoUet,  Chanciine d'Âutuii, 
Précepteur  des  Enfants  dç  Mr.  Biunet  <k 
Rancy,  L'autre  étoit  un  Gentil- Homme  de 
Hanover  ,  de  la  Ville  de  Hanidn  ,  nommé 
Mr.  Schiader  de  Pcck,  Capitaine  de  Cavalerie 
dans  les  Troupes  de  S.  M.  Impériale.  &  ci 
devant  Capitaine  d|Infiuiterie  en  France, 
dans  le  Régiment  de  Surlaube;  &  le  troilîé- 
,inc,  un  notnmé  Jacques  Maurice,  Tailleur 
d'habits  d'un  Village  aux  environs  de  Valen- 
cienues.  Le  Curé  de  Lery  fe  mit  à  dreffer 
les  Oreilles ,  comme  un  Ane  qui  boit  dans 
un.  fcau  ,  quand  il  entendit  parler  de  TAb- 
.bf  Rollett  &  pria  l'Oraipur  du  Prey,  de 
.lui  en  détailler  pofitivcmcnt  tout  ce  qu'il 
.en  fçavoit  ;  &  voici  ce  que  Gringalet  nous 
ep  apprit,  avec  une  voix  pareille  à. celle 
d'un 

i),-„r;., Google* 


d'un  Taureau  qui  auroit  mugi  dans  la  che- 
minée. 

L'Abbé  Rbllet  étbît  aU  '  Collégfe  ■d'HW'- 
court  avec  les  Enfants  de  Mr.  BrèSet  de 
Rancy,  Fermier  General ,  lorfque  les  aïatft 
conduit  à  la  Promenade  au  Jardin  de  Lo- 
■  ïembouriî,  un  jour  de  congd-,  il  y  trou?» 
un  Prêtre  qui- revenoit  de  Hollande,  qiri 
s'appelloit  Sore!  autrefois  Curé  de  Lery  , 
qui  -l'aiant  abordé  aroii  fait  coniioîflànce  a^- 
vec  lui,  &  lui  avoit  donné  un  ou  -deuxpe- 
tits  Livres  brochei  qu'il  aToit  apportez  de 
Hollande.  Le  lendemaiu  ce  Prebre  l'étSBï 
allé  voir  au  Collège  d'Harcourt,- luien  a- 
voit  vendu  quelques  autres ,  &  l'avoit  prié 
de  lui  en  faire  vendre  dans  le  Collège  aux 
autres  Gouverneurs  &  Précepteurs  qu'il  coa- 
noiffoit.  Le  nommé  La  Saulais,  Mededa 
s'étant  trouvé  chez  lui ,  lorique  le-dit  So* 
rel  y  étoit,  il  luien  avoit  pareillement  ven- 
du deui  ou  trcMS.-  Enfuite  ledit  Sofel  IV 
voit  prié  très  inilamment  de  lui  obtenir  de 
Mr.  de  Rancy  une  Commiflion  d'Ardicr 
d&  Gabelle  pour  fon- Valet  auquel  il  dcvoit 
une  recompenfe;  ce  queledirSr.  AbbéRol-i 
let  lui  avoit  accordé.  Mais  enfin  ledwSr.' 
Sorel  aïant  qucr-cllé  ,  battu  &  Outragé- fon 
Vailct  ,  il  l'avoit  chaffé  ;  après  quoi  iViant 
trouvé  chei  leditSr,  Abbé  Rotlet-,' qui  fot* 
lîcitoii  l'emploi  qu'il  lai  avoit  fvV  eipercr  >. 
le  djr  Sorel  s'étok  encore  brHtalemem  chi- 
portè  contr»  lui,  &  conjuraledit  Sr^Abbé 
de  ne  lui- pas -faire  donner  l'emploi  lïo'il  M 
ftvoitpromis.  puifqù'iru'en'àuroit  pasd'hOQ-' 
Bwu-fon  -Valet  étant  un  Fripoa.  «  Ce.  Va* 
.     -.  0-j  .  ISP.- 

L„:,-,zf--„GoOg[c 


1ct,lloniiDéGuill!ÛaGoargue  dû Roqnefon, 
Twlleur  d'habits  de  fa  proieflîon ,  pour  s*eo 
vcuser  toi  trouver  Mr.  d'Argencon  ,  &  lui 
decuum  le  commerce  de  Livres  de  Ton  Maî- 
tre, Qui  ne  l'étant  plut  trouvé  à  la  Ga.de- 
Roïals  UL  haut  de  1»  K.i'C  St.  Jacques ,  où  il 
Jçgeolt  avant  que  de  panir  pour  Schclellat, 
«à  il  élDÏt  allé  à  l'inrçu de  ce  Roquefort,  aur 
^pel  It  avoit  reigncurement  caché  Ton  em- 

Îloi  &  fon.voïiWeT  ledit  Roquefort  avoit  dit 
Mr.  d'Argeal^n  ■  que  le  véritable  moiea 
<ie  Icavoir  ce  qu'étoït  devenu  Sor^l  ,  c'ctoit 
«te  ttirearritei  Mr.  l'Abbé  Kollct ,  auquel 
^  avoit  veoda  une  quantité  prodigieufedefes 
iLivres.  Il  en  dit  plus  qu'il  n'en  faloit  pour 
fiùre  éclater  le  zélé  toujours  aâif  de  Mr. 
d'ArgeafoQi  alléché  part'elpoird.'une  bonne 
capture;  il  fit  inyeihrleCoUégedcHarcouix 
4ai)S  les  fbrmes  par  une  multitude  {MTodigteO" 
fe  d'Exempts.  d'Archers,  de  Pouffccus,,  &. 
^'autres  pareilles  Canailles  ,  qui  fouillèrent 
ciaâement,  non  rculcmeut  i'apartemeîic  de 
Mr.  l'Abbé  Rollet,  maïs  généralement  tout 
le  Collège,  où  l'on  ne  trpuva  rien  de  ce  que 
d'Axgenloa  cherchoit.  Il  s'y  étoit  tranl)>0[- 
té  magtllraleinent ,  pour  infpirer  plus  de  ter* 
icur.  Quoique  Mr.  l'Abbé  Rpllet  fût  jufli- 
fié  de  l'accuution  de  Rochefort ,  ne,  s'étant 
{autrouvédeLiyresdetfeaduschezIui,  d'Ar^t 
Konfon  ne  l«llà^asde  mettre  cet  Abbé  i  6(. 
La  Saulajt  Mcdecio  ,  che^  qui  on  avoit  étâ 
faire  009  pareille  perquilition,.  en  «rêt  chez 
I^  Exempt,  où  ils  mreitt  plus.d'uu  Mpit.  • 
dtaneudaiùqu'on&fûtlàifi  de  StxdenAl- 
laiB^¥,  OÙ ron Offrit  qu'il étOftAÛiuâiuec 
^  d'un 


.--„Googlc 


d'an  Régiment  de  Cavalerie  ;  lequel  en  dé- 
clara plus  qu'on  n'en  voulut  fçavpir.  ÏI,'»'" 
voua  qu'il  avoît  vendu  une  quantité  co*fi3é- 
rable  de  Tes  Livres  audit  Sr.  Roltet,  &  qjiel- 
eues  uns  audit  Sr.  de  li  Satilais.  Ccii  futaf- 
iCL  pour  les  faire  enfermer  tons  le*  diîu*'  â 
la  Baitille,  où  ledit  Sr.  Rôllct,  qUife fercdt 
fauve  vingt  fois  de  cheï  PÉxempts  fi  il  a*- 
voit  voulu','  Aott  tombé  dans  un  acJc^lê- 
meftt  &  une  langueur  ,  qtif  avoïttit  ttll*- 
ment  miné  fa  fanté,  qu'il  nVavoit  pasd'*-- 
parence  qu'elle  pût  jsm^'s  fc~  rftablir.  ft 
avoittrouvé  Icfecret  de  foire  l^àvoirde  ie»- 
nouvelles  à  Madame  de  Rancy ,  d'àne  ma*- 
nitfrc  très  îngenieulè  ,  malgré'  la  vïgilahcà  ■ 
de  fes  barbares  Tvi^ns,  Il  apprit  que  Tci 
pains  entiers  que  les  Prilonhiers  dbnnolettt- 
aux  Portc'-Gleft  toumoienr  ï  Teur  bcncflctf; . 
que  le  pain  qu'ils  emportoiefttparmorceaïit, 
étoit  emploie  à  foire  la  foupe  des  PTMbntiicry, .  ■ 
&  que  les  Porte -Clefs  vendaient  cts  pains- 
entiers  anx  Soldats  de  la  Garnifon  du  Châ'-  ■ 
teau.  Mr.  RoUct  fit  adroïttenwnr  utïe  ot^ 
verture  ï  un  de  Cts  pains  entiers,  écrivît, 
une  Lettre  à  Madamede  Rancy- qu'il  four- 
ra dedans  ,  & .  boucha  le  tf ou  fi  sdroitïe-  - 
ment  ,  que  l'Ouverture  étoit  imperceptible: . 
Le  Soldat  à  qui  le  p^'n  fut  vendft  ,  en  lé 
coupant;  y  trouva  le  billet,  qui  étoit  à-pea 
l^ès.xODfu  dans  ces  ttiïnei  ■■ 


MA* 

.--„Googlc 


M 


VI»qmfitiom  B^ft^- 


AD  AM'E, 


'  jF*«i  mieji  p^^de  eomfi^Mee  em  voi  iomtez  » 
qtujefmû  trii-ttrtaîm  ame  immi  fem  éU^mer 
mm  ko»  emfUi  ^  «m  de  yargemt  mm  Portemr  àe 
tt  biiitt ,  dmmt  le  miomemt  fm'il  vtms  le  remdrs. 
.&  vomt  vomUt  mt  famver.  la  vie  ^  follifittt,  «M 
Liberté  Mifrif  dm  Roi  ,  de  Mr.  le  Cttnte  dt 
Pmttiartraim  ,  i^  tmsort  plMs^fùrtemewt  am- 
frès  de  Mr-  ^AT^imfaa  >  de  qmi  elle  dife»4 
tAftUtmmt  :  t^Jt  em  me  laijfe  emtore  mm  Mois 
jei^  jefmis  mert\  i^  t'efi  faier  tref  eher  umt 
fmtsU  emriofiti.  Pour  mmrne  qite  voms  avez 
rêfmceUllet,  miz  la  hemtf  Mtfdame  de  tm  e»'. 
VMer  Kiei  hardei  ;  i^  damt  la.  tnaacbe  gamthe 
df  mu  SomtemelU  dtfeyt,  entre  la  daMbiMre^ 
le  deffm ,  vous  y  ferez  mettre ,  i^il  vam  fUîi 
mme  Réfomft  à  te  billet.,    L'Abbé  Rollet. 

Et  fins  bas. 
A  Madame  de  Ramey  à  fHiltl  de  CMVavalett 
Rie  de  la  Cotumre  pi/ite  Catèerime. 

Quatre  joars  après  Mr. l'Ab^rf  Rollctre- 
(Ut  UQ  grand  panaier  plein  de  toutes  Ibr- 
les  de  nfraidimea>eDts ,  Vins  «x<mî.s,  fruits, 
coufiniret  ^  rîeti  n'y  jnaaquoit  ;  çtun  coifre 
plein  de  hardes^  dont  la  plufKiit  dtoient 
toutes  neuves.  On  n'y  avoir  pas  oublié  la 
Soutaoelle  de  'foVe  ;  dans  la  manche  11  f 
iroavt  «a  billet  i  peu  près  dans  ces  ter-.. 


XOHfieMT  de  Ramey  '  domtté  dams  U  mtmiM 
ttnt-  Citmmiffton  tU  Brigadier  '  À  i'homm*  eu 
fmeftiom  ,  îjf  de  fàrgeitt  foM«  fe  tawdxirt:  en 
te  ^ojit  ti.ii  le  tomjervera  êm  votre  confider 
■  ration ,  Mottfietir  ;  ytutfortittz  imttffêmuaemty 
eu  je  m'aurait  »«/  crédit.  Sur  tout  Ht  vaut 
impatiemteZ  fui.  Je  vous  euvoirai  Jinveue 
dts  rufraifhiffements  fitreih  à.  eaufei  y.têiit 
^ue  vous  ferez,  à'- la  Bafiiilet . 

Depais  que  ma  Iïbeiti5  me  fut  aqonc^ê ., 
j'appris  par  un  des  Soldats  <;u!  nous  efcortoieiu 
fur  la  PMe-fonne,  où  nous  eûmes  la  liberté 
d'aller  prendre  l'air  quatr£  oacinq  autres 
Piifonniers  &  moi ,  que  ce  pauvre  AÛié  étoit 
forti  T  par  les  foUicitattoos  de  Monlieur  & 
de  Madame  de  Rancji^  aux conditionsde ai- 
re une  Année,  de  Séminaire  à  St.  Lai^are  ;  à 
la  fortie  duquel  il  s'tftoit  jette  dans  les  Bons- 
hommes à  Chailjoc,  pour  y  paiTer  le  reltede 
fes  jours ,  tnaudiiTant ,  appareoiment  de  tout 
fon  cceur ,  le  moment  qu'il  avoit  veu  pour 
la  première  fois  le  Curtf  Jie  Lery. 

Gringalet  nous  raconta  pareillement  l'aven- 
ture de  Mr.  Schrader  de  Pcck  ,  &  celle  de  ■ 
Jacques  Maurice.  Il  iiuus  dit  que  Mr,  Schra- 
der étoit  au  Camp.duRoi  des  Romains,  o^ 
un  Toir  il  regala  quelques  Officiers  de  &ax 
Rcfeimcnti  avecl'uadeiquels,  étaoten poin- 
te de  vin,  il  prit  querelle,  &  que s'étant bat- 
tu av^  lui. en  duel,  il  le  tua:  ce  qui  l'auroic 
coDtraint  de  fe  fauver  à  Thionviile  ,  où  it 
Femme  ,  fou  Frère  ,  qui  é(oit  Lieutenaiit 
dans  le  même  Régiment  où  il  étoit  Capitair 
0«  ,  &  le  Sr.  Wipertnan  l^ut  Cotilip  qui  <£- 
■      0.7  ;  toit 


.--„Googlc 


toit  Cornette  durt  la  Conqngniede  PAtirf, 
l^vfHCnt  fiiivi.  Ils-étoient  vennstooseoïcA> 
btc  i  Faris  ,  où  ledit  Sieur  Sdinuicr  s'étoji 
^t  de  piu0àiits  AmÀ  ,  pendant  qu'il  éioii 
Capitaine  en  Sorlanbe.  Il  ^crivirdcs'le  joa 
même  qu'il  y  arriva,  qm  Aoit  nn  jendi  à  Mt. 
le  M»rqo»-de  Radlly  nn  de  (es  PatroDS,  qui 
taî  av(Mt  mtoie  noirané  on  de  fcs  Enfknts', 
]ni  détailla  fonavaittuiirc,  &  le  priadelcîoti- 
teotrde  remploi,  pour  lai,  fon  Frère  &  fon 
CoufÎBi  Mr.  de  Raciiïy  loi  fit  réponie  dès 
le  lendemain,  Taflu^  qu'il  avott  donné  Coa 
placet  â  Mr.  Chimlllart,  lui  protellant qs'il 
l'apuiroit  de  tout  foii  crédit,  ne  dontant  pas 
d'une  heufcufe  reuflîtte.  Cependajic  le  lun- 
dy  fuwant  i  pluficurs  Exempts  iîiivis  d'un 
Peuple  d'Archers  de  la  PafEon  ,  vinrent  l«s 
arrêter  dès  le  matin  ,  au  CroiOànt  on  ils  é- 
Kdent  logez  au  FauxboUi^  St.  Germain  ,  & 
les  amenèrent  tous  qOatrc,  arec  deux  Valets, 
&  Qnc  Fine  de  Chambreà  la  BafHlJe.  J'au- 
ratfiijet  de  parler  d'eux  dansl'autieTomtdc 
cette  Hifloire,  &  les  fuirants,  carillcurcft 
arrivé  des  chofes-tom  i  iâit  fiuieftes. 

Jacques  Maurice  étoit  un  pauvre  Tailletir 
dtûïnts  de  fa  profeffion ,  dans  un  Village  auï 
environs  de  Valenciennes  ,  jTui  le  bord  de~ 
rEfcaut,  oà  il  étoit  FairagerordinairedePe- 
re  en  Fils.  Sa  barque  étoit  une  Cuve,  dans 
laquelle  ce  Bûn- Homme  Carpn  meltoit  f« 
PaS^cis  i  l'autre  bord.  Quelqu'un  de  fcs  ■ 
Ennemis  eut  la  malice  d'aller  déclarer  à  fin. 
tendant,  que  parmi  ceux  que  cefimieuxNaa- 
fonnier  avoir  palfé  ,  il  yen  avoitplufieursde 
Tk  RctigloQ  Reforinf  e  ,  qui  jè  Croient  de 

u,:,-,zf--„GoOglc 


oàffiifiche  Je  la  ttaflHU.  fij 

France  dant  letPdt's  Etrangers.  Comnre  fî 
ce  malheurcQX  eât  dâ  ,  on  pu  les  diftmgucc 
des  autres.  Sur  cette  belle  depofirion  Tln- 
tciK^Bt  le  fit  arrêter  &  t'etivoïa  i  la  titille: 
Un  feni  Honime  l'y  conduiTit  ;  &  Maurice 
était  li  fiir^e  ,  ^tt'il  aticndit  fon  Guide  un 
jour  i  St.  Quentin ,  où  il  étoit  lombtf  mala^ 
de  ;  le  Nocher  aïantlaUbeni  d'aller  en  Vil- 
le quérir  ce  dont  fon  malade  svoit  befoia. 
En  entrant  dans  Pdrîs  »  où  leï  ni  fon  Guide 
n'avQJent  jamais  ^i^  ,  ils  demandèrent  plu- 
sieurs ftris  le  chemin  de  la  Baftille,  oùlort 
que  Maurice  te  vit  enferma ,  le  pauvre  Hom- 
jne  devintfou,  par  une  devotionoutrée.  Sa  , 
folie  copfiftoit  à  aller  en  Pèlerinage.  Qua- 
tre on  cinq  fois  par  jour ,  il  alloic  à  Nôtre- 
Dame  d«  Lieflê  I  à  St.  Jacques'eti  Galice  ,  à 
Nôtre-Dame  de  Mmit-Sara  1  à  Nôtre-Dame 
delAurme,  &c.  U  fe  mtttoît  pieds  nuds, 
rcpandoît  del'eaudans  la  Chambre,  &après 
il  affirmoit  ^u'il pafibit fur  lePont-qui -trem- 
ble, bclas  mon  Dieu  !  ou  bréa  il  caiToit  ik 
ctucHe,  ât  en  follblt  une  tracedes  tefts,  ftir 
lefquels  il  nuwchoit  nuds  pieds  1  qu'il  met- 
toit  quelquesfois  tous  en  fang;  après  quoiil 
s'illoit  couchef  ^  en  rendant  grâces  à  Dieu. 
d'£txe  enfin  arrivé  en  un  bon  Hôpital,  ou  îî 
£e  rqiofoit  de  toutes  fes  fatigues.  Il  Âifoit  le 
Prophète  ,  &  protcftoii ,  que  Mr.  le  Cari^- 
ml  de  Noailies ,  alliû^  de  fon  Clergé*  mar- 
chant à  la  gauche  du  Roii  vic<:droient  tous 
wOciei^à  la  main,  le  faitefonjr  rfelaBaft 
cille,  pour  te  mènera  l'Ëgliïè  deNôtre-Da- 
me,  luiftlre  réparation  d'honneur  devai.tI4 
Chapelle  dfc  !a  Viciée.  Dix  fois  pu  jour  il 
«voit 

u,:,-,zf--„GoOglc 


Kvoïtdes  Viâons  de  la  Viet^e:  tlTOu1oîtM-< 
te  mettre  à  genoux Xes  Compagnons,  ou  \ts 
Porte-Clefs,  en  leur  difaot:  la  voilà  qui  me 
tend  let  tiras ,  qui  me  donne  fa  beoediâionj 
&  lorfqu'on  lui  faifoit  porter  la  maia^u  lieu 
où  il  cioioit  la  voit ,  il  s'y  ttonvok  au .  liea 
de  la  Vierge,  une  toille  d'Arragnée^  an  cra< 
chat ,  ou  quelqu'autie  immoudice.  Au  rciïe 
il  éioit  très  Officieux  envers  fes  Compagnons, 
raccommodant  toutes.leors  guenilles  avec mic 
aâeâiun ,  qui  moLtroit  la  bonté  de  foo  cœur, 
&  ûfimplicité.  Cependant,  malgré fon in- 
iiocence  ,  le  Jnalfaeureux  feroit  encore  à  la 
Baftîlle,  fi  comme  je  i'ai-appris  du  Sr.  Jean 
EoHel,  fon  Voifio  ,  un  des  Officiers  qui  vin- 
rent en  France  pour  enlever  Mr.  de  Berio' 
gheu  Grand-Ecuycrde  France,  &dont)cfe- 
rai  i*Hifloîre  dans  les  Tomes  fuivans  ,  qui 
connoilTLiit  très  particulièrement  le  bon  Maû* 
rice  ;  fî ,  dis-je ,  la  Femme  dudit  Maurice  , 
quoique  très  pauvre  &  chargée  de  fix  ou  fept 
):iifams,  n'eût  voulu  £e remarier.  Ellcavoit 
"une  petite  Chaumière  fur  le  bord  de  l'Efcaut; 
c'en  étoît  alFez  pour  donner  dans  lav.ued*ua 
Pailàn  plus  miferabîe  qu.'eJle.  Elle  preïïà 
fon  Curé  de  proclamer  Ton  mariage  ,  3vec 
proieflation  d'y  procéder  autrement ,  luire-  i 
montrant  qu'il  y  avoic  plus  de  feptansqu'eJ-  ' 
le  éioit  fins  Mari ,  &  que  n'aiant  pas  en- 
tendu feulcmciu  pM-ler  de  lui»  fans  doute  il 
iftoit  mort.  Le  Curé  en-  écrivit  à  Mt.  d'At- 
genfon  ,  &  au  Cjouverneur-de  la  Baftiile  , 
leur  remontrant  quel  fraudale  ce  feroit ,  fi 
çeue  Femme  fe  rcmarioit  du  vivant  de  foa 
X/iwy  ;  mais  ce  ji'éto.it  [las  làiemoieo  d'ca 
âwâr  . 


.-„Goo.jlc 


e«  rUiftoirt  de  la  SafiilU.  ii> 

avoir  3es  aouvelles.  Importuné  par  les  foi- 
licitations  réitérée?  de  cette  Femme  ^  qui 
voaloit ,  à  quelque  prix  que  ce  tût,  être  te- 
iBoriée  ,  le  Curé  lût  trouver  Mr.  l'iutendant^ 
qui  étant honnCtcHomme.  luiconfeiliad'eii 
é<^rîre  à  Mr.  le  Marquis  de  TMcy,  &dclui 
expolêt  le  foît ,  l'airurant  qu'il  éroit  certain, 
que  la  probité  de  ce  MiniÀre  le  tireroii;  de 
l'etnbaras  où  il  étoit.  I!  ne  fut  pas  trompé 
dans  fon  efpcrance.  Mr.  le  Marqois  de  Tor- 
cy  eut  la  boi^é  d'en  parler  au  Roi  &  au  Fe- 
rc  de  ta  CiiaiTe.  On  donna,  un  ordfc  pofisîf 
à  Mr.  d'Argenfon  de  mettre  dehors  Maurî-i 
ce  ,  qui  alla  gaecir  fa  Fcmme.dc  la  rage  de 
fe  rern^icf;  àç.  qui  fc  remaria  lui  même  en 
Secondes  N,6c«s  j,  après  près  de  huit.  Ao- 
uées  de  Veuvage.  j 

Nous  remerciâme;  Mr..dQPreîdefesbon-, 
nés  nouvelles,  nous  lui  fîipes  part  deceque 
nous  fçavions  de.  \s  Baftille:  nouslm4emaa- 
dâmcs  Quand  nous  pourrionsavoir  une  iècon-; 
de  conférence  avec  lui.  Il  nous  marqua  chaffc 
fur  les  dix  heures  du  foir  ,  lorfque  nos  Ty- 
rans &  leurs  Satellites  feroicnt  retirei^  afin 
d'avoir  plus  de  liberté  de,  nous,  parler,  fanç 
crainte.  £n  prenant  congé  de  lui  >  nous  le 
priâmes  de  radoucir  un  peu  fa  voix,  quipour- 
roit  être  entendue  de  dcffus  la, Plaitç  forme,, 
&  même  de  plus  loin  ;  &  nous,  nous  retirâ- 
mes pour  faire  nos  Réflexions  fur.tDUt.ce.qu!ii 
nous  avoit  dit. 

Il  n'y  avoil.p3iS  d'aparcnce  dç  raifonncr  a- 
vecun  homme  qui  n'avoit  piu^deraifoni  & 

Jui  fur  un  oui,  ou  un  non  entroitenfureur, 
e  \m  avoit  dix  fois  fait  remarquer  la  f^t^ 
tju'il 

u,:,-,zf--„GoOglc 


3  jo  Vîn^Mifithm  frto^fr 

qn'il  «oit  feîte  d'oatr^er  foQ  Vallet,  «cd^ân- 
pèdher  Mr..  l'Abbé  RoUet  de  lui  faire  dMi- 
ner  del'emploî,  puifqnec'étoitiui,  Ciiisdoa- 
•e  qBi  les  avoit  dénoncer  à  Mt.  d'Argénfo»; 
ie;  que  j'avois  conjeânré  do  derail  qu'il  m'a- 
Voît  fait  de  fes  avuitures.  J'avois  auilî  bew 
«otop  infifté  fur  l'improdence  qu'il  avoit  eîic 
é^avoUer  qu'il  eût  vendu  des  Livres,  paiF- 
qu'on  ne  l'avoit  trouvé  ftifi  d'aucHn  :  mais 
c'^toit  donner  matière  au:  empâtements  àtt 
plus  brutal  de  tdus  les  Hommes.  Il  fit  pro- 
itienoit  à  grands  pas  dans  la  Chambre  ,  Se 
frappoit  fi  rudement  d,es  pieds  fut  le  plancher 
<)ui  étoit  fort  raboteux ,  que  comme  &s  ih^-' 
Kers  étoient  fans  lamelles  ,  il  l'eut  bientdr 
tout  en&neltnttf  ;  il  fennoit  lès  poings  ;  roi'- 
dilToit  fes  bras  ,  mordoit  fts  Wvres  ,  &  ft' 
coiioit  fà  tite  fens  dire  un  feul  mot.  Après 
«roir  long  temps  fait  cette  manœuvre ,  if 
rompit  le  faïence  ,  pour  dire  brulquement  S: 
avec  les  dcmiersemportements,  quéfijamais 
il  troavoit  fon  Vallet  fous  fa  main  .  c'é^coit 
feit  de  fa  vie;  qu'il  lui  arracheroitlecœurdu 
ventre-,  &  qu'il  lui  en  frotteroit  le  vilage; 
Vous  reconnoiflci  donc ,  lui  dis-je,  Mr.  l' Ab-' 
bé  que  vôtre  emportement  contre  ce  miftta* 
We,  comme  je  vous  l'ai  dit  plulieurs  fois,  ell 
la  fource  de  vôtre  malhcnr }  &  que  l'avœu  à 
contre-temps  que  vous  avct  fait ,  d'avoir 
vendu  des  Livres  à  Mr.  l'Abbé  Rolet  &  i 
Mr.  de  Jà  Saulais  Médecin  fontcaufedcleur 
emprilbnnemcnt.  Mais  loin  d'en  tomber  d'»c- 
cortt ,  il  fe  prit  à  foutcnir  ie  contraire  avec 
des  emportements'  &  des  bnitalïtcï  qui  me  fi- 
ifcnt  garder  le  lilence. 

Sur 

u,:,-,zf--„GoOglc 


nVtti/ioire de  U BoflHU.  j;i 
Sar  ]ei  dii  beares  dii  fait  le  iignat  fe  flt 
dans  lachemiaite,  Je  nous  allâmes  iPau^cR*- 
tX  de  nAtre  Stcntori  II  noas  apprit  qu^l  «• 
Voit  cooimanic^tioa  d^njs  quelque  teinpsi^ 
IFCC  les  Prifonnîers  de  la  Quatrième  Cham- 
bre» qui  dciîroicnt  ardeminciit  avoir  relation 
avec  nous.  Nous  le  priâmes  de  tes  avertir  de 
Ce  dooner  bien  de  garde  de  percer  kar  plan^ 
cber  ,  puifque  nôtre  Chambre  avoir  un  f*]ai- 
fbnd  &  blanc  &  11  uDî  ,  que  )e  moîn'dfe  tnm 
qu'ils  y  feroienr  ,  feroit  aperçu  d'ès  }c  même 
joar  des  Officiers  ,  ou  des  Rbrte-Glefs  i  qui 
'Vieodroiojt  â  tenr  ordinaire  nous  voir';  maft 
que  rien  n'étoit  plus  aifd  ,  que  de  Mre  ah 
troa  dftBS  ndtre  cheminée,  qui'nVtoitqaedb 
biiques.  Nous  lai  demandâmet  quels  étoient 
££9  Mcffieurs-,  &  lî  il  l^s  connoilToit.  Il  nous 
àk  qu'il  lear  parlait ,  fans  lesv6ir  :  qu'ils  é' 
•  toient  trois  :  que  l'on  étoit.un  Prfnce  Etran- 
ger, qui  jamais  n'avoit  voulu  dire  fonNoirt; 
-que  l'autre  é(oit  on Loid  AngloiSi  &leTrQt- 
'liéinc  UD  Bourgeois  de  Paris.  IV  fat  leur  par- 
ler; &  un  moment  après,  il  vint  nous  de- 
mander, 11  nous  n'avions  pas  quelque  ferre- 
ment àlcurprétct,  parcequ'iisn'avoicntrieil 
■pour  percer  nôtre  cheminée.  11  nous  defccn- 
dit  un  fil  atfés  fort  pour  enlever  onedes  bran- 
ches  des  vieux  cizeaux,  que  Mr.LïnclE  nous 
avoit  laiirez,  qu'il  eut  bien  de  la  peine  à  faire 
patfer  par  fou  trou.  Enân  nous  entendîmes 
nos  Voifins  travailler  attire  leur  ouverture, 
&  nous  conviâmes  avec  Mr.  du  Prcy ,  que 
nous  nous  irions  coucher  lui  &  nous ,  pen- 
dant que  les  trois  MantEUvreS  feroient  leur 
trou,  &  quç  le  lendemain  à  trois  heures  db 
nia- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


IJt  Vlmqt^'nm  FrMmfùfe 

matin  Doos  leur  paileriont.  Nous  lepriiiiKS 
de  leur  fouhaher  de  oAtrc  parc  une  aùflibi»- 
Dc  unit  y  que  noot  hli  ibobaitîODS  à  lui  uÀ- 
jne,  &  à  fès  Compi^oiis,  &  doosiiods  Ar 
jlmes  reporer,  cd  «ttcadaot  nôtre  audîmoR 
.  Pendant  que  je  t^ois  ma  prière  ,.  je  fat 
fnrpiis  devoir  monTiÀrCt  qui  vint  fe  met- 
.ue  à  genoux  devant  moi ,  ponrmepricrdcRc 
ie  pas  Taire  connoître  à  nos  Voitîus  ,  parce 
qu'il  lui  écoit  de  la  dernière  confèqucoce  , 
qu'on  ne  i^ÛE  pas  que  c'éioit  lui ,  qui  étoic 
caufe  dc  rcmprifQnaenieiit  de  Mr.  VAtiat 
'Roltet&  le  Médecin  la  Saulais,  ce  qu'il  ve- 
noitdeuicr,  il  q'y  avait  qu'un  moment..  Je 
!lai  dis  qu'il  pouvoit  dormir  en  repos ,  &  qoc 
je  preDarois  bien  garde  de  leur  dire  qucj'eufic 
^aucune  (ouiioiflance  de  Tes  aâaîies.  il  ik. 
«lit  à  calirioi«  dejoïe,  &  ("e  donner  du  ta- 
jqn  par.  les  fèOes ,  comme  fî  Je  lui  eni&  anoo.- 
.cé  fa'libertè. 

Le  lendemain  au  matin;  dès  les  crois  heu- 
res ,  moment  marqué  pour  la  conférence, 
unevoii  très  fonorc  nous  fouhaita  le  bonjour 
j>3T  la  cheminée.  Je  laillai  aller  le  Curé  le 
premier  à  l'audience,  qui. y  courruitout  nud 
.en  chemife,  pour  demander  en  très  nrauvai* 
Latin  au  Prelident,  li  ce  n'étoit  pas  aûPrin- 
ce  qu'il  partoit,  &  iî  il  eniendoit  cette  laiu 
guei"  L'autre  lui  répoudit  dans  des  termes 
très  élégants ,  qu'ïlj'cntendoit  un  peu;  &Iaî 
parla  avec  une  faciljté  ,  &  une  puieté  ,■  qui 
vas  firent  connoître  qu'il  pofledoît  part'aitie- 
mcnt  cette  langue;  ce  qui  cmbarrafla  beaucoup 
nion  Curé,  qui  n'en  Içavoît  pas  ttuitàbeau-  . 
coup  près.  '  Le,  Curç'  comiauaat  tol^ours  à 
par- 


on  THiftoire  de  la  BaflUh.         )  }  3 
parler  fbnLat'-nde  cuïjîne,  lui  demanda,  s'il 
çoanoiflbit  Mr.  l'Abbé  Rollet?    L'autr:elat 
répondit,  au'il  ne  le  coBDuitToit  lyie  depuis 
qu'il  étoit  a  Jafiafltlle  ,  mais  qu'il  avoit  en 
relation  avec  loi  pendant  -trois  Mois   qu'ils 
s'étoient  communiquez  au  travers  du  pUa- 
cher;  &  le  pria  de  lui  dire  ,  f)ourquoi  il  lui 
faifoic  cette  demande ,  &  fi  lui  même  connoifV 
foit  cet  Abbé  ?   Soref  qui  cfuurneuçoit  tp4-, 
jours   fàfrafe  par,     Maxime   Printtfi  fcm 
Jltitudo  vejira  &c.  quoi  qu'il  ne  parlât  qu'à 
un  Capucin ,  comme  on  le  veira  dans  la  fui- 
te ,  après  avoir  exigé  de  S.  A.  S.  qu'elle  ne 
[cveletoit  jamais  à  perfonne  le  fecret  qu'il 
Im  alloit  dire  ,   fit  l'avoir  fait  jurer  plufieurs 
fois  pour  confirmer  fa  prqmefle,  proferace 
graHfl  fecret  dans  ces  termes.     £go/«»i ,  i^.. 
non  alÎMi  ,    Ânthauiiis  Sorti ,    Sactrdm  y  fîi 
fiÇc'opMf  Ltry,  Ahbas  ât  la  MoiU  ^  SanOi 
Antloaiiàic.  Nous  demeurâmes ,  à  ces  mot», 
tout  étonnez  comme  des  Fondeurs  de  çloi 
cties  t  dont  le  métal  a  coulé  ;  cuï  de  coniioi- 
tre  qu'ils  parloient  à  l'Auteur  des  malheuis 
d'un  fort  honnÉte  Homme,  qu'ils  conlide- 
roient  beaucoup  j    &  moi  de  voir  l'indifcte-r 
tion  d'un  Prêtre,  qui lefoirpreçedeut  mepiir 
oîi  à  genoux  de  ne  pas  le  decouviir.   Il  leu^ 
jeclara  comment  il  avoit  été  arrêté  à  "Sche- 
leflat  ;  ce  qu'il  avoit  avoiié  à  l'inteiidant  de 
Strasbourg  fur  le  compte  de  l'Abbé  RoUeti 
&  de  quelle  manière  il  avoit  été  couduit  à 
laBailille.'   Après  quoi  le  prétendis  Princi; 
le  pria  de  nie  taire  venir  au  Vatloîr.  ;   ,  ~  '-  -  > 
Après  les  complimentsfaits  dp  paft^  d'au- 
tre, je  priai  Mi.  l'Oïaat  de  m'^cu^t  .fij9 


)$4  L^Imqt^thn  Ivémfttfè- 

se  Im  parloîs  pu  ««  LatiHj  car  outngnen 
ae  le  parlois  pas  auâî  élégamment  que  Mr. 
TAbbë  1  a'aïant  point  de  myftére  à  lui  rcTc* 
1er  ,  j'^tois  bien  aîfe  de  lui  parler  uae  Lan- 
tué  que  tout  le  Monde  pût  atfcment  entea- 
are.  Il  nie  deiiuuida  qui  j'étois.  Je  fatisfis 
à  ce  qu'il  exigeoic  de  moi,  le  plus fuccinâe- 
ment  &  lîncerement  que  je  pu.  Je  le  priai 
de  me  dire  à  Ton  tour  qui  H  étoit.  Il  médit, 
que  pour  le  moment  il  ne  pouvoir  pas  tatis- 
faite  à  ma  curiolïté;  mais  qu'il  letcroitdans 
peu,  &  qu'il  m'étonneroic beaucoup.  Apris 
jepailai  au  Lotd  Anglois  qui  me  parut  êae 
un  fort  honnête  Homme,  &  d^n  rare  m^- 
nte.  II  poilèdoit  parfaitement  les  langues 
Lattoe,  Grecque,  Angloife,  Italienne,  Al- 
lemande ,  Efpagnolb  &  Françoilc  ,  avoit 
beaucoup  &  utilement  lâ&  retenu  ,  Àfaifort 
en  très  bon  u&gc  de  &  leâure.  Il  me  dît 
qu'il  s'appeiloit  le  Ghevaîier  Thomas  Bnr- 
nct,  Neveu  du  iàmeaxMylordBnrnet,  Evo- 
que de  Salisbucy.  Enfuite  j'eus  une  petite 
converfation  avec  le  Troifiéihe  qui  étoit  un 
Gafcon,  BourgeoisdeParisnoniméMr.To- 
làin.  Ils  me  remirent  h  la  nuit  prochaine  i 
me  conter  leurs  avantures  ,  &  exigèrent  de 
Bioî  que  je  leur  fifie  on  détail  des  miennes; 
ce  que  je  fis  le  plus  en  abrégé  qu'il  me  fiit 
pofiîble.  Ils  en  parurent  très  fatisfaits  ,  â 
prirent  congé  de  nous ,  jufqu'à  dix  heures  dn 
foîr  ,  crainte  que  -quelqu'un  ne  nous  fnrprft 
âans  nôtre  entretien  ,  qui  tout  innocent  qu'il 
étoit, ,  aaroit  été  puni  comme  un  ^rand  tri* 
me.  Il  ell  à  remarquer  que  Gringalet  &  fes 
Compagnons  ftv  oient  l'avantage  de  ne  pas  per- 
die 


.--„Googlc 


«»  tHiftwt  4e  ta  B^t.  «9^ 

dté  Un  Ceal  mot  detpat  ce  que  nous  difions; 
parce  que  nos  vois  portoient  aa  h«u  de  i^ 
chemtoée,  où  ils  Aoient  fort  attentifs. 

Leur  tcou  cdwuch^  ,  le  Caré  ne  manqo» 
pas ,  -de  me  tuer  d'inclrilité  ,  de  truttet  uo 
Grand  Prince  ,  £5"  peg*  eitre  U  Fih  dt  q»ic 
qtu  Momai ,  de  Monlîeur.  je  me  contentai 
de  Iiu.dire  que  jufqD'à  ce  quej'eulTe  l'bon* 
«eur  de  le  connoître  plus  patticuliérement , 
je  ne  croiojs  pas  lui  devoir  parler  autrement, 
&  qu'il  n'y  avoit  que  les  Princes  du  fang  e» 
France,  quicullèm £ire ttaittei  dans  la  co^ 
verfatioa  de  Monfeigneur.  Il  me  ât  enten- 
dre «  que  s'il  étolt  feulement  jamais  Evéque, 
qu'il  garderoît  û  bien  fa  dignité  ,  qu'il  ne  r£- 
pondroit  à  Perfbnne,  pas  même  aux  Princes,, 
ji  ils  ne  le  Monlîgnorifoïem  pas.  Je  lui  pro- 
mis, que  fi-tdt  qu'il  feroii  Evéque,  alors  je 
lui  donnerois  du  Monfdgnear  gros  comme 
le  bras  :  il  en  fiit  très  content,  &  parut d'Ur- 
ne  gaye^  Epîfcopale  tout  le  rétledu  jour. 

Après  foupé,  fur  les  dix  heures  nous  nous 
trouvâmes  au  rendez-vous,  c'eft  è  dire  qu'au 
fîenal  qui  rions  to&ît,  nciUsmontâmesdaat 
notre  cheminée,  comme  des  Ramohoieurs  , 
pour  mieux  écouter.  Le  Premier  OrMeup 
qui  fè  mit  fur  les  rançs  ,  ce  fut  le  Prince, 
qui  nous  fit  une  Hiftuire  à  plaifir,  rcmpliedp 
mille  incidents  ;  où  je  connus  fort  bien  qup 
â  langue  faifoit  plus  d'effort  que  Sk  mémoi- 
le  ,  mais  avec  bien  du  brillant.  Le  Cun< 
en  ^it  javi  aa  extafe  ;  &  quand  il  vpioit  Iç 
bel^quipage  qtie  trainoit  le  Prince  apr^s  lejù 
lesChéus  dePoOe,  leiCatoOès,  les  Ut- 
tiércs.  les  Mulets,  les  Chevau.  6t  tous  Os 
•  Of- 


)^K  Vlmqmijaîi*  Frêkfoifi 

Officiers  ,  îl  pcnfoît  en  lui  même  >  qn^*lcA 
«iroît  do  moins  autant ,  quand  it  lèrok 
Cardinil  :  ce  qui  ne  tni  tèroitpas  Uen  ch'fi- 
-dle ,  fi  îl  ne  Toi  en  colltoit  pas  plus  qa'à  ce 
Prince ,  qui  cH  étoit  quitte  pîir  toat  poar  ob 
Deogratraty  Dîeuvousle  rende. 

Le  Second  qui  vint  nous  cntreteeirde  lès 
Avantores  fut  le  Chevalier  Thomas  Bomet. 
I!  nous  dit  qu'anrès  avoir  étévoïagerenAl- 
4emagnc,  en  Itaiie,&dansdiveTEautres Can- 
tons del'Eorope,  ilavoitvouln  voirlaFrao- 
ce,  où  ilavoitfté  anété  1  Paris,  &  qaetoot 
Ibn  crime  étoit  d'être  Etranger  :  à  q«oi  l'oa 

Euvoit  ajouter,  (ans  dnute,  l'ellime  qne  le 
>i  Guillaume  deglorieufemëmoire,  avoît 
pour  toute  fa  Famille.  Je  le  coafblai  du 
mieux  qu'il  me  fut  poilible  ;  en  l'alfurant  que 
îorfque  Mylordfon Oncle, dont  jeconaoif- 
tbis  parfaitement  le  crédit ,  auroit  connoii^> 
ce  de  fa  difgrace  ,  il  f^aurcit  bien  le  met- 
tre en  liberté  ,  ou  le  tarte  cclianger  ccffl" 
tre  quelqu'Officier  François,  de  diftinâioa  , 
■&  qu'infailliblement  il  fortitoit  dans  peu: 
«e  qui  arriva  ,  comme  je  le  lui  àvois  pré- 
-dit,  le  as. du  Mois  de  Juin  pen  de  tcn^  3- 
ptès. 

Lr  Troiliéme  qui  fit  la  clôture  do  Fatio 
ment ,  ce  fut  le  nommé  Toiain  Vieillard 
prcfque  Septuagénaire.  La  caufcdelbncm*- 
prifonncmcnt  ell  criante.  Sa  Femme  qaî  £• 
tOft  de  qualité  ,  &  Fitle  d'un  Cordon-blei 
^i  bords  de  la  Garonne.  Tawait  épouûîpaf 
«mour  ,  ce  qui  avait  peni'é  conter  la  vie  uk 
-{MMvre  Homme ,  pardeshazards,  dantlere- 
cit  no  fait  rien  à  nûtte  Hiltoiie.  :.  cett^  pau- 


e«  PHt/toire  de  UBtftilk.  337 
vce  Feûimc,  dis-je,  fe  voïoit  réduite,  à  le 
lervir  elle  même  ,  pendant  que  fon  Mari  , 
qui  étoituniatrignant,  étoit  Solliciteur d'af> 
iaires.  Il  nous  affirma  avoir  beaucoup  per- 
du à  la  mort  de  Mr.  Boucherat  ;  cars'étant 
Hé  d'amitié  avec  le  Vallet  deChambre  dece 
Chancelier  ,  il  ne  manquoit  pas  une  grâce. 
On  s'addreifoit  à  lui  de  toutes  parts  ;  &  quand 
i\  y  avoir  quelques  centaines  de  piltolesàpat- 
tager  ,  le  ValletdcChambreen  avoiilamoi- 
t\é  &  Tozain  l'autre  ,  moiennant  quoi  le 
fceau  écoit  immanquable  ;  ce  qui  pour  lors 
le  faifoit  vivre  graHement.  Mais  n'aVant  pas 
trouvé  les  mêmes  douceurs  fous  Mr.  de  Pont- 
chartrain ,  il  lui  avoit  fallu  rétrécir  fa  mai- 
mittc  ;  &  du  premier  étage ,  où  ils  étoient  fort 
au  large  ,  i  l'Hôtel  des  Noyers  ,  monter  à 
un  Quatrième .  où  ils  étoieut  fort  à  l'étroit. 
Un  jour  que  fa  Femme  venoit  de  laver  ia 
vaiffelle  elle  en  jetta  les  lavûres  fur  une  de 
leurs  Vqilines,  avec  laquelle  elle  n'étoitpas 
en  bonne  intelligence.  Les  injures  récipro- 
ques fuivircnt  ta  réprimande,  d'abord  un  beau 
procès  de  DicUfde  la  part  de  la  Voifine,  a-, 
vec  une  bonne  alTîgnation  dans  les  forthes  à 
la  Femme  de  Toiain  ,  pour  comparoître 
devant  Mr.  d'Argenfon  Lieutenant  de  Poli- 
ce, pour  fc  voir  condamner  &  par  corps, 
comme  de  matière  provifoire,  àpayer l'habit 
delà  Requérante  ,  &  à  une  Amendeà  ladif- 
ctetiondu  Juge,  pour  contravention  en  ftit 
de  Police,  malicieufement  faite,,  de  la  part  de 
ladite  Tozain  ,  &  aux  dépens.  C'étoit  gra- 
ter  fon  Mari  par  où  il  fe  dcmengeoit.  Il  ai- 
iQOit  la  chicanne  ,  c'étoit  fou  métier  ;  il  en 
P  vivoit. 


.--„Goojjlc 


3tt  L^IitfuifitiuiJirMfeaife 

vivoit.  Il  fe  promcttoit  bien  de  traSaer  fk 
Voit)B«  daos  tous  les  Tribunaux  de  Paris  , 
&.  de  lui  fftÎTC  eâîiier  tout  au  inoins  quane 
on  cinq  bons  Arrits  ,  avantlafin  duProcez. 
A  l'ccheaiicê  de  t'affignation ,  Tozaia  com- 
parut devBmt  le  tedoBtabte  Minos ,  qui  après 
avoîf  entendu  toutes  les  accufacions  &  te- 
pii<iucs  »  de  !a  Requérante  &  de  l'Ititimé ,  le 
condamna  â  piïer  Hiabît  de  la  Plaintive  ,  à 
reftimation  d'Arbitres ,  qui  feroîcnt  nommcî 
pour  ce  fait ,  &  à  vingt  livres  d'Amende  , 
poorétrecontreventlelaFemmedudit  Toiain 
aux  ordonnances  &  règlements  de  Police , 
&  aux  dépens.  Toiain  voulut  fe  recrier  con- 
tre ce  jugement.  Sur  quoi  d'Argenfon,  pour 
lui  impoftr  filence  ,  prononça  Laconique- 
ment d'un  ton  aigre  à  cinquante  livres  d'A- 
mende. Toiain  hauffafa  voix  pour feplain- 
dte.  D'Argenfon  hauflà  la  lienne  pour  pro- 
noncer à  cent  livres  d'Amende.  Toiainfit 
éclater  fà  plainte  d'un  ton  plus  haut.  D'Ar- 
genfon d'iin  ton  plus  haut  prononça ,  à  cin- 
quante écus  d'Amende,  Le  Condamné  s'é- 
cria :  quel  Juge  bon  Dieu  '  te  Condamnant 
prononça  qu'il  le  condamne  à  cent  écus 
d'Amende.  Et  fiir  ce  que  Tozain  lui  dit  ; 
qu'il  rend  oit  grâces  à  Dieu  ,  de  ce  qu'il  y  a- 
voit  dans  Paris  des  Juges  au  deflus  de  lui , 
qui  le  Jugeroient  fans  paflîon  ;  d'Argenfon 
Tcnvoia  Prifonnier  au  Châtdct  ;  où  voîant 
que  Tozain  barbouilloic  trop  de  papier  ,  à 
taire  des  Plaintes,  dreffer  des  Requêtes  pour 
fe  faire  élargir  ,  &  demander  JuIHce  à  des 
Tribunaux  plus  équitables ,  il  le  fit  transfé- 
rer i  la  Baiiillc;  où  après  l'avoir  Jaillé  deui 
Aiis,^, 

u,:,-,zf--„GoOglc 


nu  rHiflotre  de  la  BafiiHe.  jjy 

Ans  ,  fans  vouloir  lui  laifler  avoir  commu- 
nication  avec  perfonne,  il  le  fit  CQmparoîtte.  - 
devant  lui,  &  lui  reprocha  tous  les  aâes  de 
fa  vie  les  plus  fecrets.  Il  faUoit  que  ce  Mi- 
niftre  eût  trouvé- l'onginal  de  ja  Cmifeffioa 
générale  de  Tozaîn,  car  le  moindre  trait  de 
j.euneire ,  la  plus  petite  fauûê  démarche  ,  la 
moindre  minutie  ,  dont  à.peine  Tozain  pou- 
voil  fe  refouvcnir  ,  n'étoient  pas  feulement 
échapei  à  ce  Lins  Antrqpophage.  EnfuUeiJ 
lui  demanda  ii  il  pouvait  trouver  quelqu'un 
dans  Paris  ,  qui  voulût  le  cautionner  d'être 
plusSage  à  l'avenir  ;  Nota  que  Toiain  avoit 
près  de  foisaiite  dix  ans  ,  après  quoi ,  il  ta- 
chcroifde  lui  procurer  fa  liberté  ,  à  la  re- 
commandation de  Mr.  de  Joncas  qui  com- 
me fon  bon  Voifin  avoit  fortement  Ibllicité 
fôn  élargiflement.  En  effet  fans  Mr.  du  jon- 
cas qui  écoit  du  Pais,  6c de  la  porte  de  To- 
zain, ce  pauvreHommeferoitmortà  laBaf- 
tille  ;  où  ,  nonobftant  la  proteélion  de  ce 
L.ieutenaiit  de  Roi  ,  il  avoit  fouffert ,  tout 
ce  qu'on  peut  fouiFrir  làns  mourir.  Ce  pau- 
vre Vieillard  en  arrivant  â  la  Baftille  futmis 
dans  un  Cachot;  &  l'on  peut  juger,  fi,  àla 
recommendation  de  d'Argençon,  cefutdans 
le  moins  mauvais.  Dans  ce  lieu  de  plaJlàn- 
ce  ,  où  il  entra  tout  fain  &  vigoureux  pour 
fon  âge  ;  il  fut  accablé  de  tous  les  fléaux 
dont  la  Vieillefle  eft  fouvent  affligée  ,  dans 
les  lieuï  du  Monde  les  plus  agréables  &  les 
p'us  commodes.  Pour  furcroît  de  malheur, 
après  avoir  long  temps  pourri  dans  ce  cloa- 
que, il  lui  vint  un  ulcère  à  l'épaule  ,  caufé 
apparemment  par  l'humidité  du  tJachot,  où 
.    P  a  il 

u,:,-,zf--„GoOglc 


340  VlnqMÏJit'Mi  Pramçtife 

il  y' avott  près  de  dixhuit  Mots  qa'ïl  éiid 
Coimne  la  playe  augmcntoit  beaucoup  ,' 
■UnSt  voir  au  Porte-Clefs ,  lorfqu'i!  lui  i 
toit  fon  paîn.  Celui-ci  en  avertit  le  CT 
f;icn,  qui  avecla  permiâion  duGouvei 
defcendit  au  Cachot,  &  vîfita  le  mal-^-a 
ne  pauvre  aSligé.  Il  en  fit  foti  ra|kc^^ 
Gouverneur.,  &  dit  que  cette  p!w*"^f^ 
dangereufe  ,  &  que  fî  la  cangrénç  é'jL  ' 
toit,  commcilétoicà  craindre,  ïndùr* 
ment  cet  Homme  en  mourroit  ;  &  ^ 
le  penier,  il  feltoit  le  njettrc  dans  uaé'C 
brc,  où  il  y  eût  du  jour  &de  l'air,  , 
cieufe  avarice  du  Gouverneur  qui  lui  it  ^^ 
dre  de  perdre  les  profits  qu'il  &ifcHt^ 
vieux  Pigeonneau  ,  le  fit  monter  à  ^i^ 
triémc  Chambre  de  la  Tour  du  Coiq  ;3 
des  plus  belles ,  ou  plutôt  une  des  m^âtT 
fteufes  de  k  Bafiille,  qui  pOur  lors  p^,*fi 
tieur  étoit  vuide,  &  oùil  ètoît  encorei  "%, 
tjuc  je  lui  parlai.  D'abord  Rheiihe,  qulfn 
malheur  pour  Tozaiu  ,  ^toit  tout  noeq 
venu  à  laBaftille  ,  &  en  ce  temps-IÏÎ 
ignorant  i  comme  plufieurs  Prifbnniers'^l^ 
éprouvé  ,  malheUreufemenl  aux  dëpcns'î 
-leurs  vies ,  dit  qu'il  faJloit  faire  incifion  ct^ 
ciale.  Il  lafiE  fi  adroitement,  qu'il  lui  cOaiM; 
un  artère.  Corbf  qui  ctoii  prefent  à  cette  iâip' 
Tation,  voïant  ce  pauvre  Homme  quipei^^ 
tout  fon  laiig  ,en  pouflànt  les  cris  les  pHÈt'" 
.douloureux,  &Rhei]hefiembaraffé,  quilpe 
fçavoit  que  faire  pour  étanchcr  le  fang  qnf 
fortoit  à  gros  bouillons  de  la  blclTure  qu'il 
venoii  défaire  àfon  Martyre,  loin  dcleiè- 
courir  ,  courut  à  la  fenêtre  )  oui]  fç  mit  à 
chan- 


.-.Coojlc 


Xoogic 


•»  PHtftotrt  dt  la  Bafiille.  341 

chtnter  ;  pour  empêcher ,  que  l'oii  n'enten- 
dtt  les  cris  du  blefle;  pendant  qyc  Rheilhe  fut 
chercher  les  inftrumenis,  &  l'appareil  nécef- 
faire  pour  mettre  le  feu  à  la  playede  ce  mal- 
heureux Patient.  Il  le  trouva  évanoui,  quand 
il  revint,  par  l'épuifement  de  fon  fang,dont 
ton  lit  étoit  tout  baigné;  mais  fécondé  de  Ru. 
il  le  fit  bientôt  revenir,  p^-une  douleur  plus 
cruelle  que  la  première ,  mw's  neceflaïcealors 
pour  lui  fauver  la  vie.    Il  mil  donc  le  feu  à 
laplaye ,  pendant  que  Tozain  faifoit  des  cris 
que  l'on  entendait  de  la  Place  de  la  Porte 
St.  Anthoine  ,  &  maudiffoit  d'Argenfon  de 
tout  fon  cœur.  Enfin  après  le  mal  fait,  Mr. 
du  Joncas  en  étant  averti  fit  venir  le  Méde- 
cin ,  qui  voiaot  Tozain  en  péril ,  fit  appeller 
un  autre  Chirurgien  ,   qui  repara  le  mal  que 
l'ignorant  avoit  fait.     Mais  on  eut  la  dureté 
de  laiffer  ce  pauvre  eftropié  quarante  lêpt- 
jours  couché  furie  côté,  fansqu'il  pûtiè re- 
muer, ni  pouvoir  obtenir  du  Porte-Clefs  le 
Charitable  Ru  ,  la  grâce  de  lui  faire  fon  lit 
une  feule  fois  ,  ni  même  de  lui  hauflèr  fon.' 
chevet.  Il  n'eut  pendant  tout  ce  temps ,  pour 
toute  nourriture,  qu'unpeudebouillon,  que 
Ru,  une  foispar  jour,  lui  faifoit  lapper  com- 
me à  un  chien ,   dans  une  caiferole   fi  (aie, 
que  le  feul  afpcâ  lui  faifoit  bondir  le  cœur;- 
&  Dieu  fçait  quel  bouillon  !     Le  récit  qu'il 
m' en  faifoit,  me  fit  verfer  des  larmes;  nepen- 
fant  pas  alors,  que  dans  la  fuite  de  maPri- 
fon  ,  jedevoisétrebcaucoopplusmaltraitté; 
puifque  fiins  parler  des  Cachots,  où  j'ai  été 
couché  fanspai]|e,fur  te  limon,  &cinqjoois' 
«nljers  &  cinq  nuits ,  par  deux  fois  difterer.-' 
P  3  M- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


tes,  fans  prcndoe  lata^tKlK.DOutTiniie,  p«« 
mémeuncgomted'eau:  pend&ntplasdetroà 
Mois ,  onne  m'adORD^  ,  pour  toute  fublîftui- 
ec ,  qa'un  oeuf  par  joiit ,  >v«c  on  peu  de  ptî- 
iôiûiet  &DE  pain,  ^svin,  Sta6  quoique  ce 
£>u  qu'oa  pttiâè  imaginer.  J«  I«ifl~e  à  pcnfcr 
à  RHH  boiQDie  rufonDable  ,  comment  un 
Homme  puîûiiiec  ,  dans  la  âeur  àe  Coa  âge , 
peut  fè  fouteair  avec  de  tels  alimmts  ,  dans 
un  lieu  fans  air,  intèâ,  &  enferma  comme 
je  l'étois  alors  avec  tiais  fous.  Cctiufonu* 
oéVieillaiddécharnéli  cruellerecnt ,  queles 
os  lui  perçoient  la  peau  de  tous  les  cotez  , 
cioîant  toucher  à  les  derniers  moments*  de- 
manda avec  iiWlance  qu'on  lui  fit  venir  le 
ConfeOèur  de  la  Baâille  ,  car  il  étoit  de  la 
Religion  Romaine ,  ce  qu'on  lui  refuià,  quoi- 
(}(ie  l'Aam6aier  montât  tous  les  jours  deux 
ou  trois  fois  dans  la  Troiâcme  ChatiU>re  de 
U  même  Tour,  audeilbusdcTozain,  pour 
J  vilîter  uoejeune  Marchande  de  Tournaj, 
que  depuis  nous  avons  fçu  s'appeller  Mad, 
du  Bois.  Par  ua  bonheur estraoïdinaire  .  le 
Cbicurgieii  étranger,  qu'on  avoit envoie que- 
lir  pour  fupléer  à  l'rgnotauce  de  Rheilhe,  é- 
tsRt  venu  peaficr  Mr.  Tozain,  de  quilablef- 
fuie  avoit  empiré ,  par  l'iafomnie ,  le  mauvais 
aaittement  qu'on  lui  failbit  ,  &  les  cris  con- 
tinuels &  perçants  que  fes  douleurs  luiiai- 
Ibient  pouâTei  ;  Rheilhe  de  plus  étant  ablent, 
&  pendant  que  l'autre  peofoit  le  malade.  Ru 
aïant  été  appelle  fut  contraint  de  lailier  le 
Chirurgien  feul  avec  Mr.  Tozair. ,  qui ,  la 
larme  a  l'oeil  le  conjura,  par  tout  ce  que  la 
charité  d'imCbrétienJuidcyoitinfpireti  d'à- 


.->r„  Google 


Tertir  ftolement  Mr.  tfa  Joncas  (fcl'éat  dé- 
plorable où  il  iîroît.  Cet  Homme-  le  lui  pro- 
mit ,  &  lui  tiat  &  promeffe.  Ttlr.  dii  Joncàs 
vint  1  qui  trouvant  foii  cher  Compatriote  dans 
ce  pitoiablc  état  ne  pm  retenir  fes  larmes.  II 

fonda  Ru  &  le  Chirurgien  qu'il  ât  appeller. 
s  lui  dirent  qu'il  y  avoit  onlre  du  Gouver- 
neur d'en  ufer  ainfi.  M  r.du  Jbncas,  aprt  s  avoir 
remontra  à  Mr.  Toiain  le  tort  qu'ilavoiteu 
d'irriter  Mr.  d'Argenfon,  lui  promit del'ap- 
paifer,  &  qu'il  feroit  de  plus  les  cifortspour 
le  faire  mettre  en  liberté.  Il  ordohiiaàRheil- 
he  d'en  avoir  un  foin  tout  particulier  ,  &  à 
Ru  de  le  bien  nourrir.  11  envoia  au  malade 
fis  bouteilles  devin  de  Champagne,  des  O- 
rangts,  des  Confitures  &  d'autres  Rafraichif- 
fcmenls.  Il  le  venoit  voir  tous  les  jours  pour 
le  confoler ,  &  lui  faire  prendre  couiagc. 
Quand  la  bonne  nourritun;  eut  un  peu  réta- 
bli fa  lanté  ,  on  lui  donna  Mr.  le  Chevalier 
Burnei  pour  Compagnon  ,  &  peu  de  reinps 
après  le  Prince.  Eu6n  Mr.  du  JoncasaVant 
demandé  pardon  à  Mr.  d'Argenfon  pour  ce 
pauvre  outragé  ,  obtint  fa  liberté  comme  je 
le  dirai  dans  la  fuitte.  Mais  cour  mettre  le- 
combîc  à  la  defolation  de  Tosaîn  ,  outre 
fa  Famille  defolée  ,  deshonorée  &  ruinée  à 
ne  s'en  pouvoir  jamais  relever ,  fon  Fils  qui 
fc  faifoit  appeller  Ste.  More,  &  qui  étoit  Lieu- 
tenant des  Grenadiers  du  RcgîmentdeLimo- 
•  ges  eutle  mf-mefort;  carétantvenufiSlIiciter 
la  Liberté  de  fon  Père ,  fbit  qued'ArgenIbn  le 
craignit,  foit  qu'il  importunât  ce  Miniftrc  ,  - 
il  fut  envoyé  pard'Argenfon  tenir  compagnie 
à  fon  Père  à  la  Bafiille.  Que  dis-jè?  ils  ne 
P  4  s'y 

u,:,-,zf--„GoOglc 


344  .  L^JtiquiJitio»  Franfoife 

.  l'y  virent  jamais.  Ils  ont  été  près  de  ckrui 
Ans  dans  cet  tnfer  fans  que  Tozain  ait  fçu 
la  defolation'de  fon  Fils.  Ils  étoient  dans 
le  mÊme  Colombier ,  ^toient  au  même  ordi- 
naire, tourmentez  par  les  mêmes  Bourreaux, 
iàns  pouvoir  fe  voir  ni fe  communiquer.  Mr. 
de  Sie.  More  Officier  de  mérite  ,  petit  Fils 
de  Mr.  de  Jonfac  ,  li  je  ne  me  trompe  ,  qui 
comptoit  une  longue  fuite  de  Ducs  &  de 
Cordons  bleus  pour  fes  Aïeuï ,  dont  tout  le 
crime  ^toit  d'avoir  eu  de  la  tendreife  pour  fan 
Père  ,  fut  traitté  dans  la  Bailiile  comme  le 
dernier  des  fcéiérats.  Il  a  paffé  deux  hyvers 
fans  bas,  Iàns  fouliers  &fans  feu.  11  étoit  à 
la  petite  portion ,  plus  mal  qu'un  de  fes  Sol- 
dats. PouJTé  au  dernier  defefpoir ,  il  fe  fè- 
roit  deftait  lui  même ,  uns  le  nommé  San- 
dre du  Vill^edesHayesdc  Fleuryprcsd'A- 
vênest  qui  l'en  empêcha,  &lui  fauva  lavie» 
comme  ce  mêmeSandroniel'adir,  ainlîque 
je  le  dirai  dans  la  fuite  de  cette  Hilloire.  Je 
laifle  les  reflexions  que  l'on  peut  fair^furl'é- 
quité  de  ce  Miniltre ,  à  ladifcretion  dt  ceux 
qui  voudront  fe  donner  la  peine  de  lire  ces 
feits,  que  la  fage  Pofterîié  ,  &  eeux  qui  ne 
connoilTent  pas  la  Baftille,  aurontdela  pei- 
ne à  croire  ;  &  dont  Dieu  feu!  ,  félon  tou- 
tes les  apparences  ,  fe  refervera  la  JuÛice  , 
que  les  méchants  ne  peuvent  éviter  ,  que 
par  une  auflére  &  Jincéie  pénitence. 

Nous  témoignâmes  à  ce  déplorable  Mar- 
tyre de  l'ambition  &  de  latyranniede  d'Ar- 
genfbn  ,  combien  fon  trifle  fort  nous  étoit 
lenâble;  nous  lui  fouhaitâmes  $[  à  fês 
Compagnons  une  prompte  &  heureufe  de- 

li- 


ci  PHiftoire  de  la  BafiiUe.  34î  ' 
lîvrance  ,  ainfi  qu'une  bonne  nuit.  Avant 
que  de  fermer  leur  trou  ,  le  Prince  exi- 
gea de  moi  ,  de  lui  dire  fincerement  le  lù- 
jet  de  ma  Prifon,  en  m'affirmant  qu'il  avoît  ■ 
defortes  raifons  de  me  le  demander.  J'eQ  a- 
voU  de  plus  fortes  pour  ne  lui  en  rien  dire  ; 
c'eft  que  je  ne  lesfçavois  pas.  Je  lui  protêt^ 
tai  que  je  les  ignorois  moi  même;  mais  que 
je  prefumois  que  c'étoit  pour  avoir  été  en  - 
Hollande  >  où  dans  l'^tabliflèffleat  ^que  j'y 
pretendois  faire,  le  Roi  Guillaume  d'immor- 
KJIle  mémoire  ,  &  quelques  Seigneurs  d'e'ri-, 
tre  L.  H.  P.  L.  E.  G.  m'avoicnt  accordé 
l'honneur  de  leur  proteâion.  Ilinfifta,  en' 
difant  qu'il  en  vouloir  fçavoir  d'avantage  ;  ■ 
qu'il  ne  m'en  quitioit  pas  à  fi  bon  marché  ,  ■ 
qu'il  voioit  bien  que  je  lui  diflîmuloîs  la  vé- 
ritable caufe,  &  qu'il  avoit  plus  d'intérêt  à  le 
fçavoir  que  je  ne  penfois.  Pour  medebai 
ratfer  ie  Ton  importunité,  je  lui  promis  <)ue  • 
le  lendemain  à  la  pointe  du  jouç  je  lui  ren- 
drois  rdifon  de  ce  qu'il  exigeoitde  moi.  Il  en 
parut  fort  content  &  nous  Qous  dimes  reci- 
protîuement  adieu. 

J'en  de  la  peine  à  m'endormir  :  ce  que  le  ■ 
Prince  m'avoit  dit  ne  laifToit  pas  de  m'inquié- 
ter ,  quoique  ce  ne  fût  qu'un  pur  effet  de  Ct  ' 
curioliié  ,  tant  il  eft  vrai  qu'il  faut  peu  de  ■ 
chofe  pour  faire  bâtir  bien  des  châteaux 
en  Efpague  à  un  pauvre  Prifonnier.  Refle- 
cbiflànt  a  la  promefle  que  je  lui  avois  ftite  j  ■ 
ne  pouvant  le  fatisiaire  véritablement,  jere- 
folusdelepayer  d'imagination,  même  mon-  ■ 
noie  dont  il  m'avoit  îervi  dans  Gi  prétendue  - 
HiAoiie  :  mais  pour  ne  me  pas  écarter  de  - 
P-jj  mos  ' 


.--„Googlc 


54*'  Vlwqmjuiom  Frtmgtife 

non  piiiK^K,  j'y  joigaiG  la  vérité  en  ^&nt 

l^é^grxmme  qu'on  va  voir, 

A  peine  trois  heures  du  marin  avoïent 
&oné  >  qvc  le  Priâce  étoit  au  trou  pour 
me  ibnimer  de  ma  prouKilè,  Je  me  levu' 
promptemeot  en  Robe 4e  Chambre,  &poui 
loi  tcnii  ou  puale,  je  lui  répétai  cette  £pi- 

gnmiae. 

AimvtMx  fit ff avoir  peurijuoi 
On  mua  retitml  dams  ert  abîme  ? 
ffm  Ditm  dt  rim*rii  tiaus  fammet  U  vi^imey 
Ehnt  tm  toMMtts  la  hou  ne  foi. 
Pomf  moi  je  M'ai  pas  Vautre  crime 
i^  Far^emt  pis  domit  le  Rai. 

Il  la  trORva  fljiUle,  qu'il  voulut  tjuejc  \% 
taidiâRffe;  &  comme  il  felloit  qu'il  l'écri- 
vît 3  &  fenêtre,  le  jouo  n'ctaiit  pas  encore 
jlflci  grand  dans  fa  Chambré  ,  il  me  fit  &îre 
ptufieurs  repetitîoDS  qui  éveillèrent  fis  Gom- 
p^nons.  II  Imr  lut  mon  Ë^îgramme.  Mr. 
1«  Chevalier  Burnct  vînt  m'cnapplaudirdans 
des  termes  tout  à  fait  obligeauts,  &  qui  pie 
firent  connoîtrc  qu'il  aimolt  la  Poëfie.  Il 
n'y  eut  pas  jufqu'â  Mr.  Toiain  qui  n'ydon- 
aât  Ibn  ^probation  :  pas  un  de  nous  autres 
encore  n'en  avoir  mieux  éprouvé  la  vérité  ' 
qne  lui  ,  &  pas  [un  encore  ne  fouhattcoit 
en  faire  une  plus  loague  St  plus  rude  éprea- 
vequelui.  Les  Doâteurs  de  la  Calotte  voaln- 
tent  quejeJaleurrepetaflêà  haute  voix,  tant 
ils  la  trouvèrent  à  leurgré;  &  Gringaictpro- 
oonça  d'une  vois  à  taire  trembler  tout  le 
Faioaflc  :  Csrmettir.  Il  n'y  avoit  que  mon 
Cu- 


.-iGooglc 


ou  rBfiairt  de  fa  BafiiUe.  34^ 

Curé  qui  peftoit  de  bon  ccèur ,  &  q(ui  ne  pou- 
voj'tpas  comprendre,  commentdesGcnsbîen 
fèncez  pouvoientmcpropharter  tftnrd'encen| 
pour  une  faribole,  Comme  il  l'appelloir.  Le 
Prince  me  répondit  qu'immédiatement  à  dcui 
heures ,  il  me  donnetoit  des  marques  qo'H 
aimoit  la  Poëfie  :  &  pour  me  payer  de  celle 
dont  il  vouloir  me  régaler,  i!  e^igeademoi, 
que  je  lui  fcroîs  un  Sonnet  ,  pour  prouver 
que  la  Badille  étoit  le  plus  abominable  lieu' 
qui  fût  au  monde.  Je  m'y  engageai  volon-" 
tiers  ;  &  nous  nous  fepatâmes  pour  aller 
fonger  à  l'aCcompIiflemcnt  de  nos  promeC' 
fes. 

A  deux  heures  juftes  il  vînt  à  la  tribune  ; 
tenebreufe  ;  S  d'une  voir  telle  que  Baron  - 
fiiiibit éclater  la  fiennefurlaScéne,  Jorfqu'il 
reprefenioit  Agamemnon ,  il  déclama  les  V«s  ■ 
fuivanis.- 

Qui  modo  I<etttt  eram  gaudens  ,   ^  nomlne  ■' 

Florciti  , 

frijîis,  y  abjeéius  nmnc  mea  fata  gemo;' 
IHJpanicâ  fiuper  excelfusverfabar  /»  jiula. 

Et  Grandes  manibm  ofculaprona  daiatH.  ■ 
Hic  ego  fxnarum  fundo  dttrttdor  in  imo  j 

Vultum  defartnem  ijut»t<iue  -uidert  pigtt. 
Et  Ccrert»t  y  Bacchnm  cHnélimihi  fpante' 

Hic  portant  Jîliquat  ;    nec  quii  amicus  «- 

deji. 
Sic  variais  Fortuna  vie  et  alterna  fectiridit 
Salidit  y  ^  ambigito  ttomne  /«dit  atrax.  ■ 

P  tf-  Aprcs^ 


34'  Vlti^mifitioM  Franfoife 

Aptis  qaoi  il  me  demanda  mon  Sonaet 
Mais  CD  qualité  de  bon  Normand  je  voulois 
me  rctraâer  ,  n'aï'aat  pas  de  rnoonoie.  poui 
loi  païer  Ci  pièce.  Le  Curé  juroît  que  c'é- 
toit  la  plus  belle  chofe  qui  fut  au  Monde  : 
qucjamais.Horace,  Ovide,  Virgile,  nimê- 
me  fet  Regeots  ,  tons  Jefuites  qu'ils  étoient, 
n'avoient  rien  fait  de  plus  fublime.  Cettfnas 
doute ,  me  difoit-il  en  coaâdence  ,  du  plus 

Ïrand  feiieuz  du  Monde  ,  le  Prince  de  la- 
liîraudole  qui  eit  reOufcité  ,  ou  tout  au 
moins  un  de  lès  Fils.  Dame  Dame  celui-là 
n'ell  pas  un  Poëte  de  treize  à  la  douzaine  ! 
,  Après  qn'oQ  eut  bien  nû^Gé  le  Prince  de, 
louanges,  il  voulut  <meJeiepetairenionSoar 
1^  t  ce  que  je  fis.     Le  voici^ 

SONNET 

fur  la  Baftille. 

2)e  feutre ,  oJi  la  Famine ,  ÎS'  la  pâle  Mi'  - 
genee 
c^ctMt  leur  fureur  fmr. mille  malheureux, 
S.ort  MU  hrouillard  épaix ,   un  air  bitumineux 
£>'om  I0  Pejie  apftf{fa  mer/elle  infiueuie. 

Là  l'Hi-ue  KM  Rocitr.d'unegroffeur  immea- 
_    /', 

£^  doMtlejTontcbtHuftmbleiufulterles  CitBx; 
U»  torrent  fnU  fan  fein  dont  Ui  bandi  A«-- 

mttue 
Tfmèent  lUnt  m  ^hîmt  aveequ*  violente. 

VirttKntrre  4ttrutly  milefts  éfUts  : 


.--„Googk 


«»  rHiftoirt  de  l»  BafiHte.  349  , 

Or  y   voit  des  Lnli/fs,  dams  d'berribUs  cont' 

èatt, 
S tKtr! arracher  les  yeux  fous  u»  ebfiure  grillt 

Aucune  herbe  n'y  croît ,  fi  ce  n'eft  P  Aconit  i 
l'ont  AHiiital  l'évite,  là  tout  Aftre  le  fuit  : 
EJl-ii  lieu  f lus  maudit?  oui,  Pa_§'reufe  Bajîil^ 
le. 

Ils  me.donnctent  tous  uire  approbation  qu'il 
ne  mecltoic  pas  ;  il  n'y  eut  que  le  Curé  qui 
lui  reodoit  juilice  fans  le  fçavoir  ,  qui  dit  la  vé- 
mé  pour  la  première  fois  ,  &  qui  protefla 
qu'un  feul  pied  des  Vers  du  Prince ,  valoit  u- 
ne  groffe. ,  c'ed  à  dire  douze  douzaines  de 
Sonnets  comme  les  miens.  Ce  que  j'avoiîai 
fort  ingénument.  La  Poèfîc  nous  amufa  af- 
fez  agrdablemeut  pendant  tout  le  temps  que 
nous  pûmes  jouir  d'une,  converfation  très-in-;- 
nocente..  Il  n'y  eut  pasjufqu'au  CurédeLery 
qui  ne  voulût  faire  des  Vers,îIenfitdeGrecs. 
Mais  il  fut  bien  furf^ls  quand  il  vit  que  Mr. .  le 
Chevalier  Burnet  lui  en  fît  remarquer  les  def- 
fauts ,  &  lui  fît  counoître  qu'il  fçavoit  le  fin 
de  cette  langue,  que  le  Poète  Grec  ignoroîl 
parf^ttêment.  Sorel  voiant l'eftîme  quenos 
Voilîns  faifoientderaacomplaifance,  voulut 
1»  détruire  par  un  tour  de  Ion  métier.  Nous 
nous  entrecommuniquions  les  petits  ouvrai 
gfis  que  nous  faifions  tous  les  jours  ;  &  pour 
cet  effet ,,  nos  Voifins  defcendoient  par  1»  ■ 
cheminée  une  ficelle,  au  bout  de  laquelle  ils 
njettoient  leurs  produâiôns  &voiturotetules 
nôtres  dans  leurs  apartements.  .  II  y  mit  ua 
jour  un  billet,  par  lequel  il  km  donnoit  at 
"^7  vis, 


.--„Googlc 


jjO  L'IiiqiiiJitiini  PrOMfoife 

vis  1  qu'ità  euITent  à  ft  prendre  garde  de  moî, 
comme  d'un  très  méchant  Homme  ;  quej'é- 
tois  l'efpion  du  Gouverneur  ,  &  qu'infùîlli- 
blement  je  les  trahirois  en  découvrant  nôtre 
commerce.  Le  billet  redoubla  le  mépris  du 
Prince  &  de  fès  Compagnons  pour  le  Curé 
"de  Lery  ,  dont  ils  découvrirent  facilement 
l'artifice  groflier ,  &  me  plaignirent  du  mal- 
heur que  j'avoîs  d'être  avec  un  fcélérat  de 
cette  trempe.  Mais  le  Seigneur  du  Prey  , 
homme  à  peu  près  du  même  caraâére  ,  & 
plus  grippa  d'un  Karat  ,  par  Ja  connexité  & 
la  fimpatie  qui  eft  entre  les  Fous  ,  Gringaiî- 
ïànt  fur  ce  billet,  comme  il  a  fait  for  le  ga- 
limatias, dont  il  a  fait  rire  ici  tout  le  mon- 
de, n;ie  condamna,  comme  un  Perturbateur 
durep'os  public;  &  entrrnitdansl'idée  defoa 
conformrfte,  conclut  que  Soret  étoir  un  Hom- 
me de  probité ,  doat  il  falloit  iuivrc  les  avis, 
&  que  j'étois  un  Pernicieux  qu'il  falloit  évi- 
ter comme  ia  pefte.  Principe  dont  il  n'eft 
jamais  revenu  ,.  malgré  tous  les  éclairciflc- 
ments  de  fes  Voîlins ,  &  les  triftes  effèâs  qui 
fiiivirent  la  malice  de  Sorel  ,  qui  nous  en- 
voia  la  plupart  dans  les  Cachots,  Cette 
tite  plus  mal  timbrée  &  plus  ridicule  ,  que 
celle  du  mauvais  Prêtre,  &  dont  la  vie  n'eft 
pas  moins  pleine  d'incidents  &  de  belles  ac- 
tions ,  m'a  fait  dans  la  fuitte  de  ma  Prifon 
reffentir  de  terribles  &  de  funefles  contrecoups 
de  fa  folie.  Le  Prince  fe  contenta  de  médi- 
re en  Italien  que  j'cuïïe  à  me  prendre  garde 
de  Sorel ,  comme  d'mi  fourbe  dangereux. 
Nous  continuâmes ,  malgréfa' malice  ,  àfai- 
re  des  quolibets  pour  oous  dcfen..uyer.    Je 


niFi^irt  de  la  Ba/tilk.  351 

recitois  an  Prinw  quclqne»  ouvrages  de  ceux 
qneyavois  fiiits  pendant,  ou  après  mes  Eco- 
les, auxquels  il  fetnbloit  prendre  plaifîr.  Il 
mccommuniquoit  les  fiens.  Il  poffedoit  par- 
^'ttement  bien  la  langue  Latine  ,  &  failbit 
es  cette  lajtgœ  de  très  bons  Vers  :  qaaiqaC 
fouveot  il  voulût  me  donner  le  change  ,  en 
me  recitant  des  Vers  qu'il  m'affirmoïc  avoir 
ÉJts,  &  que  je  ftavois  bien  avoir  vu  ailleurs. 
Je  lui  muquois  fouverit  la  chûtSt  dont  il  né 
^ifoie que  rire,  auffi-bien  que  fes  Compa- 
gnons ,  qui  redoubloient  leurs  éclats  >  quand 
(1  brodoit  fes  Avamurcs.,  Se  principalement 
Sat  les  équipages  de  fa  fuite.  Je  ne  fçavois 
à  quoi  m'en  tenir.  Toiaîn  me  juroit  qu'il 
étoit  Prince,  Mr.  le  Chevalier  Ôurnet  gar- 
doit  le  tacet  làdeiTus,  &  tous  les  trois  rioietit 
de  tout  leur  cœur  des  fiârîons  du  Prince ,  qui 
métnc  n'avoit  pas  un  ordinaire  aulR  bon  que 
le  mien  ;  car  nous  ne  manquions  pasdenons 
détailler  tous  les  jours  lîdellemcnt  nos  repas, 
qui  ta  ce  tentps  là  étuent  payables. 

Un  jour  il  rious  vint  une  belle  matière 
d'épanouir  nôtre  rate  à  tous,  Mr.  te  (che- 
valier Buraet  avoic  la  pcrmiflîon  de  faire  ve- 
nir des  rafraichiffemenrs  ;  &  comme  fes  Com- 
pagHons  lui  en  escroquoiemaumoînslamoi-- 
tié,  il  lui  ftlloit  fouvent  retourner  à  la  char- 
ge. Il  avoitderoandé  des  ConÊiures  au  Por- 
te Clefs  j  qui  lui  aporta  un  pot  de  marmcla^ 
de  environ  de  dttHxàtrois  livres,  qu'on  hii  fit 
païer  fix  francs.  On  avoit  fonbien  écritfur 
le  papier  qui  le  couvroit  d'un  beau  caraâére 
de  temme:  Marmelade  d' Abricots _i7©i. 
Après  qu'ils  egreni  levéccpicinierpapierq°' 
cou- 


jja  L'Imquifititn  Frattfa^ 

couvioit  le  pot;  ddliis  un  autre  qui  coovra't 
les  Couâtures  ,  entie  les  deux  papiers  ,  ils 
trouvèrent  une  Lettre  d'une  Religieuse  ,  qui 
donnoit  cette  Marmelade  à  l'Abbé  Giraat 
Aumônier  de  la.  Ballîlle  ,  qu'il  fembloit  que 
l'Ainour  avoic  diâée.  Rien  de  plus  tendre, 
ni  de  plus  palTîonnf.  La  concluCon  étoit 
qu'elle  l'attendoit  l'après  midi ,  après  la  be- 
nediâion  du  très  St.  Sacrement ,  pour  voir 
s'il  f^avoit  poufler  fapalTionauflIloinqueres 
fleurettes^  &  qu'elle  fèroit  MaiCrelTe  ce  jour 
là  duPailoîrmyflérteux:  falettrc étoit  lignée 
Sœur  Dorothée  de  l'Incarnation.  Nouspouf- 
fîmet  loin  nos  teficxions.  L'Abbé  ,  -  pour 
coutentei  Ton  avarice  ^  avoir  nianqué  apa- 
remmeQt  au  rendez  vous.  La  Socurderin- 
carnation  en  avoit  bien  peUé,  &  nous  avoir 
donné  matière  d'une  Sçéne  tout  à  fait  diver. 
tilTantc,  qui  nous  avoit  faitrirejufqu'aufond 
des  Enfers.  Nous  connûmes  par  ce  billet 
que  nôtre  bon  &  tendre  Aumônier  ne  fe  con- 
tentoit  pas  de  fes  Nimphes  de  la  Baftille, 
Le  Prince  fut  peu  de  temps-après  le  confcf- 
fer  à  l'Abbé,  «  nous protcfta qu'il  s'étoitac- 
cufé  dans  fa  ConfelTion ,  de  s'être  fcandalifé 
d'un  billet  amoureux  d'une  Religieufe  à  un 
Abbé,  qu'il  avoit  trouvéfur  un  pot  de  Con- 
fitures :  &  encore  plus  d'avoir  vu  fortîr  ce 
mÊme  Atrfxî,  tout  poudreux,  du  Colombier 
qui  étoit  dans  le  Jardin ,  avec  laServantedu 
Château ,  en  ce  temps  làfort  jolie ,  qui  lui  ôta. 
la  poufliére  de  delfus  l'on  habit ,  comme  lui 
réciproquement  avoit  fecoué  la  pouffîére 
de  delfus  les  jupes  de  la  Servante.  Il  décon- 
certa lellemeot  l'Allé  ,  qu'oncques  depuis, 
il- 


»«  rHifloire  de  la  BaftHU.  îïj 

il  ne  voulut  plus  entendre  fa  Confefllon^  H 
ne  faut  pas  quej'oublie  que  Mr.  le  Chevalier 
Burnet  fut  celui  qui  mangea  le  moins  de  la 
marmelade.  Le  Prince  &  Toiain  y  mirent 
bon  ordre.  Tozain  fc  plaignit  des  Souris  qui 
mangeoient  fon  pain.  La  nuit  il  fe  leva;  fit 
un  trou  au  papier  qui  couvroit  le  pot  de  Con- 
fitures ,  de  même  qu'aux  Confitures  ,  com- 
me fi  la  Souris  les  avoir  fait  elle-même.  Mr. 
le  Chevalier  étoit  trop  délicat,  pourenman- 
ger  après  la  Souris.;  mais  le  Prince  &  To- 
ïain  qui  n'y  regardoient  pas  de  fi  près  ,  s'en 
accommodèrent  fort  bien.  Ces  deux  Peftes, 
l'un  aleite  &  fin  comme  un  Renard,  l'autre 
malicieux  &  rufé  comme  un  vieux  Singe , 
lui  iaifoienttouSies  jours  de  nouveaux  tours, 
que  la  bonté  du  Chevalier  lui  ^ifoit  diilîmn- 
ler  &  pardonner  volontiers  ;  même  il  étoit 
le  premiijr  à  m'en  divertir.  Le  Prinqe  me 
donnoittous  les  jours  nouvelle  matière  pour 
exercer  ma  veine.  Il  me  pria  de  faire  une 
defcription de  Mont-Louïs ,  Maifon  du Con- 
fefleur  du  Roi ,  qui  étoit  en  perfpeilive ,  de- 
vant nos  fenêtres.  Je  fis  un  Poème  en  Vers 
libres,  fur  le  Heu  de  plaitànce ,  que  mon  Ami 
Corbé  me  ravit,  où  il  y  avoit  des  penfées 
des  infcnptions  afiTez  vives,  &  alfei naturel- 
les :  &  quoique  j'en  aïe  fait  un  autre  depuis 
fur  des  Vers  Latins  du  P.  Florent  de  Bran- 
debourg ,  qu'on  verra  peut  être  dans  les  au- 
tres Tomes:  j'avoArai  cependant,  qu'il  s''cn 
faut  beaucoup  qu'iln'apptochedclaforcedu 
premier.  La  Ballilte  &  fcs  Cachots  ne  m'a- 
voient  pas  encore  énervé.  Voici  quelques 
pièces  que  le  Prince  exigea  de  moi.  Il  a&it 
plu- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


554  VJnquifition  Franpife 

pIutTeuTsRecneilsdenosentPetfânsft  de  mes 
Ouvrages:  mtiscommcdepmsqucnoHslbni- 
mes  en  Liberté  ,  il  n'a  pas  voulu  m'en  ftîre 
part ,  cOmine  cent  fois  il  n»  rav?)it  promis, 
il  faut  que  je  me  contente  des  ftagmeiltsqiie 
le  haiard  m'a  conftrvM. 

Mr.  Toiain  nous  avoit  dit  qu'il  avoït  ft>F- 
Ifcité  la  grâce  d'un  jeune  Homme  de  Famîh 
ïe,  qai  avoit  ^té  condamné  par  Arr^tdu  Par- 
lement de  Bretagne  à  être  ftiit  montir ,  poor 
avoir  fait  un  Entant  à  une  Pupille,  auffi  de 
Famille  ,  &  que  ne  l'ayant  pu  obtenir  ,  par 
l'oppolition  des  Patents  de  IJa  Fille  ,  qui  la 
vouioient  enferiner  dans  un  Convent,  pour 
joiiir  de  fon  bien  ,  l'AmanM  après  la  mort 
'de  ion  Amant  fe  poignarda.  Le  Prince  me 
pria  de  taire  un  Sonner  réguTîcr  fiir  ce  fujet» 
en  irairation  de  ceîuî  qu'on  attribue  à  Mad. 
tle  l'a  Sûfe,  qui  tout  beau  qu'il  eft  «  cepen- 
d«m  eft  très  iiregulier.     Le  voici 

S    O    N    N    E    T 

Attribué  à  Madame  de  la  Suze  ,    fur 

MadMDoifeiie  de  Gacrchy  Damoî- 

felle  de  la  Reine. 

joi  qui  meurs  avant  que  de  naître, 
Affemblagt  confus  de  i'être  if  du»/a»t, 
Trifle  avorton  ^  informe  Enfam, 
Rebm  du  néant  £5"  de  VEtre. 

"toi  que  V  Amour  fit  far  un  (rime. 
Et  que  C  Honneur  de ff ail  par  un  crime  à  fon  tour; 

u,:,-,zf--„GoOglc 


(«  VlËflaire  de  ta  Bafiillr.      .  3  jç 
Funefie  ouvrage  de  C  Amour  % 
l^e  rHoimeur  fmiefte  viâime. 

Donne  fin  0KX  remtrds,  par  qui  iut'eiveng/y 
Et d»findd» néant,  ti'je  t^aire^hngé, 
N'entretiens  foint  l'horreur  dmt  tna  faute  efi 
fuivit. 

Deux  Tyrans  offiofez  ont  deeid/  ton  fort. 
L'/itnaeir ,  tmàpe  l'Honneur  ,  te  fit  donner  la 

vie; 
V Honneur  ,  malgré  T  Amour  ,     te  fît  donner 

la  mort. 

Et  TOki  le  mien  ,  que  je  ne  mets  ici  qne 
pow  fctvir  d'o«t>re  à  l'autre. 

sonnet; 

•  Tbemis  toi  fut  goutds  les  {bannes  que  im 
blâmes , 
Peux  tu  de  mon  Amant  faire  étouffer  les  feuxt 
Ldvt  MU  peu  ^  éandenu,  ton  cxur  moins  ri- 

L'enlevera  fans  doute  à  fis  tourments  infâmes. 

La  Mort  malgré  l'Amour  j  veut  éteindre  nos 

fiâmes  ; 
VAmour,  malgré  la  Mort  y  nous  rejoindra  t»us 

deux. 
Aveugles  vitre  fer  ne  peut  couper  nos  neiuds; 
Qui  peut  tout  jur  nos  corps  ,    ne  peut  rien  fur 


356  ,  L'Inquifitia»  Franfoifi 

Et  toi  funeftejrnitdi  met  fecoitJs  trauffon 
Vit»  peufler  avec  mous  V Emfire  affreux  à 

Morts: 
VHatmtur  veut  que  ma  mnni^mrrach*  à  i'd 
famie, 

Premice  Je  mon  feu  ,   foif  viiiime  à  S* 
tour  y 
Urne  imju/le  Jouteur  iaveit  down4  la  vie  i 
Uut  jufte  douleur  te  vafriver  du  jour. 

Il  me  dit  un  jour  qu'il  avoît  fait  cette Ef» 
gramme  fur  un  Homme  que  je  connoiffoi 
fort  bien.  Je  loi  dis  que  je  connoilfoi!  for 
bien  l'Homme,  &  eno^ore  mieux  l'Epigraffi 
me:  il  ne  fit  que  rire  de  fe  voir  découven; 
le  doutant  bîea  que  je  l'avois  vile  ailleon, 

éSÏ  quid  ttntfacias ,  levior  fluftia  tft  gra- 
tta :  fi  quid  peccatum  fit  >  plumbtai  irai 
gerit. 

EPIGRAMME. 

On  nefe  fiuvieitt  que  du  mali 
L^ Ingratitude  ré%He  au  Jifoude  : 
L'Injure  fe  grave  en  mêlai. 
Et  te  Bienfau  s'écrit  fur  l'onde. 

Et  voici  la  RéDoncequejefisfurlechunp. 
en  Bouts-rimez.  " 


.--„Googlc 


oxfHifioindela  Bafttlle.  ]f7 

Réponce  en  Bouts-Kimez 
EPIGRAMME. 

if  moinJre  bien  méfait  ouHier  xntrani . . .  maî\ 


■.ngran 
flaire 


DdoH  cœur  rtnnnoijfant  vtut 

monae, 
tJiti'ieHfaitf  tel  qu'il  fait,  je  le    ,    .    .grave 

Et  l'mJKre   eft  poKr  moi  le  coup  frappé  dans 
fonde. 

Voici  une  Epigramme  Latine  qu'il  avoît 
'  fiùttcfar  un  Avenj^tequi  poitoitao  Boiteux, 
^  fur  celle-ci  d'Ofone. 

Qui  taret  aller  uter,  fumit  ai  aber  mtro, 

EPIGRAMME. 

Fert  huttieris  Claitdum  Ceecus  }  fie  forte  ne- 

llle  9culos  Soeio  fommodat  ^  ille  pedei.  . 
Et  voici  conrnic  je  la  retournai. 
EPIGRAMME. 

J  ^ui  HQMs  tend  la  main ,  il  faut  ten/re  la  ni* 
tre: 

V Aveugle  officieux 
Porte  PEJïropié  qui  lui  prête  fes  yeux. 
l,^ Amour  eji  reetj'rgqu*  ;  un  Barbier  rafe  fan- 

Voici 

.--„Googlc 


Voici  encore  une  Epigramme  qu'il  me 
donna  à  tradoÎMen  François,  parce  que  noœ 
la  trouvions  tous  deux  fort  belle. 

Lumine  Àchon  dextro^  taptaeft  Leomillafi- 

Et  fotii  efi  forma  vimctn  mttrqitc  Dees. 
ParvePuer,  lumen quodbahts,  coHC^dtPt- 
rend  h 
Sic  $M  (Œcus  Amori  fie  erit  illa  l^enus. 

V  E  R  s  I  O  N  qucfenfis. 

LeomiUf^foM  Ftlfy  charmants  comme  le  joMTy 
Eto'umt  horgjut  tous  deux  ;  a»  refh  faits  fnKT 

flair*. 
Si  le  Fils  eût  donné  fin  oeil  gauche  k  ja  Mère, 
Elle  tût  été'  Vertus  ;  */  eiit  été  P Amour. 

En  voici  Bne  de  Sidoniire 'Hofdhius  fur  la 
mort  d'un  Médecin  ignorant ,  dont  iljneptîa 
encore  de  faire  ime  Imitation. 

MMvJfoiiuM  de  te-  mtiUum  ,  nifi  corpus  ha- 
behit  ; 
Ciziikus  hoc  tantunt  ful^ahet  Hiatuis, 

IMITATION. 

Lit  mortque  tU'fervois  eux  dépens  da  Muta' 
des , 

Sans  trouver  Ion,  efprit  ,  n'em'poria  ^ue  ton 
corps., 

Lf,  -Bourg^ais  qui  fiiH^ent  efuitnt  tes  btutMUs, 

Au  lieu  d'un  Médecin  ,  n'en  perd  qut  les  de- 
hors. Le 


.--„Googlc 


»m  PBiJioirs  de  U  BafitUe.  ]  jf 

lie  Priope  ne  me  IsiObit  |>a5  &ns  occupa- 
tion: nn  lâcbe  &jcte  ilm'cn'dmaoituneau- 
tre  :  il  m'envoia  les  Vers  fuivaiits  ,  &  me 
pria  de  £nre  i^pondre  It  Femme  en  Bouts- 
ritncz. 

MADRIGAL. 

Sut  la  Femme  d'un  Paitifan  qui  fe  far- 
doit  8c  ^toit  Coquette. 

Il  ne  vous  efi  fts  difficiUt 
De  tant  bStir  aux  Champs ,  auffi-bien  qu'en  h 
FiUe; 

Tout  rit  au^ri  de  vos  defirs. 

Vous  vivti.  de  nas  de^latfirs. 

La  Fortune  vous  idolâtre  : 

Qui  fmrrvit  mieux  irâtir  que  vont  ? 
Le  boit  croît  fur  U  chef  de  Monjîenr  vôtre  E- 
faux , 

Et  vans  ne  manquez  fas  de  flaire. 

Voici  comme  je  -fis  répondre  la  Femme. 

MADRIGAL. 

Réponcede  l'Èpoufe  en  Bouts-rimez. 

Jefaisplal/irMux  Cents  fans  ê/re  ...  .  difidle: 
Chez  mol  Poupeut  eoneher  aux  Champs,  com. 

me  en la  Fille. 

I  Et  mon  Epoux  i^  moi  nous fuivons  nos.  .  deftrs\ 
\  Car  fi  fin  avariée  afaà  vos  .  .  .  deflaifirt, 
I  Ma 

I  o,:,-,.-„Cooylc 


jtfo  L'Inquifition  Françeife  , 

H/ta  prodigalité  fait  que  l'an  tn^  •     idolâtre, 

yoiezjnp{ues-ji(  va  ma  charité  pour .,  .    vomjj 
Pour  voui  donner  mon  coettr  >   je  Pôte  à  m»m 
-,    RpoHx  ; 
Quand  vous  Pavtz  fi^né  CEptux  eu.  efi  fem 
.      flaire. 

Je  n'aurois  jamais  fait ,  (i  je  voulois  repor- 
ter.ici  toutes  les  pièces,  dont  le  Prince  m' im- 
pofoit  ]a  tâche.  Mais  pendant  que  nouslbm- 
tnesftirlesBonts-rimez,  je  veax  encore  met- 
tre ici  ceux  qu'il  exigea  de  mot,  furies  beaux 
Vers  fuivants .,  traduits  du  Pador-Ffdo.  Il 
me  pria  de  faire  répondre  Mirtil  à  AmarilUs. 
Ce  que  je  fis.  Perlbnue  ,  je  çrof ,  ne  fer* 
alFei  injufte,  pour  me  tascr  de  vanité  ,  fi  je 
les  mets  ici ,  puifque  je  içai  partaittement, 
combien  il  cft  dangereux  de  mettre  fes  ou- 
vrages auprès  de  ceux  qui  out  une  approba- 
tion générale.  CattJvo  l^itcino.  Si  l'on  ne 
renchérit  pas  fur  la  penfte  qu'on  imite ,  on 
tombe.  J'avoûrai  que  je  fuis  tonibé  de  bien 
havi ,  &  que  ma  chute  feroic  iiiexcufable ,  fi 
elle  n'^toit  pas  iàitte  dans  au  lieu  aufil  téné- 
breux que  laBallille,  oùfijepreteudoisntct-' 
tre  mes  Vers  en  paralelle  avec  leurs  V  oifin's  ; 
auxquels  je  le  r^ette  encore  une  fois  ,  ils 
ne  doivent  fervir  que  d'ombre  ;  &  ce  fera 
beaucoup,  fi  l'ombre  eft  tolerable  auprèsdc 
h  vivacité  des  couleurs  qui  ont  fait  l 'admira- 
tion de  tout  le  Monde. 


rRAG- 

.--„Googlc 


9H  tBificire  éU  la  Baftilk,  j|(( 

FRAGMENT. 

De  la  TraduÊtion  dii  Paftor  Fido. 

Uniqurfuiet  de  majUtme 
JVlirtil ,  /»  tupomieis  ffmolr 
Ct  qui  ft  faffe  dam  mom  amt , 
Sans  doute  o»  te  verrait  avoir 

Poar  cette  Amarillis  que  t»  nommes  cruelle. 

Cttte  même  fitié  que  tu  demawdts  Joëlle. 

Quoique  tous  deux  Amanti  ■,  quoique  tous  deux 
aimez  , 

Et  d'un  mime  feu  confumtx, , 

De  ititre  amour  pourtant  le  malheur  eft  extrême: 
Car  enfin  aimable  Berger, 
De  quoi  te  fert-il  que  je  t'' aime  y 
Si  je  ne  puis  te  foulager  t 

Ou  de  quoi  me  fert-il,  qu'un  Amant  fi  fidelle 

Brûle  aujourd'hui  pour  moi  ^une  flamefi  belltf 

DeJlinpBur  nous  trop  rigoureux* 
Far  quel  Ordre  injujle  §  barbare 
Faut-il  que  le  Ciel  neusfepare, 

SH'jimournous  unit  tous  deux  de  mêmes  nceud/t 
Ou  far  quel  étrange  caprice 
Faut-il  que  le  Cinuous  unijfe. 

Si  le  Ciel  plus  fuiffant  nous  fepare  tous  deuxi 

Que  vôtre  bonheur  eft  extrime 
Cruels  Lions ,  fauvages  Ours, 
yous  qui  n'avez  dans  vos  Amours 
D'autre  régie  que  l'Amour  même  ! 
Que  j'envie  vn  femblabl*  fort\ 
Et  que  uout  fommes  maibeureufes 

Q  Nn«/, 

u,:,-,zf--„GoOglc 


JioKS,  de^ui  les  Loix  rigoureufet 
Pumjfnt  rAmmr  par  la  mort  f 

Si  r^fiiȉ^la  tf/,  pa^iettffttt  eurtrmrts. 

Ont  également  attAcè/, 

VtM  tattt  Je  ffêifir  au  f^hé, 

Vamtrt  des  ptities  fi  Jtveres  i 

Sans  JfuteoM  la  Nattare  efi  itnparfaitfe  en  fit 

QuinôMsdoHwetuipeiifbaut^nefaiidiaMBela  Loi; 

Ou  la  L*i  thit  fifT  Pour  M»e  Loi  trop  dure 

Qui  cottdainme  timpeitc/taitt  ^ae  dôme  U  Nature. 

Mais  que  Coït  aime  peu  ,    ^ua»d  on  eraint  de 

mourir  l 
jtèi  Mirtii ,  flit  au  Ciel  qu'une  mort  iabw 
maint 

FAt  du  f4thi  iafitde  peine  '■ 

Je  ferots  gloire  d^  courir. 

Smie  r^e  d'une  belle  «me , 

Et  h  premier  Die»  de  mon  eeeur , 
Honneur,  vois  que  je  fais  à  tafahte  rigueur 

Un  facrifife  de  ma  fiame. 

Et  toi  ehtr  y  parfait  Amant 
Pardonne  à  celle  malhearenfe 
Qui  te  maltraitte  aparem'ment  ; 
Ei  qui  dait  être  rigoureuft 
Par  neteffité  feulement , 
Jviais  fi  tu  lieux  tirer  vengeance 
De  tes  feux  mat  r/compenjiz , 
Scache  que  ta  propre  fanffrance 
Me  punit,  ^  te  venge  ajfez. 

Car  enfin  l'il  efi  •aeritable       /• 
Que  tmfiis  mon  ameii^men  etetir, 

Cem' 


»tt  FHiJtoire  de  U  Sajmie,        5^5 
Comme  tu  l'es ,  qMeique  rigueur 
Qu'exerce  conire  tôt  le  Ciel  impitoiaéle  f 

Toutes  les  fois  fue  tes  douleurs 
Te  font  oitfoùfirery  ex  repapdre  des  fleurs -î 
Ces  pleurs  que  tu  répands ,  «VJÎ  maxfang  pn 

tu  verfes. 
Var.ces  cruels  foupirs  qui  te  ^trftnt  It  fein, 
C'efl  inoM propre  fein  que  tu  ptrces. 
Et  ces  douleurs  enfin 
Ces  cruaulez  diverfes 
Que  le  Ciel  ^  l'Amour  te  fout  fouffrirpour  wo», 
Je  le  reffents  encar  flus  vivemeutqetetei. 

Rëponce  en  Bouts-rîmez 
de  MlRTÏLà  AMARILLIS.     . 

Si  tau  cvur  r^ud  i    ,     .      wmjMjm^, 

He  !  ^ite  me  Jert  de  le     ,      .    ffavoirf 

.*Je pvjfede  tnacœttry  tMpaJfédtsim     .  ,     ame; 

C'ejltrop  avoir,  jAns  rien  .  .  .  avoir. 

jib!  telle  Amarillis  tufiroistutnes  .  .  trueltel 

SiMJrtilmMutaiméttecrMitimûnsfi  .  .  délie- 

Bji-il  tourment  fins  dur  à  deux  jfmants  .... 
.   aimez.* 

Et  d'unmir/iefeu  .  .  .  eonjumez. 
Que  defouffrir fans  fin  une  rigueur  .  .  extrême? 
Nous  pouvons  profiter  deCheuredst  .  .  Berger  X 

Tu  m'aimes  autant  .  .  .  que  je  t'aime. 

L'amour,  quiveutnous  .  .  foulager. 
Te  jure  partes  yeux  ^ufje  te  fuis  .  .  .  fidetle  : 
Pourquoi  donc  amufer  .  ,  .  une  flame  Ji  hellei 


Paur- 

.--„Googlc 


jlS4  VIp^Kifitun  FrMfoiJi 

PtmrjMoi  d'MM  tendre  amour ,  em  faire   m 

.        .         rigoureUxl 

Otii  te  ftrte  à  fitre  ''.     .     .     harbMté. 

Une  chimère        .         .      meier  fefmn 

V»e  fanjfe  fndeur  l'e^pofe  aux f  lus  Beaux  .  . 

Mœmds- 

Jj*  Ciel  m'eut  jamais  Je    .    ,     ea^rfcf. 

Pourquoi  vemhirqs^il des-    .    .    jémfft 

DtMX  cccurs  quepour  s'aimer  Uaformé.      .    . 

tous  Jeux. 

Par  mue  harherit        .  extrême, 

Ceutfois plus  cruels  que  les    .     .    O^rs, 

Nous  voulons  rtglernos  ,     amours 

Sur  aue affreufe  La,i  contraire  à    .     .   l'amour 

Ab  \puifqu^ aucun  tourment  n'égale  niire . .  fort, 

Ne  rendoM  plus  nos  fiâmes  .  .  malbeurekfes 

Plus  forts  que  cet  .  .  ,Loixrigeureufej, 

Pour  jouir  de  ramaur,  ofons  traver  ....la  mort. 

OppofoKS  nôtre  inflinc  à  des  Lcix/i . .  contraires, 
Goûtons  le  plaijir     ....     attaché 
Aux  douceurs  dont  ces  Loix  nous  ont  fait  un  .  . 
■      ^  fécbi, 

h  /imeur,  doit  triompher  de  leurs  peines  ,  .  .  . 
fé-o^tu 
Montrons  que  la  Nature  eJiMaitreJfe  de  .  .  . 

Que  des  cceurs  amoureux  c'efi  la  première  .  .  . 

-  ,  „  Loi} 

il» elle  nepentrampeffoasuneLoifi....iiire, 

Ht  que  future  la  toi  c'eft  forcer  ...  la  Na- 
ture. 

Sl-4 


.--„Googlc 


M  PHifloirt  dt  WBaflint.  î* J 

QMMJonmeunpourPaxiour,  qu'il  efl  heau ., . 
de  mourir) 
CarquaHdtHvitfamluilavieeJi.  .•iHbumaiut. 
Mais  mourir  de  langueur  e'efi  une  affreufe  ...    . 

peine* 

A  cette  dure  mort  y  qui  nous  force  à  .  .  courriri 

T'mvtMX  qu'un  vieux  Tyran  fait  maître  de  lo» 

aine  , 

Quand  r  Amour  r^ne  dont  ton  .  .  cteur». 

Pudtur  !   chim/re  ingrate  ,  ai  tu  tant  de ..,, 

rigueur  ? 

Que  ta fMriti  veuille  étouffer  fa   .  .  .  Jîâmet 

CrSelle  Amariflis  écoute  un  tendre  .  .'  Amant* 
Brife  une  chaîne     .    .  ..     malkeureuft* 
Dont  le  frivole  éclat  t'honore  .  .  .  apaTemmeaf 
Mais  dont  la fefanteurefi  toute  .  .  rigoureufe'' 
Etnefert  qu^àgarder  Ici  dehors ,  ..  .  Jeuiemenf 
Ouifur  cette  fndeur  je  veux  prendre  ,    .    .  ven- 
geance^ 
Qui  rend  mes  feux Ji  .  mal  reeompenfeZy 

Kn  vrais plaifirs  changeons  noire  .  .fouffraacet 
L'Amour tordosue^e'eft.  .  .  .  ajfez. 

Car  enfin  s'il  e^     .     .     .     .     véritable 

Que  te  fois  ton  ame ,  l^  ton  .  .  .  cvur'. 

Par  quelle  Loi,  quelle  ....  rigueur 

yeux  lu  qu'une  Chimère  îwjnjie .  . .  impitotahle 

Mette  le  comble  à  nos  .  ...  auteurs  ^ 

Quoi  !  n'aimons  nous ,  que  pour  nous  fondre  en 

I  .        pleurs^ 

Quelle  efl  l'utilité  des  larmes .. .  quetuverfesf 

Tes  fleurs  Amarillis  me  déchirent ....  lefiiu  ; 

EnfouffautdtsfoM^irs  c'efimo»  .  .  .  fein  qut 

tu  tercet, 

Q.j  Chan-' 

u,:,-,zf--„GoOglc 


)M  Vluquifitie»  fraKfoifi 

Ci4»geoMi  Je  battent     .     .     .      *Kfi0. 
ïi  tjl  temp  lpt1  VAntQUT  couronne  no*  tra 

Steurs  de  joie  Mmjaurd'iui  t  l'H  fitmt  tMourir 

pour  moi; 

£t  q»t  je  mettre  heitreax  ,   s'il  faut  »M»tirir 

four        .  .         .         .         ,        toi, 

Sorcl  au  defefpoîr  de  voir  la  bonne  intel- 
ligence qui  reçnoit  entre  nos  Voilîns  &  moi, 
malgré  Tes  artifices ,    dit  ouvertement  qu'il 
vouloit  que  le  trou  fût  bouche ,  pour  me  priver 
de  la  communication  qucj'avoîs  conjointe- 
ment avec  lui ,   avec  cej  Meffieiws  ,   &  da 
plaifir  que  nous  retirioQS  d'une  convjrfatîon 
très  innocente  ,    dans  laquelle  Je  ne  parlols 
jamais  de  Sorel ,  pour  ne  pas  donner  matié" 
te  àifes  extravagances ,  dont  il  avoit  un  fond 
ijie'puirablc.  Toutes  mes  rt'moutrftiices  ncfer-' 
virent  de  rien  :  il  dit  que  (i  je  ne  rompoisce 
commerce  volontairement  ,   il  allait  frapper 
à  la  porte  ,  pour  appeller  des  Officiers,  qui 
nous  y  contraindroient  d'une  autre  manière; 
&  il  fc  mit  en  devoir  de  le  faire.     Jcluidisl, 
^u'il  lalioit  donc  prendre  congé  de  ct%  Mef- 
ticuTS  auparavivit,  &  les  en  avertir,  puifque 
c'étoii  à  eux  .  &  non  pas  à  nous  à  refermer 
leur  trou.    Il   ne  fe  rendît  qu'à  peine  à  ces 
julles  raifons-    Je  doni^ti  le  lignai  contre  le 
plancher  ,    pour  avertir  nos  Voilins  que  je 
ibuhaîtois.de  leur  parler.    Le  Prince  vint  à 
la  Tribune  :  il  fut  fort  étonné  quartd  je  pris 
congé  de  lui  du  plus  grand  fcrkux  du  mon- 
«le ,  en  fui  téntoiguant  que  je  lutdiTois  adieu 
avec  regret.    Il  en  voulut  içavoir  la  raifon. 
Je 


(>«  PHifieire  Je  U  Bs/tHU.  ^j 

Je  lui  dis  que  Mr,  l'Abbé  alloil  îa  lai  dire- 
Sorel  vint  qni  effrontément  lai  foatint  qoc 
nous  le  tournions  en  ridicule  dans  nos  con- 
verfations ,  &  que  je  le  dechirois  fecrettc- 
ment  d'uue  manière  impitoiable.  Comme 
cela  étoit  très  faux,  le  Prince  lui  jura  le  con- 
traire ,  fur  tout  ce  qu'il  avoic  de  plus  facré. 
Mr.  le  Chevalier  Burnet,  en  la  probité  du- 
quel ce  bon  Prêtre  avoir  une  entière  confi- 
ance, protefia  queje  n'avois  jamais  parlé  de 
lui  dans  mes  écrits.  Tozain  8c  ceux  de  la 
Calotte  affirmèrent  !a  mcirte  chot%.  Quand 
le  Priiioc  vit  que  ce  Prêtre  nevqploit  pas  fe 
rendre  à  la  raifon  :  écoutez  moi  bien  Mr. 
TAbbé,  lui  dit-il:  frappez  &  dites  que  c'cft 
moi  qui  ai  fait  un  trou  dans  vôtre  cheminée: 
je  I*avoùrai ,  &  je  montrerai  le  fer  au  Gou- 
verneur que  vous  nous  avei  donné  pour  !e 
fiûre  ,  &  toutes  les  Lettres  que  vous  nous 
avez  écrittes,  qui  lui  feroicnt  cminoître  la 
bonté  de  vôtre  cœur  ,  &  je  ne  lui  cacherai 
rien  de  tout  ce  que  vous  nous  avez  dit.  Je 
vous  ttendrai  ma  promefle  ;  &  ii  cela  vous 
fiiit  plaiiir  ,    je  vous  donne  jufqu'â  ce  foir  à 

Jpeurer:  adieu.  Je  ne  dis  pas  un  feul  mot 
ce  bon  Prêtre  de  tout  lereiie  du  jour,  qui 
écrivit  des  billets  ,  qu'immédiatement  après 
il  déchiroit:  pnisilfe  promenoit  à  grands  p?s, 
en  eeiticulant  dans  la  Chambre.  £nânIefuT, 
aptes  bien  des  agitations  i  il  frappa  au  plan- 
cher pour  demander  audience.  Le  Prince 
vint  prefider  i  la  noire  Tribune ,  où  Sorel 
fe  mît  à  genoux  au  pied  de  fon  trône  ,  pour 
lai  demander  pardon  de  fes  cmpcHtements. 
lie  Prince  lui  témoieua  qoe  tout  le  Confetl 
Q  ♦  ^  fu- 


368  Vlmjuifitîo»  FfMfùife 

ftperienr  Aoît  ravi  de  le  voir  revenu  dam 
fon  boa  feus ,  &  lui  protefta  qu'eux  &  moi 
ne  chetcherions  qu'à  lui  faïie  plaifir,  tout 
qu'il  feroit  ratfoiiaable  :  ce  qui  le  fit  pleu- 
rer dej.oïe;  &  la  Scènefiatt  par  fe$ larmes, 
&  une  prière  ardente  qu'il  leur  fit  d'oublier 
Jepalfé. 

Nous  conttnuioDt  à  faire  ronger  nôtre 
chs^în  ,  par  quantité  de  Vers  Xiarios  & 
François ,  lors  que  ta  fortune  voulut  met- 
tre la  dernière  couche  aux  Avaniutes  biia- 
res  de  Sorel ,  par  un  effet  de  fon  caprice 
tout  â  faît^extraûrdinaire  ,  &  qui  approche 
plus  de  la  fiâion,  que  de  la  vérité,  queje 
vais  cependant  expofer  ici  toute  niie. 

Le  17.  Juin  fur  les  fcpt  heures  du  ma- 
tin ,  lorfque  Je  lifoîs  quelques  Capitres  de 
mon  Nouveau  Tcftament ,  nous  entendî- 
mes ouvrir  les  portes  de  nôtre  Tour  ;  après 
quoi  on  vint  droit  à  celle  de  nôtre  Cham- 
bre, où  Ru  introduiiit  un  Homme  de  très 
bonne  mine,  mais  très  pâle,  &  qui  fcmbloit 
tout  égaré.  Ru  prenant  la  parole  ,  nous 
dit,  que  c'étoit  un  Officier  dequalitéj  que 
le  Gouverneur  nous  envoioit  pour  Compa- 
gnon ,  &  avec  lequel  il  nous  prioit  de  bien 
vivre:  après  quoi  il  referma  ia  porte  fur  nous. 
Je  làluai  fort  civilement  nôtre  nouvel  Af- 
Ibcié  &  je  lui  demandai  ii  il  écoit  malade, 
queje  le  voiois  toutdetfait.  Non  Moniteur, 
me  dit-il ,  mais  je  fais  tout  ce  que  je  puis 
pour  l'être,  &  mourir  allez  vite,  pourm'ar- 
tacher  à  la  barbare  tyrannie  de  nos  Bout* 
reaux.  L'état  où  vous  me  voiez,  vient  de 
ce  queje  n'ai  mangé  ni  bu,  depuis  plusde 
cinq 

un -izf- -,.  Google 


eà  VHiftalre  delà  Baille.  3«>  ' 

dliqjonrs;  puifque  c'efl  aujourd'huilefixié- 
ifie  qu'il  ne  ra'eft  rien  entré  dans  le  corps 
que  l'air  abominable  que  je  tefpire.  Com- 
me Ru  en  le  condaifant  dans  nôtre  Cham- 
bre, nous  avoir  apporté  nôtre  pain  &  nôtre 
vin ,  je  lui  en  offris  de  fort  bonne  grâce  ,  & 
je  courus  à  mon  refervoir ,  qui  étoit  dans  u-  - 
ne  petite  armoire  bâtie  à  côté  dé  la  chemi- 
nife  ,  lui  quérir  un  morceau  de  veau  rôti ,  ■ 
froid,  mais  de  très  bonne  mine,  dont  je  le 
ïwîai  de  manger.  Il  le  refufa  d'une  façon 
îbrt-civile,  &  dit  qu'ii  béniflbit  Dieu,  de  ce 
qu'il  lui  faifoit  rencontrer  dans  l'extrémité' 
où  il  étoit  un  Homme  raifbnnable  ,  qui  pÛt 
recevoir  les  dernières  paroles  du  Comte  de 
BrederodeSi  &  publier  ufljourdans  le  Mon- 
de l'injaftice  que  la  France  lui  feifoit ,  après  • 
feizante' Ans  d'un  fervicefidelle  &alCdu, 

Sui  lui  avoir  fait  dépenfer  fon  bien  ,    verier 
sn  fang  &  ruiner  fafanté;  AunomduCom-  - 
tcdc  Brederodes  mafurprirefutcitrcme.  So- 
rel  ,  qui  l'avoit  regardé  avec  une  avidité  in-  _ 
croïable  ,    depuis  que  le  Comteétoit  entré 
dans  nôtre  Chambre ,  fins  dérourner  laveiie- 
dedi^fus  lui,  &  fans  dire  un  feulmot,  lorC- 
qu'il  profera  le  nom  de  Brederodes  ,    le  rc-- 
connut ,  devint  rouge  comme  de  l'écarlale  ,  - 
&  mettant  le  doigt  lur  la  bouche,  me  lit  li- 
gnedenedire  mot  de  ce  que  jefçavoisdefes 
Avanturcs.    Pour  lui  faire  connoître  que  je 
l'cntendois  parfaitement  bien.     Quoi.!     lui 
dis-jc  Mr.  le  Comte  de  Brederodes  ,    eft^ir 
pûflible  que  j'cinbraffe  un  Homme  qu'ii  y  a 
li.  long  temps  que  j'ai  envie  de  voir,  &  que^-- 
jç  connois-plus  qu'il  ne  croit;-  faut-il quc-cc" 
Qj  foj'f.- 

o,:,-,.-„Co0^îlc    ■ 


^TO  Ulnquifit'itin  FroHfoife 
loir  dans  une  Baflille  que  nous  nous  rencon- 
trious  enftmble  ;  oferois-je  vous  demanda 
comment  fc  porte  Madame  vôtre  chère  E- 
pouie.  Ah  !  Monfîeur ,  rcprit-il  tout  traaf- 
porté  1  connoiflez  vous  cette  cruelle  fem- 
me? Comment  craelle!  continuai-je  ;  ei- 
pliqucz  moi  je  vous  prie  Monfieur  cette  £- 
D^gme  1  &  me  dirtes  comment' Madame  la 
Marquife  de  Bois-Roger  ,  qui.  a  aimé  li  paf- 
âonnement  Mr.  le  Comte  de  Brederodes  ^ 
qa*elle  a  voulu  être  fa  chère  Epoufe  lui  eft 
devenue  cruelle.  Je  Gitisferai  à  vôtre  curio- 
&xé,  me  dit-il ,  quand  vous  aurez  ïàtifait  i. 
la  mienne  :  dictes  moi  ,  s'il  vous  plaît  d'où 
vous  nous-  connoifTez  tou&Ies  deujL!  Jcvous 
le  dirai  très  volontiers ,  fl  tût  que  vous  m'au- 
lez  aj^cordc  la  grâce  de  manger  un  morceau. 
Allons  Mr.  l'Abbé  delà  Moite,  dis»jeàSo- 
rel,  que  je  vis  bien  que  le  Comte  nerecon- 
uoillbitpas,  aidczmotàetigagerMr.IeCom- 
te  à  prendre  quelque  nourriture  ,  &  à  lui 
laite  changer  le  funefte  defTdn  où  il  cii.  de. 
mourir  en  celu'î  de  virÊenfibonneCompag- 
uie  :  car  continuai-je  Mr.  le  Comte  ,  voilà 
un  galant  Abbé  ,  qui  eft  de  Lion  ,  qui  fera. 
a*ifli-bieu  que  moi  tous  fcs  effbrjs  ,  pour  a- 
doucir  les  aigreurs  de  vôtre  PiiTon.  Oferoîs- 
je  vous  demander ,  rcprit-il  ,  Mr.  qui  vous 
êtes  ,  qui  me. parlez  li  obligemment ,  &  qui. 
me  témoignez  tant  de  pitic  dans  ma  dîJgra- 
oe?  Je  m'appelle  ,  lui  dis-je  Condantin  de 
Renneviilc,  dont  le  fort  n'eft  pas  moins  fu- 
nefte que  Je  vôtre:  noï  malheurs Hue 

me  dpuria  pas  le  temps  d'achever ,    &  en- 
ip'cmbtaûàiit,  tcadieoieiu  ^  cfl  -  il.  poiljble , 


ou  rUiflàirt  Je  la  Baftttte^  3  f% . 

me  dit-El,  que  je  me  trouve  dans  un  lîeuaufli 
abominable  que  celui-ci ,  avec  le  Frere  de 
Mr.  de  MaubuiiTon  mon  Ami  &  moH  Capi- 
taine, chez  qui  j'ai  paffé  un  quartier  dTiy ver 
tout  entier  !  N'étoit-ce  pas  vous  qui  étiez  il 
va  quelque  temps ,  dans  la  féconde  de  la 
Bertaudiérc  ,  d'où  je  fors  dans  le  moment  y 
lOrs  que  j'étoîs  dans  la  Troiiléme  avecMr. 
Stinkfon  Banquier  Anglois ,  &  un  Abbé  Ita- 
lien ;  qui  trouvâtes  le  moien  de  nous  faire- 
comprendre  qui  vous  étiez  ,  en  frappant  con- 
tre la  moraille ,  ce  que  nôtre  Abbé  pénétra, 
&  àquoi  ilrépoadit?  Oui  Monfieur,  repris- 
jC)  &  je  fatisterai à  toutes  vos  demandes,  li- 
t6t  que  vous  aurez  pris  un  doi^  de  vin  , 
comme  je  vous  en  conjure.  Dieu  vous  a 
mis  avec  un  de  vos  Amis  ,  dans  la  moins 
inauvaifi:  Chambrede  laBafliJle.  Venez  ad-, 
mirer  cette  belle  viie,  lui  dis-je,  en  le  coji-- 
duilant  à  la  fenêtre  ,  qui  nous  invite  à  ne  pas 
vous  lailTcr  mourir  fi -tôt,  &d'un  genre  do 
mort  ff-.criiel.  Ah!  Monfîeur  ,  me  dit -il  ,„ 
quand  vous  fcaurcz  mes  malheurs  ,  vous, 
trouvcseique  j'ai  raifon  de  vouloir  fortir  c  e 
U  vie;  &  fi  jenc.craignois  pas  les  jugements . 
de  Dieu,,  il  y  a  longtemps  quej'aurois  per- 
cé le  coeur  du  plus  malheureux  Homme  qui' 
foit  fous  le  Ciel  ,  pour  mettre  lin  aux.  plus . 
bîfaces  &  plus  terribles  avamures  ,  dont  ja-  . 
mais  vous  aicz  entendu  parler.  Je  lui  ûs , 
comprendre  que  mourir  de  tàim ,  &  fe  percer . 
Je  cœur»  c'etoit  la  même  choIè  devant  Dieu;, 
qu'il  n'étoit  pas  permis  à  un  Chrétien  démet- 
tre fin  à  fes  jours  pour  quelque  caufe  que  ce 
pût  .être  I  que  par  les  voies  que  la  Nature  lui , 
Q^tf,  a.. 


^7**  dèquifitiM  FrMfoyi 

«  prefcrittes  ;  &  qu'il  y  svoit  mémedeliifoi- 
bleflè  à  un  brave  Homme ,  comme  luidcdc- 
firer  la  mort ,  pour  fe  délivrer  de  affliâîons, 
qii'il  n'avoit  pas  le  courage  de  fuporter.  En- 
fin je  fis  H  bien ,  que  je  le  contraignis  de 
manger;  mais  les  conduits  ordinaires  étoient 
tellement  rétrécir ,  que  la  nourriture  eut  bfcn 
de  ta  peine  à  y  pailcr. 

Quand  il  fut  un  peu  revenu  i  lui:  dittes 
moi  un  peu  je  vous  prie  ■  Monsieur ,  medit- 
îl,  d'où  vous  me  connoilTeT,  &  Madame  la 
Comtellc  de  Brederodes  f  N'eft  il  pas  vraT, 
loîdis-je,  qu'elle  a  été  l'adjudicatrice  de  la. 
Terre  de  Lycvillc  ,  qu'elle  &ifoit  decmer 
dans  le  Cottentîn;  &  comme  IVlr.  deCham.- 
be,  Porte-Manteau  du  Roi,  monBeau-Pc- 
re  t  avoit  cent  livres  de  rente  à  prendre  fuc 
cette  Terre,  je  fus  un  des  Créanciers  portei 
for  ce  décret  ;  &  je  vous  ai  vu  plufieuts  fois. 
vous  &  Madame  la  Marquifede  Bois-Rogec. 
à  Carentan  ,  oùj'étoîs  Direâeur  des  Aydes  & 
Domaines,  lorfque  cette  Terre  lui  fût  adjo- 

Îfe  ,  &  lebanie  à  fes  irais  ,  âute  par  elle 
'en  avoir  feit  le  paiement,  juftement  ,  re- 
pril-il,  je  vous  femets  à  prefent,  &j'aî  mê- 
me mangé  plufieurs  fois  avec  vous  chez  Mr.. 
le  Comte  d'Âuiais,  où  j'allois  fôuvcati  & 
chez  Mr.  de  Boîs-Grimot,  Lieutenant.  Ge> 
neral  :  Mais  je  vous  connois  encore  àeplus. 
de  vingt  Ans  auparavant,  j'ai  été  chei  vous , 
où  j'ai  paffé  un  Quartier  d'Hyver  ;  &je  vous 
dirai  tant  de .circon (lances  de  vôtre  Maifon, 
que  vous  counoîirez  ftcifemeot  que  j'y  ai  é- 
té,  puifque  vous  étiei  trop  jeune  alors,  pour 
.TQijs  lemèttn  aujoaid'huî  mon  vUÀge  i ,  ou- 


.--„Googlc 


tMrffiJiùhtdtlaBafiille.  %j^  . 

treqoe  j'ai  beaucoup  changé  depuis  ce  temps 
là.  J'écois  EnfeigDe  de  la  Compagnie  de  Mr. 
de  Maubutïïbn  vôtre  Frère  ,  Capitaine  dans 
le  Régiment  de  Champagne  ,  dont  Mr.  le 
Marquis  de  Bellefond  ,  depuis  Maréchal  de 
France,  étoit  Colonel.  Mr.  de  Maubuiilba 
étant  ailé  en  recriie ,  comme  il  m'aimoit 
beaucoup,  il  m'amena  avectui  à  Cacn.  Vô- 
tre Maifon  qui  eft  très  antique  ,  mais  très 
belle  ,  efl  tout  proche  le  Château  ,  &  tait 
face  à  l'Eglife  de  St.  Pierre,  n'yayant  qu'u- 
Be  grande  çkcé  quartée  oitre  les  deoi.  Vous 
aviez  un  très  beau  Jardin  dans  un  des  Fauz- 
Bourgs  de  la  Ville  ,  &  une  belle  Terre  qui 
n'en  efl  pas  bien  éloignée  ,  où  nous  allions 
fort  fouvert  chafler.  VosMaifonsdelaVil^ 
le  ,  de  vôtre  Jaidîn  &  de  la  Campagne  é- 
loîent  remplie  d'une  quantité  prodigicolè  de 
très  beaux  tableaux  dont  MonficurvôtrePe.* 
re  étoit  très  curieux.  Il  paroiûbit  encore 
tout  jeune  ;  il  étoit  dans  la  Magidrature  ,, 
quoiqu'il  ne  fût-pas  originaire  de  la  Ville;  il 
me  femble  même  qu'il  étoit  d'une  Famille 
d'Anjou.  Il  avoit  grand  nombre  d'Enfants, 
dont  tous,  les  Ainei  étoient  dans  te  fervice  , 
auin  bien  que  Mr.  de  MaubuilTon  mon  Ca-. 
pîtafne^  un  feuL  eiLcepté  qi:iavoit  une  Char- 
ge au  BureaudesTreforiets.de  France;  c'é- 
toit  un  des  plus  beaux  Garçons  que  j'aie  vu. 
de  ma  vie.  J'en  ai  connu  très  particulière- 
ment un  autre,,  qui commaodoitie  Régiment 
de  Coëi]in ,  .qui  portoît  vôtre  même  Seigneu- 
tie  deRcnncvilIe,  qui  étoit  un  très  brave  Of- 
gciet  ,  &  qui  dans  la  fuitte  a  été  un  de  mes 
incimesAmJs.  Vous  aviez  de  vos  Frères  Ai.- 
Q7  nez 

u,:,-,zf--„GoOglc 


J74  L^Inqnifititm  Franfoife 

nez  dans  la  Marine,  emr'smrcs  arnomnWdB 
Clos  très  bien  fait  ,  qui  fat  envoie  dans  les 
Indes  avec  Mr.Caron  dans  le  temps  que  le 
Roi  l'y  envoya  Direâeur  ;  &  un  autre  qui 
s'appeiloJi  Pierrcvil^e  qnr  commandoît  la 
Fregatte  la  Séné  dans  le  Combat  qui  fiit. 
donné  fous  le  commandement  du  Roi  Jac». 
qucs ,  loFfqu'il  n'étoit  encore  qne  Duc 
d'York.  LorfqueiVtoischezvous  vôtreFre- 
re  étoit  encore  efiropié  des  bîeffures  qu'il  a- 
•voît  rcciies  dans  ce  Combat ,  où  il  fit  fort 
bien  fon  devoir.  Vohs  aviez  d'autres  Freresi 
Officiers  dans  le  Régiment  de  Picardie  ,  & 
des  Sœuts  fort  belles  .  entr'autres  l'aînée  , 
mais  on  les  voioit  raremeni ,  parce  que  Ma- 
dame vôtre  Mère  les  couvoit  toujours  fous 
fcs  aîles  dans  un  apartcmcnt  fort  retirai  d'où 
elles  ne.  fortoient  jamais  qu'avec  clic.  Vous 
voîçz  Monfiçur  que  je  vous  connois  fort 
bien   &   que  j'ai  la  mémoire  très  hearea- 

Caën  eft  une  des  pins  belles  &  des  plus 
agréables  Villes  que  j'aie  viic  ,  &  la  mieuï 
fcituée  ,  où  il  y  a  de  très  beau  Monde  & 
fort  focîable.  Les  Reformez,  y  avoient  un 
■  fort  beau  Temple  ,  où  s'affcmbloît  un  con- 
cours ptodi^eux  de  Peuple ,  car  il  y  a- 
Toit  près  d'un  tiers  de  la  Ville  de  la  Reli- 
gion Reformée  :  j'y  ai  vu  une  file  magnifi- 
qi^e  de  Caroi&s.  I!  n'y  a  pas  jufqu*au  me- 
nu Peuple  qui  n'ait  de  l'efprit ,  &  j'en  aire-- 
(enu  des  Hiftoires  qui  font  tout-à-fait  ré- 
jouiffantes.  Il  m'y  eft  arrivé  à  moiquivous, 
parle  une  avennire  ,  depuis  que  j'ai  ^oufê 
ftflad.  de.. Bois-Roger  ,  qui  cft  jmpaïable ;  je. 
vous 

u,™--„Googlc 


M  PHtfieîrt  Je  U  Savait.  375 

YOOS  en  ferai  qaelque  jour  It  récit.  Msk 
dittes  moi  auparav»nt  ce  çpie  (bnf  devenus 
Mrs.  vos  Frcre»  ,  &  pur  qïicl  haiard  vous 
êtes  ici  ? 

Mes  Frères  font  tous  morts  ,•  lui  dis -je  , 
j«  rcfle  fcul  de  douze  Fils  que  mon  perc  çbt 
de  iJoa  mariage  avec  ma  Mère  ,  &  de  Ax 
qu'il  eut  avec  fa  première  Femme  ,  qui  é- 
toit  une  d'Aligre.  Cei»  du  Premier  Ht  font 
prelqae  cous  morts  au  fèrvice  des  Véni- 
tiens ,  dont  la  plus  grande  partie  a  péri  ai} 
Siét;e  de  Candie.  Moa  Aîné  du  Second  lit 
fdt  tué  au  Siège  de  ThionYÎlle  ,  qui  fut  la: 
pcetpiére  Campagne  du  Roi  ,  Six  autres  de 
mes  Frères  ont  été  tuez  dans  diverfcs  occa- 
fîous.  La  feule  Bataille  de  Senef  en  fit  pé- 
rit deux  ,  Officiers  dans  le  Régiment  de  Pi- 
cardie ;  a  peu  de  temps  au  para  vant  j'en  avois 
perdu  UD  qui  étoit  Capitaine  dans  le  même 
Régiment;  il  fut  tué  devant  Hardemboittg  à 
la  déroute  de  Mr.  de  Nancraî.  Vôtre  Capi- 
taine a  été  le  dernier,  qui  fut  lue  ù  la  Hou> 
gue ,  &  les  qUiUre  autres  font  auffi  morts 
dans  Je  Service,  mais  de  leur  mort  naturel- 
le. VoHà  pour  ce  qui  regarde  mes  Frères, 
Eî  pour  l'aventure  qui  méfait  être  vôtre  Com- 

Sguon  de  mifèrc ,  la  voici.  J'étois  allé  en, 
ollaitdc  pour  m'y  établir  >  où  je  croi  mô- 
me vous  avoir  vu  chei  Mad.  la  Mari^urfede 
MoQtpouillan  vôtre  Parente  ;  lorfque  Mr. 
Chamillart ,  à  force  de  promefTes  me  fit  rc-- 
venir  à  la  Cour,  àdans  le  temps  que  je m*^' 
croiois  dans  une  parfaittefécuritélouslaFoi 
&  la  Proteâion  de  ce  Miniftre ,  au  boiit  de 
qualwMois,  je  fus  arrêté  par  otdte  deMr-i 


.Cooylc 


yjé  L'Im^uifitioM  FfMMceîf* 

leMaïqniS'dsToTCf-,  &esfèrm^  dans '  et 
Cloaque  detedabte  ,  où  voici-là  deaxitfme 
Ann^e  qve  je  gémis,  fans  avoir  vu  perfoone 
qui  m'en  ait  voulu  dire  la  caufe  ,  &  fans  a- 
voir  pu  obtenir  un  CommiiTaîre  pourm'exa- 
miner.  O  fejour  diabolique  ;  i'iîciia-t-il ,  gou- 
verné parles  plus  cruslsTirans qui  foicnc  ao- 
Mondé  !  Je  fais  dans  le  même  cas^  inoa  cher 
Monficur ,  il  y  a  près  d'un  An  qu'ils  me  re- 
tiennent, fans  m'en  avoir  encore  voubi  dire 
.  la  raiibn.  J'aidois  à.Mr.  de  Murât  Gentil- 
Homme  jdu-  Dauphiné  à  faire  foa  Rcgitnenti 
dont  il  m'avoit  donné  laMajorité,  lorlqu'on- 
me  vint  enlever , ,  de  mon-  Auberge ,  coqime 
OD  corps-faint ,  ppur  me  plonger  dans  cet  An- 
tre infernal,  ou  je  cfoi  que  c'eftparlecrediti 
de  ma  chcieEpoufeque  je-fuis  enferméi  Car- 
je  l'aime  , .toute  perfide,  toute  criielle,tou' 
te  ingralte  qu'elle  eÛ^  &quoiqu'e!lemedoa< 
ne  ici  la  mort,  l'amour  que  j'ai  pour  elle, 
&  que  mâ1^é  toutes  fes  iafidelitei ,  je  ne- 
puis  arracher  de  mon  cœur  ,  me  péfc  plus. 
mille  fois. que. la  Baftille.  -  je  fis  fort  l'éton- 
Bé  ,  &  je  le  priai.de  me  cooterres  Avantu- 
res,  commelijene  lesfçavoispas.  Trcsvo- 
lontiers,  me  dit^il  ;  mais  peimettez  moi  an- 
gavant  de  demander  à  Mr.  l'Abbé  qui  ne 
dit  mot,  &,  qui  me  paroît  fi  ij;veur,  ce  qu'il 
fait  ici , ,  &  quel  .fujet  l'y  a  ameaé.  -  Mon~ 
fieur  dit  Sorei ,  .que  iious  appelleront  à  prc- 
fem  l'Abbé  delaMottc,  écpourcaufe,  nous- 
fommes  tous  les.  troîi  aofli  fçavants  fur  le- 
fujel  de  nôtre  emprifounement  les  uns  que 
les  autres  ;  je  ne  fçai  fi  c'cU  pour  avoir  dé- 
jçunf -deux  fois }  oumaiiqi^é  à  diremonBte-- 
viai• 
l),.■„^ -.Google 


•«  PHifioire  de  h  Saflille.  J77 

viaire;  tant  i  a  que  j'y  fuis  depuis  il  y  eut  ua 
An  ce  Carême  ,  '&,  j'en  telTortuiu  quand  il 
plaira  i  Dieu  ,  ou  plutôt  quand  les  Officiers 
d«  iaBallille  n'aimeront  plus  l'argent.  Le 
Comte  &  l'AbW  recommencèrent  ieursApof- 
trt^bes  contre  la  Baltille  &  Tes  AdminiAra- 
ïeurs  ,  &  après  avoir  fuflîlàmment  évaporf 
leur  bile ,  le  Comte  commença  fon  Hiftoi- 
re  de  cette  manière. 

Mon  Père  s'appelloit  le  Comte  de  la  Gar- 
de, qui  aïanr  fuivi  le  Prince  de  Coudé  aux 
Pais-Bas  pendant  les  troubles  ,  époufa  ma 
Merc  en  Hollande.  Elle  étoit  Confine  de 
Mad.  la  Marquife  de Montpouiltan  ,  &  fans 
contredit  Héritière  des  grands  biens  de  la 
Maifon  de  Brederodes.  Quand  le  Prince  de 
Condéeut  fait  la  Pair  avec  le  Roj,  mçnPe^ 
re  qui  revint  en  France  y  ramena  ma  Mère 

froflè  de  moi  :  elle  accoucha  à  Vernon  fiir 
cine.  Mr.  Le  Cardinal ,  à  la  foUicitation 
de  Mr.  le  Prince  de  Coudé,  donna  à  mon 
Perc  la  Majorité  de  Perpignan  ,  avec  une 
penllon,  pour  le  rccompenfer  de  fon  Reçi. 
ment  qu'il  avoit  perdu  ;  peu  après  qu'il  tut 
arrivé  ,  il  mourut ,  &  me  iaifla  fort  jeune , 
fous  la  tutelle  de  Mr.  de  Tilly  de  Caë'n ,. 
Commandant  de  Perpignan  ■  qui  prît  foin 
de  moi,  comme  de  fon  propre  Fils.  MaMc- 
re  qu'on  appelloit  à  la  Cour  la  belle  Hol- 
landoife,  fe  remaria  à  un  Gentil-Homme  du  " 
■Cottentin.  Mr.  de  Tilly  ,  après  m'avoir 
fait  apprendre  mes  eiercices  dès  l'Enfance, 
à  l'âge  de  dix  Ans  me  donna  un  drapeau  dan» 
fon  ilegiment  ;  enfuittc  fon  Rejjiment  fiit 
incorporé  dans  celui  de  Champagne  ,  où  je 
fas 


37^  li*7iif«ifit!«*  Françoife 

fox  Enfëigne  de  la.  Compagnie  de  Mi.  vôtre 
Frerej  &  depBÎs  ee  temps  -là  j'ai  toéjoars  €ex' 
TÎ.  Etant  Capitaine  dans  hd  Régiment  E- 
tran^er,  je  me  mariai  â  XaMHcs,  oùj'époB- 
fai  une  Héritière  pariaittement  belle ,  <ionr 
j'eus  plufleuFs  ËnBtnts  qui  font  tous  morts, 
auffi  bien  qu'elle.  Etant  allé  follîciter  le 
bien  de  ma  Merc  en  Hollande,  j'y  fis  con- 
noifTance  avec  Mad.  la  Marquife  de  Bois- 
Roger  ,  qui  y  ^toit  allée  pour  un  pareil  fu- 
jet ,  fon  Pcre  &  fa  Mère  étant  Hollandois. 
Si  j'en  fus  channf,  j'eus  le  bouheur  anfli  de 
«e  lui  pas  déplaire.  Elle  étoit  Veuve  ,  & 
j'éwil  Veuf.  I>e  retour  totts  deux  en  Fran- 
ce, je  la  fus  voir  â  ià  Terre  de  Bots-Roger. 
Je  lui  découvris  ma  paffion,  &  elle  l'approu- 
V*  ;  maiî  comme  nous  étions  tous  deux  de 
la  Religion  Reformée ,  nous  ne  pouvions  pas 
nous  marier  en  France  contre  les  Ordon- 
nances du  Roi.  Elle  me  leva  ces  difficnltci, 
■&  me  d't  qu'elle  eonnoiflbit  un  certain  Curé 
de  Lery  qui  étoIt  dans  fon  Voifinagc,  qui  ne 
ft  failbit  pas  le  moindre  fcrupulc  de  con- 
trevenir à  ces  Ordonnances ,  &  q^ui  feroit  la 
cérémonie  de  nôtre  Mariage  dès  «^uenouslc 
voudrions.  Elle  le  fit  venir  à  Roden,  &  la 
chofe  le  paUa  un  foir  en  la  Maifon  d'une 
Amie  de  la  Marquife  ,  devant  les  Témoins 
qu'elle  voulut  y  appeller,  &  que  je  ne  con- 
noiflbis  pas,  Enfuîte  de  quoi  nous  retour- 
nâmes au  Bois-RMer ,  oà  pendant  plus  de 
dishuit  Mois  je  vécus  avec  mon  Epoufe  de 
la  plus  grande  union  du  Monde.  J'avois 
rendu  queique  partie  du  bien  que  j'avois  de 
im  première  Fenane  en  Xaîntonge  ,  dont 
tant 

u,:,-,zf--„GoOglc  " 


tu  PHifloire  de  U  ■BaJîilU.  3ï9    ' 

tant  que  l'aident  dura  Mad.  la  Comtcffede 
BredettHÎes  m'accabîacîc  cardTcs  ;  mais  quand 
les  eaiïi  viBrentàbailTcr,  dlemcdîtqu'ilfal- 
loit  abfolument  (juc  j'allaJIc  eh  Hottandfimt 
iaire  rendre  jnfliçe  di.i  bien  de  ma  Mère  ', 
ou  tom  an  moins  folîicitcr  une  Penfion  de 
L.  H.  P.  L.  E.  G.  qui    s'ctoient  emparez 
du  bien  de  nôtre  Maifon,    J'y  fus  fis  Mois 
entiers  ,  fans  pouvoir  obtenir  aucune  choft 
qu'une  légère  Provilîon  ,  par  le  crédit  de  la 
Marquife  de  Moiitpouîllan,  qui  fealc  avoît 
cotttioîfïànce  dé'  la  juflice  de  niacanfc,  J'tf  ■ 
toîs  iàns  titres  %    &  il  n'y  avoir  qu'elle  qui 
m'en  pût  indiquer.  Enfin  L.  H  P.  me  ren- 
voîercnt  chercher  l'Extrait  de  monBaiôme, 
Bc  ïe  Certtâeat  de  la  mort  de  ma  Mère  ; 
car  j'avoisrecooTertfon  Contraâ  de  Maria- 
go  avec  mon  Père,  parles  foins  de  la  Mar- 
qoife  de  Mompoiiillan  ;  moiennant  quoi  îfe 
me  promirent  de  me  donner  une  Fenljoa  ■ 
proportionnée  à   ma  Naîfïànce  ,    &  â  peo 
près  à  mon  bien.     Je  revins  en  France  fur 
ces    affiiraiices  ;    mais  je   fus  fort  étonné , 
quand  je  voulus  cmrcr  chei  moi  ^  de  voir 
que  ma  Femme  me  fit  fermer  les  Portes  du 
Châteuu,  &  Itverles  Pouts-levis.  J'eusbeatt 
peftcr,  prier,  infiflcr;  jamais  etlcnç  voulut 
me  voir;  encore  moînsmefaireouvrîr.  Pen- 
dant mon  abfence  ,   on  avoir  pourvu  à  une 
Compagnie  que  j'avois  dans  Sutlaube,  pour 
achever  de  me  pouflèr  à  bout.    Je  fus  trou- 
ver quelques  Amis  que  j'avois  aux  environs 
du  Bois-Roger,  entr'auttcs  le  Marquis  de  St. 
Hillairc,  Gentit-Homme  fort  honnête  &  d'u- 
ne rare  prebité,  qui  fut  voir  mon  Epoufeau 
Bois- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


SSo  Vltufaifiùen  Françeifi 

Bois-Roger  ,  pour  lui  remontrer  de  queUe 
confequence  étoit  l'éclat  qu'elle  alloit  fiure: 
mais  il  ne  fut  pas  moius  étonné  que  moi , 
quand  elle  eutlefroDtdclaifomeiiir,  qu'el- 
le n'étoit  pas  ma  Femme.  Je  fus  cotuùUer 
un  Avocat  à  Rouen  ,  qui  me  dit  qu'en  lui 
aportant  l'estrait  de  mon  Contraâ  de  Ma- 
riage ,  &  un  Certificat  du  Curé  qui  en  avoit 
fait  la  cérémonie  ■  il  la  forceroit  bien  à  me 
reconnoîtra ,  &  à  me  donner  une  provifiou 
iurfon  bien..  La  Demoifelle  chez  qui  nous 
nous  étions  matiez  à  Roiien ,  quiétoicMai- 
chande  de  Dentelle  ,  avoit  paffé  en  Angle- 
terre. Je  courus  i  Lery  pour  obtenir  un  Cer- 
tificat du  Curé  ;  mais  j'y  appris  qu'il  avoit 
abandonné  fa  Cure  ,  podr  fuivre  en  Angle- 
terre la  Marchande  de£)entelle.  LeNotai- 
re  qui  avoii  paiTé  nôtre  Contraâ  au  Bois-Ro- 
ger étoii  un  Vieillard  plus  que  feptuagenaT- 
re  :  il  étoit  mort  pendant  mon  abfence  ,  & 
j'eus  un  cha«in  mortel  d'apprendre ,  que  la 
Comteflè  de  Brederodcs  s'étoit  emparée  de 
tous  fes  papiers  après  fà  mort.  Je  retournai  i 
Lery,  pour  voir  li  je  ne  poûrois  pas  découvrit 
ce  qu'étoient  devenus  les  Reeîitres  du  Curé. 
"Je  parlaîàunbonVieilîardquime  dit  être  fou 
Père,  &  à  un  Laboureur  qui  me  dit  écrefon 
Frère.  Quand  ils  fceuremlefujetquim'arae- 
noit;  ils  m'apprirent ,  en  fondanLen  larmes, 
que  le  Curé  étoit  un  débauché ,  qui  après  la 
avoir  ruinez  &  déshonorez ,  s'étoit  enfui, char- 
gé de  dettes  ,  pour  courir  ea  Angleterre  a- 
près  uîie  Marchande  de  Dentelle  de  laR.R. 
Que  c'étoît  la  Marquife  de  Bois  Rogpr,  qui 
après  l'avoir  &it  intimider  pac  les  Juges  de 

rof- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


t*Officialité  de  RoiieD,  lui  avoic  confellléde 
quitter  fa  Cure  ;  &  qu'elle  n'avoit  eu  aucun 
repos  qu'elle  ne  lui  eût  psrfuadé  la  chofe  : 
Ce  qu'il  avoit  exécuta  après  avoir  venda  fcs 
meubles  rourdemcQt,  &parfà  mauvairecoa^ 
duite  leur  avoit  à  tous  porté  un  coup  mortel. 
Qu'ils  ne  doutoîempasquecemifirablen'eât 
donné  fes  Kegiflres  à  la  Marquife  ,  ou  qu'il 
ne  les  eût  brûlez.    Ces  trilles  nouvelles  me 
percèrent  le  cœur:  j^aimoispaflîoonememla 
ComteiTe,  malgré  fa  cruauté.    Jelui  écrivis 
les  lettres  les  plus  tendres  :   je  lui  as  parler 
par  ceux  que  je  fçavoîs  qu'elle  conlîdeioic 
davantage;  &  voiant  qu'elle  étoit  inébranla- 
ble ,  j'entrai  dans  une  fureur  que  je  ne  puis 
.  vous  exprimer.     Je  pris  la  refolution  de  cou- 
rir aptes  le  Curé  de  Lery ,   qui  feul  pouvoir 
me  tirer  de  la  peine  où  j'étois  ,  en  me  don- 
nant le  Certificat  dont  j'avois  befoîn ,  déter- 
miné de  le  tuer  s'il  me  refiifoit.    Pour  cet 
effet  ,  abandonnant  entièrement  le  foin  de 
mes  affaires  d'Hollande,  jcfuspromptemcnt 
ta  Xaiotonge,  oùje  vendis  quelques  arpents 
de  vignes  <  &  quelques  aires  de  marais  al- 
lants,  &  je  pris  avec  moi  deux  Vallets  qui 
avoient  été  mes  Soldats ,  &doatje  connoJf- 
fois  le  courage.  Je  les  menai  avec  moi  en  An- 
gleterre pour  me  féconder  dans  monentrepri- 
îe.    J'appris  que  le  Curé  ,  après  y  avoir  fait 
fon  abjuration,  en  étoit  parti,  fans  avoir  é- 
\     poufê  fa  Marchande  de  Dentelle  ,  qui  avoit 
I      af^iis  de  lui  des  chofes  terribles  qui  l'avoient 
j      rebuttée.    Je  le  fuivis  en  Hollande  ,  où  il 
■"    avoit  palTé.  Je  feu  qu'il  avoît  obtenufonpar- 
doti'de  l'Ambaitàdeur  de  France,    &  qu'il 
1  étoit 

I  ■  ■  ^""81= 


}|i  .    VIiKlMÎfitiou  FramfoiJ* 

étok  «WoraéàPiifs,  où  jeleftsidiercïiet. 

LxTM  tenues  ^èï  je  découvris  q«'il  étoit 
paflï  en  Flandres  ,  où  je  cOUras  après  lui 
En&i  je  l'ai  pourfuivi  i  lapîftedafis  roote* 
les  CoUEsd'Allerragne,  oà  ilvoiageo*  k  lu 
iîiitte  d'un  Sïigncar  AiJemaQd  >  «n  DaoDe- 
mark ,  en  Suéde  &  en  Pologne.  Je  fuis  en- 
fuke  revenu  (or  met  pas  i  BrDïelles  od  je 
l'ai  perdu,  j'ai  &it  pour  le  trouver  près  de 
mille  lieuei:&aprcsin'tîrreentiéremenfcoa- 
fbihmé,  jetctoumaiàRoikti,  où  jVmploîai 
toutes  fortes  de  moïens  pourregi^nerlecœHr 
de  ma  Femme.  N'en  pouvant  venk  à  boot 
parladonceor,  je  plaidai  contre  elle,  oàjeiw 
eagnaiptsplosqu'à  courir  après  mon  Frtpon 
de  Curd.  La  Guerre  étoit  alors  anojnée  par 
tom  ;  je  pris  la  rcfolution  d'aller  m'y  fme 
brûler  te  coeur  pour  en  chafler  entièrement  M 
paffion  .violente,  dont  il  étoit,  &  dont  il  eft 
«ncorepénetiépourmacruelleEpoaft.  Pour 
cet  effet  je  reïonrnai  en  Xaintoi^e  v«ndrc 
tant  ce  que  j*y  avois  de  refte  du  bien  de  ma 
prcmi^e  Femme.  Je  revins  à  la  Goat-  ibl* 
iicîter  un  eraploh  Je  m'accommodai  avec 
Mr.  iVIuiat ,  qui  mSiccorda  la  Majorité  de 
fon  Régiment  de  n»avelle  ci^atioii ,  à  des 
conditions  raifonnables.  Je  lui  avotS  &it  la' 
plus  belle  Compagnie  de  Grtfoadiers  qui  tut 
jamais  ;  lorfqu'ctaut  à  la  farveiile  de  mon 
départ  ,  tout  mon  b«gage  aVatit  d^ja  pris  le 
devant ,  je  fus  arrêté  &  «mené  dans  ce  dei 
leftiile  Gouâré ,  où  de  toutes  ies  peines 
que  je  fens  la  plus  ctiielle  ,  c^^\  l'idée  de 
nm  cheie  Epoufe  -que  j'ai  toâjoors  devant 
les  yeux.  Et  vous  Tciilez  ijae  je  vive  !  Ah! 
mon 

,,.,^:,C<x,8lc 


ouVipfioire  ilt  U  Binait.  |8] 

mOO  cher  Monlîear  pburqaoi  m'avez  tous 
^c  manger  ! 

SytvovK  que  j^çns  tefbin  de  tonte  ma  Rhe- 
toriqae  pour  ia  cocrfbler  :  je  trouvois  lès 
peines  fi  accafetantes,  par  le  pitoVableétatoà 
l'Amout  &  la  Fortnite  l'avoient  réduit,  qoe 
je  ne  con^reaois  pas  comment  il  avoît  pu 
refiller  i  tant  de  malhenrî  fans  mourir.  Si 
dernière  Avanture  fur  tout  sivoit  qudque 
cholè  de  (î  flirprenant  ,  que  je  ne  ponvoîs 
en  rereirir.  Il  avoit  parcouru  ta  plus  grande 
partie  de  l'Europe,  pour  cberdier  un  Hom- 
me qui  fe  trouve  enfertné  avec  lui  entre 
quatre  murailles ,  pu  le  cs^iricc  du  hazard , 
&  il  boit  t  mange  &  demenre  avec  lai  pen- 
danttrots  Mois  fàiis  le recounoître.  LeCu- 
lé  avoit  dix  fois  changé  de  cooleur  pendant 
te  Recitdu Comte.  JejrcmbloisqueieCk>m- 
te  ne  le  reconnût ,  qui  dans  la  r^où  il  é* 
toit  lui  atrroit  arrachif  les  yeux.  Je  ne  poa- 
vois  comprendre  l'imprudence  des  Offi- 
'  ciert  de  la  Baltille  ,  qui  a'ùnt  connoiflànce 
de  leurs  demélex,  lesaiférmaieotenfemble, 
au  haiard  de  s'égorger  ,  éf  à  quelles  rtfqaes 
ils  m'expofcàent.  Le  Corélui  detnandabrurj 
qaement  s'il  ^voit  le  Latin.  Jevousai  d6* 
ja  dit,  Mr.  rAbbtf ,  lui  r^ondit  le  Comte, 
quej'avois  ^ifaxt  Enfeigne  à  l'âge  de  dix 
Ans ,  &  que  depuis  ce  tems-lâ  je  n'avois  pas 
qaxfnk  le  fervice  :  il aurott  donc £illu que l'Au-* 
pionier  du  Régiment  eût  tii  mon  Pseccpteur; 
qu'il  eût  eu  l'inclination  &  la  Dcîencc  necef^ 
&ire  pourm'iolhuiFe,  &  que  j'entTe  eu  autant 
d'amour  pour  r£t«de ,  que  j 'ed  avois  pour  la 
Guene.  Non  Mi.  l'Abbé  ,  je  ne  Icai  ni 
ùrec. 


)l4  Vln^mjitiim  Frmfoife 

Grec,  ni  Latin  ;  mais  en recompenfi*  jepv- 
Ic  très  bon  Efpagnol ,  &  j'entends  an  pculT- 
talien.  J'ai  ét€  élev£  avec  des  E^gnols  : 
j'u  fait  long  temps  la  Gnerre  en  Efpagne , 
oùj'xi  été  dcui  fois  Prifonnicr  de  Guerre  ; 
&  mes  premières  Amourettes  fiireot  conû- 
crécs  i  une  Erpagnolette  ,  qui  m'a  pen£ë 
Aire  perdre  la  vie  j  car  il  n'y  a  pas  à  railler 
avec  cette  Nation. 

Quand  l'Abbé  de  laMottefçutqQe le  Com- 
te ne  fçavoit  pas  de  Latia  ;  îlât  Umblant  ait 
lire  fon  Bréviaire  :  iI*iious  demanda  la  per- 
miffion  de  chuiter  nneHymne  avec  une  fbn- 
miffion  qui  me  furprît  ;  m^s  je  le  fiis  bien 
d'avantage,  quand  au  lieu  de  l'Hymne  ,  je 
lui  entendis  chanter  une  prière  très  inAantc 
qu'il  me  faifoit  de  ne  le  pas  découvrir.  Je 
lui  dis  tout  haut:  Mr.  l'Abbéns  fçavezvoas 
pas  cette  autre  Hymne  ,  qui  me  paroît  plus 
belle  &  plus  juile  ?  &  dans  l'inltant  y  en  for- 
me  d'Hymne  ,  je  lui  chantai  l'affurance  où 
il  poiivoit  être  de  ma  fidélité  &  de  ma  Pré- 
caution ;  &  je  lui  dis  en  même  temps  qu'il 
fettoit  prévenir  le  Prince  &  Tozain.  Car 
pour  Mr.leOievali»  Burnet,  comme  je  l'ai 
déjà  diti  il  étoit  font  le  \i.  du  mémeMois. 
On  l'ai^ella  ,  fous  ombre  de  le  fmre  parler 
à  Mr.  d'Argenfon,  mais  une  heure  après  le 
Major  vint  fa.\t&  enlever  toutes  fes  ^des  , 
&  dit  à  fes  Compagnons ,  que  &  Liberté  é- 
toit  veniif  ,  &  qu'il  étoit  échangé  conue  on 
Prifonnier  François ,  HommedediSinâioD, 
qui  étoit  arrêté  en  Angleterre.  Je  dis  à 
TAbbé  de  la  Motte  qu'il  n'eût  aucun  trou- 
ble^ ni  pas  la  moindre  inquiétude;  &  que  je 


.--„Googlc 


«»  FJiifioin  Je  la  Bsftilk.  3  ^ 

me  chargeois  du  foin  de  Mre  les  choies  6 
bien,  qu'il  auroitfajct  d'en  être  tout  à  f^t 
CBuoent.  L'Abbé  me  protefta,  que  de  &  vie 
il  n'avoit  cmeDdu  nne  ii  bonne  Hymne.  En 
effet  elle  le  raJTuni  beaucoup,  &  Une  parut 
plQS  lî  crîfte,  qu'il  l'étoit ,  avant  quejel'cof- 
fe  chantée  ,  ce  que  je  ûs  fut  l'aii  de:  Tei/f 
fit  twU  t'enniimm, 

J«  dis  au  Comte  de  Brederodes  que  nous 
avions  communication  avec  les  Prilbnnîers 
qui  étoient  au  deOùs  de  nous  ,  un  defquels 
îtoit  un  Prince  qui  paroiflbit  avoir  beaucoup 
d*c(pfit  r  qu'il  failoit  tes  avertir  de  fon  arri- 
vée dans  nôtre  Chambre  :  que  je  le  priois 
de  m'escufer  ft  je  leur  parlois  en  Latin  j  mais 
qn'il  étoit  à  craindre  que  je  ne  fulfe  entendu 
des  Potte-Clefs,  qui  fuuvent  alloient  écou- 
ïer  fur  la  Platce-Forme.  Le  Comte  approu- 
va la  chc^c,  fans  y  faire  de  rellesion,  &  en- 
core moins  lànscn  pénétrer  la  caufe ;  iln'a- 
vtMt  garde.  Je  fis  le  fignal  au  plancher.  Le 
Prince  vint  à  la  Tribune.  Jamais  Homme 
ne  fut  pins  (.'tonné  que  lui,  lorfque  jeluiap- 
pris  que  le  Comte  de  fircderodes  étoit  avec 
-nous.  Il  fçavoit  l'Hiftoire  da  Curé  de  Le^ 
ry>  Il  crut  que  je  voulois  lui  faire  un  con^ 
te  i  plailîr  :  mais  je  iaî  affirmai  la  c^hofe  fi 
ferieurement,  qu'il  ne  pouvoit  aflei  admirer 
la  biiarcrie  ,  &  le  caprice  de  ta  Fortune  Cut 
ladeilinée  du  Comte  &  duCuré.  Je  le  priai 
de  prendre  de  julles  mefures  avec  ïbn  Com- 
pagnon ,  pour  ne  pas  faire  de  ,  qui  tri  fata 
dam  ta  coBveifation  >  dont  lesfuiters  feroient 
très  funeÛes.  Il  me  promit  une  grande  cir- 
coiift>câion  :  ^lès  quoi  lu!  &  ton  Compa- 
R,  gnon 

u,:,-,zf--„GoOglc 


}8tf'  '       .  L'Imqmifitim  frampnft 

gfïçn  ûlnoKDt  nôtre  nooTowi  Coactf^î^qni 

leur  fit  tNcn  des  civilité!  :  puis  ils  refermc- 
retit  leur  trou  ,  cniote  de  furprife  ;  sprcs 
QOtis  «voir  promis  quils  avcrtiroiem  les  Pri- 
fonujers  de  Ja  -Cslotte  de  leur  deroir  y  & 
Bons  avoir  marqué  raudimce  à  dis  hoiret 
du  loir. 

Lorfqnc  nous  nous  flimes  un  peu  tiaa- 
qiûltfcipar  les  mefiuesquc  j'avois  prifes,  & 
qui  rendiKot  l'Abbé  tout  joyeux  ,  je  priù 
le  Comte  de  defautter  par  me  dire  d'où  il  Ibr- 
toit  ;  &  d'avec  quels  Compagnons,  Je  fors> 
dit  îidettiSecoQdedelaBertaDdiére>oùvous 
avez  été ,  &  où  J'ai  encore  veu  des  Vers  é- 
crin  coDtie  le  mur.,  que  j'ai  ctuétredevô- 
Ire  main  ;  &  je  quitte  det  Compagnons  qac 
je  n*ai  pas  eu  le  temps  de  coiin(rïtEe,puif- 
que  je  n'ai  bu  ni  mangé  avec  cui.  Maisje 
veux  vous  dire  tout  ce  qui  m*eft  arrivé  de- 
miis  que  je  fuis  anivé  à  la  Baflillc  ,  oà  la 
Fortune  a  voulu  mefatre  voir,  qu'cJtelça- 
voit  me  fournit  des  Avantuœs  jniqa'aa  fond 
àes  Enfers.  Plus  fuifvenaaces  qi»  vous  ne 
penlèzt  Mr.  IcComie,  liùdis-Jci  &  toates 
des  plus  cxttsordioaites^  Sans  oon^iFen- 
dre  le  fcss  de  nvMi  £uigme,  qui  lui  é- 
toit  impénétrable  ,  il*  continua  fou  dilcoms 
ainlî. 

Après  que  ces  Canailles  ici  m'emrratfbuil- 
]é  jnfqu'aux  endroits  tes  plus  fecrets,  &  ea- 
tent  retourné  toutes  mes  poches,  ils  me  mi- 
rent dans  une  Chamhdre  ,  où  je  relW  feul 
près  de  deux  Mtiis.  J'eus  tout  le  temps  d'r 
faire  des  réflexions ,  qui  toiues  aboutirent  i 
me  convaiQcte ,  que  c'étoit  mon  Epoufe 
qui 

u,-,,..,  Google 


0M  rWftoin  it  UBaftHh.         387 

Îid!  m'avoir  fait  arrêter.  On  me  tîra  de  ms 
o]itude  pour  me  mettre  daOs  la  Troîlîéiîie 
Chambre  de  la  Bertandiérc  avec  un  appelle 
Mr.  Stinkfoa ,  Bantlûîer  Aaglois  ,  fort  hoa- 
néte  Homme,  ér  un  AbM  Italien  qui  nVjk. 
mais  voolu  dire  fon  Nom,  ni  pour  quel  fii- 
j«  il  eft  ici  ;  mais  quiadel'efprit  inâniinent: 
ce  fut  lai  qui  comprit  ce  quevous  nousvoa- 
!iet  dite,  en  frapfànt  Contre  te  mor.  Stink- 
foa a  eu  lemalheurdcs'aSbcierdausuneiM- 
nufàâuie  de  Draps  ,  avec  des  Fripons  »  qui 
piellèz  par.Iui  de  lai  rendre  letir  comptes,  oQc 
gagné  d'Argenfon,  qui  a  fait  m^tre  ce  pau- 
vre Banquier  à  la  Baftille  ,  d'od  il  ne  veut 
pas  le  lailTer  fortir,  qu'il  ne  fe  foit  accordé 
avec  fes  Créanciers.  Sa  Feirane  a  fkit  rt- 
montrer  au  Roi  rinjaftlcc  que  l'on  faifoiti 
fon  Mari,  &  le  prejodicc  que  fa  ctucUePri- 
fon  apportait  à  ra  &tiqae.  Le  Rbî  l'a  retl- 
voyéeà  Mr.  leComtede.Pontcbânraib,  qui 
pour  toute  grâce  ,  lui  accorda  celle  de  voir 
trois  fois  par  femaipe  fon  Mari.  Une  Fri- 
ponnerie que  lui  a  faitte  Corbé  mérite  bien 
que  je  vous  en  faflê  part.  Mad.  Stïnkfoh 
dans  le  commencement  de  la  Prifon  de  fon 
Mari  obtînt  de  Mr.  d'Argenfon  la  liberté  de 
lui  envoier  un  Iit&  des  hardes.  Elle  lui  en- 
Toia  un  grand  coffre  bien  garni.  Mr.  Sttnk- 
foD  en  prit  ce  qu'il  crut  lui  poovoir  fèrvir 
dans  fe  Prifon ,  &  remit  lererfe  à  Corbé,  le 
prtaïKde  le^irerendreàfaFemme ,  nevou- 
hnt  pas  iè  parer  dans  la  Prifon  d'habltt  II 
magnifiques ,  caï  il  y  avoitune  Robede  Cham- 
bre de  Damas  l  fleurs  d'or  ,  toute  des  plus 
fomptueofes  ;  on  Habit  galonné  tiés  propre, 
R  *  avec 

'u,:,-,zf--„GoOglc 


jSS  L*I»qtàfitioM  FroMf^Ji 

ftvec  oneTcflcdc  drap  d*oi  pariàitemcot  bel- 
le :  tout  cela  a'avcHt  encore  été  porté  qu'a- 
.ce  oudeui  fois ,  &detics  beau  linge.  Cor- 
bé  lui  dit  qu'ilavoit  ËiitrendreletoutàMad. 
Stinkron  ,  qui  lix  Mois^près  eut  Ia.libené 
de  venir  voir  foa  Mari.  Corbé  n'eo  fut  point 
.averti  ,  qui  jéioit  ctt  Ville.,  où  une  partie  de 
plaifir  l'avoit  tait  trotter,  lorfqu'ellc  arrivai 
U  Baflil^e.  Mr.  StiakfoD  ne  tnanquapasdc 
demander  i  la  Femme  ,  Jï  on  ne  lui  avoit 
pas  rendu  Ton  Habit ,  fou  Linge  ,  ïà  Robe 
de  Chanit»c  &c.  Elle  loi  dit  qu'elle  n'ciia- 
Toit  rien  vu.  Elle  demanda  dans  l'indant  à 
.parler  i  Corbé,  pour  s'éclaircir  de  lacholè. 
On  lui  dit  où  il  étoit:  elle  avoit  fou  CaroHc 
i  la  potite,  dic  J'y  ftit  trouver.  C'étoit  une 
Maiibn  où  elle  étoit  coimiie:  on  ladt  mon- 
ter au  lieu  QÙ  étoit  Corbé  ,  fans  qu'il  en  f^ 
averti.  Elle  le  trouva  au  milicud'unegran- 
de  anèmblée  de  MeSIeurs  &  de  Daines ,  pa- 
ré de  l'habit,  de  la  vefte,  &  de  la  plus  belle 
garniture  des  dentelles  de  fou  Mari,  aveclef' 
quels  Mr.  de  Bafle-Mine  lé  donuoit  des  airs 
tout  des  plus  ridicules. 

SimU  limier  Simia  t  itîam  fi  4îirta  geftat  im- 
fiinta. 
Jugez  de  lafurprifcdetousles  deux.  Mad. 
Stinkfonfitgrandbruit;  Corbéfuthné,  com- 
me le  Geai  paré  des  plumes  de  Paon  ;  mais 
il  en  fut  quitte  pour  la  honte,  fi  il  en  eût  é- 
,té  fufceptible  ,  &  pour  rendre  le  tout ,  a- 
près  en  avoir  &it  l'étalage  pendant  fîi  Mois. 
Parbonlieur  comme  Corbé  étoit  plus  petit 
que  Mr.StîDkfoa,  ilavoictvtiecoupet l'ha- 
bit 


.--„Googlc 


MtFUiftftrt  Je  ta BaftilU.  38» 

bit  &  Is  VeOc  pour  les  accommoder  à'ià' 
taille,  en  fÎKte qu'ils  n'ont  pca  fervirauPro-- 
fwiét^re,  dont  on  avoitufé  le  Linge.  LaRo- 
be  de  Chambre  étoit  encore  plus  mal-trait- 
tee;  elle  étoit  toute  crafTeafe,  avec  une  gran- 
de tache  d'encre  fur  ie  devant  du  côté  droit. 
Quand  Mr^iinkfon  s'en  plaignità  Mr.d'Ar- 
Çenfon  :  ne  les  auriez-  vous  pas  u&z  ,  dit-^ 
il,  pour  l'en  confoler  ,  tî  vous  avieiété  de* 
borsf 

Le  Lcâeur  me  permettra  bîendei^irc  une 
petite  digceffion  ,    pourraponer  Dne  pareille 
friponnerie  deRofarge  ,  Major  ,  gucj'aiw- 
l^ifedansla  fuitte  ,    &  que  je  mtxs  ici  après 
l'autre  ,   crainte  qu'elle  ne  m'échappe,    lorS' 
qu'il  feroit  befoîn  de  la  mettre  siilleurs ,  fui- 
\tai  ia  julte  Cronologiede  la  Baftille.    Ro-' 
farge  qui  avoit  coutume  d'âtreioùjoursinal-' 
proprement  engucntllé,  &  liabiilé  comme  un- 
ivrogne,  qiit  buvoit  tout  Ton  argent,  &ce- 
lui  des  Piifonnîets,  paruttout  d'un  coupvé- 
tu  fuperbement,  &  venoit  le  prollituer  dans 
tontes  les  Tours  orné  d'unhabîtmagnifiquet 
doré  comme  un  Calice.    Ce  qui  ât  croire: 
que  quelque  Prifonnier  en  mourantavoitété-. 
afleï  fou  pour  donner  fon  habit  à  ce  BeliAre;- 
ouplutôt  que  quelqu'Hommedeconfequence,- 
à  qui  ie  Major  avoit  annoncé  fa  liberté  ,  ravi 
de  joyéi  lui  avoit  donné,  fans  réflexion,  là' 
dépouille-,  pour  le  cecompenfer  de  fa  bonne- 
nouvelle.     Rien  moins  que  cela.     On  avoit 
arrêté  un  Officier  :    fon  Vallet  de  Chambre 
vint  pour  lui  parler  ,  il  s'adreifa  au  Major, 
qui  aïant  fçu  que  c'étoit  pour  donner  i  foa 
Maître  un  habit  qui  fortoit  de  chei  le  T«l- 
R  3  leoT) 

u,:,-,zf--„GoOglc 


3ji»-  Vîit^HiJitiou  FroMfoifi 

1«or,  prit  l'habit,  promit  qu'il  raII<Mt rendre 
à  l'Officier  Prifoniuer  ,  &  après  avoir  ren- 
voie leValets'cnptra,  ccanme JodclètPtîii- 
ce  d'Armeaie.  Un  An  apiès ,  qaand  le  Pri* 
foDnier  eut  la  liberté  de  voir  du  Monde,  le 
Major  qui  en  fiit  prévenu,  ât  tourner  l'ha- 
bit &  le  Galon  ,  &  après  le  donna  à  l'Offi- 
dèr,  qui  proteAa  n'avoir  jamais  porté  d'ha- 
bit retourné.  La  chofe  éclata.  Le  Major, 
pour  appaifcr  l'Officier,  lui  dit  qu'il eûtàfiu- 
re  efltmerfon  habit,  &  qu'il  lui  fèroittuibil- 
le  païaUe  quand  il  auioit  de  l'aident.  L'Of- 
ficier aima  mieux  rcpieodte  Ton  habit  tout  le- 
tontné  qu'il  étoit ,  &  le  donner  à  £>n  Vallet 
de  Chambre,  quedelelailTerpIastong-temps 
fur  le  dos  de  cet  indigne  Fripoii;  fercfi-rvant 
i  rabattre  les  coutures  du  juiUucorpsdnMa- 
J6r,  quand  il  feroit  en  libétté.  Quand onent 
àté  les  Reliques  de  de0ns  l'Ane ,  Martin 
n'eut  plus  que  fon  bas  &  Tes  oreilles.  OU 
dit  que  leMa  or  etit  l'imprudence  de deman> 
der  à  l'Officier  l'argent  qu'il  Itû  avoit  coûté 
pourfure  retourner  Coa  habit;  c'cd  cequcje 
ne  (çai  pas  poltiîvemeat  ;  mais  ce  que  je  fçal 
cA  très  certain  ,  c'elt  qu'il  n'en  toucha  pas 
de  mauvaife  moonoie  ,  &  ne  fut  pas  paie 
comme  il  le  meritoit. 

Mr,  le  Comte  de  Brederodes  continua,  & 
nous  dit.  On  me.reiira4'avec  Mr,  Stink- 
foD,  &  l'Abbé  Italien,  pour  me  mettre  dans 
la  Tiotlîéme  Chambre  de  la  Tour  du  Puits, 
avec  un  Abbé  très  bienfait  ,  &  qui  m'a  paru 
fcrt  honnête  ,  &  bien  né.  C'cft  un  Homme 
«icore  plus  haut  que  vous  ,  dit-il ,  en  m'a- 
dreilànt  la  parole,  mais  boflti;  &  je  puis  di- 
re. 


0»  fUifhin  Je  U  BajiilJr.  Jyt 

re,  qae  c'eft  le  pIBs  1)6311  Boffu  qnc  j'aie  vu 
de  ma  vie.  Il  a  l'air  majeflueux  ,  leteintvif, 
jes  yeux  pkins  de  fta  ,  tous  les  traits  du  vi- 
ftge  très  r«g«liets  j  &  la  barbe  i  qu'il  porté 
fort  longuej-lViMitlatflîS  croître  depuis  qu'il 
eft  à  lafiaUille  ,   ett  très  belle  :   eUccR  cré^ 
pée  &  àgrolTesbouçlesd'une couleur dcgeals 
■  admirable.     Il  s'appelle  Gonzelle  ,  il  eft  le 
fils  d'un  Notaire  d'auprès  de  DolcenFran- 
bhe-Comté,     Quand  le  Roi  de  France  en  fit 
H  conqtiête  la  dernière  fois ,  ce  Gonzelle  ft    , 
retira  à  Vienne  en  Autriche  ,  où  le  jeu  tni  fit 
fiiîrc  greffe  fortune.  Il  acheta  une  belle  Teri- 
re  ,  que  l'Amour  le  força  de  donner  à  une 
Dame  de  qualité  dont  il  étoh  devenu  amou* 
reux  ;  il  s'étoît  feit  recevoîtGomtederEm- 
pire,  poW  lui  mieux  plaire;  mais  l'infidélité 
de  faMaitrcffe  le  fit  refondre  pal  un  faint 
deKfpôit  à  fe  faire  Prêtre.    Pour  changer  de 
condition,  il  ne  changea  pas  d'incHnatioù.  Il 
continua  à  jolier  à  gros  jeu  ;    &  gagna  des 
fommes  très  confideniblcs.     Il  eut  envie  de 
voi*  la  Cour  de  France  an  commencemenî 
de  l'Année  1701.  il  t  vînt  avec  un  équipage 
magnifique  :   CarOile  ït  fis  Chevaux  ;  fuïctc 
nombreufe  de  Domcftîques  ;     belle  Livrée  , 
rien  n'y  manquoit.     Huit  joarsaprè?  fonën- 
tréedans  Paris,  Mr.  d^Argenfon  Je' fit  arrê- 
ter, fc  faiiit  de  tout  fon  argent,  fitvertdreld 
_  beau  Caroffe  &  tonsleséquipages  de  l'Abbé, 
'  qu'il  fit  enfermer  dafts  laBallîlle,  où  jamais 
il  n'a  pa  Obtenir  la  grâcede  fçavoir  cequ'on 
lui  veut,  ni  de  quoi  on  l'accufe. 

D'ArgeUfon  cependant  le  fit  un  jour  dct- 

cendre  ,  pendant  que  nous  étions  eufembic. 

R  4  & 


39*  VlH^i/Uiom  Trm$fotft 

&  voïant  que  l'ÂbW  ne  le  tjailifioit  que  de 
MoDlîear,  &DonpasdeMonfeigiieur, com- 
me il  l'exi^eoit  înlolemintuit  de  )ï  plusgnn- 
de  partie  des  Prifonniers.  D'Argenfon  l'en 
reprit  ;  difant  qu'il  devoit  [cfpeâer  en  lui  le 
Miniflre  du  Roi..  L'AbW  loi  dit  qa'îl  ref- 
peâoit  tout  ce  qui  apartcnoit  au  Roi  ;   mais 

3n'uQ  Comte  de  l'Empire  étoit  djlpctifé  de 
ODner  au  Lieutenant  de  Police  de  fa  Ma- 
jefltf  ,  le  titre  dcMonieigiieur:  qaepoarloi 
il  ne  conooiilbir point  d'autres  Seîjïneors que 
Sa  MajeClé Impériale  &  leRoi  des  Romains. 
iês  légitimes  Seigneurs.  D'Argenfou  s'em- 
porta jufqu'à  lui  parler  par  toi,  en  luidifant, 
mon  Ami  n'es  tu  pas  un  plaiËint  Comte  de 
l'Empire  1  le  Fils  d'un  Notaire  !  Monlîeur , 
reprit  l'^bé  ,  je  vous  connois  mieux  qoe 
vous  ne  penfez  >  &  je  fçai  que  vous  n'avez 
pas  toâjours  été  LieucenantdePolice;  non 
plus  que  Tamerlan  n'avoit  pas  toujours  été 
îlmpereur,  quoi  qu'il  fût  un  des  plus  grands 
Princes  de  fon  Siècle.  Enân  que  j'aie  étt 
autrefois  tout  ce  qu'il  vous  plaira  ;  l'Empe- 
reur m'ajugé  digne  d'être  tait  Comtedel'Em- 
§irc  I  &j'en  foutiendrai  la  dignité  jurqu'au 
ernier  foupir  de  ma  vie.  Ta  qualité  ,  dit 
d'Argeolbn ,  ne  m'empêchera  pas  de  te  faire 
Ijendre,  quandjc  t'aurai  fait  ton  procez.  Mon- 
lîeur (  je  fuis  en  vôtre  pouvoir,  vous  poa- 
vei  me  faire  mourir  ,  quoiqu'Innocent  ,  de 
tel  genre  de  mort  qu'il  vous  plaira  :  mais  je 
fuis  perfuadé  que  vous  ne  le  ferez  pas  fans  ré- 
fléchir ,  que  l'Empereur  eft  jufte  ,  &  aflcï 
puillànt  pour  venger  l'injullice  que  vous.fe- 
lez  envers  moi ,  fur  dix  Comtes  Frajiçois. 
.Ce 


^...Cooylc 


M  FHifloift  de  la  BaJiflÙ.         %^%  " 
Ce  h*cft  pas  de  ce  que' vous  fçavM  faire  que' 
je  fuis  en  peine*  je  nelefçaique  trop;  mais' 
je  dcfîrerois  içavoir  de  quoi  vous  m'acculèi:  ' 
Aites  moi  la  grâce  de  me  le  dire,  &  jevoDs'' 
jure  fur  tout  ce  que  j'd  dé  pluS  facré i   que' 
je  TOUS  l'avoûrai',  fi  j'en  fuis  coupable.     Ta' 
n'auras  pas  le  plaifir  de  le  fçavoir  li  tôt,  lui'- 
dit  ce  ]pyal  Juge:  je  t'accuie  d'être  un  Info-*' 
ICnC,  que  je  vais  envoler  an  Cachot ,   tout- 
nud  avec  les  fers  auï  pieds  &  aux  mains.- Je 
fuisPrâtre  ,  Mortfieur  ,  dit  l'AbW  ,  &Dieii' 
m'^prend  que  li  j'y  dois  le  prlcrpour' vous.  - 
Pnîfque  tu  es  Prêtre,  dit  d'Argenfon,"  retour- 
ne en  ta  Chambre,  oùjetédônneraidutçmps' 
Ihffifammcnt  pour  prier  Dieu  pour  mdi.-  A- 
<îief:  qu'oïl  j'ôte  de  devant  moi,  dît-il  à  fès  * 
Satellites,  qui  le  ramenèrent  dans  nâtre  Cham- 
bre, oi  i!me  fit  le  récit  de  la  férocité  bar- 
bare de  fon  Juge.  ■   Nous  vivions  fort  unis'' 
enfemble  ,  &  nous  avions  facilement  feit  a.~'~ 
mîtié  par  la  conformité  de  nos  mœurs  &  de  ■ 
nôtre  devinée  ;  lorfquelîxfemaf  nés  après  na- 
tte union,  on  me  firfortir  d'avec  lui',  pour' 
me  mettre  avec  fon'Freredanslà  Seconde'" 
Chambre  de  la  Bertaudiiîre.     C'eft  auflî  un' 
Abbé,  mais  laid  &  mâl-fait,  aUlantque  fou 
Frère  eft  beau  &  a  d'èfprit.    Je  fus  fort  long'  - 
temps  avec  lui ,    fans  qu'il  voulût' me  dire' 
Ibn  nom,  qBOÎqu*rl  fçût  fort  bienqucje  for- 
tois  d'avec* fon  Frère,  dont  ilnedaignoitpas  " 
feulement  s'informer.     Mais  uft' jour  queje 
Hfois  dans  fon  Btevi^re»  j'yvisfonnomquî 

Jétoit  écrit.'  Quoi!  luidis-je  j  Monfieur,: 
tes  vous  leFreredeMr.  l'Abbé  Gon'xelle,; 
avec  lequel  /étois  il  y  a  peu  de  temps  ^  Ouf;  ■ 
R  5  Mon* - 


MonCeor,  dit-il  ,  mais  je  n'ai  ofé  me  faitt 
CDDHottre  à  vons,  craiateque  vous  Dcfuflîez 
une  PârfonnemiledeU  part  du  Gouverneni 

Ebur  me  tirer  les  vers  du  nez.  Je  lui  fis  fi 
ien  connoiure  fou  erreur  ,  &  il  vit  que  j'a- 
Tois  tant  d'aveilion  pour  nos  Bourreaux ,  qu'il 
me  fit  part  de  Tes  Âvanturcs ,  i  peu  près  dans 
ces  termes. 

Je  fuis  Fils  d'uD  Notaire  de  Dolc:  mon 
Pcre  nous  laiflâ  après  ftmort  un  grand  nom- 
bre d'Enfants  avec  un  bien  fort  médiocre. 
Ma  Meie»  qui  lui  furvécut ,  eutfoin  de  fai- 
re étudier  tous  fes  Garçons,  perfuadé  que  la 
plus  grande,  richefle.qu  on  puiffe  laiflèr  à  des 
Enfants,  c'eftl'éduQaiion&la  fcicnce.  Mon 
Frère  Aîn^ ,  que  vous  venez  de  quitter  fut  à 
la  Cour  de  Vienne,  où  il  fit  une  fortune  coq- 
iîderable.  Le  bruit  eu,  vint  jufqucs  à  nous, 
&  mémequ-'il  étoit  Comte  de  rÉmpire,  J'y 
courus  t  pour  y^avoir  quelque  part.  J'arri- 
vai dans  le  temps  qu'il,  venoit  de  ïè  faire  re- 
cevoir Prêtre,  &.ud  peu  après  qu'il  eut  don- 
né de  grands  biens  à  uqc  Came,  dont  l'infi- 
délité ^  mit  au  defeipoir-  II  me  mit  en  état 
deparoîtreàl^Cour  de  l'Empereur,  fans  lui 
^ire  de  hoiite.  Je  connus  bien-tôt  que  ton- 
te  fa  fortune rouloit  furie  hazard,  &queles 
cartes  &les  dez^ùfoient  tout  fon  fond.  Au- 
jourd'hui il  avoit  mille  pifiol es  ,  deux  jours 
après  il  n'avoit  pas  un  fou.  Jamais  de  tran- 
quilité  ,  toujours  d&ns  l'inquiétude  &  l'agi- 
tation.     Un  jour  qu'il  avoit  eiccffivement 

Sagné,  je  le  priai  de  me  faire  un  petit  fond> 
ont  je  feroismdlleur ménager,  qu'ilnel'é* 
toit  de  fès  grandes  richcfTet  :  mais  il  fiit  auâî 
avare 

u,:,-,zf--„GoOglc 


tu  PHifiâire  de  U  SaflUk.  tPÎ 

a.van  pOitr  moi,  qa*!!  avoit  été  libéral  poat^ 
fa  Dama.  If  me  confeilla  de  me'ftftfr  or- 
donner Prêtre  comme  lot.  Se; il  m'efi'  ftcrtî- 
ta  les  moTens  :  après  quoi  il  me  doiWik  de 
quoi  me  reconduire  chn  nous  ,  0*4  ^-IC 
moïen  de  mes  Amis  j'obtins  un  peiW  Betne- 
fice.  C'étoit  une  Cure ,  où  pour  tout  rere- 
nu J'avois  cent  Anis  ,  mes  MeflSîs,  S' logé, 
paflablement  bien.  II  y  tvoft  derrière  ma 
Maifon'  une  Rivière  fort  prfflîSftlieaft;  JV 
voîs  fait  &ire  une  petite  barqtoe  &  deS  ffféfs» 
&  U  j'exercois  les  deux  profcffioiMdé ' Sf. 
Pierre  ,  de  pauvre  Pêcheur  ,  &  de'  vtgflatlt' 
Pafleur:  vivant  fans  ambition  &  dans- undé-^ 
.  gagcmentdu  monde,  qui  me  donlioit  un* 
tranqnilité,  dont  le  fonvenir&Vf  ici  maplus  ■ 
grande  peine.  J'avois  pris  avtC  moi  unede 
mes  Sœurs  ,  Fille  fort  limpic  &  fort  fige, 
quîgouvernoîtmonmenî^e.  Lori^u'au cWrt"- 
rfiencemcnt  (Je  l'Année  1701.  je  fastodtfnr^ 
pris  de  voir  mon  'Frère  le  Comté  artîrcr 
chez  moi  avec  un  équipage  de^'rince.  Tou- 
te ma  Paroiffi;  n'éroit  pas  affct  grande  pour 
logerfa  filftc.-  Je  le  conjurai- en  FfCrt- fi- 
ge ,  dSvendrtfon  Carofle  à  lîx  ClièrtiiX  , 
de  congédier  tous  fes  Gens,  &  de  fe  faire  un 
fond  cficî  nous  ,  de  l'argenf  qu'il- avoit,  a- 
vec  lequel  i!  pouvoit  paffcr  lèï  jdursdsns'la 
mflme  ttanquilité  ,  que  celle  où  il  m'irvoir 
trouvé;'  Maîs  t'étdit  préchef  r^iiience"&' 
la  moderaion'à  un  Prélat  dé  Cour.  Ilpre- 
tendoit  torillèr  i  la  Cour  de  Fraate  ,■  &  y  té-  - 
ntftoot  un  autre  rang  que  celui  où'îimevO-- 
îôltredulf-  qui  lui  ftilhit  pitîtf&  doiifil'Jftbff  ' 
confts;  il'in'eiitrahi*  malgré  mW'à'Doit" 
R  6  avec 


)9<  Iflmquifititii  Framfeifi 

avec  lui.  Là  un  de  mes  Frères  (]oi  a.  &ît 
profeffion  dans  les  Carmes  ,  fe  joiguit  avec 
moi  pour  le  follîcitet  ,  &  l'engager  à  s'éta- 
blir dans  nôtre  Pais  :  mais  cefuc  vaiaemeou 
I^  étoit  Arr4t^  dans  le  Conieil  éternel ,  qa'il 
ïiendroità  laBaftille,  &qQe.radjlgracei)Ous. 
j.  CDtruncroit  avec  lui.  £n  effet ,  il  pourfui- 
.vit  foa  chemin  vetSv la  Cqur,  mal^rènosre-- 
ipontrances,  tenqilidefesgrapdes  id^es.  Ea. 
me  quittanc  il  me  donna  .cent  ^cus  t  pour 
m'indemuifer  de  ta  dépenfe.  qu'il  m'flvoit&it 
faire;  parce  qu'en  trois  jours  Iui&  ies  Gem. 
m'avoiept.  conibmmé  mes  proviiloos  «  fai- 
tes pour  toute  .une  Apnée.  Environ  un  Mois, 
après  foq  départ,  jamais  je  ne  fus  plus  fur-- 
jiris  que  lors  qu'uti  Exempt  &  fil  Archers, 
entrèrent  dans  ma  Msifon,  où  à.peineiismc. 
donnèrent  le  temps  de  prendre  mef  hardes&. 
du  linge ,  &  i4i)s  me  permcçtte  de;  dire  feut 
Içment  adieu  à  ma  chère  Soeur  ,  ils. me  for-- 
cercm  demonter.à  ChevaU  Sç  fansdjre  oà., 
ils  me  vouloiou  conduite,  ni  pour  quel  Ca~- 
jct  il&m'arrftojcnt,  ils  me  ârem  marcher  au^ 
fnilteu  d'eux  garroté^,,    comme  un  cnmiuel. 

Suandjious  fûmes  Meuz  liciics  ep  décade. 
oie  ,  j'y  trouva^  mop  Frçre  le.  Carme , 
qu'an  autre  Exem^K  ,  6c  fix  At;chcrs  avpicnt 
mis  au  même  état  ou  j'étois  ;  &  fans  vouloir, 
feulement  nous, accorder  la.  Iktisfiâion  de. 
nous  enibraflcr  mon  Frère  &  moi ,  iis.DottS. 
ont  conduit. touï  deux  dans  ce,  criiel  Labf 
rinthe  ,  fans  qu'il  m'ait  été  permis  dç  parler, 
à.  mon  Frère  par  les  chemins,  ni  de  prendre, 
mes  repas  avec  lui  dans  les  Auberges  oà  nous . 
agiviom,  ni  que  j'aie  pu  obteurl^  confola- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


ou  FITtfloire  it  la  iafi'tHe.  397  • 

tioQ  de  le  voir  une  Icale  foie  depuis  qu«  je 
fuis  ici.  Voilà  la  botme  fortune  que  nous 
a  procuré  Mr.  le  Conue  <ie  l'Empire.  Mon 
Beacâce,  oùj'étcùs  plusheureux,  queleRoi 
ne  l'eQ  ï  Verlîiilles  ,  &  dont  je  ^foit  les 
fonâions  en  bon  &  lelé  PaAeur  ,  ell  perdu 
pour  moi  ;  je  n'y  letournerai  de  nu  vie  :  je 
oe  revemi  plut  mes  IJmples  Brebis  ;  &  ms 
Sceur  qui  m'aîmoît  autant  que  je  l'aimois  eft 
morte  de  douleur  de  ma  dilgrace.  Omache* 
re  Patrie  pourquoi  es  tu  tombée  fous  la  Do- 
mination desErauçois!  ouqucpeut  ciaiodie 
le  Roi  d'un  miferable  Curé ,  quinelifoicciue 
Cou  Brcviftîic,  &âiqm  fk  folitude  tenoitlieu 
de  toute  la  Terre  > 

Après  ce  triile  récit,  il  etitra  dans  une  r{- 
Ymeii  profonde  &  fi  mélancolique,  quctoU' 
ces  m^  confolations  ne  purenc  l'en  faire  rC' 
venir.  IL  ne  mlécoutoit  feulenient  pas  ,.  & 
les  yeux  atta^ihez  contre  Terre  ,  il  îembioît 
pétrifié.  II  demeura  dans  ce  pitoïable  état 
glus  de  deux,  heures ,  en^ouilànt  detemps  en 
temps  des  foupirs ,  qui  fembloient  devoir  *.- 
■  molli  nôtre  Cachot ,  plusfcnllblequelecœur 
de  nos  barbares.  Tyrans.  Tous  les  jours,  il 
entroit  deuz  ou  trois  fois  dans-  ces  profondet 
laveries  ,  dont  je  ne  pouvois  le  retirer  ,  pas 
même  quand  on  apportoit  nôtre  dîné  ^  qne 
fouvent  il  laiffoit  retourner  ,  aufli  bien  que 
moi,  fans  y  toucher  :  car  conunc  nousman* 
eions  enfemble,  j'àimoismieuxme  palTerde 
dîner,  ou  de  foupet,  que  de  prendre  mes  te- 
pM  fans  lui.  Quand  il.  étoit  revenu  de  faLe- 
tàrgie ,  il  m'en  demandoit  paidon  1  &  megroiiT 
doit  if  D'ayoii  pas  voulu  manger  fans  lui. .  Il 
R  7  ^^  <t« 

u,:,-,zf--„GoOglc 


j«8  Vln^ifitnm  B-awfMfi   ' 

*toit  fort  eiaâ  à  lire  fon  Brcvisire ,  prioît  a- 
vtc  ferveur  ,  dormoitpeu  ,  Ar  jcanoit  beau- 
coup. Ce  <3nî'  lai  aHét»  fi  fort  le  cerveau, 
que  ce  pauvre  nMlhenwni  Ptft  ic  ponflâ  fà  fo- 
lie jolqa'à  fe  vouloir  faire  mourir.  Ccfutaa 
commencementdoCarémcdemicr,  Onnous 
avoir  aporté  de  la  Moriie  pour  nôtre  dîné  , 
que  je  ^voisqo'il  ahnoitpaffionnemcnt.  Je 
mis  !ep!àtd«  morîic-dans  l'endroit  où  il  fèm- 
bloitavoir  fixé  fonpointdevUe:  maisiepan- 
vre  Homme  la  regardoit ,  fans  la  voir.  Re- 
venu de  fon  eital^  .  il  me  demanda  pardon 
à  fon  ordinaire.  Puis  tout  d'un  coup  ,  en 
fejcttant  far  mon  lit,  oùjemVtois  couché, 
parce  que  je  me  trouvois  indifpofé:  ah  \  Mr. 
le  Comte ,  me  dît  il ,  priei  Dieu  pour  moi. 
Je  le  confolai  encore  de  mon  mieux  ,  &  je 
lui  fis  connoîcre  le  danger  où  iî  ft  mettoît 
de  perdne  l'cfprit  ,  en  fc  plongeant  dans  ces 
abyme»  de  rivcricr.  Que  voulez-vous  i  dit- 
il,  jc-nr  fois  pas  le  Maître  de  maraifim,  & 
il  n'y  a  que  la  mort  qui  puilTe  mettre  fin 
.  à  ma  profonde  douleur.  II  fe  mif  en  priè- 
re. &pria.fort  long  temps  :  enfirite  de  quoi 
il' alluma  de  lachandellfc,    ôrliir  jnfqu'à  ce 

ÎoelePotre-CIeftnous  aportSt  làCollatîoa. 
l'Abbé  GonteHen'avoirpoJnt" mangé  détour 
fejour,  II  foupa  fort  bien,  mangea  laMo- 
riioqu'on  nous  avoit  donné  pour  nôtre  diné. 
Four  moi'  je  me  contentsj  d'un  peu  de  fais- 
de,  que  j'aime  beaucoup  ,  qu'onnous  avoit 
aportiï  pour  nôtre  foupé.  Il  reflï  forr  Irtng 
(tempï^  après  fon  repas  à  préparer  l'âtordl  du 
flinefle  &  terrible  projet  qu'il 'avoir  formé. 
Pendant  ce  tcaips-la  je  m'endormis ,  ne  me 
dou* 


oMplSfloire  de  ta.  BéfiiUe.  39» 

doutant  pu  qa'il  voul^  attenter  à  fit  vie. 
EnviroD  minuit  je  me  réveillai  iabroir  qu'ti 
fit  eDtombtotpaf  terre,  &  en  coâsot  uR4e 
nos  pots  4e  chambre,  je  lui  d«nnnd«î ,  s'il 
fc  tiouvoit  m&l  ?  Ce  n'ell  rien^,  me  dit-il, 
d'une  voix  mourante.  Jeme. levai  pr<>mi»e- 
ment  &  je  counis  vers  l'etidioio  oâ  je  l'a- 
vois  entendu  tomber,  je  le  trouvai  étcodo 
parterre,  n^eant  dans  fon  iangi  &  le  vifà- 
ge  fruid  comme  celui  d'un  Hamme  mort. 
Ah!  iQirerabtetm''^<:nairjC(]ii'auezvoatfaitl 
mais  il  ctaicfans  fentimem.  Je  voulus  bat- 
rrc  le  fuli],  mais  il  l'avoit  cachrij  auffibicn 
que  moQ  couteau  &  la  chandelle.  }e  frappai 
promptement  à  la  porte  ;  j'appellai  la  Senti- 
Delle  ;  je  criai  de  toute  ma  forceau  Corpsde 
Garde,  qu'omeût  à  venir  fccouririin  Hom- 
me quiperdoit  tout  fonfang.  Plusd'unehea- 
re  après  le  Capitaine  desPoitcs  vint  avec  Ru. 
Nous  trouvâmes  le  malhcnreax  Abbé  tout 
couvert  de  foa  fang,  dont  il  avoit  perdu  une  . 
quantité  Ëprodi^eulc,  qu'ilyenavoit  lahau- 
teur  de  trois  doigtsfut  le  planches.  £h  !  bien, 
dit  le  Capitaine  des  Portes ,  c'eft  un  Hom- 
me d^  moins  au  Monde  ;  pnifqu'il  s'ed  def- 
fait  nous  le  jetteront  à  la  voirie.  Il-  alIniiH 
nàtre  chandelle  que  rAU>é  avoit  cachtfe  dans 
lefondd'unCreneau,  pourm'ôtertesmoïent 
de  le  recourir.  II  courut^  chercher  le  Chi- 
rurgieu}  pendant  que  Ke  &  moi  nousvifitl- 
mes  le.bleiTl^.  Je  jionvai  quefon  cœur  pat- 
pitoit  encore  ,*  ce  .qui  me  fit  chercher  l'en- 
droit de  fa  bleâfuie  «  que  nous  euiAcs  de  ta 
peine  à  trouver  ;  car  il  étoit  tout  couvert  de 
laog  dcpois  Ut^  jurqu'uix  piedt.  Nousvi- 
mes 

'■  u,:,-,zf--„GoOglc 


40O  JUImfuijtMm  Fr^ifaift 

mes  qa'il  s*étoit  fàîcunc  ligatute  ad  bras  g»- 
che  aufli  adrbitement  qu'un  Chirurgien ,  qni 
rauToit  voulu  feigncr,  l'auroit  pafîiire.   £>iiii 
ce  temps  là  Rheilhc  cot»  prelque  coutiiod. 
Il  vifi»  l'Abbé  &  trouva  que  le  froid  excrf- 
fif  qu'il  £ufoît  l'avoit  empêché  de   mourir , 
comme  il  dévoie  fiure  natnrelIeinciH  :  car  le 
fug  ivAt  6%é  fur  la  playe  ,  ^uî  avoir  arrêta 
le  relie  du  ung  qui  s'étoit  prefenté  pour  ea 
foftir.     Le  malheureui  Abbé  s'étoit  coup*! 
Itveineccp^alique;  &Rheil])e  l'a (i bien pen- 
fé  ,    qu'il  ell  demeuré  eftropié  du-  bras  -^- 
che,  auffi  bien  que  de  fonef^t  poorlerelte 
de  fa  déplorable  vie.     Od  eut  bien  de  lapeî- 
□e  à  faire  revenir  ce  miferable  Abbé  qui  tiit' 
tris  long  temps  ions  tionner  aucun  ligne  de 
vie  ;  &  le  pcemier  qu'il  doima  fiit  une  extra- 
vagance la.plBS.outtde.  Il  fit  appel  ter  le  Ma-- 
jor  fur  les  huit  heures  du  matin  ;  &-  f  tn'fqn'a- 
près  avoir  eu  ic  la  peine  à  le  tîrei^du-Caba- 
ttx.1  eau  dévie,  où  il  tenoit  fes  plaids,  oa- 
l'eut  fait  venir  devant  l'Abbé  j    ce  mourauf 
prit  fâ  Culotte ,    ât  fans  prononcer  un  fèul 
mot  fit  ligncau  Major  d'en découdreUCein>- 
tnr&    D'abord  que  le  Major  fentic  au  tra- 
vers de  la  doublure  les  pifiotcs  qui  y  étoicm 
enfermées:  non  je  ne  fçanroispas  ^I«  vive- 
ment vous  exprimer  dans  quelles  coQvQllîons 
il  entra:  l'agitadon,  remprelfemcnt  où  lié- 
toit ,  d'en  £itre  fortir  le  trefbr  du  pauvre  im- 
bécile..  Et  vite,'crioit-ii ,  un  couteau  !  des- 
ciitaps!  quelle  pitié.':  quoi  pcrfonne  n'a  riem 
pour  m'afTiller!  AlafinBoutotHiiéreInipré<' 
ta  des  Ciicaux  ,   avec  lefqaels  de  fes  maint 
ueiiiblitntes ,  il  coupa  les  Culotto  ;  donbleu-- 
re,., 


M  fUifitire  Je  la  ^ilU.  40 1 

re,  &  âeflils  ,    d'oà  il  tirs  huit  Louis  d'or^ 

Î[u'il  ïaiiTa  tomber  dans  une  poche  plus  créa- 
e  qu'un  Tac  à  bl^  ,  &  apr&s  avgir  vifité  la 
Calotte  de  tous  les  càtei ,  avec  une  ciaâî- 
tude  qui  £ii£bit  bien  voir  l'envie  qu'il  »voit 
d'y  trouver  une  pareille  niche  ,  il  la  reudit 
gravement  au  pauvre  fou  Après  quoi,  tirant 
untfcu  dc&  poche;  tenez  Ru,  dit-il,  qu'on  a- 
chette  un  pot  de  terre  tout  Denf  à, Mr.  l'Ab- 
bé >  &  qu'on  lui  faiTc^  un  bon  bouillon  ,  car- 
il  en  a  bien  beCoin  ;  &  fur  tout  ménagez  bien 
cet  écu  dn  relie  duquel  vous  me  rendrex 
compte  :  &  oncqoes  depuis  il  n'ell  plus  re-, 
venu  voir  le  pauvre  Extravagué ,  qui  n'avoit 
plus  de  Louis  à  lui  donner.  Il  a  guéri  delà 
bleflbrc  ,  dont  il  ell  toutefois  ellropi^ ,  mais 
il  ne  guérira  jamais  de  fa  folie  ,  quq  par  un' 
efpèce  dcmiraclc,  Il  me  faîfoit  tous  les  ionrs 
des  extravagances  qui  me  pounbicnt  %  bout. 
Tantôt  il  difoit  que,j'(£tois!'Efpipndu  Gou- 
verneur ,  ou  que  c'étoit  moi  qui  lui  avoît  con- 
■  feillé  de  fe  tiier.  Tantôt  il  me  forçoJtdcre- 
garder  fous  fonlît,  pour  en  retirer  un  Soldat 
qui  venoit  de  s'y  glillêr ,  ou  bien  que  j'avois 
trouvé  fa  Confeflion  &  que  je  l'avois  révé- 
lée. Il  ne  me  iaiflbir  repofer  ni  la  nuit ,  ni 
le  jour.  Je  demandai  abfolument  à  parler  à 
un  Officier.  Après  bien  des  follicitations  le 
Capitaine  des  Portes  vint  à  la  fin.  Je  le  priai 
de  bien  retenir  ce  que  j'allois  lui  dire  ,  pour 
en  faite  fon  rapport  à  Mr.  le  Gouverneur. 
Tant  que  j'ai  pil  foulager  cepauvreHomme 
que  voilà  ,  je  Cai  fait  avec  une  charité  véri- 
tablement chrétienne;  mais  PTcfentenient  que 
l'état  ou  il  elt  leduit  m'empêche  de  detneurn 
avec 

u,:,-,zf--„GoOglc 


401  IMufMîfitîw  Iranfaift 

avec  Ini,  &  me  feit  appréhender  on  (bit  pa- 
nîl  an  fîen  ;  pendAit  qu'il  tne  relie  encore 
aflcï  de  jugement  pour  prévenir  ce  malheur, 
je  vous  ai  fiût  venir  pour  vous  proteftcr,  qne 
fi  dans  vingt  quatre  heures  vous  ne  le  retîm 
pas  d'avec  moi ,  ou  que  vous  ne  me  retiriez 
pas  d'avec  lui ,  au  choix  de  vos  Officiers  ja- 
près  lui  avoir  fauve  la  vie,  je  jure  que  je  le 
tu^'ai ,  &  moi  après  :  ce  feront  deui  Hom- 
mes que  perdra  Mt.  le  Gouverneur  ,  &  de 
la  mort  dcfqnels  je  le  charge  devant  Dieu. 
Je  pronoliçai  ces  paroles,  quej'étoîsdansïc 
deflein  d'exécuter ,  d'un  ton  ff  ferme  ,  que 
deux  heures  après  l'on  vint  enlever  ce  panne 
Homme  &  m'en  délivrer. 

Le  Leâcur  voudra  bien  que  j'interrompe 
Mt-.  de  &ederoàes  dans  là  narration  ;  pour 
loi  apprendre  quel  a  éxé  le  fort  de  ces  trois 
pauvres  Fran-Comtoîs.  L'Aîmf  étott  dans 
la  Chambre  de  la  Tour  du  Puits ,  oùMr.  de 
Efederodes  l'avoit  larfféi  lorfqu'nn  jour,  ft 
trouvant  Teflomac  trop  charge  de  la  man- 
vaifè  nourriture  qu'on  nous  donnoit ,  il  en- 
voia  prier  Hhcilhe  de  lui  envoicr  un  vomi- 
tif. Rhetlhelui  fit  porter,  par  lePone-Clefs, 
une  prifc  d'Emetiquc  ,  que  l'Abbé  Gonidlc 
prit  fiir  Its  deux  heures  après  midi.  L'Ab- 
bé frappa  pour  ftire  avertir  Rheilhe  que  fon 
remède  n'avoit  fait  aucun  effet  ,  que  de  lui 
caufer  de  grandes  douleurs  d'cftomac  :  fur 
les  cinq  heures  du  foir  Rhcïlhe  lui  envoia  u- 
ne  pareille  doïe  d'Emetiquc  ,  qui  loin  de  le 
fiiulager  ,  lui  caufa  des  douleurs  cxceffivcs  : 
«qui  étant  rapporté  à  RhcîIhe,  illuienen- 
toia  une  troifiémc  prife  fur  les  fept  heures, 
qui 


M  FHiflnre  4t  la  B^ilU.  40} 
qui  firoit  crever  le  pauvre  Abbé  fnr  les  onie 
beareadu  foir,  dans  des  douleurs  qBÎIefiii- 
Ibient  rugir  comine  un  Lion,  &  qui  neceC- 
■  ferent  qu'avec  fà  vie.  Je  n'ai  gardedetaset 
Mr.  d'Argenfon  de  rccrîminatiun  ,  ni  d'ac- 
cufcr  les  Officiers  de  la  mort  de  ce  pauvre 
Homme  ,  quoi  que  dans  la  fuitte  de  cette 
Uitloire  ,  on  leur  verra  commettre  des  cri- 
mes li  &iorme*-,  qu'on  les  jugera  aîftment 
capables  de  tout ,  &  que  moi-même  j'aïe  été 
dans  on  très  grand  danger  ,  pgr  des  pilhiles 
empeifonnées ,  qui  fans  doute  m'auroicnt  fiiît 
mourir,  C\  le  nommé  du  Val  ne  m'avoît  paS 
fecouru  avec  du  Theriaque  que  par  bonheur 
il  avoit,  j'aime  mieux  croireque  l'Aniimoi- 
ne  écoit  mil  préparé  ;  mais  ce  qu'il  T  a  de 
prodigieux ,  c'eft  que  Rheîlhe  ce  bonCHrur- 

fien ,  ne  voulutjamaîs  mtHiter  dans  laCham- 
rc  de  fon  malade  pour  le  foulager.  Il  mou- 
rut entre- ki  brasdi-PîcrreBertranddeJuigny 
en  Beauffe ,  Clerc  de  Procureur ,  fon  Concap- 
tif,  qui  m'en  a  fait  le  récit.  Le  fccooddes 
Gonzellcs  qui  eft  celui  qui  s'éioit  coupé  la 
veine,  &  dont  Mr.  le  Comte  de  Brederodes 
nous  avoit  conté  la  manie  I  étoit  revenudans 
l'on  bon  fens ,  par  les  foins  qu'en  avoit  pris 
Je  nommé  Fontaiiiede  Touriiay ,  un  fort  boa 

.  &  brave  Enfant,  que  Eernaviilc  a  fait  crever 
d'une  manière  très  cruelle  ,  &  dont  j'aurai 
fiijct  de  parler  encore  plus  d'une  fois.  Mais 
cet  Abbé  infortuné  s'étaot  donné-  la  licence 
de  reprendre  BernaTÎile  cfl  face  de  fon  ava- 
rice inf«iaMe>  de  fon  hypocrifie outrée,  & 
de  fa  cruauté  &nî  bornes,  ce  barbare Gon- 

,  vemeur  le  fit  plonger  dans  d'aftreuï  Ca- 
chots* 


4o4  L'Iu^uifitioM  Franfoîje 

cbots  1  où  il  le  ât  jeuaer  d'ane  manière  fi 
craellc ,  que  la  machine  fe  démonta  •  potu 
jamais  ne  fe  remettre,  (mçpuan  miraclede 
la  divine  Providence.  Le  pauvre  Homme 
devint  fou  à  Herj  &  comme  il  chantoîttous 
les  jours  ics  Eloges  deBernaviUe,  duqaelil 
recîtoît  toutes  les  cruaucez  d'une  voiï  écla- 
tnme,  qui  fe  ^ifoit  entendre  de  tous  les  voi- 
fins,  malgré  toutes  les  précautions  de  ce  ra- 
finé  Tyran;  d'Argeufoii  &  lui  ont  envoyifce 
pauvre  Homme  à  Bicétre ,  le  plus  cruel  lieo 
qui  foit  au  Monde.  Meflieiu's  de  la  Reli- 
gion Reformée  prouvent  qu'il  n'y  a  point  de 
Purgatoire,  mais  ceux  qui  ont  été  3  la  Baf- 
tillc  ,  font  en  droit  de  leur  foutenir  le  con- 
traire. Car  la  Balîille  eft  le  Purgatoire  de  la 
Fiance,  dont  toutes  lesMeffes  qui  fe  difent 
en  cent  Ans  ne  peuvent  pas  ddivrer un  mal- 
heurcui;  &  Bicétre  en  elt  l'Enfer:  c'eftàce 
lieu  maudit  qu'on  peut  bien  appliquer  ccÈîili- 
que. 

Hic  Latîrintus  adtft  j  qiied  fi  deUéferis  îu- 
tHs; 
Ktm  LabirÏKtHS  trit ,  fed  Jaher  imtMs  trit. 

Bertrand  m'a  affûté  que  le  Troiliéme  des 
Gonzelles,  celui  qui  écoit  Carme,  &  qu'on 
arrêta  à  Dole  ,  s*^étoit  étranglé  dans  un  des  ' 
Cachots  de  ia  Baftiile.  Mais  comme  ceBer- 
trand  eil  un  Impofteur  outré ,  malgré  tomes 
les  circonllances  qu'il  m'a  dittesde  cette  mort 
tr^iquc  ,  j'aime  mieux  croire  ce  que  m'en 
ont  dit  d'autres  Prifonniers  ;  qui  m'ontaffir- 
mé  que  fon  Ordre  l'a  reclamé,  &  î'cft  obli- 
gé 

u,:,-,zf--„GÔoglc 


M  PHificire  de  ta  Babille.  40t 
eé  de  le  garder  ,  fans  le  laiiTei  parler  à  Per- 
fonnc,  &  de  le  reprefenter  toutes  les  fois  que 
fes  Supérieurs  en  feront  requis  de  la  part 
du  Roi. 

Mr.  le  Comte  de  Brederodes  alloit  noue 
continuer  fes  avantures  ,    lorj[que  R.U  nous 
apporta  nôtre  dîné.     Je  fus  fort  furpris  de 
voir  uii  Hoi^ime  du  mérite  du  Comte  réduit  i 
la  petite  bouteille,  &  au  petit  ordinaire.  Mais 
de  quoi  l'avarice  des  Officiers  de  laBaftîl- 
le  n'eA  ellepas  capable!  lisnepouvoleotpas 
iiJer  que  Mr.  de  Brederodes  tie.fdt  un  Hom- 
me deqq^ité;  ûPeribunci  fonair,  fesma- 
niéres,  tout  decouvroii  en  lui  uue  grandeur 
qu'il  ne  pouvoil  pas  cacher,  quand  méme.il 
l'auroit  vouIq.    Mr.  du  Joncas  m'a  dit  plu- 
Heurs  fois  qu'il  le' connoiObit  particutiére- 
meat,  &  qu'il, eût  t>ten  voulu  lui  rendre  fer- 
vice,  comme  à  un  Officier  qui  t'étoit  dillin- 
gué.     Il  étoit  fort  bel  Homme,  &  quoiqu'il 
tdt  prefque  feptoagenaire ,  il  n'avoit  pas  une 
lîde.     Il  avoit  de  beaux  traits  ,   le  teint  vif, 
les  yeux  bleus,  ^lescheveui.d'unbeaublond 
cendré,  dont  il  n'y  enayoit  pas  encore prel- 
que  de  blanc.     U  étoit  de  moicnne  taille  , 
mais  bîên  prife ,    &  qui  commençoit  cepetF- 
dant  à  groâjr  ;  n'aj'aat  aucaœ  incommodi- 
té que  celles  que  lui  caufoient  fes  blelTures. 
Il  ctoit  généreux,  bon,  ^nc,  &  parce  que 
^n  ai  pu  juger  &  apprendre  depuis  de  Geos 
qui  le  connoiilbient ,  il  avoit  toujours  paiC6 
pour  brave  Soldat  &  bon  Officier.     Enfin  il 
meritoit  une  autre  deflinée  que  la  BafliUe  , 
fous  le  poids  aObmmant  de  laquelle  il  a  été 
fcçaiAi  f  comme  le  derqier  desmalbeureox, 
aiDfi 

I  ■  u,:,-,zf--„GoOglc 


40tf  Vlmqmfi^oiê  framfiife 

^nfi  que  je  le  dirai  après  avoir  nporttf  eeqfii 
loi  arriva  atcc  noos,  Oalui  appotta  fon(»^ 
dînaire  conjointement  avec  celut  de  l'AbU 
de  \x  Motte  ,  auquel  malgré  toutes  fes  im- 
peninenccs  je  faîfois  toujours  part  du  mien, 
qai  étott  encore  en  ce  temps-là  pailàble:  mais 
je  redoublai  la  do  cncoitGdenitionduCoin- 
te,quoiqii'iI  s'en  deffcndlt  d^uncmamrfir  tout 
à  ^ît  honnfte;  &  commï  il  aimoit  beaucoup 
le  vin ,  je  luf  donnai  la  plus  grande  partieda 
mien  ,  ce  qac  j'ât  toujours  lait  pendant  que 
nous  avdns  été  enfcmble.  Nous  Hâmcs  une 
amitié  très étroîtte :  &jcprotefteq«efamort, 
dont  nôtre  fèparaiion  fut  en  quelque  fbrteli 
canfc,  m'a  fcnfiblement  touché. 

Apres  nôtre  diné,  qui  fïtt  fort  fîiccînt  pont 
le  Comte  ,  car  la  viande  &  le  pain  aroicot 
beaucoup  de  peine  à  paflêr;  ce  qui  me  fit  lui 
donner  une  fouppe  de  croûtes  mïtonnées  qu'il 
mange3,^&  il  but  du  vin  pur,  il  reprit  amfi  le  fil 
de  fa  narration.  Après  que  l'Abbé  Goniellefiit 
forti  de  ma  Chambre,  j'y  demeurai  fcul ,  oc 
quoiqii'dlc  foit  fort  obicure ,  comme  vous 
le rçavBi ,  puîfque  vous  y  aveï  demeuré,  je 
me  trouvoTS  fort  en  repos.  Le  zi.  de  ce 
Mois,  à  quatre  heures  du  matm,  dans  le  mo- 
ïnent  que  je  dormoîs  profondement  ,  on  »- 
mena  aansmaOïambredeuïHammcs,  pour 
<tre  mes  Com^ragnons,  dont  l'un  eft  on  E- 
Taporé ,  qui  paffcroit  plutôt  pour  ledcmier  de 
.tous  les  Conpe-jarets  ,  qoepour  un  Ecclc- 
'fiaftiquc,  fi  il  n'avoit  pas  une  Soutanellc.  Ce 
Prêtre  qui  ledirtsntôt  Sicilien ,  tantôt  Napo- 
licatn,feftitappellerrAbbé  Papafaredo.C'eft 
le  plus  cotrompudetous-leff  hommes,  leplin 
dif- 


outiUfMtt  Jt  la  BafliUe.         407 

«ltfic^j£.pliislUeenpvcOes,Ie  plus  malotni, 

.  le  plus  hideux,  Itpliis  falopc  dkasfes  habit^ 

là  pccfonne  &:iâmaniéie  de  maagerique  j'aie 

\  -vu  de  mes  jours.     On  le  prenaroit  plutôt 

poucuQ  Huron,  que  pour  nu  Européen.  Son 

Collègue   eft  un  très  boa  Homme ,   Paï- 

'  iÀn  ,  nommé  Nicolas  Saudro  ,    du  Vill^e 

■  de  Fleury  des  Hayes  d'Avênes  dans  le  Hal- 

'  naat.  Ce  pauvre  infortuné  eft  Hmple,  &toat 

à^Ca,\t  bon  Humain.     Il  .étoit  venu  à  Paris 

yeodie  des  fuicaux  de  huis  ,  &  d'autres  feni- 

blés  babioles,  dont  on  fait  une  quantité  conl^- 

derable  dans  fon  Village  ;    lorfque  malheu- 

leufement  il  y  rencontra  le  noDimé  Pierre 

Pigeon,  homme  de  lÀ  connoiQânce,  qui  lui 

4einan<U  ,   S  il  vcaloit  lui  loiier  fa  Cavale  ', 

foof  aider  i  tirer  une  Chaifejufqu'àBrozelleq, 

-quHI  y  vouloit  conduire.  Sandroqui  étoit  prêt 

:i  s'en  retourner  à  vuidechez  lui,  iwdeman- 

da  pas  mieux  que  de  profiter  d'une  occafîon 

qu'il  croioit  fi  âvorable.     Il  convint  deprix, 

&  fe  mit  en  chemin  avec  Pigeon.     Celui-ci 

coaduifoit  dans  Sa,  Chûfe-quatre  Femmes, 

&  im  Homme  qui  étoit  à  Cheval  auffi  t»ea 

fie  Pigeon  ; .  lorfqo'à  dix  lieiics  de  Paris ,  des 
sempts  accompagnez  de  quantité  d'Archers, 
&  jettcrent  lâr  les  Cavaliers ,  la  Chaife,  les 
Femmes  qui  étoient  dedans ,  &  ceux  qui  les 
condoilbient,  &  les  ramenèrent  tousàParit. 
il  Ht  trpavaque  c'àoieot  Gensde  la  Religion 
Kcfomée  ,  que  Pigeon  palibit  dam  les  Paie 
£trangcrs.  Sattdro  jura  qu'il  lui  avoit  lout! 
&  Cavale,  iîuisavoir  connoitTancede fbn  né- 
goce; ^quoique  Pigeou  affiimâtquecepau- 
vte  homme  étoit  tris  ionoceat,  â'Argeôfoa 
fit 


.--„Googlc 


4^  Vhjmfitkm  Frsmfelfe 

fit  vendre  fii  Cavzlle ,    Im  fit  prendre  le jn 

d'af^m  qu'il  ïvok,  &  le  âtincttre  à  laBaf* 
tille,  OB  malgcé  foQ  inaoccnce  reconnneon 
l'a  retenu  pliUÎcurs  Années  (j'aurai  fujec  de 
park-i  de  lui  dans  la  fuite  de  cette  HKtoirc, 
&  je  dirai  une  partie  de  ce  qa'una  fait  ibaf> 
frir  à  ce  pauvre  opprimé,  &  àPigeoD,qtt^OB 
a  retenu  plus  de  treize  Ans  à  la  Ëaflille.)  Si 
tôt  que  CCS  deux  Pcrlbnnagcs  fuient  eattei 
dans  ma  Ciiambte:  allons  £dadro,  dit  l'Ab- 
bé, qu'on  5uiù  la  vifïte;  &  dans  l'inâant  le 
pauvre  Homme  Te  fourra  fous  mou  lit^  pots 
voir  û  il  n'y  avoit  pas  quelques  ferrements. 
Saodro  lui  ht  fou  rapoit,  qu'il  y  avoit  tioo- 
vé  une  chevittc  de  ^r ,  qui  tenoit  les  bois  de 
mon  Lit  deCampcruifcz.  L'Abbé  ans con^ 
pliment  vint  dans  l'inflaut  à  moi,  &  me  dit 
Debout ,  Monlieur .  levez  vous  :  je  veux  a- 
voir  une  cheville  de  fer  qui  ta  fous  vôtre 
Lit,  dont  l'ai  befoin  pour  travailler  àéJatgii 
ces  Fenêtres  qui  fout  trop  éiroittes,  &doa- 
ncr  du  jour  dans  ta  Oiambrequi  me  parott  ■ 
trop  ohfturc.  Mr.  l'Abbé,  lui  dis-je,  laiflcx 
moi  eti  paix.:  je  fuis  peu  d'humeur  de  tire  ; 
&  li  vous  clicrcbez  à  vous  divertir,  que  ce 
ne  foir  pas  i  mes  dépens.  I>dx>ut  eacotean 
coup  repiit-il ,  &  que  je  ne  vous  le  diie  pas 
deui  fois.  Abl>é  étourdi ,  repris-je  tootfs- 
'  .lieux ,  fl  tu  me  donnes  la  peine  de  me  lever., 
ce  fera  pour  t'étiîller  d'une  manière ,  que  tn 
auras  tout  fujct  de  te  repentir  de  ta  folie. 
Sandro ,  dit-il ,  cet  Homme  me  paroît  pen 
-fociable .;  je  vois  bien  que  nous  ne  mange- 
rons pas  un  boiilcau  de  fel  enfemblc.  Après 
cela  il  s'enfonça  daus  un  des  Creoauïdejiô- 
tre- 


0M  FHifteirt  JU  U  Ba/Iilk.  «oy 

tre  Oiâmbre ,  &  le  prit  à  appeller  de  IoonA 
ftwce  des  Femmes  !  Haye  !  Marton!  Bon- 
'dj,  la  Ficary  ,  quelqu'une  des  p1as  jolies  ? 
qu'on  me  parle.  Une  Femme  lui  répondit, 
à  laqaèileil  dît  plos  de  Tottifes  ,  que  le  plus 
corrompa  des  SoldatsmuiGudesn'en  auroït 
voulu  dire  dans  le  ptns  ia&me  lieu  dé  dé- 
bauche, dont  ces  Feinines  rî(Neiit  i  gorge  de- 
ploïée.  Le  pauvre  Sandre  paroifToitenétre 
nen chagrin,  auât-bien  que  moi:  cependant 
an  moindre  ligne  de  l'Abbé,  îlexecutoît  Ces 
Commandements.  Je  fouâris  tout ,  en  at~ 
tendant  que  le  Porte-Clefs  nous  apponàt  1 
d!ner.  Quand  il  eut  ouvert  la  porte,  je  me 
levai  ea  chemife ,  &  prenant  tous  les  plats , 
je  les  jm^dans  la  montée,  en  t^drophant 
les  Officiers  delà  belle  manière.  Comment 
donc  ,  luidis-je  ,  eft-ce  que  le  Gouverneur 
me  prend  pour  un  Beltlîre  ,  de  me  mettre  i 
l'épreuve  de  tout  ce  qu'il  a  de  Fous  dans  la 
Balliile  >  Si  je  fuis  coupable  de  la  moindre 
chofe  qu'oa  me  t'aflè  couper  la  tête  ,  fans 
tant  me  Biire  languir ,  11  non  je  fçaurai  bien 
m'afFranchîr  moi-même  du  fiineâe  cfclav:^ 
où  m'ont  réduit  mos  barbares  Tyraas.  Ce- 
toit  Bouconniéte  qui  noas  avoit  apporté  1 
manger  :  le  pauvre  Homme  étoït  tout  trem- 
blant, &  tâchoitdem'appaifer,  enmedifknt: 
l^on  cher  Mr.  le  Comte ,  aVez  patience,  je 
vais  faire  monter  un  Officier.  L'Abbé  & 
Sandro  étoient  fort  étonnez  du  carillon  que 
je  ^foîs  ,  &  l'Abbé  fur  tout  peftoit  fort  de 
voir  fon  dîné  répandu  fur  les  montées.  Bou- 
tonaiétc  fit  venir  Corbé,  quifittout  cequ'il 
put  fom sa'aipai&t.  Se  mejaia  queli-tôtquM 
S  I  - 

u,:,-,zf--„GoOglc 


4IO  '  Vlnquifitim  Frmifâifi 

y  ftoioit  UQC  Chuubrï  viiide  ,'  oa  fR*7  mct- 
troît.  Je  m'ftois  remis  aaLit  &  j'étoiscn- 
■core  couché  quand  il  entra.  Après  loi  avon 
déduit  toutes  mes  raifous ,  qu'il  écouta  urec 
une  rfpèccd'attentioK,  je  lai  dis:  Vjous  vo- 
ici bicii  Monficur  où  je  fuis  ,  je  vous  pro- 
mets foi  d'homme  d'honneur,  que  j'y  refte- 
rai ,  iàns  boire  Qî  manger ,  &  que  je  ne  m'en 
lèverai  mort  ou  vif,  que  pour  fortirde  cette 
Chambre  ,  &  me  délivrer  de  la  Compagnie 
de  ce  galant  Homme  ,  en  lui  montrant  le 
Prêtre,  Mr.  l'Abbé  ,  lui  dit  Corbé  ,  voœ 
Içavez  d'où  vous  fortcz  ,  &  vous  ne  voulez 
.[»s  être  plus  fage,  on  vous  y  remettra  pour 
je  refte  de  vos  jours.  Corbé  mon  Ami , 
reprit  l'Abbé ,  vous  faites  l'Homme  de  con- 
séquence, &  vous  n'êtes  qu'un  Faquin.  Ne 
vous  ai'je  pas^jt,  petit  bout  d'homme ,  que 
je  ncmc  tranquilîferai ,  que  quand  vous  m'au- 
rez mis  de  Chambre  avec  quelque  Prifonnié- 
re.  Donnez  moi  la  Martont  la  Fieury  ,  la 
'  Rondy,  la  du  Bois;  cntin  une  de  vos  relies, 
ou  de  l'Abbé  Gîraut;  &  après  cela  laiflèï-moi 
dans  vftcre  diable  de  Caverne ,  rognez  y  mon 
ordinaire  avec  vosoD);lesa&i]ez  jufques  aux 
coudes ,  tant  que  vous  voudrez  ,  je  ne  dirai . 
plus  mot.  Je  ne  puis  pas  me  palTer  de  Fem- 
me plus  que  vous ,  petit  Godenot,  ou  l'Au- 
mônier Ribaut  vôtre  Aflbcîé  en  galanteries. 
Sont  ce  U  les  difcours  d'un  Prêtre  ,  reprit 
Corbé,  &  ne  devriez  vous  pas  rougir  de  voj 
împudicitez  ?  Pardi ,  dit  l'Abbé  ,  voici  Mar- 
tin qui  veut  remontrer  à.fon  Curé  !  Et  vouj 
Officier  Diabolique  ne  dcvrioa  vous  pas  êm 
biulc  vif,  pour  avoir  çorron^u  toMes-not 

u,-,,..,  Google 


Prifonni^res  ?  &S  qnelqg'iiQe  vous  cefillc  , 
vous  la  plongea  cUos  d'aJSreuï;  Cachets ,  o 
vous  la  faites  jeunet ,  juf^u'i  ce  qu'elle  a£c 
allbuvi  vôtre  fureiir  bmc^e  ,  40X  dépens  d« 
ce  qu'elle  a  de  plus  cher  ,    dont  l'Abbé  lui 
donne  l'abrolution  ,    aux  chacges  de  ïui  ac- 
corder la  même  grâce;  après  quoi,  les  cail- 
les ,   les  perdrix  ,   le  gibier  le  plus^xqutj, 
les  meilleurs  vins,  les  confitures ,  &lcscho- 
Tes  les  plus  dclicieufesde  la  vie  ne  lui  atta- 
quent pas  ;  &  vous  f^'tles  tous  les  jouis  ri- 
pailles enfemblejpendant  c^ue  vous  f^tes  mou- 
rir de  faim  les  pauvres  Ptilonnieis.  Monpe- 
titBouc  enfumé,  vous  fçavez  que  je  nemeiy 
pas  &  que  je  parle  ^  vifu.    II  en  alloitdire 
davantage  ,  lorfque  Ckjtbé  fortît ,    &  ferma 
.la  porte,     en  m'aOurant  qu'il  alloit  me  reti- 
rer d'avec  cet  infâme.  L'Abbéretouruaàfofi 
Créneau  informer  fes  Voifines  des  véritçt 
qu'il  venoit  de  dire  à  Cotbé,  &  leur  appren- 
dre qu'il  ne  dîneroitpas  de  la  journée,  qu'il 
étoit  avec  un  Comte  avec  lequel  il  VQioit 
bien  qu'il  ue  fcroit  pa^  fan  compte  ,   qui 
n'aimoit  pas  les  contes   pour  rite,  &  qui  a- 
voit  debutié  par  lui  jetter  fon  dtné  dans  VEC' 
calier  t  &  que  lui  &  Ion  fidelle  Sandco  dtne- 
roient  ce  ^our  là  d'un  .ii^nc  de  ctoix.   Enfin 
pendant  cinq  jours  que  j'ai  été  avec  cet  An- 
tropophage  (  car  il  Inangeoit  tout  ce  qu'on 
donnoit  à  Sandro  .  qui  mange  à  part,  carua 
Cochon ,  pour  peu  qu'il  eût  eu  le  cœur  bien 
plac^,  ne  voudroit  pas  manger  aveccemau- 
ûde  d'Abbé  )  n'a  ceffé  de  vomir  des  imper- 
tinences  avec  wn   débordement  pcodjgieujt. 
Hier  au  foir  Boutonnière  voïant  qqetoutcc 
S  »  .  qn  iî 


.--„Googlc 


4t>  VIn^Mifithn  Frmifgifi 

qu'il  m'ivoit  apporté  depuis  cinq  jinirs  étoit 

eocore  fur  nu  table  ,   m'a  coojuré  de  man- 

Ser,  difimt  que  je  ferois  cauïe  de  ma  mort, 
[.qaej'en  lépoadrois  devant  Diea.  Com- 
ment, a  repris  l'Italien,  ellce  que  cetHom- 
me-là  mange?  C'eft  un  Comte  pétrifié  ,  il 
n'oarre  pas  fcalemeat  la  boache  &  ne  parle 
qu'à  Dteu.  Depuis  cinq  ioars  entiers  il  ce 
bii  a  pas  entré  une  goûte  d'ean  dans, le  corps. 
C'cft  on  Caméléon  ;  il  ne  vit  que  de  l'aJr. 
Boutonnière  me  dit  en  foupirant ,  car  c'efi 
un  Serviteur  très  tendre  &  très  bon ,  voVint 
que  je  ne  voulois  pas  lui  repondre,  qu'il  co 
ftiloît  ftire  fon  rafrort  au  ■Gouverneur  ;  &  ce 
ntstin  ils  m'ont  retiré  d'avec  ce  fou  impor- 
tun, pour  m'amener  ici  ,  où  fans  vousj'é- 
tois  refotu  de  mourir  de  faim.  Je  croi  ce 
genre  de  mort  aiTez  doux  ,  puirque  d^uis 
cinq  jours  que  je  jeune  ,  je  n'ai  pas  fentî 
d'autre, douleur  que  de  la  foibleflè.  Nevous 
trompez  pas  Mr.  le  Comte  ,  lui  dis-je  ,  j'ai 
entendu  dire  que  ce  n'eft  qu'au  Septiémejoui 
gu'on  fent  les  grandes  douleurs  de  la  faim  ; 
mus  j'ai  lu  quelque  part ,  qu'elles  font  iî  cruel- 
les ,  '  que  de  tous  les  genres  de  mort ,  c'cft 
le  plus  terrible.  Je  ne  fçavois  pas  alors  que 
dans  la  fuite  de  ma  Prifon ,  je  (crois  par  deux 
fois  cinq  jours  &  cinq  nuits  fans  prendre  la 
moindre  nourriture,  mais  ce  n'étoit  pas  vo- 
lontairement comniç  le  Comte  de  Brcderg- 
des  ;  j'y  éiois  bien  forcé  par  la  Wbarîe  de 
mes  Tyrans.        ^ 

Quand  nous  eûmes  un  peu  repris  nos  ef- 

prits,  &  que  j'eus  remis  le  cceut'  du  Comte, 

•11  lui  tàilajit  boire  une  des  bouteilles  derin 

de 


v^ 


.--„GDoglc 


la^.  fl} 


.C<x,8lc 


M  rtiifiù'tre  de-U  B^ftllle.  ^If 

ie  Chairqjagncque  j'avois  encore  de  retledes 
liberaliteï  de  Mr.  Lincfc ,  je  le  ptiàî  de  me 
tenir  (à  parole  ,  &  de  me  feïrc  le  récit  de  quel- 
ques-unes des  Hiftoires  de  Gacn ,  qu'il  m'a- 
voit  promifes,  qui  nous  tiendtoient  lieu  de 
ledure  pour  anjourd'hoi.  Très  volontiers 
dit  le  Comte  ,  luz'  charges  que  vous  ufc- 
rei  de  reprefailles  ,  &  quand  je  vous  aurai 
raconté  mon  Hîftotre  ,  que  vous  me  paie- 
rez en  la  même  monnoîe.  J'y  consentis 
avec  plaifir  ,  &  voici  comme  il  commen- 
ça. 

Je  m'arrêtai  on  jour  i  pour  voir  une  ad-^ 
jqdi cation  des  meubles,  qu'onfidfoitdequel- 
quc  particulier,  qui  s'étoitlaiiK  mourir.  Le 
Juré-Crieur  étoit  monté  fur  une  table  ,  fut 
laquelle  il  était  affis  dans  une  chaife  poiirft 
mieuï  faire  entendre.  C'étoit  un  petit  bout 
d'Homme  d'ailci  mauvaitê  mine,  s  qui  en» 
tr'autres  pêrfrâions  avoît  les  cheveux  fort 
rouges.  Il  avoit  le  donde  ftire  le  Sot-Plai- 
ftnt  de  fort  mauvaife  prace.  Après  pluficurs 
pièces  qu'il  adjugea  à  diverfcs  Perfonnes,  il 
6t  la  vcndiie  d'un  Crucifik  d'yvoire  monté 
far  une  Croix  d'ébénc.  11  fe  trouva  là  une 
MatrAne  quien  eut  envie.  Cette  Femmequi 
paroilToitêireduplus  commun  Peuple)  avoît 
Cependantl'air  fort  grave,  un  bandeau  fiir le 
front  I  une  bavolette  pour  mouchoir  ,  une 
gro0e  ceinture  d'argent  for  les  reîns ,  d'oà 
peadoîent  un  gros  paquet  de  clefs,  unebonr- 
fe  ,  plulieuis  pelotions  &  un  étui  ;  ellcètoit 
trouflée  comme  un  Cordelierqui  va  à  la  quê- 
te. "Le  Juré  cria  à  trente  fols  le  Crucifix-, 
éc  fit  BU  mauvais  détail  de  fes  petfeâions  j 
S  I  pour 


414  L*Iitqu^fitm  Frsufoîfi 

foor  ta  telerer  le  prix  à-  fcs  Sp«âatears.  La 
Matrone  prédite,  d'ua  air  grave  ,  &  «i  Su- 
ant un  grlod  iïgne  de  croii  &  une  révéren- 
ce ,  prononça  porcment  i  i  quarante  fcls 
mbo  bon  Sauveur  A  peine  eut  elle  profé- 
ré la  parole,  que  le  Cricur  proclama  le  Cru- 
cifix i  cinquante  fols.  Afoiiamefolscebon 
Dieu,  répliqua  la  Femme,  d'une  voix  fer* 
me,  mais  fort  modeftcmem.  A  quatre  francs, 
dît  promptement  le  Ciieur.  A  ccntfoJsmoa 
divin  jssus-CHKrST  reprit  la  MatrAae. 
A  fix  francs  dit  le  Juré.  Cette  Femme  fans 
Aire  paroitre  la  moindre  émotion ,  prit  le  Cru- 
cifix de  la  main  droite,  &  le  failluitteiferaB 
Grieur.  tÀ  dît-elle,  baife  lé  encore  une  fois, 
&  puis  le  livre  :  j'ai  déjà  dit ,  que  celui  qoi 
rendoit  Je  sus-Christ  étoit  du  poil  du 
deSiint.  Tout  le  Monde  le  prit  à  rire  delà 
penfée  de  la-Matrone;  il  n'y  eut  que  le  Ju- 
das qui  s'en  mit  en  colère  ,  mais  pas  a&i 
pour  s'aller  pendre  ,  après  l'avoir  livré,  je 
trouvai  la  Pafquinade  fi  bonne ,  que  je  vou- 
lus fçavoir  le  nom  £c  les  qualiiez  delà  Fem- 
me. Elle  s'appelloit  ta  Tibriet quolibet ,  qui 
lignifie  petit  bmit,.  nom  qu'on  lui avoît don- 
né parironie,  parce  qu'elleavoitls  votxhooir 
mace  &  faifoic  un  bruit  épouvcntable  en  par- 
lant. Elle  étoit  Marchande  d'iicrbes  &  de 
fruits  de  fa  profeffion  ,  &  tenoit  fes  plaid» 
devant  la  Boucherie,  oùellecatechilToittous 
les  Ecoliers  ,  qui  la  faifoient  enrager ,  mal- 
gré une  chopine  d'eau  de  vie,  qu'elle prenoit 
tous  les  matins,  pour  lui  donner  le  courage 
de  repouflèr  verbalement  leurs  infultes  :  & 
l'on  m'affima  qu«  le  jour  qu'elle  dcjnonta 


.--„Googlc 


9u  PHiJMrt  dt  WB^IU.  ^f 

IdCrieur,  que  j'appris  s'appclicr  Roûgeval ,. 
ellézvotc  redoublé  1&  d02e. 

Vous  vwez  de  cotucr  ane  Hifteîre  Mr. 
le  Comce  ,'Iui  dis-jc  qucje  fçavois  déjà  ;  niaise 
que  vous  m'avei  reada  nouvelle  ,  par  les  a- 
grémencs  dont  vous  l'avez  ornée.  J'ai  con- 
nu les  dens  Aâeurs  en  quelHon  ;  &  j'ai  été 
«1  qualité  d'Ecolier  très  Pcfle,  un  des  Per- 
Uirbateurs  du  repos  de  là  Matrone  Tibrie  ;- 
qui  toujours  en  Hyver'  avoit  entre  fes  jain-. 
bes  une  tnarmittc  pleine  de  charbon  ,  dans 
l>tqueUe  j'iù  jette  maints  pétards  &  m^uts: 
marons,  en  marchandant  fou  fruit:  &  Dievi' 
fçait  les  benediâions  qu'elle  me  donnoît , 
q.aand  le  pétard  avoit  mis  le  feu  à  fa  cbe- 
miTe  ,  gu  que  le  maron  lui  avoit  bombardé 
les  califes. 

.  Pour  fatis&ireàmapromeflè,  pendantque  ' 
nout  fommes  fur  les  Crucifix,  je  vous  dirai 
ce  qui  «ft  arrivé  à  Ville  Dieu  ,  petite  Ville, 
où  je  me  retirai  pouréviter  le  Bombardement 
de  Graaville ,  lieu  de  ma  reltdence ,  torfque 
les  Anelois  &  les  Hollandoïs  vinrent  bom- 
bardnât.  Malo&  Granville^peadint  la  Guer- 
re terminée  par  la  Pais  dcRyfwick,  &dout' 
j'ai  été  informé  fiir  les  lieux.  Cerw  Hiftoi- 
re  vottî  fera  connaître  U  fimplicité  de  Bour- 
geois qui  feroient  les  meilleures  Gens  dtt' 
Monde,  ù  la  Chicannet  cette  furie  infan'a- 
ble  ne  s'étoit  pas  fourrée  chez  eux  ,  pour  fè 
regOKcr  de  leur  fubftance.  Ils  font  prefque 
tous  Chaudronniers,  mais  riches,  aâifs,  la-' 
borieux  ,  &  dévots  à  la  fuperflition.  Leur 
Curé,avare&  luxurieux  au  fuprëme  degré, 
Aquiaroit,  tout  Septuagénaire 'qu'il  étoic 
S  4  & 


^i4  Vlé^uifnia»  Frsmfoift 

&  blanc  conunc  an  poireau  ,  '  an  don  root 
particulier  pour  croquer  l«s  plus  tendres  poU' 
Icttcs  dé  ÛL  Patoi'ffc;  &  far  tont  pour  tirer  la 
Qnimdicticc  delaboarfcdeceslîmplcs  Chré- 
tiens ,  &  les  mgager  à  om«r  fiin  Ëgtifë ,  que 
leur  dévotion  i  rendiie  m^ntâqtre ,  à  la  per- 
lÂialion  de  cet  artiâciem  Renard  ,  leur  pré' 
cha  un  joar  ,  que  leur  Cracifis  étant  trop 
TÎeux,  Dieu  nebeniroit  pasieurtravaïl,  s'ilt 
s'en  mcttoient  pas  un  tout  uenf  en  la  place. 
Immédiatement  après  fon  iermon  on  Ibnn» 
la  grolfe  cloche  de  r£glife.  l<es  Principaux 
des  Cyclopes  s'aiièmblerem ,  &  reconnurent 
vîfîblemenc  ,  que  le  dernier  orage  qui  avcnt 
fidt  tomber  leurs  pommes ,  proecdoit  de  h 
veiuftéde  leurCmciâz,  &qi]elemoïend'ap- 
paifer  lacolete  de  Dieu,  c'dtoît  d'en  acheter 
un  tout  des  plus  magnifiques.  L'on  députa 
pour  cet  effet  les  trots  ptasintelligensdeleur 
Corps  pour  l'aller  choîlir,  avec  ordre  den'f . 
rien  épargner.  Leur  Curé  indiqua  an  habile 
Sculpteur  en  la  Ville  de  ConllaBce,  quifâi- 
£)it  des  Cracifîx,  auxquels  il  ne  itianqii(»t 
que  ta  parole,  deSàutordinalreduPaVs.  Le» 
trois  députez  quittèrent  leurs  forges  d'où  l'oU' 
entend  retentir  les  marteaux  de  plus  d'une 
lieiie  aux  environs  de  la  Ville ,  avec  un  bruit 
accompagné  d'une  Aimée  éponventable  ,  &.. 
fe  mirent  en  chemin  avec  une  bonne  Ibmmc 
d'argent,  pour  faire.leut  achapt,  &unecha- 
rette  pour  voiturec  le  Chrîft  ,  mais  bien  gar- 
BÎe  depaille,  pournejpoint  blefler  leur  Cru- 
cifix. Arrivez  chezIeSculpteur,  illeurmou- 
tra  des  Crucifix  de  toutes  les  façons.  CéttHt 
un  charme  qued'enteDdre.rsilônoercesiroi» 
Ex. 

u,:,-,zf--„GoOglc 


Expen  fiir  rOavragedc  l'Artîfte.  ynCra- 
cifix  aroit  !a  bouche' térfè ;  l'autre  atoit  les' 
yeux  de  travers  ;  celu^li  faifoit  des  grimaces, 
&  feroit  peur  aux  En&nts  da  Compère  O-^ 
blin.  Le  Cgmpcre  Engerrant  difoîi  qut  c«' 
autre  pleuroît  tri^  laidement  >  &  qu'il  fèroît 
fîché  que  fa  Femme  qui  6toit  gtoflè  lui  a-' 
drefsât  fa  prière.  Compère  Braille  difbir 
que  cet  autre  étoit  trop  beau  Sl  trop  friiigant,- 
&<]ue  cela  pourroitdonnerdemaovaifespea-  • 
fèes  à  fes  Filles,  qui  d'ailleurs  n'avoimtqae 
trop  la  puce  à  l'oreille.  A  la  fin  cependant! 
4^es  ^votr  bien  ^ofé  ,  ils  fe  déterminèrent 
ea  faveur  de  deux,  dont  l'unteprefentottua 
Jefiis  mbufam,  &  Tautreun  Jefiis  mort.  Le 
SculpteOF  leur  demanda  -lequel  des  deux  ils 
vOuloienti  ou  du  vif,  ou  du  mort.  Pardi, 
diibient'ils ,  Mr'  le  Curé,  lui  qui  îçait  tout, 
ne  fçavoit  il  nous  dire  fi  tl  vonloit  j.  C.  vîf 
ou  mort  !  voîli  bien  de  la  peine  qu'il  nous 
donne  ;  car  fans  doute  il  6iut  le  confulterli 
deCTus,  &  retourner  i  Ville- Dieu  pour  avoir 
fa  refoîutPon.  Ils  fc  mirertt  en  chemin  tous  ■ 
trilles  de  n'avoir  pas  mieax  pris  leurs  mefii- 
res  ,  &peftant  fort  contre  leur  Curé  ;  qui  ne  ' 
les  avoit  pas  mieux  informez.  Oblin  ,  ^ 
Compère  Bataille  marchoîent  devant,-  raifon-' 
Dont  fur  l'atirude  des  Cmcifix  qu'ils  venolént 
devoir;  lorfque  le  Compère  Engerrant,  le 
plus  prudent  des  trois ,'  quimarchoîtdeniére,  - 
raifofinablement  ^éloigné  des  deux  autres ,  Xe  - 
mit  à  les  appellcr  de  toute  fa  force.  Iteyc  !  hayej 
Compères, revenez,  rcvénei.-  PaMànguouai^ 
dit  il  nous  femmes  de  grands  fots,  &  de 
pauvres  ^touidls:  Et  mordi  prénom -nAtre 
S-j-  Cw*- 


4lS'  ZVi«f»îtfï'«  FrttHfùfà 

Crucifix  viv»nt  ,  &  pomms.  le  tel  i  Bfttce; 

Curé,  &  1)  il  le  vc(û  mort  qu'il  le  tîie. 

Ville-0te%  dt  use  Commsnderie  qui  dé- 
pend des  Chevaliers  de  Malte ,  dont  Mi.  le 
Chevalier  Marquis  deRochc-Chouart,Goo:- 
fto  de  Mad.  de.Montefpaa,  étoit  Conunaa- 
deur,  auquel  Mr.  le  Cbeyalier  de  Bellefoi^ 
taineafucccdé.    Loffqnc  j'y  étois  Mr.  dt 
^ochechouMt  y  ât  fa  première  Eatrée.  Iic» 
Bourgeois  rcfôlux^t  (le  fiiire.péchet.,   pont 
lui  prefeoter  avec  le  vin  de  leur  Ville  -.if^ 
"Xtmici  qui  Ibnt  parfdttement  bonnes  &  diO)^ 
leur  Rivière   abonde.     I<es  trois  Ùo^tfej^ 
mf  mîooDei  dans  l'HiCtoire  precedem^CraM^ 
déléguez  pour  pre^dpr  à  cQttc  pêche  ,^&:  fe  A^- 
;cnt  aulTi  â  l'eau  pour  pêcbeteozmémea-.rJ[ii4^ 
memiéfe  chofe  qt»  tomba  dans  leUt  filet,  fàth  . 
vil  Ane ,  que  des  Meuniert ,  après  là  tnOD^ 
«voient  jette  dans  1^  Rivière.    NosPécheu» 
crurent ,    pu  fà  pefanteur  ,   que  c'étoit  un- 
poiflbn  énortae.   L'un  affirmoit  que  c'étoit 
une  Baleine.     L'autrç  foucenoit  que  c*étoït 
^c  chofe  impo$blQ^  pturqu'uae  Ëaleiac  i— 
toit  plus  grande  que  tout   Ville  Dieu.    Idi 
Uoifîéine  conclut  que  c'^oit  un  DaujSn ,  & 
Que  comme  c'étoit  un  poilToa  toïal  ,    il  ne 
jcui  étoit  pas  permis  de  le  titerde  l'eaaqQ'ea- 
prelèDcc  d'un  Juge.     L'avis  étoit  trop  jufte». 
ppQF  n'étce.pas  fuivî.    Pour  cet  efièt  Com- 
père Engerrant  fonit  4o  Teau  ,  &  fans  avoir 
lé  temps  de  mettre  fà  chcmifè  «  il  ne  prit  que 
fa  culotte. pour  aUcr  appeller  Mr.  le  Baillif, 
&  lui  enj(»ndrc  de  venir  fur  les. lieux  étreic. 
témoin  de  leur  p^che.     Pendant  qu'il  allv 
filtRÛtflcpWUioDf  enhfèitàlavcritégivii'é- 
toit. 

u,:,-,zf--„GoOglc 


.--„Googlc 


.--„Googlc 


^'â-^S 


.-iGooglc 


toi<  p^  trop  de  ccrenumie ,  mais  qnlfit  biea  ' 
rÏM  Mttfame  laEaiilire  &fesFiiIeï:  lacu-  ■ 
rioAté  prie  i  Compère  Oblia  devcur  deqa£1''' 
le  couleur  étoi  un  Datifin.  Pour  cet  effet 
U  foalcva  lé  ïilcr.  La  première  cho(&  quele 
DauSn-inoRtra,  ce  fat  l'oreille.  Pardi,  d((*- 
le  Coitipere  Bataille  j'icpois  bien  raifea  àc 
dire  que  c'était  une  mterne,  poilqu'en  voi- 
là'iec  n^oices.  Oblîn  leva  le  âlet  eucore 
tinipcii  plus  haut ,  decounit  le  mufeau  da  - 
Bwidet  i  qui  icmbloit  rire  de  leur  étonne- 
rnfent ,  en  inonnant  Içs  dents  ;  &:  «fin  toa-  - 
te  la  ééte ,  qui  tair  fit  connoîirc  dîftînâe-  ■ 
ment  que  leur  Baleine  &  leur  Danfin  s'é--- 
toteiit  metamorjphofei  en  Ane.  Oblin  crfai- 
pfompteincntàfonCompeïeEngerTîuit,  qiri- 
avoMt  déjà' été  cbea  le  Bailly  ,  qui  ne  sVtoîr; 
arrêté  qne  pour  prendre  iâ  Robe  &  fou  Bon-  ■ 
net .  aén  de  aire  la  chofe  plus  décemmenr,  - 
&  qui  commcnçoit  d^ja  à  paraître  Magiflra-' 
lement  dans  la  prairie,  pour  Te  rendre  tarïti 
lieux,  iiaye  î  haie  i  Compère  Engcrrailt  -,  ' 
recouine  dire  à  Mr.  le  Bailly  qa'i]  ne  vieiïoe  ■ 
pas;  ce  n'ert  qu'un  Ane;  cen'eftqu'unAae.i 
Nora  qiK  ce  Bailly  qui  s'appelloît  Hénry- 
Maurice,  &  quife  croioit  un  Doâeur  en 
droit  fout  des  plus  fubtils  ,  auroît  parfaire-'  ■ 
jnrait  bien  tenu  fa  partie  dans  la  Société  dçs'- 
Martins.  J'en  fis  rireMr.  le  M-arquisdeRO-' 
chetiouartde  ibut  Coa  cœur  ,  auquel  je  tins' 
Cenqwignie  pendant  Icftjourqu^il  fitdansfa' 
Gommanderic. 

Vçn»  voiei  bien  Mr.  le  Comte  qu'envoi-' 

là'deax  pour  la  vâtie.  Je  vous  entends,  me' 

dit-ili  je  .vous  en  dois  une  ■  -&je  vait  m'ae-^ 

S^  ■  qui-v 


4(OÏ  DlHfmifithB  Frtuêfoife 

ter, en  voas  diiâat  une  chofc  Tcritable,  qnf- 
m'eft  arrivée  ,  il  c'y  a  pas  long  temps  ,  & 
dont  peut-être  vous  coonottrcz  lesPedoo-- 

Peo  de  temps  apiès  (^ue  je  fut  rEponx  de  - 
Mad.  la-Marquife  de  Bois-Roget  ^  je  l'ac- 
cODUMg&ai  dans  an  voïage  qu'elle  fit  ea  BaT- 
fc-Nounandie  :  s'ctant  trauv£c  iodirpoftfe  à- 
Caëa,  ellc^refta,  &  me  pria  d'aller  à  Vire 
pour  7  recevoir  quelque  argent  de  As  Créait* 
dcrs.  J'étois  feuldans  une Chaife  avec  mon. 
Coctaer&un Laquais,  quandà  uneJieiiehots- 
de  la  Ville^  j'aperçû  de  loin  uaHominequù 
maichoit'à  pieu  devant  moi.  Il  s'aixétapoar 
me  demander  fort  civilement  ilj'allois  a  Vii 
rc  :  lui  û'ant  répondu  que  j'y  alloiii ,  il  me.- 
pria  de  fi  .bonne  grâce  de  lui  donner  place, 
daos  ma  cbaife  ,  quemalgc£.fa  manviu&mi- 
ne  je  ne  voulus  fias  IcrcfuCer.  Je  trouvaîj 
qu'il  avoii  de  l'elprit^  mais  c'etoit  du  mé-- 
chaot.:  aufC  me  dît  il  qa'iIâ:oit  Avocat  à, 
Cerance,  &  qu'il  s^appcUoit.  Angine  Folaia. 
Sieur  de  la PiHcvcfficre.  Comme  Ceranceé-- 
toit  an  Païs  perdu  pour  moi  >  pour  me  le  f^-  - 
reconnoitce,  il  fallut. qu'il,  prît  lancine  de. 
in'cxpliqucr  ce.quc  c'étoit.  C'cft  me  dit-il. 
une  Vicomte  dont.Mr.  le.Comtcdc  Mont- 
^cimcii  T  Chantelon  c(t  le  Seigneur.  C'eft 
nn  Bourg  i  trois  lieiies  de  Conltance,  Ville  i 
£pirc(^>ale  en.  Bafie-Normandic  ;  Jiuiï  il  y  a 
une  fl  grande  antipatie.entre.iès  habitans.& 
les  nôtres,  que  nous  ne  pouvons  nous  foof-- 
ftir.  Nousfommes  continuellement  en  pro- 
cès les  uns  avec  les  autres;  &  li  on  Crcan-- 
fçit  avoit  maugé  avec  uo-Couftançois  ,  il. 
ii!olè- 


.--„Googlc 


owFHiftMn  Jt  là  BtftiKe.  «s  » 
B'oArôrtjiiniïi  centrer  dus  le  Boarg,  fansr 
courir  ril^uei'y  être  lapidé:  &pareilicroeatB 
fi  an  Coii«nçois  «voit  feaJament  parle!  à  ua- 
Ceraaçois  ,  ce  fèroit  i^Tei  pouc  le  faire  re- 
garder de  (es  Compatriotes  comme  un  pefti' 
feré:  Nou»  a'aUoos  jiitnais  i  Conflaace  qae 
pour  y  plaider  ,  quoique  nous  foions  trèt> 
cettaînsd'y  perdre  nôtre  caufe  :  mais,  auffi- 
tÔt,  appel  au  Parlement  de  Roiien  ,  où  on 
nous  regarde  comme  les.  Piliers  de  la  Graor 
de-Chambre,  bù  nous-  les  chitanons-  à  ou- 
trance ,  Sa  jttTqu'à  la  dernière  maille.  Les 
haines  &  les  procès-  fe  perpétuent  de  Père  eu- 
Fils  chei  nons  ;  &^'en  connoisde  lî  enracî- 
nei  daiil  une  Famille ,  qu'il  y  en  a  aujour- 
d'hui ,  qui  ont£té  intentez  par  le  fiifayeul 
du  Chef  de  l&Maifon,  Âquinevrcrontpéat* 
âtre  tennincï  que  par  les  Petits-Filsdecelul 
qui  procedeaâuellsmcnr,  tant  nous  Iç^voii» 
bien  multiplier  les  êtres  !  Bien  attaqué ,  biea> 
dedendu.  Quand  nous  n'avons  pas  de  pro- 
cès avec  eui.i  nous  trouvons  bien  les  tno- 
ïens  de  leur  en  fufciter  ,  &  nous  les  chica- 
nons malgré  eux  jgfqu'à  la  mort.  Je  ne  vois, 
pas  t  lui  dis-je  r  comment  on  peut-  chicaner, 
un  Homme  malgré  lui:  pourmot  jedeâeroîs, 
l'homme,  du  Monde  k  plus  proceffîf ,  de. 
trouver  moïea  de  mefaireun  procès  dans  les, 
formes  Abl  Monliair  ,.  reprit-il ,  û  vous, 
étiez  dcConftaDce,  je  vous  fcrois  bienchaa-' 
ger  de. langage;  .mais-vousCtcs  trop  honnê- 
te Homme  pour  être  de  cette  Ville  ;  outre, 
que  je  ne  voudrois  pas  païer  d'in^ttcnde  le, 
plaîur  qae  vous  me  ^cs  de  me  voituter  dans^ 
TÔtie  Cbaife.  Mais  lî  vous,  vouliez  ^eua 
S  7  petit 

u,:,-,zf--„GoOglc 


4i*-'  -VbqMÎfiiim  FrmÊpùfe 

petit  parr  svee  moi ,  je-  lUfiioij'le  teoble 
coDtre  le  fiœple  avec  vont,  qw  dès  deana 
iQ  nutiB,  je  voas  feroisun  bc»  procès  dont 
ront  jRiriez  i>{en  de  1»  peine  à  voot  dcbaraf- 
ftr.  Je  DedotuenuUemeDtMr.dc  vôtiefçK- 
Toir  Aire,  taidit-jc;  mais  je  ne  vois  paspac 
oà  vont  pourriez  m'atnqner  j  \.  moins  qne 
vous  ne  TOulufficz  me  repiendre  ■  de  vous 
«voir  donné  la  gauche  au  lieu  de  la  droi- 
te dan«  DM  Chaife.  Et  fy  MonficDrirc' 
prif-il  ;  je  m'arrête  bien  à  cef  minuties  :  je 
vn»  an  réel ,  \  l'eilëntiet  ,  &  au  folide  ,  aa 
fblîde ,  an  folide  morbleu  \  Et  fi  vous  von- 
le2  feulement  médire  vôtre  nom,  jèvousfe- 
rai  voir  demain  un  petit  tout  du  mater.  Je 
m'appelle,  lui  dis  je,  le  Comte  de  Bredero- 
des.  C'edatlèi,  Monfienr,  reprit-il,  oùa- 
vcz  vons  logé  la  nuit  dernière  àCacn,  &oâ 
logerez  vous  cette  nuit  il  Vire.  J'ai  logé  à 
Caëtt  ,  lui  répondis  je  au  Signe  de  la  Croix; 
&  je  logerai  à  la  meilleure  Aubta^ede  Vire, 
fi  vous  voulez  bien  me  l'enfeigncr.  Mon*  ' 
fient  ,  la  meilleure  n'en  vaut  rieit-,  dit-il , 
mais  la  moins  mauvaife  c'eli  le  Cheval-blanc 
oô  j'aurai  l'honneur  de  vous  conduire  ;  ce 
qne  j'acceptai)  &  où  nous  arrivâmes,  après 
qu'il  m'eut  bkn  fatigui!  de  chicane  tout  du 
long  du  chemin  :  Si  tôt  que  naus  fûmes  dd"- 
cendus  dans  la  cour  de  l'Auberge  ,  il  dt^i»^ 
mt,  après  avoir  prié  le  Vallct  de  l'Ëcoriede 
fe  reflbuvcnir ,  qu'il  nous  avoir  vu'  arriver 
«ifemble:  ce  que  mon  Laquait  me  ditlelen* 
demain.  L'Hôte  me  voïant  lènl  ,  &  aiant 
fpû  de  mes  Gens  qui  J'étois  ,  me  demanda 
ujevouloit  foupei  en  Comp^^e.  Je  ne 
dc- 


.---„  Google 


90  nSfivrr  Jr  h  SéiftHk.  41  \ 
deiQBDdBt  pat^ndcsfc  II  me  âr  entrée  dtta» 
UBe  Sale,  où  U  y  avoit  hait  cm  dix  coaverts 
fur  uno  table  :  on  y  en  mit  «ncore  un  poor 
moi  ,&  l'on  fèrvit.  Nous  âmes  bonne  chè- 
re, &  ceui  avec  qui  je  mangeois,  me  firent 
honneur  ,  comme  4  un  Etranger  ,  nouveau 
venu  ,  &  de  bonne  humeur.  C'étoienC  ton» 
Citadins  Gent  de  plume  ,  qui  s'étoîent  là 
ailemblez  ,  pour  devoret  quelque  Gentils- 
hommes Campagnards  de  la  Troupe,  qnié- 
toicnf  venu  plaider  à  la  Ville.  Sur  Iccerdé 
des  Cliens  de  Themis  fembloit  prefiderun  cer- 
tain de  rille  Chapodclaine.  J'appris  que  c'ë- 
toii  le  plus  expert  de  tons  les  Avocats  de  dix 
lieues  a  la  ronde  ,  qui  fçavoâ  toutes  les  ru- 
briques de  la  chicane ,  &  qui  aùroit  pu  glozer 
Godefiroi  &  Banage,  s'il  n'avoit  pastaht  ai- 
Blé  la  bouteille  ,  car  il  étoit  plos  fouvent  aoi 
Cheval  blanc,  qu'en  fa  Maifon,  oùfaFem- 
me  fe  gardoit  bien  de  tenir  ordinaire,  vi- 
vant des  grattlications  des  Pratiques  de  lôn 
M^y  :  encatc*en  revendoit   elle   les  trois 

Îuarts.  Ce  Chapedclaine  paûbit  pour  ua> 
)iable  en  procès:  ildtoit  le  Code&laCou- 
tume  avec  une  facilita  qui  faitbït  bien  voir 
qu'il  les  avoir  plus  étudiez  que  l'OraifonDo- 
miaicak  ou  le  Symbole  des  Apôtres.  Il  s'é- 
coutoit  parler,  dicommeil  parJoitaâezbien» 
il  fe  faîfoit  volontiers  écouter  :  auffi  étoit-ce 
rOracie  du  PaVs  .  &  ce  n'ell  pas  peu  dite  ; 
car  la  Ville  de  Vire  palTe  pour  être  ftconde 
en  beani  efprits.  Il  me  demanda  ce  que  j'é- 
tois  venu  taire  en  leur  Ville;  iî  c'était  pour 
plaider,  qu'il  m'offroît  volontiers  fcs  petits  fcr- 
v^es.  Je  leiemerctai,  conuneje  le  devoit, 
de 

u,:,-,zf--„GoOg[c 


414  VImq»ifiti*m  Frampeifi 

de  Ces  oSies  obligeantes  ,  &  je  loi  protefîat 
qa'ea  ma  vieje  travois  ea  de  procès.  Et  de 
^el  Pais  êtes  vous  bon  Dieu  !  oà  la  Su'nre 
Themis  eft  iï  peo  refpeâtfe ,  sVcria-t-il  i  & 
eu  l'ignorance  des  Loii  tient  :^^>aremmetit 
lieu  de  mente,  je  dis  que  jMtoig  Hollandois; 
<c  j'entrepris  de  faire  voir  les  prérogatives 
^ae  Metcarc  avoit  fur  une  aveugle  IHvinîté 
dont  les  Adorateurs  viroient  lî  malheureux, 
&  mouroient  pour  l'ordinaire  à  l'HApital. 
j'avois  affiiire  à  un  terrible  Adverlàire  :  ce- 
pendant je  dettbodis  fi  bien  ma  caufe  ,  que 
^ucûqne  mes  Juges  fulfènt  tous  mes  parties, 
ils  voulurent  bien  par  condefcendance  ,  me 
donner  gain  de  caufe.  On  fit  venir  du  vin  après 
le  foup^f  &  ndus  ponfsâmcslacouverfttïon 
bien  avant  dans  la  nuit  :  nous  Hmesdes  Hif- 
toires  toutes  des  plus  rejoiiiOantes.  Ils  me 
proteflcrent  qu'ils  tne  trouvoient  tout  à  fait 
i  leur  gré  ,  &  que  je  ferois  nu  Homme  im- 
pa'i'^lc  fi  j'avois  fréquenté  le  Battean.  Ma 
Compagnie  &  moi  nous  nous  feparàmcs  & 
contens  les  uns  des  antres ,  que  nous  nous  pro- 
mîmes de  nous  ralTcmhler  au  même  lieu  pour 
dîner  le  lendemain  enfemblc.  Je  me  couchai- 
fort  faiisfatt  de  mes  nouvelles  connoifi^nces, 
&  je  dormois  profondément,  lorfque  le  len- 
demain je  fus  reveillé  par  un  Mt.  Loyal  qui' 
vint  me  demander  la  permiâîoD  de  meligni-  , 
fier  un  petit  exploit,  unyetit  exploit  parlant 
à  ma  Perfonnci  &  après  avoir  écrit  trois  ou 
quatre  mots  dans  un  broiJillon  de  papier,  il 
le  mit  fur  ma  table,  &  faifant  deux  ou  trois 

Etofondes  révérences,  ilfortitde  ma^Cham- 
rc.    Après  avoir  Aotié. mes. yeiH&  coHOtt' 


.--„Googlc 


M  fHîJfiire  Je  la  Baftille.  41  $ 

certainement  qnejc  ne  révois  pas,  jedeman- 
dti  à  moD  laquais  qui  avoir  fermé  la  porte  for 
ce  MeQàgcr  de  maavaifès  nouvelles ,  ce  que 
vouloic  cet  Homme.  C'efrditil  Monfieur 
un  p«it  Eiploit  ;  nn  petit  Eiploit  qu'il  vous 
donne  ,  &  m'aVant  apporté  dans  mon  lit  le' 
broiiillonde  ce  Déloyal,  j'y  dcchiftaî,  com- 
me je  pu,  ce  que  dans  la  ïuiie  ic  voulut  ap- 
prendtc  par  cœur,  tant  je  le  trouvai  rîfîble  ; 
&■  que  jen'ooblîrai  jamais  :  c'étoit  une  af- 
iignatîon  cônçiie  en  ces  termes ,  mot  pour 
mot. 

Je  ^  JoHS  fign/ 1  Tves  Griffon  Sergeânt  À 
Verge  Immatriiuîé  au  Prefidial,  Bailliage  f^f 
Vicomte  de  f^tre ,  y  démettront  RHe  du  Pit<y- 
ry  ,  exploitant  dans  font  U  reffort  de  laju- 
rifdiâim  dn  dit  Vire  .  affiji^  de  mes  deux 
Retards  ordinaires,  ceriijieque  ce  y^eiidita»- 
tiéme  tPun  tel  Mois,  y  d'un  tel  ^«-ififf  l" 
neuf  bettres  du  matin.  A  la  Requête  de  Maître 
jintoine  Felain  Sieur  delà  PilUvefierr  Avocat 
enlayicomtédeCerance y  refidant,  E^  dejre- 
frnt  en  tette  Fille  de  Vire ,  où  il  a  ttotnm^ four  fin 
Preenrettr Maître  ^ean  Almlien,  Procureur  er^ 
dènairedeceHeUt  en  ta  Maiftn  duquel  il  a  fait 
EleéHon  de  Domicile ,  J>»ur  vingt-quatre  heures 
feuUmeut  ;  Je  me  fnis  tranfpgrtf  en  l'Hôtellf 
rie  ,  eàpendpour  Enfeigne  le  Cheval  bknc ,  ok 
ta  fat  fait  tf  donné  affignation  à  Mr.  le  Com- 
te d4  Brederodes  ,  ainji  piUim^a  dit  fe  nom' 
mer  ,  en  parlant  à  fa  Perfount  ,  à  lire  ^ 
eomfaroitrt  demarm  fur  1rs  dix  heures  du  ma- 
tin, tomme  de  motive-  ftrevifoire,  hcurepre- 
fixt  ^ar  devant  Mr.  le  Lieutnant  Gênent 
«■ 


4i6  L'Inquifitit»  Frauftifè 

»m dit Pr^diat ,  om  Mr.  feu  LkMtmMiit,  f9W 
fi  vèir  cendamner ,  i^  far  corps ,  à  pour  am 
dit  S'temr  Atqueramt  Ufommedequatre-vimgt' 
dix 'Meuf  livret ,  dix-  nei^feli,  fsx  àtmtrs 
ItKmois ,  qu'il  amroit  frhéi  i  t»  biame  y  /»- 
iW«  manmote  dtanicanrt^  iij  a  q me Jqmei  jours 
mu  dit  Seigntur  Comte  de  Brederties  ■  en  fi» 
UTituteueeeffiti,  en  la  Ville  deCaèn,  enfin 
Àkierge ,  oir  pend  peur  Enfeigne  le  ^gne  de  U 
Croix  I  ità  U  dit  Seigneur  Comte  était  hg^'.  1^ 
tout  offert  prouver  Qf  vérifier  par  boni  J^va- 
lahles  t/meint,  eneai  ie  meconnoiffanct.  Pra- 
teftant  ledit  Sieur  Requérant  de  Jtfinrner  ta 
eettt  Fille,  aux  dépends  dndit Seigneur Cem' 
te  de  Brederodes ,  jnfyu'au  patemeut  aSnel  de 
t»difte  fimme;  fam  prejuaiet  dei  dépens  «■ 
teréts  ,  y  autres  demandes  du  dit  Sieur  K*- 
fneraut  ;  £7*  procéder  en  ontte  qu'il  fe  trou- 
vera aparttnir.  Relation  bailUe ,  £5"  delaif- 
fie,  parlant  tomme  dejfui  ,  fuivant  fOrdeif 
gauet.  Signé  FoUin  Avocat .,  Griffa,  Brifi- 
micbe-t  y  Frijètorde  avec  leurs  paraphes. 

Je  ne  pus  d'abord  m'cmpêchcr  de  rite  du 
tour  de  mon  Fripon  ;  mais,  reflechifliot  en- 
lintc  qu'il  étoic  trop  effroaié  pour  en  demeu- 
rer Jà  ,  &  qu'à  l'dde  de  fcs  bons  &  valables 
témoins  il  me  feroit  païcr  dii  pîrtoles ,  pour 
l'avoir  introduit  dans  ma  Chwfc  ,  je  refolu 
de  décamper  d^s  le  foir  même  ,  pour  éviter 
laperfecurion  de  ce  FauOàire.  A  midi  Oii- 
pedelaine  &  fes  Amis  ne  mviqi'creat  pas  4c 
fc  trouver  à  l'Auberge.  Je  leur  fis  pan  de 
mon  Aventure  ,  dont  ils  riient  de  tout  leur  ' 
cceor,  &  m'affirmèrent  .que  c'étoit  là  un  des 


B«  PBifiotrt  de  la  BaJIilJe.  *l  J 

Moîndfes  toms  de  ce  galant  Homme,  qu*ila 
comioiiroieDt  parfaitement  bien.  Je  leurdîs 
que  je  lui  donnerois  la  peine  de  venir  cher- 
cher les  dii  piiloles  qu'il  me  demandoit  i  au 
Bois-Roger ,  où  U  on  ne  man^uoit  pas  de 
bois  pour  le  païeraveciiiterit.  Gardeivous 
en  bien,  me  dit  Chapedelaine :  i!  ne  deman* 
deroit  pas  mieux  que  vous  vous  laiiTafllez 
condamner  ici  par  dcffaut  ,  pour  multiplier 
les  irais ,  qu'il  trouverojt  bien  moïcn  de  vous 
fairepaVer,ran$s'âSporer  àvôtrecolere.  Com- 
ment feraî-je  donc  ?  donueray-je,  dis-je,  dir 
piftoieg  à  un  Coquin,  pour  Ëtrefa  dupe,  qui 
en  fera  quitte  pour  s'en  lire  ,  &  s'en  faire 
louer  par  fes  Ëdeles  Compatriotes  ?  Vous 
voilà  bien  cmbarralTé  en  beau  chemin ,  Mî, 
Je  Comte,  dit  Chapedelaioe  ;  mais  je  m'o- 
blige de  vous  garaBtirde  l'dvencmeqtdecetr 
te  aâàire  ,  fi  vous  voulez-vous  engager  de 
donner  une  bouteille  de  vin  coëtf^e  à  toute 
la  Compagnie demaial'après  midi,  après ()u« 
vous  aurez  eu  gain  de  caufe.  La  propoliiioa 
étoit  trop  jufte  ,  pour  n'y  pas  confentir  :  je 
l'acceptai  volontiers.  Aux  charges  reprit-il, 
que  vous  me  laiâTerez  parler .  làns.  dire  mot; 
&  quoique  je  puifle  avancer  que  vous  nlu- 
terromprci  pas  mon  Plaidoïer.  C'cB  de  quoi 
je  demeurai  encore  d'accord.  Le  lendemain 
je  me  rendis  au  Parquet ,  avec  mon  Avocat 
Chapedelatnefuivi  defa  fequelle,  pùjetroU'- 
vaiFolain  ,  qui  mefaluad'uoaîrriaiit,  com- 
me fî  j'euiÈ  été  obligé  d'être  un  de  fes  meil-. 
leurs  Amis.  Mais  je  le  regardai  d'un  cpil 
menaçant  t  qui  lui  ât  prendre  la  refolutîoa 
d'iitteipofcr  la  proteâioo  de.  lès  Juges  contre 
le» 

u,:,-,zf--„GoOglc 


Ht9  •  VhpiifitioH  Frtmpoiji 

les  emportements  d*nn  ingrat  debitear.  On  i 
ippelle  nôtre  caafè  ,  &  mon  advcrfe  Pwtie,  | 
après  avoir  demandé  an  Lieutenant  General  [ 
la  permiflion  de  parler,  plaida  ainli  fa  caufc. 
Mefficurs  il  n'eft  pas  befoin  de  longs  dîfcQurs, 
pour  vous  dire,  quemVtanttrouvéilyaqua- 
trejonrs  avec  Mr.  le  Comte  de  Brcderodes  | 
i  Cacn  en  l'Hôtellerie  ,  où  pend  pour  En-  [ 
feigne  le  Signe  de  la  Croix,  il  mctémoi^na  \ 
l'embaras  ou  il  étoit  d'en  fortir,  puifqu'ÎI  é- 
toit  fans  argent  ;  &  fçachant  d'ailleurs  qu'il 
Tenoit  ici  pour  en  recevoir  de  quelques  Cré- 
anciers, je  Ini  prêtai  quatre  vingtdii-ncuf  li- 
vres ,  dix- neuf  fols  fii  deniers  ,  pour  le  re- 
tirer de  la  peine  /)ù  je  le  voiois.  Pour  me 
tcmerderde  mon  honnêteté,  de  Caënilm'a 
Toiturtf  ici  dans  fa  Chaife.  Mais  ma  furprife 
a  été  citréme ,  lorfqu'avant  hier  au  foir ,  l'a- 
ïant  prié  de  me  tenir  fa  parole  ,  &  de  me 
rendre  mon  argent,  il  a  été  aOez  temenûrc, 
pour  me  direqu  ilne  medevoitrien:  &com- 
mepar  le  plus  grand  bonheur  du  Monde  pour 
moi,  j'ai  des  témoins  delachoft,  jedeman- 
de  1  en  taire  la  preuve ,  eu  cas  dedefaveu  de 
la  part  du  dit  Seigneur  Comte  :  c'eft  à  quoi  je 
conclus  ,  &  aux  ans  de  mon  exploit  :  £xi. 
Chapcdelaine  aïant  faJué  les  Juges,  dit:Mef- 
fieurs  je  parle  pour  Mr.  le  Comte  de  Brede- 
rodes  mon  Clieii ,  ici  prefent ,  qaî  convient 
que  ledit  Foiaîn  lui  prêta  à  Caëuleplusobli- 
gemment  du  Monde ,  non  feulement  les 
Quatre-vingt  dix-oeuf  livres,  dix-neuf  fols  fiz 
deniers ,  mais  la  femme  entière  de  dix  pifto- 
les,  que  l'ordonnance  empêche  à  MakreFû- 
Iftia  de  redemander  audit  Seigneur  Comtees 
fou 

u,:,-,zf--„GoOglc  ■ 


Ibn  lat^té.    Quand  je  l'entendis  débuter 
aiblî ,  je  crus  qiril  s'enccndoît  avec  mon  Fi- 
lon :    >'avots  beaa  le  ponHêr  ,  &  lui  dire. 
Mordi  Mr.  vous  me  perdez;  il  ne  m'a  jamais 
prêté  un  fou.   Taifez  vous  ,  me  dit-il  fière- 
ment ,    puis  leprenaiit  Ton  diicours.    Mais 
Miflieurs  je  fuis  bien  plus  furpris  de'Maître 
Folain ,  qui  veut  tirer  d'na  fac  deux  moutu- 
rcs  :  car  j'offre  prouver  êc  vérifier  par  bons  & 
valables  témoins,  que  je  fuis  prêt  deprodui- 
re ,  qu'avant-hier  au  foir,  un  peu  après  que 
le  dît  Seigneur  Comte  fiit  arrivé  en  cette  Vil- 
le, il  rendit  audit  lîeur  Folain fon  argent,  en 
même  monnoie  qu'il  lui  àvoit  prêtée  à  Caën; 
avec  gratification  d'une  bouteille  devinqult 
lui  donna  ici  en  rÂuberge  où  pend  pour  En- 
feigne  le  Cheval-blanc.  &  dont  moi  même, 
qui  vous  patlei  je  bû  mapan.  Après cebeau 
plaidoVer  Qiapedelaine  &  ceuz  de  £âCompa- 
gnie  fe  prirent  à  rire  de  tout  leur  cœur ,   en 
voiant  rolain  tout  en  fureur ,  qui  ne  putre- 
pondre  antre  chofe  i  Ch^edelu'ne  ,  que  de 
lui  dire  :     &  fy  donc  Maître   Chapedelaine 
voos  gâiex  le  métier,  &fortit  tout  en  colère 
du  Parquet:  Chapedelaine  lui  prottfRant  que 
la  charité  &  fon  devoir  l'oblîgeoicnt  de  fe- 
conrir  les  Etrangers.    Je  revins  à  l'Hôtelle- 
tie  avec  mon  Avocat  &  fes  Admirateurs  ;  je 
m'acquittai  avec  fcrupule  promptement  de 
ma  promeflc  :  ;e  les  fis  boire  tant  qu'ils  voa- 
InrCnt  :  je  fis  enfnite  mes  afiaircs,  après  quoi 
je  remontai  promptement  dans  ma  Chailè  » 
pour  fuir  de-V ire  &  n'y  rentrer  de  ma  vie. 

Auprès  que  le  Comte  eut  acheva  fon  tfiftoi- 
re,  j.e  lui  dis  ^ac  je  counoilToispaiûitaiienc 


43*  VluquifitU»  Frmtftife  t 

ce*  deni  Avocats  .  &quejeiçavoîsi)It!ïd'oi 
de  leurs  tours:  que  ces  Hoomiesdcvalqieat 
pas  mieux  l'un  quç  l'autre.  Que  Chapedetai- 
De  ^tant  Av.ocac  de  Mr.  le  Bâton  de  Moat- 
bray,  &  d'iutelligence  avec  le  ProcuEcur  de 
ce  Seigneur,  ils  avoièm  trouvé  le  fecret  de 
depoiiiller  ce  pauvre  Baron  de  fes  Tetres  4 
de  le  mettre  à  retour  de  leurs  procédures. 
Chapedelaine  a  eu  pour  fa  part  la  Baronnie 
de  Montbrai,  &leProcttreurlaTerredei'A- 
cherîe.dont  ils  font  ftâuellcment  en  poiTef- 
fïon.  Moi  même  qui  vous  parle,  j'ay  prêté 
de  l'argent  à  un  Particulier  de  St.  Vigor  det 
Monts ,  Couiinde  Chapedelaine.  Môa  débi- 
teur me  fit  une^fauûeté ,  dont  je  meplaigiiis 
à  Chapedelaine;  &  je  lui  fis  voit  clairement 
qu'il  ne  teuoit  qu'à  nioî  de  âïre  punir  hoa- 
teufement  &  même  corporellement  fon  Pa- 
rent ,  ce  que  j'awois  fait  fans  fa  confideia- 
tion.  Chapedelaine  me  remercia  avec  des 
témoignages  de  reconnoiflànce  les  plas^pa- 
icnts  ;  protefta  qu'il  vouloit  me  faire  païer, 
ju  qu'il  me  païetoit  lui  même  pour  fon  Pt- 
xent  ;  &  quand  il  eut  mes  papiers ,  il  me  £t 
perdre  ma  dette;  &  jamais  je  n'ai  pu  tirerde 
raifon  de  ce  bon  Médiateur ,  qui  a  ruiné  plu! 
de  trente  Familles.  Il  eft  animé  encore  p»r 
fa  Femme,  qui  femble  être  l'Original  &[ic>n 
une  copie  parfaite  de  l'avatice.  Une  Mé- 
géie  dont  les  ongles  acérez  &  crochus  trou- 
veroient  à  tondre  fur  un  <£uf,  &  qui  poite 
une  poche  de  fer  blanc  fousfesjuppes,  com- 
me portoit  Tardieu  laLîeutc  Aote  criminel- 
le de  Paris,  pour  y  tburrcr  toutes  tes  bribes, 
qti' elU.P«uc attraper,  d^is  1^  ËiUiqvKts  ,  tA 
elle 


.-iGooglc 


M  FtSfiokt  éU  la  Ba/UlU.  43> 
éUeelliiiTMepn'UcraîQteqaeronaderoB 
Mari.  Ces  6ntes  de  Gens  font  des  Peltcs 
dans  une  Republiqoe,  quand  ils  emploientà 
la  dofoler  les  fcicnces  qu'ils  n'ont  apprîlès 
qae  pour  j  maintenir  les  Loix.  Montlien , 
dont  vous  avez  fait  mention  dans  vôtre  Af- 
figaadon,écoitaatre-foisun£vaaieurdePcI^ 
te,  &  il  cft  couché  comme  tel-dans  les  Re- 
ghrcs  de  la  Matfon  de  VHIe  de  Vire  ,  qui 
lui  donnoit  cinquante  livres  de  g^ges  pour 
cet  honorable  emploi  :  &  pour  l'exercer  on 
lui  avoit  permis  de  bâtir  un  petit  Apentf  haut 
de  douze  pieds  proche  de  la  Maîfoa  de  San- 
té ,  pour  s'y  loger.  Après  avoir  exercé  plu- 
fleurs  métiers ,  tous  des  plus^bas  .  il  troava 
ntoï'cu  de  fe  iaire  Procureur  ,  &  dans  cette 
élévation  il  afi  bien  vollcavecla  plume  qu'il 
a  acquis  des  biens  immenfcs.  Enfin  le  Roi  l'a 
anobli  I  lai  &  un  Ecorcheur  de  Chevaux  de 
la  marne  Ville,  qui  étoit  parvenu  à  pareille 
Fortune,  par  m£mcs  degrez ,  moVennant  deux 
mille  écus  qu'il  leur  en  a  coâté  i.  chacun , 
pour  obtenir  ces  titres  d'honneur.     Et  d*Ar- 

Ïenfon  s'étonne  que  l'Empereur  «t  fiut  un 
ils  de  Notaire  Comte  de  l'Empire  !  OJor 
Imcri  fx  re  qHaiihet  optimm.  Il  y  a  peu  de 
Peuples ,  dont  l'efprit  fbit  plus  fubtil  ,  qaà 
celui  des  habitans  de  Vire  ,  ce  qui  s  donné 
lieu  i  ce  dîAique. 

P^irit  Virifaum  varia  virtHte  virefch  % 
A  ma^nifyut  Wïris  ykia  nomtm  iaitt. 

Mais  par  malheur  depuis  qu'ils  ont  recon- 
W  la  Chicanne  pour  Icot  Divinité  ftvorite. 


anîmn  àe  fon  Génie  iU  font  devoins  ponr  H 
plupart  fourbes  &  méchants.  Nous  avions  tin 
tris  beau  Domaine  fur  cette  Ville ,  qui  nous 
taportoit  juC^u'à  deux  mille  livres  de  j'ente,  a 
Un  de  mes  Ffcres  qui  entendoît  mieux  l'Ait  ] 
de  la  Guerre ,  que  la  Coutume  de  Norman-  r 
die ,  Au  pour  en  paûêr  un  bail  àun  Fermier,  I 

Ïoi  Can%  ombre  de  lui  faire  ligner  un  Bail  i  | 
etme,  eut  la  fubtilité  de  lui  en  faire  fignet  ] 
un  Contraâ  de  vendue  ,   dont  tamais  nous   ' 
n'avons  pu  nous  relever;  quoique  lafauiTetf   i 
fût  toute  évidente  ,  nous  avons  perda  nA- 
tre  Domaiae  ;   après  bien  des  frais  ,    Scda 
temps  emploie ,  à  en  [>ourfuivre  le  recoovte- 
mei)t  en  Juflice.  Chapedelaine  eft  un  gros 
Maoflade  qui  mâche  contimiellement  du  ta> 
bv:. 

L'Avocat  PîllevcflSere  eft  tout  d'une  coa- 
leur,  qui  eil  de  cidre  doux;  fou  chapeau, lî 
perruque,  iès  yeur,  fon  vilàge,  fa  cravaite, 
fon  habit ,  tout  eft  de  la  même  couleur  :  il 
n'y  apasjufqu'Â  tenianiéresquinefecMeot 
toutes  douceieufes.  Mais  dans  le  fond  c'cll 
un  viuaîgre  tout  des  plus  acides  :  il  n'y  a  poim 
d'eau  force  qui  fuit  plus  cauOique.  Quand  il 
tombe  fui  quelqu'un,  il  y  paroït.  J'aicouiu 
très  particulièrement  un  nommé  Mr.  Luos 
Nc^ociaut  de  Granville,  fort  joli  Homme,  qui 
raconta  une  Hilloire  de  Folain  Pillcveffieie 
devant  lui,  fans  le  connoître.  Pailant deVi- 
verfioD  que  les  Habitants  de  Conltance  i- 
voient  pour  ceux  de  Ccrence',  il  dit  qu'im 
jour  cet  Avocat  étant  entré  pour  déjeuncri- 
vec  un  de  fès  Clicns  chez  un  Traiteur  de 
Confiaoce  ,  où  «'aOonbloieat  tons  les  En* 
fiuu 

u,:,-,zf--„GoOglc 


M  FHifh'a-t  Je  la  BaflilU,  433 
fknts  dcjoïe  de  la  ViJle.  Ce  Traiteur  quine 
connoîfloit  pas  Pilleveffiere  ai  foa  Clf«i 
pour  être  de  Cerance,  leor  ftrvit  à  dejean€ 
fUr  une  petite  table  auprès  de  Ion  feu.  Dans 
ce  moment  un  des  Enfants  de  la  Jubilation , 
qui  vifitoit  ce  Traiteur  plus  que  t'Ëglife  Ca- 
diedrale,  -aïant  aperçu  Pi  llcveffi  ère  déjeunant 
atqK'ès  du  feu.  Ah  !  malheureux  qu'as-tu-^t , 
dit  il  au  Traiteur?  Comineat  tu  as  le  front 
de  donner  à  maager  à  Pilleveâicre  Avocat 
Cerançois ,  &  tu  .crois  qu'aucun  Enfant  de 
la  Ville  puillè  revenir  chez  toi  !  Va  ,  contî- 
nua-t-il,  tu  es  acomavxcàé  iffifaîlo.  Le 
Traiteur  bien  étonné,  mit  prc»nptemcnt Fo- 
laîu  hors  de  chez  lai  &ns  vouloir  prendre  de 
ion  argent:  non  obdant  quoi  tous  les  Enfants 
de  la  joie  ne  voulurent  plus  approcher  de  ù. 
Maifon.  Le  Traiteur  pour, les 7 raf^Iler,  fe 
fournit  à  ta  purifier  lui  même ,  &  à  paicr  une 
amende,  pour  avoir  reçu  innocemment  Pîl- 
leveilîere  &  Ton  Clien  à  fa  table ,  fans  les 
connoître.  On  fit  fumer  du  genièvre  dans  fa 
Maifon  :  on  fit  palTer  trois  fois  le  Tiait«ur 
par.delTus  la  fumée  en  detellant  Piltevefiîere 
&  tous  les  Cerançois.  Le  Traiteur  regala  a- 
piès  tous  les  boas  Enfants ,  &  cette  etpéce 
d'amende  honorable,  on  fàtisfaâion  volon- 
ture ,  fit  la  fortune  de  cet  Homme  ,  par  le 
concours  des  Citoiens  de  Coutance,  Gents 
de  bonne  chère,  qui  alloient  en  fonllefe ré- 
galer. On  tait  une  remarque  fur  Coutance 
qu'il  y  a  Vingt  Traiteurs  tous  riches,  &ub 
ieul  Fonrbifleur  d'épée  très  pauvre ,  marque 

Îue  CCS  Peuples  aiment  plus  Comusque  Mars. 
'iHevefileté ,  qui  iivoit  trasquilletnene  lai^fé 
T  r*- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


ls»oeiit«  iOB  Hidoire  à  Mr.  Lncàs,  qtumdîl 

cet  fini  ,  piit  à  te^oia  Ceux  â  qui  il  veook 
à'-ee  faire  K  t«Cit  k  &  fit  an  fi  arwel  ^joûcès  g» 
ptavf e  HIÂodea ,  qs'it  af)vbK  texnitia:,  n»I- 

rlet  [HtuTes  qu'il  fut  fiscile  i  ^Mr.  Lacai 
fs^reîle  la  vétité d'tm  £dt .  qni s'omit paf- 
fè  i  la  face  de  tout  le  Pnpte  d'sOe  jjftUKts 
ViUei  4l  a  ^sm&nfe^âldsCnsDGOisuaK 
CBYCi^  ft  CoaMnce  «k  de  Icofs  Haibinns ,  te' 
gii  <a/ptif  Aeberge  pour  evK ,  ne  ttoorsat 
MricMllKfesla  Ville  ^iii  vonlûtlestecevoif^ 
&  irai  [V^irïéaaic  oevoaixia  ni  n'oËuit  loiiet 
fe  Maifoa  i  cet  Aubccgifte^  ils  ont  été  con- 
traititis  d'«o  «chtxa  une,  où  il  ne  loge  qi» 
Aee-Gcnaçois.  L'ABbCigÛtedanDédnGoi^, 
a  prfa  Ha  ftébc ,  ctMnme  il  -n'atlott  s^tablir  i 
CoMtaaec  ,  qw  poar  l'atiltté  as  la  CommB- 
nautéi  «««tii  ec  hri iH'CjwËciroit  en  rien,  R 
lui  o«  fee  Ët^aanvouloicOL,  rctoorner  à  Ce* 
noce,  où  il»  ne  Jèrotent  pas  affligez  de  leurs 
Compatriotes  ,  pour  "avoir  demeuré  à  Cou- 
tflnce ,  pai^ue  ce  nVtoit  qu'à  bonne  inten- 
tion ;  &  ^a\a  cxmtraife  on  les  y  reocvioJt 
eotame  GÉat  ati  sftcnent  Jàcriâez  poar  la 
P»trie. 

To8t  ie  menu  Peuple  deCerantsTÎtdete- 
moignage:  ilfi  vont  en  juÔîce  >  fe  prcfiaitent; 
MdM>kufemeiit  devant  le  Tribinal ,  &.poar 
une  laodique  fomme  ils  depofent  ce  qu'on 
leur  fait  dire,  après  avoir  bien  appris  loar  Ic- 
çes.  Il  eft  v^Tûi  que  â  ^uelqu^on  7  tttaoqne , 
ou  n'a  pas  affés  d'cfprit  pour  fbolonir  &  dc- 
podtion  fans  tergîverfer,  îî  reçoit  de  ceitai- 
nés  âëctirures  fort  affitgeantcs  &  foitdeebo- 
aoiftbles;  niais  comme  c'eft  on  uni  prcfquV 


.--„Googlc 


alverfel  dans  te  Bourg  de-OcMuce ,  <on  ne 
t'en  fuit  plufi  une  aflàiR. 

Ce  Folsin  PilkvoAerc  s-":^  ttaia*é  i]t  fia 
lî  Âibtil  en  procei!  que  -chioanuit  -jnriiu'^ix 
CerAncois  même ,  il«  l'ont  chnâS  de  leur 
SïnéKu^c;  ce  qui  l'udtftltgé  de^s'alleréu^ir 
  -Granvilte,  nia1hetif«ilfenKiK-'pQur  cet  agréa- 
ble fejo«r ,  Ville  Franche  (fimpefs ,  dont  IcS 
CJtoïcRi ,  le  meilleHr  Peuple  ^fii  fat  fous  ïp 
Ciel  i  r'woit  dans  la  ph»  graitàefimpHcitid* 
Monde;  mais  depuis  que-ee F-cRamt  IcsnotUt- 
mez  GlHHnpk>n  ,  le  Hou;u«s  ,  Quefnel  i  Ib 
Parc-Couroys ,  Ya<M,  lAngtois,  une  trou- 
pe noiïibreafe-iie  Gerançois ,  &  d'autros  Ca- 
nailles s'y  font  jettei ,  ils  ont  ibufflé  lcor«5- 
prit  de  chicane  daas  le  faa  de  ces  boOnee 
Gens,  du  menu  Peuple  siçHtend,  fi  cnrelle- 
i»ent  qu'il  eft  à  ctoindïe  qa'ili  n'cnfaflcnt 
des  Ciioiens  auffi  conoBipus  que  les  Ceran- 
çois  mSincfi  ;  ce  qui  ferOit'ïWja  arrivé ,  fi  ils 
n'tîtoient  retenus  par  la  crainte  &  l'esemple 
■ie  plufieurs  Perlbnnes  dian  mcritediitingué , 
comnie  Mr.  de  la  Fertiere  leur  Gouverneur, 
Mrs-.  Piquelin  Lieutenant  Genetal  ;  IeSan>- 
Tage  Lieutenant  de  l'Amirauté,  Baubriant, 
J'Eveliîue  Capitaines  de  Vaîffcaai,  Sr.  Pair 
Procoreur  du  Roi,  le  Goq,  Iroifdierc,  fit 
plufîeurs  autres.  Je  les  dte  ici  pour  rendre 
juftice  à  leurs  vertus,  qui  m'ont  beau  coup  é* 
difié;  pendant  que  j'avois  enhorreurdesmî- 
-fcti^les  qui  fitifoient  gloire  de  paffcr  pour  lès 
Perturbataufs  do  repos  pubHc.  j'y  ai  vu  in- 
«nter  un  procei  par  le  nommé  Simon,  pour 
■avoir  pris  une  poulie  dans  une  Haye  le  long 
du  cbcmin,  iia'înconHnent'^rès  il  laiilâ  en- 


4%6  L'Ittquifitwiê  Franfoifi 

v6Ier,  qui  avoit  déjà  coûté  plus  de  dix  mile 
écus.  On  avoit  emendu  plus  de  cent  ténniii» 
de  pan  &  d'uitre.  Prifes  de  Juges  à  pacties  ; 
infcriptions  en  faux;  txciilàtions  de  témoins; 
aucun  des  tours  de  la  chicane  n'avoit  été 
oublié  :  on  y  avoit  impliqué  iufqu'aox  Curez 
&  leurs  Vicuret,  <)ui  avoiem  été  forcez  de 
fulminer  des  cenfures ,  &  qui  ne  pouroient 
s'empêcher  cependant  de  crier  contre  c«s  a- 
Iwt  :  &  fans  doute  cette  aSkîre  ne  fe  termi- 
nera point,  qu'il  n'en  coûte  lavieàplulieun 
qui  feront  pendus  pour  leurs  Ëiullêtei  ■  & 
.  d'autres  qui  i«ront  envolez  aux  Galères  ,  & 
qui  pourront  biw  maudire  la  poulie  à  Si- 
mon. 

Il  &ut  que  Je  vous  dlÛÀ  vm.toutdes  Ceran- 
cois  ,  qui  vous  fera  connottre  le  Génie  de 
.cette  diiUioliqueNuion.  Mr.  Pjqnelin  Lieu- 
tenant General  de  Granvflle ,  qui  cA  un  foit 
honnête  Homme  &  très  Riche,  a  plulieurs 
Terres  aux  environs  de  Gérance,  &  même 
une  qui  par'malheur  fe  trouve  enclavéedans 
lie  territoire  de  Gérance.  Les  habitants  de  ce 
repaire  à  Scélérats  avoicnt  calTé  la  cloche 
de  leur  Egliie.  Il  s'agilToic  de  la  faire  refon- 
dre f  fans  qu'il  Jcur  çn  coûtât  rien.  Voici 
comme  ils  s'y  prirent.  Un  jour  que  le  Père 
de  Mr.  Piqnelin  paÛbit  au  travers  de  Géran- 
ce, pour  aller  à  une  de  fes  Terres  ■  iis  t'ar- 
fêtèrent ,  limulant  dé  lui  vouloir  fiii.re  hon- 
neur; ils  le  forcèrent  de  defcendre  de  fôn  Che- 
val, qu'ilsmireatcheileSindic,  l^us ombre 
d:  lui  vouloir  donner  de  l'avoine.  I/aFemow 
de  ce  Sindic  étoit  Qouvellemetiç  acbuchée.  Ils 
prièrent  cç  vénérable  vieille  de  nommer 
l'En* 


.--„Googlc 


tu  rHiftoire  de  la  BaftUU.  417 

l'En^t,  &  pour  lui&ire  en  apsrence  plus 
d'honneur  ,  ils  lui  denuDderent  en  grâce 
de  fe  chQÏfir  une  Commère  la  plus  bel- 
le &  la  plus  qualifiée  du  lieu  .  pour  te- 
nir l'En&nt  avec  lui.  Le  Bon-Homme  fe 
rendît  à  leurs  importuQitez,  Aptes  la  Céré- 
monie du  Baptême  ,  c'cft  la  coutume  du 
PaVs,  &  de  prefque  toute  la  France,  que  le 
Parain&laMaraine  vont  eux  mêmes  tonner 
les  cloches  de  l'Eglife  ,  &  donnent  de  l'ar- 
gent pour  les  faire  fonner.  Car  c'eft  unetra- 
aition  confiante,  &  dont  la  preuve  a <5té vé- 
rifiée pat'  toutes  les  vieilles  qui  fe  font  luftrécs 
de  plus  d'un  feau  d'eau  bénite,  que  plus  on 
les  fonne,  &  plus  l'EnÊinr  aura  la  voix  bel- 
le. A  peine  le  Bon-Homme  eut-il  mis  la  cor- 
de en  f»  main  ,  pour  ébianlet  la  cloche^ 
qn'ils  accufereni  le  ntJuveau  Compère  d'a- 
voir cafTd  leur  cloche.  Le  Sindic  ,,  malgré 
l'alliance  qu'il  venoit  de  contcafter  avec  lui , 
fut  le  premier  à  depofer  le  fait  contre  fou 
Compère.  Ils  rarrê[ercnt,&proteftereiu qu'ils 
ne  lui  rendroient  pas  fon  ChcvaJ ,  qu'il  n'eAt 
païé  leur  cloche.  Enfin  pourfe  dcbaraffer  de 
ces  Harpies  ,  Mr.  Piquelin  fut  contraint  de  , 
leur  donner  cinquante  écusj  bicnrefolude 
ne  rcpalTer  de  fa  vie  au  travers  de  Cerancc, 
crainte  d'une  pius  funelle  Avantute. 

Ces  bons  Cerancois ,  corrupteurs  du  me- 
nu Peuple  de  Granvillc  ,  ont  defolé  un  des 
Curez  dé  cette  Ville.  C'eft  un  Homme  qui 
eft  de  nailTançe ,  qui  a  de  la  pieté ,  du  zèle  , 
&  du  mérite ,'  &  qui  n'eft  pas  loin  du  Royau- 
-  me  de  Dieu.  Il  s'appelle  du  Hommet  d'une 
trts  ancienne  Noblellè.  Ce  bon  Prélat  las  dé 
T  s  les 

u,:,-,zf--„GoOglc 


438  Vlnquijttian  Framfoifi 

ks  catechi'Icr ,  fans  pouvoir  ]es  faire  lentrer 
«n  eux  mêmes ,  s*aTifadefâiregraverunGru- 
«ifix  ,  amour  da  quel  il  fit  rcpteifenter  Ces 
Loups  raviflknts ,  plutôt  que  fes  Brebis  dans 
tfvcrfts  arimdcs.  Champion  perçoit  le  côté 
de  JESUS-CHRIST,  &  an  delifaus  étoit  é- 
crit.  /1b  1  malheureux  Champio»  tu  ferees  le 
jmfte.  Le  Hognais  ,  Parconroys  ,  &  Ydot 
joiioicnt  an  pied  de  la  Croii  aux  dti  ,  à  qui 
anroit  Ii  Robe  dn  SdgneUE  :  a  c6td  d'eux  on 
Toioit  ces  motsiHaiaxd  ,  pourveu  que  j'en 
aie  la  dépouille.  Folain  étoit  monté  flir  une 
BoQTtqiie  avec  là  Robe  magiftrale  ,  qui.  dîr 
ibit  :  Seriptum  ejl  unum  Mori  pro  Pofula. 
Qaefitel,ftrAn|iols  preftistoieut à  J.C.udc 
éponge  trempée  de  vhiaigre,&  à  côté  rftoité- 
crlt.  Voïons  fi  quelqti*iin  viendra  le  délivrer 
4c  nos  mains-.  Et  divers  auires  habitants  de 
Gérance  étorcnt  autour  de  La  Croix  qui  blaf 
phémoient  contre  le  fils  de  0ieu  ,  fous  la 
Croix  du  quel  on  valoir  ces  mots  gravez  en 
gros  caraâft-es.  O  Ame  Cerançoifc!  com- 
prends l'excès  des  maux  que  j'endure  ,  par 
l'excès  de  ta  malice,  plus  cruelle  que  la I^- 
ce  qui  m'ouvre  le  coPÏ,  que  lesclousquimc 

Serçent  les  pieds  &  les  mains ,  &  que  l'épine 
ont  ma  tfte  e£^  couronnée  pour  ton.amour. 
H  croioic  qu'une  Image  fi  touchante  les  feroît 
rentrer  en  etis  mêmes ,  pour  leur  faire  détec- 
ter leurs  péchei  &  Ct  convertir  ;  mais  elle  ne 
fervit  qu'à  leur  donner  matière  de  chicaner 
leur  Tclé  Pafieur:  &  reunis  tous  ensemble  , 
ils  l'ont  poQrfnivi  d  outrance,  dontleCplé- 
gtte  de  ce  bon  Curé  a  été  ravi.  Il  s'appelle 
(aatiticr,  &  comme  il  a:1uiJB^&I'Âin&tpUr 


.--„Googlc 


on  l'Hipire  de  la  B'é'^k.  439 

te  CeraQcoiCe ,  il  attifoic  le  feu  de  ces  Airies , 
pour  leur  faire  toqrmeufer  foa  Adjoint;  ca» 
l'EgliXe  de  Gcanvill«  «Q  dcGbtvie  par  deuK  Cu-> 
rcz  ,  mais  qui  ieiI«mbJefi;  vtx  Chapons  de 
rente  :  up  bon  &  an  mwvais. 

IjOrfquc  i'achevois  l'Ejog^  de  ces  iHuftrei 
PeiCoaaagiîs  ,  Ry  eatra  i^vcc  nôtre  iJoafé  y 
qui  nous,  fît  changer  de  dîf^^otvs.  Nous  ioa> 
pâmes  affés  legeieincnt ,  ppur  plufieurs  rai- 
ions ,  dont  la  pr«raicFe  éioii  que  nous  n'avions 
rien  de  bon  ,  &  la  féconde  l'indirpotitian  da 
Comte  ;  après  quoi  noua  fûmes  à  l'audiance 
àa.  Prince  &  de  nos  autres  Voilîns ,  devant 
lefquels  le  Comte  fit  briller  fon  cfprît.  Le 
i'rûicc  nous  dit  que  le  leadcmaJfl  il  deroit 
comparoïtie  devtvit  les  Officiers  ,  &  que  H 
BQWS  !c  voulions  voir  par  des  fentes  que  nous 
(avions  pratiquées  pour  cet  effet  dans  la  mn- 
r9iHe,qu'iIs'arrcteroidlQn)ïtcinps devant  nous: 
Je  lui  demandai  comment  il  ferort  habilla  ,. 
puuf  le  micus  difiinguer.  11  nous  dit  qu'il 
prendroit  ce  jour  laun  habit  dePinchina,  a- 
vee  uo  p^flepoil  d'or  ,  &  qu'il  mettroit  unt 
plfUine  Hanche  à  fi>n  chapeau;  ce  qulfaifojt 
faira  des  éclats  de  rire  à  Tozain  fon  Compa- 
gBOQy  i^nt  je  ne  pouvois  deviner  la^caulèi 
mais  quA  l'os  verra  dans  la  iiirte. 

Enfin  nous  continoâmes  nos  converHu 
lions  ,  dont  les  ^réeraents  ,  &  fur  tout  de 
çelk  du  Comta,  (ervoicnt  beaucoup  à  adon- 
ciï  l'amertvtiK  que  m'ayoit  cauf^  rAbb*  de 
la  MQttCi  qui  cependant  s'dioitforthnnuuii- 
ié  depuis.reairiîe du ComtedaasnôtPC Cham- 
bre. Je  medonnois  tous  les  jours  dcsSç^nes 
toiues.dttS  plus  reiouiflântcs.  Je ftifols conter 
T4  au 

u,:,-,zf--„GoOglc 


440  VInftiifitioM  Prtuif^ife 

an  Comte  les  endroits  de  fa  vie  qai  les  regar- 
4oieat  tons  denx  refpeâivcment.  Je  deman- 
dois  an  Comte  ce  qn'ii  anroit  fait  an  Curé  de 
Lery,  fi  il  l'avoit  rencontré.  J'avois  deflHn, 
difbit  le  Comte,  de  debatter  par  lui  faire  don- 
Bcr  le  Ceitiâcat  de  mon  marine  avec  mon 
EpODZe  en  bonne  forme  ;  à  Ion  rcfiis  ,*je 
Faoïoîs  tué  fans  qoartier  :  &  s'il  me  l'avoit 
accordé ,  pour  lai  iàirc  païer  la  peine  qu'il 
m'avoit  donnée  de  courir  après  lui  ,  a.  le 
recompenfer  ftlon  qu'il  le  meritoit  ;  j'avois 
refoln  de  le  mettre  en  état  de  pouvoir  à  l'a- 
venir £tre  un  bon  Curé  ;  car  comme  j'avois 
appris  que  c'étoit  un  Ribaut  toutdesplusdif- 
lolus ,  je  lui  aurois  lait  couper  les  nœnds  de 
'  fes  galanteries ,  avec  le  nez  &  les  oreilles. 
Pendant  ce  récit  l'Atoé  de  la  Motre  fiioit  i 
groflès  gouttes ,  &  faifoît  des  contorlions  de 
poUëdé.  Je  pTcnois  le  parti  du  Curé  de  Lery, 
contre  le  Comte  ,  pour  le  mieux  faire  caa- 
l£r.  Je  lai  rcmontrois  que]  crime  it  auroït 
commis  de  mutiler  un  Prêtre  ;  &  tnncAt  l'im- 
poflïbilité  où  il  auroit  été  d'exécuter  fon  def- 
Icin  :  qu'outre  que  le  Curé  étoit  fort  &  puif 
lànt,  qui  fc  fcroit  biendeffcndu,  illuiauroit 
été  impolTible  d'en  faire  unEunuquedahs  rai 
Pays  étranger  où  ce  Prêtre  auroit  trouvé  dn 
lècours.  S'ils'éioit  biendcS'endUtreprenoitle 
Comte  ,  j'aurois  pris  le  parti  de  lui  ôter  1* 
vie ,  pour  le  mieux  mettre  en  madifpoUtioD, 
&pouvoir  plus  facilement  exécuter  mon  deP- 
iein.  Et  pour  n'être  point  furpris  ep  âilànt 
mon  coup,  je  l'aurois  fait  attirer  par  une  Fil- 
le de  joie  dans  un  lieu  écarté  ,  où  il  auroit 
éié  à  ma.  difcietioo ,  fans  que  j^eoflè  conni  le 
•    moin- 


.--„Googlc 


•«  Fffijloire  Je  la  BaJiUU.  441' 

itioîndr'e  hazard.  Tantôt  je  demandois  au 
Comte  ce-quc  c'étoit  que  le  Curé  de  Lery.- 
Je  lui  difois  ,  que  l'on  m'avoit  voulu  per- 
iuader,  que  c'étoit  un  Prélat  de  confequen- 
ce  ;  que  même  fon  Bénéfice  alloit  du  pair  a- 
vec  les  Evichei  :  qu'il  me  fouvcnoit  d'avoir 
]u  dans  la  Gazette ,  lorfque  cet  Ahbé  avoit 
£ut  abjuration  de  la  Religion  Romaine  à 
Londres,  que  l'Ëvéqne  deLeryavoitreaon- 
ce  à  lès  erreurs  ;  &  que  j'avois  toujours  ea-  • 
tendu  dire,  que  fa  Famille  étoit  desplu£dif< 
tmguéedu  Pays,  &'toat  à  fait  honorable.  Il 
n'y  a  pas  d'Homme  qui  puiflî  vous  en  parler  ' 
plus  cettainement  que  moi ,  reprenoit  le 
Comte  :  j'ai  été  fur  les  lieux ,  oùj'ai  fçu  que 
hi  Cure  de  Ler-y  ne  valloît  pas  plus  de  quatre  ~ 
cents  livres  de  revenu,  &  dans  les  meilleures' 
Années  cinq  -cents  livres  tout  au  plus.  Quand 
à  fa  Famille,  j'ai  vu  fon  Père  &  fa  Mère;  je 
les  ai  interrogez  plufîeurs  fois  ;  ce  font  de 
bonnes  &  pauvres  Gents  ,  qui  fcroient  ré- 
duits à  l'aumdnc  ,  fans  leur  Fils  atné^,  qui 
eft  un  (impIe-Labouteor,  qui  les  &it  fuÙî- 
fl«r  des  Terres  qu'il  tient  à  terme  de  Mr.  le 
Cardinal  de  BoiJiilon.  La  dernière  fois  que  je  ' 
l'ai  vu,  après  l'avoirlong-tcmpsattenduchez  ' 
lai,  je-  l'y  vis  arriver,  avec  fa  chartie,  ,vo 
naot  del^xMirer  la  terre,  couvert  d'un  Sarot 
de  toile  ,  qu'il  avoit  mis  par  deffas  un  gros  ■ 
habit  de  reveche,  pour  fcgarantirdelabotiei 
arant  plut  de  deui  livres  de  -clous  fous  fes  ' 
fouliers,  avec  des  bas  de  toille  à  fes  jambes.  - 
Pendant  tout  ce*tecic  le  Curé  de  Ltry  étoit  - 
dans  des  convullions  épouvantables,-  &  faî-  ' 
Ijut' Ambiant  de  chantée  une  Antienne  de  fon  ' 
T-j.  Bïe-- 


4|S  LTiipiifiiiim  ^ampoifi 

'Ësevmre  *  il  difoit  ea  plaiocbaat.  /mfam$ 
ttrtt  (  memtitKr  imfmMi ,  impMmt ,  impmu  : 
ÀiUimf-  PoQr  éprouver  la  âncerk<!  du  Com- 
te, je  lui  âemaodojs  d«s  fîuit  positifs  qae  je 
içavois  du  Curé  :  p&r  esemplc  :  cojmbieo  il  a- 
voit  dioanii  >a  Curé  pour  faire  la  ccrcanonie 
4e  fou  Diariaee?  ce  qnc  c'étoit  que  le  Châ- 
teau du  ]9ois%oger?  A  quoi  it  me  répondit 
coofonnaneat  à  n  qije  m'en  avoit  die  le 
Frttre;  qu'il  lui  avok  doantf  diiLatiisd'or, 
jponr  être  venu  de  Lt^y  i  Roiicncelebrerfon 
mariage.  Que  le  Boifi-Rogçc  ayoit  aiUrefois 
Mi  ooe  fort  belle  Terre,  &très  Sctgueurisr 
le,  jB^s  qat  étoii  touK  délabrée  &  s'en  alloit 
«D  raine  par  la  négligence  de  ra,Fetnme  :  que 
"les  mors  du  Château  étaient  à  moiriérenver- 
ifX;  ftqu'il  n'i  avait  ni  ocdre,  ntœcoaooue 
dans  cette  Maifoii.  Aii^i  je  conjeâuroisde 
là ,  &  de  tout  ec  <^e  n^ea  avoit  dit  Sorel  lui. 
m^tXK ,  que  le  r^rt  4u  CoDHe.  écpit  &tr 
être. 

Il  Et  cette  Afioée  àe&  cbaJeors  exccHiHes  : 
«lies  furent  caufe  que  le  Comte  &  l'Abbé  fe 
ptouRnorent  danslaQiambfe,nHÛs  encbeoii- 
ft,  l'Afabé  vonlin  pqullêr  ta  galanterie  plu 
loin,  &  qwtter  â  cbemilc;  mais  j«pn>tcaai 
que  je  ne  le  fouiirirois  abfolâment  pas  ;  &  je 
lui  affirmai,  qœ  je  demaudcrois  a^ec  en)- 
pnûèmcat  ï  être  Icpaié  s'il  voulait  pouilèi 
ioa  itnpudcace  1  l'excès,  il  en  fi»  li  outr^ 
que  dès  le  foir  ;  c'Apit  le  premier  jour  de 
Juillet,  il  doniu  «a  billet,  att.Poae-Cl«& 
Les  fokes  nous,  âreno  jwei  ce  qu'il  conte- 
noit;'  car  dès  le  leOdetsun  ao  cnuia  on  fîJt 
fiE^  Ittf  PdfiMuticrs  d«  J>  CaIoir  :  nais  ili 


.--„Googlc 


OH  tHifithe  de  la  BtifiUit.  443 

que  tés  Officiers  leiuprote^ei»,  9i^'iIifça-> 
voient  li^  qv'its  iivoieM  coomMfBicatioa  a. 
vec  c4ni  4«  1»  Quktri^e  Chambi'e ,  &avec 
Doat,i{9  ne  le  \ew  pvcot  f»ire  avouer ,  &  in- 
dtfbitihJement  fi  no»  Voirms  delaQuatifém^ 
aVQWOt  q£  de  la  Qléme  precamion ,  les  Qffi- 
<;ier».ncU0UvaM  rien  ,  luuoient  pu  accxûir 
l'Abbé  d'iiBpoAare  &  d«  calomnie.  Mais  é^ 
tant-  venu  vifiiei  les  deux  Piiiaankts  Ac  ta 
QatttiéoK  V  i^  trouvaient  leor  tnou  cHcom- 
toui  ovveni  qu'ils  avoiem  eu  Cput  le  tcni|i» 
4e  Éecàm-  ht*  Offict«fs  p«ilemu  dans  te* 
trtw,  povr  decouTiir  où  il  «voit  commnDÎ* 
cation,  &  l'Abbé  de  laMotHicouratBrcHnfH- 
tçmcnt  Ibufi  la  cheminée  leur  rçpondro.  Ils- 
vinrent  eofUkc  dans  nôtre  Chambre,  oq  il» 
61CIU  gcvul  bttult  :  ce  que  le  Comcc  A  moi- 
nons  reçames  d'un  lï  grand  faiig  âroid  >  pean 
daot  q»a  VAittié  en  teinoiguoit  uaejoïu  eir 
ceflîve-,  qu'ils  doutojeat  encore  de  la  chofe.- 
C^eodant  dès  le  lendeoiaia  ce  ât  forttr  le 
Pfiocï  &  Tozain  de  leot  Chionfarfi:  ncas  ne 
dDUtÂmes  pat  Qoe  ce  ne  (Cm  potu-les  mettie- 
au  Cacbot,  &  nous  aow  attendiotisbicoil* 
même  deflio^e.  Voiam  bien  d'où  Jious  pai- 
toJent  ces  coups ,  le  Comte  «a  vonlait  rer- 
cooipeiifcc  J' Auteur ,  ce  qu'il  aiaoit^t&iis- 
mot  11}}  l'en  erap^tiat  i  ep  liù  es  f^tûnt  roif^ 
Ui  cqnfeqiMQces.  Deuxjows  af»»  ,  le  6. 
Juillet  les  Prifonniers  de  la  Calotte  «  eurent 
la  même  dellioée  &  fqrtat  eafemm  daps  ]c 
Culiot  ds  1*  laioit  Tour  ■  qui  ttâiràspasnr' 
'  &  Ctès  aftreuXf  mus  qae  Bernaritle  a  Dcpdu-- 
semble,  eabouetunt  toiw  Iwfouptri^uds' 
T.  tf.  ce.- 


.--„Googlc 


4W  £*2»f«{fow«  FrdMfwJr 

oe  fbntemiti  tenetweax  ;  en  ïbrte  qu'il  dV 
eatre  à  prêtent  d'autre  m ,  que  celui  qui  pai- 
&  au  travers  des  Latrines.  C'efl  dans  cet  a- 
n^able  fejour  où  Gringalet  fut  près  de  fcpt 
Mois,  &  où  it  auroitété  plus  longtemps,  S- 
je  n'avois  pas  étépreudre  là  place.  Ce  fut-U 

3n'il  acheva  de  fe  perfiiader  qu'rl  avoit  reçu 
a  Ciel  ta  PliUofo{riiie  par  infulioa^  comme- 
Salomoo ,  quoiqu'il  ait  fait  £bn  Cours  de  Phi- 
lofophie  à  Genève  dans  la  Boudqoe  d'un  Re- 
lieur de  Livres ,  dont  il  ne  pat  arorendre  le 
Bi^tier  ;  &  dans  cet  Antre  de  la  Sybile  Gu- 
inée. Il  forma  aparemmem  le  deflein  de  Cts- 
Reflezicms  fur  quatre  Queflions.  Qui  Aiis-je  ^ 
Où  &is-je  ?  Qui  m'y  a  mis?  Et  pourquoi }  dont 
il  ne  donne  pas  une  feule  niilon  dans  toutlc- 
Corps  de  Ton  Livre  i  &  fcs  Effiùs  Piiilorophi- 
qnes  &  ThcoIogiqueE ,  1  fublimes  que  je  ne- 
^che  encore  Pnfonne'  qui  en  ait  pu  péné- 
trer le  fens:  &  fi  riliWes  qu'on  dit  en  prover- 
be aujourd'hui ,  qu'tu)  Homme  Gringalifè  , 
quanu  il.  donne  dans  le  Galimatias  outré. 
Kous  demeuHlmes  doaç^privez  de  focièté  IC' 
Comte  &.  moi  antre  que  celle  de  l'Abbé  de- 
la  Motte,  dont,  nous  nom  ferions  paflèz  a-' 
vec  plailîr.  Nontoousentretenionstoasdeux- 
ibrt  agréablement,  ce  qui  faifoit  enrager' 
l'Abbé  ,  croiaiu  toujours  que  c'étoit  de  lui 
que  nous  parlions ,  quoique  tons. deux  nous- 
enffîons  Touin  de  tout  nôtre  cceut  n*7  penfcr 
de  la  vie. 

]1  y  «voit  près  d'un  Mois  que  le  Conucé- 

t&it  avec  nous,  lorfque  le  Major  vint  )e  24. 

de.  juillet  de  l'Année  1703.  lui  dire  de  s'ba- 

bpler,  f^s  jamais  vouloii  lui  en  ^prendre' 

le. 


Coo^jlc 


0»  fUiJhiri  dt  U  Baplle.  445 

le  fujet  ;  il  permit  même  que  je  l'embraiîàfle 
pour  lui  dire  adieu ,  ïàns  daigner  aous  dire , 
il  va  revenir  dans  peu.  Troo  heures  après  le 
Major  ramena  le  Comte  de  Brederode  dans 
nôtre  Chambre,  qui  ne  faifuit  que  Ibupirer  , 
fans  pouvoir  dire  un  féal  mat.  A  la  tin  re» 
venu  de  f^  furprife  :  6  Dieu  dîr-il  les  cruelles 
Getits  que  le»  Admini  orateur  s  de  la  Baflille  ! 
Sçavcï-voas  bien  pourquoi  l'on  me  fait  ge^ 
mir  dans  cette  Caverne  Diabolique^  pour- 
quoi l'on  m'vtraitte comme uaBai)dit?pour- 
quoî  l'oB  m  a  rendu  le  plus  malheureux  ds 
tous  les  Hommes  ?  C'elt,  continua- t-il,  pour 
avoir  eu  la  curiofit^  de  voir  lever ,un  trefor  ; 
©u  plutôt  pour  avoir  voulu  voir  ,  jufqu'oû 
une  jeune  Fille  de  dix  fept  Ans  pouUèroic  fa 
témérité.  Après  il  me  tira  à  part  proche  de  la 
fenêtre,  pour  ne  pas  être  entendu  de  l'Abbé 
de  la  Motte.  Ecoutei,  me  dit-il,  uue  chofe 
des  plus  [jrodieieufes  que  vous  aîez  entendu 
eu  votre  vie.  Voici  le  lait. 

Je  traverfois  uiijour  la  Grévc>  lor&u'an 
Prieur  qui  elt  de  Caên  ,  qui  s'appelle  Pinel, 
que  je  connoifTois  depuis  quelque  temps  , 
m'appella-,  d'an  Cabaret  où  il  étoît  à  boire 
avec  un  Turc  uommé  Acmet.  Après  m'a- 
voir  prié  de  boire  avec  eux-,,  il  dit  qu'il  voa- 
]oit  faire  ma  fornine  ;  &  me  demanda  fi  je 
n'auroîs  pas  de  peur  du Di abl e  ?  Je  âis  curieux 
de  l^avotr  ce  qo'il  mevouJoîtdire,  &  à  quoi 
aboutiroient.  f^  queflioiis;  Il jne  dit,. qu'ils, 
dévoient  lever  un  Trefor  qui.étoit  dans  une 
caverde  à  Arcudl  :  que  .tout,  écoit  préparé' 
pour  &ire  reuffir  la  chdfe,  &  que  des  le  ibtr- 
mtoie'je  n'en  dottterois  pas,  fi  j'avoisl'ainu 
T  7  na-) 


.--„Googlc 


44$  L'iK^Mifitùnt  Fran^iff   . 

rance  d'en  écie  le  témoin  ;  &  que  je  ptrtar 
gerois  xvbc  eux  tes  tbaaaes  immentes  qw 
compafoient  ce  Treror.  Je  vottius  tOOf^ 
aer  la  chofc  en  ridicule.  Il  y  a  long-tcan 
lui  dis-j«  ,  que  j'ai  eniendu  dire  ,  qu'il,'] 
lin  TreîbrdafK  1»  Caverne  d'Arcueîl  ;  4 

je  ne  puis  comprendre  comnwilti  ai  pt , 

qaoi  le  DiaUe  s'en  met  en  poffèffioQ  ;'-t^' 
encore  moins,  coimncni:  <y>i^ës  s'es  ,4Btli 
mit  eu  pofkOiioa ,-  il  cft  mei  fot  pQvmM 
linvf  an  commandement  A'vn  Prto:e  «■  OB 
d'un  Ihlagicien.  Abus  que  tottf  cela  >.  .. 
j'7  «joule  li  peu  de  foi  ^  -  qu«  loia  4'av(i£ 
peur  de  oce  prétendus  cjotciÛBes,  je  vtm 
vcrrols  faire  toutes  vos  raomenei  isps  h 
maittdrc  Émotiou.  Car  croïe«  vous  âe  botlr 
oe  ibi  ,  que  U  ¥ntci  d'une  étQlc ,  d'm 
pea  d'esM ,  d'un  figue  4e  croix ,  ou  de  (put: 
ques  grains^  de  fct ,  foît  durable  de  foccer  H- 
Diable  à  voiu  enrichir  à  ptâiâr?  Moii  cliet 
Comte,  reprit  le  Prient,  vcnec  avec  oouièB- 
lenient ,  Toie^  fetoie  Se  rofolu  ,  ^  vous  ne 
doQterez  ptqs  de  vôtre  bonheur  &  in  nàtie. 
Qnfft  eft  le  Mjgicicq  &  le  Prêtre ,  dis-je, 
qai  doivent  fkiu  )a  ccfemonic  ?  I^  Piètre  1 
e'é&iRôi,  dit  le  Prieur,  i9i  leM^icj»voiil 
ftTpreadca  bien  ,■•  quand  vovs  le  vsrrn  ici, 
où  Jl  &  4ojt  rendre  dans  m»  hewe.  £d  efGa 
(tenitt  qM  l<hnu»  ^  éoaalée ,  j«  vis  «ft^ 
rot  fbxemiVKrûMMK»  y  dont  je  ctMOoifibJii 
iéjz  lar  plupttit.  L'on  fe  noomMitr  IfiChe- 
waJiof,  cléwriMip  fcofln  ,  BreïeBr  «k  fws 
ééienntaïf  ;  onaatfetioiiSBé£>tvAuxS«*g««9t 
(hnc  4e  Ragiment  de  U  Chlrre  \  Un  Berger 
■onuU  Pïcc«^  àa  Village  <kt  Vsa-Gîivd 


-n        ./-r 


,Coojlc     j'SSi» 


.Coojlc 


>«  rHiftairt  dt  U  Baille.  4M 
aux  enviroBS  de  Paris  :  c'étoit  lui  qui  avolt 
îiidiqu^  le  Trefer  ,  &  gagné  le  Jurdûiier  de 
Mad.  d'Aicueii ,  qui  leor  d«voU  ouvrir  la 
pone  du  JudJQ  ,  &  les  introduire  dans  la 
Caverne  ;  Mad.  Daligai  Femme  d'un  Cvgi- 
taine  du  Régiment  Roïal  ;  c'^toit  etie  qui 
foumilfoit  le  Grimoire  ou  Uvre  Ceremoaiel 
pour  îuvoquer  le  \>\^g.  Je  voulus  rou- 
vrir ,  mais  on  ne  me  donna  pu  le  ttttpi  d'; 
lite  ,  c'était  ua  vieu2  Bouquia  écrit  en  let- 
tres Gothiques  ,  que  Mad.  Oaligo;  loutc- 
trenibluite  m'arracha  des  tiiains.  Ils  avotent 
encore  avec  eux  une  pmite  Fille  de  iàzt  à 
dîs-lept  Ans;  c'étoif  une  brune  fort  jolie  & 
fort  éveillée  ,  qui  s'appelloit  Mariane  j  elle 
^toitdeBourdeaiUjOudes  environs-  I^Cbe- 
valier  après  m'avoir  faiué  en  entrant  ,  de- 
manda au  Prieur  s'il  a^oît  eu  foi»  de  leur 
faire  faire  à  foupc.  Tout  eft  prêt ,  dit-il,  & 
l'on  fervira  quand  vous  voudrez.  FaîKsvî* 
te,  dit  le  Cbevalkr,  car  on  ne  peut  pas  Être 
moins  de  deux  tieores  à  taUe,  &  il  y  a  um 
bonne  contfe  d'ici  à  Arcuell,  oùilaws/w 
atrivei  pteciTeineiit  avant  minait.  Ccu  qui 
ne  me  connwlToieDt  pat.,  deinind^ent  qtu 
i'âois.  C'eû  ua  brave  Hoaune  dit  k  Cheva- 
lier ,  &  de  la  fermeté  duquel  yt  repcadh 
P'abord  Je  crus  que  le  Beigec  état  le  Mftf 
gicien^  car  d'ordiBsice  OQ  utribttc  beMccnq» 
de  vertus  l  ce$Rtt(lre5.^ae«*Hs-  nw^i«^ 
bieo  étonné  ,  ^and  1«.  Prient  oœbral&utt  ta 
petite  GafcoBue  ,  &  LÀ  memuit  fw  fies,  ge- 
noux. Cette  bell«  Ënfiu»,  inc  dit-il ,  i)'«A* 
elle  pas  bien  propre  ï  dontier  de  la  tcmsvt  ^ 
Elle  me  donaetoit  plutûi  de  i'aioov  y  'Vf 
4t 


Coo^jlc" 


44^  Vlitqtiijltia»  Fraiifoifr 

de  J»  crainte,  lui  repondis-je,  Ellefairpour- 
eant  trembler  le  Diable,  reprit-i!,  ftluicom- 
mande  i  la  baguette,  comme  vons  le  verrez 
tantôt.     C'cft  donc  là  vôtre  Magicien  ?  con- 
tînusi-je,    &  où  en  avei  vous  tant  appris  la 
belle  Enftnt' ?  ■   C'eft  une  fcience  dit  clic  , 
qui  nous  vient  de  Père  en  Fils-;  &  mon  Père    , 
était  un  des  plus  habiles  Hommes  des  envi-    ' 
rons  des  Landes  de  Boutdeauz,  quoique  ce 
fût  un  Berger  ,    cent  Pois  il  a  fw't  defcendre    ' 
la  Lune  ,  comme  je  l'ai  ■vu  moi-même  ,   & 
dancerleSoleil,a«ffibienque  lesFilles qui  lui 
plaifoicnt  le  frfus,  toutes   niies.    Il  avoît  un 
don  tout  particulier   pour  trouver  des  Tre- 
fors  ,    des  Sources  ,  &  des  chofes  perdues. 
Aparcmmeiit,  repris-je,  qu'il  quitta  Heo-tôt 
la  profeffion  de  Berger  ,   &  qu'il  eil  mort , 
tout  au  mohis  Prefidcntau  Parlement  de  Gu- 
yenne.    Patience  ,  me  dit-elle  ,  vous  ftites 
le  railleur  à  prefent  ,  mais  quand  vous  ver- 
Kl  tantôt  ce  que  je  fçai  faire,  vous  chaaec- 
wt  bien  de  langage  &  de  fentiments.  Onftr- 
TTl  fort  bien  i  foupé  ,  où  tout  te  Monde  fit 
très  bien  fou  devoir  ;    fur  tout  la  petite  Ma- 
gicienne.    Le  Prieur  qiie  je- connus  bientôt 
pour  être  le  Renautdefon  Armidc,  tontdes 
f4us  enchantez ,  avoit  foin  de  lui  garnir  fon 
affiette;  &  elle  celui  de  la  dégarnir  d'unevi- 
teffe  incroiiU)le,    Si  elle  mangeait  bien  ^  el- 
le bavoit  encore  Tnieui ,  &  lans  ceflcbaifoit 
^rOntement 'le  Prieur,  qui  en  étoit  idol^. 
Le  Chevalier  e»  cbatoit  à  Mad.  Daligny  , 
&  moi.jegardois-lesmanteaui.Qnand  nous 
ffimes  prêts  à  partir  dans  d«  Fiacres,  qu'on 
fit' venir  pour,  cet  «fl«,  j'envoiai  le  Garçon 
■  .  de- 


.--„Googlc 


tKrHipirtdeUSaftiUt.  .  449 
de  l' Auberge  m'acheter  un  fnzU ,  de  la  mè- 
che, des  alumettes,  &  une  bougie':  j'en  fis 
T'éprcuve  ;  après  nous  nous  mîmes  en  che- 
min. Nous  arrivâmes  à- Arcueil  :  le  Jardi- 
nier nous  ouvrit  la  porte  du  Jardin ,  &  nous 
couduifit  dans  l'Antre  de  la  Sibile. .  CVtoit 
une  Caverne  très  obfcure  &  profonde  :  où 
étant  entré ,  je  fis  du  feu  î  j'allumai  ma  bon- 

fie;  je  tirai  mon  épée  du  fourreau,  &jevi- 
tai  tous  les  rctoinsdc  la  Caverne,  pendant 
que  Mariane  fe  deshabîiloit.'  Elle  y  entra 
niie  en  chemife  ,  les  cheveux  lîpars  ,  une 
bougie  de  poiï  raifiue  noircie  en  une  main, 
&  le  Livre  myilérieux  en  l'autre.  Je  voulus 
l'y  fuivre.  Arrête  téméraire  ,  me  dit -elle 
d'un  air  furieus ,  &  garde  toi  bien  d'j;  entrer 
queje  ne  tlappelle  ;  il  t'en  couteroit  cher. 
Elle  appellale  Chevalier,  &  lui  ordonnade 
me  retenir.  Nous  reftâmes  tous  deor  à  l'en- 
trée de  la  Caverne  ,  dont  nôtre  compagnie 
s'éloigna  par  refpeâ  ,  ou  par  crainte.  Uq 
quart  d'heure  après  qu'elle  fat  dans  la  Caver- 
ne nous  l'enteiidimcs  diftinâement  parler  à 
quelqu'un,  &  lui  commander  d*un  ton  im- 
pératif,  ferme  &  refolu.  Je  diftîngoai  fort 
bien  qu'elle  lui  difoit.  Voilà  bien  des  fois 
que  tu  me  remets  ;  je  veux ,  j'entends  ,  & 
j'ordonne  que  tu  me  le  livres  prefeniement. 
Tu  ne  gagneras  rien  fur  moi ,  cette  nurt, 
reprît  le  iJiable  prétendu  ,  ne  tp'importune 
plus,  il  y  a  irop  de  monde  avec  toi,  &  fi 
ton  Prieur  enrre,  ou  ^ui  que  ce  fait ,  i^'ï'* 
torderai  le  cou  devant  toi.  Je  t'en  empêche- 
rai bien  lui  dit-elle.  Tremble  pour  toi-mé- 
mc,  reprit-il,  vH  careflèrtoû  Prieur-,  fors. 


410  I/hqiùfitUn  FrMHfoifc 

&  ne  m'importune  plos.  Elle  voulut  nplt- 
qucr  :  nous  entendîmes  qu'il  la  frappoit  à 
outiaace;  ce  qui  la  faifoit  ciiec  de  toute  fa 
force.  Je  voulus  m'avaucer  dans  la.  Caver- 
ne i'épée  à  ]a  main  pour  la  fecourir  :  mais 
le  Chevalier  m'en  empêcha,  il  me  retint  eu 
me  difant,  que  j'étois  un  Homme  perdu,  fi 
j'avançois  quatre  pas.  Va  ,  dit  la  voii  qui 
pailoit  à  Maiiane ,  dis  à  ton  Faniâron  qu'il 
entre  }  &  fur  tout  ne  reviens  pas  ici  que  Je 
ne  t'en  donne  la  permijTiou.  £llc  fonic  tou' 
tefurîeufc,  en  dilaiit.  Vatrompeur,  vamé- 
cbant  ,  je  ne  me  fierai  plus  jamais  en  toi. 
5a  chandelle  dtoit  étciutc  ;  ce  qui  fit  ,  que 
je  voulus  allumer  ma  bougit;;  mais  elle  me 
pria  de  n'en  rien  faire  ,  difant  qu'elle  étoit 
toute  niie ,  que  fa  chemife  étoit  reliée  dans 
1i..Cavérne,  Je  voulus  voir,  fi  c'étoit  lavc- 
tîl6  ;  mais  elle  s'échappa  dinfi'l'obfcurit^  , 
d'une  vitcilc  qui  me  la  déroba  bien-tôt.  El- 
le^soutut  vers  fon  Prieur,  &  aïant  pris  fon 
lupon  ,  elle  nous  appella  ,  &  me  dît  d'allu- 
mer luabouKii:,  pourvoiràsbleffures.  Nous 
vimes  Utr  le  plus  beau  corps  de  Femme  qu'il 
ibit  poilible  de  voir,  des  aicurtriffures  tciri- 
blcs  :  elle  feigiioit  au  nez, par  la  bouche,  & 
avoir  les  >eux  tous  étiuccllajits;  &  après  a- 
voir  repris,  (à  Cimare  ,  elle  eut  le  courage 
de  rentrer  dans  laCaverne,  &  d'y  reprcniCc 
fa  chemife,  fou  Livre  &facbaiiaelle  diabo- 
^que.  Le.  Ptleiit  en  pleurant  lui  frotta  fes 
plaies  a:vec.  de  Teau  de  la  Reine  d'Hongrie. 
Ce  qu'il  y  a  de  prodigieux  ,  c'efl  qu'elle  ne 
répandit  pùnoe  laiine,  &  ne  poulla  pas  un 
foupar  ,    hors  tes  cris  que  nous  lut  «ntendî- 


.--„Googlc 


eu  PHiftoire  dt  la  BëflilU.  4J  i 

mes  faire.  Nous  remontâmes  en  Carofle, 
&  nous  retournâmes  à  Paris.  Le  Prieur  a- 
ïiiena  la  Magicienne  chez  lui  ,  aparemment 
pour  mieux  lui  frotter  fcs  plaies.  A'rôtrc 
lèparatiou  ,  nous  nous  donnâmes  rendez- 
vous  dans  trois  jours. 

,  Je  fus  me  coucher  dans  mon  Auberge, 
fans  pouvoir  rien  conclure  de  ce  que  je  ve- 
nois  dï  voir  &  d'entendre.  Au  jour  marr 
que  je  ne  manquai  pas  de  me  trouver  aa 
rendez-vous.  Tous  nos  Gens  y  ^toîent", 
Marianne  Jùr  tout  éveïUëe  comme  utie 
Caitlet  qui  ne  fi;  foQveuoir  pTus  que  !e  Dia- 
ble l'avoic  battue  ,  &  deux  autres  vilages  à 
moi  inconnus.  Après  avoir  bien  dîné,  nous 
-  montâmes  en,  Carolfe .  environipiidî,  pour 
nous  rendre  dans-  un  Parc  ,  qui  apartenoit 
à- un  des  IncOnnur,  qui,  fi  je  ne  mé  tromr 
ce  s'appelloft  des  Marets  ^  fcitUé  i'  tiôft 
^Heiies  de  Paris  ,.  où  fe  dcvoit  paUer  la  Scè- 
ne. Après  que  Marianne  eut  fait  jurer  au 
Propriétaire  qu'il  n'y  avoit  que  nous  dans  le 
Parc,  dont  en  outre  elle  nous  fit  faite  exac- 
tement la  reviie  ;  elle  nous  polla  tous  à  di- 
verfes  inHances  les  uns  des  autres  ,  avecdes 
cérémonies  toutes  ridicules;,  faîfant  des  cer-' 
clés  autour  de  nous ,  avec  deffenfes'd'en  (br- 
tir  pour  quelque  (ujctque  ce  pût-Être.  Com- 
me l'Aûe  fe  paflà  à  trois  heures  après  midi  y 
que  le  jour  Étoît  fort  beau  ,  je  n'en  perdis 
aucune  circonilance.  Nôtre  Medée  fe  mît 
au  milieu  de  nous.  furunHcuémin£ot,d*oû. 
nous  lavoïons  tous  très  diflinâement,  EUj 
le  debutla  par  fe  decoêffer ,  &  peiçuer  fe*. 
cheveux  ;  après  elle  fe  mit  toute  niie  ;  prit 
,  loa 

.Coogic 


44  3  L'In^Mifition  Fra»fmfe 

(bn  Livre  ■  lut  dedans  avec  des  àgîtatiotK 
terribles.  Elle  fc  piqua  au  bras  avec  un  ga- 
nif,  &  écrivit  avec  fonfang  fur  une  feuille 
de  papier.  Nous  vîmes  alors  paroître  de 
loin  des  Cavaliers  vêtus  de  rouge  ,  de  verd 
&  de  bleu  qui  fembloient  voltiger.  Alorsel- 
le  fe  leva  debout  à  deui  pieds  iiir  fon  Livr^ 
toute  niie;  les  chevcui  ,  qu'elle  avoir  ailcz 
beaux  ,  &  ca  allez  grande  quantité  ;  épart 
fur  tes  épaules  ,  tenant  le  papier  ,  dans  Ict. 
quel  elle  avoii  écrit  en  fâ  maiii.  Nouï  U 
vimcs  s'élever  plulîeurs  fois  de  là  hautOit 
de  quatre  à  cinq  pieds  au  deÛùs  de  foa  là-' 
vre ,  &  demeurer  quelque  temps  fuipenfffiç 
en  I  air,  &  agittée  ,  comme  fi  quelque  veçt 
l'avoit  voulu  emporter".  &  qui  faifoit  flotat 
fes  cheveux  avec  violence,  fans  qû'êlfè  ffl 
jncun  mouvement  de  fon  corps.  A  lafin  C|& 
le  ftit  élevée  ()lus  iiaut  ,  &  tout  d'un  coiW 
vn  tcforbillon  l'emporta  en  l'aîr,  &  dans  on 
ioftant  elle  difparut.  C'étoit  fur  les  quàre 
heures  dans  Tes  beaux  jours.  Nous  fiimes 
près  d'une  heure ,  fans  la  voir.  Je  corn; 
inençois  à  perdre  patience,  auffi  Ixeh  quele 
Chevalier  &  mes  autres  Compagnons  en- 
chantez ,  lorfque  le  Prieur  Pibçl  fe  mit  i 
nous  crier,  aullî  bien  qile  le  Berger,  que  fut 
les  yeux  de  nôtre  tÉte,  nous  n'euflîons  pas  à 
branler  de  nôtre  place.  Nous  peftîons  "de 
tout  nôtre  cœur'  courre  Mariane  ,  lorfque 
noiis  aperçûmes  encorevoltigerde  loin ,  les  ■ 
mêmes  Gavaliersverds,  rouges&bleus,  que 
nous  avions  veu;  &  tout  d'un  coup  un  tour- 
trtJlonrapona  Mariane,  qui  tomba  fur  iùa 
Livre  en  nous  appellant  à  fonfecours.  Nous 
.        -  1 

u,:,-,zf-"-„  Google 


/rs^ 


.--„Googlc 


iuTJSfioire  Jtla  BaflilU.  4f) 

Y  coammcs  :  çUe  n'étoit  pas  recoauoii&ble. 
Elle  avoit  le  viGigc  &  le  corps  tout  meurtri: 
elle  avoit  deux  boiïès  au  ftotit  au  deQîis  des 
yeux  ,  .^oll^S' chacune  comme  la  moitié 
a*un  œuf  :  Elle  fcîçnwt  en  divers  cudroits 
de  foa  Corps  ;  &  les  épaules  &  fes  cuiUès 
rembloiént  avoir  été  flagellées.  Il  fallut 
l'emporter  dans  la  Maifon  du  Parc  pour  la 
foulager.  Le  Prieur  étoic  incoiifplable.  Notts 
l^fsâmes  uôtte  Compagnie  lui  donner  les  fe- 
courS'dont  elle  avoit  befoin,  &  nous  prîmes 
congé  d'eux.  En  fortactdu  Parc. à  plusde 
ç'm<^  cents  pas  du  lieu  où  s'éioit  paiTé  l'acr 
tinn,  je  trouvd  la  plume  ,  de  laquelle  Ma- 
riane  s'étoit  ferviepour  écrire,  encore  toute 
■teiatç  de  fon  fang.  Le  Chevalier&moinDoc 
momâmesen  Caroflê,  pour  nous  en  retout- 
net  à  Paris.  A  peine  pouvions  nous  croire 
ce-que  nous  avions  vil;  &nousne  pouvions 
affei  admirfcr  l'effronterie  &  la  témérité  d'u- 
Qc  jeune  Fille  {\  tendre  &  Il 'belle.  Mais 
nous  ne  pûmes  jamais  pénétrer  ,  à  quel  def- 
ftto  elle  avoit  ffut  cette  Scène  tragique  & 
iànglantc;  quoique  le  Chevalier  m'affirmât, 
-«tue  Piael  lui  avoit  dit  en  confidence  ,  que 
le  Diable  lui  devoir  tertnerîc  jour,  &rhea- 
r.e  qu'il  lui  devoit  livrer  fon  Trcfor  ;  po^ 
^lité  àlaquetle  noï  raifonnemens  nousfour- 
jiiiroient  une  infinité  d'obflacles. 

Je  me  trouvai  cûcore  à  une  pareille  mo- 
-jnerie  qui  le  fit  à  la  Salpçtriére,  &  àuaeaQ- 
trcqui  fe  ont  au  dcffous  de  Montmartre  : 
mais  je  n'y  voulus  plus  relo.ur{ier,  quandje 
vis  qn^  toiis  ces  fpeâacles  n'^utiflbient qu'à. 
des  4«iQHements  aÔteujL ,  oà  1»  pwivM  Ar- 
mide 


414  Vlnqm^tinRrânfUfi 

mide  fewMort  fe  ftketattre  ,  pottr  «»oir  U 
ttiftc  confolwion  de  voir  prl««rar  fon  Rïç- 
ikUie  foor^. 

i^  qu'il  -y  cnt-de  ^los  fimefte  dans,  eeot 
Tragédie ,  cVibqo'il  «i  coûta  la  vie  au<»)i- 
ièrablc  le  Chevalier.  J'appris  q°e  ce  de-  , 
termina  avoir  mis  pinte  fur  chôpjnc  ,  a- 
ac  nuit  qu'ils  fiircnt  à  Arciiei! ,  dans  l'ef- 
petwice  de  kwer  le  Trefor.  Le^  Chevalier 
voulot  entTCT  &aia  la  Caverne,  malgré  Ma- 
riuic  &  fts  Aflbciei ,  poar  foreer  le  l>i)*le 
à  lai  livrer  fon  Trefiïr  ,  ■  mais  !»  Fable  oh 
l^tïAoitedh  ,  que  le  l>iable  l'étriDgla.  La 
vérité  cft  que  4e  Jacdinitr  s'etffuitapràs  avoir 
averti  Madame  d'Aroneil  du-mathcor  qui  é- 
toit  arrivé  la -nwt  prer«dente -dans  fcajûdin: 
elle  fie  avertir  ta  3«ft>ce  >  «H"  V4nt  l&nsr  le 
corps  mort  ,  &  fi»'«  condamner  la  Caver- 
ne. ■       ■     '    . 

Je  vis  eBCoiicPi»elplofieuw*3is^oîvou- 
lui  m'entraiifer  avec  lui ,  mais  je  ne  Ve  von- 
ius  pas  ■foHlemem  -écouwr, 
.  Et  c'<^'  pNBQr  cda  qtiô  jt  jgemïs  dans  cet 
Etiferl  O'Apgttribn  vieitt  de  Tn'4iltertt>gEt& 
m'a  voQltt&iredir&oiï^itfe  je  igivm  de«tt- 
-ce  aSàtrc-  ;  niais  yt  lin^  ttdi>4iabile  Homme 
■^cnK  m'enibaiaflèr  daïit  des  rccoiemcats  & 
-confpowtatJOBe  ,  qui  tlie  femieat  éditer  ici 
tant  que  cette  atûrc  durera,  D'ATgcnfon 
m'adft  que  bô«s  IbmHws  ici  dHEhuit  Pr«bn- 
-mets  pouT'ceftjet-  qw  te  Prfeuï  Pinel,  Ma- 
:riHEine  -,  Aoaatx  ,  Mad.  IHUf^  ,  DivaHi , 
#icot  ,  A  wus  les  «atros  me  iharjÇeoicm, 
JeJOitti  répondu  :  î>s^^vem  w>e  <Aarger 
-fttt^irtfcivtkiifcoat^-MêBficiKt  -BMÎB-jen'ti 
garde 


gaide  de  chitrger  Pwfonne,  car  je  n'ai  von- 
iB  riea  voir  ae  leurs  folies.  J'ai  feulement 
tA  unepetite  Filfe  fort  jolie  ,  mais  bien  rf- 
Croatie  fWpe  des  Siiigetles  pour  amufcr  an 
Prient  qui  en  étott  fou  ;  cela  me  fit  plus  de 
compaoïon  que  d'envicd'êire  un  des  Ââear» 
de  la  Comédie ,  où  je  n'ai  plus  voulo  retour- 
ner depuis  le  premier  A&e.  Dites  Tragédie, 
m'a  t-rl  dit  ;  puifque  la  Scène  a  été  enfan- 
gtantée:  il  m*«  voulu  forcer  i  dire  ceque  je 
içfivotg  des  cîrconftances  de  la  mort  du  Che- 
valier !  m'a  fait  Hre  plufleurs  dcpolïtions,  & 
nommé  ceux  qui  me  chargeoient  le  plus. 
J'ai  fait  fort  tVtonné  ,  comme  ue  fçachant 
pas  la  mort  de  ce  miferable.  A  toutes  fes 
iatarogacîons  j'ai  proteftaî  ignorer  ce  qu'il 
me  vouloit  feîre  confèlTcr  :  &  lui  a  protefW 
de  fon  côté  qu'il  me  fcroit  pourrir  ici ,  Il  je 
ne  lui  avouois  le  fait.  Il  a  eu  même  l'iufo- 
lence  de  me  menacer  de  me  iàire  mettre  an 
Cachot.  Surquoi  j'ai  monté  fur  mes  grands 
chevaux  1  pour  lui  reprocher  l'injullice  des 
Miniftres  de  France  ,  d'artiter  .  pour  u- 
n^  bagatelle,  un  vkil  OfRcier  qui  porte  les 
armes  poar  le  Roi  depuis  foixante  Ans  ,  S: 
qui  s'efl  ruiné  &  a  blanchi  à  fou  fervice,  4 
que  l'on  plonge  tout  couvert  de  plaïcs,  que 
je  lui  ai  vouhi  montrer  dans  un  Enfer  abo- 
minable. Mordi,  Monfieur,  (î  ce  n'eftpas 
aflèz  ,  que  de  me  mettre  dans  un  Cachot , 
feites  moi  écorcher  vif  ;  vOas  aucer  mon'fang 
&  ma  peau.  QnaBd  H  m'a  vïu  eu  colère, 
il  s'ell  adouci  ,  &  m'i  protelW  qac  puifque 
j'étois  innocent ,  ■  il  me  ftroit  rendre  juftice 
par  le  Roi  ,  &  qne  je  ne  fortirois  pas  d'Ici 
&ÙS  avoir  une  bonne  PeufîoD.  J'en 

..^Xooglc 


4f  6  L*ImqMifitiom  FraMfoife 

J'en  felicitû  ce  pauvre  Comte  ,  &  je  le 
loîiai  beaucoup  fur  la  prudcace  qu^il  avoit 
eue  de  ne  rien  avouer  de  ce  qu'il  avoir  vco, 
qui  u'auroit  itrvi  qu'à  alongcr  la  procédure, 
&  le  faire  pail'er  en  quelque  façon  pour  cri- 
miiiel  ;  &  de  ce  que  pour  m'en  faire  le  récit,  i 
il  t'étoit  caché  de  l'Abbé  de  la  Motte  ,  qui  I 
étoît  ua  efptii  dangereux ,  qui  l'aoroii:  pu  tra- 
hir ,  comme  en  ctfet  il  n'y  aurpit  pas  man- 
qué. Je  jugeai  qu'il  alloit  bientôt  fortir,  & 
je  pris  de  juftes  inefures  avec  lui  pour&i- 
te  Içavoir  de  mes  nouvelles,  dans. le  Monde: 
ce  qu'il  aoroit  fait  indubitablement  ,  s'il  é- 
ioit  foTti  de  la  Badille  en  état  de  pouvoir 
écrire. 

Le  Comte  defcendk  plulîeurs  fois  pout  ê- 
tre  interrogé  par  Mr.  d'Argenfon  :  mais  il 
nia  toujours  d'avoir  aucunpconnoillàuceda 
fait, 

J'ai  balancé  long-temps ,  fi  je  devois  ra- 
porter  cct[e  Hilloire  ,  ou  il  y  a  des  fwts  qui 
paroinent  incroVac^.cs ,  &  que  j'avoiie  que  je 
ne  croi  pas  moi-même  ;  mais  enân  jç  ne  fuis 
garant  que  d'expofer  un  fait ,  dont  ua  Hom- 
me de  Qualité  mon  Concaptif  m'a  faitlerê- 
cit,  &'pour  lequel  il  étoit  Prifonnier  ,  avec 
dis-fcpt  autres  Perfonnes.  Quelque  temps 
après  je  fus  mis  dans  la  féconde  Chambre  de 
la  Tour  du  Puits  avec  les  nommez  Jean  A- 
lesandre van  dcr Burg ,  Hollandois,  &. Hen- 
ry Francillon,  Médecin,  d'avec  lefquels  le 
Prieur  Piuel  venoit  de  fortir  &  dont  je  pre- 
nois  la  place  qui  me  racontèrent  la  chofc , 
(elle  que  Mr.  le  Comte  de  Érederodes  me 
^'avoit  déduite  >  avec  d'autres  circoallances 
qui 

u,:,-,zf--„GoOglc 


êntHiftoîre  de  Ta  Bàjîille.  4jT 

quhttefèmblentlj  fabt^enfbs ,  qucjeneveoi 
pas  les  coucher  dans  cette  HiÂoiie.  Ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'ed  que  Marianne  a  été  cun- 
damnée  par  d'Arf^enfon  ,  &  les  Confêilleis 
du  Châtelet  qu'il  avoit  choifi  pour  juger  cette 
affaire  avec  lui ,  i  être  renfermée  le  *e(le  de 
fesjours  entre  quatre  marailieg^prës  avoir  ét£ 
raixe,  &  rcvfituë  d'une  tunique  ^le  ,  pour 
tout  habillement,&  réduite  au  paia&  à  l'eaa 
pour  toute  nouriture.  Le  Prieur  Fine!  dé- 
gradé de  fbn  Beneâcei  qui  étoit  on  très-beau 
Prieuré  près  de  Fontaïnebleaa  ;  déclaré  in- 
capable de  poflTeder  i  l'avenir  aucun  Bene&- 
ce  ,  j[  renvoie  à  l'Evéque  de  Sayens  fou 
Juge  naturel  ,  pour  £tre  cosdamné  à  telle 
pane  afflidive,  que  lui  &  fou  Offîcialité  ju*- 
gcroient  à  propos.  Un  autre  Prêtre  qui  a- 
voit  trempé  dans  ccUe  affdre  ,  fut  con- 
damné à  lubir  deux  Années  de  Séminai- 
re â  St.  Lazare.  Mad.  Daligay  &  le  Ber- 
g;r  Picot  à  refîer  encor«'deux  Années  à  la 
aflîlle  ;  les  Officiers  &  Soldats  qui  étoienc 
de  la  partie,  â  Tervir  le  Roi  le  re(te  de  leurs 
jours.  D'autres  à  un  An  de  Badille  ,  outre 
le  temps  qu'ils  yavoient  déjà  été;  &  le  Comte 
de  Bréderodcs  &  un  autfe  qui  n'avoient  rien 
«voiié  furent  élargis,  comme  on  le  verra  ua 
peu  plus  bas  en  la  coaclulîoa  qui  regarde  ce 
Comte.  Ce  jugement  m'a  ^cé  aitelié  psur 
divers  Prifonnters;par Mr. du Joncat même', 
aulH-bien  que  par  le  Major,  Corbé,  le  Ca- 
pitaine des  Portes,  &  tous  les  Porte -Gleft, 
qui  en  ce  temps-là  ne  fe  Ëufoient  pas  un  myf- 
téte  de  nous  dite  ces  Ibrtes  de  choies ,  com- 
V  me 


.-„Goo.jlc 


45*  Vlnqu^t'u»  FfMfoîfi 

me  ils  ont  £ut  dans  la  faite.  Banavitlè  % 
ch^  des  Porte-Clefs ,  pour  iToir  commn- 
luqué  à  die  Prifonaicrs  des  b^atelles  de  moia- 
drecoulèquciicc  que  celle-là,  J'ai  appris  de- 
Miis  par  les  mêmes  Officiers  i  que  le  Pr£»c 
Pinel  aFoit  été  condamné  par  l'Evéque  de 
i^yeux  ,  âc  lès  autres  Jnges  à  la  même  pei- 
ne, que  là  chère  Marîanc  ,  arec  laquelle  il 
avoit  commis  des  crimes  abominables,  dont 
je  ne  veux  pas  ûlir  cette  Hiftoire.  Pcn  de 
temps  après,  lorfôoe  j'étois  dans  la  Premiè- 
re Chambre  de  la  Tour  du  Puitc ,  avec  Mts. 
Hugues  d'Hflmilton,GeDtîlhomme  Ecoilbis, 
&  Jean  Chrefticn  Schraderde  Peck,  Genril- 
Homme  de  Hanover ,  comme  Mt.  Schradcr 
étoit  tout  nud,  au  fort  de  l'Hyrer,  fans  ha- 
bit ,  fims  culottes  i  fans  bas  ,  ni  n>u1îers , 
Boargouin  lui  appocta  ane  vieille  Robbe'dc 
Chambre  de  toille  taïée  ,  pour  le  couvrir , 
&  nous  affirma  que  c'étoit  la  Robbe  de  Ma- 
rianne ,  qui  avoit  été  tafée  &  revêtiie  d'un 
bonnet  &  d'une  Houpelande  de  Revêchegri- 
fe;  que  leBouneau  lui  avait  coupée  au  def. 
fous  des  genoux;  &nudspfeds,  niies  jam- 
bes, l'avoit  conduite  àBicelUcpour  y  fubit 
les  rigueurs  de  fon  Arrêt. 

Pendant  tout  le  temps  que  nous  reASmn 
enfcrablc  le  Comte  de  Brederodes ,  l'Abbé 
de  la  Motte  &  moi ,  fans  avoir  communi- 
cation avec  d'autres  Prifonnters ,  ce  mauvais 
Prêtre  ne  pouvoir  s'empêcher  de  nous  témoi- 
gner la  rage  que  lai  caufoit  l'union  qui  étoit 
entre  le  Comte  &  moi.  Ce  Comte  me  ût 
conBdence  qu'il  avott  déjà  été  deux  ans«n- 
fermé  dans  Viocouies,  accuTé  de  tiavaillei 
à 

u,:,-,zf-->GoOglc 


#»  FHifioirt  it  la  Ba/Iitle-  ASy. 

i  la  recherche  de  l'œuvre  ma|^ettque  ,  ovL 
£ei:Davilte  luj  avoit  fait  fouftrir  des  peiotit, 
ioouies,  par  l'Hypocrifie  decetiarbaiequili]!. 
vouiqit  ftîre  changer  de  Religion,  &par  foBa-: 
rice  qui  le  fàifoit  mourir  de  faim.  Le  Cpin-- 
te  en  effet  avoil  de  très  beauxfccrets,  &a*eit 
^avoit  peut  écte  pas  moins  que.  le  Comte  de 
Gabalis,  que  tout  le.Mondç  fçait  être  l'Abi 
bé  de  Vilarceaus  :  il  poiïedoit  admirablement 
bien  Ton  Raynion  Lulle ,  fou  Albert  le  Gtaod, 
le  Comte  de  laMyrandole,  &  tous  les.  au- 
tres Aâcurs  de  leur  Seâe.  Tout  Prifonnio- 
qu'il  étoit,  il  ine.  &t  voir. des  chofes  prodi^ 

fieùfes;  &  il  m'avoit  promis  de  me  donner 
e  tt  es  beauxieçreïs,aum'bîeii  que  Mr.  Linck» 
fi  nôtre  liberté  conimude  opus  en  fvoit  tad^. 
lité  les  inoiens. 

L'Abbé  de  la  Motte  mettoit  tout  en  prati- 
que pour  nous  faire  ftparer  le  Comte  &  moi. 
Sur  le  récit  que  le  Comte  lui  avoit  fait  de  la 
inaiice  qu'avoit  l'AlÂé  Papaflaredo  de  percer 
toutes  les . bouteilles  danslcrquellesonlutap^* 
portoit  ibn.vîn,  :lï  adroictement  par  le  fonot 
que  les  Porte-.Cle/s  .ne;  s'en  «percev oient  pas , 
&  quand  le  Soimnetiei  venoit  il  les  remplir  « 
tout  le  vin  fe  repandoityil  ne  çellà.de  prier 
le  Comte  de  lui  faire  voir  comment  ilfaifbit 
pour  les  percer.  Le  Comte,  paurfedebanU^ 
îer  de  fes  importuniicz,  lui  dit  qu'il  avoit  be- 
ïbia  d'un  clou  pour  les  percer.:  L'Abbé  lui 
en  eut  bieo  tôt  arracha  ua  de  laimuraUle,  a» 
vec  lequel  le  Comfe  perça  unjnatinnostrpit 
bouteilles. 

'  Le  boDPrStre  ne  manqua  pas  cette  occar 
fioo  pour  jobcr  ua  inauvaîs  tottx.ftu  Comt^ 
-■  ■  V  »  lï 

u,:,-,zf--„GoOglc 


4^  VÏMfMiJhit»  R-4Utféîft 

It  écrivit  vn  billet  ifon ordinaire,  &loii^e 
l^après  midi  Ru  vint  defervir ,  il  le  loi  mit  «• 
droitteoicnt  dans  U  maïa  ;  mus  j'entendis 
fort  dilHaâemetu,  quelque  bas  qu'il  crAt  le 
prononcer  (  qu'il  lui  dît;  liiez  le  (uns  la  moB< 
V6e.  En  -cSct  un  moment  ^ès  Rh  rentra  *• 
vec  les  troic  bouteilles  à  lasuin,  &  nous  de- 
manda -qui  de  Doue  ks  svoît  percées  ?  Pas  un 
ne  vouloit  Kpondre ,  &  Ru  vo'rânt  q«e  j'af- 
£ïâois  de  lire,  fans  vouloir  fetilenimt  lever 
Hs  yeuz,  crut  que  c'étoit  moi,  &cemjiBen- 
^it  à  m'apoftropher  comme  conp^te  «  ce 
que  je  fapmois  très  patîemmeut ,  malgré 
mon  inaôcence.  Quand  -l'Abbé  fê  levant 
bmfquement ,  &  courant  promptement  à  Ion 
Keviaire ,  mit  la  main  deuus  en  jorast. 
yyFouai  Àe  Preitrtj  comme  j'ai  ia  maim  Jmrcm 
^firtviiwrY,  Rm  et  n'iifi  pas  mmtti.  Eh  bieit  . 
Ru  puifque  Mr.  f  Abbé  )nre  feri  de  Prêtre 
que  ce  n'en  pas  lui  ;  je  protefie  dic-je  a^ 
que  ce  n'eft  fwis  moi  ;  mais  je  veux  vo«s  dfrc 
comment  la  cbofes'eftfaitte...  Alors  le  Com- 
te m'interrompant ,  &  prenant  la  parole  dit. 
Ru  foi  d'honnête  Homme,  c'ell  moi  qui  les 
ai  percées  ;  mais  ça  été  à  la  follicitatîon  de 
têt  Honnâte  &  ton- Abbé ,  qui  m'en  impor- 
tune depuis  pl-uâeUFS  jours.  Ouï  fi  Je  n'avois 
pwplus^erefpeâ  pour  TÔtrecaraâére,  que 
pour  vous,  mauvais  Prêtre,  je  me  jctierois 
dans  rinflautfiir  les  bouteilles,  &jevouBeii 
caûèrois  la  tête,  comme  à  un  Fripon ,  qui 
vient  de  donner  avis  par  un  bilJet  à  Ru  que 
les  trois  bouteilles  étoient  percées.  Le  boa 
Praire  ft  prit  à  pleurer  ,  &  à  laite  des  Set- 
niCOts  extcrablec  ,  «qu'il  a'avoit  pas  écrit  le 
M- 


•j*  fmjfoire  Je  la  BaffiiU.  4tf^ 

Êilleï,  que  Rn  tira  de  fa  poche ,  &  nous  fit 
lire  :  il  ftoît  à  peu  près  conçu  dans  ces  ter- 
mes. Si  VOMI  trouvez  anjour^hmi  vos  trùit 
bvuteiUti  fereétj ,  ^ji  m  m'em  mtenfh  pas  J: 
Vùur  fcavez  à  qui  vous  deOeZ  vaiatH  prendre. 
Ru  lai  dit:  vons  êtes  un  fccicrat ,  qui  metii- 
tericï  d'aller  tout  à  ITieutcdany  le  Cachot  ; 
mais  je  ne  ferai  pas  monraportaoïOfficicts-, 
par  le  rcrpeft  quej'^  pour  Mr.  leComte,  * 
pour  vôtre  caraSérc  qae  vduï  dcshouorei  S 
indignement:  Meflieurs  ,  nous  dit-il  ,  nos 
Prifonniers  les  plus  méchants-,  font  les  Pre- 
nds; maîs' lîiportez  celni  ci  pûchatité,  &]• 
TOUS  promets  que  je^ous ferai sttousies-deut 
tout  le  bien  que  je  pourrai: 
-  li'Abbé  rougit,  pour  la  premiâ«  fois ,  tt 
chaîné  de' coaiufîon,  il  fe  retira  dansuncOia^ 
de  la  Chand«e^en  l'écriant  iquifeâer  àrave*- 
■nir  bon  Dieu!  il  fe  mit  à  genoux,  &  repanv 
dantdes- lamies^le Crocodile, il  lè-mîtà  prier 
DieUjOU  à  en  Ëùre  les  grimace».  Je  dis  qu'il  re- 
pandoit  des  larmes  trompenlès  ;  car  quelquei 
jours  après  il  nous  trahit  eiveore  plus  cruel- 
lement, ce  qui- me  plongea  pour  la  premiè- 
re fois  dans  UU'  affreux  Cachot ,  &  fit  perîJre 
la  vie  au  paavre  Comte  de  Brederodea.  Ct 
fat  le  lo.  Septembre  170},  Corbé  nous  étant 
Tenu  voir ,  comme  il  fortoir  après  là  vîiite  ^ 
nous>  aperçumcï  très  diflinâernent,  que  nô- 
tre bon  Abbé  lui  gtiiTa  un  billet.  Un  mo- 
ment après  Corbé  ouvrit  une  féconde  fois 
nôtre  porte,  fit  fortir  nôtre  fidelle  Compa- 
gnon, &  lui  parla  long  temps  fur  refc^ier; 
après  quoi  il  fit  rentrer  le  venerable'Prétre 
«ins  nôtre  Chambre ,  qui  parut  tout  joïeui 
V  3  If 


4t*  Vln^i^Ho»  FroHfoife 

le  tefie  éa  jour-  Le  lendemain  far  les  hnft 
heures  du  inatiu,  Ru  vint  lui  dire  de  s*habil- 
ïcr^enfuite  lefit  fortit de EÔtrc Chambre,  où 
deux  heures  après»  lui  &  un  autre  Pocte-Clefs 
viorejtt  querîi  le  Lit  &  le  teûe  du  petit  bo- 
gagederAbbéicnnousproteflant  que  nous  ne 
le  ventent  de  la  vie,  &  qu'ils  nous  co  felîci- 
toient ,  car  c'étoit  un  méchsuit  Homme.  Je 
ftîai  Ru  de  m'affirmer,  s'il  m'accufoit  juf- 
te,  d'autant  que  les  conïequencesen  étoicut 
plus  grandes  qu'il  nepenfoit.  Jevpusjarere- 
prît  Ku,que  de  l'heùreque  je  vous  pacte,  il  cft 
gafevmé  dans  une  Chambre  d'où  il  ne  fortiia 
pas  ll'tât,&  où  il  aura  tout  le  temps  de  regretter 
ccllecy.  Aprc$qucRueatrefeTÎn^lBporte,& 
qu'ils  nous  curent  laillèzlèals  leComte  &  moi. 
.  He  bien»  mon  cher  Comte,  lui  dis-je  ea 
i'embr^f&nt ,  Içavez  vous  qui  eft  l'Homme 
qui  fort  d'avec  nous  ?  Ceû  dit-il  leplus  Ersm^ 
Fti|)(»it  &  le  plus  grand  Scélérat  qui  rot  ja- 
jnats.V ODS  avez  laiKin, lui  dis-jetinaîs  voua  <a 
ferez  encore  mieux  cauvaincu,quand  vous  att- 
jez  ^pris  que  c'eft  Sore],  Curé  de  Lery,  Quoi 
JeCuié  de  Lery  !  reprit- il  avec  étotine- 
jncnc.  Oui  dis-je  c'ell  AnthoineSorel,  C^ré 
de  Lery,  qui  vous  a  marié  avec  la  Marquifè 
4e Bois-Roger,  après  lequel  vous  avez  tant 
couru,  &  qui  nous  avoit  conté  foâ  HiOoire 
2c  la  vôtre  i  Mr.'  Linclï  &  à  moi  ,  avant 
qne  nous  euflions  connoiHànce  que  vous  é- 
liez  dans  ce  maudit  Gouffre  :  &  c'efl  pour  ce- 
la que  je  vous  ai  dît  dix  fois  que  vôtre  der- 
nière Aventure  étoit  beaucoup  plus  extraor- 
dinaire que  les  autres  ,  &  qu'elle  vous  étoit 
incomfïehcaâblç  iTo«sinemc.  Ah.'Mon- 
ficur 

u,:,-,zf--„GoOglc 


tM  PHiftoirt  ie  UBa/mU.  ^t 

tplf,  reprit  le  Comte,  ponrquoi  ne  me  l'a- 
vez vous  pas  dit ,  pendant  qu'il  étoit  avec 
nous?  je  oe  vous  le  pardonnerai  jamais  ;  & 
Bi^  quittant  brufquement  il  alla  rJver  contre 
la  fenêtre.  Je  l'y  Jaiilài  quelques  moments^ 
pour  lui  donner  le  temps  d'évapqrer  fa  bile; 
^rès  quoi  je  lui  dis ,  J'auroiï  donc  mieux  fait, 
mon  cher  Comte ,  de  vous  f^ire  counoitre 
vôtre  Ennemi,  pendant  qu'il  étoit  avec  nous, 
poiir  avoir  le  criiel  pJaifirdç  vous  voir  eiitr'ar- 
racher  les  yeui,  que  de  vous  le  cacher  avec 
une  gêné  eitriK>rdinaîre  ,  pour  maintenir  34 
paix ,  &  ypus  empêcher  de  faire  un  mauvaii 
çovp,.  dont  fans  doute  vousaHriei  été  puni  î 
Car  enfin  vous  £tcs  ici  enfermé  dans  un  lieu 
terrible,  où  l'on  opprime  l'Innocent,  bien 
Join  de  faire  grâce  au  Coupable.  Le  Comte 
Xbttam  de  là  rêverie  ,  vint  fe  jctter  à  mon 
coa,',ï^oQ,  mon  cher- Ami,,  me  dit -il,  & 
vôtre  Sageilê  m'a  empêché  de  pouffer  mafp- 
.Kei  l'extrémité  :  carlans  doute  j'auroîs  tout 
.ifâi  «n  ufage  pour  ôtcr  la  vie  à  un  Perfide  , 

J,uï  eu  c'aule  d.e  touï,  1^$  malheurs  dont  je 
iiis  accabid.  Sçavcz  vous  ce  que  vousaves 
j^aire,  lui  dis-je,  pendant  que  vous  leten» 
dans  '^Q  lieu  où  il  ne  peut  plus  voujfairefai> 
.te  unt  de. chemin  pour  l'atteindre? Mr.  du 
Jpncas,  me  paioît-étre  un  forthpnnêteHoni- 
me  ,  &  il  ii^a  témoigné  qu'il  ne  cherchoit 
.qu'à  vous  faire  plailir.  Il  faut  le  prier  d'en- 
g^er  Sorel  à  vous  donner  un  certificat  d« 
vôtre  mariage.  C'eft  ce  gue  nous  avons  ten- 
té tous  les  deui ,  depuis  nôtre  réparation^ 
mais  vainement.  Soi^*:!^i''C^fé'3chofeàMr. 
dit  Joncas.  9ftfDine,cct  Officier,  nte radie 
V4  lui 


^4  Llii^KÎ/îtîim  FrêMforfi 

hjï  même ,  qaimit  tout  en  œuvre  pour  en>> 
gager  ce  méchant  Prêtre  à  rendre  cctrc  taC- 
Bce  à  ce  Comte,  qu'il  loi  affirma  devoir  être 
éans  peu  remis  en  liberté.  Mais  ni  prières,  ni 
menaces  ne  purent  rien  fur  le  coeur  de  cebar- 
bare ,  qui  perfifta  dans  fon  opiniâtreté. 

Ru  nous  aporta  nôtre  dîné  ,  qui  ftit  tout 
its  plus  magnifiques.  On  fàiloît  maigre  ce 
jour-là,  &depuisqucj'ftoisâ  laBaftille-nous 
n'avions  pas  élé  fi  bien  fervts  ,  &  nous  n'a- 
vons jamais  n'en  vu  depuis,  pendant  nôtre 
Prifon  1  qui  en  approchât  ;  car  quand  nous 
fûmes  fous  l'avare  dircftion  de  Corbé-,  &  s- 
près  fous  restrCme  &  fordide  lefine  de  Ber- 
naville,  ils  nous  ont  lailfô  fcpt Joursdelalc* 
maineà  chargea  la  Providence,  Le  Comteeut 
trois  plats  de  poiflbn  ,  &  j'en  avoîs  fil  :  je 
n'ai  jamais  pu  deviner  par  quel-  caprice;  ■  Le 
Comte  avoît  iwie  foupc  de  moules,  &  j'ena- 
vois  une  d'écrevi(ïës ,  mais  admirables  :  par- 
mi monpoilToQ)  il  y  avoit  une  vive  fort  bel- 
le, une  grande  Iblle  fritte,  &une  perche,  le 
lout  très  bien  afTaifonné  ,  avec  trois  autres 
plats.  Nous  dînâmes  le  Comte  &  -moi  tout 
i  nôtre  aife,  ne  nous  doutant  pas  que  ce  fe» 
toit  le  dernier  repas  que  nous  ferions  dé  nfr- 
tre  vie  enfemble.  Nous  nous  jurâmes  une»- 
mitiè  mutuelle,  &  nous  étions  encore  dans 
ces  agréables  tranfoorts,  lotfqne  Ruvintme 
dite  de  defcendre  dans  laSale,  oùMr.d'Ar- 
geafoa  m'attendoit  ;  &  fins  me  donner  le 
temps  de  quitter  ma  Robe  de  Chambre,  & 
de  m'habiller,  ne  me  permettant  qu'à  peine 
d'emlmifKr  le  Comte ,  il  me  condullît  dans 
■Qt  S^e  gù.  je  trouvai-  Cmrbé  accomp^:né 
des 

u,:,-,zf--„GoOglc 


des  Porte-Clefs  &  de  fis  Soldats,  qui  après 
m'avoir  reproché  des  crimes  fi^>polcz ,  que 
m'avoit  Impofé  Sorel ,  &  dont  il  ne  voulut 
jamais  écouter  la  jultiâcatioa ,  il  me  com- 
manda de  me  depoiiiller  tout  nud  arec  une- 
ferocité  ,  dont  il  fe  feroit  bien  dépouillé ,  i! 
nous  avions  été  tête  à  tête.  Je  lui  dis  que  je: 
n'en  ferois  rien  ;  que  je  voulois  parler  àMr. 
.le'  Gouverneur  .  ou  à  Mr.  du  Joncai ,  quii 
ièuls  avoient  droit  de  me  commander.  Met- 
tez vite,  me  dit-il  vos  habits  à  bas;  voasett- 
épargnerez  la  peine  i  ces  Gaillards,  nion- 
oruit  fes  Soldats  ■  qui  ne  demandent  pas 
mieux  que  de  vous  rendre  ce  fervice, .  &  qui 
ne  le  feront  pas  fi  doucement  que  vous.  Je; 
confultois  fi  je  ne  pourtois  pas  mcjctter  far 
une  de  leurs  epées,  pour. la  paÛèr  autravers- 
du  corps  de  mon  Tyran,  que  je.croiois  me 

.  dcvoiréifreoutrafier;  lorfqueBourgouins'Ap- 
prochant  demOii  me  diti. toutbasiobefûez- 
à  ce  Maraut,  plutôt  que  de.vousfâiredechî- 
rer;  car- pour  lui  plaire  Jes  Soldats  ne  deman- 
daroient  pas -mieux  que  d'exécuter  Tes  ordres- 
oriicls.  Je  pris  le  parti  de  me  deshabiller  moi 
même.  Jcm'affis  pour  cet.eSct  dans  uu fau- 
teuil., &  Ru  donnoit  tout,  pièce  -à  pièce  k 
Corbé  i  mefurcqueje  m^en  depouillois..  Jc- 
!ui  difois,  dans  la  douleur outréedoarj'étoîs - 
pénétré.   *  Confhjit  me  D*Msapui.iniqMMmy. 

-£y  manibus  impiarum  me  tradidit.  Peut^êttC 
qu'un  jour  Diea  me .  mettra,  en.  état  de  me 
plaindre  huitement,  on  depte-vengerdevos. 
mjuQices.  Barbara  forfatt.{^  htet  oltm  memi- 
wijft  juvatit.  A  tout  cela  il  ae.^foicqy*. 
V  5i  btan-.- 

*  J^b.  C*p.  l(.  T.  M.  11.  &  »• - 

u,:,-,zf--„GoOglc 


40f  12lMqK^tmi  frimfatjt 

traoler  U  tte,  eo  ËûGuit  les  grimaces  d'oae 
goenachc  qui  avMte.  Poidiuit  quejemedcs- 
fa^Ilou,  on  toi  xporu  tontes  mes  hatdes, 
mes  papiers  &  mes  Livres.  Qaand  il  me  vît 
nod  en  chemifc  :  laiHbz  Ini  &  chcmilc ,  dit-il, 
&  le  cooduifez  où  je  vous  ai  dit.  Ra  après 
«vqir  pon^  fes  mains  pro&Des  fous  mes  aifcl- 
les,  &  en  des  oidroïts  qni  le  dévoient  6iiie 
TOn^,  s'il  avoît  £tÉ  foJ^eptible  de  pudeur, 
me  fit  tnverfer  la  Couttout  nudcnchemife, 
&  defcendre  dias  le  Cachot  de  la  Tour  du 
Puits  ;  oà  je  trouvai  que  la  Juitice  étoit  foit 
mal  meublée,  car  il  n'y  avoît  pas  une  pierre 
fur  laquelle  j'collè  pu  me  repofe-.  C'iioît 
le  al.  Septembre,  jour  de  l'Ëquinoxe,  où 
l'on  commence  à  fc  reÛëntir  de  l'éloignement 
du  Soleil.  J'entrai  dans  ce  Cloaque,  oùja- 
m^s  il  D^falifes  raïons,  loties  quatre  lieu- 
tes  après  midi ,  &  je  reÂ^û  dans  ce  lieu  de 
plaifance,  nud  en  chemilè  jufqu'àièpt  beu-. 
Tes  du  foir.  Mes  pieds  tous  nuds  ei^oDcci 
dans  le  limon  du  Cachot,  qui  eu  un  foOter- 
raïn voûté)  commcaçotent  à  iièglaçcr,  aoŒ 
tnen  que  mon  corps ,  oclecœurm'alloitnun- 
quer  ,  lorfque  Ku  m'apporta  ma  Rotibe  de 
Chambre  ,  mes  pantouScs  ,  &  mcm  Lit  qni 
me  ûuva  la  vie.  Je  m'y  couchai  prompte- 
ment  en  con&crant  à  Dieu  cette  cruelle  mor- 
tification. Je  dirai  ce  qui  m'arriva  dans  ce 
lieu  de  defèQ^oir,  quand  &  comment  j'en  for- 
lis,  dans  le  Second  Tome  de  cate  Hiftoire. 
Avant  que  de  finir  celui  cy  ,  je  croi  devoir 
dire  au  Leâeur  ce  que  devinicDt  le  Comt« 
4c  Brederodes  &  Sorel.  '.  . 
Si-tdt  que  je  fiu  forti  d'avec  le  Cointeoii 
la 


MT  rhiftoire  Je  h  BaftilU.  ■_  4 £7 
le  fit  dcfccndre  dans  la  Seconde  Chambre  delà 
-  Toui  du  Coin ,  avec  le  nommé  Jean  Bon- 
neau ,  Médecin  d'Aubuflba  en  Auvergne  1 
vieillard  plus  quefeptuagcnaire,  dontrefprit 
étoit  tout  i  fait  dcpauperé,  Mr.  Samael  le 
Ponillouz ,  Gentilhomme  de  la  Province  de 
Poitou  ,  qui  avoit  de  très  bonnes  qualitez  , 
&  étoit  un  fidelle  bien  craignant  Dieu,  îlsé- 
toient  tous  de  la  Religion  Reformée;  &le 
nommé  Mathias  du  Wal  Pilote  Irlanâols 
Catholique  Romain  des  pins  Bigots.  Ildeve- 
noit  Dévot  i  viie  d'œil,  il  prioftDiea quand 
on  le  regardoit;  Homme  auffi  fttbtil  &  nifé 
que  j'en  aïe  connu  en  ma  vie  :  car  je  fus  mis 
quelque  temps  après  avec  eux,  &  ils  m'ont 
appris  ce  qui  étoit  arrivé  i  Mr.  le  Comte  de 
Brederodes  après  nôtre  feparation  ;  dont  il 
eut  tant  de  deplailir ,  qu'il  voulut  fe  ïtaîTer 
mourir  de  faim.  Il  fut  cinq  ou  Ox  jours  ikirs 
boire  ni  manger ,  malgré  toutes  les  rcnibn- 
trances  de  iks  nouveaux  Compagnons  î  -ce 
qui  lui  donnaune rétention d'urinetrès cruel- 
le. Il  fallut  le  fonder ,  ce  qui  lui  caufa  da 
doulctors  tds  aigiies  :  apaiettimeM  qtie  le  Clu- 
rurgien  le  U^a;  quoique  dans  laâilteoneb 
fit  venir  un  de  la  Ville,  Rheilhe avouant  qut 
-cela  paûbit  fa' coonoillànce.  Il  fe  âtiintilce- 
TCdans  un  endroit  tris  dangereux,  qatcatt& 
-la  mort  au  pauvre  Comte.  -Pendàntqu'ilétoît 
dans  la  fbïce  de  fcs  douleurs,  fa  Lettre  de 
Clachet  arriva.  Le  Gouverneur  loi  fit  anôn'- 
cerfalibwtéi  &  laîdonnsle  chdxdcrcltâ  . 
i  la  BaRitle  *  où-il  s'offroitd^aroir  un  foin 
tout  particulier  ée  lui  :  (car  il-faut  réQdM 
ioffice  à  $ty  Mars  &  à  Jodcm  t  qw-peodaitrt 

y  «  i$ 


468  VlnquifaioM  frMfaifi     ^ 

U  maladie  do  Comte  ils  le  traitèrent  pat^'t- 
temeat  bien  ;  des  Médecins  &  des  Chirar- 
gieos  de  Is  Ville  le  venoteat  vifiter  tout  les 
joors  :  ces  Officiers  lui  envoioient  abondem- 
ment  de  leur  table  les  viandes  les  plas  deli- 
deufes ,  gibier ,  coofiturcs,  vîas  de  liqaeoi 
rien  ne  lui  manquoit  ;  peadant  qoeBernavil- 
le  liùlTeioit  mourrir  tous  tes  Comtes  du  Mon- 
de ,  faute  de  leur  donner  une  aile  de  poulet 
pour  leur  fanver  la  vie)  ou  bien  s'il  voulcHt 
aller  à  la  Charité  du  Fauibourg  de  St.  Gei- 
maio  oà  nn  Ptifonnier  qui  iio\t  mort  à  la 
Baflitle^  avoit  fondé  quatre  Lits  en  faveur  des 
pauvres  Prifonnicrs,  où  on  le traitteroit avec 
diAinâion,  &  fiiivant  la  qualité.  Je  dois  di- 
le,  je  croisi  ce  quec'eftguecettefondadoo. 
Un  Etranger  dont  je  n'ai  pu  fbavxùrUjioin, 
ni  le  Pais,  iùt  accufé  de  travailla  dans  Paris 
à  la  transmutation  des.  mâaux  &  de  faire.de 
l'or.  U  fat  mis  à  la  BaAUle  où  il  e(l  mc»t,  on 
peu  avant  que  j*y  entrée.  Se  voi'ant  à  l'ex- 
.trémité,  il  ât  appeller  le  Gouverneur,  &lDi 
dit  *  qu'il  avoit  caché  une  fômme  confido» 
.t>lc  d'or  ,  dans  une  Cave,  qu'il  indiqua-  Mi. 
4'ArgpnfDn  fut  la  ^e.  lever  enprçlcncede 
.Mrt.4e.SçMais  &  dejoncas.  IfèMajorme 
4>t  qu'il  y  avait. cent  mille  écas;,le  Captai- 
ne  des  Portes  difoic  qç'îl.ti'y  avoitque  cent 
mille  ûans;  &  Ru  maptoteÂé  qu'il  y  avoit 
dfux  cents  mille  écus.  Lefquels  croire  i 
.i^ioiiju'iJs  fullènt  tous  trois  témoins  oculai- 
res, ils  s'accordoîent  peu,  coipme  on  le  voit 
furlafomme,  qued'Argcniqn^lesOfficien 
fHUtagerênt.  Pour  fairccroiEeqoeleDeffunâ 
ça  wro^  £ûf  )'eoi£loi,  en  c»  îf  reclKcdu:,, 
...         '         '  il». 

u,:,-,zf--„GoOglc 


ïï 


tu  l'mjîoire  Je  la  Sajîillc.  ^9 

ils  Inî  permirent  de' fonder  quatre  Lits  à  1» 
Charité  en  faveur  des  Prifonniers  malades,; 
mais  en  la  place  des  Prifonniers ,  Bernavil- 
le,  qmmet;toutiprofit,  ^t  occuper  ces  Lits, 
d'ordinaire  par  fes  Serviteurs,  quand  ilsfoM 
malades,  ou  par  les  Soldats  de  fâGarnifon, 
dont  il  garde  la  paie.  LcMoùraiitfbndaaufli 
une  Bibliothèque  enlaBailille,-  en  faveur  des 
Prifonniers  :  ces  Filoux  achetèrent  quelques 
méchants  Bouqums,  &  gardèrent  l'argent  du 
Fondateur;  &  jamais  un  Prifonnîer  ne  peut 
obtenir  de  ces  Tyrans,  depuis  que  Betnavil- 
le  ellGouverneur,  unLîvrc,  dont  la  Icaure 
pontroit  adoucir  fes  chagrins  &  fes  ennuis.Mï, 
le  Comte  de  Brederodes  ne  balança  pas  un  raor 
ment;&  il  aîmamîeui  aller  mourir  à  l'Hôpital,' 
uedefinir  fes  jours  dans  un  efpèce  d'tnfe. 
«e-  Gouverneur  lui  prfita  fon  Çaroflci  pour  I4 
conduire  à  la  Charité  du  Faux  BoargSt-Gctr 
maiii.Mr.lePouilIoux  fçacfiant  queCbtbé  ne 
vouloitpaslui  rendre  l'argent  qu'il  avoit  faifi 
au  Comte,  quand  il  entra  dans  la  Ba(lillé,lui 
donna  quatre  Loiiis  d'or  .Huit  jours  après  qu'A 
ftit  à  la  Charité.inalgré'tous  les  foins  qu'on  prit 
de  iui ,  il  y  mourut  dans  dès  fcntîinents  très 
Chririens  ;  pardonnant  à  fes  cruels  Entier 
mis  ,  &  fur  tout  à  fa  cherç  Epouïe  qu'il  ai- 
ma ,  toute  infidelle  qu'elle  étoit  ,  jnfqu'aii 
dernier  foopir  de  fa  vie.  Ainfi  mourut  mife- 
rablcment  Mr.  le  Comte  de  Brederodes,,vic- 
time  de  l'avarice  des  DireSeurs  de  la  Baftil- 
le  ,  &  des  caprices  de  la  Fortune  :  Hommt 
qui  Certainement  meritoit  une  autre  deftîntfc, 
&  dont  les  jours  fans  doute  ftircnt  ^rc«tt 
par  la  malice  d'Antoine  Sorti ,  «/w  Cutcde 
Icry.  Pow 

u,:,-,zf--„GoOglc 


470  L^Inqitifiticn  Fraxfùlfi 

Pour  ce  qui  eft  de  ce  vénérable  Prêtre,  en 
fbrtant  d'avec  nous  on  le  mit  avec  le  Prince 
mentionné  en  cette  Hîftoire,  qui  n'étoit  an- 
tre que  le  P.  Florent  de  Brandebourg  CafHi- 
cin,  de  qui  j'ai  apptis  lerefledefbn Hîftoire. 
Les  fous  d'Ordinaire  font  longtemps  à  balan- 
cer fur  le  genre  de  folie  qu'ils  en^rafleront: 
fis  font  diverfcs  eitravagances  avant  que  de 
lèfiicr  i  nnc  :  le  Curé  de  Lery,  de  degrei  en 
dcgrei ,  devînt  fou  pommé. 
Il  ne  poufià  pas  tout  d'un  coup  fâ  folie  à  là  per- 
fcâion  :  il  en  fît  voirauparavant  divers  éclîan* 
iHIons.  Enfin  il  se  détermina  à  croire  qu'on 
1*311011  pendre,'  parce  qu'ilétoit  certain  qu'il 
l'avoir  cent  fois  mérité.  Tous  les  jours  il  s'y 
prep3roit  du  plus  grand  ferieux  du  Monde, 
il  prioît  fes  Compagnons  d'effaVer ,  s'il  au- 
lOTt  bonne  grâce  à  ftire  an  faut  fur  tien.  H 
ft  païïbît  une  corde  au  cou ,  que  lui  pr^toit 
tbarirablement  le   P.   Florent,    fe  meitoit 
i.getious  devant  luii  &  il  dc  leur  donnoii 
aucuti  repos  ,    qu'un  deui  acceptant   reli- 
gîeofement  l'Office  de  Bourreau,  ne  fitfem- 
plànt  de  le  pendre  avec  les  foriaalitei  acou- 
tuniées.    Il  chantoit  lui  même  le  Salve  fort 
jnétodîquement ,  fàifoit  fa  Con&ffion  monf- 
tfueufe&untEïprtation  toute  dès  plus  tilîbles 
3  fes  SpéâateUrs  :  &  quand  il  voVoit  fes  Com< 
pagtiojis  Ht  pouvoir  contenir  leurs  éclatsdo* 
rire,  il  eritroit  tout  de  bon  en  colère,  &leut 
demandoit,  s'il  étoit  de  la  bien  féàncçde  ti- 
re, quand  onallpit  peudre  IcsGentî?  Qucl- 
qiiefois,qi}andîl  voïoitun  dîné  un  peu  moinf 
maiivais.  qu'à  l'ordiuatre,  Ufeoûttoitâpleu- 


tttrHiJhiredeUBaflilU.  -  M\ 
ta  à  chaudes  larmes ,  &  difoit  adieU  à  fes 
Compagnons ,  comme  s'il  alloit  faire  le  vo- 
lage de  l'autre  Monde;  Sx.  quand  ils  lui  qn 
demandoieot  lacaûfe:  bel  ne  voîez  vouspas 
bien ,  difoit-ïl ,  que  l'on  me vapendre  après 
midi  &  que  voila  le  diiié  du  Roi  que  l'on 
me  donnée  parcequ'il'*  avoit-  entendu  dire, 
qu'en  de  certains  Pais ,  comme  en  celui-cy 
d'Hollande,  on-  régale  les  Criminels  avant 
que  deles  faire  mourir.  Tantôtil  felevoitde 
grand  matin ,  &  alloit ,  hud  en  chemilè ,  -fe 
confeûèr  à  genoux',  auprès  di^  lit  defescon- 
«aptifs;  &  ne  les  quittoît  pas  qu'ils  n'euilênt 
iimulé  lui  donner  l'abfolutipn.  Je.fçai  cela 
d'un  de  fes  Compagnons,  qui  me  la  conté 
pluiieurs  fois,  &  qui  étoitun.des  principaux 
Aâeurs  de  ce  badinage.  Enfin  Mr-  D'Ar- 
^enfon  touché  de  compaffion  pour  lapcemié- 
Je  foisj  feignit  ^e  lui  donner  &  grâce,  &lui 
jura  qu'il  ne  feroit  pas  p^du  •  CC  Qui  lu:  ZSr 
jnit  Vd  peu  refprit.  Mais'  la  contiance  qu'il 
cvrrén  la  parole  deMr^  D'Argenfon,  lejet- 
ta  dans  une  autre  extrémité.  Pteveou  qu'il  se 
feroit  pas  pendu,  îl  fe  lançafutieuxfurunde 
fes  Compagnons  nommé  LuOik  de  Maïence, 
&  l'outragea^  fort  qu'il  lui.  fit  trente  doux 
bleflures  ,  dont  i[  y  en  avoit  jufqu'à  treize 
citioiées  mortelles  par  les  Chirurgiens  qui  le 
-penfereut.  Cependant ,  contre  toute  eiperan- 
ce,le  Blefifé  n'en  mourut  pas  ;  mais  le  malheu- 
rcuxCuré,  qui  n'attcndoitquç  lacorde,  qui 
lui  étoitinftilliWe,  fifonAdvetûire  fût  mort, 
fut  enchaîné  dans  un  afireux  Cachot  pendant 
dix  huit  Mois  ;  pendant  huitdefquels.  il  fbtre- 
dutt  au<pain  &  à  l'eau,  .ce  qui  acheva  dé  lui 
de- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


4Ta  VlKjfiifitieu  fratipiftf 

démonter  la  cervelle.  Quand  jt  fuis  fortfdc 
laBaftille,  j'ai apris  qu'il  étoit  dacs  la  Tour 
de  la  Comté,  avec  un  nommé  du  Pleffis-, 
qui  fe  difoic  Marquis  Darcmberg  de  Bruxelî- 
les,  Prîfonni'cr  qui  eft  devenu  aveugle  depuis 
fept  â  huit  ans ,  par  les  mauvais  traittements 
qu'on  lui  a  faits ,  &  fur  tout  par  les  humidf- 
■tcz  des  Cachots  :  cependant  cette  infirmité , 
qui  le  met  hors  d'écat  de  nuire  àPerfonne,  ne 
lui  a  pas  fait  rendre  la  liberté.  Je  l'ai  vu  dans 
on  déplorable  état,  &  phis  cnguenillé  qw 
les  Gueux  qui  demandent  l'anmône;  quoi- 
que l'on  ip'àit  affirmé  que  c'eft  un  Homme  de 
qualité  &  de  mérite.  Je  ne  fçai  comment  il 
a  attrapé  On  Cl  wedn  :  je  croi  que  c'eft  Si  A. 
S.  Mr.  le  PriiKX  de  la  Riccia^  qui  fe  fiiîfo^ 
un  plaiiir  d'obliger  tous  ceux  qu'il  pouvoir, 
qui  le  lui  a  donne-Omm'aditqu'ilen  joiieaf- 
féff  bîcii ;  &  il  a  la  patience  de  montrer  àSo- 
tel  i  le  diTcorder pour  eng^erce  Curi  foo, 
i  av6it  foin' de  ce  deplor^ie  aveagte.  Qaét- 
qnes  uns  m'ont  dit  anlB  que  Sorel  étoit  un 
peu  revenu  de  Tes  extravagances  outrées^  & 

Îue  fa  folie  étoic  beaucoup  diminuée.  Je  {ma 
Hea  par  là  grâce  de  lui  accorder  une  bon- 
ne &  lincére-  a>nveFlîoa-,  &  à  tous- les  Me> 
chants. 

Vous  apprendre»,  mon  cher  Leûturdàns 
le  Second  Tome  de  cette  Hiftoire-  &  les  fui' 
vants,  le  refté  de  mes  Aventures,  àcellesde 
plulîeufs  autres  infortunei,auxquels  Si-Mars, 
Corbé,  Bemaville,  St.  Sauveur,  &  de  l'Aunay, 
Ont  âJtfoufirirdestoumfienK<,capables  défaire 
rougir  lesNerohs&  les  Denis.  Jelpere  de  vous 
pdooner  des  &its  plus  variez  I- &  tout  DU  moins 
aufli   - 

,.-„-.C.ooylc 


«s  PHifliàre  JtJa  Baftîlîe.  4f } 
auflî  intereflants  que  ccrat  qui  font  contenus 
dans  ce  PremîwTomé.  Je  commencerai  le  Se- 
cond par  les  foufFrances  de  ma  première  def- 
centc  au  Cachot,"  où  j'aWîis  Tdfon  dedirc!Îi| 
mon  barbare TyraDi  avec  Jeremie.  ItitintMi' 
xoHacavit  me,  quafi  mortuos  fem^itemos.  La- 
tmtMt.  Jtrem.  cap.  ^: 

F    I    N.    ■  ■ 


yABtE 

■,zf--„Googlc 


TA  BLE 

D  E  S   MATIERES 

Contenues 
dans  ce  Prenuer  Volume. 


ACmet,  Tare,  Page43ï 

Application  des  Paflàgeidu  IV.  Chapi- 
tïjedjc  I'£ccl*fiafte  aux  crnautcï:  de  la  E^- 
tjJté,  page  première  &  fuivautes. 
Ma4-  de  St.  George  d'Aunay.  I?8 

Mr."Anchîti ,  Saxon.  i  ï» 

L'Anglpis.'     ■ . 
De  l'Aunay  ,  criiel  Tyran. 
Mr.  d'Avignon. 


4Î5 


LeMarquis  de  la  Baldonniere.  134 

Baftille  ,  fa  defcnption.-  lia 

Mrs.  Baubriant  rEvefque.  4^5 

Vincent  Béguin.  un 

Becnaville  ,  Chevalier  de  la  Manditle  ,  Coa 

Apotheofe.  xix.  &  j 

Fait  profiler  la  Gargotte&  la  ChaflëdeVîn- 

cennes.  6 

Par  quelles  voies  il  entre  en  la  Baftille.  7 

Par  quels  artifices  il  en  obtient  leGoaverne- 

-    -        î-  Ses 

u,:,-,zf--„GoOglc 


DESMATIERES.  ' 
Ses  cruaQtez.  9.  &  faiv.anl:e^ 

Sa  Tyrannie  depuis  la  Page  première  jufqq'à 
"    la  dernière. 

Mr.  Jacob  le  Berthon,  fon  Hiftoiré,"        itf9 
Mr.  leMarëchal  deBelIefond,  Auteur  de  la 

Fortune  de  Bemaville.  6 

Pierre  Bertran  ,  Clercdc  Procureur,  iafign* 

împoftcur.  7Î 

Pierre  Bont.  lui 

Jean  Bafter,  Officier  Flamand.  jag 

Bourgouin,  81 

Mr.  du  Boulay,  Capitainedans  le  Régiment 

Dauân.  %6 

Boutonnière,  8 1 

Bouts-rimez.  ij,  17,  5l,îtf} 

Le  P.  Florent  de  Brandebourg,  Capucin,  le 

dilànt  Prince.  îîî-  Ses  Vers.  34,7 

Mr.lc  Comtede  Brcdcrodes,  lai.  SonHiC- 

toire  prodi^euCe.  gtfS.  Epouiè la  Marqui- 

iè  de  Boîs-Roger,  370 

LeChevalier  Veher  de  Broch.  xL 

Mr.deBrunsfieldsKouakre.  go.  fon  Hi'ûoî- 

re.  z69 

Mr.leComteduBucquoit.  XIi 

Mr.  le  Chevalier  Thomas  Biirnet.  jjif 


Mr.JeanCardel  de  Tours  xlvi 

Cereace  &  lesCetançois.    .  4fc> 

Cnampion.  43 1 

Mr.  Chamillart  lapelle  M,!.  Conftantia  en, 

France.  .10 

Mr.  de  la  Chapelle  Secret  aire  de  Mr.  le  Corn-. 

te  dff  Pomchaitiain.  i  % 

Mi. 


T  A  B  L  E.    1 

Mr.  Charâs,  fes  Avantures.  $tj 

Atigufîiii  le  Charboauier.  ixxi 

MnCherberg,  Lieutenant  G^Qeut  du  Can- 
tondeZuiig.  xiu 

LeChcvalier,  4^ 

Mr.  Conlhuitinde  RenncvîHe.  cniautez  ïa« 
-  ouïes  dODt  il  eft  accablé  par  BeraavîIIe. 

XXII 
Ifl  arrêté*  ij 

'  'Son  entrée  dans  la  Badille,  32 

EU  introduit  dans  taleconde  chambre  de  la 
Chapelle.  jf 

On  lefonilte.  16 

Il  ell  transféré  dans  la  Seconde  Chambredc 
la  Tour  de  la  Uertaudiere ,  dont  il  fait  la 
defcription.  loj 

On  le  laîfTe  plus  de  fis  Mois  Gais  changer  de 
Chcmifc,  pendant  que  Cofbé  fe  paroit  de 
fon  linge.  '  '  1 10 

Il  eft  mis  dans  la  Calotte  de  la  Bertaudiere 
avec  Mr.Lînck  de  Leiplick.  150 

Il  eft  transferéavec  Mr.  Lînck  de  la  Calotte 

'  de  la  Benaudiere  dans  la  Troifîéme  Cham- 

bredelaTourduCoin.  ifj 

'  Refte  par  deux  difTercnies  fois  dnq  jours  & 

•  onq  nuits  ians  prendre  la  moindre  noatri- 

ture,  Cependant  plus  de  trois  Mois  ilav£- 

cud'nnœuf  &d'aapeu  deptifane.        941 

Il  eft  mis  pour  la  première  foisau Cachot. 

466 

UnConfeillerduParlementdeParis  refte.  34, 
Prifonnier.  L 

Collier,  CordonniecdcPtrîs",  fa  Femme  & 
fesEnlàatsPjrifonnieis.  J15 

Mr.  leCoî.  43  f 

■  Corbé 

u,:,-,zf--„GoOglc 


DES    MATIERES. 
CorbéjNeveudu  Gouverneur  St.  Mars.  Soa 
Portrait.  37.  &  7* 

Rofarge  f«t  l'Eloge  de  CorW.  47 

ïilSgaeitiponinmfedéGorM.  fii 

Autre  friponnerî«de  Corbé  &  du. Major.  tfS 
Antre  fr^onnerie  éclatante  de  Corbé.  387 
Crçne  épouveat^le  de  Corbé.  Lxi 

Mr.  le  Baron  de  Corneberg,  fes  Avantures. 

■■■■^■r     ' »4 

leaaCrofnier,  -Anteardela  Gazette Batlef- 
qpc,  fes  Avantuïes.  41 


Mad.  Daligny.  447 

Mr.  D'Argenfon  fou  Portrait,  jl.   Son  or- 
gueil outré.  .  391 
Mr.  le  Comte  Davaux  prefeme  Mr>  ConfÛD'- 
lia  à  Mr.  le  Marquis  de  Torcy.  n 
Mr.  peïûao.                                          lu 
Nicodéme  Delimberg  de  Grenoble  ,  fon 
Hiftoire. Terrible.                                   179 
Mr.  Diodàti.                                          lui 
Divaux.                                                 44S 
Diverlité  des  Prifonuiers  qui  cntrcot  dans  la 
Baftille.  S 


Ecolier  Prifotmier  pendant  jf.  an  ,  pour  a- 
.  voirfâitdeuxVerscontrelesJefuites.  xlvm 
Epigrammes.      tfo,  98,  34$,  3ï<^»  &  (Sui- 
vantes. 


Çhar- 

.--„Googlc 


Charles  Farcy,  Soldat ^L^GarâttS,  fimHîf-i 

toire.  i7« 

Mr.Farie,  dcGirUa«lllBc«a.        1L.À1JS 

.  Mc.de la Ferriere.  43^ 

Marguerite  Faandtier.  .  '    .   ijrf 

Fontaine  de  Tourtiay.  xxnx.  &  493 

Mr.  le  Fort  &  UBC  AnfiUâft.  '   ji} 

Antoine  Folmn  P'illeveffiere.       .  .      ,  .  410 

Henri  Francillon  ,  de  St.  Maxitnin  pris  de 

Grenoble.  u 


Jean  Félix  GaïKîerd'Hcniflkrt.  I3« 

Gautier,  Curéde  Granvîllc.  4%t 

Le  P.  Ga.utiHche  i  Jefuite.  aStf 

L'AbbéGiraut,  AumônierdelaBaftîllc.    8» 

ïj'AbbéGoniBlIe,  l'Aîné,  fonHiftoire.  3ji 

L'Abbé   Gonïelle  ,  le  Jeune  ,  fon  Htdoirç. 

Wl 

Samilel ,  ou  plutât  Geroiam  Gringalet ,  1« 

iàifant  appeler  du  Prey  ,dvuomdeJadîtii 

duPreylàMere,  duVillagede  Vemy,att 

Païs  de  Gel  &  fe  difant  ae  Genève.  3it| 

&  44* 

Pierre  Guenon.  lui 

M>  Gucry,  Capitaine  IrlaudOLs.  xl 

Mad.  Guyoïi.  &incu&  Quiétifte  Ton  Coirfef' 

fcur.  tjf.&iA 


.--„Googlc 


BES    MATIERES. 


Mr.  d'Hamilton,  Ecoflbis.  r.v 

Le  Hoguais.  4^5 

Mi.  du  Hommet,  Curé  de  Granvillc.    ^37 

;  J- 

Mi'.JatMçoade  Montdevis.  Lii 

Jcfiiites,  leur  AmbîtionÔt  leur  Hypocrifie, 

deux  toursd'Ecoiiçrpourlesenpunir.  290 
De  l'ille  ChapedéJaîne,  Avocatà  Vire.  41; 
Mr.dujoncas,  LieutcnantdelaBaÛille.  77 
Parftlelle  de  l'Inquifition  Françoifeàcelledc 

Goa.  xLvi 


La  VetfFve  Lailly  S  fa  Fille,  IrlandiMfes.  lxih 
MrIcDuc  deLaaian,  Hiftoiro  terrible.  7+ 
L'Ecuycr,  Capitaine  des  Portes  dclaBallil- 

le.  53 

Mr.CririftienHenriLînck  ,dcLeîpfick,  fort 

Avatiturc.  iso.  Sa  fortie.  joo.  Nous  dit 

adieu.  309 

Mr.  Liiich ,  Capitaine  Irlandoîs.  xxxix 
Mr.  de  Loifeliere.  435 

Jean-BabptilledeL'Ormeaa,  Ef.  Sr.  de  Fa- 

lourdet , Officier  deDragoQS.  1:4 

Mr. Lucas,  fooHiftoire.  451 

Mr.  Luftick.  471 


Xi  Ma- 

u,:,-,zf--„GoOglc 


M. 

Madr'gaux.  3  S» 

Mariaoae,  Magicicoce.  447-  Sacondamos- 
doo.  4;j 

LcFilsduRoidcMaroc.  _    xm 

Mr.  de  Maupenuis,  Coufin  de  Mr.Chamil- 
lart.  2* 

L'Abbé  deSt.Martin,  de  St.  Etiaineen  Ft>- 
rtt,  fonHifloire.  »oi 

La  Mas.  l 

St.  Mars ,  Gouverneur  de  la  Baflille.  Son  Por- 
trait. 3:.  &7Î.  Ses  Gafconades.  j4. Ter- 
rible cmporiemcnt  de  ce  décrépît.  «4.    Il 
queflionne  l'Auteur  furfonfcjour  en  Hol- 
lande. 66 
Jacques  Maurice,  Taiîleurd'habits,  près  de 
Valencienncs.                                        ;a£ 
Henri  Maurice,  Baîlljr  de  Ville-Dieu.     419 
Montlico,  frocureur  de  Vire.                 431 
Mr.deSt.More,  Lieutenant  de  Grenadiers , 
Fils  de  Mr.  Toiain,                             Î4  j 
£loge  de  la  NobleOè  des  environs  de  Mor- 
tain.                                                     4: 


Odtifcot ,  Irlandois  ,  fon  Hiftôire  funette. 

LIlV 


.--„Googlc 


DES  MATIERES. 


St.  Pair,  ProcarcurdoRoi  de  l'Amiratitéde 
GraDville.  435 

Papafaredo,  Prêtre  Italien.  8j.&4otf'  , 

Le  Parc-Couroys.  4ÎÎ 

Mr.  Peqûct ,  Secrétaire  de  Mr.  le  Marquis  de   ■ 

Torcy.  i2 

Maturin  Picot,  deGouniay,'fesAvaQtnres. 
51a 
Picot  Berger.  44<- 

Pigeon.  ■  LIS.  &  3 

Pinél ,  Prieur.  41  S' 

Mr-Piquelin.  43 j.     L'Hiftoîrede  fon  Père.  ■ 
-   -        431Î 
Du  Pleffis,  Marquis  Daremberg.  47a- 

Lc  BaroD  de  Pofcenet.  971; 

Q- 

Qyefîiel.  43  j; 

R. 

Âbr^atQR<Uht,Chirttrgieade]aBaAiile.79' 
Mr.  le  Prince  delà  Ricda.         ïiii.  &  «ji 
he  P.  Riqueiet  ,  Jefuite  .  Conteflèur  de  li^ 
Baftilie.  |tf- 

L'AbbéRollet,  Chanoine d'Autun,  Précep- 
teur des  Enfants  de  Mr.  Brunct  de  Ran- 
cy.  îio 

RoOirge  ,  Major  delà  Baflille.  41^  i*,  &- 
75.  Inûgne  friponnerie  de  ce  Major,  %$»■ 
Riie  Porte-Clefs.  43.  &  81 

"?C-3  Phi^" 


PhilibertdeUSalle.dcSt.Eiienne  en  Forefl- 

Î>S 

NicolïsSandro,  desHayesd'AveliieenHai- 

naut.  85. 6c  4^7 

M.IeBaron  de  Saffinet.  xvi.&  114 

Mr.delaSauUis,  Medccni.  ^is 

Mr.  le  Savage.  44) 

St.  Sauveur  Neveu  de  Bernàville.  jxv  i 

Mrs.  Schraderde  Pcck,  Gentil  -  Homme  de 

Hanover.  XLri,  &  310 

Simon  Plaidear.  43f 

Sonnets  Chrétiens.  9?.  &  fuivantes.    Sur  la 

Baftille.  348.  Et  furune  Fille  quffepoïg- 

narda.  J5Î 

Antoine  Sorel ,  Cuté  de  Lery ,  fcs  Ayantur 

res.  lyif 

Mr.  Stinkfon ,  Banquiet. Anglois , fonHifloi- 

te.  38y 


La  Tîbrie,  fon  Hiftoîre.  41  j 

Mr.  le  Marquis  de  Torcy  ,  Trait  très  tou- 
chant defa  generofité.  19 
Toiain  deBoEdeaux^BouigeoisdeParis,foa- 
Hiftoîre.                                             3;$ 


Vander-borg,  Hollandoli.  jpj- 

Varin  de  Rennes.  ijtf.  &  15* 

Mr.  Antoine  Vidal ,  de  ToulOuzr.         ■  ;tf^ 

Ville- 


.--„Googlc 


DES   MATIERES. 

Ville-Dieu ,  HilïoircsdelafimpîîcitédcsHa- 

bitans.  41 V  &  4tS 

Wiperman  ,  Gentil  Homme  de  Hanover. 

Y. 
Ynor,  Avocat  de  Granvillc  43.J 


.--„Googlc 


1 

FAUTES 

SURVENUES  I 

A    L'IMPRESSION.     I 

DANS  LA  PREFACE. 

Page  jïxi,  ligne  première  nés:  liiez,  cornes. 
Page  st.  ligne  ao.  ces  forces  :  liïC2,fesfor-  ■ 

Page  xLi.  ligne  7.  effacez,  &  fe  îoïantpiêt 

d'être  noyi^. 
Page  xLvi.  ligne  dernière  dans  ma  Paraphra< 

le  :  liiez  dans  la  Préface  de  maParaphrafe. 
Page  tsiii.  ligne  6.  la  pauvre  malheureafè  : 

lifei  cette  malheureufe. 
Page  Lxiv.  ligne  a?.  Prince  en  fa  ^car  : 

liiez ,  Prince  qui  parle  en  fa  faveur. 

Dans  le  Corps  de  l'Ouvrage. 

Page  5.  lignes  z  &  3.  du  pim  grand  &  du  pins 
augalle  Roi  :  lifez ,  d'un  des  plus  grands  & 
des  plus  augufles  Rois. 

Page  13.  lignederniéreilfortoitilifez, com- 
me Mr.  Chamillart  fortoit. 

Page  14.  lignes  4.&11.  Ferrantilifex, Fer- 
rant. 

Page  »9.  ligneé.leporta:  lifeZ',  lespona.    . 

Page  93.  ligne  30.  eff  :  liiez ,  étoit.  Ligne  der- 
nière pour  en:  tifez,  pour  leur  en. 

Page  39,  ligne  ztf.  Itlandoife:  lifeZjIrlandoifes. 
Pa. 


Page  4t.  ligne io.deRîccia:iifcï,delaRio 
da.  Ligne z5.avoitfeit:  lifez,  avoitécrit. 

Page  44.  Iignci7.jcne  tepeux;  lifez,  je  ne 
-     te  pais  dire. 

Page  46.  lign«iî.leLieutenam:lifei,LJeu. 
tenant. 

Page  54.  ligne  7.  d'un:  lifez, d'une. 

Page  j(!.  Jigne  j^. poids:,  liiez,  poix. 

Page  71.  ligné  17.  il  leur  fait:  liiez,  îi  leor 
a  fait. 

Page  74,  ligne  dernière  ,  prenoit  un;  lifez, 
prenoit  une. 

Page  81.  ligne  4.  aux:  lifez,  au. 

P^e  134.  ligne  94.  ce  Miniftie  :  lifez ,  le 
Miniftre. 

Page  i;tf.  ligne  6.  an  lien  de  :  le  Major: 
lifez,  ^ad.  de  St.  George. 

Page  144.  liçne  31.  delelailTer:  lifcx,  de  le 
laiflèr  partir. 

Page  14.5.  ligne  I7,  raifon:  liiez,  îkiCon. 

Page  148,  ligne  10.  une  des  Chambres  :  li- 
iez une  des  plus  belles  Chambres. 

Page  161.  ligne  1  i.dcsjours:lifez,]esjours. 

Page  177.  ligne  18.  qu'elle  demanderoit;  li- 
iez ,  qu'elle  en  dcmanderoît. 

Page  179.  ligne  dernière,  l'enJèvetit,  lUcï, 
enfevelir. 

Page  2J4.  ligne  14.  En&nt  :  lîfèz,  Enfant. 
Ligne ij.  étropiai:  lifez,  étripai. 

P^e  ÎI7:  ligne»!,  font:  lifez,  fout. 

Page  338.  ligne  10.  rendoit  :  lifez,  rendit 
juDice.    Ligne  14.  les  miens  :  lîici,  le  mien. 

Page  5îî.  ligne  27.  iufcrîptions :  lifez, dcf- 
criptions. 

Page  Ï67.  ligne  ao. qui fcroient:  lifez qnife- 

lOltf. 

Page 


.--„Googlc 


Page  37i.  ligne  »o.  qni  nous  :  lifeïqaivons. 
P^c  37<.  ligne  30.  appelleront  :  liKzappel- 

Page  390.  ligne  11.  bitff:  lifez,  billeu  l-ig- 
ne  >t. imprudence:  lifes impodence.'  Lig- 
ne 2  f.fçaieiltiès:  lifez,  fçaide  très. 

Page  3jii.  ligne zi.joiiei agios:  lifez, joiict 
gros. 
■Page  410.  ligne  1*.  Rondi  :  lifcz,  Bondy. 

Page  416.  ligney.leurpiêcha:  lilèr,  Il  leur 
prêcha. 


.--„Googlc 


.--„Googlc