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îBBiGooi^le
600004216J
Sac. '70 X
DgilzlsiGoOl^le
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D.qil.zMBlG001^le
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L' ILE
DE
nous
«Elfe M. r«llem=ni la ville dD Soleil; , , Jg^ y^ù è'nuç * TtÔXtç *>.10U,
ri .. «..«lAf«» «( digne d'Apo»"" " • - -' . .'. -
( LUCIXN , .
PAR
EDOUARD BILIOTTI
&
L'ABBE COTTRET
( rRETRE DU DlOCin DX BEAUVAtt )
Oavrage Irftduil en Grec Moderne, «vec leconcoun des Auicuri,
L'Aï. MAKC MAI.LIARAKX
CBEZ I.ES ACTEUBS
Et ACOMPIBCNE,CHEZCoTTRET,II,RUEDEL'EroiLB, 1
1B81 ,=q„.od.>Googlc
( Tous droita réserrëa )
îBBiGooi^le
TABLE DES MATIERES:
TOFOOSAPHIE Page l
PREMIÈRE PARTIE, HISTOIRE
Ire EPOQUE
— CHAPITRE I . TRMPS FABULEUX ... '... — i
Anciens noms de l'Ile — Origine fabulease — Premiers
habitants — Mention d'un premier cataclysme — Coloniaa^
tien Phénicienne — Colonisation Pélasgienne .
— CHAPITliE II. ÉPOQUE HïROlQDE ... Page 19
Prospérité desRhodiens — Divifiion Gouvernemerita-
1©— Hezapole Dorique — ■ Guerre du Péluponèa»? — Fonda-
tion de la Tille de Rhodes — Colosse — Fluctuations Poli-
tiques — Prise de Rhodes par Anémise — Sage politique
aa temps de Philippe — Alexandre le Grand .
— CHAPITRE ill. DO iv"=auii""HiicLE a.j.c. Page38
Démêlés avec Antigène — Siège de Rhodes par Dé-
métriuB Poijorcète — Tremblement de terre de 222 —
Nouvelle prospérité — Guerre contre Philippe III . Guer-
re contre Antiocbus — Protectorat Romain .
— CHAPITRE IV. tpoqiiK HOMAïKï ... Page 60
Guerre contre Mithridate .
— : CHAPITRE V. sous les cèsabs et sous les bhpb-
KKUBS d'obibnt . Page 65
— CHAPITRE Vi. HOMMES CRLÉBEBs ... Page 78
saovGoOt^lc
2"« EPCXSUE
LES CHEVAUBES HOSI'ITALIERS.
— CHAPITRE VII.
LE.S HospiTàLlBSS ... Pasïe
113
Origine
. dé rOrdi
le — Sa conatilution —
- Réformes
succestives .
Prise de Eliodea .
CHAPITRE
; VIII.
Foulques de Villaret
—
137
—
IX.
Hélion de Vil'eiieuve
—
142
•
X.
Dieudouaé de Gozon
—
159
_
XI.
Pierre de Cornélian
—
167
—
XII.
Roger de Pins ...
—
170
—
XIII.
Raymond Bérenger
—
174
— ■
XIV.
Robert de JuiUao
—
177
—
XV.
Ferdinand d'Héréilia
—
181
—
XVI.
Pliilibert de Naillao
_
188
_
XVII.
Antoine Fluviaii
—
204
—
XVIII.
Jejin Bon par de Lastic
—
211
—
XIX.
Jacques de MiUy
_
221
—
XX.
Pierre Ray. Zacosta
—
233
—
XXI.
Jeau Bapt. des Ursins
_
239
—
XXII.
Pierre d'Aubusson
—
248
—
XXIII.
Émery d'Amboise
_
275
—
XXIV.
Goy de Blauohefort
—
281
_
XXV.
Fabrice Carretto .
—
283
—
XXVI .
Villiers de l'Ile- Adam
287
-
XXVII.
Époque Turque
-
345
SECONDE PARTIE, ARCHEOLOGIE
ANCIENS VESTIGES
—
361
CHAPITRE I. KTEVi
—
366
II. UNDO»
III . 1AU-S80B ET ACH.'EIA
saovGoOt^lc
CHAPITRE IV. CAMiROS — , 394
— V. CRrriNiA '... -^ 413
— • VI. ixiA — 424
VII. ASITHA — 427
— VIII. WETMA — 428
IX. l'ai'ABYKUS El' SE3 TEMPLES — 429
• .X. KUINES IKC0.SSUE8 ... — 434
Kamaiy ou Kambiry et Mna.-8yrion , Vassilica. A-
ghios-Phocas , Marmaroulin , Siélio , Kymisalla , Cam-
bani , Environs de Sianiia , Kéramie , Aiiliios-Géoi--
ghios , Aprason , Cap Fouini , Ilot de Stronghili . — Rui-
nes épartes .
— CHAPITRE XI . Ancienne ville de Rhodes 450
Plan et diraeusions — Le rivage et les porta. — Punt
antique et nécropole — ZumbuUu , Saniourly , Biie do
Trianda , Cato-Pétrès , Mi>nt Smiih, ancienne acropole. —
Ruines éparses .
— CHAPITRE XII. Monuments dos Chevaliers- 493
Aspect général . — Défense di-s l'orts , — Ceinture
extéiieure. — Casiello ou ciié milîtairu . — Quaitier
bourgeois . — Forterestes dv& vitUii,es . —
TROISIÈME PARTIE
ÉTAT INTELLECTUEL ET'tiUClAL
— CHAPITRE I. ARTS ET sciE.NrEs ... Page 587
Céramique. — Métalluigie . — Navigation — Insirnc-
tion . — Arcliitecture , Am»'nblement , Fresque s . Cuivies,
Armurerie . Tissus et t-ipis^eries . —
CHAPITRE H. LOIS ET GODVEKNEMEXTS — 5)5
— CHAPITRE III. EELiGioNs — 574
Paganisme . — Époque Chrétienne .
— CHAPITRE IV . POIDS, mesures et moxmaies 596
saovGoOt^lc
Époque Grecque . — Époque des Chevaliers. — Epo-
que Turque . .
— CHAPITRE V. MŒURS ET COUTUMES ... — 605
Temps anciens . — Temps modernes . —
QUATRIÈME PARTIE.—
GÉOLOGIE, - CLIMAT. - AGRICULTURE, - DIVERS-
— CHAPITRE I. ÉTUDE GÉOLOGIQUE ...' — 641.
Forme et superficie . — Soulèvement originaire et é"
roaions. — Assainissement, érosions. — Relief de l'Ile -
Hauteur absolue , relative et comparative des monla^
goes. ■ — Constitution du Sol . — Concbyiiologie . — Hydro-
graphie .
CHAPITRE II. CLIMAT Page 666
. — III . FLORE , FAUNES , PÊCHE — 671
IV. AGKICULTURE — 678
— V . COMMERCE — 702
— Vl . TOUR DAK8 l'iLB — 707
— VII . IMFORMATION OBNÉRALKS ■ — 716
saovGoOt^lc
L'Ile de Rhodes
D.qil.zMBlG001^le
îBBiGooi^le
PREFACE
L'un dea auteurs de ce livre , nourrii^Bant dès l'enfunce
l'amour du sol natal , a cousacré ensuite sa vie à recueillir
les témoignages de sa gloire passée . Quand il crut
avoir suffisamment puisé dans le tréaor du l'Histoire , il ne
voulut pas concentrer en lui-même la noble fierié d'être
l'enfant d'une si gloiieuse patrie. De là est née l'idée de ce
livre .
Mais ce sentiment d'admiration, ei légitime en lui-même.
n'aurait guère été partagé , si la difficulté de l'exprimer
n'avait été combattue avec effort. Quiconque a toujours
habité le Levant , sait combien est grande cette difficulté;
c-ar le goût des lettres y est trop endormi pour qu'on puis-
se se former à l'art d'écrire , et aucune bibliothèque ne
fournit ce que la société ne donne pas .
Alors survînt à Rhodes un prêtre français qui s'empres-
sa d'associer son travail à celui de M. Edouard Biliotii ; il
trouvait ainsi le moyen d'occuper honorablement ses loi-
sirs . d'entretenir en pays étranger la connaissance de sa
langue maternelle; de payer un tribut à l'amitié et à l'hos-
pilalité dont il recueille les bénéfices ; de refaire sur la
saovGoOt^lc
théâtre même des érénements , des étuiJes froidement fai-
tes sous un autre ciel ; enfin comme eon colUbnrateur , il
se Bentait dominé pat- une noble ût-né : celle de retrouver
au delà de la Méditerranée , l^s fiâtes de sa patiie .
Eu eïïiit dans ces mines , hélas ! uondiimné^t à [lérir , et
dont chaque jour emporte une pierre , on lecunnaît le Gé-
nie de la France ; les armoiries rappellent : ceite j-lorieiise
noblesse qui oppose une digue inf ranch issahle au tuirejit
des forces savrasines; les remparts et les furteressef-: cet:e
activité intelligente, féconde et puissante qui protège les
campagnes sans dérober aux regards L^s attraits de lu utt-
ture , qui assure la prospérité et défie l'ambition ; les bas-
tions et les tours enfermés dans une Luge ceinture de ci-
metières musulmans: cette valeur héroïque que le nombre
écrase . que le péiil n'émeut pas, qui abandonne unit place
désarmée, et impose à l'ennemi , encore riche en muni,
tions.le respect de sa liberté; tes églises convt-rties en
mosquées : cette foi ardente' qui animait la pierre et le
marbre de l'inspiration même de ceux qui construisaient ,
la truelle d'une main et l'épée de l'autre , la croix anr la
poitrine . En un mot, l'Histoire de lîhodes est une belle
page encore du (iranl Livru Geeta D^i iK-r Fiunco", Ge-tes
de Dieu par U France , et au,-i.-.i par 1 Itiilie et par l'Esp:!-
gne .par l'Allemiigne et par l'Angleierre enfin , qui n ont
qu'à se glorifier d'avoir été , k cette époque , confondues
dans lu concert des Nations catholiques, auxque. les se sont
associéet avec une fidélité et cm dévouement di>;nes d'é.o-
ges les populations grecques des Iles que ont composé le
domaine des Chevaliers .
Nous ne saurions nous le dissimuler : pour sauver au
saovGoot^lc
moins le soaTenir de ces ruines qui racontent le paBsé de
deux grandes civilisations maîtresses autrefois de l'Ile , il
faut des connaissances étendues et profondes ; une plume
exercée pour faire surgir des monuments qui disparais-
sent , un monument d'un autre genre . Nous avons néan.
moini entrepris ce travail, plus confiants dans notre cœur,
que dans nos connaissances et notre talent; et si l'histoi-
re exige d'autres ressources que celles de la sensibilité ,
nous les avons empruntées en grande partie à l'intelligeu-
ce et à l'érudition des voyageurs qui ont vu et écrit avant
nous .
Alors pourquoi ce livre , et quel intérêt peut-il offrir ?
A ces deux questions répond la table des matières ; elle
montre que nous avons réuni dans un même travail ce
qu'on ne trouve qu'isolé ; l'histoire ancienne n'était pas
faite , en ce sens qu'elle est confondue avec l'histoire géné-
rale de l'Orient ; l'Histoire des Chevaliers n'éiait plus à
écrire; mais elle pouvait , comme toute histoire épisodique ,
être racontée avec des couleurs nouvelles; et la bonne ren-
contre d'une journal manuscrit du siège, en langue turque
du XV'ns siècle , nous procurait en particulier sur cet évé-
nement mémorable des documenti inconnus .
Mais c'est surtout dans la partie consacrée à l' Arofaéolo-
gie que nous avons étendu les connaissances acquises.
Nous avons sur les voyageurs venus à Rhodes pour en étu-
dier les mines, l'avantage incontestable d'être de Rhodes;
d'avisir parcouru les villages , les montagnes et les vallées
an point de n'avoir en quoique sorte laissé aucun endroit
où noua n'ayons posé le pied ; de ce long séjour dans un
pays où d'ailleurs toutes les murailles attirent l'atteutiuo
D.qit.zeaOvGoOt^lc
du plus indifférent , il résulte une sorte d'instioct qui met
sur la piste des monumeuts; aussi beAucoup sont- ils décrits
ici , qui avaient échappé aux investigations guidées seule-
ment par la bonne volonté aux prises avec l'extranéiié .
£t puis nous possédons les savimtes découveried de M.
Alfred Biliotti ; poësesseur titulaire d'un Firman délivré
par la Porte , seul contractant avec les propiiétaires , et
spécialement commissionné par la Musée Britannique , il
commença les fouilles de Calavarda , à l'endroit où sa pers-
picacité depuis longtemps mise en éveil , lui faisait devi'
ner l'antique Camiros . Four l'aider dans ses travaux . il
appela modestement à ton aide rex|iénence de TA. Augus-
te Salzmanu , et fit avec lui un partage très- désintéressé
et très-iuégal de la peine et des dépenses d'une part , du
profit et de la gloire de l'autre . De leurs travaux ainsi as-
sociés en raison inverse , est résulté en premier lieu un
prog^s dans la topographie , et un autre plus important
dans la céramique Rhodienne . Inédits jusqu'à présent,
cous avons profité de ces progrès, mais nous regrettons de
de n'avoir pas été en demeure de publier quelques plan-
ches extraites du magnifique atlas publié sous le nom uni-
que de M. Auguste Salzmanu , auquel seul sont accordés
par le public savant, les honneurs méi-ités en commua
avec son associé . Il est vrai que ie num de M. AlfreJ Bi-
liotti a revendiqué sa part dans les Musées de Londres et
de Clnny ; mais un atlas voyage et se multiplie ; ce n'est
donc pas sans éprouver une légitime émotion que nous a-
Tons entendu la Commission scientifique envoyée dans la
Levant par l'Université d'Archéologie de Vienne nous van-
ter le travail de M. Auguste Saîzmann , édition posthume
saovGoOt^lc .
publiée par son frère .
Son asaocié trop iiiconnu avait reprie en 1880 les fouil-
les interrompues depuis longtemps , et nous étions en droit
d'en attendre les plus heureux résultats scientifiques,
quand il s'est heurté contre un obstacle imprévu .
Nous avons réuni dans une partie spéciale nos observa-
tions géologiques , très-iocomplètea certainement ; mais
nous expliquons dans des cousidérations géuérales les obs-
tacles qui joints à notre inexpérience , ne nous permet-
taient pas de leur douner un plus grand développement .
Nous avons voulu aussi être utiles autrement que par un
aliment nouveau fuuroi à la lecture ; c'est pourquoi nous
nous sommes longuement étendus sur l'Agriculture loca-
le; si nos critiques contribuent à apporter uu remède au
mal qui épuise ce petit lambeau de terre , et à lui rendre
la prospérité , nous nous croirons bien récompensés ; car
c'est le but que nous nous sommes proposée . C'est aussi
pourquoi nous n'avons rien négligé de ce qui peut attacher
l'attention sur les besoins et sur les ressources du Pays .
Nous atteudons de la critique, au besoin nous suscitons
des observations ; ici elle relèvera une lacune, là une né-
gligence dans le style ; nous en accu^onsà l'avance l'isole-
ment dans lequel nous vivons , et nous saisirons aveo
empressement l'occasion de combler les unes et de corri-
ger l^s autres .
Nos lecteura trouveront aussi que l'exécution typogra-
phique laisse à désirer . Nous ne pouvons pas le nier; mais
nous pouvons réclamer l'indulgence . Jusqu'ici il n' existait
pas d'imprimerie à Ebode? et nous aurions dû nous adresser
au dehors ■ Mais pcraonne n'ignore que Typographes et
saovGoOt^lc
Auteurs ont besoin de correspondre fréqnement . Ov non»
Bommes lrO|> peu favorisés ici pour que ces relations
n'aient exigé un temps considérable . Il faut tenir compte
aussi des tempêtes qui obligent les paquebots à franchir le
mouillage sans déposer ni prcnilre les correspon lances .
C'était done une nécessité .impérieuse de nous faire typo-
graphes ; malgré toute notre attention , nous ne pouvions
pas être dès le début assez exercés pour né pas laisser é-
cbapper des lapsus . surtout si l'on considère que notre
compositeur est un enfant n'ayant pas la plus petite notion
de la langue Française, et notre cbt-f d' atelier . un jeune
Turc sans le moindre vernis d'instruction ; leurs yeux seuls
les dirigent ; souvent la correction .difficile des épreuves
ne pouvait être faite que par un de nous ; car à quelques
Kilomètres nous étions séparés par deux journées et livrés
au hazard des passants .
La même difficulté pour correspondre , nous obligea i,
faire ciseler à Smyme les illustrations . Le graveur que
nous avons rencontré, n'ayant jamais exécuté des travaux
de ce génie , ne pouvait pas faiie œuvre de maître . Quant
à la carte , la planche en a été faite i^n Angleterre ; mais
l'impression en taille douce exige un matériel que nous ne
possédons pas et noua avons dû la faire exécuti-r t- n Fran-
ce.
Enfin nous devons un hommage particulier à M. 6. T,
Newton ,qui nous a gracieusement accordé l'usage de la
planche du plan de la ville et des faubourgs , sa propriété
réservée .
En même temps que l'édition Française , nous publions
la traduction tn Grec moderne de l'Ile de Rhodes. GotM
,aa,Gooq)c
traduction est faite soua nos yeux et surreillée par nous .
Le grec moderne a const^rvé avec la langue ancienne des
traits de ressemblatice qui accusent une fille plutôt qu'une
eœur . Le talent du Traducteur est connu et apprécié .
Nous croyons doue que la lecture de l'édition grecque, quoi-
que spécialement destinée au Levant , n'offrira pas tant de
difficultés aux Européens qui ont étudié Homère et Démos-
thène * qu'ils n'y trouvent quelque attrait .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
îBBiGooi^le
L'ILE DE RHOBES
TOPOGRAPHIE
La plus orientale et la plus grande des Sporadcs , l'Ile de
Rhodes est située entre le 35 *" 53 ' et le 36 *» 27 ' de Lati-
tude Nord , et le 25 " 23 ' et 25 *> 56 ' de Lon^tude Est, du
Héridien de Paris . s
De forme oblongue , elle s'étend dans une direction N. E.
- S. 0. Son extréraitiJ Nord , est distante d'environ 12 milles
de la côte de l'ancienne Carie eu Asie Mineure , (actuetle--
ment Mentéché d'Anatolie ) . Sa longueur , est approxiniati-
yenient de 43 milles Anglais, ( 70 Kilomètres) , et sa plus
grande largeur , du Cap I^rdos au Cap iMonolithos , de 20
milles ( 32 Kilomètres) •
Les dimensions indiiiui-es par Mr. Guérin , sont évidem-
ment erronées ; il assigne au canal qui Si'-piire Khodes de 1'
Asie Mineure, une largeur de 12 Kilomètres seulement, tan-
dis que d'autre part .il donne ;i l'Ile mémo, une longueur de
78 Kilomètres sur une largeur de <H0 . Or la carte de l'Ami-
rauté Anglaise, la plus précise que l'on possèJc, voire inèiue
;aovGoO<^lc^
2 TOPOGBAPmE
celle que Mr. Guérin annexe à son ouvrage , sont en contra-
diction avec ces données .
tes plus anciens écrivains Grecs font mention de l'ile de
Rhodes , et la Mythologie attribue son origine à ia puissan-
ce d'Apollon, qui l'aurait fait surgir du sein des ondes. Sans
contester la puissance d'Apollon ,nous iienchons plutôt à en
rapporter tout le mérite à Vulcaïn; car, ni !a structure tour-
mentée , ni le caractère neptunien du sol , ne permettent de
mettre en doute un soulèvement volcanique . D'aillcura, nous
reviendrons sur cette question , dans une courte étude géo-
logique , que nous l'envoyons ù la troisième pailie de cet ou-
vrage .
L'Jle s'élève graduellement de la mer jusqu'à ce qu'elle
ait atteint , sur la ci-éte du mont Attaïros , ( l'ancien Atavy-
i*os),xme altitude de 4068 pieds Anglais, soit 1240 Mèti-es.
C'est là qu'Althéméne avait édifié un temple célèbre à Ju-
piter Atabyrien .
r^s points les plus élevés de l'Ile, après le mont Attaïros,
qui , sur le vei-sant Kst , prend le nom d'Artaniity , sont : le
mont Akramity et le mont Klia , dont l'un mesure 370G et 1'
autre 2630 pieds au dessus du niveau de la nier .
L'Jle est divisée , dans le sens de sa longueur , par une
chaîne de montagnes qui , se dirigeant en zigzags du N . E.
au S . O ., projette des branches dans plusieurs directions .
l)u mont Elia à l'Attnïi-os , elle s'appi-oche de ta câte Nord
de l'Ile , et une de ses branches , se déLiclmnt de l' Akramity i
vient plonger dans la mer au Cap Monolithos , formant ainsi
une Ijariière naturelle entre les deux parties N . O . et S . O.
de l'Ile.
A partir du village d'Embona, situé au pied de l' Attaïros
saovGoOt^lc
TOPOOEAPHLE 3
en se dirigeant au Nord-Est vers la ville de Rhodes, les hau-
teurs s'effacent graduellement , fonnant entre elles des val-
l''es peu profoiides^. L'aspect de cette partie de l'Ile est très
accidenté . Les flancs de la branche littorale , brusquemeut
déchirés , sont comme unlivre ouvert aux explorations géo-
logiques; des monceaux informes d'un terrain similaire, nou-
vellement détachés avec les lambeaux de foi'ôts qui les recou-
vrent, attestent que les mamelons semés sans ordre en d'autres
endroits, ont glissé des sommets plutôt qu'ils n'ont été sou-
levés du fond des vallées , et qu'ils doivent leurs formes ar-
rondies ;t l'action des torrents . Les derniers tremblements
de terre, bien qu'ébranlant un sol mieux assis par les siècles,
ont produit des phénomènes analogues . Du pied de ces col-
lines pour arriver à la côte , il faut traverser une étendue
pliis ou moins large de terrain de s(!diment, qui n'offre plus
an regard la moindre ondulation ; la nature et la fertilité de
ces terres, prouvent assez que la couche supérieure prévient
d'alluvions . Une plage stérile , d'une largeur presque nnir
forme , mais qui tend à s' accroître tous les jours, les sépare
de la mer, 'jusqu'à 3 milles environ avant d'arriver à Rhodes.
Alors le sable de la plage , se confond par une pente douce
avec le pied de la montagne, et sur le parcours d'une demie
lieue , la marche est très pénible . On arrive enfin au pied
de la hauteur qui au N . 0 . couvre la ville . La route con-
tourne en corniche le mont S*. Etienne, au mUiou de rochers
d'.'nudés par les pluies torrentielles , et par les vagues qui'
viennent déferler avec fureur contre ce3_ brisants et font par-
fois entendre comme le bruit lointain.du canon . En peu d'
endroits , la nature se montre aussi pittorestiue qu'en celui-
ci, que l'Histoire, nous le verrons phis loin, enrichit de très
D.qit.zeaOvGoOt^lc
4 TOPOOEAPHIE •
intéressants souvenirs .
En suivant toujoura la côte , on aboutit à la Pointe des
Moulins ( Coumboumou des Turcs ) , où la plage acquiert
une plus grande largeur . Elle s'étend du Nord à l'Est, for-
mant la splendide rallèe dans laquelle est sise la ville de
Bhodes avec tous ses faubourgs , et dont nous ferons la to-
pographie spéciale .
Au Sud , dans la direction de Lindos , la première partie
de la route , présente le même caractère tourmenté et con-
vulsionné que la partie N.O. Le terrain va en a' élevant
dans le voisinage d'Archangelos, et avant d'arriver dans ce
village, on doit traverser la gorge assez difficile de Tzambica
qui conduit dans la fertile vallée de Malona^Masaary . Les
environs de Lindoe, sont d'un aspect sauvage et déBolé. Une
des branches de la chaîne centrale des montagnes, s'avance
dans cette direction , et vient tomber à pic dans la mer au
Cap Milianos .
La partie 8 . S . Ë . de l'ile, après Lindos, prend un aspect
plus riant dans les plaines de Yennadhi, Lahania et Catavia>
De Catavia , le dernier villï^ à l'extrémité 8ud de l'ile .
il Apollakia , sur la côte S . O . et pendant quatre heures de
marche , le terrain est sablonneux et nu ; on n'y rencontre
ni village , ni habitations isoli-es . Ce terrain est pendant 1'
hiver, entrecoupé de torrents, qui descendent des montagnes
voisines ; mais, pendant les sept ou huit mois de l'été, on ne
trouve pas une seule goutte d'eau dans le lit de ces torrents.
La seule végétation que l'on y rencontre , consiste en petits
platanes, quelques cyprès, et de longues files de lauriers-rose
qui croissent avec vigueur , non seulement dans cette partie*
mais partout dans l'ilei, et surtout le long des toiTenta*
saovGoot^ic
TOPOGRAPHIE 5
Enfin , le village d'ApoUakia , se présente au milieu d'une
nature un peu plus animée .
En avançant vers le Nord , par la route de Sianna, village
situé aux pieds de l'Akiamyti , on contourne le versant Sud
de l'Attalros , pour aboutir au village de S*. Isidoros . De ce
village , à celui d'Alaèrma , il n'y a qu'un étroit sentier, sou-
vent invisible , qui traverse une épaisse forêt de pins , entre-
coupée de nombreux cours d'eau .
Entre Alaërma et Apollona , on a un borizon plus étendu;
les forêts disparaissent peu à peu ; b. peine quelques rares
broussailles croissent sur les collines , couvertes , par contre,
d'une herbe abondante, qui nourrit d'innombrables troupeaux
de moutons et de chèvres . Apollona , au centre de laquelle
jaillit une belle source , est située aux pieds du mont Elia ,
( vei-sant Sud ) .
Le pays entre Apollona et Embona , parait susceptible d'
une bonne culture , mais il est entièrement abandonné; il en
est de même des terrains situés en ligne directe entre Cat-
tavia et Alaërma . •
En se dirigeant de ProfiUa vers la viUe , on traverse une
gi-ande forêt de pins , qui s'étend de ce village ( S - S - O ),
jusqu'à Archipolis et Dhimilia ( Nord ) . De là , cette forêt,
la plus considérable de l'ile , jette deux rameaux : l'un , vers
Malona au Sud-Est ; l'autre , jusqu'aux versants Sud de 1'
Attaïroset du mont Elias, ftu N. O.de l'ile.
En conclusion , le pays est plutôt montagneux que plat et
généralement parlant , son sol , dans les parties basses , est
aride et sablonneux . On y trouve pourtant quelques belles
vallées arrosées par les ruisseaux qui descendent des mon-
tagnes.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
TOPOGRAFHIB
Il n'y a dans l'Ile ni lacs , ni fleures , ni rivières ; mais les
.Àombreux roisseaux qui la sillonnent, prouvent que les
montagnes du centre sont un riche dépôt , dont on pourrait
tirer un bon parti .
saovGoot^lc
HISTOIRE
D.qil.zMBlG001^le
/■
D.qil.zMBlG001^le
HISTOIRE
CHAPITRE I.
TEMPS FABULEUX
ANCIENS NOMS DE L'ILE - OEIGINE FABULEUSE - PRBMIKRtt
HABITAMT8 - MENTION d'uN PKEMIBB CATACLÏSME - UOLO-
HISATIOn PHâKlClDNNE - C'OLO^'ItU.TION PËIASGIEN.NB.
L'Ile était anciennement désignée sous les noms de : ~
HeUouaa , l'amie du Soleil ; Mthrea , raërieone ; AsU»ria , du
uom de la fille de Céus , un des titans et de Phœbus ; Tel-
cMtm, l'enchanteresse, ou peut-être l'île des Telchinesï
Macaiia , la bienheureuse , ou à cause d'un des fils de Ma-
car , qui y conduisit une colonie ; Ophùmsa, l'ile des serpenta
dont il parait qu'elle était infestée ; Atahi/i-ia , dn nom de sa
principale montagne ; Corymbia, l'ile .aux couronnes de lierre
saovGoOt^lc
10 HIBTOIRE
sans doute à canee des triomphes de sea athlètes ; Pœsêa, l'î-
le de Pan , qui y ayait un temple ; Ac; cependant , tout fait
croire que ce sont là des épithètes , plutôt que des appella-
tions distinctes , et que son véritable nom , a toujours ét^
celui de Rhodes , ou Ehodos , qu'elle a définitivement gardé ,
mais qui a sulû l'inévitable mutilation des différentes pro-
nonciations .
En effet , les Français et les Anglais , l'appellent Rhodes;
■ les Italiens , Rodi ; les Turcs , Rhados ; et les Grecs Rhodos,
L'appellation Grecque, signifie Bosp, et peu d'écrivains ont
mis en doute , que telle fut réellement la raciae du nom de
l'Ile , qu'ils ont gracieusement comparée à une rose . Plus
d'un géographe moderne , en a gratuitement conclu à un
grand commerce de lois (le rot»- , substance entièrement in-
connue sur le pnys , et c'est dans leurs rêves aussi , que les
poètes j ont vu des forêts de i-osiera sauvages . Cet arbris-
seaii , bien cidtivé , vit et fleurit en pleine terre à Rhodes ,
comme sous d'autres latitudes ; mais il n'y croît pas spon-
tanément , et les plus belles variétés viennent de l'étranger.
■ Les monnaies antiques de l'ile ne témoignent pas d'a-
vantage eo faveur de cette production spontanée ; c'est en-
core en effet ; par suite d'un examen trop peu attentif ; que
des numismates ont cru reconnaître sur les médailles de
Rhodes , une rose , dans une fleur de grenadier : pôïov , ou
bien encore , dans une fleur de laurier-rose : fioîoîâ»vi| , d'
où viendrait l'abréviation Bkodos . A l'appui de cette der-
nière assertion , nous pouvons nous autoriser de la nature ,
qui jette avec profusion des massifs de cette plante sur
toute la surface de l'ile . Rappelons enfin , que le laurier ,
est l'j^rbre d 'Apollon et Rhodes son ile bien^imée , dont
saovGoOt^lc
TEMPS FABULEUX 11
les premiers habitants , furent ses fils les Héliades et que la
mythologie donne oette ile pour séjour à la nymphe Eho-
don , une favorite du Dieu . Ainsi , la nature , la mythologie,
et l'histoire , concourent à justifier cette étimologie du nom
de Khodes : ^oSoSttçwi .
§ 2 ORIGINE DE l'île .
L'origine de l'ile se perdant dans la nuit des temps , son
histoire , pour l'époque fabuleuse, ne peut s'appuyer que sur
dea données incertaines , offrant même par fois quelques
contradictions . Ce n'est guère que six siècles environ, après
ta guerre de Troie , que l'on peut suivre une voie mieux
tracée et plus certaine .
Ainsi , rien que l'origine et la première colonisation de
l'île , ont donn* lieu à plusieurs versions . Les uns , veulent
qu'elle ait existé depuis la création du monde , mais qu'elle
fut couverte de maïuis que le soleil dessécha lentement-, d'
où le nom d'HéUousa et sa dédicace à Apollon ; d'autres
veulent qu'Apollon l'ait eoudainement tirée du sein des
■ ondes , ce qui , nous croyons l'avoir déjà démontré , corres-
pond à un brusque soulèvement volcanique .
§ 3 PREMIEES HABITANTS
On lui donne pour premiers habitants , tantôt les Héliades,
■fils du Soleil , ( d'où , de Hélios le nom d'Hélioiusa ) , tantôt
les Telchines , des quels elle aurait tiié son nom de Tehhlnis,
tantôt enfin , une colonie conduite par un des quatre fils de
Macar , le colonisateur de Lesbos , qui en avait pris posses-
sion , tandis que ses trois autres frères , se fixaient à Chios,
■Samos et Cos , ce qui fît donner à ces quatre iles, le nom de
saovGoOt^lc
12 HISTOIRE
Macarfis , et flous voyons en effet ce nom figurer parmi tous
ceux qui furent donnés à l'ile de Rhodes .
Sans nous prononcer positivement sur une question si
difficile ,à résoudre , nous croyons qu'il est pins rationnel de
reconnaître pour premiers habitants de l'tle, ceux tjui offrent
le caractère le plus prononcé d'une famille autochtone, et
BOUS ce rapport , les Heliades certainement , obtiennent la
prt'féi-euce . En effet , une tradition rapportée par Pindare,
fait naitre les Heliades de l'union du Soleil avec la terre de,
Ehodes ; voici dans quels termes il nous raconte cette mer-
veilleuse origine :
" Les anciennes traditions des peuples , rapportent , qu'
au temps où Jupiter et les autres Dieux immortels se par-
tagèrent le monde , Ehodon était encore cachée au fond de
la plaine humide . Le Soleil étaut absent . personne n'avait
tiré un lot pour lui et aucun pays n'avait été assigné au
chaste Dieu . Cependant Jupiter , averti de cet oubli, voulut
faire un nouveau partage , mais le Soleil s'y opposa, car du
fond de la mer blanchissante , il voyait surgir une terre fé-
coude en hommes et favorable aux troupeaux . II exigea
immédiatement que Lachésis au fuseau d'or, étendit les
mains ; que les Dieux prétassent le grand serment et lui
promissent avec le fils de Chronos , que. l'ile qui surgiesait^à
la lumière , serait à l'avenir placée sur sa tête . Ces paroles
souveraines , s'accomplirent selon la vérité : du fond de la
mer humide , surgit l'ile que possède le Dieu générateur de
la radieuse lumière , le Roi des coursiers au souffle de feu .
C'est là que s' unissant à Rhodou . il engeudi*a sept enfanta,
dont la sagesse était renommée parmi les hommes des temps
anciens. L'un d'eux engendra Camyre, lalysse et Lindos.
saovGoot^lc
rœjlPB FABULEUX 13
tCe& itrois 'êrèies vécurent séparément , après avoir fe.it trois
^rtB des terrée patemellee . Le lieu qu'ils habitèrent prit
■leur nom ."
Quant aux Telchines > peuple éclairé et industrieux , que
Diodore désigne comme 1^ premiers habitants de l'ile, tout
porte à croire qu'ils étaient originaires de l'ile de Crète . Il
n'y apoint de doute qu'ils s'établirent à Rhodes et y intro-
duisirent le culte de plusieurs divinités , aux quelles ils éri-
gèrent des statues; ils peuvent avoir été les fondateurs de la
riile de lalyssos , ou d'une autre que celle-ci remplaça par
Ift suite ; on peut admettre aussi qu'ils furent les contempo-
-laius , mais non les devanciers des HéHades .
^ 4 ANCIEN CATACLYSME
Idt fable raconte que , chargés par Rhéa de l'éducation
de son âls Neptune, les Telchines lui donuèrent en mariage
une de leurs filles , Hélia , dont la progéniture , rendue fu-
rieuse par la vengeance de Vénus, se poi ta aux plus grands
excès, et alla jusi^u'an point de violenter sa propre mèro >
Hélia , ne pouvant survivre A son déshonneur , se précipita
dans la mer > et fut par la suite honorée sous le nom de
Levcothœ . Jupiter irrité , engloutit tous les Telchines sous
les flota et les changea eu rochers .
.Sans doute , ce mythe n'est pas une pure invention ; il
contient évidemment un fond de vérité ; il rappelle quelquf
«rime monstrueux , suivi de près d'un grand cataclysme >
^nt le souvenir a été ainsi embelli et conservé par la fable.
Quelques historiens mentionnent vaguement les Ignètes,
qa'ila «tonnent pour successeurs aux Telchines après le ca-
taclysme cpû causa leur perte ; mais , ue faut il pas plutôt
saovGoot^lc
14 HISTOIRE
croire que cette famille dont on ne retrouve aucune trace,
n'était autre chose que quelques Telbhines échappés au dé-
■ Les Macares , descendante de Macar le Telchine , parais-
sent être venus ù Rhodes comme simples colons . Ils furent
nécessairement bien accueillis par leurs compatriotes , avec
lesciuels ils se confondirent bientôt .
§ 5 COLONISATION PHENICIENNE
Les phéniciens s'établirent à leur tour dans l'Ile presque
déserte . La tradition veut que Cadmus , fils d'Agénor i-oi
de Phénicie , allant à la recherche de sa sœur Europe en-
levée par Jupiter , ait abordé ù Khodes , et y ait laissé un
ceiliain nombre de Phéniciens , pour desservir un temple,
que, en exécution d'un vœu , il y avait élevé ti MineiTe .
Séduits par les charmes de leur nouveau séjour . ces Phé-
uicicns en appelèrent bientH^t d'autres , et s'établirent dans
toute l'ile , mais surtout ù Camiros .
L'emplacement de cette ville a été déterminé par M™-
Alfi-ed Biliotti et Auguste Salzmann . Dans les excavations
qu'ils ont pratiquées , ils ont exhumé des spécimens variés
de l'industrie phénicienne : métaux et poteries de ce style
si caractéristique , que ce peuple a semés dans toutes ses
colonies , sortis des tombeaux de la nécropole , enrichissent
aujoui-d'hui les Musées de France et surtout ceux d'Angle-
teiTe.
§ 6 COLONISATION PELA80IENNE
s A en juger par l'extension de la nécropole de Camii-os.
]i!R Phéniciens occupèrent longtemps Rhodes , mais nous a
,ao,Gooq)c
TEMPS FABDISDX 15
tTons à cet égard aucune donnée exacte; car ks historiens
qui nous apprénifent'qtiô lés 'Grées on PëlaBgiens Bucoédè-
rent aux Phéniciens , ne précisent pas IMpoque . L'historien
Rhodien Egéas , rapportant hi tradition qu'il recueillit de
son temps , dit qu'un certain IphicluB parvint à s'emparer
de l'De et à en chasser les Phéniciens . I! aurait été puis-
samment aidé dans Son entreprise {^r la Elle même de son
iiFal , sous l'empire d'une violente passion qu'elle avait con-
çue pour lui .
Cest peut-être à cette époque qu'il faut rapporter la ve- macau*
nae des Macares , peuple Péla^gîcn , et n'ayant d'asiatique
que l'origine de son chef , un des descendants de Maciir le
Telchine .
Veis cette époque encore , nous devons placer l'arrivée mtoibai
d'un certain Phorbas , selon toute probabilité , fils de T^api-
thus, qui, à la tète d'une foi-te colonie recruk'e dans lEiide
et la Thessalie , vint à lihcdes, sur l'invitation des habitants
et l'ordre de l'oracle de Delphes, pour délivrer l'ilc dea
nombreux serpents dont elle était infestée .
Du reste , la colonisation Grecque à Rhodes , devait se
«întinuer sans inteiTuptioii .
Althemêne ayant été informé par la Pythie que son père althbuenk
Catrée on Crétus roi de Ci-ête, devait mourir de la main
d'un de ses fils , s'était volontairement exilé à Rhodes, dans
\& crainte de devenir l'aiiteur de ce fatal parricide . Il fon-
da sur l'ile une nouvelle colonie grecque , et introduisit le
culte de Jupiter , au quel il érigea un temple sur l'Ataby-
ros ; de là , par un temps calme et clair , il pouvait distin-
guer le mont Ida de Ci-éte . Cependant Catrée , ayaut perdu ■
tous ses autres enfants , résolut d'aller chercher A^temène,
saovGoOt^lc
16 HI8T0ISE
qu'il savait être établi près de Camiros . Il y arrive de nuit,
et impatient de revoir son fils , il débarque immédiatement.
Les habitante croyant avoir à faire à des pirates , l'attaquè-
rent , et son fils Althemène le tua de sa propre main , sans
le reconnaître . En apprenant son crime involontaire , il pria
les Dieux de le punir , et Apollodore assure gravement que
son Vœu fut exaucé : la terre s'ouvrit et l'engloutit; mais
nous veiTOns par la suite , qu'il se retira dans un Sieron où
il passa le reste de ses jours . Après sa mort , il fut adoré
comme un héros, non seulement par les habitants de Criti-
niji, mais ausisi par ceux deXIamixos.
Uii peu avant la guen-e de Troie ( 1292 av . J . C . ) , un
troisième oracle de Delphes eonduisit îi Ithodes une nouvel-
le et puii-saiitê colonie Argo-Athiinienne , sous les ordres de
Tlypolèiiu' fils d'Heiculeet d'AsIyocUée . Celui-ci répara
et fortifia les villes de lile , étendit sa domination sur celle
de Cos , et Homère nous appren;i qu'il prit part , av,;c neuf
vaisPcaux , l'i in o;iierre de Tioie :
TÂiiJ7:ôXefi.o; S"'HpazÂetSïjî, r^éi Tt (££*(■«» 'e.
'Ex 'Péîoy èvvéa vijaç â^vi 'J'oot'wv àf£f*û'/(i»i^ .
(Lf grand et fort TJiijHijèirw ,jUx il' Himil/' , jHirti. df Wtodes
avfc non/ miij<)scaiij: , mhi-' an coiidtai h-s Jier» Uliodit^itif).
Jl y trouva la mort de la main de Sarpédon , fils de Ju-
piter et d'Europe , qu'il avait pi-ovoquéen combat singulier.
Polyxo , femme de ce Tlypolème , léguait ù Rhodes qvmud
Hélène s'y réfugia apiès la chute d'Iliju . Ne pardonnant
piis à la fugitive d'avoir été la cause d'ime guerre dans la-
quelle son mari avait trouvé le mort, elle h\ fit anèter par
ses suivantes et pendre à un arbre . Plus tard, les Rhodiens,
ei) expiation du crime de Polyxo , élevèrent un temple à
D.qit.zeaOvGoOt^lc
TElirS FABULEUX 17
Hélène , bous le nom à'Héîène Dendritis .
Homère mentionne l'existence , sur File de Rhodes, de
trois villes florissantes k l'époque de ce grand événement :
■Oî *P(ï8ov à(tyev6|xov":o 8tà Tpt'j^a xoaffïjôévTeç,
AtvSov, 'IijXuoffév T6 xal àpYivôevTa Râjietpov .
(Divisés en trois tritnis , les Mhodiens occiipent Lindos , Ilibjssos
et Var^leuse Gamiros .)
Kt en ceci comme toujours , Homère eet parfaitement
précis , vn que Camiros était située sur un terrain argileux.
Lindos aurait été fondée par Cercaphus , fils du Soleil et
de Cydippe , ou, d'après Strabon et Pindare, par un des fils
de Cercaphus , nommé Lindos. Camiros ou Camiia prit le
nom de son fondateur , un des fils d'Hercule et d'iola ( d'a-
près Homère) ou d'Apollon (d'après Pindare) ; lalyssos, frè-
re des deux précédents, donna également son nom à la ville
dont il jeta les fondements, et qui fut la principale résiden-
ce des Telchines , comme Camiros fut plus tard celle des
Phéniciens .
Les anciens auteur^ et des inscriptions retrouvées sur
l'ile, mentionnent encore Ixia , Mnassyrion , Achaea , Nettia
.&c.; mais tout porte à croire qu'à l'exception d'Achsea qui
était fortifiée, c'étaient de petites bourgades sans importan-
ce, et dans tous les cas elles n'ont joué aucun rôle historique;
Tuais des vestiges découverts sur une vaste extension , dé-
montrent que la ville de Critinia , fondée par Althçmêne,
ji 'était certainement pas moins grande que celle de Camii-os.
^ous aurons occasion d'en reparler .
Peu de temps après la mort du premier Althemène , un '
autre individu du même nom , petit fils de Témenus , i-oi i
d'Argos, ayant résolu de quitter la Grèce ù la tête d'une ^
D.qit.zeaOvGoOt^lc
18 HierroiRE
colonie Dorienne , alla conBiilter l'oracle de Delphes ; la py-
thie lui ordonna de se diriger vers les pays qui adoraient
le Soleil et Jupiter . Il prit terre d'abord dans l'ile de Crê-
te , dédiée à Jupiter , et , y ayant laissé une bonne partie de
ea troupe , il se dirigea vers Rhodes , où il s'établit avec le
reste de ses Doricns , qui s'emparèrent non seulement de
cette i]e et de ses trois villes , mais aussi de Ces , Cnide et
Halicamasse. Ces six villes ( LindoB, lalyssos, Camiros, Cos,
Cnide et Halicamasse ), formèrent plus tard THexapoIe Do-
rique.
Ici s'arrête pour Ehodes l'Histoire { si l'on peut donner
ce nom à des relations si confuses et si incertaines ) de l'é-
poque Fabuleuse ; mais ici s'arrête aussi pour un espace de
six cents ans environ , c'est-à-dire du SII'"^ au YII"" siècle
toute notion sur cette île et sur ses habitants .
saovGoOt^lc
CHAPITRE n.
ÉPOQUE héroïque
•PBOSFÈSFTÈ DES BHODIENS - DIVISION GOUVEIRNEUENTALE .
HEKAPOLE DOEIQUB - GUEHRB DU PÊLOPOSfesB - FONDATION
DE LA VILLE DE EHODES - COLOSSE - FLUCTUATIONS POU-
TIQUES - PHI8E DE EHODES PAR AETHÉMI8B - SAGE POLITI-
<iU£ AU TEUPS DE PHILIPPE - ALEXANDRE LE GRAND .
§ 1 DU XII AU VU SIECLE AV. J. C.
Si leB détails progi-esaifs houb manquent , nous n'en sa-
Tons pas moins que pendant ce laps de temps , Rhodes de-
TÎnt une grande et riche puissance maritime , Justifiant ain-
BÎ la prédiction de l'oracle Sibyllin : Et toi , Rhodes , JUIg du
Dieu du jour, ki seras pendant longtemps mie ft'/re indépendant
te,ettii posséderas d'iiimnenses trésors .
Les Rhodiens , c'est-à-dire les insulaires on général , et
snrtout les Lindiens, la ville de Rhodes n'existant pas encore
D.qit.zeaOvGoOt^lc
20| niSTOIBE
au VII""^- siècle ar. J. C. , entreprirent de longs voyages; de
l'Asie à l'Afrique, et de la Phénicie à l'Espagne ( jusqu'aux:
colonnes d'Hercule) , leurs navires sillonnent la Héditerra"
née ; 'H(ittç SÉxa 'PéStot , Séxa vaOç, (Xom , iJiie ïilmilnui ,
âU nttviim) , disait ce peuple avec un légitime oi'gueil -
Nous les voyons fonder plusieurs établissements commer-
ciaux sur la côte de l'Asie Mineure et de nombreuses colo-
nies , dont les principales sont : Bhoda en Ibérie , Sybaris et
Gela en Sicile , et Parthénope ( Naples ) , en Italie .
Les Bhodiens étaient surtout un peuple intelligent , actif
et adonné au négoce ; il fut assez habile , assez courageux,
et assez fort, avec se3 propres resBources, pour acquérir efc
conserver sans vassalité d'aucune sorte , pendant une lon-
gue période , la monopole du commerce dans la Méditerra-
née et même dans le Pont-Euxin . Son opulence était déjà
vantée par Homère :
Kaf (jifnv OcŒTcéotov itJ^oùTOv xaTéj^eue Kpovîwv .
\iCt Jupiter versa mr eux d'fdxnulantes richesses .]
Elle inspirait ensuite ^i Pindare cette image hardie : Jupiter
fait tomber sur Rhodes ime pluie d'or :
.... Keîvocat [jièv Çav-
Oàv àya^wv vsçéXav,
TtoXùv ûffe j^puoov.
§ 2 DIVISION GOUVEENEMENTALB
Dans le commencement des temps héroïques , le gouver-
nement de chacune des trois villes de i'ile parait avair été
monarchique. Sans doute ces trois petits royaumes vi-
vaient entr'eux en parfaite intelligence ; car l'histoire ne
fait mention d'aucune guerre locale .
saovGoOt^lc
EPOQUE H&BOIQUE 21
■Cet état de ,«^0868 dure jusqu'en 660 av. J. C; alora elles eôoAv.j.c
formèrent une confédération républicaine oligarchique,
dont le principal magistrat, appelé Prytane , était choisi
dans la f&miUe des rois de lalyssos i mais chacune conserva^
une autonomie intérieure , eous une magistrature héréditai^
re probablement choisie dans les anciennes familles royales,
ce qui a &tit donner à quelques uns de ces magistrats le ti-
pre de rois .
Cette époque ne fut pas sans gloire; caries flottes Rho-
diennoB, gênées dans leur commerce avec les colonies grec-
ques de l'Italie par les pirates Etrusques , n'hésitèrent pas '
à engager des hostilités dont elles sortirent avec avantage ,
puisque, parmi leurs trophées, les Rhodiens mouti-aieut les
rostres feiTés des navires tyrrhéniens .
§ 3 l'hEXAPOLE DORIQUE ET XKKXKH.
Vers 480 , nous trouvons l'hexapole Dorique , dont Rho- 4S0 a\-j,u
des faisait partie , soumise aux Perses , et obligée de four-
nir k XerxéB quarante vaisseaux de guerre qu'il dirige sur
la Grèce . L'issue de cette guerre , malheureuse pour Xvr~
xés . n'améliore pas la position politique des RhcHliene qui
ne font que changer do maître; Athènes victorieuse les
force à entrer dans une vaste confédération maritime dont
elle se réserve la direction .
§ 4 GlERBE nu PEUiroXBÎE
Au commencement tle la guerre du P('lo])oni'sc , Rliodcs
('•tait encore sous la dépendîmce d'Athènes ; mais , ^ers lîi-
vingtième année de cette guerre [412] ,céLLiiit aux coii- 4'=*v.j.c
seils de deux célèbres patiiotcs, Dloréc et Pisidorc, que les
D.qit.zeaOvGoOt^lc
23 HISTOIRE
Athéniens tout puissants encore avaient fait exiler du pays,
elle s'allie à Sparte et recouvre une partie de son ancienne
splendeur . Les Athéniens tentèrent bien de faire rentrer
l'ile sous leur suprématie ; mais, vigoureusement rppoussi's
^jar les habitants , ils se retirèrent après avoir saccagé les
campagnes .
§ 5 i\i:jdation de ia ville dk hmodes
Pour une cause qui est restée inconnue, quoiqu'elle dut
certainement ,ctre d'une grande importance , les habitants
des trois lillcs de Lindos , lalyfsos et Camiros , s'unirent en
■Lv.j.c, 4f)8 av. J. C, et fondèrent la maguifi(|ue ville de Rliodes ,
BOUS la direction de l'architecte Hy]^)odame , celui-l;'t même
qui avait été chargé des embellissements du Pyrée . Mais
les villes piimitives, malgré l'asf^ertion de quelques auteurs,
ne furent pas complètement abaudonn',''cs;leiir importance
et leur prospénté furent seules amoindries . Les magnifi-
ques vases du style hellénique le plus pur , exhumés de la
_ nécropole de Camiros; quelques spécimens trouves sur l'em-
placement de lalyasos, prouvent qu'elles étaient encore ha-
bitées après l'époque d'Alexandre le grand . Lindos n'a ja-
mais été désertée . puisque le bourg actuel du même nom
est un débris de l'ancienne ville .
La grande cité qui unifia les trois districts, est probable-
ment une des plus anciennes que les grecs aient construite
sur les plans d'un grand maître de l'art . Elle avait 80 sta-
des , soit environ 15 kilomètres de circuit, c'est-à-dire qu*
elle occupait les cimetières qui environnent la forteresse
actuelle , les faubourgs situés au delà de ces cimetières , et
le mont S'. Etienne , base de l'Acropoîc .
saovGoot^lc
EPOQUE HEROÏQUE 23
La Splendeur de ses monuments publics , les peintures et
les statues dont ils étaient ornés , lui valurent une célébrité
exaltée jusqu'au lyrisme. Aristide dit que cette ville était
bâtie en forme d'amphithéâtre, et que lès différents édifices
étaient groupés ensemble avec une si parfaite symétrie , qu'
ils semblaient n'en former qu'un seul , laissant ainsi mieux
en relief les remparts puissants et les tours superbes , qui
les entouraient comme un diadème . Suivant Pline l'ancien,
Khodes, outre le fameux colosse , ne contenait pas moins de
3000 statues, dont 100 très grandes et dignes d'admiration.
" Suid alii minores hoc m eadem urhe cdossi centiim nmmro,
sed vhicv/m que singidi fuïsset nobilltatttri locmn . "
Il n'estime pas à moins de 3000 encore, les thé^ltres , les
académies , et autres édifices publics de cette splendide cité,
dont les rues étaient percées avec tant d'habileté , que ces
monuments étaient visibles dans toute leur beauté de tous
les points de la ville ; l'acropole, avec ses temples et ses bois
Sacrés qui surmontaient le tout, en complétait le charme.
Strabon , après avoir vu Rome , Alexandrie et d'autres
villes opulentes , donne la préférence à Rhodes ; dans ses
dialogues , Lucien dit qu'elle était véritablement la ville du
Dieu Soleil , dont elle avait toute la beauté :
.... IdTt -j-àp ÔvToç il ttiXiç :^Xtou, i:péi:ov tyji'jaa ■^
deôTi xotXXoç.
Comme celle de nos jours, l'ancienne ville était entourée
de faubourgs , que les habitants détniisii'eut à la nouvelle
que Mithridate se disposait i'i les attaquer .
L'aisance des Rhodiens doit être attribuée moins à la
richesse du sol qu'à leur activité , à la dL'cadoncc d'Athè-
nes , à la position géographique de Itîiir ile , û -'a cuniiiiodi-
i:q,t7edi>G00t^lc
24 HISTOIRE
té de ses ports, et à l'aménagement de sea bassins et de ses
arsenaux ; au dire de Strabon, ceux-ci occupaient un espace
hors de proportion avec l'extension de la ville elle même,
et offi'aient un parfait abri contre tous les vents dominants ;
Aiistide ajoute qu'ils avaient en outre l'avantage d'être on -
verts de façon à recevoir les navires venant de l'ionie, th 1;»
Carie, de l'Egypte et de la Syrie.
Au nombre de cinq , les ports de Rhodes étaient situés :
l'un, hors du faubourg de Neohorî, à l'endroit désigna sous
le nom pompeux de Lae , et qui , recevant actuellement les
eaux pluviales pendant l'hiver , est à sec pendant la plus
grande partie de l'année. L'embouchure de ce port est en-
core visible ù quelques pas du rivage actuel , entre le prt*-
mier et le second moulin à l'Ouest du faubourg . Ses mules
protégés par une jetée de rochers , sont ordinairement re-
couveiis par le sable que les forts vents d'ouest accumu-
lent sur la plage ; mais il suffit de remuer un peu ce sable,
pour les mettre à nu .
Il y a peu d'amiées encore , on pouvait très bien distin-
guer le goulet qui conduisait dans le port , et M'. Newton,
le savant archéologue qui a visité Rhodes en 1853 .se ba-
sant sur la tradition et sur l'apparence, du terrain , admet
l'existence de ce goulet .
Le second , est le port des galères des Chevaliers , le port
actuel de la Darce ou Arsenal (Mandraki des Grecs) ; il
mesure à partir des môles qui le pi-otégent au Nord , 330
mètres de long , sur une largeur moyenne de 170 . Newton
admet même l'existence d'un autre canal qui aurait relié ce
port au premier , ce qui permettait aux navires de passer de
l'un dans l'autre , sans être obligés de doubler la pointe de
D.qit.zeaOvGoOt^lc
EPOQUE HEROÏQUE 25
sable ( Coamboumou ) manœuvre assez difficile avec les gros
vents de Sud . Cette supposition , quoique très logique, n'est
corroborée par aucune autorité ancienne , ni par des traces
quelconques .
Le troisième port était celui que l'on appelle maintenant
port de la Douane ou grand Port . Il communiquait autre-
fois par un canal avec celui de la Daice .
Le quatrième , très peu sûr , pouvait tout au plus servir
de mouillage provisoire par les gros vents de Sud et de S-
£ ; c'est le port d'Archandia ou Âcandia , aujourd'hui pres-
que complètement ensablé .
Le cinquième aurait été situé au Sud de la ville , et des
traces de môles , ou pour mieux dire de jetées de rochers
submergés , permettent d'en affirmer l'existence .
On peut conclure de la description que Strabon fait des
arsenaux de Rhodes , qu'il y avait aussi des bassins intéri-
eurs de radoub , où les galères étaient construites et répa-
réej ; l'inspection minutieuse d'un terrain vague situé entre
le bastion N-E de la ville , près de la port« de la Darce , et
le dépôt militaire , ne laisse pas de doute que c'était l.i un
de ces bassins intérieurs auxquels Strabon fait allusion .
D'après une tradition locale , ce bassin aurait existé jusqu'
à l'époque de Pierre d'AubiisFou , qui l'aurait fait combWr.
Mais si tes ports bien abtiiés et de facile acc.'S , faisaient
préférer Bhodes aux navigateurs comme point de relAche ,
il faut croire que ses sages lois maritimes (Lex Rkcdiii tli'
jactu) , contribuèrent pour beaucoup ù la prospérité de l'île.
Ces lois , en vigueur sur toutes les cotes et dans tous les
ports de ïa MéditeiTanée , furent reccnnues si éiiuitr.liUs.
que les Romains d'abord, et la plupart des nation i m idcrnea
saovGoOt^lc
26 nrsTOinE
après eux , n'hésitièrent pas à les adopter .
A tous ces ports et bassioB servait, sinon de pbare , du
moins de point de mire , une statue colossale en bronze, re-
présentant Apollon , ou le dieu Soleil ,
Malheui'eusement , rien n'est plus oontradictoire que les
différentes versious sur ce cbef-d' œuvre ; son auteur , ses
dimensions , son attitude , sa position , tout donne lieu aux.
assertions les plus opposées; les uns affinneut qu'il était
l'œuvre de Charès de Lindos , un des élèves favoris de Ly-
sippe ; les autres soutiennent qu'il avait pour auteur Lacbès
compatriote et contemporain de Cbarès ; mais quelqu'en
soit l'auteur, on est d'accord pour dire qu'il avait conté 30O
talents ( environ Fr. 1 ,475,000 ) , et que l'artiste y avait tra-
vaillé pendant douze ans .
A l'appui de la dernière opinion , on a souvent apporté
le témoignage d'un certain Simonide, aflSnnant que ces deux
vers étaient inscrits au pied de la statue; :
Tôv Iv To'oct) xoXoŒdôv èx-îâxtiç Séxa
A.â.yyi<: snot'et injj^éuv ô AivStoç.
(Le cohsse de qiintre-cingt coiulécs , ifitl se tiviivc à Wiodes ,
a été construit jmr Lit-cJiès le Liwlien.)
Mais quel est en premier lieu ce Simonide , qu'il ne faut
point confondre ni avec celui dé Céos,ni avec celui d'Amor-
gos, morts tous deux bien avant l'creetion du colosse ? Pour-
quoi au pied de cette statue , si elle était encore debout ,
rappeler que le colosse se trouvait à Rhodes , lorsque pour
lire ces mots , ou devait nécessairement avoir devant soi la
masse imposante de la statue ? Une nécessité prosodique
n'amenait pas inévitablement une pareille rédaction.
Pouf attribuer cette œuvre à Charfes,OD s'ajipuie sur
D.qit.zeaOvGoOt^lc
EPOQUE HEHOIQVE 27
l'autorité de Pline , bien plus conna que Simonide , et qui
TÎsita Rhodes environ trois siècles après ]a chute du colosse,
dont il put par conséquent voir les débris ; or à cette v^o~
que les Ehodiens conservaient certainement encore la mé-
moire de sou auteur . Voici du reste la version de Pline :
" Anie omnes atUem in admiratione fuit solîs colossxis Rhodî,
qucmfecerai Ckares Idndîua , Li/sippi supradictî discipuhis .
HeptiiaçirUa cubitorum aîtitudmis fuit : hoc simularnim , pont
qmnqva^esiTman sextum anmiin, tcrrœ TWitii- iwodrntti'in, , fod
jnaiis quoqite miraculo est . Pmud poUicm ejiis (jvip}':ctuntur .
Majores «uni digiii qvam pîerœqtie statuœ . Vastt specus hiaiii
defractis inemhris : ^pectaidur îiitïiê mafiiœ molis snxa , (puntim
piidere stabUiverat constituefis . Duodecim annls tradunt effve-
fai/tt GCG talentis quœ cojituîeratit ex appamtu régis Dcim-ti-ii
nlicto , morœ toedio ."
" De toutea-fie&'iQrervûJJâ^la.sli^y.je 4^-. S<^l(^:i! « 9H Çi?k9i.^^
^e Rhodes , fut ]a plus admirée ; elle était d'un t'iève de ce
Lysippe nommé plus haut, de Charcs le Lindien. Cette
Btatue , haute de 70 coudées , ne resta debout que 56 ans ;
un tremblement de terre la renversa ; mais gisante elle Obt
encore un prodige : peu d'hommes peuvent en embraster le
pouce ; les doigts sont plus grands que presque toutes U s
statuœ; dans les membres rompus s'ouvrent de pr: fondes
cavemcp, htissant voir d'immenf^es roclieis, coiiti-c-jioids
que l'artiste avait introduit pour l'équilibie. Le culo: se
coûta douze ans de travail, et 300 talents que les Rhotlieiis
avaient receuillïs de la vente du matériel de siège abandonné
par le roi Démétrius , après de longs et inutiles a? sauts . "
La plupart des 'historiens modernes ont d'ailleurs adopti';
^"atse^tion de Pline . Chaiès de Lindos est doue sans con'
saovGoot^lc
dit le créateur du chef-d'œuvre , à Vexécution duquel il
aurait trs'vaill:' pendant 4 années, et Lâchés de Lindos aus^
ei , l'aurait ensuite achevé sur les plans laissés par Charès .
C'est ainsi que Sextus Bmpiricus concilie les deux ver -ions;
" cet auteur , d'une rudition immense ", dit M"". Pierron,*
raconte que les Rhodiens demandèrent à Char(''8 quelle se-
rait la somme nécessaire pour élever le Colosse . Quand
l'artiste eut fixé la somme pour une grandeur déterminer
on lui demanda celle qui serait n.'cessaire pour en doubler
les proportions : le double , répondit-il ; mais comme il é-
puisa tout l'argent à faire seulement l'ébauche , il se pen-
dit.
On a sans doute remarqué une autre t-ontradiction dans
ces deux versions : Pliue assigne au colosse une hauteur de
70 coudées , tandis que Simonide lui en attribue 80 . Obser-
vons qu'en sa qualité de Bomain , Pline doit )mrler de la
coudée Romaine , un peu plus petite que la coudée G-recque
qui servit de mesure à Simonide . Il en résulte que l'écart
entre -les deux cliififres est encore plus considérable . En
effet la coudée Romaine correspond à environ 0 " 432 , et
celle dos Grecs à 0" 462 ; "^ c'est-à-dire, selon l'une ou l'au-
tre mesure , 30™ 24 , ou 36 " 96 . Dans l'un comme dans
l'autre cas , la statue n'en était pas moins vraiment colossa-
le et digne de figurer parmi les sept merveilles du monde .
Les opinions, ne sont pas moins contradictoireii quant à
l'emplacement sur lequel ce colosse avait été érigé, et à l'at-
titude que l'artiste lui avait donnée .
* Hist. de la lit. Grecque.
X Lemprïere , Clas. Die. &, Chusang , Gr. Or,
saovGoOt^lc
EPOQUE HEROÏQUE 29
Les uns prétendent que les pieds posaient sur les rochers
extrêmes des deux jetées qui portent aujourd'hiii , l'une le
Lazaret , et l'autre le fort S*. Nicolas ou tour du Phare .
Les deux petits môles qui ferment l'entrée de la Darce ou
Mandr^ , auraient été suivant d'autres le double piédestal
du colosse ; une troigième opinion adopte ceux du Grand
Port ; enfin , il aurait sunnonté l'ouverture du bassin inté-
rieur donfe nous avons foit mention . Cette ouverture située
entre la porte de la Darce et les cafés de la Marine , est li-
mitée par deux tours carrées évidemment reconstruites par
les chevaliers sur d'anciennes assisea helléniques . et qui
sont reliées par une arche dont la baie a été récemment
murée. D'après les partisans de cette dernière opinion,
chacun des pieds de la statue , était posé aux angles de ces
tours .
Or si le colosse avait réellement les jambes écartées , et
s'il était placé au dessus de l'embouchure d'un port ou d'un
bassin quelconque , de manière à laisser passer les galères
sous lui , certainement cette dern'ère opinion serait la. seu-
le logiquement admissible, vu la distance qui sépare les deux
tours : 10" 50 . En effet , la statue mesurait 70 coudées ro-
maines au minimum , ou 80 grecques au maximum , c'e.st-
à-dire de 30'" 24 à 36"" 96 , et par conséquent , les memlires
inférieurs, à moins d'être dans une position incompatible
avec les proportions d'une œuvre , qui , au dire de Pline ,
commandait l'admiration , ne compoitaient pas uu écaite-
ment de plus de 11 à 12, mètres .
Ce n'était pas , rettiarquons le bien , une ceiivre sana pro-
portion de l'art Egyptjpn; mais l'uue dés sept nierveilie.-
du monde , née à une époque si féconde eu aitictt» de prc-
saovGoOt^lc
30 HiaroTRE
mier ordre, et dont les créations, intactes ou mutilées , for-
cent l'admiration des îiODimes du goiU le plus sévère ; c'é-
tait la personiiication puissante et majestueuse du Dieu qui
inspirait les beaux ai-ts ; que les Rhodiens vénéraient avec
amour ; enfin , nous le verrons plus loin , c'était le monu-
ment élevé par l'enthousiasme dans la reconnaissance .
Tout autre point d'où le colosse aurait surplombé la mer,
est donc écarté comme hors de vraisemblance , à la réserve
de l'entrée de ce bassin ; mais l'examen de l'attitude même
de la statue , décidera s'il faut l'adopter définitivement .
Le colosse avait-il les jambes écartées ? Alors , selon tou-
tes les lois de la pesanteur , il devait s'engloutir ou dans le
port ou dans le bassin . C'est pourquoi , sans hésiter , noua
répondons négativement à cette question, malgré l'idée gé-
néralement répandue , mais qui no s'appuie sur aucune au-
torité ; au contraire , tout fait croire que les pieds étaient
réunis sur un seul piédestal :
a 'VhoÔê'h; Se Êâcttv èx Xeux^ç xal (iap [laptTtSoç irsTpaç, ètï'
àorîjî (^^XP^ '"'' *'''P""|''*'«w'v TipwTouç yi^v.nt toùç xôSaç
TOO XOXû(IffO& »*
Il (l'artiste) contmeiiça pnv pkwer tuie bmc df vvu'hrc, hlaiu' ,
et sur cette base , il consolùla /w jïicf/s du- colosse jitii>iit(iiix rhe-
villes .
Ce texte est de Vliilon de Byzance , qui vivait dans le
lime siècle avant J. C. , et vint à Rhodes pour interroger la
tradition avant d'en écrire.
Caoursin, ie Vice Chancelier de l'Ordre des Chevaliers de
Rhodes , l'aflSrme aussi ; dans son histoire contemporaine •*
• Phîlcin , Sept mprv .du montlc .
•• C'aoursiu , Obs, Ilhod. Dwi;.
saovGoOt^lc
EPOQTJE HEROÏQUE 31
du premier siège , faisant la description du fort S^ Nicolas,
il dit :
" In TTioUs veHiee Septentrionom spectante, ubi précis tein-
poribus collosus ille ingens Rhodi positus erat ',"
Ce texte confirme le précédent et décide , selon nons , de
Vattitude^An colosse : les pieds joints et posés sur une seule
base . M' Newton partage aussi cette opinion ; mais, avec de
Cnoursin , il place le colosse à l'extrémité du grand môle ;
pour expliquer sa chute hors de l'eau , il rappelle une idée
émise par quelques historiens : que le colosse, ébranlé seule-
ment par le tremblement déterre, fut couché sur le môle
par les Rhodiens eux mêmes. C'est sacrifier gratuitement
une partie du texte de Pline : " terrœ motu prostratiim" , et y
introduire une expression : " sur h ruMe " ,
D'ailleurs Strabon , qui a visité la plupart des pays qu'il
décrit, esprit judicieux, énidii comcnnTiiê , • nous apprend que
le colosse se rompit aux genoux . On conçoit aisément que
les membres supérieurs n'ont pas pu rester en équilibre, et
que le même tremblement de terre, cause de la rupture, en
a causé la chute immédiate . D'autre part , puisque le savant
Anglais accorde une si grande valeur au texte de Caoursin,
nous croyons pouvoir opposer à l'ide'e qu'il rappelle simple-
ment , l'énergique expression de Caoursin lui môme : teirm
motu cmTuit ( il s'écroula ) . D'ailleurs , il est impossible
d'ëtablir sur aucune autorité que le colosse servait de plia-
re, et devait nécessairement, pour être visible de tous côtés,
être érigé sur l'extrémité du grand môle . Comment enfin
les Rhodiens auraient-ils laissé , pendant neuf siècles,
• Pierron , Hiat. de la Lit, Gr.
saovGoOt^lc
.embairnssô de ses débris ce inôle , sur lequel la libre circu-
lation était nécessitée par la vie du port ?
Xoiis ci'oyons donc qu'une autre opinion, très peu répan-
due , il est vrai , est néanuioina pins logique et plus confor-
me aux textes historiques : le colosse aurait été dressé ''i
gauche de l'entrée dii bassin intérieur , en face du soleil le-
vant , au point le plus central des cinq ports , et par consé-
quent assez visible aux marins venant des quatre points
caidinaux ; il leur rappelait le Dieu protecteur dont les l'a-
yons éclairent successi^'enient chacun de ces poi-ts . Il est
facile ainsi de compreridre que .les débris de ce monument
aient été l'espectés autant que le monument lui mémo , et,
pi-otf'gés par une enceinte , coservés aussi longtemps (pie
dui-a la nationnlittî (Jrecque à Rhodes. Le fait qu'en cet
endroit les Chevaliers avalent érigé une chapelle sous le
vocable de S'. Jean-le-Colosse , vient à l'appui de notre opi-
nion .
Lorsqu'il fut renversé jmr le tremblement de teri-e , on
constata que pour le consolider, et pour coutrc-balancer lo
poids de la partie supérieure du corps , l'artiste avait intro-
duit, dans le bas des jambes , de gros blocs de pieiTe . On
put alors constater (pic le travail intérieur était plus atluii-
rable que le ti-avail extérieur ; c'est du moins ce qu'affirme
Philon de Byzance :
"ïè xexpy[i.[i,évov toO irôvou tuD êXsiïOjjtévou [xeîCov êortv."
Nous croyons qu'il est superflu de démontrer l'absurdité
de certaines versions qui attribuent à Cette- Statue des pi-o-
portions impossibles ; pa^ exemple celle de Nîcétas ; • il
saovGoot^lc
EPOQUE HEBOIQCE 33
assure d'après Aristide , dit-il , qu'elle n'avait pas moins de
600 coudées , c'est-à-dire 277 mètres .
§ 6 FLUCTUATIONS POLITIQUES
La principale attention d'un peuple commerçant doit
être de vivre en bonne intelligence avec ses voisins , et de
n'entrer dans leurs différends , qu'autant que Vj oblige
l'intérêt de son commerce . Les Rhodiens , jusqu'à l'époque
où nous sommes an.'ivés , s'étaient fait une loi de cette ma-
xime ■ Ils se livraient au négoce non moins par nécessité
que par inclination ; car l'ile avait trop peu d'étendue pour
fournir à la subsistance d'un si grand nombre d'habitants :
on en a élevé le chiffre à 200,000 . Telle est la raison de
tant de siècles passés en dehors de la vie politique , mais
activement employés à former une marine puissante , afin
d'assurer les établissements commerciaux .
Toutefois, il n'était pas possible aux Bhodiens de se tenir
indéfiniment désintéressés ; la guerre, entravant le commer-
ce , les obligea à sortir de leur sage neutralité ; c'est alors
que les passions politiques s'introduisirent chez eux , et a-
menèrent enfin des fluctuations dans leur longue et calme
prospérité à l'intérieur et à l'extérieur . Après la guerre du
Péloponèse , une série de dissensions intestines entre le par-
ti démocratique et le parti oligarchique , celui-ci tenant
pour Sparte , et celui-là pour Athènes , les affaiblissent , et
les placent alternativement sous la dépendance tantôt de
l'une , tantôt de l'autre de ces deux villes livales .
Ainsi , en 396 av. J. C, ils refusent péremptoirement à la
flotte Lacédèmonienne l'entrée de leurs ports qu'ils ouvrent
à la flotte Athénienne commandée par Conon . Cinq années
D.qit.zeaOvGoOt^lc
34 HISTOIRE
s'écoulent ; ils expulsent les Athéniens, et demandent du
secours à Spaite , qni s'empresse de faire droit h cette de-
mande . Mais en 377 , une nouvelle défection a lieu en fa-
veur d'Athènes ; en retour les Rhodiena obtiennent , sinon
de fait, du moias nominalement leur indépendance, sans
cesser de faire partie d'une confédération maritime, dans
laquelle Athènes a la suprématie .
Celte confédération ne dura pas longtemps, puisqu'en
364, nous trouvons Rhodes alliée de Tliébes contre Athj-
nes ; c'est au moment où Épaminondas remportait une im-
portante victoire sur la flotte Athénienne commandée par
Lâchés .* En 355 , la guerre Sociale éclate ; Rhodes secoue
définitivement le joug de toutes ces villes rivales tour îi
tour dominatrices, mais toujours s' affaiblissant, et rainant
leui-s alliés avec elles . Par la guerre Sociale , les peuples de
la Grèce s'écroulaient ; par son abstention , Rhodes s'éle-
vait .
§ 7 MAUS0I.E ET ARTÉllISE
Les Rhodiens étaient donc affranchis ; mais ces vingt an-
nées de discorde intérieure les avaient aussi affaiblis ; et
leur indépendance môme suscita contre eux une ambition
habile et empressée à profiter de leur faiblesse ■ L'autorité
avait toujours été démocratique; mais le parti aristocrati-
que , jaloux de l'influence du peuple , et voulant assumer
tous les pouvoirs , recourut à Mausole , roi d'Halicarnasse ;
le peuple implora vainement le aecauTS des Athéniens ; et
.ï'Génèrsl Athénien, qn'U ne faut pas confondi» avec ]e scnlpteor Bbodien. .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
EPOQUE HEROÏQUE 36
Maueole , allant plus loin que ne l'avaient prévu ses parti-
-.aans , se rendit maître de l'île .
Sa mort, survenue peu de temps après (354) , semble
fournir aux Ehodiens l'occasion favorable de reconquérir
leur liberté : une revendication armi^'e devait , sans coup fé-
rir , l'obtenir d'une femme qu'ils croyaient faible et exclu-
sivement occupée à pleurer son mari . Mais Artémise , bien
plus prudente que de fieux guerriers , a recours à une ruse
ingénieuse ; le port d'HalicamaBse est ouvert comme en
temps de paix ; la flotte Rhodicnne y entre triomphalement;
mais tout à coup les marins sont égorgés par ceux de la Rei-
ne . Avec son armée elle s'embarque sans délai sur les na-
vires ennemis , et se présente devant Rhodes ; la population,
reconnai^ànt sa flotte dans ces navires ornés de fleurs , s'a-
bandonne à tout le délire de la joie , et se précipite en fête
sur le port . Maîtresse de la ville sans avoir perdu un seul
homme , Artémise exige le sang des principaux citoyens .
Sa vengeance alla plus loin : elle fit fondre deux statues en
bronze , représentant l'une Rhodes terrassée , l'autre Arté-
mise marquant d'un fer chaud sa rivale vaincue ; et , afin
que les Rhodiens ne pussent jamais détruire ce monument
de leur humiliation , elle lui donne un caractère sacré , en le
vouant aux Dieux ; aussi les Rhodiens durent-ils se conten-
ter de l'ei.tDurer d'un mur qui le cachait aux regards et
Appelèrent cet endroit abaton , c'est-A-dire Inaccessible .
Les riches se Aient pardonner les tristes conséquences de
leur victoire , en veillant sur les intérêts du peuple avec
plus de soin qu'il ne le faisait lui même ; et leur autorité,
définitivement établie à cette époque , subsistait eucore à la
fin de l'ère ancienne .
saovGoOt^lc
§ 8 PHILIPPE
La Grèce allait être le thélltre d'immenses évi-nements ;
mais les Rhodicns , devenus plus circonspects , n'entretien-
nent plus de flottes " que pour protéger leur commerce , ce
commerce que pour amasser des ricliesses , ces nchesses
pour ôtre en état d'entretenir leurs flottes " •
On recherchait alors , dit Polybe , l'alliance de ce peuple
dont les chefs avaient appris à se distinguer par «ne pm-
dence consommée , et les soldats par un courage inti'cpide .
C'est pourquoi Philippe de Macédoine , qui achetait des al-
liances à. prix d'or , ne put néanmoins surprendre la saga-
cité des Rhodicns . L'habile conquérant savait punir le re-
fus de ses largesses. Les Rhodicns furent donc obligés de
se rapprocher d'Athènes qui lutUiit presque seule contie
l'asservissement de la Grèce , mais qui n'avait pis oublié
leur inconstance . DémoBthène , dans un discours céliibre ,
intervint en leur faveur, et fit conclure l'alliance. C'était
en 351 ; onze ans plus tard , Philippe rencontr.i les forces
combinées d'Athènes et de Rhodes sous les mure de Bjzan-
ce , dont il fut obligé de lever le siège .
§ 9 AI^XANDRE LE GHAKD
Lorsque ce prince vint subjuguer l'Asie , les Rhodicns
allèrent au devant du joug, offrirent de se soumettre , et
reçurent garnison Macédonienne . Cette conduite leur va-
lut toutes les faveurs du Conquérant ; il confia son testa-
ment à la garde de ses murailles ; se servit de leur flotte
• Voy. du J. An.
saovGoOt^lc
ÉPOQUE HÉBOÎgrE 37
dans le siège de Tyr , dont la ruine étendit considérable-
ment les branches de leur commerce ; en marchant k la sui-
te des armées -victorieuses , ils développèrent , à l'insu d'A-
lexandre , une puissance qui devait bientôt les délivrer du
joug de la Macédoine . En effet , à peine celui qui était le
lien nécessiùre de tant de peuples conquis eut-il expiré, que
les Rhodiens. sentant leurs forces, se ressouvinrent de la li-
bezrté , chassèrent la garnison macédonienne , et dans une
indépendance entière étendirent leur prospérité ; alors aus-
si ils commencèrent à jouer dans le monde politique db r6le
cODsidérable et glorieux .
saovGoOt^lc
CHAPITRE III.
DU IV- AU II" SIECLE AV.J.O.
DEMELES AVEC ANTIOONE - SIEGE DE RHODES PAB DEUETBIU8
POLTOKCETE - 'BREHBLEUE:a' DE TESBE DE 222 - NOUTELI^
PaOSPEBITE - OUERBE CONTRE PHILIPPE III. - GUEHKE CONTRE
AKTI0CHU8 - PROl-ECrOBAT BOMàlK .
Situt^e à égale distance entre l'Egypte et le Font-Euxin ,
Rhodes ES trouvait piir conséquent au centre du monde con-
nu à l'époque du démembrement de l'Empire d'Alexandre.
Cette jwsition avantageuse obligeait naturellement les Kho-
diens à s'allier avec les peuples établis sur ces deux extré-
mités . Ces alliances occasionnèrent aussitôt des faits im-
portants .
Au point le plus avancé de l'Asie Mineure , dans le Pont-
Euzin , était la république de Sinope , sur la petite rinère
de ce nom . L'isthme sur lequel elle était Cimstruite , forme
saovGoOt^lc
DU 17 AU II BièCLE AV. J. C. 39
deux ports naturels que l'art avait fortifiés . Une marine
puissante assurait l'empire de la mer depuis le Bosphore
de Thrace , jusqu'à l'embouchure du fleuve Halys . Il est
aisé de comprendre la convoitise des Bois de Pont sur cette
petite république .
Mithridate II s'était soumis à Alexandre ; mais après sa
moit, il avait repris la Paphlagonie et la Cappadoce, qu'
Antigone avait i-avies à Eumène ( 312 av. J. C. ). Peu â l'ai-
se sans doute au milieu de tant d'ambitions rivales , il vou-
lut donner à ses États une barrière plus infranchissable par
la prise de Siuope . Cette ville eut aussitôt recours aux
Rhodiens ; allies dévoués , ils envoient sans retard des ma-
chines de guerre , des munitions de bouche et de l'argent ;
grJce à ce secours aussi efficace qu'empressé , Sinope con-
serva son indépendance pour quelque temps encore .
En dévoilant leurs forces d'une manière si glorieuse, les
Rhodicns firent rechercher leur alliance ; mais ils ne la ren-
dirent pas vénale . Antigone avait partout rencoati'é sur
eon chemin Ptolémée , roi d'Égyple ; celui-ci vainqueur de
Démétrius à Gaza , avait agrandi son royaume d'une partie
de la Syrie et de la Palestine (313). Mais après 6 années
d'efforts persistants , Antigone ayant enfin composé son ro-
yaume d'Asie , voulut tiier vengeance de Ptolémée , et ré-
aolut d'envahir ses états ; cette conquête lui am-ait assuré
celle des Iles (jui était réservée it son fils déjà illustre . Il se
crcytit donc sinon en droit, du moins en mesure d' impo-
ser aux Rhodiens une alliance offensive contre Ptolémée .
Mais outre que Ptolémée était leur allié , ils comprirent que
la destruction dji royaume d'Egypte était la ruine de leur
indépendance et de leur commerce . Aussi repoussèrent-ils
D.qit.zeaOvGoOt^lc
40 HISTOIBB
avec fierté les avances d'Antigone, qui poursuivît néanmoins
le cours de ses succès. Après la bataille navale remportée par
Démétrius sur la flotte de Ptolémée, celui-ci put encore ar-
rêter l'envahisseur sur les boi-ds du Nil; Antigène profita,
pour sévir contre les Rhodiens , de ce moment favorable ;
car ceux-ci, ne pouvant attendre aucu'n secours de Ptolé-
mée , se trouvaient réduits à. leurs seules forces . Alarmés k
la vue d'un si grand danger , ils essayèrent de traiter avec
leur ennemi . Trop certtiin de la victoire , celui-ci repoussa
les oflFres que lui firent les ambassadeurs , et leur imposa
des conditions que leur dignité ne leur permit pas d'accep-
ter . Antigone les chassa brutalement de sa présence , et
chargea immédiatement son fils de s'emparer de Rhodes ,
§ 1 SIEGE PAO DÉMÉTRIUS
Les Rhodiens n'hésitèrent pas à faire face à toutes les
forces de l'Asie . Ils mirent en «ùreté leurs femmes , leurs
enfants , leurs trésors . Toutes les bouches inutiles furent
expulsées de la ville . Alore commença ce siège , un des plus
remarquables de l'antiquité par l'intelligence et l'énergie de
l'attaque et de la défense .
En effet, l'assaillant était Démétrius, l'homme le plus-
célèbre de cette époque pour l'attaque des places; aussi le
connaissait-on déjà sous le nom de PoUorldtis .
Il offi-ait im curieux mélange des plus nobles vei-tus
guerrières et des mœurs les plus dissolues ; aussi hautain
et sévère sur le champ de bataille , qu'affable dans l'intimi-
té , il savait reconnaître et admirer le courage d" autrui ; in-
flexible pour la discipline , il était humain et ne commettait
aucune cruauté . Tel était l'adversaire qu' Antigone envoyait
saovGoot^le
DU IV AtJ n BIECLB AV. J, C. 41
aux Rhodiens ,'quî s'étaient en toute hâte préparés à une
Tigoureuse résistance , résolus de périr plutôt que de se ren-
dre.
Outre les deux cents vaisseaux de guerre et les cent soi-
xaote transports que comptaient les forces de Démétrius ,
Diodore , l'iiistorieu de cette guerre , assure qu'il 7 avait un
millier de petits navires montés par des aventuriers que
l'espoir d'un riche butin avait attirés à sa suite . Il débar-
qua sans difficulté , établit son armée dans un camp retran-
ché , et fît creuser en peu de jours un port suffisamment
abrité pour y réparer sa flotte •- Les Rhodiens non plus ne
restèrent pas inactifa ; à la vue d'une armée assiégeante si
nombreuse , pour multiplier les bras de la défense , ils af-
franchirent les esclaYcs , les incorporèrent dans les légions,
et travaillèrent jour et nuit à la consolidation de leurs mu-
railles ; l'activité et l'émulation ne furent pas moindres de
part et d'autre .
Ses préparatifs terminés , Démétrius , qui voulait avant
tout s'emparer du grand port et des fortifications qui le
commandaient , dirigea de ce côté une attaque vigoureuse ;
mais il dut reculer , après avoir subi des pertes considéra-
bles . Huit assauts consécutifs eurent le même résultat ; for-
ce lui fut donc de rentrer dans son port , pour j réparer à
l'abri les sérieux dommages éprouvés par ses ingénieuses
machines de siège . Ces machines consistaient en deux sor-
tes de monitors voûtés , placés chacun sur deux bâtiments
reUéa entre eux . Les historiens anciens nous apprennent
que ces machines étaient garanties de l'atteinte de l'éperon
* On Bappoae qnc c'eet le port d'Âcandia .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
42 HISTOIRE
des navires Rhodiena et de celle de lenrs brûlota , par une
forte palissade qui les entourait à une certaine distance , ea
laissant un espace vide entre elle et le navire .
Ainsi , noue voyons figurer dans ce siège des navires à
éperon , des monitors et des filets pr{58ervatifs ; preuve évi-
dente que les modemea n'ont rien inventé , mais qu'ils en
sont revenus à l'ancien système en le perfectionnant . Il^st
aussi intéressant de noter que le siège de Rhodes par Dé-
métrius Polyorcète offre le premier exemple de l'envoi de
parlementaires , pour l'échange des prisonniers .
Quand il eut réparé ses avaries , Démétrius recommença
l'attaque du port ; mais au lieii de chercher à s'emparer des
navires Rhodiens qui le défendaient , il essaya de les brûler.
Le danger était grand , et toute la population se porta au
secours . Le navarque Rhodien , Exécète , entraînant ses
marins , quitte le port avec trois de ses meilleurs navires, et
attaque avec tant de vigueur les machines de Démétrius ,
qu'il en coule deux , et force une troisième à la retraite .
Malheureusement pour lui , emporté par son courage , il s'a-
charne à la poursuite , se voit entouré par la flotte tout en-
tière de Démétrius , et tombe en son pouvoir .
Les succès et les revers étaient donc égaux ; la victoire
ne se prononçait ni eu faveur des assiégeants , ni en faveur
des assiégés , qui se battaient avec la même bravoure .
Quelques secours arrivèrent aux Rhodiens de la part de
Ptoléitiée et des iles voisines , tandis qu'une violente tem-
pête obligeait Démétrius à écarter ses vaisseaux avariés des
positions qu'ils occupaient sous les murailles de la ville .
Fendant la réparation , il médite une nouvelle attaque plus
vigoureuEe que les précédentes .
D.^t.zeaovGoOt^lc
DU IV AU n SIECLE AT. J. C. 43
Cette fois , il avait pris toutes ses précautions ; l'action
est dirigée du côté de la terre . Outre les baUates , les cata-
pultes, les béliers et autres engins ordinaires, les assiégeants
devaient mettre en jeu une nouvelle macliine appelée 3de.
polis , sur laquelle ils comptaient beaucoup . Diodore nous
apprend que la base de cette machine était un carré d'envi-
ron cinquante coudées sur chacune de ses faces . La char-
pente se composait de grosses poutres fortement reliées , et
recouvertes de lames de fer . Cette machine , divisée en neuf
étages , était posée sur d'énormes roues , et n'exigeait pas
moins de 3400 hommes pour être mise en œuvre .
Pendant la suspension des hostilités, les Rhodiens avaient
envoyé des messagers solliciter l'assistance de leurs amis
politiques ; aucun d'eux ne fut sourd à l'appel ; ils reçurent
ainsi une grande quantité de gi-ains , tandis que leur flotte
divisée en trois escadres , faisait de son cilté de riches cap-
tures . Les Rhodiens, ranimés par ces secoura qui arrivaient
très à propos , s'acharnent h la résistance ; leurs murailles
avaient besoin de réparations ; ils abattent les théâtres et
quelques temples ; avec les matériaux qu'ils en retirent , non
seulement ils ferment les brèches et réparent les points af-
faiblis , mais même ils peuvent renforcer les endroits les
plus menaoïs par les formidables engins de Démétrius .
Un premier assaut tenté avec ces machines , produit des
effets terribles ; mais les secousses sont si fortes , que les
machines elles mêmes en sont ébranlées et rendues impuis-
santes. Bémétrius , forcé de les retirer, permet ainsi aux
Khodiens d'effacer les traces profondes creusées dans leurs
murs , et d'élever une nouvelle enceinte intérieure , qui doit
arrêter les assiégeants, s'ils parviennent à enlever la
saovGoOt^lc
44 msToniE
première .
Cependant les hostilités sont reprisée avec plus de vigueur
que jamais ; plus d'une attaque formidable est victorieuse-
ment repousflée ; assiégeants et assiégés rivalisent d'intrépi-
dité et d'héroïsme . L'épuisement amène une espèce de sus-
pension d'armes tacite , pendant laquelle arrivent , fort à
propos , des dépatéa de presque toutes les villes de la Grè-
ce ; ils viennent offrir leur médiation pour une entente ami-
able entre les belligérants . De part et d'autre on consent h
entrer en pourparlers; mais les Rhodiens n'en continuent
pas moins à prendre des précautions ; leur flotte, qui bat la
mer sans désemparer , leur envoie plus d'un navire chargé
de grains , tandis que de son côté Ptolémée , qui n'oubliait
pas qu'il a été l'occasion première de cette guerre , ne cesse
de leur envoyer des soldats , de l'argent , et des provisions
de toute sorte .
Ces faits prouvent que malgré sa nombreuse flotte , Dé-
niétrius ne bloquait pas la ville du crtté de la mer , ou que
la surveillance n'était pas si bien exercée , que les Rhodiens
et leurs alliés ne pussent entrer dans le port avec les con-
vois qu'ils amenaient , et en sortir à leur gré .
Les pom-parlers n'ayant abouti {"t aucune entente , la lut-
te recontmence ; Démétrius parvient . pendant une, attaque
générale de nuit , à introduire dans la ville un coi-ps d'élite
de 1500 hommes . Grande est l'alarme ; la population s'ima-
gine que toute la ville est tombée au pouvoir de l'ennemi .
Mais le sang-froid du Prytane ou premier magistrat , réta-
blit le calme ; tandis que ses ofBciers courent aux fortifica-
tions avec la foule , il rassemble un corps de troupes nou-
vellement, arrirée» d'Egypte , se porte .'tleur-tt^taflu devant
saovGoot^lc
DU 17 AU n SIECLE AV. J. C. 45
des envahisseurs et les rencontre auprès du principal théâ-
tre'. La fureur entre les deux troupes est égale ; le choc est
terrible , la lutte longue et sanglante . £)nân les soldats de
Démétrius, écrasés par le nombre, et ayant perdu leurs
chefs et plus des deux tiers de leurs compagnons , sont ob-
ligés de déposer les armes et de se rendre prisonniers . Ce-
pendant le jour commençait à poindre ; Bémétrius ordonne
un assaut général par les troupes de terre ; en même temps
la flotte attaque le poit . Cette action , décisive dans l'esprit
de Démétrius , fut très meurtrière . A plus d'une reprise les
assiégeants pénètrent dans la ville ; autant de fois ils sont
repousses ■ lie choc des machines battant les muraUles , le
cliquetis des armes , les cris des combattants , les clameurs
des femmes et des enfants , les gémissements des blessés ,
remplifisent l'air, et s'entendent à une grande distance . En-
fin Démétrius est forcé d'ordonner la retraite . Il lui fallut
plus d'un jour pour faire enterrer ses morts et enlever ses
blessés . Les assiégés n'avaient pas à déplorer de moindres
pertes ; aussi des deux cdtés paraissait-on également plus
disposé à s'cnteudre ; le siège durait depuis un an , et en dé-
finitive, les choses n'étaient pas plus avancées qu'au pre-
mier jour . Les députés de la ligue Etolienne qui arrivèrent
sur ces entrefaites , trouvèrent doue le terrain tout préparé,
et n'eurent pas de peine à faire accepter ' aux belligérants
des conditions réciproquemcut avantageuses et honorables.
Les principales furent que Démétrius garantissait aux Rho-
diens leur indépendance , tandis que ceux-ci devaient aider
Antigone dans ses entreprises , sauf celles qu'il pourrait di-
riger contre Ptolémée . En garantie de l'engagement pris
par les Khodicns , cent citoyens furent donnés en otage .
saovGoot^lc
46 HlffTOIBE
La paix ainsi conclue (304 av. J. C.) , Démétiius laissa
aux Rhodiens , comme preuve de son estime pour leur va-
leur , tous les engins qui avaient été employés pendant le
siège . Il leur demanda seulement que le produit de leur
vente fut consacré !i l'érection d'un monument commémo-
ratif de ce siège fameux . Les Rhodiens exécutèrent fidèle-
ment cette promesse , et les 300 talents qu'ils en retirèrent,
furent employés k la construction du Colosse .
■Pline rapporte à propos de ce siège , un tmit qui fait hon-
neur k Démétrius : au plus fort d'une attaque contre la vil-
le , on vient lui apprendre que Protogène ' , le célèbre pein-
tre Rhodien , continue tranquillement , dans un petit jîirdiu
d'un des faubourgs qu'il venait d'emporter, un tableau i-e-
présentant lalyssos sous les traits d'un chasseur ; une dépil-
tation de citoyens venait supplier que le chef-d'œuvre fut
épargné . Démétrius qui connaissait le peintre de réputati-
on , le fit comparaître en sa présence , et lui demanda com-
ment il pouvait , se montrant si indifférent au sort de sa
patrie , continuer tranquillement son ti-avail .
Protgène lui répondit :
Je sais q%ie voue faites la guerre a/uz peuples H tum avx aiis .
Démétrius , dont l'àme était capable de comprendre un
pareil langnge , mit des gardes devant la porte de Protogè-
nes avec ordre de veiller à la sûreté de l'artiste et à la con-
servation de son œuvre .
Personne n'ignore que le célèbre peintre travailla à ce
tableau pendant sept années , et que , devant y représenter
im chien la bouche écumante , il s'y reprit }\ plusieurs fois,
sans parvenir à rendre l'écume avec toute la perfection qu'
il désirait ; qu'enfin se laissant emporter un jour, il lança
saovGoOt^lc
DU IV AU H BIBCLE AV. J. 0. 47
farieux son éponge contre la toile . I^e hasard fut pins Ita-
bile que l'art : l'époage tomba juste sur le museau du chien,
et représenta l'écume de la manière la plus naturelle .
^ 3 PBOSPERTrE ET UALHEUB9
Le siège de Rhodes p^r Démétrius fut suivi d'nne asses
longue pénode de paix, dont les habitants profitèrent pour
réparer les fotifications et les monuments publics qui avaient
souffert pendant la guerre , et relever ceux qu'ils avaient
démolis . Us n'oublièrent pas les amis qui leur avaient gé-
néreusement envoyé des secours , et en reconnaissance , Ha
leur érigèrent des statues .
En peu de temps l'ancienne prospérité fut atteinte et
mrparaée ; mais un grand malheur allait fondre sur l'Ile : un
de ces terrib^ tremblements de terre auxquels elle fut su-
jette de tout temps .
Cette année 222 ( av. J. C. ) fut plus funeste à Rhodes ,
que tous les assauts qu'elle avait soutenus ou qu'elle devait
Bouteuir par la suite .
Dons son malheur elle connut ses véritables amis , et elle
put constater qu'elle en avait beaucoup . Ftolémée , cet an-
cien et fidèle allié , s'éleva au dessus de tous les autres ; ce
qu'il' envoya en déniées, matériaux et numéraire , atteint
une somme si considérable , qu'on hésite à l'admettre . Les
Bois de Syracuse et d'Egypte rivalisèrent de générosité
avec les vil'.es Grecques , en accordant à la marine Rhodien-
ne l'exemption de tous droits dans leurs ports .
Fne grande partie de ces dons devait être spécialement
consacrée îi la réedification du colosse ; on n'en fit rien ce-
pendant , parceque l'oracle de Belphes le défendit , sous
saovGoOt^lc
48 BUTOISG
p^ine des plus grands mallieura .
Quelques écrivains malveillants ont profité de cette cir^
constance-, pour inginuer que les Magistrats de Rhodes,
ayant gagné la Pythie , lui dictèrent cet oracle , à la faveur
duquel il8 purent se partager les sommes qui leur avaient
été remises .
Quoiqu'il en soit de cette version , Rhodes se relève bien-
tôt de ses ruines , et reprend fa place parmi les Etats les
plus puissants . Evitant les dissentions , en bonne intelli-
gence avec tous ses voisins , alliée aux ,graKds États , elle
, qbserve la neutiulîté la plus parfaite , et s'occupe exclusive-
ment ée SCS iutéréts ; si ses flottes parcourent encore la Mé-
diterranée , c'est pour la jîui^er des piratée qui inquiètent
ses navires de commerce , " car la niaiine de la Grèce était
tombée si bas, que les Illyriens poussaient impunément leurs
ravages jusque dans les Cyclades . "
L'auteur auquel nous empruntons ce passage , • semble
accuser de la même faiblesse la marine Rhodienne ; car il
continue ;
"Rhodes même , dont la puissance est si vantée , dans un
grave différend avec Byzance , n'envoie que trois galères
dans l'Héllespont; et cependant les partis ennemis, dans
cette guerre , étaient deux Républiques célèbi'^s, trois Rois:
Attale , Prusias , Achseus . "
Lacélébrité n'accompagne pas toujours la puissance, et
nous n'entrerons pas en discussion sur ce texte au sujet de
Byzance , dont l'indépendance ne remontait pas alors au
delà d'un siècle et demi ; et c'est contre Athènes et Sparte
• DaroT , Hist. des Ronn
saovGoOt^lc
. •: DU 17 AU II BIECIE AV. J, C. 49
qu'elle l'avait revendiquée , c'est-à-dire peu d'années avaïit
l'échea de Démétrius sous les murs de Rhodes • Or cette
dernière place , au dire de tous les historiens , avait emplo-
yé cent années de paix à développer ses forces marifàmes .
■ Sx donc elle n'envoie que trois galères , c'^ qu'avec le con-
conrs de ses alliés , peuples maritimes , il n'était pas néces-
saire de déployer plus de forces contre la jeune république,
qui ne cherchait d'ailleurs qu'à s'e&richir en chargeant d'un
droit le passage du Bosphore . Quoique il en soit , Rhodes
fit respecter laMiberté de son commerce .
§ 4 OUERHE CONTRE PHILIPPE
Mais la longue "prudence politique des Rho^ens' se dé-
mentit tout à coup en faveur de la République Romaine .
•' Croyez vous que Cartage ou Rome se contenteront après
la victoire de l'Italie ou de la Sicile î disait , au plus fort de
la deuxième guerre punique , un orateur de la Grèce . Et
ces craintes étaient légitimes".*
Cependant les Rhodiens ne les éprouvèrent pas .
" Ils ne virent au contraire dans les Romains 'qu'un peu-
ple modéré , satisfait d'avoir humilié une rivale qui possé-
dait l'empire de la mer , ne voulant pas du reste s'arroger
cet empire , ni augmenter son commerce , mais ne repre-
nant alors les armes que pour remettre la Grèce en liberté
et la soustraire i\ l'oppression de Philippe".**
A l'égard des Romains , ce prince avait eu le tort de faire
alliance avec Annibal , et d'attaquer le royaume d'Attale ,
• Dnray , Hiat. des Bom.
•• HLrt. de la Civ. et du Com,
saovGoOt^lc
HISTOIRE 50
leur allié et celui des BhodieuB ; en même temps il menaçait
de dépouiller Ptoléniée Épiphane de aes possessions en
Thrace et en Asie ; deuxième motif pour faire entrer les
Rhodiens dans les hostilités ; enfin il les gênait dans leurs
intëi-èts sur les côtes de la Caiie, dont les troupes Macédo-'
niennes occupaient plusieurs villes qui leur avaient appni^
tenu . Telle est donc la première occasion dans laquelle on
rencontre les armées Eh'odiennes combinées avec celles de
Rome contre un ennemi commun .
En portant la guerre sur les côtes de la îdacédoine , les
vaisseaux de Kbodes, unis à ceux d'Attale et de Rome , por-
tèrent les coups les plue funestes aux projets ambitieux de
Philippe .
En 214, ce Roi, entré dans le plan d'Anuibal, essaye,
avant d'aller le rejoindre en Italie , de chasser les Romains
de rillyric . Sa flotte , composée de 120 galères , prend Ori-
cum ; il remonte rapidement le fleuve Aofis , et, met le siège
devant Apollonie ; mais il ne put échapper au Consul Valé-
rius que par une fuite plus rapide encore jusqu'à l'embou-
chure de ce même fleuve ; la flotte alliée lui fermant le pas-
sage , il brûla la sienne ,.et retourna par terre dans son ro-
yaume . A partir de ce moment , les Rhodiens et les autres
alliés de Rome prêtèrent à celle-ci des forces sufiisantes
pour anéantir de ce côté la coalition formée par Annibal ,
et décider du sort de la ]utt« . Zantc , l'Acamanie , la Lo-
cride , l'Elide , Orée , Opunte , successivement enlevées à
Philippe , l'obligèrent à solliciter la paix . ( 205 )
Rome , suffisamment occupée contre Annibnl , l'accorda ,
et Philippe, heureux d'avoir ainsi écarté les légions de Va-
Icrius . s'allia avec Antiochus et Prusiae contre Ptolémée
:q,t7edi>G00t^lc
DU IT AU n SIÈCLE AV. J. 0. 51
Épîpliane pour lui ravir Bea posseesions en Thrace et en
Asie . C'était engager de nouTellee hostilitée avec Athènes,
Ehodes et Pergame , toujouis alliées des Romains .
C'est pourquoi le Sénat , après la bataille de Zama , lui
intima l'ordre de cesser toute tentative armée de ce côté .
Philippe s'y refusa et rompit le traité .
L'an 200 la guerre commença , dirigée par le Consul Sul-
picius , qui n'emmena que deux légions . Rhodes et Attale
fournirent leurs flottes , qui , pendant l'été , délivrèrent les
Cyclades des gamisons Macédoniennes , s'emparèrent d'O-
rée que Philippe avait reprise , et portèrent le pillage jus-
que sur les cdtcs de la Macédoine .
L'année suivante, sous le Consulat de Yilliaa , les Ro-
mains restèrent dans une complète inaction qui favorisa les
marches de Philippe , et fit retomber sur leurs alliés tout le
poids de la guerre . Dans une bataille livrée devant Mtlet ,
il obligea les flottes d' Attale et des Rhodiens k battre en
retraite ; ce revers ne les décourage pas , et bientôt elles
prennent une brillante revanche sur la flotte Macédonienne
en vue de Chio ; mais cette victoire coûte aux Khodiens la
perte de leur navarque Théophiliscus , qu'une grande sa-
gesse ne rendait pas moins rccommandable que sa valeur
éprouvée .
Enfin le Consul Flaminius rappelle les efforts de Philip-"
pe Sur le Continent'; et tandis qu'il remporte une première
victoire près d'Antigonie, la flotte s'empare de Caryste et
d'Eretrie ( 198 ) ; et la décisive bataille de Cynocéphale ter-
minait, un an après, cette guerre par une paix honteuse in-
fligée il i\ nnemi . Rhodes , en retour de ses utiles services,
recL uvra la Carie et toutes ses possessions dans l'Archipel ;
D.qit.zeaOvGoOt^lc
compensation gloiieuse des lourds sacrifices qu'elle fi'^lait
imposas, mais achetée trop cher au prix d'une alliance avec
Kome.
"Durant la célébration des jeux Isthmiques auxquels tou-
te la Grice était accourue , un héraut , au nom du Sénat ,
promulgua le décret de paix terminé par ces mots : Tous les
Grecs d'Europe et d'Asie sont I-Uyrcs ! Une joie insensée éclata
à ces paroles ; deux fois l'assemblée se fit répéter le décret,
et Flaminîus faillit étouffer sous les fleura et les couronnes.
Il y avait donc , s'écriaient-ils , uue nation sur la terre qui
combattait , à ses risques et périls , pour la liberté des na-
tions , qui passait les mers pour faire disparaître toute do-
mination tyrannique, pour établir en tous lieux l'empire du
droit , de la justice et des lois . Rome ne prenait rien en ef-
fet des dépouilles de la Macédoine et si les légions
étaient encore tlans la Grèce , o'est qu'AntiochuB approchait»
et que les Romains voulaient , disaient-ils , la défendre ap-
rès l'avoir délivrée ." •
§ 5 GUBBBB COWTBB AKTIOCHL'S .
Cette générosité affectée des Romains déroba aux Rho-
diens les conséquences de la guerre de Macédoine ■ S'ils a-
vaient été plus clairvoyants , ils auraient compris que , de-
venus les protecteurs d'Athènes , ils n'avaient rien à crain-
dre de Philippe , qui , ne possédant pas de marine , ne pou-
vait pas en foi-mer une sans leur consentement .
Le royaume de Macédoine était donc la seule digue assez^
forte pour résister à l'ambition dissimulée des Romains .
* Dnru^ , Hi&t. Ath Ron.
saovGoOt^lc
DU 17 AU n SIÈCLE ÀV. J. c. 53
Le même aveuglemeot qui porta les Rhodiens à en faciliter
l'entrée à leurs légions , les arma de nouveau contre Antio-
chus . Tous les Grec» d'Europe et d'Asie sont libres ! L'écto
retentissant de cette parole hypocrite , leur fit commettre
cette seconde faute . Rome au contraire succombait , et la
Grèce était sauvée, si leurs vaisseaux avaient grossi le nom-
bre de ceux dont Antiochus avait donné le commandement
au fameux Anniba] .
Celui-ci avait déjà inspiré à son allié d'attaquer les Ro-
mains avant la bataille de Cynocéphale ; on pouvait encore
à ce moment tourner les armes des Grecs contre les vaiff-
queurs de Carthage . II avait suivi des yeux les victoires
par lesquelles le roi de Syrie tendait à reconstituer l'empi-
re de Seleucus Nicator ; déjà il avait enlevé à Ptoléraée la
Cœlésyrie et la Phénicie; maintenant ses flottes couvraient
la Méditerranée , et menaçaieut le royaume de Pergame et
les villes libres , alliées aussi des Ehodiens . Ceux-ci se trou-
vaient donc entrelDës dans la guen-e par leurs alliances et
par un intérêt mal compris .
La retraite d'Annibal ù la cour d' Antiochus et ses man-
œuvres pour étendre la guerre jusqu'en Italie , mirent en
marche les légions sous la conduite de Flaminius . Rhodes
fit entier toutes ses forces dans la coalition : 25 navires
pontés , au dire de Tite Live , et un an plus tard ( 193 ) , 36
encore , dont 32 galères à quadruples rames et 4 trirèmes .
Seuls ils combattirent la flotte formidable du roi de Syrie .
D'abord vaincus à Samos , ils réparent cette défaite par une
victoire navale remportée près de Side de Pamphylie , sur
Annibal lui même , et préparent ainsi , sous les oi-dres du
navarque Eudame . la brillante victoire de Myonèse , où la
D.qit.zeaOvGoOt^lc
54 HISTOIRE
flotte Syrieune est entièrement détruite .
La flotte Rhodienne avait certainement été plus utile
que les 24 vaisseaux Romaine commandés par Emilius Bé-
gulus et les 3000 auxiliaires d'Bumène . En effet , Tite Li-
ve déclare que : *' dans la flotte alliée les galères Rhodîen-
nes avaient , par leur légèreté , par l'habileté des Capitaines
et l'expérience des rameurs, une haute supéiiorité sur celles
des Romains, déjà plus solides que celles d'Antiochus, et
montées par des troupes plus guerrières . " •
Malgré cela , lorsque les Romains partagèrent entre les
alliés les dépouilles du vaincu, ils n'attribuèrent qu'une part
plus restreinte aux Rhodiens qid ne leur semblaient déjà que
trop puissaïUa , dit M. Duruy .
Il est intéressant de recueillir ce témoignage de la part
d'un historien qui avait accusé les Rhodiens de faiblesse.
Ceux-ci comprirent-ils que leur puissance faisait ombrage!
car ils affectèrent un désintéressement extraordinaire , ne
demandant , pour récompense de ce 6er\'ice signalé , que la
liberté des villes grecques de l'Asie - Ils l'obtim-ent ; mais
s'ils furent désintéressés par politique , peut-être ne eurent-
ilfi pas assez le dissimuler , et les Romains, voulant parattre
touchés de cet acte d'abnégation , se montrèrent généreux .
en confirmant leure droits sur la Carie , et en leur accor-
dant en outre la Lycie , à l'exception de Solis et de Telmis-
sos , qui , malgré les réclamations des Rhodiens , passèrent
* Bobore navium et virtate mOitam Rom^ longe regios pnestabant ;
Ittioâin naTBs agilitate , et arte gnbenmtornia , et BcientU remigoin , erant
longe omnium celcrrimœ tota clause . ( 1. XXXVII , c 30 )
saovGoOt^lc
DU tr AU n giËCLE AT. j.a 55
BOnfl le sceptre de Pergame .
Ce présent funeste de la Lycie portera bientôt une gra--
76 atteinte à l'indépendance de ceux qui furent assez aveu--
gles pour l'accepter comme la marque d'une estime sincère. -
§ 6 PSOTECrOEAT BOMAIN.
En effet le voile qui dérobait aux Rhodiens comme aux
autres peuples de la G-rèce les menées habiles du Sénat , ne
tarda pas à se déchirer . Peraée , roi de Macédoine , avMt
obtenu d'Antàoehus la main de sa sœur , qu'une flotte Rho-
dienne lui avait conduite . Déjà les immenses préparatifs
que ce roi faisait pour la guerre , avaient sans doute percé
le secret dont il s'entourait depuis six ans ; car , pour si peu
important que fût en lui même l'acte de complaisance des
Rhodiens , il n'en eut pas moins des effets très graves . Feu
de temps api'ès , les Lyciens prétendirent avoir à se plaindre
contre leurs nouveaux maîtres .
Ces plaintes, inspirées par le Sénat , furent portées devant
son tribunal . Peut-être les Rhodiens , à cette occasion , ma-
nifestèrent-ils trop oQvertement qu'ils n'avaient pas été sa-
tisfaits de ce faible prix de leurs services ; on leur fit com-
prendre qu'ils n'avaient pas saisi la portée du décret qui
leur attribuait la Lycie . " Le Sénat vous a donné les Ly-
ciens non comme sujets , mais comme amis et alliés . " Cette *"
sentence sans appel termina le différend.
Rhodes ne pai-ait pas avoir protesté contre cette immix-
tion d'une puissance étrangère , quoique alliée , dans ses af-
faires intérieures ; mais elle en ressentit de l'aigreur , el se
rapprocha de Persée, qui venwt, par la mort de Philippe et
le meurtre d'Autigone , d'hériter du trône de la Macédoine.
D.qit.zea0vGoO^lc
-56 HIETTOntB
Si ce prince n'avait pas ambitionné le» poasessioiis que le
traité conoli} avec son prédécesseur avait données à Eumène,
il lui eut été facile de l'entraîner à sa suite ; car le roi de Per-
game trouvait pesant le joug de Tamitié Komaine ; mais U
ne voulait pas s'en déchaîner par le sacrifice des frontières
qu'il tenait de leur générosité ; menacé , il dénonça Persée
au Sénat , et faillit être victime de sa vengeance . Rhodes
pouvait-elle être insensible à cet affront dirigé contre son
plus fidèle allié ? Cependant , lorsque les députés romains
vinrent exiger ce que l'on peut appeler le tribut de l'allian-
ce , les Rhodiens , par la lenteur et le vague de leurs répon-
ses , laissèrent deviner que leui-s secours étaient mis en ba-
lance entre la République et son rival . Bumène triompha
de leurs hésitations , et sur le conseil du Prytane Hégéli-
phocus , des vaisseaux furent accordés au Sénat ; mais en
même temps un accueil favorable est fait aux ambassadeurs
de Persée ; alors commence entre les deux Etats une certai-
ne froideur , dont les effets se feront bientôt sentir . ( 172 )
La première campagne , toute en faveur de Persée , se
termina par une victoire navale qu'il remporta en vue d'O-
rée . Ijcs exactions du Consul Licinius et du Préteur Lucré-
tius soulevèrent le mécontentement des alliés ; de là. au dé-
couragement la pente est rapide ; les échecs du Consul Hosr
tilius et de sonXieutenant Cassius ; les hésitations du Con-
sul Marcius en face des portions formidables occupées par
l'ennemi , les y poussèrent ; les Rhodiens entr' autres eurent
l'audace d'envoyer ce message aij Sénat : " Nous sotomes
ruinés par cette guerre , et nous voulons en voir la fin . Si
donc Rome ou Persée refusât d'y mettre un teime , noua
aviserons sur les mesures à prendre à l'égard-de celui dca
saovGoOt^lc
DU IV AD n 8IÈC1B iV. J. c. 57
deux adversairea qui s'opposera à la paix A
Ce fier langage leur aurait peutr^tre valu les ménage-
ments du Sénat , à, au même moment , il n'avait reçu la
nouvelle que Marcius avait réussi à pénétrer dans la Piérie,
assuré ses communicatidna , et pris sea quartiers d'hiver à
DjTim . Pour toute réponse on lut aux députés nu Sénatus
Consulte qui déclarait libres la Lycie , fruit de leur inter-
vention dans la guerre contre Persée , et la Carie , qu'ils
avaient conquise et conservée par des efforts et des sacrifi- .
cea constants .
lUiodea, qui jusque là ne se connaissait pas de rivale , qui
se considérait même comme l'égale de Rome , se sentit hu-
miliée ; elle -pasaA preaque ouvertement du côté de Persée ,
pondant que Paul Emile préparait la fameuse bataille de
Pydna ( 168 ); quand la victoire se fut prononcée en faveur
de Rouie , d'aboi-d elle voulut imposer sa médiation en fa-
veur du vaincu ; ensuite elle ne sut pas dissimuler le nouvel
affront fait à aa dignité et chercha à se concilier les bonnes
grûces da Sénat , en lui envoyant une nouvelle ambassade
pour le féliciter d'un succès contraire à ses vues secrètes .
C'était avouer sa décadence . Le Sénnt hésita beaucoup s'il
devait ou non recevoir ces félicitations intéressées , et sans
l'éloquence de Caton , il est très probable que non seule-
ment les ambassadeurs n'auraient pas été écoutés , mais que
Borne aurait fait payer beaucoup plus cher aux Rhodicns
leur tentiitive d'intervention en faveur de Persée , malgré
leur empressement à condamner à mort les partisans avoués
de ce TOI , et l'envoi de riches présents , si la vue de ces ri-
chesses n'avait inspiré à Caton le célèbre discours par lequel
il obtint la paix . C'est moins en effet l'estime que le sévère -
saovGoOt^lc
Censeur avait gardée pour la ville où il avait fait ses étu-
des , que son zèle à défendre les mœurs des Romains contre
la coiTuption Asiatique , qui lui fit lepousser cette guerre
avec une ville , où tous , généraux et soldats , seraient allés
puiser de nouvelles. richesses et de nouveaux vices. " Si les
plus nobles , dit Aulu-Gelle , tournaient des regards mena-
çants vers cette Ile , leur hostilité n'avait d'autre cause que
la soif du pillage ." -"On dit que les Rhodiens sont superbes
_( c'est Caton qui parle ); certes je ne voudrais pas qu'on put
adresser ce reproche ni à moi ni aux miens ; mais que les
Bhodiens soient superbes, que nous importe? Est-ce que
par hasard nous serions blessés qu'il y eut au monde un peu-
ple plus orgueilleu:^ que nousl " Cette rude leçon empêcha
une guerre qui aurait été également funeste à la témérité
fastueuse de Rhodes et à la susceptibilité cupide de Rome .
Maiâ la Lycio et la Carie furent définitivement enlevées
aux Rhodiens , et le Sénat leur imposa le titre d'alliés , qui
faisait ^ rapidement tomber au rang de sujets •
H faut croire d'ailleura qus le peuple Rhodien marchait
à l'envi avec toute l'Asie dans cette voie 'de corruption ,
qui arait mené la Grèce à son asservissement , puisque Ju~
vénal écrivit ce trait satirique : •' depuis que Rome a pei-du
sa noble pauvreté , Sybaris et Rhodes et Tax-ente , couron-
nées deToses et humides de parfums , sont entrées dans nos
murs ."
Heureux de conserver encore un semblant d'indépendan-
ce, ils accoi-dèrent à la fière République déshonneurs di-
vins, et prostituèrent même leur génie jusqu'à lui élever
dans le temple de Minerve une statue haute de 30 coudées.
. Faut-il du reste s'étonner de voir Rhodes courber la tùte
saovGoot^lc
1 I>0 IT IC n SifiCLE IT. J^. 59
sous les dures conditions de Borne , lorsque CaPth^e dé-
truite , rÉgjpte et la Syrie abaissées et sans forée , et la
Ifacëdoine asserrie , la condamnaient à l'isolement? lorsque
des souverains préféraient ce titre illusoire d'alliés A une
puissance réelle ?
En 154 cet abaissement politique se manifesta dans toute
son étendue, à l'occasion d'un différend avec les Cretois.
Ceux-ci , depuis qu'ils c'étaient constitués en république ,
n'avaient guère pnm dans les affaires de la Grèce ; devenus
forts tout-à-coup par la faiblesse des autres , voilà qu'ils
obligent les Khodiens j'i faire intervenir la puissance du Sé-
nat. Rome ne négligea pas cette occasion d'exercer son
protectorat , et un député fut aussitôt chargé de metti*e un
terme à ces hostilités . A partir de cette époque , Rhodfes
demeure ville Hh-e, et jouit du repos, JHB(pi'au jour où il
plaira aux Romains de ralluiiier la guerre .
L'occaeiou ne tai-da pas à se présenter, favorable aux
Khodiens pour recouvrer leur indépendance , s'ils avaient ru
reconnaître leui"s fautes politiques , et ressentir le châtiment
qui les avait suivies . Mais la Providence , qui mène les évé-
neiDcnts à la fin qu'elle s'est proposée , fera de cett« petite
républiiiue recueil contre lecjuel vieiidi-ont se briser les for-
ces par lesquelles l'Empire Romain i!éjà fonué en Orient,
subira le dernier ébranlement dont il surtira vainqueur.
saovGoOt^lc-
CHAPITRE IV.
EPOQUE ROMAINE
Gt-KRHB CONTRE MirHKIUATB
" C'est à Fome que nous ii-ôns vider uotre querelle " a-
raif fait dire par un de eee généraux. nu proconsul Cassius,
Mitliridate ; et il aurait eu raison , s'il avait su profiter des
dispositions de l'Asie et de la Grèce . Ses premiers succèa ,
pendant la campagne de 89 - 88 , lui soumirent l'Asie, la
Thrace , la Macédoine et la Grèce ; en outre la flotte Ro-
maine dans laquelle étaient les vaisseaux Rhodiens, fut dé-
truite dans une seule action, à l'entrée du Pont-Euxin ; celle
de Kithridate déboucha aussitôt dans la mer Egée, et en
soumit toutes les iles , à l'exception de Rhodes .
0-r(Bciam (nsiilam/ns omiie* excepta Rhodo oci'iipaoU . *
Ses instructions secrètes ordonnant en un môme jour ,
• ip^icn , de Bello Mith.
saovGoOt^lc
à une même heure , dans tontes lea prorinceB , le massa-
cre deB Romains , furent exécutées avec une fidélité barbare»
empressée à se veDger de longues véxationa : 100,000 cito-
ycDB romains tombaient en un jour sous le fer des assassins.
Caesius et d'autres , qui échappèrent à ce massacre , vinrent
chercher on r^ge h Rhodes ; Mithridate arrive presque en
même temps sous les murs de cette place . Les Hhodiens
commirent une grande Êtute , en ne lui ouvrant pas leurs
portes . Le Roi en commit nne plus grande par son inutile
obstination .^ les réduire ; en effet, taudis qu'il perdait son
temps à livrer des assauts infructueux , qu'il usait ^es forces
et s'exposait même ii périr , les armées Romaines lui repre-
naient la ThcssaUe et lui fermaient le chemin de la Qrùce .
C'est dans la môme inaction qu'il passa l'année 87 , laissant
KylKfeire le Biôge du Pirée , et en 86 réduire Athènes par
la famine , tandis qu'avec sa flotte il aurait facilement dis-
persé les forces navales de Rome ; car LucuUus n'avait pas
encore pu réunir en Egypte assez de vaisseatut pour lui dis-
puter la mer .
Après la désastreuÊO bataille de Chéronée ( 86 ) , Mithri-
date commit la faute pins grave encore de Eoulcver sur tes
deiTières une armée de Galates , et de faire i-egretter anx
grecs d'Asie les Pi-oconsuls Romains , dont les vexations et
les cruautés n'étaient rien nu prix des siennes .
En même tem):» LucuUus , avec les vaisseaux que loi a-
vaient foiimis Rhodes , Chypre , la Pbénieie et l'Egypte ,
croisait sur les côtes de l'Asie Hineure . Mithridate , déjà
battu en Asie par.Fimbria , réduit à la deniière extrémité ,
accepta les conditions qtie Sylla lui imposa . Mais , dans son
esprit le traité de Dardatium n'était qu'une ti-ève (84 ).
saovGoOt^lc
Déjà en 82 il ftvait recommencé les hostilités , aussitôt
ïépriméee par le lieutenant de Sylla, Gabinius . Mais en 75,
profitant de la gueiTe d'Espagne , aidé même par Sestorius,
ennemi personnel de Sylla , it menace Rome d'un danger
aussi redoutable que dans sa première entreprise ; mais il
rencontre de nouveau Licinius Lucullus , qui , avec les flot-
tes alliées , Tapait combattu , vaincu sur mer , et obligé à
demander la paix .
Le plan du Proconsul était de porter la guerre dans le
Pont ; mais la vaniteuse téiuérité d'Aurélîits Cotta, son col-
lègue , coûta une sanglante défaite navale , dont les KIio-
diens , toujours trop fidèles alliés, subirent en grande partie
les effets . Jja flotte vaincue alla chercher un abi-i dans le
port de Chalcédojne . Mithridate les y tenait étroitement
bloqués , lorsque Métellus survint , s'établit autour de l'ar-
mée assiégeante , et la i-éduisit i)ar la famine . Le Roi se dé-
cida alors à fuir sur ses vaisseaux vers l'Euxin , abandon-
nant à la poursuite detî vaieseaux ennemis quelques galères
qui furent coulées ( 73 ) .
C'est alors que Jules César , élève de Molon à Rhodes ,
riîvéla son caractère . Il apprend que les villes d'Asie , al-
liées de la République, mais éloignées du théâtre de la
guerre, sont menacées par Mithridate, et condamnées par
cet isolement à lui ouvrir leurs portes ; aussitôt il passe sur
le continent , réunit des volontaires , retient par son initia-
tive ces villes dans l'alliance Romaine , et sauve déjà une
partie de cet Empire , dont il pose les bornes à l'avance .
Cependant le roi du Pont , *' souvent vaincu , sans jamais
fie décourager, se relevait " * et secondé enfin par Tigrane,
* fisàsuci, Uisc. OUI' l'Iliii. Caiv.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
ÉPOQUE EOMAEÎE 63
offrait encore à la Grèce l'occasion de reconquérir' son in-
dépendance ( 69 ), en opposant son royaume comme un rem-
part contre les Romains. Bhodes devait donc le soutenir
au lieu de contribuer à l'abattre , et , par le sacrifice d'une
partie de sou commerce , échanger une liberté illusoire sous
la protection du Sénat contre une indépendance i-éelle . Il
lui coûtait cher en efi'et l'honneur d'ôti-e l'alliée d'une puis-
sance que l'ambition mettait en lutte avec d'autres puissan-
ces maritimes, et qui cependant négligeait , dédaignait en
quelque sorte de ec créer une marine . Car loi^que le Sénat
voulut assigner à Licinius LucuUus la somme nécessaire
pour équipper une flotte en état de tenir la mer : " La Ré-
publique , répondit-il , n'a besoin que des vaisseaux de ses
alliés ". Il refusa donc , et les flottes combinées de Rhodes
et de rionie , continuèrent à supporter toutes les charges
de cette longue rivalité .
Jnsr]u'en 67 , la fortune fut favorable ù Luculliis; mais,
disgracié à Rome par les amis de Pompée , condamné à l'i-
naction par ses soldats mutinés , il vit Tigrane et Mithri-
date rentrer dans leurs états , reprendre l'offensive , et re-
conquérir tous les pays qu'ils avaient perdus .
Pompée eut donc la gloire de tei-miner cette gueire . La
flotte qu'il avait créée pour purger la mer des pirates , ve-
nant grossir celle des alliés , il put envelopper toute l'Asie
Mineure , et , sans avoir à livrer aucun combat mémorable,
obliger son ennemi à demander la paix .
Fidèle à son serment de ne jamais traiter avec Rome, tra-
hi par son propre fils , Mithridate se faisait donnner la
mort ( 65 av. J. C. ), plutôt que de tomber entre les mains de
ceux qu'il combattait depuis vingt quatre aus .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
64 HisTontx
Avec "Mithridftte IV, s'évanouissait pour les Grecs tout
espoir de recouvrer leur indépendance . Ehodes, en épuisant
sa fortune , en versant son sang au service de l'ambition to-
maîao , avait consommé sa propre ruine !
saovGoOt^lc
CHAPITRE V.
SOUS LES CÉSARS
ET
SOUS LES EMPEREURS D'ORIENT.
Rhodes ne figure pas dans les grands érénements dé la
guerre civile ; mais après le meurtre de César ( 44 ) , son in-
tervention attire sur elle les colères de Cassius , qui , depuis
la bataille de Fharsale , avait le gouvernement de la Syrie :
Dolabella . gendre de Cicéron , et Collègue d'Antoine , avait
su soulever les Rhodiens contre Brutus et Caesius . Ce der-
nier arrive sous les murs de Rhodes , l'attaque avec fureur,
Fans tenir aucun compte de son titre d'alliée . " C'est un trai-
té déchiré par vous mêmes, répoudit-il, lorsque vous avez
fouiTii dfs troupes à Dalabella". Epuisée par Icb SEicrifices
qu'elle s'était imposés contre Mithiidate , la ville n'étaiit pas
eu état de résister à ces forces Romaines , auxquelles elle
s'était si souvent jointe , et qu'elle avait aujourd'hui pour
ennemies ■ La trahison , dit-on , livra la villt k Cateius pen-
dant un assaut que les habitants soutenaient courageusement'
elle fut abandonnée au pillage et ;"i tonte la violence tics légi-
ons. Les habitant8,faisant avec abnégation le sacritice de leur
:q,t7edi>G00t^lc
66 HISTOIRE
fortune pr!vée , demandent seulement au vainqueur de ne
pas dépouiller leurs temples eL leurs édifices publics des sta-
tues de leurs Dieux . A cette religieuse prière , Cassius ré-
pondit ironiquement : Je vous laisserai votre Sohnl ! Après le
pillage, le meurtre; les plus notables citoyens , au nombre
de cinquante , furent décapités ^ 42 ).
C'e;t alors que fureut enlevés le groupe de Laocoon *, le
taureau Farnèse •*, le tableau de Protegène , les admirables
ciseiui-es de Bœtlius , et tant d'autres chefs-d'œuvre , dont
la vak'ui- ne fut pas esliniée h moins de huit mille cinq cents
Talents (Fr. 42,500,000).
Ce[^eudaut, telle était l'activité des Rhodiens, que l'an-
née suivante ( 41 ), ils pouvaient encore fournir à Antoine
une flotte .avec !aque"le il entrepnt contre Octave en Italie,
ctt:e expédition qui se termina par uu accord entre les tri-
uui\irs .
Antoine devait les recompenser-, il le fit avec une habi-
leté toute romaine . Les Iles de Tinos , Andros , Mjconos et
Cassûs , leur avaient été ant-rieurement donnéjs par Syila ,
et reprises ensuite ; cir elles préférèrent être tributaires de
lionie que de Khod^'S . SL-rail-ce vra-iment que leur joug pc-
Bilt lourd sur leurs vassaux ? Antoine les leiu" rendit , faveur
aussi sinci're (lu'au temps du Dictiitoùr; car Appien nous
apprend qu'ils furent convaincus de irop de rigueur . et dé-
jiossédés . Enfin , maîtres d'une paràe de la cùla (jni fait fa-
ce ;i l'Ile , ili étaient , ou du moins ils se ci-oyaieut encore
A Rinne ;■ Vatican , conr i
* AN:iplf,s.Vi!lHRoalc.
saovGoOt^lc
CllSAES ET EMPEEEUKS 67
Indi'pemlants, passaient pour savoir mieux se gouverner
que les autres villes libres, et s'enoigueillissaioiit, avec plus
(le i-aisou, tic conserver diins leurs ('coles le pur idiôiue grec,
la langue de Dcmosthène et d'Eschyle. Toutefois ," la vio
inimitable " d'Antoine avec Clcop:Ure , en favorisant Tau-
tlace de Labienus et des Parthes , livra liliodes comme tou-
tes les antres villes de l'Asie, à un nouveau pillage ; les
temples , apauvris déjà par celui de Cassiiis , furent renver-
bl'S pour découvrir les richesses que l'on y croyait enfouies.
Mais (juapd le vainqueur d'Aotium reçut :i Rhodes La visite
du roi des Juifs Hérode le {îrand , celui-ci , protecteur des
arts <lans toute la Gi-èc© , aida les RUodiens ii relever le
temple d'Apollon ■ ( 31 )
L'Empire est maintenant constitué , et l'Italie est deve-
nue le centre du mouvement pour le monde entier ; la ville
de liUodes n'a plus d'iiistoire que dans le commerce ; elle
approvisionne de poissons choisis les tables somptueuses do
Rome ; dans lea intrigues du palais Impérial , Auguste avait
donné h Tibère l'autorité tribunitienne pour cinq ans ; mais
ce pi'incc a\'ait résolu de s'éloigner de l'Italie pour venir
vivre eu Orient de la vie iirivéo. Il se fixa ;ï Rhodes ; c'est
probablemCEit oe qui fit dire à Suétone qu'il y cxeri;a l'auto-
l'ité de trilmn , Pemlant sept années . retiré aii centre de l'I-
le pour se soustraire aux visites des voyageurs romains qui
demandent à le voir , il travaille i\ se faire oublier , et y ré-
ussit au delà de ses désirs ; mais l'ambition de Caïus-César
le poursuit -jusquo dans cette retraite ; il eti rapporte au Pa.
latin le souvenir de l'astrologue Thrasyllo , dont il fit plus
tard son ami et son oracle ,
C'est alors r[ue s'accomplit la révolution pacifique qui
D.qit.zeaOvGoOt^lc
68 HISTOIRE .
devait reiionreler la face du vieux Monde : le Cliiist venait
de mourir ;'i .Térusalem ; sa doctrine produisait une commo-
tion miivci-SGlle , et le cruel ïib(-re proposait de mettre le
Fih ih- Mûrie au uombre des Dieux.
L'bistoiie ne précise pas réporjue à laquelle les Rliodiena
embrassèrent le Cluistianisme ; mais une tradition locale
nous apprend que Saint Paul dûbarqua :\ Lindos, y séjour-
na pendant quelques jours et y prêcha lu doctrine nouvelle;
il est probable qu'il fit quelques conversions ; du reste , noua
i-evicndrons plus longuement sur cette ([uestioii ; ( Chapitre
Religion ) .
Cependant Rhodes continuait à conser\'er un tel sem-
blant d'indépendance , c|ue les exilés auxquels étaient inter-
dits l'eau et le feu , pouvaient y s<?jonrner; c'était une ex-
ception au règlement par lequel Auguste leur fennait leâ
îles distantes de moins de 400 Stades des côtes du tenitoi-
i-e Impérial . Mais l'usage de cette indépendance n'était pas
sans danger ; car " «juatre lignes écrites dans le ti-aité d'alli-
ance , mais quatre lignes que* la loquèle du Jurisconsulte
romain avait dictées , et que l'épée romaine savait commen-
ter au besoin ",* limitent la libei-té nationale que les peu-
ples alliés ont mise en commun avec celle, de Rome : Eomlem
quos i)0}mhis Eoiiinniiii hoftrs ai andcos h<ibaiut." Ils n'auront
d'autres amis, d'autres ennemis, que les amis ou les enne-
mis du peuple Romain ". Majrstatciii jw^iili Uuïii/mi coiiUtcr
coiisr-rvanto A'^ "Ils auront les plus grands égards, pour la
* Comte de Champagny , les Ceaara.'
* Cioeron , Ero Balbo .
saovGoOt^lc
CliSAIÏS ET EMPEEEL'RS C9
majottè du peuple Remain ". C'est à cette double condition
<|ue Rhodes est appelée Ville alliée , République voisine ; il
lui reste sou ^ouveruement .'son territoire et sa Loi ; cette
loi , elle l'applique contre un citoyen romain qui s'est livré
à des désordi-es sur son territoii-e : Claude , poui- tirer satis-
feiction de cette insu'te , déclare le traité d'alliance rompu
par le mépris de la deuxième clause , et la ville coupable
perd sa liberté [ 41 ].
Cependant, ce ne fut qu'une sorte de suspension momen-
tanée ; car trois ans plus tard , le même Empereur lui rend
tous ses privilèges , Elle ne sera plus toute fois la ville con-
firnuie dans sa liberté par Auguste , mais la ville gratifiée
de la liberté , Hbertate dinuiki , pouvant délibérer sur ses af-
faires intérieures , sans que Rome ait à -s'en inquiéter plus
fftie dans les autres villes libres comme elle . Il n'en fut pas
pourtant ainsi : cette île riche et glorieuse , dit encore M. de
Champagnj. demeure toujours suspecte aux Empereurs Ro-
mains. Par suite de cette puissante activité qu'une sage et
IjQtriotique aristocratie entretient dans le peuple auquel el-
le procure le bien-ctre , le plaisir et la gloire , elle nç som-
Uîait pas logiquement pouvoir vivre dans une vassalité mê-
me déguisée . Foi-tcmcnt retranchée dans ses privilèges res-
iitués , elle résiste à la sacrilège cupidité de Néron , qui vou-
lait dépouiller ses temples des trésors offerts par la recon-
naissance , des images saci-ées que la religion, l'art, et, mal-
gré tant de vicissitudes politiques , le goût toujours vivace
de la magnificence nationale , y avait entassées .
Quand il abandonna les opérations du siège de JéniSalem
à Titus pour revenir à Rome , Vespasien s'arrêta ù Rhodes.
Le résultat de co voyage fait avec une politique lenteur à
D.qit.zeaOvGoOt^lc
70 niSTOiRR
travers les citûs (le l'Asie Mineure, fut la cn^'ation d'un©
province des Iles , avec lîliodes ponr capitale {Qd).
La jurisprudence romaine, rôforaiôe par Antonin le Pi-
eux , adopta la législation maritime des Khodiens , si admi-
rable pour la sagesse de ses dispositions : RliotUaiiim imfw
ail iiostram iiinituriniii ilisriplùtn. nnvnlls et f/Jorliis ixinaimiti*
et le mot d'Antoiiin lui môme est resté et'lèbre ; des naufra-
ges font appel contre le droit d'épavos ci-uellement exercé
par des Publicains ou percepteurs du Fisc ; Je suis le mai-
tre du monde , dit-il , mais il y a une Loi de la mer , cello
que les Rhodiens ont faite ; qu'on les jnge d'après cette loi ,
et d'après cette Loi les Publicains durent Iilchcr leur proie.
A partir de cette époque , le nom de Rhodes ne figure plus,
ponr longtemps dans l'histoire des Nations , que par ses
malheurs ; et en vérité , quel aulre événement pouvait va-
loiç une mention à ce malheureux pays désonnais rniné ,
pans ressources , ot englobé comme un point invisible dans
lo vaste Empire Piomaiuî
Cette Ile célcbre av.iit perdu son indépendance et ses tré-
sors ; il lui restait pourtant encore quelque ohotic de ses ri-
chesses artistiques, et toute la magnifiée iice de ses monn-
uients publics , lorsqu'en 155 , un terrible tremblement do
ten'e , non moins funeste que celui de 222 av. J. C, la rn-
duisit en un monceau do ruines .
Antonin le Pieux , dont la sage administration avait réta-
bli les finances de rKmpîro , fit ce que l'initiative des i)eU''
pics amis ne pouvait plus faire ; il cuvoj.i aux llhudiens doa
saovGoOt^lc
CfeSAKS ET EMPEREUKB 71
sommes considérables. La ville se releruit à peiiie de ses
ruines, lorsque , 23 ans plus tard , Ll même épreuve cause
les mêmes catat'trophvs. Nous empruDtuns à M. de Cbam-
pagny • le tatleau des phénomènes tout à fait estraordi-
naires qui se produisirent en cette civconataiice, t- 1 tel qu'il
l'a copié dans les auteurs tlu (emp.^: "On temarqua d'abord
comme un profond silence de toute la nature ; la mer était
immobile , les oiseaux muets, pas un souffle <le Tcut . Tout
à coup la terre et !a mer s'ébranlèient à la fois; les eaux se
retirèrent et laisisèrent le port à S( c. Lis édifices croulèrent,
les tombeaux s'ouvrirent et lejcièient leurs morts; des cen-
taines d'hommes périrent . Ce sol jonché de ruines ne fut
pendant quelque temps habité qui- pur un >eul homme qui
Vêtait fait le cicérone de ces décombres , et avait eu de la
.peine à y trouver une place pour sa cabane ."
On reconnaît à la vivacité pour ne pas dire à ^exagér(^-
tion de ce dernier trait , le goût déclainaioîie de l'époque .
Comme son prédécesseur . Marc-Aurèle vint au secours
des Ehodiens .
Un siècle environ après cette catastrophe, une armée ^e ,
.Goths Burviut comme ap|iortée pai' une tempête . et passa
avec la rapidité et la violeuee d'un cjciôue sur la ville à
peine renaissante . C'était sous le règne de Claude , auquel
la victoire rempoilét: sur ces barbares valut le surnom de
Gothique . (268) .
Les noms les plus célèbres disparaissent sous ces vastes
dénominations de Préfectures établies par Dioclétien, qui
• Leg Astosini.
saovGoOt^lc
72 HESTOIEE
s'était réservé celle d'Orient, dont Eliod. b fit p;iriie . (292)
Quelles chargea a-t- elle <lû Mippor er. quelles ép^eu^ es su-
bir, lorsque les Per8<'8, conduits parN;ir9è>, triumpdèrent
des forces de l'Empire coumianilcea par MaximifU Galère,
et que celui-ci reprit ensuïie les pruvinciw envahits ? L'his-
toire D'en dit rien ; elle nous apprend ^e^j( meut que Cuns-
tantin en fit le chef-lieu de la province Cibyratiqne , com-
prenant presque toutes les îles , et qu'elle fut le siège d'un
Archevêché duquel dépendaient dix-sept sufifrugantij répar-
' tis dans l'Archipel .
De là , nous paasons au V"« siècle . En 612 , les Sarra-
sins Apparaissent pour la première fuis dans les eaux de
Rhodes; c'étaient sans douti? quelques barques pirates; car,
en 624, une armée San-Ahine à la suide d' Héraclius, lui fai-
sait remporter sur CliOtroès la victoire de Gauzac . Sous ce '
nom , assez vague d'ailleurs à cette époque, il ne faut com-
prendre que les tribus de l'Arabie voisine du diocèse d'Ori-
ent, et compri.-e8 entre l'Arabie Romaine et l'Osihoèiie; car
ïfohammed * avait à son service d'autres Sairasins lorsqu*
il engagea les premières hostilités contre l'Empire ■ Si Hé-
raclius n'avait pas commis la faute de refuser aux premiers
la solde pour laquelle ils s'étaient constitués gardiens de
ses frontières . il aurait peut-être conservé entre l'Europe
chrétienne et l'Arabie musulmane , ce puissant rempart de
la côte de l'Asie Mineure , protégé par la mer et les places
fortes de l'Archipel, entre lesquelles Rhodes excita bientôt
la convoitise des nouveaux envahisseurs.
* Plue coniiB co Europe Koa le oom de Mahomsl II .
,ao,Gooq)c
CÉSARS ET EMPEREUES 73
L'Empereur Constant II épuisait les icnnëes de son ré-
gne à entretenir l'hérésie des Monothélites^ aimant mieux
arrêter par des négociations que par les armes, !e khalife
Moawiali , malti*e de la Syrie , et menaçant de marcher con-
tre Constantinople . Il en obtint une trêve de deux ans , à
l'expiration de laquelle l'actif musulman reprit les armes .
Ces deux années avaient été consacrées par lui à équiper
une flotte de 1200 barques ; en 653 , son lieutenant Aboul' A-
■war se présentait sous les murs de Rhodes . Moawiah, à la
réputation d'un guerrier habile et infatigable, joignait cel-
le d'un prince page et impartial ; tandis que l'insatiable cu-
pidité de la Cour de Byzunce livrait sans secours à leurs
ennemis les Provinces attaquées , et suçait pendant la paix
le peu de vie qu'elles avaient conservé. La garnison de la
TÎIle de Rhodes opposa une faible résistance aux envahis-
seurs ; la population resta indifférente à l'issue de la lutte .
peut-être même faisait-elle des vœux secrets en faveur des
Sarrasins .
Bu se rendant pour ainsi dire à discrétion , les Ehodien*
ne rompaient néanmoins pas avec la gloire de leur passé.
Ils prouvaient seulement que dans un vaste Empii'e , la sè-
ve arrive difficilement jusqu'aux extrémités , et que le pou-
voir en voulant trop centraliser la défense , endort les cou-
rages . Plus mattres d'eux mêmes, sous un gouvernement
qui rappellera l'ancienne aristocratie , les Rhodiens du Mo-
yen Age se montreront dignes de leurs ancêtres et fidMes
à leur histoire .
^Nous avons dit précédemment qu'après la catastrophe qui
avait renversé le Colosse ,'les ruines de cette merveille de
l'art étaient restées gisantes sur le sol . Les Sarrasins , dont
saovGoot^lc
74 HISTOIRE
la grossiéi'C ignorance avait brulo la bibliothc;que d'Ale-
xandrie , sans valeur à leura yeux , estimèrent mieux ces é-
clats de bronze . Ils les vendirent à. un juif d'Emesse ,* qui
les transporta par mer à Loryma.** Le ti-ansport sur le
continent jusqu'à une destination leatée inconnue , mais qui
n'est ceitaioement pas Eraease , ville de Syrie , exigea 900
chameaux .
On ignore l'époque à laquelle les SaiTasins perdirent l'ile
de Rhodee , si importante pour leur ambitieux projet de
s'emparer de Constantinople ; mais il est permis de conjec-
turer que ce ne fut qu'après les désastres qui pendant sept
années affaiblirent considérablement les forces navales de
Moawiab , qu'une tempêté acheva de détruire dans le golfe
d'Attalia •(■, lorsque levant en6n le long siège de Constanti-
nople , il reconduisait vers la Syrie les restes de son armée;
( 672 - 679 ) . La reddition de Rhodes fut peut-être une des
clauses du traité qu'il conclut avec Constantin IV, pour op-
poser en toute sécurité ses forcçs aux incursions des Mai-o-
nites; peut-être aussi fut-elle accoi-dée ù. Justinienll par
Yczid , fils et successeur de Moawiah , pour obtenir son al-
liance contre ces mêmes peuples (686) , faute politique in-
concevable de la part de Justinien , puisqu'elle privait l'Em-
pire du concours des seuls adversaires capables de contenir
les Musulmans hors des frontières. Quoiqu'il en soit, en
71â, Anastasell avait assigné le port de Rhodes comme
point de ralliement pour les batïmeutS légers qu.il voulait
• Aujourd'hui Homs .
•• ,, Marmftritzft .
t AiWiii ou Sataîic .
saoyGoOt^lc
CÈHJtB XT EUPERGUBS . 75
envoyer enr les câtes de la Phénicie détruire la flotte que
Suleyjuan faisait construire ponr tenter une nouveUe atta-
que contre Byzance . On sait comment une mutinerie des
soldats fit échouer ce plan , et amena l'abdication d'Atha-
nase II.
Dans la suite . si les Sarrasins ne restèrent pas en posses-
sion de l'ile de Rhodes , c'est que les Gouverneurs la défen-^
dent h leur profit avec assez d'énei:gic , pour la conserver à
l'Empire . Du reste , ces Gouverneurs , éloignés de Cons-
tantinople , se créaient facilement une sorte d'indépendance
dans laquelle ils n'étaient troublés que par des réclamationil
d'argent de la part du Trésor aux abois , ou par la pirate-
rie, exercée au XI""»- siècle avec une haittiesse souvent
heureuse et toujours impunie . " Les îles , répondait le Pa-
triarche Siméon à Pierre l'Hermite , sont journellement ex-
posées aux coups de main des Sarrasins". Â la faveur â«s
divisions et des guerres civiles atixquelles l'Kurope était en
proie , un chef audacieux , Tchacae , avait pu conquérir di-
verses iles de rÂrchipel , et s'emparer de Smyrne dont il fit
sa capitale . Nous ignorons si Rhodes fut comprise dans ce
royaume éphémère détruit par Jean Ducas , lieutenant de
l'Empereur Alexis Comnène (1193 ).
Dès la première année du XIII"* siècle , pendant l'usur-
pation d'Alexis l'Ange , et au nom de ce prince , elle était
gouvernée par un Gaballa * , famille originaire de Candie ;
ce fait est constaté par des petites monnaies en cuivre , por-
tant l'inscription, en caractères grecs grossièrement frappés:
* D'autres le nomment GftrBUa, Cabnllft et CavaUa .
saovGoOt^lc
76 RISTOISE
inAN . CABAL . AOYAOC TOY BACIAEÛ?
On en trouve aussi avec le nom de : KBCAP . CABAL .
d'où Ton doit conclure qu'ils étaient tributaires des Empe-
reurs de Constantânople . Il se pourrait faire que d'autres
membres de cette femille aient eu le même Gouvernement;
mais l'histoire et les monnaies retrouvées , ne font mention
que des noms de Jean et de César .
En 1240 , Jean Gaballa , profitant de la faiblesse de l'Em-
pereur Latin Baudouin II , recourut à l'alliance des Véni-
tiens , alors maîtres de sa patrie , pour secouer toute su-
zeraineté . Déjà les deux Républiques jalouses se dispu-
taient la primauté dans l'Archipel ; il n'est donc pas éton-
nant que des difficultés soient survenues entre leurs gou-
verneurs respectife . Venise , eu retour des immenses servi-
ces rendus aux Empereurs latins , favorisée par eux , a-
bandonna ses alliés , et les accusa même à Byzance ( 1249 ).
Baudouin II dont la faiblesse avait laissé épuiser toutes
les forces de l'Empire , abandonna à l'Empereur de Nicée
la tâche trop lourde pour lui de déposséder les Génois . Jeqn
Cantacuzène , Grand Echanson de Jean III Ducas Vatace ,
entreprit la chose , et il aurait infailliblement réussi à la
mener à bonne fin , sans les secours que Guillaume de Vil-
lehardouin, prince d'Achaïe, et Hugues de Bourgogne , pas-
sant pour aller à la Croisade , laissèrent aux Génois . B' ail-
leurs ils ne se maintiurent pas longtemps après dans l'Ile ;
car le Protosébaste Théodore parvint à s'en emparer et à la
réunir à la couronne de Byzance . Ce n'était encore que
pour quelques années . Retombée directement entre les
mains débiles des Palcologues , à la fin du XIII™^- siècle ,
elle est de nouveau une riche proie offerte au plus habile
saovGoOt^lc
CÉSAE8 ET EMPEREURS 77
corsaire (1270) . Un Génois , nommé Del Moro , la saisit .
Mais il eut dans un de ses compatriotes', un rival audaci-
eux , qui appela les Sarrasins à son aide , et auquel il dut
l'abandonner . Del Cavo , c'était son nom , étendit sa domi-
nation sur les iles voisines , Cos , Calymnos et Léros . Sans
doute , il ne fut pas non plus laissé tranquillement posses-
seur de sa conquête , puisqu'en 1309 les Hospitaliers dispu-
tèrent la forteresse de Khodes à l'Empereur Andronic III
Paléologue , et à des Sarrasins établis dans l'intérieur de
l'ile et sur quelques points de la côte . Del Cavo ne possé-
(iait plus que la partie comprise entre Lindos et Cattavia .
Il la céda avec les îles de Cos , Calymnos et Léros , à Foul-
ques de Villaret , moyennant une compensation en argent .
Ici s'arrête la première partie de cette Histoire , compre-
nant avec l'Antiquité M glorieuse , les premiers siècles du
iloyen Age , si obscurs que nous n'avons pas cm devoir les
en détacher .
Peut-être serait-ce le moment d'en finir avec cette épo-
que , en parlant de la religion , des mœurs , des usages , en-
fin du système administratif et politique des anciens Eho-
diens . Mais nous préféi-ons ne pas interrompre notre récit,
et traiter de ces sujets dans des chapitres spéciaux embras-
sant aussi r:\ge moderne . Cependant , nous devons donner
immédiatement des notices succintes sur des noms qiii n'ont
p^ trouvé leur place précédemment dans l'Histoire , et qui
jettent sur l'ile de Rhodes , les uns tout leur éclat , les au-
tres un rayon seulement de leur gloire .
saovGoot^lc
CHAPITRE VI.
HOMMES CELEBRES
Pendant cette longue période , les Pihodiens peuvent uon
seulement se glorifier de cette importance politique dont
Ips événements , qui eurent pour théâtre les rivages de la
Méditerranée , ont rendu le témoignage ; mais ils poursui-
virent avec autant d'ambition et de succès une gloire plus
réelle et plus durable que celle des armes et de l'opulence :
l'étude de la philosophie , le goût des sciences , des lettres
et des arts . Aussi leur Ile fut-elle le berceau , l'école , l'asi-
le ouïe refuge d'un grand nombre d'hommes illustres, sur
lesquels nous croyons devoir donner une courte notice .
HOMÈRE
Dans un livre écrit cou aniore , il nous est bien permis de
faire valoir l'incertitude même qui entoui-e le berceau de
l'immortel poète :
Siny-nta , Uhio , ColupJton , Salamlg , Eltodos , Aiyo , Atliaue ,
Ofhig ih'i}atr'ui cei-tat , Ilonteie , tna ,
,ao,Gooq)c
H0UHE8 CËI^BEB 79
( Smjme , CMo , Oolophon , Salamine , Itlu>des , Argos , A-
thènes , l'univers entier se dispute , Homère , ton berceau ).
M. Pierron, dont l'Histoire de la littérature Grecque nous
est d'un si grand secours , substitue les à Ehodes . C'est à
notre avis une erreur justifiée par la tradition que la mère
du poète aurait reçu le jour à los . Lui même, venant de Sa-
mos à Athènes , aborda et mourut sur le port , où les habi-
tants lui érigèrent un tombean . Est-ce celui que le Comte
de Grûnn retrouva et ouvrit ? Le cadavre assis que renfer-
maient ces ruines et que le souffle de l'air réduisit subite-
ment en cendres, était-il celui d'Homère? Impénétrable
mystère pour l'histoire . Mais sur l'autorité des dictionnai-
res de Lempriere et de Bouillet , nous rétablissons dans le
fameux distyque le nom de Rhodes , que nous trouvons du
reste dans le texte grec rapporté par Aulu-Gelle *.
2(tiipvi],'PoSoç,K.oXoç(!)v, 2aXa[tlv,Xfoc/ApfoÇj'A^vflïrr
( Sept villes se disputent sur le berceau d'Homère ; Smyr-
ne , Rhodes , Colophon , Salamine , Chio , Argos , Athènes )^
PI8ANDRE ET PISINU8
Nous ne quitterons pas cette époque de la poésie épîquey.
sans nommer Pieandre né à Camîros pendant le Vil""?- siè-
cle , et auquel on attribue un poëme intitulé Héracleide . Si
ce n'est pas h Bouclier d'Hercule , dont Hésiode est impro-
prement regardé comme l'auteur , " c'est quelqu'une de ce»
héracléides qui ont été composées par les poètes de l'âge
• Noct. Att., Lni,o.xL
saovGoOt^lc
ao HiffroiiîB
pOBthomiSrique ". * D'ailleurs la tradition du passage de ce
héros dans l'ile , était trop vivante chez Icb liahitanta , pour
ne pas inspirer plus d'un génie , et peut-être exciter des ri-
valités poétiques . Nous pouvons donc , sans faire tort à
Pisandre , admettre avec M. Guérin , sur le témoignage de
Clément d'Alexandrie , que Pisinus de Lindos ait composé
une épopée sur le même thème . f
OCRIDION
Sans pouvoir dire à quelle époque il régnait à Khodes ,
nous le rangeons ici à cause des honneurs divins qui lui fu-
rent rendus après sa mort ; ce fait rappelle les temps héroï-
* quea . %
AEIST05IÊNB
Doit-on accepter comme un fait historique ou comme
une ti-adition que la terre de Rhodes couvre les cendres
d'Aristomène , le gaerrier-poëte , mort 671 ans av. J. C- ?
Quoiqu'il en soit, il nous convient d'emprunter ii l'abbé
Barthélémy cette page dans laquelle , s'inspîrant des cou-
leurs affectées de Pausanias , son guide dans le voyage du
Jeune Anacharsis , il raconte l'appaiitioii des m;\ne8 du hé-
ros , que le seul nom des Lacédémoniens évoque de leur
tombeau . La flotte de Comou avait été jetée par la tempê-
te sur une cOte inconnue : " 0 teiTc, s'écrie le naufragé , tu
nous serviras de tombeau , et uos 03 ne seront point foulés
• Pierron , Hist. de Ift lit. Gr.
t Guâ^Q , Etndo sur l'ilo de Rhodes .
X L'Abbé Bortiiélemy , yoy. du J. AaacK
saovGoOt^lc
HOMSIES CÉLÈBEES 81
par les Lacédémoniens " .
" A ce nom fatal , je vis des tourbillons de flamme et de
jfumt^e s'échapper d'un monument funèbre situé à coté , et
du fond de la tombe s'élever une ombre qui proféra ces pa-
roles : — Quel est donc ce mortel qui vient troubler le re-
pos d'Aristomène ? — C'est Comon, répondis-je avec
transport — 0 Dieux! Je vous remercie pour la pre-
mière fois de ma vie , d'avoir conduit à Ehodes Comon et
son infortune Aristomôue, trahi, eirant seul de ville en
ville , mourant seul dans l'ile de lîhodes , est un spectacle
offensant pour l'honneur des Messeniens " *
■ Où est le tombeau du héros fameux , qui, sur le mont Ida
défendit pendant onze ans la liberté des Messeniens ? Per-»
sonne ne saurait le dire aujoui-d'hui -
EVAG0RA3
Ceux qui étaient revêtus du pouvoir ne se laissaient pas
tellement éblouir par ses jouissances, qu'ils perdissent de
vue l'étude et la pratique de la sagesse . Parmi ces Magis-
trats improprement appelés Rois après le VII"=' siècle , il
faut distinguer Evagoraa de Lindos . Il faisait remonter l'o-
rigine de sa famille à Hercule ; ce qui justifie la tradition
d'un séjour du héros dans l'Ile , et l'émulation des poètes à
chanter ses exploits . Mais le principal honneur d'Evagoras,
c'est d'avoir donné le jour h Cléobule. On connait sçus le
môme nom un historien , natif aussi de Lindos .**
• L'Abbe Barthélémy , Voj. ilu J. Anach.
•• Suidas, ( au mot Evagoras )
saovGoOt^lc
82 HISTOIRE
CLEOBULE
Appelé au pouvoir par sa naissance ( VI""'- siècle ) , il vou-
lut encore se rendre digne de l'exercer par une grande sa-
gesse . Comme tous les hommes illustres de cette époque ,
Cléobule parcouinit l'Egypte . Solon s'y trouvait alors , et
les deux Sages s'unirent d'une étroite amitié . De ce voya-
ge Cléobule rapporta le goût des énigmes. "Poiite aussi
bien que philoâoplie , il composa trois raille vers de chants
lyriques ( aff[xaTa ) et de gripbes ( Ypt-pot ) , ou filets de pé-
cheur , questions captieuses , qu'on se faisait un jeu de pro-
poser pendant les repas . Diogéne de Laërte nous a conser-
vé quelques unes de ses énigmes et de ses sentences ; il nous
a transmis également une lettre qu'il aurait écrite :'i Solon
pour l'engager à venir à Liudos où la tyrannie de Pisistra-
te n'aurait pas su l'atteindre . Cléobule mourut ù Vùge de
soixante-dix ans, et l'on mit sur son tombeau l'inscription
suivante : *
'AvSpa doçàv KXeôSouXov à]to(pôtp.evov xataTcevOsï
*lISe lîctTpa AcvSoç, novTtii àYaXXojiÉvï] . .
( Le sage Cléobule n'est plus ; Lindos s:i patrie qui brille
au milieu des flots , dé[)lore sa perte ) .
CLEOUULINE
rilie.de Cléobule , elle ne manqua pas d'appliquer ù fai-
re dc!i énigmes poétiques , " son géoie , son érudition et son
jugemeut , non moins remarquables que son courage ".
Diogèue Laërie uous en a conservé un exemple:
saovGoot^lc
HOMMES CËLËBSES 83
Un hmnme avait douze enfants ; ces douze enfanU avaient cJia-
cun trente fils bîa'tcs, et trente filîes noires: quoique essentieUe-
meiit iimnortels , ils mouraient cependant tmis les jours .*
akthÉas
Également de Lindos , Anthéas se vantait, d'être proche
parent de Cléobule ; il est mentionné par Athénée comme
l'auteur de comédies et de plusieurs autres ouvrages.**
TIMOCEÉON
Le génie poétique se révèle avec plus d'art dans les œu-
vres de Timocréon . C'est un de ces ]yrii[ues Doriens du
VI™«- siècle qui ont annoncé Pindare ; Timocréon lui fut
môme contemporain . Athlète et poète à la fois , il remporta
plusieurs couronnes olympiques . Mais ce qui contribua au
moins autant à le rendre célèbre , c'est son animosité contre
Thémistocle , et sa rivalité jalouse avec le poëte parasite
Simonide; mieux que le pouvoir politique du premier, la
muse vénale du second sut user de représailles . Plutarque
relève l'accusation lancée par Timocréon contre Thémistocle
et pour donner une idée de sa verve satirique , nous lui
empruntons cet extrait: "Thémistocle, ce menteur, ce four-
be , ce traître , Latone le déteste ! Il était l'hôte de Timo-
créon ; néanmoins un vil argent le séduisit , et il refusa de
ramener Timocréon dans lalyse sa patrie . L'infâme ! Trois
talents d'argent l'ont décidé ù mettre à la voile pour rappe-
ler de l'exil des hommes qui ne le méritaient pas , pour en
• Un an, llJ moi§, 30 jours et 30 nuits.
•• Gut^n , Etude sur l'Ile de Bbodes .
saovGoOt^lc
84 HISTOIRE
bannir aussi injustement d'autres , et mome en condamner
quelques nus à inovt . Mais il se repaissait d'argent . A
l'Isthme , il avait table ouverte . mais avec quelle lésiiierie
il traitait ses convives, de viandfes froides! Et les convives
faisaient des vœux pour que Thciiiistocle ne vit pas le prin-
temps suivant".
Thémistocle est banni , et Timocréon cliante un hj-mne
de satisfaction, auqfiel il souhaite l'immortalité que lai vaut
le sujet . Mais le poëte lui mi^me est exilé pour avoir em-
brassé le pai-ti des Médes ; il apprend que Thémistocle aussi
a succombe sous une accusation semblable , et il s'écrie :
" Donc il y a d'autres pervers que Timocréon ; je ne suis
donc pas seul boiteux ; je ne suis pas seul renard ! "
Simonide, lié dune étroite amitié avec Thémititocle, et qui
chantait pour un salaire, se fit un devoir et un profit de
venger bou ami , et il immortalisa dans Vé'pigramme qu'il
destinait ù la tombe de Timocréon , sa voi-acité d'ailleurs
célèbre .
IIoXÂà ïctwv, xal itoÀ?^à ifa'fù^i, xal TCoXXà xax'eîitàv
'AvOpWTUOUÇ, xil^LlXt Ttf/,0XpS(OV 'PôStoç'
" Sans rekYche j'ai bu , sans trêve j'ai mangé ;
" J ai contre tous aussi ma haine déchargé ;
" Ci maintenant je gis , Timocréon le Rhodien .
ItLUJORAS
Dans le siècle suivant ( V""*- ) , cette même ville recueil-
lit une atijtre gloire par les succès de l'athlète Diagoras, et
de ses trois fils . Les nombreuses couronnes qu'il reuiporta
.'i Olympie, inspirèrent ;'l Pïndare une Ode qui fut gravée
en lettres d'or sur le temple de Miucrvtj . L'heureux lutteur
D.qit.zeaOvGoOt^lc
HOUMES CÉLÈBBBS 85
avait eu la force de porter ce fardeau de triomphée, mais il
succomba à l'excès de la joie , quand il apprit que ses trois
fils avaient été vainqueurs et couronnés le même jour .
ANTIPHANE
Le IV"*- siècle fournit un grand nombre de célébrités ,'
parmi lesquelles , par ordre chronologique , il faut nommer
d'alord Antiphane . Si le plus célèbre comique de la Grè-
ce , Aristophane est vraiment né à Athènes, et s'il n'appar-
tient à Bhodes que par son père Philippe le Rhodien , c'est
du moins un honneur de pouvoir revendiquer Antiphane ,
le seul, avec Alexis, des poètes si nombreux de la comédie
moyenne , que les critiques Alexandrins ont rangé dans la
Ii6t« des classiques. On lui attribue deux cents quatre-
vingts comédies dont il ne reste que des fragments ; mais
c'en est assez pour juger que " ces comédies n'étaient pas
écrit*» dans un style négligé , Le vers iambique y est cons-
truit d'après des règles aussi sévères pour le moins que
dans les comédies d'Aristophane Antiphane est
poëte par le choix exquis des termes , par l'art avec lequel
il les place , par la vivacité des tours , par la grâce et le pi-
quant des images . Il excellait à, peindre d'un trait les vé-
rités morales . Parlant de la vieillesse : — " Elle est , dit-il
l'autel des maux; c'est là qu'on les voit tous chercher un
asile " . Il dit encore , en parlant de la ■vie : — " Elle res-
semble fort bien au vin ; quand il n'en reste plus que quel-
ques gouttes , elle devient vinaigre "
Ce poëte avait une vive conscience des difficultés et de
la dignité de son art . Dans une comparaison ingénieuse
enbre la tragédie et la comédie, il remarque que la tragédie
saovGoOt^lc
par son titre Sâul , commaude déjà l'attention puis il .
montre que les poètes comiques n'ont pas avec leur genre,
ni surtout avec le i)ubiic , la partie si belle : — "Il nous
faut tout inventer, pei-sonnagcs , événements, histoire du
paFSG , histoire du présent, catastrophes, entrée en matière.
-Si Chrêmes ou queliiue Phidoii manque de mémoire , on le
siffle impitoyablement ". *
M. Patin ne rend pas un moimli-e hommage au talent
d'Antiphane : "Combien on doit regretter, dit-il, de ne
point posséder , en pUis grand nombre , des vers tels que
ceux où Antiphane , comparant malignement la comédie
il la tragédie , trouvait celle-ci bien heureuse de recevoir
ses sujets de la tradition et dans ses embarras , de re-
muer une machine, àpeu près conivic on remue le doigt". **
AX.VXAXDKIDE
Nous ne pouvons que citer le iiom de cet écrivain né îi
Camiros , auquel l'abW Barthélémy attribue des tragédies
, ot des comédies . II est d'ailleurs permis de n'accorder qu'
une valeur médiocre à ses pièces tragiques ; car à cette
époque la tragédie méritait bien les sarcasmes dont la
poursuivait Antiphane.
Beaucoup d'autres noms se présentent, rappelant des
écrivains dont les œuvres ont diepani , mais dont le nom-
bre établit le goût des Rhodiens pour les lettres . Conten-
tons nous de recueillir ces noms pour la gloire de leur.
■ PicjTon , Hist. (le W Lit, Gr.
' Patin , Etiido i,iu- !os Tras- Gr.
saovGoOt^lc
HOMMES CËLÈBSE9 87
patrie:: astagoras, dont les poésies obtinrent l'admiration
d'Antigone . Le lîoi le surprit un jour faisant cuire des
poissons , et fut probablement choqué de voir le favori d'
Apollon descendre îl ces détails prosaïques de la vie : Pen-
ses-lu , dit-il , que jamais Homère ait eu souci de préparer
son repas pendant qu'il méditait les vers dans lesquels il a
immortalisé les exploits d'Agamemnon ? —Et pensez-vous ,
hii répliqua le poète, qu'il ait jamais eu la fantaisie de s'in-
former si quelqu'un dans son armée faisait cuire des pois-
BOns.cct Agameranon "auquel sont confiés les peuples,
et de si grands intérêts " ?
'ÛXaot -ï'sittTetpâipaTat, xal xocoa (ASpjXcv.*
ANT18THËNE rédigea des annales.
CLiTOPHON , sans doute à la suite de l'expédition d'Alexan-
dre le Grand , fit connaître l'Inde .
HiEiïONYME , ([u'il ne faut pas confondre avec un tragique
d» mt'mc nom , marqué par Antiphane d'un trait satirique,
voulut conserver dans la. mémoire de la postérité, la gloire
<lont leB RhodieuB s'étaient couverts en repoussant les ar-
mes de Démétrius .
Le poote simmiab est mieux connu . '* Il vivait probable-
ment au IV™«- siècle av. J. C. , et passe pour l'inventeur de
ces jeux bizarres qu'on appelle vers figurés ; on a de lui en
ce genre trois pièces, les Ailes, l'Œuf, la SacJie, donfles
vers par leur disposition , figurent en effet l'objet décrit .y
Hygin , le célèbre conservateur de la bibliothèque Pala-
tine Bou£ Auguste , a sauvé de l'oubli dans son Astronomie
, n. c. n. V, 26
t BoniUot , Dict. d'Hist.
saovGoOt^lc
poéritiuc U- nom «le i'olvzblus , qui avait écrit un poëmc sur
l'orijçine t-t hi imitis^nce de Bacchus , Je Vénus , des Muses,
&t'.; queîqut's passages s'en retrouvent iiussî diius la corn-'
pilation: d'Athénée .
EuifEiiK .écrivit aussi une Histoire ; mais il est encore plus
connu connue géotiictre , ivttrononie et physicien , c'eat-à-
dire comme naturaliste . On comprend qu'nn peuple exclu-
sivement adontié au commerce maritime . devait cultiver
lee BL'ieuces autant que les lettres. C'est pourquoi le nom
d'Kudème n'est pas le seul que Ilhodcs ait à fournir à l'his-
toire dans la Hî-te des savants . '
AKI8TEK , qui vivait au temps d'Alexandre le Grand , mé-
ritait l'amitié d'EuelJde .
nioGN'ETE construi.'iait les édifices ([ni ont étonné l'Orient,
et appelait à son aide les ressources de la mécanique .
Des marins , non moins remanjuablcs par ieui* connais-
sanceB que pjir leur valeur , inettaient les ilottes Rhodien-
iies au premier ran»; , et parmi eux , nous devons nommer
THKonoTif; et sATYiu:t> qui furent, envoyés à lionie coumic
ambassadeurs ; execetic , THEorniLisci.s , amy.nt.vb , heuesi-
LOClirs , dont l'auiorité entraîna ses concitoyens à la suite
des Romains conti"e l'ersée ; déjà sons Philippe et Alexan-
dre , un antre Rhodien du même nom , s'était fait remar-
quer par ses talents; à Uémétrius, aussi redoutable sur
terre que sur mer, DAMOinuLE avait opposé sa flotte, et
il sut détniire celle de l'ennemi . Un reste , pour se faire
une idée de la force do cette marine , il suffit de rappeler
ce fait , que Philippe de Macédoine n'osa pas entrer eu lut-
te avec elle ; il eut recours à la nise : au nombre de ses
am;s intimes i! comptait un avcbitectedc Tsi rente , nommé
D.qit.zeaOvGoOt^lc
H0UUE8 CÉL^BBS 89
Héraclide . Celui-ci se réfugia à Rhodes , poursuivi , disait-
il, par la disgrâce du Roi, et l'on sait qa'tlle était à crain-
dre ; accueilli avec un empressement aveugle , il incendia
tous les navires . Cette imprudence des Bhodiens est facile
à saisir, si l'on vent bien observer que ce peuple, animé
d'un amour jaloux pour la liberté , se faisait un devoir et
un honneur de recueillir toutes les victimes de la tyrannie .
Ainsi Damagète avait consulté l'oracle pour savoir quelle
vierge il devait épouser ; il en reçut cette réponse : LaJUle
du plus brave de toics les Grecs . Damagète s'adressa au hé- '
roB Messénien réfugié à Rhodes , suivant la tradition , * et
snr la foi de l'oracle . la famille d'Aristomène eut une pa-
trie et un foyer .
Les savantes écoles de Rhodes ne produisirent pas des
généraux moins distingués que les marins. Il suffît de ci-
ter les deux frères mentor et memnon ; le premier , ** à la
têie des Grecs soudoyés par Artaserce-Ocbus , roi de Per-
se , lui soumit l'Egypte , la Syrie et l'Asie Mineure ". L'au-
tre " s'était révolté dans sa jeunesse contre ce prince ; maïs
ayant obtenu son pardon , il devint l'un de ses plus fidèles
eervitears ; il sei-vit avec le même zèle son successeur Da-
rius . Lorsqu'AIesandre envahit la Perse , Memnon donna
à SDarJus le conseil de ravager l'Asie Mineure . Quoique
son avis n'eut pas été adopté , il n'eu combattit pas le con-
quérant avec moins de dévouement. Il se disùngua au
passage du Granique , défendit la ville de Milet , et s'em-
para de Lcsbos et de Chios . Il mourut devant Mitylène ,
• P»ge8i.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
90- HlâlViaE
au milieu de ses succès, et au moment où il allait porter
la guerre en Orèce ( 333 av. J. C. ) *. Bossuet a dit de lui :
" Tant qu'Alexandre eut en tête un si fameux capitaine , il
put se glorifier d'avoir vaincu un ennemi digue de lai", f
La Peinture et la Sculpture nous offrent à leur tour des
noms impériesables .
PEOTOaÈNE
Nous avons déjà parlé de Protogène , et nous ne revien-
drons pas sur un épisode qui trouvait sa place ailleurs . ^
Protogène n'était pas né à Ehodee , mais à Cannes , pe-
tite ville de Carte sur la côte , en face de l'Ile ^ . La pau-
vreté 1*7 amena ; pour gagner son pain , il appliquait son
pinceau à répandre des couleurs sur les navires ; mais son
courage dérobait à la nécessité des loisirs que son génie
consacrait à des œuvres d'art . Apelle contribua à le faire
sortir de l'obscurité oii l'aurait retenu la lenteur avec la-
quelle il exécutait ses tableaux . " Savant et correct , déli-
cat et plein d'énergie , il voulait exceller en tout , cherchant
toujours à perfectionner "'. || Cette admirable lenteur le re-
. tint jusqu'à l'âge de 50 ans sur le chantier de construction
des navires . Or un jour qu'il se livrait à son humble mé-
tier , Apelle se rendit à son atelier , où il rencoatra une
vieille femme , gardienne d'une ébauche : Quel nom dois-je
* Booillet , Diot d'Hiat. et de Qeo.
t BoBsnet , Dis. enr l'Hist. TJn.
î Page 48.
§ Anjourd'hiii D&Ii»a .
|| EbojoI. de Fam.
saovGoOt^lc
HOUMEâ CELÈBBEf 91
annoncer à mon maître î — Le voici , dit le visitettr ; et
fiaisissant un pinceau , il trace au bas de la toile un trait
délicat . A son retour , Protogène apprend ce qui s'est paa-
eé ; k la finesse du trait , il reconnaît Apelle , et , prenant à
son tour un pinceau qu'il trempe dans une couleur diffé-
rente , il tire dans la première une ligne plus belle encore
et plas déliée; et s'adressant à sa vieille servante ; ~ Quand
l'inconnu reviendra , tu lui diras : Voici celui que vmta cher-
chez . Apelle revint en effet , mais ne voulant point céder la
victoire à sou rival, il mène encore une troisième, ligne,
qu'un cbeveu aurait couverte et qui laissait apparente celle
de Protogène . L'artiste Rhodien , pour prix de sa glorieu-
se défeite , voua la plus siucère amitié h, son vainqueur , et
le retint eu hospitalité . Du reste , Apelle attacha le pluâ
grand prix à, sa victoire , et quand on lui parlait de Proto-
gène , il disait avec une délicatesse qui dissimulait l'amour
propre satisfait : " Il a autant de talent que moi , et peut-
éti-e plus". Si d'ailleurs il faut en croire la tradition, le
fevori d'Alexandre , qui savait se faire aimer de ses rivaux,
se serait laissé attribuer des tableaux de Protogène , afin
qu'ils se vendissent plus avantageusement: grand homma-
ge rendu nu talent de leur auteur de la part d'un artiste
passionné pour l'art et très flatté de sa supériorité.
Mais Protogène n'eut pas longtemps besoin de cette pro-
tection , de quelque manière qu' Apelle l'ait exercée ; désor-
mais à l'abri des premières nécessités , il alla visiter les
chefs-d'œuvre d'Athènes . Ce voyage , entrepris dans sa
pensée comme une étude, contribua à sa gloire: car les
Athéniens le choisirent pour peindre des fresques dans
leurs magnifiques Propylées. Peut-être en flattant "ainsi
saovGoot^lc
92 BISTOIBE
son amour-propre , vouUiçnt-ils retenir Protogène ; mais
celui-ci resta fidèlement attaché à sa patrie d'adoption , et
l'enricliit de ses œuvres peu nombreuses , il est vrai, et dont
On ne connait qu'un bien petit nombre : C'était un portrait
de Cydippe , l'heureuse mère de Cléobis et de Biton ; ceux
de Tlypolème , d'Antigone et d'Alexandre le Grand . Nous
avons en outre fait connaître le tableau représentant laly-
se en chasseur et la Nymphe Rhodes , auquel il travaillait
pendant le siège livré par Démétrius . * Mais son œuvre la
plus admirée des anciens , était le Satyre appuyé contre une
colonne et tenant sous son charme une perdrix , dont la
pose et les couleurs étaient si naturellement reproduites ,
que des perdrix apprivoisées s'y méprenaient au point de
l'inviter à leur manière à se confondre dans leur compa-
gnie . L'enthousiasme excité par l'oiseau , tandis qu'où re-
gardait à peine le sujet principal , contraria l'artiste ; il de-
manda et obtint la permission d'effacer la perdrix . De ces
œuvres quelle est celle qui emporta l'admiration d'Apelle ?
Les descriptions que les auteurs anciens en ont laissées ne
lions apprennent rien à cet égard . Nous savons seulement
que ce tableau fut religieusement conservé à Rhodes , jus-
qu'au jour ou CaËsius l'emporta k Rome au milieu d'autres
objets précieux ; noua savons aussi que le Chasseur lalyse ,
sur lequel l'artiste avait , au dire de Cicérou , passé quatre
couches successives de couleur, et travaillé pendant 7 ans.f
périt à Rome dans un incendie du temple de la Faix .
• Page 4.R .
t Oral. cil.
saovGoOt^lc
HOUMES CÉLËBBES 93
Apelle et , à sa suite , des critiques antorisés , ont repro-
• -ché à Frotogène d'avoir sacrifié la hardiesse des traits à la
méthodique précision ; d'avoir cherché le trop parfait , au
détriment du laisser-aller naturel et plein de grâce .
Si d'autres peintres sont nés à Bhodes , leur réputation
s'éclipse devant celle de Protogène ; mais la Sculpture va
nous offrir des noms en plus grand nombre , et son moios
célèbres .
CHARÉS ET LACHES
Charès fut le créateur du Colosse que Lâchés acheva-
Bien qu'il ne reste aucune reproduction authentique de ce
chef-d'œuvre, nous pensons cependant qu'il devait être une
amplification hardie de ces ApoJJons Héliens conservés au
Musée du Louvre , et dont la tête est ornée de rayons com-
me celle que portent les médailles ou monnaies de Rhodes ;
car les Rhodiena honoraient surtout le Dieu-Soleil . Peut-
être pourrait-oo attribuer aux artistes Charès et Lâchés,
quelqu'une des statues qui enrichissent les galeries du Lou-
vre , et j voir le modèle du Colosse .
APOLLONIUS ET TAURISCU8
Ces deux artistes qui vivaient 200 ans av. J. C, * conçu-
rent " le plus considérable ouvrage qui nous.soit resté de
la statuaire des anciens ; c'est plus qu'un groupe , c'est une
scène entière ". f Le thème en est emprunté k l'histoire
fabuleuse ; Euridipe l'avait traité dans une tragédie perdue
• BoTÙUot, Diot. d'Hist. et de Geog.
t Vwdot , Li Sculpta» .
saovGoOt^lc
94 HISTOIRE
intitulée Antiope , et qui faisait avec les Phéniciennes , par-
tie de la Tétralogie donnée en 408 : Dircé avait soumis
Antiope à une réclusion cruelle ; Antiope délivrée inspire
à ses enfants , Amphion et Zéthus , une vengeance sauva-
ge ; elle leur fait attacher sa rivale aux cornes d'un taureau
furieux ; " mais au moment oii le taureau s'élançait , An-
tiope s'attendrit et pardonne . Voilà le sujet . Ces quatre
personnages , ainsi que le taureau , sont plus grands que
nature , et la base , qui est comme le théâtre de cette scène,
contient encore , sur ses bords et ses angles , un petit Bac-
chus , un chien , d'autres animaux et des plantes . Tout ce
vaste ensemble fut sculpté , au dire de Pline , dans un seul
bloc de marbre , long de quatorze palmes , haut de seize .
Sa grandeur, unique parmi les ouvragée du ciseau, suffi-
rait sans doute à rendre importante cette immense compo-
sition de marbre; mais elle mérite aussi l'attention, l'ad-
miration ,par la force et la délicatesse du travail Le
Taureau Farnèse peut être rangé parmi les plus belles œu-
vres de l'antiquité grecque venues jusqu'à nous ". * Pour
expliquer la présence de Bacchus ,il faut rappeler une tra-
dition que l'artiste n'a pas cru devoir négliger dans son
groupe . complexe comme un poëme . Dircé avait contribué
à répandre le culte de Bacchus à Thèbes , et le Dieu , tou-
ché de son malheur , la changea en fontaine, et frappa An-
tiope de démence . Pline dit que l'ouvrage d'Apollonius fut
apporté de Rhodes par Asinius PoUion . C'est ce même mo-
nument qui trouvé h. Rome sous Paul III , dans les thermes
• Viartîot . ti Sr.ulpf,
D.qit.zeaOvGoOt^lc
H01U1B8 CBLtoKBS 95
d'Antonin, a passé da palais des Famèses, ses restaurateurs,
desquels il a pris son nom de Taureau Farnèse , dans le mu-
sée de Naples".*
Le fameux Torse du Vatican est également dû au ciseau
d'Apolloninfi . f
AQSSANDE , ATBENODOEE ET POLYDOBE
Les historiens et les critiques les plus exercés n'ont pas
pu déterminer à quelle époque vivaient Agésandro , Athé-
nodore et Foljdore . Ils ne sont pas nommés dans la liste
des hommes illustres que l'abbé Barthélémy conduit jus-
qu'à la fin du quatrième siècle av. J. C. . On ne sait pas
non plus si Athénodore et Folydore étaient fils d'Agésan-
dre . Viardot l'affirme ; Winkelmann , Lessing et Bouillet ,
après Pline , le seul des auteurs anciens qui parle de ces
artistes , ne le disent pas . Lempriere attribue le Laoooon ',
dont nous allons nous occuper , à Folydore et îi ses fils ,
dont il ne donne pas les noms ; de cette vague assertion , il
faut rapprocher celle-ci qui la rend plus vague encore:
"Agésandre , célèbre sculpteur sous Vespasien , auteur du
Laocoon ". Le savant auteur des Etudes sur les Tragiques
Qrecs nomme amplement : Agésandre , Folydore et Athé-
nodore .
C'est trop déjà nous être arrêtés sur cette incertitude
pénible pour l'historien , qui aimerait à faire connaître la
■vie privée de ces hommes que leur génie élève si haut ;
* Pfttin , Etodae SQ]
t Bi) , l'Art Ohr.
saovGoOt^lc
96 HiffroiBE
mais elle ajoute k leur gloire le mérite de la modestie ; et
s'ils vivaient au IV**' siècle , s'ils avaient puisé dans la
tragédie perdue de Sophocle l'idée de leur chef-d'œuvre ,
s'ils étaient contemporains de cet Ânaxandride , dont nous
n'avons dit qu'un mot , dont Pierron ne dit rien dans son
histoire si complète de la Littérature Grecque : quel con-
traste frappant avec la vanité de ce poète , qui dérobait la
médiocrité de son talent sous un appareil fastueux , et se
montrait " beaucoup moins flatté de ses victoires , qu'hu-
milié de ses chutes ". •
Les œuvres d'art ont généralement en elles mêmes un
caractère particulier , sont marquées en quelque sorte d'un
cachet qui les fait appartenir à une époque , à une école .
La critique , fière à juste titre de ses découvertes , est ici en
défaut cependant , et nous ne pouvons recueillir que ses
contradictions et ses doutes sur le Laocoon , *' ornement du
palais de Titus , dans les raines duquel on l'a trouvé , au
temps de Jules II , avec de tels transports d'euthousiasme,
et que les vicissitudes de la guerre ont fait voyager du
Vatican au Louvre , et du Louvre au Vatican . Ce groupe
n'est peut-être pas comme le dit Pline, de toutes les pro-
ductions de la Peinture et de la Sculpture la plus excel-
lente , mais c'est assurément la plus expressive , la plus tra-
gique , et peut-être remonte-t-il , par l'imitation , de modè-
le en modèle , à travers la description de Virgile , si toute-
fois , ce dont on doute , elle lui est antérieure , à travers
celles de la poésie Atexandrine , dont avait su profiter
► L'Abbé Barthélémy , Voy. du J. Aa.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
HOMMES CÉLÈBBES 97
l'auteur de VEnéide , jusqu'au Laocoon de Sophocle " *
Cette phrase emban-assée traduit bien l'embarras en fa-
ce duquel se trouvait l'académicien .
Ce serait vraiment trop sortir de notre cadre , que de re-
produire la longue thèse de Lessing contre l'opinion de
Winkelmann . Nous noua contenterons de dire que celui-ci
assigne en effet au Laocoon " l'époque où l'art , chez les
Grecs , avait atteint l'appogée de sa perfection , le siècle
d'Alexandre le Grand". Puis iï combat l'opinion de Maf-
fei , qui croit pouvoir déterminer la 88^- Olympiade .
Topffer , en étudiant la définition que Winkelmann a
donnée ia beau de l'art, laisse entendre qu'il partage
l'opinion du savant critique , pour l'antériorité du groupe
sur la narration poétique ; car " Winkelmann , dit-il , trop
eïclnsivement occupé de l'Apollon, du Laocoon, et des chefs-
d'œuvre -de la Statuaire antique, fait de la simplicité, en tant
qu'elle rejette le varié et le complexe , l'appoint des élé-
loents qui constituent le beau . Il est vrai en effet que ce
caractère d'une si haute simplicité , qui symbolise en quel-
que sorte une pensée en la dénudant d'entourages, d'acci-
dents , d'acce&soii*es , accompagne toujours le beau dans les
chefs-d'œuvre de la Statuaire antique , et se trouve être un
des traits du QranA style Grec ". f
Mais avant de donner l'opinion de Lessing lui même , il
convient de relever une erreur dont Louvet , dans le Dic-
tionnaire de la Conversation , et Bouillet dans son Diction-
naire d'Histoire , font responsable l'auteur de l'Histoire d*
* Etndes ma lee Trag. Or.
t BéflexioQii »t menus Propoe .
saovGoOt^lc
98 HISTOIRE
l'Art . "Winkelmanu , y lit-on , croit que le Laocoon a été
exécuté par le sculpteur Lysippe". • Ceci donne à. penser
que Louvet et Bouillet n'ont pas lu l'ouvrage de Winkel- ■
uiann , et rappelle le reproche que Lcssiiig , au début du
chapitre qu'il consacre à réfuter son compatriote , adresse
à certains lecteurs :" On a coutume de feuilleter dans »in
ouvrage d importance ". f Ils n'ont pas lu d'avantage le li-
vre de Lessiug ; car ils y auraient vu ce passage extrait de
Winkelmann : " Laocoon , avec ses deux fils , est l'oeuvre
d'Agéeandre , d'Apollodm-e et d''Atbénodore ". Apollodore
est ici évidemment pour Polydore , qu'on trouve dans les
anciennes éditions de Pline, et dans celles d'Hapdouin en
particulier , qui aurait certainement fait mention d'une di-
vergence . J ■
Wous entrons maintenant dans le vif de la question avec
Leasing , non pour faire montre d'érudition , en dévelop-
pant une thèse sims conclusion , mais pour en faire ressor-
tir les caniclères propres , et la supériorité de Tteuvre . "11
y a des connaisseurs de l'antiquité qui estiment le Laocoon
comme un chef-d'œuvre de l'art Grec, il est vrai, mais
qui le font naître à l'époque des Césars , parce qu'ils croient
que le Laocoon de Virgile a servi de modèle aux Sculp-
teurs ". Il semble , dit Montfaucon, qu'Agésandre, Athéno-
dore et Polydoi-e aient à l'envi engage la lutte pour laisser
un monument rival de l'incomparabJe description du poëte.
" Sans doute ils trouvent des difTérences considérables
• Dict. de la Conv. — Diot. d'Hist. et do Goog. , art. Laoooon .
t Leasing, Laooooo, Chap, XXVI.
î id. ... iH'l. >^ote <lo LavTs ,
saovGoOt^lc
HOMMES CÉLÈBRES 99
mak qui laissent néanmoins, selon plus de vraisaeuib lance,
l'honneur de l'invention à Virgile ". Ce sont ces différen-
ces qu'il noua appartient de relever:
" Laocoon , que le sort avait fait prêtre de Neptnno , im-
molait un taureau, puissant aux autels de. ce Dieu , quand
deux serpents saisissent d'abord ses deux enfunts,
enlacent leui-s faibles corps , et par d'horribles morsures ,
déchirent leurs membres palpitants . haocoon s'arme d'un
glaive et vole à leur secours . Ils le saisissent à son tour et
l'étreignent de leurs longs replis ; déjà deux fois ils entou-
rent le milieu de son corps , et deux fois sur son cou , sur
«on dos , ils roulent les écailles de leurs croupes , et dépas-
sent son front de leiu's tûtes et de leurs crêtes altières, 11
veut de ses mains écarter < es nœuds terribles ; son sang et
de noirs poisons souillent ses bandelettes". *
Quiconque a vu un moins une reproduction par la gra-
vure ou la pli(»tfigmphie (le la scène de mai'bre , t^aisît la
part d'invention qui revient ii Agésandrc . Ses victimes sont
iiues . Leasing nous eij donne la raison : •' Dans la poésie le
vêtement ne dérobe pas la douleur, dont l'expression reste
sensible dans tout le corps, et le bandeau pontifical qui
orne le front, n3 le voi'.e pis Mus la Sculpture
devait rejeter cet accessoire , s'il ne convenait pas à l'œu-
vre principale ". Or le front étant le siège des émotions de
l'âme , on comprend que tout ornement, inutile ici pour
ajouter de la dignité, aurait au contraire éteint lexpresi^ion
de la douleur . C'est encore pour éviter cette c jutradictioii.
' Vii^ile, En. 1. H , Ttoii. do Lamsistre.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
100 HISTOIRE
et aussi pgur rendre plus sensible son îdéu , que l'artiste
saisit le moment où 1 un des monstres déchire le flanc de
Laocoou .
Mais uue raison d'un ordre plus élevé encore , explique
le im daH8.1a Sculpture des Grecs : c'est, dit Rio , " la voca-
tion spéciale de chaque peuple qui a déterminé plus parti-
culièrement son développement intellectuel et moral
Aux Grecs échut le dogme de la double dégradation de
l'homme , par suite de sa chute , dégradation de son âme ,
et dégradation de son corps; comiùe si cette race privilé-
giée n'avait eiitoudu distinctement, à travers le bruit des
siècles, que ces paroles de la Genèse : Bùtt créa l'Iiomiiut à
«m ima(je . Et ce n'est pas de les avoir entendues , ui même
lie les avoir entendues mieux que les autres , (jui constitue
le privilège des. Grecs; c'est de sétrc donné instinctive-
ment la mission de réhabiliter la créature humaine, tant
dans ses facultés f pie dans ses formes". * C'est ponrijuoi la-
douleur, élément de la réhHbilitati<m , a foumi le type de
VAtti/izone et celui d'Hercule . ■' Ctésibis eut l'idée de repré-
senter son Amaiioiie comprimant une forte douleur phy»i-
que'ou morale , mais la comprimant de manière à ne nui-
le en rien à la beauté des forme» ni à l'harmouîe des li-
gnes". * Agésiindre a poursuivi un idéal identique, eu
combinant ensemble la doidour morale du père et la dou-
leur physique de l'homme ; et sa main n'a pas reculé devant
la diffituUé de draper un inantean .
Tandis que le poète, Lessing 1 observe avec raison, dispose
l'A--! Chr. jTilrod.
saoyGoOt^lc
aoMuzs c&LËSRza 101
du temps comme d'un élément de sa composition , le sculp-
teur au contraire doit saisir et immobiliser un moment du
drame; * il doit donc choisir le plus tragique- Sous ce
point de vue encore le groupe d'Agésandre échappe à la
comparaison avec la description de Virgile . Car l'instant,
plus rapide que l'éclair , où Laocoon a, dû ressentir et ex-
primer dans ses traits et dans ses convulsions la douleur la
plus poignante ; c'est lorsqu'on le frappant lui-même de son
dard , le serpent a glacé le sang dans fies veines , engourdi
son bras , et rendu impuissants les efforts qu'il faisait pour
délivrer ses enfants frappés avant leur père ; l'instant d'ap-
rès , il n'était plus qu'un cadavre debout , et sur son front
les monstres victorieux soufBaicnt le calme de la mort.
Le critique allemand est encore non seulement juste ,
mais large et élevé en esthétique , lorsqu'il attribue le si-
lance du Laocoon de marbre moins à la laideur d'une bou-
che toujours Ouverte , qu'à l'obligation pour l'artiste d'ob-
server une grande mesure dans l'expression. • Virgile a
traduit les cris inconscients de l'agonie ; Àgésandre serait
BOrli de son sujet , puisqu'il voulait montrer la volonté
" maîtresse du corps qu'elle anime ".
Nous sortirions aussi de notre sujet , en prolongeant cet-
te étude , dont le but est de f.iire coimaître l'originalité de
l'œuvre d'Agésandre , et non do ioustraire aux juges la
question de priorité ou de pottériorité . La conclusion qui
nous semble surgir de ce (,ue nous avons dit , c'est que le
chef-d'œuvre qui honore l'école de Rhodes , est plutôt né
• Lening , Lacwon , Ohsp. IV. *■ j
D.qit.zeaOvGoOt^lc
iOZ BISTOISE
de la tragédie que de l'épopée ; qu'il n'est pas étranger aux
ttualités du plus beau siècle de l'art Grec ; qu'il n'est pas
" trop vanté ', comme le disait Chateaubriand de YApoUon
du Belvédère ; qu'il n'y a pas longtemps à. rester devant lui,
comme devant d'autres chefs-d'œuvre, pour qu'il vous
parle le premier ; mais qu'il " résiste mieux à cette terrible
épreuve du premier regard ; qu'on est surpris et
charmé d'7 découvrir des beautés inespérées . On comprend
l'opinion de Pline, chez les anciens, de Michel-Ange, ds
Lessing et de Diderot , chez les modernes . qui donnent la
palme à ce groupe fameux que nul morceau de
sculpture ne surpasse pour l'expression de la douleur phy-
sique et de la volonté plus forte que la douleur , et que peu
de morcea-ux égalent pour le travail du ciseau". •
QRAMMAIBIEN-a — BUETECES .
Les beaux arts exigent une culture intellectuelle que les
écoles de Rhodes offraient à tous les insulaires ; elles étaient
d'ailleurs ouvertes Ik tous les maîtres et à tous les élèves
des autres pays . Ce caractère hospitalier des Rhodieus ,
dont la politique*abusa une fois, nous l'avons vu, leur pro-
cura par compensation , l'avantage de faire siens en quel-
que sorte plus d'un homme illustre.
E8CUIKB
Le rival de Démosthène , vnincu dans le procès de la
Couronne , soit par honte de sa défaite , soit pour éviter
• Vî»rdot , £1 Sjulpiua'o ■
,ao,Gooq)c
HOMUES CEI.ÈBBKS 103
l'ameniJe dont il était passible , s'exila à Eplièse d'abord ,
et après la mort d'Alexandre , son protecteur , à Ehodes ,
où il ouvrit une école de Rhétorique . *' On conte qu'il com-
mença ses leçons d'éloquence par la lecture des deux lia-
rao^es prononcées au sujet de la Couronne . La sienne
achevée , les applaudissements éclatèrent ; et comme on
B'étonnait qu'avec un tel chef-d'œuvre , il n'eut pas vaincu:
Attendez , dit-il , et il lut le discours de Démosthène . Les
applaudissements redoubleront . Alors Eschine : — Que se-
rait-ce donc si vous aviez entendu le monstre lui même ?" •
Ce n'est pas lui qui dut croire à l'innocence du Monstre ,
loreque le Trésorier d'Harpnle, arrêté à Rhodes, et sou-
mis à la torture pour nommer les complices de ce Préfet
exacteur et infidèle , garda sur le nom de Démosthène un
alence que Philoxène eut la loyauté de reconnaître . Ce
n'est pas à Rhodes que mourut Eschine, comme le dit
BooiUet , mais à. Samos , où l'avait appelé qudque affaire;
i! était âgé de soixante-dix-neuf ans . ( 314 ). f
APOU-OSIUS DE RHODES .
Il naquit b. Alexandrie , peut-être à Naucratis ; mais il
adopta pour patrie la ville de Ehodes , qui lui avait accor-
dé le droit de cité , quand il était poursuivi par la jalousie
de Callimaque . Celui-ci ne comprenant pas que les succès
de l'élève font la gloire du maître , ne put supporter l'en-
thousiasme qu'excitèrent les Argaxmautiqties . "Il écrivit
contre Apollonius une satire des plus virulentes et travailla
• Piarron , Hist de la Lit. Gr.
t ■■■ià ibid — En070l.de Famille.
saovGoOt^lc
104 HISTOIRE
à le perdre dans l'esprit du Monarque ( Ptolémée Philadel-
phe ). Apollonius céda à l'orage ; il quitta son pays , et il se
retira à Rhodes , où il enseigna la grammaire et la Rhéto-
rique-... C'est là. qu'il remania son poëme, et le mit
dans l'état où nous le possédons".* Nous devons croire
que la didactique du maître n'était pas du genre ennuyeux,
comme l'est son poëme , suivant l'opinion du critique que
noua venons de citer . Cependant Virgile sut en extraire
plus d'une image heureuse .
ARisTOCLÈs ET ABRON , sout doux noms que nous
devons nona contenter de recueillir , en ajoutant pour le
second , qu'il enseignait la rhétorique à Rome .
PHILOSOPHES .
PAMjETlui naquit à. Rhodes vers l'an 190 ar. J. C. Après
avoir suivi à Athènes les leçons d'Antipatre de Tarse, il
s'attacha à la philosophie stoïcienne . Les Athéniens con-
çurent pour lui tant d'estime , qn'ils voulurent le retenir en
lui accordant le droit de cité . La gloire de tenir une école
dans cette illustre ville ne put l'emporter sur l'amour qui
l'attachait à, Rhodes : Un homme verhwvx et modeste doit se
contenter d'une patrie , répondit-il , et il refusa le privilège
qui lui était offert . Cependant il alla professer à Rome , et
parmi ses élèves , il compta Lîelius et Scipion le Second
Africain . Le soldat lettré faisait tant d'estime du commer-,
ce de son maître qu'il lui donha logement dans sa maison
et voulut toujours l'avoir près de lui dans ses expéditions ^
• Pierron , HJst. d# la lit. Gr,
saovGoOt^lc
HOMMES CÉLâBEES 105
comme dans sea plaisirs . Cçtte étroite amitié servît à Fa-
naatius pour favoriser auprès du Sénat la prospérité des
Rhodiens et leur obtenir les immunités dont ils jouirent
sous la République .
11 a écrit un traité des Devoirs , livre perdu aujourd'hui,
divisé en trois parties : Vhonmte , Vutiïe , et la comparaiBon
de l'un et de VaiUre ; et dont Cicéron s'est inspiré de préfé-
rence ; car " la matière est , eans contredit , traitée avec le
plus gr^iid soin ; mais je m'étonne qu'il ait omis de définir
le Devoir ,et qu'il n'ait pas, comme il l'avait promis,
traité la troisième question ".
" Pub. Kut. Hufus , qui avait souvent assisté aux leçons
de Pansetius , aimait à dire de ce livre : Apelle de Cos avait
commencé une Vénus qu'il laissa inachevée ; mais la beau-
té du visage ôtait tout espoir de réussir îl peindre le reste
du corps avec autant de perfection ; aucun artiste n'offrit
donc son pinceiiu : de même personne n'osa continuer ce
que Pansetius avait entrepris sans l'achever; car ce qu'il
avait fait était d'une supériorité trop élevée ".*
Si PanEGtius appartient à Rhodes par sa naissance , Posi-
dooius lui appartient par l'adoption . " Disciple du précé-
dent , et un des maîtres do Cicéron , il avait fourni de mê-
me au grand philosophe Romain la matière des beaux
traités de la Divinatîùii , du Dé-stin et de la Nature des Dieux.
C'est dire assez que les écrits des deux stoïciens étaient des
* ^csN» , I>e OSleû .
saovGoOt^lc
106 msTOiBE
œuvrer du \)lua haut iiiérit<>. puisqu'il a suffi de les trans-
crire et de les .remanier pour en faire des chefs-d'œuvre .
Cieéion en a embelli la forme; mais qui peut douter que
les oiiginiiux n'aient été l'cmarquablea par la gravité du
style , ]«u' la précision , par la vigueur , par cette mâle élo-
quence qui nait toujours d'une conviction profonde et d'un
véritable amour de la vertu , Nous savons que Panœfcius et
PosidonJuB étaient éloquents loi-squ'ile parlaient; leur en-
thousiasme pour Platon prouve que le beau ne leur était
pas plus indifférent que le bien ". •
Pompée vint aussi à Khodes pour assister aux leçons de
Posidonius . Mais un vif accès de goutte faillit compro-
mettre d( g le pi eniier jour la réïjutation du maître ; obligé
de s'interrompre , il fit servir au triomphe de sa doctrine
l'énergie de sa volonté . Telle était la considération dont il
jouissait chez les Hhodiens , qne ceux-ci le cliargèrent d'u-
ne ambassade auprès du Sénat .
A l'étude de la Phiiosophiu et de l'Astronomie , Posido-
nius joignait celle dos Mathématiques , de la Phy8i/|ue et
de l'Astronomie; si ses calculs sur la circonférence de la
terre , la profondeur de raUiiOf^2;hère , la distance du Soleil
et de la Lune , sont souvent très-peu d'accord avec les ré-
sultats obtenus aujourd'hui , ils n'en prouvent pas moins
une grande intelligence , un profond esprit d'observation ,
et une opiniâtreté infatigable au travail. Comme il avait
voyagé jusqu'en Occident, il avait été témoin aussi du
phénomène de la marée , si étrange pour tous ceux qui
• PwrrftT , Hist. io In Lit.. Gr.
saovGoOt^lc
HOUUES CXLfiBBEf 107
n'ont jamais quitté les rivages de lu Méditerranée ; et il
détermina l'heure de ce mouvement des eaux de l'Océan
sur la révolution de la Lune . Pierron ajoute qu'il continua
l'Histoire Générale de Polybe, et que ce travail "se re-
commandait par des qualités analogues à celles que nous
prisons dans l'ouvrage du héros de Mégalopolis ".* Il mou-
rut à Rome à l'âge de 84 ans .
hécaton .
Hécaton de Rhodes fut initié à.la doctrine Stoïcienne
par Panietius , et , comme celui-ci , il écrivit sur les devoirs
de rhomme , un traité dont Cicéron fait mention . f
LÉONIDAS Sr gÉHINUS .
Ils vivaient tous deu:x dans le dernier siècle de l'ère pa-
jenne . Leurs vastes connaissances dans les sciences ma-
thématiques et l'Astronomie les ont rendus célèbres ; Lé-
onidas en particulier est gravement recommandé par Stra-
bon .
APOLLOSIUS MOLON .
La célébrité des écoles de Rhodes séduisit le Carien
Apollonius, surnommé Molon . Peut-être à la suite de l'édit
de proscription lancé par Crassus contre tous les Rhéteurs
Grecs, avait-il quitté Rome , oîi Cicéron s'était attaché à
lui , bien long temps avant d'aller fréquenter son école à
Rhodes . ( 78 ). Cet e.xil , par lequel le jeune orateur romain
• PioTïon , Hist. de Ut lât. Gr,
t De Off. iib. III , c. 15, 23.
saovGoOt^lc
lOS HlflTOIBE
échappait aux sanglantes rancunes de Sylla , contribua -
singulièrement à ses progrès dans l'éloquence et dans la
philosophie ; car il suivait ea même temps les leçons de Po-
sidonius et celles d'Apollonius . Devant son maître d'élo-
quence peu familiarisé avec la langue Latine, Cîcéron dut
s'exprimer en grec , et son premier discours frappa les au-
diteurs d'étonnement et d'admiration . Apollonius seul res-
ta silencieux et pensif . Cicéron s'en affligeait : — Ce n'est
pas, lui répondit le maître , que je vous refuse mon admira-
tion ni mes éloges ; maia je déplore l'infortune de la Grèce;
les seuls biens qui lui restaient , l'art et l'éloquence , vous
en faites la conquête en faveur des Romains ! •
L'élève ne fut pas ingrat , et noua devons recueillir le
témoignage que lui même rend au mérite d'Apollonius :
" Avocat habile , excellent écrivain, il donnait ses. leçons
avec le talent d'un savant ; il réprima en moi , ou du moins
il fit tout ce qui dépendait de lui pour réprimer les écarts
dans lesquels m'entraînait la fougue d'un âge témérairement
audacieux , et pour retenir dans des limites raisonnables le
torrent débordé d'une élocution emphatique. Aussi lors-
que deux ans plus tard je revins à Rome , j'étais bien plus
exercé , ou , pour mieux dire , je n'étais plus le même ". f
Les mêmes écoles fournirent à Rome un de ses plus re-
marquables Jurisconsultes , Ser. Sulpicius , condisciple de
Cicéron .
Si du reste Caton , qui lui aussi avait étudié à Rhodes ,
inspira au Sénat le Décret par lequel les Rhéteurs et les
• Plutarqoe , Vie de Cioéron , o. iv .
t Ci'TSrOT. Bratus.
saoyGoOt^lc
HOMME.^ rELEBRE3 109
Philosophes Grecs étaient bannis de Rome , il n'en conser-
va pas moins une grande estime pour ses maîtres , et le ta-
lent oratoire qu'il avait acquis dans leurs écoles , servit à
protéger lea lihodiens contre la susceptibilité du Sénat.
" Antoine assistait aussi fréquemment aux leçons données
à Rhodes par les savantd dalurs " ; • et si plus tard il essa-
ya de dissimuler ce qu 'il devait à l'étude , c'est qu'il avait
pour système que l'éloquence , étrangère aux ressources de
l'art, agit plus fortement sur le caractère des peuples.
Brutus, César et Cassius.ont leurs noms inscrits parmi
ceux, qui sont redevables à ces mêmes écoles de leurs ta-
lents ; mais le dernier ne garda qu'un trop fidèle souvenir
des richesses artistiques qu'il avait admirées dans la ville
savante . Nommons encore Tibère ; et tirons cette conclu-
sion que , si les Romains , jaloux de la prospérité de Rhodes ,
lui ôtèrent beaucoup de son importance commerciale, en
concédant l'ile de Délos aux Athéniens avec tous les pri-
vilèges d'un poit franc placé sous leur protection ( 167 av.
J ,C. ), ils ne purtntpas lui ravir la gloire d'être le premier
refuge de la Philosophie la plus saine alors , de l'éloquence
véritable , de la science , et du goût sévère dans les beaux
arts .
De ce haut degré de magnificence et de civilisation an-
quel s'étaient élevés les Rhodiens, il ne reste aujourd'hui
que des ruines; mais si Tlle a suivi l'Orient dans la déca-
dence où il a sombré , du moins elle a si longtemps défen-
du son indépendance , que la Providence l'a marquée dé^h.
• Ciceron , 3b Or»t.
saovGoOt^lc
110 HISTOIRE
comme le poiùt qui arrêtera les effoi-ts d'uu ennemi nou-
veau en lutte avec la civilisation Chrétienne .
Une seconde histoire commence donc, aussi brillante que
lu première , et qui s'achèvera , comme celle-ci , dans l'obs-
curité . Dieu qui a créé hs nations gverissahîes , les éprouve
pour un temps dont il connait seul la durée .
F ! N
SX LA PBSWZEBX PABTIB
saoyGoOt^lc
HISTOIRE
SECONDE PARTIE
■iiiuBeeecBniii"
LES CHEVALIERS HOSPITALIERS
Rhodoa , des Otwmane ce re:loutable ccueil ,
De tous ses défenseurs derenn le cercneil ,
D.qit.zeaOvGoOt^lc
îBBiGooi^le
îBBiGooi^le
D.qil.zMBlG001^le
CHAPITRE Vn.
LES HOSPITALIERS
ORIOINB DE L OBDBE - BA CONSTITUTION - REFORMES SUCCESSIVES.
L'histoire de l'Ordre des Hospitaliers rentre maintenant
dans notre cadre , puisque c'est de lui que Rhodes reçoit
une vie nouvelle , par lui qu'elle redevient un Etat libre et
florissant , entouré d'une ceinture de travaux gigantesques
encore debout , tout aussi bien que la plupart des édifice*
qu'ils protégeaient : monuments impérissables du génie, de
la force et de l'héroïsme .
Cette Ile de Rhodes , justement appelée le joyau de la
Méditerranée , verte comme une émeraude enchâssée dans
l'azur du ciel et de la mer , et toujours éclairée par le soleil
le plus riant , devenue sous la faible suzeraineté des" Em-
pereurs Grecs un redoutable repaire de corsaires insou-
mis, spoliée par d'avides Gouverneurs presgjie indépen-
dants ; vit tous ces scélérats dispersés ; ses ports sont de
saovGoot^lc
114 HISTOIBE
nouveau ouvei-ts à toutes les nations ; son commerce se ra-
nime ; la population s'accroît , active et calme , laborieuse
et prospère . En un mot , toute la gloire de l'antiquité re-
fleurit sous une sage et puissiintc organisation .
Personne n'ignore que l'Ordre des Chevaliers, ou pour
mieux dire des Hospitaliers , car tel fut son premier nom ,
doit son origine à, la piété de quelques marchands d'Amalfi.
Il existait déjà, dans la vallée de Josaphat , quelques mi-
sérables masures et une chapelle , dont la construction était
à tort ou à raison " attribuée à Charlemagne ". • Ce n'é-
tait certainement pas un Hospice régulier , mais un endroit
oiî les Chrétiens étaient tolérés , et où les pèlerins avaient
riiabitude de descendre avant de pénétrer dans la ville
Sainte . C'est de là. qu'ils marchandaient le droit d'entrée ;
c'est enfin là que les mîirchands de Venise , de Gênes , de
I*iEe et de Marseille . tenaient une foire qui s'ouvrait tous
les ans le lii Septembre . *
Mais abandonnés à leurs propres ressources , sans autre
assistiince que celle de quchpic prêtre retenu là par sa pié-
té et qui venait par dévouement privé soigner les maladies
contractées à la suite d'un long et pénible voyage , les pè-
lerins étaient en outre exposés aux continuelles vexations
des pilhirds nomades .
Touchés par tant de misères, les pieux Amalfitains sol-
licitèrent, en 1050, du Caliphe Mustaferb'IUah, Soudan
d"Éj,7ptc . et alors maître de Jérusalem , la permission de
construire dans la ville une église et un hospice entoui-c de
' iîichaud A PoujoTilti-, , HU. 'ix Ch-iù .
saovGoOt^lc
LES HOSPITAUEBS 115
murailles , dans lequel les péleiins seraient accueillis et hé-
bergés .
L'usage des pèlerinages ne paraissant pas extraordinaire
à un peuple dont la religion en fait un devoir, l'arrivée des
étrangers produisant un certain mouvement dont il tirait
toujours quelque avantagi; , lu Oalipke accorda facilement
cette permission , et exempta l'Hospice et ses desservants
des redevances ordinaires . Divisé en deux parties , l'une
pour les femmes sous le vocable de S'^- Marie-Madelaine,
l'autre pour les hommes sous l'invocation de S'- Jean-Bap-
tiste-l' Aumônier, le nouvel établissement jouit bientôt
de la plue grande faveur: car, non seulement il recevait
les Pèlerins sains ou malades qui frappaient à la porte ,
mais enrichi par les offrandes que ses hôtes , devenus en-
suite ses bienfaiteurs , recueilliiient en Europe et lui fai-
saient soigneusement parvenir, il étendit ses secours' bien
au delà de son enceinte . Il alla plus loin enco»e ,'puis |u'il
vint souvent en aide aux Husulmans eux-mêmes.
L'invasion des Turcomans( 1065 ) avait placé la Pales-
tine "sous une domination beaucoup plus barbjirc que celle
dos Sari-asins . L'Hospice et les pèlerins qu'il abritait , eu-
rent à souffrir bien dos vexations, et Pierre l'Hermitc . vic-
time de CCS avanies, à son retour en liurope, prêcha la
Guerre Hai/nie , sur la fin du XI'"»- siècle .
Sa parole puissante , passionnée , entraînante , souleva
toute la Chrétienté ; il en résulta la Première Croisade .
Après bien des péripéties , les Croisés arrivèrent le 7 Juin
I09y sous les mura de Jérusalem , retombée diins l'inter-
valle sous la domination des Caliphes d'Egypte .
L'HospieC de S'' Jean était alors placé sous la direction
D.qit.zeaOvGoÔt^lc
116 HiaXOIBB
de Gérard Tuuc * que les uns fout natif d'Amalfi , et les
autres , avec plus de vraUemblauce , de Martigues en Pro-
vence .
Répandant ses aumônes sur tous les pauvres sans accep-
tion de culte , Gérard était aimé , honoré et respecté dans
tout le pays , qui ne le connaissait que sous le nom d'Abour-
el'Folcr ( le père des pauvres ) ; son iufluence était même si
grande, que le Gouvenieur de Jérusalem, redoutant de
trouver dans Gérard un puissant auxiliaire des Croisés, le
fit aiTcter, charger de chaînes et enfermer au fond d'un
cachot .
Délivré par les conquérants et rendu ti son Hospice , Gé-
rard Tune consacra aux blessés et aux malades de l'armée,
ses soins , ^a fortune . son existence tout entière . Phis
d'un moribond lui dut la vie ; plus d'un affligé le soulage-
ment de ses jieines .
Plein (te nispect et de reconnaissance pour ce noble dé—
vouement , (rodefroi de Bouillon , élu Roi de Jérusalem .
accorda nu généreux Hospitalier de grandes faveurs
pour s:m Hospics et les revenus des domaines qu'il possé-
dait dans le Brabant. Stimulés par cet exemple, la plu-
part des noblfs croisés ne se montrèrent pas moins rccon-
naisBRnts que leur chef, et quelques uns, allant plus loi»
encore , sollicitèrent de Frère Gérard la permission de l'ai-
der dans sa sainte mission d'abnégation et de charité .
C'est ainsi que prit naissante cet ordre des Chevalier^}
Hospitaliers de S'- Jean de Jérusalem , dont la gloire et les
* D'autres le aoaimeiit Giraldus , GerandiiB , Tnm , Tang , Tnaens , ^
saovGoOt^lc
LES HOSPITALIEBS 117
•exploiia deTBient remplir le monde pendant plusieurs siè-
cles .
" On peut , dit Rio , se consoler du scandale que causa la
décadence des Templiers , en voyant les sublimes exemples
d'héroïsme , héroïsine d'honneur comme héroïsme de vertu,
-donnés à la Chrétienté défaillante par une autre milice
■ qui semble se charger à elle seule de remplir les engage-
ments contractés envers l'Europe par les autres instituts
■du même genre ; je veux parler de la milice connue d'abord
«ous le nom de Frères Hospitaliers , puis sous celui de Che-
Tidiers de Rhodes , et enfin sous celui de Chevaliers de
Malte ; milice au bras de fer , au cœur indomptable , et qui
"trouva moyen , par ses exploits presque fabuleux, d'immor-
taliser successivement ses trois noms ". *
Voyant sa confrérie enrichie et augmentée, frère Gérard ■
-décida de lui donner une institution régulière et légale . A .
cet effet il s'adressa au Pape Pascal II , qui approuva lea
Statuts rtu fondateur et le nomma , par une Bulle datée de
1113 .chef des Sospilaliers de S'' Jean de Jérusalem . Gé-
rard exigea de ses frères en religion , le triple vœu de chas-
■teté , de pauvreté et d'obéisseauce ; afin qu'ils ne pusseiït
■jamais oublier le but de leur institution , il se conféra le ti-
tre de Serviteur des Pauvres , et adopta pour son Ordre le
manteau noir à capuchon , orné sur la poitrine d'une croix "
Islancbe .
Indépendant alors , Gérard se sépara des moines Béné-
■dictins , directeurs spirituels de l'ancien établissement , et
• Eiû, l"Art Chret. Intarod.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
118 HIOTOIBX
fonda un nouvel Hospice beaucoup plus vaste , construit
autour d'une église monumentale qu'il plaça sous l'invoca-
tion de S'- Jean-Baptiste , que l'Ordre prit dès lors pour
son patron . L'église était desservie par un chapelain qui
faisait, partie de la confrérie .
Gérard Tune ne renferma pas le zèle de sa obarité dans
la Palestine seulement, car avant sa mort, survenue en l'an
1119 environ , il avait déjà fondé en Europe plusieurs hos-
pices , succursales de celui de Jérusalem , où les pauvres et
les malades étaient recueillis et soignés gratuitement . "Le
premier de ces hospices en Europe et le plus considérable
de la Langue de Provence était celui de S'- Gilles ". *
Les Hospitaliers , auxquels le Pape avait accordé le pri-
vilège d'élire eux mêmes leur supérieur, donnèrent pour
successeur à Tune Frère Raymond du Puy , ïmu d'une il-
lustre famille du Dauphiné , dont les descendants portent
aujourd'hui le nom de Puy-Montbrun .
Frère Gérard s'était fait appeler Recteur ; c'est pourquoi
frère Raymond du Puy , bien que le second , est désigné
comme le premier Maître, de l'Ordre . Ce titre ne fut pré-
cédé du mot Grand qu'en 1267 , sous le magistère de Hu-
gues de Rével . Toutefois , dans les actes , le chef de l'Or-
dre conserva fidèlement le titre fondamental de Servies
pauperum et Ciistos Sancti Haspitalis Jei-usalem .
Jusque là , l'Ordre n'avait qu'un but , qu'une mission ;
l'hospitalité envers les pèlerins et la charité envers les pau-
vres; mais les continuelles vexations aiixquelles étaient
* L'Abbe d'IErerlftnge , Baint GiUet et ion pderivoQe .
saovGoOt^lc
HOMMES CELEBRES 119
soumis les chrétiens de la part des tribus nomades qni in-
festaient les environs de Jérusalem , exigeaient un remède.
Baymond dn Puy résolut donc de tirer de sa maison un
corps militaire destiné à. protéger les pélerias contre les
rapines des bédouins . Quoique assez incompatible avec les
statuts primordiaux et constitutifs de l'Ordre , cette résolu-
tion ne pouvait que sourire à des gens élevés pour la plu-
part dans la carrière des aimes ; aussi fut-elle acceptée a-
vec enthousiasme , et attira-t-elle une grande partie de la
jeune noblesse Européenne , avide de se signaler sur les
champs de bataille .
L'affluence fut telle , que Raymond du Puy fut obligé
d'introduire une réforme radicale . qui ne subit par la suite
que des changements de détail ; il partagea l'Ordre en trois
classes distinctes ;
1". — Chevalibks de Justice; ils devaient compter au
moins quatra quartiers de nublesse, tant du côté paternel,
que du côté maternel ; ils portaient Thabit rouge ( soubre-
veste ) avec la croix blanche sur le côté gauche de la poi-
trine , l'épde et les éperons d'or , et étaient tenus de com-
battre pour la Foi .
2°. — Relioieux proprement dits , dont le devoir était de
desservir l'église paroissiale de l'Ordre et d'administrer les
Sacrements aux Chevaliers, à la Milice et aux hôtes de
l'Hospice . Ces Religieux furent plus tard divisés en deux
catégories , savoir : les Cha})elains Conventuels , charges
des fonctions religieuses dans le Couvent central , et les
prêtres d'obédience , qui remplissaient les mêmes fonctions
dans les Prieurés et Conimanderies d'Europe.
3o.— Feèbes Seeva.\ts d'Armes , S'-reicnte^ Amiorum , et
saovGoOt^lc
120 HISTOIRE
les Feères Servants d'Office, Sei-oientes Qfjkii. Les pre-
miers exerçaient auprè3 des CheTaliers les fonctions
d'Ecuyers et étaient aptes à obtenir le grade de Chevalier
avec tous ses privilèges . Si les Servants d'Office n'avaient
pas le droit d'aspirer à cet honneur et à ces avantages , ils
jouissaient par contre de prérogatives assez nombreuses et
assez importantes , pour faire rechercher ces fonctions aux
gens'du peuple .
Ces trois grandes classes composées d'hommes d'origi-
nes difféi-entes , chez lesquels l'esprit national , si nuisible
parfois aux Croisés, conservait encore tout son empire,
n'auraient pas été retenues par un lien de concorde assez
puissant , si la sage prévoyance des fondateurs n'avait fait
d'un principe de dissolution , un stimulant de noble rivali-
té . Les membres de chaque classe de même nationalité ,
composèrent les hatigiies , au nombre de sept , rangées soiis
un chef distinct , auquel étiiit attribuée une dignité spéci-
ale , que les archives de l'Ordre désignent sous les titres
suivants :
Grand Hospitalier, pour la Langue de France.
Grand-Commandeur de l'Ordre, Langue de l-'rovence.
Maréchal de l'Ordre, ... ... Langue d'Auvergne.
Amiral, ... ... ... Langue d'Italie.
Turcopolier . ... ... Langue d'Angleterre.
Grand-Bailli de l'Ordre, ... Langue d'Allemagne.
Grand Conservateur , Langue d'Aragou,qui
comprenait aussi celles de Catalogne et de Navarre , com-
me celle de Belgique était compriie dans la Langue d'An-
gleterre .
; Plus tard , en 1462 . le Grand-Maître Pierre Kaymond
saovGoot^lc
ira H0SPITALIBB3 121
Zacosta dut créer une huitième Langue , celle de CastiUe,
Léon et Portugal, à laquelle fut attachée la dignité de
Grand-Chancelier .
Chaque Langue possédait un local affecté à ses réunions
particulières ; ce local prit le nom de Prieuré , maie plus
communément celui d'Auberge , qui est souvent appliqué .
à la Langue elle même •
Outre les Chevaliers de Justice ou Chevaliers Profès , il
y avait aussi les Chevaliers Bonats , c'est-à-dire des Che-
valiers admis à porter l'habit de l'Ordre et à combattre
provisoirement dans ses rangs , mais qui n'ayant pas pro-
nonce les vœux , étaient libres de se retirer en temps de
paix . Ils se distinguaient des Chevaliers Profès par la
cioix cousue sur leur soubreveste , et qui avait trois bran-
ches au lieu de quatre .
Les Chevaliers eurent aussi par la suite des soldats mer-
cenaires , mais cet enrôlement ne les faisait entrer à aucun
degré dans l'Ordre .
L'autorité suprême était concentrée entre les mains du
Grand-Maître qui était pourtant tenu , pour les affaires
importantes, de prendre l'avis du Conseil composé des chefs
des différentes Langues , désignés sous le nom de Baillis
Conventuels et aussi sous celui de Piliers . Dans les circons-
tances extraordinaires , on convoquait un Chapitre Général
ou grande assemblée de l'Ordre , à laquelle assistaient de
droit tous les Chevaliers Profès présents .
Telle fut la constitution fondamentale de l'Ordre; elle
subit par la suite quelques légères modifications , dont nous
parlerons b. mesure que les événements se développeront .
On assure que les bi-anches de la croix, insigne de l'Ordre,
saovGoOt^lc
122
étaient à lobes anguleux , découpée sur la base de quatre
, triangles isocèles , réunis par leurs som-
mets. '
Ainsi dessinée , cette croix est assez
connue aujourd'hui sous le nom de Groix
(le Malte .
Nous ne contesterons pas cette opinion
si répandue ; mais nous constaterons que
îa croix sculptée dans les armoiries de
l'Ordre , existant en mille endroits sur tous les monuments
de Ehodes, affecte la forme de bandes droites^, se coupant
à angle droit, et dont les extrémités figu-
rent les fleurons inféiieurs de la fleur de
Lys .
Ne faut-il pas en conclure que la croix
de Malte ne fut adoptée par l'Ordre , si
elle le fut jamais , que lorsqu'il se réfugia
dans cette dernière Ile ?
Quelques historiens mentionnent aussi
une congrégation de Sœurs Hospitalières, ordre de fem-
mes agrégé en quelque sorte , par sa règle et sa mission , à
celui des Chevaliers . Les chroniques contemporaines , en
tant qu'elles concernent Ehodes , ne parlent d'aucune cor-
poration proprement dite de ce genre . Si les convenances
exigeaient qu'à Jéiusalem et dès l'oiigine , l'hospice con-
sacré aux femmes fut dessei-vi par des femmes soumises à
une règle commune , il n'en était plus de m^me à la fin du
XHI"" siècle ; l'élan des pèlerinages s'était arrêté; ils ne
pouvaient plus du moins , vu la permanence de la guerre ,
être suivis par les femmes. Rhodes d'ailleurs n'eâi pas sur
la voie directe de la Terre Sainte ; et quand les Che/aliers
saovGoot^lc
IMS HOSPirAlIEES 123
s'établirent dans cettç Ile . ce fut plutôt comme ordre mi-
litaire que comme ordre Hospitalier . Il est donc probable
que la part de l'œuvre de chanté réservée aus femmes , si
jamais elle avait été faite précédemment , n'avait plus sa
raison d'être au lieu et à l'époque dont nous nous occupons,
ce qui explique le silence des chroniqueurs . Toutefois pen-
dant les deux sièges soutenus contre les Turcs , les Dames
bourgeoises organisèrent un service régulier en faveur des
malades et des blessés, dont une partie fut sans doute aus-
si recueillie dans les couvents des Eeligienses établies à
Rhodes , mais indépendamment de l'Ordre .
En eft'et, l'existence de ces couvents est prouvée par
l'inscription suivante gravée sur une dalle qui se trouve
dans un bain turc;
SOROIt ACiNïiS MASSIUjK, rëugiosa orôinis sa.ncti augustixi
QU^E OCIIT IN HOC XENODOCIIIO IX MARTH , ASNO MCCCLXXXXIII ,
me JACET. rno ejus anima oba ut mil mérita christi gaudb-
AT IN cu:lo amen .
( Ci git Sœur Aguès de Marseille , religieuse de l'ordre
de Saint Augustin . Elle mourut dans cet hôtel le 19 Mars
de l'nn lfi93 . Priez pour son âme , afin que par les mérites
du Christ , elle triomphe dans le Ciel , «men ).
§ 2 admixistration
Les riches possessions que l'Ordre avait acquises par son
extension progressive , nécessitaient la nomination d'inten-
dants chargés de leur administration. Ceux-ci, choisis
parmi les Chevaliers, prirent le nom de Commandeurs, et
les biens de l'Ordre placés sous leur direction prirent celui
de Gomrfyindpries . La principale Commandcrie d'un Ktat
saovGoOt^lc
124 HISTOIEE
OU d'une province était désignée sous le nom de Prieuré,
dont le (ligintaire prenait le titre de Prieur, et contrôlait
l'admiiiistnitiou des Commande ries suffragantes . Parfois
aiissi ces propriétés étaient données à bail , d'où le nom de
B:iilli pour le teiinnt . Les revenus provenant de ces do-
maines étaient désignés sous le nom de Pfrceptions et de
Itcvjiwiifkiii" .
^ 3 itÉ.srMF, iiisTouiQL-t: (1158-1291).
L'histoire de l'Ordre ne nous intéressant qu'autant qu'
elle concerne Rliudes , nous nous limiterons à résumer en
peu de mots les principaux événements , qui de Jérusalem
avaient conduit les Chevalioi"s îi Limas.-oI de Chypre •
Youssouf Sakheddin * VL-nait de rétablir l'unité de l'Is-
lam ; souverain absolu , général habile , conquéi'ant hu-
main , il possédait toutes les qualités qui manquaient aux
chefs Latins . Ce guerrier paraissait destiné à subjuguer
toute la Svrie; il avait déjii consolidé sa dominatiou sur
l'Egypte . dont Xonr-el-Diu . mort en 1174 , lui avait con-
fié le gouvernement .
Les Sarrasins, aucicus maîtres du pays, bien supérieurs
en nombre aux Chrétiens, devaient nécessairement, malgré
les efForts et Vliéiolsme des Latine, reprendre tôt ou tard
possession de tout le ttirritoiro . Ce moment aurait ]iu être
retardé ; mais de mesquines rivalités avaient affaibli le
Gouvernement ; Baudouin III étant mort, son frère Ani-
aury était monté sur le trône ébranlé (1163), qu'il n'occupa
' Pins connu ea Europe 31
saovGoOt^lc
LB8 HOSPITALIERS 125
que peu de temps . Sous ees successeurs Baudouin IV, Bau-
douin V et Guy de Lusignau , l'un idiot et maladif , l'autre
mort subitement, et le dernier enfin le plus incapable des
princes, la désunion fut au comble entre les chefs, qui
perdirent tout honneur et toute pudeur .
L'Ordre des Hospitaliers et celui des Tcmpliera dont le
premier devait plus tard recueillir l'héritage, sans encourir
les reproches qui, à tort ou à raison, ont stigmatisé la mé-
moirc du second , étaient en complet désaccord ; la jalousie
avait , en les divisant , favorisé les projets de Salaheddin ,
auquel Jérusalem ouvrit ses portes le 2 Octobre 1187 .
Le chef des Sarrasins ne souilla pas sa victoire par les
scènes de désordre et de carnage, qui , en 1099, avaient si-
gnalé l'entrée des Chrétiens dans la Ville Sainte ; au con-
traire , ce barbare se montra beaucoup plus humain que ses
adversaires , qui , dans l'enivrement du succès , oublièrent
souvent qu'ils combattaient au nom de la Foi et de la Ci-
vilisation . 11 aida de ses deniers bon nombre de pauvres
chrétiens , et permit aux Hospitaliers de prolonger leur
séjoiir à Jérusalem pendant un an encore , pour y soigner
les malades et les blessés dont leur Hospice était encombré.
Salaheddin paraissait' li'ailleurs tenir en grande estime
l'Ordre des Hospitaliers; les historiens contemporains ra-
content même une anecdote , qui , si elle n'est pas vraie
dans le fond , n'en donne pas moins une juste idée de l'opi-
nion que l'on avait alora du conquérant Sarrasin et des
vertus des Hospitaliers : Ayant appris que dans l'Hospice
les pèlerins et les pauvres , à quelque religion qu'ils appav-
tinsent , étaient entourés des plus grands soins ; que l'Or-
dre ne reculait devant aucune dépense pour procurer aux
D.qit.zeaOvGoOt^lc
126 HISTOIRE
malades tout ce qui pouvait contribuer à. leur bien-être ,
Salaheddin se travestit eu pèlerin Musulman désireux de
vi&itcT Jérusalem , que les Mabométans ont toujours con-
sidérée comme une ville sainte . Il sollicita et obtint im-
médiatement l'hospitalité des Chevaliers . Pendant deux
jours consécutifs, sous prétexte d'indisposition , il refusa
toute nourriture ; vivement pressé le troisième jour dindi"
quer le mets qui pourrait exciter son appétit, il avoua qu'il
en désirait un tellement extraordinaire en vérité , (ju'il ne
se déciderait jamais h le nommer. PrcÉsé avec plus de sol-
licitude encore , il déclara que la seule chose qu'il mange-
rait avec plaisir , serait le gigot du coursier favori du
Gi-and-MaîCrc . Cet étrange désir fut aussitôt comninniqué
à Garuier de Syrie , connu aussi sous le nom de Garnier
de Naplouse , alors à la tête de l'Ordre . Sans la moindre
liésitation , il commanda qu'on fit droit à la requête du pè-
lerin . Salaheddin empêcha naturellement que le pauvre
auimal fut sacrifié , et , s'étant fait reconnaître , il Liissa un
riche présent et se retira plein d'estime et d'admiration.
Kn quittant Jérusjilem ( 1188 ) , les Hospitaliers se ren-
dirent d'abord à Margat , un château fort qui leur appai"-
tenait , et plus tait! ( 1191 ) , à Acre que les débris de Tar-.
mée Chrétienne avaient conquise .
Salaheddin mourut en 1 193 ; les Latins , au lieu de pro->
fiter de la circonstance pour recouvrer la Palestine' en agis-»
sant de concert , se livrèrent à de mesquines spéculations
politiques; les Sarrasins s"en prévalurent pour consolider
les anciennes conquêtes et en faire de uouvelt&s.
A finstar des princes laïques , les Hospitaliers et Ica
. Templiers ne comprirent pas la nécessité Ue'l'uuion ; loin de
saovGoOt^lc
LES HOSPITALIERS I27
là, ils ne songèrent qu'à ee porter mutuellement les coups
les plus funestes . Les premiers torts retombent sur les
Templiers qui avaient assailli une forteresse appartenant
aux Hospitaliers ; aussi furent-ils blâmés par le Pape au-
quel le différend avait été soumis ; mais les conséquences
n'en furent pas moins fatales , et les Latins ne possédèrent
bientôt plus que la seule ville d'Acre .
La conquête de Jérusalem par Frédéric II , y ramena
les Hospitaliers ( 1229 ) ; mais c'était moins nue conquête
qu'une occupation , puisqu'au terme de la trêve conclue
entre l'Empereur et Malek-Adhel, c'est-à-dire en 1239, les
Musulmans rentrèrent dans Jérusalem , qu'ils livrèrent de
nouveau aux Chrétiens , en \enu du traité qui mit fin à la
Vlmc- Croisade . Mais , en 1244 , le Soudan d'Egypte ap-
pelle à son secours contré les Musulmans d'Bniesse et de
Damas et contre les Chrétiens de la Palestine , les Karis-
miens , que les successeurs de Gengis avaient bannis de la
Perse . Pour prix de leur concours , la Palestine leur était
promise ; ils s'emparent de Jérusalem , font un horrible
massacre des Chréti^s , et anéantissent près de Gaza leur
dernière armée , alliée à celle des Emirs de la Syrie .
S*- Jean d'Acre restait encore le dernier refuge des Hos-
pitaliers ; réduits à l'extrémité , ils font appel à leurs frères
d'Europe . A la voix de leur Grand-Maître Guillaume de
Chateauneuf , les novices même accourent ; les rangs déci-
més sont reconstitués ; le trésor épuisé reçoit de grosses
sommes des Prieurés d'Europe ; l'Ordre renait de ses cen-
dres avec une force nouvelle , et lorsque S'' Louis , roi de
France , débarque à Damiette (1249) , les Chevaliers , sous
les ordres du Comte d'Artois , combattent avec toute la
saovGoot^lc
128 HISTOIRE
bravoure qui lea distinguait ; ils prennent une part non
moins glorieuse à la VIII'"=- Croisade , à la suite d'Edou-
ai-d d'Angleterre, et lorsque ce prince quitte l'Orient , sur
la foi d'un traité sans garantie , conclu avec Beybar , ils
rentrent dans Acre , le dernier boulevard de la Chrétienté,
les derniers défenseurs de La Croix , avec les Templiers.
Là ils sont encore assez redoutables pour que Kalaoun ,
maître de Margiir, de Laodîcée et de Tripoli, préfère signer
une trêve , plutôt que d'affronter les difficultés du siège .
Mais ît la rupture de cette trêve , Halil son successeur , fa-
tigua proraptement les courages divisés par des discordes
honteuses . Le aiége n'aurait duré que trois semaines sans
les prodiges de valeur accomplis par Guillaume de Cler-
mont à la tête des Chevaliers .
Le 5 Mai en effet , les Musulmans avaient pénétré par
les brèches sur des ponts de cadavres; mais le soir ils se
virent refouler hors de l'enceinte . Aussi longtemps que les
Chevaliers suffirent à fermer par leurs poitrines cuirassées
les brèches des remparts , ils continrent les flots de l'in-
nombrable armée assiégeante ; enfin le IS Mai 1291 . le
Grand-Maître de l'Hôpital, Jean de Villiers , tombe frappé
d'une blessure qui le met hors de combat, et assure à. Ha-
lil une victoire chèrement achetée .
Il ne nous appartient pas de juger la part de tort ou de
droit qui revient à l'Hôpital dans ses regrettables dissen-
sions avec le Temple . Le récit plus attrayant de ses luttes
héroïques nous entraîne rapidement h, sa suite sur un au-
tre théâtre ; il nous tarde de voir les défenseurs d'Acre
danB leur nouvelle forteresse de Rhodes; mais d'abord, il
nous faut suivre dans l'ile de. Chypre, ces hommes qui
saovGoOt^lc
LE3 nûSPTTALIEBS
129
échappent certainement au reptocte si sévère , mais si jus-
te au f ouci , que Saadi , l'immortel poète persan , a adressé
aux Croisés en général : " ils ne mentent pas même le nom
d'hommes "; tant la masfo des Latins commit d'horreurs
et de cmautéâ sur ce êoI qu'ils prétendaient conquérir et
conserver au nom d'une Religion civilisatrice par la Cha-
rité , et qui n'arme ses fidèljs du gbive , que pour refouler
dans ses étroites frontières li b.irbarje nienaç:inte .
Tel est le lôîe que les Chevaliers Hospitaliers soutien-
dront avec héroïsme jusqu'au jour où la Providence aban-
donnera l'Oricnt^au Ci'oii:^sant expulsé de l'Europe occiden-
tale • S'il s'élève victoneux dans rOrient, il n'en a pas ban-
ni la Crois , et c'est aux, Chavaliers d * Rhodes que revient
l'honneur d'avoir porté leurs vainqueurs à cette tolérance
qui assure encore à. toutes les communions chrétiennes une
existence légale au milieu de l'Islam .
§ 4 PRISE DE rtnODES
Henri II , roi de Chypre , après avoir lâchement aban-
donné le poste dont ks Chevaliers lui avaient confié la dé-
^nse sur les murs d'Acre , ns sut pas réparer sa faute en
accordant à ceux qui se réfugièrent dins son royaume une
généreuse hospitalité ; il les reç.ut , mais il exploita la né-
cessité qui les pressait , et ces avanies, tombant du trône ,
trouvèrent dans les ministres des exécuteurs dont la cupi-
dité outrepassait encore les ordres du maître.
Jean de 'Villiera et ses Chevaliers furent relégués à Li-
mafsol .
Les Hospitaliers dont les immenses revenus en ^rre
Sainte avaient toujours été consacrés à secourir les autres.
saovGoOt^lc
130 IlISTOlEE
se sentirent mal à l'aise sur cette terre inhospitalièi-e do
Chypre ; aussi résolurent-ils de la quitter, et d'aller s'éta-
blir partout ailleurs où ils pourraient jouir "de leur indé-
pendance .
Pour une si importante résolution , Guillaume de Villa-
ret convoqua ( 1301 ) à un Chapitre Général tous les mem-
bres disséminés en Europe ; mais il mourut avant d'avoir
pu commencer l'exécution, d'un projet arrêté avec enthou-
siasme par les nombreux Cheviiliers qui avaient répondu à
l'appel de leur chef (1306).
Foulques de Villaret , parent , sinon frère du précédent,
dont il fut le successeur , voyant l'Ordre si florissant enco-
re malgré tant de désastres , n'hésite pas un instant . Il se
rend à Poitiers oîi se trouvait alors le Pape Clément V, lui
explique longuement la situation de l'Hôpital , et obtient
avec son consentement, son assistance morale et matérielle
pour la couquéte de l'ile de Rhodes .
Cette lie, comme nous l'avons vu, appartenait alors no-
miimlcnicnt à l'Empiie do Byzaiice ; mais de fait presque
indépendante , elle était devenue le repaire des corsaires
Sarrasins que les Gouvernourà favorisaient , et aux rapines
desquels les habitants avaient bientôt pris l'habitude de
s'assocîer .
Afin de donner le change sur le véritable but qu'on £6
proposait, et de foiiiTiir à rOjdic les ressources qu'il ne pou-
vait pas puiser dans son propre sein, le Pape, d'accord
avec Philippe-le-Bel , roi de France, publia une nouvelle
Croisade . L'ardeur à répondre îi son appel fut d'autant
plu%grande , que l'expédition devait être dirigée par le
Grand-Maître des Chevaliers Hcspitalierts, ordre auquel
saovGoOt^lc
IXa BOSPITALIEN
131
tant d'exploits et tant de malheurs avaient obtenu une es-
time et une admiration unirerBelles .
La France , l'Italie , l'Allemagne surtout , virent partir
la fleur de leur jeune noblesse ; le nombre des croisés arri-
vés à Brindisi d'Italie , port de concentration , fut si grand,
que les vaisseaux de l'Ordre, joints à ceux qu'avaient four-
nis la République de Gênes et Charles II roi de Sicile ; fu-
rent insuffisants pour les transporter tous. Foulques de
Villaret fit un choix en faveur des plus braves et des mieux
équipés , et congédia le reste .
Tous les préparatifs étant terminés , amplement fournie
d'argent , de munitions et d'armes , l'armée Chrétienne
quitta Brindisi au commencement du printemps 1308 , et
aborda à Limassol . Elle n'y resta que le temps strictement
nécessaire pour embarquer tous les Chevaliers qui s'y trou-
vaient et les trésors de l'Ordre . Villai-et reprit la mer dans
la direction de la Palestine que tous croyaient être le but
de l'expédition ; mais à la faveur de la nuit , il porta le cap
à l'Ouest, et après avoir louvoyé pendant quelques Jours,
il jeta enfin l'ancre dans l'excellent port de Macri, situé k
50 milles au N-N-0 de Rhodes .
S'étant établi à l'entrée du port , où un vieux château et
la flotte au mouillage lui assuraient un appui facile et une
protectioa suffisante , il envoya dus émissaires reconnaîtra
l'état de Rhodes , tandis que des ambassadeurs allaient eu
demander l'investiture à AndronicII Paléologue, alors ré-
gnant à Constantinople . * Le Grand-Maître lui faisait
saovGoOt^lc
132 HICTOIBB
proposer d'accepter l'investiture de l'Ile à titre de feuda-
taire de l'Empire ; de fournir h, celui-ci tous les trois ans ,
cent Cheraliers expérimentés pour commander les troupes
des places frontières ', enfin de purger non seulement Rho-
des , mais aussi les autres iles voisines , des pirates qui lea
infestaient .
Andronie rejeta ces propositions avec mépris et renvo-
ya les Ambassadeurs ; non qu'il espérât rétablir fur Rho-
dcB une autorité plus réelle qu'il n'avait pas la force de res-.
saisir , maia parce qu'il haïssait les Latins au point de leur
préférer les Sarrasins .
Dégagé de tout scrupule par ce hautain refus , fort du
.reste de l'assentiment du Pape que l'Ordre considérait
comme sou chef suprême , Foulques de Villaret prend ses
dernières dispositions, et débarque à Khodes. Les Sarra-
sins s'unirent aux Grecs pour repousser les Chevaliers,
mais ceux-ci les défirent facilement dans un léger combat,
et attaquèrent immédiatement la capitale , dont la possca-
sion devait leur assurer celle de toute l'ile .
Cependant l'entreprise offrit plus de difficultés qu'on ne
l'avait d'abord prévu ; la population, soutenue par un corps
de troupes qu' Andronie avait réussi à jeter dans la place ,
repoussa bravement plus d'un assaut et tint en échec les ef-
forts des assic^ants .
Foulques de Villaret se décida à, changer le siège en
blocus et à réduire h. place par la famine . Non seulement
les Croisés s'impirtientant de perdre sous les murs do Rho-
des un temps qu'ils croyaient devoir être employé ailleurs,
qidUAÎent peu à peu le camp ; mais les San'asins , qui con-
voitaient eux aussi la possession défiuitive de l'ile dans
saovGoOt^lc
I
LS8 HOSPITAUIBB 133
laquelle ils jouissaient déjà d'une certaine inflaence , se
rallièrent , formèrent une armée et s'établirent à proximité
du camp des Chevaliera . Ceux-ci , d'assiégeants qu'ils é-
taient , se trouvèrent à leur tour assiégés , et pris entre
deux feux .
La situation était d'autant plus critique pour eux . que
très réduits en nombre, ils manquaieut en outre d'argent et
de vivres . A tous ces maux , Foulques de Villaret opposa
une inébranlable résolution . Un emprunt qu'il négociait à
Gênes et à Florence ayant été couvert, il procura à son ar-
mée des vivres et des munitions, et réchauflEa son ardeur .
Comprenant alors qu'il était urgent d'agir avec plus d'acti-
vité , il se jette sur l'armée Sarrasine qu'il taille en piè-
ces . Ainsi dégagé sur ses derrières , il attaque la place avec
une suprême énergie et a enfin la gloii-e de s'en emparer le
15 Août (1309) .
Quelques historiens citent l'année 1310 ; mais ils font é-
videmment eiTeur , cette date étant , comme nous allons le
voir .celle à laquelb Oimin vint h son taurassiégar Rho-
des pour la reprendre aux Chevaliers .
On prétend que pDUP enfcror d.ins l,i ville , las Clievaliers
eurent recours à un caricux stratagème : quelques una d'en-
tre eux , s'étant couverts de peaux de moutons , sa mêlè-
rent par une soirée sombre et pluvieuse aux troupeaux que
des pâtres faisaient rentrer dans la ville . Conduits en tou-
te sécurité jusqu'à la porte , ils se redressent , massât re:it
lesgardes, font face aux soldats accourus au cri des S3iiti-
nelleSiOt donnent aux leurs le temps d'an-iver et, (i p 'nôtror
dans la ville , qui ne se rendit à discrétion qu'apio;. u i jj:n--
bat sanglant . On assure même que ce fait curait été
saovGoOt^lc
représenté sur de magnifiques tapisseries exécutées à An-
vers par les ordres du Grand-Maître PîeiTe d'Aubusaon ,
sur les dessins de Quentin Messis .
A peine maîtres de Rhodes; les Chevaliers eurent à re-
pousser plus d'une attaque des corsaires SaiTasins, souvent
aidés aussi par les habitants; enfin, eu 1310 , Osinan-el-
Gazi , le fondateur de la dynastie des Osmanlis , vint à son
tour débarcfuer à Rhodes et sommer l'Ordre de lui consi-
gner la place .
Ce prince inspirait déjà une terreur fondée ; en peu.de
teaips il avait conquis toute la Bithyaie et une partie de la
Paphlagonie , et il aspirait à. étendre plus loin ses conquê-
tes . Byzance , tombée bien bas tremblait au bruit de ses ex-
ploits ; Rhodes , dont les murs étaient renversés , et les ap-
provisionnements incomplets , aurait eu de la peine à résis-
ter au fougueux conquérant; mais les ciiconstances vin-
rent en aide à la bravoure de ses défenseurs , 0^man rap-
pelé sur le Continent par des intérêts majeurs , ne voulant
pas perdre un temps précieux sous les murede Rhodes, le-
va le siège et repassa en Asie Mineure .
Plusieure historiens rapporti-nt que Rhodes dut alors son
silnt à Amédée de Savoie , qui , arrivé au secouis des Che-
valiers. Hurait cmitraint Osman à se rembarquer en toute
hâta . Ce serait à celte occasion , disent ces historiens , et
Bossuet avec eux , que ia Maison de Savoie aurait adopté
cette devise du Collier de l'Annonciade : F. E. B. T. qu'
ils ti-adnisent ainsi : Portlhtdo pjiis Rhodtim tcnuit . Cette ver-
sion , dans la force classique du mot , nous parait un peu ha-
sardée . Dans un sens plus large , elle rencontre des difficul-
tés plus sérieuses . En effet , pendant la période de 1308 à
saovGoOt^lc
LES HOSPITALIERS 135
1310 , Amédée V de Savoie assistait au couronnement d'E-
douard m , roi d'Angleterre ; intervenait en Irlande entre
ce dernier et Philippe le Bel , qui demandait satisfaction
pour l'insulte faite à Isabelle sa fille , et se trouvait à Rome
pour le couronnement de Henri VII ,duqnel il recevait l'in-
vestiture d'Asti et d'Ivrée .Comment au milieu de tant d'é-
vénements , dont les premiers en AngleteiTe et au Nord de
la France, Amédée V aurait-il pu trouver le temps néces-
saire pourun© expédition lointaine jusqu'à l'Ile de Rhodes?
En outre , il est incontestable que cette devise était déjà cel-
le des ancêtres d' Amédée , puisqu'on pouvait la lire sur
leurs tombeaux et entre autres sur le collier d'un chien
sculpté sur le mausolée do Thomas II sou frère , comte de
Haurlenne , et ensuite de Piémont par la cession que lui fit
de ce comté son frère Amédée IV . Louis de Savoie , baron
de Vaud , mort en 1301 , portait dans sa monnaie plup de 10
ans avant qu'Osman eût attaqué les Chevaliera , ce mot :
FEBT; mais les lettres ne sont pas séparées par des points .
Aidés ou non par un secours étranger , les Chevaliers mi-
rent à profit la tranquillité dont ils jouirent ensuite pour
soumettre dans l'espace de quatre ans , les îles de Halki, Sy-
mi, Nissiros, Tilos ou Piîcopi , et acquérir de Del Cavo , cel-
les de Co3 , Léros et Calymnos , postes avancés de la plus
haute importance afin de t?nir ïi l'écart toute tentative hos-
tile . Les Chevaliers purent alors se considérer comme les
maîtres absolus et acceptés de toute l'Ile et de ses dépen-
dances . A partir de cette époque , ils furent désignés sous
le nom de Chevaliers de Rhodes .
Tous leurs efforts ne tendirent plus désormais qu'à cré-
er une marine formidable , à former de ces hommes qui
saovGoot^lc
136 HISTOIRE
avaient été des héros sur teire , des amiraux dont l'intel-
ligence put seconder la bravoure éprouvée ; et pour résu-
mer en un mot l'histoire de cette période de deux siècles , ii
courte en comparaison de la précédente , à. réveiller dins
la Guerre , les Arts , l'Agriculture et le Commerce , le glo-
rieux passé de l'asile qu'ils avaient conquis . A la devise
des Anciens : Pro Aris et Fods ! ils ajoutèrent celle-ci qui
enflamme le vrai sentiment religieux et patriotique dans
les cœurs qui savent la comprendre : Gnux , Biise et Aralro !
Pour l'Autel et le Foyer ! Par la Croix , l'Bpée et la
■Charme !
saovGoOt^lc
CHAPITRE VIII.
FOULQUES DE VILLARET
1310 1319
Nous nous sommes occupés de la première partie de ce
Magistère , signalée par la conquête de l'Ile . Il nous reste
ît en raconter la fin , qui mallieureusement ternit la gloire
du commencement .
Les Templiers venaient d'être condamnés (1312) , et leurs
biens confisqués avaient été concédés en grande partie aux
Chevaliers de Rhodes; s'ils purent entrer en possession de
cette immense fortune convoitée par plusieurs souverains ,
ce ne fut pas sans qu'il leur en ait coûté beaucoup de peine.
Tranquille dans sa nouvelle conquête , jouissant d'une
juste renommée qui lui valait le respect de ses voisina , l'Or-
dre n'avait plus qu'à s'occuper de l'emploi des richesses
saovGoot^lc
138 HISTOIRE
qui lui aiTÏvaient si iuopiuément ; si les Clier»liers avaient
parfois à. tii'erl'épée , ce n'était que pour donuer la chasse
aux pirates ; car il s'en liasnrdaît toujours dans l'Arcbipel ;
ou pour forcer à la retraite les navires que de temps à au-
tre les Sultans d'Egypte envoyaient tenter quelque coup de
main contre les possessions de l'Ordre . Ces expéditions rap-
portaient peu de gloire , mais souvent de riclies captures
que les Chevaliers ne versaient pas tous scrupuleusement
dans la caisse de la Communauté .
Les jeunes Chevaliers oubliaient facilement les vœux qu'-
ils avaient prononcés ; les mœurs n'ét-aieiit plus aussi sévè-
res ; les anciens murmui'aient et déploraient d'autant plus
ce relâchement de la discipline , que le mauvais exemple
venait de haut lieu .
Depuis qu'il n'avait plus à s'occuper de conquêtes , Foul-
ques de Yillaret songeait moins aux intérêts de la Religi-
on * qu'à ses plaisirs . D'un caractère naturellement fier et
hautain, il se laissa entraîner par l'enivrement de ses suc-
cès, et loin de montrer à ses Frères l'aflfabilité à laquelle
ils étaient habitués , il ne les traita plus que comme des su-
jets . En vain les vieux Commandeurs et les Baillis lui fi-
rent de respectueuses remontrances ; il les repoussa comme
des injures , et voulut imposer une autorité absolue , in-
compatible non seulejucnt avec les Statuts de l'Ordre , mais
aussi avec les sentiments d'hommes appartenant il la plus
haute noblesse , estimant le Graud-Maitre non comme un
souverain despotique , mais counne un chef de corps qui
devait son pouvoir à leui-s suffrages .
• I/Ordre est Boumtt daigné sons oe nom ,
D.qit.zeaOvGoOt^lc
ronUltlES DE TILLARET , 139
A cette arrogante conduite , qu'il poussa jusqu'au point
de refuser des audiences aux chefs des dîfTéreates Langues ,
Foulques ajouta une faute compromettante pour l'honneur
et la TÏe de l'Ordre entier : au Heu de payer , tandis qu'il le
pouvait , les anciennes dettes que l'Ordre avait contractée^
envers Florence et Gènes , lors de la conquête de Rhodes ,
il épuisa le Trésor pour satisfaire aux exigences de sa fas-
tueuse maison .
Cet état de choEes ne pouvait pas durer longtemps sans
amener une ruine complète ; aiissi les remontrances respec-
tueuse! n'ayant pas abouti , le Conseil somma régulière-
ment le Grand-Maître à lui rendre compte de son adminis-
tration .
Foulques s'y refusa avec dédain . Alors la plupart des
Chevaliers , ayant à leur tête le Commandeur Maurice de
Fagnac , convinrent de se saisir de sa personne et de le
conduire de vive force devant le Conseil Général . Préve-
nu du complot par un de ses serviteurs , Foulques de Villa-
T©t sort de la ville , comme pour une chasse et gagne en
toute hâte le château de Lindos, qui, bien approvisionné et
commandé par un de ses favoris , lui offre un refuge inex-
pugnable . De là , après avoir ordonné à la flotte de venir
mouiller dans le port de cette même ville , il proteste à l'a-
■vance contre toute décision du Conseil qu'il accuse de ré-
bellion , et interjette appel an Pape que l'Ordre considé-
rait . d'après ses statuts , comme son chef suprême .
Cette conduite ne fit qu'accroître le mécontentement ; les
quelques Commandeurs qui s'étaient abstenus jusque lït s'
unirent aux mécontents , et l'Ordre tout entier , déclarant
Foulques de ViUaret déchu, élut à sa place le Commandeur
D.qit.zeaOvGoOt^lc
140 HlSTOUUt
Maurice, lîe Pagiiac { 1317 ).
Le Pape Jean XXII averti de ces événeoieuts par Foui- ■
quee de Villaret ausai bieu que par le Conseil , s'empressa
d'envoyer sur les lieux deux ConimissaireB, Bernard de
Moreze , Prieur de Saint Capraiij , et Bosolo son chapelain.
Ceux-ci suspendirent îi la fois Foulques de Villaret et de
Pagnac , et après avoir nommé Lieutenant provisoire Gé-
rard de Pins , ils s'embarquèrent pour Rume en compagnie
des deux compétiteurs; mais ils avaient auparavant con-
traint Foulques il déposer dans le Trésor l'or et les pierre-
ries qu'il possédait pour une valeur considérable .
Certainement Maurice de Pagnac , d'une conduite irré- .
prochable et de mœurs austères, était plus digue que Foul-
ques de Villaret d'occuper le Magistère ; mais d'une nais-
sance obscure , inconnu dans le monde politique, il pouvait-
difficilement attirer l'attention , tandis que Foulques de Vil- ■
laret dont l'Europe ne connaissait que les vertus guerriè-
res , excitait partout sur son passage l' admiration et la .
sympathie , non seulciueut du vulgaire , mais ausai des tê-
tes couronnées . Il en résulte que lorsqu'ils amvèrent à
Rome , Foulques avait l'air d'un triomphateur , et Maurice
de Pagnac celui d'un coupable que le Grand-Maître traî-
nait devant le Souverain Pontife , pour le faire châtier de ,
sa rébellion .
Après avoir entendu les deux rivaux, le Pape hésitait -
sur la décision à. prendre, lorsque la mort de M. de Pagnac
(1318), facilita la solution de la difficulté .
Foulques restait Grand-Maître ; mais cette réintégration.,
excita un tel , mécontentement à Rhodes , que Villaret ,'
craignant d'y retourner, résigna son pouvoir entre lési-
na ovGoot^lc
FOULQÏÏES DE T1LLASFC 141
mains du Pape (1319) à la condition qu'il jouirait , sa vie
durant , libre de toute redevance , du Prieuré de Capoue .
II parait cependant qu'il ne résida point dans son Pri-
euré , mais qu'il se retira chez une de ses sœura , dans
le château de Teiran en Languedoc , oii il mouirut lel"
Septembre 1327 .
saovGoOt^lc
CHAPITRE IX.
HÉLION DE VILLENEUVE
1319 1346
L'abdication de Foulques de Villaret ayant laissé le pos-
te vaoaut , le Pape Jean XXII convoqua régulièrement un
Chapitre Général de l'Ordre en sa cour d'Avignon . L'as-
eeniblée élut (liSlit) HÉLIOX de VILLENEUVE. alors
Grand-l'rieur de S'-Gilles. On a prétendu que cette élec-
tion Jivnit été îiispiréo par le Pape; mais il faut convenir
que POU choix ne fut pas malheureux .
Hélion était fiis de Giraud de Villeneuve , baron des Ara
et de Traiis, et de Sibile de Sabran d'Uzès . Avant l'âge de
vingt ans , Hélion déjà chevalier avait fait ses premières
armes en Palestine , où i! s'était signalé par son courage et
par ses bonnes mœurs . Le nouveau Grand-Maître confir-
saovGoOt^lc
HEUOIT DE VILLXlïSUTE 143
ma Gérard de Pins dans sa lïeatenance , et se rendit à Atî-
gnon pour supplier le Pape de mettre un terme aux récal-
citratîons de quelques SouTerains qui hésitaient à consi-
gner à son Ordre les biens des -Templiers . Le Pape accéda
à cette demande , et parvint non sans peine à obtenir la mi-
se à exécution de la décision prononcée par son prédéces-
seur Clément V .
A la nouvelle qu'Ourcan ou Orkhan , fils et successeur
d'Osman , faisait de grands préparatifs pour attaquer Bho-
des , le Grand-Maître se hâta de terminer une mission dont
le Papel'avait chargé .pour courir là oii le devoir et l'hon-
neur l'appelaient ; mais il n'était pas encore parti , qu'il ap-
prit l'heureuse issue de l'affaire . En effet Orkhan , ayant
rassemblé sur les côtes de l'Asie Mineure tous les Sarra-
sins et les Turcs que la conquête des Chevaliers avait chas-
sés de' l'ile de Rhodes , résolut d'en composer une armée
d'autant plus formidable , qu'il s'agissait pour eux de recon-
quérir leurs foyers. Sans doute l'idée était bonne ; Orkhan
eut le tort de s'embarrasser des vieillards , des femmes et
des enfants . Il s'aperçut bientôt de la faute qu'il avait com-
mise ; c'est pourquoi il aborda dans l'ile de Tilos ou Piscopi
défendue par une faible garnison ; il s'en empare facilement
et y laisse sons la garde de quelques soldats tous ceux qui
ne pouvaient pas lui être utiles ; puis il se dirige vers Rho-
des ; mais Gérai-d de Pins arrive à l'improviste avec ce qu'
il a pu réunir de navires , soit de l'Ordre , soit de ses amis ,
et manœuvrant avec habileté par un vent favorable , il li-
vre une furieuse attaque à la Sotte Turque , composée de
80 bâtiments de différentes grandeurs . Si parmi ceux qui
les montaient , 11 y avait beaucoup d'anciens pirates , il y
D.qit.zeaOvGoOt^lc
144 HIBTOIBB
avait aussi un grand nombre de soldats qui voyaient la
mer pour la première fois ; ceux-ci furent plua embarras-
sants qu'utiles ; c'est pourquoi les Chevaliers , quoique im-
férieurs de beaucoup numériquement , mais habitués aux
combats navals depuis longtemps déjà , eurent-ils bientôt
coulé ou dispersé la flotte ennemie . Piscopi fut délivrée du
coup , et les familles Turques qui s'y trouvaient , abandon-
nées par leurs protecteurs naturels , furent menées en es-
clavage , et leurs biens confisqués grossirent le butin fait
par le vainqueur dans le combat .
Tranquille ■ de ce côté , mais désireux , avant d'assumer'
ses fonctions , de rétablir dans l'Ordre la concorde et la dis-
cipline , Hélion de Villeneuve convoqua un Chapitre Géné-
ral à Montpellier . H y fut décidé entre autres choses que
les Chefs des différentes Langues , qui prirent le titre do
Piliera ou Baillis-Conventuels , feraient partie du Conseil ,
déciaon qui les obligeait de résider à Rhodes ; qu'aucun Che-
valier ne pourrait être revêtu d'une dignité , s'il ne comp-
tait pas un certain nombre d'années de résidence à Rhodes ,
avec service actif dans l'armée ou dans la marine .
Ayant ainsi fait renaître la discipline , le Grand Maître
s'occupa de la rentrée des responsions arriérées , et se ren-
dit ensuite à Marseille ( 1330 ) où l'attendait pour le me-
ner dans l'Ile , un navire de l'Ordre .
Mais une longue et dangereuse maladie l'obligea à dif-
férer son départ ; ce ne fut qu'en 1332 qu'il arriva enfin à
Rhodes ou il était impatiemment attendu . Gérard de Fins
était certainement un brave et digne chevalier; mais lieu-
tenant provisoire , il se contentait de parer aux néceasitéa
les plus pressantes et réservait au chef élu le soin de rap-
saovGoot^lc
HXLIOH DE VILLENEUVE 145
peler chacun à la stricte observation des statuts , d'entre-
prendre les travaux que nécessitait l'état incomplet des for-
tifications ; enfin , de pourvoir îi l'entretien des ressources
du trésor passableitieut épuisé .
L'activité et l'intelligence du Grand-Maître firent face
atout: les fortifications furent réparées, la flotte remontée
et augmentée , les cadres de la milice complétés , la mendi-
cité réprimée ; mais afin que les pauvres n'eussent pas à
soufTrir , il fit consti-uire un Hospice qui servit d'asile à
tous les nécessiteux .
Non content d'avoir pourvu à la protection de la ville
«t de ses habitants , Hélion de Villeneuve voulut aussi ga-
rantir les paysans des attaques des forbans qui de temps à
autre débarquaient sur les côtes de l'ile et ravageaient les
campagnes . C'est le point central de la plaine qui court le
long du littoral N . 0 . de l'ile , qu'il choisit pour construire
uu château fort muni de bons magasins voûtés ; il y installa
une forte garnison qui plus d'une fois sauva la vie et les
biens des paysans de cette partie de l'ile . Bientôt ils grou-
pèrent leurs habitations autour du château et formèrent
un bourg auquel ils donnèrent le nom de son fondateur
qu'il porte encore aujourd'hui ; mais le château est renver-
sé ; les ruines même en périssent rapidement; car les des-
■fec'iidants de ceux que ces pîeires ont protégé contre le pil-
lagejes exploitent pour s'abriter contre les pluies de l'hiver
■et les ardeurs de l'été .
C'est sans doute de ce château que veut parler de Vertoft,
■qui le place à la tête d'un des faubourgs . *
' Hist . de l'Ordre rîe Malte 1 .
saovGoOt^lc
146 BISTOIBE
Les iles dépendantes de Khodes ne furent pas oublidea
et des mesures furent prises pour leur sûreté .
TJu devoir restait encore à remplir; celui d'acquitter les
anciennes dettes que l'Ordre avait contractées et que Foul-
ques de Villaret avait laissé s'augmenter au lieu de les é-
teindre avec les richesses qui provenaient de l'héritage des
Templiers . J^e Pape était créancier de 80,000 ducata ; Gê-
nes et Florence chacune d'environ 60,000 florins d'or, et
Gérard de Pins avait dû contracter un nouvel emprunt de
15,000 florins, pour faire les armements nécessités par les
préparatifs d'Orkhan .
La dette envers le Pape fût couverte par la cession de
quelques possessions de l'Ordre qui étaient îv la convenance
du Souverain Pontife ; les autres furent payées par les re-
venus , et bientôt, de débiteur qu'il était, l'Ordre se trouva
créancier de plusieurs États .
C'est sous le Magistère d'Hélion de Villeneuve qu'eut
lieu en 1342 , un événement que l'on serait tenté de taxer
de fabuleux , s'il n'était attesté par des documents sérieux
et des fresques contemporaines . Nous voulons parler du fa-
meux dragon , serpent ou crocodile qui faisait la terreur
des habitants . Il n'est pas peitnis de mettre en doute l'e-
xistence du monstre lui-même , et le fait du combat; mais
il faut aussi tenir grand compte des exagérations causées,
par la peur, et naturelles à dos imaginations exaltées .
Ceci dit, nous rapportons la traditon telle qu'elle s'est
consei-vée sur le pays , conforme du reste à la chronique
de Boissat .
Ce monstre avait la forme d'un crocodile énorme, assez
semblable à cey gros lézards que l'on voit aujourd'hui , en
saovGoOt^lc
HBLION DE TILLENStnrS 147
été , sur tous lea vieux murs à Rhodes ; mais . outre les
quatre pattes armées de puissantes griffes , il avait aussi
deux petites ailes, qui soulevant son corps, accéléraient sa
course plus rapide que celle du meilleur cheval ; il avait la
tête longue et plate, surmontée d'oreilles de mulet ; la gue-
le profondément fendue , armée d'uue double rangée de
dents aigûes ; les yeux de feu ; le corps de la taille d'un che-
val de moyenne force , d'une teinte gris de fer , et recouvert
d'épaisses écailles , tandis que le venti e était nu et verdâtre.
C'est bien du resté sous cette forme qu'il est représenté
dans une fresque presque contemporaine et qu'il est décrit
dans la chronique de Boissat , si fidèlement traduite dans la
poésie de Schiller .
Ce monstre avait choisi pour repaire une grotte humide
dtuée dans un endroit désigné alors sous le nom de Maib-
poB et appelé aujourd'hui Sandroully ou Santourlc . De cet-
te caverne , sortait un petit ruisseau , dont l'eau venait se
perdre un peu plus bas , dans un marécage empesté . Cette
terrible bête , serpent , crocodile ou autre , attaquait et dé-
vorait les moutons , les vachas , les chevaux , les pâtres mê-
me • Les écailles dont il était couvert , le mettant à l'ëpreu-
Te du fer et de l'acier ; il avait fait autant de victimes des
Chevaliers qui avaient essayé de le combattre . Aussi lo
Graad-Mattre défendit-il sous les peines les plus sévères ,
de tenter pareille aventure .
Dieudonné de Gozon , issu d'une ancienne famille du
X>anguedoc, et Chevalier de la Langue de Provence , forma
secrètement le projet d'en délivrer l'Ile ; mais , avant d'af-
fronter ce danger , il se retire dans le châteiiu de sa famil-
le ; Uk il fait constroire un mannequin aussi ressemblant que
D.qit.zeaOvGoOt^lc
148 mSTOIEK
possible au rnoostre qu'il voulait tuer ; un ingénieux mâ-
canisme donnait à cet animal factice l'aspect liorrible . la
vivacité et les mouvements d'attaque et de défense de l'a-
nimal réel . Gozon achète deux gros dogiies qu'il dresse à
saisir la machine sous le ventre , et il habitue son cheval à
l'approcher sans crainte . Il retourne ensuite à Rhodes , et'
(■ans confier son projet h, ses frères , il envoie son armure
dans l'Église de Saint Etienne , où il se rend bientôt lui-
même avec deux serviteurs fidèles , auxquels il avait don-
né des instructions détaillées. Après être resté quelque
temps en prière , il revêt ses armes et descend à la rencon-
tre du Dragon , celui-ci l'aperçoit , s'élance furieux en sif'
fiant et en battant des ailes . Le Chevalier avance résolu-,
ment , la lance en arrêt , et lui porte un grand coup sur l'é-
paule ; mais les écailles qui la recouvraient étaient si dures
que l'arme vola en éclats sans blesser le monstre . Le che^
val commence à reculer effrayé , tandis que les chiens har-
cèlent courageusement la béte qui se retourne contre eux .
Gozon profite de cette diversion . pour sauter de son cheval
qu'il a de la peine à maintenir ; il tire son épée , excite sea
dogues ; l'un saisit le dragon sous le ventre , tandis que Go-
zon lui plonge son épée dans la geule et l'y retourne élar-t
gissant la plaie et tenant son ennemi encloué ; mais l'ani-
mal expirant , le renverse d'un furieux coup de queue , se
redresse par un suprême effort de l'agonie > et tombe de
tout son poids sur les jambes du Chevalier ; à bout de for-
ces et suffoqué par la mauvaise odeur qu'exhale l'horrible
bête , il perd connaissance . Ses serviteurs accourent , la
dégagent ^ grand peine du cadavre , le délivrent de son
armure , et lui jettent au visage de l'eau fraîche , qu'ils
saovGoOt^lc
HSUON DE TILLElfXUTE 149
pnisent dans son casque au ruisseau voisin . Le dragon gi-
sant près de lui est le premier objet que G-ozon voit en
ouvrant les yeux ; il retrouve subitement toutes ses forces;
tombant à genoux , il adresse à Dieu une fervente action
de grâces ; puis remontant à cheval, il se dirige vers la vil-
le où l'a précédé la nouvelle de sa victoire . Il y entre fêté
et acclamé par la population qui se précipite à sa rencon-
tre en criant : VeTiez et voyez ! Voila le Ttumstre gui dévorait
nos bergers et iws troupeaux; voila le héros qui Fa tué!
Hais le Grand-Maître , strict observateur de la disci-
pline > sans vouloir l'entendre , ni se laisser fléohir par les
prières des autres Chevaliers , le dépouille de l'iiabit de
l'Ordre , et l'envoie en prison .
Ayant ainsi satisfait h. la rigueur de la Loi , il lui par-
donne bientôt , le comble de bienfaits , et le nomme son •
Lieutenant daos le Gouvernement de l'Ile , nomination qm
est accueillie avec de grandes déoiouBtrations de joie par
les habitants , qui considèrent Gozou comme le libéi-ateur
du Pays .
lia tête du monstre fut détachée du corps et clouée sur
la porte d'Amboise, oii elle resta jusqu'en 1337; alors,
comme elle tombait en poussière , elle fut jetée par les ou-
vriers chargés de réparer le château .
Sans doute , l'imagination a beaucoup exagéré la force
et la voracité du monstre quel qu'il fut ; on lui a prêté des
lùles : c'est une allégorie vivante pour donner une juste idée
de la rapidité de sa course ; nous admettons volontiers qu'
il dévorait des moutons , même des eufanis* s'iU passaient
à sa portée ; nous ne doutons pas qu'il ait causé la mon do
quelque Chevalier qui aura voulu le combattre ; car autre-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
150 mBTOIBB
ment le Orand-Maitre u'aurait pas défendu, bous des peines
si Gévères , de tenter pareille aventure . Faut-il en6n ad-
mettre , comme l'ont avancé quelques auteurs, qu'un bœuf
, ou un cheval n'était pas une proie trop volumineuse pour
sa voracité î On sait que les grands serpents peuvent ava-
ler un volume hors de proportion avec le diamètre de leur
corps , et que les emydo-sauriens , qui appartiennent à la
- même espèce , atteignent jusqu'à dix mètres de longueur ;
mais leurs viscères , plus développés , ont-ils la même ex-
pansibilité ? Pour faire la part de l'exagération , il faudrait
donc pouvoir déterminer à quelle famille appartenait le
reptile . La tête conservée pendant plusieurs siècles , bien
qu'exposée à l'injure du temps , aurait fourni un document
indéniable ; mais il eut fallu les observations de la science.
ContentoQS-nous de citer celles que nous avons pu recueil-
lir de différentes sources .
Thévenot qui a vu cette tête en 1655 , en parle en ces
termes :
"Elle était beaucoup plus grosse et plus large que celle
d'un cheval ; la geule fendue jusqu'aux oreilles , de grosses
dents , les yeux gros , le trou des narines rond , la peau ti-
rant sur le gris blanc ."
Remarquons en passant , qu'elle devait être recouverte
d'une couche assez épaisse de poussière , ce qui pouvait
changer en gris blanc , la couleur gris de fer que lui don-
nent les anciennes traditions .
lia mère de l'auteur , * qui a vu en 1829 , au dessus de
* Uad. Honoiiiie Siliotti .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
HELIOK SB VILLINSUTE 151
la Forte d'Amboise > un crâne que l'on assurait être celui
du dragon , Ta décrit ainsi :
"Ce crâne , qui était suspendu au dessus , et du côté iu^
térieur de la Porte d'Âmboise , l'extrémité du museau en
bas , était plat par dessus , large vers le haut et rétréci
vers l'extrémité , comme la tête d'un serpent ; eUe parais-
Bait être un peu plus petite que'celle d'un cheval , mais
il y manquait la mâchoire inférieure et les cartilages anté-
rieurs , ce qui fait que je devais reconstituer par la pen-
sée les parties rongées j^ar le temps . Les orbites des yeux
étaient grands et bien ronds ; il n'y avait sur les os parfai-
tement blanchis , aucune trace de peau . En conclusion , ce
crâne , tel que je l'ai vu , pt-ivé de la mâchoire inférieure
et de l'extrémité du museau , avait plutôt la forme de la tê-
te d'un serpent , que celle de la tête d'un crocodile ."
Contrairement à ce témoignage , le Colonel Rottiera affir-
me qu'il a vu au dessus de la porte donnant sur la mer , *
et non de la porte d'Amboise , les ossements d'un énorme
requin . Cela est possi-ble, mais n'infirme pas que le trophée
du Chevalier Français n'ait été suspendu au dessus de la
porte d'Amboise , et visible encore en 1829 . Si cette porte
de la mer est celle de S'^- Catherine, comme l'assurent
quelques auteurs , Thévenot contredit le Colonel . En effet
*' on entre , dit-il , à main gauche , par une grande porte ,
aa dessus de laquelle est la tête du dragon ". Or pour en-
trer par la porte S'*' Catheriiie , il faut tourner à droite ,
tandis qu'à la porte d'Amboise aboutissent deux rues
* Uoii. da RhodM .
saovGoOt^lc
152 HISTOIBB
âÎTergentea . Comme Thévenot , en sa double qualité d'é-
tranger et d'Européen , devait habiter le Néohori , pour en-
trer dans la ville par la porte d'Amboise , il dut tourner à
gaucbe . Nous en concluons , d'accord avec la Chronique lo-
cale , qu'il y avait des ossements de requin suspendus à la
porte S"- Catherine , et que la tête du dragon historique
ornait la porte d'Amboise .
Quelques verBions placent le théâtre de ce combat dans
la plaine de Crémasti ; mais ni la configuration du terrain ,
ni les anciens documents , ne viennent à l'appui de cette o-
pinion . Tout prouve au contraire que le repaire du monstre
était au grand Sandroully, et que c'est là que Dieudonné de
Gozon le tua . Une fresque que nous avons vue , il y a
quelques années, dans une maison de la rue des Chevaliers,
que le Colonel Rottiers a également visitée en 1825 *, re-
produisait vaguement , sur l'arrière plan , le contour des
collines de Sandroully et la grotte qui y existe . Elle re-
présentait le monstre couché sur le dos et e:cpirant , la lan-
ce rompue dans la poitrine; Gozon renversé , l'épée à la
main , cherche à se relever , tandis qu'un de ses dogues se
débat à ses côtés dans les convulsions de l'agonie . Noua
ajouterons un détail important que Eottiers a oublié de
relever : dans cette fresque , la bête parfaitement ressem-
blante aux crocodiles du Nil , est représentée sans ailes .
Du reste, les turcs qui habitent les maisonnettes dissé-
minées dans le vallon de Sandroully, connaissent parfaite-
ment la tradition qui place là la pcène du Dragon ; ils font
' Mon. d» Rhodw .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
HEUON DE TILLENEUTB 153
voir la grotte qtii lui servait âe repaire > le ruisseau qui en
sortait , et au même endroit , la chapelle élevée par la pié-
té des Chevaliers - Si l'absence du marais laissait encore
quelque doute dans l'esprit d'an observateur attentif, ces
mêmes turcs le conduiraient dans la partie basée du val-
lon ; en remuant un peu la terre , ils la feront voir à peine
assainie ; ils diront combien ils ont de difficulté à labourer
ces champs marécageux que leurs ancêtres ont trouvés no-
jés sous l'eau ; ils indiqueront encore des endroits tellement
humides , que les grains y pourrissent .- C'est donc bien là
le théâtre de l'exploit du Chevalier Dieudonné de Gozon .
Nos lecteurs seront peut-être curieux de connaître la
légende de ces turcs sur le même événement ; la voici tel.
le qu'elle nous a été racontée :
Un saint Derviche ayant entendu parler du monstre, vint
à Rhodes et s'appliqua pendant quelques jours k en exa-
miner les habitudes . Il remarqua qu'il se plongeait dans
le marais et y restait longtemps . Son plan fut bientôt ar-
rêté ; il demanda quarante ânes indigènes , qui sont très
petits de taille , et les chargea de chaux vive . S' étant tout
d'abord mis en prière pour demander l'assistance divine ,
il chassa ses ânes dans la direction de la grotte . En aper-
cevant cette bonne aubaine , le dragon s'élança et dévora
l'une après l'autre , les quarante bêtes avec leur fardeau ;
il aurait sans doute avalé aussi le Derviche , si celui-ci n'eût
été invulnérable . Après ce copieux repas , le dragon sentit
le besoin de se rafraîchir ; plongeant dans lé marais , U y
but à longs traits . On comprend aisément que la chaux
vive ainsi mise en contact avec l'eau , brûla les intestins du
monstre qui poussait des hurlements si forts , que toute la
D.qit.zeaOvGoOt^lc
154 Hiffroms
ViUe de Rhodes s'en émut ; les portes du Château furent
fermées, on en doubla les gardes; personne n'osait s'en-
quérir de ce grand vacarme , lorsqu'on vit le Derviche ar-
river devant une des portes de la ville , tenant en main la
tête du monstre qu'il avait si habilement tué . Il va sans
dire qu'il fut fêté et choyé par la population , et généreu-
sement récompensé par le Pacha .
Comment expliquer maintenant la présence de ce mons-
tre dans une ile éloignée de 12 milles au moins d'un con-
tinent sur lequel on ne rencontre ni crocodiles, ni serpents
monstrueux î
Si l'on admet que c'était un serpent , il ne faut pas ou-
blier que Rhodes était anciennement infestée de reptiles ,
qui, venus d'une manière ou de l'autre , lui ont valu Vépi-
thète i'Opkiousa . Rappelons que Fhorbas , un de ses colo-
nisateurs , venu tout exprès pour exterminer les serpents ,
en tua un qui d'après Hyginus , ancien auteur Grec , était
prodigieusement grand , et dévorait les habitants . ■ ■ ■ Les
paysans de Maritza affirmeront qu'il y a environ LIO ans,
leurs grands parents ont tué dans la montagne de Levco-
podha , sur le pic de Kéroniati , un serpent énorme , trop
friand de leurs chèvres ■ Ils ont profité d'un moment ou le
monstre amplement repu était assoupi , enroulé trois fois
autour d'une roche qu'ils font voir , et sur laquelle ils l'ont
encloué au moyen de longues perches pointues et durcies
au feu . Ils ajoutent même qu'un des agresseurs a succom-
bé peu de jours après , des suites d'un coup de queue qu'il
aurait reçu de l'animal agonisant , Cette roche de forme
pyramidale presque parfaite , à 2 mètres au dessus de sa
base, en mesure 25 de périmètre ; or si le serpent en faisait
saovGoOt^lc
HBLIOK VB TIUXmiTTB
Ï5S
Ëroîs fois le toar , il aurait nécessairement eu trois fois cet-
te longueur . Pour tant que l'on réduise ce chiffre . on au-
ra toujours un serpent monstrueux , et bien capable d'a-
Taler les deux chèvres qui furent trouvées dans son esto-
mac . La tradition ne dit pas que le serpent de Kéroniati
ait jamais attaqué des hommes . Ces faits établissent que
le monstre tué par Gozon , n'est pas le premier qui ait e~
xisté à Rhodes .
Bochart assure qu'en phénicien le serpent s'appelait larod
Ott Bod ; il est donc probable que les greos en appelant l'ile
Ophiousa , "ile des serpents ", traduisirent le mot phénicien ;
qui fat par la suite , et lorsque Phorbas eut exterminé tous
les serpents de l'ile , converti en la consonnance de Bhodos '.
Cependant puisque . selon toute probabilité la viotkne de
Gozon était un crocodile , on peut supposer qu'embarqué
en Egypte pour une destioation quelconque , il s'est réfu^
gié dans l'Ile à la suite d'un naufrage .
Kais reprenant le cours des événements , nous devons con-
stater que la prospérité et la tranquillité dont jouissait
l'Ordre , amenèrent une fois encore un regrettable relâche-
ment dans la discipline ; l'oisiveté engendra les vices , la
richesse favorisa le luxe . Il s'en suivit des scandales qui
motivèrent des plaintes assez sérieuses, pour que le Pape
Clément VI adressât au Giind-Maîtro (1343) une lettre
sévère : Nous avons appris, y est-il dit, que l'Ordre loin
d'appliquer ses richesses à secourir les Chrétiens de l'Orient
Oji à soulager les pauvres , en profitait pour dé|'loyer un lu-
xe incompatible avec le vœu de pauvieté iironoucé parles
Chevaliers . A ce reproche est jointe la menace ; si l'on ne
procède pas à une prompte réforme, le Saint Siège détour-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
156 msToïKB
nera une partie des biens des Hospitaliers en faveur d'un
Ordre nouveau qui sera chargé d'accomplir les devoirs aux-
quels renonçaient les Chevaliers de Saint Jean . Se radou-
cissant quelque peu îi la fin , le Pape ordonne au Grand-
Maître d'armer six galères qui doivent s'unir aux vaisseaux
du Saint Siège , à ceux fournis par la République de Ve-
nise et par le Koi de Chypre , pour empêcher les Turcs d'é-
tendre leurs conquêtes au delà de l'Anatolie .
Tant de sévérité ne peut se justifier que par l'exagération
dans les plaintes adressées au Pape ; mais il en ressort', et
l'active sollicitude du Saint Siège pour l'honneur de l'Or-
dre rangé sous son autorité , et pour les intérêts sacrés des
Chrétiens d'Oiient ; il en ressort d'autre part , et la haute
sagease d'Hélion de Villeneuve , et l'esprit d'obéissance de
l'Ordre . £n effet le Graud-Maître plia sans murmurer sous
l'injonction qui lui était faite ; il arma six galères dont il
confia le commandement à Jean Biandra , Grand Prieur de
Lombardie . Celui-ci se conformant aux instructions qu'il,
avait reçues , se mit humblement sous les ordres du Gé-
nois GIngarra, auquel le Pape avait confié le commande-
ment en chef de la flotte alliée .
Pendant cette expédion sans résultât , Eélion de Ville-
neuve, reconnaissant que des réformes étaient nécessaires,
adopta d'accord avec son Conseil une loi somptuaire très
étroite . Qu'ils prissent leurs repas soit à la table commune
soit dans leurs demeures particulières , les membres de l'Or-
dre ne devait avoir qu'un mets et qu'une seule qualité de
vin ordinaire . Afin de metti-e aussi un frein au luxe des -
habillements , il fut décidé que les Chevaliers ne se servi-
raient à l'avenir que d'une qualité de drap coûtant deux
saovGoOgIc I
HELION DE TILLENEDTB 157
florinâ la canne . Trois Commissaires furent expédiés eu
Europe pour faire exécuter cette Loi daiis toutes les Corn-
manderies et Prieurés ; en même temps ils pressèrent la
rentrée des responsions qui n'étaient pas régulièrement ver-
sées à Rhodes .
Le Pape fut très content de voir qu'Hélion de Villeneu-
ve avait adopté des mesures plus rigoureuses encore que
celles qui lui avaient été indiquées ; et pour lui marquer la
satisfaction qu'il en éprouvait , il confia le commandement
général de la flotte alliée à Jean de Biandra . Peut-être aiis-
fà en prenant cette décision , le Souverain Pontife espérait-
il que le nouveau commandant serait plus actif que le Gé-
nois . En effet , à peine investi des pleins pouvoirs , Bian-
dra rallia la flotte , alla chercher les Turcs à Smyme , et
conquit cette place le 28 Octobre 1344 .
N'ayant pas assez de forces pour suf&r h, une défense
générale de la ville si l'ennemi essayait de la reprendre ,
le vainqueur dut se borner à occuper le Château qui com-
mande l'entrée du port . Il le fit réparer et mettre en état
de résister aux attaques des Turcs , encore maîtres des
environs . Cette prudence fut bien récompensée ; car les
Turcs surent en effet attirer la garnison dans une embuscade
habilement di*essée , et en massacrèrent une grande partie ;
cependant le reste put regagner le château , et de là opposa
une si héroïque résistance, qu'il fit éprouver aux assiégeants
des pertes considérables , et les obligea enfin à prendre la
fuite . " Mais les alliés à leur tour se font la guerre pour
partager leurs conquêtes". • C'est probablement le motif
* Boesuet , — Suite de l'Hiat. Univ.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
158 HISTOIBE
qui amena le reinplacemeat de Biandra . Humbert , Dau-
phin du Viennois , chargé du commandement de la flotte ,
" brûle les vaisseaux des Turcs , et rien de plus ".* Ensui-
te , reconnaissant lui même son incapacité , il donna sa dé-
mission , passa quelque temps à Ehodes pour y pleurer la
mort de sa femme Marie de Baux , puis retourna dans son
Comté de Vienne , qu'il vendit à Philippe-le-Bel, et termina
ses jours dans un couvent de Dominicains .
Hélion de Villeneuve sentait aussi sa fin approcher ; plein
de prévoyance pour les intérêt éternels de son âme , de ses
propres deniers , il avait fait consti-uire dans la ville une
magnifique église sous l'invocation de la S'*- Vierge; deux
prêtres devaint y dire la messe tous les jours à son intention .
Il mourut en Juin 1346 , après avoir occupé avec gloire ,
sagesse et bonheur le magistère pendant vingt sept ans .
"A suis Magister fellx vocatits est ", disait une inscription
gravée sur son tombeau .
* Baïstiet . — Stûttt ie l'Iïist. UnÎT.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
CHAPITRE X .
DIEUDONNÉ DE GOZON
1346 1353
. Ce dieralieT. était natif du Languedoc , où le Château
de sa &miUe existe encore .
Nous avons déjà tu comment l'heureuse issue de son
combat avec le Dragon lui avait ouvert la route des hon-
neurs et des dignités; du reste l'ambition le tenait au cœur;
car lorsqu'il s'agit de donner un successeur à Hélion de.
VilleneuTe , voyant que les votes étaient partagés entre
plusieurs compétiteurs , il n'hésita pas à s'avancer au mi-
lieu du Conseil et k déclarer que dans toute l'assemblée il
ne voyait personne plus digue que lui de succéder au re-
gretté Grand-Maître . dont il avait été le Lieutenant .
Si extraordinaire que fut la motion , elle n'offensa pM
saovGoOt^lc
160 HiSTomB
VÂBsemblée ; elle plut surtout aux jeunes CheTaliers qui .
connaissant le caractère actâf et entreprenant de Qozou ,
espéraient marclier à sa suite dans de glorieuses entreprises ;
et en vérité ils ne se trompaient pas .
A peine solennellement élu Grand-Maître à la grande
satisfaction de tout l'Ordre et de tous les Ehodiens qui le
considéraient comme leur sauveur , Gozon réunit la flotte
alliée > dont Jean de Biandra reprit le commandement en
chef , et la dirigea sur l'île d'Imbros , près des Dardanelles
dont les Turcs s'étaient emparés sans difficulté. Us se
croyaient en toute sûreté contre les attaques des Chevaliers ,
et Be livi-aienl au repos le plus complet , lorsque Biandra
les surprit, leur coula ou enleva 1 18 bâtiments de différentes
grandeurs , et ramena à Rhodes 5OO0 prisonniers , après
avoir massacré ou mis en déroute leur armée , dont une
partie seulement parvint U s'enfuir avec 32 galères .
-.Cette victoire, dont toute la gloire revient aux Chevaliers,
était d'autant plus heureuse que la flotte Turque qu'ils
avaient détruite , était évidemment destinée à agir sinon
contre Rhodes même , du moins contre tes dépendances .
Peu de temps après (1347) , des ambassadeurs du Roi
d'Arménie vinrent à Rhodes pour solliciter l'aide de l'Or-
dre contre les Sarrasins d'Egypte , qui lui avaient enlevé
une partie de ses États , et le menaçaient au cœur même de
son Royaume .
Oe Prince appartenait par Zabel de Lusignan à la fa-
mille rojale de Chypre; et c'est à ce titre probablement qu'il'
réussit à. faire embrasser sa cause au Grand-Maître . Celui--
oieut à vaincre l'hésitation de son Conseil ; mais quand il-
J'eut obtenue , il pressa les préparatifs avec la plus grande
D.qit.zeaOvGoOt^lc
DIlDSORia Bl OOXOR 161
oâéritô.
. Jj'armée de l'Ordre opéra sa jonctioti arec celle des Âr-
jnénioas aana difficulté , par suite d'une manœuvre habile
et rapide . Les Sarrasins surpris et attaqués avec fureur.
perdirent l'une après l'autre toutes les places dont ils s'é-
taient emparés , et les débris de leur armée durent se rem-
liarquer en toute hâte pour l'Égjpte .
A ce métier cependant^ l'Ordre ne gagnait que beaucoup
de gloire . tandis que ses finances s'épuisaient . Il y avait
tâen encore une autre cause de la disette du Trésor ; c'est
que les Commandeurs des Prieurés les plus éloignés en
Bnrope , particulièrement ceux de Suède , de Nom-ège et
de Danemarfe , ne versaient pas régulièrement leurs res-
ponsions . Avant de demander au Saint>Sî^e de partici-
per au moins aux frais de l'expédition d'Arménie , Dieu-
donné de Gozon aurait dû faire rentrer en premier lieu les
revenus ordinaires de l'Ordre, et en cas d'insuffisance re-
courir ik des ressources extraordinaires . Clément VI ne ré-
pondît à sa prière qu'en accordant à l'Ordre d'abondantes
indulgences ; peut-être par cette conduite voulait-il obliger
d'une part le Grand- Maître à plus de sévérité danâ son
gouvernement , et d'autre part amener les retardataires à
plus d'exactitude . En outre son Trésor était épuisé par la
£amine et la peste qui désolaient la France îi cette époque.
Ifais Amir, prince de Lydie , se préparait activement à
reprendre Smyme . dont Biandra s'était emparé pendant
qu'il guerroyait en Thrace en faveur de Jean Cantacuzène;
nous dirons plus loin à quelle occasion . Les Chevaliers ne
se sentaient pas en mesure de lui résister ; Clément VI au-
quel ils s'adreseaient , probablement réduit !i l'impuissance,
D.qit.zeaOvGoOt^lc
162 -KIBIOISS
leur donna le oonaeil d'accepter un traité de paix avec Ici
Tores ; un dea articles portait que les droits d'entt^e dana
le port et les perceptions de la Douane de Smynie sur tons
les navires étrangers , seraient partagés entre l'Ordre et les
Turcs.
Sur ces entrefaites Clément YI mouraitle 12 Décembre
1352 , et six jours après les Cardinaux nommaient son eno-
cesseur Innocent YI . Celui-ci voulut faire intervenir les
Chevaliers dans, la querelle des Vénitiens et des G-énoisqui
fusaient alors entre eux la ^erre connue dans l'histoire
sous le nom de guerre de Caffa . Ces sanglantes rivalité
tournaient an profit des Turcs en affaiblissant les deux
puissantes républiques . seules capables de défendre Cons-
tantinople ; en effet une conciliation suscitée par les Che-
valiers aurait amené une triple alliance redoutable .
:■ L'Empire était alors gouverné , pour le malheur de la
Chrétienté , par Jean V Paléologue . Jean VI Cantacuzène,
Régent pendant la minorité de ce prince , l'avait , par am-
bition il est vrai , forcé avec le secours d'Amir ,& partager
le trône , et ne laissait guère à son collègue que les hon-
neurs de la Couronne . Mais sa présence au pouvoir assurait
la tranquillité ; car Orkhan , qui l'estimait et l'honorait
comme son beau père , le traitait en allié , et avait arrêté le
cours de ses dessins ambitieux contre l'Empire . Malheureu-
sement Jean VI sortit des bornes de la modération , quand
il eut réprimé par les armes une tentative de Jean V en vue
de détruire le contrat qui partageait le pouvoir , et de ré-
gner seuL Si, Cantacuzène , en cédant à la jalousie des cour-
tisans dont il réfrénait la cupidité pour le plus grand bien
des finances .s'était contenté d'associer son fils Matthieu k
saovGoOt^lc
cnuooinfs wtwwm 163
l'Empire aTec Paléologae,il aurait Bcrri Li polîtîqtxe d'Inno-
cent VI , qui appuyait ses prétentions , et implorait en sa
faveur le concours des Hospitaliers . Le Pape en effet , ue
TQulait pas jouer le sort de l'Europe sur te respect d'une
dynastie représentée par «n prince dont " il connaissait le
peu d'aptitude pour les affaiies , plongé an sein dos volup-
tés, et qui abandonnait au bazard les rênes de l'État".*
Diendonné de Gozon comprit les intentions de Clément
VI relativement à Li difficulté financière de l'Ordre ; il
adressa donc une lettre très pressante aux Commandeurs
retardataires ; leur silence abreuva son âme de chagrin , et
détermina sans donte sa résistance aux autres demandes de
ce Pontifi! et de son sutcesECur .
Au premier il répondit en termes respectueux mais fer-
mes et en s'appuyant sur les Statuts de l'Ordre , qu'il no
pouvait sigaer aucun!? trâveavec les ennemis di> la Ueligion .
H opposa ces mêmei Scatubs li Innocent VI relativement h
la quereHe des Génois et des Vénitiens ; il est vrai qu'il était
défendu aux Chevaliers de tirer i'épée contre des Chrétiens ;
or une intervention directe en vue de la paix , aurait pu -
enduire àcette extrémité , par l'obstination dj l'un ou de
l'autre parti . Ett-il téméraire do supposer que 1j Pape
prévoyait la honteuse véualité dont les Uéuois se rendirent
coupables quelques années plus tard î
Affaibli par des infirmiiés, déjà avança en Age .dégoûté,
tlevoiri'indisci|)liue et le relâchement des mœuis se rcpan-
dio dans l'Ordre .affligé parU désobéissance des Commau-,
• lisixxa . Hist. dn Bas Emp.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
164 HI8T0ISK
denrs retardataires , G-ozon pria le Pape d'accepter sa démis-
Eiôn et de lui permettre d'écouler le reste de ses joura dans
le repos. Eii attendant la réponse, il fît compléter quelques
ftirtifications du château Terslamer.etconstruireleadeux
petits môles du grand port , qui servent maintenant à abri-
ter les barques du pays .
Après quelque temps d'hésitation , Innocent VI acc&da
à la prière du Grand-Maître , et déjà il avait ordonné eu
Conseil de lui nommer un successeur , lorsq^ue Gozon mou-
rut subitement le 15 Décembre 1353.
Quelques auteurs affirment que Dieudonné de Gozon îut
enteiTé dans l'église de S*- Etienne , sur la montagne du mê-
me nom (Mont Smith) . Le Colonel Rottiers assure y avoir
trouvé un fragment de pierre tumulaii-c sur lequel il put -
lire en caractères gaulois :
TtAVl
T . DIE . ZV . XBEIB
AKNO . DMI . MCCCLII
DUE . JHD . 8USPE . SPR . GJ.
Il on conclut que cette datlc recouvrait le tombeau de
Dieudonné de Gozon . «t h, l'appui de cette opinion , il cito
le passage d'un manuscrit qu'il attribue ÎL nu certain £le»-'
thère . moine de S. Basile, qui serait moit à Rhodes eu-
1545 , après avoir assisté au dernier siège .
Nous regrettons de devoir observer qu'eu premier lieu
cette inscription qui ne nieutiouue point le nom de Gozon ,
ne pi-ouve pas qu'elle recouvrait un tombeau . Nousdevi-ns
aussi déclarer une fois pour toutes, et quoiqu'il nous lopu--
gne de démentir des auteuis qui tiaitent de sujets scriei >:,
que le maouscrit d*Ë)eutbère,sur lequel le Colouel Eottiera
saovGoOt^lc
SmjDOHNB DE QOZOH 165
se base pour assurer certainB faits ou démentir ce qui en a
été déjà dit . est tout à fait npocryphe . En effet , le Colonel
prétend avoii' obtenu ce manuscrit d'un prê'.re de Trianda
qu'il nomme Euf émio (Evthimios) qui en aurait été le pro- ■
priétaire -
Bottiers est venu à Rhodes eu 1826, c'est-à-dire il 7 a 55
ans , et eu admettant que le père Eufémio soit mort la même
année ; que sa fîlle Eléni ne lui ait pas survécu , leur mé-
moire devrait être encore conservée dans le village . Or
noua y sommes allés, avons interrogé non Eeulement les ;
habitants les plus âgés , mais aussi et surtout le père Sava ,
Un vieillard de 75 ans , natif de Triaiida , qui y exerce lo
sacerdoce depuis 40 ans , et tous nous ont assuré qu'il n'y
a jamais eu dans leur village un prêtre nommé Eafémio ou
Evthiuiio .
D'îiuire part , M. Panni , Vice-Consul d'Italie à Khodes ,
a retiouvé paraù les décombres de l'église cathédrale de S .
Jean , un autre fragment de pierre tiimulaire , sur lequel on
lit , également en caractères gaulois , le nom de Gozon . Ce
fragment qui se trouve aujourd'hui au Musée de Cluny ,
n'est certaineaient pas celui dont parle Rott'ers, et il porte
avec ses armoiries, la date précise de la mort du Grand-
Maitre (1353) , tandis que celui de Kottiers porterait la date
de 1352 . Dans tous les cas . l'un et l'autre prouvent que
Yertot 60 trompe en assurant que l'on n'avait mis sur son
tombeau que ces mots :
rSTIKCrOR DRACOSIS .
he monument élevé plus tard à sa mémoire , et qu'il ne
faut pas confondre avec son tombeau , portail l'insciiption
tuivauta :
D.qit.zeaOvGoOt^lc
166 HifiToms
SSOEHITH BV7&SAT TIRES .
DEODAITS DE QOZON EQVEB lUANEM SERPENTEM INTERPICIT .
OEUIKABIO PBEPETTO MILITKE TKIBVNATT ET EXTRA OEDINEM PEO
MAQIETEEIO FVHCTVB , PEO , CHISSOR . PPECTV8 . HOX . A BVFFBA-
OATOEIB . U . E . BABO EXPLO . DESIONATTS EST . COMMTNI ŒBE .
£0 , OALLOBTM FEOTINCIALTH F031T . AH . MCCCLXTI .
"Le génie , vainqueur de la force".
"Dieudonné de Gozon , étant simple Chevalier , tna nn
eerpent moastmeux . Nommé commandant perpétuel de la
Hilite et Lieutenant extraordinaire du Grand-Maître , pre-
mier chef du Conseil d'élection , il fat par un exempla peu
commun , choisi pour Grand-Maître par les électeurs . Ce
monument a été élevé par les Ohevalieia Français Pro-
vençaux , l'an 1366".
saovGoOt^lc
CHAPITRE XI.
PIERRE DE CORNELIAN'
1354 1355
Ce Cberalier Provençal était Grand-Prieur de S*- Gilles,
lorsque les suffrages des électeurs lui conférèrent le Magis*
tère (1354) .
De mœurs austères , le nouveau Grand-Maître ne pouvait
pas tolérer les nombreux abus qui s'étaient glissés dans l'Or-
dre ; aussi son premier soin fut-il de convoquer un Chapi-
tre général dans lequel on adopta les mesures les plus ur-
gentes h l'égard des finances et de la nomination aux di.
guités en Europe .
* Comillaa , ComliBiB ou Comino •
D.qit.zeaOvGoOt^lc
168 HISTOIBK
Cette dernière dispoution lui suscita beaucoup d'enne-
mis , car i! enlevait ainsi à, des gens en position les revenus
qu'ils détournaient illicitement à leur profit ; aussi accusè-
rent-ils habilement , non le Grand-Maître en personne ,
mais l'Ordre tout entier de ne rechercher que ses plaisirs ,
tandis qu'Orkhan se disposait à envahir la Morée , après
avoir déjà enlevé à l'Empereur Jean Paléologue une gran-
-âe partie de ses possessions d'Asie .
Une circonstance favorable se présenta qui am-ait pu
B&uver l'Empire : Pendant que Mourad , successeur d'Or-
khan , établissait le centre de sa domination à Andrinople ,
une révolte éclata en Asie . * Pour soustraire les Chevaliers
aux reproches mérités etaux calomuies dont leurs ennemis
l'obsédaient , et auxquelles il aurait, selon Vertot, prêté
une oreille trop facile , Innocent VI pensa entraîner les
.princes Chrétiens à la suite de l'Ordre, en soufflant par
celui-ci le feu de la révolte . On n'ignore pas que les pro-
vinces d'Asie regorgeaient alors de captifs Chrétiens , dont
Hourad composa par la suite le redoutable corps des Janis-
saires , et l'on conçoit aisément aussi que ces Chrétiens se
seraient enrôlés sous la bannière di's Chevaliers . Ainsi:
s'explique la résolution que prit le Pape d'ordonner au
Grand-Maître d'abandonner Rhode?, et de transporter son
Couvent soit en Palestine , soit en Asie Mineure , au milieu'
des possessions Turques. En même temps , Paléologue pre-
nait une nouvelle confiance .
Ce dessin n'était donc pas "d'un aussi mauvais politique
* Labefta . Hiet . â-a Bu Emp .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
PinUtE SE COBÏTEUAir 169
pclitique que peu entendu dans l'art de la guerre" , et pou-
Miit avoir pour "auteur un aulre qu'un ennemi secret do
l'Ordre" ; * car, s'il exposait ba CheTalicrs à de nouvelles
lottes, ce n'était pas eu aventuriers , puisqu'il leur suECi-
tait di bons auxiliaires; ù'autve paît cetto nieture , qui les
obligeait h, une vie attive , effaçait les It^gitlmes giiefs et
faisait cesser les calomnies .
On reppoolie encore II Innocent VI do n'avoir pas même
offert aux Chevaliers son assistance pécuniaire ; mais ou
oublie q'.i'à ce moment même , il avait h, défi^ndrc le Comtat
contre les Grandes Compagnies . Entin cetfe injonciioa
n'avait rien d'étrange , puisque les Papes Jean XXII ,
Benoit XII, et Cléoient VI l'avaient déj^ adressée , ci.
qu'Uibaia V la renouvellera quilipics années j^Insfcird.
Comélian dominé par des considérations d'une autre
nature , n'hésita pas à dé^pbéir h. celte injonction; mais
pour pailler son refus, il répondit à luuocent qu'il nUait
convoquer immédiatement un Chapitie général do tout
l'OrJre , pour lui communiquer &a volonté .
Teuacs dans ses i évolutions, et cnignnnt qu'une réuni-
en à Rhodes ne piit une décision conlraiie à les vues. In-
nocent VI ordonna que le Chapitre se réunit 5. Nimes oo-.
h Montpellier ou il pouvait mieux exercer son influence . ,-
ifiné de chagrin, Pierre de Cornélian mourut en 1355,
apz^ nu nagistèro de 13 mois senlemcut ,
* VsaAab. IJist^ ào l'Or, do l£ii;to.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
CHAPITRE XII .
ROGER DE PmS
1355 1365 ■
"- Sotr successeur Roger de Pins, était descendani d'Odoir
de Pins , Vingt-troisième Grand-Mahrede l'Ordre, -etrie*
Gérard de Pins le vainqueur d'Orkhan . .--.-_
* Eb prenant le commandemant de l'Ordrc'.-Eoger devait'
^attendre à lutter contre les mêmes difficultés qnf avaient-
empoisonné les derniers jours de son prédëcessenr . "■ "
'Heureusement pour lai et pour l'Ordre ^qnê-dansl'm-
tervalle on avait insinué au Papequela Moréêirerait"pkw
adaptée par sa position que la Palestine , où les Sarrasiua
étaient en trop grand nombre , pour l'établi? sèment des
Hospitaliers qui auraient servi" dé^Boutlier à TEurope .
D'autre part. Innocent s'était repenti d'avoir proposé
D.qit.zeaOvGoOt^lc
Eoexft i>E pure 171
NîtueB on Kontpelller pourlien de réunion 'an Chapitre; il
trouvait ces deux villes encore trop éloignées de son siégo
d'Avignon , et il tenait à surveiller de près les décisions de
rAs£eml)Iée • Aussi , au lieu d'un chapitre général , se con*
tenta-t-il d'une assemblée réunie à Avignon bous la prési-
dence de Guillaume deMailly , Graud.Prieur de France et
àe Guillaume de Chalus , Grand- Prieur d'Auvergne , lieu-
tenants du Grand-Maître pour l'Buropo .
On 7 agita en })remier lieu la grande question du trans-
fert du Couvent ; la Morée obtiut la préférence , et les
Lieutenants du Grand-Maitre , pour satisfaire le Pape .
admirent cette décision . La Korée était dans ce moment
revendiquée par plusieurs princes chrétiens auxquels les
différents mariages d'Isabelle de Villehardonin , donnaient
des droits aussi discutables que ceux des Empereurs da
Constantînople .
Profitant de ces querelles de succession , les Turcs em-
ployaient la force pour s'emparer du pays. La pensée du
Pape était probablement de leur opposer la Eeule force
capable de leur résister , de sauver l'Europe , se rései-rant
ensuite de liquider la question de droit .
Les Lieutenants du Grand-Maitre convaiuquîrentflacilft^
ment le Pape que l'Ordre ne pouvait pas usurper la pro-
priété d'un prince chrétien. L'un d'eux , favorisé par luno-
cent VZ , nomma de concert avec l'Oidro , des Commissaires
chaînés de traiter les conditions d'une cession de ecs droits*
lies négociations marchèreat si lenton^ent, et pour cause .
^e ce prétendant mourut avant leur coiicltision .
Toutefois l'assemblée d^Avignon no fut pas piécisément
infructueuse : parmi les abus f[ui s'étaient glissés , on notait
saovGoot^lc
173 HISTOISK
avec regret l'abolition des aumônes que VOrdre devait»
d'après ses Statuts , distribuer aux pauvres dans toutes tes
maisûas, règle qui n'était guère observée qu'à Khodes.
Une décision de l'Assemblée rétablit cette distribution qui
soulageait bien des misères . Roger confirma avec joie cette
disposition , car il était charitable avant tout , et il en don-
na des preuves éclatantes durant la peste qui ravagea tout
l'Orient, sans épargner Rhodes. Non seulement il vendit
son argenterie et ses meubles , mais il affecta aussi les reve-
nus de son patrimoine pour soutenir les nécessiteux pen-
dant toute la durée de l'épidémie et de la famine qui «'eu
suivit ; aussi avait-il bien mérité le surnom à' Aumônier ,
que lui donnèrent les Chevaliers .
Roger de Pins ne devait avoir que désagréments et mi-
fières pendant toute la durée de son Magistère : Le frèro
Jean -Ferdinand d'Hérédia , Châtelain d'Emposte , favori
du Pape avait obtenu directement de celui-ci le gouverne-
ment d'Avignon et de tout le comtat Yonaissin d'abord,
ensuite les Grands Prieurés de Castille et de Saint Gillss
qui étaient d'une grande importance .
Affligé de voir le Pape conférer des dignités dont lui
seul et le Chapitre avaient disposé jusque là, le Grand-
Maître, auquel l'Ordre tout entier s'était pïnint des faveurs
accordées à d'Hérédia, an détriment de plus anciens aspi-
rants aux Prieurés, envoya à Avignon les Commandeurs
Roger de Montant et Etienne de Montaigu , pour accuser
d'Hérédia d'insoumission aux ordres de son chef direct et
pour le contraindre à comparaître par devant le Conseil de
Bhodes ; mais le Pape souva son favori , en le liisant ac-
. quitter par deux Cardinaux , qui déclarèrent qu'Hérédia
D.qit.zeaOvGoO<:^lc
BOGES M PIKS 173
n'employait lea revenus de ses Prieurés qu'au bien géné-
ral de la Religion . Le cbagrin qu'il en éprouva , hâta la
fin du charitable Grand-Maitre qui pleuré par tous les
pauvres , rendit son âme à Dieu le 28 Mai 1365 .
Sur son tombeau on traça ces mots :
UISEBEBS IHOPUM
OYiEN PENlAf BAPITEPON EÏTl ♦OPTION
PIEBTJSSIMO PBINCIPI MAGKO MAGISTRO SUO BOQIERO A PINIBDS
8ACEE EQUESTEIS HIER . OBDO . FBCIT . PAtTREROS LAUDAVEKONT .
ANKO BALOTIB HUMANT MCCCLXT
" Ayez pitié des Pauvres ".
*' Aucun fardeau n'est plus lourd que la pauvreté ".
" L'Ordre Sacré des Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem
a érigé ce monument à son très pieux chef , le Grand-Maî-
tre Eoger de Pins . Les pauvres l'ont loué ".
" L'aQ du salut du monde 1365 ".
saovGoOt^lc
CHAPITRE XIII
RAYMOND BÉRENGER
1365 ' 1374
A la mort de Roger de Pins , l'Ordre élut Grand-Maître
frère Raymond Bérenger , dauphinois d'origine et Com-
mandeur de Castel-Sarrasin . On croit qu'il descendait de
la famille des Comtes de Barcelone .
Le Gouvernement de 6on prédécesseur, tout occupé du
soin d'éluder la volonté du Pape qui pressait l'Ordre de
quitter l'île de Rhodes, avait un peu négligé la poursuite
des corsaires Sarrasins . Bérenger voyant que leurs incur-
sions se répétaient de plus en plus , et avec une hardiesse
^ qui augmentait en raison de la sécurité dans laquelle on
les avait laissés , résolut d'y mettre un terme .
S'étant entendu avec le Roi de Chypre , ils équipèrent
saovGtlOt^lc
'BATHOm) BSSBNGSB 175
pluBÎeuni navires , Têsdus , non de donner la cbasse aux
corsaires en pleine mer, maïs de les attaquer dans le port
d'Alexandrie qui leur servait de refuge .
Le secret de l'entreprise fut si bien gardé , que la flotte
alliée arriva k sa destination sans que l'ennemi s'en doutât
(1365) . Les navires corsaires furent livrés aux flammes et
la ville d'Alexandrie elle même , emportée d'assaut après
un combat des plus meurtriers , fut mise à sac .
Malheureusement les allies qui étaient venus punir des
corsaires pillards et sanguinaires , irrités par la résistance,
enivrés par la victoire , se livrèrent eux mêmes sans aucu-
ne retenue aux plus grands excès , et à la nouvelle que le
Soudan du Caire arrive à la tête de forces considérables t
ils se retirent en laissant derrière eux une ville en ruines,
des victimes égorgées sans pitié et l'exécration du nom
Chrétien . Si beaucoup d'esclaves chrétiens qui gémissaient
dans les fers furent alors délivrés , le nombre de turcs qui
furent emmenés à Rhodes et à Chypre , ne fut pas moins
considérable . Parmi les premiers , se trouvait Pierre dé
Saint-Georges , neveu du Pape Urbain V, délivré par lé
Grand-Maître, circonstance qui valut à celui-ci les faveurd
de l'oncle .
Deux ans plus tard (1369) , nouS voyons l'Ordre allié aux
Génois et au Boi de Chypre , attaquer et enlever successive^
ment : Tripoli , Tarsous , Laodicée et BeUinas , dont les
Turcs s'étaient emparés depuis quelques années .
Furieux des succès que les Hospitaliers obtenaient par.^
tout sur ses armes , le Sultan Mourat I , * jure de les atta*
saovGoOt^lc
176 HiSTOUtB
quel- à Rhodes même . A cette nouvelle , le Grand-Maître
approvisionne amplement la ville et les principales forteres-
Bes de l'ile, ordonne aux Commandeurs d'Europe l'achat de
chevaux et d'armes, la rentrée des responsions arriérées et
le rappel des Chevaliers en congé .
La menace du Siiltan n'eut pas de suites , mais le Grand-
Maître put alors se convaincre qu'il ne devait compter que
bien peu sur l'obéissance de la plupart des Commandeurs .
Il tache d'abord de les rappeler à leur devoir ; mais aff^-
bli par l'âge , dégoûté par les dissensions qui s'élèvent en-
tre les Langues de Provence et d'Italie, rebuté par les dif-
ficultés qu'il rencontre de tpua côtés , il prend le pa'rti de
supplier le Pape d'accepter sa démission (1374) . Avant de
répondre , Grégroire XI qui avait succédé à Urbain V ,
décida de convoquer une assemblée générale de l'ordre à.
Avignon , k laquelle , en considération de son âge et de ses
infirmités , le Grand-Maitre fut dispensé d'assister .
L'assemblée s'occupa d'abord d'aplanir les questions ,
cause de l'irritation des Chevaliers d'Italie contre ceux de
Frorence; 'elles avaient pour motif la revendication de
quelques Commanderies situées en Italie et dont la Langue
de Provence avait la jouissance depuis plusieurs années .
Cette affaire réglée par un compromis , le Chapitre s'oc-
cupa de promulguer de sages réglementa que le Pape ap-
prouva et appuya de toute son autorité .
Bérenger eut la joie de recevoir la sanction de ces rè-
glements qui répondaient k son désir , et la mort (1374)
lui épargna la douleur de constater leur inefficacité .
saovGoOt^lc
CHAPITRE XIV.
ROBERT DE JULLIAC
1374 1377
Grand-Prieur de Franco , alors en inspection dans son
Prieuré , de Julliac fut choisi par le Conseil do Rhodes
pour succéder à Bérenger .
D'un caractère ferme et résolu , de" JulHac comprit que
pour se faire respecter , il devait d'abord frapper les récal-
citrants d'un acte d'autorité absolue . Aussi sa première dé-
termination , après une visite qu'il fit au l'ape , fut-elle do
destituer tous les receveurs qui se trouvaient en retard dans
le versement de leurs rcspousions , et de les remplacer par
des hommes sur l'obéissanse desquels il pouvait se reposer
en raison de leur régularité éprouvée .
Strict observateur du devoir de l'obéissance , le nouveau
saovGoOt^lc
178 HISTOIBB
Grand-Maître se Boumit ïi la volonté du Pupe qui lui en-
joignit de se charger de la garde du Château de Smyrno .
Cette foriereste était alors Eoua le ccn.mantîemeiit d'un
Caiiitaiiie Génois , qui , plue avide de richeEses qnc de gloi-
re , laissait souvent la place abandonnée à ses propies rea-
Bources , pour s'occuper de négociations commerciales .
Cependant de JuUiac aurait pu opposer de bonnes rai-
sons à l'injonction qui lui était adressée . Ce Château , si-
tué eu plein paya ennemi .était confinueliement attaqué et
eoumis par les Musulmans à un état de siège periuaneut ;
l'éloigncmeiit de Rhodes , la rareté et la difficulté des com-
munications qui ne permettaient pas de porter des secours
d'uuo eiïïcacité assurée , les frais que devait occasionner au
Trésor l'entretien d'une garnison considérable , auraient été
des motifs plausibles pour décliner cette charge onéreuse .
De JuUiac courba la têie , se contenta d'une subvention de
mille Florins que lui assigna annuellement le Chef suprê-
me de l'Ordre pour l'exécution de sa volonté .
Sur le point de quitter Avignon pour aller picndve pos-
session de son poste , le Grand- Maître reçut de Rhodes une
double plainte : lune , de la part des Chevaliers* contre le
Conseil, et l'autre de la part de celui-ci contre les Cheva-
liers .
Les premiers se plaignaient que le Conseil , subissant
des influences particulières, nomm;iit aux dignités* des
membres nouvellement entrés dans l'Ordre, au mépris des
droits acquis par de longs services . De son côté , le Conseil '
réclamait amèrement contre l'habitude qu'avaient prise les
Chevaliers de recourir au Pape dans les plus simples ques-
tions, ce qui portait une giave atteinte à son autorité , par
saovGoOt^lc
BOBBRT DE JCLLIAC 179
conséquent à celle du Grand-Maître lui-même , et amenait
une désobéissance croissante .
Le Pape , auquel de Julliac rapporta les faits , comprît '
.qu'il fallait ^ dans cette circonstance , méuager le respect
et la soumission que les Chevaliers devaient à, leur Chef di-
rect , et l'autoiîté suprême du Souverain Pontife . Il ordou-.
na donc qu'à l'avenir le Conseil mettrait à exécution tou-
tes ses décisions , sans égard à l'appel interjeté par les Che-
valiers à la^Cour de Rome ; et pour donner satiffactîon
aux méconteuts , il révoqua provisoirement toutes les no-
minations que le Consaîl avait faitss depuis la mort de Bé-
renger, réservant au Gr.ind-Maîtrc le droit de les confir-
mer ou de prononcer leur nullité définitive .
La fermeté et l'affabilité du Grand-Maître calmèrent la
discorde en peu de temps , et la d.iscipline se rétablit dans
toute sa vigueur ; lorsqu'il annonça aux Chevaliers que le
Pape leur ordonnait d'occuper le Château de Smyrue , il
les trouva tous prêts à partir pour ce poste périlleux .
Cepeudant la perte de 200 Chevaliers morts au siège d'A-
lexandrie , avait déjà considérablement affaibli In garuison
de Rhodes , et la nécessité de pourvoir à la défense du fort
de Smyrne laissait la forteresse principale presque entiè-
rement dépour\-ue . Alors de Julliac , craignant avec raison
les entreprises des Turcs qui étendaient journellement leurs
conquêtes , fit appel aux différents Prieurés , et 500 Che-
valiers accourus a sa voix , suivis chacun d'un ccuyer , ras-
surèrent les Bhodiens et les habitants des autres possessions
de l'Ordre .
C'est au milieu d'une paix profonde , et après avoir ré-
tabli la discipline et l'obéissance dans tout l'Ordre, que
D.qit.zeaOvGoOt^lc
180 HISTOIfiB
Robert de Julliac mourut le 29 Juillet 1377 . Son corps
fut enBeveli dans un antique sarcophage hellénique en mar-
bre blanc , qui , con7erti ensuite par les Turcs en bassin sous
une fontaine publique , a été récemment acquis par le Mu-
sée de Cluny . On 7 lit l'inscription suivante :
HIC JACBT IH CHBISTO BEUQI0ST8 ET PATEB OBDINIS FRATEB
BOBEBTTS DE JTLHIACO , QTONDAH MAQISTEB SACBiE SOHVS HOS-
PITALI8 8ANCTI J0ANNI8 HIEE030LIMITANI , QVI OBIIL DIE XXIX
JVLII , ÂNNO DOUIKI MCCCIJUCTII , CTJT3 ANIMA BEQTIESCAT IK
FACE.
" Ci-gît en Jésus-Christ , le pieux Frère et Père de l'Or-
dre , Frère Robert de Julliac , qui fut Maître de la oainte
Maison hospitalière de S'- Jean de Jérusalem , et mourut
le 29 Juillet , l'an du Seigneur 1377 . Que son âme repose
en paix " .
saovGoOt^lc
CHAPITRE XV.
FERDINAND D'HEREDIA
1377 1396
Jean-Ferdinand d'Hérédia était le frère puiné du Grand-
Justicier d'Aragon , dignité presque royale .
Né à Valence sans autre fortune que son épée , puisque
tous les biens de sa famille revenaient de droit à son frè-
re aîné , Jean- Ferdinand ou Hernandez , d'un caractère
ambitieux et entreprenant , se lança de bonne heure dans
la carrière des armes , et sa vie offre une curieuse alterna-
tive de succès rares et de revers éclatants .
Pour obéir à son frère qui n'avait pas d'enfanft , et qui
désirait voir survivre son nom , Jean-Ferdinand se maria
jeune encore ; sa femme étant morte bientôt après sans lui
laisser de famille , il épousa en secondes noces la nièce et
saovGoot^lc
182 HIBTOIBV
héritière de la femme de son frère , et il eu eut un garçon
et une fille; mais comme si le sort eut voulu se jouer de lui,
Ba belle sœur mit successivement nu monde , après plusieurs
années de stérilité, deux garçons, qui lui enlevèrent sou-
dainement cette fortune dont il se considérait déjà comme
le possesseur .
L'ambition , plus forte en lui que les sentiments de la
famille , lui fait quitter ses cnfiintg qu'il recommande à son
frère , et il vient à, Rhodes , où Héliou de* Villeneuve l'ad-
met dans la Langue d'Aragon . Son courage dans l'action,
sa sagesse dans les conseils , ses manières affables et cour-
toises lui gagnent bienlôt l'estime de ses égaux et l'affecti-
on de ses supérieurs .
Il obtint successivement la Commamleiie d'Albambro,
oeil j de Villet,le Bai liage de Capse et enfin le titre de
cb&telain d'Bniposte , le plue envié dans l'Ordre après celui
de Grand-Maitre . Kufin , la fortune qui se montrait main-
tenant aussi complaisante qu'elle avait été contraire dans
ses débuts , aidée , il faut le dire , par l'esprit adroit et in-
sinuant qui distinguait l'ambitieux d'Hérédia.lui fit con-
fier une mission dont il sut tirer le meilleur parti : Le
Grand-Prieur de Catalogne étant mort , deux prétendants
se disputaient la succession de cette dignité ; l'un était sou-
tenu par le Pape dont il était le favori , l'autre par l'Ordre
tout entier à cause de son droit d'ancienneté . Le Grand-
îlaître , cédant aux justes réclamations des Chevaliers ,
décida d'envoyer un ambassadeur assez habile paur faire
revenir ]*Pape sur sa décision et l'amener à rétracter la
nomination de son favori pour confirmer celle du compé-
titeur . Personne ne paraissait plus apte qu'Hérédia pour
saovGoot^lc
j . F . d'hbbedu 183
remplir xme pareille mission ; celui-ci prouva qu'il était
plus habile encçre qu'on ne le croyait ; non Beuletnent il fit
revenir le Pape sur les dispositions qu'il avait prises en
faveur de son protégé , mais il réussit à supplanter à son
profit celui dont il était chargé de soutenir les droits : peu
de temps après son arrivée à Avignon , Clément VI nom-
mait d'Hérédia Grand-Prieur de Catalogne (1343).
Le résultat inattendu de la négociation souleva une telle
indignation dans tout l'Ordre , que d'Hérédia ne jugea pas
prudent de retourner à Rhodes ; du reste il prévoyait que
le séjour d'Avignon serait plus utile à son ambition que
celui d'une ile lointaine . Eu effet il sut entrer, si profon-
dément dans la confiance du Souverain Pontife, qu'il devint
l'homme indispensable, et reçut bientôt la glorieuse missi-
on d'aller éteindre dans le cœur d'Edouard III , roi d'An-
gleterre , toute prétention à la couronne de France , et
empêcher ainsi la désastreuse guerre de cent ans .
D'Hérédia arriva trop tard pour entamer des négociati-
ons qui auraient décidé le roi d'Angleterre à accepter la
médiation du Pape ; Anglais et Français étaient déjà en '
présence près de Crécy : d'Hérédia se jette dans le camp
Français et prend part à cette fameuse bataille (1346), pen-
dant laquelle il sauva la liberté et peut-être la vie à Fhi-
lippe-le-Bel ; car celui-ci démonté .entouré par un parti
ennemi , serait infailliblement tombé entre les mains dea
Anglais , si d'Hérédia ne lui avait donné son propre cheval
et maintenu les poursuivants jusqu'à ce que le Roi fut ea
sûreté au Château de Broje .
Innocent VI ayant succédé à Clément VI, (1352), la fortu-
ne et le crédit d'Hérédia s'accrurent considérablement soua
saovGoOt^lc
184 HISTOIBS
le noareau Pontife dont il était l'atni particulier . L'ambi-
tieux aragonaÏB , nommé gouverneur d'Avignon et de tout
le comtat Venaissin, exerçait à la cour Papale une autorité
plus réelle que celle du Souverain Pontife lui même . Pos-
eeseeur d'immenses ricliesses , il acheta pour son fils toutes
les dépendances du château de Mora de Yalboune et le com-
té de Fuentes en Espagne ; habile courtisan , il poussa la
générosité jusqu'au point d'entourer de formidables forti-
fications la résidence du S^- Père , qui ne voulant pas être
en reste de courtoises attentions , lui conféra la jouissance
des riches Prieurés de Castille et de S'- Gilles .
Comme c'était en réalité l'Ordre qui faisait tous les frais
de ces riches présents mutuels , le Grand-Maître Roger de
Pins essaya (1364) de rappeler d'Hérédîa au sentiment de
son devoir ; il lui députa deux Chevaliers qui l'exhortèrent
à se désister de tous les privilèges que le Pape lui avait
accordés ; en même temps ils lui ofirirent comme compen-
sation , le titre de Lieutenant général du Grand-Maître en
Jlurope . D'Hérédia accepta le titre et garda toutes ses an-
' ciennes prérogatives . Accusé alors publiquement par le
Chapitre > il fut solennellement acquitté par le Pape , qui
adressa même de sévères remontrances à Roger de Fins .
Mais le crédit du favori ayant sensiblement diminué sons
les pontificats d'Urbain V (1365) et de Grégoire SI (1370),
il concentra tons ses efforts k rentrer en grâce auprès du
Chapitre de Rhodes , et telle fut son habileté que lorsqu'on
1376 Robert de Julliac mourut , il fut choisi pour lui suc-
oéder.
Il 66 préparait à partir pour Rhodes avec une flotille de
ïieuf galères et de quelques transports conatxTxits et équipés
D.qit.zeaOvGoOt^lc
185
îi ses frais, lorsque le Pape Grégoire XI se décida à repor-
ter le aiége Pontifical dans la ville de Rome , que les pré-
décesseura avaient quittée depuis 70 ans . D'Hérédia ai-
mant le faste et les honneurs , offrit au Pape , qui accepta
avec plaisir, de l'escorter jusqu'à Ostie (1377) .
Ayant pris ensuite congé du Souverain Pontife , d'Hé-
rédia se dirigeait vers Ehodes , lorsqu'il rencontra la flotte
Vénitienne qui allait dégager Patras dont les Turcs s'é-
taient emparés . L'Amiral Vénitien n'eut pas de peine à
l'entraîner dans l'entreprise . Le Vénitien était d'opinion
de réduire la rille par la famine; mais d'Hérédia moins
patient que lui , pressé d'ailleurs d'arriver à Rhodes oik
l'appelaient d'importantes nffnires , ayant reconnu la fai-
blesse de la place , oixlonne l'aseaut , saisit' une échelle , et
malgré son âge avancé , il monte Bur les mijrs , rencontre
le gouverneur . lé tue , lui tranche la tête et la montre aux
siens qui, se précipitant en foule , s'emparent de la ville
en quelques instants .
Enivré par le succès, d'Hérédia propose la conquête de
toute la Morée ; le Général Vénitien accepte avec empres-
sement _ et l'année s'avance jusqu'auprès de Corinthe. Mai»
le Grand-Mattre s' étant ti-op exposé dans une reconnais-
sance, tombe dans une embuscade , voit son escorte taillée
en pièces , lui-même est désarmé et obligé de se rendre
prisonnier .
Pressé par les Chevaliers , le général Vénitien proposa
aux Turcs de leur rendre Patras pour la rançon du Grand
Maîti-e ; ceux-ci refusent ; à la première proposition on a-
joute aloi-s une somme considérable que l'Ordre offre de
payer , et les Prieurs de S. Gilles, de Rome et d'Angleterre
D.qit.zeaOvGoOt^lc
186 HlffTOIBI
qui Be trouvaient à l'amiée , proposent de se constituer en
otages pour la garantie du payement . Les Turcs accep-
tent, mais d'Hérédia oppose à toutes les prières qui lui sont
faites, la plus chevaleresque obstination , refuse son con-
sentement , nomme son Lieutenant Général Bertmnd de
Flotte, et se résigne à passer trois années dans la plus dure
captivité , plutôt que de sacrifier les intérêts de l'Ordre .
Racheté enfin par sa famille en 1381 , il put venir à
Bhodes , et assumer les fonctions de sa charge .
Cependant , la double élection de Clément YII et d'Ur-
bain YI (1578) , en divisant l'Égli&e . avait aussi divisé
l'Ordre en deux factions , dont la première avecd'Hérédia,
se prononça en faveur de Clément , tandis que l'autre a-
yant à sa tête Bichard Carracciolo , G-rand-Frieur de Ca-
poue, se déclara pour Urbain VI. Celui-ci excommunia
d'Hérédia et nomma à sa place Carracciolo . Cette regret-
table mesure donnait à l'Ordre deux Grands-Maitres , mais
elle n'eut pas toutes les conséquences qu'Urbain se flattait
d'en obtenir ; car sauf les Langues d'Italie et d'Angleterre,
qui se prononcèrent pour Carracciolo, tout le reste de l'Or-
dre demeura attaché à d'Hérédia et son Compétiteur dut se
contenter d'ajouter un raln titre à ses fonctions de major-
dome du Pape, qu'il conserva jusqu'à sa mort (1395) .
Désireux de rétablir la concorde , pressé par la pénurie
du Trésor, auquel les Commandeurs, profitant du schisme,
se dispensaient d'envoyer leurs responsions, D'Hérédia se
rendit à Avignon pour supplier le Pape de trouver un re-
mède à cet état de choses . Clément convoqua plusieurs
Chapitres qui eurent pour résultat de rappeler à leur devoir
la plupart des dissident^ . Les sommes que ceox-ci versèrenti
saovGoOt^lc
j . F . d'hebedia 1S7
augmentées de celles que le Grand-Maître fournit généreu-
sement de ses propres ressources , lui permirent d'armer
plusieurs vaisseaux ; Us furent dirigés sur Rhodes, menacée
par Bayazid I surnommé YJdîrim .*
Jean-Ferdinand d'Hérédia , qui depuis sa captivité s'é-
tait entièrement adonné à l'exercice des bonnes œuvres et
au rétablissement de la discipline , mourut à Avignon en
Mars 1396 , à un âge très avancé , après avoir doté l'Ordre
de sages règlements , et le n-.onde d'établissements pieux
destinés au soulagement de l'humiinité . La fin de sa vie ,
ne répondit pas comme on le voit au commencement de sa
carrière , et Vertot ** a bien conclu en disant "qu'il aurait
été à souhaiter qu'il ne fut jamais entré ^ans l'Ordre , ou
que la condition humaine lui eut permis de n'en quitter
jamais le gouvernement ".
Son corps fut inhumé dans le monastère de N . D . do
Caste en Espagne , dont ou lui attribue la fondation .
C'est également à ce Grand-Maître que l'on attribue la
construction de la forteresse connue sons le nom de Chd-
teau-Eouge (Castellonso) que prit dès lors l'ilc de Cisthèné,
sur la côte de la Lycie .
• Bnjazet somomme la Fondn ,
•• HUt.deflCbov. i. V.
saovGoOt^lc
CHAPITRE XVI.
^cttijum firanù-lpaitrt s ^jjahts
A peine informé de la irort d'Hérédia ,1e Chapitre de
Rhodes élut pour 6on succeBseur Philibert de Naillac , ori-
'ginaire du Berry . Grand-Prieur d'Acquitaine , il était
avantageusement connn et par sa grande sagesse et par sa
valeur indomptable .
Le nouveau Grand-Maitre était destiné à lutter contre
deux adversaires également redoutables : Bayazid d'abord,
et plus tard Timour-Lenk (Tamerlan) , qui devait arrêter
If B progrès du premier et contre-balancer sa formidable
puissance .
Devenu phef effectif des Osmanlia en 139.4. Bayazid avait
déjà battu les Hongrois à Nicopolis (1393) . Légalement
D.qit.zeaOvGoOt^lc
PHIL. DE SAIUAC ' 189
nommé Sultan en 1394 , il était prêt à soutenir la guerre
que lui avaient déclaré les Hongroia , aidés cette fois pat
Ctarlea VI roi de France, Philippe-le- Hardi duc de Bom--
gogne, la République de Venise et Michel Paléoldgue Em-
pereur de Constantiuople . Le Fay.e ayant invité les Che-
valiers à entrer dafis la ligue, ceux-ci rejoignirent les alliés
dans les plaines de la Hongrie peu de jours avant la secon-
de bataille de Nicopolis (1396) , qui fut si fatale à l'armée
Chrétienne .
De Naillac et Sigismond roi de Hongrie, ne durent leur
salut qu'à une frêle embarcation qu'ils eurent la chance do
trouver sur le borcj du Danube ; ils eu descendirent le cours
au milieu d'une grêle de flèches , dont aucune ne les attei-
gnit . Arrivés enfia à l'embouchure du fleuve , ils furent
recueillis par la flotte qui y stationnait et qui les conduisit
Cette Ile devait servir d'asile h. toutes les tictlmes de
Bayazid : Thomas Paléologue qui gouvernait la Morée ,
fuyant devant Veuvahisseur , se réfugia h. Rhodes , et céda
sa Principauté aux Hospitaliers, avec promesse do leur li-
vrer les villes de Sparte , Covinthc et d'autres forteresses,
qui n'avaient pas encore ouvert leurs portes au conquéi-aut
Turc.
Mais celui-ci fut rappelé en Asie par les exploits de
Timour-Lenk ; en s' avançant au cœur des Etats Ottomans,
il se déclarait le protecteur des petits potestats dépossédé;*
par Bayazid, et devenait ainsi un adversaire d'autiint j.lus
redoutable, que les populations soumises devaient le coum-
dérer comme un libérateur; alors la Moiée , évacuée par
Bayazid , suivant l'impulsion donnée par Sparte , réfuta do
D.qit.zeaOvGoOt^lc
190 HISTOIBI
reoonnaitre la cession faite par Thomas Paléologae et d'ac-
cepter le gouTernement des Chevaliers . D est à croire qao
Paléologue repenti du marché qu'il avait conclu , encoura-
gea les mutius, à la tête desquels se trouvait l'évêque Grec
de Sparte . Le Grand-Maître qui voulait bien acheter la
Morée , mais non en tenter la conquête , fut forcé de con-
Eentir h, résilier le contrat et à recevoir de Paléologue une
partie seulement des sommes qu'il lui avait avancées, et
dont le solde ne fut recouvré que beaucoup plus tard , et
avec difficulté .
De Naillac (et non de Gozoïï, comme l'assure le Colonel
Rottiers) , fit élever vers 1400, la fameuse tour qni portait
Bon nom , celui de S'- Michel , de S^^ Ange , que quelques
Voyageurs ont à tort désignée aussi sous celui de S^- Nicolas,
mais qui est plus communément connue sous le nom de Tour
des Arabes {Arap CmdeJt) . Haute de 49 mètres , elle avait
trois étages carrés, couronnés par un parapet à mâchicou-
lis , fianqué de quatre tourelles suspendues aux quatre
coins supérieurs . Au centre s'élevait une lanterne octogo-
ne entourée d'un escalier qui conduisait îi la plate-forme,
d'où l'on jouissait d'une vue mnguifique, non svulement sur
la ville et ses environs , maïs jusqu'à une grande distance
en mer des deux côtés Est et Ouest de l'Ile . Sur le para-
pet étaient enchâssés les écussons de l'Ordre et de de Nail-
lac . Une arche en pierres de taille reliait U tour à une
terrasse, large de 21 pieds et haute de 36 armée de ca-
nons, qui autrefois commandaient puissamment les deu:s
ports.
liS tour n'existe plus ; elle a été renversée par le tremb^e-
meat de terre de 1863 , et sur la terrasse , une batterie de
D.qit.zeaOvGoOt^lc
PEU. DE NAILLAC 191
saint , remplace les canons redoutableB qui ceignaïeut la
ville d'une barrière de fea .
D'une ouverture que l'on voit encore au pied de cetta.
tour , partait la grosse chaîne avec laquelle on fermait le
port pendant la nuit . Elle a été conservée à Hhodes jas-
qu'en 1343, dans ug magasin du Couvent (caserne actuelle),
et depuis expédiée , dit-on & Constantinople . Elle ne me-
Burait pas moins de 750 pieds , et chacun de ses anneaux
avait un pied et demi de long .
Cependant Bajazid et Tlmour-Lenk venaient de ee me-
surer dans la plaine d'EnJuilu • (1401) , et le farouche
Tartare , vainqueur de l'Osmanli , l'envoyait terminer ses
jours à Samarcandei dans la plus dure captivité . Jamais
occasion plus favorable ne pouvait se présenter aux prin-
ces Chrétiens de l'Orient, pour se délivrer des deux ennen'is
à la fois ; ils n'en profitèrent pas ; et en attendant , Isaak ,
Moussa , Suleïman et Mohammed , fils de Bajazid , se dis-
putaient la succession de leur père et allumaient la guerre
civile dans les pays dont ils enviaient la possessioq .
Manuel Paléologue se déclara en faveur de Suleîmas
d'abord, puis de Mohammed; les Serbes et les Btilg-arcs
appuyèrent Moussa , les Chevaliers indécis et isolés , restè-
rent dans l'expectative . Cependant Timour-Lcnk poursui-
vait ses conquêtes .
Irrité de voir les Hospitaliers posséder une ville aussi
importante que Smyrne , tandis que tout le pays environ-
nant avait déjà courbé la tête devant son autorité , le fier
' Angora ou Anoyro .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
192 msToiBB
conquérant ce présente en personne devant le château de
la mer , et somme le Commandant , G-uillaume de Mine .
d'arborer ses enseignes Eur les remparts . L'intimation
ayant été rejetée avec hauteur, Timour-Lenk procédai
l'attaque .
Laissons maintenant la parole à Sefet-el-din , auteur
. coutemporaiu Persan , qui après noua avoir appris que le
château de Smyrne , possédé par les Chevaliers , causait les
plus grands dommages aux Musulmans , continue en ces
termes :
"Timour-Lenk envoya le Miîza Pir-Mohammetl , l'Emir
Cheh Nour-el-din , et autres , auxquels il ordonna de som-
mer d'abord les infidèles * d'embrasser la religion Maho-
métane , selon l'ordre du Saint Prophète ; que s'ils avaient
le bonheur , de se convertir , on eut à les bien traiter , et
qu'on lui en donnât avis immédiat , aân qu'il put les com-
bler de ses faveurs ; que dans le cas où rcfosant de se con-
vertir, ils voulussent tout en restant Chrétiens, se soumet-
tre au fyzratch J qui leur serait imposé , on en dressât acCe ;
mais que si pour leur malheur ils voulaient résister h ses
armes victorieuses, ils fussent tous passés au 61 de l'épée ".
"Le Mirza et les Emirs obéirent immédiatement, et étant
arrivés devant Smyrne, ils envoyèrent un parlementjiire
pour inviter les habitants à se faire Musulmans ; mais com-
me ils étaient prédestinés à périr , les promesses et les
menaces furent inutiles . Mahumy f qui était gouverneur
* Lisez : Let Bo»f>iiaiier» .
t Tribut, Capitetion.
t Saoa doute , de Mine ( GiùUani
eaovGoOt^lc
PBIL. DE RAILLA.C 193
de la \ille , arait envoyé demander des seooara 11 tons les
Princes d'Europe , qui lui envoyèrent beaucoup de braves
guerriers Chrétiens , ou pour mieux dire nne bande de
diables enragés , des munitions de guerre et de boucbe ".
"Ses généraux l'ayant informé de cet état de choses ,
Tîmour résolut d'aller lui-même conquérir Smyme . II
laissa le gros de ses bagages aux pieds de Zi'reh , et mon-
tant à cheval , soutenu par sa ferveur religieuse , il avança
à marches forcées . malgré la mauvaise saison et les pluies
continuelles . Le sixième jour du mois de Djémazul-Evel
805 , (1402 de J . C .) il se îrouva h, la tôte de son armée ,
et' envoya au Sultan Mohammed • , qni avait pris ses quar-
tiers d'hiver & Manissah** , l'ordre de le rejoindre devant
Smyme . Le même ordre fut envoyé au Mirza Simirin-
Cheh et k Bonlien , ainsi qu'à l'Émir Géhan-Ghah et aux
autres chefs ".
' " Lorsque TiAour arriva au camp , on battit les tambours
et les timbales , et toute l'armée poussa des cris de joie .
La place fut immédiatement attaquée du côté de la teiTO
feime , et chaque général fit dresser des machines et des
béliers contre les murs , qui furent sapés dans leurs fonde-
ments . Des pots remplis de feu grégeois furent lancés dans
la place , et des flèches enflammées furent dirigées contra
la porte du Château ".
" L'Emir Chah-Mélok fît construire des radeaux qui
s'élevaient à trois pieds au dessus du niveau de l'eau ; gar-
nis de planches , ils furent reliés entr'eux , et posés des deux
* Probublemcnt lo fils do Bayazid ,
saovGoOt^lc
194 ' BISTOIBI
côtés du château ; leurs extrémités se touchant, ils formaient
une espèce de chemin uni triangulaire , sur lequel les sol-
dats pouvaient se tenir et ae battre avec autant de sûreté
et d'assurance que s'ils étaient en terre ferme . Alors les
Musulmans s'armant de leurs boucliers , s'élancent et don-
nent l'assaut au château , auquel nul ne pouvait porter se-
cours, le canal étant ainsi fermé".
" En même temps arrivëreut les différents Mîrzas , le
Sultan Mohammed etMiran-Chah , qui avaient laissé leurs
bagages à Manissab sous la garde de l'Emir Cham-Eddin-
Abaz . Timour voyant ses forces augmentées par ce renfort,
ordonna un assaut général . Les Emirs de Louman et les
chefs de Hessarieh , s'avançant , commencèrent l'action , et
l'assaut dura du matin au soir et du soir au matin ; les
braves guerriers des deux partis firent des prodiges de va-
leur . Si l'attaque fut vigoureuse , la défense ne fut pas
moins ferme . et personne n'eut le temps d6 prendre quel-
ques instants de repos . Si les béliers et autres machines
battant les murs et les tours les ébi-anlaient jusque dans
leurs fondements, les assiégés n'en restaient par moins bra-
vement à leur poste , jetant sans cesse dans le camp Mu-
sulman des pots de feu grégeois et de naphte , des Qèchea
en forme de roue , des fusées et des pierres ".
" Il pleuvait si souvent et si fort cette anuée \h, , qu'on
aurait dit que le Monde dût s'abîmer sous un second délu-
ge , et pourtant Timour , bravant la m^uvaise saison , et vit
continuellement sur pied , donnant des ordres h, ses géné-
raux , et excitant ses soldats . Lorsque les sapeurs curent
comblé les fossés , on appuya contre les murs et les bas-
tions bon nombre de fascines et de fagots enduits de uapht-o
D.qit.zeaOvGoOt^lc
PHIL. SB NAILUC 195
et on ; mit le feu . Les murailles déjà ébranlées en furent
renversées , et bon nombre d'assiégés entraînés par leur
chute", furent tués . Les Musulmans les forcent l'épée à la
main , de quitter ces brèches qu'ils défendent encore , et
vainqueurs enfin , ils péaètrent dans la citadelle en louant
Dieu et en portant en triomphe les têtes des ennemis . Il
7 en eut bien peu qui réussir<»it à se soustaire aux coups
des vainqueurs en ee jetaut à In mer et en gagnant à la na-
ge les vaisseaux qui les recuellliient ; encore s'en noya-t-il
beaucoup . Les Musulmans nisèrent les maisons tant de la
ville que du château , et en jetèrent les matéiiaux dans la
mer , sans excepter les roeub!es qu'elles contenaient ".
■ "Il était arrivé d'Europe ûc grands navires appelés
Caraques , garnis de deux et quelque fois de plus de deux
mâts ; ils étaient chargés de gens de guerre et d'armes que
l'on envoyait à ceux de Smyrne . Lorsqu'ils s'approchèrent,
ils virent qu'il ne restait plus rien de la Ville et du châ -
teau ; ils eurent peur et s'arrêtèrent . Timour ordonna que
l'on jetât sur ces navires quelques têtes de chrétiens , et cet
ordre ayant été exécuté par les lanceurs de feu grégeois ,
les nouveaux arrivants reconnurent les têtes de leurs amis
et s'enfuirent intimidés et déçus dans leurs espérances ".
C'est ainsi que s'exprime as^ez naïvement , comme ou le
Toit , l'auteur Persan , qui ne nomme même pas les Cheva-
liers . On n'a pourtant pas de peine à les reconnaître îi leur
héroïque défense .
L'Ordre n'avait h, regretter en perdant le château de
Smyrne , que la vie des braves qui y avaient péri ; quant ^
ses intérêts , ils n'en souffraient point . Une autre conquête
pouvait lui être plus utile, car elle était comme une
D.qit.zeaOvGoOt^lc
196 HISTOIBE
sentinelle avancée sur la côte de la Carie , et en face do l'Ile
de Cos , centre des possesaiona de l'Ordre .
Nous voulons parler d'un petit château datant du Moyen
Age , bâti sur les ruines d'Halicarna&se , et construit en
grande partie des débris du magnifique tombeau que la rei-
ne Ârtéuiise avait élevé à son mari Mausole . Ce château ,
défendu par une petite garnison , fut facilement enlevé par
les Chevaliers . Philibert de NaiUac qui dirigeait l'attaque,
ayant reconnu la faiblesse de ce fort, en oidonna la démo-
lition , et se Eervit de ses matériaux pour en construire un
nouveau fondé sur le roc, k l'extiémité de la petite pres-
qu'île qui protégeait l'ancien portd'Halicaniaase . Il donna
& ce château le nom de S'- PieiTe , que les Turcs traduisi-
rent par Bedros (Pierre) , et qui par corruption s'appelle
aujourd'hui Boudroum .
Les fragments que le savant archéologue M'- Newton
découvrit dans les murs de ce château , le mirent sur la voie
du Mausolée, mine précieuse, qu'il exploita longuement .
Les Turcs ne se doutent pas qu'ils gardent aujourd'hui
Boudroum pour la défense de la religion Catholique ; c'est
du moins ce que déclare une inscriptiou latine enclavée dans
un des murs de la forteresse : pi-opter Jidem Catholicam tene~
mm locum istum .
En 1460 , Rhodes reçut la visite de deux flottes ; la pre-
mière composée de sept gros vaisseaux et de neuf galères
Génoises , était commandée par le Maréchal de Boucicaut,
déjà célèbre par ses exploits sous les murs de ConatantiDO-
ple , et alors gouverneur de Gênes pour la Frauce, sous la
protection de laquelle cette République s'était mise ; l'au-
tre battant le pavillon de S'- Marc , était sous les ordres dâ
D.qit.zeaOvGoOt^lc
PHIL. BB MAHiiC 197 -
l'Amiral Carlo Zeao . Celui-ci surveillait tout simplement
Boncicaut qu'il soupçonnait de nourrir d'autres projets que
ceux qu'il avouait , et dont le but réel était de délivrer la
ville de Famagouste de Chypre , que le Roi de cette Ile
voulait enlever aux Génois . Le désaccord se mît bientôt
entre les deux chefs ; leurs i-apports qui s'aigrissaient de
jour en jour , faisaient craindre une rupture , lorsque Carlo
Zeno, cédant aux conseils du Grand-Maître, se dirigea vers
la Morée , tandis que Boucicaut restait à Rhodes , où Phi-
libert de Naillac et les Chevaliers, ses compatriotes pour la
plupart , le comblaient d'amitiés et de prévenances .
Cette conduite de la part des Hospitaliers était aussi po-
litique que cordiale; il ne leur convenait pas en effet que
les Génois attaquassent l'Ile de Chypre où ils avaient d'im-
portantes possessions , eb qui était comme une première
barrière opposée aux tentatives des Sarrasins contre Bho-
des . AUiée à celle-ci , elle servait de refuge aux flottes de
l'Ordre , lorsqu'elles étaient en course le long de la côte
Syrienne . Aussi le Grand*-Maître sollicita et obtint du
Maréchal un délai convenable pour intervenir comme mé-
diateur dans le différend ; afin de rendre l'entente plus fa-
cile , après avoir amené Boucicaut aux conditions les plus
conciliantes, il se rendit lui même à Chypre pour persuader
le Roi de cette Ile de renoncer à un projet qui serait aussi
fatal à ses propres intérêts qu'à ceux de toute la Cbrétienté .
Pour occuper ses loisirs pendant que le Gi-and-Maître
remplissait sa mission, Boucicaut attaqua Iskeiidérouna ou
Alexandrette , sur la côte de Syrie , dont deux fières se dis-
putaient la possession . La ville emportée fut n'ise à. sac et
le Maréchal se disposait à poursuivre son entreprise, lorsque
D.qit.zeaOvGoOt^lc
198 HisToai
des Ambassadeurs du Seigneur en possession du pays, vin-
rent lui faire des propositions de paix d'autant plus avan-
tageuses , qu'elles lui assuraient une alliance précieuse dans
le cas où les négociations entamées par de Naillac n'abou-
tissant pas, il aurait à attaquer le Koi de Chypre .
Cette campagne terminée en une quinzaine de jours,
Bouoicaut vint croiser en vue de Chypre ; mais le Grand-
Maître avait déjà convaincu le Boi Jean II du danger qu'il
y a\ait pour lui de se mettre en guerre avec les G-éaois ;
une seule difficulté s'élevait encore ; celle d'une indemnité
que le Roi avait enfin consenti à payer , mais pour laquel-
le il demandait un terme que Boucicaut n'acceptait pas .
Philibert de Naillac étant parvenu à en fixer la somme à
70,000 Ducats , n'hésita pas à la faire payer par le Trésor
de rOrdre , contre dépôt de la couronne royale , de vases
d'or et d'argent et de pierres précieuses , qui furent ra>
chetées par la suite .
Le différent ainsi aplani à la satisfaction générale, le
Grand-Maître et le Maréchal résolurent de faire quelques
excursions le long des côtes de la Syrie avant de retourner
à Rhodes . Ils se dirigèrent d'abord vers Tripoli qu'ils -
croyaient surprendre , mais qu'ils trouvèrent avertie et sur
ses gardes ; aussi ne se sentant pas assez forts pour entre-
prendre le siège d'une ville défendue par une nombreuse
garnison , les alliés reprirent le large après avoir fait un
débarquement, et dispersé un corps d'armée qui voulait s'y
opposer. De là, ils se dirigent sur Beyrouth , l'aticienca
Béryte , qu'ils trouvent également informée et sur le qui
vive . L'avis venait de la part des Vénitiens qui y possé-
daient plusieurs comptoirs commerciaux . Cependant les
D.qit.zeaOvGoOt^lc
FHtL. DB KAILUC 199
alliés débarquent perEqne sans difficulté et s'emparent plm
facilement encore de la ville , qu'ils mettent an pillage . Ils
se dirigent ensuite sur Saïda , l'ancienne Sidon , mais le
mauvais temps plus que l'ennemi toujours prévenu par les
Vénitiens , les oblige à renoncer à leurs tentatives . Le
Grand-Maître regagna Rhodes avec ses navires chargés de
butin , et heureu:t d'avoir prévenu les hostilités entre le
Royaume de Chypre, et la République Génoise.
Il ne tarda pas à recevoir des Ambassadeurs du Soudan
d'Egypte qui sollicitait la paix , et l'obtint aux conditiona
dictées par de Naillac . Il fut stipulé entre autres choses ,
que celui-ci pourrait entretenir à Jérusalem six Chevaliers,
exempts de toute redevance , et autorisés à recevoir dans
leur Hospice les pèlerins Chrétiens ; le même traité stipu-
lait que l'Ordre avait le droit de nommer des Consuls h
Alexandrie et à Ramlah .
Quant à Boucicaut , il faisait route pour Gênes , lorsque
surpris près des côtes de la Morée par les Vénitiens qni ne
lui pardonnaient pas le eac de Beyrouth , il subit une san-
glante défaite .
Cependant , le schisme qni divisait l'Église Romaine, sub-
sistait toujours ; Benoit XIII et Grégoire XII se dispu-
taient la succession de S'- Pierre . Les Cardinaux désireux
de mettre iin terme à ces regrettables dissensions , convo-
quèrent un Concile général qui se réunit à Pise (1409) et
afin d'assurer la liberté de l'électios, on confia la garde du
Conclave îi Philibert de Kailkc et à ses Chevaliers . II ré-
sulta de ce Concliive l'élection d'Alexandre V , et l'Église
eut alors trois Papes au lieu de deux . De Naillac fut dé-
claré seul et légitime Grand-Maître , mais cela n'empêcha
saovGoOt^lc
200 HISTOIBB
pas que les Commandeurs d'Angleterre , d'Ecosse , d'Ara-
gon , d'Allemagne , d'Italie , de Hongrie et de Bohème, re- '
fusassent pour la plupart de la reconnaître pour tel, et sur-
tout de lui envoyer leurs responsions .
lie Trésor se trouvant épuisé et la discipline relâchée
par suite de la division qui régnait , Philibert de Naillao
convoqua un Chapitre général , qui devait d'abori£o tenir
h Nice, et fut par la suite transféré à Aix en Provence .
Il se disposait à en faire l'ouverture , lorsque le Pape le
chargea d'une mission de paix auprès de Charles YI Roi de
France et de Henry IV Eoi d'Angleterre (1410) . Il l'accep-
ta non seulement par obéissance , mais aussi dans l'espoir
de persuader aux deux Souverains , surtout à celui d'An-
gleterre , d'user de leur influence auprès des Commandeurs
récalcitrants pour les rappeler à leur devoir , et enfin, d'u-
nir leurs forces pour arrêter les progrès des Turcs . Il se
fît donc remplacer par les Prieurs d'Auvergne, de Toulou-
se et de Lombardie dans la présidence du Chapitre général ,
qui confirma dans toute leur force et teneur les anciens
règlements et en promulgua de nouveaux destinés à mettre
un terme aux irrégularités et aux abus dont la plupart des
Commandeur , Baillis et Prieurs se rendaient coupables .
Mais la désunion qui continuait toujours dans l'Ordre com-
me dans l'Église , rendit aussi infructueux les projets ca-
ressés par le Grand- Maître, que les décisions du Chapitre .
Si d'importantes questions appelaient de KaiUac à Rho-
des , si dans le but de le faire l'evinir promptement , on y
adressait même au Ciel des prières publiques , des intérêts
non moins graves , l'obligeaient à prolonger son séjour en
Europe . Pendant son pontificat, Jean XXIII avait commis
D.qit.zeaOvGoOt^lc
PHIL. DE NAILLAC ^^hm^^ 201
on laissé commettre par son entonrage plusienrs abus de
pouvoir qui portaient la plus grave atteinte aux privilèges
et aux possessions de l'Ordre. Il était à craindre que l'abus
nne fois admis , on le vit non seulement se continuer, mais
se répéter dans l'avenir ; il était donc urgent de le répri-
mer. De Naillao s'étaut entendu avecle Conseil de Rhodes,
fît adroflKr par celui-ci au Souverain Pontife une lettre très
re-'pectueuae , mais en même temps très fenne . Il y repré-
sentait d'abord la vie de privations et de dangers continuels
que subissaient les Chevaliers résidant à Rhodes et dans
les postes qui en dépendaient ; il observait ensuite que si
rOnîre était riche , ces richesses étaient dues à ecs mem-
bres qui y apportaient toute leur fortune, ou à des dons
volontaires destinés îl la défense et à la protection des
Chrétiens ; qu'en détournant les revenus des Commanderiea
que l'Ordre avait acquises, on privait son Tésor du moyen
de faire face aux nécessités de la situation ; qu'en confé-
rant l'investiture de ces Commanderies à des enfants qui
ne portaient que l'habit de l'Ordre sans on supporter les
charges , ou à des particuliers qui ne visaient qu'à leur
bien-être, on privait les Chevaliers d'une jmte récompense
de leurs services , et du repos auquel ils avaient le droit
d'aspirer dans leur vieillesse , après avoir sacrifié toute leur
vie au service de l'intérêt général de la Chrétienté ; que cet
état de choses en se prolongeant, mettait l'Ordre dans l'im-
poEBÎbilité de se soutenir ; que le découragement qui avait
déjîi gagné quelques Chevarcrs , deviendrait général ; qua
chacun retournerait dans sa fiimille pour y trouver une
subsistance à laquelle l'Ordre ne pourrait bientôt plus pour-
Toir , abandonnant ainsi une cau:e à laquelle le S'- Siège
D.qit.zeaOvGoOt^lc
portait une séi-îeuse atteinte , au lieu de lui prêter tout
l'appui de son influence et de son crédit .
Cette lettre appuyée par le Grand-Maître en personne ,
la crainte d'une plainte publique, les difficultés de sa sittia-
tion , décidèrent Jean XXIII à restituer à l'Ordre une de
ses possessions dont il s'était emparé , et à révoquer l'in-
vestiture d'une Commanderie importante qu'il av^ accor-
dée , moyennant finance , à un bâtard de Jacques de Lusi-
gnan , Roi de Chypre ; mais l'Ordre dût , pour faciliter la
solution , rembourser de ses propres deniers la somme im-
portante que le Pape avait fait payer au Roi .
Enfin , le Concile de Constance (30 Mars 1415) , qui pro-
voqua l'abdication de Jean XXIII , et la nomination de
Martin V , mit fin à toutes ces divisions, et alors seulement
les Chevaliers rebelles rentrèrent dans l'obéissance , et
Philibert de Naillac put se considérer comme le Grand-
Maître reconnu et accepté de tous .
Il lui restait encore îi pourvoir aux besoins les plus
pressants de ceux qui soutenaient les intérêts de l'Ordre à
Rhodes et dans les autres Iles, et comme il fallait du temps
pour KO procurer des fonds par la rentrée des arriérés , il
envoya 18,000 écus de ses propres deniers, qui furent em-
ployés h, l'achat de provJBious , et au soulagement de la po-
pulation , victime d'une affreuse disette .
Après avoir tout mis en bon ordre en Europe , il put
partir pour Rhodes , oià il arriva dans le mois de Juillet
1419 ,au milieu de l'allégrcsso générale des Chevaliers et
des indigènes .
Afin de confirmer et d'assurer l'union et la concorde en-
tre ceux qui lui étaient restés fidèles do tout temps et les
D.qit.zeaOvGoOt^lc
FBIL. DB HAILLAC 203
anciens dissidents , il convoqua h Bhodes un Chapitre gé-
néral , qui répondit entièrement au but que se proposait le
pieux et sage Grand-Maître .
On aurait dit que la mort attendait qu'il eut entjèrerrent
rempli la mission de paix et de concorde à laquelle la Pro*
vidence l'avait destiné vers la fin de sa carrière , pour le
ravir à l'amour et au respect de ses Chevaliers et de ses
sujets .
Trois inscriptions ornaient son tombeau dans l'église de
S*- Jean :
ERODIOEVM DKCE . AVERKI EQ . POSVEBVHT .
FEIUBEUTO DB HAILLAC S . KQ . H . M . U . U . QVOQ . lUITATIO-
mS HËSRia SCaLEQULHOII EQTITIS QEEHAKI : QTI , TIUVRI SCT-
TEABTU EEGE ASIAM OCCTPANTB , IN COMTINBNTI CAEL£ SE MVKIBB
TALLO CONTRA BABBABOS AT8V8 FTIT EX UAVSOLÉI BVINIS ABCEU
BT PEOPVGNACVLA IN HAUCAENA8S0 BTEVïIT
HOTAU COND. TBBEM JTSTIT . QTE DEItIT GENTSS FK£NA&é
SVPEBBAS.
"Far un décret, les Chevalieirs d'Auvergne à Rhodes,
ont élevé ce monument ".
■"A Philibert de Naillac , Grand-Maître de la Sainte Mi-
lice de Jérusalem . A l'instar de Henri Schlegmihoit , che-
valier Allemand , tandis que Ttmour roi des Scythes , oc-
cupait TAsie, il a osé élever des retranchements dans b
Carie contre les barbares . Des i-uines du MauBoIée , il À
construit une citadelle et des remparts dans HHl!carnaSïe"u
"Il a dû à son équité d'élever une ville nouvollo, tt i.'
imposer un frein à des peuples superbes ".
saovGoOt^lc
CHAPITRE XVII.
ANTOINE FLUVIAN
1421 1437
f mente <!iranIr-^Httrt a %}iahts
OrigÏDaire de la Catalogne , Antoine Fluvian , que quel-
ques auteurs nomnient aussi de la Rivière , était Grand-
Drapier de l'Ordre, Grand-Prieur de Chypre et Lieutenant
du Grand-Maître , lorsqu'il fut appelé à devenir son suc-
Son magistère commençait dans un moment de grandea
agitations politiques : Mohammed I proclamé Empereur
des Osmanlis en 1413, débarrassé de la rivalité de ses frè-
res, vainqueur généreux des rebelles Caraman-Oglou ,
Mohammed Bey et Iskender Bey . craint par les bandits ,
aimé par ses sujets , respecté par ses voisina , vainqueur
des Yallaquea qu'il a soumis au tribut , des Vénitiens qu'il
D.qit.zeaOvGoOt^lc
AUTOINE FLDTUN 205
a espulfiés de Salonique . venait d& monrir , an moment où
ses Sottes mesaçaient Rhodes et les autres Ilt-s de la Reli-
gion,laissant le trône àson ëIb Mourad II (1422) . Apeine
a-t-il pris en main les rênes de l'État , celui-ci doit com-
battre un certain Moustafa qui , se prétendant tils de
Bayazid , menace sérieusement le nouveau Souverain .
Fre.-que en même temps , Caraman-Oglou levant une fois
encore l'étendard de la révolte , attaque Adalîa (Satalie) ,
et le Prince de Morée, cède Corintbe aux Vénitiens dont
il se fait de précieux alliés . Moustafa , frère de Mourad ►
soutenu par l'Empereur Jean VIII Paléologue, se révolte,
et dispute la couronne au Souverain légitime (1423) . Mais
celui-ci a déjii défait et mis à mort le prétendu fils de Baja-
zid ; il a réprimé la révolte de Oaraman-Oglou , délivré
Adalia , vaincu et fait -étrangler son frère ; si ses armes ne
peuvent emporter la ville de Salonique restituée aux Vé-
nitiens, elles les y maintiennent du moins étroitement blo-
qués , ravagent la Moiée et l'Albanie (1424) , et menacent
sérieusement Constantinople .
La Morée demanda des secours aux Hospitaliers, et ceux-
ci avaient déjà armé les navires qui devaient les lui porter,
lorsque le Grand-Maître , avisé que Mourad se proposait
d'attaquer les possessions de l'Ordre, contremanda le départ
pourlaMorée, distribua ses Chevaliers dans les différentes
forteresses de la Religion, et fit partir la flotte à, la recher-
che des ennemis ; ceux-ci évitaut le combat, se contentèrent
de capturer quelque navires Rhodiens et Vénitiens .
Mais un ennemi plus redoutable que les Turcs, se dispo-
sait à se mesurer avec les Hospitaliers ; ses flottes et st^
marins expérimentés étaient en état de disputer la supré-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
206 HI^OIRK
matie de la mer au paTillon de S'- Jean . Le Soudan d'Egyp-
te Cherefeddin , avait déjîi attaqué Chypre (1426) , et mal-
gré l'aide des Chevaliers et les prodiges de valeur qu'ils
firent, le Roi de cette Hé, fait prisonnier dans une bataille
décisive , fut emmené au Caire . Pendant qu'il y traitait les
conditions de son rachat, les Chevaliers ses alliés, assumè-
rent la protection de ses États, et les SaiTasins, après avoir
essuyé plus d'un sanglant échec , obligés de se retirer, s'en
Tengèrent en ravageant la grande Commanderie que l'Or-
dre* possédait dans l'Ile . La perte matérielle était immense ;
mais constamoient harcelés par les Turcs , il ne convenait
pas aux Chevaliers de continuer les hostilités avec deux
ennemis à la fois ; aussi n'inquiétèrent-ils plus les Sarrasius
après leur retraite de Chypre , et aidèrent-ils de leurs de-
niers au payement de la rançon du Roi .
La paix fut conclue ; mais le Grand-Maître comprit que
malgré les protestations pacifiques du Soudan, il ne devait
la considérer que comme une trêve provisoire. Il prit donc
ees mesures en conséquence ; chaque Prieuré reçut l'oi-dre
d'envoyer à Rhodes 25 Chevaliers et autant d'écuyors . Une
grande quantité d'armes , de munitions de guerre et de
bouche, fut distribuée dans toutes les forteresses de l'Ordre
qui se trouvèrent ainsi en état de faire une sérieuse résis-
tance . Le Soudan dissimula , renouvela ses protestations
amicales, et compta sur le temps pour endormir la vigibince
du Grand-Maître , et sur les dépenses énormes causées par
ce déploiement de forces pour épuiser son Trésor, l'affai-
blir et le réduire à merci ; mais il no compfeiit pus sur la
mort, qui l'enleva avant qu'il eut trouvé le moment tlô
mettre ses projets à exécution .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
ANTOINE FLUVIAN 207
Forcé cependant pour se procurer les moyens de subve-
nir aux dépenses extraordinaires de l'état de guerre , d'hy-
pothéquer une partie des domaines de la Châtellenie l'Eiu-
poafe , le Grand-Maître avait chargé son lieutenant Jean
de Starigues de retirer les cent mille florins qu'on lui avan-
çait , et de les faire parvenir à. Rhodes . Mais au lieu de se
conformer à ces instructions, de Starigues, soit qu'il y trou-
vât son intérêt, soit qu'il crut réellement combiner une
bonne affaire, remit les cent mille florins au Eoi d'Aragon,
qui moyennant cette somme , s'engageait à, armer une flot-
te pour soutenir l'Ordre, dont le besoin était plus en argent
qu'eu hommes ou en navires .
NoD seulement l'emprunt devenait inutile , mais le mar-
ché conclu par Starigues eut pour conséquence d'éveiller
la GuEceptilité des Génois ; en 60*61 en guerre alors avec les
Aragonais, ils y ■virent un acte d'hostilité dirigé contre eux ;
Antoine Fluvian fut bien surpris de recevoir des menaces
de guerre de la part de la République Génoise , au lieu de
l'argent qu'il attendait avec anxiété . Jean de Starigues
fut rappelé , jugé , condamné , privé de l'habit et renfermé
dans le château de Faracle ; mais l'Ordre ne put résilier le
contrat qu'il avait passé , qu'en abandonnant au Roi d'A-
ragon une somme de 61,000 florins sur les 100,000 que'
celui-ci avait reçus .
Cette malheureuse circonstance , laissant le Trésor sans-
ressources, décida le Grand-Maître à couvoquer un Cha-
pitre général qu'il ouvrit à Rhodes le 10 Mai 1428 .*
D'autres dtent la date da 23 Mai 1428 .
saovGoOt^lc
208 HISTOIRE
Après avoir exposé à l'Assemblée la situation , les frais
causés d'abord par les secours envoyés à Chypre , les ar-
memeuts extraordinaires nécessités par les craintes qu'ins-
piraient Mourad d'un côté et le Soudan d'Egypte de l'autre ,
l'épuisement des Prieurés de Fi-ance ruinés par la guerre
que ce Royaume avait dû soutenir contre les Anglais , l'é-
tat non moins précaire des Prieurés de Bobême, de Moravie
de Silésie et de Pologne , les premiers en proie aux désor-
dres causés par les Hussites, la seconde à, ceux des Cheva-
liers Teutoniques , le Grand-Maître conclut en faisant un
chaleureux appel 11 la ferveur de tous les membres de l'Or-
dre pour remédier, autant que les circonstances le permet-
taient à cette situation , et afin de douuer le bon exemple ,
il déclara abandonner au Trésor une somme de douze mil-
le florins qui lui appartenaient.
Il fut arrêté dans ce Chapitre , que, vu les circonstances
extraordinaires , on pourrait aliéner , mais leur vie durant
seulement, en faveur de séculiers, et pour un prix convenu
d'avance , différentes possessions de l'Ordre. Un Grand-
Bailli fut nommé pour toute l'AlIemague e,t la Bohême ,
avec autorité d'Inspecteur pour le château de S'- Pierre en
Carie (Boudrouro) . L'ile de Nissiros fut donnée à bail au
Frère Pantin Quirini , Prieur de Rome , à charge pour lui
de payer à l'Ordre une redevance annuelle de six cents
florins d'or , d'entretenir à ses frais une garuiEOu suffisante
à la défense de l'Ile , et de pourvoir à la subsistance de
deux jeunes Chevaliers et d'un Prère' servant , comme s'il
tenait le gouvernement de l'Ile en qualité de commanditai-
re de l'Oi-Jre .
Cette dernière disposition établit un fait connu par
D.qit.zeaOvGoOt^lc
AKTOIKE FLUTUN 203
tradition , mais que l'on trouve par écrit pour la première
fois , c'est-îi-dire que- les Chevaliers, en prenant l'habit,
étaient nourris et élevés dans les Commandcries comme
dans des Sémiuaires religieux et guerriers à la fois , aux
frais des Commandeurs et sous leur surveillance . Quant à
ceux qui se trouvaient à Rhodes et qui avaient déjà subi
leurs épreuves , ils avaient le droit d'habiter le Couvent ,
ou de résider dans des habitations particulières , mais tou-
jours dans l'enceinte du Castello .
Enfin un règlement émanant du même Chapitre , défen-
dait aux Chevaliers d'aller s'établir à. la Cour de Rome sans
une permission spéciale du Grand-Maître ou du Prieur-
Général de l'Ordre. Sans doute cette mesure était motivée
par la conduite que Jean- Ferdinand d'HéréJia y avait te-
nue , et peut-être aussi pour prévenir les abus qui se com-
mettaient par fois à Rome dans la distribution des dignités
que le Pape ou les Cardinaux conféraient à leurs créatures,
et forçaient ensuite le Grand-Maître à ratifier , malgré sa
volonté et au dêtnment de ceux qui y avaient réellement
droit .
C'est à Antoine Fluvian que le Pays est redevable de
l'agrandissement du quartier Juif , et l'Ordre de la cons-
truction d'un nouveau Couvent . Cet édifice connu sous le
nom de Casenie ou KicMa, et auquel on donne à tort lô
nom d'Hôpital, ne fut eutièrement terminé qu'en 1445 ;
Le plan de cette bâtisse rappelle un peu les gi-ands cara-
vansérails d'Asie ; on y remarquait les battants de ses deux
portes, surtout ceux de la porte principale, qui étaient en
bois de cyprès finement fouillé . Ces portes furent doiniéea
en hommage au Piince de Joinville , lors de sa visite à
D.qit.zeaOvGoOt^lc
210 HISTOIBE
Rhodes .
Fluvian mourut le 26 Octobre 1437 .
On lisait sur le tombeau qui lui fut érigé en 1438 :
ANEY XPWATQN OYiEN ENTOPOEtTAl
TBMFOBE . PACB . PAKCIHONIA .
SQVITE3 CHEBIORIS SISFANI^ ANTONIO FLTTIANO HAQ . 870 .
B . NQ . H . H . PACIS ET FBTOALITATIS ABTIBTS 0RNATI8SIH0 LOH-
QMVO SENI ADHVC VITEKTI DE COMVHI CMIUO KHODII SBNTEN-
TIA . ANHO MCCCCXXXVIII CVM MAQNO POPVU PLAV8V EBBXEBB .
" Rien n'est possible sans argent".
" Par le temps , la paix, l'économie ".
'* A Antoine Fluvian , Grand-Maître de la Sainte et no-
ble milice de Jéinsalem, habile à faire fleurir la paix et
l'économie , déjà, avancé en âge , mais encore plein de vie ,
les Chevaliers de l'Espagne Citérieux'e , ont, d'après l'avis
unanime du Conseil de Rhodes, élevé ce monument en l'an
1438 , aux applaudissements , de tout le peuple".
saovGoot^lc
CHAPITRE XVin.
JEAN BONPAR DE LASTIO
1437 1454
Né en Auvergne en 1371 , de Lastic encore enfant avait
combattu sous la bannière du Connétable OlÎTier de Clisson ,
Fait prisonnier par les Anglais en 1394, il arrive à Kliodes
en 1395 , demande et obtient avec l'habit de Chevalier ,
l'estima et l'amitié de ses chefs et de ses Frères .
Nommé Grand-Prieur d'Auvergne et Commandeur de
Montcalm,il était en visite dans son Prieuré, lorsque le 29
Octobre 1437 , le Conseil de Rhodas le choisit pour succé-
der k Antoine Fluvian, et lui donna pleins pouvoirs pour la
disposition des finances de l'Ordre .
Les chroniques du temps rapportent que pour remettre
h chaque Chevalier la somme de trois écus qu'on leur
saovGoOt^lc
212 HISTOIRE
distribuait à la mort du Grand-Maitre pour frais de deuil,
de Lastic dut cootracter un emprunt de 12,000 florins d'or ,
Ce fait prouTe qu'à cette époque l'Ordre comptait un nom-
bre considérable de membres .
Après avoir tenu une Assemblée à Valence , le Grand-
Maître partit pour Khodes oîi il arriva dans le mois d'Octo-
bre 1438, juste au moment où l'on y recevait lea nouvelles
les plus alarmantes de la bouche des espions que l'Ordre
entretenait tant en Egypte qu'à, Andrinople , capitale de
l'Empire Ottoman .
Déjà trop occupé par la guerre de Hongrie et par
la révolte de l'Êpire qui ont à leur tête les deux plus grands
capitaines de leur siècle , Jean Huniade et Iskender Bey *.
le Sultan Mourad II , ne peut pas entreprendre lui même
la conquête de Rhodes, mais il encourage dans ce projet le
Soudan d'Egypte Djéniai-Eddin . Désireux d'éviter les
hostilités autant que la dignité de l'Ordre le lui permet, de
Lastic saisit le prétexte de son élection pour envoyer un
ambassadeur à l'un et à l'autre Souverain .
Luttant toujours avec peine contre Jean Huniade et
Iskender Bey , inquiet du voyage que Jean Paléologue va
faire à la cour de Borne pour solliciter l'aide des Princes
d'Occident, Mourad dissimule ; il accueille avec distinction
le Frère Jean Morel Prieur de Rhodes , le comble de pi:é-
venances et de caresses ; mais il évite habilement de signer
tout engagement, sous prétexte que les anciens traités sont
* Goorges CaatrïotÎB anqael les Tuica donnent le nom d'Iskonder Bf^ ,
et les finropeens celui de Scanderbeg ,
saovGoOt^lc
J . B . DE LASTIO 213
encore en vigueur . Le Prieui* revient à Rhodes avec la
conviction que si la guerre n'est pas imminente, on ne doit
point considérer la paix comme certaine .
Quoique le Soudan du Caire eut renouvelé le traité , le
Grand-Maître n'en était pas moins dans l'anxiété, et il fai-
sait attentivement surveiller la côte Égyptienne ; aussi ne
fut il pas pris au dépourvu lorsque après avoir emporté en
passant la petite forteresse de Chateau-Rouge , la flotte
Égyptienne parut devant Itliodes le 25 Septembre 1440,
forte de 18 galères et d'une grande quantité de vaisseaux
de transport eliargcs dii tionpts de débarquement .
Lee Sarrasins qui croyaient surprendre l'Ile , furent fort
étonnés do trouver les côtes gardées par les paysans armés
et appuyés par des détachements de Chevaliers . Le débar-
quement devenait impossible ; l'Amiral Égyptien louvoyait
devant la vïUo, lorsque le Grand-Amiral de l'Ordre sort du
port avec une flotille en bon ordre et s'avance résolument
contre les forces supérieures de l'ennemi . Celui-ci s'embos-
Bant dans une baie sous le vent de l'ilc, met les galères des
Chevaliers dans l'impossibilité de l'attaquer autrement qu'à
bordées de leurs batteries ; le combat continue jusqu'au
soir sans sérieux dommages de part et d'autre, et les navi-
res de l'Ordre rentrent dans le port , d'où ils étaient sortis
un peu à la hâte , pour se ravitailler et se préparer au
combat du lendemain . Mais les Sarrasins profitent de la
nuit pour prendre la mer et se diriger vers i'ile de Cos ou
Stanchio , dont ils espèrent surprendre la garnison .
Arrivés en vue de celte foitcresse , ils voient avec sur-
prise que non seulement le Château est sur ses gardes, que
les artilleurs sont à leur poste mèche allumée , mais que la
• D.qit.zeaOvGoOt^lc
214 HISTOIRE
même flotte qui leur avait offert le combat devant Rhodes,
était raDgée en ordre de bataille dans le canal . En effet
avisé que les Sarrasins mettaient ii La voile, le Grand-Amiral
les avait observés ; il devine leur dessin , et en forçant de
Toiles et de rames , il les devance à la faveur de la nuit , et
va les attendre devant Ces . Virant de bord, l'Amiral Égy-
ptien se réfugie dans une baie voisine où assisté par les
habitants Turcs , il se prépare à repousser toute tentative
de la part des Chevaliers . Ceux-ci ne tardent pas à se pré-
senter et à attaquer l'ennemi malgré sa supériorité et les
renforts qu'il a reçus. Si l'attaque fut impétueuse, la dé-
fense ne fut pas moins acharnée , et la nuit seule fit cesser
le combat . Couvert de blessures , comptant déjà soixante
guerriers de moins dans ses forces déjîisi faibles, craignant
enfin une tempête que lui annonçaient ses pilotes, le Grand-
Amiral qui a fait perdre à l'ennemi £ept cents hommes, et
a gravement eimommagé ses navires , se décide h. regagner
Bhodes . Les Sarrasins ayant réparé en toute hâte Iqura
avaries , quittent eux-mêmes ces parages la nuit suivante .
Pour se venger de leur échec , ils abordent à Chypre , li-
vrent au3 flammes la grande Commandeiie de l'Ordre qui
se trouvait sans défenseurs, et regagnent leurs ports jurant
de prendre leur revanche .
Toutefois le Soudan refoule dans son cœur la rage pui
l'anime , et il fait des propositions de pais que le Grand-
Maître accepte, bien convaincu qu'il ne doit considérer la
trêve que comme une préparation aune guerre plus sérieu-
se ; aussi prend-il ses mesures en conséquence : un ordre
appelle à Rhodes tous les Chevaliers en état de porter les
armes ; les magasins sont gorgés de munitions de toute
saovGoOt^lc
J . B . DE L.ISTIC 215
sorte, les foi-tiâcationa de l'Ile aont augmentées, et des am-
bassadeurs sont expédiés dans toutes les Cours d'Europe
pour solliciter leur assistance .
Les Souverains ou en guerre arec leurs voisins , ou trop
égoïstes, se contentèrent de pi-odiguer de stériles souhaits;
mais la noblesse Européenne fut plus empressée k répondra
à l'appel que lui adressa le Grand-Hattre , et plus d'un
gentilhomme s'enrôla comme chevalier Donat . Enfin , les
Commandeurs, les Bailiis et les Prieurs, rivalisèi eut cette
fois de zè'e pour faire parvenir au Trésor leurs redevances
et leurs responsions .
Grâce à la persévérance de Jean de Lastic , Rhodes et
les autres Iles de la Eeligion se trouvaient dans un formi-
dable état de défense . Les habitants des campagnes devaient
se retirer au premier signal ou dans les forts, ou sous leur
protection, et abandonner leurs villages après avoir empor-
té leurs objets les plus précieux . Tout éta«t prévu et pré-
paré , on attendit avec impatience l'ennemi qui n'arrivait
pas assez vite au gré de ceux qni biûlaient de se mesurer
avec lui .
ËnBn dans le courant d'Août 1444, les vigies ^gnnlèrent
la flotte ennemie . S' approchant résolument de la côte , elle
y débarqua , saus la moindre opposition 18,000 hommes
d'infanterie et un corps considérable de Mamelucs qui in-
vestirent immédiatement la ville tandis que la flotte la blo-
quait étroitement du côté de la mer .
Malheureusement les détails sur les opérations font dé-
faut ; on sait seulement que le siège dura trente ueuf jours,
pendant lesquels l'artillerie ne cessa de tonner jour et nuit ;
que plusieurs assauts meurtriers furent donnés et repousses
saovGoOt^lc
216 HI8T0IR1
avec une égale bravoure , et qu'enfin le quarantième joup
les Chevaliers , opérant une vigoureuse sortie appuyée par
le feu des batteries, écrasèrent l'ennemi qui dut s'enfuir en
toute hâte et porter au Caire la nouvelle de sa défaite et de
son impuissance .
Ce siège ayant fait connaître les endroits faibles , Jean
de Lastic s'empressa de les fortifier , craignant une nouvelle
et pIuB sérieuse agression .
L'heureux résultat obtenu par les Chevaliers et que
Guillaume de Lastic , neveu du Grand-Maître , était allô
annoncer de sa part dans les différentes Cours d'Europe .
avait tellement excité l'enthousiasme , que non seulement
la plupart des nobles séculiers qui avaient pris part & l'ac-
tion, mais aussi un grand nombre de gentils-hommes ar.
rivés postérieurement , sollicitèrent leur admission dans
l'Ordre .Celui-ci se trouva alors si sensiblement augmenté ,
qne le Chapitre^tenu à Rhodes le 25 Juillet 1445 , dut dé-
fendre aui Prieurs de recevoir d'autres novices ; et afin de
pourvoir à l'entretien de ceux qui étaient déjîi admis . on
augmenta pour un terme de cinq ans la gomme des respon-
sione . Le même Chapitre arrêta que le Grand-Maître
pourrait saisir la première occasion qui se présenterait
pour traiter d'une paix honorable avec le Soudan d'Egypte.
Elle fut conclue l'année suivante par l'entremise d'an
agent de Jacques Cœur, l'entreprenant marchand Français ,
que sa capacité et son honnêteté élevèrent ensuite à la
charge de trésorier de Charles VII Roi de France . Le texte
môme du traité n'existe pas ; mais nous savons o'ie les na-
vires de Jacques Cœur vinrent chercher à Rhodes l'Ambas-
■adeur de l'Ordre qu'ils conduisirent à Alexandrie , et que
saovGoOt^lc
J . B . DE LAsnc 217
oehii-ci en retfoumant à Rhodes , ramena un grand nombre
d'esclaves Chrétiens rendus i la liberté ; nous savons aussi
, qu'une ordonnance de Jean de Lastic , datée du 8 Février
1446 , enjoint à Frère Raymond d'Arpajon , Grand-Prienr
de S'- Gilles , de rembourser à Jacques Cœur tous les frais
qu'il avait encourus pour ces voyages .
Les hostilités ayant coJfé îi la Eiiite de eetrailé.les Com-
mandeurs d'Europe . réclamèreat auprès de Pape contre
l'augmentation de leurs re h^vances . Nicolas V , prévenu
contre le Grand-Maître , lui eii écrivit en termes très dui-s
et lui envoya même uu recueil des anciens Statuts , lui
enjoignant de s'y conformer étroitement . Le Grand-Maître
et le Conseil n'eurent pas de peine à constater que les do-
cuments envoyés au nom du Pajie étaiens falsifiés et ne
correspondaient pas aux originaux conservés dans les ar-
chives de l'Ordre à Rhodes . La réponse en conséquence ,
signée par Jean de Lastic et par tout le Conseil en daté du
23 Octobre 1448, établit indiscutableraeut ce fait; il fut
ensuite prouvé par des comptes sanctionnés par le Pape
Eugène IV . que l'Ordre ne pouvait satisfaire aux dettes
qu'il avait dû contracter , qu'en augmentant les revenus
ordinaires du Trésor .
Cette réponse qui satisfit le Souverain Pontife , n'empê-
cha pas beaucoup de Prieurs et de Commandeurs de refuser
non seulement l'augmentation, mais aussi la reflevance or-
dinaire . Cette rébellion mettait en péril l'existence même
de l'Ordre ; une grande résolution le sauva : Le Conseil re-
mit tous ses pouvoirs eutre les mainsdu Grand-Maîfro, qui
se trouva ainsi invi^sti , pour un ternie de tiois uns , d'un
pouvoir diciatoiial . 11 en uaa ausaiiôt pour uestauer les
D.qit.zeaOvGoOt^lc
218 msToiRE
plus récalcitrants, les déclarer rebelles et privés de l'habit .
Cette fermeté effi-aya les autres qui s'empressèrent de faire
leur soumission et de reuiettre leurs arriérés . Jean de La-
stic aussi généreux et désintéressé qu'il était ferme, aban-
donna en faveur du Trésor une année de ses revenus per-
EOanels .
La discipline un instant relâchée fut sévèrement rétablie,
et l'Ordre recouvra sous la rigide vigilance du Grand-Maître,
son ancienne splendeur et son austérité passée .
La mauvaise foi du Soudan d'Egypte était bien connue
par Jean de LastJc , et il craignait de le voir s'allier à Mou-
rad , déjà maître d'une partie de la Grèce ; c'est pourquoi
il se décida à tenter une fois encore la conclusion d'un traité
de paix , dont Mourad avait habilement éludé la signature
en 1438 . Les Ambassadeurs de l'Ordre arrivèrent à. An-
drinople dans un moment assez favorable au succès de leur
mission : Iskender Bey venait d'infliger de sérieuses pertes
aux armées que le Sultan avait envoyées contre lui (1449);
Mourad déterminé à diriger personnellement la guerre, si-
gna volontiers avec les Hospitaliers le même traité de paix
qu'il venait de conclure avec les Vénitiens .
Deux ans plus tard Mourad mourait , regretté par tous
fies sujets sans distinction de culte , et Mohammed II , son
fils aîné alora âgé de 22 ans , était proclamé Empereur des
Osmanlis , L'Ordre , suivant l'exemple de tous les Princes
d'Orient, envoya féliciter le jeune Souverain, qui reçut les
Ambassadeurs avec une amabilité que l'on était peu habi-
tué à rencontrer à la cour des Sultans , et renouvela avec
un empressement d'autant plus grand qu'il n'était pas sin-
. cère , tous les anciens traités de paix sîguéa par son père .
saovGoOt^lc
j.b.psulStic 219
En effet , le traité aolennel conota arec Constantin Draco-
cès en 1451 , était déchiré peu après ; Constantinople tom-
bait au pouvoir de Mohammed le 29 Mai 1453 . et aveo
Constantin qui expirait en héros, l'Empire Bjzautin cessait
d'exister . Avant la 6n de la même année, ne respectant
pas davantage le traité signé avec l'Ordre, l'orgueilleux
Sultan envoie sommer de Lastic de ee reconnaître pour son
vassal et de prendre l'engagement de lui payer un tribut
annuel de 2000 Ducats . "A Dieu ne plaise, répondit de
Lastic à cette sommation , que je laisse vassal et esclave
cet Ordre que j'ai trouvé libre et glorieux ; si le Sultan
veut conquérir Rhodes , il devra d'abord passer sur mon
' cadavre et sur celui de mes Chevaliers ".
N'espérant pas en être quitte pour cette fière réponse, il
prit toutes ses dispositions pour repousser une agression
que l'on prévoyait devoir être vigoureuse ; les fortifications
furent augmentées ou soigneusement réparées, et quoiqu'il
ne comptât pas beaucoup sur l'assistance des Princes de
■ l'Occident, il leur envoya des Ambassadeurs pour solliciter
des secours .
Le Grand- Maître prenait ses dernières dispositions avec
la prudence et l'énergie d'un homme qui espérait en con-
stater lui-même l'utilité ; mais ce n'est que 26 années pliïs
tard, que Mohammed tenta la conquête de Rhodes, et de
Lastic mourut le 19 Mai 1454 après avoir gouverné l'Or-
dre pendant 19 ans, avec autant de gloire que de sagesse .
Son monument portait l'inscription suivante ;
IN UEUOBE CAV3A ABMA VINCVNT .
8ANCTI88IM0 PEINCIPI J . LASTICO OB . RELIfî . PIETAT . ET VB-
BSU^ CONTE . HOSXIIS DEFENBAM AC MJCKIA tXSTA^'CATA H . M . ET
D.qit.zeaOvGoOt^lc
220 HI8T0IU
POP . BHOD . AD ArXBUITATEU EX UAlTTBnS HOST . FECEBVHT
MCCCCLIV.
"Les armes sont Tictorieuses en fareur de la bonne
cause ".
" A leur très vertueux chef , J . Lastic , à cause de sa
religion, de sa piété, et parcequ'il a défendu la TÎlle contre
les ennemis et relevé ses murailles . Les soldats de Jérusa-
lem et le peuple de Rhodes , lui ont érigé ce monument ,
pour l'étrnité , avec les dépouilles des ennemis . 1454 ".
Faoli et Bosio avancent que ce ne fut que sous Jean de '
Lastio que les chefs de l'Ordre reçurent définitivement le
titre de Orand-Maitre . M . de Villeneuve de Bargeraont •
contredit cette assertion , et il démontre , à l'appui de son
dire , que ce titre avait été déjà *' donné par un Pape f à
Hugues de Revel en 1257 Jet ensuite àFoulques de Villa-
ret § et que les Chartes du XIII siècle , accordaient la mê-
me qualification à Roger des Moulins". ||
Dans leur pensée, les auteurs cités par M . de Villeneuve
Sargemont, voulaient sans doute dire que le titre de Grand
incidentellement donné aux chefs de l'Ordre avant l'époque
de Jean de Lastic , leur fut ensuite invariablement donna
dans tous les actea officiels .
* Mon. dMOr.Uutres.
t ClwaaitlV.
X 8 Novembre 1267, et non 1267 .
§ Insoriptâon bot son tombera (1327) .
Il XII «t non XIII Bîecle .
saovGoOt^lc
CHAPITRE XIX.
JACQUES DE MILLY
1454 1461
Nommé successeur de Jean de Lastic par le Chapitre de
Khodes, tenu en Mai 1454, Jacques de Milly, Grand- Prieur
dAuvcTgiie , qui était alors dans son Prieuré , s'empressa
de se rendi-e à Rhodes que l'on considérait comme sérieu-
Bemeut menacée par Mohammed II . Il y débarqua le 20
Août de la même année, et le 10 Novembre il présidait un
Chapitre général qu'il avait convoqué dans le but de pour-
voir & tout ce qui pouvait encore manquer k Is parfaite
défense de l'Ile .
Par une ezception que l'on a de la peine à comprendre
après le sage et iiiipaitial magistère de Jean de Lastic ,
l'Ordre exigea que le nouveau Grand- Maître en acceptant
saovGoot^lc
ea nomination , promit qu'il n'accorderait aucune faveur
et ne ferait aucune promotion aux dignités , avant d'avoir
prêté le eernieiit que le Grand-Maître était tenu de pro-
noncer eo présence du Coujeil de Rhodes . Craigiiait-on de
le voir céder trop facilenieut aux recommandations des
Souverains en faveur de leurs protégés, ou bien de lui voir
accorder quelque Prieuré important à son propre neveu le
Chevalier de Boisrond, qui était porteur du Décret de sa
nomination ? Toujours est-il que la prudence et l'intégrité
de Jacques de Milly, rendirent tout-à-fait inutile une telle
précaution .
Cependant les craintes inspirées h, l'Ordre par Moham-
med II , n'étaient pas sans fondement ; déjà trente galères
étaient venues inquiéter les petites Iles dépendant de l'Or-
dre , et les espions que celui-ci entretenait , lui donnaient
l'avis que le Sultan faisait de grands préparatifs pour l'at-
taque de_Khodes .
Heureusement pour les Hospitaliers , la ligue formée
par les soins du Pape Caliite III, entre le Roi de Hongrie,
le Eoi l'Aragon , Je Duc de Bourgogne et les Républiques
de Gênes et de Venise , ligue soutenue par des secours en
argent du Roi de France , et dans laquelle l'Ordre n'hésita
pas % entrer , force l'ambitieux Sultan h. différer ses projets,
et à concentrer toute son énergie contie les nombreux en-
nemis qu'il a à combattre sur le Continent . Les désastreux
résultats de sa tentative contre Belgrade abattent ses forces
et la renommée de ses armes , mais non sa presévérante et
vindicative ambition . Les excursions que les Chevaliers
ont faites pendant cette campagne le long du littoral , la
capture d'un grand nombre de navires. Ottomans , Iça
saovGoot^lc
1. SE MII^T 223
dommages causés au coiutnerco de ses sujets, ne font qu'ex-
citer sa colère , et il jure de tirer une éclatante vengeance
de cette petite puissance qui ose s'altnquer à l'Empereur
des Empereurs , au Roi des Bois, et au chef des Croyants .
Une flotte est bientôt équipée (1445) ; 18,000 fantassins
qui la montent, doivent avoir raison d'une poignée de guer-
riere. Le Sultan ordonne au chef de l'expédition déporter
le fer et le feu dans tuules les possession de l'Ordre, et
d'exterminer jusqu'iiu d.'rnicr d„'b Chevaliers; mais il ou-
blie, dans son aveugle e-uportemenb, que ces quelques guer-
riers sont autant de hérus habitues k Viùncre leurs adver-
saires , fu>5seut-il8 un crmti'o une légion . L" ennemi attaque
d'iibord avec fureur le Châte;iu d'Andîmachia sur la côte
S . B . de l'ile de Cos ou Stanchio , qu'il espère emporter
sans beaucoup de difficulté . Mais le fort est bien approvi-
sionné et défendu par une garnison suffisante . La grosse
artillerie des Turcs ouvre il e&t vrai plus d'une brèche, mais
les poitrines des Chevaliers leur opposent un remjmrt plus
inébranlable; l'attaque est impétueuse, mais la défense est
hémûjue ; les Turcs commenciMit îl hésiter , lorsqu'une vi-
goureuse et opportune soi-tie finit par mettre le desordre
dans leurs rangs et ils regagnent e:i toute hâte U'ura navi-
res , laissant le sol jonché de morts et de blessés , et aban-
donnant une partie de leur artillerie .
L'essai n'était pas encourageant pour les Turcs ; eepen-
dant ils tentèrent de surprendre Syuii ; mais là aussi il se
trouva que l'on faisait bonne garde; l'enneuii se contenta
donc de bloquer le château qu'il essaya de miuL'r; ses mi-
nes fuient éventées par les assiégés qui tombant â l'impro-
viste sur les ouvriers , les taillmit en pièces et forcent les
D.qit.zeaOvGoOt^lc
224 HISTOIRE
troupes à se lembarquer en désordre .
Ces uouvelles , prompteinent signalées à Ekodes , eurent
pour résultat d'endormir la vigilance de ses défenseurs ;
car ils supposaient que , découragés par ces deux insuccès,
les Turcs renonceraient à poursuivre leurs tentatives, et se
retireraient vers les Dardanelles . Il n'en fut pas ainsi ; le
commandant de la flotte avait deviné que les vainqueurs
h" eu dormiraient sur leurs lauriers ; il contourna Rhodes
pendant la nuit , et vint accoster Pur la partie Est de l'Ile,
dans la baie de Malona . Des espions qu'il envoie dans les
environs, lui signalent que le petit château d'Arcliangélos
leur paraissait mal gardé ; aussitôt il débarque une partie
de ses troupes qui marchent directement sur le village, un
des plus riches de l'Ile , en surprennent les habitauls que
la faible garnison ne peut pas secourir , en massacrent une
partie , font les autres prisonniers , et regagnent leurs
vaisseaux après avoir mis le feu aux habitations et aux
semailles .
Kemettant à la voile , l'Amiral Turc aborde successive-
ment Sur les points les plus faibles des Iles de Nissivos, Cos
et Calymnos . y exerce les mêmes ravages que dans les
champs d'Archangéloa et i-egagne Constantinople chargé
d'un riche butin .
On se demande avec surprise ce que faisaient en atten-
dant les navires que l'Ordre entretenait à grands frais ; il
est vi-ai que sa marine était considérablement réduite de-
puis quelques années mais telle qu'elle était , eltepouvait
encore inquiéter l'ennemi . Si ces navires avaient été dans
le poi-fc, ils en seraient certainement sortis ; car il n'était pas
dans les habitudes des Ho^italiers d'éviter le combat.
saovGoOt^lc
3 . DE HItLT 225
Nous devons, fauto de rerseigncmenîs précis à cet égard,
supposer qu'ils étaient ea croisière , et que l'Amiral Turc
avait eu l'habileté ou la chance de les éviter dans ses rapi-
des promenades à travers les eaux de l'Archipel .
Bien que de courte durée, cette campagne avait causé
des pertes considérables aux possessions de l'Ordre . Les
Iles de Cos, Léros, Calymnas, avaient aouEfert phis que les
autres . Jean de Chaleawneuf , Commandeur d'Uzès , qui
tenait ces Iles en baiUage , ayant déclaré dans un Chapitre
que le Grand-Maître venait de convoquer , qu'il n'était plus
en état de pourvoir h. leur défense , l'Ordre en reprit le
gouvernement, et y envoya non seulement des colons pour
remplacer ceux qui avaient été massacrés ou emmenés en
esclavage , mais aussi des forces auffitantes pour veiller ^
leur sûieté . Le Chapitre ordonna en outre qu'une galère
montée par quarante Chevaliers serait toujours eu station
dans le port de Rhodes, et qu'une nouvelle forteresse serait
bâtie sur les ruines d'une ancienne acropolt; dans la baie
de Malona , pour couvrir le village de ce nom , ainsi que
celui d'Archangélos .
On prit encore quelques autres dispositions pour l'appro-
visionnement des différentes forteresses de Rhodes et des
autres Iles, et pour la défense de leur territoire, précautions
d'autant plus urgentes , que les relations entre l'Ordre et le
Soudan d'Égy.pte étant très tendues depuis quelque temps,
on avait tout Heu de craindre de sa part une déclaration
de guerre . Jacques de Milly fit évidemment réparer
l'antique forteresse de Symi ainsi que le témoignent ses
armoiries .
Comme si les embarras de la situation politique n'étaient
D.qit.zeaOvGoOt^lc
226 niSTOiRE
pas suffisants-, Rhodes , dit M . de Villeueuve-Bargemont ,
fut en proie à un fléau d'une autre espèce ; une peste hom-
ble s'y manifesta , et ses habitants , échappés naguère à la
fureur des Sarrasins et des Turcs , eurent de nouveau re-
coui-s au Grand-Maître , devenu en toute occasion leur
uuique appui . Jacques de Milly se moutra le pore des
malheureux , pourvut à tous leurs besoins , et aiTÔta le mal
dans sa source . On rapporte qu'attribuant ce fléau à une
punition du Ciel, il prit envie au Grand-Maitre de chasser
toutes les courtisanes de Rhodes ; " mais , ajoute un ancien
chrouiqueur, mû de bonnes raisons , il changea d'avis, et
se contenta de les resserrer en quartier". *
Cependant l'Ordre s'était déclaré l'adversaire de Jacques,
bâtard de Jean III , qui disputait la couronne de Chypre à.
la reine Charlotte sa sœur naturelle , alors veuve de Jean
de Portugid , et mariée en secondes noces ii Louis de Sa-
voie .
Jacques s'était adressé au Soudan d'Egypte pour lui de-
mander sa protection , moyennant la promesse de lui payer
un tribut double de celui que lui payait la reine Charlotte .
L'offre était séduisante; mais surveillé de près par l'Am-
bassadeur de l'Ordre , peu désireux du reste d'en venir à
une rupture avec celui-ci, le Soudan hésitait, lorsqu'un
ordre de Mohammed lui intima de prêter son assistance
à Jacques dont il adoptait la cause . Entre deux maux , le
Soudan choisit le moindre, d'autant plus qu'il lui rapportait
quelque profit, et qu'il comptait agir de manière h. épargner
* Le qnartîer dont parla le chroniqueur , ne jrtut eiH« que lo Lac sur la
plaga dea MoalinB . Nous en reparlerons .
saovGoOt^lc
J . DE MILLY 227
les intérêts directs de l'Ordre , et ne p:is lui donner motif de
prendre une part active à la qiierelîe dont il se faisait un
peu malgré lui un des champions . Aussi en conquérant
pour le bâtard l'Ile de Chypre, respecta-t-il les possessions
que l'Ordre y avait, ainsi que Famagouste qui appartenait
aux Génois.
Mais poussé toujours par Mohammed que les méuage-
ments dont il usait envers les Hospitaliers, objet de sa hai-
ne la plus vive , iinlisposaient contre lui, le Soudan finit par
refuser de laisser partir l'Ambassadeur de l'Ordre , et s'il
ne le garde piis précisément comme prisonnier , il le fait
strictement surveiller.
Les Hospitaliers tentèrent alors de renouveler avec
Mohammed la trêve que celui-ci avait signée en montant
Sur le Trône et qu'il avait déjà ouvertement violée ; mais
lirascible Sultan refusa même le sauf-conduit qui lui avait
été demandé par Démétrius Nymphilacos , Archevêque
Grec de Rhodes , en faveur du Commandeur Jean de Sa-
conay , Ambassadeur de l'Ordre ; c'était déclarer qu'il vou-
lait continuer la guerre .
Dépouillée de ses Etats, ne possédant plus que la seule
\-ille de Kyrinia dans laquelle elle ne so sentait pas eu sû-
reté, la reine Charlotte avait sollicité et obtenu du Grand-
Maître la permission de se retirer à Rhodes . Ses malheurs,
sa jeunesse , sa grâce , lui avaient fait autant de partisans
dans la jeune milice de l'Ordre, qui, le Commandeur PieiTe
d'Aubusaon en tête , demandait au Grand-Maître de pren-
dre plus activement la défense de sa cause . Jacques de
Milly , plus prudent que ces jeunes enthousiastes, se limita
à entourer la prinucbsc de toutes les attentions et de tout
D.qit.zeaOvGoOt^lc
228 HISTOIRE
le respect que méritaient sa haute naissance et son infor-
tune ; mais il se maintint dans la plus stricte ueutnilité, ne
trouvant pas politique d'îittaquer les Sarrasins dans l'Ile
de Chypre , lorsque ceux-ci y avaient respecté toutes les
possessions de l'Ordre .
Cependant la République de Venise qui venait de donner
une de ses filles , Catherine Comaro, à Jacques, trouva que
l'Ordre avait manqué d'égards envers elle , en accordant
asile à la reine Charlotte rivale de son protégé . C'était
évidemment un prétexte que cherchait l'ambitieuse Répu-
blique, irritée des bornes que les Génois et les Hospitaliers
imposaient à son influence dans le Levant. Des événements
fortuits lui en fournirent un plus plausible que le premier:
Deux galères vénitiennes chargées de marchandises pour
le compte do négociants égyptiens, fuyant devant une tem-
pête , s'étaient réfugiées dans le port du Rhodes ; usant du
droit de représailles, le Conseil avait ordonné la saisie des
marchandii-es et l'arrestation des sujets dij Soudan qui se
trouvaient à bord des navires vénitiens . Seule la liberté
du pavillon fut respectée et les équipages eurent la faculté
de se retirer avec leurs navires . Les Vénitiens soutenant
que le pavillon couvre la marchandise , envoient des vais-
seaux attaquer les possessions de l'Ordre . Un Morosiui ,
dont le nom est resté tristement célèbre jusqu'à nos jours,
arrive à Halki avec une division navale sous ses ordres; il
s'en empare facilement, car elle est a. peine défendue comme
un point de peu d'importance , mais la garnison a eu le
temps de signaler le danger à la forteresse de Castellos qui
l'a immédiatement communiqué à toute l'ile de Rhodes au
moyeu des signaux que se renvoient les observatoires plaeés
saovGoOt^lc
J . -DE JIIUT 229
de liistjTice en dist'.nce . Aussi lorsqu'il débarqua !e lende-
main sur la cù:e (.)i!e-t de RlioJes, qu'il croyait suri^r^'ndr©
et ravagL-r, Jloro&ini l'uc fcont étonué de se trouver en faee
d<j foico3 cousidGriibie:^ qui l'obligout îi se rembarquer .
Furitiux do i'insuccès de sa tentative , il retourne à Halki ,
mais ne voulant pas s'exposer à rester dans le port où il
peut être bloijué par la flotte de l'Ordre, ou sachant qu'un
grand nombre d'habitants se sont réfugiés dans la grotte
d'AniighJali an N . O . de l'Ile , il y débarque , entoure la
grotic , fait entasser îi son entrée une grande quantité de
brous<;ailIes auxquelles il met le feu , et enfume tous ce3
malhcnreux dont on retrouve eucoie aujourd'hui les osse-
ments calcinés ,
Jamais les barbares Sarrasins n'avaient poussé la cruauté
aussi loin envers leurs ennemis séculaires . La tradition
veut que Morosini ait été bUiuié par son Gouvernement;
mais de pareils actes méritent ]»lus qu'un simple blâme ,
si toute la nation ne veut pas en asbumer la responsabilité
morale .
Quelque temps après, une flotte de 42 galères se présente
devant Rhodes et la menace d'un bonib;irileineut, si l'Ordre
nu livre pas la marchandise et les prisonniers capturés sur
les navires battant le pavillon de S'- 3Iarc .
L'Ordre tout entier indigné de la conduite de Morosini,
demande au Grand-Maître de répondre par la voix du ca-
uon à l'insolente injonction de l'Amiral Vénitien ; mais
Jacques de Miliy , secrètement avisé que le commandant
de la République a dans ses instructions , s'il n'obtient pas
gain de cause, d'attaquer et de ravager toutes les possessions
de l'Ordre , craint précisément d'exposer ses sujets anx
saovGoOt^lc
230 HISTOIRE
mêmes actes de cruauté qui avaient siiïnnlc le p;is;-iii!'e ili>s
Vénitiens à Hiilki ; il léiftiit doue un Conseil géném! , re-
présente le danger auquel seraient exposés les pauvres
paysans des canip:igues éloignées, ou des Ilos peu fortifiées ;
il demande alors aux Chevaliers si , pour venger ceux qui
sont déjà moi-ts, ils veulent vouer de nouvelles victimes à
la barbare cruauté de l'ennemi , ou s'il ne vaut pas mieux
refouler une juste indignation, et sauver d'une mort cer-
taine , ou tout au moins d'un dur esclavage, des milliers de
malheureux. Les Chevaliers, baissent la tête devant ces
considérations d'humanité et se décident à remettre aux
Vénitiens les marchandises et les Sarrasins saisis suï leurs
vaisseaux .
L'Ordre à peine délivré de cette épreuve, au prix d'un
lourd sacrifice de son honneur guerrier, se trouva en proie
à la plus regrettable division intestine suscitée par la ja-
lousie entre les différentes Langues . Celles d'Espagne, d'I-
talie, d'Angleterre et d'Allemagne , se plaignaient haute-
ment que les Langues Françaises ( France , l'roveuce et
Auvergne ). se réservaient les meilleures dignités ; celles-ci
faisaient valoir leurs droits d'ancienneté et de majorité, et
observaient que , si elles avaient pour elles les dignités de
Grand-Commandeur, de Grand- ilaréehal et de Grand-
Ho.-pitalier, celles d'Aragon , d'ItaHe , d'Angleterre et d'
Allemagne , avaient en leur faveur exclusive les charges de
Grand-Conservateur , d'Amiral , de Turcopolîer et enfin de
Grand-Bailli .
La dispute prit des proportions de plus en plus sérieu-
ses ; des têtes plus exaltées en firent un motif de querelles
porsonnelles , et le Grand-Maître , désirant y mettre un
saovGoOt^lc
J . DE MILLT 231
terme , convoqua un Chapitre général , qu'il ouvrit le l"-
Octobre 1459 . Les plaignants y présetitèrent leurs récla-
mations, les autres leurs raisons ; la discussion s'échauffa
et le Prieur d'Aragon, plus ambitieux ou pins irascible que
les autre?, jetant aux pieds du Grand-Maître un acte d'ap-
pel au S"- Siège , sortit de l'assemblée , suivi des Chevaliers
des quatre autres Langues. Cette conduite était une offen-
se directe envers le Conseil dont l'autorité était ainsi mé-
connue ; c'était un acte de rébellion que l'autorité devait
poursuivre , et le Conseil se prononça pour cette mesure ;
mais le Grand-Maître refusa d'y souscrire, ne doutant pas,
disait-il, que les coupables ne reconnussent bientôt leur
faute et ne fîsseut leur soumission . Celte douceur de leur
chi'f les toucha en effet plus que les mesures de sévérité ,
et les mutins vinrent bientôt solliciter un pardou qui leur
fut accordé .
Jacques de Milly succomba le 17 Août 1461 , heureux
d'avoir rétabli la concorde iutérieure , et évité de sérieux
conflits extérieurs .
Le monument élevé à sa mémoire, portait les inscriptions
suivantes :
8 . NQ . H . M . LEGIONES GA1.UCM JACOBI DE MILLY MAG .
BQVIT . OB . VIRTVTES QVA3 IS SVMMO IMPERATORE ESSE OPORTBT,
SCIENTIAH REI MILITARI» VIRTVTEM .
AVCTOKITATBM FELICITATEM LOCAVERVKT .
ATDACIAM IN BELLO , IN PAGE JVSTITIAM ROM , R . P . CVBA-
BAH-r.
AVERNIQVE AVSI RATIOS SEDICERE FBATEE8 .
rePI PATPlûOt MAXAI
" Les Légions Françaises de la Sainte et noble Milice
saovGoOt^lc
^2 HISTOIBK
de Jérusalem, ont élevé ce monument à Jacques de Milly .
Grand-Maître des Chevaliers, qui possédait les vertus que
doit avoir un chef souverain , la science militaire , le cou-
rage , l'autorité , la sagesse couronnée de succès ".
" Les Romains de la République faisaient cas de l'audace
pendant la guerre et de la Justice dans la paix".
" £)t ceux d'Auvergne osent à bon droit se dire leurs
frères ".
" Comhata pour la Patrie ".
Mais le tombeau même qui se trouve actuellement au
Musée de Cluny , portait cette inscription :
BBVE . FB . D . F . JAC0BV3 DE MILLY H . J . WJlIQE CLARA V:TATB
p:dit abortv X : mcccclxi . m:e avqvbti die xvii mo6te obiit
c . a:ma page frvat . .«terna .
Le même sarcophage ayant servi trois ans plus tard à la
sépulture d'un membre de la maison de Savoie , Prince
d'Antioche, on grava soua la première l'iuscripùiou suivante :
ILL . s . H . DE SABAVDIA ANTIOCB . PIKCEPS MOBTE INFA:S RAPT.
SVP . MAG:RI PECT . HOC IN BEPVLC . ClPltl REGIE BOGAT . EST
BECONDIT . MœCCLXIII JVLII IIII .'
Le très illustre D , H . de Savoie , Prince d'Antioche ,
enlevé par une mort déplorable , fut, ^ la demande de la
Cour de Chypre , enseveli dans ce tombeau , sur le eorps
du Grand-Maître ".
sdovGoot^lc
CHAPITRE XX.
PIERRE RAY. ZACOSTA
1461 1467
Pierre Raymond Zacosta , Castillan de naissance , et
Châtelain d'Emposte, se trouvait comme ses prédécesseurs
dans son Prieuré, lorsqu'il reçutle Décret de sa nomination.
Il tint en Espagne une assemblée provinciale , se rendit à
Kome pour y avoir une audience du Pape, et s'embarqua
pour Rhodes où l'appelaient les anciennes prétentions des
chevaliers Espagnols , Anglais , Italiens et Allemands , re-
mifies à l'ordre du jour depuis la mort de Jacques de Milly .
Soit que le nouveau Grand-Maître eut un faible pour
ceux de sa nation, soit que , d'accord avec le Conseil , il
jugeât que -ce fut le seul moyeu démettre un terme aux
regrettables dissentions qui divisaient l'Ordre, Zacosta créa
saovGoOt^lc
234 HISTOIRE
une nouvelle Langue , celle de Castillc et d'Aragon , à la-
quelle fut attachée par uue faveur expresse , la dignité de
Grand-Chancelier .
L'Ordre fut dès lors partagé eu huit Langues , ayant
chacune son dignitaire etlagai-de spéciale d'une partie des
fortifications , savoir :
— ï» — AUVERGNE , depuis la Tour de Naillac, ou four des
Arabes , jusqu'à l'aile Est du Palais de Grands-Maîtres .
— 2° — ALLEMAfiXE.depuisla partie Ouest du Palais .jus-
qu'à la Porte S'- Georges .
■ — 3" — FBANX'E , depuis la porte S'- Georges , jusqu'à la
Tour d'Espagne .
— ■ 4° ^ ESPAGSE, (Aragon , Navarre et Catalogne), depuis
la Tour d'Espagne , jusqu'à la Tour S'' Marie, dont cotte
Langue était chargée de défendre les étages inférieurs .
— 5" — ANOLETERRE , dcpuis , les étiigss supérieurs de la
Tour S'^Marie, jusqu'en deçà de la Porte S'- Jean, ou Porte
de Coskiuou .
— Qo — PROVENCE , depuis , et y compris la Porte S'' Jean,
jusqu'à la Tour d'Italie , en face d'Acaudia .
— 7" — ITALIE , depuis la tour de ce nom, juFqu'à la Porte
S'^Catberine .
— 8o — CASTiLLR , (comprenant Léon et Portugal) , depuis
la Porte S'« Catheriue , jusqu'à la Porte S' Paul , ou porte
de la Darce .
Telle est la disposition donnée par Fontanus dans son
ouvrage De bello -K/M)(iw, appuyée d'ailleurs parla tradition
locale , et conforme même à celle de M . de Hauiroer.si
comme l'obsarve M . Guérln , on part de l'Est à Ouest , en
passant par le Sud . Veitot il est vrai, ne dispose pas ainsi
saovGoOt^lc
P . H . ZACOSTA 235
la défoQse ; * il se trompe ; mais le Colonel Eoltiers ^ en
voulant le rectifier , ne tombe pas dans une erreur moiuâ
éloignée de la vérité liistonque . J
La tour de Naillac , le fort S'- Jean , et plus tard le fort
S'- Nicolas, furent confiés à la garde des Portugais et des
marins de l'Ordre , pour la plupart Rhodiena et Anglais .
Ces dispositions prises , il fallut penser aux finances qui
se trouvaient dans le plus triste état ; l'Ordre était débiteur
de plus de 300,000 Ecus d'or ; do nouvelles dépenses étaient
néanmoins indispensables eu présence des préparatifs que
faisait Mohammed . Sa flotte nouvellement équipée est
évidemment dirigée contre les Iles ; Mételin , l'ancienne
Lesbos, est déjà, eu son pouvoir, et It'S Chevaliers ne pouvent
pas se dissimuler que ses voiles vont prendre le vent du
canal , lorsque la révolte du Voïvode de Valachie , le force
à rappeler ses troupes sur le continent .
Rhodes échappe ain&i au danger qui la menaçait ; mais
Zacosta, comprenant que pour être momentanément sus-
pendue , la tempête n'en est pas moins certaine, continue
avec autajit d'activité à préparer une sérieuse résistiince .
Il a trop de sagacité pour se laisser endormir par une
habileté politique de l'anibitioux Sultan; celui-ci • envoie
tout-à-coup de sa pleine initiative le sauf-conduit refusé
aux sollicitations de l'Ordre pour le voyage d'un Ambassa-
deur ; cette prévenance eut un effet tout contraire de celui
qu'il eu attendait; car elle confirma les soupçons du Grand-
' Hiat. dos C&ev, I. VlII -
: llun. de Khodew p. Ois .
saovGoOt^lc
236 HISTOIRE
Maître; mais à rhabileté.il sut opposer l'habileté: pour
ne pas offenser la courtoisie du Sultan ,il agréa le sauf-
conduit, et envoya à Constantitiople c:)mme ambassadeur,
le Maréclial de l'Oi-die , Commandeur Guillaume de
Villefranche, auquel il adjoignit deux grecs Rhodieus. Arlo
Yendhili et Constantin Colaki (1462) .
C'est la première fois que nous voyons les habitants de
l'Ile appelés à prendre une part active dans les affaires du
Gouvernement , usage qui fut depuis maintenu dans les
circonstances importantes '. Aleurarrivéeà Constantinople
les Ambassadeurs furent reçus avec tous les honneurs
ordinaires , et trouvèrent la Porte très conciliante sur les
conditions auxquelles elle consentait à. renouveler une trêve
de deux ans . Mohammed ayant décidé de conquérir Tré-
bizonde , dernier boulevard de l'Empire d'Orient . voulait
s'assurer la neutralité des Hospitaliei's qui auraient pu in-
quiéter ses possessions maritimes .
Toujours occupe à combiner la résistance , le Grand-
Maître profite du répit qui lui est laissé , pour construire
le Fort S'' Nicolas (le Phare actuel) , à Textrémité du môle
hellénique long de 335 mètres, qui ferme à l'Est le Fort
de la Darce . Philippe , Duc de Bourgogne , ayant donné à
l'Ordre la somme de 12,000 Écus d'or pour aider aux tra-
vaux qui furent acbevésen 1464, les Chevaliers par recon-
naissance , placèrent les armes du Prince sur la façade
principale où on les voit encore aujourd'hui , au dessoiw
d'un bas-relief mutilé , représentant S'- Nicolas évêque de
Myra , patron des marins . Le plan inférieur de ce fort
comprend des casemates, les restes d'une chapelle dédiée
au sr.iiit dont il portait le nom, des magasins et des citernes .
saovGoOt^lc
F . B . KACOSTi. 237^
Une vingtaine de marches conduisent sur la plafeformc
circulaire , surmontée d'une tour , au sommet de laquelle
on a récemment «onstrait une lanterne pour y placer un
feu à éclipse, de la portée de 15 milles marins.
Les réparations qu'à subies en 1872-1873 le môle qui
conduit au fort S'- Nicolas , laissent heureusement voir au
touriste archéologue les constructions de Moyen- Age ma-
riées à ceDes de l'antiquité .
Sur ces entrefaites, Silvio Enea de Piccolimini , qui
occupait le Trône Papal sous le nom de Pie II, effrayé des
rapides progrès de Mohammed, était parvenu à convoquer
à Mautoue , une assemblée des princes d'Occident , et à
former une ligue contre les Turcs ; mais , à vrai dire , elle
ne fut qu'une vaine parade, dont il est même probable que
le Turcs n'eurent aucune conuaiffiance,et leurs conquêtes
n'en furent nullement arrêtées. Elles prirent même des
proportions si menaçantes , que le Grand-Maître convoqua
un Chapitre général auquel furent invités non seulement
les Chevaliers d'Europe, mais aussi tous les Receveurs de
l'Ordre , avec injonctiou expresse de porter les sommes
dues au Trésor .
De leur côté , les Receveurs dont les encaissements
souffraient des retards , exigèrent des Prieurs et des Com-
mandeurs le solde de leurs arriérés ; mais la plupart , sur-
tout ceux d'Italie et d'Aragon , saisirent ce prétexte pour
se plaindre au Pape Paul II , des lourdes charges qui leur
étaient imposées , et ils firent appuyer leurs réclamations
par les Rois de Naplea et d'Argon ainsi que par le Doge
de Venise, qui avaient eux mêmes des motifs plus ou moins
sérieux d'en vouloir au Grand-Maître . Le Roi d'Aragon
D.qit.zeaOvGoOt^lc
238 HISTOIRE
surtout , Pierre IV le Cruel , ne pardonnait pas à Zacosta
d'avoir exigé la restitution d'une partie des dépendances
de la Conimanderie d'Eniposte qu'il avait usurpées en vertu
de son titre de Souverain .
Ces intrigues eurent pour résultat que le Grand-Maître
fut invité à tenir à Romo le Chapitre qu'il avait convoqué
à Rhodes (1467) . 11 y justifia pleinement ses droits et sa
conduite , obtint une répai-atioa solennelle , et fut comblé
d'bonoeurs et de caresses par le Pape , qui força les récal-
citrants à s'exécuter au plus vite .
Zacosta se préparait à retourner à Rhodes , lorsqu'il
succomba îi une pleurésie le 21 Février 1467 .
Son coi-ps fut inhumé en grande pompe dans l'église de
^'- Pierre de Rome .
saovGoOt^lc
CHAPITRE XXI.
JEAN-BAPT.
1467
DES URSIN8
1476
^uaturacrac ©ranù-^aitw a ^feoirrt
Jean- Baptiste des TJrBins , ou pour mieux dire Giovan-
Battista degl'Orsiûi , issu d'une deB plus nobles familles
d'Italie, et Grand-Prieur de Rome, dut peut-être au crédit
de ses parents autaut qu'à, son mérite personnel , d'obtenir
dans l'élection , la majorité d'une voix sur le provençal
Raymoad lliccard , Prieur de S'- Gilles .
Il se hâta d'arriver à Rbodes où l'on était toujours sous
le coup des menaces de Mohammed II ; et, moins jaloux,
de recueillir à lui seul la gloire de faire front à la difficulté
présente , en ne comptant que sur lui même , que d'assurer
le salut commun , il eut à cœur de s'entourer des hommes
les plus renommés pour leurs connaissances ou pour leur
D.qit.zeaOvGoOt^lc
240 HISTOIRE
sagesse . Le Comraafldeur Pierre d'Aubusaon attira un des
premiers rattentioii d'Orsini . '* Grand capitaine , excellent
ingénieur", dit M . de Vil'.eiieuve-lîargeniont , Piorre d"
Aubusson fit creuser et élargir les fossés de la ville, tels à
peu près qu'ils sont aujourd'hui . Une muraille ayant 195
mètres de long sur 11 - 70 de haut , et 1 - 95 d'épaisseur ,
fut élevée du côté de la nier ; l'extrémité Nord de ceita
muraille, au centre de laquelle on volt les armes du Com-
mandeur surmontées du chapeau de Cardinal , aboutissîint
à la porte S'- Paul , ou porte de la Darce , atteint les deux
tours qui marquent l'entrée du bassin intérieur dont nous
avons fait mention en parlant du Colosse {Page 29) .
L'infatigable d'Aubusson dirigea la réparation , et com-
pléta les travaux de défense des cbtUeaus de Trianda ,
Villanova , Ca.stellos, Cafivia , Lindos, Archangélos &c.
dans Ies(juels les paysans re^'urent l'ordre de .se réfugier au
premier signal do l'approche des Turcs. Enfin , il érigea
encore le loug de la côte des tours, dont plusieurs existant
encore , qui devaient servir à transmettre des signaux sur
tout le pourtour de l'Ile .
Il fallait à Rhodes non seulement des foi-tifications, mais
aussi des guerriers expérimentés ; sur l'appel du Gmnd-
Maître.onvit bientôt arriver les clievaliers Bertrand de
Ciuys, Grand-Prieur de France; Jean de Bourbon, Com-
mandeur de Boncourt ; Jean de Sailly , Commandeur de
Fieffés ; Jean de Wulnet , Commandeur d'Oison , et beau-
coup d'autrçs capitaines non moins habiles ,
Averti peu de temps après qu'une flotte de trente galères
rtvait quitté Constantinople, ouvoyée expressémeut pour
porter le fer ot le feu dans toutes les Iles de la Religion i
D.qit.zeaOvGoOt^lc
j . B . DES citsms 241
mais GUrtout à Ebodes, le Grand-Maître divisa ses forces ■
en plusieurs corps de cavalerie et d'infanterie qui tenaient
la campagne dans les environs des forteresses ou des tours
de la côte . Cette disposition permettait aux différentes
divisions de communiquer entre elles , et de cerner les
Turcs qui avaient pu débarquer et pénétrer sans être inquié-
tés dans l'intérieur des terres , ils fui-ent tous tués ou faits
prisonniers .
Mohammed d'autant plus furieux de ce revers qu'il
l'apprenait en même temps que le sac d'Éuos par les Véni-
tiens (1466) , jura qu'il ne prendrait point de repos qu'il
n'eut exterminé tous les Chrétiens, de l'Orienta l'Occident,
proclamé partout le nom de Prophète , et sur les édifices,
substitué le Croissant à la Croix . Une flotte de 300 vaisseaux
montée par 120,000 hommes, est bientôt équipée ; il hésité
un moment s'il portera ses premiers coups contre Rhodes
ou contre Négrepont alors au pouvoir de Vénitiens. Dans
le doute chacun se prépare , et Venise qui pressentait que
l'orage fondrait sur elle en premier lieu, propose aux Hos-
pitaliers un traité d'alliance si onéreux, qu'il imposait toutes
les charges d'une vassalité ; aussi le Conseil de l'Ordre le
rejeta-t-il avec dédain , préféi-ant se défendre seul s'il était
attaqué , que de recevoir des secours h, des conditions hu-
miliantes ; mais par contre , lorsque Mohammed tourna
enfin ses armes contre Négrepont (1469), en preux et cour-
tois Chevaliers , les Hospitaliers n'hésitèrent pas à voler au
secours des Vénitiens sans vendre leurs armes et leur bra-
voure à aucun prix ; et cependant les Vénitiens eussent
accepté les exigences les plus mercenaires, car Mohammed
dirigeait contre eux une armée formidfible commandée par
D.qit.zeaOvGoOt^lc
242 HisTomE
.le Vébir Mahmoud .
Lorsque les Hospitaliers arrivèrent sous les ordres du
Chevalier de Cardenas la ville était déjà assiégée, et Pierre
d'Auhusson tenta vainement d*y pénétrer à la tête d'une
troupe d'élite .
Cependant les Turcs avaient livré trois assauts qui leur
avaient coûté beaucoup de monde sans avancer leurs posi-
tions ; mais un traître leur fait coonaître l'endroit le plus
faible de la place ; ils font converger sur ce point tout le
feu de leur artillerie et bientôt une large brèche leur
ouvi-e un passage dans la ville . Le Commandant de la place
signale le danger à la flotte Vénitienne et à celle des Hospi-
taliers ; celle-ci force de voiles et opère une heureuse diver-
sion en faveur de assiégés , mais n'est pas secondée par
le pavillon Vénitien qui a honteusement pris la fuite .
Malgré des eflFoi-ts héroïques habilement et bravement
secondés par les Hospitaliers , la garnison Vénitienne,
abandonnée par la flotte, privée de ses chefs, considérable-
ment réduite, doit déposer les armes et se rendre à discré-
tion au farouche vainqueur , qui en fait un horrible mas-
sacre.
Le dévouement des Chevaliers , inutile aux Vénitiens ,
leur attira par contre toute la colère du Sultan , qui jura
une fois encore leur extermination . Des Ursins n'en fut
pas effrayé , mais il ne négligea rien pour perfectionner la
défense de l'Ile ; les fortiflcations de la ville furent alors
complétées, et formèrent à peu de détails près , la ceinture
de remparts que l'on voit encore de nos jours .
Mohammed ne pouvait pas ezécuter ses menaces aussi
vite qu'il les proférait ; il laissa aux flottes de l'Ordre .
saovGoOt^lc
J . B . DES UBSIHS 243
unies à celles des Vénitiens, le loisir d'attaquer Attalia,*
dont ils pillèrent les faubourgs; ils réussirent même » em-
porter le quartier compris entre la première et la deuxième
enceinte; mais leurs échelles se trouvant être plus courtes
que la seconde muraille , ils durent renoncer à pénétrer
dans le cœur même de la place , qui n'était que faiblement
défendue . L'expéditiou d'Attalia qui avait coûté la vie à
plusieurs Chevaliers et au Commandant de leurflotte.avait
en conclusion donné des résultats peu satisfaisants ; aussi ,
renonçant à. attaquer les autres places voisines , comme iLs-
en avaient eu d'abord l'intention , les flottes alliées rentrè-
rent-elles à Rhodes .
Vers cette époque,, A zi m- Ahmed, ambassadeur d'Ouzoun-
Hassan , arriva à Rhodes avec une suite nombreuse de
Seigneurs Tersans. Son maître l'avait chargé de nouer
avec l'Ordre le même traité d'alliance qu'il avait souscrit
avec les autres puissances de la ligue Chrétienne, à la tête
de laquelle se trouvait le Pape Paul II, et dont le but était
d'arrêter les conquêtes de Mohammed , dont rambibion
convoitait l'Orient aussi bien que l'Occident , et qui trou-
vait un motif religieux dans le fanatisme qui divise les
sectes d'Aly et d Orner, pour déclarer la guerre au Schah
de Perse . Celui-ci donc, pour ne pas se trouver isolé, n'hé- .
sita pas à s'allier aux Chrétiens, et à entrer un des premiers
dans cette ligue qui comptait déjà outre le Pape , les Roia
de Naplea et d'Aragon , les Républiques de Venise ot de
Florence et l'Ordre des Hospitaliers.
saovGoOt^lc
244 Hisroisi
L'Ambassadeur , homme habile et éclairé , obtint non-
feulement des fêtes et des honueura , et la ratification d'ua
traité d'alliance offensire et défensive , mais il emmena en
outre de Rhodes plusieurs officiers d'artillerie et d'habiles^
armuriers destinés à compléter et h perfectionner le traia
de l'armée Persane .
Cette alliance eut pour l'Ordre l'avantage de détourner
momentanément de lui l'oi-age, qui alla fondre sur la Perse,,
et porta un coup funeste à la puissance d'Ouzoun -Hassan .
Mais si précaire que semble cet avantage, il permit à
l'infatigable d'AubusBon, devenu Grand- Prieur d'Auvergne
par la mort du titulaire , le Chevalier Cottet, de construire
quelques nouvelles tours à signaux le long delà côte et de
fermer le port par une chaîne solide . *' Toutes les galères
furent mises k flot , et l'on p!aç.> des sentinelles sur les
divers points élevés . On fit également le recensement de
tous les Rhodiens en état de porter les armes . Pour couvrir
le trésor épuisé par tant de dépenses , on prit , dans la sa-
cristie de la cathédrale de Saiat-Jean, deux cents marcs de
vieille argenterie , marquée aux armes du Grand-Maître
Hélion de Vill;neuve , en prJmettaut d'en remettre la va-
leur dans des temps plus heureux". *
Cependant Jean-Baptiste des Ursins pressentait sa fin ,
car les rapides progrès de l'hydropisie dont il était affecté,
occasionnaient une faiblesse qui ne lui permettait pas de
se faire illusion. Il voulut mettre à profit le peu de temps
qu'il lui restait à vivre en consolidant la discipline comm&
• Da BwgemontVUlenwiTe , Mon . doa Or . Msât ,
D.qit.zeaOvGoO»^lc
J . B . DES XJBSINa 245
il avait consolidé les rempai-ts ; et à cet effet , il convoqua
mi Chapitre général qu'il présida lui même le 6 Septembre
1475.
Ijc 12 Avril do l' aimée suivante , il fut atteint d'une
pyncope qui présenta ttlloment les marques d'une mort
réelle , que l'on se disposait déjà à l'ensevelir , lorsqu'il
recouvra subitement ses sens ; mais ce n'était qu'un répit
de courte durée ; cai- le S Juin 1476 , la mort trionipha de
celte vie active et pour ainsi dire obstinée contre ses coups .
Le monument funèbre élevé à sa mémoire portait trois
insciiptious; une en grec, et deux en latin :
ATAOOTHÏ (?) «lAOY* POIEI
" La bonté gagne des amis".
KEQ . BXEKC1TV3 KEQ . TUE3AVRI l'E-TlSimA REGN . SVNT VEEVM
AHICI .
" Ni les armées , ni les trésors ne sont les appuis d'un É-
tat; ce sont les alliés".
LEGIO ITALICA EQ . HIEIt . TËN . 3 . BAPT . VBSINO H . H . OB .
LIBERALITATEM GEXERie SÏATVIT .
'■ La Légion Italienne des Chevaliers de Jérusalem , à
élevé ce monument au vénérable Gi'and-Maître Jean-Ba-
ptiste des Ursins , en mémoire de la génei-osité et de la no-
blesse de sa race ".
Le tombeau de ce Grand-Maître , érigé dans l'église de '
S'- Jean et transporté de nos jours au Musée de Cluny où
on le voit actuellement , portait l'inscription suivante en
style qui pour simuler l'hexamètre latin , en dépit de la
quantité , revêt une profonde obscurité :
AnNO , QUO CbRISTVS de ViEGIHE NATVB , AB ILLO
TaANSlEBANT MILLE DECIES SEITEUQUE , 8VB ISDE
D.qit.zeaOvGoOt^lc
346 HISTOIEE
OCTATO JONII QUADEINOENTl BEX , HOEA QUATEBNA
SaBATI , QL'O DIE SCIAS OBISSE JACEiVTEM .
Sanguise clabus erat URSINUS stirpb Baptibta
QVE CLABA PREVALET CETEBIS ItTALIE .
VULQL'S TANTE DOMUS RESONAT HINC INDE PEE OEBEM ,
Que MULTOS habet pontifices q . dvcbs .
Hic EEraRESDva ébat Rhodi patee atq . Magisteb ,
Qvi PASTIS AMBITU8 FOIT HUJIJ3 COSDITOR DBBIS .
RomANUS FUIT , BIC , DIC , VIETUTIBUS ALTIS ,
NOMBN CUJUS ERIT 8EMPER IN ORÏ SVI8 .
MaONANIMVS , PEUDENS , JUI:T03 , ATQVE MODESTUS ,
HUMANUS , eiRENUCS , PIUS , PROBl'BQUE , 8EBENUS ;
HeCQ . Ci8AEE18 EQUARUNT UBQ0E TEIUMPHIs .
AVCTA FER INVICTE 81C PK0BITATI8 OPUS .
Ut JUBAE EX0EIEN8 MICUIT LS SOLIS IN OEBE ,
AtQVE EEPULQENTI LUSTEAVIT LAMPADE TEERA8 :
Qui MAGN08 HOSIES , QUI MAONA PEHICULA TULIT
; I Peo CaEI8TI cultu , peo rélioione tuenda .
Jure Deus voluit ceeto decebkere fato ,
Ut HUIC PBECLARO NOMEN MAGI8TEE*E88ET ;
ATQUE ISTER DIV08 ESSET DIVUS AD A8TRA RELATVS .
Sic ITAQVB 6ECVL0 VICTO SINE FINE TRIOMPHAT .
" Depuis l'an où le Christ naquit de la Vierge , s'étaient
écoulés mille septante ans , auxquels en ajoutant quatre
cent six ans , sache que le 8 Juin est mort , vers les quatre
. heures , celui qui gît ici . Baptiste des Ursins était de sang
illustre par sa famille que sa gloire élève au dessus de tou-
tes les autres familles de l'Italie . La foule des descendants
de cette maison font parler d'eux dans tout l'univers.
Nombreux sont les Pontifes et les généraiix qu'elle a four-
ra ovGoot^lc
247
pis . Celui-ci était h, Rhodes Religieux et Grand-Maître . et
il fut l'architecte d'une partie de l'enoeinte de la ville . Il
£ut romain par ses hautes vertus ..diteg-le , dites-le , et son
nom sera toujours sur les lèvres des siens . Magnanime ,
prudent , juste , modeste, humain, courageux , pieux, probe,
liffable : ces qualités relevèrent jusqu'aux triomphes des
Césars ; elles étaient en outre accrues par l'exeroioe d'une
probité iuvincible. Il brilla dans l'univers comme un rayon
du »3leil levant et il éclaira la terre des reflets d'une lumière
empruntée . H contint de puissants ennemis , il soutint de
grands périls pour l'honneur du Christ , pour la défense de
)a Religion . A bon droit Dieu a voulu décréter par un
arrêt irrévocable qu'à cet homme illustre fut donné le tâtre
de Maître , et qu'entre les Saints , ce Saint fut élevé jus-
qu'aux astres. C'est pourquoi vainqueur du Monde, il
troimphe éternellement".
saovGoOt^lc
CHAPITRE XXII. '"'■
PIERRE D'AUBUSSON
1476 1505
Le 17 Juin 1476, Frère Raymond Riccard, Grand-Prienr
de 3^ Gilles , annonçait aux ChevalierB assemblés que les
Totes des électeurs avaient élevé à la dignité de Grand-
Maître , Frère Pierre d'Aubusson , Grand-Prieur d'Auver^
gne.
Cette Êimille était sortie de colle des anciens Vicomtes
de le Marche , et l'histoire avait enregistré le nom des
d'AubussOQ dès le IX™ siècle . Pierre né en 1423 au châ-
teau de Mon teil-le -Vicomte, descendait par ligne masculine
de Raymond , Vicomte d'Aubusson , Seigneur de Honteil
et de la Feuillade ; son père Renaud d'Âubusaon, avait
épousé Marguerite de Cambom , alliée à plusieurs maiions
saovGoOt^lc
p . d'aubusson 249
souveraineB . La bravoure et la prudence du jeune Cheva-
lier , avaient fait dire à. Charles VII : " Je n'ai jamais vu
ïéunis tant de feu et tant de sagesse ; "
Les suffrages du Conseil en confirmant ce glorieux té-
moignage , donnèrent aussi h. Rhodes un chef à la hauteur
des difficultés présenteB ; les moments étaient critiques en
effet ; mais quand la population vit opposer aux attaques
que Mohammed avait préparées de longue main , le sage
et preux Chevalier Fîerre d'Aubusson , elle se laissa aller
aux transports de la joie et de la confiance ■
Personne ne connaissait mieux que le nouveau Grand-
Maître , qui avait été le collaborateur intelligent et habile
de J . B . des Ui'sins , le fort et le faible de la position ; il
avait hérité de son ardeur infatigable, et l'œuvre déjà bien
avancée de la parfaite fortification de Rhodes et des Iles
qui en dépeudaient , fut continuée sans retard ; la capitale
surtout devait appeler toute sa sollicitude ; il en fit une des
premières places foi-tea du XV"'- siècle, et les critiques les
plus sévères ne lut trouvent aujourd'hui qu'un seul défaut:
Peut-être le temps manqua-t-il à d'Aubusson , pour con-
struire deux ouvrages avancés, l'un sur le mont S'- Etienne,
l'autre sur la hauteur occupée par le faubourg S<' Georges .
C'est donc plutôt aux successeurs de d'Aubusson que l'on
peut adresser le reproche d'avoir négligé ces constructions
dont l'expérience leur avait démontré toute l'utilité ; et le
temps ne leur manqua pas .
Pierre d'Aubusson devait penser au plus pressé : les ma-
gasins furent remplis de vivres et de numitions ; tous les
Chevaliers absents fureut invités à ae rendre à Rhodes; des
secours furent sollicités des Princes d'Europe ; nous verrons
D.qit.zeaOvGoOt^lc .
$50 HISTOIRS
bientôt qae Ofr ne fut p&E en vain .
Lorédan venait d'être' iiommé géuéralissime des forceEt
maritimes de Venise ; sa bravbure et son habileté forcent
Mohammed îi compter avec un pareil adversaire ; sérieuse-
ment menacé , il lève trois armées formidables qu'il dirige
l'une vers Lépante appartenant aux Vénitiens, l'autre dans
l'Abbàiiie , et la troisième enfin dansleFi-ioul. La lutte
qui dure deux ans, (1477-1479) fait gagner aux Chevaliers,
un temps précieux qu'ils mettent sagement îi profit; il aui'aît
pii en résulter de graves conséquences pour les Turcs , si
Venise s'était alliée à l'Ordre pour combattre l'ennemi
commun .
Loin de là, Lorédan enivré de ses premiers succès, ènvoift
k Rhodes Michel Salomon pour réclamer de l'Ordre dans
les teiTnes les plus impérieux , l'extradition d'un certain
Rizzio Mariui ; c'était un chypriote , partisan de Charlotte
de Lusignan, réfugié comme elle à Rhodes après la décou-
verte d'un complot formé en faveur de cette reine infortu-
née contre la vénitienne Catherine Cornaro àlaqnelle K
République avait donné le titre de Fille de Si- Marc. .
Si le message verbal de Lorédan était impérieux, la lettre
que le Doge envoyait par Michel Salomon n'était pas con-
çue en termes moins blessants pour la dignité de l'Ordre;
ce n'était pas une demande, mais bien une injonction pé-
remptoire à laquelle les Chevaliers ne pouvaient se plier
sans compromettre et leur honneur , et les droits toujours
sacrés de l'hospitalité , et le respect que leur devait une
puissance avec laquelle ils prétendaient avec raison traiter
d'égal à égal . Aussi l'indignation fut elle grande à Rhodes .
La fierté naturelle à des gens dont l'honneur militaire était
saovGoOt^lc
P . D AUBtrSSON 251
irréprochable , qui par leur naissance ne se considéraient
pas inférieurs au plus noble des Vénitiens , faisait préva-
loir dans le Conseil l'opinion de congédier sans aucune
réponse l'enTOyé de la République ; mais d'Aubusson ne
perdait pas de vue les véritables intérêts de l'Ordre ; il
comprit; qu'il ne fallait ni céder à la menace , ni se créer
par une réponse trop offensante , un nouvel ennemi . Il
représenta donc îi MicHel Salomon qui Eizzio Marini ne
se trouvait à Kbodcs ni comme séditieux ni comme rebelle ,
mais en simple particulier sans aucune action politique ;
que tout État libre avait le droit d'exercer l'hospitalité
envers les malheureux , et que pour son Ordre, cette hospi-
talité était non seulement un droit mais un devoir , dans
raccompiissement duquel il ne voyait rien qui put eftenser
un État ami . Satisfait ou non de cette réponse , l'envoyé
vénitien retourna la transmettre à Lorédan , qui était alors
trop occupé contre les Turcs pour penser à donner suite à
sa réclamation .
De son côté Mohammed craignant de voir les Chevaliers
s'allier aux Vénitiens , feint de désirer enfin une paix du-
rable avec l'Ordre, et la fait ostensiblement négocier par
son frère Djim et par son neveu Tchélébi . Les Ambassa-
deurs se sei-vent de l'entremise d'un certain Démétrius
Sofianos , qui profite du temps nécessaire aux négociations
pour essayer de lever un plan de la ville et de se mettre
au courant de ses moyens de défense . D'Aubusson com-
prenant le jeu , simule une entièîre confiance à la sincérité
des avances qui lui sont faites ; ce fut probablement encore
pour introduire un autre espion dans la Ville , que le
Sultan donna ordre au Gouverneur de la Lycie, de proposer
D.qit.zeaOvGoOt^lc
252 msTOiBE
au Grand-Maître par un envoyé spécial , le rachat des
prisonniers civils et militaires qu'il détient dans sa provins
ce ; d'Aubusson n'hésite pas ; il les rachète de ses propres
deniers , et augmente ain^i le nombre des défenseurs dé-
voués de Rhodes ; Sofianoa traînait les choses en longueur
80UB prétexte d'attendre des instructions à l'égard d'un tri-
but qu'il conseille à l'Ordre de payer sous le 1111*0 de pré-
sent. Le Grand-Maître trouvait dans ces retards le temps
de compléter ses armements ; il n'objecte rien contre le
désir de Sofianos ; cependant les informations qu'il reçoit
de ses espions , acceptés jusque dans le Palais du Sultan ,
confirment ces judicieux soupçons , et lui apprennent le
véritable motif du séjour prolongé de l'émissaire turc à
Khodes ; il le fait si strictement surveiller , qu'en quittant
Vile , Sofianos n'avait pu recueillir que des relations exa-
gérées à dessin , sur le nombre des défenseurs et sur les
ressources de la place .
La vigilance de d'Aubusson avait donc si bien déjoué les
projets de Sofianos, qu'à son retour à Constantinople , lors-
qu'il remit au Sultan les préliminaires d'une trêve que le
Pape devait préalablement sanctionner pour qu'elle eut
force de traité de paix , il ne put fournir que des réponses
vagues et sans valeur aux questions de Mohammed sur les
dispositions de la défense .
Mais le libertinage et l'apostasie lui vinrent plus effica-
cement en aide : il rencontra dans les lieux les plus mal
famés , Georges Frapann ..plus communément connu sous
le nom de Maître Georges , et le Rhodien Antoine Méli-
ghalos , l'uQ un Allemand renégat , l'autre appartenant à
une des meilleures familles grecques de l'Ile, mais libertin,
D.qit.zeaOvGoOt^lc
p. daitbijBSOK 253'
^ssipé et aussi félon que son complice . Ces deux hommes
■qui étaieut faits pour s'entendre avec Sofiaiios , fournirent
un plan détaillé de la ville et de ses environs .
" L'œil attentif sur tons les points , le Gi-and-Maître sut
■que le sultan d'Égjpte, redoutant le résultat des conquêtes
de Mohamed, désirait la paix avec l'Ordre. On alla au-devant
de ses vues , la trêve se renouvela , et , sans s'obliger à les
secourir comme alliés , Eschref Kâïc Bey promit aux che-
valiers de leur donner l'entrée de ses ports en les protégeant
comme une nation amie . Un traité semblable fut signé
avec le Roi de Tunis , au commencement de 1478, et cette
même année , le 28 octobre , s'ouvrit le chapitre général .
On- j applaudit avec transport à toutes les mesures prises
par le Grand-Maître , et, inspirant une confiance sans bor-
nes, d'Aubusson f ut investi, par acclamation , d'un pouvoir
semblable à la dictature "- •
Si la République de Venise forcée enfin de demander la
paix par la cession de Zante , S"''Maure et Céphalouis
(1479) , laissait à l'ambitieux Sultan toute la liberté de ses
mouvements ; si celui-ci avait enfin achevé les formidables
préparatifs dirigés contre Rhodes , l'actif et iutelligeut
Grand-Maître n'avait pas perdu son temps, et des renforts
lui étaient arrivés , nombreux et dévoués . Non seulement
tous les Chevaliers Frofès étaient accourus à sou appel ,
mais ils avaient entraîné à leur suite un grand nombre de
nobles volontaires , et Louis XI Roi de Fi-ance , avait fait
parvenir des sommes considérables recueillies dans un Jubilé
* Ds yiUeneuTe-Bargunoiit , If ou. des (h. Mût.
■D.qit.zeaOvGoOt^lc
254 . HISTOIRE
que Sixte IV avait accordé avec des indulgences en faveur
de tous ceux qui viendraient eu aide aux Hospitaliers .
On remarquait , dit Vertot dans son Histoire des Cheva-
liers, parmi ceux qui venaient au secours de Rhodes , Antoi-
ne d'Aubusson , Vicomte de Monteil , frère aîné du Grand-
Maître ; Louis de Craon , d'une des plus nobles maisons
d'Anjou ; de l'Escale, descendant des Seigneurs souverains
de Vérone : Louis Sanguin de Paris ; Claude Colomb de
Bordeaux ; Mathieu Brangelier de Périgord ; Charles le
Eoi de Dijon ; Benoit Scalier ; Bertrand de Cluys , Grand-
Prieur de France ; Charles de Montholon , et Jean Daw ,
Grand-Bailli d'Allemagne ; mais nous devons avouer qu''
aucun de ces noms ne se trouve dans la liste que Bobio
donne des défenseurs de Bhodes à cette époque .liste que
nous reproduisons dans les notes à la fin du volume , avec
les observatious dont il l'accompagne .
Jetant enfin le masque sous lequel il ne se cacîiait qu'a-
vec répugnance, Mohammed, pour ouvrir les hostilités,
chargea son Capoudan Pacha Messih, de prendre les de-
vants et de venir reconnaître Bhodes . Messih était selon
toute probabilité un renégat; peut-être comme l'assui-e
Vertot , qui l'appelle Misach , appai-tenait-il à la triste fa-
mille des Paléologues; toujours est-il que le commandant
des forces Turques connaissait la langue Grecque , et que
son maître comptait autant , sinon plus , sur ses capacités
diplomatiques que sur ses talents militaires .
Prévenu du départ de cette avant-garde , le Grand- Maî-
tre fit raser toutes les maisons de plaisance qui entouraient
la ville , et qui auraient pu servir d'abri à l'ennemi . S'il
faut accepter la d^cription qu'ei^ ont laissée I^bs, clu:oni-
saovGoOt^lc
p. D'ADBFSaOS 255
queura du temps , ces maisons , entourées de jardins bien
entretenus , étaient autrement somptueuses que celles qui
les ont remplacées par la suite . Ou n'épargna pas même
les chapelles diaséminées dans les campagnes , et à cette
occasion l'image vénérée de Notre Dame de Philerme , fut
pour la première fois transférée en grande pompe dans la
principale église de la Ville . Les grains furent fauchés et
transportés dans les forts, où les paysans devaient se réfu-
gier au premier signal d'alarme . Enfin toutes les précau-
tions étaient prises ; de part et d'autre on était préparé à
la lutte , et on la désirait avec impatience .
Messih arriva avec sa flotille le 4 Décembre 1479 en vue
du village de Fanes, à 4 heures de la Ville ; sur son ordre ,
quelques compagnies de Spahis et de Janissaires , mirent
pied sur le rivage ; leur audace encouragée par l'espoir
d'un butin facile , les entraîne à une assez grande distance
. dans l'intérieur des terres abandonnées ; mais tout-à<coup
Budolphe de Nardemberg , Bailli de Brandebourg , qui
surveillait tous leurs mouvements , les surprend ; quelques
fuyards seuls échappent au massacre et parviennent à re-
gagner leurs vaisseaux ; ils y répandent une telle panique,
que Messih prend le large , bien convaincu que ses forces
sont insuffisantes pour tenter un coup de main sur Bhodes ;
il se dirige alors vers Tilos ou Piscopi , où il espère être
plus heureux . Mais là aussi la garnison était sur ses gar-
des ; en vain il bat la place pendant huit jours consécutifs ;
la bravoure des Chevaliers l'oblige à renoncer encore à
cette tentative après avoir sacrifié en pure perte l'élite de
ses troupes . Rembarquant ses hommes . il se dirige vers
la baie de Fbinica , l'ancienne Limyra en Lycie , où devait
D.qit.zeaOvGoOt^lc
256 HI8T0IBE
te trouver le gros de la flotte Musulmane prête î^ prendre
le corps (l'armée destiné au siège régulier de Rhodes .
Ces forces composées d'environ 160 gros navires , outre
les nombreux transports que montait uue armée de 100,000
hommes , parurent enfin devant l'Ile le 23 Mai 1480 . Mes-
sih Fâcha eu avait reçu le commandement en che£ ; il choi-
sit pour point de débarquement la baie de Trianda. qui n'é-
tait défendue par aucune fortification . L'opération se fit as-r
sez promptement malgré la vigoureuse résistance des Che-
valière, et l'armée Turque , gagnant aussitôt les hauteurs,
occupa le mont S'- Etienne , à l'Ouest de la Ville , et de là
déploya sea ailes, l'une au N.-E. jusqu'à l'Oratoire S'-
Antoine , en face du fort S*- Nicolas (le Phare) , l'autre
jusqu'au faubourg S'- Georges, au Sud de la Ville . Celle-ci
était donc entièrement cernée par terre , en même temps
que la flotte la bloquait par mer . Comme on le voit , Mes-
sih Pacha avait adopté le meilleur plan d'attaque , celui de .
Maître Georges Frapann , et l'avait mis en exécution avec
rapidité .
Cependant les Chevaliers ne manquèrent pas d'inquiéter
sérieusement les Turcs par de vigoureuses sorties; mais
s'ils leur tuèrent beaucoup de monde, si l'infâme Démétrius
Soflanos y trouva la mort, les défenseurs de la place eurent
à déplorer la perte d'un de leurs plus braves champions ,
le Chevalier Antoine de Murât ; plus téméraire que pru-
dent , il s'acharna à la poursuite d'une troupe de Spahis
qui lui tranchèrent la tête .
Au bout de trois jours, les Turcs avaient défiuitivement
pris leurs positions et tracé leur ligne de défense ; maître
Georges avait fait dresser sur les mines de l'Oratoire 3*-
saovGoOt^lc
p . d'aubussos 257
Antoine , une batterie de canons de gros calibre qui ouvrit
1b premier feu contre le fort S- Nicolas , considéré comme
la clef de la Cité . De son côté le Grand-Maître avait établi
une contre -batterie dans le jardin d'Auvergne (aujourd'hui
jardin de Suléiiuan Bej) , pour prendre de flanc les artil-
leurs Turcs ; le feu de cette position ralentit considérable-
ment celui de l'ennemi .
■ Meny Dupuy , auteur contemporain , nous apprend que
Maître Georges , d'accord avec Messih Pacha , s' étant pré-
senté devant les fossés de la ville dans l'attitude d'un trans-
fuge , supplia les gardes de lui ouvrir promptement un
guichet et de l'introduire dans la place . Averti du fait ,
d'Aubusson ordonna qu'on accédât à cette demande , mais
que le transfuge lui fut emmené directement. Le renégat,
homme de haute taille , bien fait et de bonne mloe, soutient
son rôle avec un imperturbable sang-froid ; avant qu'on
soupçonnât son apostasie , il l'avoue lui même ; mais il
ajoute que aîncéiement repenti d'un acte d'autant plus
blâmable, qu'il n'avait d'autre mobile que la soif insatiable
des richesses et des honneurs , il veut maintenant rentrer
dans le sein de cette Église qu'il est venu combattre dans
la personne des Chevaliers ; que ses remords sont si vifs
depuis qu"il a débarqué à Ehodes, qu'il implore du Grand-
Maître la grâce de consacrer sa vie à la défense de Rhodes ,
et au service de la Religion .
Interrogé par le Grand-Maître sur les forces et les
moyens de l'ennemi , le fourbe montre à d'Aubusson la
puissante flotte qui entoure la ville ; il lui affirme que l'ar-
mée compte plus de cent mille hommes , pour la plupart ,
anciens soldats aguerris . II parle avec plus d'ardeur de ces
D.qit.zeaOvGoOt^lc
258 HISTOIRE
canons formidable?, sa création ; des boulets énormes qu'ils
lancent, de l'habileté des canonnière qu'il a dressés ; et, com-
me il surprend sans doute quelque méfiance dans le regard
du Grand-Maître, il ajoute des avis importants , et des con^
Beils pour la défense , conseils et avis dont les événements
prouvèrent l'efficacité .
La contenance assurée et le langage ferme de Maître
Georges, avaient convaincu une grande partie du Conseil
de la sincétité de l'Allemand ; ceux même qui l'avaient
naguère connu h. Rhodes pour un homme avide de gain »
fourbe et sans principes, commençaient à hésiter, loi*squ'uo&
flèche lancée dans la ville avec un billet portant ces mots :
"Méûez vousde Maître Georges," vint les mettre sur leurs
gardes. D'Aubusson ordonna de n'en rien laisser paraître »
car il voulait profiter des services que l'espion pouvait ren-
dre comme ingénieur, mais il le fit si strictement surveiller,
qu'il désespéra du succès de ses projets ; et la crainte de se
rendre suspect , le détermina à ne plus' sortir du logement
qu'on Lui avait assigné .
Messih fidèle observateur des conseils de Maître Georges,
continuait à battre le fort S'- Nicolas contre lequel , au dire
de Caoursin , on lança plus de trois cents de ces énormes
boulets en grès dont le volume surprend ceux qui visitent
Rhodes . L'effet ne tarda pas à- se produire ; un long pan
de muraille s'écroula avec fracas; mais par un heureux
hasard auquel aida sans doute la construction en fruit , les
débris fi' appuyant contre le pied du fort, y formèrent com-
me une seconde muraille assez solide encore .
Il fallait cependant remédier au mal et i-enforcer la dé-
fense ; d'Aubusson confie cette mission au. Commandeur
saovGoOt^lc
p. D'ATJBuaeoN 259*
Fabrice Carretto , un de ses Lieutenants dont la bravoure
et l'expérience ne laissaient rien à désirer . À peine dans
le fort , le nouveau commandant relève la muraille ; peu
menacé du côté de la mer , il retire de là une partie de ses
canons , et dresse vers l'Ouest des batteries intérieure
destinées à défendre l'accès par les brêcbes que le feu de
l'ennemi pourrait ouvrir . De son côté celui-ci fait évidem-
ment des préparatifs pour une attaque sérieuse et un assaut
décisif . D'Aubusson n'héste pas alors à se renfermer lui
même dans le fort S*- Nicolas ; son frère le Vicomte de ,
Honteil , et d'autres volontaires sollicitent et obtiennent
la permission de raccompagn»r ; l'élite des Chevaliers est
là prête à recevoir les assaillants .
Le 9 Juin à l'aube , leurs bâtimants légers jettent sur le'
môle.siir les rochers, sur les bas fonds, des milliers de
soldats , qui , malgré le feu nourri que les assiégés dirigent'
sur cette masse compacte , s'élancent bravement à l'escala-
de , en s'animant par des clameurs qui rivalisent avec le
bruit du canon . Le Grand-Maître , debout sur le point le
plus menacé , commande le feu avec le regard assuré d'un
guerrier ; sa main ferme porte des coups mortels ; sa bra-
voure oppose à ceux qu'il reçoit le sang-froid d'un héros .
Son armure est faussée dans plus d'un endroit , mais I0
Chevalier ne chancelle pas ; une pierre emporte son casque ;
il ramasse celui d'un soldat tombé à ses pieds et continue
à se battre . Carretto tremblant pour la vie de son chef , le
conjure au nom de tout l'Ordre de se retirer et de lui con-
fier son poste . " C'est ici , répond d'Aubusson , le poste
d'honneur qui appartient à votre Chef ;" puis tendant une
main à Carretto , tandis qu'il abat un ennemi de l'autre , il
D.qit.zeaOvGoOt^lc
ajoute en souriant : " Si je suis tué , il 7 a plus ^ espérer
pour vous, qu'à craindre pour moi". Il voulait par cela
dire qu'il le croyait digne de lui succéder .
Les Chevaliers excités par un si noble exemple, font des
prodiges de valeur ; partout où la muraille écroulée peut
offrir un passage k l'enDemi , leur poitrine d'airain oppose
un rempart bien autrement formidable . Les Turcs de leur
côté , n'en continuent pas l'attaque ni areo moins d'ardeur,
ni avec moins de courage ; mais fauchés par le feu meur.
trier des batteries, écrasés par les échelles chargées d'hom-
mes qui, donnent et rencontrent la mort , brûlés par un
torrent d'huile bouillante qui jaillit des créneaux , ils sont
forcés de s'écarter et de regagner le rivage opposé , soit
Sur les navires encore à leur portée , soit en se jetant à la
nage . Sept cents cadavres couvrent tes rochers et le môle
du fort S^ Nicolas; les Turcs obtiennent la permission de
les ensevelir, et une fosse immense creusée en face du fort,
entre l'Arsenal et les ruines de l'Oratoire S'- Antoine , reçut
tous ces cadavres, dont les ossements ont été mis récemment
à découvert , et inhumés de nouveau dant le cimetière du
Mourad-Ke'is, (ancien Oratoire S^ Antoine) .
Cet insuccès décide Messih Fâcha à renoncer à la prise
du fort S'- Nicolas ; il concentre tous ses efforts contre le
quai-tier Juif , par le faubourg &• Georges , hauteur qu'il
occupait depuis l'ouveiture du siège ; de là uue formidable
batterie de huit grosses pièces répond à celle des assiégés
et BOUS les boidets , les terrassiers creusent une tranchée
qui permet l'accès du nouveau point pris pour objectif .
Le feu redouble alors d'activité ; une neuvième pièce est
braquée contre k-s moulins à vent de la Ville ; pour diviser
saovGoOt^lc
P . D ACBCgSOîJ
les forces des assiégés , le Bastion d'Angleterre et celui
d'Italie sont attaqués en même temps . Quoique d'une é-
paisseur de 28 pieds , la muraille du quartier Juif , qui n'é- '
tait pas terrassée intérieurement , est bientôt ébranlée par
les énormes boulets qui la battent sans relâclie ; le génie et
l'audace vieunent en aide à d'Aubusson ; il fitit raser une
partie du quartier , et arec les matériaux qu'il en retire ,
il construit en peu de jours avec les bras des paysans réfu-
giés dans la ville, une seconde enceinte protégée par un
fcBâé , et défendue par un feu croisé .
Messih s'aperçoit bientôt qu'il perd inutilement son temps
et sa poudre ; îl revient à nue nouvelle attaque de fort St-
Nicolas ; mais cette fois, elle devait avoir lieu simultanément
par terre et par mer . A cet effet, il avait construit un pont
de bateaux , dont une des extrémités était amarrée aux
rochere du Lazaret, en face de l'Oratoire S^ Antoine; l'au-
tre devait, au moyen d'un câble 6xé à une ancre mordant
sous la tour elle même , venir rejoindre les rochers qui lui
servent de fondement . Mais, quand ils commencent à exé-
cuter la manœuvre , les Turcs sentent qu'ils hèlent sur un
câble sans prise ; en effet , un matelot Ann;lais , au service
de l'Ordre , dont la tradition n'a pas ■ dédaigné de nous
conserver le nom, Gervais Eodgers, ayant vu l'ancre, avait
plongé et coupé le câble . Le fort ouvre son feu contre 1©
pont qui s'en allait à de dérive , et cause aux Turcs des
pertes assez sérieuses . Mais le Pacha qui ne comptait pour
rien la vie de ses hommes , fait remorquer le pont par des
barques et parvient , malgré le feu meurtrier des Cheva-
liers , à l'accoster au pied du fort dans la nuit du 19 Juin .
L'assaut commencé aiissitôt , dura pendant dix heures ;
D.qit.zeaOvGoOt^lc
262 HI310IRE
enfin les Tuics ayant perdu 2500 hommes , quatre chalou-
pes et beaucoup de petites barques , se retirent , abandon-
nant leur pont tout brisé par la mitraille et en partid
brûlé .
Toute tentative contre le fort S'' Nicolas étant reconnue
impuissante, le Pacha reprend l'attaque du quartier Juif ;
Diais pour faire diversion , une autre batterie appelle en
même temps les assiégés au secours de la partie Ouest du
bastion d'Italie .
Cependant le découragement commençait^ se répandre ;
des émissaires de Messih semant des nouvelles exagérées,
jetaient le désespoir parmi la population ; quelques Cheva-:
liers avaient déjà émis l'opinion d'eu venir à une honorable
reddition . Averti de ces menées, d'Aubussoh convoque ses
Chevaliers : " Si quelqu'un de vous, leur dît-il, ne se trouve
pas eu sûreté dans la ville , je trouverai le moyen de l'en
faire sortir ; mais que ceux qui veulent y demeurer ne me
parlent jamais de reddition ! " A ces mots tous jurent de
combattre, et de s'ensevelir sous les ruines de Rhodes plu-
tôt que de se rendre .
Sur ces entrefaites Maître George Fi-apann qui s'était
trahi, fut arrêté, mis à la torture, et forcé d'avouer sa
connivence avec les Turcs . Ses aveux furent complets ,
la punition fut prompte et sévère; attaché h une potence,
fiou corps fut exposé en vue du camp Turc . Mais le traître
était resté assez longtemps dans la place pour gagner quel-
ques misérables à pris d'or ; ils s'étaient engagés à empoi-
sonner d'Aubusson, qui semblait inspirer seul tout le génie
de la défense et rhéro'isme dans la bataille. La même soif
de l'or , qui av:iit di'cïdc au crime , le fit découvrir ;. ua des-
saovGoOt^lc
P . D ADBUS30N 263,
coupables , par une honteuse spéculation , trahit ses coni'
plices , et fut avec eux ■victime de la justice du peuple qui
les mit en pièces avant que l'autorité eut eu le temps d'in-
tervenir .
Du cœur des assiégés, le découragement passa dans celui
des assiégeants ; Messih s'en aperçut et essaya la diploma-
tie ; mais il ne fat pas plus heureux négociateur, qu'il n'a-
vait été habile stratégiste. Furieux de cette double humi-
liation , il ordonne un assaut général , et pour exciter V&T--
deur de ses troupes, il allume leur cupidité . Le 28 Juillet .
au lever du soleil, un coup de canon donne le signal de
l'attaque , et 40,000 janissaires et spahis altérés de sang et
de pillage , s'élanceut h. la fois contre les remparts . Béjà ,
malgré l'héroïque résistance des Chevaliers , l'étendard de
Messih Pacha flotte sur la pi-emièi-e enceinte du quartlej;
Juif, lorsque l'avare renégat fait crier du haut de cette
position , que le pillage est défendu , les trésors de l'Ordre
revenant de droit au Sultan . Cette annonce intempestive
refroidit singulièrement l'ardeur; les assaillants, qui, s'il
faut en <Toire quelques historiens , s'étaient préalablement
munis de sacs pour y mettre leur butin , et de coi-des pour
lier leurs prisonniers , s'arrêtent et hésitent ; plus prompts
encore à profiter de la faute du Pacha , les Chevabers , le
Grand-Maître' en tête , culbutent tous ceux qui se trou-
vaient déjà sur le premier mur , et les poursuivent jusqu'
aux remparts. Messih frémit d'indignation; il reçoit les
fuyards à coups de cimeterre , et fait avancer de nouvelles
troupes . auxquelles il promet une riche récompense si la
ville tombe en son pouvoir . La cupidité et le nombre sem-
blent enfin triompher de l'héroïsme ; les Chevaliers com:'
saovGoOt^lc
264 HISTOIRE
mencent à plier ; mais d'AubuBSon , attenit de pluBÎeuTB
blessures , inondé de sang , s'élance au premier rang et
s'écrie : " Mourons ici , mes frères , pour la Foi , plutôt que
de reculer !" Électrisés par ces mots et par l'exemple hé-
roïque de leur vieux chef , les Chevaliers , par un effort
suprême , forcent les Turcs à lâcher pied à. leur tour ; le
désordre se met dans leurs rangs, et une fuite honteuse
les ramène dans leur camp . La conduite des assiégés fut
si admirable, que Briendenbach n'hésite pas aies comparer
aux Machabées : " Nec aliter pro fide cathoUca et republica
ch'i'istia'norwm pugnavere , quam, oîim gloriosi^ MachaixBÎpro
cuUii divino et Hehreorum Ubertate prœliati sjint ."
Cet assaut coûta aux Turcs 3500 morts, un nombre plus
considérable de blessés et plusieurs étendards , parmi les-
(jaels celui de leur Chef . Renonçant désonuais à la prise
de Rhodes , Messih Fâcha réuuît les débris de son armée
(3 Août 1480), et revient cacher sa confusion à Constanti-
nople , après avoir vainement tenté d'enlever en passant le
château de S'- Pierre à Boudroum . TJn total de 9000 hbm-
uies morts , 15,000 blessés , bon nombre de petits navires
perdus et des sommes importantes inutilement dépensées :
tel était pour le Sultan le résultat de cette expédition ; il
en tira satisfaction en exilant Messih à G-allipoli .
L'Ordre avait perdu pendant ce siège : le Grand-Com-
mandeur Frère Guillaume Riccard ; Frère Baptiste Ori-
mauld , Commandeur de Marseille , du Prieuré de S'' Gil-
les ; Frère Etienne de la Balle , du Prieuré de Toulouse ;
Frère Claude de Gien , Commandeur de Cariât, du Prieuré
d'Auvergne ; Frère François de la Sarre , Commandeur de
S" Anne , du Prieuré d'Auvergne ; Frère Jean Chambon ,
saovGoOt^lc
P . D ADBOesOH 265
Commandeur de Fouillies ; Fi-ère Araédée de Croisy, Com-
maDdeur de Belle-Croix^ du Prieuré de Champagne; Frère
Martello Martelli, Florentin, Commandeur de Prato ; Frère
Melchionne Asinari, Commandeur de Moncalieri, du Prieuré
de Lombardie ; Fière Beruard di Peruzzi , Commandeur
des Cassines , de Cerbacola de Massa et de Pontremoli , du
Prieuré de Pise ; Frère Amatore di Caccianemici, Comman-
deur de Fnënza du Prieuré de Venise ; Frère Troïle de
Montemellino, Commandeur d'Osîmo, du Prieuré de Rome ;
Fi'ère Jean- Baptiste Carrafiv, Commandeur d'Alife et de
Morooe , du Prieuré de Capoue ; Frère Jean Ram . Com-
mandeur de Valdecona, Aragonais ; Frère Jacques Porquet,
ConiHiandeuv de Balbastro . Aragonais ; Frère Gabriel Ma-
re, Commandeur de Valsogiia , du Prieuré de Catalogne;
Frère Jean Vacquelliu, Commandeur de Carbouch, An-
glais; et avec Murât, tant d'autres Chevaliers non moins
braves et illustres, et uu nombre assez important d'habi-
tants Grecs et Latins .
l'eut-être le lecteur sera-t-il surpris de rencontrer chez
les Grecs, en faveur des Chevaliers catholiques, leurs vain-
queurs d'bier,une fidélité et un dévouement qui ont dû
faii% plus d'une victime . Évidemment , ce serait mal con-
naître le caractère fanatique des Grecs de cette époque .
que d'attribuer leur couduito honorable à l'horreur seule
du Croissant; le Catholicisme ne leur était pas moins o-
dieuz . La véritable cause eu est plutôt dans la prudence
politique dont les conquérants avaient usé à leur égard .
En efiet , les Chevaliers , environnés d'ennemis jaloux , de-
vaient conquérir en même temps que le sol, les sympathies
du peuple , et l'associer à sou existence . Ils avaient dono
:q,t7edi>G00t^lc
266 HisTontG
laissé les Grecs pai'faitement libres dans l'exercice de leurs
rites religieux, et nes'imiscièrent jamais dans les rapports
entre les séculiers et leur clergé . Ils exigeaient seulement
que les Métropolitains Grecs prêtassent serment de fidélité
envers l'Ordre ; ce serment liait en même temps le Clergé
inférieur et tout le peuple , également soumis à l'autorité
religieuse avec une docilité qtii ne s'est jamais démentie.
C'est pourquoi , quelques Curés ayant cherché à se rendre
indépendants de l'Oi-dre, qui leur payait pourtant des ho-
noraires , le Grand-Maître des Ursins les expulsa de l'Ile ,
sans provoquer aucune réclamation . C'est le seul acte
d'autorité que TOrdie ait eu à exercer contre le Clergé
Grec , dont la fidélité , entraînant celle du peuple , se mon-
trera plus héroïque encore daus le dermier siège .
A peine délivré de l'ennemi, le Grand-Maître, voulant
avant tout se montrer reconnaissant et envers les guerriers
qui l'avaient si bien secondé , et envei-s la population qui
s'était montrée si fidèle , récompensa dignement les pre-
miers, et distribua généreusement à la seconde tout l'ex-
cédant des provisions «massées dans la Ville ; il accorda
en outre l'exemption de plusieui-s redevances . Sans perdre
de temps, il entreprit ensuite la réparation des fortifications
que tant d'assauts avaient ébranlées ou percées ; une par-
tie était à refaire entièrement , du côte surtout du quartier
Juif ( Bastion d'Italie ) , qui avait le plus souffert . Enfin ,
pour faire hommage de sa victoire à la Vierge tutélaire des
Chrétiens, le Grand-Maître rétabli de ses blessures, dirigea
dans l'angle N . E . de la ville , c'est-U-dire au fond du
quartier Juif, la construction d'une église bous l'iavocatiou
de Notre Dame de U Victoire. Son image toujoura en-
saovGoot^lc
p. d'atibusson 267
grande Téaération depuis ce temps, se trouTe actuellement
dans la chapelle Latine de Rhodes . Kous aurons occasion
d'en reparler .
Cependant Mohammed venait de mouiir (1481), et ses
file Bayazid etDjem (et nonZizim, ni Tschem ou Dschem,
comme le nomment Vertot et Bottiers) , se disputaient la
fiuccession au trône Ottoman . Bayazid soutenu par la meil-
leure partie de l'armée , dont il avait gagné les chefs , fut
proclamé Empereur; son premier soin fut d'attaquer son
frère qui s'était fait proclamer Sultan à Brousse , Battu
et sur le point d'être fait prisonnier , ce prince aventurier
et malheureux , pat enfin gagner la Caramanie avec une
suite de trente personnes seulement ; il dépêche à Rhode^
Suléiman Bey et Aly Bey, ce dernier d'origine Européenne
et parlant diverses langues , pour solliciter l'hospitalité des
Chevaliers . Elle lui fut accordée , et Don Alvarez de Su-
niga fut expédié avec une galère pour lo conduire à Rhodes .
avec l'assurance que l'Ordre lui promettait sûreté, protecti-
on et liberté .
tTn pont de dix pieds de long sur cinq de large , avail^
été préparé en face de la porte S'^Catherine , pour servir,
de débarcadère au Prince . C'est le *23 Juillet 1482 qu'il
aborda à Rhodes ; il y entra à cheval au bruifc des salves
de l'artillerie des forts et des navires défi ports couverts de,
pavois . Le Grand-Maître monté sur son cheval de bataille,
suivi des Pages de Jérasalem , des G-rands-Frieurs et des^
Chevaliers des différentes Langues , l'attendait en dehors,
de la porte ; il le reçut et l'accompagna , en lui cédant la
droite , avec tous les honneurs civils et militaires . Les
maisons étaient ornées de tapisseries , les rues jonchées de
■ D.qit.zeaOvGoOt^.lc
fleure et de 'braaclies de myrthe , (usage qui s'est perpétué
jusqu'à nos jours) ; aux fenêtres se tenaient les Daines, et
les terrasses étaient couvertes de monde qui applaudissait
BUT. le passage du Prince . Le cortège ouvert par les valets,
les écuyers et les chantres en habit de cérémonie , ces der-
nierà chantant des cantiques en langue gauloise, conduisit
l'hôte illustre de l'Ordre , de la porte S"Oatherine , jusqu'à
l'Auberge de France préparée pour le receToir .
Suivant l'accord passé avec ses agents , Djem , peu de
jours après son arrivée, signa un acte en date du 5 Bedjeb
887 (20 Août 1482) -, par lequel il s'engageait BolenneUe-
ment , s'il montait jamais sur le trône Ottoman , d'accorder
à l'Ordre beaucoup de prérogatives , parmi lesquelles l'en-
trée sans droits dans les ports Ottomans , et la liberté de
trois cents esclaves Chrétiens par an .
Cette hospitalité devait plus tard être changée en une
captivité qui ternit la gloire du magist^ de Pierre d'Au-
busBon ; mais dès le principe était-elle au moins sincère-
ment accordée sans aucune arrière-pensée 1 1l j a tout lieu
d'en douter , car Àly Bej , après avoir assisté aux délibé-
rations du Conseil dans lequel fut discutée la requête de
qon maître fugitif , à son retour auprès de lui , lui aurait ,
dit-on , insinué de ne point chercher un refuge à Bhodes ;
lui même s' étant séparé sous prétexte d'aller chercher la
famille et les bagages de son maître , ne reparut pas dans
■ la ville des Chevaliers .
Le chanoine Mathieu Bosse , qui vît Djem , ne nous en
fait pas un portrait séduisant . Il dit qu'il était de taille un
peu au dessus de la moyenne ; épais de corps, large d'épau-
les ; qu'il avait l'estomac très dévoloppé , les bras forts et
saovGoOt^lc
269
nerveux , la tête grosse , l'oeil loucte et cruel , le nez aqui-
lin et très recïourbé ; la lèvre épaisse et recouverte d'une
large moustache; l'ensemble en6n peu attrayant respirant
la férocité et la barbarie.
Si peu flatteur qui soit ce portrait , Djem n'en devient
pus moins intéressant pour ses malheurs et pour les hon-
teuses spéculations auxquelles il servit de sujet, lorsqu'un
traité échangé avec Bayazid , imposa à l'Ordre de garder
son hôte comme prisonnier , moyennant une compensation
annuelle de 45,000 Ducats. Bayazid paya toujours exacte-
ment cette somme , «t même la première fois , il ajouta un
riche reliquaire contenant la main droite de S^ Jean-Ba-
ptiste , hommage précieux pour un Ordre dont ce Saint
était le patron .
Voici comment une ancienne chronique raconte la ti-ans-
Jation de la précieuse relique de la chapelle du Palais à
l'église S'- Jean :
" Le 25 Mai 1484 , jour anniversaire du débarquement
des Turcs sur la plage de Ehodes , le Clergé , les religieux
et le peuple , partirent en procession de l'église S'- Jean et
allèrent à la chapelle de Palais , où le Grand-Maître les
attendait avec les Seigneurs Grand-Croix . D'Âubusson
remit au Prieur de l'Église la précieuse main , et de là ils
marchèrent tous solennellement en procession , jusqu'à la
place, où s'élevait une estrade couveite d'un dais, en forme
de trône ou d'autel , sur laquelle la sainte relique fut
déposée dans un reliquaire d'ivoire enrichi de pierreries ,
. placé sous un globe de cristal , à travers lequel se voyait
la dextre du Saint . Un religieux Augustin fit à cette occa-
sion une prédication , après quoi , le Prieur de l'Églii-e ,
saovGoOt^tc
270 HISTOIRE
prit la main et la présenta à l'adoration de la multitude .
On la porta ensuite avec le même cérémonial, dans l'église
S'- Jean , et après l'avoir fait baiser au Grand-Maître , aux
Chevaliers , ainsi qu'à tous les assistants, le Prieur la dépo-
sa sur le maître autel , en entonnant des cantiques , et au
eon des instruments qui les accompagnaient ."
Le traité qui valut à l'Ordre ce trésor , était politique-
ment avantageux il est vrai ; mais en dépit des bonnes
raisons par lesquelles Caoursin s'efforce à le démontrer , fl
n'en ternit pas moins le magistère de Pierre d'AubusBon ,
si glorieux sous tous les autres rapports. L'Europe entière
réclama l'illustre prisonnier; sur l'insistance d'Innocent
VIII, les portes, de la vieille forteresse s'ouvrirent (1487 )
pour l'envoyer en Italie , sous la conduite du Guy de
Blanchefort, neveu du Grand-Maître . On sait que le vie du
prince Djem était une arme terrible que le Pape aussi bien
que lefl'Rois de France et de Hongrie voulaient' tenir entre
leurs mains contre les menaces de Bayzid . Le départ de
Ehodes de ce frère toujours rebelle , dût nécessairement
l'irriter contre l'Ordre . Cette irritation augmenta encore ,
lorsqu'à la mort de Djem, son fils Mourad reçut à son tour
l'hospitalité des Chevaliers , et selon quelques historiens
revêtit leur habit après s'être fait chrétien . On assure
même , et le Colonel Bottiers partage cette opinion , que
lors de la reddition de Ehodes par Villiers de l'Isle-Adam,
une des conditions secrètes de la capitulation , portait que
Mourad et ses deux fils seraient livrés au vainqueur . Su-
léiman aurait fait impitoyablement égorger sous ses yeux
ses trois malheureux princes . La tradition locale leur assi-
gne pour séjour le château d'Érimocastro entre Kalithièa
saovGoOt^lc
p . d'aubpsson 271
et AptandoB ; des auteurs parlent d'un château de Féracle
ou Faracle ; mais malgré toutes nos recherches , il nous a
été impossible de découvrir ce chàtreau , nommé si souvent
comme une prison d'état . Quoiqu'il en soit du lieu de leur
séjour , la fin de ces victimes de l'ambition , reste envelop-
pée d'un voile ; bientôt peut-être l'activité des recherches
qui en a déchiré tant d'autres de nos jours , rompra le si-
lence de l'histoire, muette jusqu'ici à l'égard du Murât et
de ses enfants après la conquête de Rhodes .
En récompense de la brillante défense de l'He, Innocent
VIII avait déjà, conféré à d'Aubusson le chapeau de Car-
dinal ; pour récompenser ensuite la déféreuce atec laquelle
on avait livré l'iufortuué Djem , il confirma l'Ordre dans
tousses anciens privilèges, lui en accorda de nouveaux,
et réunit au Chapitre de Rhodes ceux du S'- Sépulcre et de
S'- Lazare (1489) .
La renommée militaire des Hospitaliers, celle surtout
de leur illustre chef, s'était tellement accrue depuis le bril-
lant siège si bravement soutenu contre des forces considé-
rables , que Charles VIII Roi de France adressait à d'Au-
busson une lettre des plus Batteuses pour lui offrir, comme
au plus grand capitaine de son siècle le commande'ment
de ses armées alors en Italie ; de son côté le Pape Alexan-
dre VI , le nommait géuéralissime d'une ligue contre les
Turcs (1495) . Cette ligue , dans laquelle étaient entrés
"une grande partie des États Européens, fut rompue par
le désaccord des alliés ; elle n'eut d'autre résultat que la
capture d'un riche convoi ennemi que les navires de l'Oixlre
amenèrent à Rhodes .
Piurn' d'Aubusson profita de la paix qui suivit , pour
D.qit.zeaOvGoOt^lc
272 HISTOIRE
remettre en vigueur les anciennes lois soinptnaires singu-
lièrement relâcliées , et comme quelques usuriers Juifs
avaient évidemment excité la jeunesse aux mœurs légères,
et facilité les dérèglements , le Grand-Maître fit décréter
leur expulsion de Bbodes et des autres Iles de la Religiou .
C'est probablement ce fait qui a douné naissance à une
erreur assez répandue, et accréditée par plusieurs histo-
riens, que cette proscription aurait été appliquée indistinc-
tement à tous les Juifs désormais bannis de Rhodes jus-
qu'après la conquête Turque . Nous prouverons le contrai-
re dans l'histoire du Magistère de Villiers de l'Isle-Adam .
Cependant, Alexandre VI poussé par cette avide cupi-
dité qui signala son règne , viola tous les privilèges que
l'Ordre s'était acquis , et que ses prédécesseurs avaient
confirmés ; il conféra de sa propre autorité à son neveu
Louis Borgia , le G mnd- Prieuré de Catalogne et la Com-
manderie de Novelles , dont d'Aubussoii avait déjà disposé
en faveur de Fi-ançois Bossolx , un des plus braves Cheva-
liers de la Langue d'Aragon .
Cette Langue s'en plaignit vivement à Ferdinand et à
Isabelle ; et comme les Chevaliers établis dans leurs États
étaiept pour leur couronne de braves et utiles auxiliaires ,
ils appuyèrent fortement les remontrances que le Grand-
Maître adressa au Pape . Cette auguste protection pesamt
sur Alexandre VI , arrêta pour un temps des abus dont la
série devait bientôt recommencer et se continuer malgré
les réclamations de d'Aubusson. Il en ressentit une vive
douleur qui empoisonna ses derniers jours. Il mourut le 3
Juillet 1505 âgé de plus de 80 ans .
Nous n'ignorons pas que la plupart dos historiens placent
saovGoOt^lc
p . d'ac3osso« 273
en 1503 I:i mort Je Pierre d'Aubusson; maïs sur ce point
nous pariîigeoiis entièrement l'opinion du Colonel Rottiers,
qui en fixant la date (le 1505 , appuie sa conviction par les
itffli'xions suivantes :
" Au dessous . et , au milieu des deux principaux écus-
Bons de l'Ordre (placés sur la tour S'- Paul) , vous voyez
celui du pape Jules II , surmonté des clefs et de la tiare .
A l'aidt) de votre lorgnette vous pourrez lire facilement
l'inscnptiou qui se trouve en abrégé au-dessus des armoi-
ries, portant que cette tour fut dédiée à S"- Paul, par Pierre
d'Aubusson {Diuo Pauîo , convcTitua S^- Joannis hospita-
Ue, Petrus Daubuason, Ehodi Magister dedicavit) . Vous voyez
par là, que d'Aubusson vivait encore sous Jules II
..,-. d'Aubusson doit être mort deux années plus tard que
Vei-tot ne l'indique; car Alexandre VI mourut en 149i!
(lisez 1503) , et eut pour successeur Pie III , qui régna
quelques mois ; puis vint Jules II, auquel il faut laisser le
temps de mériter, par quelque action bienfaisante envers
Khodes , que ses armoiries soient placées , ainsi que vous
le voyez , par le Grand-Maître d'Aubusson , sur la tour
S'' Paul, ce qui entraîne au moins une année "
" Jamais , dit M . de Villeneuve-Bargemont , la perte
d'aucun cbef de l'Ordre n'excita tant de regrets et d'aflBic-
tion . Son corps , continue-il , reproduisant le récit d'un
ancien historien , fut porté en la salle du Conseil , soubs
ung lict couvert de drap d'or , vestu d'une cape de prélat ,,
et auprès estoit ung chevalier vestu de dueil qui tenoit le
chapeau de cardinal, ung aultre la croix de la légation, ung
aultre l'estcndart de la généralité de la ligue, et aulx qua-
tre cuins, quatre chevaliers portoient des bannières à ses
saovGoot^lc
274 HISTOIBE , .
armes et à celles de la Eelîgiou . Sur sa poitrine e-tnit iing
crucifix d'or , et des gands de boye aulx mains , et des s ;U-
liers de drap d'or aulx pieds . A costé droict fuct dieseé
ung lict où estoient tous les ornements de cardinal, couverts
d'ung dais d'or et de soye ; et de l'aultre costé ung aultre
où estoit sa cuirasse , sa cotte d'armes , et l'arme de teste ,
et l'espée dont il combastit à la défense du mur des Juifs ,
tout cela encore teinct du saug de l'ennemy . Aulx environs
il y eust d'ordinaire deulx cent cinquante homuies vestua
de robes de dueil . Tous les religieux et le peuple y venoi-
ent luy baiser les mains , et pas ung n'entra dans la salle
qu'avec pleurs , cris , et battements de poictrine.et tout
le peuple de l'isle accourut avec mesnies cris et gémisse-
ments . Quand la bierre parust hors le palaiz pour descen-
dre l'escalier , il s'esleva une plaincte et ciy universel de
tout le peuple , qui continua partout où il passa . Les fem-
mes se tyroient les chereulx , les vieillards et les pauvres
8e battoient la poictrine et se désespéroieut*... Quand il
fust en ten-e , Didier de Sainct-Jaille , son maistre-d'hôtel,
rompist le baston sur sa sépulture , et Diego Suarez , bod
escuyer.les esperoDS... Il laissa une grande et riche des-
pouille , et de plus grande valeur encore que celle des
Grands-Maistres de Villeneufve et Fluvian ".
Les Chevaliers lui érigèrent un magnifique tombeau en
broDze, et lui descernèrent le glorieux surnom de lÀberatori
urbis .fwndatori guietis .
* Ce^ aanges existent encore .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
CHAPITRE XXni.
EMERY -D'AMBOISE
1505 1512
Frère de Georges d'Amboifie Arûbevêque de Rouen-,
Cardiiial-Légat du S<- Siège et ^wiistre de France , fils de
Pierre d'Amboise chambellaD de Charles YII et de Louis
XI , Emery d'Amboise avait 69 çns lorsque le Conseil le
choisit pour succéder au regretté Pierre dAubusson .
Accrédité auprès de Louis XII eu sa qualité de Grand-
Prieur de France , Emery se trouvait k la Cour , lorsque
le Chevalier de Graveston lui poi-ta le décret de son élec-
tion . Le Roi qui estimait son mérite réel et sa sagesse , le
combla d'honneurs , et avec un morceau de la vraie Croix,
il lui fit don de l'épée que S*- Louis poi^it ^ Damiette .
Ëmery d'Amboise n'était retenu ea Europe par aucun
saovGoi^lc
276 HISTOIRE
intérêt , tandis qu'il était appelé à son poste par les fré-
quentes appariions des Turcs dans les eaux de Rhodes .
Déjà une descente avait eu lieu ; quelques habitante captu-
rés étaient conduits en esolaTage , lorsqu 'opérant une ma-
nœuvre habile et hardie , trois galères de l'Ordre mettent
en fuite l'escadre e^nemie , délivrent les captifs , et ramè-
nent dans le port huit barques légères et dix huit hommes
pris à Teanemi .
L'insuccès de cette expédition dont le chef est inconnu *
ne devait pas rendre moins audacieux un certain Kéraal ,
que Vertot appelle Camali ; il se présenta en 1505 en vue
de Rhodes avec une fiottille assez imposante , montée par
quelques milliers de soldats que Bayazid lui avait fournis .'
J^s vigies ne manquèrent pas de signaler l'approche de
l'ennemi , que les Chevaliers laissent débarquer et avancer
dans l'intérieur de l'Ile ; tombant ensuite sur lui à l'impro-
viste . ils le forcent k prendre la fuite , en laissant sur le
terrain bon nombre de moi-ts et de blessés . S'éloignant
alors à pleines voiles de Rhodes, Kémal se présente succes-
sivement devant Simi , Tilos , Nissiros et Cos ; repoussé de
partout , il espère être plus heureux h. Léros qu'il sait n'ê-
tre défendue que par une faible garnison . En effet , cette
garnison ne consistait qu'en un jeune chevalier âgé de 18
ans à peine , le piémontais Paul Siméoni , et en quelques
paysans qui s'étaient réfugiés auprès de lui avec leurs
femmes et leurs enfants . Sommé de se rendre Siméoni
répond avec assurance qu'il n'en fera rien . Kémal cauonne
la place où il fait bientôt brèche; l'assaut est iuévitible ,
et déjà les assiégés se demandent comment ils pourront.
faire face tant d'ennemis . Ils n'attendaient pas autant
saovGoOt^lc
K. D. F. lîAYNERiVS POT GRAVIS CONSIL>
lETSTBBNV, ANIMr MILES Q. PEEO«To
li Q. Dr. i.lIALONAD SEURMSD. E«GE SB
T PRINCIPES LEGATvS BONAM EELiGI
ONI ( PERAM NA VAVIT AC SACRi ( ONV
ENTvS HllOn. HiiSl'ITAI ARvS R», Q. D.
CAliDIN M,.S ET J!Al;NI MAG.>Tlli
D. F. PETIi, PAVBVSSGN LoOVTEN
EKS XXII SEPTEMBRiS- MOCCn,
yXXXVtlI OBIIT ET HIC EREGIO
NE lACET
i). I'. PIIIPVS DEViLIERS
DIc T. LiLE ADAM AFHN
I BENKMERtNTI l't.SV
asiGooi^le
D.qil.zMBlG001^le
X
HIC lACET. F. THOMAS
NEWPORT. PODATVS
AGLIE. MILES- QI- OBHT
1502. XXII. DIE. MESIS. SEP
TEMBRIS. CVIVS. ANIMA
REQVIESCAT. IN. PAGE
AMEN
1502
îBBiGooi^le
îBBiGooi^le
TOUR DE NAILI.AC
(aRAI! COUI.KIl)
;q.i..cdi,Gooi^le
îBBiGooi^le
D.qil.zMBlG001^le
D.qil.zMBlG001^le
E . d'\mboise 277
de la fécondité en expédients de 'leur chef que de sa bra-
voure . Le lende:nain Ksmal prenait avec confianoe ses
dispositions pour l'assaut , lorsqu'à son grand étonneiSent ,
des salves d'artillerie partent du fort ; en même temps ses
avant-postes viennent l'aviser que la garnison a reçu des
renforts; il peut en effet constater par lui-même que les
murailles sont garnies d'unu double haie de guerriers à la
cotte-d'armes rouge et à la croix blanche sur la poitrine .
Il n'en doute pas ; la forteresse a effectivement reçu des
renforts , et craignant d'avoir bientôt sur les bras toute la
flotte de l'Ordre * il u'a rien de plus pressé que de se rem-
barquer et de s'éloigner à toutes voiles. A la crainte des
assiégés , durent succéder les rires les plus francs : ces
redoutables auxiliaires rangés sur les rempats , n'étaient
en réalité que les femmes et les enfants affublés d'un cos-
tume guerrier , qui n'aurait pas embarrassé leur fuite au -
premier coup de canon .
En 1506, une flottille de sept flûtes expédiée par le Sou-
dant d'Egypte pour tenter un coup de main contre les
possessions de l'Ordre, tomba tout entière , par un habile
stratagème , entre les mains des Hospitaliers ; mais la. plus
beau fait maritime de cette époque , est la capture de la
Mograbine , le plus gros vaisseau qui sillonnât alors la Mé-
diterranée . Armé de plus de 100 canons , et monté par un
millier d"hommes , ce vaisseau était réputé imprenable ,
réputation bien fondée, puisqu'il avait échappé plusieurs
fois à l'habileté des chevaliers . D'Aniboise proposa l'en-
treprise au Chevalier Gastinau , Commandeur de Limoges,
it la condition pourtant qu'il n'endommagerait nullement
le navire qu'il s'agissait do capturer . Parti sur une des
D.qit.zeaOvGoOt^lc
278 HISTOIRB
meillenres galères de l'Ordre, le Commandettr se mit à
croiser au large de Candie , sur la route que la MogrcMne
devait suivre ; il ne tai'da pas îi l'apercevoir, et se dirigeant
résolument sur elle , il l'envoya sommer de se rendre . La
réponse du Capitaine Eijarrasin fut naturellement aussi f îè-
re que la comportait l'éDOrme machine qu'il commandait ,
et le frêle navire qui prétendait imposer la loi . Gastinau
réitéra la sommation, ajoutant qu'il avait reçu l'ordre de
s'emparer de la Mograhlne , et qu'il le ferait malgré toutes
les difficultés que l'entreprise paraissait présenter. Le par-
lementaire est de nouveau congédié , maii avec des mena-
ces cette fois. Cependant une manœuvre habile avait in-
sensiblement rapprocbé l'humble galère de son orgueilleux
adversaire ; aux menaces à peine rapportées , répond iine
bordée de mitraille qui balaye le pont de la Magrabine . Le
capitaine est tué ; tant d'audace ne permet à aucun des
Sarrasins de prendre le commandement ; ils calent les voi-
les et offrent de se rendre , et le hardi Gastinau rentre k
Ehodes traînant à sa suite sa capture avec tous les trésors
quelle renfermait .
Pareille aventure se renouvela quelque temps après et
grossit encore la flotte de l'Ordre de trois navires ennemis.
Furieux , le Soudan jure de tirer une éclatante vengeance
de cette insolente témérité des Chevaliers ; c'était exciter
leur ardeur h combattre un ennemi séculaire ; apprenant
que 25 navires Égyptiens vont charger du bois de construc-
tion à Ai'a?, dans le golfe d'Alexandrette , le Grand-Maître
fit armer une vingtaine de vaisseaux de différentes gran-
deurs , qui divisés en deux escadres , furent placés sous le
commandement de YîiUers de l'Isle-Adam et d'André
saovGoOt^lc
E . d'amboibe 279
d'Amarat , deux noms qu'il répugne d'associer ici, car
bieutôt ils seront sépiirés par la profoudcur de l'abîme
creusé entre la gloire et l'ignominie .
Parti avant son coUégne,de l'Isle-Adjim avait pu se
munir de renseignements précis sur la position de l'enne-
mi ; et quand d'Amaral le rejoignit sous le Cap S*- André
de Chypre , il lui prppoai d'attendre le couvoi pour l'atta--
quer en pleine mer; d'A.niral au contraire insistait arec
une certaine hauteur , pour attaquer l'ennemi au mouil^la-
ge , sous les batteries de la côte . La discussion s'échauffa
et aurait pu avoir des suites très fâcheuses , si Villiers de
l'Isle-Adam , plus modéré que le fier et entêté d'Amaral,
n'avait sacriBé son opinion et son légitime amour-propre
au besoin de l'union . Cinglant donc par un vent favorable,
la flotte de l'Ordre donna à pleines voiles dans le golfe , et
fondit résolument sur les navires Égyptiens , qui de leur ,
côté , en apercevant les bannières de S'- Jean , avaient levé
l'ancre, et se préparaient au combat . Chaque vaisseau a
déjk choisi son adversaire; à travers le nuage d'une pre-
mière bordée , il l'accoste et s'accroche îi lui comme un
lutteur s'enlace à un lutteur . Le combat est acharné et
sanglant ; les ponts des navires sont jonchés de cadavres ;
la mer est rougie par le sang qui coule à Ûots ; pendant
trois heures on se bat avec une égale fureur , la victoire
reste indécise, lorsque le commandant des forces Égyptien-
nes, neveu du Soudan, tombe enga percé de plusieurs
coups . A cette vue , les Sarrasins entièrement découragés,
abandonnent leurs vaisseaux , se jettent dans les embar-
cations ou à la nage, et cherchent h, gagner le rivage et de
là les hauteurs . Quinze vaisseaux sont au pouvoir des
D.qit.zeaOvGoOt^lc
280 BiBTûiBi:
Cheveliers , qui, aTant de reprendre la direction de Eiodes,
livrent aux flammes tout le matériel qu'ils ne peuvent
emporter et que les ennemis avaient amassé à si grands
frais le long de la plage .
Ces pertes considérables et réitérées décident le Soudan
h. négocier un traité d'alliance avec le Sultan de Coustan-
tinople . Cette nouvelle inspire au Grand-Maître la crainte
que ces deux potentats ne dirigeassent sur Khodes leurs
forces combinées ; il envoie aussitôt une citation k tous les
' Chevaliers disséminés en Europe , mais il n'a pas la conso-
lation de se voir entouré par ceux qu'il appellait auprès de
lui. H mourut le 13 Novembre 1512, emportant l'estime
du monde entier , laissant le Trésor en pleine prospérité ,
et sa cassette particulière entièrement épiùsée .
On lisait sur son tombeau :
EMEEICO AMBK0810 QVI PE^DIA XENO . CHE . DEFENDIT, MAHV-
METANOS PIOEVM LAKaiTIOKES 8IBI FACTAS IHTERCITIENTES AB
INJVSIA PROHIBVIT .
'■ A Emery d'Amboise qui défendit les biens de l'Hôpi-
tal , et repoussa les insultes des Mabométans qui iutercep-
aieat les dons pieux faits à l'Ordre ".
saovGoOt^lc
CHAPITRE XXIV.
GUY DE BLANCHEFORT
1512 1513
Chevalier de la Langne de Provence , Grand-Prieur
d'Auvergne , Guy de Blanchefort , neveu de Pierre d'Au-
busson , est celuî.lîi même qui avait été chargé d'accompa-
gner Bjem en Europe , où il resta lui-même , longtemps a-
près la mort de ce malheureux prince , (1495) .
Profitant de l'absence du Grand-Maître , qui pourtant
hâtait son départ autant que cela dépendait de lui , les
Turcs s'étaient ménagé des intelligences dans la ville de
Khodes ; des troupes auxquelles , des marchands grecs é-
trangera à l'Ile, et des esclaves Musulmans devaient livrer
les portes , étaient déjà en route , lorsque le complob fut
découvert ; une vieille esclave turque arrêtée , avoua son
saovGoOt^lc
crime , mais refusa obstinément , même BOus la torture , da
nommer ses complices , dont la majeure partie put ainsi se
soustraire au châtiment.
En apprentant ces faits que le Conseil lui mandait par
le Chevalier Jean de Foumon , Guy de Blanchefort , épris
de l'amour du devoir , plus que du soin de sa santé , s'em-
barqua incontinent pour Rhodes , après avoir ordonné au
Commandeur Fabrice Carretto d'7 amener deux vaisseaux
chargés de grains et de munitions destinées à l'approvision-
nement de la Capitale , ainsi que tous les Chevaliers qu'il
pourrait réunir, afin de constituer la garnison des différen-
tes forteresses de l'Ordre .
Le voyage avait sensiblement aggravé la maladie du
Grand-Maître; il rejeta cependant toute proposition de
relâche et poursuivit avec persistance sa route vers Rho-
des. Mais la mort triompha de l'énergie de sa volonté; il
rendit le dernier soupir dans les eaux de Zante le 24
Novembre 1513, c'est-à-dire un an et onze jours après
eon prédécesseur , ou un an et deux jours après son élec-
tion.
Ses dernières pensées étaient partagées entre le salut do
(son âme et les intérêts de son Ordre ; c'est pourquoi redou-
tant que le pape Jules III , s'il était informé de sa mort
avant le Chapitre de Rhodes, ne lui donnât pour successeiïT
une de ses créatures, il avait ordonné qu'un léger navire
de son escorte continuât à pleines voiJQs sa route , pour ea
porter la nouvelle à Rhodes ,
La caravelle y mouillait le 13 Décembre, et la triste
nonvelle jetait l'Ordre et la population dans la plus grande
consteruation .
saovGoOt^lc
CHAPITRE XXV;
FABRE CARRETTO
1513 1521
La nouvelle de la mort de Guy de Blanchef ort fut connoe
^ Rhodes le 13 ; le Chapitre se réunit le lendemain , et le
15 Décembre 1513 Fabrice Carretto, des Marquis de Finale
en Ligurie , alors Grand-Amiral , fut proclamé Grand-
Maître .
Sélim I Tenait de succéder à son père Bayazid (1512),
et rOrdre avait dans le nouveau Sultan un ennemi plus
acharné encore . Occupé par la guerre de Perse , Séiim fut
obligé de renvoyer à plus tard ses projets contre Rhodes ;
mais il était évident que l'Ordre se trouverait bientôt en
face de toutes les forces de l'Empire Ottoman ; aussi le
premier soin de Carretto fut-il d'inspecter les fortifications,
saovGoOt^lc
de renouTeler les approvisionnements et d'appeler à, leur
poste tous les CheTaliers absents .
Le Bastion d'Italie laissait encore h. désirer malgré lea
réparations faîtes depuis le siège de 1480 ; Carretto le
reconstruisit en entier , comme l'attestent ses armoiries
placées de distance en distance tout le long des murailles .
En 1515 , un ambassadeur d'Ismaïl , Eoi de Perse , vint
offrir aux Chevaliers d'entrer dans une ligue formée par
lui et par le Soudan d'Egypte, propoûtioa qui fut acceptée
fivec empressement.
Pour faire face aux frais que nécessitaient les circonstan-
ces , le Grand-Maître demanda et obtint , du Conseil un
crédit annuel de 40,000 Ëcub , moyennant lesquels il s'en-
gageait à pourvoir à l'entretien des 550 Chevaliers qui
vivaient alors^dans le Couvent . TJn autre crédit extraordi-
naire de 23,000 Écus lui fut accordé pour le remontage de
l'artillerie, opération qu'il commissionna à Laurensin, riche
marchand Lyonnais ; une autre part de cette somme était
affectée à l'entretien du Prince Mourad , fils de Djem qui
vivait à Rhodes oii l'on prétend même, comme nous l'avons
déjà dit , qu'il avait pris l'habit après s'être fait Chrétien .
Sélim , qui avait conquis l'Egypte et soumis la Syrie ,
Succès dont il avait eu* soin de donner l'avis menaçant au
Grand- Maître , était dès lors en bonne politique autant que
par ambition, fermement décidé à conquérir Bhodes ; car
dans ces mers qui faisaient désormais partie de son vaste
Empire , il ne pouvait pas laisser subsister plus longtemps
une puissance ennemie, et toujours redoutable à sa marine,
^lais voulant se procurer d'abord un plan détaillé de la
ville, il envoya à lîhodes un médecin Juif, son âme damnée j.
saovGoot^lc
P . CAREETTO 285
la profession qu'il exerçait rendait libres ses démarches et
le mit bientôt en demeure de foumir à son maître les plus
minutieuses informations ; mais sou regard astotieui ne
pouTait pas pénétrer les desseins de la Providence qui n'a-
vait pas marqué ce moment pour la chute de Rhodes;
l'ambitieux Sélim mourut en 1520 , léguant à son fils
Suléiman deux conquêtes qui justifieront le surnom de
Magnifique .
La mort de Sélim sembU au Gouverneur qu'il avait
envoyé en Syrie l'occassion favorable de se déclarer indé-
pendant ; il leva l'étendard de la révolte , et pendant qu'il
faisait proposer au Gouverneur de l'Egypte de se joindre
k lui , un de ses oflSiciers arrivait à Rhodes pour solliciter
l'assistance des Hospitaliers . C'était un allié ; et la guerre
allumée entre les Musulmans tournait trop à l'intérêt de
l'Ordre pour qu'il ne se jetât pas avec empressement dans
toute tentative de nature à retarder , peut être même à
anéantir le danger qu'il redoutait . Carretto envoya donc
en Syrie sans aucun délai des armes , des munitions , et
même des officiers expérimentés (1419) .
Suléiman eut bientôt raison de ce soulèvement , dans
lequel il saisit un nouveau grief contre les Chevaliers qui
l'avaient favorisé, un nouvel aiguillon à son impatience'
d'exécuter le testament politique de son père .
Il commença immédiatement de grands préparatifs; aus-
si le Grand-Maître qui s'attendait sérieiiaement à se voir
attaquer , sollicita-t-il l'assistance du Pape Léon X et celle
de François I Roi de Frahce ; le premier envoya 3 galbons
sous pavillon pontifical , armés en guerre , ils se joignirent
à 9 galères , à 4 brigantins et à 4 barques >' portant les
D.qit.zeaOvGoOt^lc
286 HISTOIRE
enseignes françaises , mais le Baron de Saint-Blancard qui
avait reçu le commandement de ces forces , s'empressa de
quitter Rhodes , à peine il fut avéré que Suléiman avait
tourné scâ armes contre Belgrade .
Dans une Assemblée générale qu'il tint en 1520 , Fabri-
ce Carreto rendit compte de toutes ses actions , et des
dispositions qu'il avait prises pour la défense des possessi-
ons de l'Ordre . H fut chaleureusement approuvé et applau-
di ; mais l'affection de ses Chevaliers et l'amour da peuple
ne purent le soustraire à la mort qui l'enleva le 10 Janvier
15iil.
n laissait la réputation d'un homme brave , prudent ,
libéral et très instruit dans plusieurs langues. Son tombeau
placé sous une des fenêtt^s de l'église S<- Jean , du côté de
la rue des Chevaliers , était dans le meilleur état de cou-
servataon, lorsque l'explosion de 1856 fît sauter cet édifice .
On lisait l'inscription suivante sur la dalle qui recouvrait
ses restes mortels :
B . £T ILL . D . F . FABRICIVS DE CARREFTO MÂ0NV8 BHODI
UAOISTEB VBBia INSTAVRàTOB ET AD PVBLICAM TTILITATEM PEB
SEPTENHIVM BECTOE . HIU JACET ASKO HDXXl .
" Ci-git le Révérend et illustre seigneur , Frère Fabrice
de Carretto , Grand-Maitre de Rhodes , restaurateur de la
Ville , et qui pour le bien public , en a été le recteur pen-
dant sept ans ..L'an 1521 ".
saovGoOt^lc
CHAPITRE XXVr.
VILLIERS DE USLE-ADAM,
1521. 1522
Le Cliapitre réuni pour l'électioii du successeur de Fa-
brice Carretto , hésita beaucoup entre Thomas d'Ocray
Grand-Prieur d'Angleterre , et Philippe Villiers de l'Isle-
Adam , Grand-Hospitalier et Grand-Prieur de France . Le
premier se recommandait au choix des électeurs par de
nombreuses et étroites relations d'amitié dans les Cours
d'Europe , par ses immenses richesses personnelles et par
sa libéralité ; le second , qui se trouvait alors en France,
était estimé pour sa bravoure, pour ses capacités militaires
et pour la franchise de son caractère . La discussion fut
animée ; enfin la majorité des suffrages fut acquise à l'ab-
sent (21 Janvier 1521) , et la nouvelle de son élçctioi^ 9c-
saovGoOt^lc
cueillie avec la joie la plus vive , non seulemeat par les
Chevaliers , mais aussi par la population toute entière .
Thomas d'Ocray fut le premier à lui adresser ses félici-
'tations les plus sincères ; seul de Chevalier André d'Ama-
ral , ou Del Mirai, Grand-Chancelier de l'Ordre , et Grand-
Prieur de Castille , fut vivement blessé de ce choix . Déçu
dans son espoir secret de se voir élevé au commandement
suprême, il prophétisa que " Yilliers de l'Isle-Adam serait
le dernier Grand-Maître qui régnerait à Rhodes " * , pro-
phétie à la réalisation de laquelle il aida de tout son pou-
voir', et pourtant , les difficultés de la situation auraient du
éteindre toute ambition orgueilleuse dans les cœurs même
légitimement convaincus de leur supériorité .
De l'Isle-Adam avait à. peine reçu la nouvelle de sa no-
mination qu'il se disposa & partir pour Rhodes; instruit des
projets de Suléiman , il invita tous les Chevaliers alors en
Europe , à le rejoindre dans le port de Marseille , d'où il
mit IX la voile à bord de la grande caraque de l'Ordre , suivi
par quelques fellouques chargées de munitions de guerre et
de provisions .
La négligence d'un officier ayant allumé l'incendie à
bord de la grande caraque , l'équipage , sous l'impressioa
d'une terreur panique, se disposait à abandonner le navire ;
mais l'éuei^ique volonté de Villiers de l'Isle-Adam parvint
à le maintenir ; il le maîtrisa , et l'activité qu'il lui fit dé-
ployer, eut bientôt raison du feu . Au danger conjuré de c^
terrible élément* en succède un autre non moins redouta-
* Com. de Bourbon . -
D.qit.zeaOvGoOt^lc
V . DE L I3LE-ADAM 289
ble ; une horrible tempête assaillit la flottille et la mit à
deux doigts de sa perte ; la foudre tombant Bur la caraque^
pénètre dans la chambre du Grand-Maître , brise son épée
sans endommager le fourreau et j tue neuf hommes de sa
suite . Fâcheux incident, qui les esprits superstitieux inter-
prétèrent comme un pronostic certain de la chute prochaine
de l'Ordre .
Tout autre que Villiers de l'Isk—Adam se serait peut-être
laissé abattre par de si malheureux débuts , surtout si aux
élémeuts conjurés on ajoute les conseils donnés^ Syracuse,
où il avait relâché pour réparer ses avaries , de ne pas
continuer sa route, Ces conseils venaient à la suite d'infor-
mations précises sur un péril d'un autre genre à affronter
inévitablement . On nommait au Grand-Maître Kurdoglou
Mouslouheddin ; Villiers n'ignorait pas que ce turc avait
à venger la mort de deux de ses frères tués par les Cheva-
liers, et la captivité du troisième détenn à Rhodes ; corsaire
habile, et plus altéré de la soif de la vengeance que de celle
de l'or, il devait traiter avec la barbarie la plus cruelle qui-
conque appartenait à l'Ordre, et surtout son chef; mouillé
au Cap Malée ill'attcndaitau passage dans le silence féroce
du tigre ; Villiers de l'Isle-Adam le sait encore ; mais con-
fiant en Dieu et en sa bravoure il continue sa route, double
la Cap Malée pendant une nuit sombre, et le 19 Septembre
il arrive' à Rhodes , où sa présence ranime les courages et
fait renaître la confiance .
Les Princes orientaux ont toujours eu pour système de
dissimuler leui'S véritables sentiments , ce qui justifie le
proverbe Turc : Je le crains ;parce qu'il me caresse ; Villiers
de risle-Adam était à peine arrivé à Rhodes, que Suléimau
D.qit.zeaOvGoO't^lc
290 HISTOIKE
le Magnifique lui enToyait un ambassadeur porteur d'une
lettre de f élicitation rédigée en grec, et dont Bosio • nous
a conservé le sens . Elle était conçue en ces termes :
"Le Sultan Suléimau le Magnifique, par la grâce de
Dieu , Roi de Rois , Souverain de Souverains , très grand
Empereur de Constantinople et de Tiébizonde , très puis-
sant Roi de Perse, d'Arabie , de Syrie et d'Egypte ; Maître
suprême de l'Europe et de l'Asie ; Prince d'Alep , gardien
de la Mecque , possesseur de Jérusalem , et dominateur de
la mer univei^elle , à :
Philippe Villiers de l'Isle-Adam, Grand-Maître ** de
rile de Rhodes, salut".
" Je te félicite de ta nouvelle dignité et de ton heureuse
arrivée dans tes États ; je te souhaite d'y régner avec plus
de bonheur et de gloire encore que tes prédécesseurs . Il
ne tient qu'à toi de participer aux bienfaits de Notre haute
bienveillance et de jouir d« Notre sublime amitié; comme
ami , hâte toi de Nous féliciter à ton tour des conquêtes
que Nous venons de faire en Hongrie, où Nous avons sou-
mis l'importante place de Belgrade , après avoir passé au
fil de Notre redoutable épée tous ceux qui ont osé Nous
résiter ".
L'Ambassadeur était chargé d'ajouter verbalement les
compliments les plus flatteurs , et de mitiger dans ses ex-
plications le sens quelque peu menaçant de la dernière par-
tie du message écrit .
• Tom.2,1.18.
** Méyaç MiioToptç.
saovGoOt^lc
T . DE l'isus-adah 291
Après avoir consulté son Conseil , le Grand- Maître ré-
pondit en Ces termes;
"Frère Phili|ipe Villiers de l'Isle-Adani , Grand- Maître
de Rhodes , à :
Su!éitiian Sultan des Turcs", salut ".
'• J'ai très b!eu compris Iji lettre que m'a portée votre
envoyé; Vos projiositions de paix et d'amitié m^ sont aus-
si iigpéablfS quVl!es doivent l'c.re peu à Kurdoglou , qui a
cherché îi me surprendre dans mon trajet de Pi-auce à
lihodes ; n'ayant pas réussi dans ce projet , il a pénétré
dnns le cumil du Rhodes, où à \.i faveur de la nuit , il a at-
taqué eu capturé deux naviies niarchauds voyageant sous
notre protection ; mais lus galères de l'Ordre que j'ai eu-
voyées h sa poursuite , l'ont battu , mis en fuite et forcé
d'abandonner ce qu'il avait déjà enlevé aux marchands.
Adieu ".
Il aurait été téméraire d'expédier cette lettre, plus
précise et moins complimenteuse, par un membre de l'Oi*-
dre ; car le Sultan aurait pu trouver un prétexte quelconque
pour le retenir en otage ; le Grand-Maître en chargea un
Grec , simple bourgeois de Rhodes, qui revint accompagné
par un officier porteur d'une lettre de Pir-Mehmed Pacha,
alors Grand Vésir, * et d'une seconde missive de Suléiman.
La premier contenait un blâme pacifique du peu de res-
pect que l'Ordre avait manifesté à l'égard du Sultan par
l'envoi d'un Ambassadeur d'aussi basse condition , et don-
nait au Gj-and-Maîtve le conseil d'être un peu plus modéré
. * T«rtot at da BargMnont l'appellent Firrhiu et Pirro .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
dans ses expressions ; l'autre laissait percer beaucoup plua
franche ment l'irritation et la menace .
Viliiers répondit au Vésir pour le remercier de fes con-
seils et lui annoncer qu'il était tout disposé à envoyer un
Ambassadeur, s'il voulait lui fournir un sauf -conduit. Sa
répoQSe au Sultan fut aussi ferme que la k'ttre qu'il en
avait reçue :
" Je ne suis point marri que tu te souviennes de moi et
des miens autant que je me souviens de toi . Tu me rappel-
les tes victoires en Hongrie , et tu m'annoucea une autre
entreprise de laquelle tu espères tirer le même fluccès ;
mais tu ne penses pas à une chose ; c'est que les projets
les plus incertains , sont ceux qui dépendent du sort des
armes ".
Le fier langage de Grand-Maître n'était pas fait pour
détourner Suléimau du projet mûrement arrêté dans sou
esprit de conquérir Rhodes ,
Dans son Manuscrit , Ahmed Hafouz raconte que les
ministres du Sultan ," lui représentaient Rhodes comme
un nid de hardis forbans ; qu'ils violaient impunément lo
droit des gens , en interceptant le commerce de ses sujets ,
en inquiétant les pieux Musulmans qui se rendaient h, la
■ Mecque , et dont plusieurs étaient soumis à la plus dure
captivité . Ils lui rappelaient que tous ses glorieux ancêtreB
avaient caressé l'idée de s'emparer de ce célèbre château
de Rhodes, que le Sultan Mohammed Khan, d'heurem^a
mémoire , y avait envoyé Messih Pacha avec des forces
considérables qui u'avaient pas réus&i à enlever cette re-
doutable forteresse contre laquelle ils avaient épuisé leurs
.efforts diins deux assauts meurtriers et pendant trois mois
saovGoOt^lc
T . DE L'I8I£-ADAM 293
de siège . Que cet insuccès avait d'autant augmenté l'im-
pudence des infidèles qui s'y étaient fortifiés et n'adoraient
d'autre Dieu qu'uue idole qu'ils appelaient San 6-ivan { S'-
Jean) , à laquelle tous les pays infidèles (l'Europe) , envo-
yaient des offiandes, et à laquelle étaient donnés en Vacouf
(consécration religieuse) , tous les Châteaux et villages de
l'Ile, Ces rapports étant confirmés par des marchands
musulmans , par de pieux pèlerins et par des lettrés dignes
de foi , le glorieux Sultan , qui était le père niicéricordieux
de son peupk', entra en grande colère, et jurant la conquête
de Rhodes, il pria Dit^u de l'aider dans cette entreprise.
Ouvrant alors les portes du trésor Impérial , il appela son
noble Yésir Azim Pacha ,-et lui ordonna d'y puiser aveu-
glément toutee les sommes nécessaires aux formidables
armements que nécessitait une pareille entreprise ; car
Rhodes était réputée avec raison pour une forteresse im-
prenable, il le savait, et il fallait que les préparatifs fussent .
faits en conséquence . On se mit immédiatement à l'œvre ,
et on fondit encore 1000 pièces d'artillerie, canons et mor-
tiers ; on retira ensuite du dépôt un grand nombre de fusils,
de sabres, de haches, enfin d'armes de toutes sortes, qui
devaient être embarquées sur les navires de la flotte Impé-
riale '*.
Suléiman venait donc d'achever ses immenses préparatifs
contre Rhodes; il était fier d'avoir déjà acquis une partie
de ce testament de conquête que lui avait légué Sélim son
père : Tu. régneras grand et puisscmt, pourvu que tu cJtcmeB le»
Chevaliers de Rhodes , et que tu prennes Balgrade . Cette der-
nière ville était alors tombée en son pouvoir et les mêmes
gaerriers qui l'avaient réduite à discrétion venaient aveo
D.qit.zrtOvGoOt^lC
294 HISTOIBE
confiance et enthousiasme tenter les mêmes efforts contre
Li redoutable forteresse des Chevaliers .
" Les forces navales de Suléiman consistaient en 500
galères , 50 mahonnes , 50 bastardes , 100 galions et fréga-
tes. Ces diflërents navires desservis par 40,000 rameurs,
portaient ^5,000 ♦ soldats d'infanterie, que, sur le sublime
ordre Impérial , les Sandjac-Beys et les Beyler-Beys
(Gouverneurs généraux) avaient expédiés des Provinces
avec armes et bagages ; car le magnanime Sultan les desti-
nait à renouveler .la face du Monde . Ces recrues arrivaient
par divisions, précédées par le corps des Ulémas, par le
grand étendard de Tlslam , et par les trompettes ; tUes é-
taient aussitôt réparties sur les navires de la flotte. Chaque
division s'embarquait accompagnée par des prières du peu-
ple et des bénédictions du Sultan , et ces prières étaient
répétées sur chaque navire à bord duquel les troupes é-
taient consignées ".
" Toutes CCS forces réunies entre l'Arsenal Impérial et
Galata.en face de le mosquée d'Éyoub , ayant mis à la
voile le 10 Eedjeb 928 (5 Juin 1522) , couvrirent toute la
surface de la mer jusqu'à Bechictach . Chaque galère, cha-
que mahonne , chaque galion , chaque frégate avait à la
proue , à la poupe , aux mâts , les drapeaux de l'Islam ,
brillants de l'or de leurs broderies et. ondulant au souffle
de la brise . Les hymnes entonnés par tant de milliers de
voix , les fanaux rayonnants , les riches tentes étendues, les
proues dorées , l'harmonie des Tmumas (zampogues) , les
* R^unnTftTl ^ auteur Arabe , parle de 10,000 scolomcnt .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
T . DE L ISLE-ASAH 295 '
cliants joyeux des rameurs , le clapotis des ondes bleues ,
le sillage argenté des barques, le bruit cadencé des rames,
le griacemeot même des cordages, remplissaient l'air
d'allégresse et charmaient l'œil. Ce jour là fut bien joyeux
pour l'Islam , et le succès ne laissa aucun doute dans les
esprits ".
" Avant le départ de la flotte , le Vésir' Azim sollicita
encore et obtint une audience du glorieux Sultan ; il lui
demanda la permission de confier à ses soldats ces drapeaux
de guerre sur lesquels les succès qu'ils ont eus , sont, avec
le nom béni du Prophète, inscrits en lettres d'or ; drapeaux
qui , par la grâce et la bénédiction de Dieu , ont parcouru
Tictorieus les ProTinces et les Royaumes . Le magnanime
Sultan , accédant k cette demande , tend les mains vers le
Dieu tout-puLseant, et le supplie de lui accorder la conquête
de Rhodes - A cette prière , non seulement les fldèles sur
la terre , mais même les ^anges dann le Ciel répondirent :
Amen ".
" La prière achevée , le Pacha , commandant'en chef ,
accompagné par tous les Yésirs , se rendit à^l' échelle où
l'attendait la grande galère ; alors toute la flotte déployant
ses voiles . s'avança majestueuse et imposante , couvrant
toute la mer, et défila le long du rivage couvert d'une
innombrable multitude . Comme elle passait devant le Sé-
rail , le noble Pacha ayant aperçu le glorieux Sultan à une
des fenêtres , ordonna qu'un coup de canon fut tiré de son
navire, et alors toute l'armée d'une voix unanime cria:
AUak eukhber ! et des salves retentirent du bord de chaque
navire qui défilait sous les nobles regards de son Maître .
Le bruit de tant de canons était assourdissant, et la fumée
D.qit.zeaOvGoOt^lc
296 HiaTOiBE
enveloppant toute la flotte en marcte , la déroba aux yenx
avant qu'elle eut disparu à l'horizon ; cependant les braves
qui la montaient , devisaient entre eux de leurs futurs ex-
ploits".
" Le lendemain la vaillante flotte Impériale atteignit
Gallîpoli , port de Eoumélie , où elle stationna pendant
quelques jours . Les troupes de l'Islam, leur Pacha en tête,
offrirent des cowrha/ns (sacrifices) ; ils distribuèrent des au-
mônes aux pauvres , qui pleins de joie , leur prodiguaient
des bénédictions ; ils allèrent ensuite faire leurs dévotions
survie tombeau du bienheureux Yazîdgi-Oglou Mehméd
Efendi , où ils répandirent d'abondantes larmes de joie et
de satifi&ction . Levant ensuite l'ancre , la flotte s'engagea
dans le canal de Kilid-Bahar-Sultanié ; là les châteaux et
les navires échangèrent des saluts si bruyants , que les po-
pulations environnantes effrayées par tant de bruit et par
la commotion que la terre et l'air en ressentaient , accou-
Tarent tout étonnées . Après une courte station pendant
laquelle on offrit des cowrham et l'on fit des prières , la
flotte en bon ordre, passant Boghas^Hissar, s'engagea dans
la Mer Blanche (Méditerranée) ".
'* Alors le Pacha adressa des prières au Dieu tout-puis-
sant afin qu'il inspirât la crainte aux infidèles du Frenghis-
tan (Europe) , qu'il savait faire de grands préparatifs en
navires et en soldats , pour venir au secours de Rhodes .
Suivant l'ordre vénéré du Sultan , à partir de cet endroit ,
la direction de la flotte devait être remise à Kurdoglou
Mousluheddin , Capitaine expérimenté, et ennemi implaca-
ble des infidèles , dont il buvait le sang comme du vin ; il
connaissait bien la Mer Blanche pour l'avoir parcourue en
saovGoOt^lc
V ; DE L'I8LE-ADAH 297
tous sens , lorsque le Sultan Sélim , d'heureuse mémoire ,
l'ayant envoyé contre Nour-Ailah pour conquérir l'Egyp-
te, il eu était revenu avec de nombreux prisonniers et un
liclie butiu . Comptant sur son expérience , Sultan Suléi-
man , le victorieux , lui avait expédié son Capoudji-BacH ,
ponr l'inviter à venir prendre la direction de la flotte , et
Kurdoglou toujours soumis aux ordres de son Padichah ,
était accouru , et se prosternant aux pieds du Trône subli-
me , il assura à son Maître qu'il connaissait si bien la Mer
Blanche, qu'aucun port, baie ou canal ne lui était étranger
et qu'il pourrait y pénétrer même de nuit; satisfait de cette
assurance , le généreux monarque lui fit cadeau d'un riche
caftan et lui confia la direction de sa flotte ■ Lorsque celle-
ci fut arrivée à Kaz-Daghi , s'arrêtaut à l'embouchure du
fleuve , Kurdoglou vint baiser les mains du noble Pacha ,
et lui dit : — Nous voilà désormais dans la Mer Blanche ;
il peut se faire que nous rencontrions la flotte des infidèles ;
qu'ils vous plaise donc d'ordonner que l'on fasse bonne gar-
de sur chaque navire de la flotte Impériale , et que l'on
double les vigies; cela est nécessaire .... Le Pacha donna
des ordres en conséquence"
"Arrivée devant Sakiz (Chio), oïj elle fît une courte sta-
tion) la flotte Impériale se partagea en deux divisions, dont
l'une sous le commandement du brave Kurdoglou s'enga-
gea dans le canal, taudis que le reste passant hors des
Iles, singla directement vers Bhodes en forçant de voiles".
"Fendant ces mouvements de sa vaillante flotte:, le
sublime' Sultan quittait lui même Constantinople le IS
Bedjeb de cette même année 928 (13 Juin 1522), à la tête
de l'ftrmée de terre partie de la veille pour Scutari";
D.qit.zeaOvGoOt^lc
" Apr^s quelques instants de repos dans cette ville , il
appela le C&'ùnacam de Constantinople et en présence de
l'Aga des Janissaires et du B^tchi-Bachi (Intendant de la
bourse privée), des IJléinas et d'autres chefs auxquels il
distribua des habits de gala et des chevaux , il lui recom-
manda de veiller strictement à l'envoi régulier des muniti-
ons de guerre et à ce qu'aucun dommage ne fut causé aux
pauvres Rayas, entendant que l'on agit toujours conformé-
ment à la Loi . Les assistants se prosternèrent et promirent
les larmes aux yeux d'obéir fidèlement à cet ordre sublime ;
ayant ensuite revêtu les riches habits qu'ils devaient à la
générosité de leur Souverain . ils adressèrent au Ciel des
prières pour sa conservation et pour le succès de son en-
treprise , après quoi prenant congé de lui ils retournèrent
à Constantinople ".
" Quittant lui même Scutari , le magnifique Sultan ,
arriva à Katahia le 7 du mois de Chaban (2 Juillet), d'oii
il se rendit à Tenichéher ; c'est là que d'après ses ordres ,
les différents corps d'armée devaient se concentrer ; en ef-
fet la plaiue de Munderiz et les montagnes qui l'environ-
nent étaient occupées par des milliers de soldats arrivés de
toutes parts , et auxquels il fut accordé trois jours pour se
reposer ".
.*■ Cependant le noble Vésir Moustafa Pacha , forint de
voiles et poursuivant sa route jour et nuit , était arrivé
avec toute la flotte Impériale en vue de l'ile de HaUci oii
les infidèles possédaient un château . Il ordonna au Capi-
taine Karà Mahmoud, qui avait déjà combattu les infidèles
et fait beaucoup de prisonniers auxquels il avait rasé la
tête et la poitrine , d'aller recevoir ce château . Suivi par
saovGoOt^lc
T . DE l'isix-adah 299
quelques galères de la flotte Impériale et quelques brayes
Musulmans, il alla requérir la forteresse ; mais les infidèles
qui y tenaient garnison, ayant refusé de se rendre, il fallut
engager les hostilités ; enfin les soldats de l'Islam purent
l'empoiter d'assaut le 20 Chaban (15 Juillet) et y arborer
leur drapeau".
" De son côté le noble Vésir toutes voiles déployées par
une brise favorable, avançait avec les galères les mabonnes
et les galions qui bondissaient sur les ondes comme les
animaux féroces bondissent sur les montagnes ; il était
beau avoir ce spectacle de 700 navires de toutes grandeurs
avançant fièrement à la suite du noble Pacha, qui ordonna
à Yéni Moustafa Bey d'arborer le beau drapeau de l'Is-
lam et d'aller avec dix galères reconoaitre le château de
Bhodes ".
" A la vue de ces forces , les infidèles mis en éveil, firent
sortir du port leurs propres galères ; mais le noble Pacha ,
voyant ce mouvement, monta sur une bastarde ornée de
trois fanaux dorés , prit les devants , et s'engagea dans le
canal de Rhodes à la rencontre de la flotte des infidèles ;
le reste de le flotte Impériale le suivait en bon ordre, com-
me les grues suivent le chef de file ; les infidèles furent
forcés de rentrer au port pour s'y réparer . Remontant *
alors le canal , le noble Vésir vint mouiller avec la ô(Jtto
en face de l'endroit appelé Villanova ; là réunissant son
Conseil , il exposa que l'arrivée de la sublime flotte Impé-
riale étant connue aux infidèles , ils prendraient saus doute
des mesures pour contrecarrer leurs manœuvres c'est pour-
quoi il croyait h. propos de laisser là quelques navires
pour faire diversion , et avec le reste de la flotte prendre
D.qit.zeaOvGoOt^lc
300
an antre mouillage . C'est en conséquence de cet avis qne
200 navires , mahonnea , galères et horges furent laissés au
mouillage sous le rent de Villanova , tandis qae le noble
pacha accompagné de Knrdoglou , descendit le canal avec
le reste de la flotte ■ Les navires étaient ornés an haut des
mâts , à la poupe et à la proue des enseignes Ottomanes
eunuontées de boules dorées brillant au soleil ; ils avan-
çaient par divisions , portant les victorieux soldats de l'Is-
lam armés comme des lions et prêts à tout événement .
Alors le noble Pacha adressa de ferventes prières au Ciel,
et ordonna aux timoniers de raser d'aussi près que possible
les batteries des infidèles ; mais il était interdit aux trou-
pes de décharger canons et fusils ; c'est ainsi que la vail-
lante flotte Impériale défila devant le beau et imprenable
château de Rhodes pour aller s'abriter sous le vent d'Etikua
Smirrum (Cavo-Bovo) , mauvais mouillage , dans lequel la
:^otte n'était pas moins exposée que si elle avait été dans
l'enfer . Pendant son défilé sous le château , les infidèles
ayant ouvert le feu par toutes les meurtrières , le nobl»
Pacha pria Dieu afin que leurs boulets en grès, passant au
dessus des navires de l'IsLam sans les toucher , ne leur
causassent aucun dommage ; mais quelques uns des boulets
•tirés du fort Uendrec (fort S"- Nicolas) , avaient touché un
pu doux navires que l'on dût prendre à la remorque ; de
plus les infidèles , au son des clairons , accouraient le long
du rivage pour empêcher un débarquement , et un gros
<îanon qui se trouvait sur le bastion de Tiosmc^ni (sans dou-
te d'ItaUe] , envoyait ses énormes boulets en grès jusqu'à
l'endroit choisi pour le mouillage . TJn de ces boulets pé-
ijéfrant môme dans la gnlèro de Kurdoglou , y brisa une.
saovGoot^lc
V . DE l'iSLE-ADAM 301
rame , maïs , Dieu merci . sans tuer aucun homme . Alors
tous les Capitaines réunis en Conseil , convinrent que l'en-
droit choisi pour le mouillage était peu abrité puisqu'il é~
tait exposé aux canons du château et on adopta la propo-
sition d'aller jeter l'ancre à Marmaris (Marraaritza), grand
port sur la côte d'Anatolie en face de Rhodes. Cette décisi-
on fut soumise à la haute approbation du noble Pacha, qui
avec quelques Capitaines opinait de tenir bon et de com-
pter sur l'assistance divine . Pendant que l'on délibérait
sur cette importante question, un esclave Musulman échap-
pé du château , arrive à Eukus-Boumou ; il apprend au
noble Vésir, aux Pachas et Capitaines encore indécis, que le
gros canon dressé par les infidèles au dessus de Kyzil-ca~
pou,* (porte S. Jean ou porte Coskinou), et dont les boulets
arrivaient jusqu'à Eukus-Bournou, venait d'éclater chargé
de pierres , de chaînes , de clous et de plomb , destinés à
causer de grâves dommages à la sublime fiotte Impériale.
Dieu avait tourné contre eux mêmes les ravages qu'ils en
espéraient et ils en étaient tout ahuris .
A cette bonne nouvelle, le fortuné Pacha fit présent à
l'esclave d'habits précieux, et lui assigna une pension via-
gère de 10 aspres par jour.** Les braves soldats dé l'Islam
informés aussitôt de cet heureux événement , s'en réjoui-
rent et en rendirent grâces à Dieu . Ordre fui alors donné
de sortir de chaque navire les canons de gios calibre pour
les braquer en batteries de siège près de la ville ; mais
• littéralement Porte-ffouja , nom qu'elle conHeire encore i';-"
** Trois Mprce oqatvaloni a ud ^ku-b; 120 aspres a 1 piastre .^
saovGoOt^lc
celle-ci était construite par des ingénieurs habiles , et tan-
dis que ses édifices s'élevaient vers le ciel, ses fortifications
très basses et protégées par de laides fossés , ne laissaient
paraître au dessus du niveau du sol que leurs solides cré-
naux et leurs terres-pleins d'une épaisseur de 7 Zirae (4 ■"■
63 .) ; un port merveilleux solidement défendu et ayant à
son centre V Arap-Koïileh (tour de Naillac) , la contournait
du côté de la mer ; en vérité ceus qui avaient dressé le
plan de cette ville méritaient des éloges . Afin de mieux
protéger encore ce port déjà si bien défendu , ils en avaient
fermé l'entrée par une forte chaîne dont les dimensions
étaient dignes d'admiration ; celle du port Handraki avait
été obstruée par des navires chargés de pierres que l'on
avait coulés devant l'embouchure ; ce château déjà impre-
nable par sa constmction était armé d'innombrables ca-
nons ; un fort appelé château Mendrec , armé lui même de
formidable canons, assis comme une sentinelle avancée sur
la grande mer d'un côté , sur le canal de l'autre, le rendait
encore plus inexpugnable . Toutes ces dispositions faisaient
de la ville de Rhodes une place si forte, que la langue ne
trouve pas d'expressions pour le dire et la plume de terme*
pour l'exprimer, et c'est ce château redoutable que le
magnifique Sultan voulait conquérir avec l'aide du Tout-
Puissant".
" Les soldats autorisés par les chefs , commençaient à se
répandre dans les bourgs et dans les villages oiî ils distri-
buaient aux pauvres de l'argent et des secours , et comme '
ils ne causaient aucun dommage , ils étaient comblés de
bénédictions . Mais les infidèles qui veillaient du haut de
leur château , tiraient sur tout détachement Turc q.u'ila
saovGoOt^lc
T . DE t'igLE-ADlM 303
TOjaient à portée de leur artillerie, ce qui fait que la posi-
tion des troupes débarquées était intenable . Alors le noble
Pacha décida de sortir tous les canons et de les mettre en
position avant l'arrivée du magnanime Sultan , Mais il fal-
lait préalablement faire une route pour le passage des
trains ; on se mit immédiatement à l'œuvre ; les pionniers
coupaient des pierres et construisaient la chaussée , aidés
par les troupes et surveillés par le noble Vésir qui pour
longtemps ne prit aucun repos ni le jour ni la nuit ".
"Cependant le magnanime Sultan arrivé à Marmaris ,
fit dresser sa sublime tente à l'endroit appelé Cara-Bounar
et manda sa flotte , pour passer à Rhodes et en entrepren-
dre l'heureuse conquête . De son côté , son noble Vésir
avait désormais tout préparé pour sa réception et les ten-
tes Musulmanes occupant toute la plaine qui contourne le
ch&teau , l'ornaient comme autant de jacinthes. S' étant
embarqué sur la grande bastarde , le Sultan escorté par sa
sublime flotte rangée par escadres et en ordre de bataiUe,
toutes voiles ouvertes , chaque ofiSoier étant à. son poste,
arriva devant le château de Bhodes . A cette vue , les infi-
dèles, bourgeois et hommes d'armes montés sur le crénaux
à l'appel des clairons , furent pris de terreur . Le glori-
eux Sultan avait à sa droite l'immensité du Monde , à sa
gauche ces troupes victorieuses qui avaient conquis Ale-
xandrie ; devant lui l'Aga des Janissaires et ses Vésirs ,
portant le Saint et noble étendard du Prophète; une vive
canonnade partait du château, mais la 'sublime flotte ré-
pondait aiiBsi à la grande consternation des infidèles ".
Nous regrettons qu'Ahmed Hafouz ne précise par l'en-
droit où le Sultan prit terre ; il n'y a cependant pas de
D.qit.zeaOvGoOt^lc
804 HISTOIRE
doute que ce fut dans la baie de Trianda , entre les deux
fontaines , là où les ruines d'une petite mosquée attestent
que Suléiman a voulu marquer ce point par une consécra-
tion religieuse . Kous avons d'autre part à l'appui de cette
opinion le fait des privilèges qu'il accorda aux villages si-
tués le long de cette côte , privilèges qui leur ont été par
la suite successivement enlevés .
On doit regretter aussi que tout en donnant de se minu-
tieux détails sur les forces de la flotte Impériale , Ahmed
Hafouz ait omis de déterminer le chiffre des troupes arri-
vées par la voie de terre à la suite du Sultan . Mais si au
lieu de 400 voiles selon Vertot , ou de 300 seulement , d'a-
près de Villeneuve-Bargemout , la flotte se composait de
700 navires montés par 25,000 soldats, on peut bien ad~
mettre comme non exagérée l'assertion des auteurs eu-
ropéens qui fixent à 140,000 le chiffre total des combat-
tants , et à 60,000 celui des pionniers .
A cette redoutable armée , Villiers de l'Isle-Adam n'a-
vait à opposer qu'une poignée de braves . tTn chroniqueur
contemporain , témoin oculaire du fait , dit qu'en prenant
possession de son poste , le Grand-Maître avait fait ranger
devant leur Auberge les Chevaliers de chaque Langue , et
avait constaté qu'il y avait à Khodes :
140 Chevaliers Français .
88 — Espagnols et Portugais .
47 — Italiens.
17 — Allemands et Anglais ; c'est-à-dire en tout
392 Chevalière Profèe et une quinzaine de Chevaliers Do-
nats et leurs suivants, d'armes . Ce nombre augmenté en-
suite par l'arrivée des Chevaliers absente et par des volon-
saovGoOt^lc
T . DE l'isle-adam 305
taires , était monté à un total d'environ 600 ; la milice ré-
gulière ne comptait que 4,500 hommes . Il est vrai que les
bourgeois de l'Ile , Grecs et Latins , se formèrent en com-
pagnies commandées par des Chevaliers expérimentés;
mais quel secours pouvait-on attendre de paisibles com-
merçauts ou de paysans entièrement étrangers au métier
des armes , et dont le chiffre en réalité ne s'élevait pas au
dessus de 1500 hommes?
Cependant Villiers de ITsIe-Adam n'avait négligé ni les
démarches auprès des Souverains d'Europe, ni les précau-
tions nécessitées par la prévision d'un long siège, ni au-
cun des moyens en son pouvoir pour rendre plus inexpu-
gnable encore la forteresse qu'il était décidé à défendre
jusqu'à la dernière extrémité . Son premier soin avait été
de faire venir des grains de Naples et de la Sicile ; Antonio
Bosio , oncle de l'historien du même nom fut expédié à
Candie , d'où les Chevaliers tiraient ordinairement leurs
archers, avec mission d'y faire une bonne provision de vin,
et d'obtenir du Gouverneur la permission d'enrôler 500
volontaires ; cette permission lui fut officiellement refusée ;
mais soit habileté de l'émissaire, soit connivence secrète
avec le Gouverneur , Bosio , amena de Candie avec 15 bri-
gantins chargés de vin, 500 recrues déguisées en marchands
et en matelots ; à son retour d'un second voyage,, il était
accompagné par le célèbre ingénieur Bressan Gabriel
Martinengo, qui devait se rendre si utile pendant le
siège .
A. peine arrivé , Martinengo avait soigneusement réparé
ou exhaussé les remparts; il avait construit des casemates
et percé des passages souterrains ]^>our faciliter les corn-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
306 HisTouti:
municatioas entre les postes les plus exposés . On n'oublia
pas enfin de porter dans la ville l'image de N . D . de Phi-
lerme , qui fut déposée dans l'église de S*- Marc .
Au milieu de toutes ces difficultés , Villiers de l'IsIe-A-
dam avait eu encore à apaiser un soulèvement des Cheva-
liers Italiens . Excités , dit-on , par d'Amaral qui leur con-
seillait de partir pour Rome malgré la défense du Grand-
Maître , afin de revendiquer du pape Adrien VI les Com-
manderies dont colui-ci disposait arbitrairement à leur
préjudice , ils s'étaient embarqués nuitamment , et avaient
atteint Candie . Villiers les fit condamner comme déser-
teurs ; mais en leur envoyant cette sentence qui les privait
de l'habit , il leur fît représenter combien leur action était
blâmable , surtout au monnent où l'ennemi arrivait devant
Ehodes . Cette considération les fit tous revenir dans l'Ile ;
ils sollicitèrent et obtinrent le pardon de cette faute qu'ils
promirent de laver dans leur sang , et l'histoire témoigne
qu'ils tinrent bravement leur promesse . Cette soumission
était d'autant plus heureuse , que le cri d'alarme adressé à
l'Europe n'avait praduitaucun effet.
Jacques de Bourbon , Commandeur d'Oisemont , fils na-
turel de Louis de Bourbon , avait bien obtenu du Roi de
France , François I , la permission d'armer les navires qui
se trouvaient dans les ports de Provence ; mais les comman-
dants y mirent une si grande lenteur qu'ils ne furent ja-
mais prêts ; le Chevalier, d'Heyserant de la Langue d'Au-
vergne, venant de Gênes avec un navire chargé d'approvi-
sionnements en armes et en vivres avait naufragé ; on n'a-
vait aucune nouvelle des munitions que devaient acheter
avec les deniers de l'Ordre, et faire parvenir au plus tdi
saovGoOt^lc
T . I>£ L'iaiX-ADAH 307
les CberalierB Fabrizio Fignatelli , Charles âe Quesralle ,
Lully de S*- Etienne, et le Bailli de Naples, J . B . Carrafa .
Cependant les Turcs étaient devant Rhodes , leurs troupe»
y débarquaient ; l'Ordre ne devait donc plus compter que
sur ses propres forces et sur les approvisionnements déjà
arrivés .
Malgré la résistance des Chevaliers , l'armée Ottomane ,
nous l'avons dit , avait opéré son débarquement au S . E .
de la ville , dans l'espace de trois jours . Comme celle de
Messih Pacha, elle occupa tout d'abord le mont S*- Etienne
et le faubourg S*- Georges ; le 9 Juillet, les forces de terre
et de mer avaient pris les positions qui leur avaient été
assignées , et bloquaient étroitement la ville de Rhodes .
Revenons de nouveau au manuscrit d'Ahmed-Hafouz :
" Suléiman avait divisé ses troupes en cinq corps d'ar-
mée : Le Vésir Pir-Mehmed Pacha, fils d'Aba-Békir , dont
les capacités militaires étaient incontestables , reçut ordre
de prendre ses positions entre le rivage (d'Acandia) et
Kyzil Capwi (Porte S*- Jean ou de Coskinou) ; il avait à sa
gauche Cassim Pacha Commandant de la division d'Anato-
lie ; venait ensuite le second Vésir Moustafa Pacha , et à la
gauche de celui-ci , en face d^Eghri Capou , (Porte d'Am-
boise) le second Vésir Tinat Ahmed Pacha , auquel fai-
saient suite le Bejler Bej de Roumélie Ilias Pacha et
l'entreprenant Aga des Janissaires , Baly Aga . Chaque
division avait reçu un nombre suffisant de canons pour
monter ses batteries de siège . Quant à la tente Impériale ,
elle avait été dressée sur lo petite élévation de Kyzil Té-
pé".
De son côté le Grand-Maître avaitaussi divisé la défeoM
saovGoOt^lc
308 HISTOIKB
en cinq grands commandements :
1°- Le Bastion d'Italie fut confié à Andelot Gentil .
2"^ Celui de Provence, à Bérenger de Lioncel, avec Bay-
mond Riccard pour commandant de la Milice attachée à
ce poste .
S"- Celui d'Angleterre , ^ Nicolas Huzi .
4°' Celui d'Espagne , à François de Carrières
5°- Celui d'Auvergne au Chevalier du Mesnil , avec Ray-
mond Roger pour commandant de la Milice .
En outre , Joachim de Saint Aubin fut chargé de la
défense de la muraille qui s'étend depuis la tour de Naillac
jusqu'à la porte d' Amboise ; le Commandeur Christophe de
Waldner,àla tête des Allemands, devait défendre celle
qui relie la porte d' Amboise à la porte S*- Georges ; Guil-
laume Watson , celle du quartier Anglais ; Georges Émar ,
la muraille du quartier d'Italie; Jean de Barbaran et
Fernand Soler , devaient défendre les postes de Castille et
■ d'Aragon . Le Grand-Maître se chargea lui même de la
défense do quartier de N . B . de la Victoire qui était le
plus faible .
Quant à la troupe de réserve , elle fut partagée en qua-
tre divisions , dont l'une sous le commandement d'André
d'Amaral, devait se porter au secour» des postes d'Allema-
gne et d'Auvergne ; la seconde commandée par Jean Bur-
ke , pour les postes d'Espagne et d'Angleterre ; le troisiè-
me , sous les ordres de Pierre de Cluys , devait soutenir les
postes de Provence , d'Auvergne , de Castille et de Porta-
gai ; quant à la quatrième division, commandée par Gabriel
de Pommeroles , elle était prête à voler au secours de tout
poste en ptîril .
:q,t7edi>G00t^lc
V . DE l'isi-e-adam 309
La police de la ville fut mise entre les mains des Cheva-
liers Claude de S^' Prix , Jean Bonifiice , Lopez Daïala.et
Hugues Capponi , qui avaient sous leure ordres 600 bour-
geois divisés eu quatre compagnies.
Telles étaient les dispositions prises dans l'intérieur de
la ville ; le fort S'- Nicolas fut confié au brave Guyot de
Castellane, qui avait sous ses ordres 20 chevaliers, 300 sol-
dats et quel(]ues marins lihodiens et étrangers .
■' Le Sultan décida que le 5 Ramaziin (29 Juillet) , l'at-
taque commencerait simnltanément sur différents points.
Ses Tchaoïicfis parcourant, les lignes compactes des braves
soldats de l'Islam , communiquaient cet ordre , et les'trou-
pes pleines de joie, s'écriaient Allah eukMer . Le lendemain,
jour désigné , après avoir imploré la grâce divine , les vie-
toi-ieuses troupes de l'Islam ouvriaient le feu ; les batteries
du château y répondirent immédiatement , et le tir fut si
rapide de part et d'autre que la ville disparut dans un épais
nuage et les détonations s'entendirent au loin . Cependant
les infidèles , abrités dans le château et dominant le camp
de l'Islam , y causèrent de grandes pertes ; bien des pieux
H usulmans furent tués et leurs âmes montèrent au Ciel .
Les généraux ne tardèrent pas h, reconnaître le défaut de
leurs batteries ; le château de Rhodes était si habilement
construit que l'artillerie de siège n'avait point d'effet sur
lui, on aurait pu le canonner ainsi pendant bien des années
aans endommager ses solides murailles ; d'abord pareequ'il
était construit dans un enfoncement de teiTaïn de sorte que
les créneaux ne dépassaient guère le niveau du sol extéri-
eur; aussi les boulets passaient par dessus sans l'endom-
mager ; ou se perdaient dans le terre-plein ; ensuite il était
D.qit.zeaOvGoOt^lc
310 BISTOIEE
ai-mé do beaucoup plus de canons que n'en possédait l'ar-
mée assiégeante. Pir-Mehmed Pacha, artilleur expérimenté
et homme de bon conseil , déclara le premier que les bat-
teries Ottomanes étant tout-îi-fait inutiles , il allait propo-
ser un autre plan dont il attendait le meilleur résultat ; maie
Ahmed Pacha,. homme de bon conseil aussi et en outre
doué de bon sens , demandant la parole s'écria : Mon Sul-
tan, on ue prend point de châteaux sans canons ! Les autres
Vésirs ayant partagé cette opinion, on continua à bombar-
der la place , mais en pure perte ". •
Les efforts des assiégeants se portèrent alors principa-
lement contre le fort S'' Nicolas qui fut canoniié par terre
et par mer pendant plusieurs jours . Les assiégés excellents
pointeurs, démontèrent plusieurs fois les batteries Ottoma-
nes, et obligèrent l'ennemi h, renoncer à la prise de ce fort,
qui ne 1480 avait déjà victorieusement résisté aux furieuses
attaques de Messih Pacha .
" En raison de l'inutilité de ces efforts, ordre fut donné
à l'armée de préparer des fascines pour combler les fossés,
et des échelles pour donner l'assaut . Le lendemain en ef-
fet, les Musulmans descendaient dans les fossés en jetant
leurs fascines, taudis que d'habiles tireurs abattaient ceux
qui osaient montrer la tête au dessus des créneaux; s'ac-
crochant aux murs comme des polypes , ils montaient tou-
jours BOUS la grêle de fer et de feu qui pleuvait sur eux
du haut des remparts . Le bruit de la fusillade , l'éclat des
canons, les cris des combattants, remplissaient l'espace
• Miin . d'Atmod Tlafonz .
saovGoOt^lc
T. M L'iSLB-ADAM 311
d'un tumulte confus et sans nom . Ce n'était pas assez de
recevoir les Victorieux avec le fer et le feu ; les assiégés
Tersaient encore sur eux des chaudières de goudron et de
poix bouillaute; les braves soldats de l'KlaDi tombaient
par centaines , et les anges ouvraient pour leurs âmes les .
portes du Paradis ; car du baut du château on lançait aussi
sur les échelles chargées d'hommes , d'énormes quartiers
de roche et des monceaux de ferraille . A midi le nombre .
des morts était si considérable, que l'on dût suspendre le
combat; les cadavres des Musulmans étaient si nombreux
qu'on les jetait dans les caissons sans les compter ; mais
Dieu tint certainenitnt compte du nombre d'âmes pures
qu'il reçut ce jour là dans son paradis ; il jeta certainement .
nn regard miséricordieux sur ses fidèles , car ce jour là il
arriva 24 bastardes armées en guerre , expédiées d'Egypte
par Haïder-Bey, à peine il fat informé que le sublime Sul-
tan était arrivé pour conquérir Rhodes ".
*' On était alors au 16 de Kamazan , ( 9 Août ) ; en vo-
yant arriver cette flotte, les infidèles furent épouvantés, et
tirèrent contre elle tant de coups de canon , que la terre
en trembla ; mais la flotte Égyptienne venant s'embosser
sous le château , soutint bravement le feu et son comman-
dant dit avec raillerie : Ne craignez pas de me perdre, oh
infidèles; j'ai dans les flancs de mes navires bonne quan-
tité de pierres et de fer qui vous est entièrement desti-
née . Passant ensuite sous le vent de la ville, il vint rejoin-
dre la flotte Impériale . Le magnanime Sultan apprit avec
plaisir l'arrivée de ces renforts ; il fit un gracieux accueil
aux commandants , leur donna de riches habits et des pe-
lisses., et les chargea de bombarder le TchankU Goukh de
D.qit.zeaOvGoOt^lc
312 HIVBOIBS
iSan Givan (le clocher de S'- Jean) qui était une tour carrée,
sans minaret, et sur laquelle les infidèles avaient établi une
cloche au moyen de laquelle ils sonnaient les heures, ha-
bitude qui déplaisait fort aux pieux Musulmans . Non seu-
lement les Égyptiens s'acquittèrent de la mission de bom-
barder la tour , mais ils lancèrent tant de projectiles et
firent tant de dégâts dans les quartiers et les bazars de la
Tille, que les infidèles furent se cacher dans les souterrains .
Sans doute ils avaient des vigies sur le TckartMi Gouîeh, car
chaque fois que les batteries Musulmanes tiraient, la cloche
sonnait l'alarme et leur en donnait avis . Ce fait ayant été
rapporté au sublime Sultan , il ordonna que l'on prit pour
objectif cette tour , et que l'on ne cessât le feu que lorsqu'
elle serait renversée . Le bombardement continua donc jour
et nuit à la grande épouvante des infidèles qui manquèrent
en devenir fous de terreur; le ISEamazan (11 Août) tou-
te la partie supérieure du clocher s'écroula avec un fracas
épouvantable". *
Comme en réalité les Turcs n'avaient obtenu aucun au-
tre succès dans les 14 jou» écoulés depuis qu'ils bombar-
daient la ville, "le Sultan convoqua un Divan (Conseil
Général) et Haïber Bey ayant appelé tous les chefs de
l'armée, on délibéra sur les moyens à employer pour s'em-
parer du château . Mehmed Pacha, avec le bon sens qui le
distinguait , soutint que le seul moyen de s'en emparer,
était de persévérer dans le bombardement, et de tâcher de
faire des brèches pour ouvrir un passage aux troupes ;
* V»ii ■ d'Alimc(l Hatouz ,
,ao,Gooq)c
T . DE l'iSLE-ADAM 318
qi>'il en revenait pourtant encore îi la nécessité d'établir
les batteries Musulmanes sur le même niveau que celles
liu cbâtenu , d'où les infidèles tiraient en toute sécurité
coutre les troupes de l'It^lam entièrement exposées à leur
feu , lorsqu'elles tentaient de descendre dans les fossés .
Abnied Pacha , plus judicieux encore, adopta cette opinion
qui lui paraissait bonue; mais il soutint si bien la sienjie
qui consistait à percer un dédale de mines , que l'on adopta
l'une et l'autre; on décida aussi qu'elles seraient immédia-
tement mises en exécution . Mehmed Fâcha, sans perdre de
temps , ordonna à MouStafa Fâcha , un chef de sa divi&ioo,
de faire remplir det» sacs de terre et de les amonceler aussi
près que possible du château , de manière à. ériger des re-
doutes qui atteindraient le niveau de celui-ci ; car par ce
moyea seulement il espérait p'en emparer . Les infidèles
comprenant sans doute le projet, coucentrèrent tout leur
feu sur les ouvriers ; mais leurs boulets se perdaient dans
la terre molle , tuant il est vrai quelques hommes , mais
sans causer aucun dommage aux mamelons qui acquirent
bientôt la hauteur des créneaux sur lesquels personne ne
pouvait plus se montrer impunément; tant d'infidèles fu-
rent tués sur cette position que les- autres se retirèrent dans
l'intérieur du château . Le plan du noble Fâcha prouvait
par sa parfaite réussite combien il avait raison d'insister
pour qu'il fut exécuté ; aussi s'empressa-t-on de le suivra
sur les autres points, et dénormes quantités de terre et do
pierres transportées jour et nuit , formèrent bientôt de
nombreuses collines factices autour du château".
" De son côté Ahmed Fâcha faisait travailler jour et
nuit de même au percement des mines ; malt) la poudra
D.qit.zeaOvGoOt^lc
'314 HI8T011£K
employée sans économie , ne tarda pas à manquer , t«He-
ment que plusieiire batteries furent obligées de cesser leur
feu ; des galères furent immédiatement expédiées pour en ■
apporter «ne bonne provision qui fut répartie entre les
différents corps".
" Le camp Musulman fut informé que Mahmoud Kéïs
qui avait été envoyé pour soumettre Ilîaky (Piscopî ou
Tilos) , île dépendant de Rhodes, avait réussi dans sa mis-
sion , non sans sacrifier beaucoup de monde et en payant
Ba victtoire de sa propre vie ''.
" Cependant , malgré le feu meurtrier des assiégés, le
26 Bamazan (19 Août) , les mamelons étaient achevés , les
batteries dressées et 36 pièces , dont quelques unes lan-
çaient des boulets du poids de 390 Okes , (500 Kilogiam-
nies), commençaient ît fonctionner, causant de graves dom-
mages à la forteresse; alors les infidèles tinrent conseil,
car ils comprenaient que ces batteries élevées par les Mu-
sulmans leur étaient très nuisibles ; ils résolurent de faire
une sortie , comptant sur l'aide de San Oivan , et espérant
surprendre dans la quiétude du sommeil les bi-aves soldats
de l'Islam et les pa^er au fil de l'épée ; tel était leur es-
poir et revêtant leurs cuirasses d'acier, ils sortent au nom-
bre de 3000 par la porte Eghri Capmi (d'Amboise) ; mais
ils ignoraient que les fidèles veillaient comme le renard
qui attend sa proie ! Quoiqu'il en-soit, attaquant avec fu-
reur les braves venus de l'Egypte , et les autres troupes du
corps d'Ahmed Pacha , ils en sacrifient un grand nombre ,
puis s'avançant en téméraires , ils viennent eux-mêmes se
jeter au devant du noble Pacha prévenu en toute hâte , et
des troupes victorieuses qui se réjouissent de voir l'ennemi
saovGoOt^lc
V . DE L'tSLE-ADAM 315
s'exposer lui-même h, bos boups redoutables . — Oh infidè-
le- ! 8éi;ri;iieiit !es nobles .soldats de l'Isliim , nous voulions
bien venir vous attiqiuu- dîna votre châieau, mais nous lia
liouvions pas y pénétrer; niainti-nant Dieu vous livre à.
nos coups; vos âmes iront bientôt à l'eiifur auquel ('lies
BOut vouées ! — et à ces mots , ils nvaiicent tous ensemble
au cri d'Allah Eiûcherl et s'élaiiçant sur ces chiens impurs,
ils IfS eulaceut comme lu renard saisit le mouton , ih les
repouSMUt à leur tour , font im grand cainnge des traî-
nards, et les forcent !i rentrer précipit:imment dans leur
cbâtiau . Glaces à Dieu ,leB Husuliuans soi tirent la face
nette de cetie épreuve , et ils s'en réjouirent. Le Sultau
ordonna que les blessés musulmans fussent soignés ; il leur
accorda de généreuses rations , et les fît transporter sous la
Burveillance d'un chef, dans des (entes spéciales; ces dis-
positiouB réjouirent encore plus les troupes"'.
** Sur ces entrefaites le Baïram du Rnmazan étant arri-
vé , les Yésirs, les Ulémas et les Pachas unis aux ofËcii'is
supérieurs de la flotte , allèrent présenter leurs hoinmag» s
et leurs souhaits au magnanime et sublime Souverain qui,
apiès leur avoir accordé la giâce de lui baiser la main, leK
consulta sur la marche des opéi'ationB; à la suite des idées
échangées , ordre fut donné de préparer des fascines pour
combler les fossés ; mais trois jours de repos furent accor-
dés aux troupes , qui en piofitèrent pour se visiter d'un
poste a l'autre ; dè^ l'aube du troisième, bondissant dans les
fossés à demi combléâ , ellos a'él.inceub à l'assaut . Les infî-
dèles voyant sur leurs remparts les victorieuses enseigne»
déployées , sonnent leur cloche , accourent et font tounar
leura nombreux canons des quatre côtés à la fois . Benon-
saovGoOt^lc
316 BISIOIBE
Çfint alors à transporter de la terre et des fascines , quel-
ques cenUiines de victorieux apportent des échelles, traver-
fient li-8 fossés et teuteiit l'escalade de cette partie de la
forteresse".
C'est sans doute dps postes d"Espngne et d'Angleterre-
que veut parler Ahtned lÏEifouz; le Chevalier de Barbaran:
qui commandait au premier, fut emporté par un boulet;
Jban d'Orméda qui le remplaça, eut un œil crevé . l,e bas-
tion, d'Angleterre fut ce jonr là en bi grand danger , que le
Cri^nd-Miiitre dut aller à son secouiB avei- la garile dir
Palais. Le bastion d'Italie, cncoie plus uialtuiité, était
presque k découvert , lorsque deux f lèrts servai^t-, Biinhé-
lemy et Benoit Stamarosa , suivis de 200 hommes , se pré-
cipitent dans le fossé, mas^acreut ou nu'ttcnt <'n fuite ]es
Turcs; ensuite protégés par le feu nourri des batieiies et
dea ai-quebusiers, ils ferment une bonne partie de la brêchô-
et rentrent dans la ville avec des pertes insigniâantes. Il
n'en étiit pourtant pas de même pour les Turcs, puisque
Ahmed Hafouz nous apprend en continuant ton léoit am-
poulé , qu'en " se battant en braves, IfS victorieux mou-
raient purs et que sans aucun doute leurs àmcs sublimes
allaient droit au Ciel . et il en alla beaucoup, car les moi-ts-
tombant sur les morts avaient formé des monceaux de ca.
davres qui étaient ensevtïis sous les décombres causées
par le feu continuel des batteries; décidément cette attaque
était sans utilité, car après un combat si sanglant, les victo-
rieux n'avaient pas réussi à s'empaver du château".
" Le 12 Chewal ou reçut la nouvelle que la prise du châ-
teau d'Iliaki (Tiloa ou Piacopi), avait entraîné la redditioa-
do toute l'Ile de ce nom".
saovGoOt^lc
T . DE l'isle-adim 317
" MouBtafa Paclia avait cependant tenté un second as-
saut ; mais il avait dû se retirer encore , avec des pertes
considérables ; car les chiens impurs i^les Chevaliers) avaient
tellement fortifié les fossés de leur château , qu'ils étaient
transformés eux mêmes en fui-teresse ; il en partait un feu
si bien nourri que les victorieux eu étaient décimés . Le
magnanime Sultan voyant combien cette place était diffici-
le à emporter , ordonna aux pionniers de percer de nom-
breuses mines de manière que le château reposât sur 4
bases seulement , laissant tout le dessous creusé comme un
immense four , dont on obstrua toutes les bouches , après
l'avoir rempli de poudre à laquelle une longue mèche de-
vait communiquer le feu ; les ingénieurs avaient exactement
calculé et déclaré au Conseil combien de temps cette mèche
brûlerait avant d'atteindre la poudre".
Martinengo était parvenu à éventer un grand nombre
de ces mines , mais elles étaient si nombreuses que beau-
coup échappèrent à ses habiles et minutieuses recherches .
. " Le 13 Chewal (5 Septembre) , le travail étant achevé,
ordre fut donné à tous les victorieux de l'Islam de se tenir
prêts pour courir à l'assaut , en imiiiornnt l'assistance divi-
ne par le cri : Alla .eakhber , aussitôt que l'on ferait jouer
les mines . Dès la veille , les troupes musulmanes s'étaient
abordées en se pardonnant mutuellement K'urs oEFeu-ses ; la
mèche élaii allumée, prête à mettre le feu aux mines ; mais
le commandement donné au gros de l'année de se retirer
à une plus grande distance, fit croire aux infidèles qui sur-
veillaient leurs mouvements du haut des créueaui que c'é-
tait une retraite ; ils s'en réjouirent, et, faisant force signes
de croix, ils se félicitaient encore mutuellement de ce
D.qit.zeaOvGoOt^lc
SIS HISTOIRE
bonheur inespéré , lorsque le feu des mèches parvint aux
poudres; le fracaB épouvantable de la détonation couvrit
leurs cris de détresse, la fumée et la poussière en s'élevant
vers le Ciel , cachèrent aux jt^ux l'amas de décombres ; la
terre en fut ébranlée , l'Ile entière trembla sur sa base , sa
surface en fut convulsionuée et tous les infidèles accourus
sur les murs avaient été emportés, tandis que le reste trem-
blait maintenant d'épouvante ".
"En effet, selon l'ordre qui leur avait été donné, les
victorieux de l'Islam s'élançaient à l'assaut , pleins d'ar-
deur ; le combat fut sanglant , les morts de l'armée Musul-
mane tombaient , comme des béliers destinés au sacrifice ,
sous le feu terrible des canons ennemis ; le nombre des
victimes fut incalculable . mais le château résista encore à
d'aussi hérïoques efforts qui surprenaient les infidèles ;
enfin à bout de forces , les victorieux de l'Islam durent se
retirer".
'' Le 14 Chewal {6 Septembre), l'Ile d'Ingirly (Nissiros)
qui dépendait de Rhodes , et était protégée pur un bon^
ch&teau fort » épouvantée par le bruit de l'explosion qui
avait eu heu k Bhodes la veille , envoya une députatton an
quartier général , pour faire sa soumission . Ces insulaires
ne pouvant communiquer avec les infidèles de Rhodes ni
par terre ni par mer attendu qu'un oiseau même n'aurait
pu passer , jugeant l'état des assiégé» plus désespéré encore
qu'il ne l'était en réalité , s'étaient empressé» de se rendre
a discrétion et pourtant , sous les tentes Musulmanes on
commençait à désespérer de la conquête ; car jusqu'ici ni
les canons , ni la fusillade , ni même les miuM , n'avaient
produit un effut décisif après de si sanglants combats et
saovGoOt^lc
T . DE l'isle-adam 819
tant d'effort héroïques , Aussi le magnamine Sultan avait-
il convoqué BOn conseil afin d'aviser aux mesurea îi adopter
pour cette conquête qui lui tenait au cœur . Consultés ,
les anciens et les experts du Conseil s'écrièrent : oh magna-
nime Sultan , ce château ne sera pas emporté d'assaut par
des combats si sanglants qu'ils soient ; mais si l'on pcraé-
vère dans le percement des mines , on pourra ouvrir dea
brèche , par lesquelles vos braves troupes réussiront à pé-
nétrer sur votre ordre et avec l'aide de Dieu. Adoptant cet
avis, le Sultan voulut bien ordonner que de nouvelles mines
fussent percées . hee pionniers se mirent à l'œuvre et tra-
vaillèrent jour et nuit avec une infatigable ardeur , tandis
que la troupe harcelait continuellement les infidèles ;
mais ceus-ci dirigés par le bruit souterrain , creusaient de
. leur côté des contre-mines . rencontraient nos ouvriers et
les massacraient , ou bien les faisaient sauter au moyen de
la poudre qu'ils intreduisaient dans les souterrains ; beau-
coup de pieux musulmans furent ainsi tués . Cependant, la
division de Moustafa Pacha ayant réussi à achever une
'mine , y mit le feu ; les dégâts furent considérables ; tous
les infidèles qui défendaient ce poste , furent lancés jusqu'
au troisième ciel , et leurs âmes furent précipitées dans
l'enfer ; un pan de muraille s' étant écroulé, une route était
ouverte aux victorieux ; ils se précipitent dans les fossés ,
tentent bravement de francher la brèche et se battent ea
héros ; vains efforts ; ils doivent se retirer laissant le fossé
encombré de morts et inondé de leur sang géaéreux ".
" Le 26 Chewal (18 Septembre) , deux autres mines fu-
rent mises en jeu par la division d'Ahaied Pacha ; l'explo-
sion donne le signal, et toute l'armée Musulmane s' élance
saovGoot^lc
320 HISTOIRE
résolument à l'assaut . Jamais encore le combat , n'avait
été si acharné, si sanglant ; cent mille hommes étaient aux
prises; tout© l'artillerie tonnait à la fois des deux côtés,
étouffant les cris des combattants et le bruit de la fusilla-
de . Les victorieux soldats do l'Islam étaient si nombreux
dans les fossés qu'ils ne pouvaient avancer qu'en masses
aerrées; cent nouveaux combattants prenaient la place
d'un mort, et ils furent nombreux ceux dont les âmes mon-
tèrent au Ciel , car le fer et le feu des infidèles frappaient
à coup sûr dans ces rangs compactes, tandis que les armes
des victorieux s'émoussaient contre les pierres des épais-
ses murailles. Tel fut le nombre des morts que les vivants
marchaient sur un chemin de cadavres ; force leur fut do
suspendre le combat pour donner la sépulture à tant de
nobles victimes".
Ahmed Hafoux omet de préciser le nombre des morts
qui d'après les chroniqueurs européens serait de 3000 pour
les Turcs, tandis que les Chevaliers avaient perdu dans
cette journée, le Grand-Maître de l'artillerie, le Capitaine-
général des galères, le Porte-étendard du Grand-Maître et
beaucoup d'autres Chevaliers non moins braves et illus-
tres.
" Sans se laisser rebuter par les déplorables résultats de
cette journée , quelques braves de la division de Pir-Meh-
med Pacha , s' étant trasrestis la môme nuit , montent sur
les fortifications, passent au fil de l'épée les infidèles qu'ils
rencontrent, reprennent quatre ou cinq drapeaux enlevés à
leur division , jettent dans les fossés plus de 500 masses
d'armes , épées et fusils ; enfin coupant cinq têtes a'infi-
dèles . ils les portent on trophée au magnanime Sultan , à
saovGoOt^lc
T . DE L ISLB-ADAM 321
la grande joie de toute l'armée ".
" Le 28 Chewal (20 Septembre) , il y eut grand Conseil
de guerre dans lequel les différents chefs exposèrent leur
fiituatioD . Comme des rapports jetaient une ceii;aine froi-
deur dans la noble assemblée , le magnanime Sultan s'é-
cria : — Soyez sans crainte ; arec le grâce de Dieu , la
conquête de ce château de Rhodes sera bientôt achevée ! —
A ces mots les assistants s'écrièrent Amin ! et adressèrent
au Ciel des prières pour qu'il en fut ainsi . Alors le magna-
nime Sultan ordonna que l'on saluât son armée en son nom
et qu'on lui fit savoir qu'elle devait se tenir prête pour
l'assaut . A cette nouvelle les troupes réjouies s'écriè-
rent : — Oh magnanime Sultan , si tel est ton ordre Impé-
rial, et avec la volonté de Dieu , demain nous donnerons
l'assaut , et nous enlèverons les enfants , les femmes et les
biens des infidèles et nous te consignerons leur château ! —
Alore le Sultan commanda que chacun se tînt piôt . Cette
nuit là donc les troupes de l'Islam et les fidèles do la Loi
adressèrent des prières au Dieu tout-puissant sous la direc-
tion des Ulémas. Des ordres avaient été donnés aux galères
et aux mahonnes et aux autres navires de la flotte Impé-
riale , aux Beys qui commandaient les forces de mer de se
préparer également au combat du lendemain ; ù l'aube ils
devaient aller s'embosser sous le château. Le lendemain en
eifet , à la pointe du jour . l'armée se rangea eu bataille ;
la flotte bissa ses drapeaux ; toutes les forces s'avancèrent
bravement de concert et ouvrirent le feu contre le châ-
teau . A la vue de tout ce déploiement de forces , les infi-
dèles perdirent la raison , coururent dans leura foyers et
dans leurs églises et prièrent Dieu de ne pas accorder la
D.qit.zeaOvGoOt^lc
victoire aux intrépides troupes de l'Islam".
*' Cependant décidé à se mettre à la tête de ses braves
soldats , le magnanime Sultan monte son noble cheval de
bataille, arrive aux premiers rangs et veut avancer encore .
Mais ses soldats l'arrêtent en s' écriant : — Sultan , tourne
la, tête de ton cheval , tu ne dois pas t' exposer jusqu'au tir
de fusil , cela est contraire à l'usage ; arrête-toi ici et sois
témoin de notre bravoure !
" En effet les braves do l'Islam s'élancent ^ l'assaut ,
tandis que la flotte Impériale venait s'emboeser sous le
château et vomissait le feu à, la grande épouvante des infi-
ijèles dpn,t les habitations et les bazars tombaient en ruines.
Le toUDen;e des innombrables canons , la détonation de
mille fusils , le cri de cent mille Islams , disant à la fois
AllaJb mkliher î enfin les clameurs désespérées des infidèles ,
remplissaient l'air d'un bruit confus et sans pareil dans
l'histoire; chaque fois qu'un créneau, qu'un pan de mu-
raille s'écroulait avec fracas , les bmvea soldats de l'Islam
franchissaieft les fosses , s'accrochaient aux mûrs et les
.escaladaient à l'aide d'échelles et de cordes , non seulement
sous la foudre des canons et sous le feu des mousquets,
imais aussi sous une lave brûlante de poix et de goudi-on
.que les infidèles versaient à pleines chaudières du haut des
murs, tandis qu'ils assommaient a coups de massue ou dé-
pieu ceux qui en atteignaient le faîte . Combattant comuie
des lions déchaînés sous les yeux de leur souverain, les
Musulmans font des prodiges de valeur ; ils emportent les
premières encientes, s'y maintiennent pendant quatre heu-
res ; mais harassés de fatigue, mourant par centaines, dans
ce sanglant et mémorable combat, ils sont enfin obligés de
saovGoot^lc
T . DE l'iSLE-ADAM 323
renoncer à une victoire que Dieu ne veut pas leur accorder
et ils se retirent au déclin du jour, au moment où les infi-
dèles commençaieut eux-mêmes à désespérer. Les joura
suivants furent employés à enterrer les morts et à prendre
des dispositious pour l'installation des blessés ".
'■ Le 8 Zilkadé (29 Septembre) , uu excellent ingénieur
de la ville vint au camp , embrassa la religion Muslmane
et déclara qu'il indiquerait le moyen de détruire les infidè-
les . C'était réoilement un grand ingénieur très expert sur
toute question d'artillerie et d'armes de tout genre ". ( ? )
" Le 15 Zilkadé (6 Octobre) , il y eut encore un combat
sérieux après l'explosion d'une mine percée par les soins
d'Ayaz Pacha ; un large pan de muraille s'était écroulé
jusqu'aux fondements. Tandis que les navires viennent
s'amarrer jusque sur les môles, 2000 victoiieux le cimeter-
re à la main , atteignent les retranche ments d'une partis
de la forteresse (entre la porte d'Amboise et la porte S'-
Georges , c'eet-à-dire sous le bastion d'Allemagne) , et y
plantent les drapeaux de l'Islam ". *
Quelques autres petites attaques ayant été repoussées,
les Janissaires commençaient à murmurer ; le siège déjà si
long , menaçait de durer encore tout l'hiver ; les généraux
dont le crédit diminuait aupiès du Sultan , résolurent de
livrer un assaut énergique et simultané contre tous les
bastions, afin de diviser les forces déjà si réduites des assié-
gés; eu effet, "le 20 de ce mémo mois de Zilkadé (11 Oc-
tobre), l'aile gauche de la division de Pir Mehnicd Pacha ^
* Uttn . d'Alimeâ Hiifoiiz.
saovGoOt^lc
324 HISTOIHE . .
ouvrit le premier fea couti-e le BaBtion appelé Ttclta (An-
gleten-e î ) , tandis que l'Aga des Janissaires , Balj Aga ,
s'élance sur la muraille à la tête de sa vaillante milice.
Blessé . il refuse de se retirer ; ce noble exemple anime ses
braves qui se battent en héros jusqu'au soir, et inondent
de leur sang et de celui des Infidèles chaque pouce de ce
rempart qui n'est pas moins bravement défendu que vail-
lamment attaqué". *
Les Turcs, en grand nombre , arrivent presque eu même
temps jusqu'aux retranchements des Bastions d'Angleterre
et d'Espagne; mais bous le commandement de Jean Bur-
ke , les Chevaliers Anglais soutenus par quelques Français
et Allemands , en délogent l'ennemi pied à pied ; ce succès
est chèrement payé par la mort du Commandeur Anglais .
" Renouvelant l'attaque k la faveur de la nuit , les troupes
de l'Islam parviennent à planter leurs enseignes sur ces
mura fumant de sang "; * avant le jour les Chevaliers les
avaient encore repoussés, justifiant dans cette action le mot
du brave Andelot Gentil qui commandait au bastion d'Ita-
lie : Nmis aurons grande bcuoijnc aiijourdliui , viais il faudra
faire eii sorte qtte ïon se BOimeiute de itoii* dans le camp enne-
mi ! En effet si l'Ordre avait à déplorer la perte de plus
d'un brave cLevalier, les Turcs ne comptaient pas moins de
ÎIOOO hommes hors de combat .
"L'assaut général est donné huit joura plus tard, 28
Zilkadé", sur quatre points différents , parmi lesquels le
bastion d'Angleterre parait être le principal objectif, com-
* Mail . d'Aluned Hofouz .
îBBiGooi^le
V . DE l'isle-adam 325
me le plus faible en apparence ; mais ïi défaut de murail-
les , Turcs rencontrent les cuirasses des Cheyaliers , contre
lesquelles vient se briser leur fureur ; les cadavres de leurs
morts comblent les fossés , et ouvrent un chemin sanglant
ÎL ces hordes inépuisables, toujours fauchées par les canons
des forts qui les prennent de flanc . Les ravages sont si
terribles daus leurs rangs serrés , qu'ils commencent à
plier , et semblent prêts à, fuir , lorsque lAga des Janissai-
res , leurs chef favori , s'élance en avant , un étendard à la
main, le plante sur les remparts, et rallume l'ardeur de ses
soldats , qui se précipitent à son appel . Ils l'ont à peine
rejoint, qu'il tombe percé de dix coups ; furieux , les Turcs
roulent comme uu torrent , tête baissée , décidés à vaincre
ou à mourir ; les Chevaliers reçoivent la secousse sans en
être ébranlés . Villiere de l'Isle-Adam arrive suivi de sa
garde d'élite; deiTÎère lui les Archevêques Latin et Grec ,
avec leur clergé respectif , les bourgeois , les femmes , les
enfants même, armés de pierres , d'eau et dhuik' bouillan-
te . Ce n'obt plus du courage , c'est une nige avoui^le exci-
tée d'un côté par la promusse du butin , de l'autre par
liûstinct de la conseiTation du la vie , des richesses , do la
liberté et de la familie . Plus d'une femme , plus d'u» fai-
ble enfant , font te jour là des actions héioïques dont se
seraient glorifiés les plus braves guerrii.Ts .
Jacob Fontauus rap[jortu un acte du fioiJ courage de la
part d'une jeune fL'mme grecque, nommée Ati.istasia, épou-
se d'un volontaire , disent les uns , amante d'un Chevalier,
assurent les autres . Elle voit succomber celui auquel son
cœur était attaché par les liens du mariage ou par ceux de
la passion, au moment oii la ville est sur le poin t de tomber
D.qit.zeaOvGoOt^lc
au pouvoir de l'ennemi ; craignant alors de voir ses enfants
exposés à la brutalité des vainqueurs , ou tout au moins
emmenés en esclavage , elle lea embrasse tendrement , les
poignarde de sa propre main , puis , ne voulant pas survi-
Tre à tout ce qu'elle a aimé dans ce monde , elle s'aime
d'une épée , se jette au plus fort de la mêlée , et y trouve
la mort sur un monceau de cadaVres ennemis , ouvrage de
ses coups.
Pendant qu'on se battait avec un égal acharnement aux
bastions d'Angleterre et d'Italie, offrant ainsi à l'héroïsme
l'occasion de s'ennoblir, celui d'Espagne reste presque sans
défenseurs . A peine ont-ils saisi cette faute, que les Turcs
en profitent ; ils se précipitent sur ce poste, massacrent les
canonnière, et leurs enseignes flottent sur les créneaux ; si-
gnal téméraire ; car à la vue du Croissant , les Chevaliers ,
d'assiégés qu'ils étaient, deviennent assiégeants et donnent
l'assaut à leur propre forteresse . Le combat,' acharné , ter-
rible y dure six heures sur cet espace restreint ; enfin , lea
Turcs doivent se retirer non seulement du bastion d'Espa-
gne , mais aussi de ceux d'Angleterre et d'Italie , laissant
dans les fossés et sur lea murs , au dire des hisioriens Eu-
ropéens, plus, de 15,000 soldats et officiers qui sont tombés
BOUS le fer des Chevaliers .
Ahmed Hafouz , qui pourtant est assez impartial , se
contente dédire pour cette journée ," qu'une, sanglante
action eut lieu ; que les victorieuses troupes de l'Islam
montèrent à l'assaut , a' accrochant aux murs comme le.
polype s'attache à la roche ; mais que malgré leur bravou-
re ; Dieu ne leur donna pas le succès , et qu'ils durent ae. *
retirer . laissant l'Aga des Janissaires parmi lea morts "-
saovGoOt^lc
Y . DE l'ibu-asan 327
Le Sultan forienx et découragé , s'en prît à Moustafa
Pacha de l'insuccès de cet assaut qu'il avait conseillé , et le
Commandeur de Bourbon assure même que Suléiman avait
déjà ordonné qu'on le tu&t à coups de flèche , lorsque Fir
Mehmed Fâcha parvint à le sauver de ce supplice , en cal^
mant l'irascible despote ; quoiqu'il en soit , et malgré le
demi silence qu'Ahmed Hafouz garde à cet égard, il parait
suffisamment avéré que ne pouvant pas conquérir *' cette
forteresse imprenable par les armes , et dont Dieu seul te-
nait l'avenir entre fes mains ", * Suléiman était décidé à
lever le siège ; que les gros bagages et une partie même de
l'armée était embarquée , lorsque la trahison lui donn» sur
le triste état de la place et de ses défenseurs, des avis qui
l'encouragèrent à continuer le bombardement .
Un médecin juif dont le nom est resté inconnu, mais qui,
nous sommes heureux de le dire , était élranger à Khodes ,
avait été surpris jetant une lettre daus le camp Turc . Il
fut arrêté , jugé , condamné et exécuté vers la tin de Sept-
embre ; mais Suléimiin avait dans lii place de» accointances
plus funestes et plus déplorables encore . L'ambition fît
d'un jaloux un traître, de d'Auiaial un Chevalier félon.
Quelques personnes ont crû que lui aussi était juif et mé-
decin au service de l'Ordre, erreur provoquée probablement
par le fait que nous venons de rapporter, et d'autant moins
jiistiSiiblc que d'Amaral était ennemi juré des Juifs et sai-
sissait avec empi-esteiiieiit toutes les occasions tie leur mon-
trer sa haiua. Un prêtre grec , chapelain de l'Ordre, le
* Uan . iVÂlimcd Hafouz .
saovGoOt^lc
dénonça ; il fut en outre trahi par son serviteur et compli-
ce , Biaise Diez , Le Chevalier apposa les plus coDstantes
dénégations au jugement .dans lequel il fut convaincu de
haute trahison , condamné à la dégradation et livré ensuite
à la justice civile .
Quelques écrivains ont bien essayé de nier la trahi-
son de d'Amaral ; mais la relation que le Commandeur
de Bourbon donne de ce triste incident, est trop affirmative,
pour laisser le moindre doute . Du reste, devant le nouveau
tribune qui devait prononcer sur la punition , l'accusation
fut soutenue par le prêtre grec et confirmée par les aveux
de Diez , avec une telle assurance , que les Juges n'hésitè-
rent pas à prononcer une sentence capitale . Les Turcs pu-
rent contempler avec regret ou mépris celte tête infâme
exposée sur une de* plus hautes tours , en vue de leur
camp.
Cependant la trahison avait porté ses fruits . Le Sultan
assuré désormais du succès , avait contremaiidé le départ ,
et " dans un conseil réuni le 11 Zilhidjé (iNovembre) ,il
déclara que vu la saison avancée , les troupes devaient
prendre leurs quartiers d'hiver ; et un Tc/tooitc/t fut dépê-
ché auprès de Ferhat Paoha , le Gouverneur de Mougla ,
avec ordre de faire parvenir au plus tôt tout ce qui était
nécessaire à l'hivernage de l'armée. En apprenant cette
nouvelle, les infidèles en furent consternés ; ils envisagèrent
avec épouvante les horreurs d'un long siège ; ils comprirent
qu'à partir de ce moment , ils ne devaient attendre aucun
quartir de leurs ennemis surexcités . L'inquiétude augmen-
tant, ils convoquèrent le conseil de leurs anciens militaires
et demandèrent l'opinion des plus experts . Il y avait paimi
saovGoot^lc
T . DE L ISLE-ADÀM 329
eux un vieillard grand guerrier et de grand bon sens ;
lorsqu'on le consulta il répondit: — Nous no pouvons at-
tendre aucune miséricorde de ces Turcs ; ne parlez donc pas
d'en venir à composition avec eus ; continuons à nous bat-
tre ; ne cessons pas le feu ; nos canons et nos fusils tirent
sur des masses compactes , tandis que leurs boulets vien-
nent se briser contre nos solides remparts ; ne donnons pas
aux Turcs le temps de recevoir des renforts ; cent nouveaux
soldats remplaceraient chacun de leurs morts ; nous , nous
n'attendons plus ni renforts ni secours ; continuons donc
bravement le combat, si nous ne voulons pas voir les fem-
mes , les enfants et nous mêmes passés au fi] du cimeterre
Musulman! Mais si vous êtes découragés , si voua
devez combattre mollement, allez dès à présent vous mettre
à la discrétion du farouche Sultan !"
A ces mâles paroles, on n'a point de peine à reconnaître
Villiers de l'Isle-Adam l'infatigabie et vaillant Grand-
Maître, cherchant à relever le moral de la population cons-
ternée par la nouvelle que les Turcs prenaient leurs quar-
tiers d'hiver. Et ce découragement est bien natmel, si l'on
songe que les Chevaliers survivants , blessés pour lii plu-
part, ne disposaient plus que d'un nombre iubuffisant de
soldats , tandis que l'ennemi ne cessait de lecevuif des ren-
forts ; les munitions étaient épuisées sans que l'un pût se
l'expliquer; car d'Amaral , chargé en sa qualilé de toui-
missaire , d'approvisionner les arsenaux, avait assuré avant
le siège , qu'ils étaient amplement pourvus . Avait-il déjà ,
pour la satiifaction de sa haine jalouse , dérobé à la con-
naissance des Chevaliers un fort dépôt de poudre , dont
l'existence . dans les souterrains de l'égUse S'' Jean fut
saovGoot^lc
330 HISTOIEE
dévoilée de nos jours par une horrible catastrophe ? Cela
est probable .
" Le 20 Novembre on s'était battu anus succès; mais,
dit Ahmed Eafouz , le 1 Décembre (12 Moharrem) , les
Islam attaquant vigoureusement, parviennent à s'emparer
d'une tour et de deux bastions , du haut desquels ils domi^
nent les autres positions des infidèles . D'autre part, la flot-
te bombardait sans relâche du côté de la mer ; les iufi.dèles
étaient effrayés et consternés ; leurs têtes tombaient comme
des courges sous le cimeterre Musulman ; leurs femmes
gémissaient, et leurs vieillards, et leurs enfants se cachaient
60US terre comme des taupes ".
A cette date effectivement il ne restait plus en la posses-
sion des Chevaliers , outre le Palais , que les bastions de
Castille , d'Italie . do Provence et d'Auvergue . Le bastion
d Italie , le plus faible de tous , servit de but principal aux
attaques des Tnrcs . Le Chevalier de Pagnac eu était le
défeuseur ; il fit des prodiges, de valeur à la tête de ses
hommes , q^ui sans excepter la légion Israélite , se battireni
en héros .
La tradition veut en effet qu'un corps de 250 volontaires
Israélites , armuriers pour la plupart , &e soit couvert de
gloire à la défense du bastion d'Italie qui protégeait leur
quartier , et que dans cette attaque , leur chef ait trouvé
une mort glorieuse eu s'élançaut pour arracher l'étendard
qu'un officier Turc avait planté sur la brèche . Lorsque
les Chevaliers accourus à son aide le relevèrent , il venait
d'expirer , tenant d'une main l'étendard et de Tautre son
épée encore fumante du sang des ennemis qu'il avait
tués .
saovGoOt^lc
T . DE L'i8LE-ADAH 3ftl
" Ce même jour du 12 Moharrem , pendant qu'on se
battait , un transfuge chrétien s' étant présenté au camp ,
informa le Sultan que la position des infidèles était des
plus précaires , et les dommages causés dans la rille , des
plus considérables . Il assura que la victoire ne dépendait
plus que de la Tolouté du Sultan ; car les înâdèles retirés
dans la partie militaire de la ville , étaient encombrés de
malades et de blessés . Cette nouvelle communiquée à l'ar-
mée par des hérauts d'armes , fut accueillie aux cris (2' oZ-
Idh-eukhher , et les soldats de l'Islam jurèrent que le len-
demain ils seraient les maîtres des femmes et des enfants
des infidèles . Ordre fut donné de ne point cesser le feu
pendant tonte la nuit et de se préparer à une attaque
décisive pour le lendemain . Celle-ci eut effectivement lieu
et par terre et par mer , et les soldats de l'Islam avançant
tête baissée , sans regarder ni à droite ni îi gauche , mon-
tèrent à l'assaut avec un imperturbable sang-froid , secon-
dés par des iroupes fraîches , et reposées ".
De leur côté les Chevaliers se battent en héros; mais
débordés par ces masses compactes , iîs commencent à
plier sur tous les points ; " alors, continue Ahmed Hafouz ,
voyant flotter sur tous les remparts les glorieux drapeaux
de l'Islam , les femmes et les enfants se mettent a crier :
Aman, Aman notre Sultan ! et ils imploraient sa miséri-
corde et sa pitié , avec des gémissements qui montaient
jusqu'au troisième Ciel . Le magnanime Sultan fut ému de
ces cris; se rappelant que la Loi sacrée commande d'épar-
gner la vie de ceux qui demandent l'Aman , il l'accorde et
fait suspendre les hostilités . Il ordonne ensuite que le
Commandant du château et le chef de la Milice, deux per-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
sonnages importants parmi les infidèles, sortent de la ville
et Tiennent lui exposer leur situation . De son côté il char-
ge son Zaardji-Bachi (Grand- Veneur) , homme très distin-
gué , et quelques officiers expérimentés , d'entrer dans le
château pour en régler la remise et en constater l'état ".
' " Cependant , continue Ahmed Hafouz , un transfuge
■ informe Pir Mehmed Pacha , que si les Chevaliers avaient
demandé Vaman , ce n'était que dans le but de^gagner du
tempe , parce qu'ils attendaient des renforts de l'Europe ;
en effet , 'dans la nuit du 25 au 26 Moharrem (14-15 Dé-
cembre), les assiégés virent arriver 15 galères chargées
de soldats et de munitions de toute sorte . Ils déclarent il
est vrai aux nouveaux venus que leur secours arrivait trop
tard ; mais ceux-ci, qui s'étaient exposés à tant de dangers
dans le seul but de Venir se battre , persuadent facilement
à ces chiens , leurs frères impurs ,' qu'une attaque de nuit à
laquelle l'armée 'Musulmane ne devait pas s'attendre ,
pourrait être très avantageuse. Sortant donc avant l'aube
de plusieurs endroits à la fois , ils attaquent avec fureur
- l'armée turque; surprise dans sa parfaite quiétude, elle se
- lève en sursaut et en désordre. Le combat s'engage fu-
rieux, meurtrier ; réformés enfin les soldats de l'Islam avan-
cent en masses compactes; ils ne comptent pas leurs morts
dont les âmes pures vont droit au Ciel et ils poursuivent
jusque dans le château leur ennemi pervers ; on se bat jus-
qu'au Kendi (2J heures avant le coucher du soleil); voyant
alors les progrès des victorieux , les infidèles s'adressent îl
leur chef et lui disent : Demandez l'aman ! Celui-ci refusait
encore et pourtant les àens étaient obligés de se replier on
-toute hâte et d'abandonner entre les mains des victorieux
saovGoOt^lc
V . DE l'isle-adam 333
un grand nombre de priaonniei-s . Le Sultan furieux leur
fit couper le nez et les renvoya en leur disant : Vous n'avez
pas tenu votre parole , je retire la mienne; ailes faire voiranx
vôtres com/ment je traite vos pareils ".
Les histoneos ËuropéeQS ne sont pas précisément d'accord
sur ce point avec le chroniqueur Turc; ils ne font aucune
mention de l'entrée du Zaardji-Bachi dans la ville , ni, cho-
se plus extraordinaire encore , de la, sortie si meurtrière
que les Chevaliers auraient faite après l'an'ivée des ren-
forts qu'ils auraient reçus dans la nuit du 14 au 15 Décem-
bre ■ Bb nous apprennent seulement que les Chevaliers
avaient nourri l'espoir de recevoir des secours de l'Europe,
mais que ceux-ci n'arrivèrent jamais ; ils ajoutent encore
que, à la suite d'une décision du Conseil de l'Ordre , les-
forteresses des lies et" celle de S'- Pierre (Boudroum) , fu-
rent abandonnées par leurs garuisons, et que vers l'époque .
indiquée par le manuscrit d'Ahmed Hafouz , elles seraient
parvenues à. gagner Ehodes dans de légères barques et de
petits brigautins. Mais quelles étaient ces lies? Ils ne le
précisent pas; Halki s'étjùt rendue dès le 20 Chaban (15
Juillet) ; Piscopi avait été remise peu de temps après , et .
Nissiros . au dire du même auteur , avait fait sa soumission
le 14 Chewal (6 Septembre) . avant même d"êti-e sommée
de le faire . Il ne restait doue que Syrai, Calymnos , Cos et
Léros ; mais ce qu'il y avait encore de soldats et de Che-
valiers dans ces forteresses , d'où l'on avait déjà tiré des
secours, ne pouvait pas être assez important pour employer
15 galères, et pour permettre aus assiégés défaire une
sortie aussi meurtrière .
Il y a une exagération d'autant plus évidente dans les
saovGoot^lc
334 HI8T01BE
assertions d'Ahmed Hafouz, que les chroniqueurs Européens
sont unanimement d'accord pour assurer que par ses atta-
ques journalières , et plus encore par le moyen d'habiles
émissaires (pour la plus part des renégats , au premier
rang desquels figure le génois lérouîmo Monile), Suléiman
avait suscité une panique générale parmi la population . Il
faisait comprendre la différence qu'il y aurait pour elle en-
tre une reddition honoi^ble, mais volontaire, et la prise iné-
vitable de la Ville par le force des armes . Dea députations
fréquentes , signe du découragement , étaient enToyées au
Grand-Maîti'e ; il repoussa les premières et adressa enfin
les autres au Conseil de l'Ordre . Sur le rapport des diffé-
rents chefs, déclarant qu'eux et leurs hommes étaient prêts
à mourir à leur poste , mais reconnaissnut que leurs posi-
tions étaient presque intenables , qu'ils manquaient d'ail-
leurs de munitions de guerre et de provisions de bouche ,
le Conseil décida de saisir la première démonstration paci-
fique offerte par le Suitaii . Peu de jours après, les Turcs
ayant effectivement aiboré un drapeau parlementaire sur
le clocher de l'église S-'^Marie d(?s Lymonitves , Vïlliers de
l'Isle-Adam en ât hisser un autre sur un des moulins qui
dominent la porte S . Jeau .
Après ce qu'eu dit Ahmed Hafouz , il peut sembler é-
trange et en quelque sorte coutradictoii-e que Suléiman ait
le premier hissé le drapeau parlementaire , alors qu'il était
assuré d'une prompte victoire ; qu'il ait même offert dea
conditions avantageuses. Mais le stylo officiel chez les
Ottomans , dérobe toujours sous un voile impéuétrable au-
tant que possible, l'aveu d'une erreur évidente ou la néces-
sité impérieuse d'un accomodement . Ce dernier cas était
saovGoOt^lc
T . DE L'18LE-ÂDAU 335
■celui dans lequel se trouvait alors le Sultan . S'il avait été
ému par les cris des femmes et des enfants que ses farou-
ches soldats égorgeaient sans pitié , il n'était pas moins
ébranlé par le découragement qui se manifestait dans son
camp aussi bien que dans la ville ; la rigueur de la saison
avait énervé l'opiniâtre courage de son armée; il ne faut
donc pas s'étonner qu'il ait pris l'initiative de propositions
pacifiques .
De quelque part d'ailleurs qu'ait été arboré en premier
lieu le signal de la paix , il fut compris et accepté par les
deux partis; car lorsque des officiers Turcs sortirent du
camp , des députés de la Ville vinrent à leur rencontre ;
ceux-ci ne portaient aucun message , et reçurent au con-
traire une lettre du Sultan . Ce détail autorise à croire que
l'initiative partait de ce côté .
Suléiman sommait le Grand-Maître de lui livrer la place
k des conditions très avantageuses dans le délai de trois
jours; "que dans le ois contraire il n'eschapperait ni petit
ni grand ; mais que jusqu'aux cliats , tous serait mis en
pièces ". *
Deux ambassadeurs , Dom Raymond Marquez et Dom
I^opez Debas, furent dépéchés au camp Turc ; mais comme
ils exigeaient encore trois jours de trêve que le Sultan up
voulut pas accorder , les hostilités furent reprises , avec
plus de mollesse d'abord, avec plus de vigueur eusuite . Le
18 Décembre un furieux assaut fut victorieusement re-
poussé par les Chevaliers ; mais un autre plus furieux
* CumEMii<1«ur ds Bourbon .
saovGoOt^lc
encore donné le lendemain , pour profiter de la fatigue dos
aesiégés, rendit enfin les Turcs entièrement maîtres du
bastion d'Espagne dont les Chevaliers avaient coaeervô
uoe bonne partie .
La défense était désormais impossible , la capitulation
sans honte . Villiers de l'Isle-Adam avait essayé de faire
parvenir au Sultan un rescrit de Bayazid contenant la
promesse d'uue paix étemelle entre lui , ses descendants et
l'Ordre ; mais Ahmed Pacha auquel il fut remis , le déchi-
ra et renvoya une réponse ironique .
Les négociations furent donc reprises , et deux députés
bourgeois, Pierre Siglifico (Latin) et NicolaVergati (Grec)»
furent adjoints aux ambassadeurs de l'Ordre ; le Chevalier
Antoine de Grolée avait la préséance .
II fut convenu que les habitants Latins et Grecs conser-
veraient leur religion ; qu'ils ne seraient inquiétés ni dans
leurs bieus ni dans leurs familles, et qu'ils seraient exempts
d'impositions pendant cinq ans; que ceux qui voudraient
abandonner leurs propiictés pour suivre les Chevaliers ,
auraient la faculté de sortir de l'Ile en emportant leurs
meubles et leurs bijoux . Après avoir ainsi sauvegardé les
intérêts de ses vassaux contre les droits de la conquête ,
avec autant d'éuergie qu'il avait mis de bravoure à. les dé-
fendre , l'Ordre , jusque là désintéressé dans les clauses du
traité, imposa au vainqueur le respect de ses biens les plus
chora . Suléiman accepta que les reliques , les" vases et or-
nements sacrés et les archives , seraient emportés ; que la
flotte armée en guerre serait laissée aux Chevaliers, et quo
le vainqueur fournirait en outre les vaisseaux nécessaires,
en cas d'iusuflfisance de cette flotte , pour les transporter
D.qit.zeaOvGoOt^lc
V . DE l'isle-adam 337
'gradiitementà Candie, avec ceux des habitants déterminés
à quiiter Rhodes. Il fut enfin convenu que le gros de l'ar-
mée Turque reculerait de quelques milles , et qu'une gar-
nison de 4000 Janissaires occuperait seule la Ville, juequ'
au dépaii; des Chevaliers , auxquels il avait été accordé un
délai de 12 jours .
Cédons maintenant la parole à Ahmed Hiifouz :
"Alors le Halcim (Juge) du château qui s'nppeUit
Mastori Mialo , • et était le chef de cet ordre voué à Han
Giuan , envoya au Sultan 50 infidèles *• des principaux de
la ville pour demander l'aman et rester en otage . Le misé-
ricordieux Sultan , conformément aux prescriptions de la
vraie Loi , accorda /'«f/iait , et réunissant son noble Dican
(Conseil) il y fit comparaître les infidèles qui, la face contre
terre et tremblants de peur , renouvelèrent leur serment de
soumission ; ils furent alors envoyés au camp, où les trou-
pes les traitèrent avec la bonté qui leur était naturt;l-e . En
outre , le généreux et miséricordieux Sultan voulut bien
permettre au Mastori Mlulo de retourner dans le Fri'vghis-
tan (Europe) et d'emporter les navires , galères et gaUous
qui leur avaient appartenu ; mais il exigea que tous les
Musulmans , lettrés , ulémas , négociants et trafiquants que
ces infidèles retenaient dans le bagne fussent immédiate^
ment délivrés, ce qui fut fait incontinent, au milieu des n-
étions de grâces et des bénédictions qxm ces infortunés a-
dretisaient à Dieu et au magnanime Sultan ".
' (Wmi)tKm do Xn.jhi» Mn^lorU (GiAtià.'iiMttc) .
' 2Ô Ulicvalk-rs , tlout 2 Orand-C'roijt , ot 2^ noliiblfs df lu Ugurgcoïii*
saovGoOt^lc
338 HISTOIRE
*' Le 6 Sefer (25 Décembre) , jour de Vendredi , le Sul-
tan, selon la publiuie loi que le bienhiiureux Orner a éuiblie
à l'égard des pays couqtiis, ordonna qu'un Miiesin montât
6ur l'A'rap Kuulch , cet;e tovir dont l'élévation atteint le
troisième ciel ; de là le Muézin , d'une voix aussi forte que
celle du bienheureux Bilal , noiifia à la popubition la glo-
rieuse conquête du Sultan SuléJman , et entonna ensuite
la sublime prière que Mohammed , le Saint Prophète de
Dieu , a instituée sur la terre des croyaiita , et cette voix
claire et forte étonna les Chrétiens ".
" Alors le sublime Sultan précédé du second régiment
des Janissaires et de ses drapeaux ornés de franges d'cr,
escorté par 400 gardes du corps Solmik, par 4 cbtfa Solmiks,
par 4 Kchayas et par 40 Odahachls , tous vêtus de bfauc tt
les turbans ornés de riches joyaux , péuétm daiis la ville
au bruit des salves d'artillerie et au milieu d'une foule
considérable . Le reste des gardes du corps , les musiciens ,
jefe officiers de chafpie corps, suivaient le gloiicux Padichah
et s'écriaieut : Allak Allith ' p:ir la volonté le gloneux sabre
de Mohammed a soumis ce superbe château î C'est aiusi
que le Sultan te rendit jusqu'au temple de l^mi Utouii.; la
où les infidèles adoraient u:ie idole, lui le vainqueur béni .
adressa sa prière au vrai Dieu ".
Ici il y a Heu encore de reprocher à Ahuied Hafouz son
style officiellement ampoulé ; car les otiiges , remis confor-
mément aux clauses du traité , n'ont pas eu à se prcscijter
en suppliants pour demander l'aman ; ce n'était pas non
plus une grâce spontanée , cette autre stipulation qui d:)n-
nait aux Chevaliers le droit de partir sur leur propres na\ i-
res encore libres dans les poris ; sans aucun doute la priso
:q,t7edi>G00t^lc
V . DE L'iSli-ADAM 339
de la Tîlle était inévitable ; maia contre Tine opiniâtreté plus
prolongée de la défense , le Sultan n'aurait achevé delà
conquérir qu'au prix de lourds sacrifices ; les éviter était
sagesse ; les compenseï" était justice plutôt que magnani-
mité . Enfin l'auteur du manuscrit omet à dessein trop evi-
deaiment, de parler de la violation du traité, violation dans
laquelle incombe à Suléiman lui-même une part de com-
plicité , puisqu'avant que les Chevaliers eussent quitté le
pays, il avait été faire sa prière dans l'église S"- Jean ; trop
absorbé probablement dans son action de grâces, il ue con-
nut rien des actes de désordre et de pillage auxquels se
livrèrent les soldats qui l'aeconipagDaient ; Ahmed Hafouz
les ignorait-il aussi ? car il passe ce fait sous silence, taudis
qu'ordinairement il est assez impartial pour dire la vérité ,
mais en la couvrant parfois d'un voile si épais , qu'on a de
la peine à saisir ce qu'il cache . Après cette observation ,
cédons lui encore la parole .
" Le 10 Séfer (29 Décembre) , le Sultan à cheval , entre
dans la ville par la porte de Kysil Capou , avec non moins
(le gloire que la première fois ; il se rend au port, et admire
la grande chaîne qui le fermait et les autres engins dont les
iufidèles s'étaient servis pendant le sîége . Il noitime ensui-
te un Sandjfic Bey , pour Gouverneur de l'Ile et ordonne
que 52 compaguies de Janissaii-es y tieudi-aient garuison .
Il visite enfin le Mamh-aM (Arsenal) et VÂrap Koukh . A son
retour au quartier général, il reçoit la nouvelle que Tahta-
Il Kalcssi (château de Malona) , à quelque distance de la
ville , et la forteresse de tîiankio (Cos) faisaient leur suu-
mission ".
Les historiens européens font une description très tou-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
340 BieTOlBB
chante de l'entrevue que Villiers de risIe-Adam aurait eue
avant son départ avec le Sultan ; ils parlent des offres que
Suléiman aurait faites au vénérable Grand-Maître , pour
l'engager à entrer à son service en embrassant la religion
Mahométane ^et ils discutent longuement sur la question
de savoir si le vaincu a baisé la main de son vainqueur , et
si en le faisant il a obéi à un ordre qui lui était imposé» ou
s'il l'a lait spontanément.
Ahmed Hafouz n'aurait pas manqué de mentionner ce '
fait comme une humiliation imposée au chef des inEdèles
qui avaient osé résister aux armes victorieuses de l'Islam .
11 se contente de nous dire que : " dans un Divan tenu lo
12 Séfer (31 Décembre) le chef du château , Mashn Miah
en ayant obtenu la permission , vint prendre congé du su-
blime Sultan, qui voulut bien lui donner en présent bonne
quantité de lingots d'or , de pierres fines et autres objets
précieux et lui renouveler la permission de se servir des
galères, galions et autres navires qui leur avaient appartenu,
à la condition , ajouta-t-il , avec des larmes aux yeux , que
le soleil du lendemain ne les reverrait pas à Rhodes. Sur ca
le chef des infidèles se retira tout pensif et partit pour le
Fren^histan" .
En effet , le l*""- Janvier 1523 , le soleil levant éclaira la
flotte de l'Ordre remontant le Canal de Khodes , et se diri-
geant vers Candie ; elle emportait les Chevaliers , leurs
suivants et environ 5000 habitants qui avaient abaudouuô
leurs biens pour échapper à ce prix à la domination
Turque .
Cette flotte se composait du vaisseau Capitaine Suitdi}
îl/tinV, sous les ordres du Commandeur de Triuquctille ;
saovGoOt^lc
T . DE L'iaLE-ABAM 341
da grand vaisseau Caraque de Rhodee , commandé par le
Turcopolier "William "Weston ; de la galère Sainte Catherine,
commandée par l'Amiral d'Airsaque ; de la galère SaitU
Jean , commandée par le Chevalier de Bidoux , Prieur de
S'- Gilles ; du galion Si- Sonaventure , sous les ordres du
Commandeur François Benedetti ; de la goélette La Ferle
eouB les ordres du Commandeur Jean de Torfan ; de la ga-
lère Le Sicilien , commandée par le Chevalier J . B . Scbiat-
tese . et de plusieurs autres navires de transport , apparte-
nant les uns à l'Ordre, les autres au Sultan , qui conformé-
ment aux conditions du traité , les avait affectés au trans^
port des émigrants .
Le vaisseau Sainte Marie, sur lequel se trouvait le Grand-
Haitre , portait , au lieu de l'étendard de l'Ordre, un pavil-
lon, représentant la S"=- Vierge avec le cœur tn^nspercé d'un
glaive et cette devise : affuciis spes usa bebcs . C'est sur
ce vaisseau que les Chevaliers avaient embarqué leurs reli-
ques les plus précieuses , c'est-à-dire uu morceau de la
vraie Croix; la main de S'' Jean- Baptiste ; l'image de N .
D . de Philerme &c ., ainsi que leurs archives et même les
clefs en or massif de la ville, de Ehodes , conservées dans
l'église de S'' Jean k Malte .
Les Chevaliers étaient encore à Candie , lorsqu'ils y vi-
rent arriver l' Archevêque de Rhodes , Frère Léonard Pa-
lestrino avec tout son clergé et plusieurs Latins qui s'étaient
d'abord décidés à rester dans l'Ile, mais qui en furent chas-
sés par les Turcs, impatients de voir leur conquête entière-
ment évacuée par tout ce qui était Latin .
Des 5000 Rhodiena environ . qui avaient suivi les Che-
valiers , les uns restèrent à Candie > les autres allèrent en
D.qit.zeaOvGoOt^lc
3fô HISTOtRE
Italie ou en Sicile ; nue centaioe de familles à peine les
suivirent jusqu'à Halte , où elles se fixèrent .
C'est aiusi qu'avec tous les autres pays de la Religion ,
rile de Khodes passa définitivement sous la domination
Ottomane , après que les Chevaliers Teurent occupée avec
t-ant de gloire pendant 213 ans; aussi en quittant Rhodes
et en regardant ses murs et ses bastions en ruines, les vain-
cus avaient la conscience d'avoir fait leur devoir jusqu'au,
dernier moment , et la consolation de se dire que leur glo-
rieuse défaite équivalait k une victoire .
Les Turcs , en signe de respect pour ces héroïques vain-
cus , conservèrent leurs armoiiies et les inscriptions des
monuments publics ; si quelque chose a été profané , ce
.sont les tombeaux qui se trouvaient hors des églises ; faii
étonnant de la part des Turcs, et qu'il convient d attribuer
à l'ignorante cupidité d'une soldatesque effrénée.
Quoique tous les historieins , d'accord en cela avec les
.wcbives de l'Ordre, et avec le Manuscrit d'Ahmed Hafouz
(qui précise la nuit du 12 au 13 Séfei) , établissent le dé-
part des Chevaliers à l'aube du 1"' Janvier 1523 , nous de-
vons assurer ici , non pour contester une date qui reste
acquise à l'Histoire, mais pour mentionner un fait inexpli-
cable ; c'estr-à-dire qu'il y a peu d'années encore, on voyait
insérée dans la tour de l'église S'- Jean , une tablette de
marbre portant cette date : 1523 . Comment expliquer cet
anachronisme existant à Rhodes même ? Faut-il admettre
que ce marbre a été placé là comme un monument commé-
moratif.dans la nuit même du 31 Décembre 1522 au 1
Janvier 1523, pendant que Its Chevaliers s'embar-
quaient? Nous sommes surplis qu'aucun dts aucieus
saovGoOt^lc
V . vz l'isle-âdam 843
royagcvTB n'ait parlé de cette tablette qui a disparu avec
Ifi tour lors de l'explosion (1856) .
Openrlant le Gmnd-Maître n'avait pas renoncé à l'idée
de T' connnérir Rltodrs dont quelques riches habitants s'é-
ta-eiit mis en corroppondance secrète avec lui . Il comptait
surtout pour le fuccch de son entreprise , sur le concours
d'Ynat Abmed Pncba , celui-là même qui l'avait combattu
àRhodrB.Il était alors (1524) , Gouverneur de l'Egypte
pour Suléiman ; le désir de se rendre indépendant le porta
à proposer une alliance offensive et défensive au Grand-
Maître et au Pape Clément VU , qui appartenait lui même
à l'Ordre de S' Jean .
Le Commandeur Antonio Bosio , déguisé en marchand
levantin , s'éti\it rcudu plusieurs fois à Rhodes , avait ré-
obauffé le zèle des principaux habitants envers l'Ordre . et
obtenu même , par l'entremise de rArchevéf[ue grec . Ev-
thimios , une entrevue avec le Gouverneur de l'Ile , gagné
à la cause d'Ahmed Pacha .
L'Empereur Chailes-Quint. auquel le Grnnd-Maitre s'en
était ouvert, encouragea ostensiblement le projet , et pro-
mit de concourir h. sa réalisation par un don de 25,000 É-
cus; le Roi d'Angleterre Henri VIII , envoya à l'Ordre 19
gros canons de bronze et 1023 bonlels ; François I , Roi de
France , fc souvenant que le Grand-Maître étuit utili'nient
intervenu auprès de Cbarle^-Quint pour oblcnir sa liberté,
n'épargnait pas ses promesses et tes encouragements; enfin
le Pi'pe, qnoique ne partageant pas les illusions du Grand-
Maître , ne s'opposait point à la tentative .
Tout semblait donc favoriser les projets de Viliiers de
rible-Adaui , lorsque Suléimau instruit des aspirations
D.qit.zeaOvGoOt^lc
344 «eroiBE
d'Abmed, expédia en Egypte Ibrahim Pacha avec des
forces considéi-ables ; Ahmed fut vaincu et eut la tète tran-
chée .
Ce fait découragea beaucoup les Chevaliers, mais tout
espoir de reconquérir Rhodes ne fut perdu que lorsque
l'infatigable Bosio étant retourné dans l'Ile , trouva que
Suléiman en avait changé tous les officiera . et avait pris
de sérieuses mesures pour conserver cette précieuse con-
quête .
On a lieu de soupçonner Charles-Quint d'être l'auteur
des avis fournis à Suléiman sur les agissements d'Ahmed
Pacha et sur les projets des Chevaliers . Sans rien affirmer
à cet égard , nous nous limiterons à obsL-rver qu'il était
dans l'intérêt de l'Empereur de voir les Chevaliers accepter
définitivemeut la cession de Malte , ce que ceux-ci ajour-
naient à l'infini , dans l'espoir de reconquérir Rhodes. La
vaillante milice une fois établie îi Malle, servait de bouclier
à toute l'Italie et aux Iles adjiieontes , contre les incursions
des corsaires Barbaresijues . Outre cette considération ma-
jeure , Charles-Quint avait l'ambition d'être , comme le hd
avaient dit en 1524 les ambassadeurs de l'Ordre qui solli-
citaient son appui , " le second fomjateur d'un Ordre illus-
tre, qui depuis plusieurs siècles, s'était dévoué à la défense
des Chrétiens ".
Quoiqu'il en soit , l'acte de cession de Malte fut signé le
24 Mars 1530, et eu prenant possession de cette lie et de
Gozzo , les Chevaliers i-enoncèrent pour toujours a leurs
projets sur Rhodes
Sic finis fatomm hiocxUus !
saovGoOt^lc
CHAPITRE XXVII,
ÉPOQUE TURQUE
Les navires emportant les débris de l'Ordre disparais-
'saient à l'horizon , lorsque "le Sultan sortait de l'église de
■ Saint Jean. Il s'y était rendu ce jour là, dit Ahmed Hafouz,
13 Séfer (1 Janvier 1523) , pour y faire sa prière de Midi,
en présence des Imans , des Kiatibs et des fidèles Musul-
mans accourus afin d'entendre la lecture du llat-Cherif
(noble décret) qui convertissait en mosquée ce temple na-
" guère dédié à l'idole de San Givan . Après les prières adres-
sées au Ciel pour la gloire et la prospérité du victorieux
Sultan qui avait emporté ee château réputé imprenable k
toute force terrestre , le magnanime Padicbah ordonna que
la conquête de Rhodes fut notifiée de tous côtés . Il fit en-
suite dresser le compte de tous les frais encourus pendant
cette expédition , et les pièces furent envoyées au Bureau
des Comptes pour y être enregistrées . Il régla ensuite la
saovGoOt^lc
346 , HISTOIRE
quantif é de munitions, poudre boulets et armes qui seraient
imnueiiemeiit fournie à la forteresse , après quoi il s'occu-
pa (ies intérêts de l'Ile elle uiême .c'est-a-dire de ses reve-
nus et des droits quelle devait payer , des dîineî, de la na-
vigation ; tout cela fut réglé de li manière la plus équita-
ble^ et la capitation fut fixée à la somme de 7 adcJtes (as-
prcs) par personne. Une commission, composée de 12 négo-
ciante et de deux ouvrieis ferriersfi t chargée de pourvoir à
tout ce qui était nécessaire h, la réparation et à l'approvi-
siounpment du Château ; des minards furent ajoutés à tou-.
tes les églises ; et l'on érigea plusieurs Mciiyuls (chapelles)
destinés au culte du vrai Dieu ; quelques jours après il
publia un Firman Impérial ainsi con(;u : — Qu'il soit connu
à tous que désormais par la grâce et la volonté de D'eu , à
l;i suiti- de ma conquête , la principale égli^e du cl'âteau de
Ilîicdi-s'. appelée i>an iiivnii , e:^t coi;sa(rée au tninl: rite do
ma foi, à la sublime religion dn S;iint Moliamiucd; qu'elle
devient dès ce jour une mosquée 8:UTée;qiie mon noble
dé.'-ir soit connu à tous afin tpio chacun puii-ee -s'y CQ;ifor-
nier. Atteadu que rét:iblis5e;ne;il. et Tentreticu d'un Mr.
dresse (Ecule Tliéologique) et d'un lutunt (hospice dc^ pau-
vre.s) sont des œuvres méritoires et jnvscrites par Li loi du
bienheureux Ouier, je le décrète ; ordonne que ries i./c/uw
et des Kiatibs soient nomméy pour desservir ces étisblisse-
ments et qu'un compte di-s sommes nécessaires ii leur en-
tretien soit dressé et soumis à ûia haute sanction . Qiuint
à moi, je ferai tout le uéccisairo. J'ordonne enfin que cinq
!M(}squécs toiont dédiées au saint culte de notre religion ,
(^ue des liimDis et des Kinllhn soient attachés à leur serviec ,
qu'une note des dépenses nécessaires s^it également divs;ée
saovGoOt^lc
OTOQDE TURftDE 347
et me soit envoyée ".
'*St comme il se préparaît à partir , le sublime Sultau
ordonna encore que 50 paires de pains fussent affectées
journellement par Tlmaret au soutien des pauvres étran-
gers , et afin que l'huile ne manquât point aux mosquées et
à l'Imaret , il les dota de Vacoufs et ordonna que l'huile fût
régulièrement achetée , quand même Toque atteindrait le
prix de 4 aspres (un para et un tiers)!"
" Mais le Cheh-ul-Islam , Yabya Efendi prenant la pa-
role , lui dit : Hon Sultau , une chose reste encore à faire,
avec votre permission; si un ennemi vient pour assiéger le
Chiteau , celui-ci est dépourvu de grains pour résister ;
nous avons vu que dans ce château il 7 a d'anciens dépôts
souterrains , capables de contenir 12,000 Monts de blé
(environ 108000 Kilés de Coostantinople); ne Eerait-il pas
bien de s'en servir î Approuvant , le sublime Sultan décida
que, comme cela se faisait par le passé, les villageois Beraient
obligés de renouveler chaque année le blé d^s dépôts coutro
retrait de l'ancien pour une quantité de 12,000 Moûts exac-
tement , ni plus ni moins , et que dans le cas où à la con-
signation du blé, celui-ci viendrait à manquer, on n'en récla-
merait par la contrevaleur en argent . Acte fut dressé de
cette décision , aiusi que de quelques autres de moindre
importance '*.
Le magnanime Sultan ordonna que l'on eut le plus grand
soin des soldats blessés ; il fit distribuer des provisions à ceux
qui étaient valides on rétablis, ainsi quo la somme nécessaire
à chacun d'eux pour regagner sa province ; il leur donna la
permission de paitir sur les navires de la flotte qui les trans"
portaient par divisions sur le point de la côte le plus rappro-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
34& niwoiBV
ché de leur pays . Les ancieDS soldats furent pensionoés et
congédiés , et ceux qui exprimèrent le désir de rester dans .
l'Ile, en obtinrent la permission . Les uns partirent, les
autres restèrent et le château ee trouva bientôt peuplé de
Musulmans originaires d'Anatolie et de Roumélie . Le ma-
gnanime Sultan employa 25 jours à ces différents soins ;
et ensuite il s'occupa des braves venus de l'Egypte ; appe-
lant leur Sérasker, il lui donna de riches présents aïiit-i qu'à
tous ses officiers ; il leur remit d'amples provisions pour la
traversée et les congédia ".
" Le Vendredi suivant , après avoir fait sa prière à San
Givemt il ordonna que les préparatifs de son départ fussent
&iit8 ; le lendemain le matériel fut embarqué sur la flotte,
et le Dimanche en présence de toute l'armée l'acte de prise"
de possession de l'Ile fut lu à dix reprises différentes ■'
Douze décrets Impériaux furent lus aussi ce jour là dans
la mosquée da San Gioan, devant les hodjas, le Gouverneur
du Château , le nouvel Aga des Janissaiies.les muteveUU
des mosquées et le magnauime Sultati' , dont les yeux é-
taient remplis de sublimes larmes, tandis que le château efr
la flotte tiraient des salves d'artillerie ".
" Le lendemain matin , jour de Lundi , le magnanime
Sultan s'embarqua sur sa bastarde au milieu des salves de^
l'ai-tillerie du château et de la flotte . On remarqua que
lorsqu'il passa par la porte du château , des larmes rempli-
rent ses sublimes yeux '.. Arrivé k Marmaris par un'
vent favorable , il s'y arrêta pendant six jours , et il repar-
tit ensuite pour la capitale par la même voie qu'il avait
suivie pour venir . Quant à la flotte qui l'avait escorté, elle
revint k Rhodes , où iiprès avoir embarqué-tout le reste du-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
&04U1Ï TUBQL'E 34d
mitér'eî , elle cingla pour Constantinople , moins quinze
gaères qui devaient rester en station dans le port de U
place conquise ". •
Coiiiine On le Toit , bï l'Ile a été ensuite mal administrée.
si elle a dépéri soua les Gouveruetira qui ont été successi-
vemtnt cbai'gés do eoa administration , ce n'est pas que
Suléiman ait voulu la traiter avec rigueur; loin tie lH; il a
en partant, recorimiandé l'équité, la justice envers ^e^ iiou-
Teaux sujets. Saiis doute , annexée à un vaste Empire j
Rhodes ne pouvait pas faire exception; t-Ue a iiiévitablo-
ment , fatalement subi les conséquences d'une organisiition
que l'on croit défectueuse dans son principe, mais qui ne
l'est peut-être que dans son application; Rhodes n'est ni
plus heureuse , ni plus malheureuse que les autres pays de
la Turquie.
Pendant plusieurs années l'Ile fut administrée militaire-
ment , comme l'étaient du reste anciennement les [irinuipa-
Jes villes de l'Empire . Les Spakis y remplacèrent les Ja-
nissaires à une époque que nous ne saurions préciser .
Rangée comme port de mer au nombre des principaux,
et dotée d'un Arsenal encore remarquable alors, elle fut
mise sous la juridiction diricte du Capitan-Pacha (Grand
Amiral , ou Ministre de la Guerre) ,-et ses revenus atiec'és
au traitement de ce haut peraoïiuage . Celui-ci. expl.>itait
largement les belles forêts de l'Ile au profit de rAiee.ial du
Sultan , et plus encore au sien propre .
Cette orfranisation , malgré les abus qu'elle engendrait ,
' M»n . d'Alimed Hafonz .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
arait au moins l'nvantige de fiivorisep 1& marine , et Eho-
des continua encore pendant quelque ti'mps à compier
p»riiii lee pays qui armaient U' plus grand nombre de na-
viiei? . Il parait cependiiiit que sous ce rapport, le-^ Liii-
dit-ns l'i-mportiiient sur les habitants de li capit.iîe; soit
que |p1u8 entreprenants et plus hardis , soit que moins huv-
Te'.Ués ou moins exposés aux vexations de lantoiité cl'u-
tralo.ili retirassent de leurs courses des pnfits plus cou-
sidéiables , les Lindiens modernes, étaient comme leui*»
ancêtres , les meilleurs marins de l'Ile . Corneille Lebru.; »
qui visita Ehodes en 1681. dit en parlant de Lindoa:"... Un
fort autour duquel demeurent plusieurs grecs , qui sont
tous gens de marine" et plus loin il ajoute : "Un petit
Vaiï^seau qui venait de Venise, et qui était de Lindos, entra
dans le port". Nous verrous plus loin à quoi se réduit au-
jourd'hui la marine du pays .
A l'époque oîi Lebrun visita Rhodes , gUo était évidem-
ment sous la direi;tiou immédiate de l'Amirauté ; car il nous
apprend que; " Gazi Ibrahim , Amiral des vaisseaux mar-
chanda de Turquie , rcnipéclia de sortir du port ", quoiqu'il
eut laissé partir pour diverses destinations plubieura autres
vaisseaux qui se trouvaient au mouillage . Lehnin ne fait
aucune mention d'un Gouverneur civil du pays, ou s'il y
en avait un, il est évident que l'antarité maritime était
hors de son^contrôle , car loin d'avoir l'idée de s'adresser à
l'autorité civile, Lebmn nous apprend que le navire qu'il
iiiODtait obligé de remette icn départ, attacha une corde
aux rochers sous le Château et que ce ne fût que
h' 12 Mars . vers midi , que l'Amiral lui permit de repreji-
drc la mer",
D.qit.zeaOvGoOt^lc
EPOQUE TITRQUE 351
La relation du même TOyageur constate encore qu'à
Khodes , quoique l'une des principales stations naTales , la
police de ses eaux n'était plus si bien faite , qu'on n'eut
fort ïi craindre les corsaires et les pirates . En effet voici
comment il explique l'empêchement mis à son départ par
l'Amiral Turc : ce haut personnage qui pourtant "comman-
dait un vaisseau qui était monté de soixante pièces de ca-
non et de plus de 500 hommes ". devant bientôt prendre
la mer pour se rendre à Alexandrie , craignait que le navi-
re de Lebrun "ne rencontrât quelques corsaires chrétiens
et ne leur donnât avis de son arrivée en ce lieu ",,.... plus
loin il ajoute qu'ayant un bon vent de Nord lorsqu'ils re-
çurent enfin la permission de partir , ils coururent avec les
seules voiles de beaupré jnequ'au C;ip Lindo ; "a!ors Tobs-
curité nous permit de mettre nos voiles et nous prîmes no-
tre course au S - S . E , afin de passer ce reste de chemin ,
et Cacaso, (évidemment Catavia) , pour n'être pas aperçus
des corsaires chrétiens , la crainte desquels nous avait em-
pêchés de mettre nos voiles pendant le jour ; mais quand
nous fûmes quelques milles en mer , sans pourtant perdre
la teiTe de vue , le vent tourna à l'Ouest, mais en devenant
si mou , que nous ne faisions que flotter doucement sans
presque changer de place; cela fut cause que notre équipa-
ge voiant qu'il n'y avoit pas moien d'avancer ainsi notre
chemin , et foisant d'ailleurs réflexion sur le danger que
nous courions à cause des Scnmpavlas qu des galiotes qui
se tenoient aux environs de là, la résolution fut prise de
retourner à Rhodes , où nous arrivâmes encore une fois ".
Il est fâcheux que Lebrun ne nous dise pas îi quel pays
appartenaient les î:^camjiavias dont il parle ; mais nous pou-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
Tons assurer sans crainte de nous tromper, que ces barques .
n'étaient pas montées par des Rhodiens .
Lorsque ladmiinstration civile remplaça l'autorité mili-
taire . les revenus de Tlle, fuient alloués à. la cassette par-
ticulière de la Sultane Validé , dont les ingénieux agents
frappaient chaque jour la malbeureuse population de nou-
veaux impôts . Les privilèges qu'elle avait obtenus , ou qui
lui avaient été conservés à l'époque de la conquête , furent
retirés peu à. peu ; mais avec l'abolition de ces prérogati-
ves, elle vit aussi celle des redevances abusives dont elle
était grevée . Le seul abus qui se soit conservé , c'est le,
privilège d'abord pour le Capïtan-Pacha , ensuite pour la
Validé Sultane, plus tard pour l'Imaretet finalement pour
la Municipalité , de prendre les pieds et la tête des bétes
abattues à la boucherie .
Nous verrons plus loin qu'un bureau d'octroi était établi
sur le pont, qui traverse le torrent de Zumbully,auS.
S . E . de la ville ; et selon Lebrun un bureau pareil exis-
tait de son temps (1681) à h\ porte S'- Paul . Ces bureaux
ont été abolis depuis , et les dîmes sont perçues dans les
villages par les fermiers ou par les agents du Gouverne-
ment , et les droits de pesage , loi-squ'il y a vente en bloc ,
par le Ca]}aiigl ou pesenr public .
Les vieux Turcs aiment à raconter les belles parades
que les Spahis faisaient pçudant les fêtes du Baïram , les
jeux de javolot et les luttes qui les suivaient pendant plu-
sieui-s semaines . Lebrun assista à ces jeux qui avaient lieu
le Mardi et le Vendredi de chaque semaine , auxquels cha-
cun pouvait prendre .part , pourvu qu'il se conformât aux
règles établies . Rottiers raconte en ces termes un exercice
D.qit.zeaOvGoOt^lc
ÉPOQUE TURQUE 353
de tir au pistolet et de javelot (Djérit) : " J'aperçus sur
la plage des Moulius des cavaliers Turcs s'exerçaat au tir
du pistolet. On y avait placé un poteau surmonté d'un but,
et chaque caralier eu passant devant au grand galop , là'
cliait son coup, tandis qu'un ïurc à pied , placé eu face
pour juger les coups, prenait note de ceux qui atteignaient
le blanc. Ils se succédaient ainsi tour-à-tour, quand, à
mon grand étonnement , je vis paraître mon fils qui défila
aussi au galop , tira son pistolet , et , après un demi-tour ,
revint, ainsi que les antres, prendre sa place à la queue de
ce brillant escadron . C'étaient de jeunes Turcs de distin-
ction de Rhodes qui , la veille , l'avaient invité à assister à
leur exercice de récréation , et j'appris que le matin , do
bonne heure, ils lui avaient envoyé à cet effet un beau
cheval caramanien (espèce de chevaux ramassés et faits
aux plus fortes fatigues) . De là'ils passèrent au jet du Jje-
rit (javelot) . Je pris vraiment plaisir à les voir se livrer à
cet exercice dans lequel quelques-uns firent preuve de
beaucoup d'adresse et d'agilité" Ces jeux étaient
encore en usage il y a quelque trente ans ; mais aujourd'hui
ils sont entièrement abandonnés, et la seule récréation à
laquelle se livre la jeunesse actuelle , turque, tout aussi
bien que grecque, c'est de se répandre dans les cafés et d'y
faire force consommations.
Le turc Hhodien , c'est-à-dire le descendant des conqué-
rants , a quelque chose de plus doux , de plus loyal que la
turc étranger ; son fanatisme , défaut sérieux , propre à la
race , sous lequel ce dérobent aux regards prévenus des
qualités réelles , qui la mettraient au dessus, d'autres races
oiientales , est moins outré que celui des turcs de l'Auatolie
D.qit.zeaOvGoOt^lc
354 HISTOIRE
et surtout de ceux de la Roumélie; il en résulte une plus
grande cordialité dans les mœurs , et des manièrea plus
affables; on devine qu'en adoptant pour patrie le domaine
des Chevaliers, les vainqueurs ont laissé en héritage à leurs
enfants le sentiment vivace d'admiration et de respect que
leur ont inspiré les vertus civiles et guerrières de ces vail-
lants et nobles adversaires.
Rottiers craignait , disait-il , de se hasarder dans l'inté-
rieur de l'Ile, parcequ'il y allait peut-être de sa vie ; il par-
le cependant en termes favorables des turcs indigènes , et
des prévenances dont ils l'accablaient ; Lebrun qui visitait
Khodes à une époque bien plus reculée , n'en parle pas en
termes moins flatteurs :
" Le seul diverlissement que nous avions , étoit d'aller
tous les jours à terre pour voir la ville et tous ses environs,
oii nous allions rendre visite aux Grecs dans leurs maisons
ce que nous faisions avec autant de liberté que si noua
eussions été dans la Chrétienté Siina qu'il nous soit ^antnis
arrivé aucune peine de la part des Turcs Et
même ceux de la Douane qui ont .comme je l'ai dit, leur
maison auprès de la Porte , en sorte qu'il faut passer de-
vant pour entrer dans la ville, m'envoioient souvent quérir
pour causer avec eux : car comme ils avoient appris la pre-
mière fois de quel païs j'ctois , où j'avoîs vr,iagé,etoù
j'avois encore dessin d'aller , ils preuoient grand plaisir à
ni'entendre dire ce que je savoîs de divers endroits . Ils
accomparoient aussi le dessin que j'avois d'aller à Jérusa-
lem à leur voiage de la Mecque, oîi ils vont voir le Tom-
beau de leur Prophète , et ils me souhaittoient par des ex-
pressions pleines d'affection » du bonheur eu mon voiage
D.qit.zeaOvGoOt^lc
'XPOQDB TUBQtTE ' 355
et un heureux retour . Cela se faisoit d'ordinnîre en fumant
une pipe de tabnc et en buvant du café qu'ils me présen-
toient toujours fort civilement . En effet les hoauêtes gens
d'entre eus ont beaucoup d'estime pour les Chrétiens
d'Europe , dont ils louent l'esprit et la résolution à entre-
prendre des volages pour connoitre les païs et les villes ;
au lieu que finelination des Turcs n'est pas tournée de ce
côté là . En un mot ces personnes là me firent tant d'ami-
tiés , et prirent tant de part à, ce qui me regardoit que je
ne pus m'empécher de leur dire à la honte des Chrétiens ,
que peut-être auroient-ils rarement trouvé parmi nous
tant d'amitié et d'honnêteté que j'en recevois d'eux ".
Le contact fréquent avec des Turcs étrangers , a forcé-
ment on peu altéré le caractère naturel du turc Rhodien ;
mais on ne peut pas nier qu'il ne mérite encore l'épithète
de brave et d'honnête .
Cette Ile qui autrefois donnait asile aux nobles persécu-
tés , aux princes malheureux , sert depuis la domination
Musulmane de lieu d'exil pour les personnages que le Sul-
tan veut éloigner de Constant! nople , et uinlheureuscment
aussi , de lieu de réclusion pour les forçats . Nous dirons
seulement à l'égard des derniers , qu'ils occupent l'ancien
Palais des Grands-Maîtres, transformé en prison du Bagne .
Triste destinée !
Parmi les illustrations exilées à Bhodes, on compte un
bon nombre de Princes de la Crimée . Lebrun nous ap-
prend qu'il y rencontra *' un Roi des Tartares qui y avoit
été déjà trois ans . Mais il n'y étoit pas renfermé si étroi-
tement, que le Bassa (lisez Pacha) ne lui permit quelque
fois de s'aller divertir '". Nous avons pu retrouver dans le
D.qit.zeaOvGoOt^lc
cimetière du Mourad-Eéïrquelques tombeaux apparteonnt
évidemmeot ^ des membres de cette puissante famille ;
deux seuls . un, peu mieux conservés , portent encore assez
lisibles les inscriptions suivantes :
" Jany Ghéraï , filfl de Feth Ghéraï , mort en 1074 de
l'Hégérie ".
" La mère de Kaplan Ghéraï, fils de Sélim Shéraï, mor-
te en 1124 de l'Hégérie .
Puisque nom parlons des tombeaux des hauts personna.
ges enterrés au Mourad-Kéïs , mentionnons aussi ceux
de:
" Mohammed- Rami Pacha , ex Sadrazam du Sultaa
Moustafa (II) mort eu 1119 ".
" Haggi Ahmed Pacha , Caïmacam du Palais Impérial ,
mort en 1 127 ".
Youssouf Pacha . Sadrazam , mort, en 1127 ".
** Féteggi-Bachi Sari-AbduUah Pacha , mort en 1147 ".
" Ebchir Haggi Hussein Pacha , Silahdar (Grand-Écu-
jer) du Sultan , mort en 1151 ''.
" Le Capitaine Haggi Abdulkérim Pacha , mort en
1179".
" Moustafa, Capitaine du Sultan , étranglé sur son ordre
sublime en 1173".
" Mohammed-Hachmet Efendi , mort en 1182 ".
" Touzlaly-Mahmoud Pacha , Prince héréditaire du Pa-
chalic de BoBovîna , mort en 1272 ".
Nous venons de nommer le poète Mohamnied-Hacha-
met.qui dût à sa verve satirique le triste honneur de
partager l'exil de tant de célébrités politiques . On raconte
de lui flubieurs anecdotes piquantes ; nous citci-oua seulc-
saovGoOt^lc
EPOQUE TCEQUE -j'j 7
ment celle qui .1 trait k sa disgrâce : Le Sultan iri'ii-- r^iiiyt
lui pour une satire Aes plus morJautes à l'adi-e-se de b
Cour , le condnmnf! à la peine capitale , saits délai et saus
recours eu grâce ; le malheureux est Iraînd par l'ex^utcur
des hautes œuvres dnis une des cours du Sérail; il a déjà
les yeux bandés , et le gros 8:tbre est levé sur fa lêle, lors-
que le Chef Eunuque , qui a pour loi une sincère amitié ,
passant par hasard , fait suspendre l'cxécutioD , et re f:iifc
fort d'obtL'nirlagrât-e du condamne . II pense que le iiieil-
lenr nioycr. est d'adresser une re^iuéte au Salt:tn ; mais ne
sachant pas écrire , il fait quérir du piipier et de l'encre ,
et clmrge le poëte de rédiger lui-même cette rptinète que
que le K^fzlar-Agltassi (chef dt-s ennaqaos) doit présenter .
Hïiehamet trempe la i)liime d:ms l'encrier trop plein , et
fait une grosse tâche noire sur le papier . Il ne se trouble
pas pour si peu , et commence en tes termes : Très noble,
très glorieux Sultan, mon sublime et miséricordieux maître !
Votre fidèle serviteur, le chef de Vos eunuques, ne peut
retenir ses larmes à l'idée du supplice Le Kiphti--
Aijiui'.ù se récrie contre cette grosse tilclie d'encre sur una
l'equôto adressée au Souverain . " Nullement , réplique le
poète ; c'est une do vos sublimes larmes ; en la voyant , Sa
Majesté sera perauailée cjue vous n'avex rieu exagéré' !...
Quoique irrité de ee nouveau sarcasme, l'eunuque porte la
requête telle quelle au Sultan , et rd.conte le trait relatif U
Ja tâ.cbe noire . Le Souverain en sourit , fait grâce do la
vie à Hachamed et se contente do l'exiler à Rhodes .
De nos jours encore .cette Ile a vu figurer au nombre
de ses hôtes involontaires , le Muchir Eschref Pacha , les
g.'aéi'iux ai lirigide Houluussi Pachi , Safeb PacUa eb
D.qit.zeaOvGoOt^lc
358 HISTOIEE
Ahmed Pacha qui ont ensuite été rappi'Iés à Con5;taiitino-
ple ; le Serdar-Ekrem Abdulkdiim Paclia, l'ex Ministre de
la Guerre Rédif Pacha, le Muchir Magi;iav M;ihmoiid
Hamdi Pacha et plusieurs élèves de l'école Militaire .
Depuis que l'Empire a été divisé en Vihycts , Sandjacs ,
et Casas Rhodes a été à plus d'une reprije le chef-lif u du
Vilayet de l'Archipel Ottoman , ou un Mutessaiiflic dépi'n-
dant du même Fi7ayei. C'est ce dernier mode d'adminis-
tration qui est actuellement en vigueur , sans que pour
cela sa prospérité ait augmenté ni diminué en quoi que ce
Boit . Nous devons même avouer que les Mutessarifs , sur-
tout Mahsoud Pacha auquel elle est redevable de la recons-
truction de lancien môle du Phare , et Salih Kfendi qui a
nivelé l'Arsenal et commencé des roules , dont son iîép:irt
laisse le travail en supeus , ont fait en faveur de cette Ile
beaucoup plus que les Gouverneurs généraux (Vali") ;
ceux-ci prenant posstsioii de leur poste, promettaient monts
et merveilles à cette mallieurfu^e population , désormais
blasée à l'égard de ces belles et pompeuses promesses t(ui
, se résument ordinair-emcnt en quelques journéea de corvée
sans but et sans utilité publiipie .
Tel est le sort général de tous les pays de la 'IVmptio
saovGoOt^lc
ARCHEOLOGIE
D.qil.zMBlG001^le^
îBBiGooi^le
ARCHEOLOGIE
ANCIENS VESTIGES
Suis le témoignage que nous en ont laissé les au lu as
anciens , on ne ee douterait presque pas que des cités tbs-
tes, riches et puissantoa eussent autre fois courert plusieurs
points de l'Ile .
Quatre causes doÎTent avoir contribué à faire disparaître
tous les splendides monuments de l'antiquité ; les tremble-
ments de terre , la qualité des matériaux employés , les
guerres et enfin le vandalisme det races qui ont succeBsive-
ment possédé l'Ile .
Au dire de Poljbe , le terrible tremblement de terre qui
détruisit de fond en comble la ville de Rliodes 222 ans
avant J . C . , souleva l'Ile jusque dans ses fondements .
saovGoOt^lc
C'est donc probablement à cette époque qu'il faut reporter
rabaudon des Tilles de Camiros, lalysaoa, Critinia &c . lies
convulsions qu'elle éprouva flous les règnes d'Atitonin le
Pieux et de Constant, aux II""* et IV""* siècles de l'ère Chré-
tienne , furent tout aussi fatales ; CL>lles enfin de 1481 ;
1850; 1851 ; 1856 et 1863 , prouvent que les auteurs an-
ciens n'ont rien exagéré en parlant de la force des se-
cousses qui ébranlèrent l'Ile dans des temps plus reculés .
Ce qui prouve encore la véracité de leurs témoignages ,
c'est que TertuUien n'hésite pas à les opposer aux décrets
qui ordonnaient de poursuivre les Chrétiens comme au-
teurs des désastres dont l'Empire était afBigé . •
Diodore observe que les monuments de Rhodes étaient
construits en pierres et non avec des briques comme ceux
des autres pays de la Grèce ; les premiers habitants se ser-
vaient donc en général des mêmes matériaux dont l'usage
h'est perpétué ; c'est-à-dire d une pierre molle et poreuse ,
niéiange de sable pt de coquillages fossiles, facile à travail-
ler parcequ'elle est friable , mais pour cela même résistant
peu à l'intempérie des saisons et au fardeau des siècles .
Les guerres et les pillages qui en sont la conséquence .
lie furent pas moins désastreux ; Diodore nous dit que le»
Athéniens ravagèrent l'Ile et saccagèrent en 408 av . J . C .
les trois cités de Lindos , laljssos et Camiros , dont les ha-
bitants transportèrent dans ja nouvelle cité de Ehodee les
statues et autres objets d'art qui leur restaient encore ,
laisaint celles-là presque entièrement dégarnies . l*eu de
saovGoOt^lc
ASCIEXS TT,3TiaB3 3C3
temps aprba son éreotîoii , la ville de Ehodes proprement
dito , tomba au pouvoir de Mmsole d'aborJ , ensuite d'Ar-
téinise; survient enfin le teiTible siège par DémétriusPo-
ïyorcHe; à la d.'sti-uction causée par les engins de guerre
que celui-ci mettait en oeuvre, il faut joindre la déiuolition
des tliéiUres et des temple'* par les habitants eux-mêmes
qui se servirent de cc3 mait^iiaux pour relever leurs mu-^
railIo3 renversées. Les UUo:]ieii3 rasèrent aussi leurs fau-
bourgs t't les m!>giiiË(|ues niais'ons de plaisance qui entou-
i-aicut la Ville, lor.-qu'il3 surent que Mitliridnte se disposait
À- les attaquer . Knfin le coup de grâce pour leurs monu-
ments et surtout pour les statues et pour tous ces trésors
de l'art , siici-és clu-z les anciens , qui ornaient les temples
et tes oratoires privés , fut le pillage ordonne par Cassius
(42 av . J . C .) , et les continuelles incursions des Perses et
des Siirnisiiis ,
Si ces tevriitles dcrnolissours avaient laisse debout au
ino:ns (les ruines , à leur tour les Chevaliers les ont em-
ployées dans la conslructio» delà ville moderne et des
châteaux qui prutégèreiit les villages . Ces derniers édifice?,
ruinés à leur tour , subissent aujourd'hui le même sort ; et
tout homme faisant conslruire introduit pèlo mêle dans fies
murailles un fragment de statue , une insci-iption , uu cha-
piteau , une fiise , une inscription , une épave eufÎQ des
tempêtes que nous avons racontées.
Ces observations expliquent comment dans une Ile de-
puis tant de siècles habitée par des populatioDS intelligen-
ti's, actives et prospères, rarchéologue trouvera néanmoins
si peu d'édifices du passé; aussi ne négligerons nous aubun
de ceux dont quelques pierres conservées marquent les
D.qit.zeaOvGoOt^lc
3G4 AnrufctîL'iciE
progrès de l'iiiduatrie Uumnino, otcomporeutune véritablo
l;i?toire de l'ai-t avchitectural . Par contre, nous sommes
plus nbondamiiient fournis en ce qui concerne k cérami-
cjue, bien (|ue la r.upiciité eut Ovi déminent piévenu la scien-
ce dans lo travail d'exhumation .
Dans cette seconde partie de notre travail, nous suivrons
la mémo marche que dane la première ; c'est-à-dire que
nous remonterons aux âges les plus reculés, en suivant les
traces laissées par les premièiea colonies connues, mais qui
ont été évidemment précédées par d'autres; en effet quel-
ques instruments en silex accusent la présence de l'homme,
demandant un abri aux cavernes , à l'époque appelée lâgo
(le pierre .
Ces habitants inconnus , nécessairement venus de l'Est,
durent aborder sur la côte qui fut par la suite le territoire
Lindien, comme le rapporte du reste la tradition . En effet
la roche calcaire , facilement pénétrée par les eaux, forme
dans les flancs des montagnes de la cô;e méridionale , des
cavernes profondes asiles naturels de l'homme, avant qu'il
ait pu bâtir . Plus tard, en explorant l'Ile, ils découvrirent
d'autres abris semblables qui se trouvent le long du ver-
Kiint Sud de l'Attaïros , du côté de Agbios Isidoros . Nous
sommes d'opinion que des recherches pratiquées dans ces
endroits . donneraient à cet égard des résultats très satis-
fjiisants , lesquels, mis en comparaison avec les nombreuses
découvertes préhistoriques faites récemment en Europe ,
jetteraient une plus grande lumière sur la formation du
premier peuple Rhodien , peuple pasteur , vivant de gibier
et de glands et obligé de se répandre dans l'intérieur , ou
il trouvait plus abondamment les ressources nécessaires à
D.qit.zeaOvGoOt^lc
AWEIXS TESTIOES 365
ee genre de rie .
E.i atteadant . limitoiiB nous à l'étnde des mines et des
aébi'is h. paiae parceptiblea qui marquent l'emplacemant do
d\S6re:\tm villea nurbes depuis longtemps, et dont Homè-
Tu ne parle pas ; il nomme seulement Lindoa , lalyssoa et
CamiroB , qui on envoyé leurs guerriers combattre sous
les murs de Troie. Mais ces villes étaient-elles alors les
Beulea existantes ? leur fondation date-t-elle d'une époque
de beaucoup antérieure à cet événement? Les noms
de Kyrvi , Ixia,Critinia, Mnassyrion, Âstira , Nettia et
Achseïa , groupes d'habitations moins importants que les
trois premiers , établisseot le contraire ; malheureusement
les historiens ne nous disent rien de précis quant à l'époque
de leur fondation . Peut-être l'étude des substmetions et
des poteries nous pennettra de fixer une date approxima-
tive , de déterminer l'endroit où se concentièrent les pre-
miers colons et la manière dont ils vécurent .
saovGoQt^lc
CHAPITRE I.
KYRVI
De ce qu'on ne ti*ouve dans l'Iliade que les noms de'
LindoB , lalyssos et Camiros , on en a conclu à tort qu'elles;
étaient les premières villes Rhodiennes, car Diodore nous
Apprend que ces villes furent fondées lorsque Kyrvi (que
quelques écrivains ont nommé Ci rbé), inondée par les eaus,
du temps des Bis de Cercaphus , fut abandonnée , et que
ceux-ci se partageant le pays , fondèrent chacun une ville
qui porta son mitn .
*' . . i . 'E«l Se TOUTwv YEiiojiêvijç [XEYaXijç i:XT)|ijjiupfooc,
èirtxÂocflsîffa ii Kûpêi] £p!(£Oç ÈyéveTO , aÔTol Ss StetXovTO-
TÎjv Xûpav, xal lxa(rroç éauToù lîiXtv d[jtwvu|jiov Ixtije.".
Ce passage ne permet pas de douter que Kyrvi existât
plusieurs années déjà avant la fondation de Liudos, lalys-
sos et Camiros . auxquelles le génie d'Homère a donné
une célébrité immortelle . Quelle était l'importance de ■
saovGoOt^lc
Kyivi? Il est impossible de le dire; mais rclatÎTemi nt
à lu situation de ct-tte ville , nous exprimerons notre opi-
nion , si obscure qu'elle puisse pnr<i:tie .
Pour construire leurs habitations, lus popuLitious , er-
rantes dans l'origine , ont dû se mettre en reUîionavec les
navires- marchands (\\\i sillonnaient la Mciliierninôe ,a[)-
poilant de la l'hénicie le f>.T et les insU-uments on éciiaiige
de trou]jeaiix ; ces navires ne laissèrent des colons phénici-
ens que quand ceux-ci , habitués aux douceurs de la civili-
sation , purent se livrer à leur industiie , sans avoir à se
procurer les plus inii)érieuses ncce?sités de la vie . C'est
donc à proximité de la nier qu'il faudrait cherLlier les rui-
nes de Kyrvi .
Diodore eu attribue la destruction à une inondation . Ce
cat-aclysme serait peut-être celui dont paile riine : " llélos
et Rhodes , dit-il , furent un niouieut submergées ',* Quel-
ques auteurs en out conclu que c'était un envahissement
des eaux de la mer ; mais celle supposition est toute gra-
tuite , parccque Diodore ne le dit pas , et qu'elle n'est pas
justifiée davantiige par la position de lalyssos. En effet
aucun point de l'Ile n'est aussi exposé aux empiéiements
de la mer que la plaine,^ autrefois occupée par cette ville ,
et ce n'est certainement pas cet emplacement qu'aurait
choisi lalyf c, s'il avait fui avec quelques familles Kyrvien-
nés devant les vagues triomphant de leurs digues naturelles
et pénétrant jusque dans l'intérieur : la peur est meilleure
conseillî're .
' Pline . Uv . II Ciiap . &B~ct 83 .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
368 ARCIlfcOLOGIE
Si l'on obFerve bien la caite ile l'Ilo , on verra qu'une
large vallée basse s'étend depuis Yenuaiibi , Liuliaiiia et,
Catavia , arrosée par les eaux qui de&ccndeut du Mont
Skathi et de la haute digue de sable, dunu Tsainienant im-
mobile et durcie , mais refoulée autiefois par le flot ; cette
vallée eat un vaste marais qui a'est exhaussé pjir les allu-
viona.etque par conséqueut des pluies torrentielles ont
dû changer en lac se confondant avec la mer .
Les noms des plus modestes localités, les lieux dits , pour
employer une expression toute française , jettent souvent
une grande lumière sur les incertitudes de l'histoire . Or
un point de cette vallée humide est nommé Fîimmijri ;
pourquoi ce mot ne traduirait-il pas le fait dont noua par-
lons? Si peu fondée que soit cette conjecture, elle est
hériumoins digne d'arrêter l'attention et pourra un jour
être confirmée par une découverte fortuite . Près de là. fut
Ixia , qui fera l'objet d'une étude spéciale .
saovGoOt^lc
CHAPITRE II.
LIN DOS
@®
Cette Tille , dont la base est le promontoire de Erana.
Bur la côte Eat de l'Ile, date , si l'on s'en rapporte au récit
de Diodore sur la disparition de Kyrvi , de la même épo-
que que lalyssos et Camiros ; mais elle est généralement
considérée comme la plus ancienne des trois .
D'après Pindare, c'e&t à Lindus, un des trois fila de l'Hé-
liade Cercapbus , que doit être attribuée la fondation de
cette TÎlle ; Diodore partage donc cette opinion ; Strabon
rapporte aussi cette version ; mais il observe qu'au dire de
certains auteurs , Tlypolème aurait été le fondateur des
trois cités Rhodiennes , auxquelles il aurait donné le nom
de troia des filles de Danaiis . S'il ne fut pas le fondateur
D.qit.zeatvG00t^lc
370 iJtCHÈOLOGIE
de Lindos , Tlypolème agrandit et fortifia certaïoemcnt
(1292 av . J . C), cette ville qui subsiste jusqu'à dob jours ,
bien décbue il est vrai , tandis que ses rivales , laljsaoB et
Camiros.ODt entièrement disparu , au point que leur em-
placement était , tout récemment encore , bien douteux .
L'ancienne Lindos occupait toute la vallée dt-mi-circu-
laii-e dont le bourg actuel couvre une portion très res.-er-
rée . L'Acropole ébiit bâtie sur l'extrémité du promontoi-
re , qui domine majestueusement la mer d'une hauteur de
. 180 mètres . Sur les anciennes assises reposent les ruines
d'un château du Moyen-Age .
Lindos possédait deux ports, dont l'un assez grand pour
recevoir les navires de l'ancien temps , est aujourd'hui
presque entièrement ensablé; l'autre , connu sous le nom
de Port S'- Paul , assez pi-ofoDd,ue peut, à cause de ses
dimensions , être fréquenté que par de petites embarca-
tions . L'un et l'autre sont expoiés aux veuta du Sud et de
1 Est .
Les Lindiens se sont de tout temps adonnés au commer-
ce et à !a navigation . Leur cité fournissait à Rhodes ses
meilleurs marins. Aujourd'hui cette splendeur maiitime
n'existe plus ; deux ou trois petites embarcations rc-pré&eu-
teiit seules l'opulente nuirine de l'antiquité .
La nature même de la contrée qui leur était échue en
partage , la plus rocheuse de l'Ile , forçait les Lindieus à
chercher des ressources en dehors de leur temtoir«; de là
vient qu'ils furent probablement les principaux fondateure
des colonies Ehodiennes , puisque Thucydide rapporte que
le quartier le plus important de Gela en Sicile,, s'appelaic
Lindia .
saovGoOt^lc
UNDoa 371
Dans les creTasaes da rocher il 8*était déposé assez de
terre végétale . pour nourrir des figuiers et des vignes
dont Philostrate * vant-e les fruits . Aujourd'hui cette cul-
ture est presque entièrement aban tonnée et le territoira
Lindien apparaît dans tonte son âijre et stérile nudité .
Parmi les nombi-eux monumâuts qui fusaient la gloire
de^la vilie , nous devons citer en premier lieu le temple de
Minerve-Lindia (Athana-Lmdia) , renfermé dans l'encein-
te de rAcropolp ; c'est nn des plus anciens que l'on con-
naisse , puisqu'il date à peu près de la fondation de la vil-
le elle-même . Selon Diodore J et Strabon -f- , il aurait été
construit par Danaij?, lorsque f ujand'Égypte , avec ses
(ùnquante filles coupables, il s'étiblit à Lindos (Xyi^csiècle
av. J.C. ). Suivant la tradition, le phénicien Cadnius
aborda aussi à Ehodes et vint adorer la Minerve Lindien-
ne , dans laquelle il reconnut saos doute une divinité de sa-
patrie;illut consacra un magnifique bassin d'airain , sur
lequel était gravée une inscription en langue phénicienne .
Ce bassin n'existe plus pour attester le fait et l'antiquité
du temple ; mais il reste sur le flanc du rocher à l'étage
inférieur une corniche saillante évidetnmerit taillée a la nais-
sance de l'art . Elle se compose de trois moulures parabo-
liques, dont lue deux supérieures sont parallèles, tandis
que l'inférieure est surbaissée en anse de panier , laissant
entre --lie -t Ks autres une sorte de tympan . La troisième
est bruisquemeuc iuterrumpuo |^ar une moulure rectiligne
* Icon . II î 24 .
i ^" . 58 .
i L. XIV, 11.
saoyGoOt^lc
3^2 AiCBkQWGIE
naissant du sommet de l'axe vertical de la figure', et for-
mant angle avec lui ; elle arrive ainsi jusqu'am bas du tym-
pan et se relie à. tout le système par une autie moulure
transversale partant de l'archivolte intermédiaire , de ma-
nière à figurer un A symbolique ; l'ensemble donne l'idée
.de l'ébauche d'une vaste entrée . A droite , les ligne,", vera '
le milieu, sont rehaussées par un cartouche elliptique,
horizontal au plan ; à gauche sont un antre et un banc
taillés dans le roc vif , rappelant la description de Virgile
" aTdntn
" vivoqtie sediîia scuca^". *
Déjà au dessous de ce premier monument de la sculptu-
re religieuse, sur une face du rocher est une inscription en
caractères archaïques dont beaucoup sont érodés , ou effa-
cés pir l'action du fau qui a émaillé la roche . Nous ne
Buurtons rétablir les Licuues regrettables ; mais les mots :
■ ■ XAPITflN PAPGENIKH AOANA ...
sont restés très lisibles , et ne laissent aucun doute dans
l'esprit que c'était une prière ou un hommage placé comme
un avertissement sur le seuil de l'enceinte sacrée .
Gléobule reconstruisit le temple , et remplaça la statue
en bois par une statue eu marbre . Pline rapporte ** que
quelques années plus tard (fin du VI"^" siècle) , Amasis, roi
d'Egypte , fit don à ce temple de deux statues en marbre
et d'une magnifique cuirasse de lin, dont chaque fil était
composé de soixante-cinq soies . Alexandre le Grand, arri-
vant à Rhodes , ne manqua pas d'aller visitwr Minerve-
• (£neiâo Lit . I ,
saovGoOt^lc
IIXD08 3i^
Lindia .
Ce temple célèbre possédait en outre un buste de femme
enélectrum, offrande d'Hélène, à son retour de Troie ;
une tablette , sur laquelle était gravée en lettres d'or l'ode
de Pindare en l'honneur de l'athlèfe Dia^oras ; un buste
d'Hercule par Zeuxis ; plusieurs chefs-d'œuvre de Boë-
tbus, le célèbre ciseleur ; diverses peintures de Piirrliasius ;
entin un gmnd nombre de tableaux et de statues , homma-
ge de la piété des adorateurs de Minerve , parmi lesquels
Marcellus fut le plus libéral .
De l'édifice de Ciéobiile il ne reste aujourd'hui qu'un
pan de muraille Helléaique , en pierres de taille , parfaite-
ment authentique, portant la marque des crnmpouB qui
maintenaient à. l'intérieur un revêtement de marbre; ce
vestige , précieux par sa haute antiquité , est encastré dans
la muraille du château dos Chevaliers , à l'extrémité Sud
de l'Acropole . Autant qu'il est possible d'en juger par les
ruines, l'intérieur de ce temple mesurait environ 20 mètres
de long sur 9 de large ; le proiiaon dans lequel on distingue
la place occupée par deux colonnes, était proportionné ît
ces dimensions .
Une étude des marbres brisés que le pied foule dans cet-
te vaste enceinte, exige une grande érudition épigraphique .
Parmi ces inscriptions on rencontre beaucoup de dédica-
ces à Minerve- Lindia ; M . Guérin cite les suivantes qu'il
a remarquées :
AeANAAmAIAKUAIinO.UEI
AlIV AIOITHJV AAM H POTATHNTHN
nATPIAATflIVK.AABNPOAOK
CAÛttvo AtvSi'ç xat AtiDoXtE', At'vStoe t'»]v ^auMpoTcETiji»
saovGoOt^lc
374 AECHtOLOOIÏ
TÎjv i:aTp[3a , tîjv xaX-J)'* 'PiSov . . .)
OKOMA2T02nOAIK.P\TOS
1EPATEY242
AeÂNAI2A!NAIA2
RilAIOSnOAÎEOS
COvofiaoToç IToXûxpaTOî ispaTSJ^a; 'Aîa/aîa; Vt '3£a;
xal A:ôç IloXïéuç.)
Il en conclut que le temple dt* Minerve-Liu'liu cuilt
consacre en mêrae temps à cettie déesse et à Jupiter Po-
llens .
Hi l'on ne devait s'en tenir qu'à ces inscriptions , la sup-
position de M . Guérin eerait très admissible ; mais iio faut-
il pus voir simplement dans l'association de ces nom^ ,
plutôt qu'un titre de la consécration commune du temple,
des hommages circonstantiels de la reconnaissance publi-
que ou privée aux deux divinités tutélairea de la ville?
Minerve était évidemment la plus vénérée , puisque son
nom est toujours mentioimé le preuiier . Miis pourquoi tes
Lindiens , prodigues à élever des temples îi Apollon Tel-
'Chinieu , Ixien , et Sminthuis , à Hercule , à Bai-chus et à
d'autres divinités secondaires , n'auraient-ils manqué de
religion qu'envers le Souverain des dieux en lui refusant
an temple spécial? Ne faut-il pas en outre remarquer que
les anciens auteurs qui ont parlé à l'envi de ce temple
eélèbre , ne font aucune mention de cette double consé-
cration ?
Cette dernière i-emarque nous parait justifiée par l'épi-
gramm« suivante extraite de l'Anthologie Grecque ;
'Ev T^ RâoTpci» Ti]ç At'vSou év t^ àxpov.. .
'£5(tI [Aèv àpj^at'ï)? At'vSou xXéoç, 'AipuTwvi;,..
saovGoOt^lc
LTXDOS 375
Qrt'il faut traduire ainsi :
" A l'extrémité de la citadelle de Lindoa , tti es ô Miner-
ve, la gloire da cette antique cité".
Pindare dit eipressémeat • que le? Rbodiens (les Lin-
diena) , furent les prenaiera qui rendirent à Mioerre les fao-
neure divine . et que montant à l'Acropole, ils lui érigèrent
an temple entouré d'un bois sacré , oit ils lui offrirent des
sacrifices flans feu :
'AXooç év àxjjoTtiXei"
Comme on le voit , ces citations ne font aucune allusion
à la double consécration d'un même temple à Miuerve et
à Jupiter. Si nous suggérons d'ailleurs la probabilité d'un
temple particulier dédié à cette divinité suprême c'est que
nous croyons en constater les restes dans des subbtructiona
anciennes retrouvées sur le même plateau, vis-à-vis du
temple de Minerve. Les Chevaliers les ont conveiliies en ci.
terne ; mais dans le fond, on discerne parfaitement la cons-;
truction hellénique . M . Guérin n'a pas manqué de l'ob-
server néanmoins il n'y voit qu'une ancienne citerne ré-
parée au Moyen- Age ; nous pensons au contraire que ce
monument avait anciennement une tout autre destination
et qu'il était t selon toute probabilité, le temple particulier
de Jupiter Foliéus . Si là encore nous avons rencontré sur
un débris de marbre le nom de Minerve suivi de l'inévita-
ble " K Al 70Y " ramenant celui de Jupiter Poliéus ; nous
avons trouvé aussi un chapiteau portant ce nom unique :
saovGoOt^lc
376 ASCHfcOLOari:
Ol EPEI?
....POAEÛ
" Lee prétrffii à (Jupiter) PuHéus .
Mais une objection se prési-nte à l'esprit : le tt'inplc ;a
Jupiter ne devait pas être une crypte , et par conséquent
on devrait en voir les fondntions à flt-ur de lerre ; on ne
comprend certainement pas du moins conimeiil les Cheva-
lîeiTi ont pu les découvrir à un niveau ei inférieur , qu'el-
les leur aient servi de soubassement à une citerne . Cette
objection ne manquerait pas de force , s'il ne fallait obser-
ver que l'Acropole se composait de plusieurs terra.-8e3
communiquant entre elles par des degrés ; or le temple de
Minerve couronnait l'étage supérieur. Les Chevaliers ont
évidemment diminué le nombre de ces terrasses en cou
vrant les inférieures de voûtes robustes ^ui subsistent en-
core; des traveaux de déblaiement justifieraient siiiis doute
notre opiuion en mettant au jour d'autres ruines , des ius
criptions et des médailles, dérobées aui regards par i'éx-
baussement naturel de sol .
S'il faut enfin admettre que l'aseociation des noms de
Minerve et de Jupiter prouve , sur l'emplacement du tem-
ple de Lindos , une double conséeration , il en faut conclu-
re aussi qu'il en était de même du temple de Camiros , où
Ion a découvert une inscription identique . Or il n'est pas
admissible que Minerve et Jupiter ri aient eu dans toutes les
villes de l'Ile que des temples en commun ,fait exception-
nel ou trop contraire aux usages de l'antiquité pour
n'être pas mentionné par les auteurs qui ont visité les tem-
ples de Rhodes .
I-actance affirme après plusieurs autres écrivains , que
D.qit.zeaOvGoOt^lc
LI^•D08 377
Hercule était ad.)ré à L'ndos d'une manière toute particu-
lière; cuntnireme.it à co qui se pratiquait ailleurs, les
sacrifices étai<'Qt ulieru- dausson lenipîeau milieu des plus
horribles imprécatinus . Une parole honnête et respectueu-
se que l'on aurait lal-sé échapper par mégarde , aurait été
considérée comm -. une profanation . Ce culte singulier est
expliqué par la légende suivante :
Hercule affamé , ayant débarqué dans les environs de
Lindos , demanda à un kbourfur qu'il aperçut , de lui ven-
dre un de ses bœufs . Sur le refus de ,«on interlocuteur.
Hercule prit les deux anim;iui au lieu d'un Seui qu'il avait
demandé, les dépeça, les fit rôtir et les dévora avec ses
compagnons , en présence du Liboureur , qui ne cessait de
l'accabler d'injures et d'imprécations.
Lorsque plus tard les Liudiens, admirateurs de sa furce
Surhumaine, lui dresj-èrent un autel, le laboureur y fît
immoler, une paire de bœufs de travail , et l'appela lui-
même BftOCt^ov vjoug des bœufs) ; ainsi le premier prê-
tre , fut Celui-là même qui avait été victime {le sa force au
service de sa faim . Hercule lui recommanda de célébier
toujours ses sacrifices avec les mêmes imprécations dont
il l'aviir acciblé autrefois ; lie là le proverbe ; At'vStot tïiv
©uat'av, appliqué à un manque de respect pendant un
sacrifice .
Nous sommes très portés k voir les rcs^tes d'un temple
d'Ap i!loii. au S-E. du bourg dansles murs que .soutiennent
le terre t>leiu -ur lequel eït bâtie la Chapelle de S' Étieune.
Ce bOut de gro> biocs lie marbre bleu , de dimeuaioua iné-
gales, mais toutes considérables et régulières; un de ces
blocs mesure 2 mètres de longueur et 1 mètre d'épaisseur .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
378 AEcaiiOLoqiïs
Ils enfermaient une enceinte longue de 43"" et l;trge de 23 .
Au temple payen a succédé une église byzantine ; mai?
cet endroit semble aToir été marqué d'une impérissable
consécration religieuse; puisqu'il est encore occupé p:ir un
modeste sanctuaire , et que le terrain ]iU:i9é libi'e est au~
jourd'hui un chump de repos pour les morts. Quelques
tombes Bont fermées avec des dalles du même marbre, em-
pruntées probablement au pavé du temple . Sur l'un de ces
marbres Ross a trouvé une inscription mutilée, il est vrai,
mais dont il restait assez pour faire cjmprendie qu'elle
était nn hommage d'un prêtre o' Apollon et de Diune-Ar-
temis H Minerve Poliado et à Jupiter Poliéus , protecteurs
de la ville .
A rOnest de ces ruines sont celles d'un, édifice qui, cîiez
les anciens, n'était guère moins important que les temples;
on a deviné l'araphithéârtre . La rai»prochement et l'orien-
tation de ce monument sont encore un motif pour recon-
naître le temple d'Apollon dans le ruioes dont nous avons
précédemment parlé ; car les jeux faifiaient partie du cul-
te qu'on rendait à ce dieu . A droite donc de celles-ci on
gravit les degrés encore bien sen^bles d'un large escalier
légèrement incliné, et l'on arrive dans l'arène dessinée par
seize rangs de gradins taillés dans le massif du rocher;
c'est le côté S . 0 de l'ampliithcàtre . A la suite de ces
degrés inébranlables comme le roc dont ils font partie, ce-
lui-ci faisant défaut , l'art y a suppléé par une construction
dont les débris encombrent la scène , qui devait avoir, à
en juger par les degrés subsistants, environ 15 mètre» de
rayon .
Ce n'était pas assez pour allumer une noble rivalité et
saovGoOt^lc
UNDoa 379
poar exciter rânthonsiasine apr^ la viotoirp, de combattre
E0U8 les regards d'Apollon; daita tous les cœurs le Bouvenir
des ancêtres devait être pré:jent ; ceux-ci devaient assister
aux luttes de leurs dt^ECdndaots ; leurs cendres dernieiit
frémir au bruit des clameurs et des applaudissements fré-
nétiques : la Néc'iopole était donc en vue de l'aniphithéàtre
qu'elle dominait, à l'O . et au N . O •, c'est-^dire qu'elle
s'étendait sur le Tersant Nord du promontoire , 0|)posé à
l'acropole . En j pénétrant , on u'a p.-is à chercher aveu in-
quiétude un monument digne d'arrêter l'attention ; car elle
est bientôt captivée par un tombeau taillé dans le roc à
TO . Bien qu'il ait beaucoup souffert d^s convulsions da
sol , on voit qu'à l'origine il consistait en une vaste cham-
bre sépulcrale où l'on compte encore 12 thèces. En 1863
des fouilles y furent pratiquées et amenèrent la découTerte
d'autres sépultures creusées bOus le pavé de la chambre ;
mais les quelques petits vases qui en furent exhumés ne
correspondaient ni avec la magnificence ni avec le style
du monument; do ce fait il est permis de conjecturer
que ces tombeaux souterrains appartenaient à une époque
plus récente :
La façade est également découpée dans le roc , sur une
hauteur de 4"" 70 et mie largeur de 22™' C'est un type du
style dorique le plus pur, composé de 12 colonnes engagées,
soutien d'un entablement dont le centre s'e^it rompu , en-
traînant dans sa chute une partie de la colonnade. Le ro-
cher nivelé en plate-forme circuliiire devant le portique,
servait à recevoir des Cippes ou auteU tumulaires ; ce sont
des fûts de marbre de O™ Q5 de diamètre sur 0"* 80 de
hauteur. Ces monuments, un le sait, ttiâerent des colonnes
saovGoot^lc
360 AKCIIliOLOGIB
en ce qu'ils n'ont ni base ni chapiteau ; leurs proportions
Bont variables ; mais généralement ils sont ornés d'une
chute de festons naissant de bucranes . Des cippes sembla-
bles se rencontrent fréquemment antour de la ville de
Bhodes . Quatre de ceux qui nous occupent gisent sur le
sol devant le monument \ un cinquième est encore debout ;
aucun ne porte d'inscription .
Il n'est fait non plus aucune mention de ce tombeau
dans les auteurs anciens . Ne semble-t-il pas que le nom
de ceux qui y reposaient , ait été coiitié uniquement 'k la
mémoire ou k la reconnaissance du peuple Lindieo , pour
rentrer dans le silence de la mort après la disparition de
«e peuple, et ne pas lui survivi-e dans l'histoiie ? Les réfle-
xions philosophiques que cette singularité peut fouittir ne
sont pas de nature à consoler ceux qui aiment à pénétrer
les mystères du passé, et qui voudraient dire si ce tombeau
somptueux est l'œuvre de la famille royale de Liudos ,
éieinte au IV'''"^ siècle av . J . C , ou d'une autre famille
opulente, ou enfin de la cité reconnaissante .
Une déception semblable est réservée au voyageur ,
lorsque , abandonnant ces ruines miettes , il se dirige vers
un autre monument funèbre aussi remarquable peut-être
que le précédent . Il couronne le point le plus culminant
du cap Milianos , au N . N . E . . de Liodos , Quoique mar-
qué sur la carte de l'Amirauté Anglaise H . R . (i-uines
helléniques), il n'a guère attiré l'attention des archéologues.
C'est un iaodomon circulaire, d'une extrême pureté de-
style , qui recouvre une chambre sépulcrale , nsesurant»
24in 20 de circonférence . Ce tombeau est sans doute un
monument consacré à la gloire de guerriers tombés dana-
saovGoOt^lc
ItXDOS SPl
nn combat mémorable, ou d'un personnaga célèbre , du sa-
ge Cléobule peut-être cet ami de Selon , dont la mort fut
pleurée par ga, patrie tout entière , comme le témoignent ■
ces mots gravés sur le marbre funèbre malhcureusonieut
perdu :
'AvSpa ooyov K,XeiêouXo'.i ànoçOi'fisvov xoTairevOsî
'flSe Ttetipa AîvSoç , icôvTtj» à-j'aXXoji.Évt .
(Le Sage Cléobule n'est plus ; Lindos sa patrie , qui brille
au milieu des flots , déplore sa perte) .
Cette inscription même lie fait-elle pas vaguement en-
tendre le que tombeau de Cléobule était placé on uu endroit
visible delà mer? Peut-être nous trompons nous^mnis
c'est du moins l'impression qu'elle a produite sur notre
esprit.
Nous savons dn reste , qne les monuments remarquables
soit par leur style soit par leur tlestination , étiiioiit pres-
que toujours placés sur des émiuences, et de manièie à ê-
tre vus de la nior ; tel ét.iit, pour ne citer qu'un seul exem-
ple , le magnifique tombeau découvert lors de l'expédition
de M . Newton , sur le cap des Lions , près de Cnide ; ce-
lui-ci était surmonté d'une belle sculpture qui lui servait
de couronnement ; il en était probablement de même
ici .
On ne doit pas s'étonner que la ville de Lindos ait été
enrichie d'un si grand nombre d'œuvres d'art, quand ou se
rappelle qu'elle a é:é le berceau de beaucoup des hommes
célèbres dont nous avons pai lé dans le 1'= partie. Il est pro-
bable que le Lindien presque indi fférent aujourd'hui à cette
gloire de sa patrie , détruit tous les jours les membros dis-
persés de statues sorties du cisciiu de CLarcs et do Lâchés ; d'
saovGoOt^lc
382 abchI^olooie
Athcnodoro et de Polydore , auteurs peut-être de plus dune
VK'ra'ilh' ih l'art, comme le disait llicliol-Ange du Laocoou;
d'Apolloiiiua enfin et de Tauriscua . Car ils ont dû revêtir
le marbre de le force de leura athlètes; ils ont dû l'animer
du génie Inspiré de leurs poètes; ils ont dû lui donner le *
reiiet de la pensée éclairant le front de leurs savants;
puisque Pindnro , (|ui fit entendre les accords de sa lyre
jwur chanter les victoires de Diagoras , vanta . lui l'hôte
favori d'Athènes , les Btiitues qui peuplaient la patrie du
trop heureux athlète .
iSur le sommet des montagnes qui environnent Lindos ,
on aperçoit au loin des mamelons qui trahissent la mniii
de l'homme. Voulant s'assurer du fait. M" A . Biliottiet A .
Biilzmanu pratiquèrent en 18G3 une tranchée , et trouvè-
rent une amphore grecque commune ; là s'arrcbèient leurs
recherches , ce qui est regrettable ; car , comme dans la
Troude , ces tumulua pourraient bien recouvrir des cham-
bres eépuicrales encore inexplorées, contrairement à ce
qu'ils constiitèrent près de Lindos , ou les tombeaux n'é-
tiiient pau cachés bous des tumulua ; la terre faisant dé-
faut plus loin , les'tumulus sont formes de pierres de mo-^
yenne et de petite-dimensiou .
Pendant l'occupation des Chevalière , Lindos était enco-
re une ville de quelqua importance maritime ; nous savons
par le voyageur Sonnini (1778) , et par la tradition , qu'il'
y a pou d'années encore, les marins de Lindos faisaient
(sur leurs navirea de longs voyages que les autres insulaires
n'osaient pas entreprendre .D'ailleurs, de nombi-eux objets
de l'industrie Européenne au moyen âge et à des époques
plus récentes , sont là pour attester les reiatiooB Diaritimes '
saovGoOt^lc
des Lîndîens .
La citadelle construite pat les Chevaliers , est située sur
le même emplacement que l'ancienne acropole , posilioa
presque imprenable . C'est bien , pour employer une ex-
pression consacrée , mais sans hyperbole ici , un nid d' ai-
gle perché sur le sommet de ce:te gigantesque f.iliiise .
On y arrive par une {tente assez raide , en montant les de-
grés d'un large escalier en maçonnei ie qui conduit à une
première enceinte, et aboutit un peu plus Itiiut à une porte
ouvrant sur une plate-forme de 120 pas de long sur 80 de
Lirge; cette plate-forme est entourée d'une épnit^e murail-
le ciéoeléc . On y refiiarque deux grandes citernes creu-
sées dans le roc , probablement pour le service des temples
et Tusage des guerriers au temps de l'acropole .
Après avoir suivi nn long dédale d'eFCaliers et de cou-
loirs fréquemment interceptés par des porti'S à mâchicou-
lis , on rencontre à droite lorsqu'on a franchi la dcrnicre ,
un fût de marbre blanc avec nne inscription grecque effa-
cée en grande partie; mais quelques mots fout comprendre
que c'est un hommage à la valeur dans les conbats et au
dévouement envers le peuple de Lindos ; syméti-iquement
placé en face , un fût de maibre hieu porle la date :
" 1612 ".
Cette porte donne accès sur la deuxième pktc-forme ,
. c'est-îi-dire sur le même emplacement au Sud duquel était
construit le temple de Minerve . Mais à l'acropole helléni-
que avait déjii succédé une forteresse byzantine ; un œil
exercé peut donc suivre trois époques différentes .
La résidence du Gouverneur et quelques maisons mo-
destes, affcQtécs probablcmeut au logement de la garnison.
saovGoOt^lc
SS4- AECnicOLOCIB
Bont l'œm re des arcliilectes do l'Ordre . Lpb .anciens maté-
riaux ont largement contribué à li-ur érection ; car en
maints endroits des fragments précieux de marbres détrô-
nés tiennent l.i place de pk'rrt'S vulgaires .
Il est astez de mode de faire retomber une large part
d'un vandalisme coupable sur les Chevaliers ; c'est trop
oublier 1 histoire du passé, la complicité dans la destruc-
tion, et de la nature, et des vainqueurs qui les ont pré-
cédés, et de ceux qui les ont suivis. I-es guerriers du
Hoyeii-Age ont trouvé les mines que l'Icorioclasme avait
Bernées . En effet " Léon l'Iaiurien , outre la violente aver-
sion que son éducation rustique et son commerce avec les
Juifs et les Arabes lui avaient inspirée pour les images ,
avait l'ambition d'imiter le calife Yézid qui venait de les
détrui 1-e toutes en Syrie ; il envoya dans les Iles de
l'Archipel et dans les autres parties de son empire des
émssaires dont le fanatisme et la férocité lui étaient coo-
nuca ". * Constantin Copronyme alla plus loin enoor» :
" dans le conciliabule de Constantinople , on condamna la
Sculpture et la peinture comme des arts détestables". ;]:
Alois " les mains mutilées des artistes qui fuyaient la per-
' sécution , portèrent les images en Italie ". f
Les Clievaliers ont-ils anéanti pat- ignorance ou par fana-
tisme ce qui avait échappé h la fureur des IconocU-
etes ï
* Rio . L'art chret .-Introd
î BoBsu«t .-Bise . »nr l'Hist . unif , Ife Partie .
t E . Cartier .4 . C . dans l'irt .
saovGoOt^lc
tixoes 385
Quant au reprocLe d'ignorance, il en faut rabatire, lors-
qu'on étudie les monuments encore debout ou renveif-cs
qu'ils ont bâtis pendant deux siècles dune possession tour-
mentée . Ils venaient , qu'on ne l'oublie pas , de li France ,
de l'Angleterre de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espiigne,
et ils en avait apporte avec eux ce goût de l'arcliito.ture
qui peuplait de statues le portiiil des basiliques, et regret-
tait d'en laisser une pierre qui ne fût une pnge de l'his-
toire sacrée. Beaucoup d'rnlre eux avaieut appartenu au
Prieuré de S"- Gilles , et ce n'est pas en face des magnifi-
cences de ce poiiail , unique peut-être , qu'ils auraient pa
rcfcter ignorants des merveilles de l'art; nous en trou-
vons la preuve dans les ruines de leurs constructions
enrichies de bas-reliefs aujourd'hui mutilés par les Turcs.
A côté de leurs œuvies on voit aussi solidement encadrés
d'autres bas-reHefs de l'art p;iyen qui réfutent le re-
proche de fanatisme ; enfin nous verrons plus loin qu'ils
ont su discerner les chefs-d'œuvre et en enrichir l'Europe .
Le palais proprement dit n'existe plus quejmsde hauleï
murailles, et il serait trèsdifR<!:le d'en reconstituer la dis-
position ; les plafonds sont effondrés , les pavés arrachés ,
les entrefenda rasés ou crevés ; mais des lambeaux de fres-
que pourraient encore faire deviner quelques unes des
légendes qui bistoriaient ces murailles. Le ciseau n'avait
pas moins contribué que le pinceau à cette ornementatiou
sévère qui ruppelle d'ailleurs fidèlement les manoirs de Li
même épociue . Des moulures d'une élégance sobre encji-
draient les armoires de l'Ordre et celles d'Kuiery d'Am-
boii-6 encore existantes . Sur le manteau d'une chemiuée
dont l'ample foyer caractérise la graude salle d'houueur,
saovGoot^lc
SSG AnciiioLOGiE
on voit siiP|ienJue la fleur de Ifs de France , pavillon plein
do gloire , qui apprend à celui dont les couleurs re|>résen-
teiit- encore la protection que la France exerce sur les- in-
k'réts Clirctieus en Orient , l'origine de ce protectorat .
Les meneaux dos fenêtres reproduisent fidèlement la oroix.
Far uue ouverture pratiquée dans une voûte du rez-de-
elsatis^éc, la vne plonge dans un vaste EOuterniin ; trois
chambres sépulcrales creusées dans les parois en expliquent
la destination .
Attenant au palais sont les ruines d'une chapelle dédiée
à S'' Jean . De la porte il ne reste debout que trois pan-
neaux de marbre blanc qui l'encadraient . Ils nous ont
temblé provenir des tempUs payons ; car l'emploi de ces
plaignes de dimensions considérables n'est pas eu barmonief
ftvec les exigences du style golhique qui demande un ap-
pareil se prêtant mieux à la souplesse des lignes, qui évite
les angles brusqués d'une arcbitrave et dissimule la pro-
fondeur dos plans par des archivoltes puissantes et multi-
pliées , L'édifice se composait de trois nofs terminées en
abside; la profondeur était de 25", la largeur totale de 16.
Du milieu de ces ruines gisantes et dominant les murail-
les qui ont résisté, s'élance un superbe palmier ; seul il don-
ne un pou de vie à ces pierres, qui rappellent de longs siè-
cles de prospérité et des prodiges d'héroïsme . Quand le
Vent agite son panache de verdure , le voyageur , surpris
^ans sa méditation , croit entendre nn sourire ironique de
la lumière ; car dans l'Orient les ruines ne se cacbent pas
BOUS un funëbre manteau de lierre et à l'ombre des grands
arbres ; le soîeil allume le marbre , et développe un suaire
^^clatant autour d'un squelette blanchi .
saovGoot^lc
iTXDOS 387
Après aroir essayé d'en conserver ou d'en restaurer
quelques parties, les Turcs, vers 1845 ont nbandonnc cet-
te forteresse qu'uue reconstruction et des armements
nouveaux'rendraieat maîtresse do la mer.
Le boui^ de Lindos se compose à peu près de 130 mai-
sons; la plupart datent de l'époque des ClieTiiliera , et ont
'conservé ie caractère du moyen-âge , elles eont partagées
en plusieurs pièces , particularité qu'on ne reiicontie dans
aucun autre village . Les plafonds soutenus per de massi-
ves poutres de cypi-ès, et peints avec le même coloris que
les plats connus sous le nom de plats de Lindos , auraient
en Europe une grande valeur ; un de ces plafonds ]îarticu-
lièrement bien conservé , porte dans les métopes , l'aigle à
deux têtes .
Ija population , au temps dfs Chevaliers , s'élevait !i 2r>(X)
âmes; elle est réduite aujourd'hui à 650 . Nous raméiierons
da reste nos lecteurs à Lindos à l'occasion de la Cérami-
que , de la Eeligion , des mœurs et usages .
saovGobt^lc
CHAPITRE III.
ACH/EIA & lALYSSOS
Tous les auteurs pincent Hylisaos d'api'ès Homère , ou
liilyssos d'après les autres , aux pieds du moût Pliilerme.
Cette assertion d'abord justifiée par la tradition , est con-
fii-mée par les quelques débris de marbre que l'oa a trou-
ves en CL-t eiidi-oit et parles restes d'un môle que l'on peut
voir lor8f|ue les vagues soulevées par un fort vent de Nord
out balayé le sable de la plage .
lalyssos étiiit donc bien ïk et possédait un port pour ab-
riter ses navires . Les alluvions qui out formé la plaine de
Cremaeti .ont comblé le port en même temps qu'elles ont
profoudémeiit enterré ce qui restait encore d'anciens vesti-
ges de la ville . Il est aussi de tradition que les Clievalieis
saovGoot^lc
en anivant à Rhodes exploitèrent ces matériaux ponr les
employer dans leurs constructions de Crémasti et de Trian-
da ; mais qu'ils envoyèrent les œuvres d'art à leurs amis
d'Europe; c'est ce fait que nous avons donné à pressentir,
quand nous les avons défendus de vandalisme . H est vrai
que ce système de conservation trop désititéresaé a contri-
bué à dérober ce qui pouvait nous fournir les éléments de
l'histoire de cette cité , dont on ne saurait pas même retra-
cer les contours; au dire de Strabon ce n'était qu'un:
bourg :
"EtT 'IflîXuOOÇ XciXl]".
mais tout porte à croire qu'avant l'époque du célèbre géo-
graphe lalyssos était une ville importante entourée de mu-
railles, ou protégée tout au moins par une forte citadelle'
située'sur le plateau de Fhilerme . Ce plateau au nivelle-
ment duquel l'art a sans doute beaucoup contribué , est
elliptique et s'étend du N-B . au S-0 . Il s'élève au dessus
du niveau de la mer d'environ 275 mètres . et son orbite
est de 1400 . Les anciens auteurs lui donnent le nom
cCOchyroma, c'est-à-dire lieu fortifié ; mais c'est là une-
appellation générique plutôt qu'un nom propre . Strabon ,
dit à la vérité :
xa\ ûitép oÔTÎiv àxpôitoXtç éîTtv 0](ûpti)[ia xaXoujiéviq ,*
(et au dessus de celle-ci il y a une acropole nommé* Ochy-
roma) ; mais il n'en reste pas moins acquis que ce mot dé-
signait tout place forte .
Quel est donc le véritable nom de cette localité , et n'y
• Strabon 1. XIV, 12.
saovGoOt^lc
338 ASCHÈOLOdlB
faut-il voir qu'une simple forteresse 1
Biodore nous apprend que les Héliades construisirent la
ville d'Acbieïa daus la laljsie :
..."xa-rwxTjijav èv -ri] 'laXtatcf XTicravreç iciXtv "kyiaiaiv .
Ergéas est encore plus explicite :
oi nepl 4'otXavôoç èv t^] 'laXuu^ ïtiXtv IjfovTeç, ôj^u- .
pWTanjv T»)'.' 'Ax«tŒV xaXou[jisv7]v".
Ces paBsages sont déjà asse^ précis pour prouver d'a-
bord que l'expression d'Ochyroma doit être prise dans le
sens de forteresse et ensuite , que la Tille d'Achaeia qui
d'après Ergéas était très forte, oehyrotati, n'était autre
chose que l'acropole de lalyssos , ou pour mieux dire , une J
Tille forte , aous la protection de laquelle laljssos vint ^
s'abriter .
Enfin une inscription mise au jour en 1867 par M . Al-
fred Biliotti , sur le versant Est de Philerme , tranche défi- j
nitiTement la question . '
La stèle sur laquelle elle est gravée , se trouTait placé» ^
sur la route qui d'Achseïa descendait à lalysios, exactement j
comme le^texte , l'indique :
xaTaêcidioç tSc i| 'Aj^aïaç TtéXtoç . •
Cette inscription actuellement au Musée Britannique , est
trop intéressante pour que nous ne la reproduisions pas en
entier : i
EAOHETOICMACrPOI«KA||AAY«OI |
rrPATHÏAAKIMEAONTOÏEIPE j
OPÛCTOIEPONKAITOTEMENO?
TAÏAAEKTPÛNAŒYArHTAlKA
TATAPATPIAEPIMEAHGHMEIN !
TOY«IEPOTAMlA«CXiflïCrAAAI i
saovGoOt^lc
- lALTSSOS 389
EPrA«OEnNTITPEICA!0OYAAPT
OYKAlANArPAOHIEÎTASrrAAA
rrOTEyA^I^MATOAEKAIAOYXO
«lONENTIEKTflNNOMnNEÎOE
PEINOYAEElîOAOïnOPEINECrOTE
MENOacAITAEPITiMIATn . PPAî
«ONTIPAPATONNOMONOEMEINAE
TAïrrAAAÏMIANMENEPlTAÎEÎO
AOYTAŒKPOAlOîPOTiPOPEYOME
NOIÊMIANAEYPEPTOKTIATOPION
' AAAANAEEPITAÏKATABACIOCTA.
EEAXAI«POAIOî
"'EBoÇs Toîç MfitTcpoiç xo'i 'laXufiîoi [ç] l-zf<xrr^(; 'AX-
xtuiSovTOC «ne Stsaç tô tspiv xaV zà Ti|Aevo(TéE{ 'AXsxTpû-
VBÇ eôa-yijtac xoTà Ta itirpta, ÉTit(i£;| Tjô^jietv toùç EepoTaptiaç
Ôltwç otciXat ipfauôÉuvTt Tpeîç XfGou Xaptcu xal àvo'ypaçî)
Iç Tac oTsiXaç Ta xè ^âç[a[ia TtSSe xai â où^^ Ôotov ivtt ix tûv
v^ub>v iaifiptit oùSè ElaoSoCTcopet^ éc ta TÉfiEvof xai Ta ÈTCCTt-
uca T{^ icpotŒffcvTi Tcapà tov -vÔ[lov , GÉ|jie'.v 8fe TàçuTctXaî, [itav
uèv ënl Tâç éd^Sou râ; ix i:^Aco<; itOTcicope-jopté^otç, [ic'av Ss
ÙTCÉfl To îdTtaTiJptov, àXXav Se èitl tS^ xaTaêà^toc tâ[î] éÇ
'Aj^ataç itiXioç".
Comme on le voit , c'est un décret par lequel les Mastè-
res et les habitants de lal^saos , ordoniieut , conformément
aux anciennes prescriptiocB , la consécration d'un Hïéron
et d'un Téménoa à la déesse Alectrona. il est enjoint au
trésorier religieux de faire graver ce décret sur trois stèles
et de placer l'une d'elles à l'entrée du téménos , du côté de
la ville; une autre au dessus de VEstiatorion , et la troisiè-
me , sur la route qui descend de la TÏlle d'AcUxïa . Cette
saovGoOt^lc
390 AMmkoLoaa
dernière , est celle que M' A . Biliotti a rencontrée , loini
de tout autre monument établie sur son eoole, évidemment
dans sa position primitive ; là donc était la route qui des-
cendait de la ville d'Acheeia , aujourd'hui du plateau de
Fhilerme ; il eu faut conclure que lalyasos et son acropole
la très forte (ochyrotaU) , qualifiée d'uU' nom particulier,
formaient deux villes distinctes , mais étroitement unies .
La ieconde partie de cette inscription contenant le dé-
cret même , donne une idée très nette du respect que les
habitants de lalyssos avaient pour les lieux consacrés à la.
religion .
NOMO«AOYX0£IONE«IMEINOYAE
EC<tiEPEINECrOiEPONKAiTOTE
fŒNCKTAÏAAEKTPflNASMHEa
Tninpo«ONoaHMioNO«nNo«
MHAEAAAOACXtiOYPONMHeENMH
AEEîArETnEin-OTEMENOfMH
QEICrOYTflNMHOENMHAEYPOAH
MATA . . . «EPETflMHAEYElONMH
©ENOTI^KATItTAPATONNOMON
POIHÏHITOTEIEPONKAITOTEMENOt
KAOAIPETflKAIEPIPEZETQHENO
XGtE«TflTAIACEBEIAEIAEKA
nPOBATAEIÏBAAHIAnOTEItATflY
PEPEKASTOYPPGBATOYOBOAON
OEŒAAflNPOTArrEAAETflAE
TONTOYTflNTIPGIEYNTAOXPHI
ZÛNEtTOYSMAÏTPQYt
"N^ixoç S où;t ôfftov è5Î[jLEtv oùSè èoçÉpetv èç to Upôv
xat Ta T6|xevoç Tàç 'AXexTpwvoi, {aïj ècUw txTîos, civoç ,
îBBiGooi^le
I.U,Y?SOS SOI
^(itovoç, fX^ioç [iijSÈ iïX?^o Xôçoupov fiïjOs'* [iVjSè ÈffaY^TW ■
dç To Té[i£voç |xv]Oelç toû-ruv |i,i]6è'/ [n]Ss ûiroS'^|/aTa[Ê:^] '
çspéTw (lîjSe ûeiov (iijQs* 5 t[ 3é xi t(ç napà tôv MÔfiov
•noc^tn] TÔ TE îspôv xal xà Téjj^evoç xaGaipÉTu xal ÈT:e:Ê^É':(.>
îj evo-(oç liTw t2 àjeêefa ei Ss xa xpoêaTa ei-jêâ/vV] àfroTEi-
oitu ûnÈp ixiffTOu TipoêaTou iëoXàv 6 suSâXtov TioTctY'YeÂ-
XeTu Se tèv toÛTOv te itotEùvTa ô j^pr]^«v èç to-jç .Vût-
Tpouç".
Elle contient la liste des animaux impurs auxquels i'en-
trée du Hiéron et du Téméuos eet interdite ; ce sont les
chevaux , les ânes , ks mulets , ainsi que les ghinos (mulets
nés de jument et de mulet ? ) et en général îi toute espèce
de bête de somme . Aucun homme ne doit non plus pénétrer
dans le temple avec des sandales ou autre objet fabrit^é
avec de la peau de sanglier . Celui qui enfreindwit ces
prescriptions, serait tenu de purifier le Hiéron et le Témé-
nos et d'offrir des sacrifices ; à défaut de quoi , il serait su-
-^et à des poursuites pour manque de respect . Celui qui
laisserait pénétrer des brebis dans i'enceinte sacrée , serait
tenu de payer une obole pour chaque brebis , et tout
témoin d'une violation pourm dénoncer le fait aux Ma-
Bièrt'S .
A en juger par la forme des caractères, cette inscription
daterait tout au plus du V"« siècle av . J . C .
La nécropole de lalyssos couvre les pentes O . de mont
Philenne, toutes les collines qui s'avancent vers Crémasto,
et au N-Ë ., dans la direction de Trianda . La partie la
plus iarchaïque est plutôt sur les collines qui forment les
dernières pentes N-E . du Phiierme , taudis que les tom-
beaux trouvés entre le vallon de Daphni à l'Ouest , et le
i:q,t7edi>G00t^lc
392 ABCHiiOLOGÎS
Tillage de Crémasto , ont un caractère hellénique . On en a
rencontré aussi de l'époque de transition et d'autres de
l'époque Komaine et même Byzantine. Une grande ana-
logie dans le mode de sépulture pendant la prrniière pé-
riode unit lalyssos à Camiros ; mais contrairement à ce qui
se pratiquait drtns cette dernière localité , quelques uns des
tombeaux déblayés ik lalyssos , dont la haute antiquité est
bien caractérisée , contenaient plusieurs corps à la fois. On
y trouva très peu de vases , et parfois il n'y avait même
pas une misérable amphore . Cette circonstance permet de
suppoeer que ces tombeaux . violés à une époque plus ré-
cente , ont été mis en usage une seconde fois par une gé-
nération qui ne faisait plus aux morts le sacrifice de ces
objets .
L'analogie signalée entre les tombeaux de lalyssos et
ceux de Camiros , n'existe qu'à l'intérieur de la chambre
sépulcrale ; mais il différaient par les dispositions extérieu-
res. En effet ici on ne descend pas dans les tombeaux
creusés sur les élévations , par un puits , mais par un cou-
loir en pente douce , ouvert à son extrémité par une baie
h, linteau brisé en angle aigu et fermée par des pierres de
taille non cimentées .
L'étude dos poteries exhumées k lalyssos a sa place mar-
quée dans l'étude générale de la céramique .
Cette ville n'a pas d'autre histoire particulière , que le
fait de sa fondation, due à lalyre , un des fils de Cercaphus,
échappé avec quelques familles à l'inondation de Kyrvi .
En 1494 ar . J . C ., d'après le récit de Diodore , la popu-
lation s'accrut d'une colonie phénicienne que Cadmus éta-
blit pour desservir un temple élevé par lui en l'honneur
saovGoot^lc
IAL7SS0S 393
de Neptune . Cette eoiome.ne tarda pas à faire disparaître
la race indigène en se mêlant avec elle par le mariage , et
lalyssos deviut ville phéiiicienne xïomiue Camims et Lin-
dos. Mais lalyesos fut la derniîre \illequirc:ta or posa(.>3-
sîon de ce peuple et il la défendit longtemps avant que le
grec Iphiclus s'en emparât . En 408 av . J . C ., les lalya-
Biens B6 joignirent aux habitants de Camiros et de Lindos
pour fonder la ville de Rhodes ; mais en y transportant le
Bouvenir de leur origine, et le culte de leur fondateur,
dont l'image vénérée, œuvre de Protogène , resta le plus
précieux trésor .* La déchéance de lalyssos marcha rapi-
dement puisque au temps de StiaboQ elle n'est plus qu'un
bourg ; les chroniqueui-s Byzantins n'en font aucune meu-
tion ; il est donc probable que sa ruine était déjJk consom-
mée depuis quelque temps .
lalyssos ne parait avoir donné le jour parmi les
hommes célèbres dont l'Ile de Rhodes est la patrie , qu'au
poète Timocréon , ce gourmand renommé , ce médisant
incorrigible que Simonide a si rudement stigmatiiïé , daus
son épitaphe .
' Cicaron : In Vorrem . De aignia .
D.qit.zeaOvGoOt^lç
CHAPITRE IV.
CAMIROS-
Le nom de Kaniiri ou Kambyri sous lequel les payaana
désignent un endroit situé à lO-S.O-de l'Atabyros.a
causé une erreur qui s'est répandue d'autant plus facile-
ment qu'on y a trouvé beaucoup de ruines ; là donc avait
dû être l'antique Camiroa .
Cependant Sti-abon est &i précis sur ce point qu'on aurait
évité cette erreur , en suivant son texte comme un fil
d'Ariai:e :
Mstà Se AfvSov 'I^Éa X<^P'*^ ""^ Mvaaôptov , eîô'â 'Atœ-
Êupoç dfoç Tûv èvtaùOa û(|/ï|XÔTaTOv, ..-^tm lLâ(i.Eipoî»*
saovGoOt^lc
cnnuca 395
(Apres Liiiilos,Ixia, localité sans imporiaiice et lînasy-
riou.piiis l'Atiibyios, la pli:s haute moiitan^iie tiu p.iys ,
ensuite CimirLis) .
U.Guériu à mal saisi le n:)m de Kniiir; . fni'îl re id
par CL'lui de Caïuirus; mnis ninifiié forcémerit ibins. io \r.ii
par l;i précision du tyxte dj Sir;(boii,il conseillât dès
lfÎ56 lie recîierclKT CamiroB plus b.uit ; vers lu Xurd lie
i'Atflbyros .
Les fouilles patiqnéis de IRôO ù 18G4 par M:e.ABi-
lioiti et A . Siilziiiaiin unt ploiii'iaeiit [H'ouvé ijiio Stinliori
était purlaitcincnt exact, et que M. Giiériii ii't'i:iii pis
trop éloigné de bi vériié , Il a v\i cepetid-int le toi't d'oii-
bliei- Critinia et de piendie les ruiriis de cette ville pour
celles de C.imiros située plus loin eucore , an X X-K de
VAtubyios . Notrj caite ainsi que celle de l'Aniiranté
Aiigb.isi-". rectifiée depuis cette découverte , donne la jiOâi-
tiou certaine de cet.e ville .
En arrivant nu Cap Agjiios Minas, on ivniarque les rui-
nes d'une tour que les Cbevaliers ont éle\t'e sur d'itucieii-
nes assises he'.lénitnes encore visibl 'S, et p es de là une jo-
tée qui protégeait nn petit port contre les ve:its ilumnants
d'Ouest . Partaut de ce point, la ville niontail par teiras-
ges.dans la direction du S-t^-E ., le ilanc de l;i raoutngne,
auquel les pajsans ont toujouis con:er\é le nom de CmiU-
ros; la tenasse supérieure est nue plate ft^ruie a,-siz régu-
lière et demi-circulaire , dont l'are regarde par les deux
extrémités le X-X-0 ., c'esi-à-dire le Cap Agiiios .Min.is ;
la sous-tendante de cet arc a 20'J" de longueur environ.
Du centre de ce plan nait une légère dépression de ter-
rain, qui parait marquer le trace d'une lue dtscendanlea
saovGoOt^lc
396 ARCnkoî.rcrE
lif^ne droite jiis^ju'au port . La ville s'éiendait sur les deux
côtés de cet:e artère principale .
Les versanfs Est et Oin'St de la ct.lliiie occupée p:'rl;i
ville , le dernier surtont, iiiclin''H rapidement t^oiit li/i^i.és
par de profonds ravins qui se dirigent parallélementi l'un
au 8ud , l'autre au Nord .
Tel est sorti des intelligents travaux de 51" Biliottiet
Salzmnnu le plan de Cain'ros . A l'acropole était ré.-ervé
le plateau cnlminant dont elle suivait le con'.our , en s' al-
longeant de l'Eït à l'Ouest ; au S-0 f^oiit des fondations en
pierres de taille ; leur disposition indicjue qu'elles KOute-
naient les piliers d'une porte , à la-quelle conduisait proba-
blement la voie dont on relrouve K-s traces quelques pas plus
bas ; cette voie suit puur quelque temps les sinuosités de
la colline à l'Ett en bordjint le ravin dans lequel elle plon-
ge en pente douce par le Sud ; puis elle fait coude , et
prend la direcîion de lalyssos . Des fragments de sculpture
que l'on a découverts bwt ce tracé permettent de croire
que c'était la voie par où les trionipatenrs portaient au
temple les irupliées de leur victoire, en passant sous les
regards dfs héros dont les st;itaes bordaient , à Camiroa
comme presque partout ailleurs , la voie sacrée .
Il est difficile de saisir sur le plateau de l'acropole la
trace des forlificatious; elles ont dû être entraînées pur
des ébouiements, car le terrain en plus d'un endroit, ne
conserve évidemment pas le forme primitive . Une citeine
■ étroite court sur toute la longueur de la colline . Large da
■ 1 mètre sur 2 de profondeur , elle est divisée de distance
en distance par des banquettes destinées sans doute à a-
luoiudrii- la force de pression :de l'eau^t à la diriger dans
saovGoOt^lc
CAMIROS 397
divers embranchement qui se prolongent vers le Nord et le
Sud . Des puits creuaés aux extremitéB de ces embranche-
ments , permettaient de puiser de l'eau dans tous les quar-
tit;rs à la fois . Cette disposition, très commode aux besoinB
de la population, avait en outre l'avantage de ne pas affai-
blir le terraÏQ qui supportait le poids de l'acropole . A
l'Est, sur une terrasse qui a pour base une partie de la ci-
terne elle même; on a mis à jour les fondements d'un
temple ; là où. manquait cet appui , le terre-peia est conso-
lidé par un mur de soutènement , construction hellénique
primitive ; mais la masse de temple menaça probablement
d'écraser ce fondemeut et un autre mur du plus beau style
a été construit sur une seconde terrasse comme contrefort
du premier . Toujours du côté de l'orieut on a découvert
un puits carré , tout-à-fait indépendant de la citerne ; il
était comblé d'ex-voto .
Ce lemple était sans au'cuii doute celui de Minerve Tel-
chino , comme l'atteste l'inscription suivante trouvée dans
les ruines mêmes , et qui est d'autant plus intéressante que
les documents sur l'histoire particulière de Camiros sont
très rares .
EAOHEKAMIPEYÏITACICTOINAn'AÎKAMiPEÛNTA?
ENTAiNAffllKAITASÊNTAlAPEIPfllANArPAS'AJPAÏA?
KA|EX©EM£[NEtTOIE.PONTA«AOANA[A«En"AAA|
AÎGINAIXflPKXAAKHÎEZHMcINAEKAiXAAKHTAiC
ANArPA(tïHM£INAIKAXPHIZflNTlEAECOAIAEANAPAt
TPEI?AYTiKAMAAAOITIN=«£niMHAH0HCEYNTITAY
TAtTACnPAHIOCflCTAXUTAKAIAPOAmEYNTAI
TniXplZONTI£AAXltTOYnAPA«XEINTAN«TAAAN
KAiTAtKTCINAiANArPA1'Al;CAl=rK0AA4'AIENT
saovGoOt^lc
,^8 AKCHÈOLOOI
[aicta
AAIKAirrAîAlENTfîllEPniTAîAOANACKAiPEPiaOAl
[Bn
«AinCEXHIÛCIÏXYPOTATAKAlKAAAICTATAAETE
AEYMENAECTAYTAnANTATONTAMIANnAPEXElN
ErAETAYTANTANKTOINANApOAElKNYENTOY?
KTOINATA?MACTP0NENTfî[IEPQITniArinTATnT
ENTAIKTOINAIK A TA TONNOMONTONTflNPOAIflN
TOYTOlAEtYNAErEÏOflNENKAMlPÛlEUTO
lEPONTACAOANAlAÎOKKATOIIEPOnOIOlPAPArE
UN TIKAIA0PEONTÛ TAIEPATAKMMIPEflN
TEAHPANTAAITI...
" 'ESo^e RafitpeDot, Tàç xTotvaç -zàç Ea^tpÉuv tàç êv tôE
yittt^ xa\ tài iv t^Î àicefpt)) ova-j'pû4'*' lïâffaî xa\ i^Ôéfistv
iç ta Eepèi tSî 'A6ovaiaç ê[v] utâXa XtOi'va yjtùpXi; XâÀiji;,
iÇ'^jtetv Se xal XaXx'^Tatç àsaypafr^^Lii't aûa 3(pT;(j;(i>v'C( ,
éXéodat Se dcvSpaç Tpeî; aOTi'xa [zccXa orTtveç ém^EXajdvjoeCv-
T[ to6to« tSç -npetSioî éiç locj^iaTa, xal dnoSoiïeù'vïai Ttô
5(pT](CovT( éXayJffTou itapaa;(eîv tôv oTaXav xal xàî xToi'vetç
àva^pc^'l"'' xal éY'^^^^'j"^' ^'^ "^^ axaka xal STâsct év t^ ce-
p^ tSç 'Aôa'jSç xal nept êoXtêûsac (î>ç é^^ djç ia-/vp6-:ata
xaX xàXXtiTTa, ta Se TeXsûjiEva èç TaO-ra navra Tiv Ta^icf*
TtapÉj^Êtv, é-y Ss TauTâv tSv xtoivSv àitoSetxvijeEv toùc xtot-
vÔTaç fiiîTpov Êv Tw (Êpû Tû à^f'^'^^'^V ^^ ""^î xTofva xaTà
TÔv vôjjiov TÔv Twv 'Po8é(i)v, ToûTot SE ffuvXeYeffOwv év Ra-
|xcp<i> sEç TÔ (Epôv Tôiç'AOavatac ôxxa-tol c&ponotol irapaYÉ
[v] uv:[ xal àOfftôvTùj tô £epà Ta Rafitpé(i)'«[Ta Sajio] tEX-îj
itâ'JTŒ, aitt . . f?)
C'est , comme on le voit, un décret rédigé en dialecte,
dorien le plus accentué , ordonnant que les Kiynm Canil-.
saovGoot^lc
réene , qui se trouvent dans l'Ile ou à Apîra (sur le Conti-
nenl) , soient inscrits sur une stèle de marbre qui sera pla-
cée dans le tt-mple de Winerve . Sont exceptés de cette
mesure les Ktynes de Halki ; mais, si les Halkiotes le dési-
rent , ils peuvent eux aussi enregistrer séparément leurs
■ Ktynes . Trois commissaires seront immédiatement nom-
més, f t ils veilWont à l'exécution du décret . Ils traiteront
pour l'achat d'une stèle , donoant la préférence aux meil-
leures conditions, et l'entrepreneur devra inscrire les noms
des Ktynes sur la stèle qu'il placera dans le temple de
Minerve en la contournant d'une muraille . Le trésorier
payera tous ces frais. Les Ktynatea devront choisir un
Mastere qui sera élu dans le très-saint Hieron , dans la
réunion des Ktynes, i^elou la loi des Ehodiens . Les Ktynes
doivent se réunir à Camiros , dans Je Hiérou de Minerve ,
et en présence des intendants de la religion , ils inspecte-
ront tous les temples Camiréeiis
Il est fâcheux que l'on n'ait pas retrouvé la stèle sur la-
quelle étaient inscrits les différents Ktynes Camiréens ;
mais d'après la teneur de ce décret l'Ile de Halki devait
dépendre de Camiros ; cette ville en possédait encore d'au-
tres au moins comme vassales sur le continent. Cette déno-
mination de Ktynes paraissant pour la première fois n'a
pas , à notre connaissance d'autre explication que ce pas-
sage d'Eschyus:
sKTÛvai , ^ xToîvat , -/jùpiitiaç npoYOvtxwv ceosiuv , fi
Ce qui permet de supposer sans crainte de se tromper gra-
vement , que les Ktynes répondîiient aux Rubd'vinîiTTJ
territoriales du distiict Camiréen, cesL-ii-aae uc bourgades
saovGoOt^lc
400 ARCHKOLOGIE
foniinnt une fédération soua le gouvernement d'un grand
conseil dont les réunions avaient pom- centre Camiios , et
pour siège le temple de Minerve. L'objet delà réunion
décrétée sur l'inscription, était de procéder à l'enregistre-
ment des habitants de ces bourgades , à l'élection de leurs
magistrats, et enfin à l'inspection des temples de tout ledi- ,
strict de Camiros.
"Mais revenons sur le plateau de l'Acropole , et conti-
nuons notre description topograpbique .
En suivant la lisière di'S ravins qui détachent la colline
de Camiros à l'Est et à l'Ouest, on i etrouve des assises , ba-
ses d'une muraille construite en pierres de taille , et qui
devait enceindre la ville . Toutefois ces vestiges peu ini-
port.ints indiquent plutôù un mur de délimitiitiou qu'une
ceinture de fortifications. Du reste les auteurs anciens
ïious apprennent que Camiios n'était pas une ville for-
tifiée .
Dans le ravin de l'Kst, s'est conservé en "assez bon état
ûu réieivoir long et ctioit; il était alimenté par un con-
duit qui , tnvtrs^ant Iji voie sacrée , allait chercher l'eau
d'u:nj soiirt/e située à un quart d'heure de distance, au Sud
de l'.icrcpo'e .
Au Nord de ce réservoir , a une faible distance , com-
mi nce une galerio souteiriiine haute de l^SO et large de
0'" 75 ; l'entrée en est aujourd'hui obstruée par un ébou-
leuieut. C'était sans contiedit un aqueduc .dont l'écono-
mie prouve riiitelUgenee des architectes. Deux orifices
superiioséd percés dans la paroi du réservoir partageaient
là violence du jet d'écoulement; la lèvre supérieure ron-
gpe , démontre un long travail de l'eau qui tombait dans
saovGoOt^lc
401
une petite vasque encore existante . Si ce réservoir com-
muniquait avec la galerie , c'était au moyen de conduits
partant des orifices ; car la vasque est sur un niveau infé-
rieur à celui de l'entrée de la galerie . Four la construire
il a suffi de perforer le rocher , en reliant
les interruptions au moyen de gros blocs
équarris ; un ctaperon en dos d'âne tom-
be sur les parois latérales; mais pour
obvier aux infiltrations inévitables , l'arê-
te en est tronquée . et sur le plan ainsi
formé sont assis des tabliers épais . Cette
construction rappelle l'architecture cyclopéenne , et l'une
des portes de Mycènes . De l'autre côté de la colline , une
ihsue semblable marque l'cxtrénaité du canal ; au dessous
une cavité profonde reçoit aujourd'hui les eaux d'un tor-
rcut foimé par des pluies abondantes que rien ne détourne
plus . Il est probable que cette cavité , revêtue autrefois
d'une maçounerie , était un second réservoir au service du
quartier central de la ville .
A *2(X) pas environ de ïk (N-0 .) , est un puits rond ; de
nombreux ex-voto , pareils à ceux qui comblaient le puits
du temple de Minerve sur l'Acropole , en ont été retirés .
Coite circonstance fait présumer que les ruines qui l'avoi-
sinent , mises en partie à découvert , sont celles d'un tem-
ple ; quelques belles dalles de marbre exhumées au même
endroit , confii'ment cette conjecture ,
Dirigeons nous maintenant ^ l'O-N-O . de l'extrémité
de l'aqueduc , et au S-S-0 . du puits ;i 75 pas environ
de ce dernier on a trouvé récemment une stèle portant
cette inscription :
D.qit.zeaOvGoOt^lc
ARCHÉOLOaiE
Tt[ta[xp(i]Tijç Ti(jioeéou [è}nLiou^fiiiaç
xaï 'Isponotol
T(fi[o3atova$ AtapUaç
'AXe^tôSaç 'A^ïictirnou
'Apxtititooovaç *Av8pou
'EpfioxpoTTjç Ato-]'eveùç
BouXaxpàTtiç £o(rrpe(Tou
rûôwv At(o)Yeve6<
Ao(taY^P*î AapLflY'^tou
IStxoTKïÂïjç 'AY^JffâvSpou
'Ayaôi'tp'Toî Auptébic
'AptcTovfSaç 'AXsÇeixôj^ou
M£Y«<iw KpiToëoùXou
Nîxûjv TeXéuwvoç
xaX 'ïepsîç 'AOavSç IloXtâSoç Aïoç lIoX(i<i>ç
'A^'J't'tpâ'";? 'ApistoxpaTEÙî
' AtîoXXwvoç IluSt'ou
'AptgTo(ia^oç 'AptffTOjiajft'Sa
'AtcoXXciJvoç Kapvetou
GeûijTuitoç 'Ap](ioà{jiotj
IIoTetSavôç RupijTet'ou
TeXeitaç RaXXiaOeveùî
'HpaxXsùç . . xpt'.ic TtfiaxpaTeùç
*A<ppoo(Taî MevExXîjç 'AptutEtSa
'A-j-oiveOéTaî
'AX&Çi'iiayo; eijpaîSa
saovGoOt^lc
CJMIR03 ■ 40!t'
Timocrate fils de Timothée, démiurge,
et les Sacrificateurs;
(suicent Ifis noms)
et les prêtres de Minerve Poliade et de Jupiter Poliéus;
Agésicrate, fils d'Aristocrates,
Prêtre d'Apollon Pjthieu;
Aristo Iliaque, û 's d'Aristomaque,
Prêtre d'Apollon Caméen ;
Theuippe, fils d'Archidanie,
Prétie de Neptune Curéléen ;
(.V..V)
Le Président des Jeux
Aiexiniaque Théraée :
AUX DIEUX
Ce marbre a peut-être été trarsporlé en dehors d'un é-
difice peu iuiportant , à en juger parles fondements qui
8ub.--i8ient encore tk. côté de l'issue inférieure de l'aqueduc,
et qui communiquait par des degrés encore visibles , avec
le réservoir supposé ; car à l'endroit où il gisait, i! n'y a
aucune trace de construction .
Vuilà tout ce qui a été retrouvé dé la ville habitée au-
trefois p:ir une population nombreuse ; cnr la nécropole est
tiès étendue dans la direction de l'Est à l'Ouest .
Les habitants paraissent s'être tout d'abord servis, pour
la sépulture de leurs mort.-! , des fianes mémos de la coUine
de l'acroi.oie, et eii:-uit«.- du monticule situé au Sud 'ie cel-
le-ci , connu sou^ le nom >le : Ton Pan'i l Imir^-.-i. so[i:ito d<- l;i
Colline principale p,ir une gi.-rye 'i" ■! '.: :.:'■ Vi'i-.-^ l'I!.-! . C'csl.
par cette gorge que (ie>iei!.;.'.iï !,i \ol': s:irri'.> . Ai; Hiid ,
une étroite langue de teiie ru-lic Toit l'a^hi i loures au
saovGoOt^lc
404 ■ ARCHÈOLOaiB
plateau de Cazvirî , centre de la nécropole ; nous y arona
vu récemmeut un autel tumulaire entouré de tombeaux, et
portaut rinpcriptinn suivante:
TÛNKATATONCEIÎMONTEAEYTAÏANTÛN
jTôv xa'.à Tôv (T£i5(ièv TeÂeuTaoâvTwve.
{A la mémoire des victimes du tremblement de terre) .
Cette iDScription se rencontre trop fréquemment dans l'Ile,
et surtout dans le voisinage de la ville de Rhodes, pour
ne pas attester une fois de plus les grands désastres dont
nous, avons parlé .
Le plateau de Kehrahy, à l'Est de Camiros, obtint ensui-
te la préférence ; mais l'époque de transition non seulement
reprit le terrain de Cazviri ; elle occupa encore celui de
Fikellowra plus à l'Ouest. Sur ce dernier point, l'époque
Hellénique trouva encore assez de place pour y enterrer
ses morts , puis fut forcée de s'étendre un peu partout au
delà des anciennes limites, témoin le fameux vase de
Thétis , aujourd'hui la propriété du Musée Britannique,
trouvé entre Kehrahj et le village actuel de Calavarda , à
une assez grande diï^tance de la nécropole proprement
dita.
Cependant, d'après les directeurs des fouilles, le tombeau
dont on l'exhuma ainsi que d'autres groupes de sépultures
isolées auraient été spécialement destinés à certaines fa-
milles , et pour ce motif enclavés peut-être dans leurs pro-
priétés particulières , ou concédés par la ville sur la voie
sacrée .
La nécropoîe de CamiroS étant (ieflfe'^ui ti'été le mieux
étudiée peiidfint plusieurs dniiéés consécutives par Mrs .
A . Biliotti' et A . Salzmaun , nous l'avons choisie pour
saovGoOt^lc
CAMIBOS 405-
déterminer les différentes conefructione tumulairea usitées
par les anciens habitantâ de l'Ile ; car à peu d'exceptions
près, elles sont les mêmes dans les nécropoles de Lindos et
de lalyssos .
Les tombeaux , serrés ici dans un étroit espace , ailleurs
aSFez éloignés les uns dt?s autres, démontrent que Ton ne
s'astreignait pas à un système régulier d'inhumation ;
deux choses expliquent ce désordre apparent : c'est d'une
part la qualité du sol qui ne se prétait pas également favo-
rable aux excarations, et d'autre part une prédilection reli--
gieuse attachée à certains eudroila . Pour l'un ou pour
l'autre de ces motifs . une partie de la colline de Kehrahy
a fourni un aliment inépuisé peudaat cinq années consé-
cutives de recherches , tandis qu'en d'autres endroits de
cette même colline , l'insuccès des travaux allait produire
un découragement absolu, loi-squ'un heureux hasard fit
découvrir le riche tombeau où était renfermé le vase de
Tbétis, et dans un périmètre atsez restreint plusieurs au-
tres.
Du plan de la nécropole nous passons à la description
des différentes formes affectées aux tombeaux proprement
dits et aux chambres sépulcrales; le roc , ou pour mieux
dire l'argile calcaire durcie au point de former une espèce
de rocher , en fournit toujours la matière ; car le terrain ,
. d'une éclatante blancbeu r , justifie depuis le ravin 0. jus-
qu'à celui qui sépare le teiritoire de Calavarda de celui de
Fanés, l'épitliète àpyi^'ÔEi; donnée par l'immortel Homère
à tout le pays Gamiréen ; si juste d'ailleurs, qu'elle ne per-
mettait pas à M- Guérin de placer Camiros dans la plaine
de Langoaia , comme nous le verrons plus loin .
:q,t7edi>G00t^lc
406 lECHÉOLOGIE
I/es tombeaux voûtés
repiésentés dans la figure
ci-cotitre, mesuraient en
moyenne l'"20 de large,
6iir In'SO de haut, et 2»
15 de long . L'entrée en
était fermée avec des pier-
res carréfS non cimentées.
'^^^^' Ils pataissent avoir géné-
ralement servi à des personnes peu aisées , car on n'y a
trouvé que des vases très-ordinaires .
Ceux-ci sont de simples
tranchées longitudinales de
même dimension que les exca-
vations précédentes , et creu-
sées à In-SO de profondeur to-
tale ; uoe saillie des parois re-
tenait it uneTiauteor convena-
ble une large dalle qui fermait
FignreS. _ le tombeau.
Pour plus de solidité , un chaperon
a remplacé cette dalle (Fig. 3) ; et de
cette transformation est né un autm
Jigui'e 'â .
:q,t7edi>G00t^lc
CAMIBOS 40y
progrès : les cadavres ont été enseve-
lis dans des sarcophages enterre cui-
te (Fig. 4).
Pigiire 4 .
La figure 5 est le
modèle d'une sépulture
plus simple ; la roche
est évidée horizonfale-
meiit , quelque fois en
l-ijriireS. cul de four , et fermée
généialeiiieiit du côté des pieds pai une dalle venit-ale .
On ae>t contenté aussi d'ouvrir
sur une face de rocher des petites
niches rectaiigulaiies dans lesquelles
ou cufeimait des urnes conteuant les
ossements calcinés et les cendres qui
rebtaient après la ciuéiation.
La figure 7 difîèie de la précéden-
te en ce que le tomheau est creusé
Fi^rcl^G . \eitica!ement dans la teire argileuse
ou dans la roche, à une profon-
deur suflBaante pour loger des ur-
nes du genre, appelé lliOoç dans
lesquelles on a trouvé des osse-
ments d'enfanta ou d'adolescents .
On rencontre aussi souvent
des urnes semblables dans les
Figure 7.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
403 AKCHÉOLOalB
puits qui collJui^ent aux chambres pépulcralis, f-ccoud mo-
de de sépulture . Leurs diineiisli -us Tarieni selun le nombre
de Cîidavies(]u'ellesdi-vaiciii recevoir ; mais ceiles destinées
à nn .■■eu! moit , mesurent en moyenue In^BO t-nr 2'"30 .
Le pnlta ù'ouvei'tuiee^t ordinairement un caviéiong, d'une
proi'oudeur mininmni de l^'iO, et maximum de l'"50; au
fond est l'entrée de la chambre, fermée par des pierres non
cimentées . Le plafond légèrement voûté, est presque tou-
joui-s effondré ; mais les parois et le pavé , quoique ob-
strues par des débiis du toute nature , bont bieu conser-
vés .
Parfois le puits est
remplacé par un bo-
yeau en pente fermé é-
galement à son extié-
mité par des pienos é-
quari'ies mais non ci-
j,,;g^^8. nientées. Les di!^posi-
tions intérieures des chambres sépulcrales peuvent être ra-
ni enées à quatre modèles :
Le pavé est parfaitement uni
sur toute la surface , dont le ca-
davre occupait le milieu , la tête
ayant été introduite la première .
saovGoot^lc
409
IHguwlO.
Ici un pavé de la largeur dn
corps humain forme banquette au
fond de la chambre transverEale.
ment à l'entrée .
Quand la chambre est destinée
à recevoir deux ou trois cadavres.
^"^ alors les lits funèbres sont dispo-
sés comme on le voit dans let
Fig. Iletl2.
saovGoOt^lc
CAMIEOS 410
Enfin la construction la
plus remarquable est celle
I t]iie reproduit la Fig. 13 .
Des assises caillantes de bas
en liauf, déterminent une se-
ction pyramidale fermée aa
fond par un mur plan ma-
çonné en pierres da même
Fi<jure [;i . appareil . L'art a donc enfin
triomphé de la coutnme . En effet ce n'est plus par un
puits on par un boyeau q;ie l'on descend dans cette cham-
bre sépulcrale, mais par un escalier maçonné dont le degré
inféiieur s'arrête devant une muraille où se des6ine l'ou-
verture fermée par des pierres appareillées . Nous pouvons
désormais donner aux sépultures le nom de monuments .
Le mieux conservé qu'on ait rencontré, se composait d'une
salle et de deux petites chambres disposées sur le même
côté; au fond delà salle , étaient creusés deux simples
fouis h, cercueil; sous le pavé, au centre , étaient cachés
deux tombeaux dans le sol.
La nécropole de Oimiros n'a fourni à la numismatique
rien aiitie i|ut' 17 nicd.iilles rhodieunes en' cuivre, trouTées
dans ci'lte dernière chiinibre .
Chdse étragc ! Les tombeau xles plus simples de cons-
truction et qui devraient être attribués à une époque plus
ancienne , rtti ferment cependant toujours les types les plus
modernes de la céramique; les jrfus archaïques appartien-
nent aux chambres sépulcrales ; il semblerait que ce pro-
g-k> imUistrlel aurait endormi le progrès arcbitettural , et
que le luxe fiuièbre aurait passé de la construction, du
saovGoOt^lc
CAMIROS 411
tumbeau à son ameublement . Il est difficile de dire d'une
manière générale qutUe était la disposition primïtiTe des
Tases dans lea différenre tombeaux ; car à on les trouve
souvent rangés symétriquement autour du corps , ils sont
parfois amoncilés au centre ou dans un des coins dans )e
plus grand désordre .
A une demi- heure environ au Sud de Camiros.dans la
lucalité nppelée 5W/a(^7f]a , Mis. Biliotti et Salzmann ont
rencontré dans des chambres sépulcrales des objets sem-
bhtbli s à ceux de lalyssos , et que l'on attribue eeloa tonte
prob:ibil!té au XV"" t^iècle av. J. C. ; ceux que l'on trouva
îi Camiros même appartiennent à une époque un peu moins
reculée .
Faut-il en conclure que U fondation de lalyssos est an-
térieure à Celle de Camiros, ou bien que les Caniiréens ve-
naient euterier leurs nioits à une pareille distance? Mais
tous les ancien» auti-urs , bien que divergeant sur le nom
du fondateur des trois villes de Lindos, lalyssos et Cami-
ros , les uns adojitaat les trois fils de Cercaphus, les autres
Tlypolèine , sont d'accord sur la question de leur fondation
simultanée . Nous avons contre la seconde hypothèse le fait
que dans toutes les cités antiques la nécropole entourait
immédiatement la ville ; Camiros , dans ce cas , aurait fait
exception , et les atiteurs sérieux , Strabon par exemple ,
n'auraient pas manqué de mentionner cette particularité .
L'opinion de M. A. Biliotti , justifiée d'ailleurs par le peu
d'exîension de la nécropole de Selladhia , nous paraît plus
acceptable: la colonie qui suivit Camyre, se eerait arrêtée
d'i:bord h. Selladhia ; plus tard , obéissant aux besoins de la
iiavig:'.tiun et du commerce, elle se rapprccha de la mer et
sâovGoot^lc
412 AUTHÈOLOGIB
de fixa définitivement sur remplacement qui nous est
connu sous le nom de Cainirus . Dans tous les cas les co-
lons ue demeurèrent [las assez longtemps à tielladliia pour
y ériger des monuments ; car ou en aurait l'etrouvé les
traces .
saovGoOt^lc
CHAPITRE V.
CRITINIA-
Nous avons dit en parlant d'AJthcraène , qu'il fut le
fondateur dune ville à laquelle il dunua le nom de Crité-
nia ou plulot Critinia , en souvenir de sa patrie .
On a cru luugtemps que cette ville n'était autre choBe
qu'un faubourg de-Camiros, et cela parce que Diodore,
dans le paFSage qu'il consacre à Âlthcmène, mentionne
Camiros sans faire la moindre allusion à Critinia. M. Gué-
ïin qui a passé sur les ruiues de cette ville , a reconnu cel-
les de Camiros . C'est une double erreur que les fouilles de
M. A. Bjliotti permettent de rectifier aujourd'hui d'une
manière incontestable. L'emplacement de ces deux villes,
bien distinctes l'une de l'autre, quoique voisines, peut
maintenant être déterminé très précisément , et Diodore
mérite le reproche de n'avoir pas été plus explicite.
La vflrsien d'Etienne de Byzance , qui , après ApoUodorel
saovGoot^lc
414 ARCHÉOLOGIE
fait mention de Critinia , est bien plus claire et correcte :
K KfïjTnjvc'a Toiroc *P(i5ou, h w ôixouv oE Tcspl 'AXOajjLËVijv
. . . Eîoi Ss ÛTTÊp oÙT^v Tà'ÂTàêûpia ^p'/].]l
Critinia était doue située nu pied d<* l'Atabyros ; et cela
se comprend ais»?ment : Altbemène ayant , selon toute pro-
babililé , abordé dans 1^ crique de Cop-ia , la seule qui of-
fre un abri naturel Pur la côte Ouest de l'Ile, dut suivre
la viillée de Langonia ; car le sommet de la montagne n'est
accessible que par cette route . Quand il eut construit sur
ce sommet le fameux temple de Jupiter, son culte pour le
souverain dL-s dieux le retint uiturellement dans le voisi-
iiai^e , et aussi l'aiiiour et le re:2;vet de Crèle sa patrie ; de
lii en effet il pouvait . jmr un temps clair , contempler le
mont Ida . Mais comme il résulte des témoignages d'Âpol-
lodore et d'Éùeime de Byzance que la ville était proche de
la mer, c'était entre l'Atabyros et le rivage qu'il fallait
cherdier les vestiges de Critinia .
Pénétré de cette idée, JI . A . Biliotti inspecta minutieu-
sement le terrain aux environs du village de Castellos;il
lit d'abord des ruines du Moyen-Age. ; mais un examen
j'iiis approfondi lui fit découvrir des vestiges plus anciens.
IVrMiadé qu'il avait enfin trouvé l'emplacement de la vil-
le , il fit des fuui!le.< , qui , non seulement justifièrent plei-"
lienu>nt ton oiiinioii , mais qui prouvèrent en outre que
Critinia n'était pas moins importante que Caniiros .
La tradition du parricide involontaire d'Althemène est
traduite sur le rivage par un monument aussi durable que
la falaise <jui aurait servi de scène à la lutte du père et du
fils . Deux niclifS mesurant 4 mètres de large sur 5 de
haut , y sont creusées au ciseau ; l'une aurait contenu la
saovGoOt^lc
CEITIN'TA 415
dépouille mortelle de Catrée, et l'autre celle d'Âlthemfene ;
quelques degrés conduisent à une troisième niofae , mais
disposée de telle manière , qu'on reconnaît qu'elle était
destinée à contenir uue statue de petite dimension . Ce
monument . haut de 4™ et large de 5 , est embrassé eoub
l'entablement d'un fronton que des moulures d'un travail
délicat continuent de manière à encadrer l'ensemble .
M. Ross ne reconnaît pas ici le béroon d'Âlthemène ;
mais il incline à voir le Thoantion dont parle Strabou . *
** Pour moi , dit M. Guérin, j'ose être d'un avis différent ";
et il a i&ison ; car le te:!te du savant géographe ne permet
pas cette erreur dans laquelle était fatalement entraiiié le
voyageur allemand par sa méprise sur remplaccmcut de
Camiros , qu'il rejette au S-0 . de l'Atabyros .
Avant de suivre plus loin son contradicteur, nous nous .
arrêterons plus longtemps que lui sur ce promontoire de
Langonia , comme on l'appelle communément ; Anccni ,
si ou vent le faire dénver du mot grec signifiant coude . Le
passage est dilEcile . il est vrai , à travers les genévriers
dont les racines entrelacées étreignent le rocher sous un
impénétrable réseau .
On découvre néanmoins une nécropole , réservée peut-
être, à l'origine , aux victimes de la lutte fatale qu'une
défense aveugle de la terre de refuge engagea entre le pè-
re et le fils , et sans doute entre d'autres parents .
Cependant il est facile de reconnaître au S . des vestiges
de l'époque moderne ; nous nous limiterons par conséquent .
• Liv.XIT.C.IL
saovGoOt^lc
416 ABCBÈoLoan
à U partie opposée du promontoire . Ce qui frappe d'abord
les regards , c'est un vaste four à cercueil dont les parois
sont composées de briques minces placées de champ , et
combinées avec art pour former avec le ciment une masse
ùdestructible . Dans l'enceinte est un marbre finement
proBlé en moulures doriques . Un peu au N . de celui-ci
fst la chambre sépulcrale à deux compartiments observée
par M . Guérin . Suivons autant que faire se peut la même
direction; devant nous s'ouvre une rangée symétrique de
tombeaux , bordant une large chaussée qui conduit à l'O.
en pente do^ce , et, plus bas , par des degrés jusiqu'au pied
du i-ocher caressé mollement par les vagues .
" Hine atqus hinc vcutœ rupes
laie
Mt^tara tuta silent *
A l'Est de ce rocher s'étend la vaste vallée de Langonia,
occupée autrefois parla ville d'ÂIthemène, Critinia.et
que M. Guérin, pour^ s'être trop attaché au rivage , n'a
pas étudiée comme elle le mérite . Il n'y a pas lieu de
parler d'un quai ^bordant le rivage ni de quelques autres
fondations évidemment modernes . Kous ne nous trompe-
rions peut-être pas en supposant que les remises pour les
barques et les magasins dont les vestiges apparaissent ,
auraient servi aux chevaliers ; car la côte n'offre nulle part
. ailleurs un point d'embarquement plus favorable pour le
transjfert des p^uctions du centre de l'Ile . Mais ces ruines
peu intéressantes ne deraieut pas dispenser d'un examen
saovGoOt^lc
CRITINtA " 417
plus approfondi de cette coutrée . L'auteur de VEtude »ur
l'Ile de Blwdes s'èu tire a trop bon marclié , lorsqu" après ar-
voifCombaCtu à raison l'opinion de M . Hues, il affirme que
"la puBÏtioD d'Anconi fi'acuorde très bit'n avec les indica-
tions de Strabon ", relativenieut à la Tille de Caniiros ; et
qu'il ajoiïte " s! l'on oe retrouve en ce lieu d'autres restt'S
lielléuiqaes que les monuments tuniulaires dont j'ai parlé,
il ne faut pas b'eii étonner, quand on songe que des villes
beaucoup pliis considérables que Camîros n'ont Liisaé d'el-
les mêmea aucune trace reconiiaissable". Pour confinper
son interpréiatiou du texte de Stnibon ^il eu appi-Ueà l'é-
pitbèle d'Homère. Suffit-il. vraiment de la couleur blan-
cliâtre d'un rocher perdu à l'extrémité de la vallée dont
il semble à peine faire partie , pour comprendre l'impres-
fciou produite sur l'imagiDiition du poète î " Le terrain est
généi'ulemeiit argileux", on ne saurait le nier; mais il est
f;jrmé d'alluvious desceudues du montagnes ferrugineuses,
ayant entraîné même des roches similaires " qui apparais-
seut ça et là à la surface du sol "; il ne peut donc pas avoir
, tt n'a [las eu effet la bbinuheur déterminée par l'expres-
> sioa : àp-^tvJgvTa Kâ[XE(pov caractère relevé par Strabon .
'.' Néaumoiiis il y avait en cet endroit plus que le liéroon
consacré \ Althetnène , et que M . lîoas appelle "des débris
trop mesquins" pour être regardés comme étant ceux de
Camiros.M. Guérïn a embrassé l'opiuion contraire; or
l'un et l'autre out mal compris le texte de Strabon, que nous
.allons donner et traduire de manière h ne pas le dénaturer,
. comme le premier , et à ne pas y trouver une inexactitu-
de surprenante , comme le second .
a MsTà Se At'vSov 'IÇt'a ^upiov xal Mva(rjptov* Et0"6 'A-*
D.qit.zeaOvGoOt^lc
TetSuptç, ipocTûv èvTaDôa utl-ijX^TaTO'*, [spàv Atàç 'Atsêu-
(jfou- etTa Kiifjiïipoç* tWla.Xvaoçttii^-ti,xa\ ûitèp aÙT»]v à-
xp(îiï6A[ç ê(jT(v 'OvupujjiaxŒXouftévT]- etO' ■^ "cûv 'PoStwv iti-
A(ç Iv èySo-^xoMTot Itou tjTafii'oiç. (leta^ù î'èotI tô 6oâv-
Tetov àxT-^ Ttç , ffi {làXtina itpixetvTot aî IiropâBeç «t irepl
T7]v XaXxt'ov, wv i]jtv^o6i][iev ïcpoTepov.»
(Après Liados , Ixia , petit bourg, et Mnasyrion ; puis
l'Atabyi-os, point culminant de l'Ile, ou Jupiter était adoré
sous le nom d'Atabyrien ; ensuite lalyssos , cité protégée
par une acropole nommée Ochyroma ; enfin la ville de
Khodes , à une disLince de 80 stades environ ; dans ce par-
cours, [c'est-à-dire entre lalyssos et Rhodes] est le Tlioan-
tion, sur une pointe de grève d'où l'on voit mieux les Spo-
rades voisines du Halki , dont nous avons parlé aupara-
vant ".)
Il y a lieu de s'étonner que les deux savants auteurs
aient oublié de traduire «n mesure française le Stade greo
qui valiiit ISé^^QS , en aorte que les 80 Stades environ me-
surés par Strabon , équivalent à un peu moins de 15 Kilo-
mètres ; or lelle est bien à peu près la distance qui sépare
lalyssos de Rhodes .
Si donc M . Guérin devait relever l'erreur de M . Kos»
relativement an Thoantion , dont nous repailerona, il n'é-
tait pas logiquement obligé de faire dire à Strabon que
Camiros était dans la plaine de Langonia , à 250 stades au
moins de Rhodes . L'e^rreur de M . Ross , et l'embairas de^
son critique résultent d'un autre contresens obscurément
évité dans la traduction de M . Am. Tardieu., et que uous
«orrigerons expressément en son lieu .
Eloignons-nous donc enfin de ce cercle trop restreint ,
D.qit.zeaOvGoOt^lc
csniKU 419
où l'on ne devait pas trouver taut de difficultés ; les vestiges
trop mesquins" vont l'eniichir . et montrer la ville du Cre-
tois AUbemène .
En suivant le pied des collines , on rencontre bientôt
nn bloc isolé , dont les yeux mesurent les proportions (6"»
75 snr 5*" 25) ; car il semble toujours que ce travail révéle-
ra la destination primitive d'un monument : l'ouvrier a
profilé un retrait offrant une surface limitée entre 1™55 et -
l" , et d'une épaisseur de 0"'90 . Le point central est évi-
dé ; d'où nous concluons qu'une statue colossale devait être
enchâssée dans ce piédestal , de manière à braver les trem-
blements de terre .
Au fond de la vallée ra dresse un mamelon rocheux a-
brupte de tous les côtés; à l'Est seulement une pente dou-
ce mène jusqu'au sommet ; ce mamelon appelé Pirghog-tou-
ttavlou , (tour de l'élable) , s'élève à OO*" d'altitude et forme
à peu près un cône tronqué , dont la base supérieure a
137"" de périmètre . Au Nord , sur le bord du ravin , 17
assises en appareil polygonal , soutiennent une portion de
plat«-forme ; du côté de l'Est, se trouvent les traces d'as-
sises en pien-es carrées , renforcées par un mur extérieur ;
elles supportaient probablement la môme plate- forme con-
tinuée sur ce versant . Tout à côté, et à demi enfoncée sous
terre , est une table de marbre grossier , portant ciselé en
gros caractères le mot
«0*PO?YNH«
Sur une autre qui a toute l'apparence d'un fragment de
linteau , on lit :
APIAAAOC
Ces lettres ont cinq centimètres de hauteur ; leur forme
saovGoot^lc
420 ARCHfeOLOOIE
ne correspond point au style de la construction , qui est
ceitaitiement d'une époque très reculée . Ces inscriptions
posténeurt'8, prouvent dyne que cet endroit était encore
Labité longtemps nprès la fondation de la ville de Kbodes .
Pour donner accès sur la plate-forme , une porte est
taillée dans la roche maasive que l'on rencontre a gauche ;
c'est une ouverture rectangulaire du 3"" 05 de hauteur; à
la suite , est une niclie destinée à recevoir une statue . La
plate-forme est un parallélogramme dont la superficie est
de 3(12", se développant à la droite de cette entrée , qui n'
est probablement pas la feule. Là oii le ror est à fleur de
terre , il laisse voir des tranchées profondes ouvertes sur
un plan régulier; il y avait doue là certainement un tem.-
pie . A quelques pas au di'ssus de la plate-forme , on voit
les parois d'un large bassin circulaire dont une partie a
roulé jusqu'au fond de la vallée ; un peu plus loin , est un
autre bassin de même forme , mais de moindre capacité.
Ouverts par (e haut , ils étaient sans doute destinés à rece-
voir les eaux pluviak-a nécessaires aux eéiémonies du culte.
Althemène ayant été mis au rang des dii'ux , il est per-
mis de conjecturer que le temple était dédié au héros et
que le piédestal dont nous aTons précédemment parlé, por-
tait sa statue .
Les flancs des collines à'Àghios Phocas , Fôtronia , Tripito,
Asphodilii et Vlalwnes , qui constituent les environs de Cas-
tellos ,aont couverts de tombeaux de différents styles et
dont quelques uns sont des isodomons remarquables . Les
poteiies qui en furent retirées , datent de plusieurs épo-
ques et ressemblent à celles de Camiros.
Les ruines de la forteresse des Chevaliers , qui a donné
saovGoot^lc
CRÎTlSlk 421
son nom au village de CastelloB {Casteîlo), apperent depuia
longtemps notre attention ; elles s'élèvent au S-0. de Lan-
gonia , au delà du torreat dont rembouchure est entre les
rochers de Co[nia ; iuaccoe&ible du cô;^é de la mer , il faut
pour y arriver gravir une pente rocheuse couverte , il y a
peu d'mmces, d'un bouquet du pins , que le feu a dé\ orés
pour livrer à la chan-ue les quelques lauibenux de terre
anétce dans les accidents de la pierre .
Dans son ensemble , le chàleau-fort est un quadiilai^re
faisant face au N-0, à la mer . De ce raè;ne côté il est flan-
qué de deux tours rondes : mr la murnil'e de l'Est, son les
armuirit-s d'Éaierj d'Amboite associées à celles de Fabri-
ce Carrctto :
Les dernières te retrouvent seules sur le mur p!an qui
con|:e l'angle de jonclîou des uiurs E. et S - Citte section
était nécessaire paur ne pas rendre inutiles les meurtrières
d'une des trois faces de la tour prismatique qui défeud du
côté de la terre l'accès de la furleies.'e, et dout une qua-
trième face se dévtloppe eu ligne directe paraSélemeat
D.qit.zeaOvGoOt^lc
422 AKCSÈOLOQIE
.au mur interne , portant les armes de l'Ordre , et se replie
ensuite perpondicuLiîreinent sur ce mur. Dans ce retrait
est appuyé un escalier ; les preuiières marcbes ont disparu ,
* "Un palier rendait facile l'entrée par une porte étroite , à
plein cintre ^nyant à sa gauche une tour cnrrée , dont le
plan fait saillie au S-S-0. . Uue terras-se s'étend à droite
jusqu'à U tour prism itique. Intérieurement des degrés tail-
lés dans l'épaisseur de la muraille, conduisent à une gale-
rie courant le long de meuftrières jusqu'à la tour carrée,
d'où l'on descend vers la mer par un large escalier tour-
paut jusqu'à un étage inféneur.
J>îi moindre voile blanchissant à l'horizon , ne pouvait
de cet observatoire éehapppi- aux regards vigilants des sen-
tinelles ; et la défense était doublée par la diaporition eu
partie haute et en partie basse de la foi-teresse . L'escalier
que nous avons suivi, se divise en deux branches qui se re-
plient l'une vers l'autre , ne laissant entre elles qu'un pas-
sage étroit, vers une salle souterraine obstruée de brous-
sailles épaisses tamisant à peiue un peu de lumière . Nous
croyons que là devait être une fontaine par où découlait
l'eau qu'un canal dont les repères sont visibles dans la val-
lée .amenait des montagnes eiiviroanantes . La branche de
saovGoOt^lc
CMTINIA 42S '
gauche se termine à la tour ronde (S-0. ), d'où paît la ga-
lerie du doDJOD , jusqu'à l'autre tour (N) parbigée encore
aujourd'hui en ptuùeurs étages par des voûtes Bolides . Ou
deaceud dans la cour à l'aide des ruines amoncelées .
Le quadrilatère était partagé en deux pai-tiee distinctes
du S. au N ; la partie Ouest , couverte par les habitations ,
la partie E. déolive en pente assez raide ; celle-ci forme
une cour à ciel ouvert . Mais sur toute la longueur dea
murailles , sortent des poutres de cyprès , chargées autre-
foia probablement de madriers qui formaient un chemin
de défense partout oîi l'absence de construction interne ue
fournissait pas une terrasse .
A l'extrémité N. de cette cour, ou remonte par le méan-
dre de l'escalier dont nous avons suivi les sinuosités de
l'Ouest ; une magnifique citerne voûtée existe encore , re-
tenant sans doute assez d'humidité pour donner une végé-
tation luxuriante à des ronces et à des broussailles qui in-
terceptent le passage .
De grands arbres out-il couvert ces ruines d'une ombre
funèbre ? M . Guérin le dit ; c'était donc vrai de son temps ;
mais aujourd'hui on n'en voit aucune trace ; et à part les
lieux oii l'humidité peut conserver quelque végétation ,
ces restes des guerres et du temps sont entièrenietit dénu-
dés ; le soleil ; darde ses rayons , et Bur la piene blanchie,
mille lézards viennent nochalamment se réchauffer à aa
chaleur vivifiante .
saovGoOt^lc
CHAPITRE VI.
IXIA-
Aprèa Lîndoa, vient Ixia petit bourg , dit Strabon ; É-
tienoe de Bjzaoce fait aussi mention de cette localité, mais
il donne au même nom la désinence du pluriel , ce qui fait
présumer qu'elle possédait une acropole ; enfin il parle aus-
si du port d'Ixos , d'où la dérivation Ixia ; or il ne s'en
trouve pas d'autre sur cette partie de la côte que celui qu'à
observé M. Guérin ; il signale avec raison les restes d'une
jetée qui brisait les vaguea déferlant du Sud .
C'est donc à peu de distance de Lindos, sur la côte E. de
l'Ile , et au bord de la mer, qu'il faut chercher les traces
d'Iiia , là probablement où notre carte , d'après celle de
l'Amirauté Anglaise , marque son emplacement . En effet
au S. de Lahania , on voit des ruines assez étendues pour
dénoncer une bourgade de quelque importance ." 11 est
saovGoot^lc
TXtk 43&
donc incontestable que nous sommes sur l'emplacement
d'une Tille antique", dît le même auteur. Uais comms
nous sommes ramenés dans la vallée arrosée par le Plivn-
myrios.Potamos, noas croyons pouvoir conjecturer que la
ville d'Ixia a été construite sur les mines de Kjrvi . Le
seul monument digne d'intérêt, qu'on connaisse Aujourd'hui,
est dans te monastère de Zoodhokos-Pighi . La chapelle a
succédé " à un temple antique dont les fondement , con-
sistant en belles et larges pierres , se distinguent encore en
plusieurs endroits à fleur de tevre . En pénétrant sous le
vestibule de cette chapelle , on remarque quatre^lies co-
lonnes de marbre blanc , dont tes fûts , d'une seule pièce
et assez profondément enfoncés dans le sol , sont très pro-
bablement antiques ; les chapiteaux, imitant le corinthien,
paraissent ne dater que de l'époque byzantine Dans
l'intérieur de la chapelle , on a fait servir au soutien de la
coupole deux autres colonnes de marbre du même style et
de la même date ". • Cette chapelle a peut-être remplacé
le temple d'Âpullon surnommé Izien . Dans le vestibule
est une citerne , ou mieux le bassin d'une source appelée
Eagiavma , c'est-à-dire purification , et dont l'eau , prise a-
vec une crédulité religieuse qui fait surgir le miracle delà
puissance de la nature plutôt que de la Providence , a la
réputation de guérir toutes les maladies .
Quelques tombeaux ont été récemment découverts dans
cette localité ; on n'en a retiré que des spécimens de pote-
ries très intéressants par leur haute antiquité , mais rien
• Goerin . Etada lur l'Il* de Bhodes .
saovGoOt^lc
426 AECnÈOLOGIl
qui put nous éclairer sur Kyrvi ; car cette ville aTait péri
avaut l'arrivée des Pliénicieus.
saovGoot^lc
CHAPITRE vit
ASTYRA-
Nous ne ' pouvons pns assurer d'une manière positÏTe
qu'une ville de ce nom ait existé sur l'Ile de Rhodes; car
aucun auteur ancien n'en parle . Si nous le faisons figurer
ici c'est parce que la monnaie dont nous reproduisons l'em-
preinte , a été trouvée au milieu de quelques ruines sur le
plateau qui se trouve à la droite de la route entre Archan-
gélos et Malona , en face de la fontaine . A part cette cir-
const.ance , rien n'établit qu'Âstyra fut une ville Ehodien-
ne; mais on en peut conjecturer que des Phéniciens sont
venus d'Astyra de Phénicie en cet endroit , et y ont appor-
té le culte de Diane- Astyris .
saovGoOt^lc
CHAPITRE VIII.
NETTIA-
L'emplacement de ce bourg, son existence même sur
l'Ile sont assez conti'stabU'S . M . C . T . Newton parle il est
vrai d'une inBcripiion contenant un décret des habitants
de Nettia , qu'il a découverte pai-mi les ruines d'une an-
cienne chapelle nommée Aghia Inni , à un quart d'heure
d'ApoUiikia ; mais il déclare qu'il n'a pu retrouver aucuue
autre trace d'anciens vertiges dans le voisinage.
Il appartient donc aux explorations archéologiques de
définir cette question tout au&si bien que celle d'Autyra .
saovGoOt^lc
CHAFITRITIL
L'ATABYROS ET SES TEMPLES
Au N>E. de Sianna, quand on a gravi l'un des premiers
contre-forts de l'imposante masse de l'Atabyros^on voit sur
le territoire dMjros des ruines helléniques d'un Etyle qui
accuse déjà les progrès de l'art . Mais c'est sur le pio le
plus élevé, à une altitude de 1240 mètres au dessus du ni-
veau de la mer , que l'intérêt paye abondamment les fati-
gues de l'ascension ; là en effet est le temple célèbre qu*
Althemène avait élevé à Jupiter Atabjrien :
c*Eicl S'Ôpouc 'ATaStipou iitàç Eepàv UûsaTO .1*
Yoici en quels teinjes M . Guérin résume avec la plu^
grande précision les descriptions de Hamilton et de Itoss ,
auxquelles il ajoute se propres observations , dont nous ne
• Diodora,!. ZIV; & II.
saovGoOt^lc
430 ARCfiiOLOGIE
pouTons que confirmer l'exactitude :
Ces ruines "consistent en un grand péribole ou enceinte
sacrée d'environ 40 mètres de long sur 35 de large . Ce pé-
ribole enfermait une cella {le naos proprement dit), longue
de 14 mètres et large de 11 . Ces deux enceintes ont été
construites avec de gros blocs , les nos équarris et rectan-
gulaires, les autres polygonaux et à moitié bruts . Ces blocs
sont calcaires et grisâtres , et ils ont été tirés , comme on
le pense bien, de la montagne même. Ceux du péribole
sont plus considérables que ceux de la ctUa : le mur qu'ils
formaient avait une épaisî-eur de deux mètres ; les assises
iuférieures en sont encoi-e debout sur certains points, mais
dans d'autres il est entièrement reuvei'sé , et on ne vuit
plus qu'un assi'mljlage confus de blocs brisés et dépla-
cés.
Devant la cella, dont les murs également détruits avaient
été bâtis avec dfS matériaux d'un appareil un peu moins
puissant, on remarque une grande pierre carrée , creusée
intérieurempnt en foi me de bassiu et qui servait peut-êtie
aux sacrifices.
Si l'on pénètre dans l'intériour de la cella , on aperçoit
une troisième enceinte , mais beaucoup plus moderne et
conuue sous le nom de chapelle de saint Jean. La longueur
en est de 8 mètres et la largeur de 3; elle est à ciel ouvert,
comme ^l'était probiiblement jadis la cella tout entière et
délimitée par un petit mur qui a été construit grossière-
ment avec les matériaux trouvés sur place : l'entrée en est
tournée vers l'O. ; la porte droite et rectangulaire consiste
eu un grand bloc borizontal reposant comme un linteau
sur dauirus blocs parallèlus . L'haglou ou sauctuaii-e- est
saovGoot^lc
l'atabtbos 431
demi- circulaire : la 4able saiftte est tout eîmplenient une
large pierre carrée établie avir un amas de matémux qui
lui servent de base et de support . Aucun ciment ne relie
entre elles les nseifes de cette iroiaème enceiute, et au pre-
mier abord elle paraît , pour la construction , contemporai-
ne des deux autres pluS c.eudiies dans lesquelles elle est
comprise ; mais , en l'examinant , on reconnaît aussitôt la
disposition d'un sanctuaire cbrétien, et en vertu d'une tra-
dition perpétuée d'âge en âge , cet endroit , comme je l'ai
déjà dit , est appelé par les habitants chapelle de Saint-
Jean . Il est donc à croire que, dans les premiers siècles
du tliristiani^me ,à une époque qu'il m'est impossible de
déterminer , faute de documents , le temple antique de Ju-
piter Atabyrios aura été consacré au saint Évangéliste
dont l'aigle, par un rapproclienient curieux , est également
l'oiïeau symbolique ".
" Je n'ai trouvé aucun débiis de colonnes au milieu de
ces ruines ; ce qui me fait supposer avic M . Ross que le
temple antique n'eu avait point ; il me paraît eu outre avoir
élé complètement liypètlire, l'est-^-diie sans toit ".
" Autour de la graude enceinte sacrée que j'ai décrite
on distingue les vestiges de plusieurs autres petites encein-
tes, construites el'es aut^si avec diS matéri;iux d'un puih-
sant appareil et qui paraissent coutem^^oraines du temple .
Elles servaient probablement de demeures aux prêtres qui
étaieut attachés au culte de Jupiter".
Ce qui précède prouve que la version de Dîodore , par-
lant d'un temple , est plus précise que celle d'ApoUodore
qui ne parle que d'un simple autel .
Nous ajouterons que les excavations faites parmi ces
D.qit.zeaOvGoOt^lc
432 ARCHÊOLOaiE
ruines n'ont mis au jour aucun objet d'art d'une grande
valeur arcliéologique . Il eu a été de même pour celles pra-
tiquées parmi les ruines assez importantes que l'on voit à
une centaine de pas plus bas , ruines que Rose pense êtie
celles d'un temple dédié à Minerve.
On sait que le temple de Jupiter possédait des taureaux
d'airain , qui , prétendait-on .mugissaient chaque fois que
l'Ile était menacée d'un malheur. Bochart met en doute
l'existence même des taureaux, et Dapper après lui, expli-
quant la tradition eiTOnée par la double signification du
tenue phénicien Ahif-Menachcs , devin et taureau . Mais
depuis leur pissage, et même api-ès celui de M. Guérin ,
qui n'infirme pas leur int» rpiétation , on a trouvé en re-
muant les décombres, plusieurs petits taureaux de bron-
ze'; ceci nous porte à croire que la tradition est fondée sur
Un fait réel; pour inspirer une plus grande terreur,
les prêtres pouvaient donner à leurç présages de malheur
l'éclat de mugissements , en les faisant passer par le corps
des génisses, et le peuple effrayé offrait, pour les conjurer,
ces petits taureaux en sacrifice . Cette supposition , ainsi
appuyée, sauve contre une linguistique épilogueuee cette
légende que les textes apportés par M . Guérin rendaient
assez respectable déjà; nous les lui empruntons, afin de
faire valoir sa profonde érudition . Le premier de ces tex-
tes est d'un tcholitiste ccmmentant la V1I""'01. coutacrco
à la victoire de DiBgoriis ;
TOltÔv T[ -j-évinâat, (iUXÛVTflt s.
(11 y a dans ce temple des génisses d'airain qui annon-
cent les sinistres par leurs mu^issemeuts) .
saovGoot^lc
l'atadteob 433
L'autre est d'nn compilateur du Moyen- Age , Tzetzè?:
« 'PoStov êffTtv 6poç
Tîjv x>.^]!j(v *AT:o66p[ov, yakxctç «pW îy^tùt ë6aç
Aï [iuxi]6|jiôv i|éics(iTuov , j^wpoûoiiç 'PéScj) êXâÊTjÇ .s
(Dans l'Ile de Hhodes est une montagne nommée Ata-
byros , sur laquelle il j avait dee génisses d'airain , qui
mugissaient chaque fois qu'un malheur menaçait £hode&) .
saovGoOt^lc
CHAPITRE X.
RUINES INCONNUES
Il ne nous rester.iit maintenant qu"à parler de l'ancienne
ville de Rliodes , pour compléter notre travail sur les loca-
lités dont on s'est plua ou moins oiiciipé avant nous. Mais
nous laisserions une lacune si nous ne donnions au motus
un rapide aperçu dt^s ruines les plus importantes quoique
sans nom , parmi toutes celles qui sur toute la surface de
rile , frappent les regards les plus distraits .
L'endroit le plus riche , est sans contredit le versant
N-N-0. de l'Aknimity ; les ftr,;héoIogae3 voient s'ouvrir
une longue et intéressante carrière , dans laquelle ils ren<
contreront incontestablement beaucoup de détails remon-
tant à la p!u3 belle époqne HL-Uénique .
Ces ruines occupent une trop grande extension pour
qu'on puisse dire qu'elles appartiennent à une seule ville ;
d^auîre part elles sont trop rapprochées, pour qu'on ppisse-
saovGoOt^lc
BOINCS INCOXMITES 4^5
supposer l'exiitence simultanée d'une ioSuité de boarga-
dea . Dans l'un comme dans L'autre cas , il est regrettable
que l'Histoire nous laisse à L-ur égard , dans une ignoran-
ce absolue .
En attendant que des recherche? ou quelque découveii»
due au hazard , Tienne uous éclairer , contentouB uuus de
parler dp ce qui est TÏsible .
§ I KABIART OU EAMBIKÏ ET HNAfiSTItlON .
Des ruines sont éparses sur une étendue assez considé-
rable ; de hautes broussailles les dérobent aus regards , et
des oonslructions modernes plus apparentes , donnent faci-
lement le change. Pour retrouver les vestiges helléniques,
il f*ut donc tra\er6er dans tous les sens ce fourré presque
inextricable ; faute de l'avoir fait , beaucoup de voyageur
ont passé dans le voisinage sans les apercevoir , et d'autres
n'en ont vu qu'une minime partie . M . Newtou, par e.\em>
pie , dit que Kamiry , qu'il appelle Kamera , est un villnge
moderne ruiné et abandonné ; M . Guérin , qui rap|,e.lo
Camiroa , y a observé un pan de mur composé de blocs en
grand appareil et assez grohsièrement équarrit;, qui i.ont
-évidemment le tra\ail des Hellèues ; les autres débris qu'il
a vus , lui paraissent appartenir pour la pUipart à ube épo-
que moins leculée. Nous verrons plus loin comment il .
Be trompe en supposant que ces ruines sont eellesdeMuas-
syrion , que la carte de l'Amirauté Anglaise place au Cap
Prasonisst , à l'extrémité Sud de l'Ile . Sur quoi s'ebt basé
le Capitaine Sprutt ? Est-ce sur les quelques ruines que
saovGoot^lc
436 ARCHàOLOGIB
l'on voit à une beure de distance au S-0 . d'Ixia ? Mais ces
ruines n'ont aucun nom , tandis que plus au Sud de Kami-
ry, il y a un endroit que les paysans désignent bous le nom
de Menasdry , corruption évidente de Mnassyrion .
Malheureusement les quelques fouilles qu'on y a faites ,
n'ont fourni que des poteries en terre rouge , aticieiines il
est vrai , mais sans valeur intrinsèque , et qui ne peuvent
même pas servir à fixer les idées sur l'époque de la fouda-
tioQ et de la destruction de cette bourgade importante.
§ 2 VA8.SIUCA
II faut marcher assez vite pour franchir en une demi
heure la distance qui sépare Kamiry de Vassilica . Ce nom
a reçu droit de cité dans les langues modui'Qes pour spéci-
fier certains édifices en pamiculier , et n'apprend rien en
apparence sur les ruiuos intéieasantts qu'il localise . Cepen-
dant la mythologie l'explique asst'z claiiement pour que
nous n'hésitions pas à l'ititerpi éter autn meut que ne l'a
fait M . Guérin . Le texte d'Hesycbius qu'il apporte prou-
ve que Mjlas un des Telchiues a bâti des temples pour les
Mylantieus dans le territoire de Carairos ; mais pourquoi
parmi ces itpà , celui qui nous occupe est-il nommé Jlaoc*-.
Aixàî Ce terme n'a désigné les édifices religieux qu'après
l'établissement du Cbribtiani^me qui cotifacra au culte les
édifices grecs ou romains , répondant à ce que nous appe-
lons la Salle du trône . C'est là qu'on rédigeait les lois et
qu'on rendait la justice . Il faut doue remonter plus haut
dans l'origine de la langue pour donner raison de cette
saovGoot^lc
BUINE9 ISC0SNUB8 437
dénominatiOQ . Or ua simple rapprochement en fournit
tout l'artifice . En effet , pai-tout dans l'Ile , Minerve porte
le titre de Poliade, que Jupiter lui attribua en ménie temps
qu'à Neptune celui de Basileus , pour faire cese^er entre eux
toute rivalité .
Comment les habitants de l'Ile n'auraient-ils pas redou-
té de perdre la faveur du trop jaloux dieu des mers , ea
ne lai consacrant pas un BasilUm ? Nous poui-riona njon-
ter encore que Hélios , victime de la haine des Titans , s'u-
nit à l'Ile de Bhodes; devenu le dieu Soleil ou Apollon,
il porte dans l'Anthologie Grecque le surnom de Basihus,
en mémoire de sa mère Busiice, épouse d'Hypérton . Tout
cela , il faut en convenir , est assez obscur ; mais puii^que
nous sommes à Yassilica , sur les ruim-a d'un temple rc-
moDtant à la plus haute antiquité , il en résulte assez é-
videmnient que ce temple était cousucré soit à Neptune ,
soit à Apollon .
Unépais fourré de pins et de cyprès rend difficili-s rac-
ées et l'étude de ce plateau . Peut-être sont-ils les rejetons
d'un bois sacré au riant ombrage ;
" LucHs lietissimm umbra".*
auquel a succétté le voile d'une sombre horreur comme
pour inspirer le respect de cette barrière que les arbres
forment autour des ruiues silencieuses .
** Arboribns datisam ctrcnin afqiie h&ireiilibi(g xiini/ri» ". •*
Après quelque incertîtuile , ou trouve eiifiu une route
» Œil liv . I .
• Ibid .
saovGoOt^lc
438 AHCHfeOLOGIE
pai-tagcant du S. au N. la colline couterfe de mille pierres
éparsea , au milieu desquelles on croit être sur un imiorii-
Be chantier de ninçnnneiie plutôt qu'au milieu de ruines;
C!ir il semble , à voir la netteté des angles , que ces pii-rres
n'ont jamais été superpoaét'S ; les moellons paraissent dé-
tachés d'hier, et volontiers on s'étonne de ne pas entendre
le bruit strident de la scie et les coups du haclierenn .
Enfin le chaos se limite dans une eucehite rectanguliiire .
Des blocs à peine travaillés composent Icsassii^es inférieu-
res ; telles sont leurs dimensions, qu'il est uatunl de se re-
portai-à l'époque des Titans, CCS oncles cruels . qui égor-
gèrent leur frère Hjpérion , et noyèrent dans l'Éridan son
fils Hélioe, l'Apollon des Rbodiens. Sur ces fondements re-
posent , sans être liées par le ciment , dfS pierres dun tra-
vail si parfait, que le plus habile ouvrier fl'eu ferait hon-
neur ; plusieurs sont i-elevéts en bossage .
La chaussée conduisant jiisqu'îi ces murailles , se conti-
nue à l'intérieur , sans que l'on reconnaisse aujoui-d'hui les
traces d'une porte . Mais qiieli]UiS mètres plus avant , de
magnifiques dal'es dreseées marquent à droite et à gauche
l'entrée dans des aiipurteraeuts ; sur celles de gauche i-ep*^-
se encore comme linteau , une troisième , soutenue en
chanfrein . Dans un de ces appartements est scellée avec
la muraille une vaste bible de pierre rectangulaire, creusée
en ange , sillonnée de canaux qui aboutiss^ent à un trou
foré dans le mur; mais sur le milieu du bassin sont deux
excavations de.tinéis à conserver du liquide . L apparte-
ment de gauche coniuiuni(iue avec un autre dont le sol est
plus élevé , et d'où l'on entre dans une vaste cour . Les
pierres que nous avons remuées couvraient des scorpions
saovGoot^lc
RtriKES INCONKUES 4<19
surpris dans leur sommeil ; mais nous n'avons trottré aucu-
ne inscription , aucun débris de statue ; seul un large socle
gît renversé , plus rivace que l'image qu'il portait .
A l'angle N'O. commence un escalier taillé dans le roc
descendant à gauche vers la mer , en contournant le pro-
montoire; du dcgié supérieur partait une large voie dont
les méant^res capricieux sillonnent le plateau; mais dis cli< -
mins étroits en abrégeaient le parcours , et aboutissaient à
des ouvertures pratiquées dans le mur de l'édifice ; enfin
des trancades nous ont pîïru si réi^ulièrement disposée- 1 1
découpées , qu'il ne serait pas téméraire de les fouiller
comme des tombeaux .
§ ii AOHIOS PH0CA9.
Cette colline couverte de buissons, n'est séparée de
Vassilica que par un feitile vallon ti-aversé en quelques
imtants ; la eliapelJe byzantine qui donne son nom à i'en-
droit , est enfermée dans une muraillu polygonale , qui fut
probablement la teinture d'une acropole. Les traces d'un
temple mesurant ll^OO de Umg , sur 5"70 de large, se
distinguent aSïCz bien ; mai» c'est en continuant les obser-
vations vers le Sud , qu'on arrive au lentre de ces mines ,
qui ne doivent pas être éirangèrcs à celles de Vassilica .
Une belle forêt d© pins ombrageait autrefois le flanc de
cette colline ; des troncs noircis par le feu et coupés à la
hauteur des mains, en sont l'unique souvenir, et le plateau
a seul gardé son tapis de verdure protégé par d'épaisses
saovGoot^lc
440 ARCHÉOLOGIE
broufifiailles . Si l'en a monté de l'Ouest à l'Est, on se tiou-
ve en face d'un mur long de SOniet haut de 2'"70 ; la cou-
struiition est en grand appareil ; mais rextrémiîé Nord
mérite plus partiouKèreiiieut l'attention; le paiement est
piqué en bossage de lozange , de clievrun , et môme arron-
di. il . Nc-wton a pu distinguer en 1853 des traces d'un
vernis rouge pareil à Cflui des poteries ; comuie style , il
reMemblait; aux fragments dccouveits àWycèues.et re-
montait par conséquent à la plus liante antiquité . Sur la
façade Sud , le mur d'cnceiiitu revêt un carac.ère toutdif-
féieot , et les blocs biùts lemplaceut la maçonnerie ou-
vrée .
M . Guérin n'a vu que cette dernière partie du mur, car
il le prend pour un simple retrancliemeiit . 3tlais allons an-
di-là.ou plutôt pénétrons dans l'enceinte, h. l'extrémiié
Kord , où nous devons supposer que tant d'art avait ctc
dé|)enté pour oiiiementer uiie porte monumentale ; car on
suit intérieurenieiit «ne muraille d« blocs à peine équnrr!s.
tombant à angle droit sur le plan de In premiète; puis la
laibsaut à gauebe , on ti ouve une petiie plate-forme oblou-
gue lectangulaiie; au centre est un large code cairc , et
dans lespace vide , e^t étendu un tronc *ie statue de raar-
ble blanc le plus ]mr; la tète , les br.is vt les membres in-
férieurs ont disparu; vainement nous e;i avons cheiclic ïvs
éclats ; mais on jugera des proportions colossales de la
statue sur la longueur de Cf débris, qui égide l^ÛO envi-
ron . Nous savons que les paysans animés par re.-poir a-
veugle de trouver de l'or h. l'int^iieur, ont plus d'une fois
essayé leur marteau sur ce monument de la sculpture .
", Le torse a cotte souplesse féminine que les aucieus
saovGoot^lc
EUISES ISCOSSU^S 441 .
doimaîent 1^ leur Apollon ; ]a draperie e&t sobre ; c'est une
clilamyde fronçant légèrement pour dessiner les hanches ,
et partagée en festons longs et étroits .
Le flanc Est de la colline est encore nseez fensiblement
partagé en terrasses , et les degrés descendant de lune à .
ra,utre , se retrouvent en plus d'un eiidroît . La chaussée ;
est dessinée par le rocher coupé en bordure ; mais en la
suivant on se sent engagé dans les sinuosités d'un labyrin-
the ou les arbres devaient remplacer les constructions ; en^
effet on est sans cesse ramené au même point . Quittons-la .
donc au hazard sans chercher à résoudre le problème , et .
descendons la colline au S-0. ,Ter8 trois pins, où une au-
tre surprise nous est réservée . De là partait^la chaussée ; .
mais sous l'ombrage de ces arbres , est une pierre longue -
de 4™, large de 2™ et haute de l'";une profonde cavité
sphéi'ique est dessinée sur la moitié du cube, dontU'S faces.
içngitudinales forment ensuite deux banquettes avec un
gradin inféiieur pour les pieds, et au dessous desquels est.
un canal ayant écoulement par une éohancrure plus étroi-
te taillée dans la face opposée au b:i8'in . C'était à notre
avis une fontaine d'ablutions religieuses .
^ 4 HABUMiOULIA
A dix minutes plus au Nord , est le monticule de Mar-
maroulia, que M , Guérin appelle Marmaro-Vmtnia , ou
Hontngnes de marbre; à l'entrée d'une carrière gisent
plusieurs blocs bien taillés , et le fût d'une colonne inache-
saovGoOt^lc'
442 ARcnÈOLOaiE
Tée , ce qui prouve que ces matériaux ont été abandonnés
Bur place . Ou voit à quelques pas de là lea rentes d'une
tour Hellénique , mesurant lOi" 65 sur les façades de l'Est
et de l'Ouest, et 9 seulement sur celles du Kord et du
Sud.
§ 5 STELIO , KTMISALLà , CAMBANI .
En tournant un peu au S-0. , on arrive à un endroit
nommé Stelio , où trois tombeaux sans aucune ornementa-
tion sont taillés daas le roc.
Plus au Sud ,'^et tout près de l'Akramity , bn voit sur le
monticule de Eijmisalla , véritable nécropole , quelques rui-
nes Helléniques ,, et ensuivant toujours la montagne jus-
qu'à la hauteur de Kainiry , ou trou\e au S-S-£. de cette
localité des ruines d'habitations et un puits fort ancien .
■ Cet endroit s'appelle Cainhani .
Partis de Kaiuiry , nous y sommes donc revenus après
un voyage elliptique d'environ 8 Kilomètres . Ce parcours
- est trop petit pour que nous admettions qu'il y ait eu là
plusieurs bourgades ; et combien de ruines n'avons nous
pas omis'à dessein . ue nous arrétaut qu'aux plus impor-
tantes!
En remontant vers Sîanna , la route , à Sdicg ou Alonla,
est bordée de murs d'une construction fort aLcienue , qui
courent dans des directions différentes , et dont il est diffi-
cile de s'ijxpliquer la destination primitive .
saovGoOt^lc
BUINE-S IXCCKXUE8 443
^ 6 ËNVIROHB DE SIANNA , EÊBAIIIS , Aa^IIOS OÈOBOKIOS AF-
BASOU , CAP FOCKSI , ILOT DE BTBOKaHIU ,
Le Tereant S-E.de rAkramify ou mîenx , les environs
îmmédiiUs de Siamia , ne sont pas moins coureits de tra-
vaux antiques; mais lus resie'^ en sont isolés et as>ez éloi-
gnés lee uns des autres . A peine s'est-on éloigné de dix
minutes du village, au N-0. , sur le flaHC d'une colline,
on voit lus fondements d'une construction rectangulaive
hellénique; un beau marbre bljinc en a fourni les maté-
riaux ; un peu plus loin , un autre pan de mur , également
Hellénique , appanenaît-il à la même construction ï Tout
près du village, le rt'gard scrutateur du touriste aperçoit
taillés dans leroc.uu siège et deux gradins ioféiieure,
maintenant séparés par une grande crevusSe , effet sans
doute d'un tremblement de tt-ne qui a bouleversé aussi
plusieurs tombeaux creusés' dans le njênie roclier.
Suivons M . Newton à l'Ett [lour vibiti-r avec lui un©
ancienne nécropole jonchée de nombreux fragments de po-
terie , qui deviennent plus abondants un peu plus, bas , à
l'indroit désigné f^ous le nom significatif de Kera-mls . 11 y
a là une chapelle ruinée de style byzantin , construite en
grande partie de nombreux fragments d'anciens édifices.
Puis entre les ruines des chapelles à'Agkiue-Gcorghio» et
û'Aprasoii,\QB fondements d'une ancienne muraille qui,
suivant le versant de la colline , couit dans la direction du
Nurd au Sud ; deux toises mutilés de lions , asaez grossiè-
rement taillé», que l'on voit pi es de là, pourraient marquer
suivant M . Newton , l'entrée d'un tombeau .
Dans l'enceinte de la cLopelle d'Jj>iatVB , est l'ouverture
saovGoot^lc
444 AiicniiOLOQiE
â'un aqucduo , dingé de l'Est à l'Ouest et débouchant se-
lon toute apparence près de là dans une petite citeiiie de
construction récente ; mais , si nous ne nous (rompons , la
cliaptlîe d'Aprasou a romplacé un temple , et l'eau néces-
saire aux cérémonies arrivait par ce conduit ; la nouvelle
citerne ne Ferait que l'ancienne réparée .
M . Newton reconnaît là remplacement d'une cité Hellé-
nitjue inconnue . Nous ne sommes pas éloignés de partager
cette opinion, et d'avancer même que ces restes pourraient
bien être ceux de Nettia , petite ville de l'iutéiieur et
n'ayant eu que trop peu d'importance pour être mention-
née par Straboti et les autres auteurs anciens . Il y en avait
du reste d'autres dont le nom ne nous a été transmis qu'in-
cidentellemont, comme ct'us de Nettia et d'AsIyra , et la
contrée au delà de l'Abramlty , qui offre aujourd'hui l'a-
spect d'un désert , était autrefois Irès peuplée et couverte
de monuments remarquables par leurs dimensions .
Au Sud de Monolithos , sur le Cap Fourni , près d'une
petite tour à demi renvers^ée , la roche a été aplanie et une
chambre sépulci-ale à deux compartiments y a été creusée.
En suivant le flanc Sud du Cap , on arrive bientôt à trois
grottes dont la coupe arrondie n'est pas l'œuvre de la natu-
re ; de nombreuses petites niches cieusées dans les parois,
indiquent d'anciens tombeaux helléniques ; mais ensuite les
chrétiens s'en servirent, comme l'attestent des croix scul-
ptées partout dans la roche . Des terres-cuites qui y fureutî
trouvées , contirment cette opinion .
A une petite distance de ce cap , émerge l'Uot de Stron-
^Aj7.i, percé dît-on , de citernes au nombre de lOCl; mais 9&
seulement ont pu être comptées . Dans les villages, ou
saovGoOt^lc
BUIXE3 ÊPARSES 443
rencontra encore des cavïtéB ainsi groupées ,i!ans lesquel-
les les paysaus déposent leurs grains ; d'où l'on peut con"
jecsturer que cet îlot aride et n'offrant aucune trace d'faabi*
tarions , a sern autrefois de dépôt semblable .
§ 7 KLINES èpAESES.
Pour terminer cette étude , nous conduirons le lecteur
un peu en zigzng du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest
pour arriver enfin à I» ville d« Rhodes .
De Monolithes, qu'il veuille bien suivre la route jiisqu'^
IstrioB.nom que Ross croit dérivé d'Jstonûwt; longer le
flanc de la montagne, et s'airêier à Arnitlia; le culte d'A-
pollon, si répandu dnns toute l'Ile, pourraitexiiliqiier qu'eu
cet endroit on célébrait If s jeux funèbies que le Dieu a-
vait réclnmés en expiation du meurtre de son devin Aruus;
réicvage considérable de troupeaux dsins la vallée, donne-
rait une raison moins savante , mais très- plausible de celte
dénomination . Pour abréger, il doit franchir au S. la mou-
tflgne à vul d'oiseau , évitant ainsi rnsceusiim pénible d un
chaînon des monts Skathi , et ses jeux |>loiigeant de haut,
trouveront plus faciU-uient des luines, iiuires comme le
terrain houiller qui lea porto . La j^erspi ctive lui montre
d'abord une pierre ronde et plate dont il se fait un poste
d'observation . Lt's magnificences de l'horizon ue peuvent
pas distraire longtemps celui dont li curiosité cherche une
autre satisfaction . Du puint où il se trouve , il distingue
très bien quatre constructions superposées , et il uesceuU
saovGoOt^lc
446 ARCHÉOLOGIE
les degrés qui les mettaient en communication . LenJein-
ble est en demi-cercle, et l'étage supérieur mesure enviroa
35™ de diamètre de l'E. à l'O . La base qui soutient tout l'é-
difice est le rocher même dont la face a été grossièrement
parementée ; au dessus l'appareil est hellénique ; au milieu '
de l'arc , a dû être bâtie une tour , dont les étages étaient
au niveau de chaque terrasse ; en6n deux entailles rectan-
gulaires ODt été creusées verticalement dans le i-ocher;
l'une large de 2"", se termine à la base par des degrés; en-
fin un long escalier tortueux , pour adoucir la pente trop
raide de la montague , donnait accès à ce monument qui
fut peut-être dans l'origine 'un temple . converti peiit-être
encore par les Chevaliers , comme l'indique la carte de
Spratt.enun donjon .sorte de prison d'État , loi» de la
vue et hors de toute comumnication ; car une forteresse
défensive n'aurait eu aucune utilité en cet endroit. Serait-
ce la forterese de Faracle dont parlent les auteurs du
Moyen-Age ; cela efet possible, mais l'endroit n'est plus dé-
signé sous ce nom .
C'est encore à vol d'oiseau qu'il faut observer des ves-
tiges Helléniques aïsez étendus, non loin d'un aqueduc
ruiné , construction évidente du Moyen-Age , au S . 0 .
d'Ixia . Passons Asclipio , dont le nom rappelle Esculape ,
Alaërma, dont nous parlerons plus loin; laissons derrière
nous les débris qui retracent Je souvenir d'autres bourga-
des inconnues . Mais au S-B. de Malona , près de la mer ,
on doit observer plus attentivement les ruines que Hamii-
ton pensait être celles de Camiros , trompé qu'il était par
le nom de Kainaros . Une nécropole se reconnaît à des tom-
beaux assez rapprochés et de différentes époques'; puis une
saovGoOt^lc
RursES ÉrAEtES 447
acropole, sur laquelle les Chevaliers ont bâti leur château ;
un petit port , et sur la plage les i-eates très intéressants
d'uu temple .
On doit reprendre des ailes pour se transporter de là au
N-N-B. .vers l'Artamity ou lieu consacré à Diiine-Arté-
mis; car, dit avec raison M. Gnérin , "un eanctuaire consa-
cré à ta déesse de la chasse et des furets , ne doit pas sur-
prendre dans cette région boisée et sauvage , et l'une des
plus giboyeuses de 1 Ile ".
Il sufi&t de planer au dessus de Ketalîa, an N-N-E.
d'Embona, pour remarquer des ruines sans nom ; puis arri-
ver au plus vite à Archangélos; jiasser au dessus delufor-
teresfce des Chevaliers, et descendre dans la vallée qui t'ou-
vre au S O. jusqu'à la mer .' En ob^ervant avec toin toutes
les saillies des rochers , on les voit perforés de puits pro-
fonds et étroits; de l'un de ces puits on a rftiré des osse-
ments humains ; un peu plus bas le vallon est nommé
Thjra (porte) . Des ve^-tiges de 4a plus haute antiquité re-
commandent cet eiidi-oit à l'attention ; Ciir des roclieis bruts
ont été rangés , si la nature tUe-niénie ne k-s avait pas mis
en place, de manière à former dtux lignes paiallèks
droites, aboutit^sant à une enceinte elliptique, soi te d'ab-
side, avec une ouverture étroite sur la pnmièie ; dans la
seconde, les roehers émergent encore de l'"en*irou au des-
sus dusul et ont été taillée pour foi mer des siége^ regardant
l'Est ou la mer; près de l'autre muraille e^t un tiou parfai-
tement rond creusé à 1™ de profondeur diins un rocher ,
entièrement évidé ensuite, formant une immense citerno
monolithe cariée; à quelques pas une autre enceinte à
peu près semblable ; puis en te dirigeant vers le rivage ,
saovGoOt^lc
448 ÂBCHÊOLoaiB '
on rencontre un pan de mur de même construction , mais
sur lequel on a travaillé dans les tempe modernes . C'est
ainsi qu'on arrive à Kéramidi , c'est-à-dire BrijiM. L'en-
droit est en effet couvert de débris de terres-cuites , et l'in-
dustrie encore exercée sur le rivage , a sans doute son ori-
gine à une époque très reculée . ■
Eocore une station au S-E. du village de Kalltliiès , sur
un promontoiro qualifié du nom de Trajan { Ton Traîa-
nou : pourquoi ? Des rochers superposés , travail de Cyclo-
pes , et encastrés de manière à fermer les vides laissés par
leurs arêtes irrégulières, forment un retranchement poly-
gonal sur un plateau nullement nivelé , hérissé de rochers
et de buissons impénétrables; d'ailleurs aucune trace d'ha-
bitations, et c'est ce qui rend incompréhensible la tradition
qui place eu cet endroit le séjour du prince Mourad fils de
Djem .
S'il est possible un jour de reconstituer une carte topo-
graphique de l'Ile , on doni^era à tous ces endroits qui ont
conservé la trace ineffaçable du passage de l'homme , les
noms que M . Ross a lus sur uu marbre trouvé dans le vil-
lage de Tholos : Astijpalea ou ville ancienne ; fî/'^Atnfïia ,
Neopolis (ville nouvelle) , Pontovea , 8^'dhla . &c . C'était
une liste des prêtres attacliés au culte d'Apollon Eréthy-
mien . ce qui relie encore l'Ile de Rhodes à celle de Crète .
M. Foucard* observe avec raison que Pontorea doit dési-
gner uni des dénies de Camiros; on peut induire la même
interprétation des autres noms,' de la raison qu'il eu appor-
* BeT . Arch. . Toi. 13.-1
saovGoOt^lc
BUIN'E.i tPARSES 440
te que l'inscription a été trouvée près de cetfe ville connue
depuis avec exactitude ; il étend d'niUenrs son raisonnement
jusqu'à d'autres tnscriptiuns trouvées autour de Lindos . et
c'est, dit-il, dans la circonscription territoriale de cette vil-
le qu'il faut placer d'autres centres d'habitations qu'elli-s
ont révélés : Argog , Braslon , BouJtda , FeiïhUis , Driifia
&c.
En conclusion les nombreuses nécropoles et les ruines
que Ton rencontre partout dans llle , surtout dnns le voi-
sinage de la plupart des villages niodernea , donnent lieu
de croire que ceux-ci ont généralement remplacé d'anciens
bourgs plus ou moins considérables . D'ailleurs , l'ancienne
population de l'Ile était trop nombreuse pour être renfer-
mée dans la Capitale et les antres villes de premier et de
Eecond ordre , comme Lindos , lalys-^os , Aobxia Camiros ,
Critinin, IxiaetMnassyrion , Enfin, comme l'observe enco-
re M . Foucartfles expressions de Xmrftot et LinâiypoVUai
établissent une distinction très-marqnée : la première s'ap-
plique aux citoyens Lindiens, la seconde à ceux qui habi-
taient la ville même de Lindos, et ne laissent point de dou-
te que plusieurs villages faisaient partie du t(^rritoire I-in-
dien; or le décret trouvé à Camiros dans le temple de Mi-
nerve nous autorise à faire la niénie observation .
L'archéologie, comme on le voit, a un assez vaste champ
ouvert à îes recherches sur toute la surface de llle .
saovGoOt^lc
CHAPITRE XL
ANCtENNE VTLLE DE RHODEÏ
^ 1 . PLutS" ET DlilEXSrON- .
Des ruines qui ne- mévibent mérae pas ce nom , ne rcvé^-
leraient paa h. L'imagination la plu» puissante la licliease tte
la splendeur de la citéantiqpe ; il faut q.ue la mémoire lui
vienne en airle, et lui nappelk les éloges lyriques que les
historiens ont à l'eiivi ptHjdigpics à cette capitale , pour la-
quelle les fondaieurs avaient saorifié les trésors et la vio
même des autres villes-.
. Aucun événement politiqfic connu , avon5-nous dit , au-
cune catastrophe faisant date dans l'Histoire , n'explique
cette conduite de trois- famillea,. sœurs à l'origine, il est;
saovGoOt^lc
axcie:;se khodes 451
TTai , mais que la prospérité de leur séjour respectif sem-
Hait devoir séparer à jamais . S'il convient d'en donner
une raison ,j»ous la prendrons dnns cette prospérité elle-
même . L'Ile formait au V""* Sièrle av . J. C. un état lival
delà Grèce; or de même que la Grèce avait concentré
±oute aon activité à embellir Athènes , et h. en faire le bou-
levard eommun de la patrie ; de même , afin de soutenir la
rivalité, les Rhodiens comprirent qu'il leur falLiit une Asty
au lieu de villes disséminées , peu suscoptibleB d'agrandis-
senuent , ot bien que sur un espace resserré . tellement sé-
parées par les montagnes, qu'elles s'entre-secouraient dif -
ficilement .
L'amour de l'indépendance secondé par les fiiveurs de la
fortune , inspira donc la fondation de Rhodes ; Diodore as-,
signe à ce fait la date de la XCIII"" Olympiade ^408 ans
av. J. C.) . L'architecte Milésien Hippod;ime, qui avait
tmbelli le Pirée , traça le plan dans une circonférence de
80 Stades , que l'on peut encore déterminer . En effet pour
reconbtituer cette circonvallation , il suffit de se placer au
sommet de la colline dont l'escarpement, à l'Ouest, te prê-
tait à Tj-m placement d'une imposante acropole , et dont les
pentes étagéee se replient en croissant vers l'Est, ou des-
cendent jusqu'aux truïs ansea du rivage . De ce même
poiut , rarchit<.'cte , profond observateur de la nature , au-
tant que des besoins du peuple qui empruntait son génie ,
trouva le centre de l'arc dessiné par la nature au chevet
du giand môle , petit promontoire auprès duquel nous a-
vons placé le Colosse ,* et nous croyons que notre opiuion
• Page 29 et bdît .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
452 AECHÈOLCKilE
en est d'autant plus confirmée .
Hippodame mesura ainsi un rayon de 7J Stades , équi-
valant à 750 braspt-'s d'Angleterre et à ISST'^SO . Du cen-
tre avec ce rayon il mena un are immense, ooupé par la
lùer d'aziir à laquelle il voulait donner une couronne de ver-
dure diamantée par le marbre des édifices; cet «rc est en-
core marqué sur le plan par la notation Aik^- WaU. (mu-
raille antique) . Le diamètre touclie Ifscinq ports que nous
avons décrits • mais en réservant l'étude des ruines à cet-
te partie de notre travail .
La longueur de te dii:mètre égale donc 15 St. ou 1500
brasses ou 2775™; d'où l'on a la meture de l'arc 2-^ St. 5 ;
les sinuosités de la côte fournissent 33 Stades, et la circon-
vallation 56 St. 5. Mais dans ce cercle ne sont pas compris
la nécropole et K-s faubourgs , qui reculaient de beaucoup
les limites delà ville fortifiée ; et ce n'est qu'eu ajoutant
cette différence au résultat précédent qu'on arrive à ju-
stifier les 15 K™ de tour attribués à la capitale des Bbo-
diens .
Les vestiges de la muraille d'euceiiite sont peu nom-
breux , et trois points ne se trouvent pas sur l'arc du plan;
mais il est probable que des grands travaux mettraient à
jour plus de repires qui se relieraient mieux dans un systè-
me complexe , quoique régulier. Sur cette aire immeuse
sont semés ■ dans un pèle-mèle inextricable des débris de
tous les âges; les recueillir est difficile ; les classer exige
k science associée; pai tout où pierre ei.t demeurée sur
saovGoot^lc
ascie:;se rhodes 453
pierre, noas nous efforcerons de deviner le monument ,
orgueil autrefois de la cité ; et p-><ir que le lecteur nous
suive plua facilement, dans cette ténébreuse étude, nous
le conduirons d'abord le long du rivaj^e de l'O. à. l'E. ; nous
suivrons l'arc d'enceinte le long du ravin qui descend des
hauteurs de Zumbullu , et de celte colline jusqu'à l'Acro-
pole , Mont Sidaey- Sm!t!i des Européens , Merdjan-Tcpé
des Turcs; nous pénétrerons ensuite dans les fiiuboursrs et
dans la ville elle-même, sondant les constructions moder-
nes, dont nous éviterons de pat-ler , pour découvrir dans
leurs fondations le travail des premiers fondateurs .
§ Si LE EIVAGE ET LES POBTS .
En bâtifsant la nouvelle cité k l'extémité de l'Ile , les
RLodiens , peuple essentiellement marin et commerçant ,
lieraient avant tout exercer leur génie à lu création des
porte; c'est donc sur le rivage que nous allons chercher ce
qui s'aperçoit encore de leurs immenses travaux mariiimes,
en paitant du N . O ^
Le Coumboumou, pointe de Sable, ne s'avançait pas a-
lors aussi profondémuut dans la mer, en sorte que la pe-
tite anse au fond de laquelle on voit des anciennes fonda-
tions , ïc deïsinait mieux qu'aujourd'hui . Uu môle et ua
quai , construits de blocb de poudingues bien pareme:ités
«pparai&teut , quand le vent détruit le travail do la mor . *
• V. Page 2-1 .
saovGoOt^lc
454 ABCaïOIOOTÉ
II est probable en effet qu'un petit nombre d'années suffira
maintenant pour ense%'elir ces quelques pierres bous le sa-
ble qui a comblé depuis longtemps le bassin et le goutet
dont nons avons parlé .
Les forces- mécaniques mises eo œuvre à cette époque
font mieux voir leur puissance au môle du Lazzeretto. Ici
les âges posténeurs n'ont rien gâté , si toutefois on veut
bien ne pas teuir compte du très-misérable lazaret et du
logement non moins ridicule réservé au service médical ;
nous oublions que l'antiquité t^eule doit nous occuper . La
nature a fait les plus grands frais de ce môle ; car c'est la
crête d'un large écueil sous-maiin tenant au rivage et se
développant à 140™ au large ; mais d'énormes poudingues
l'ont exhaussée au dessus du niveau de la mer , pour em-
pêcher les vagues soulevées par le vent du N. d'inquiéter
les navires à l'ancre dans le port . Le dernier de ces ro-
chers , carrément assis et taillé , semble un trône préparé à
Neptune , sur lequel il réunissait les Na'ïades timides réfu-
giées dans les grottes que l'homme leur avait laissées ou-
vei-tes. Un peu au N. s'élève à fleur d'eau un écueil appe-
lé la Colonne :
Saxa medtie quœ in fluctibus , Aras *
Sur cet autei caché, bien des victimes ont été immolées
au courroux du terrible dieu des mers . S'il a perdu depuis
son fceptre et ses autels , l'écueil n'en subsistait pas moins
redoutable; mais un trou profond creusé sur le dos avait
rendu inébranlable un fût de marbre annonçant le péril au
• Œn, ÏÀv. 1.
D.qit.zêaovGoOt^lc
ANaEN^'B BnoDBs 455
pilote inexpérimeuté ; on en volt encore une f^einblable mi
fond du même port. Le premier avait disparu; il a élé
remplacé en 1880 par une tige de L-r snppoitant une .«y-
rène * dont les sifflements se font , pu-aît-il , eutendre au
loin : mais nous croyons que les yeux doivent servir plus
que 1»8 oreilles .
Des travaux de nivtllouien: sur le rivage , arrivés jus-
qu'à ce même port , ont mis à jour des coloimes doriques^ ,
un fût de pierre caniielé et revêtu d'un ciment dur et poli
comme le marbre . enfin des constructions enterrées sous
un épais dépôt de démolition . Uii autel de marbre avec
bucranes et chute de festons; est enclavé dans les mura du
magasin de charbon ; sur le quai du port de l'artenal , des
fragments de colonnes du marbre le plus riche , sont plan-
tés pour amarrer les navires ; d'autres servent eucoie de
pavé; des débris de vat^ques , sont mis en usage par Ks
marins ; dans la muraille d'un petit jardin public , un bas-
relief remarquable par son antiquité : c'est un morceau d*
une frise à lourde corniche et tâte do lion en mxlilloii ; ce
simple détail vaut mieux que l'animal de grandeur natu-
relle, ébauche irès-imiiart'yiie du Moyeu-Age, qui garde
l'entrée du petit jardin . Ces foiidemeuti profonds , ces
culoDues taillées dans le roc , ces œuvies ^ans nnm , tout
cela niarque-t-il l'eraplacimeut d'un vaste édifice , d'une
longue et somptueuse galerie léguant sur touie la longueur
du port pour leoij-éier l'ét-laiit l'ardeur du ^o!eil(le l'été, ou
• Instrument d'acou[.tiqne cnkrv [iw une ttmpete pendant que ii
mettuns suub prcsbo .
saovGoOt^lc
456
ARCIIEOLOCIE
pour abriter contre les pluies torrentielles de l'hiver ? E=
tait-ce un portique pn.f.ml condui.-ant jusqu'au port prin-
cipal? Si les mitturs qui om éloqnemment vanté la ma-
gnificence et le nombre d.s nioiiinneiits , avaient dressé un
plan de la ville , on ne laisserait pas ce:te question et tant
d'antres sans répon.-e . O.i arrive m liiitenanb sans aucun
abri conire les iiitenipér!e8, jusqu'au chevet du grand
môle , qui protf'f:e à l'* ). le port de h Dounne .
Le niôie actinl imlinaiit un peu plus à l'O. , ne dérobe
pas entièrement à la vue celui îles juiciena . La nature en
avait cncoro fourni i.i base ; car une ligne d'écuells s'allon-
ge depuis le promontoire sur une longueur de 345™; là el-
le se replie subitement au N ., brisant naturel opposé aux
VHgue8,sur rangU'-pl.iii est bâti le fort S'- Nicolas . Une
«BsiFo de pierres reetjirigulaires travaillées et posées avec
art (levait être le premier soubiisseinent ; car plus loin ,
d'autres assises plus hautes , sont construites avec un ap-
pareil de moindres propoi tiens, mais eucore helléniques;
ensuite d'énormes blocs énuanis sont eiitas-sés les uns sur
les autres, avec ordre néauminiis; la houle pénétrant pir
les creux de lours S;iillies, produit les plus intéressants ef-
fets de pression hydraulique . Si l'on n'est pas sensible au
vertige, on p(mt,parun tetnps calme, en s'aidant des
mains et des pieds , en bondiss.vut au dessus d'un gouffre
béant , s'avancer assez loin s^ur ces rochers , tous caracté-
risés par le ciseau ; c'est ain»i que nous avons pu voir des
puits en fond deba? sine, mais dont nous ne pouvons nous
expliquer l'usage . Le furt S'' Nicola.) couvre entièrement
dans ses cascmntt-s ce qu'il pourrait encore y avoir do
risiblc dn travail qui a défendu l'entrée du port à Démo-
da ovGoot^lc
ANCIENNE RHODES 457
trius Poliorcète .
Du chevet se détache vers le S-E-, à angle droit, un bri-
sant p;ir<)11èle à celui qni ferme l'entrée du port de l'Arse-
nal , et faisant au N.le même office (tour le port du com-
mei ce .
Un quai trop étroit , borde l'hémicycle ; peut-êire quel-
qu'un des pavés de la bordure est-il là depuis plus de
■vingt siècles , et a-t-il été poté en même temps que les as-
sises inférieures des murailles de la forteresse que nous
suirons exlérleurenient , des deux tours carrées reliées par
une arcade hardie, gigantesque poi-tique du basbin réservé,
travail évidemment Hellénique .
Le môle qui sépare le g^-and port de la baie d'Acaodia ,
de même nature que les précédents n'a conseiTé comme
eux de ^n état primitif que les soubasseuieuts ; et si la
baie elle-même d'Acandia a été bordée d'un quai , toute
tracc'en a disparu soug le sable , oa sous la terre extraite
des foëfeé» . Mais les rochers d'Acandia ont éié ceitaiuement
disposés, et le monticule de sable d'oii ils naissent, est
i-ouvert de tant de débiis de marbie travaillé, de trigly-
phes , volutes et dalles , qu'il faut encore supposer eu cet
endroit des édifices de quelque importance ; entie autres
nous avons en l;i bovine fortune de ramasser un bi-as de
femme, admiiabicmeiit motiflé, et provenant d'une statuet-
te de .-■tyte grec ; car il était rattaché a l'épaule par une
cheville . Eu continuant , on voit en plusieurs cmiroîts et
notamment autour d'un petit bassin très-pittoresque ies
rochers taillés ayant servi de base aux anciennes miirail-
Its; enfin on arrive au cinquième port , qui n'a conservé
aucune autre trace que le parcmuut des rochers . C'est le
saovGoot^lc
458 AROHÈOWQIE
terme du diamètre sur lequel &e développe l'enceinte de la
ville .
§ 3 PONT ANTIQUE ET NÈOBOPOLB
Dans ce dernier port est l'embouchure d'un torrent
dont nous devons maintenaut remonter le cours .
 peine a-t-ou fait 700™ environ, on rencontre sur la
rive droite un rochei- nivelé à ton sommet comme pour
servir de base à une construction . Sur la face qui regarde
If tcirrent . .'mit «n gios caractèrte , les mots :
AAMArOPA
TIMANOPHC APTEM!
et plus bas , en traits évidemment modernes :
EACEXI <f
M . P . Foucart reproduit cette inscription dans un ar-
ticle de la Revue Arthéolcgique (an VII , vol. XIII) ; il
fait erreur en ajoutant au nom de AAMAPOPA un t qui
n'existe pas sur le rocher , et il ne fait aucune mention du
mot EAOEXI . ni de la croix .
Miiis le touriste est bien viteatàré par la vue d'un pont
jeté sur le torrent et dont la construction remonte certai-
nement à l'époque où la ville de Bhodea était dans toute
sa splendeur . Il est cousiruit avec d'éjurmes blocs rectsu-
gulaires non cimentés, parfois en bossage ; une de ses ar-
ches hardies suffit à elle seule pour enjamber toute la lar-
geur du torrent dont les eaux impétueuses ont un peu rongé
saovGoOt^lc
a:(C1e.vnb bhodes
459
la base du pilier; maïs, malgré cela, il est encore assex
solide pour réùster à leur fougue pendant plusieui-s siè-
cles-
A la'téte de ce pont , dos pierres rongées ont fait ofîice
de gonds aux peotures d'une bamère, ce qui fait supposer
qu'il 7 a eu là, établi par les Chevaliers ou par les Turcs j
un bureau d'octroi , aboU depuis , comme l'a été celui qui ,
au dire du voyageur Cumille Lebrun , * existait eutore en
1G81 , à la porte de la ville "■ qui est sur le bord de la
mer ". ••
Une chaussée antitpie . dont ont l'eut suivre los traces
jusqu'à une cortaine dUtauce , s'uuvre sur ce pout et se di-
rige vers le Sud .
A gauclie et surtout h droite , s'étend la nécropo'e pro-
prement dite; tou» les tombeaux taillén dans la roche, ont
été violés ou démolis . Ils affictfnt plusieurs formes et
sont de dimensions très inégaie.- ; qui-Ljues uns éuiieut é-
videmment destinés à des famill. s e.i.iôie-, comrae lu mon-
trent leurs dispositions . l'eu.\-ci so.n gi'-névalemeiit revêtus
d'un stuc imiiaiit aïrez bien le mi-ibre , ei au ilessiis de
l'entrée, on remarque purfoisune puile ejivité dans laquelle
sont encore des pointes de fer, probablement des i:ruii)poiis,
qui rereiiaieut une dalle indi^Uiint le uoui de ceux qui re-
posaient dans ces monuments .
On voit aussi des chambres sépulcrales précédées d'un
vestibule assez spacieux ; c'eht là sjins dout-e qu'où prenait
• VojRgo au Lovant , en 16S1 (^Paris 17U) .
. •• Porte S'- Paul .
saovGoOt^lc
460
ARCH£OL0atE
les repaa funèbres eu ua.ige chez lea anciens .
El) Se dirigeant vers le rivage , à 500 pas environ au S-
E. du pont , un cLamp que personne n'a encore exploré,
est siilonoé de coLsiiuction^ liyièîlires, dignes tiès-ceitai-
nement d'une étude spéciale . Le plan de ces travaux rui-
née n'eht plus marqué aujourd'hui que par des rochtrs qui
avaient été taillés sur place .
Une terrasse s'étiiid du Nuid au Sud , longue de 30 mè-
tres et large de 12 ; lexhaus-ement e.'-t de 1 ™. L:i f.;ce qui
regarde l'E. sert de paroi a une chambie longue <Je 20 mè-
tres et large de 14 , dont l'entrée principale est ouverte au
Nord . Au fond est pnuiqué, vers lEst ,un |ie;it couloir ou
mieux antichambre prolimgée de 2 mè;res à peine %i.r.s le
Sud , et percée au centie par une ]ior;e . Vis-à-vis de cille-
ci , et diins l'espace vide hiissé entre le couloir et le plan
principal est taillé dans le n:c un puits carré; immédiate-
ment après ce puits, et à la hauteur de l'fenirée du couloir ,
vient une bauquetti.' eu foi me d'abiside veis le Nord et eu
ligne droite vers le Sud; elle forme le fond de \:i chambre
ot te relie à la terrasse. Uu (emre de cette bai.qnette au
Sud . deux maichea descindent sur un lerraiu uiveL' d'où
l'on retouine vers le puits par une onveriuie uittuielle
dout le rocher forme la voû.e . Ce terrain est r« eserié en-
tre deux parois pre. que parallèlt-a avcc celies de la cham-
bre , et qui se dii igent vers !e Sud , lune en ligue directe,
mais l'outre biisée à angle droit veis le milieu de sa lon-
gueur totale , environ 75 mètres. Les extrémités de ces
deux lignes se relient îi une assise large de 4 mètres qui
court de l'Ouest à l'Est avec des enibranchemeuts vers le
Nord et le Sud . Ces deroiera sont rattachés à d'autres
saovGoot^lc
ANCIESXE RHODES 461
parois parallèlea aux premières , de manière à former de
vastes salles carrées, mesurant euviron 35 mètres sur cha-
cune de leurs faces . On peut compter les divisions de qua-
tre salles au N. et de quatre au S. de l'assise . A la hauteur
de la quatrième satle au N., trois uiches sont creusées dans
l'assiBe principale ; en face de ces oithes, et presque devant
une porte ménagée dans la paroi qui romonte vers le N. ,
un tombeau assez vaste est creuvé au niveau du sol ; on y
descend par trois marches. Un puits carré creusé dans le
roc et trois autres tombeaux sont dans un jilan symétrique
au premier, de l'autre côté de la pcrto , c'est-à-dire dans
la salle voisine . Plusieurs auttes petits tombeaux , violés
comme les premiers , sont dissémines sans ordre dans les
a:itr3i salles . La roche forin;int la bise de ces divisions,
offre des traces de stuc évidemment composé avec du mar-
bre pilé, tantôt blanc, et tantôt recouvert d'un vernis écar-
late.
La présence de ces tombeaux embamispe nos conjectu-
res; car si nous pouvions établir qu'ils sont d'une époque
plus rapprochée , D0U8 n'hésiterions pns à voir dans ce^te
construction un gymnase , et dans la Lirge assise, une car-
rière pour les cour.-es .
Les nombreux petits fragments de miirbre blinc dont
toute la plaine est semée, la finesse du travail que l'on peut
y remarquer, des pièces plus considcrablas gîtant au delà
des constructions que nous avons décrites, prouvent qu'il
y avait là des monuments remarquables , ornés peut-être
des œuvres d an que , au dire de Strabon, * Kbodes devait
• Strabon XIV, 5 .
saovGoOt^lc
462 ARCHEOLOGIE
à la générosité de 8e>5 alliés .
Un peu plus loin il y a de^ souteirains si étendus, qu'on
pourrait les prendre pour des Mtacomb-^'s ; des piliers tail-
lés dans le roc en çoutionueiit la voûte . Aujourd'hui l'en-
trée en est obstruée ; du reste des excjivatîous pratiijuées
il y a pen d'années , n'ont produit aucun ré.-u'tat .
Les rochers du rivage cieusés pour iccevoir l'eau de la
mer évaporée par l'action du soleil de léîé , recueillent un
Sel d'une éclatinte blanclicur, que la Régie fournit à la
■population . Si nous en pnilons , c'e. t pnrce que ce travail
a tout le caractère que les anciens donnaicat à lears œu-
§ 4 . ZUMBULLU , SANTOUELY , BAIE DE TKIAMM
CAlX)-rETlîE3
Ecprenons le cours du torrent pour arriver aux délicieux
ombrages de Zumbulln que le Rhodien ne manque p-ts de
vanter au voyageur anê.é dans si s luurs ,
Les grecs ont toujouis doinié à cet en îro't li' nom de
RIuhUiU , en sorte que l'on nu jifut pas vaisonuiiblenient
admettre l'étymologie grecque de SymbouH , pour traduire
le ZumbuUit des turcs , mot dont Iv signification propie
est: licii. couvert de jac>jntlu.'S . La nature a semé en effet
cette fleur à profusion dans ce terrain abondamment arro-
sé ; mais ce nom de couleur toute locaie que l'iuiaginatiou
orientale a justement appliqué , n'a jamais primé sur la
tradition , et le cicerOLe , s'il est gi-ec , conduit le touriste
saovGoot^lc
AîrCTE.VNE BaOOKS 4G^
à Wtadmi ; s'il est turc , à ZurnbuUu . Celui-ci jett« un re-
gard rapide aux poata qui unissent les deux rives , aux ar-
ches de l'aqueduc , construction des Chevaliers , probable-
ment sur une fondation helléuique . et s'empresse d'aller
se reposer sous le feuillage des platanes, auprès de la fon-
taine dont l'eau fraîche et limpide le remet dti ses fatigues .
Mais aussitôt il regarde avec intérêt les colonnettos enguir-
landées de grenades qui ornent le monument. Four com-
pléter le poëme. il faudrait' déplacer un fût de marbre i^uo
personne ne remarque , humilié qu'il est dans son rôle de
degré pour monter sur la berge du bassin alimenté par la
fontaine; déjà creusé en mortier, il servirait de VAB(|ue;
le murmure de l'eau tombant dans Ci'tte vafqne. animerait
la danse du chœur de nymphes dél'tcatemi'nt sculptées;
ellea se tiennent par la main, et leurs bras motlcnient ten-
dus composent des festons pleins de grâce .
Le lit du torrent dont le oours se replie vers le S. , est
encombré de rochers tombés du flanc de la montiigne , et
cachés souB des buissons de laurier rose ; un sentii^r fleuri,
mais difficile maintenant , remplace la voie ombragée qui
conduisait les anciens jusqu'à la source d'où jaillissait l'eau
de Rhodini , le Font Irtœ^na ou bassin d'Inoée . Le culte
d'Ino dans l'Ile de Rhodes , ne doit point surprendre ; car
la fille de Cadmus fuyant Thèbes, pour échapper aux fu-
reurs d'Athamas son époux , pouvait s'y arrêter pour ren-
contrer la colonie phénicienne établie par son pèie;ou
bien cette colonie , fidèle à tout ce qui tenait à la famille
de Cadmus , a pu adopter les fêtes de Mégare , et l'usage
de jeter des gâteaux dans la source pour en tirer des pré-
sages.
saovGoot^lc
464 AKCHÂoioais
Une découverte importante a été faite dernièrement à ce
même endroit ; un aqueduc d'un trarail considérable ame-
nait l'eau jaillissant d'autres sources inconnues ; un hom-
me peut se tenir debout soùs cette voûte et marcher arec les
coudées larges . L'eau a laissé sur les parois la trace de
son niveau à 0*^ 50 de hauteur ; sur le plateau , des puits
très-profonds ont été reconnus comme des repères ; il faut
espérer que l'admiiiisf ration continuera les eiplorations
commencées pour rendre à la TÏUe l'aboodaiice de l'eau si
habilement fournie autrefois en vue de la longueur des sié-
gea à soutenir .
A la droite de ZumbiiUu . le Eliodini des grecs , en pas-
sant au delà de l'aqueduc à travers champs, on arrive après
quelques minutes à un emplacement où l'on observe plu-
sieurs tombeaux taillés dans le roc , et dont le plus remar-
quable est celui conau sous le nom de TombeoM des PtoU-
mées . Il est taillé dans un énorme bloc de cette pierre mol-
le , particulière à l'Ile , amalgame de sable et de coquilla-
ges fossiles . Ce monument carré mesure sur chifcune de
ses faces ZG'^75 ; la voûte , formée par la roche vive , était
surmontée d'une pyramide composée d'abord de gros blocs
équarris, ensuite de pierres plus petites auxquelles succé-
daient des moellons , enfin une couche de terre b;ittue .
Mais ce couronnement a été presque entièiemeiit renversé
par les tremblements de terre , qui ont mérae détmit une
bonne partie du monument monolithe. Les trois degrés
qui en font le tour et lui servent de base , appartiennent
au même rocher ; 21 colonnes engagées , de style dorique ,
se détachent à moitié sur chacune de ecs faces ; leur dia-
mètre est de 45 centimètres , et leur hauteur de ■5"' .
saovGoOt^lc
AHOF^SE nffODES 4G5
Sur la façadeN. qui est Ja mieux coiiservée, s'ouvre l'en-
trée d'un vestibule communiquant par une poite intérieu-
re a,rec une chambre sépulcrale , profonde de G™ 70 et lar-
ge de 4°* 70 . Comme on le voit . le vestibule et ta ctiaiiibre
n'occupent qu'un quai-t environ des dimensions extérieures
du monument, ce qui fait supposer qu'il y a encore d'autres
chambres sépulcrales qui. faissant suite à la première, n'ont
pas été ouvertes ; mais les sondages ont été iufructeux .
Roes observe que ce tombeau qui a une forme plutôt phé-
nicienne que grecque , pourrait remonter à une haute an-
tiquité , beaucoup plus reculée que celle à laquelle on a
généralement cru qu'il appaitenait . Il est vrai que cette
oiigine phénicienne, ou pour mieux dire d'uue époque qui
cODServait encore le caractèie du style phénicien , seraiten
contradiction avec le nom de Tombeau des Ptolémées.
Maia ce nom lui vient de ce qu'une médaille à l'effigie d'un
Ptolémée , y îi été trouvée ; l'Iiietûiie ne contredit pas non
plus à cette origine phénicienne ; car bien qu'elle nous ap-
prenne que les Ptolémées rois d'Egypte furent de tout
temps les fiilèles alliés des Rhodiens, elle ne fait aucune
Diention du séjour à llhodes d'un prince de cette fumille .
Diodore dit, il est vrai , que les Hhodiens pleins de le-
connaissauce envers Ptolémée Lagiis, pour la généroMté
avec laquelle il les avait assistés pendant le siège par Dé-
métrius Policorcèle, * consultèrent l'oracle d'Ammon pour
savoir s'ils devaient lui rendre ie> honneurs divins , et que
sur sa réponse affirmative , i!s lui érigèrent un temple de
• V. P»ss» *) .
saovGoOt^lc
466 ÀRCHÉûLoaiS
forme carrée , auquel ils donnèrent le nom He Ftolemœum ;
mais le monument qui nous o(-cu|)e , n'a de commun avec
le temple mentionné par Diodore , que le nom qu'on lui a
incidemment donné, et sa foime carrée. Diodore parle
d'un temple et non d'un monument funèbre ; il dit qu'il
mesurait un Stade sur chacune de ses faces , et qu'il était
entouré de portiques ; celui-ci n'a que 26"" 75 , c'est-à-dire
pas même un septième de Stade , et on ne voit aucune tra-
ce des portiques qui l'auraient entouré .
Nous pouvons encore moins admettre avec le colonel
Rottiers • que ce monument ait été un temple consacré à
Cérèa et revêtu de marbre à l'intérieur. Les parois sont
enduites de stuc poli et n'offrent aucune trace d'un revê-
tement de marbre . 11 est possible , comme l'observe M .
Guérin , que Rottiers '* se soit contenté d'apercevoir ia fa-
çade, sans pénétrer dans l'intérieur du vestibule et de la
chambre autrement, il n'aurait pas un seul in&tant
hésité à y reconnaître un ancien tombeau de famille "; car
les huit fours à cercueil que l'on y voit , *' ne laissent au-
cun^doute à ce sujt-t ".
Continuons à remonter le torrent de ZumbuHii ; suivons
le bord Sud du plateau du mont S'- Étieniie et arrivons au
dessus du Grmid-Sautotn-hj •• (qu'il ne faut pas confondre
avec le Petit-Santourly , ou simplement Snntouilyl ; c'est
là que la tradition phice la scène du Dragon . On (lomiiie
un ravin, tranchée naturelle, qui sépare le mont H'- Etienne
' . - - lie Rhodes .
* i'ar corruption Saiidioul'j .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
proprement dit, d'un plateau un peu plus élevé et d'und'
pente plus douce rt- rs la mer . Des blocs rectangulaires dé- - .
moyenne dimension qui en Buivent les contours , sont éri-'
demment les restes de la muraille bâtie pour la défense'
du plateau de ce côté . Mais la grandeur et la forme par- <
tîculière de ces blocs , semblent attester que c'était une ,
eorte d'ouvrage avancé, be basant sur une inscription
trouvée en cet endroit et qui a traita Jupiter Atabyrien ,
Ross reconnaît dans cette montagne celle sur laquelle Ap- ;
pien place un temple de Jupiter Atabyrien , * succursale
du temple principal ; de là le nom de Petit- Atcûryna . Ce se-
rait par oonséqnent du haut de ce plateau que Mitfairidate,
lorsqu'il vint à Rhodes, donna te signal d'une attaque géné-
rale de la ville ; c'est l'assaut de cette muraille que ses trou-
pes auraient tenté pendant la nuit , pour s'emparer d'une '
poâtion élevée et faiblement défendue du haut de laquelle-
il pouvait dominer l'Acropole ■ A vrai dire , l'aspect des
lieux correspond bien à la description d'Appien , et il n'y
aurait qu'à retrouver les traces du temple de Jupiter, pour
que la conjecture fondée sur l'iascription ue laissât aucun
doute dans l'esprit .
Dans le Petit^Santourly , on remarque sous une voûte ,
un aqueduc souterrain , évidemment Hellénique , d'où dé-
coule encore un mince filet d'eau d'excellente qualité , qui
finira par tarir entièrement , si on ne se donne pas la peine
de faire un curage urgent .
Comment ue recouuattrait-on pas dans les fragments de
• Ds Bello Mith. XXVI et XXTII.
saovGoOt^lc
468 ABCBkOLOOIK '
eolonnes et les ruines qui entourent cette source , aimA
qu'une autre fontaine située plus haut, immédiatement bous
le plateau de Mangavli , les reste» d'anciens sanctuaires
eonsacrésaux Nvmpfaes î D'autres débris éparpillés dans oe
vallon qui descend en petites terrasses jui^qu'au rivage , la
richesse du sol , la beauté du site ombragé par des arbres
séculaires , comme Zumbullu , et d'où la rue se perd au
Nord dans l'azur de la mer , devait certainement , et c'est
aussi l'opinion de M . Guérin , imposer à l'esprit poétique
des anciens cet endroit pour être l'Elysùm dont il est ques^
tion dans l'Etimalogùnim Magtaan :
tA.ifvc(u ^ 'HXtiaiov xal Ufâv iteSt'ov nepl 'pdSov.n
Aujourd'hui l'Éljsée n'est plus qu'un ternin m:\\ tenu
par ses propriétaires turcs . Descendons en toute hâte vers
la baie de Trianda , au Thoantùm de Strabon , pour décider
de la question , comme nous l'avons annoncé . * C'est bien
ici le point du rivage déteiminé par ce nom dans le texte
du géographe , et c'est it tort que M . Eoss s'est attaché à
" forcer la grammaire et le sens à la fois le plus simple et
le plus logique .''X l!f aïs une autre erreur de traduction ob-
lige à son tour M . Guérin " à convenir qu'ici oe géogra-
phe (Strabon) , a commis une légère inexactitude ." Il est
pourtant facile de l'eu décharger , eu traduisant comme
nous l'avons fait; "Dans ce parcours (o'est>à.dire eutre la-
Ijssos et Rhodes), est te Thoantion, sur une pointe de grè-
ve, d'oii. l'eu voit mieux les Sporades voisiner de Halki."
* Y. Pks« lis
X Gueria , Etnde anr l'H» de Kiodc* .
saovGoOt^lc
ASClEXSE EUÛDKS 469
MaiB comment expliquer le nom de Thaintion donné à
ce pi-oniootoire, et djat Triaada pourrait bien n'être qu'une
corruptiou? Faut-il ci'oii'e que IfS Khodieus unt eiiiprun-
'té aux habitants de Karpatbos le o.ilte de Taoas? Faut-il
supposer de préféreDco que ce roi , pour se ii^idw de Crè-
te & Lt'muos , mouilU dans cette baie L-t y laissa quelques.
UDB dfS sieuB î Ne couvi^nt-il pas niivux de le rattiuher au
cult« de Miuerve , et de supposer que U-s coupables d'un
Bacrilége mouraient en cet endroit, victimes prcp;.ri.-ed pour
le sacrifice par une autre Iphigéuie , Cumme autiefois les
Grecs dans le royaume de Thoas ï C\-Bt , on le voit , ua
imbroglio de supposition qu'aucune tradition ne confir-
me.
NouB sommes Eur la route qui ramène à 1» ville en pi)S>
sant devant la lépruserie misérable ou ijuelqQes m..l!.e.ireux,
tous grecs , atteinis du ma! qui Us bannit de Ui Kiciété . u-
sent leur triste exi^tence . Ui.e muraille construite de pier-
res non équaixiei^, fuit le pied du mont 8'- Etienne, et vient
s'arrêter là où la route s'engngeuni dans les^rucbei's appe-
lés Kalo-Petres (Pierres d'en bas),'«e dvronle en corniclie au
gré des6iDUOBilé8delamoijtagni-,et débouche enfin à ren-
trée du Neohori ou nouveau bourg . Lancivnne voie paraît ■
encore ^ et là, bordée de constructions lielléniifuis qui
s'arrêtent pour recommeucir un peu plus loin, à un tumu-
his couvert de tombeaux tuics, où la route pa,-6e entre
deux murailles pài-alièles Se brisant à angle droit . Là, la
construction est faite dans de telK-s conditions de Bolldité
que nous penchons à reconuaîti-e les piliers (supportant
l'architrave d'une des portes de la ville ancienne ; d'énor-
me» éclats de mai bre perdus sur la même place, en pro-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
470 ARCBÈOiOCIG
Tiennent probaljlement .
Si on B'écai-te à gauche sur la pla<;e des Moulins, on eat
encore frappé par la rue de pierres équarriea et de nom-
dreux débris de briques rouges dont le gSFenient, couvert
seulement de quelques ceutimètres de sable , se prolonge
même au delà de notre point de départ , le premier pot-t ,
qui était évidemment environné d'édifices piîvés ou pa-
blics .
§ 5 HONT surrH , ancik.\'ne acropole .
Ce n'est pas à l'intérieur de la Tille actuelle que doit
maintenant pénétrer le touriste pour continuer Cftte longue
. étude du pastsé, qui a disparu là plus qaa partout ailleurs ;.
il ne trouverait que les monuments du Moyen- Age , avec
des caractères si différents, qu'ils ne peuvent pas entrer
dans le cadre de ce chapitre, et nous pourrons sans diirres-
fiion ni retour en ariière sign»U-r le peu que l'on voit en-
core des matériaux primitifs .
Il n'en est pas de même au delà de l'enceinte foHiSée ;
les traces subsistantes sont nombreuses, et principalement
sur le mont S'' Etienne , l'antique Acropole ; mais , comme
il est impossible de reconnaître les foi-tifieations Pavantes
qui faisaient de Rhodes , après Messène , une des villes les
mieux fortifiées de la Grèce ,.* il est de même impossible
• Paa«niM, SIII, 75.
saovGoOt^lc
AN'CIE.\~^'E BRODES 471
de retrouver la Tille incomparable qu'a rue Strabon ; *
c'est eu un mot l'iucoiinu que uuus n'.tma décrire ; et après
avoir recueilli toute» ces rutDes , de a- travail infructueux
il ue restera que l:i pénible im|iresBiou de U faibleste de
rbouiiiie dans le fuste de sa pui^Biiiice .
Rutouruoiia à l'eiitrée du Néohorî à l'endroit où s'arrê-
tf ut les murailles d'enceinte , it eiigflgeons-DOus mninte-
□aui dans Lt première ruf qui s'oiiTie à notre droitv . La
belle propi-iéié dans laquelle lt s DamiS Franciscaines diri-
gent uue école , a été l'habitation du D'- HeJt-nburg ; ses
gonis pasitiounéset »es lougues étuiiee» ont attiré suii att'.^n-
tiou sur k's nombreux débris de sc'ilpture d'un beau tra-
vail, qu'il irouvuit dans ni teiieet diin> c: I!e de son voisin;
vu creu^^ut à une plus gnuide piulondeur , il trouva des
grus blues rectangiiluiiea furmant des assises assez éten-
dues , et crut avoir le jjîed ^ur le teui|>le d'E>culape et sur
celui de Bacchus, précédée- de ^ple^llide^ portiques (jue le
patient l'iotogène avait décorés; c'est encore à ce dernier
temple . fameux dans 1 antiquité , qu'il aurait dédié son
Cydippe.&on Tlypulème, S:'n Phill-cus en uiéditation ,
son Athlète , ton Auiigoue . le portrait de la mère d'Aii-
fctote, sou Satyre ei enfin le chasseur lalysu .
Malgré toute l'auturité du Di^ Hedeuboig en pareille
matière , nout. cruJOll^ qu une 8ati.sfactiou flatteuse l'a en-
traîné au delà des limites dune conjecture. Le terrain ,
censiblemeut exhaussé depuis laïu^ien temps , explique la
profondeur à laque.le il a irouvé ces vestiges; maïs ce
saovGoOt^lc
472 ARcnfeoLoaiE
môme feriaïn a lonjoiiis dû être trop élevé au ries us du
niveau de la mer, ei trop fiiclné, pimi- a\oir fait punie du
quartier que Diodoie a|peUe le Dïgma , ijui fut détruit |»ir
une îiiondiition ; or le même auteur place dans ce quartier
les templi'S de Bacclius et d'Esculape, " La topographie
n'a donc pas fait nu progrès ceriain par cette déL-ouverte .
La rue que nous avons ]irise tombe pir|eiidiculairemeiit
sur une autre qu'il faut remonter à droite , et comme il
importe de saisir une ligne qui relie autiiitque pos-lblece
(ju'on ne voit qu'à bâtons rompus, nous inclinerons vers
la gîiuelie pour voir, en f;ue d'une fontaine . la base d'un
triangle dont le sommet atteint le ciinefour de U porte
d'Amboise . Il est fn ci le de recoimaître un tronçtm d'une
grande art-6re qui partait du poit des galères, et passait là.
oïl le plan indique nue aueieune cunsiructiun à l'Est des
trois moulins . La cliaussée , leile qu\lle e^t destinée , in-
clinait un peu au Sud; cette inclinaison est eneore aujour-
d'hui plus prononcée par une belle route que !e touriste
verra avec étonnement, et qui berce de l'espoir qu'on voya-
gera en carrosse dans un avenir illimité.
Ces travaux , anôtéa à la hauteur des moulins , c'est-à-
diro Kiir la première terrasse du mont S' Éitenne , or.t lé-
vélé une longue série de chambres sépuleralea carrées pri-
«ee dans le roc , et qui paniît se prolonger vers le S E. ;
toutes celles qui ont été re.icnntrées sur le tracé de l;i rou-
te, étaient violées depuis longtemps déjîl. Mais une dé-
couveite i>lus intéressanie ett ce'.le d'une statue drapée ,
• LXIX , c, SLV .
saovGoOt^lc
ASCI&XNE RHODES 473
réduction au tier^ de la taille orJiuiiire . C'est une teuTre
de ta boaue époque; le bâton sur lequel s'appuie le per-
sonnage accuse un Eâculajje , e:. si leâ proportions étaient
plus grandes, plus conformes à cel es que les Rbodiens
donnaient à leur^j statue^, nous irhéBiierioiiB pasà dire que
le temple du dieu s'élevait sur les ilemières fondatioiis dont
nouB avons parlé . A peu de distante , on a trouvé ausai le
pied d'une statue colossale, nppar.enant à la décadence
de l'art , et de stjle romain . que l'on reCOuDAÎt aux ban- '
delettes roulées autour de la jambe pour tuaintenir la
fiantlale .
Le rocher sur la crête duquel sont perchés les trois mou-
lins , e^t percé de deux puits ciiculaires étrnit.': , que l'on
prenait pour l'ouveiture de cliambres sépulcrales; mais "
l'opinion de M . Newton à ce ^ujet , u'et^t aujourd'hui nul-'
lement confirmée ; car bien tjue les ouvriers qu'y a fait '
descendre S.E. Mahmoud Fâcha, n'aient trouvé l'eau'
qu'en Its creusant k 20" environ au deesous du niveau d'un '
tombe:)U ouvert sur le nàvé , ils n'ont cependant rencontré
aucune i ommnnication ni avec cehii-ci ni avvc d'autres .
Au même endroit , les terrai-srmeuts de le route ont a- '
mené à la surface des pierres équairits, une piï'ciiie, des
débiis de poterie:> communes , et même qnil4ue.s pieires '
encore collées par le cinteni et revêtues d'un siuc qui avait
conservé Ivs couleurt dont il avait été orné ; ce deinier
détail, pur sa di.'-|iofitiun en forme de voûte ,, encouragea
les recherches ; mais la pioche fouilla inutilement le ter-
rain.
Au lieu de gagner la terrai:Be supérieure , il convient de
descendre un [leu vers uue tannerie pour saisir quelques
saovGoOt^lc
474 AItCBk>LO<UB
restes d'uo temple , selon toute apparence , car des blocs
de marbre sont épars çà et là . Enfin les constru^^tions se
continuaient en descendant jusqu'à la plage . et des cirrée
de mosaïque que la pluie a dégagés du su) , imnuncent tjue
les édifices avaient une certaine fph'iideur . Il y a t^uelques
années, on suivait encore la voie t^ui montait à l'Acropule
où nous DOUB empressons cfarrivcr.
' Un sentier escarpé et lOitipu pur les éboulements , sil-
lonne la montagne , conduisant à une source Dumuiée La^
eani, dont l'eau coule entte diS rucbt-rs qui unt pcui-êtie
fait partie de l'ancienne enceinte ; les autres ont ruulé dans
le ravin Nord que nous venons: de longer, où on les retrou-
ve au milieu de débris de marbre , dont un gi-and nombre
sont des draperies 8onlptueu^e8 ; d'antres encore suspendus
sur le flanc de la montagne (Ouest) , t-emblent avoir éié
. saisis dans leur courbe effrénée par une puisi^ance surnatu-
relle , et n'attendre qu'une violente convulsion du sol pour
se précipiter en bondissant, et aller rejoiudre ceux qui sont
tombés dans la mer .
Mais si les superbes murailles se sont écroulées, les pro-
fondes tranchées qui les unifiaient & la roche constitutive
de la montagne , sont encore presque béantes en plus d'un
endroit , et nous tiennent fidèlement sur la ligue de ces
cotiïtructions «xtemes .
Nous sommes presque- arrivés sur la dernière ter-
rasse . Le sentier s'est élai-gi ; c'est maintenant une corni-
che qui passe sous un pont dont la voûte e^t un rucher é-
quilibré sur deux autres par un effet de la nature . Des ca*
Ternes hautes deasinent brusquemcfnt une ombre noire d'oïi
l'on peut contempler les charmes d'un horizon embrasé
saovGoOt^lc
a:!CI£:;nq i;uudb9 475
'onf. entier par les rayons du soleil . A l'extémlté de ces ca-
vernes est la sépulture d'un S.nitan , qne les Turcs vien-
nent imploi er en attachant. Si'loii l'usage , des haillons aux
fenêtres, pour être guéns de la fièvre.
De là on arrive inimédiaienient t^ur le platenu où ce
ijui frjippe aussitôt, c'est lu rue d'une maison qn'habiti
l'iimiral anglais Sir Sidney Smith ; c'tîtait une vedi-ltii ad-
miiabUment établii; pour observer l:i flotte fiançiise pen-
dant l'eipédition d'Egyp;e (1802) ; ce fait donne la raison
du nom appliqué à celte moutHgne parles Européens. tan-
dis que les Turcs l'appellent UenIjanTipc ou colline de
Merdjiin , car tel était !e nom du Santon .
De cette même position où l'Amiial Smith inondait l'im-
mense horizon, exploioub le champ sur lequel b'agiiait au-
trefois une populaiion iicmbreURe pour conten<pler avec
orgueil le dépun ou le retour de se^ na\)res aux bhniches
ailes ; pour célébrer dans les temples les féteS de .■-es dieux;
pour s'enivrer d'enIhoU8:a^me tur les «Jegiés de l'amphi-
tbéâtie ; pour couronner les triomphes de seB art.stes et de
8is athlètes; pour lecevuir les staineseth-s cliea-er sur
leurs piédestaux nu milieu îles transports de l'ai Ygresse;
prur courir à la Irécl-e ei lefobKr renucmi; pour hcioui-
pep-ner n dépoui le (le> Lér. a ju^qn■à l'entice du tcnilieau
creubé dans le rccLer bur [.(pul ils étaient iiK.n* eu com-
battant .
A cette activité bruyante a bUtcédé d'abord la fébrile a-
giiiitiou duii peuple de corsaires, héritier jaloux des ruines
qui dértbeni sa pie'sei.ce ei favorisent ses ruses; le si-
lence qui précède le crime , n'était rompu que par les cria
sauvages de la cupidité , victorieuse ou vaincue . Ensuite
saovGoot^lc
476- AHCnfcOLOGIB .
la civilisation fait refleurir ces col'iiies féconiiées par les
tièdes baleines de l'Orient ; la vie calme et austère du mui ~
ne guerrier vient se reirt-mper îi l'ombre des arbres qu'il
a plantés de sa main , un moment délivrée de lépéi' ; >a
poitiine libre de la cuirai-se aspiie les feiiteurs vivifiautt-s
du jardin fleuri qui entoure sa nioilistc villa ; s^in front
déchargé du cafque arrose drs sueur> i!e la paix le cliamp
que pendant la guérie il arrO!-e de ^o^ sang . Aujourd'hui
toute poésie a disparu ; sur les ruines des glorieux édifit-es
du passé, ee couchent nonclialainrneiit tous les jouis les
ruines d'une ville condamnée par le fatalisme musulniau ;
le désordre, l'abaudon, règneut eu tyrans, et 1rs arbres
semblent couvrir de leur vé-iétation désordonné un ci-
meiièie oii depuis longtemps on ne vient plus pleurer .
Mais notre but n'est pas df faire de l'élégie, et le Ircieur
attend la description do cette colline célèbie, t^ni s'étend
en iilateau irii?gulier du N-E.au S-E et s'abaisse ensuite
en terrasses assez bien dossinées au SE. et h TE. Il est
regrettable que le plan dressé par M . Newton lais-se eu
blanc toute cette panie qui domine les faubourgs . Pour
comp'éter son travail arrêté là oîi peut suffire l'intelligence '
d'un homme , il faudrait , comme il l'observe lui même ,
k* patientes ciiidts d'une commis>ioii scientiKqiie , aidée
des instriiraenjs et des ressources qui sont ordinaiieiiient
alloués , La colline wrait pariagée en zones di>tincîe8 , et
l'ensemble eu résulterait géométriquement; l'expérience'
acquise éclaireiait l'inconnu ; les fragments d'inscription
rapprochés parleraient d'eux-mêmes; peut-être aussi sau-
rait-on reconstituer une statue , un édifice, car on réuni-
rait beaucoup des pièces éparses de ce jeu de patience .
saovGoot^lc
AHClBNIie BRODES 477
NoiiB, ne sommes pas placés dfnis ces heuroujes comlitioDs;
cepeiidaiit . cimratitcut* du peu d'iatérét (|u'of3rii';i;t une
exploiàtîoD déaordoiiD^e , esclave ilfs zigzag> qui liiiiUcnt
IfS jardiiis. nous lie nous l>i'80iis pas abattre pai- la diffi-
culté , et tout de Suite iiotis traçoii'- V themin que iiout^ al-
lons faire, les yeux otive.ta sur tous nos- pas. Le compas
sur le plan . il fera facile de nous r^uivie . Avec un myon
prulongé de 1;^ K*. au ^. de noire deriiîèrf (it-'ition , nous -
décrivuDS un arc que nous piirlagi-oiis en degrés . Le pre-
mier secteur, limité par le rayon pnssnntàla loui S'- Geor-
ges , comprend 20 ; le deuxième est auNsi de SO" , et son
i-ajou limite tombe sur lu bastion d'Ëspngne ; oi lui du troi-
sième, de lO .sur la tour S'^Marie; du quaiiième de 50 ,
sur la porte S'' Jean ; du ciU'juième en6i] , de lO , sur le
bnsdon d'Italie. Marchant t>ur lesteirasses supérieures
et sur le plateau de l'O. au SE., et r-.veiiaiit fcur nos pas .
mai;' sur le» terratisefi inférieures , nous luculiseions fidèle-
ment, nous ne dironii pas tous les détails , car il faudrait
pour cela uu volume frpécial , mais du moins les plus im-
portants .
Nos premiers pas à l'E-S-E. de la maison Smith ren-
coutreut un monceau de pierreit entouré d'uue enceinte
carrée ; un tronc «le colonne de porphyre , un fragmeni de
fnse à. fleurons sculptée dans un marbre d uik' légèie tein-
te robe , et bi limpide qu'il semble une guîrlamie compunée
de ^étaieb de la même fleur , tellei» sont .qa épa\e:3 qui tl.it-
tent les regarda au milieu d'autres blocs de marbre et d é-
clats de lurnicheti avec le^queta le propriétaire mdilterenc
ferme sou enclos, occupé pifUt-étie piir un Leinp;e de l'Au-
rore ; car ce point est carressé par le premier rayoa du
saovGoot^lc
478 ARCHéOLOQïE
Soleil , et il eu reçoit le dernier, quand l'astre brillant a rè-
gne , dieeiit encore poétiijuement les Grecs .
Une muraille heléoiquc impose I» marche h suivre vers
le S., laissant entre elle et le chemin circul.iirt- du pliiteaii
un espace moyen hirge de 100"" ; qii'iini cm a parcouru iiin-
si deux ceuts pas, ou iencontr<' iiert^emliculairement h s
fondatiODB d'un <?dificv immeuse, puisqu'il oc<.'upait |iar sa
longueur tout l'espace que nous Tenons de Héteiminer . Au
bas deux troncs de coloiiues de marbre lumaolicl e iiicnviiat
sont debout ; un troisième de niarbie bleu , sur lu iiiémc
ligue , est couché près du chemin ; nous avons lecueilii là
deux fragmenta de fût lubulaire; ils n'auraient eu aucune
valeur , sans nue inscription en caractères très.anciens ;
malheureusement les fragments rapprochés ne donnent
que des sjlkbes ainsi disposées:
lO?
nXAP
ANEI
NYO
ON
Ol?
La dernière rappelle la consécration ofilinaiie: Aux
(fiena:. Toute recheiche pour compiéier citle insciiption
est letttév infiuctueuïe ; dans le clian^p voi^in,un autio
tronc de colonne semblable jiu troisième , et symétrique-
ment placé , indique laLiigeurde l'édifice , 30"eDviron;
le slyle des colonnes et d'autres fragmenis de corniches -.l
tout la sobriété de l'ordre dorique ; cependant nous avons
rencontré une couronne de colounette en marbre de Paros,
d'un travail plus riche ; c'est une guirlande de fleurous
yGoot^lc
AI;clB.'<^B GBODSs 479
sculptés en demî-boBBe .
L'atteution n'est pas longtemps inoccupée par Tunifor-
mité de la muraille qui diiige les pas ; car elle remarque
bientôt sur la gaucbe une haute terrasse largt^ de 8"* à son
extiémilé 0.,8'élargis6ant Bensiblenieiit vers l'E.,»-! longue
de 30 ™ ; un tambour de travertin ,dégvossi tn larges caniif.
lures, parait être- dans sa position primitive auj^rès de la
teiTasse , contre un mur qui se dirige vers le N.. Le» flanc3
du rocher ont été soigneusement pnremeiités, et une i-aillie
longitndiiiaie inféiieure semble avoir été ménagée pour
Soutenir un revêtement. Trois degrés partagent la plate-
forme en vastes palliers . En les de^c^'nllant , on-trouve à
l'extrémilé une excavation profonde re[)liée au S-0. ; dans
cette pitriie a roulé un autre tambour de travertin , arron-
di hur un diamètre de 1"78 ; dans la tranchée faisant face.
&-t une ouverture dont les parois sont m-içonnées de dal!es
et couveites en chaperon ;on dirait l'entrée d'un tombeau;
des fiagments informes de marbre attestent que ce monu-
mi ni avait été non beulement con&iruit dans des ]K-0|^or-
tions gigan.esipies, mais orné aussi avec sompuiosité . A
l'Ouest, nous tommes Pur un rocher à fleur de tctre; au
cenire une ouverture rectangulaire a toute l'apjiareuce
d'un esealiir conduii-ant à uue ttimbre sépnlcrah- .
Quittuiis cette piemière tei rasée pour franeliir l'ungle
du terrain au N-E., vers une seionde tenasse portant uue
vili.. de bunue ai-piirenee: .-ur la plati-foime cairée est un
chapiteau angulaire di' niarbie bleu, dont 1. s arêtes vivei
ont été jut-iju'it: ; ■ ..Md. Uo débii* porte i'jnscriplion
suivante :
ArHîtONbYPItTPATO
saovGoOt^lc
480 ABCHBOLOCIE
PEiCANAPOCKAirPAS
EYPYÎTPATOYYr'EPTOYAA
Si nous avion.-, pu irouvi-r lu m,.rbrr s'aL-culant à celui-
ci , nous aurions vu l'inscripLion complèie qui nous aurait
éclairés; uu examen irès suivi des niur^illi-s iioiisa procu
ré la découverte d'un autre maibri- sur le seuil dt^ la mai-
son ; moins imposant comme débris , il est plu!> important
comme docum»'nt:
TAAYKflNETEOKAEOY
A0HNAIOa"POEEr4O«
AnOAAÛNIPYOïni
Cette dédicace posée sur les base^de l'éititice , nous per
met d'inférer que nou^ sommes sur l'empliiccineiH d'un
temple d'Apollon Pythie» , auquel le marbre tst dédié par
l'Athénien Glaucon .pmxène .
La muraille qui nous guide borde une ancienne voie
tracée entre les deux étages supérieurs de la montagne .11
est donc naturel de la euirre l'espace de 100 pas pour re-
monter un peu vers l'O., jusqu'à ce qu'on rencontre un
monument dont les détails nouent toute une intrigue . Ua
champ profondément encaissé est limité im S. par un
chemin descendant du plateau ; k l'O. [mr une tranchée es-
carpée; à l'E. par une muraille d;ins liiqnetle on voit beau-
coup de matériaux helléniques ; au N. eiiâu par un banc
de rocher long de 25" eu ne tenant pas compte de toute ia
partie qui s'est effondrée, et haut de 3". La faç.ule forme
au N-0. un angle rentrant , accident naturel . car '.esiirux
plans sont paiementés comme U façade entière; celui .ji;i
regarde le S. est percé eu voûte à plein cintre pur ; la |ia-
roi du fond est plane . Eu sortant de cet angle * on voit
saovGoOt^lc
UiaBNICE EiIOD£a 481
desân^ sans art une croix dont l'arbre mesure 0^20 de
hauteur ; le trait a la même couleur émaillée que tout l'en-
semble. Au dessous de cette croix s'ouvre une excavation
pareille à l'angle d'un appartement ordinaire ; un peu à
droite , deux crois rapprochées , plus grandes , mais de la
même main que la première , so.)t tracées au dessus d'une
niche à laquelle suecède un four offrant une particularité '
remarquable; la retombée de la voûte est interrompue par
une tranchée verticale large de 0"'50 et ne péiiélrant pas ■
dans le ciel du rocher au dessus du pôle culminant ; cette
entaille a été faite évidemment pour loger une ttjitue ; ce-
pendant c'est un travail sans aucune ornementation, et qui
doit être postérieur à la première éviscératio» du massif
en vue d'une sépulture . A la droite est une niche et enfia
une vaste chambre sépulcrale dont l'ouverture a 5"; les
parois latérales sont parallèles longues de S^et revèlnes
comme celle du fond et le ciel, d'un stuc rouge ; une frise
lisse et une moulure simulent une architrave régnant bur
les quatre parois; car la porte percée au dessous du ciel
forme intérieurement un linteau ; à droite et à gauche une
niche peu profonde est disposée comme le sont ordinaire-
ment les crédences romanes ; il n'y a pas de doute cepen-
dant que nous sommes dant une sépulture hellénit]ue; car
deux fours obstrués par des éboulements sont néanmoins
encore visibles; les bouches font face à l'entrée. I! n'y a
d'ailleurs aucune ornementation externe ; car une série de
petites cavités tracée sur toute la longueur, fait plutôt pen-
ser que les poutrelles d'un auvent s'appuyaient par ce
moyen contre le rocher . Il se prolongeait à l'O. ; niaib cet-
te partie , trop affaiblie par les excavations , s'est entière-
saovGoot^lc
*82 ARCHBOLOaiH
ment écroulée . Nous ne- sommes pas en demeure de for>-
ïBuler maintenant aucune conjecture de cet ensemble de
aétails qui rappellent l'ère payeane et les origines du Chri-
stiantsme , ©t nous quittons ce monùnioQt , pour observer
une construction qui le continue à l'Est .
Une rampe très-inclinée laisse à jour la pierre angulaire
d'une muraille reposant sur un fondement naturel ; une
seule assise est en place , composée- de pierres dont une
inesure 4™ de longsnr l^de baut; les autres ont la mêma
dimension verticale , mais août à peu près de moitié moiu»
longues que les trois premières ; la muraille se replie à an-
gle droit à l'B., tandis qu'au S. le rocher brut fait saillie ;
on voit à la base un four sépulcral .
La voie toujours bordée de pierres helléniques , se pro-
longe vers le S., et sortant des jardins et des murs qui bor-
nent la vue|, traverse par plusieurs embrauchemeuts le
plateau qui prend alors toute son extension de l'O. à l'E..
Nous n'avons pas à nous engager profondément au S-,
puisque nous avons parlé déjà da Petife-Atabyroa et de
Santûurly, du cercle limite en un mot de l'Acropole ; avan-
çons vers l'Est , mais sur le plateau .
Au S. de Macri-Steno, près de quelques maisons déla^
fcrées, au milieu de nombreux débris sans forme ni nom,,
sauf un aigle de dimensions colossales , mais mutilé , nous
avons relevé les inscriptions suivantes gravées sur des au.-
tels tumulaires :
lEPflNYMOY
EPflNOt
saovGoOt^lc
ASCSSSNZ RQODIS 483
APXHNA?€A
ArHÎANAPOY
APYlTli.
La présence du csaractère H (È français) , prouve que
celte dernière appartient à une époque où le dialecte donea
n'avait plus l'empire absolu .
L'ethni(]ue ApûiTc;; rappelle une petite ville du territoi-
re Liudiea, dont le nom indique qu'elle était située au mi-
lieu d'une forêt de chênes .
Un troisième porte :
EYBOYAOÏ
<t>IAI«KOY
AAAAPMIOÇ
Ce dernier ethnique retrouvé une eeconde fois sur une
dalle près du pont de Coskinou à la suite des noms pa-
tronymiques :
NIKATOPAînAMiUAlAî
...YIO0E«lA AAAAPMIO?
d'autres rensignements enfin que nous avons pu recueillir,
nous permettent de dégager d'une évidente corruptiou ,1a
racine d'Alaëmia , nom actuel d'un village de l'intérieur.
En retranchant la lettre initiale, M • Ross le fait dériver
de Las-Ermes ^pierre de Mercure) ; nous dirons de préféren-
ce que le nom atiti«jue est Lalannia.
Un monument qui n'est guère moins intéressant que lo
Ftolémœum par son état de conservation , a échappé à
toutes les explorations préeédcntes . IVur le rencontrer , il
faut , de l'endroit où nous sommea, marcher au S- vers une
maison adossée à une voûte du Moyen-Age , prendre le
sentier qui descend dans la direction du S., tourner avec
saovGoot^lc
4S4 ABCHèOLOQIE
lui à TE. ; et arrÏTé à l'angle qu'il f orme , en reprenant
la direction du S., traverser le champ qui est au dessous .
A 200 pas environ , sous une maison isolée et entourée
d'arbres, est ce monument composé de deux parties distin-
ctes quoique intimement liées; l'une encore entière , l'au-
tre n'existant plus que par une de ses faces .
La première est un tombeau monolithe; le rocher a été
extérieurement équarri au N. sur ll™et à l'E. sur 8 de
longueur; les deux autres faces restent engagées daus la
masse du rocher qui se prolonge vers le S-0.. Une ouver-
ture r.arrée de l"i»?nviron pratiquée un peu à droite , don-
ne accès dans la chambre hypèthre ; les parois ont éié ea-
tièremeut revêtues de fctuc ; à quelques centimètres au des-
sus du sol évidemment exhaussé , est dessiné nn stylobate
composite ; la paroi la plus ornée est celle qui s'appuie à
rO.. A la hauteur de l^^SO, règne une corniche trèi>-tail-
lante , soutenue par des pilastres engagés ; les parois Sud
et Nord sent amorties à S^de^liriuteur et forment une ga-
lerie interne et externe ; sur l'épai.'-sour lai^fcée à la roche ,
court une assise de pierres grossie rement travaillées ; le
dernier détail à obterver .est une grolte creusée à l'O., en
partie effondrée , mais dans laquelle on voit encore des
chambres sépulcrales recouvertes de htuc comme le monu-
meut"pnncipal .
A vingt pas an N., un rocher diessé en ligne droite avec
la paroi B. du premier monument , devait , selon toute^ap-
parence le rejoindre , non par sa constitution , mais par
une construction ; car une large entaille verticale ne peut
avoir d'autre raison que de maintenir une muraille adja-
cente . Mais cette muraille et même uue partie du rocher
saovGoot^lc
AMCIEN'NE KHOSISS 485
qu'elle prolongeaitoutdit^para. Tel nvCû est encore debout
celui-ci a IS^de longueur ; sa hauteur est de 3» et son é-
paîeseur de 2 . L'orDeiiifutatioii a deux caractères très-di-
stincts ; c'est au centre une arcade feinte, profonde de 0"* 50 ■
environ sur 3™ de diamètre , mais sans aucune archivolte ;
une corniche en bofsage . soutenue par des trigljpheB , la
domine ; la base est enterrée . A droite de cette arcade
un fronton encadre avec les deux colonnes engagées qui le
soutiennent, un panneau rompu obliquement ; à gauche de
l'arcade, le rocher fait angle rentrant, et une ouverture
est taillée dans la paroi amoindrie ainsi qu'une cavité des-
t'née à recevoir une dalle avec prolongement en croix .
La nature ou l'art avaient probablement continué celte
clôture à quelques mètres au delà commede l'autie côté;
car une terrasse soutenue par des pierres helléniques va
rejoindre perpendiculairement un accident semblable de
terrain de la même longueur <jne le premier monument ;
celle-ci à son tour est interceptée par nue troisième , dont
le milieu est occupé par un rocher faisant face à celui que
nous Tenons de décrire , et formant pur une profonda en-
taille comme une place réservée . Cet ensemble marque
encore l'emplacement d'un temple , mais rien n'indique à
quelle divinité il était consacré .
Conformément au p!an t^ue nous nous sommes tracés,
nous descendons maintenant veisla tour S" Marie, en par-
courant les étages inférieurs des secteurs dont nous avons
étudié le faîte. La tradition des temps modernes conduit à
l'endroit où fut l'église b'- Etienne , un des édifices reli-
gieux les plus remarquables bâtis par les Chevaliers hors
dei rempaiis. C'est dans ce sanctuaiie que Dieudonné de
saovGoOt^lc
486 IBCBÈOLOGIS
Gozon après une fervente prière, avait revêtu ses armea
pour aller combattre le drafçon .
Malheureusement l'églisf qui tombait *-n ruines depuis
la conquête Turque , n'existe plus aujourd'hui , et daus le
jardin miaérable qui appartient en Facow/àla mosquée
Suléimanié , on a de la [eine à retrouver les traces d'un
édifice sacré . Eu 1849 les pères Francisciins eu ont ache-
té les matériaux pour les employer h. l'én-ction de la cha-
pelle cathoiiqae dépendant de leur couvent. L'édifice dis
Chevaliers n'était pas bien considérable , mais soti'Iement
bâti eu pierres de taille, il ne manquait pas d'une ceitaiue
élégance et affectait la forme d'une croiï romano-byzanli-
ne.liturgiquenient orientée à l'B.. Le centre était Burmou-
té d'un dôme octogone que des coSounettes engagées or-
naient à l'extérieur ; l'intérieur était décoré de fresques re-
mar'iuables, parmi lesquelles on a pu discerner ju.squ'au
dernier moment sur les pilastres du dôme , les quatre É-
vangclisles , et sur une des parois , une assomption .
Anhitecte d'occasion, plus qu'admirateur d'un glorieui
passé , le P . Giuîeppe da Lucca qui a procédé à la dé-
molition de l'édifice, a recueilli avec f^oin tt.utes les pierres
qui pouvaient être uiiles à la nouvelle conftruction , et a
abauijunné toutes celles qui n'étnieut pasd'u-ie ii i.iié ma-
térielle . A-t-i! remarjué que les Chevaliers avaient sim-
plement restauré une ancienne église byzantine que la tra-
dition faisait remonter au Vh siècle ? Nous en doutons, et
nous sommes presque portée à lui savoir gré de cette in-
diiférence qui laissant encore sur place un monceau do dé-
bris de toutes les créations du ciseau , permet à l'imagina-
tiou du remonter ik l'origine de cette coiistructiou • Que
saovGoOt^lc
AXCISKHE BHODK 487
.l'on retourne quelques unes r\& cps pierres, et Ton recueil-
lera un membr.' , unt* draperie : nous avons s.iuvé un quart
de figure àbarbe fiueiiieiit roulée , à lèvre iiiince et nette-
ment arquée , au nez (iélicaiemeiit afiîlé; une jnmbe «te
femme cassée au dessuj.'et au <te?.80u8 du genou légèrement
plié de manière à tendie lu robe itcctisée par des fronces à
peine sensibles , pr.nieut peut-être d'une Minerve . Ce qui
donne de l'autorité à celte conjecture , c'est ce f ijigmeut
d'iiisciipioD que n{)us avons reLvé à la même pièce :
OAAMO^OP
AFHTOPIAA
. NAÎPOAIAA
0
On reconnaît une dédicace du peuple Rhodien à Miner-
ve Poliade; mais on se demandera aussi avec étonncniett
par quel bazaid un type de la (JiTinilé pnyenne et nu acte
authentique du eulie qu'on lui rendait n'ont pas été anéan-
tis sous le pied vainqueur de lu vierge de l'Évangile et du
diacre martyr. M . Rio déciile de ce ^'crupuU■• avec tout le
poids lie >a philosophie ihnt- le» iiits : la MiiieiTe dont Phi-
dias avait orée le modèle, exprimant " l'attribut suprême
de la bagesae non progressive , ..." irétait-ce " pas la for-
mule mythologique d'un dogme depuis luiigttmps perdu
pour le peuple, mais entrevu et lespectueutemeut recueilli
par la philosophie pliitonicienne ? ... L'e.xtréme pureté qui
respire ànaa la pof-e , dans les traiis et jusque dans lea
moiudiis <iéiuii> , muiitie assez que l'aitistt' avait compi-is
et voulait fc.ire i:. mpreii .e .i..« a^.Uet- i^ue la chasteté est
mère lie l'u-teHi;.! uce ei de la fu.ge .'' ' Si uuuo une Mi-
• Bio, l'Art Cht. lai.
,ao,Gooq)c
488 AacHtoixwiE
nei'TO de réc<»le d« PhidUa échappée aux dé.-astre8 anté-
rieui-B s'est trouvée sons la main df^ CheviiIiiTs, ces hom-
mes d'iiitfUigeiice et de force, n'ont pas craint de la rele-
ver dans sa dignité de i.ymbole de la Vierge à laquelle ils
rendaient leurs hommages .
Continuons sur le même chemm vers le S., juaiju'à la
rencontre d'une grande voie qui nous fait remonter un é-
tage de l'Acropole, à l'O. par conséquent . Sur le parcours,
nous rencouti-ons le fragment de marbre couché horizon-
talement dans lii première assiïe d'une haute muraille mo-
derne, sur le(|uel M . Foui;art a copié l'inscription conser-
vée dans li-B Annales Archéologiques . • Nous l'avons rele-
vée néaumuina pour ajouter quelques lettres qu'il n'a pas
vues ;
AAlfîKAIT
TITOÎ0
AAMATOPAY
lAAAMArOPA
AtKAITITOÏ
OÏAAMArOP
AAMArOPAYlO
NAAAMATOPA
AAîKAOANË
TANTOMET
{EI^MON
Cette muraille doit être observée avec intérêt; car elle
renferme beaucoup d'éclats précieux , et sur la voie elle-
• Vllmew.ivol. 13.
saovGoOt^lc
jLxaE.s-NE Raohx* 489
même, après qu'une pluie abonrlante l'a changée eii tor-
reut, on ea trouve une infinité d'autres. Cette minutieuse
attention nous a procuré k bonne fortune de découvrir un
fût robuste de niiiibre auquel s't-st confiée l'intelligence.
S» po^jitiun transversale dérobe les ciractèris , et couime
il s'en trouve beaucoup d'iiuîres semblables , se présentant
aussi aux regards par leur cus^ure, on comprend qu'il n'ait
pas été remarqué ;pour obliger cette archive de livrer sou
secret, il nous faudmit obtenir duri'^ femme tuique, pro-
priétaire de ce mur , la permission d~em|ilojer un maçon ;
nous y pameiidrons, nous l'espérons, mais il fiiut le temps
de la négociation, car la difficuUé croît en raison du texe.
Cependant qu'on nous permette ici une petite digression.
Nous ne saurions compremlre et mënie ne pus blâmer les
craintes qui ont empêché le colonel Kottiers de s'engager
à l'intérieur de l'Ile , soua |iréiexte qu'il y allait peut-être
de sa vie; * nous devons au contraire témoiguer que le
Turc , quand il a mis sa femme à l'abri des rejçards , laisse
avec complaisaiice traverser discrètement son champ, s'of-
fre avec euipret-fement à lendre seivice pour soulever une
pierre, et ne refuse jamais la jarre d'eau qu'on lui deman-
de pour se désallérer . <.'e caractère obligeant nous a pro-
curé la facilité de lire sur une MÔJe de uiarble bleu plantée
dans le premier chemin que l'on doit prendre à gauche,
une longue inscriiition copiée déjà ]>ar M . Foucart; elle
était alors plus coni]ilète qu'jinj.mrd'hui ; elle ne nous oc-
cupera qu'à l'occaslou uea jeux célébrés à Khodes .
• Un. dfl Kbodw p. i
,ao,Gooq)c
490 ÂCCHiiOLoaiE
Le même chemin longe untermin profondément eneais-
Bé dont la coufiguration rappelle, malgré l'iibSfDce entière
de ruines , au jugement lie M . Newton , le Stadion, com-
munément appelé ici Théâtre . L'hémicycle est encore par-
faitement desiitié , et peut-être doit-on reconnaître aussi
dans les substructiona et les pierres éparses qui sont au
N-N-Ë. du logeum (la seène proprement dite) , la thyrnde
ou autel du sacrifice , et un temple de Bacchus . D'ailleurs
la voie sur laquelle uous sommes en ce moment , domine
toute la plate-forme , et dans un mur d'appui de la terras-
se , noua avons trouvé un torse de beau marbre ; brisé au
de&sous dea épaules , il mesure encore 0'"45 de Lauteur; la
draperie très-complexe accuye l'époque oîi l'art aimait la
recherche et visait à l'effet de la po^e . Le savant archéo-
logue anglais a étudié cetemplaCfuieiit en puniculier avec
tout le talent d'observation qui le distingue , et quand il
fit cette étude , les élôments nécessaires aux conjectures ,
u'étîiient pas disperses comme ils le sont aujourd'hui; il a
donc pu voir à lE. uneviine plate-forme , i-t eu remuant
que'ques pierres , lire des inscriptions mentionnant les
prêtres d'Apollon ; on en doit conclure avec lui que le tem-
ple du Soleil avoisinnit l'amphithéâtre.
Au chevet mémo de l'Acropole une voie traverse per-
pendiculairement celle qne nous continuons à suivre tou-
joui-s vers le S. jusqu'à son retour à angle droit vers l'E..
Dans l'angle même sont des autels tuniulaires ne portaut
aucun nom , mais sculptés avec une rare piofuslon . Lea
pierres qui bordent cette voie , et celles turtout qui com-
posent la muraille d'une maison meDaçaiit ruine , méritent
une mention toute particulière ; daus la cour une magniû-
saovGoot^lc
A:<as:{}>E khodk 491
que colonne hante de l'"50 . un autre fût semblable , des
marbres d'entablement et de corDÏclies , surviveot comme
témoins de lu splendeur de l'édiâoe auquel ils ont apparte-
nu . Deux sarcophages destinés à des enfants , arec leurs
couvercles brisés ont renfermé des victimea de la mort
dont le nom survit par l'excès de la douleur maternelle qui
l'a confié au marbre :
...PATEAÎ
L'autre traduit mieux encore les sentiments religieux de
l'amour et de l'espérance dans cette formule que M . Ë .
MUler a rencontrée aussi à Thasaos : *
ÎIMÛNIAH?
«APAIANO?
EPO« XAIPE
Là s'était enfermé tout le cœur des parents avec cette
douce résignation qu'inspirait la croyance à la vie future.
Cette rue n'est qu'un embranchement d'une voie principa-
le que l'ou rencontre à quelques pas plus bas . Celle-ci va
de l'E. à rO.. Si le touriste arrivé au point de raccordement
tourne à droite , il observera les premières pierres pare-
montées en bossage des deux murailk-a antiques qui le
conduiront à Sautourly, bordant jusqu'au rivage une chaus-
sée encore admirablement pavée de galets vougeâtres, par-
tout où la violence des eaux ne les a pas arrachés . Si au
contraire il tourne à gauche , il verra des blocs de marbre
encastrés dans les assises posées sur le rocher paremeaté;
des colonnea étendues au travers du chemin ; dans un
• Itov. Arch..VIIn«
saoyGoOt^lc
492 ÀBCHtOLOCIB
jardin à droite , une série sjméivique debauts pans mono-
lithes qui ont dû ne former autrefois qu'un fcul monument;
Bur l'un d'eux , un lourd cartouche ; des autels tumulaires
riches en ornements ; un serpent monstrueux earoulé ,
remplaçant les bucranes par des sinuosités qui rompent la
ligne de ses anneaux et imitent ainsi une tiiple chute de
festons ; à gaucho dans la tranchée, des limeaux de traver-
tin dont les fines moulures do stuc ont .résisté à l'action du
temps, et immédiatement au dessous, la vatte entrée d'une
chambre sépulcrale . Sur un sarcophage , nous avons lu :
NYM0OAOTOC
POAOKAEYt
KA«APEY«
et sur un parpaing qui a fourni la moitié de la base d'une
colonne: '
I.HAIOYAOYKIOY
EINAPOHAIKOAA
TIAA«
L'autre parpaing a disparu . Sous le pavé dé cette rue ,
passe l'aqueduc par lequfl on avait si sagement pourvu
aux besoins de la ville ; quelques pns encore , et nous arri>-
vons au point marqué sur le plan Anci- ïfaW, ayant l'B. eu
face de nous, après avoir suivi la sécante qui arrive au
centre en passant par la tour S''* Marie .
Pour entrer dans un autre secteur , on doit remonter à
droite et s'engager dans le chemin appelé Macri-Steno , ou
longue rue selon le sens moderne . Mais au lieu de marcher
à rO. sur le chemin lui-même , nous descendrons dans la
gorge profonde , counue sous le nom de Valleltes , qu'il
borde jusqu'au plateau où elle prend naissance • C'est une
saovGoOt^lc
AfiCaEKKfi âttODSB 493
partie importante d'une nécropole intérieure ; il est d'ail-
leurs facile de comprendre que les banca de rochers qui
bordent les deux rivea et qui les relient en travers l'une à
l'autre , ont fourni l'élément essentiel au mode de sépultu-
re des anciens . Lea chambres ont été très-vastea; mais au-
cune ne présente un caractère original . Nous parlerons .
cependant d'un fait qui semble établir qu'on trouverait un
étage inférieur; quand on sonda les puits que l'on croyait
être les repères de l'aqueduc , un des ouvriers tomba dans,
une cavité étroite , profonde de 10" environ , et que Von
reconnut être l'ouverture d'un tombeau, car il explora une
chambre autant que le permettaient les éboulements, et.
remuqua un marbre funèbre dont une des faces était ornée
d'un bas-relief .
Nous reprenons donc la rue, et nous recueillons au seuil
d'une habitation , sur un autel tumulaire , les mots :
AOÛ«
TAAATA?
ATAAANTH
«EATI?
cet ethnique semble rappeler l'antique et puissante ville de
Selgé en Fisidie .
Parvenus de nouveau sur te plateau supérieur de l'Acro-
pole, nous nous contenterons de dire que tous les rochers
ont été autrefois consacrés par la religion ou par le deuil .
Nous avons eu la prétention dans cette longue étude , non
pas de tout signaler à l'attention du lecteur que nous au-
rions fatigué , mais de donner une vue d'ensemble de cette
montagne célèbre, théâtre de tant de solennités, ombragée
de bois baciée, sillonnée de voies maguîHques, bouleversée
saovGoOt^lc
494 IRCBJioUIQIE
aujourd'hui parles tremblementa de terre .'abandonnée à
l'inertie léthat^ique des nouveaux habitants, et brûlée par
les ardeurs da Boleil ; car à peisie reste-t-il auprès de quel-
ques maisons perdues, di'S buissons plutôt que des arbres,
à la place des splendides édifices et des bosquets sacrés de
l'antiquité . Sur le versant E-, un peu mieax cultivé , de
beaux palmiers élèvent vers le Ciel leur gracieux panaohe
de verdure.
^ 6 . BtIINE3 ÉPABSES.
La régularité ^métrique avec laquelle nous avons ex-
ploré le contour de la ville et tout le mont S*- Etienne , ne
nous permettait pas de rencontrer quelques vestiges épars ;
il nous a semblé qu'il valait mieux en faire mention dans
un paragraphe distinct, en raison de l'iutérêt qu'ils peuvent
offrir . L'amateur d'inscriptions . en remontant le faubourg
de S"' Ânastasie , pourra demander aux propriétaires la
faveur d'entrer dans leurs jardins , et il fera une. ample
moisson de dédicaces ayant piirticulièrement trait aux em-
pereurs romains . Le toumte qui recherche les moauments,
devra contiauer dans la direction de Zumbullu , suivre la
route et descendre dans le lit d'uu torrent qui coule k sa
ganche ; il observera uoe immense grotte partagée en deux
galeries par des piliers naturels ; maïs la particularité la
plus remarquable sout les triglyphes profondément dessinés
sur la façade et qui rappellent par leur simplicité l'objet
primitif de ces rainures, de faciliter l'écoulement dea
saovGoOt^lc
ANCJlilN^E: 1U1U1>£8 495
eaux .
Kejoîgnant ensuite la route , il lîonviendra de la quitter'
çt de se servir des rochers bouleversés comme d'échelons
pour explorer les flancs ravinés d'un étroit et sauvage val-
lon . Il faut ezamiuer avec beaucoup d'attention l'entrée
dts chambres sépulcrales pour retrouver sur deux lin-
teaux naturels des détails de eculptuie très- remarquables .
Sur l'un on voit encore les formes d'uu lion hissant ; sur
un autre voisin , une femme assise dans l'attitude de la plus
vive douleur. Mais le plus intércSiaut est celui qui porte
toute une scène . Le bas- relief se compose de deux pai-ties
séparées par une cariatide ; le panneau de droite est rem-
pli par une femme assise , un aigle aux ailes -déployées , et
uu Amour dominant les personnages ; celui de gauche n'en
a qu'un seul, mais dout les proportions plus grandes accu-
tent un homme assis , les jambes allongées . La finesse
des traits même sur la pierre brute , l'ampleur des vête-
ments . les lois de la perspective justement observées,
prouvent que ce tableau est dû à la main d'un véritable
artiste de la bonne époque .
S'il plait de prolonger la promenade jusqu'à Tsbaï'r, les
souvenirs de l'antiquité ne man,jueront pas pour occuper
l'attention ; pierres helléniques bardant la route, nombreux
fragments de marbre , chambres sépulcrales reliées entre
elles par des couloirs souterrains et appartenant selon tou-
te probabilité à une seule fajuil'e ; nous y avons fait quel-
ques recherches mais nous n'y avons pu trouver que cette
petite inscription sur un sarcophage brisé:
ArH«l<l>PflN
ArH«l0PONO€
saovGoOt^lc
496 ARCHÈOLOaiE
XAAKHTAÎ
Les tombeaux sont si nombreux tout autour d'Agkia
Varvara qu'oa doit admettre qu'il y avait là une bourgade
de quelque importance . La chapelle d'Ajjliia Varvara est
évidemment construite surjes ruines et avuc los débris d'un
ancieu édifice. Ily aune treutaiue d'anuées qu'une m^igni-
fique statue de feuime de grandeur naturelle a été trouvée
à une cinquantaine de pas de là , presque sur la route . El-
le fut acquiee par M . Scaranianga alors V . Consul de
Grèce à Rhodes ; nous ignorons ce qu'elle est devenue de-
puis .
On ne reviendra pas de cette intéressante excursion sans
avoir visité le fertile vallon de Dermen-Déré ; fécondé par
deux sources très-abondaptes ; les fondateurs de la villa
avaient compiis tout l'avantage qu'ils en pouvaient tirer ,
et leur génie a tracé à des profomieurri vraiment extraor-
dinaires , ce canal t»outeri-ain que l'on vient heur^'usement
de retrouver . Partant de là U branche mère se dirige en
droite ligne vers l'Acropole, et nous supposons que la
bouche visible entre les rochers du plus bas étage au com-
mencement de la route de Trianda , n'est autre chose que
le déversoir .du trop-plein des eaux . M . Christofi Ma-
liacca, l'ingénieur chargé de les remettre en circulation
par ce canal, à bien voulu nous donner 1« plan de ce vaste
travail antique , mais qui a subi des restaurations pendant
l'ère Chrétienne ; car des croix sculptées de distance ea
distance , ont conservé une blancheur qui fait contraste a-
veu la couleur plus sombre de la roche.
On trouve donc bien loia au delà de l'enceinte de la ville
les traces laissées par l'opulence des Khodiens , ambitieux
saovGoot^lc
anciij;n»e shodes 497
do mettre leurs richesses au service du génie, pour assurer
leur prospérité et faire de leur patrie la rivale d'Athènes
et. la reine de la Méditerraoée .
saovGoOt^lc
CHAPITRE Xn.
MONUMENTS DES CHEVALIERS
-^ l ASPECT ofeNÊBAL .
"Vue de la mor, la ville actuelle a une apparence assez
imposaute ; elle est cooetruite eu amphithéâtre sur uo ter-
rain qui , à partir du rivage , s'élève en pente douce . C'é-
tait certtiinement une des villes les mieux fortifiées du
XV™* siècle ; car le âystème de défense , tel qu'où le voit ,
a résulté des modifications considérables nécessitées par
ks progiès rapides de l'artillerie. Toujours menacés les
saovGoOt^lc
' DES CUEVALIEItii 499
ClievaliorB ont toujours dépensé leuv iiiielligcnce , leur a-
cùviié, Ifuru rovtniis, à pro6 er de l'ex|)érieiice pour mar-
cLer de front avec leur pui^8.lnt ennemi , er se jouer de ses
cauona . Des remparts qui portent leur gloire gravée en
caractères profonds par les boulets , bleu que démodés au-
jourd'hui , méritent néiuimoins une description . Au dessus
de ces remparts apparaÏMïent les dôiiU'S et les minarets des
mosquées ; ça et là queltjues palmiers élancés , donnent à la
ville le cachet oriental .
Mais il en est de Rhodes comme de la plupart dfs tîUcs
du Levant: L'intérieur de la ciié ne répond plus à l'idée
q^u'ou s'en e.>t faite sur la piTspective que Ion a eue de la
mer. Chose curieuse , les meilliun-s rues de la ville sont
celles du quartier Juif ; le quartier Turc, quoique occupaut
la partie haute . est moins gai . Los Grecs habitent les
faubourgs qui s'étendent auiour des fortifications, et sont
connus sous le nom de Maras . * La plupart des maisons,
de ces quartier sont de ut)ustruction moderne. Quant aux
Européens , ils habitent le faubourg de Neohori (Nouveau
vilhigi) , nmis qui , il y a peu d'années encore , était dési-
gné BOUS le nom disgracit^ux de Ktratolwri (village cornu),
qu'il paraissait mériter au temps des Chevaliers , lorsqu'on
y reléguait, dit-on, toutes les prostituées . Nous nous rappe-
lons avoir vu, sur une cai te de Rhodi s publiée eu Espagne
dans le XVII™* siècle , désigner l'cuiplaconient occupé
maintenaut par le eouVent Laiin eL par es modestes de-
meures qui lui fout suite , sous le nom de Rasa ceiiiuda.
* Conuption di) mot tue Varotick , f&abonrg .
saovGoOt^lc
500 M0NL"ME>T3
traduc:ion de Kératohuri . Quoiijuil en .'oit de son origi-
ne , Néohori est sans coulredit le fauLunrg K- pius sain et
le [dus agréable à lialji;er aujourd'hui . Apiès avoir donué
cette idée générale de la ville , dou8 abordons l'étude des
forii fi cations et des piincipaux monuments ruinés ou cliau-
gés de des^tinatioii , que les Chevaliers ont cédés au vain-
queur .
Dans son ensemble la for:eros.se inaiitime est un dey plus
beaux spécimens du génie uiililaire pour la détente ; il n'y
manque qu'un système de travaux délaeliért poui- opposer
au débarquemi'Ut ou au niOuin:)ge ïi l'O. et à TE., des ob-
stacles dont la nature coi-tiibneiaii k reudie la puifsance
inési;tib!e. Il est biin é\idint en efiet que deux forts
cun>tiuits sur les extrémités du mont S'- Etienne , tien-
draient à Técart les liotios les plus ledoutabU s .
Des ein:| poi'ls de la ville ancietnie, les Chevaiiei-s, a-
vons-iious dît , n'i-n cuuËervèieut que deux : le port de la
Darte on I ort des Galcrus {D-.vshnne rirs Tnrc- , et J/a)i-
draki des (jrecs) , et le Giaml Port, ou port de l.i Douane .
Il ne paraît pas en effet qu'il aient le^-tauré le port d'A-
candia ; le bassin intérieur dont nous avons' fait mention
en parlant du Colofee , exitstait-il encore quand ils a'empa-
lèient de l'Ile î a-t-il éié comblé comme ou l'avance , sans
le prouver , soua le magistère de i'ierre d'Aubusaou î c'est
là un fait inceitaiu.
saovGoOt^lc
UEâ CUEV.U.IERS 501
Le fort S'- Nicolas, construit fOus k- magittère de Ray-
mond Zncosta , comiiiaDde et {irotége les diuz potts à la
fois. Le mur extéi-ii-ur est bâti tn eBoarpe piismatique; ud
poot levia donne ectiée bous une Yoû:e profonde, et deax
ritmprs mèneut à la hauteur de la plate-furme établie sur
liB magasins et les réduite; unf vaste citerne npprovision-
Duit l'eau nécessaire ; au centre s'éiève une tour ronde à
deux étages, dont la plate- forme est aussi armée d*uDe
batterie ; nous avons dit as»ez les attaques faneuses diri-
gées contre ce fort ; la ^éBi^tl)nce toujours victorieuse qu'il
opposa, prouve qu'il e-~t construit avt-c une science admi-
rable, dans toutes les lègle^^ <le l'art. Gravement endom-
magé par Messib Piiclta eu 1-180 , il fut soigneusement ré-
paré ; mais le tremblemeut de terre de 1481 , nécessita une
nouvelle restauration . Parmi lis canonti rangés encore ea
&i:e des embrasures, quelques uns )iortent la date de 1482.
d'autres celle de 1507 , avec les armes des difTérentes ua-
tionalités auxquelles appartenaient tes Chevaliers .
Quant à la tour de Naiilac , décrite à la page 190 , si el-
le a gardé le nom' de Tuur des Arabes , ce u'est pas, il no-
tre avis , parce qu'elle aurait été élevée pendant l'occupa-
tion Sarrasine sous Moawîah, mais plutôt par ce que l'Or-
dre a employé aux travaux les arabes nombreux qu'il te-
uait en captivité . Il n'en reste pluB que la ba^e et une par-
tie de l'arcade qui la reliait & Ia porte St- Paul (porte in-
térieure de la Darce . ou Damla- Capou des Turcs) .
0ne inscription turque à l'extrémité du chemin de ron-
de , nous apprend que le Sultan Abdul-Medjid répara les
dommages causés par les tremblements de terre ; ces ré-
parations ne furent en réalité que très superficielles ; déjà
saovGoot^lc
502 IfOHCUEHTS
chancelante , elle ne put résister à la forte secousse, de
1863.
l>a tour S'- Jean n'a qu'une plate forme, et ne parait
d'aiUeurs que d'une importance secondaire; cartUe tst
couverte pur les feus des deux autres .
Ces deux derniers foits reliée à la muraille dVnceinte
par les naôles , étaient en outif piotéjiés par des batteries
de port, l'une eous la porte S'- Taul , l'autre au fond du
gnuid port et dirigeant sis feux félon l'ase de son embou-
chure . 11 suffit de voir cette défen!>e même dans le triste
ctat où elle est réduite , pour comprendre que ta rille n'a
jamais pu être priée par mer .
^ 3 CEINTURE EXTÈfilEURE .
Ceux qui l'anront obaerrée déjà des hauteurs du mont
S'- Etienne , n'hé^iterollt paa à lui appliquer cette peinture
du Bibliophile Jacob : "Ce n'est pas sans une sorte d'élo-
quente audace que les tourt; , les donjons , s'élancent, s'é-
chelonnent, se commandent , «e soutiennent. Ce n'est pas
sans rencontrer fréquemment une sorte de grâce bizarre ,
que l'enceinte escalade les pentes du teiràin, en multipliant
les plus étranges brisuros , ou en se repliant avec la plus
moite souplesse du serpent/'* Ël!epart de la porte S^- Paul;
de cette porte au Palais des Grands-Mattres , s'étend le
' P. Lnoroiz . Lei arts au Slo^en-Age .
saovGoOt^lc
DES CHEVALIERS 503
Bastion d'Auvergne dans iine tour duquel se trouve au-
jourd'hui ua petit dépôt (le poudre; vient euBuile le bastion
du Palais lui-même , puis celui d'Allemagne sous lequel
pasee la port d'Aniboise {Ton Frotomastoroti des Grecs-,,
Eghri-Capou des Turcs) , qui est percée à l'Ouest de la
viilc , et à la hauteur du Palais dont elle est peu éloi-
gnée .
Commencée sous Pierre d'Aubusaon en même temps que,
les ouvrages qui l'entourent , oette porte ne fut achevée
que 80UB Émerj d' Amboise ; c'est pourquoi on y., lit cette
iusciîption : dahbotsb mdxii . Au detsus de la baie , un an-^
ge aux ailea déployées , et vêtu d'une robe tombant ju^
qu'aux pieds posés sur une aorotère , soutient de la main
droite les armes de l'Ordre et de la gauche celles d'Amboi-
se ; au dessus de la tête de t'aoge , un arc crénelé , figure
la profondeur de l'horizon occupé parle buste du Sauveur,,
montrant le ciel et portant \é globe du monde surmonté de
la croix .
La porte S'- Oeorges, où Ëuissait le bastion d'Allemagne,
et où commençait celui de France , a été murée dès le
tempe des Cbevaliera ; elle était à égale distance entre 1&,
porte d'Amboise et la tour d'Espagne , presque en face de,
la mosquée Suléimanié , et par conséquent aussi en face
de la grande rue du Bazar . Après la tour d'Espagne oii
Gommençtùt le bastion de cette Langue , venait celle de S'*
Marie dont les Anglais défendaient le bastion , jusqu'à la
porte de Coskinou .
Ceux-ci , pour immortaliser la mémoire d'un de leurs
frères d'armes , insérèrent dans la muraille l'inscription
ci-contre ; nous croyons devoir ajouter quelques obeerro-
saovGoOt^lc
soi MCKOrMEXTS
tîons déjà fiiites par desautcurs soiieux , et qui expliquent
un aiiflclirunisme apparent.
La chronique nous npprend qu'un Thomas New|ioi't,
B.iilli de Cappe , Cautaniera et E:igle , fut envoyé en An-
gleterre parte Grand-Maître Villîprs de l'Isle Adam pour
y solliciter des secoure contre les Turcs qui menaçaient.
Khodes . Ayant réussi dans sa mission , il avait fait voile
vers l'Ile , lorsque la tein|)ête , funeste à tous ceux qui ar-
rivaient au secours de la place , le jeta sur les côte-<i d'Aa-
gUteiTe ou il périt avec ses lonipasiions (Août 1522) . Il
est doue évident qu'il y eut dans l'Ordre deux Thomas
Ni'Wport . dont l'un mourut à Kbodes le '22 Septembre
1502 et que l'autre périt sur les côt>es de l'Angleterre en
A.,ût 1522 .
luiniéUîatemeat après la tour S"- Marie était percée une
autre porte par Inquelle le Sultiin Suliiman fit son entrée
triomphale dans la ville conquise, comme l'atteste une ine^
cription turque insérée dans le mur . Plus bas , et au S. de
la viile , il y a la poi-te S'- Jean ou porte de Co.-kinou , la
KolkiiiiPoita des Grecs , Ki/nl-Capou des Turcs • que
quclijues auteura désignent sous les uonis erronés de Porte
Cvkin ou Corqidn .
C'éiait la principale du quartier bourgeois; elle n'offre
lifn de bien particulier , si ce n'est l'image du Saint dont
file porte le nom , tculptée en bas-relief au dessus des ar-
moiries de l'Orilce, et aussi, noua ne saurions dire pour-
quoi , de celles de Pierre d'Aubusson . Il est à remarquer
' Porte Ronge .
saovGoOt^lc
DKà nHF.VALIEIC3 505
que ce Grand- Haitre , aiiqael Rhodes doit du reste une
bonne partie de ses fortificalioas , aimait à. faire parade de
ses armoiries .
Au dessus était le bastion de ProTence, qai allait jas-
qii'à la tour d'Italie, en face du cimetière juif; là com-
mençait le bastion de cette Langue , pour s'étendre , aprèa
avoir fait un premier coude à Acaudia , et un second au
N-E., dans la direction de l'O., jusqu'à la porte S'< Cathe-
rine {Bcuiar-Capon des Turcs) .
Du côté de la mer, Cflle-ci servait d'eutrée commune au
Castello et à la ville bourgeoise ; elle est flanquée de deux
grosses tours dans lesquelles sont mén^ées des salles spa-
cieuses , aujourd'hui impraticables , leurs escaliers s' étant
effondrés. Sur la face extérieure de la porte, on voit les
armes de l'Ordre et celles de l'ingénieur Pierre Clouet ,
surmontées d'un bas-relief représentant S'*- Catherine avec
la roue et le glaive, symboles de son martyre; S"- Pierre a-
vec les clefs et S'- Jean portant l'agueau , qui a été brisé
par une main barbare . Les personnages sont abrités sous
un dais à trois faces , «t dont le comble est soutenu par
une voûte gothique à trois arceaux ; les arcs doubleaux re-
tombent sur des acrotères; la galerie se compose sur cha-
que face de pilastres accouplés et séparés par une fleur de
lis ; la main-couraote est à fi'Stons , et quatre clochetons
en flèche sont imbriqués aux angles .
On y lit avec difficulté cette inscription :
KEVEKENDVS D. P. PETRVB DAVBV3S0NI8 . EHOBI MAQNVS MA-
OISTEB. HANC POBTAM BT TTBBE8 CONDIDIT . MAOISTEBII ilUSO
PSIMO .
À l'extrémité intérieure de la voûte , sur une tablette da
saovGoOt^lc
506 MONUilEXTS
marbre iiicruitée dans le mur , est FCulpté en ba.=-reru f, un
sablier avec la devise PALI-THARO, (t) ou gros carac-
tères romains. Bottiers se trompe dans son Atlas, en pla-
çant cette tablette dans la rtte de l'Amirauté.
La porte S'* Catherine limitait au S. le bastion de Cae-
tille , Léon et Portugal, qui venait se relier au N. il la por-
te S'- Paul .
^ 4 . CA»T1ÏLL0 OU CITJB UILIT&IUË .
Intérieurement , la vi'.le était partagée en deux sections
distinctes: la cité bourgeoise et le quartier militaire ou
Castelio proprement dit . Ce dt-rnier, exclusivement habité
par U-B Chevaliers, occupe toute la partie septentrionale
de^r enceinte fortifiée , et par conséquent , efct limité au N.
l)ar !e bastiou d'Auvergne t-tle l'alaiedes^Graude-Miiîtres;
il 10., par une^ligue dt; foitifications intérieures , qui, par-
tant du Palais , courent parallèlement à celles du bastion
d'Allemagne, jusqu'à la hauteur , îi peu près , de la tour
de l'Horloge, à côté do la mosquée Suléimaiiié . De lu tour
de i'Huflogc , l'encvinte det^Cendiiiî. le luug du Bazar et ve-
njtit aboutir à la porte S'- Catherine, et de là à la porte
S'- Paul . Deux autres portes donnaient accès dans le Cas-
telio , l'une au centre du Bazar , et l'autre à 10., entre le
Palais et l'église S'- Jean .
C'est par conséquent dans le Castelio que se trouvaient :
au N-E., près delà porte S'- Paul, ce terrain vague que
nous croyons avoir anciennemeut été un bassin intérieur ,
saovGoOt^lc
DES CHEVAUEitS 507
et dont les Chevaliers ont fait plas tard leur place d'ar-
mea ; ou voit encore les tnicea de remises voûtées , sous
lesquelles les anciens , et peut-être aussi les Chevaliers a-
britneiit les galères; au N-0. le Pahiis ; à l'O. l'église ca-
thédrale de S'- Jean et une tour détachée de l'édifice , bien
que lui servant de clocher; au S-E. l'église S'*' Catherine,
paroisse des Chevaliers Anglais ; le Couvent , l'Hôpital et
enfin, dans la Rue des Chevaliers, he Auberges ou Fritures
des différentes Langues.
En parlant de la rue des Chevaliers , M . Newton dit :
"Il n'y a peut-être pas de ville eu Europe dans laquelle on
puisse trouver une rue qui ait ti peu changé depuis le
XV'"= siècle ." * 11 aurait pu parler dans les mêmes termes
de toute la ville .
Si quelque chose a disparu par la faute de l'homme , ca
sont les monuments fuuèbies élevés à la mémoire des
Grands-Maîtres et des autres grands dignitaires de l'Or-
dre, monuments dont un petit nombre seulement a été re-
trouvé. Il est à regretter que les \ainqueurB aient profa^
né ce qu'ils auraient dû respecter avant tout , conformé-
ment à cette maxime du sage Saadi qu'ils tiennent pour-
tant en grande considératiou : " Garde toi , ô mon frère ,
de te réjouir , lorsque tu passes sur la tombe de ton enue-
mi; jette plutôt un regard pensif et silencieux nur celle qui
sentr-ouvre déjà pour toi ."
Far contre les Turcs n'ont pas touché aux armoiries ; ils
ont respecté la croix des écussous et se sont contentés de
' Travels.and dise, in the Levant.
saovGoOt^lc
JIO.NLMEXTS
mutiler les figures des bas-reliefs qui ornaient les murailles
du château et des édiûcet? . Si les églises ont été converties
en mosquées, sauf l'adjonction du minaret , elles n'ont rien
perdu de leur cacbet primitif .
La principale rue du Castello, désignée aujourd'hui sous
le nom de inie des Cbevaliera , traverEe daua son centre la
cité militaire ; elle commence à l'Est devant l'égiise S'"
Catherine, K la droite du Couvent, arrive par une pente
asfcez raide , jusqu'à la hauteur du Palais et de l'emplace-
ment occupé jadis pur la cathédrale; là elle se bifurquait
pour passer devant chacun de ces édifices ; les deux bran-
ches rejoignaient au même point lelerre-plein de l'encein-
te intérieure . En le suivant à l'O., on franchit une arcade, .
qui , t-ans battants aujourd'hui , était probablement autre-
fois la porte du premier fossé ; on leuconlre ensuite, avant
de franchir le pont du second fossé , une autre porte sur
laquelle on remarque , faisant office de linteau , une grosse
poutre de cyprès , portant sculptées en relit-f les armes
d"É;npry d'Amboise . Un petit détour surla^droite con-
duit par une tioisième porte sous la voûte de l'entrée
principale .
Lorsque Eottîers visita Rhodes (1826) , il remarqua soua
la voûie de cette porte un gros canon démonté à vis de cu-
lasse .invention du XV'"= siède . Les Chevaliers en possé-
daient quelques uns dont les effets fureut très- désastreux
à l'ennemi pendant les deux sièges . Toutes ces pièces oiit
disparu depuis longtemps . A gauche , eu entrant , à l'ex-
trémité de la voûte , il y avait du temps des Chevaliers ,
une niche dans laquelle était posée une statue de la Vierge
avec l'enfant Jésus . Le 15 Août de chaque année , on. y
saovGoOt^lc
DES CHEVALIERS 509
dressait un autel devant lequel s'arrêtait pour y chanter le
Salve Begina , le Grand-Maitre les Cheraliera et toute la
populatioD qui revenait en procession du mont Philerme ,
sur lequel on célébrait ce jour lîi une messe pontificale
en commémoration de la prise de Rhodes, le 15 Août 1309.
Il j avait ensuite table ouverte au Couvent et dans le Palais
du Grand- Maître , puis le soir , illumination générale .
Aujourd'hui le Palais converti eu prison de bag^e,
contient environ 250 forçats . Les ^ménagements propres
à cette destination , les réparations exigées à la suite des
tremblements de terre et de l'explosion qui a fait sauter
l'église S'- Jean en 1856 , ont sensiblement altéré les dis-
positions primitives .
Bottiers suppose à tort , croyons-nous , que cette cons-
truction a remplacé l'ancienDe forteresse Hellénique dans
laquelle , au dire de Pindare , on fit des sacrifices sans
feu:
Kal TOC yàp aîOoâda; Ij^oviEf
ai[ip|i.* àvé6av ^Xo^ôc ou*
te&Çav S'ànûpoK hpoîi;
£Kacç év àxpon^Xce. *
Pindare parle de l'Acropole et non d'une forteresse ; or
l'enceinte de la ville du Moyen-Age , n'embrasse pas l'an-
cienne Acropole .
Il y a déjà plusieurs années qu'un des auteurs a visité
le Palais pour la première fois ; c'était avant le tremble-
ment de terre et l'eiplosion ^1856-185 7) qui ont fait crouler
saovGoOt^lc
510 MONOMENTS
le premier étage. On voyait, comme aujourd'hui , une
grosse tour de chaque côté de l'enti'ée principale , qui, re-
gardant le S., faisait face à l'église S*- Jean . Passant sous
une Toûte massive , on arrive dans une vaste cour percée
de nombreuses citernes , dans lesquelles on conserve d'an-
née en année, comme cela se pratiquait au temps des Che-
valiers, une certaine quantité de blé destiné à parer aux
premiers besoins en cas de disette . Kn face de l'entrée il
y avait des appartements déjà ruinés alors , dont il serait
difficile de définir l'usage . A droite , un large escalier en
pierres de taille , conduisait à une galerie ouvei'te sur la-
quelle donnaient, d'abord la grande salle du Conseil divisée
en trois nefs par une double colonnade , puis plusieurs pe-
tits appartements servant probablement de logement au
Grand-Maître et à sa suite . Sur la gauche , il y avait deux
puissantes tours carrées où était cn^emée toute la gar-
nison du Palais . L'aile du N. était défendue par une tour
massive protégeant une vaste et solide terrase sur laquelle
avait été établi , au dessus du jardin d'Auvergne , cette
batterie qui pendant les deux sièges fut si fatale aux forces
que les Turcs dirigeaient contre le fort S'- Nicolas . Au
rez-de-cbaussée à droite , on voyait presque intacte enco-
re , mais déjà convertie en étable . la .chapelle dïs Grands-
Maîtres .
Il existe sous le Palais trois étages de magasins voûtés,
dont le dernier atteint le niveau du fossé . C'est là que l'on
serrait les vivres et les munitions de guerre . Les débris
qui, en tombant sur les escaliers de ces souterrains les ont
défoncés, empêchent depuis longtemps d'y descendre. C'est
à peine si en 1829 , époque à laquelle la mère de l'un des
saovGoOt^lc
DES CHEV AUZES 511
auteurs visita le Falaia, on pouvait descendre jusqu'au pre-
mier gouterraio .
Nous avons dit que l'église cathédrale de S'- Jean faisant
face au Palais , avait été détruite le 6 Novembre 1856 par
une terrible catastrophe; la foudre tombant sur nn mina-
ret, B'eu fit un conducteur jusque dans les souterraius , et
mit le feu à une forte quantité de poudre qui s'y trovait ;
plus de 800 periwnnes périrent dans cette malheureuse cir-
constance, conséquence probable delà trahison et de la
perfidie de d'Âmaral .
L'église S'- Jean avait probablement été commencée (il
n'y a aucune donnée précise à cet égard), par Foulques de
Yillaret , et achevée par son successeur . Elle n'avait pas
à l'extérieur les cuntre-furts et les arcs-boutanls des ca-
thédrales européennes ; c'était un rectangle mesurant eu
œuvre 46 mètres de long sur 16 de large ; les trois nefs é-
taieut déterminées par une double rangée de quatre colon-
nes de granit , tuutes difTcri'nteB soit par les proportions,
soit par l'oracmentiition, ce qui fait supposer qu'elles pro-
venaient de plusieurs anciens monuments . Le chapiteau de
la première à droite en entrant , était orné de la croix de
l'Ordre : celte pièce était donc l'œuvre des Chevaliers; cel-
le de gauche était la seule qui reposât sur une base .
La charpente , en bois de cyprès et non de sycomore ,
comme l'assure te colonel Kottiers , * simulait la voûte é-
tîncelante d'étoiles par une belle nuit ; la couverture était
en feuilles de plomb . Les etuUes du chœur étaient égale-
> Mon. de Rhodes ,■ p. 303 .
saovGoOt^lc
512 MONUMENTS
ment de cyprès , surmoatées d'un baldaquin ; 8ur le dos-
KitT, des médaillons finement fouillés représentaient les
images des Apôtres . Les fenêtres étaient ogÏTalas à lance
simple, et partagées en deux paonreaux ; le meneau vertical
' s'arrêtait à la naissance de la courbe, et l'ogive était oc-
cupée par une rosace . Des vitraux coloriés aux armes des
Grands-Maîtres , remplissaient la baie . Le pavé était en
grande partie formé de dalles mortuaires , parmi lesquelles,
on remarquait , à cause de sa parfaite conservation , celle
qui recouvrait les restes mortels du Grand-Maître Fabn~
ce Carretto .
Au dire des anciens chroniqueurs, l'église S'- Jean avait
remplacé un cliapelle byzantine élevée elle-même sur les
ruines d'un temple hellénique . Si la construction étonnait
par la simplicité , la richesse du mobilier excitait l'admira-
tion ; c'était en effet une des églises les mieux dotées exi
tableaux , en vaces d'or et d'argeut , en ornements sacer-
dotaux et en reliquaires précieux ; mais on admirait entre
auties objets de prix, qViinz© tableaux de grande dimen-
sion avec des reliefs en or et eu argent, ornés chacun d'une
. croix de l'Ordre du poids de 30 Marcs ; les statues des A-
pôtrcs en vermeil, du poids de 20 MnrtîS ; un agneau en or,
présents de Charles l'Aleman de la Roche-ChiiiarJ, Grand-
Prieur de S' Gilles; des orgues, don du' Grand- Maître
Pierre d'Aubusso» ; les statues , eu or massif et du poids
. de 80 Marcs, de la Vierge et de S' Jean-Baptiste ; un cali-
ce eu or , da prix de 322 écns , et de superbes missels ; 1»
pluB-riche des reliquaires , était celui qui contenaint la
main de S'- Jean-Baptiste , présent du Sultan Bayazid .
Le clocher , séparé du bâtiment était plutôt une tour ,
saovGoot^lc
D£é CHÉVAL1EK3 513
un observatoira militaire ^u'un clocher proprement dit ,
et noua savons eii effet qiie pendant les siégea de 1480 et
et 1523 , les CheTaliers s'en servaient pour surveiller les
mouvements de l'enfiemi , qui de son côté avait intérêt à,
renverser cette vedette ; la tour eut donc beaucoup à souf-
frir ; c'eat pourquoi on voyait des réparations faites à dif-
férentes époques, et les armoiries des divers Grands-Mat-
tres qui s'en étaient occupés . C'est sur cette toar que se
trouvait la tablette portant la date de 152ïJ, et nous som-
mes surpris que le colonel Kottiers qui en a fait exécuter le
dessin , ne l'ait pas lue .
De l'église S^ Jean , la rue des Chevaliers descend verg
l'église S'*- Caterine, et contient une longue série de monu-
ments remarquables . C'est d'abord la base des arcades qui
supportaient la salle du Chapitre , à laquelle l'usage a at-
taché le nom de Loge Si- Jean. Déjà en ruines à l'époqus
dont nous parlons, elle fut entièrement démolie par l'ex-
plosion ; mais ce qui en restait encore , donnait une suflS,-
sante idée de l'élégance que ce monument devait avoir dans
son ensemble .
Le colonel Rntiei a y f rnuva cette inscription :
HHNflNNAOYMOY
APAAIO?nPOEENO«
AIUÛTHPI
(Xénon fils de Naoumus , Aradien , Proxène , à Jupiter
Sauveur) .
La Loge S^- Jean aurait donc été élevée sur les ruines
d'un temple de Jupiter-Sotir .
Un peu sur la gauche , une solide construction porte ce
groupe d'armoiries:
saovGoot^lc
Lorsqu'on arrive près d'une arcade qui traverse la rue
des Chevaliers, on a à sa droite un passage voûté; l'Au-
berge d'Espagne oiîcupait l'angle; les aiinoîries, qui étaient
saovGoOt^lc
DES CUEVALIEftS
515
été enlevées par un aide de camp du Sultan , il y a quel-
ques années, et emportées à Consfcantînople , dit-on .
Iramédiatemeiit après cette arcade , un étroit escalier
monte jusqu'à une chaire en pierre , recouverte d'un abat-
voîi composé d'un arceau avec arcs-doubleaux ; c'est sans
doute de là qu'on notifiaît les ordonnances du Conseil ;
c'est probablement du liant de cette chaire aussi, que l'Ar-
chevéquL' Grec appela aux armes toutes les femmes et tous
les enfants , le jour où les armes de Suléiman furent re-
poussées d^s Bastions' déjà enlevés .
Vers le centre de la rue, à gauche, TAuberge de France,
captive les regards par l'orneuientntion de sa façade . Au
dessus de la porte principale on voit à côté dts armoiries
de l'Ordre , celles d'Émcry d'Aniboist ;
A la hauteur du premier étage , les armes de France a
sociées à celles de Pierre d'Aubusson :
saovGoOt^lc
516
MONUMENTS
Le premières sont surmontées du cri de :
MONT -JOIE SAINCT DENIS."
les secondes sont coiironnoes d'un cliapeau de Cardinal, di-
gnité dont d'Aubusson avait été revêtn en 1488 par le pa-
pe Innoeent III . Sous ces écussons est gravée la légende ;
VOLVNTAS DEI EST. 1495.
Plus tard Villiers de l'Isle-Adam , nommé à son tour
Grand-Prieur de Friince , sjoutnit les s^iennes avec une de-
vise qui^prouve toute la dévotion de l'Ordre pour N. D. de
Philenne.
saovGoOt^lc
DES CHETALIEB8 517
Il les répéta de l'autre côté de U façade avec une lé-
Ud peu plus loin , une tablette avec cette inscription :
L'Ingénieur Pierre Clouet n'a pas été oublié ; ses annes
sont répétées des deui côtés de la porte
ogivale de l'édifice .
Au dessus d'une porte de service sont,
au milieu d'oriflammes, les armes de l'Or-
dre , celles d'Émerj d'Amboise et de ViU
liera de l'Isle-Adam .
Toute cette ornementation est complé-
ta ovGoot^lc
tée par une dou-
ble corniclie ; la
plus haute décore
l'appui des fenê-
tres , sans inter-
ruption surles tru-
meaux ; le cliam_
até d'une corniche
les piédioits ^totn-
■èrcR jusqu'à la de-
rement ; cette cor-
, enguirlandée de
deux ffuètres à la
de l'édifice ; la t«r-
B ; mais cette den-
est pittoresque-
les saillies des tou-
b et en encoil'elle-
argouilles, dragons
bsaut l'eau des ter-
1 plus haut , caché
l'une sombre cour,
; naguère un édifice
vec ce yertet du
Tsaume LXXIII"" gravé au
dessus de la porte :
Exurge , Dmnine , judica camam Ivam .
A ce trait il est facile de reconnaître le tribunal sévèr^
dont relevait l'apostasie et la félonie des membres de l'Or-
na ovGoot^lc
DES CHETALIERS 519
dre qni avait d'ailleurs respecté la liberté religieuse des
6i-ec3 et des Juifs . Déjà adopté pour un autre usage a-
Tant que les Chevaliers eussent quitté Rhodes , cet édifice
a depuis été dévoré par un incendie .
Les Auberges d'Itilie et d'Angleterre , reconnaissables
aux armoiries qui ornaient leurs façades , se trouvaient
Tune à côté de l'église S'=- Catherine , l'autre au Sud de
celle-ci, vis-à-vis du Couvent. Les armes d'Italie, ou
mieux celles de Carretto , ont été enlevées par une main
Le V«. Consul d'Angleterre , M . Frédéric Wilkinson ,
vers 1845 , enleva pour compte du général Fox , celles de
saovGoot^lc
520 UON'UUE^TS
l'Auberge de b.i nation .
/
D.qil.zMBlG001^le
DiES (»1GVAUERS 521
L'église S'* CatLerîue , mosquée Catourt , par corruption
(lu nom primitif, est au bas de la rue des Chevaliers; au-
cuuo particularité ne la recommandait extérieurement à
raitention.Les vitraux armoriés dout parle le colouel Rot-
tiers , * n'existent plus, et la plupart des fenêtres sont mu-
rées. Le colonel Bup|>osd avec beaucoup de raison , qu'un
tombeau mutilé que l'on voit à l'intérieur , mais sur lequel
on ne peut deviuer aucune inscription , est celui de Marie
de Baux , femme de HumbL'it II , Dauphin du Yiennois,
qui mourut à Rhodes en 1345 . Le portique qui sert d'en-
trée à cette mosquée , est évidemmeut de constructioa tur-
que.
A droite de l'église S'=- Catherine s'ouvre une petite pla-
ce sur laquelle donue Li façade du Couvent. Achevé en
1445 sous le magistère d'Antoine Fluvian de la Rivière ,
le Couvent est le ^eul monument de la rue des Chevaliers ,
dont il occupe un bon tiers, qui ne soit pas défiguré par
des réparatious regrettables ou par de grossières cages de
bois , étroite clôture impo.sée aux femmes turques. Il se
compose de tjuatre corps de bâtiments d'égale longueur ,
et contigus à angle droit . A l'extérieur de la façade prin.
cipale, s'étend nue loge couverte, divisée en arcades. On
entre sous une voûte eu arceaux partagés par des arcs-dou-
bleaux puissants , et de là dans l<; préau ; le cloître qui ser-
vait aux promenades des Chevaliers est , comme U porte
d'entrée, une voûte gotiiique dont les arceaux tombL-ntsur
les chapitaux d'une culuuuade ; les magasins du rez-de-
saovGoOt^lc
O'Jli M0Ki;WEST8
cliaiissée servent parfois de prison provisoire , quand les
forçats Êûiit eu tro^j grand nombre pour êtie caseniatéa
dans le palais des Griinds-Maîires . Un imposant escalier
de pierre, partant de la droiie, conduit à l'étage supérieur ;
le comble du cloîire forme le corridor , dont la charpentt^
repose sur des arcades en plein-cintre. Les quatre corps
de bâtiments forment autant d'immenses salles ; celle de
droite est maintenant appropriée au logement du Lieute-
nant-Colonel , commandant de place ; sur celle du fond é-
tait pris un étroit pa8^age abuutiasant dans une petite cour
basse où s'ouvrent plusieurs robinets d'eau courante; cette
cour communique avec la rue des Cbevaliere par une por-
te dont le cintie est .suimonté d'une fleur de lis avec la
date : 1489 . Toutes les buiteries qp l'édifice sont de cyprès
artistiquement travaillé et en pnifalt étatde conservation-
Nous avons déjà dit que les battants de la porte principale,
chef-d'œuvre de sculpture , avaient été donnés au Prin-
ce de Joinville lors de sa visite à Rhodes (1836) .
H . Guérin n'a cvideiuuient pas exanimé ceux qui les
ont remplacés ; il en parle sur l'a^sunince de lîottiers , qui
lui a vu les piemiers , vi il affirme api es cet écrivain , que
ces battanis sont en bois de srjccniiore élégamment sculpté.
Eemarquons ici que le colonel répète f^ouvent cette en eur ;
il confond le cyprès avec le sycomore chaque fois qu'il
parle du bois employé par les Chevaliers .
Tout le rez-de-chaus.>-ée du Couvent, est , nous l'avons
dit. occupé par des magasins voûtés; ceux de la façade
pincipale et de celle qui longe la rue des Chevaliers, ont
leur entrée à l'extérieur, tandis que ceux des deux autres
cAtés donnent dans la cour ; et , chose curieuse , les pre-
îdovGoot^lc
DES CHEVALIERS 523
miers appartiennent tous à des particuliers , tandis que les
antres , arec le reste de l'édifice , sont la propriété du
Gouvernement .
L'Hôpital proprement dit , que l'on a eouvent confondu
avec le Coûtent , était construit derrière celui-ci . On n'en
Toit plus qu'un pan de muraille seul resté debout, lorsque
rédifice a été détruit , il y a longtemps déjà, par un in-
cendie .
Citons enfin dans le Castello, la tour de l'Horloge, deux
fois reconstruite par les soins de S . Â . Mahmoud Damât
Pacba , rhodien d'origine , stir les fondements d'une an-
cienne tour dont les derniers débris avaient été renversés
par le ti-emblement de terre de 1852 . Ce n'est pas qu'elle '
mérite en elle-même un regard attentif ; mais beaucoup
de personnes la confondent avec le beffroi de l'église St.
Jean . et croient qu'elle en est une restauration ; il n'en
est rien ; la base est ancienne il est vrai , mais l'édifice est
à rO-N-0. de la mosquée Suléimanié , et à l'O-S-O. de
l'emplacement occupé par celui qui n'existe plus .
Outre les portes S'* Catherine et S'- Paul , deux autres
portes donnent accès sur les quais du grand port ; l'une est -
celle qui ferme le chenlin oouvei*t menant à la porte S'^
Catherine , l'autre celle qui débouche par Je Castello sur le
débarcadère .
La porte S*- Paul est double ; elle donne d'un côté sur le
quai , et s'appelle Domia-Cajwnt; de l'autre sur l'Arsenal
où elle prend le nom de Dershaiw-Capou . C'est entre ces
deux portes que se trouvent , sur la mer une des batteries
de port ; en face une grosse toar sur laquelle on remar-
que UD bas-relief représeutant S'- Paul teusnt d'une main
saovGoot^lc
•^24 UONUMEXTS
un glaive, et. de l'autre un évangile . Au dessous, l'écusson
du Pnpe Jules II flanqué des armes de l'Ordre, et sur-
monté di's L-lefs et de la tiare. Ou j lit l'iusciiption sui-
vante :
DIVO PAVU), ODNVENTVa 8ANCTI lOANNIS HOSPIFAUS , PETRV8
DAVBVâSONie ItHODI MAOISTCE DEDICAVir .
^ 5 . QUARTIER BOL'RGE')!» .
L'autre partie de la ville , beaucoup plus étendue , était
babilée pur les bourgeois, grecs, latins ft juif^, ce qui u'en
exolunit pas les Cheyalierr', comme le témoignent les armoi-
ries qui surmoutiiient beaucoup d'habitations , particuliè-
reuient dans le quartier juif .
Elle est divisée eu deux sections bien distinctes par là
vie et le mouvement . Dans le Bazar qui commeace à la
porte_S'=- Catheiine et s'étend vers l'Ouest jusqu'auprès da
la mosquée Su)éimanié, [leiidaut toute la jouméose déploie
l'activité des commerçants et des artisans; dans tes auti-es
rues où sont les habitations, règne le silence du désoi-t ,
jusqu'au coucher du soleil . A l'entrée du quarti«T juif,
on remarque les ruines de la Châtelleuîe ou Palais de Ju-
stice , construit un 1375, et dont le rez de-chausée sert au-
jourd'hui de marché aux poissons . Un large escalier de
pierre monte à la hauteur du preiuier étage ; deux cables
enroulés ornent toute la façade à 2" au dessus delà terras-
se , mais les détails les plus remarquables sont la fenêtre .
les armoiries d'Amboise et U porte . La fenêtre partagée
eaovGoOt^lc
DE8 c:i7.JAUEna 525
par deux meneaux de mai-lire blanc , posés en cruix , et
portant des fleurs de lis , et à l'interception le moDOgram-
me du Christ envirouné d'une couronne . Le chambranle
est une torsade retombant sur les piédroits et couvrant
une guirlande en aichitrave de flenrons d'acanthe. Une
niche à double archivolte loge les armes d'Ânlboi^e . Lts
cotonnettes extérieures sont canuelét^s et torses, et leurs
chapiteaux soutiennent deux clouhc-tons; la ck-f de l'acco-
lade est une fleur de lis ; l'entablemi'nt t-st un pampre,
tandis qu'entre les colonnettes , l'archivolte e^t une guir^
lande de feuilles d'aoaiithe qui se développent enchfvéîrées
dans le tympan . L'écu^BOn vt-t leuu droit par H'- Jean , as-
sez reconnaiï^able encore à la toison dont il est reTêtu ,
et à la houiutte_ que sa main lai^8ti tomber sur l'épaule ;
l'agneau qui le regarde est très-effacé, et ai l'on doit devi-
ner un chien dans l'animal qui t'St aux pieds de Tauti-e
{>er60nnage portant aussi un bâton , on deria par suite re- .
connaître S"- Roch, Le faîte de l'éditice et^t sans aucun orne-
ment , excepté les trois acrolères avec les anneaux de pier-
re qui soutenaient la hampe des pavillons .
La porte enflu se compose de deux montants en marbre
reposant sur une base sculptée , et dmitla moulure exté-
rieure est un faist eau de rameaux ; deii Lingues de feu se
succèdent uniformément sur la frise jusqu'à l'architrave,
magniâque pièce de marbre portant en relief un Ange pré-
sentant sur deux cartouches festonnés en vagaes , de la
main droite la croix de l'Ordre , et de la gauche les armes
d'Amboise ; ensuite sont appuyés des deux côtés contre
un troue palmé auquel ils sont attachés par une banderole,
deux écubsons plus petits que Bottiers dit être aux armes
saovGoot^lc
62ti Mo.vu-yENïs
auccMaives de Vtiliera de l'Iile Adjim Commandtur et
Ciaiiil-Maitie.
La comiclie est k deux mouluiea, riuférieure sculptée
en écililies «le ]ioiîssoii , S(>parée par un liseret de la aupo-
i:iuure composée d'uu ruban oiidulé .
Nous devons observer qiie le colom'l a mis de la confu-
BÎon dans ses notes ; car il place cette porle, et la Cbâtelle'
nie par conséquent ," dans une ruelle à. tôle du l'iieuré
(lie France) ." Or cette porte . fiilèSraint repro'luite dans
6or. album (pi . XLIV , tijj. S) , appiirtimt à ledifice que
nous menons de décrire . et aunuil la tradition coiiaerve ce
nom à l'angle d<i l;i rue I.irg.- qui, pirtiiit du N"., ae vep:ie
à l'E. daui- le quartier Juif; cefie autie face de la Cbâiel-.
lenie dominant les uiiiisuns , porte troi» gargouilles prT où
les terrasses se décliarj,ea:ent de l.i jiluio .
Un pi'U plus bas, la rue prend l;i Iiirgeur d'une place,
qu'un travail peu dispendieux rendrait magnifique . Làe«t
le palais de l'Amirauté. CV numument , devenu labrî de
quilques pauvres fami.lea iaraéiitea . ae lecomniande par
une belle porle ogivale , Li coruiclie du preiuiei étage et
les chumljranl.'B des quatre fe;iétres dont les deux du milieu
h. peint* i-éparées, éciainnt la salle piincipale . Au (iea>us ,
qTiatre rel.efsen bo8>e sont aujourd'hui luut à-fdïi mécou-
nais^sabie^ ; un O et un Y, t-out t-euis 1 aibles sur le dernier,
et au dessous Oe la coruiebe , cette inscription sur une pla-
que de niarbie blanc :
l'AX livic UOllVI
ET OMMBVS KAarrAXTIBVS IN EA .
Vis-à-vis était l'église de S'- Marc desiervie autrefoia
jiar les Franci&caius ; il n'eu reste plus qu'un pan de l'abai-
saovGoOt^lc
DSS CQEVAUEBS 527
de ; au fond du même quartier , l'emplasuniont Oîcupô par
lléglise de N. D. de la Victoire .
£:i suivant sous tes rempar:^ le chemin de ronde , on
arrive au piei d'unj tour missive où , pjiid^it le premier
BÏéga , le chevalier Louis da CmoD oppoa:» une vigoureuse
T^sistanue aux atta'juef dus Turcs . A côté dos armoiries de
l'Oi-dre.est uu bas-relief rein'éseiitant S'- Jean nvt-c l'a-
gneau , et tenant uu cartouuhe t>ur lequel sont gravés les
mots :
ECCE AOSTS DEI .
De l'autre c6:é, les amies de la fam'lle de Craon rappel-
lent l'héroïque défense du chevalier de ce nom .
Dans le quartier turc , en ligne directe entre cette
tour et celle de S^- Georges , ebt le couvent des Âugustina
aTi'c son église (Démir-Djanii) , et au N-0. de celle-ci, le
couvent et l'église dea Bénédictins, également convertie
en mosquée ; quant au couvent des Frunci&cains , divisé en
deux parties, il beit aujourd'hui de bain public . A l'ex-
irémité do Bazar , la mosquée Suléinianié , sise vis-à-vis
de Vlmaret (ancien hospice des pauvres) , doté par Suléi-
man , et d'une bibliothèque fondée pur Damât Pacha ,
n'offre rien de particulier comme style; mais on remarque
dans les montants dâ la porte principale deux colonnettea
d'un beau travail , représeuiant des lêtes d'anges , des ha-
ches d'ai mes et des baumt s ; elU s ont été évidemment
enlevées' à une église chrétieune , ce qui a fait croire à
beaucoup de personnes qne cette mosquée était une an-
cienne église dédiée aux Apôtres. La mosquée en occupe
peut-être l'emplacement que nous ne enurîons retrouver
ailleurs, mais l'édifice cunteiuporaiQ est tncouteâuibleuieun
sa'ovGoOt^lc
S28 MONL'MENTâ
de conBlriictioii turque . Si on entre à l'O., on remnniue
dans la cour une funtaine d'ablulions, ornée de colonnes
antiques.
Dans toutes les rues , outre IfS nombreux passages voû-
tés , sont des nrcttdes légères , nrcs-boutiints destinés à pa-
rer aux ébranlements causés par les leniblcmentsde teire .
Les potles des hiibitatioiiB remontmt au IMoyeii-A^ tiont
toutes en pleiu-cintre ou en o^îve. et souvent cloisonnées
de belles archivoltes ; enfin à presque tons les teuils sont
attachés des autels tumulaires qui servent de marche-pieds
pour enfourcher le bât des montures. Cette panie de la
ville conaerveia probablement encore longtemps le cachet
d'un autre âge : rues étroites , ou mieux ruelles sombres
formant réseau à angle druit , iiavccB de galets rouges et
blancs , et bordées de hautes maisons sans fenêtres au rez-
de-chaussée . Les boucheries sont établies sur un mamelon
escarpé au S-Ë. du Couvent ; sous le pavé gémissent dans
des cachots très-anciens , iaimides et sonibreii , les crimi-
nels qui se révoltent contie le régime pénitentiaire moins
rude du bagne .
A partir de la porte S'- Paul ou de la Darce , un fossé
fait tout le îonr de 1 enceinte fortifiée; sa largeur varie en-
tre SS^SO et 41-"', et sa profondeur entre 12™et IS"" . Il
est creusé en grande partie dans cette pierre poreuse par-
ticulière au pays, et les blocs que l'on en a extniits, ont
sans doute servi à l'édiâcation des murailles. L'escarpe et
la contrescarpe sont maçonnées et revêtues de blocs de cet-
te même pierre . Le terre-plein des boulevards a une lar-
geur d'euviron H"* et est bordé d'une banquette haute de
2">, percée de nombreuses embrasures et de meurtières.
saovGoot^lc
DES CHBTALIEBS 529
dont \a plupart affectent h forme d'une croix . '
Il y a peu d'aniiéos encore que l'on voyait sur les forti-
Bc;i:inn3 e: surtout dans ud(> batterie basse située sous la
poru' de la Darce, les curieux cations eu brouze qui ser-
vjiieni à lïi défense de la place . En 16SI, 1*< voyageur Cor-
neille Lebrui] en compta .')60 &ur K-s renipaits,et 160
sur le fort S'- Nicolas et sur la tour S'- Jean . Ils étaient
généi':tleiu(.'nt très-longs ettiès-gros, mais dans un tel état
d'abandon, qu'il» n'auraient excité aucune émotion sans les
glorieux souvenirs attachés au bronze meurtrier: beaucoup
portaient bi date de leur naissance , 1482 et 1507 , et le
plus fiéquemmeiit d'intérespantes inscriptions. Ces pièces
auraient toutes disparu , pour être converties en monnaie
de billon , si le Sultan AbduUAziz n'avait offert à l'Em-
pereur Napoléon III (.elles qui appartenaient à l'iiistoire
de France; eliis sont plécieu^emenl conservées à l'Hôtel
des Invalides; il n'en existe plus que quelques-unes en fon-
te , et hors de service .
Des pas-sages souterrains étaient ménagés pour les com-
munications du C liàteau avec les canipngnes pendant les
sièges ; on en remarque surtout à la gauche de la porte
d'Aiitboise , en sortant , et en face du bastion d'Italie ; ou
aiiSure que le premier aboutis^ait aux Cato-Pctres , sur la
route de Trianda , et que le secoud allait jusqu'au cap
Bovu;iiiai^ comme ils sont aujourd'hui bouchés par des
éboulenients , il est impossible de constater la véracité de
ces traditions .
Au delà des fossés, et à paiiir de la porte &■ Paul jus-
que plus bas quf la jjorte te'- Jean , la ville est ceiuie pai
un laate cimetière muâulmau , où dorment lea 40,000
saovGoOt^lc
530 UOHUMESTS
soldats que Suléiman sacriSu à la conquête du cliâiean .
Cumme it fait suite au terrain dout Ub Juifs ont canseiTé
une partie pour k-urs inhumations, sous le bastion d'Italie,
il est peimia de croire que les ciineiières clirétieus , dont
ou n;' retrouve ailleurs aucune (race , oocupaieut ce méuie
e[ii['!:it;ein'_'nt. Différentea routes cou[)ent ce vas-te champ .
•i<: ;:;jj-. , c-,';Ki:ii-"iir Soit dans k'S faubourgs , soit aux
maisons il'ctc disséitiiuées sur la muut Suiîih .
§ 6 . F0RTici;K?9i:a de^ villages
A l'exception de ceux do Litid<)s et de Cnstellos dont
n-ius a\Ona df^jà parlé , il noua re te à «lire quelques mots
(Ii-s diirére.n.- cliîteaux qu:- l.'S Chi'Valiers avaient élevés
dans les villages ou à leur proximité, pour la protection
Ce^ Ciimpa^nes.
Lo chf'iti an , ou pour mieux dire , le jialaîs d'été des
r.r.;n !t;-Maiire-i a ilonné son nom au village de Crcmasti
i^Griiinh'-MiusIrif); ctt^e résiilcme fut évii.ii.-mment élevée
pai' te Gr.tnd-Maî.re Fabrice Carreito, ilont ou voit Ivs ar-
mes »n deux endroits difléieuts . ( 'est une giarnJe cous-
truetion Cariée et solidement bâtie, mais ([ui ne devait pas
être armée de mancre à soutenir une attaque sérieuse.
Le rez-de-cbauat-ée voûlé , sert d étable aux troupeaux des
paysans, en attendant qu'ds trouvent plus conveuable de
le démolir pour se bcrvir des matériaux , comme l'ont fait
ceux de Villanova de la foiteresse qui pour leur défense ,
avait été élovéo uui)rèa de Kovfa par le Graud-Maître
saovGoOt^lc
DES CHBTAUEBS 531
Hélion de Yilleiieave . Celle-ci était assise sur un plateau
coupé pur dcfl ravina à l'Ouest et au Sud ; au Nord elle
surplombait la route et à l'Est seulement elle suivait le
niveau du sol environnant . Comme le château de Crémas-
ti , il était carré , et comprenait une chapelle dédiée à S''-
Catherine; l'habitation du Gourerueur était accompagnée
de vastes salles voûtées , affectées probablement au loge-
ment de la garnison ; les murailles étaient crénelées ; c'é-
tait en un mot une véritable forteresse , assez puissante '
pour tenir en éehec toutes les forces de l'Islam qui , en
1522 étaient venues mouiller sur la rade qu'elle proté- ■
geait .
L'habitation de M . l'AYocat Marc Malliaraki , près de ■'
Koufa , était un poste d'observation dépendant du château -
de Yillanova ; ea construction ne laisse aucun doute "k cet
égard.
Soroni et Fanèa possédaient , le premier , un petit châ-
teau le second , utie grande tour carrée , appelés à proté-
ger les campagnes environnantes .
Calavarda n'était défendu par aucun château ; mais une '
tour d'observation établie au cap Aghios-Minas , faisant
bonne garde (d'où le nom du village : Gali-Vardia) , don-
nait l'alarme , et les paysans , protégés dans leur retraite
par un poste militaire établi à Myrtona , et aujourd'hui
converti en moulin à eau , se retiraient dans le château
de Salahos que les musulmans de. ce village ont détruit
vers 1800 , pour en employer les "matériaux à l'érection
de leur mosquée ; ce château consistait en un carré long
de 40'" sur 33'" et était flanqué aux quatre coins de solides
tours .
sao^Goot^lc
532 MOSUMESTS
Nous avons déjà, suffisamment parlé du cliâteau de Cas-
tellos, * assez puissaut pour imposer s^n nom au village
qui s'abritait sous 8.1 protection . Vtnait 'ensuite uue tour
d'observation près de Glifadlui, au N-N-.0. de l'Akramity;
c'était une sorte de poste avancé des cL&^eaux de Siaona
et de Monolitlios . Le preuiivr dont il ne ivïte plus qu'une
partie des murs externes , n'offre rien de particulier , si ce
n'eït sa position élevée sur un rocher culminant , qui sur-
plombe le villiige , et d'oîi la vue s'éteud au loiu . Celui de
Monolitbus qui tombe également en ruines . e^t posé sur
un rocher monolithe , (d'où le nom du vilLige) , accessible
seulement à l'E., par des degrés à peine tjiillés dans la ro-
che ,'il ne rebte debout qu'un appartement voûté converti
en établ« , et parallèlement une muraille de la chapelle qui
devait être richement ornée ; bien que la voûte soît effon-
dice , les fiesques ijui datent évidemment du X'V"* siècle ,
p'out encore pivsque rien perdu de la vivacité nu peu rude
de leur coloris ; les principaux sujets, entrecouiiés d'armoi-
ries . parmi lesquelles celles de P . d'Âubussun tierinent le
pruraier rang , sont la résunectiou de Lazare , S'- Georges
et lu. mise au tombeau du Christ; quelques débris de bois
bculjiié , rappellejit lii magnificeni e des stalles . Le portail
était extérieurement émaillé de plat» du Lindos ; auus avons
■ ciu devoir en sauver uu de la- ruine .
Catavia, le dernier village à l'extrémité S. de l'Ilt;, était
protégé par uue tour puissante et ]>ar un chàte;iu fort posé
uu peu plus loiu sur uue colline ; tour et château tombent
* Page 420.
D.qit.zeaOvGoOt^lc
DES CHEVALIERS 533
aujourd'hui en ruiues .
Lairliania et Yeiinadîii étaient do môra? protégés par des
tours ; 1('8 ruines de l;i ]iren)ière existent enooie à une de-
mi-heure du village , la seconde a été détruite par lc-8 ha-
bitants , qui se sont servis dt'S matériaux .
Asklipio , viihige de l'intérieur, avait son Kastro perché
Bur un monticule qui le surplunibe ; il n'en reste plus (jue
des ruines assez intéressantes .
Le château de Lardoa, sitné sur une colline an S. du
village , était assez grand et flanqué de tours dont on ne
voit plus que les assises inférieures ; il était admirablement
situé pour protéger non Stuleinent le village , mais aussi
toute la vallée .
Le premier château que l'on rencontrait apiès la formi-
dable forteresse de Lindos, était celui de Malona-, le Tac%-
tali-Cahh des Turcs . Construit sur une colline escarpée
qni forme promontoire et n'est accessible que par une lon-
gue chaussée tortueuse , ce cliâteau occupe certainement
remplacement d'une ancienne acropole . 11 est aujourd'hui
entièrement ruiné , mais entre tous ces décombres , on
discerne , au milieu d'habitations plus modestes destinées
Bans doute à la garnison, la maison du gouverneur de bipla-
ce , une chapelle , des magasins voûtés, et surtout une
grande citerne encore assez bien conservée .
Le fort d'Archangclos , le dernier que l'on rencontre
sur cette côte de l'Ile avant d'atteindre la ville , devait
exister à l'époque où Its Chevalieis s'emparèrent de Rho-
des , mais ils le réparèrent évidemment , comme le prou-
vent les armoiries de l'Ordre enchâssées dans le mur au
dessus de l'entrée ; il n'offre rien autre de remarquable que
:q,t7edi>G00t^lc
534 MONLUBSTS
fia position sur un rocher escarpé .
Bi à tous ces châteaux on ajoute une ligne non inter-
rompue de tours à signaux , on conviendra que dans l'Ile
si bii-n défendue , k population asburée de la vigilance de
ses protecteurs, pouvait se livrer paisiblement aux travaux
qui l'ont enrichie et fait prospérer jusqu'au jour marqué
par la Providence pour la livrer à de nouveaux maîtrise .
saovGoOt^lc
D.qil.zMBlG001^le
ç=:^^=i
D.qil.zMBlG001^le
îBBiGooi^le
D.qil.zMBlG001^le
ETAT
INTELLECTUEL & SOCIAL
D.qil.zMBlG001^le
îBBiGooi^le
CHAPITRE I.
ARTS ET SCIENCES
^ I CÊBAUIQUE .
t Avec l'homme , la Religion , les arta , les sciences , ce
qu'il y a de grand , de noble et de sublime dans l'humani-
té , tout est né dans l'Orient ; c'eit à l'Orient que nous de-
Tons tout ce qui constitue notre vie , notre foi , notre in-
telligence ; Ex Oriente lux . C'est donc dans l'Orient que
nous devons chercher les éléments et le style des Arts qui
ont fleuri à Rhodes, et plus tard aussi des Sciences qui ont
donné à cette Ile une auréole de gloire immortelle .
S'il faut admettre que l'art métallui^ique j fut introduit
.'par les Telchines , l'art céramique le fut certainement par
"les Phéniciens proprement dits . C'est à eux que l'on doit
' les premiers rases archaïques de Rhodes si remarquables
par leur forme et par la naïveté de leur exécution .
Mais les Phéniciens ne furent pas eux-mêmes les créa-
teurs de cet art ; ils le reçurent de l'Egypte et Surtout de
saovGoOt^lc
rAesyrie , et leur génie aventureux le propagea si univer-
Bellement dans les régions occidentales, que, s'ils n'ont pas
la gloire de l'invention , ils ont tous les hoûneurs des pro-
grès rapides et merveilleux de cette industrie . C'est par
eux , assure Hérodote , que les poteries Égyptiennes et
Assyriennes furent importées à Argos et dans les autres
pays de H Grèce.
Si ce n'est donc par Dauaûs se rendant à A i^os que l'art
céramique jeta ses premières semences à Rhodes , ce fut
certainement au plus tard en 1494 av. J. C, par le phéni-
cien Cadmus . •
Nous avons déjà dit en effet que les poteries découvertes
à lalyssos , sont les spécimens les plus archaïques que l'Ile
ait fournis , et celles qui offrent le plus d'analogie avec les
poteries de Mycènes . ville fondée par Persée , fils de Da-
naé de la famille royale d'Argos . Ce fait explique aussi la
similitude typique que l'on remarque entre les poteries et
la bijouterie la plus ai-chaïque de Rhodes et celles de Nini-
ve et de Babyloue .
Les Phéniciens introduisirent dans l'ornementation de
leur céiainique le murex , la sèche et le dauphin , que l'on
voit combinés avec le lotus , le taureau , le cerf . le tigre
le lion et les sphynx, emblèmes caractéristiques de l'Egyp-
te et de l'Assyrie.
A Rhodes , plus peut-être que partout ailleurs, on re-
marque clairement dans les arts, et daos la céramique sur-
tout , deux époques phéniciennes bien distinctes , la pre-
' V, Page M .
saoyGoOt^lc
KT BOCIAL £39
mière conserrant dans toute sa uaïTOté le type orginel ; la
seconde enrichie des modiûoatioDB progressives dues k des
ouvriers plus exercés .
Celle-là a été importée dans l'Ile furtivement pour ainsi
dire; car les hommes que Cadmus et peut-être Danaûs
laissèrent dans l'Ile, avaient apporté avec eux des poteries
pour leur usage, et, potiers ou non , ils eu ont nécessaire-
ment fabriqué d'autres sur le même modèle ; ce sont les
vases préhistoriques trouvés à Selladhia , à Camiros , au
Sud de l'acropole , mais surtout à lalyssos , où de pareils
vases furent découverts dans un tombeau arec un scarabée
d'Âménophis III . La seconde époque manifeste des ou-
vriers habiles qui savaient travailler non seulement le verra
l'albâtre , l'émail , mais aussi de fines poteries ornées de
dessins coloriés, capables de résister à. l'action de plusieurs
siècles , pour nous parvenir dans toute leur originalité et
leur fraîcheur primitive .
Fins tard l'élément grec s'étant uni an phénicien , cons-
titua l'époque de traosition, pendant laquelle l'art s'arrêtant
danS' sa marche première , chercha une voie nouvelle et
tenta de preadre un essor plus vigoureux . H en résulta
des œuvres qui, touten conser^'ant encore un cachet archaï-
que , tendaient vers le perft^ctioanement , mais n'étaient
en réalité que des ébauches bien ^éloignées de l'élégance
que la céramique atteignit , lorsque l'art grec proprement
dit se fut développé dans toute son admirable pureté .
En résumé la céramique Rhodieone peut se diviser en
quatre grandes époques :
1°- Archaïque , commençant au XV™* siècle av. J. C, et
arrivant jusqu'à la fin du VU"'-
saovGoot^lc
540 ÉTAT INTELLECTUEL
2o- Transition , depuis le VU*"* , jusqu'à la moitié du V""*
BÎècIe av. J. C .
30- Hellénique delà meilleure époque , depuis la moitié
du V""' siècle , jusque Ters l'an 336 av. J. C .
4'>- Macédonienne , depuis 336 , jusqu'en l'an 100 av. J.
C, époque à laquelle l'art de peindre les vases fut aban-
donné .
Observons que si les différents spécimens qui caractéri-
sent ces époques , ont été trouvés dans des tombeaux , ce
n'est pas qu'ils aieut été fabriqués spécialement pour être
Sacrifiés aux morts ; ce sont des ustensiles employés jour-
nellement par les anciens . Ils nous fournissent ainsi des
échantillons artistiques et des renseignements sur la vie
intime de la population primitive , sur ses usages , sa reli-
gion , ses superstitions et même sur les différents costu-
mes successivement usités , et dont beaucoup sont remis
en vogue par la Mode contemporaine que tous les efforts
de son imagination reportent à tant de siècles en arrière .
N'est-il pas ^curieux en effet d'exLumer d'un tombeau
datant de 2500 ans peut-être , avec un miroir en bronze
poli , des vases à parfums , et autres objets plus communs,
nne figurine en terre cuite, représentant une dame portant
robe traînante à larges plissas , tunique , coiffure à chi-
gnon monumental, et affectant une pose que les journaux
de la mode la plus élégante ne dédaigneraient pas dans
leurs illustrations .
L'imitation va plus loin encore , en dépit de la préten-
tion à la haute nouveauté ; comme les dames modernes,
celles des âges passés relevaient avec des pages la queue
traînante de leur robej la forme a varié : au lieu de pinces.
saovGoOt^lc
ET SOCUL 541
ce eont de fortes agrafes en électrum trouTées dans quel-
ques tombeaux généralement à la hauteur de la taille des
squelettes .
Les poteries purement archaïques ou de la première pé-
riode , ne s'éloignent guère du typeÉgypto-Assjrien dans
toute sa BJmpliàté , du moins pour ce qui concierne l'orne-
mentatioa ; l'art Phénicien proprement dit , avec ses déye-
loppements successifs, entremêle aux ligues géométriques ,
aux rosettes et aux zones dans lesquelles sont représentés
des animaux plus ou moins fantastiques ^ des essais de la
vie réelle ; l'art Phéuico-Grec d'abord , l'art Grec surtout
plus tard, nous fournissent des scènes intimes du plus
grand intérêt .
Ce qui rehausse encore la valeur de ces décorations ,
c'est que les dessins 'ue sont pas des estampilles , comme
on pourrait le croire ; les Rhodiens^à l'instar des potiers
Égyptiens et Grecs, livraient rarement deux vases sembla-
bles , et cela prouve que les peintures dont ils étaient
ornés, étaient des conceptions spéciales pour chaque
ob]et .
L'art décoratif de l'époque préhistorique s'attache sur-
tout à la reproduction de sujets mythologiques , dont quel-
ques-uns Sont bien connus; inspiré ensuite parla grandeur
d'Homère et par la variété des poètes cycliques, il fait peur
ainsi dire de l'épopée, en reproduisant les scènes héroï-
ques . Une pièce très-remarquable de ce genre , est un Pî-
nax représentant le vombat d'Hector avec Ménélas , au
dessus du corps de l'infortuné Euphorbe . * Les noms des
• II. ch. XVU.
saovGoOt^lc
542 ÉTAT INTELLECTUEL
héro6 sont inscrits au âessus de leurs têtes en lettres grec-
ques archaïques :
MENEAAï, EKTOP.EY<l>OPBOC.
Mais le pluB beau spécimen de l'art greo pur, est sans
contredit l'ampHore trourée à Camiros dans un tombeau
situé à quelque distance de la nécropole archaïque, La po-
Ijchroniie et la dorure donnent aux dessins de la vie et du
relief . La scène représente Thétis surprise par Pelée, pen-
dant qu'elle se baigne sur les bords du golfe de Sépias ea
Thessalie . Nue . repliée sur elle-même , elle jette à l'au-
dacieux qui l'a saisie par le bras droit, un regard dédai-
gneux de la vertu outragée ; un serpent marin , symbola
delà métamorphose finale de Thétis , se roulant autour de
la jambe de Pelée , le mord cruellement . L'amour planant
au dessus de la tête de Félce , paraît l'encourager dans sa
tentative contre la cajH*icieuse déesse marine qui s'est si
longtemps soustraite à ses poursuites. Vénus accompagnée
d'une de ses nymphes et assise derrière Thétis , occupe le
deuxième plan , et le dernier est rempli par trois autres
nymphes qui s'enfuient effrayées , ou cherchent à se ca-
cher . Ce vase est aujourd'hui la propriété du Musée Bri-
tannique, qui le considère à juste titre comme un des chefs-
d'œuvre de la céramique polychrome de l'époque grec-
que .
Le fin velouté du vernis noir que le célèbre Polygnote
tira du marc du raisin et la sûreté du burin qui a cloison-
né les couleurs, non moins que la hardiesse du dessin, rap-
pellent le génie et l'école du peintre de la Lesché , comme
par l'invention , les tragédies épisodiques . " Des représen-
tations de ce genre ne sont pas rares dans ce qui s'est
saovGoot^lc
ST SOCIAL 543
conservé et ee retrouve chaque jour dv produits gï nom-
breux de la céramique chez les anciens ." * Nous de-
vons supposera la suite du même auteur, qu'il faut comp-.
ter plus d'uQ Bhodien parmi les potiers que "la Grèce
avait envoy^és aux Ëtrusques , à la suite de Démarate , le
père du premier Tarquiu , parmi ces artistes au nom sym-
bolique , Euchir et Eugramme > en qui se personnifie l'art
de mouler et de peindre l'argile."
Plus tard , à l'époque où commence la décadence de
l'art, l'iuspiration fut remplacée par l'imitation eervile des
grands modèles laù^sés par les Appelle, les Zeuxis , les Ni-
céas et les autres ariistes de la bonne époque .
Les anciens Bhodiens ont certainement manufacturé
beaucoup de^ poteries ; mais en raison du grand travail
qu'elles leur coûtaient , ils étaient beaucoup plus avares
de leurs œuvres que nous ne le sommes aujourd'hui des
nôtres ; en effet il n'est pas rare de trouver dans les tom-
beaux des Tasea recollés . Sans doute à l'instar des autres
peuples anciens, ils en usaient de même avec les vases des-
tinés aux usages domestiques . C'est encore à cause du ta-
lent' qu'il déployait , sans tenir compte de la peine , que le
potier attachait souvent son nom à ses productions :
KAEOKPAT.EY«EnOIH?EN.
(Fait par^^Kléocrate) . Le décorateur ajoatait aussi le
sien:
MENEKP.ATEY«ErPA<t»SEN^.
(Méiiccrate l'a peint) . Des potiers aimables envers leurs
* F»tiD , Iw Trag. Gr .
saovGoOt^lc
544 ÉTAT INTELLECTUEL
clients , ajoutaient jes souhaite soit génériques, soit parti-
culiers , tels que :
XAIPEKAIPIE
(Réjouis-toi et bois) . • .
Les anciennes poteries Rhodiennes peuvent être divisées
eh si
lo.
20.
3"-
40.
50.
60-
X grandes catégories ;
— Vases à conserver les liquides .
— Vases à soutirer ou à mesurer les liquides .
— Coupes .
— Vases à parfums .
— Vases de luxe .
— Vases d'utilité domestique commune .
La première comprenait :
Le Pithos ou pour être plus correct le Viéos , qui servait
à la conservation <ln vin , des figues sèches , des légumes
et souvent aussi à la sépulture des enfants . Quelque fois
ces pithoi étaient ornés d'arabesques estampillées , repré-
sentant des scènes de la vie publique .
LMmpAore , qui , suivant de légères variétés de forme ,
prenait le nom d'amyhore Bachique , amphore Égyptien-
ne , amphore Tyrrhénienne &c . Ce nom lui a été donné
à cause des deux anses par lesquelles on la prenait ; la lon-
gueur de col était en raison inverse de la grosseur du corps
qui se terminait toujours par un cône pointu , afin de fixer
le vase dans la terre , car l'amphore servait à mesurer les
liquides en même temps qu'à les conserver. La loi en ga-
rantissait l'exacte contenance par une estampille portant
• KewtOB. Trav. et Disc, in the Levant. làr. l p. 237 ,
saovGoOt^lc
ET 50CUI. 545
le nom du Magistrat local , usage aui|bel nous devons une
longue liste de noms de fonctionnaires publics, que Stoddai t
a fu la patience de recueillir ; • mais il est regrettable que
l'on ne puisse que rarL'meut préciser l'époque de leur ma-
gistrature .
QaeLjuefois à côté du uoiu du magistrat, on trouve ce-
lui du fabiicant accompagné d'une autre estampille , es-
lièce de marque de fabrique, pour laquelle est adoptée uue
têtj d'A.pjllou-Hilio3 outine fleur de greuadipr dans le
génie de celles que l'on yoit sur les médailles Ebodienaes;
parfois c'est un cartiuiclie d'une longueur moyenne de 4
Cent"- sur 1 J de large, dans lequel se trouve le nom du ma-
gisirat avec un emblème , ou le uom d'uiimoîs du caleu-
diiei* Dorien .
Od nous demandera peut- êtie comment il m fait que
l'on trouve toujours entai-eées dans un même endroit dos
r.nses d'amj hore en quautitc considérable . Nous ferons
obsi rver d'abord que le sol e^t en même temps composô
eu grande partie de petits fiagraeiits de poteries, dont pro-
viennent K'S anses . Les vases ont donc été portés entiers
et bri.-cs sur place ; pourquoi î C'était , croyons-nous , des
eacritîces d'huile ou de viu offerts aux divinité»; car uq
examen atientif amtae tonjt.urs auprès de ces agloméra-
tions la découverte de fondations antiques . Ainsi en e^t-il
ù Li sorlie du faubourg de Néobori , sur la roule de Triaa-
ila, et là encore où cette route arrive sous l'Acropole. Les
■iiBblM'S que l'on peut voir au premier de ces endroits , sont
' Eiith. Hict. uf Ane. Pot. I. II. Ap.
saovGoOt^lc
546 irrAT iniellbctuel
peut-être celles d'un temple dédié à Hercule auquel les
Rbodieus offraient des sacrifices accompagnés d'impré-
^eatioDH .
Nous devons classer encore dans la première catégorie ,
le Kalpis qui ne Eervait qu'à contenir l'eau potable pour
Tuaage de la table ; VHydiia aiuHi appelée à cause du mot
H Y A P I A inscrit sur le premier vase de cette forme qui
fut trouvé ; il servait au transport de l'eau . Les scènes des
femmes à la fontaine, les représentent toujours portant un.
de ces vases sur la tête .
La seconde catégorie comprenait :
h'Oinoehœ ou Inochœ, broc k vin , qui remplaçait nos
carafes .
Le lAhjtlios . vase de petite dimension , orné de figures
et affectant une forme cylindrique ; on s'en servait pour
mettre l'buile destinée à l'usage journalier .
Jj'Olpis, vase eu terre cuite décorée, et quelquefois en
métal, dont les ancieus auteurs font mention . On s'en ser-
vait indistinctement pour le vin ou pour l'huile . Sapho-
parle d'Hermès tenant im Olpis , et versant du vin aux
Dieux .
Le Bomhyîoa, affectant use forme ovale allongé».
Le Cratère , grand vase en forme de tronc de cône > dans-
lequel les auciens glaçaient leur vin en le mélangeant
avec de la neige ou de l'eau refroidie par les mélange»
qu'ils connaissaient .
L'Oasybaphon, qui n'était qn'un Cratère pliis grand et af-
fectant la forme d'une cloche .
Le Eyathoa , espèce d'écuelle généralement en métal , à
manche long , presque vertical , et qui servait à puiser le-
saovGoOt^lc
ET SOCUL M7
TÎD dans le Cratère .
Dans la deuxième catégorie , on range :
h'Holmos , le Kantkaros , le Karkesùm , plue profond que
le premier, le Kylix , VHedt/potis , coupe esseotiellenieiit
Khojienne, et enfin le Cotyle, qui s'appelait Cotyîisque lors-
qu'il était de plus petite dimension .C'était une mesure af-
fectant en général la forme d'une coupe profonde et étroi-
te. Les mendiants d'Homère demandent un morceau de
pain et^un cotyle de vin :
«Af xÉv Tiç xotûXtjv xal itûpvov ôpé£T].ï *
Sans doute sa capacité n'était pas bien grande , puisque
Andromaque, en parlaut des enfants qui entouraient les a-
mia de son père, dit que quelques-uns tenaient de ces cou-
pes qui sont suffisamment grandes pour mouiller leurs lè-
vres , mais non pour LumecttT leurs palais . J A Rhodes
particulièrement, le Cotyle .avait la forme d'un vase plutôt
que d'une coupe .
Les rases à parfums qui forment la quatrième catégo-
rie , comptent :
li'Aryhallos , dont la forme et la dimension primitive é-
taieut celles d'une grenade avec des rebords assez larges
sur le goulot , et une petite anse dans laquelle pouvait à
peine passer une lanière pour suspendre le vase à. la tein-
ture . Le corps fut par la suite allongé , presque ovale , et
plus tard encore, on lui donna une base plus large et apla-
tie . Ces petits vasts servaient surtout à contenir l'huilç
• Ody. 0. XY. V. 312.
î II. XXI. T. 494.
saovGoOt^lc
548 ÉTAT INTELLECTUEL
parfumée pour le bain .
h'Alahastron , dont la forme étaient un cylindre allongé,
destiné au même usage que VAryballos , et qui devait son
nom à la matière dont il était composé .
La ciDquième catégorie comprenait les TaBes destinés,
comme de noa jours, à composer des jardins sur les terras-
ses ou sur l'entablement des fenêtres ; oo en a retrouvé
quelques beaux spécimens , ainsi que des figurines , des a-
nimaux et des petits objets de fantaisie , anciennes Gkinoi-
séries , si l'on nous permet cette expression, dont les dames,
anciennes aimaient à orner leurs étagères .
La sixième catégorie peut se diviser en cuves de lessiva-
ge , cuvettes de toilette , vaisselle de cuisine et de table .
Dans la première espèce sont :
La Scaphi (d'où le même nom moderne appliqué 'aux
baquets à lessive) , large bassin , rarement en terre cuite ,
qui servait au lavage des ustensiles de cuisine et aussi com-
me bain pour les pieds .
La Lecani (terme usité encore aujourd'hui) , était un
bassin en terre cuite commune , garni de deux petites an-
ees, à peu près de la même forme que celles que l'on fabri-
que actuellement dans le village d'Archangélos . Il était
appliqué aux mêmes usages que la Scaphi . C'est sans dou-
te d'un bassin de cette espèce que eo servaient les devins
de l'antiquité, d'où le terme de Lecanomande, ou divination
à l'aide du bassin .
he Lecaniscoa ou Podfwnîptir , et le Chironiptir , éiaieot
de petites cuvettes de même forme usitées , comme l'in-
dique leur nom , pour le lavage exclusif des pieds , des
mains &c .
,ao,Gooq)c
ET SOCIAL 549'
Mais ces vases trop communs pour être mis dans les
tombeaux, ne nous sont connus que par les débris qu'on en
trouve parmi les ruines des anciennes Tilles rhodiennes .
C'est encore seulement de nom que nous connaissons le
ThermarUer , pot sans doute usité pour chauffer l'eau ; et
le Chytrçn nous serait inconnu aussi sans le proverbe usité
autrefois dans l'Ile .
(il décore des Cbytres) , pour exprimer un travail sans u-
tilité .
A Is seconde espèce appartenaient le Canis^ron ou Canû-
hion, le Pùuas. plus petit que le premier , toujours monté'
sur un pied , et orné de dessius coloriés ; c'est celui que
l'on trouve le plus fréquemment dans les tombeaux Kho-
dieus.
Le ParopsiSyVEmhaphia, le Trivîion et une foule d'autrei'
vases uoiumés par les auteurs anciens , n'ont pas ététrou--
vés dans les nécropoles ; par contre on y a recueilli un as-
sez grand nombre de petits vases à couvercle , que leur
forme et leurs dimensions permettent de prendre pour des
JErevs et des Kyjpelm, sortes de vases à conserve . Plusieurs
de ceux qui ont été exhumés intacts , portaient leur cou-
vercle qui fermait si hermétiquement, que l'industrie mo-
derne ne produit rien de plus parfait ; aussi est-ce avec le
plus grand étonnement que nous y avons vu des œufs en-
tiers et des ossements de volaille .
Ce qui donne un cachet d'importance archéologique k
beaucoup de poteries découvertes k Rhodes , surtout \ la-
lyssos, c'est leur similitude avec celles qui ont été trouvées
à Mycènes , dans le tombeau des Atrides .
saovGoot^lc
550 teAT IHTSUZCXUIL
K'oublioBB pas de mentionner une grande quantité de
lampes (LicAm) plus ou moina décorées de frises en relief;
l'invention en est attribuée aux Égyptiens , et leur impor-
tation remonterait par conséquent à l'époque phénicienne ;
des masques en terre cuite déposés seulement dans des
tombeaux de femmes , et reproduisant peut-être les traits
de la défunte ; on en a rencontré quelques-uns enchâssés
l'un dans l'autre , comme si le plus grand avait servi de
moule aux autres . La présence de ces masques dénonce la
profession d'actrice et sans doute aussi le rôle dans lequel
excellait la personne ; car le uns sont ceints d'un diadèma
royal , les autres d'un voile ; le grand nombre de ces figu-
res pourrait rendre cette supposition téméraire , mais on
sait que le théâtre ancien était encombré de personnages ■
On exhuma aussi des tombeaux des poupées ou marionnet-
tes (névrospas?na^); mais la statuaire plastique s'éleva plus
haut. Les sculpteurs en effet n'eurent pas toujours l'au-
dace d'exercer leur art directement sur le marbre et de li-
vrer un premier jet de l'invention . " Lysistrate , frère de
Lysippe , au dire de Fline, débuta dans cette voie nouvel-
le : il moula et on continua à mouler après lui , des ébau-
ches appelées _propla8mata, , dont quelques-unes furent
très-reçherchées dans la suite ; car elles établissent dans
sa franchise toute la hardiesse de conception et de style de
l'œuvre artistique ." •
Citons enfia des vases en verre , de petites fioles en al-
bâtre et en porcelaine de formes variées , des rases émail-
• 3irclil-IIpag«262.
saovGoOt^lc
El SOCIAL 551
lés , des colliers de grains en porcelaine , en émail , et des
fusaïoles liautes de 7 à 8 Cent** , percées d'un trou à leur
extrémité supérieure . Ces fusaïoles sont semblables d'ail-
leurs à celles que l'on trouve en Grèce, en Italie, et jusque
dans la Crîtiiée, et dans lesquelles les archéologues croient
reconnaître une espèce d'amuletie que l'on attachait au cou
des animaux .
L'ait céramique tomba en discrédit dans le 1" siècle ar.
J. C, pour repiendre ensuite une nouvelle faveur, et
former une importante industrie jusqu'à la £n du XVII"'^
siècle de notre èje .
Les auteurs Byzantins font mention eu parlant de S"
Sophie, des briques fabriquées à Rhodes et entrées dans la
grande coupole de cette basilique. Elles étaient blanches
et si légères, qu'il en fallait 12 pour atteindre le poids
d'une brique ordinaire dos autres pays . C'était un mélan-
ge de joncs broyés , de pierre ponce pulvéïisée , de farine
et d'autres ingrédients , qui acquéraient une grande dure-
té . Nous ne derous pas mettre eu doute cette assertion si
explicite des écrivains Byzantins , mais ce qui est extraor-
dinaire , c'est que les filiodiens n'aient pas employé eux-
mêmes pour leurs édifices publics ces excellentes briques
qu'iLi exportaient, et qui, ^ eu juger par la solidité
de la coupole de S'*- Sophie , sont beaucoup plus ré-
sistantes que la pierre poreuse dont ils se servaient.
Diodore en a fuit la remarque , et nous ajouterons
qu'on ne trouve nul'e part aucune trace de ces sortes de
briques blanches et légèies , tandis qu'on trouve un assez
grand nombre de débris de briques rouges communes. Nous
devona eu conclure que cette industrie , si elle a existé à
:q,t7edi>G00t^lc
552 fiTÀT INTELLECTUEL
Rhodes , n'a été que momentanée .
Dana le Moyen-Age, si ce n'est dana une époque plus
ancienne encore, Hhodes posaëdiiit une ou plusieurs fabri-
ques de faïences ; on y confectionnait des carreaux , des
bi'ocs et suitout des plats très-curieux . Ces plats sont gé-
noralement désignés par les amateurs sous le nom de Plats
de Lindos . Déjà estimés dans le XVII"" siècle, ils sont ac-
tuellement en Europe un article à la mode . Il en est ré-
sulté une exportation active dont la conséquence est que
l'on n'en trouve J>!u8 à Kbodes que très-peu et jamais de
réellement beaux .
C'est à tort que des connaisseurs peu expérimentés ont
cru trouver une certaine ressemblance entre ces plats et les
MajoUcas d'Italie ; de là cetti* conclusion que les faïenciers
de Rhodes étaient indubitablement venus de ce pays au
temps des Chevaliers , et que pnr conséquent cefte indus-
trie étiiit d'une origine exclusivement européenne . Une ■
observation tant soit peu minutieuse ne laisse aucun dou-
te qu'elle est criginnire ûe l'Asie , tt n'a aucune affinité
avec la fabrication des majoliques du date plus récente .
Ceci justifie le prix élevé que payent les vrais connaisseurs
pour acquérir une bonne pièce . Un des plus beaux plats
de ce genre, poitait l'inscription suivante en caractères
Persans :
O Dùn ! jusiitt's à quand serons-nous s-ur celle terre d'exil !
On en peut conjecturer que cette industie fut importée
à Rhodes par des prisonniers de guerre pcrpans , internés
sur plusieurs points de l'Ile , mais surtout à Lindos . Un
autre plat de l'époque de la décadence de l'art , représen-
tait dans le fond une maiu donnant la bénédiction , ut isur
«*-.;di> Google
HT BOCiÂi, 553
te reboF'l , on lisait en un grec très-incorrect :
TONA*E€nOTHNKEAPXHEPEANHMON
KIPI = <l>YAATE.HOYNIO 19.1667.
(Seigneur protégez notre maître et pontife . Jnin 19.
1667) .
Nous pensons que ce plat est un des derniers spécimens
de Cette industrie .
Ce qu'il y a surtout de remarquable dans fa confection
de ces faïences , c'est la vivacité et la délicatesse des cou-
leurs que l'art européen a vainement essayé d'imiter .'Lu
Ternis en relief parait avoir été cuit en même temps que
l'argile elle- même ; car dans les pièces imparfaites, le des-
sin est irisé d'une manière désagréable aux yeux .
Ces faïences appenilues à l'intérieur des liabitations , en
faisaient le principal omemeiit ; jamnis les paysans ne les
profanaient à nn nsagë domestique ; ce respect explique
comment elles se sont conservées chez eux' en si grand
nombre et pendant une si longue période, tandis qu'on n'en
trouvait plus chez les bourgeois .
Le seul village de l'Ile dans lequel on fabrique actuelle-
ment des poteries , surtout des jarres de diverses formes
très-originales mais grossières comme travail , est celui
d'Arcfaangélos , dont c'est la principale industrie .
L'Ile pos'sède aussi une petite fabrique de tuiles modè-
le français, mais la qualité laîïse beaucoup à désirer, et du
reste l'usage de ce genre de toiture est peu répandu sur
le pays .
* A, évidemment pour A •
D.qit.zeaOvGoOt^lc
£54 ÊTÀT INTEIiBCTUEL
^ 2 UÊTAIXnBOIB
A part la fameuse statue d'Apollon , qui comptait au
nombre des eept merveilles du Mondç , les Rhodiens pa-
raissent s'être rarement servis des métaux usuels pour la
confection d'ob]>t8 d'art de grandes dimensions. On n'a pas
en effet trouvé d'autres travaux en bronze que des vases
élégants, des miroirs que l'on tenait à la main par un man-
che, ou qu'on suspendait par une sorte de boude; enfin
d'autres petits objets d'usage domestique. L'airain travail-
lé ne s'est présenté non plus que sous la forme de statuet-
tes , hommes ou animaux , et d'instruments délicats ; nous
possédons ainsi un long ciselet qui a été retiré du sable de
la plage des Moulins , collé avec deux autres sur une ta-
blette de pierre à aiguiser.
Les anciens historiens mentionnent les lames d'ai^ent
ciselé que des artistes Rhodiens avaient exécutées pour or-
ner le temple de Bacchua . Nous devons nous contenter de
leur témoignage élogieux , qui établit que la sculpture au
repoussé était en honneur chez les Rhodiens . Quelques ra-
res objets^ en or , prouvent que ces éloges n'ont rien d'exa-
géré ; noua devons citer spécialement un Pyxia enterré dans
le même tonibeauque le fameux vase de Thétis. C'est un
des plus beaux travaux de ce geure que l'on ait-sauvés jus-
qu'ici ; la déesse porte les armes d'Achille , et l'amour é-
prouve la pointe d'une flèche . Mais les plus beaux spéci-
mens de l'orfèvrerie Rhodienoe, sont certainement deux
pendeloques en or fin , trouvées dans un des tombeaux de
Oamiros , et qui par leur style , leur type , et leur exécu-
tion , appartiennent à l'époque purement phénicienne .
saovGoOt^lc
Elles nonsistent en deux plaques soudées ensemble . Quel-
. <(iies ornements sont au repoussé, tandis que d'aiitres y 6oat
collés. Toutes les. parties pLmca sont recouvertes de gra-
cieuses arabesques en filigrane et de granules .
L'une représente un lion rempant , qui tieût entre im
gi'iSos une hirondelle ; tes angles sont ornés de têtes d'ai>
glti» , et du bord inférieur pendent trois chaînettes d'un .
travail très-délicat ; celle du milieu termine en uàe fleur de
grenadier ; celles des deux coins, plus longues , Èe divisent,
après avoir titirersé une tét« de style égyptien , en cinq
thalnettee , deux plus courtes et trois plus longiies , se ter-
minant aubsi en fleur de grenadier . Ce que l'on admire
particulièrement , c'est la finesse des granules , qui par une
agloniération nierveilleube, dessinent avec uh art parfait*
leâ oreilles , le poitrail , et surtout la crinière ondulée ef
floconneuse du lion . '
On a encore trouvé îi Rhodes beaucoup dé grenades
de plomb pour armer les frondes et des pointes dé flèche
en bronze .
^ 3 KAVIOATIOM
Il sfrait oiseux de revenir sur ce que nous avon's" déjà
dit à l'égard du la prospérité maritime des auciôns Kho-
dlens. -
Du temps des Chevaliers la marine marchandé était
encore assez puissante pour fournir en 192:;!, ancorps de
défenseurs au fort S I^iculii^ ei aux autres postes màriti-
saôvGoot^'lc
556 ÉTAT ISTELLEOTLEL
mes . Cette prospérité ne diminua paa pendant les premiè-
res années de l'occupation Ottomane ; car nous voyons Sa-
Iciiuaii s'occuper d'un règlement spécial en faveur de la
manne ; plus tard l'Ile soumise à la juridiction immédia-
te de l'Amirauté, pouvait encore bïuod prospérer du moim
ne pas déchoir. En efft-t le voyageur Corneille Lebrua
nous apprend qu'en 1681 tous les habitants de Lindos é-
tiiient gens de mer , et que leurs navires poussaient leurs
courses jusqu'à Venise .
Tout en critiquant la lenteur avfC laquelle s'y exécu-
taient les travaux , et les dilapidiitions de toute espèce qiii
s'y commettaient , M . Soiinini, qui passa par Rhodes vers
la Bn de 1778, parle dc-s chantiers de constructions nava-
les, comme d'établissements très-importants, dépendant
d'un Nazir ou Directeur , le plus haut personnage de l'Ile
après le Musellim ou Gouverneur Civil . Il y a peu d'an-
nées encore que des murs et des portes interdiraient Tentrée
de Arsenal encombré de matériaux de toute sorte , et at-
testaient l'activité qui y réguait . Cet auteur mentionne
aussi la marine de Lindos comme étant très^ florissante de
SOI) temps . Ce n'est dune qu'au début de ce siècle , que la
marine Rhodienne commença à dépérir mais si rapidement,
qu'aujourd'hui Liudos ne possède plus que trois petits
caïques et deux ou trois barques de pêi;heui's , et la capita-
le une cinquantaine de ca'ïques de 5 à 15 tonneaux etuinq
Ou six goélettes de la poitée de 25 à 75 tonneaux .
Il est juste de dire que depuis quelques années le Gou-
vernement n'a en rien favorisé le développement de la
marine qui seule peut faire revenir l'aisance sur le pays ;
on dirait au contraire qu'il-Jui tient à coaur de faire tout
saovGoot^lc
u;' bociAL 557
ce qui dcpend de lui pour anéantir coinj>1étement cette iu-
dustrle ; car par une uu Sun- qiu' l'un a de la peine à coin-
prendie . t-'il n'a p;ia préci énHut empêché la con>triictiun
(les njvires à Rbo.ies, il y a m'\f lam d'entraves et df dif-
ficultés admidii-lijitivi',- qu'elles ooir. epomleiit à une probi-
' b'foii formelle ; aussi lu où l'un cunstruisaiL iiîignère non
seulement de gros nnvins de commerce , mais même dos
frégutcs de guene , on voii rarement sur les chantiers un
uaviie de petite portée. Il en e^t ^é^^lté que les meil-
k-urs ouvriers ont émigré , important avec eux en Grèce
cette riche industrie que le gouveniemi'nt Hellénique a ac-
cueillie avec autant d'intL-Uigeiice que le Gouvernemeut
Ottoman en a mis pour la suffoquer .
Aujourd'liui Rhoden n'i* plus un ^eul marin expert ; si
' quelques habitants turcs et grecs prétendent ôiic gens de
DUT, les premiers ne sont en réalité que des petits cabo-
teurs , et les seconds des pécheurs d'épongés , autre indus-
tiie à laquelle nous voyous avec plaisir que les Rhodiens
commencent à s'adonner .
Mais jusque k quand la pêche des épongea fournira-t-
elle une ressource aux iliS de l'Archipel ? car les scaphan-
dres menacent d'épuiser trè.s-vite ce trésor. Des efforts ten-
tés pour demander à cet élément qui renferme tant de ri-
ches- es , la vie des Intulaiies , cm été entiavés après trois
uns de recherches fructueufOS. Nous voulons parler de la
pcche du corail . On savait que quelques familles d'Ksck-
vons étiiient venues aunefois s'établir à Liodos pour s'a-
donner à la poche de cette précieuse matière. Les deui
bancs qu'ils connaissaient ayant été épui^és par un travail
assidu , ils durent abandounet- une eïipluiiaûuu qui ua
saovGoOt^lc
558 ÉTAT INTELLSCTUEL
payait plus hurs fiitiguea; il falkit laisser aux zoophjtes
le temps nécessaire pour t-rciéter et coiiglutiuer leurs uiys-
térieux ramcaiix . LfS essais piomèrent que la pêcho pou-
vait être reprise avec uu succès pliiB éCetidu ; une petite
société se forme bientôt . AjiFès avoir découvert des bancs
importants non ïculement dans les eaux de Rhodes , mais
6ur pluî-ieurs points de l'Archipel et le long de la côte d'A-
natolie, elle sollicita et obiitit une concession ; alors elle fit
venir des barques et des gens du méi^T qu'elle intéressa
dans l'entrepriëe ; le travail niaicbait assez bien ; on avait
iiiéme retiré du corail rose tendre si recherché , et quel-
ques expéditions av.tieiit eu lieu , lorsque le Gouvernement
s'avisa de se prévaloir du fait que les concessionnaires a-
vaient tardivement rempli une petite formalité , pour les
déclarer déchus de leur privilège . Il était incontestable-
ment dans la légalité; mais qu'en est-il résulté? Les con-
cessionnaires y ont perdu des eommes considérables et tou-
tes leurs peines , l'État uu revenu important, et la popula-
tion des Iles une industrie qui aurait pu alterner avec celle
de la pèche des éponges .
Le Gouvernement a-t-il reconnu sou erreur ? Cela est
probable , car trois ans après ou proposa aux concesion-
naires de se rendre à Coustautinople pour y renouveler
leur privilège ; mais ceux-ci épuisés et peu confiants dans
des promesses , ont préféré garder leur argent et le secret
des bancs qu'ils ont découverts .
§ 4 IXSTRL'CTION .
L'amour des arts entraine nécessairement ctlui dea
saovGoot^lc
LT ^CIAL 559
beaux-arts et des sciences ; de la sculpture , de la peinture
et dea lettres , il ne nous reste rien à dire après les notices
que nous avons données sur les hommes célèbres ; doub a-
Tons nommé les élèves non moins célèbres que Rome en-
voya dans ces écoles dont Cicéron a rendu ce témoignage
auquel on ne peut rien ajouter : " Elles ont conaerTé dans
toute sa sévère pureté le grand art de l'éloquence : sobre
de mots , digne et grandiose dans les gestes .
Mais oii étaient ces écoles î Une tradition locale place à
Bhodini le Lycée des rhéteurs . La beauté du site , famce-
na terra , la vue de la mer , celle des montagnes de la Ca-
rie et de la Lycie qui limitent l'horizon , tout est fait pour
inspirer l'âme ; cela est incontestable ; mais aucune ruine
ne vient à l'appui de cette tradition , et il nous paraît dif-
ficile d'admettre , comme le soutiennent quelques person-
nes, que les leçons avaient lieu en plein air sous les magni-
fiques arbres qui auraient de tout temps ombragé ce coin
de terre . Les écoles de philosophie et de sciences ont dis-
paru sans laisser aucune trace comme ont disparu égale-
ment l'intelligence et l'activité qui distinguaient les ancê-
tres du Bhodieu moderne, et faisaient de l'Ile une terre de
prédilection , une terre aimée des Dieux , et favorable aux
hommes !
Autres temps , autres mœurs , dit un vieil adage .
A cette popnlation intelligente , laborieuse infatigable a
succédé une population indifférente à l'étude, lente au tra-
vail , sans souci du bieu-être ; ce n'est plus l'antique gra-
vité , c'est le sommeil ; ce n'est plus l'euthousiabuie , c'est
la turbulence; enfin toutes les qualités constitutives du
caractère primitif sont précuémeut celles qui font défaut
saovGoot^lc
560 iTAT INTSLLECTUEI.
aujourd'hui . S'il s'en eat encore conservé quelque chose ,
surtout dans l'intérieur de l'Ile, c'est une honnêteté rela-
tive , l'hospitalité envers les étrangers , et l'égalité entre
le liche et le pauvre .
Les industries ont (Heparu l'une après l'autre ; non seu-
lement les beaux arts , mais aussi les arts utiles sont en-
tièrement délaissés , et la misère remplace pas à pas l'ai-
sance passée .
Il 7 a lieu de croire que les Chevaliers , gens de guerre
avant tout , constauiment exposés aux attaques d'un eune-
mi acliarué, devaient se montrer plus soucieux du bien-être
matériel que du progrès intellectuel de leurs sujets qui ,
d'ailleurs avaient sans doute négligé l'instruction , depuis
que leur Ile était tombée au pouvoir des Sarrasins . Quant
au présent elle est tellement délaissée , que le paysan , voi-
re même te petit bourgeois Ehoilien sait rarement lire et
écrire ; cela tient à ce qu'il j a peu d'années encore les é-
coles faisaient euticroment défaut , aujourd'hui quelques
personnes plus intelligentes que la masse de la population^
puissamment aidées par l'Archevêque Grec , ont obtenu
que chaque village eût obligatoirement un maître d'école
qui apprend aux enfants à lire tant bien que mal , et à
griffonner quelques mots avec ou sans orthographe . Un
enfant est réputé très-avancé lorsqu'il sait lire les actes
des Apôtres :
c'Ave-^v^oxecTOV 'AnôffToXov.j
di&ent les parents , avec autant d'orgueil qu'où en mettrait
ailleurs en parlant d'un bachelier ès-letties ; et vraiment
que peut-on attendre de plus de ces pauvres maîtres d'école
dont les appointements varient entra 200 et 300 francs par
saovGoOt^lc
ZT IWICIAL 561
an ? Aussi ne fûmps-nous nullement surpris , lorsque il y a
quelques mois , un m;iître d'école noua assurait avec un»
légitime fierté qu'il savait lire et écrire correctement, et
que du re.-.te il cousultait souvent son dictionnaire ; et nous
ajouterons à l'tippui de ^a véiacité , que noua ne trouvâ-
mes qu'une vingtaine du fautes dans un écrit d'une page
rédigé 60U8 noa yeuxsaua l'aide de son dictionnaire . Le di-
gne homme ! il perçoit 225 francs .
La populatioa de Lindos est sans contredit celle de tous
le6 villages qui est le nioiua arriérée ; il u'e.'-t pas rare d'y
rencontrer des jeunes gens connaissant as.'-ez bien leur lan-
gue et passablement l'Italien; ausbi sout-ils lecberchés
pour teuir les écoles de l'intérieur .
Es:-ce aux gouvernants, est-ce aux administrés qu'il
t'aui attribuer (vtie ilécideuce ? Nous croyons que les uns
ne sont pas moins à blâmer que les autres .
Ç 5 APXIIITECIUKE , AMEUBIEMKNT , FRESQUES, CL'IVHES, AE-
MIRKKIE.
La nci-essité delà défense, ne peut bannir entièrement
de l'âme le goût de> ails; la grandeur même de ses iuspi-
raiions , donna- une autre du ection à ce besoin inné dans
l'homme de se leposer dans la contemplation du beau com
biné avec l'utile ." ije ebàtcau qui earaciérit-e l'état de
guerre permanent où vit , où se complaît , où s'exalte la
bociété féodale ," dont h s nniurs étaient tont entiers cbe/.
les Che\alieis ; "ces lâtimentB irréguliert,, iin,oiiimout,b.
saovGoOt^lc
5G2 KTAT ■lNTi-,l.Lt:ir,.Kl.
(■eicé- df teiiêlics é.roîces et rariB , leufenués dans une
ou deux enceinte.-. furtifiéL'h , et entourés dp fosses ," rtçoi-
•vent *' le styk- (i^coratif (!e l'éiiCiue-.- à rimérieur des plus
hautes salli s de l'cdifite . C'est là que te trouvaient IfS va-
stes cheminéis à cliambranlis énormes ," les jioutres or-
nées dp devifes et d'écusscns peints ou sculptés, !es dres-
suirs et les chaires à dorsi'iel et à dais , les btalles , les pu-
pitivs du cl:œur ; dans les ruint-s du château di.- MoiiolilhoB,
I)ouriiaseat de cea liches débris , et l'on rencontre dans
plus d'une hiibitiitiou bourgeoise des meubles <|ui ont évi-
demment appartenu aux riches habi'.aiions des Chevaliers;
nous avons dit que les partes du Couvent, clief-d'œuvre
en ce genre , eont conservées au Musée de Cluny; mais il
en reste d'auties qui fJont aussi fouillées par des uiaiiis ha-
biles ; et qu'une épaisse croûte de peinture dérobe à l'at-
tention . Du re,-te cet ait n'a pas euiièrement disparu ; les
navires consiruits sur Us chantiers do Rhodes , portent
(oujours à la poupe des cartouches enguiilandés d'arabes-
ques découpées avec une cer.'aiae habileté dans le bois ;
mais le mèuie travail s'exécute dune manière plus reniav-
(ji.iuble et cjitaiiiement encore digne d'adniii-ation, dans les
églises G recipica .
Les Chevaliers n'avaient pas moins adopte la peinture
à fresjue , que le c:îraelère byzaniin a toujours aimé ; ce-
])endaut dans leurs éghses , ils introduisirent le style Ita-
lien . Pour n'ctro aujourd'hui appliquée que cOiuuie bar-
bouillage , la freMjue n'eu e.^t pas umin.-, dana les mœurs ,
et pour, toute église que l'on con.-tnjit . il y a iiu artiste
cl.ai-gé de l;i Ui'i ■•.i;uii ii , et :ii!,-si <1 exi't iiter t^ur bois de
grandes im^_,vo ue xSaju.a . La vie tie ri'' Jeiui-Baptiste est
saovGoOt^lc
BT SOCIAL 563
le sujet recherché , traité toii]*iiurs avec naïreté , et avec
un brillant di: coloris qui offusque les yeux.
La mâtiiUurgie a Uî^isé lie cette même époque des pièces
estimables; on voit encore beaucoup de vaisselle de cuivre
bien repoussé; les sujets sont en général empruntés à l'an-
cien Testament . On sait d'ailleurs que parmi les Juifs il
y avait des fondeurs et des cise'eurs très-habiles. Cepen-
dant il ne reste aucun souvenir d'une foridtrie de canons;
ils étittent tous fabriqués en Europe; les armures en ve-
naient probablement aus^i , mais li'S épées et les poignarda
étaient coulés , polis et ciselés à Rhodes par ces mêmes ou-
vrieis .
§ 6 TffcSUS Er TAPISSERIES .
Au Moyen-Age , le luxe se porta vers les tissus . Avec
le coton récolté dans l'Ile , les femmes tissaient uue toile
solide ; mais ce n'éiait qu'un canevas destiné à recevoir
des broderies . La suie provenaii aubsi des magnaneries
indigènes ; la garance et toute lu flore coutribuaient à dou-
ner à ce précieux produit les nuances les plus vaiîéeset
les plup résistantes à l'action de la lumière, sans en altérer
la solidité . Cette suie filée sans être tordue, forme le point
dit à la main ou au [tassé ; on fabriquait ainsi des courti-
nes , des coussins , des couvertures de meubles et des ser-
viettes . Les plus belles pièces ont été emportées en Euro-
pe et livrées au uommeice . Mais l'industrie n'a pas dispa-
ru entièrement . Les femmes des villages confectionnent
saovGoot^lc
564 6tat iiïtsllectuel
encore k toile impérissable des vêtements de leur famille,
elles les oraent encore de broderies . A Lindos ce tissu de
coton s'est maintenu à une haute perfection ; si cette in-
dustrie étaient favorisée par un outillage plus parfait , et
encouragée par l'eiploitatiou , on arriverait à produire sur
l'Ile les toiles à voile eu coton qui viennent «ctuellement
du deliore .
On ne fait maintenant que peu de tissus de soie; mais
l'étoffe n'a rien perdu de sa finesse ; enfin le travail^ le plus
parfait est celui des dentelles; avec une aiguille, les fem-
mes conduisent les mailles les plus compliquées et les plus
délicates ; mais^ce travail exigeant uu temps considérable,
il en résulte nécessairement le prix élevé de la dentelle
Nous croyons cependant que si la beauté et la solidité en
étaient plus^généralenient connues, elles seraient immédia-
tement demandées, et que le boa goût procurerait un nou-
veau moyen d'existence à des ouvrières qui laissent leurs
doigts inactifs parce qu'elles ne savent où placer leurs tra-
vaux.
saovGoot^lc
CHAPITRE IL
LOIS ET GOUVERNEMENTS
Lo premioF mode de Gonrernement conna est oeloi d'an
pouToir monarchiqne réparti dans les trois familles qm ré-
gnant à Liodos , lalysaos et Camiros , s'étaient partagé
rile . Plus tard , Ters 660 ar. J. C, nne entente commune
des habitants . substitua à œs petites royautés ane confé-
dération républiaiine oligarchique , dout le principal ma-'
gistrat exclusivement choisi parmi les membres de la fa-
mille royale tie Lilyasos , reçut le titie de Prytane . Il était
assisté d'un Sénat et de magistrats élus par le peuple sons
le nom de Matteret .
Les fonctions du Prjtaue , correspondaient évidemment
à celles de président d'un état républicain ; ses pouvoirs
avaient une durée de six mois ; il pré&idait soit un couseil
de vieillards , espèce de $énat>san9 l'avis dutjuel il ne pre-
nait ftutinne décisiou, soit les assemblées géuéralea du pei^
saovGoOt^lc
566 frTAT IMTILLECIDKL
pie dans lesquelles on délibérait sur les questions les plus
importantes soumùes au suffrage .
Après la dignité de Fiytaiie , celle de Navarchcs ou ami-
ral, parait être la plus imiiortaute, et cela est tout naturel
chez un peuple essentielliment maiiii . Quant aux Uadereê
que les ioscriptions Khodieonea fout coniiaftre , ils oonstî*
tuaient évidemment une Miigistrature dont les foiictioiis
étaient de régler toutes les questions d'intérêt louai > tout
ce qui intéressait le Dauios ou communauté; aussi le nom .
de celle-ci acconipagne-t-il toujours le titre gouveruemen-
.tal.
• 'ESoÇi ToTç M«i<iTpoi( xal laXuafoiç. ■
'ëSo^c UâsTpotç xal AivSfoi*;.*
D'après_£Bcbyu8 , les fonciiunti des Muaières de Bhodes, *
correspondaient à celles des députés des autres pays de la
Grèce : '
cM<^Tf>oic icofi 'P«8c'«cc SouXcu'riJptf • *
Ce titre qui parait être esstDtie.lemeiii Kliodien , a été .
adopté par d'autres pays, puisque Harpocrate parle des Ma*
stères de Fellène dont lea fonctions analogues à celles des
ZitUea ou questeurs de l'Attique, étaient de décider sur lus
questions d'iiiiétét public :
c'Apx^ Ttç ânoScSscfiiévU] iicl Tô Cijislv Ta xoivd toQ
9^[jieu . s
Luui' auturîié ne s'étendait pas exlusivemeut sur les
ifUestious du i-ebsort civil ; car nous les voyons daus le dé-
' V, Pages 388 et 3£8.— Cf. Fonçait, Sm,. Arek. N. S. XV P 207.^ .
BoM, Jfw. J«. lU N. 271, 1. 18;
saovGoOt^lc
£T SOCIAt 5C7
crct (le Talyssos , ordonner non seulement la consécrnf ion
d'un tetnpii! et d'un téménoa à la déesse Âlectroua , niiiis
îiuBsi décréter les ré^ileuunu de la police intérieure de
l't^nceiiite Bacrée , et ^e réserver la puuitioD des coupables
qii leur SiTont dénoncés , *
La îoulation de la nouvelle villi' , capititle de toute l'Ile
(408 av. J. C). le délai.-eemenL de celles de Liiidos , lalys-
803 et Catniios , la furmatioii et la «iis^olutiun de la ligue
Dorique , les différentes alliantes que Khodes cOntnicie
tantôt: aveu Sparie , taulô. avec Athèin s , ses guerres, se^
succès ft ses reveis, ni' cliaiigeut pus .-on mude de gouver-
cetnent ; en effrt k'S d<'U\ inscriptions de C'amirosetde
Ii^!y^!■08 , doivcut suivant M. Newiou être attiibuées à l'é-
poque couipuise entre la fondation de la Capitale tt les
conquêtes d'Alexanilrc 1.- Gnind . "* La soiimiMrîtm même
rie Rhoiles à la prépondérance Romaine pendant le I='■^ïè-
cle av. J. C. ne paraît puiter jiuciiu cliangementdans l'ad-
minietration iuléiienrc , ju^qu'à l'an 14 av, J. C., lotsquo
Vespasien la plaça détiiiitivimeiit sous la duuiinatiou
Eoinaine , et eu Si le chef-lieu d'une province de l'Em-
pire .
PfU de pays républicains surent maintenir comme Rho-
des , une juste mesure dans la répartition des pouvoirs en-
tre l'arisiocratie et la déniocratie ; aussi , sauf une BéiHtion
qui éclata ilans le IV'"'^iècle av. J. C, lorsque les démo-
crates voulurent pour uu moment n'emparer de toutes les
' V. Pages 383. 331 .
'• IjCcI'. Oii two tir, Ins. froin K»mîro8 »^d lalys
D.qit.zeaOvGoOt^lc
568 éTAT INTELLECTUEL
fonctions publiques , IfS deux éléments vécuront toujours
eu parfaite intelligence et s'entr';iiiièTt-ntmniuell<'ment. La
sédition n'était l'a-uvre que de quelques ambitieux déver-
gondés ; le bon sens pratique des Ithodiens en fit bientôt
raison : le pouvoir fut remis entre les mains de personnes
respectables et influentes ; c'est sans doute ce qui a fait di-
re à Strabun :
K Ai][£0X7]SeTç S'eidlv ol 'PoStot, xaiitip où SijjioxpGCcau-
fievoi.i*
(Les Rhoiiiens se niDi)tn.-ut très-t-oucieux du bien-être da
peuple, bien que leur république ne soit pas à (iropremeot
parler démocratique) .
Les ancieiiB Listorieiis tout unanimes à vanter la
sagesse des Lois Rhodieimes , ^u^tout de celles qui cou>
cernaient la marine , et la ^agesse nun moins grande des
magistiats auxquels le choix des citoyens contialt leur ap-
plication . Salluste écrivant à Cé^ar , s'exprime ainsi à l'é-
gard des tribunaux de l'Ile : '* Les Khudiens n'ont jamais
occabion de se |»laindre le leurs Tribunaux , oii le riche et
le pauvre siéjçent tour à tour, et pronoinient conformément
à la Loi sur les pins petites comme sur les plus grandes
questions ." Les juges n'étaient donc pas inuamovible.-» ;
on les noauuait chaque fois qu'il y avait uue affaire à ju-
ger, et le choix pouvait indistinctement tomber sur le ri-
che ou sur le pauvre, pourvu qu'il fut citoyen libre et qu'il
connût la Lui obligatoirement euseignée dans les écoles
publiques .
-D.Q-t.zeaovGoOt^lc
ET SOCIAL 569
Pour inspirer une plus grande confiance dans les rela-
tions commericales , il avait été légiféré que : " lie fils est
tenu de payer les dettes (commerciales) de son père, quand '
même il renoncerait à sa succession ." On comprend com-
bien le père était tena de donner une sage direction à ses
affaires , et le fils de contribuer à leur succès .
Nous savons par Strabon avec quel soin jaloux les Bbo-
diens veillaient à leurs intérêts maritimes ; ainsi la Loi in-'
terdisait l'entrée de certains arsenaux ; vouloir y pénétrer
aurait été considéré comme un crime d'État entraînant ir-
révocablement la peine de mort . * Les marina, les ouvriers
des chantiers nationaux et les pauvres étaient protégés pai^ '
l'État ; l'aristocratie de son côté ne s'est jamais montrée
récalcitrante à cet égard; au dire de Strabon, ** l'assistance
des riches avait souvent le caractère d'une liturgie , d'une '
fonction ou prestation publique , grâce à laquelle le pau-**
vre pouvait toujours compter sur le riche pour sa subsis-
tance , et l'État sur l'ouvrier et sur le marin . Cette cou-'
conte, cette assistance mutuelle durent nécessairement con-
tribuer largement à la prospérité du Pays .
Nous avons déjà dit que les Romains d'abord , et après
eux la plupart des nations modernes ont adopté presque'
dans leur ensemble les lois maritimes de Ahodes . Elles é-
taient si appréciées à Rome , qu'Ântonin ne put s'empê-
i-.lier de s'écrier :" Je suis le mettre du monde, mais ce
sont les lois Rhodiennes qui le gouveiiient ." " Ce pilote
• Liv. XVI. s .
• Ibid.
saovGoOt^lc
570 ÉTAT INTELI-ECTUEL
dit encore avec ironie Tertulien à Marcion (Liv. III c.
VI.) , s'est iuspiré non de la loi Rhodienne , mais de la loi
du Pont !" et l'annotateur ajoute que les Bhodiens , par
leur observation des lois civiles et par leur équité ont fait
l'admiration de tous lee peuples; il ont été aussi eageadans
tout ce qui concerne le droit des navigateurs , qu'ils ont
été habiles marins ; c'est à cela qu'ils doivent d'avoir con-
quis l'empire de la mer et d'avoir été honorés de l'amitié
des Romains . Les Pandectes conservent la législation ma-
ritime des anciens Khodiens .
Le système gouvernemental des Chevaliers n'a pas lais-
sé de souvenir dans l'Ile , et nous avons vainement cher-
ché au dehors la constitution qu'ils avaient établie . La
guerre extérieure n'ayant pas cessé , l'état de siège a dû
être permanent , l'imjiôt consacré toujours aux travaux
militaires, et la coivée rigoureusement exigée . Méarmoins,
puisqu'il ne reste dans l'esprit de la cinquième génération
qui succède en ligne directe aux sujets de l'Ordre , aucune
tradition de haine contre les vaincus , aucune satisfaction
de la délivrance d'un despotisme tyrannique, il faut recon-
naître que ce gouvernement jouit, par ce silence de l'his-
toire ,'d*une gloire que peu d'autres ont acquise . Cepen-
dant les dissidences religieuses étaient intrinsèquement un
levain de récriminations et de sédition ; il ne fermenta ja-
m<iis dans la ma^se .
L'autorité suprême concentrée entre les',mains du Grand-
Maître assisté du conseil, est tout à la fois législative, ad-
ministrative et judiciaire . Nous ne connaissons du régime
administratif qu'une disposition pleine d'équité et de sage
prévision : dans chaque village une partie du blé était
D.qit.zeaOvGoO<:^lc
Er Bocui 571
prélevé? pour l'appi-ovisionnemont des dépôis de la capi-
tale ; la gaene éctaralt : aloiB ce blé servait à la nourritu-
re du Buroiott di' popuUtJim qui venait combattre ou met-
tre sa liboné à l'abri de3 remparts ; Li paix avait régné
d Une réuuke à l'autre ; ce blé étiiit intégralement re;t;tué
pourfaiie ]ilace à du nouveau. Lt* même régli'mftit accepté
presque sans modification par Sulciman le Magni&qui.', est
encore en vigueur aujourd'hui .
Quand nous avons dit h- t-ilence de ^lli^toil■e , c'é:ait a-
Teo l'inteQtioQ de revi-nir sur celte expieasiou qui va au
delà de la vérité. Un souvi-nii- survit eu effet impérîssablt?,
c'est l'accroisgemeiit de la population , signe manifeste de
la prospérité ; cVst la 6délité ;ivec laquelK- cette popula~
tien s'est étroitfment attachée à ses maîtres, mulgré Il-s
lourds sacriSces que devaient impc-er les diSicultéii de leur
situation; c'est le dévouement, l'iiéroïsme, dirons- nous,
avec lequel elle a t^outenu les privations d'un iung siège
et combattu à la brèche ; c'est le désintéressement avec
lequel les Clievaliera ont sauvegardé wi liberté civile et re-
ligieuse, se livrant seuls II ta diicrétioii du vainqueur, après
lui avoir impOi.é comme le Chri.^t dont ils défeudiient la
cause , ces mots de l'Évangile : Sinite illos abire. (_ Laissez
ceux-ci en libirté) .
Il n'entre ni diins nos intention<) , ni dans notre cadre
d' examiner la sages-'O des Lois Oi-tomancs qui régissent
actuellement l'Ile ; mais nous ne pouvons pas nous enipé<
cher de dire que si ces lois sont, r-auf quilques légères ex-
ceptions, très-sages et très-équitabh-s dans li3ur esprit,
leur application est souvent, trop souvent hélas ! couhée à
des perBunnw ou incapables ou indignes de les interpréter .
saovGoot^lc
fi72 ÉTAT INTBLLECTCÏL
8.in8 nous occuper donc de cetiequtetion, nous noua limi-
^rons à qut'Ique-4 (.■onsidérations aui-lemode d'adminstm-
tion en vigueur dans l'Ile .
Rhodes fait panie du Villayet de l'Arctiipe! Ottoman
dont elle a été à |ilu8 d'une reprise le chef- lieu . Aujour-
d'hui elle dépend île Chic résidence du Valy ou Gouver-
Deur-Général . C'est par conséquent un Mitiessarijlic; elle
possède des tiibmiaux pour le^ causes civiles, correction-
nelles « criminelles et conimerciali'S . Leurs pré^denis sont
nommés par radm)Qistr;)ttoii , et les iuge:^ a&Bt'Gseurs par
■le suffrage . Uu conseil sous la iprégiJcoct; du Gouverneur
s'occupe des affaires administratives. Les dîmes du pays
ne sont plus vendues comme autrefois k des particuliers ;
le Gouvernement les perçoit pour son compte, et sauf quel-
ques petites irrégularités inévitables dans tout début . le
cultivateur est soumis à bien moins de vezationa qu'il no
l'était de la part des premiers .
Les revenus moyens de l'Ile consistent en .
Droit foncier Fr. 53,800 U
Exemption Militaire (Grecs et Israélites) .;■ ... 63,800 3
Douane (ntoyenne) 80,000 1
Six contributions (sans la Régif) ... 40,000^
Régie des Tabacs (minimum) 27.600
Dime sur les produite du sol (moyenne) 200.000 '
Droit de pèche (éponges , moyenne) 4,800
Impôt sur les troupt^aux et les porci 21,000
Droit des Bains Turcs 6,500
Taxes Municipales 17,500
Taxes diverses '5,000
520.000
saovGoOt^lc
ET SOCIAL 573
Les frais nécessaires à l'eiitntien des troupes,del:i gen-
darmerie, aux appoiatements du peiBonnel administratif et
judiciaire , dépassent de benucuu)) c-e reTeim . C'est donc
n'a déficit annuel que Rhodes produit au Gouveruemeut
Ottoman . Nuus verrons plus loin combien cet étiit de cho-
ses peut être amélioré'.'
ËnTiron 300 soldats d'artillerie composent la garnison
da ch&teau ; iLj assistent une soixatitaioe de gendfirmes it
garder les forçats , et à faire la police de l'Ile , qui . du re-
ste . TU les dispositions pacifiques de la population , u*et»ft
pas bien «difficile . .
saovGoOt^lc
CHAPITRE m
RELIGIONS
( l PAQANISHE
I^ea premières notions sur les croyanoes religieuBea des
anciens Rhodiens , paraissent bien moins obtioure8 que col-
les qui concernent la partie historique proprement dite;
les siècles nous conservent en ee la transuiettant , la tradi-
tion du culte et des hoaneurs rendus aux diSëreiites divi-
nités qui ont été adorées aur l'Ile ; mats le culte d'ÂpoUon
ou du dieu Soleil a toujours été le prÎDcipal ; téaioius les
nombreux temples qu'il y poseédait, la statue colossale qui
lui fut' élevée , la tradition qui lui attribuait la création de
l'Ile , enfin le fait qu'à Lindos , ville spécialement dédiée à
Minerve , le nom d'Apollon était accouplé à celui de la di-
vinité tutelaire .
Apollon doit donc êirecousidéi-é comme l-.'Dieu proiec-
saovGoOt^lc
m fiouiAL 575
teiir de Vile; miis lo peiu^'.iant polythéiste des anciens ue
de/jiit p;i8 exclure les aiitiea divinités . Nous voyons en vt-
î^ dans la capiuilc : les célèbr.-s temples de BaccUus et
d'Biculape, caix il* J.ipitor Siuviur, de Minerve, de
iWur.jri,', de Céi-èa, de Merjirc, d'[i3ia, de Séra|)iB, deNep-
tune, outre une f >ule lU ]i.'tit-i or noires érigés on l'hon-
neur dis Héros; à VaS^iliun , un temple de Neptune ou
d'Apollon ; sur l'Atabyrus . le célèbre' temple de Jupiter ;
un pt^u plus bas celui de Minerve, et aux p'eds de la nion-
ta;rne celui de Diaiie-Aiiémis ; à Critiiiin uii temple à Al-
theraèue; à Ciiniiros un îi Minerve; à laly^BOs, outre le
temple de Junon Te'.cliine , celui de la déwse Alcctrona,
évidemment déclinaison dorieuiu* d'EUciryoïie , qui d'a-
près Dindore , • étiiil la file ilu dieu Hêl:o.s oi lie la nym-
phe lihodon , et iiutait reçu les liomieuis divins à Rhodes
où elle était morte vierge .
Il ue Ber» peut-ôtie pas hors df propos d'ajouter ici que
d'après Diodiire, Alectrona auiait eupeptfièrcs connus
BOUS le nom d'Hélia'Ies, parmi K'Bipuls Cercaphus père de
Linrlns, lalysua et Camivus , et Ocliyrome fondateur delà
ville d'Achœïa, d'oîi pmbableuieut le nom d'ochyroma que
piit par la suite ce;te acropole de Ialy>sos ,
Tous ces temples étaient natur^l'ement de>serviK par des
prêtri-8 qui pariiissent «voir joui d'une grande influence sur
le pavs où ils étnient très-nombreux .
I-a caste sacerdotale de l'époque paye.uie comprenait : .
l* — Les prêtreii dans l'exercice de leurs fonction».: lereva .
,ao,Gooq)c
S76 frTAT IHTeL[,ECrUBL
2o.^Ceux dont la prôtn^e avait oeS3é: lératevsas .
3° — Les Sacrificateurs: léropoioi .
4°- — Un héi-aut des solennités nligieuscf: léroHrà .
50 — Les trésorieiB atlacliés aux tt-mples: lérotartiias '
0° — Des commisaniri'S: Épimâ-itai . %
Les prêtres étaient thargés <i« régler les mois de l'année,
qui Bt?lon toute appan-nce , étaient des mois lunaires dési-
gnés BOUS le noma suivauts :
ThesmophorioB . DhiostioB , Aghriarios , Pedhaghitnios , Va-
dkrû7nio3 , Artamitios , Thœodhesios , Dhalios , Hyakinthios ,
Sminthios, Kamios, Panarm^ , On trouve parfois un se-
cond Fanamos, te qui perlerait le nombre dvsmois à trei-
ze , probablement pour faire revenir le calcul lunaire sur
la base de l'année solaire .
Le sacerdoce à Rhodt^s n'était que temporaire , puisque
nous voyous des pontifes dont les fonctions avaient cessé;
il n'était pas non plus hérédiiaira par principe , " mais, dit
M. Foucart , depuis la peile de l'indépendance , le nombre
des grandes familles allait toujours diminuant , les ancien-
nes s'éteignaient , la guerre ou le maniement des affaires
n'étaient plus là pour en élever de nouvelles ; n'oublions
pas non plus que les fonctions civiles ou religieuses étaient
non-seulement gratuites , mais le plus souvent onéreuses ;
c'était donc dans un cercle de plus en ])lus restreint qu'où
trouvait des hommes à poi-ter aux honneurs ." '1;
* In«. de IaI}'EsoB et du Citoiiro* .
: Kev. Arch. 1864.
t KoToe Arch. N. S. VII an. toI. 13 .
saovGoOt^lc
A part le corps religieux proprem-'iit dit , on troar^it k
RbodeB de oumbreuBes sociéiés ayant L'ilvs-mêmea un carac-
tère mystique et religieux , ea même temps qu'un but
ea^eiitielleineut ph lantropitjue . Ces cunfréiiea , dit M .
Carlti Weschcr, "font pe□^e^ à plus d'une iiiblituiton qu'oa
eût pu'tiroire exolusivement muiU-rue. Chaque IlB^ociation
possédait une caisse cummune avec deux souices de reve-
Dus: d'abord les doiiH voloiaaiies dus à la générut-ilé des
particuliers ; euauite la coiitributiun régulière et personnel-
le payée par les associés , et appelée Éranos. Â Athènes,
le montant de ceite cotisation pirait avoir été île trois
drachmes par an . Lo membre qui n fut-ait de la payer é--
tait exclu de Li sOt-iété , à moins qu'il ne fût excusé par
EOn état d'indigence ou de mnlidii' . Les suciétiiiiesoii éra-
nistee célébraient en cummnii cei-liiines t'ê.es, i-e léuniasiiient
pour des sacrilicvs et pour di b bauLjiiets ; en même lempa
ils 6e liOuten.'iient mutaellement diina le besuin . Le soi ié-
taire qui mbisaiiit dep revers de fortune recevait dea se-
cours de la oai.'Se cotiiumne , à chuige de i eniboursL'meut
quand les chances lui ledeviendraÎL'Dt favorables . Les so-
ciétés a'assembLiient pour délibéier , et prenaient eu com-
mun dea résolutions qui étaient in.-ci*ites surdos stèles pla-
cées dans le sanctuaire ; c'étaient ha archives de l'ordre .
Les femmes figuraient dans ces réunions: nous le savons
par une inscripiinn athénienne et piir deux maibies vécem-
ment décou\ert8 dans l'iie de Théra , aujourd'hui Banto-'
rin."
" Les assemblées étaient secièles , nul étranger n'y pou-
vait être admis; l'urdre le plus [taifait devait y régner: le
règlement, qui existe encore , interdit sévèrement tout tu-
saovGoOt^lc
57S fri'AT lamxBCtuBL
multe, et conâamne le membre f^calcitnint à l'ameiide et
à des peineB corporelUs . A In té..<^ de la société m- trou-
Talent un certain iiomb.e de dignitairt-s, la plupart dési-,
gnés par le soit et funnani un cleTge d:\aB l'acception éty-
mologique du motcîeru$ , [du grec Kliros) . Les principaux
de ces dignitaices étaient :
un prétiident généml {j)ro8tatùi , à Rhodes epislatis) ,
un arcbéraui&te surveillant raduûuistratioo fînantûère:
Archéranistie,
un secrétaire : Qrammaùm ,
des questeurs ou trétioriers : Twmias,
des sjndicB: Syndikoi,
des commissaires: Epimàitai,
des sacrificateurs : léropoioi,
un héraut chargé de faire les proclamations soleimelles
léroJcirùs ,
une prétresse dirigeant la section féminine de la commu-
nauté: Proéraniitria.
" Quand ces diguitairi'S sortaient de charge après avoir
rempli consciencieusement leurs fonctions, ils irouTaient
leur récompense dans les honneuis que leur décernait la
confrérie reconnai&saute ."
** Ces^sociétés prenaient presque toujours les noms des
dieux qu'elles vénéraient . A Bhodes et dans les environa ,
ces dieux étaient: le Soleil , Minerve Liudieiiue , Jupiter
Atabjriea, Jupiter Xéuios , Jupiter Sauveur, Dionysos ou
BaochuB , Pau, Aphrodite, Adonis Agaihodsmon, les Hé-
ros en général , et d'autres divinités encore . De là, lea
noms d'Héliastes, de Xéuiastes . de Sutéiiastcs, de Diony-
BiasteR , de Pauiastes . d'Aphrodisiaiitcs , d'Aduniaawci .
saovGoOt^lc
IT sociÀi 57d
d'ÂgathodïBmomastcs. d'Héroïstos, et ainsi da suite , don-
nés aux commuDautéâ ." *
Noua devons également aux recherches .du M . Wescher
une liste sinon complète , du moins assez import.iote d'^jà,
de ces aoolétéâ existant k RhoiIe3 même on dans les ]):ij'8
qni eu dépendaient . et dont il croit . en se bi-^nt ^ur la
paléographie et la philolcgie, pouvoir fixer la ci'é;itinu au
temps de transition compris outre l'époque Macédonienne
et l'époque Romaine .
5. 'ASuvittatol. ,
3. 'AOavaloTof.
A, 'AOavalffTal AivSiaatal oE oûv Tatt^.
6. *AXt(iSat xai 'AXtaataf.
Q. •An^XXovoçÎTpaTO-yfou [ipavtoffTatf], *
7. 'AoxXamaoral ot iv AâXoTç.
8. * Af poScKTHKrcof.
9. AtovusiaoTof.
10. Atovudtctirrat Xaifijfiitfvuei.
11. AtA« 'ATaêupcaaraf.
IS.AiÂc ATaSuptaff-cal Eûfpav^puot ol <ràv 'A&i)va^
K.vtScip.
13. Atiç Setvtaircaf.
1i. 'UpOKldTat.
15. 3ou<TapiB3T(U.
16. OlaxtavTcu.
• Bn>. Aroh. IT. S. V. aa. tcJ. 10. p 4«ï .
D.qit.zeaOvGoOt^lc
580 1RAT INTEUKCTUn.
t7. II«va6avaIaTaC
19. Sttnqpimrcof
Nous nous hasarderons , en nous basant à notre tour sur
quelques fragments d'inscriptions , d'ajouter à cette liste
trois autres sociétés ; celles qui étaient vouées au culte de
. Hinerre Poliade et de Jupiter Polieus , d'Apollon Gamien
et d'Apollon Pythiea .
Toujours présidées par un pontife ; léreoa . duquel dé*
pendaient les sacrificateuro lérapaioi, ces sociétés sont tan-
tôt désignées sons le nom de Éranes , tantôt sous celui de
Thiatea . Ces deux appellations ont une significatioa spé-
ciale, un sens très-différent dsns leur origine . Mais pour
être admis dans l'Jvrane et dans la Thiase , il fallait être
feaint , pieux et bon :
t'Eatx iyiùç xal côotS'^ç xa\ àfit^iç .1 *
:LeB premières , les Eranes , étaieut par le prinoip; mê-
me de leur constitution , des sociétés qui avaient pour but
le secours mutael . On en attribue la création aux Athé-
niens; mais le système politique des Uhodiens.qui voulait
que le riche pourvût aux besoins du pauvre , doit avoir a-
dopté avec empressement , sioMi créé , une institution qui
s'adaptait si bien k ses principes . Chaque membre de la so-
eiété versait dans la caisse commune sa part de contribu-
tion , son Eeot {Eranos) , d'où le nom de l'association , qui
acceptait aussi des legs ei des dons volontaires .
Constitaés en' oorps autorisé par l'État, les Éranistea
• C. I. Gt. 12fl.
^(iovGoot^le
ET SOCIAL 581
avaient des lois spéciales qui régissaient leur confrérie ;
c'était ÏÉranicos Nomos . Toutes les causes conceruant la
confrérie étaient représentées par ses délégués, et les
procès qu'ils soutenaient en son nom s'appelaient Eranikai
dikai .
"Plusieurs de ces sociétés, <iit encore M. Carie Wes-
cher , avaient pour but particulier d'aider leurs membres
dans l'exercice d'une profesRion déterminée : elles for-
maient alors des corporations industfielies , commerciales,
maritimes , qui rappellent par certains côtés nos anciens
corps de métiers . On voit par ces détails que l'institution
primitive avait un caractère économique et financier, dont
la ti-ace s'est perpétuée juBf|ue dans son nom ." •
Quanta la TM'ase, dont les membres prenaient le nom
de Thiasntes ou Tkiossotes pour les hcmmes , et de Tkias-
siUdes pour les femmes , leur in-slitution primitive était es-
sentiellement religieui.e , comme l'indique du reste leur
nom ; les tbiases célébraient la fête des dieu^ par des dan-
ses liturjïiques . Plus tard , vers l'époque d'Alexandre le
Grand , les confréries tbiassiques perdirent peu à peu leur
Caractère exclusivement religieux ,-et ^e confondirent avec
les Éranes qui venaient de se fonder; entuite elles se mul-
tiplièrent tellement, que pour se distinguer entre elles rel-
ies prirent ret^pectivement le nom de la divinité sous le pa-
tronage spécial de laquelle elles se plaçaient .
Cbacune de ces suciétés avait un lieu spécial de réu-
nion ; à Ebodes c'était ordinairement un jardin ou un bois
• R«v. Arch. K. S. VI. an. vol. 12 .
saovGoOt^lc
582 ÉTAT ISTELLECTUKL
sacré enclos de murailles et orné de portiques ; appelé Té-
ménos par les autres peuples, il était connu chez les Rho-
diens sous le nom de Topos , par antonomase . Souvent, si-
non toujours, ces esclos sacrés devaient contenir des cols-
tructions , {oildUria) destinées soit au logement des piin-
cipaux fonctionnaires de la société , soit à la remise des
objets consacrés aux cérémonies religieuses .
Ces sociétés étaient, inspirées , comme on le voit , par
une saine philosophie ; elles visaient à l'uniié et k la fra-
ternité , en conciliant les ressorts de l'intelligence et du
travail manuel , en rapprochant par la mutualité les hom-
mes qu'une inégalité nécessaire divise pour leur commun
malheur . Dans ce petit État, il était facile d'instituer la
république de Platon ; entre le riche et le pauvre , poiut
de distinction en face de la Loi; celui qui traverse des mo-
ments de malheur, est aidé par la cai&^e commune; le^fi-è-
res aident le frère ; dans la confréiie, les membres forment
un seul corps qui agit d'un commun accord sons la prési-
dence d'un pontife , qui , temporairement élu , ne sau-
rait oublier qu'après avoir commandé, il devra de nouveau
obéir .
Sans doute le culte chez les lihodïens ne différait guère
de celui des autres peuples de la Grèce de même origine ;
ils accompagnaient leurs cérémonies di3 lutter, de joutes
et de courses, dont nous parlerons plus loin .
^ 2 ÉPOQUE CHBCTIENNE.
Le Christianisme s'introduisit de bonne heure et facile-
saovGoOt^lc
ment paraît-il dans l'Ile de Khodes , car ni l'histoire ni la
tradition ne rapportent aucune persécution contre les dis-
ciples de l'Évangile. S'- Paul débarqua à Lindoa et s'y arrê-;
ta quelques jours ; il _v prêcha la Doctrine nouvelle ; la tra-
dition ne dit pas s'il y fit des adeptes ; mais dans tous les
cas, la graine qu'il i.eina , ne tomba pas sur une terre
ingrate ; car déjà avant le Concile de Nîcée , les cbroni-
queurs mentionnent un Euphranor, évèque de Rhodes ,
qui condamna une secte de Gnostiqiies, dont les idées com-
mençaient à pénétrer dans l'Ile . Au Concile de Nicée (325),
Héllanicus , évêque de Rhodes , siège parmi les 3J8 Pères
qui composèrent ce célèbre Concile ;ilaTait sous ses ordres
18' suffrfl gants dfs îles voisines . Forts des progrès rapides
et de la victoire pacifique qu'ils remportent sur lo paganis-
me , les évéques de l'Ile funt renverser les autels des divi-
nités , et les itiolfS ne servent plus que comme ornement
dans les villes qui ont brûlé de l'encens en leur honneur
pemlatit une longue suite de siècles . C'est ainsi que sous
1 Empire d'Orient , la fameuse statue d'Athénée de Linr
dos fut tranapuriée avec d'autres idoles dans le vestibule
de la curie de Constantinople .
Les invasions d<.'S Peises et des Sarrasins semèrent bien
dans l'Ile quelques germes de religions' hétérodoxes , mais
le Christianisme ne cCi-Ba point d'être la religion dominan-
te, même lorsque, dans le VU™* siècle,' h-s Arabes la ravi-
rent pour un infrtant à ta domination Byzantine . Rhodes
fut entraînée dans le schisme qui sépara l'Orient de l'Occi-
dent ; les Chevaliers respi c.èrent sa présence et organisè-
rent un Clergé légulii'r , auquel ils payaient eux-mêmes
des hunorains .
D.qit.?eaOvGoOt^lc
584 ÉTAT IKTELLECIUEL
Depuis l'occupation Musulmane , le rit« Grec-Oriental
eat toujours le plus répandu . La population se divise au-
jourd'hui en quatre cultes savoir : Grec-Oriental , Musul-
man , Juif-Seffarédin , et Catbolique-Latin, dans la pro-
portion de 70—20—9, et 1 pour 100 .
Parmi les mouumeuts consacrés auz cultes, 'le plus re-
marquable, comme type , est l'église de LindoB , qui doit
remonter à une époque bien antérieure à celle des Cheva-
liers . Cependant les armoiries de l'Ordre et c^lea d'un
Chevalier, enclavées dans le clocher , prouvent flue cette
partie de l'édifice est du Moyen-âge ; à. côté est un autel
payen et' l'arbre du paradis terrestre ; le style est dn plus
pur Byzantin ; ]a coupole est remarquable par sa har-
diesse. Les murailles, les voûtes, et le chœur surtout,
sont ^recouverts de fresques qui méritent une conservation
intelligente ; sous le porche, le sacrifice d'Abraham , David-
jouant de la harpe , la Vierge-Mère , sout très-anciennes;'
une autre est barbouillée de chaui , plus heureuse que cel-'
les qui ont été évidemment retouchées et abimées ; c'est
ainsi qu'une Vierge louche quelque peu et qu'un Christ a
une figure d'une carnation trop écarlate . Dans le chœur ,
les draperies de divers personnages sont recouvertes de la-
mes d'argent doré , suivant l'usage de l'Église Grecque .
Quelques autres petites chapelles disséminées ^ et là ,
telles que celle de Foundoucly qui doit évidemment remon-
ter à l'époque Romano- Grecque ; celle d'Aghia Erini , qui
tombe en mines près d'Apotlakia ; la chapelle du château
de MonolithoB , remarquable pour ses fresques du XV"«
siècle , méritent une visite .
Les Musulmans oiit construit peu de mosquées dans la
saovGoOt^lc
• Er SOCIAL 585
ville ; contrairement aux clauses de la capitulation , ils se
sont contentés de s'emparer des ancienaes églises Latines,
qu'ils ont adaptées taut bien que mal aux nécessités très-
simplvs du reste , de leur culte , eu y adjoignant des mina-
rets. Ils en ont fait de même pour la plupart des petits
oratoires disséminée dauit la campngne, de ceux qui appar-
tenaient aux Latins surtout . Si les sanctuaires appartenant
au rite Grec sont générait-ment restés eu possession des
Chrétiens, c'est qu'après le départ des Chevaliers , les Mu-
sulmans ont obligé les Catholiques , clercs ou laïques , à
quitter le paye , tandis que les Grecs eurent la faculté de
reatcT , et conservèrent leurs églises .
Il serait donc très-intéressant de visiter les mosquées
dout la cuDftrucliOD remonte à l'époque d«B Chevahers ;
mais la tolérance qui existe à Coustantinople , n'est pas
encore entrée dans U-s mœurs locales ; la mosquée de Red-
jeb Pacha est entre autres remarquable k cause des briques
ém;iillée:4 qui l'orueiit et qui sont de la même époque et
du même siyle que les plats de Lindos . La mosquée de
Mourad Rois , auprès du Lazaret , e^t construite sur l'em-
placement de l'Oratoire St- Antoine , rasé avant le dernier
siège ; un inetieau de marbre fleurdelisé , placé comme
Haieau , est le seul souvenir survivant des Chevaliers .
Puisque nous parlons d'anciennes églises , nous devons
ausai meutioimer les chapelles de Kyra, S'' Georges et A-
pi'asuu près de Siauna, et 'Aghia-Varvara piès de Coski-
uuu ; les monastères de Oulopetra , Artamity, S'- Elia, Tha-
ri , Aghios I&idhoros, Tzatubica &o . qui paraissent avoir
appartenu de tout temps au rite Grec-Oiieutal . Nous de-
Tous encore faire une mention toute spéciale des ruineci
saovGoot^lc
586 . ÉTAT IHTEU.ECr[;XL
de N. D. de Philerme . si vénérée dana toute l'Ile . Ces
ruines £6 trouvent sur le sommet de la montagne du même
nom et à l'extrémité Sud du plateau . C'etit d'abord une
crypte voûtée > et évidemment très-ancienne , mesurant 6
mètres de long sur 2^ de large .
Des fresques du XV'"' siècle la décoraient entièrement ;
s'il faut en croire la tradition, elles seraient d'un frère ser-
vaut, élève de Cimabue. Ces tableaux reproduisent la Vi-
sitation et l'ange apparaissant à S^ Joseph pour lui ap-
preudre le mystère de la maternité divine; séparés par
une mosaïque et une tapisserie frangée de crépines d'or ,
Hôlion de Villeneuve , Foulque de VilUret , Roger de Pins
et Antoine Fluvian, agenouillés sur des coussins, et armés
de pied eu cap , sont soutenus par S'- Michel ,. S''- Catheri-
ne , un des Apôtres et la Vierge Marie, et regardent le ta-
bleau du fond , où le Fils de Dieu , offrant aux regards les
cinq plaies, est assis sur un trône, ayaut à sa droite S*-
Pierre et S'- Paul , à sa gauche sa Mère posant Iti main sur
la tête d'un Chevalier porsterné , et S'«' Marie Madelaitie .
Cette scène en domine deux autres , S'' Michel teri-assant
le dragon infernal à l'entrée d'un caveau rempli d'osse-
ments et de crânes, qui semblent pénétrés d'un rayon des-
pérance; l'artiste n'a pas oublié le hibou funèbre sur l'ar-
chivolte , et sur la clef , la Croix signe du salut . La croix
de l'Ordre plantée entre deux rameaux verdoyants sur une
fleur de lis terminant une astragale , sépare l'Archaiigii'de
S*' Geovges foulant sous les pieds de son i;heval et perg int
de sa lance , un second monstre .
D'autres tableaux représentent un prélat profanuéincm
incliné devant Notre Dame , la Madoue^aux sçpt glaives,
yGooc^lc.
ET SOCIAL 587
le Christ en croix avec sa Mère et S'- Jean ; au dessous ,
deux hospitaliers en prière . puis un évéque îkccompagné
d'un acolyte et suivi d'un religieui doot le manteau cou-
vre deux enfants et un jeune chevalier en armes , et d'un
autre religieux dont la main gauche tombe sur l'épaule
d'un vieux chevalier , et comme !e précédent, montre de la
droite une vision sur hiquelle l'évêqne a les yeux dirigés.
L'histoire de la Passion est racontée en sept tableaux: dans
le jardin des oliviers , l'apparition de l'aiige au Christ ago-
nisant , l'arrestation & ta lumière des flambeaux, le pré-
toire et les Juifs déchirant leurs vêtements, la flagellation,
le couronnement d'épines , S"- Véronique et le voile de la
Sainte Face , en6n le crucifiment entre les deux larrons et
les soldats se partageant les dépouilles de la viclime . Au
de-6!^ou8 , S*' Jean-Baptiste , un page de Jérusalem fléchis-
sant un genou et couvert du manteau d'une sainte marty-
re, et un chevalier agenouillé aux pieds de S'- Michel por-
tant d'une main une balance, et de l'autre tenant cloué du
fer de sa lance un dragon ; pour achever ce tableau , une
fontaine jaillit d'uu rocher sur lequel sont deux blanches
colombes et un serpent . Quatre bustes de squelettes coif-
fés du casque , vêtus de hi cuirasse et reposant sur une ba-
se ossuiiii-e , sunt séparés l'un de l'autre pur des écussons ;
et sur lu même ligne , la moit menace de sa faux un che-
valier renversé , mais dont la main brandît encore la re-
doutable épée contre la Seule ennemie capable de l'abat-
tre. Au dessus de la porte, deux anges sonnent de la
trompette , et les moils ressuscitent à ce bruit , pleins de
confiance dans la légende inscrite sur le fronton : beati
uoBTni QUI IN DOMiND HOEiuNTL'R . La vue se repose de ces
saovGoot^lc
588 ÉTAI lîTrELI-ECTUEli
tableaux lugubres , en plongeant dans le vaste horizon d'a-
zur que la baie maintenant presque encombrée, laisse libre
sur la mer au Novd-Oiiest .
A l'B. de cette crypte s'élevait autrefois une église dont
il ne reste qu'une partie peu importante , il est vrai , mais
assez considérable encore pour faire juger de l'édifice . Il
se composait de deux longues nefs séparées par des colon-
nes cannelée.", dont les chapiteaux soutenaient les voûtes ;
l'autel devait être placé sous les derniers arceaux ; car les
arcs doubleaux qui naissent des murailles encore debout,
sont peints à fresque ; derrière l'autel une ouverture en
anse de panier très-surbaissée donnait entrée dans la sa-
cristie , seule partie subsistante , et qui pei met de déteimi-
ner l'époque de Traiibition ; l'ogive embrasse le pleincin-
tre des fenêtres simples , étroites et élancées; la voûte a
aussi une âréte à peine prononcée ; et les arcs-doubleaux
tombent sur les chapiteaux de colonnes engagées aux an-
gles-et dont la face porte l'écusson de l'Ordre .
Cette sacristie est séjtarée comme la nef en deux appar-
tements par une muraille basse ; une petite port© cari-ée
établissait la communication . Les combles sont environ-
nés d'un parapet assez élevé, ce qui ferait croire que l'é-
glise entrait dans le système de défense , fait assez com-
mun en France sur les côtes de la Méditerranée . Au S. de
l'église était une aile du couvent qui se repliait à l'E. vers .
une admirable forteresse presque entièrement détruite;
les Chevaliers ayant travaillé aussi sur l'emplacement
de l'ochyrôma , on acropole de lalyasos , le marbre ne leur
avait pas fait défaut ; car au milieu des pierres auxquelles
ils avaitnt donné l'appareil du style adopté au Moyen- Age,
saovGoot^lc
BT SOCIAL 589
on trouve des fragmeuts nombreux qui rappellent le style
dorique . Parmi ces fragments , il en est un dont nous a-
vons pris connaissance en faisant une dernière visita à ces
ruineB avant de livrer nos observations à la presse . Il
rappelle le souvenir du séjour de Veapasien à Rhodes , et
témoigne qu'à cette époque lal vasos était encore une bour-
gade importante :
KAI«APA OYEÎPAÎIANON «EBACTON
lAAYÎlOI TON EYEPrETAN.
Bien que puissamment fortifié à l'E-, au N..et à l'O. par
un donjon dont les deux grosses tours sont encore debout,
le plateau ne devait pas servir à la défense de l'Ile ; il sem-
ble plutôt qu'il devait être une des ricliea métairies oii l'on
engraissait les troupeaux , et un séjour de repos pour la
communauté entière. C'est en effet un site admirable, auquel
un propriétaire intelligent s'efforce . malgré de grandes
difficultés , de rendre la fertilité et le cbarme des temps
L'église de Philerme était consacrée à la Madone dont
l'image , si l'on ou croit la tradition, était une copie de l'o-
riginal attribué à S'- Luc , et qui aurait été apportée de
Jérusalem par un inconnu dont les chroniques religieuses
racontent le fait suivant: Atteint de grands malheurs, il
voulut mettre fin à sa vie , en se jetant dans le précipice
qui limite au S- le plateau du mont ; mais que, sur le point
d'exécuter son sinistre projet , la S'"- Vierge lui apparais-
sant , l'en détourna par de douces paroles . Plein de recon-
naissance , cet homme , qui mourut par la suite eu odeur
de sainteté , fit construire l'église souterraine dans laquelle
il plaça la sainte image ; la petite chapelle devint bientôt
saovGoOt^lc
590 ÉTAT IMTEIiECTUEL
très-populaire non seulement à Bhodes , mais dans tout le
Levant , et reçut de ricbes offrandes .
Les mêmes cbroniques rapportent que plusieurs années
ensuite un jeune homme eut dans cette église une rencon-
tre scandaleuse avec une jeune fille ; que tous deux furent
frappés de mort subite , et que c'est à la suite de ce fait
que la montagne prit le nom de Phili-hermeros , mot par
lequel la langue grecque traduisait encore les légèretés
symbolisées dans un Mercure accompagné d'Éros ; de là
par corruption le nom de Fbilerme, donné à la montagae,
appelée aussi aujourd'hui . nous ne savons trop pourquoi ,
Bodi-Vecchio o\i \\eaj. Rhodes,
Ne serait-ce pas à ce fait qu'il faut attribuer l'origine
d'une curieuse locution toute locale: 6 Iptftoçi^ommos) dit-
on à Rhodes , en parlant de quelqu'un qui aurait commis
une faute inexcusable .
Quoiqu'il eu soit de l'étymologie du nom , il n'y a point
de doute que N. D. de Philerme était en grande vénération
du temps des Chevaliers qui lui élevèrent une église plus
caste et plus élégante que l'ancienne crypte . Avant le siè-
ge ils l'avaient déjà déposée dans l'église de S"- Jean , et
ils eurent bien garde de ne pas oublier de l'emporter avec
eux . En arrivant à Malte , leur premier soin fut de cons-
truire une riche chapelle dans l'église de S'' Laurent del
Borgo , pour y déposer l'image vénérée , dout la garde
fut coufiée au Vice-Prieur de l'Ordre , Frère Antoine
Rigo.
En parlant de la chapelle et de l'image de N. D. de Phi-
lerme , M. Eugène Flandin, dans son Histoire des Cheva-
liers de Rhodes , dit , sans citer Tautorité sur laquelle il se
saovGoOt^lc
ET SOCIAL 591
base : " Les débris de ce petit monument portent des lam-
beaux de frejques , qui sont attribuées à un élève de Ci-
niabue, Sébastîiino de Florence , devenu fière servant de
rOrdre . Dès le premier siège de 1480 , ce;! peintures mu-
rales furent endommagées p.ir les Turcs maîtres de la cam-
pagne . Mais le cadr« le plus précieux que renfermait ce
santîtuaire, était, d'après les chroniqueurs, le fameux ta-
bleau dit de Saint Luc , qui représt-ntait la Vierge et l'en-
fant Jésus . Cette peinture ne saurait être attribuée à l'É-
vangéliste , comme l'a cru le vulgaire. Une foi trop aveu-
gle a pu seule l'en croire l'auteur; mais on sait actuelle-
ment qu'elle est due au pinceau de Luca , peintre florentin
du ÏX"'^ siècle , qui se 6t religieux, et se distingua tellement
par sa piété qu'on le surnomma Saiito Imcco,."
Dans le même ouvrage , M. Flandin , induit sans doute
eu erreur par la version qui place la sfcène du dragon dans
■ la plaine de Crémastî aux pieds du Philerme , ou répétant
l'erreur incompréhensible commise par Hammer, confond,
non seulement cette monfagne avec celle de S'- Etienne ,
mais aussi les deux églises bien distinctes , situées à envi-
ron une lieue et demie de distance l'une de l'autre. Il cite
deux tours qui se dresseraient encore sur le mont S'- Etien-
ne; il assure que c'est sur, cette montagne et près delà
chapelle de la S''- Vierge , transforinée eu harem , que Su-
léiman reçut la visite de Villiers de l'Isle-Adam ; toutes
ces ast^ertions, basées sur une fausse donnée, sont coiiirai-
rea à la réalité . Les deux tours existent encore , mais sur
le Philerme ; d'autre part, bous savons que Suléiman a-
vait choisi pour quartier génénil le plateau de Kyzil-Tépé,
au dessus du faubourg des Saints Côme et Damien (Aghi-
saovGoOt^lc
592 ÉTAT INTELLECTUEL
Aiiargliires) , situé sur les dernièrea pentes S. du montS"-
ÉLienne , où uous devons croire qu'il rtçut le Grand-Maî-
tre.
Le culte catholique dispanit du l'Ile, mais pour quelques
années seulement; car dès 16G0, un religieux Franciscain
du couvent de Si'"- Marie de Smyrne , venait régulièrement
à Rhodes , deux fois par an , pour administrer les sncre^
ments aux pauvres esclaves latins ; plus tard , eu 1717 , le
P. Pietro da Molena, toujours de l'Ordre des Franciscaios,
s'établit à Rhodes avec le titre de chapelain du V. Cont>u-
lat de France. Par une ordonnante en date du 17 Octobre
1719 , la mission régulièie fut confiée à leur otdre , et les
Pères Benoît Saylor et Basilio du Feipoli entièrent en fon-
ctions le 31 Juillet 1720. Le Yicc-coiisul de France , M .
Baldassar Musse, assigna aux nouveaux venus douze pains
par semaiue , et lu njoitié du loyer annuel de leur maison
située entre la ville et la route de Triaiida , au pied du
mont S'- Etienne . C'est lii (iiux Tauncries) , et non dans le
Néohoii , comme le dit 11. Gucrin, qu'ils trouvèrent une
petite chapelle construite par des E>cUvons, prisonniers des
Tuics , pour j déposer l'image de N. D. de la Victoire dé-
couverte dans la Juiverie parmi les décombres de l'ancien -
ne église, par l'un d'entre eux nommé Simon . Quoiiju'tlle
soit abandonnée depuis 1743 , les Grecs vont eucore y
biùler de l'encens et allumer des cierges en l'honneur de
l'image qui y éuit déposée . Ou voit près de lît les restes
duu cimetière lutin ; quelques Arméniens schiimatiques ,
un grec qui s'est suicidé , un Allemand protestant &c. y
ont été enterrés à une époque évidemment postérieure à
celle de son abandon par les catholiques . Les eaux pluvia-
saovGoOt^lc
KT SOCIAL 593
les qui descendent de la montagne , rongent peu à peu ne
]:etit coin de terre , et il Snira par disparaître entière-
ment.
î.ea Missionnaires construisirent un couvent et une cbfl-
polle plus vaste à rt-xtrémité W. du Néoliori, et l'image de
N. D. de la Victoire y fut transférée en 1743; mais en
1849, une église plus grande et une habitation plus com-
mode ont remplacé toutes ces premières constructions .
L'image est un bas-relit'f sur marbre; il représente la Vier-
ge assise , tenant sur son bras gauclie l'enfant Jésus ; au
dfSBus de l'épaule droite , on voit ce monogramme: M-P ;
au dessus de la gauche , les lettres 6 V , (qui auraient dû
être GV) , et pins bas , au dessus de la tête du Christ: 10
XC ; sur la gauche du cadre , un écusson , dans le coin su-
périeur dutjuel a été tracée une inscription en grec assez
vulgaire ; la voici textueliement copiée par pous sur l'ima-
ge clle-nième :
'EyÎTti 1693 ëpavepb)9et -^ itàpoOsa elxèv 'S'3\<; ©eo-riicou
6v Tîj éêptax'ij icapàrcMÔç Kfioii , éxT. toO ' k'Ki'Rii'jèyKQv éx-
u.aXù'Tov xic-cà Ss TÙ 1753 ti'ïoplOEt iC é^oSuv toQ icàTep
^cAlirtou Nto.^obvTESàpxt, tioaxàyci).
év [ITJVÔÇ 'OxTOÉpl'fa).
Ce grec barbare doit être traduit ainsi :
"La prébeiite image de la mère de Dieu s'est révélée
dans le ijuartier Juif, en l'an 1693 , à une certain Simon ,
un des esclaves d'Alipaclioglou (lisez Ali Facha-oglou) .
Ku l'an 17A3 , elle a été peinte aux frais du P. Philippe de
Moutevarchi , Tobcan ."
" Dan» le mois d'Octobre ."
Si nous sommes entrés dans tous ces détails , c'cht que
saovGoOt^lc
594 ÉTAT IlîTELLECTUEt
les monogrammes' grecs oDt donné lieu à de grandes dis-
putes de droit de propriété entre les habitants Grecs et La-
tius , qui la réclamaient comme leur propriété , les uns
par droit de découverte, les autres par droit de succession,
disaient-ils. La dispute prifdetelleBproportions, que l'Au-
torité Turque dut s'en mêler en 1723, et Ilmi-Ibrahim Pa-
cha, alors gouverneur de Rhodes , apièa avoir entondu les
prétentions des deux parties , représentées l'une par lAr-
chevêque grec , l'autre par de pauvies esclaves lutins , dé-
cida que l'image serait laissée à ces derniers, <iui obtinrent
aussi la permission de construire U petite chapelle df s Tau-
neries, pour l'y déposer, mais à la condition que les Grecs
auraient la faculté d'aller y faire lours dévotions.'
Cette décision éwit des plus équitables , car si les Grecs
'Sbaeaient leurs prétentions sur U'S monogrammes sculptés en
caractères de leur langue, fait as^ez commua dans l'icono-
graphie chrétienne , surtout dans le Levant , il n'y avait
d'ailleurs aucun doute que cette image posée dans une é-
glise éiigée par le Grand- .Maître lierre d'Aubusson , ap-
partenait bien dès le principe au rite Latin . D'autre part,
il n'y a point de doute que Simon qui l'a trouvée, était un
esclavon catholique , et qu'il a travaillé avec ses autres
■ compagnons de captivité à l'érection de la chdpelle daùs
laquelle elle fut déposée .
11 ne sera peut-être pas hors de propos de noter ici une
anomalie qui existe pour les Latins de l'Ile, dans l'admini-
stration spirituelle .
l'ar l'acte qui concédait l'île de Malte aux Chevaliers ,
l'Empereur Charles-Quint se réserva le droit de nommer
l'évèque de Malte, qu'il devait choisir parmi trois éclésias-
' Djit^edov Google
ET BOC'IAL 595
tic^ues que lui présenter.iit l'Ord.e. Lea Rhodieus furent,
par un Bref du Pape , soumia à ce prélat , qui , après la
mort du Prieur de l'Ordre , prit le titre d'Évêque de Malte
et Archevêque de Rhodes . Éloignés comme ils le sont de
Malte, les Rhodieua n'ont aucune relation avec ce prince
de l'Église. Les Missionnaires envoyés à Rhodes par le
Préfet apostolique de leur ordre, résidaut à Constiintinople,
exercent un ministère de zèle au milieu d'une population
catholique qui n'est pas à proprement parler érigée en pa-
roisse . Les sacrements réservés à hi puissance épiscopale ,
administrés pendant longtemps par le Préfet apostolique
en vertu de pouvoirs extraordinain^ qui lui éUiient confé-
rés, ont été depuis administré» par l'Archevêque de Smyr-
ne et par l'Évêqne de Chio , en vertu d'une délégation pa-
pale , DÎotivée et effective pour une seule fois. En un mot
les choses simtàlétat natif ; la charité , le dévouement
et l'abnégation des ministres Baorés,sont au dessus de tout
éloge ; mais on ne peut nier qu'il manque ii leurs efforts
la vie qui part du cœur , la force que donne une organisa-
tion régulière . C'est à cela qu'il faut attribuer en partie le
peu de Succès des écoles , qui exigeraient un personnel
plus nombreux, plus spécial, et des ressources pécuniaires
plus abondantes . L'ordre , d'ra-t-on , ne peut pas disposer
de plus de deux Pères en faveur de 200 catholiques ; alors
il faudrait recourir k une congrégation de Frères ensei-
gnants . La colonie est pauvre dim-t-on encore ; nous ré-
pondrons que "c'est un motif de sortir de l'isolement, de
s'associer, et d'arriver ainsi à jouir de la vitalité que don-
ne à tous les membres une puissance administrative les
intéressant tous à l'œuvre commune .
:q,t7edi>G00t^lc
CHAPITRE IV.
POIDS, MESURES ET MONNAIES-
§ 1 ÊPCQL'E QRECQUE .
On n'a retrouvé à Kbodes aucune trace des Poids et des
Mesures dont peuvent s'être servis les Phéniciens qui habi-
tèrent l'Ile , ou du moins on n'a pas pu les classifier et leur
donner une valeur connue ; maïs on a par contre découvert
plusieurs étalons de l'époque Grecque et des monnaies des
localités les plus importantes . Ces découvertes établissent
que les Poids , les Mesures et la râleur des Monnaies Hho-
diennes, ne différaient guère de celles des autres pays de
la Grèce.
MESURES DE LONOUEUK .
Dachtylon correspondant à 0"" 02
Choron ... — ... .,. 0—08
Lychas ... — 0— 20*
sdovGoot^lc
ET socut 597
OrthodoDOD ...
correspondant -à 0" 22
Pithaml
— 0—24
Podhas
— 0-30
Pygmi
— 0—36
Pyghon
— 0—40
PvcUa
.-.. — 0—46
Orghia
— . 1—85
Stadion
— 185—...
Milion
— 1480—...
IfEËURBS DE CAPAOITÊ POUR LES OBAIIW .
Cochléarion correspondant à 0^003
Cyathos
—
0—046
Oxybapbon
—
0—069
Cotjlos
—
0—277
Xestis
_
0^553
Chœnia
_
0—830
Medhimnon
39—760
MedimnOD ghéorghicoa ... ... —~
64—600
MESURES DE
CAPACiri POUB LES UQDIDES .
Cochléarion
correspondant \
01-005
Chaims
—
0-011
Mystron
—
0—014
ConcUs
_
0-œ7
Cyathos
—
0-054
Oxybaphon
_
0-^080
Cotylos
—
0—323
Xestis
—
0—647
Hous
—
3—880
îBBiGooi^le
698 ÉTAT niTELLECn;i;i
Méti'ite ... ... ... correspondant
i 46—560
POIDS.
Plus Anciens :
Brahme ... ... ... conespondant
à OK.004
Mina —
0—407
Talendon —
24—441
Mûim Anciens :
Obolon ... ... —
0—0006
Drahme — ^
0—0040
Minia ... ... ... ... —
0—0820
Talendon —
25—7100
MONNAIES .
De Cuivre .
Lepton corresp. comme valeur intrinsèque
à Fr. 0.002
Chaloon —
0.016
Diclialcon ... ... —
0.032
Hémiobolon —
0.065
Obolon —
0. 13fl
Diboîon ... ... ... ... —
0.260
Tétrabolon ... ... ... ... —
0.621
Argent .
Drahme —
0.807
Didralime —
1.615
Tétradralime ■ —
3.229
Pendadrahme —
4.037
Or.
Pièce de 25 Drahmes , équivalant à —
Fr. 20. 182
Pièce de 50 DrahmeB —
40.365
îBBiGooi^le
BT SOCIAL
599
Monmaies de
cffmpte.
Dratune
égale
Drah. 1 Fr.
0.807
Décadrahme
—
— 10 —
8.072
Uina
— ■
— lOO —
80.729
Décamina
—
— 1000 —
807.291
Talendo
—
— 6,000 —
4843 . 747
Décatalendo
_
— 60,000 —
48437.472
Hectotalendo
—
— 600,000 —484,374.720
Poids des Monnaies .
Drahm»
—
Gram. 3, 41
Didrabme
6,82
Tétradrahme
'
13.65
Fendadrahme
—
17,06
Valeur archéologique .
Drahme
de Fr. 2,
, àFr. 3
Didrabme ..;
— 6
— 7
Tétradrahme
—20
— 25
Peodadralime
—35
— 40
Pourvu qu'elles soient bien conservées .
On a trouvé à Rhodes peu de monnaies en or, et moins
encore en électrum , ce qui justifie le prix élevé que ces'
monnaies ont atteint .
TypeB
@o
Mecto. Tête de cheval marin avec la légende aina.
Verso.JJae tête de lion .
saovGoot^lc'
ÉTAT IHTBLLECrUEt.
lALTSSOS .
Becto.Tète d'aigle dans un carré avec la devise iaayieqn
Verso. Cheval marin ailé .
CAUIB08 .
Mecto. Feuille de platane .
Verso. Un creux travereé par une ligne verticale .
ASTYRA .
Recto . Une coupe avec la devise A(T/.
'Verso. Une tête'barbue .
Becto. Tête d'Apollon-Hélios
Yerso. Fleur de grenadier avec la devise POâiON,
tantôt en entier , tantôt en abrégé (PO) . Ordinairement il
saovGoOt^lc
Et SOCIAL 601
y fi Rur la gaucl:e une proue de galère , quelquefois ud ai-
gle , et toujours Rur un des côtés , un nom :
EYKPATHÏ APIITOKPITOt AMEINTAÏ
ce dernier est le plus fréquent ; c'est sans doute le nom du
Trytane .
§ 2 ÉPOQUE DES CHEVALIBBS. '^^^
LeR monnaies des Chevaliers offrent des types très-va-
ries qui demanderaient une étude toute epéciale, si la série
pouvait en être complétée. Génémlement , les plus an-
ciennes portent d'pn côté une croix , de l'autre un cheva-
lier en prières ; et les plus modernes les armes du Grand-
Maitre avec un emblème ou son image ; ainsi celles qui ont
été frappées par Eélion de Villeneuve , représentent d'un
cdté'ce grsnd-maitre en prières devant une croix à doubles
branches , de l'autre une croix fleurdeliiîée ; sur le premier
côté en lettres gauloises et romaines entremêlées: fr. elion.
deAilanova. m. r.; de l'autre , ospital. s. ion. iebos. rôm .
Les monnaies battues du temps d'Éinery d'Amboise, por-
tent sur le verso les armes de ce Grand-Maître avec la lé-
gende : F. EUEIUCVB BAMBOISE UAGN . MAQ. B., et SUr le rccto
l'Agneau de S'- Jean avec la légende : aqk. dei qvi tolus
PBCCA. MVN. MISE. NO.; cclleB de risle-Adam portent d'ua
côté son image avec la légende : F. p.cv^. de ulb-adam h .
. H08PLIS HiEBi. M.; de l'autre ses urmes avec la légende : da
HIHI TIRTVTEM CONTRA H08TE8 TVOB .
Nous croyons savoir que M. Gustave Seblumberger de
saovGoOt^lc
*^02 ÉTAT IMTEM-EnrilEL
Paris , s'occupe d'un travail détFaillé à cet égard , et qui ne
manquera certainement pns d'intérêt .
Sana doute la valeur des monnaies des Chevaliers était
basée sur cfille des monnaies qui avaient alors. cours en Eu-
ro]îe , surtout en France ; quant à leur monnaie de com-
pte , nous voyons les anciennes chroniques et ordonnan-
ces l'évaluer en écus , ducats et Qorius . Les poids sont é-
valués en Marcs , et la mesure en Cannes . Pour les me-
sures de capacité, les Chevaliers paraieçenta-voir adopté des
mesures locales; car nue lettre de Pierre d'Aubusson adres-
sée au commandant du château de Boudroum , lui oiduij-
ne d'enveyer une cei-taiiie quantité de Moûts de légumes
secs pour l'approvisionnement du châtt-au de Rhodes ,
Quelle était la capacité du Mont Rhodien ? Nous basant
sur celui q,ui est actuellement encore usité le long de la
côte voisine, nous l'avoua plus loin * étnblie à neuf kiléEF
dé Constantinople. Cependant les dépôts existant depuis
l'époque des Chevaliers , ne peuvent contenir qu'environ
20,000 Kilés de Constantinople ; Suléiraan ordonnant
qu'une quantité de 12,000 Monts fût au nuellenierit fournie
par Ips villages pour alimenter ces dépôts, il en résulterait
que le Moût Rhodien correapondraît à environ de 1^-667 de
Constantinople ;. il se rapprocherait donc assez du Me-
dhimne grec que les liomains désignaient sous le nom de
Modio et qui valait comme nous l'avons dit SS^- 760 .; paf
conséquent , le Mont des Chev;iliers n'aurait été autre
chose que le Medhimnon des Grecs appelé Modio par lea
• Page 347.
saovGoOt^lc
ET EOCUL 603
Romains , et qu'il ne faut cependant pas confonâre flTee la
mesure romairie de ne nom , beaucoup pluB petite que la
mesure grecque .
§ 3 ÉPOQUE TURQCÉ .
Les mesures et les poids actuels sont ceux de CoDstan-
tinople , savoir :
MESUEES DB LONGUEUR .
Arcbine , OU Pic d'architecte ... ... M"0. 7500
Archine à drap — 0.6795
Endazé OU Pic commun — 0. 64&6
Roub (.huitième de Pic) — 0.0812
Les mesures itinéraires se raisonnent soit par milles An-
glais , soit par heures de marche de cheval .
HESDBES- DE CAPACITE .
Pour les grains . la mesure^unique est le Kilé dé Confr.
taotinople , qui se subdivise en 8 Cafiz .
Les mesures pour les liquides correspondent à la deusité'
spécifique des substances .
POIDS
Quintal de 44 Okee qui égale K«^56, 4300
Gke de 400 Drames — 1. 2825
Drame — 0.0320
Graia — 0.0050
GoOQ le
0O4 feXA'l' TMTELLECTITX
Excepté celles de billon Turques ou étr»ngères . toutes
les monnaies ont cours à Rhodes , mais teur valeur vaiie
journeUeDaeut, et on rii^que de voir s'introduire ici l'anoma-
lie qui règns à Smyrne , où chaque quartit-r , chaque gen-
re de négoce , chatjue magasin, pourrions-nous dire', a un
taiif spécial pour le cours des monnaies . La monniiie n'a-
yant pas une THleur fixe immuable, donne lieu à un agiota-
g« continuel ei à des discussions fréquentes . Ainsi la Livre
Tiinpie vaut 107 — 112 — 118 Piastres contre Meggidié à
20 — 21- ou 22 — .tandis que colui-ci , quand on peut le
changer contre du métallique, n.e vaut plus que 19 pias-
tres. Voilà le change d'aujouid'hui ; nous ne répondons
nullement de celui de demain .
Quant au Gouvernement, il a fixé ses cours officiels pour
les monnaies Turques et étrangères aux taux suivants :
Livre Turque ... P".100
Meggidié d'Argent ... ... ... — 19
Ancien Aliilic ... — 5
Ancien Bechlio — 2 ^^/^o
Livre Sterling — 109. '9/^0
Pièce de 20 francs — 86. *7/^
Fractions en proportion .
Par une exception , la Douane accepte le Meggidié à 20
piastres . Quanti au commerce qui suit le cours légal (ou •
pour mieux dire ce que l'on est convenu d'appeler le cours
légal), il accepte la Livre Sterling à 110 et la pièce de 20
francs à 87 .
saovGoOt^lc
CHAPITRI V.
MŒURS ET COUTUMES
§ 1 TEMPS AKCIEN .
Si les ancieDoes lois Rhodiennes protégeaient tout spé-.
cialement le Commerce et la Navigation , elles n'araleot
pourtant pas oublié les plus larges dispositions en faveur
de la liberté nationale, les règlements les plus sévères pour
là moralité publique, la protection la plus généreuse en fa-
vaur des beaux-arts et des sciences .
En effet , les distributions périodiques de blé faites pas
l'État, les secours de toute nature que les riches procurent
aux pauvres sana jamais manquer k ce devoir traditionnel,
n'ont d'autre but que d'assurer des bras au Pays , et ces
bras sont appelés à défendre la liberté et l'indépendance de
la patrie . Telle était la sévérité des mœurs , que courir
dans les rues sans nécessité , e'j arrêter pour discourir da
saovGoOt^lc
606 ÉTAT IMTET.LECTUEL
sujets frivoles , était regardé comme une inconvenance ; le
citoyen devait marcher avec toute la dignité et la gravité
requises par sa longue barbe et son épaisse chevelure que
la loi lui défendait da couper . Le tumulte , le bruit , les
Applaudissements même étaient interdits dans les lieux pu-
blics; au théâtre et dans les gymnases , le silence servait
d'approbation , et la retraite du spectateur manifestait de
1« manière la plus éloquente sa dét^approbation . Sauf quel-
ques boutades d'Anachréon et de Juvénal , les anciens au-
teurs sont d"accord pour rauter les bonnesmœurs des Rho-
diens , leur décence , leur honnêteté .
Le luxe rigoureusement prohibé dans le costume et dana
les parures , était aus^i étroitement limité dans l'ameuble-
ment des maisons privées; enfin la loi disposait que la ta-
ble devait être frugale et que toute supeifluité devaitea
être bannie . Suidas nous apprend que la Ville donnait des
festins publics dans lesquels il était défendu de boire: Gon~
vm'a sim vmfufa .
Tous ces règlements étaient rigoureusement appliqués
non seuk-nii'rt à l'égard des ciloyens»Ilhodiens , maïs aus-
si envers les étrangers qui demeuraient sur le pays. Plus
longtemps que tous les autres étiits de la Grèce , Rhodes
conserva dans toute leur austérité les mœurs des temps hé-
roïques , et résista à l'invasion du luxe et de la mollesse
comme aux teutatives qui menagaietit son indépendance
politique .
Le goût du luxe privé , trop naturel aux penples opu-
lents, par un effet des prohibitions légales, avait été trans-
formé en la noble ambition de donner aux édifices publics
la plus grande magnificenoe possible . Tout ce que le génie
D.q(l.zeaOvGoOt^lc
ET 8fiCIAL 607
OU la fcience eiif;mtait de véritablement beau , était re-
cueilli avec un soin jaloux pour servir d'ornement et de
parure aux temples et aux gymnases . Ces œuvres y ga-
gnaient d'être plus universellement connues ; aussi encou-
ragés par la célébrité , les artistes enfants de Rhodes, res-
taient fidèlement dévoues à leur berceau , et d'antres , sé-
duits par une hospitalité toujours généreuse , apportèrent
à lagloire et à la magniScence de leur patrie d'adoption.un
concours méconnu parfois dans leur propre patrie .
La dignité , !a gravité , n'excluent pas la force , l'agilité
et l'adresse , trois qualités nécessaires aux marins surtout ;
c'est pourquoi toutes les fêtes célébrées en l'honneur des
divinités étaient closes par des joutes , des luttes et des
courses ; un exercice aussi fameux alors qu'il est inconnu
aujourd'hui , était la conduite des chars aux fêtes d'Apol-
lon . Le dieu qui dirige le char embrasé du soleil , avait
inspiré cette institution aux Rhodiens , son peuple de pré-
dilection ; bien que sur une Ile l'habileté à maîtriser les
chevaux attelés ne fût pas nécessitée par la guerre, ils ne
voulurent pas néani]foiQS négliger cet exercice plus que les
autres , afin que leurs athlètes pussent disputer toutes les
couronnes Olympiques , et voir leurs noms inscrits à la
suite de celui de l'Éléen Corèbe , qui a l'hooncur d'ouvrir
l'ère des Olympiades . *
Les Rhodiens avaient divisé leurs jeux en trois séries :
pour les adolescents, pour les jeunes gens et pour les hom-
mes faits; aux coui-ses des chars attelés d'un ou de plusieurs
► 19 Jnillrt 776. av. J. C .
saovGoOt^lc
608 ÉTAT INTELLECTUEL
chevailx, il faut ajouter dea courses à pied, des luttes gym-
niques et des concerts musicaux .
Nous u'avons pas à reproduire ici la description si sou-
vent faite de ces différents jeux ; uous dirons seulement
qu'à Rhodes les règlements qui les concernaient , étaient
strictement observés sous la surveillance des Agonothètes
ou directeurs; celui qu'ils proclamaient vainqueur , était
publiquement couronné . Mais l'orgueil national ne se con-
teotait pas de cette récompense ; la patrie lui érigeait une
statue à ses frais , ou accordait certainement une place à
celle que les familles voulaient élever .
Nous empruntons à M . Foucart * une inscription au-
jourd'hui plus effacée sur le marbre encore en place, et
qui prouve combien les anciens Rhodiens tenaient à per-
pétuer le souvenir de ces victoires dont la gloire rejaillissait
sur toute la parenté ;
A HIIO^
NtKAïANTAAAIEIAAPMATITEAEIQi
AKEÏTOPKANTIAOXOYTONYIONKAI
ûÛPO0£0(MHNOiïïP0VKA0Y0OEEIANûE
ANTtAOXOYTONAAEA*ON KAI
ANTIAOXOïKAlûQPOOEOïANTIAOXOY
TONTAïAûEA<t>AïYION KAI
UIAt-aQPOOEOYTONTAÏOYrATPOÎ
YION
EYNOIAIENEKAKAI«IAOtTuPriA(
ElïAYTOYt
OEOU
Des nomfl et prénoms du vainqueur lui-même aujour-
• Eev. Arch. N. S. TII an. vol. 13 .
saovGoOt^lc
ET iOClUL 603
d'hai entièrement disparus . M . Foucart a pu relèverez
lettiee plus grandes qup k* reiste de l'inacriptiOD, un A, un H
et un O ; aidé par les traita qu'il a dititingués entre cea •
lettres , il devine le nom du père (MijvoSwpou) . On peut
ainsi reconstituer le sens de l'ineeription :
"A fils de Miiiudore , qui a remporté la victoire
aux jeux Héliens , data la course des chara attelés de che-
vaux dans la force de l'âge. Akestoris, fille d'Antilochus, à
son fils, et Dorothée, fils de Minodore, paradoption fils d'An-
tilochus , au fils de son frère, et Actiloclms et Dorothée,
fils d'Antilochus, au fils de leur sœur, et Isias, fils de Doro-
thée, au fils de sa fille ; à cause de ses bons sentiments et
' de son afFettiou h leur égard ".
" Aux Dieux"
Le sculpteur , Charinos de Ijaodicée , a tenu lui aussi
à associer son nom à celui de l'heureuse famille ; il l'a ins-
crit au bas du piédestal ;
Les enfanta qui avaient remporté des victoires" aux
jeux auxquels ils pouvaient prenilre part , recevaient le
même hooneur :
KOMÛNAKECTOPOÏ
NIKAÏAÇPYOIAKAI
AAIEIAPAIAAÎPAA AN
(A Komon , fila d'Akeetor , vainqueur aux luttes des en-
fants aux jeux Pythiens et Héliens) ^
Tant de générosité en faveur de ceux qui combattaient
dans les jeux célébrés à Ehodes prouve avec quel enthou-
siasine on recevait à, leur retour les vainqueurs aux jeux
Isthmiques , Éleusiens , &c ; car dé ces luttes où toute la
Grèce était solenuellement convoquée, il revenait une plus
saovGoot^lc
GIO ÉTAT IMTELl-ECrUEL
grande gloire à la patrie du héros , et sqf les dédicaces, on
notait avec le soin le plus jaloux tii le vainqueur avait été
le premier couronné :
AINAIOIArHCUTPATONPOAYKPEONTOÎ
NlKnNTAOAYMPIAPAAAN
nPATON*AINAinN
Les vertus civiques recevaient aussi des éloges, des men-
tions honorables; il n'est pas rare en effet de rencontrer à
Rbodes des dédicaces en faveur de tel ou tel autre bienfai-
teur du pays ou d'uue communauté religieuse , et parfois
même on lui décernait une couronne d'une valeur propor-
tionnée à l'importance du service :
OAAMOCOPOAIÛN
ETIMAÏE
TAIONIOYAION
OEYPONPONAPTEMIAnPOY
APETAÏENEKAKAIEYNOIAï
ANEXnNAlATEAEl
EIÎTOPAHOOÎTOPOAinN
(La Communauté des Khodiens a honoré Xjaius Julius
Theupompe , fils d'Artémidore , à cause de ses vertus et
de la bienveillance qu'il a toujours eue^ pour le peuple
lihodien) .
EnAI]VEeEIiK.A12T£*ANi2eEI2
ÏUOTOÏi AMOr
(Des louanges et une couronne de la part de la Commu-
nauté) .
• Boss. Pratos forme dorienne de Froloa , premier .
saovGoOt^lc
ÏT SOCIAL 611
...rnOilOSSEINIAITAN
XPIIEQSTE^ÀNa
(Une CouroDDe d'or de la part de la société [religieiisej
de Jupiter-Zénioe) .
eAAAIÛSTE^ANQ
(Une couronne de feuillage) .
Plus tard, bous la doraiDatipn Romaine , les dédicaces
sentent plus la flatterie que la reconnaissance . Yespasien
réduit fihodes en proTÎnce Romaine ; les laljssiens l'ap-
pellent leur bien&iteur , * et ils oublient cette pieuse for-
mule:
aEOis
qui rapporte toujours aux Dieux les dédicaces et les hon-
neurs rendus aux mortels .
L'adoption était largement usitée chez lés Rhodiens;-
une particularité assez étrange , c'est l'orthographe anor-
male acceptée dans le titre même qui en témoigne ; par^
tout en effet nous lisons , et tous les interprètes des épi-
graphies ont lu et couserré arec nous : Y O O E £ I A, au
lieu de Y [ 0,0 E ^ I A qu'exige la racine .
En créant des liens étroits, l'adoption ne rompait néan-
moins pas les liens du sang , et la preuve en est dans l'inEH
cription que nous avons empruntée à M. Foucart, *♦ puis-
que fils adoptif d' AntilochuB, .Dorothée, Bis de Minodore, ne
cesse pas d'appeler le vainqueur son frère, et qu'il s'unit au
reste de la famille pour lui élever une statue . Les exem-
', Page 681
•'• Page 6
saovGoOt^lc
612 iTAT MTKLLECTDKL
pies dji reste sont nombreux où le nom patronymique est
cité avant la formule :
KA.] KAe YOeSIIÂN AE
(et par adoption)
en voici une plus explicite ;
...RATA rENE2:iN,KAe ïOeESIAN AE
(fils de... par la naissance , mais par adoption de...)
Cette adoption était donc considérée comme un acte de
bienfaisance , qui n'obligeait nullement l'adopté à rompre
avec son passé , c'est-à-dire ni avec sa famille ni avec sa
patrie ; elle procurait simplement une nouvelle parenté ,
une seconde patrie .
Comme tous les peuples ancieos , les Ehodiens conser-
valent avec respect et avec affection la mémoire de leurs
morts ; les inscriptions sur les tombeaux, la beauté même
de ces monuments , le prouvent assez . L'étude et la vanit;^
trop fréquemment étalées dans nos épitapkes, sont honteu-
sement condamnées par la sublime simplicité de l'ancienna
épigraphie tumulaire :
Salut ô mon chéri ! faisait graver une tendre mère sur le
tombeau de son fils . Souvent ce mot seul xaipi est gravé ;
le nom du défunt vivait dans la mémoire de ceux qui le
pleuraient ; il leur suffisait de ce salut, plein de Vespérance
du revoir dans un monde meilleur .
Eu dépit des principes religieux fondés sur une saine
philosophie enseignée par des maîtres dont l'un doit au gé-
nie de Tertullien une renommé immortelle, * la superstitiou
I
* DmjB le Bhodien. Tertol. De Anima , ,
saovGoOt^lc
ET acciAt C13
domina les croyances , et jeta si profondément ses racines,
que le Christian iaiiie ne lea a pas entièrement extirpées
du- cœur du Bhodien moderne, comme nous le verrons
bientôt .
§ 2 . TEMPS H0DEBNE3 .
Popidation Urbaine .
La race active , savante , passionnée pour le vrai, le bien
et le beau , fière de l'indépendance et de la richesse de la
patrie , toujours noble dans sa prespérité et forte dans
l'adversité , a oomplètement disparu .
La population Grecque de la ville n'ayant aucun goût
pOHr l'instrucUon , qui fortifie la volonté et ennoblit le
cœur autant qu'elle développe l' intelligence, a renoncé à la
naviga'tion . C'est un art, une industrie ,8i l'on veut rédui-
re la chose à sa; plus étroite acception , qui exige une éner-
gie physique et morale hors de proportion avec les carac-
tères débilités. Les plus énergiques embrassent la carrière
de maçon , de menuaier et de cordonnier ; ce sont les arti-
sans ; la cordonnerie Eeule est execcée avec art. Mais le
rêve doré du Grec , c'est d'être propriétaire d'une petite
boutique d'épicier, avec adjonction d'un débit de boissons
s'il a un magasin dans les faubourgs ; d'autres ouvrent un
café . C'est dans une innctivité absolue que la journée s'é-
coule , au milieu de Ih fumée du tabac , et au £on criard et
mouoCbne d'une lyra , avec laquelle un artiste a la préten-
tion d'accompagner les chansons des buveurs . 11 est rare
saovGoot^lc
614 ÉTAT IITTELLECTUEL
que le silence règne dans ces établissements; car les fêtes
religieuses qui interrompent le travail . sont fréquentes, et
observées avec la fidélité la plut rigoureuse ; l'usage leur
donne en outre des vigiles et des leiidemaÏDS . Si nous nous
contentions de ce détail , on pourrait croire que c'est l'es-
prit essentiellement religieux qui domine ; il n'en est rien :
le café et la taverne sont devenus le temple; les fêtes sont
des jours marqués pour les excès , et les bymnes sont
des chansons bachiques . A ces habitudes énervantes, nous
joindrons une autre itause de l' affadissement des caractè-
res ; ce sout les jeûnes imposés à outrance par la théologie
grecque . L'alimentation est alors réduite à des salaisons ;
ni le travail , ni les infirmités , ni l'âge , ne dispensent de
ces pii valions à peine coimues dans les ordres pénitents les
plus sévères ; le grand devoir de religion est là ; le péché
capital est dans l'inobservation de ce devoir. Ce n'est pas
manquer de respect à ce qui tient à la religion d'un peuple
que d'accuser les'maux auxquels l'entraîne l'ignorance sous
le faux prétexte de religion .
Si les hommes sout arrivés, pour des motifs dont ils sont
plus ou moins responsables , à une vie aussi nonchalante .
les femmes ne leur cèdent en rien . Il serait difiBcile de di-
re ce qu'elles font ; accroupies sur le seuil des habitations,
elles causent entre elles , ou observent les passants ; aussi
n'est-ce pas la pauvreté , dont on a dit avec raison qu'elle
était d'institution divine , qui règne avec la résignation
dans les familles : c'est la misère, do création humaiue, qui
s'étale au foyer, qui couvre de haillons tous les jours lofee-
xe féminin , qu'on verra aux grandes solennités affublé de
toilettes prétentieuseB , dont le clinquant remplace la soli-
saovGoOt^lc
Er SOCIAL 615
dite. En un mot , la privîition e^t prûe pour l'économie ,
lexcèa ou le luxe pour le bieu-êire et le confortable.
Mais ce qui oous semble être la cause la plus efficace de
cet abaissement social , c'est le divorce , sinon de droit, du
moins de fait; la fidélité conjugale est exposée à n'être
qu'un Tain mot devant un caprice , une spéculation de ba-
zard , ou le gaspillage d'une dot ; l'autorité ecclésiasiique
ne prononce le divorce avec tous sos effets, qu'après beau-
coup de difficultés; mais les séparations de fait sont assez
fréquentes. Cependant la notion la plus élémentaire de l'é-
conomie sociale et domestique , devrait s'opposer à cet
abus , et défendre plus efficacement les intérêts de la fa-
mille . Doter une fille est une nécessité ; pour la subir les
parents s'endettent , se ruinent , se réduisent presque k la
mendicité ; c'est un des spectat-les les plus navrants pour
l'observateur étranger à de semblables mœurs que de voir
des vieillards , autrefois dans l'aisance , souvent abandon-
nés par les enfants en faveur desquels ils se sont dépouil-
lés ; la piété filiale est un seuliment étouffé parle mariage
quelquefois jusqu'à des excès scandaleux . Du reste , les
égards et le respect dus aux parents noua pratiqués d'une
manière très-restreînte ; ainsi dans les déplacements de la
ville à la campagne et vice versû. , il est ordinaire de ren-
contrer une jeune fille ou une jeune femme dans tous ses
atours, montée sur une béte de somme qu'excite de la voix
et du bâton un vieux père ou une vieille mère, suivant pé-
niblement à pied .
En traçant ce trihte tableau des mœurs grecques, nous
n'obéissons à aucun sentiment d'aigreur ni de mépris; la
vérité la plus impartiale est notre devoir , et c'est pour
saovGoot^lc
G16 ÉTAT iirrBi.i,ECTi;eL
corriger les abus , s'il est possible , que nous écrivons, plu-
tôt que pour le plaisir de critiquer ; aussi est-ce avec fà
plus Tire satisfaction que parmi tant d'abaissement, nous
citons le plus beau trait du caractère Rhodien ; le dévoue-
ment du frère envers ses sœurs . Jamais tes frères ne se
marient avant d'avoir épargué , souvent par un travail pé-
nible, et avec une abnégation sublime dans sa simplicité ,
la somme nécessaire pour doter leurs sœurs d'une maison
Bans laquelle elle ne pourraient jamais te fiancer .
Les Turcs ont un peu plus de penctiaut pour la vie de la
mer; ce sont eux en général qui se livrent à la pêche, et sont
propriétaires et marins de ces petits voiliers légers et ra-
pides avec lesquels ils exercent le cabotage . D'autres sont
forgerons, taillandiers, tanneurs, teinturiers , touroeura ;
mais plusieurs recherchent aussi'la vie nonclialante da
boutiquier au petit détail ; enfin un grand nombre sont
propriétaires de ces jardins découpéà sur le mont S*- Etien-
ne et dans les faubourgs ; ils les cultivent avec une lenteur
tout orientale . Du reste le Turc est assez sobre ; et il tra-
vaille avec persévérance ; un contact trop resserré avec la
population grecque commence néanmoins à l'entraîner pen-
dant les jours de fête à des excès de boisson . S'il est pau-
vre , il n'est pas misérable , et s'il ne prospère pas , c'est
encore l'effet de l'ignorance . Les femmes, quand elles sont
abritées par des murailles , partagent avec leurs maris le
travail de la teire; pour gagner quelques piastres, celles
du Néohori ramassent sur le plage des petits galets noira
et blancs qu'elles vendent pour le pavage des rez-de-chaua-
Bée et des cours . Là du moins il y a économie .
Le Turc conserve toujours un grand respect poiirses.
saovGoot^lc
KT SOCIAL 617
parents et pour tous le vieillards en général ; quant à la
vie de famille , elle est celle qne traee le Coran et qui est
bien connue ; mais il observe à Rhodes un usage particulier
dans le culte des morts : pendant uu temps indéfiai, les fa*
milles se réunissent chaque semaine dans la maison mor-
tuaire , au jour oommémoratif du décès . Un autre nsage
encore assez extraordinaire , c'est que les bœufs de labour
et les charrues ne peuvent pas entrer dans l'enceinte forti-
fiée ; il Mt moUvé par une tradition que les Chrétiens en-
treraient à leur suite dans la ville comme conquérants .
Xjea Turcs habitent généralement la ^lle ou ses envi-
rons ; très-peu soot répandus dans les villages éloignés , et
alors on a de la peine à les discerner des Grecs dont ils ont
adopté le costume , la plupart des usages et mémo en par-
tie la religion , au point de célébrer avec eux les fêtes les
plus marquantes . Tout aussi bien que ceux qui résident
dans les campagnes d'Asgourou , Candillj , Mixi, Santour*
\j et les environs de la Ville , les Turcs disséminés dans
l'intérieur , sont eu majorité cultivateurs ; mais leur intel-
ligence agricole n'est certainement pas plus développée
que celle des cultivateurs Grecs .
Enfin , la différence dans les idées , dans les aptitudes ,
dans les superstitions , est peu sensible entre les Grecs et
les Turcs; la religion seule divise les deux races d'une ma-
nière tranchée , sans pourtant produire aucune animosité
prononcée entre elles . H y a bien eu , au temps de la ré-
volution Grecque, des masuacrea de Djeddah et de Dame»,
qnelques mouvements fanatiques de la part des musulmans, .
mais c'était bien plus l'efTet des infKiences étrangères, que.
le sentiment personnel du turc rhodien , qui généralement-
saovGoOt^lc
618 ÉTAT IM'riLLECrUEL
est pacifique , complaisant , honnête et hospitalier .
Les Juifs ks^plus aisés , soDt presque tous trafiquante en
étoffes ; la classe uioyeane s'adonne au colportage et aux
petits métiers; les plus pnuvres sont bateliers et surtout
portefaix . A peu d'exceptions près .les juifs de Rhodes
sont d'origine espagnole , et parlent un diuleote corronipa
de cette langue . Concentrés dans leur Ghetto , le meilleur
quartier de la ville , ils virent de leurs usages propres , en
b' isolant du reste de la population , qu'ils ne fréquentent
qu'autant que l'exigent leurs intérêts .
Plus encore qtie le Grec et que le Turc , le Juif est très-
Arriéré en fait d'instruction publique ; les écoles laissent
beaucoup à désirer ; nous ne voulons pas parler du looal ,
mais de renseignement mal entendu et plus mal appliqué
encore . Du reste , sauf de rares exceptions , tous les Rho-
diens en général sont peu soucieux de cette première né-
cessité de la vie intellectuelle , et si leurs garçons appren-
nent les élémeott: de leur langue . les ûlles , surtout les fil-
les musulmanes et juives , végètent dans la plus crasse
ignorance .
Population des Campagnes .
Pour bien connaître les mœure d'une population , c'est
* surtout dans les campagnes qu'il faut les étudier ; car cel-
les des villes sont toujours modifiées par le contact avec les
étrangers . Nous prendrons donc comme sujet plus spécial
de nos observations, l'habitant des campagnes, et de pré-
férence celui des villages les plus éloignés .
Si le paysan Rhodien n'est pas dans l'aisance , il n'y a
pas non plus dans les campagnes de paupérisme propre-
ment dit, et si la ville et les faubourgs sont envahis chaque
saovGoOt^lc
ET SOCIAL 619
Sfimedi par une foule de memliantp, on remarque que les ^/lo
BOiit des étran^eriJ, et que .'ur les * /[oi>pp:)rteDaat au paya,
il n'y *> P'"®^'!"® P^*** d'iiiibitanls dea campagnes. Ce n'est
pas que la mendicité y toit pratiijuée ; chaque paysan ,
quelque pauvre qu'il soit , possède une maisonnette solide-
ment bâtie .
L'intérieur de la maison consiste en une grande cham-
bre carrée , dont la terrasse , dans les villages du littoral ,
est supportée par une arche irès-hardie , mais très-solide ,
tandis que dans ceux qui sont situés dans les environs des
forêts , l'arche est remplacée par une forte pièce de bois de
pin ou de cyprès . Un des angles de la chambre, générale-
ment celui de droite en entrant , fst exhaussé d'environ
un pied au dessus du sol , et sert d'àtre . Le combu&tible
étant abondant , le paysan ne ^e prive jamais de feu .
Composées exclusivement, à trèi-peu d'exceptions près,
d'un rez-de-ehau6sée ayant pour |iavé la terre battue, ces
maisons sont généralement construites par le propriétaire
lui-même ; car la plupart des paysans connaissent aesez le
métier de maçon pour mener l'œuvre à boune fin . Ellca
sont recouvertes de grosses perches de cyprès non équar-
ries , sur la^quelles sont posés des roseaux , puis des bran-
ches de laurier-ro?e garnies de leurs feuilles. Une légère
couche de mortier et une autre de terre glaire appelée jxi-
tilia , que l'on trouve abondamment sur l'Ile, forment une
excellente terrasse .
Les meubles du paysan consistent en une espèce d'estra-
de supportée par quatre pieux fichés en terre, et plauchéiée
sur toutes ses faces, de manière à fuimer une sorte de
bahut , dont le dessus sert de lit {c-revali) . A vrai dire , le
D.qit.zeaOvGoOt^lc
€20 ÊTAl' INTELLECTL'EL
paysan u'y couche que rarement ; c'est le lit nuptial pen-
dant la lune de miel ; le reste de l'année il préfère coucher
près du foyer sur une natte ou une couverture en laine ap-
pelée siJidona. Lorsque ce lit doit servir aux nouveaux é-
poux , il est garni de draps de grosse toile de coton fabii-
qués par Its femmes , de coussins et de rideaux de la mê-
me étoffe ; mais ce qui rend cette garniture très originale,
ce sont les -brodeiies dont toutes les pièce.-;, les rideaux sur-
tout , sont ornées . C'est le travail à l'aiguille dont nousa-
vons parlé , et qui s'écarte rarement d'un type assez uni-
forme , se rapprochant légèrement du style phénico-grec ,
Contre le lit .est appuyé un coffre qui sert de degré pour
y monter; un autre est appuyé contre la muraille perpen-
diculairement au premier . Dans ces deux meubles appelés
banco , âssentiels dans chaque ménage, sont rangés le linge,
le grain , et une partie des grosses provisions. Sur un de
ces bancs et au chevet du 'lit , il y a une grande pile de
coussins , de couvertures capitonnées et de siiidoTies . Les
coussins, très-durs , eerrent d'oreillers pendant la nuit et
de sièges pendant le jour; sur un support grossièrement tail-
lé , sont des jarres remplies d'eau et recouvertes de petites
serviettes très-propres. La muraille, autour de la cheminée,
est garnie de plats et de vases communs à l'usage journa-
lier de la famille :1a pièce la plus rem;nqualjle de cette
garniture est la coutaloDdld, espèce de salière-porte-euilliè-
re en teiTe cuite , de fabrication indigène ; au desf^us de la
rangée de plats, sur une étagère, on voit une' série de jar-
res dans lesquelles ou conserve les denrées .
Mais le grand luxe du paysan est dans l'ornementation
de la muraille faisant face à la porte d'entrée . Selon l'usa-
yGoot^lc
ET îOaAL C21
ge , il doit y as'oir au milieu une grande toile peinte par
un artiste local; daus un style des plus naïfs aontrepréeeQ-
tées des léj^endes religieuses . Au des.sou8 dc; cette toile
sont suspendus les stephana , couronnes de mariage usitées
dans le rite Grec ; enfin une profuBion de plats , de bou-
teilles , d'images de saints ou de grarures profanes , sans
aucun discemement. Autrefois ces plats d'ornement étaient, .
comme nous l'avons déjà dit , exclusivement des plats de
Lindos;mai8 des faïences de fabrication Anglaise ou
Française , les ont généralemeut remplacés, au grand dé-
triment de l'efifet artistique. Une petite lampe à huile
[candili) , suspendue au milieu de la voûte , et par consé- '
quent en face de la grande toile .brûle en l'honnear des
Saints qui y sont représentés, et de ceu:; peints sur des ta- .
bJeaux séparés . A l'extrémité de cette voûte , et à côté
du lit , est suspendue une grande corbeille de jonc , dans
laquelle on conserve le pain du ménage , ordinairement
d'excellente qualité .
A propos du tableau de dévotion , nous ne pouvons pas
résister au désir de donner une courte desciiption de quel-
quesunes des légendes que nous avons eu l'occasion d'étu-
dier pendant deux longues journées qu'une pluie torren-
tielle nous a obligés de passer dans une maison de villa-
geois; c'est évidemment une parodie^ des miracles que
l'histoire ecclésiastique raconte de S'- Grégoire le Thauma-
turge . •
I^e Saint , suivi par deux individus coiffés du bonnet
phrygien et vêtus d'une chemise rouge très-courte, va dans
une forêt représentée par trois broussailles , que les hom-
mes dépassent de la moitié du corps . La légende explique
D.qit.zeaOvGoOt^lc-
'' 622 itAT IirrELI.KCTUBl
;
chacun des âbteë ; îls y coupent une pièce âe boif : tô x^n-
Touv;'ce bois arrive subitement à des proportioiin telles
parl'etfet de la puissance. du Saint, que les deux hommes
ont de la peine à le porter : ti ncpvouv ; il l'emportent ce-
' pendant . Un peu plus loin , le Saint lo plante : th ^Mtitu;
• mapià comme cette pièce de bois qui a de nourottu repris
' les diniensiûns d'une baguette , a sans doute besoin d'éti-e
' arrosée , la Saint tirant u6>]ct)eTal chargé de deux gourdes
■"ïie la capacité de cinq ou six litres, va puiser de l'eau à une
'fontaine qui coule un peu plus loin : f-K'^^- * ^^ remplit
'■ses gourdes. A son retour, une égli.-e a poussé comme par
'enchantement entre lui et son bâton fiché en terre ; qu'à
"cela ne tienne; le Saint, sans se déconcerter," arrose le bâ-
ton en allongeant le bras par dessus le toit de l'édilice ;
to «oTiXe*. ; mais pendant que le saint personnage est ab-
sorbé dans cette besogne , le diable , qui a sans doute inté-
rêt à ce que le bâton ne pousse par des racines, vieut en ta-
pinois boire à la seconde gourde encore suspendue à la sel-
le : ô StiSûXoi irt'vtt; alors le cheval moins sot qu'où pour-
rait le supposer , lauce à maître Satan une ruade en plein
Ventre et lenvoîe rouler dans l'enfer que l'on voit au se-
cond plau : Ttà*|-^' etî'ôv ctifîoÀo!
Tout cela tmduit en couleurs criardes, et rehaussé d'une
prodigaiiié de dorures , fait le nec plus ultra du luxe du
paysan .
Le lit , ou pour mieux dii e sa garniture , les plats , les
jarres, les cofFres , les coussins et les couvertifles, com-
posent la dot de la femme , et se transmettant .de mère wx
fille ; mais la toile peinte est généralement payée par les
petites économies de l'époux , Une chaise et une toble sont
saovGoot^lc
ET SOCIAL 623
des objeîa réputés siipt-râus , et fe tiouvent rareiient dans
les uiaisous les plus aisées; carie paywin pienil sfs
ropas acciOU|)i par terre, autour d'un plateau en buis sans
pieda i appelée siny , Sa nourriture est des plus friigniff;;
elle.coasidte eu pain , légumes , fromage et œufs ; il man-
ge rarement de la viande , et n'use presque jamais du
beurre qui est remplacé par l'huile; il ne boit en familla
que de l'eau ; à la taverne seulement se consomme le café,
le vin et le raki .
Le paysan se marie awez jeune , et les cérémonies qui
se pratiquent à cette occasion , août une rémiuiiicence de
quelques usages aucieus . Chacun des fiancés s'est retiré
dans la maison d'un ami ; de là ils sont ramenés chez leurs
parents respectifs; immédiati'ment commence un échange
' de présents ; le fiancé envoie à sa future une jupe , une ja-
quette brodée , une paire de toulieis et un voile garni de
clinquant; la jeune tille lui envoie une chemise et un cale-
çon en soie écrue, avec une bourse à tabac ou un autre ob-
jet de sa confection ; les pioches parents ne sont pas oubliés,
chacun reçoit quelque chose .
De part et d'antre les amis procèdent à la toilette des
futurs ; celle du jeune homme cousiisCe à se revêtir des pré-
sents de sa fiaucée , au dessus desquels il passe le^ habits
qu'il a fait confectionner pour la circonstance ; celle de la
jeune fille requiert plus de temps ; on lui coupe d'abord
les cheveux sur le devant , de telle sorte qu'ils ne couvrent
plus que la moitié du front ; le reate est ramassé en petites
tresses tombant sur le dos ; ou la pare des habits envoyés
par le fiance ; un mouchoir de couleur , ou le tuvban , sui-
vant l'usage de la localité , forme sa coiffure par dessus
D.qit;zeaOvGoOt^lc
624 ÉTAT INTEI-LECTL'EL
laquelle or jette le voile .présent de l'époux ; on lui oint
la palme dos mains avec di* IVeseiice do cannelle, tt à dé-
faut de celle-ci . d'une autre essence qudcouque.
Les musiciens sont alors introduits; 1» mélodie qu'ils
tirtnt de Kurs instruments , est iicconijiagnée d'une mimi-
que , dont un des gestes est de les passer à plusieurs remma
au dessus de la léte de la future , ))end.int que tes parents
leur jettent de la mounaie . Les mêiues cérémonies ont
lieu cbez l'époux ■ Avant que chacun dis futurs ^e n-nde de
son côté ^ l'église, les parents de la fiancée vont l'cmbras-
ter; ensuite celle-ei se prosterne devant cliacun d'eux et
leur baise Ifi main . Suit la cérémonie religieuse, conforme
au rite grec, après laquelle les époux sont conduits dans
la maison qui constitue la dot de la mariée . L'époux a'ar-
rétant devant le seuil , trempe le doigt dans nue coupe
pleine de miel, et trace une croix au dcpsue de la porte ,
pendant qu'un des assistants lui dit : SoU doux et hmi ann-
me ce viiel , Il pénètre entiuite dans la maison en écrasant
60U8 le pied une grenade posée près du seuil ; son épouse
le suit sous une pluie d'eau deûeur d'ovauger suivie d'une
grêle de blé ou |.lus conimuiiément encore de grains de
coton et de petites giilettes , augure d'abondance et de
prospériié .
L'époux est alors placé sur une cbaise au centre de la
chambre et la nouvelle nniriée sur une pile de cousains ap-
puyés contre le mur . Les musiciens }ms,-ent encore leura
instruments au dessus delatèiedes conjoints , célèbrent
leurs vertus , la beauté de la jeune femme , la foi-ce et la
bravoure de l'époux , et leur adressent des souhaits de
bonheur . Dans l'intervalle la jeune femme doit se proster-
D.qit.4ea0vGoOt^lc
ET SOCIAL 625
ner encore et baiser la main de cbacun des parents de son
mari ; cette cérémonie achevée, les jeunes filles la condui-
sent dans une maison voii^ine où elles lui servent à man-
ger , en chantant des épithalames , et accompagnent leur
chant du son d'un plat de cuivre qu'elles frappent de leurs
mains , réminisceoce dus cymbales . On attend la nuit qui
ouvre la danse cadencée par la Ijra et le rythme de chan-
Bons appropriées à la circonstance ; force rasades de vin et
de raki éveillent d'ailleurs la verve, excitent et entretien-
nent une joie qui fait oublier une prudente réserve, triom-
phent des effoi-ts les plus héroïques , pour prolonger les di-
vertissements pendant deux jours .
Dans la lampe qui brûle en l'honneur des Saints, 1er
jeunes époux remplacent l'eau par du vin; enfin ils envoient
à toutes les familles avec lesquelles ils sont en relation
une pâtisserie composée de miel et de graine de sézame .
Mftlgré la jeunesse des époux . la race n'est point débi--
le; hommes et femmes sont en général sains et forts , fait
que l'on doit sans doute attribuer en grande partie à l'ex-
cellepce du climat. Le voyageur ne manquera certaine-
ment pas de remarquer la délicatesse toute aristocratique
du pied , voire même de la main des paysannes , qui pour-
tant s'occupent des plus grossiers travaux , et marchent
souvent sans chaussures ; mais ce qu'on ne saurait trOp
leur envier, c'est la blancheur éclatante et la régularité de
leurs dents , qui ne sont certainement entretenue^ par au-
cun opiat ou poudre dentifrice .
Les paysannes sont rarement maltraitées parleurs maris
dont elles partagent du reste les fatigues dans nue large
proportion . Depuis quelque temps , dans certains villages,
D.qit.zeaOvGoOt^lc
^® ÉTAT INTELLECTUEL
les plus rappiothA de la Tille surtout, les mœurs com-
mencent à se relâcher beaucoup ; mais ou ne peut cepen-
dant pas admettre encore aujourd'hui la véracité d'Ana-
créon , qui prétendait compter à Rhodes deux mille a-
mantes:
Tife TiSov-rt
AioxtXt'ouç Èpwtaç. *
Sans doute, le contact de plus en fréquent de la bour-
geoisie plus corrompue que lui, sera fuueste au paysan sous
plus d'uu rapport ; et , comme cela arrive ordiuaireineut ,
sous prétexte de se civiliser , il commence par adopter en
les surpassant , tous les mauvais instincts do celui qu'il
prend pour modèle .
Le paysan conserve pourtant encore un fond de probité
et de bonlioujio patriarcales ; ce qui fait surtout plaisir à
voir , c'csf^son air généralement franc et obtigeaut, la sim-
phcité avec laquelle il accorde l'hospitalité qu'on lui de-
mande , et l'absence totale chez les femmes , de cette pru-
derie affectée que l'on voit chez les dames de la bourgeoi-
sie , aussi bien que chez les femmes de la clas»e ouvrière .
Lorsque rons serez son hôte , il ne vous fatiguera pas de
questions iudisoiè.es ; il vous offrira sans affectation com.
me sans embarras , de partager son modeste repas , et ns
touchera que par politesse à vos propres mets , si vous lui
eu offrez. Lorsqu'on le quittant vous lui mettrez dans la
main une modique somme qui doit le compenser des petits
frais et du dérangemerit que voua lui avez causés , il voua
• Anac. Oie XXXII .
îBBiGooi^le
ET sàCUL 627
remerciera respectueusemeat, acceptera parcequ'U est pau-
vre , et que pour lui l'argent est chose rare , mais il paraî-
tra plus mortifié que content de se voir payer l'hospitalité
qu'il a dounée de et bon cœur .
L'astuce et la duplicité que l'on reproclie géuéralemeut
aux Grecs, sont moins pronoucées chez les Ebodiens; ils ont
prubahlument retenu arec les principes de l'ancienne pro-
bité , quelques-unes des vertus que leur avaient inspirées
les Chevaliers , comme ils ont conservé plusieurs noms de
baptême tout à fait étrangers au martyrologe de l'Église
Grecque. Quelques familles très-anciennes sur le pays,
prétendent même descendre de la noblesse d'Europe ; et à
vrai diie , leurs noms altérés évidemment par une prouon-
dation vicieuse , conservent encore une consonnance assez
marquée , pour appuyer cette prétention ; tels sont les
d'Anghiou [d'Anjou) , Dellaporta {De la Porte) , Cabtrizio
et autres .
En résumé nous dirons qu'un Gouvernement éclaii'é
relèverait bien vile la condition morale du paysan tout ■
aussi bien que celle du bourgeois ; mais pour y parvenir ,
il faudrait l'influence d'un clergé instruit; les prêtres eo ef-
fet jouissent d'une d'omnipotence telle , que leur parole et
leur exemple opérerait une véritable révolution; mais quel
progrès peuvent susciter des hommes qui savent à peine
lire , rarement écrire !
Le Bhodien , le paysan surtout, cEt tiès-attaché à sa re-
rigion et très-respectueux envers ees ministres . Il consa-
cre volontiers son temps et ses peines à l'édiËiation des
églises .
Nous ne nous occuperons pas du costuiçe de l'habitant
D.qit.zeaOvGoOt^lc
628 kTiX IHTBtLICTUn.
de la TÎUe , le costume grec si connu , et qui tend du reste
à être supplanté par la mode pnrisieDDe . ni de celui des
villages voisins , où les cotonnades des fabriques anglaises
prennent le dessus; mais nous parlerons de l'habillement
indigène que l'on retrouve encore dans les villages de l'in-
térieur . C'est surtout œlui des paysannes d'Ëmbona qui
conserve toute eA grâce élég&nte ; il se compose de bottes'
molles en peau blanche naturelle ; pantalon court plissé
sous le genoux ; chemise longue retombant extérieurement
jutqu'aux mollets et brodée sur la poitrine , aux poignets
et sur le tour inférieur ; jupe bleue arec corsage court et
ouvert , s'agrafant sous les seins , et retombant jusqu'aux
genoux en plis serrés, de manière k laisser voir le tour bro-
dédelajupe;jaquette bleue à bordures dorées etàcoupe droi-
te , manches courtes et laissant ressortir celles de la chemi-
se ; ceinture en laine rouge, liée très- lâchement au dessous
de la taille , les bouts pendants sur la hanche ; la tête est
gracieusement coiffée d'un petit tuiban blano ; dont les
bouts garnis de franges rouges , sont ramenés comme un
bouquet sur l'oreille droite. Si l'on ajoute à ce costume une
belle taille , une constitution robuste , un viEflge frais et
respirant la santé, un air franc, l'échange du salut cordial
de ora kali et kal'esto (que l'heure te soit propice , sois le
bien venu) , on compreudi-a que l'on puisse s'arrêter invo-
lontairement, comme cela nous est arrivé , pour voir ces
alertes filles gravir les pentes du vieil Atabyrus ; on ad-
piettra que , sans être linguiste où étymologiste , on pui^a
^rappeler que le mot â|i6b>v, usité dans le grec ancien,
ett essentiellement Bhodien , et signifie montée abrupte
d'une grande montagne, d'où probablement le nom d'Em-
ma ovGoot^lc
ET SOCIAL 623
hojOL donné 'k cet ancien village bâti sur lef^ pentes abruptes
de l'Atabyms .
A l'instar de tous les Levantins , ie Rhodien est excessi-
vement siipurstitietix; il croit peut-être muins à la puissan-
ce de Dieu qu'à celle du dém(in qu'il désigne (vOus les noms
de : rirasmàs , àatmonas , to cakQ . 5 exo apo edhd , &c . Il
Admet avec la plus profonde conviction l'existence de plu-
sieurs esprits malfaisants , et surtout des Néréides {Anera-
des) , qui, habitant pi es des sources , ïotit surtout fuufttes
aux nouveau- nés, qu'elles éprouvent le plus grand plaisir
à étraiigkr . Naturellement , tous ces esprits malins ne se
font jamais voir en plein jour , et ce n'est qu'api es le cou-
cher du soleil que leur influence est a craindre ; aussi la
porte d'une maison dans laquelle il y a une nouvelle accou-
chée , ne s"ouviira-t-e'le jamais pendant 40 jours après le
coucher du soleil ; si le mari a tardé à r^-ntrer, tant pis
pour lui ; il couchira à la belle étoile , ou ira demander
l'hospitalité à un voisin , L'iufluence malfaisante de l'œil
{to mati) , qui correspond au cattivucchio ou gettatura des
Italiens, est parfaitement admice à Rliodts ; mais on a
trouvé le moyen d'en conjurer l'effft. C'est d'abord, com-
me préservatif , une perle bleue , un sequin , Byzantin au-
tant que possible' [Costantlnalo) , et une gou<se d'ail atta-
chés au bonnet de l'enfant , conjointement h une senten-
ce de l'Évangile ou du Coran, ce qui e.-t indifférent ; outre
cette précaution , il y a k'S fumigations avec des feuilU'S
d'olivitr béni pendant la semaine sainte ; elles ont !a vertu
de détruire l'effet pernicit-ux . Vous verrez compter avec
le plus comique bérieux le nombre du fois que ces feuil-
les bien sèches auront crépité sous l'action du feu, ce qui
D.qit.zeaOvGoOt^lc
630 ÉTAT. IMTKU.BCTUEI
indique l'inteDBité p)uâ ou moins grande du péril auquel
on s'est soustrait . Dana plusieurs villiigt>8 . les femmes el-
les-mêmes portent survie front , lorsqu'elles sont habillées,
un triangle en argent doré , sur lequel sont gravée» les let-
tres ICXCN ('Iijîoùç XptaTÔç v[xa); c'est encore un préser-
vatif contre le mauvais œil .
li ne sera peut-être pas sans intérêt de citer encore quel-
ques usages tenant à d'anciennes superstitions, à un cer-
tain fond de moralité . en même temps qu'à un splèma
hygiénique tout particulier , dont la plupart des pratiques
ne seraient certainement pas api)roiim'S par les facultés
de médecine.
Commençons par dire que le Rhodisn . le paysan
surtout , appelle rarement un ■ médecin lor8([u'i[ e:<t ma-
lade; prt-sque toujours il a près tle lui un fratn- qui prati-
que immédiatement la saif^iiée ; ensuite viennent les remè-
des traditionnels, parmi losquels l'ail et, Tuigion jouent uq
grand rôle pour la médication externe ; ica herbes aroma-
tiques servent de médicanionts internes . Xims ne décide-
rons pas si ce système. joint aux autres pi.itiques hygiéni-
ques dont nous allons parler, est iircférai ie ou non au tcaî-
tement médical des fiicuhc's , mais nous constaterons que
la mortalité parmi les paysans n'est pas plus grande que
parmi les bourgeois , et que Ii'ur constitution laisse bien
moins à désirer que celle des personnes qui suivent le trai-
tement prescrit par l'urt .
Les Icmmes qui reçoivent un enfant îi sa naissance , ne
peuvent sortir de la maison qu'après avoir reçu les béné-
dictions d'uQ prêtre appelé aussitôt. Des lotiont- de vin tiè-
de , dans lequel on a fait bouillir des herbes aromatiques ,
saovGoOt^lc
ET SOCIAL CGI-
EOnt admioUtrées à la mère , qui , contmirement à toutes
les prescriptions médicales, pendant sept jours consécutifs,
subit dfS tortures plutôt que des pansements , dans le but,
(!it-on, de rétablir l'équilibre organique. Le huitième jour,
l'accouchée est soumise par la sage-femme à une torsioa
des membres ; api es cetle ('ernière opériition elle peut , si
elle ne l'a déjà fait, quitter le lit et vaquer à ses occupa-
tions .
Le nouveau-né est immédintemeiit lavé avec de reau.oiï
mieux encore du vin tiède dans lequel on a fait bouillir des
feuilles de myrte ; on le couvre ensuite , pendant quelques
heures , des pieds jusqu'au cou , d'une conche de sel fin ,
qui, tout en raffermissant les chairs , doit le préserver des
maladies de la peau; on remmaille; te alors, en faisant avec
la main force signes de croix sur le front, sur la poitnne
.et sur les pieds , et en ayant soin surtout d'introduire dans
les plis de f-es ijinges une croix et une amulette ou une
bonne gouBf.e d'ail , le suprême préservatif contré le mau-
vais œil. Les assistants duiveni bien 8e garder de vapterla
beauté du nouveau-né, et si une exclamation involontaire
échappeà l'un d'eux, les autres s'emprettentde cracher sur
l'enfant et de s'écrier : ScordÏM Calamrd-ena (ail de Calavar-
da, qui est considéré comme le plus cfficflLe de l'Ile). Cette
exclamation contient un énergique sous-euiendu et signi-
fie : " que l'ail de Calavarda pénètre dans tes yeux , pour
en annuler la maligne influence !"
Lorsqu'on lave l'enfant pour enlever le sel , les parents
jettent dans le bain des pièt es de monnaie, qui sont un pré-
sent pour ta sage-femme ; mais nous devons plutôt voir
dans cet usage un touhait de richesse en faveur du nou-
■ D.qit.zeaOvGoOt^lc
632 ÉTAT IWTBUBCTUIL
veau-né . En TemmailIottaDt cette foia , on lui met sur le
nombril un conssinet de tuile détr»mpée dans du vin d'a-
bord . ensuite dans du myrte ou du café en poudre ; ce
coussinet est destiné à empêcher rezcroissanoe du nombril -
et à prévenir la supuration . Le builiènie jour , et après en
avoir fini avec la mère, la siige-femme donne k l'enfant
son dernier bain aromatique après lequel on le place pour
la première fois dans son berceau, où oti le laisse reposer
pour quelques instants , entouré d'une infinité de petites
bougies allumées par les parents qui assistent à la céréoio-
nie . TTq enfant premier-né trempe ensuite son doigt dans
du miel et en enduit les lèvres du nouveau- né , en lui di-
sant : *' puisses-tu être aussi doux que ce m'el !" La sage-
femme s'avance alors, tenant.ua pain sous le bras^ucbe
et un encensoir de la main droîre ; on lui donne l'enfant
avec lequel elle va trois fois vers la porte de la chambre .
en échangeant chaque fois avec Iqs assistants , en son nom-
et au npm du nouveau-né , des saints de congé et de re-
tour . Elle encense toutes les images de la maison , et re-
met l'enfant à sa mère eu lui souhaitant de le voir grand ,
sage et fort ; ceci tait , elle ramasse tous les bouta de cier-
ge qui brûlent autour du berceau . en fait trois croix, dont
elle colle l'une au dessus de la porte , l'autre à côté du lit
et l'autre sous les images des Saints . A partir de ce mo-
itient , c'est la mère qui doit exclusivement prendre soin de
800 nourrisson ; il est rare que les Rhodienues n'allaitent
pas elles-mêmes leurs enfanta .
Nous avons dit que l'ail jouait un grand rôle dans la
médication du pavsan ; voici un fait dont nous avons été
. les témoins oculaires , et nous pouvons certifier que le
;ao;GoOt^lc
résultat en a été radicalement efiScace . Un yajBaa déjà
indisposé , obligé de faire une course de dix beure^ à pied,
revient chez lui en proie à un terrible accfea de fièvie ; un
médecin de nos ami» qui se trouvait d:ins le riilage, muni
de sa pharmacie portante , lui ailmiiii^tre une double dose
d'huile de ricin et lai en laia.'-e une bien furte de quinine
qu'il doit prendre le leudemain . Nutie homme arrive en
effet dans la matinée suiTaiitc ; sa bonne mine réjouit le
docteur qui en atti ibue uatur--ilemeut tout l'effit à ses dro-
gues ; mais le paysan , souriant de cet uir narquois parti-
culier aux paysans du monde entier , le déirompe bit-utôt .
L'huile de ricin lui ayant donné nianvai.''e bouche , il avait
commeucé par avaWr une douzaine de ligues dinde en gui-
se de correctif , après quoi il avait mangé un bon plat
d'aubergines frites à l'iiuile , et arr^>^é^■a d'une abondante
aillade , rtmède souveiain , qui avait coupé court à U ma-
ladie . ,
Si un ^enfant ïoiiffre de douleurs, la mère , pour les faire
ce^^er , mâche 4uelques clous de girofle , et lui insuffle for-
tement son haleine dans la boucliu pendant qu'il prend sa
respiration ; ou , chose plus rationnelle encore , elle lut
fait avaler quelques cuillerées d'iufuKion de camomille.
Le remède usité contre les inttririyos et tes pi.rîitrira-
mes des enfants est , nous pouvons l'arsurer en toute con-
fiance , dès plut, infaillibles , et ne noue parait contraire à
aucun principe hygiénique: on lave d'abord 1 enfant avec
du vin tiède , dans h-qnel on a fuit infuser du myite , et a-
piès l'avoir eS'^uyé , on saupoudre les endroits échauffés
avec du myrte Béi:bé an four it ânement pulvérisé, ou bien
LQcoie a\ec du (.afé en poudre . Il est rare que l'éijhauffe-
saovGoOt^lc
634 _ ifAT INTELI-ECTtriL
nitiut fie chàe pas au bout de queltiues heure» .
Les cûQtusiuDB , lea tuméfactions , sont soignées avec de
l'oignon pilé , appliqué sur la parlie malade , t-t uous de-
vons couveuir que l'effet en est tiès-ellicace .
La soie DOUTt'lïemeiit filée est un bon préservatif contre
le mauvais œil et contre le bâ!e du prititempe ; aussi les
feuiracB et les eufants ont-ils soin d'eu faiie des bracelets
qu'ils portent jui^i^u'à la S'- Jean , jour où ils les jettent
dans le feu de joie (jue l'on allume devaût chaque mai-
son .
Disons à la luuange deE Bhodieniies , que l'usage du
fard , bi con^mun chez les dames Turques et chez les Grec-
ques des autres pays , est rare parmi la bourgeoisie et tout
à fait inconnu dans les campagnes .
Parmi les superstitions qui ont le plus de crédit à Rho-
des , nous trouvons celle de la ligature, opération magique,
œuvre d'un ennemi ou d'uu rival , qui réduit à l'impuis-
sance d'abord , entraîne au marasme , et finalement à la
mort. La conviction à cet égard est si forte, qu'il n'est
pas rare de voir la crainte produire tous ces effets sur les
sujets les plus robustes . Naturellement , à ce mal comme
à tous les autres, on a trouvé des remèdes ; mais c'est sur-
tout les Papas et les Imams (les Grecs ont volontiers re-
cours à ces derniers) , qui ont le plus de pouvoir pour dé-
lier le charme par leuis exoicisnies . Si le papas 'n'y réus-
■ sit pas avec ses prières , il lui reste comme demière res-
source le divorce légal .
La croyance aux revenants n'est pas moine vive, et vous
entendrez assurer , avec la plus profonde conviction , que
tel mort reparaît en revenant: ffa/aAaKo* . Un prêtre requis
saovGoot^lc
ET SOCIAL 635
1 ilors se décide à force d'aigent , à exorciser le mort qui se
] >ermet de venir troubler la tranquillité des vivants . La
I ;érémonie consiste à étendre sur Je tombeau un habit du
défunt; le prêtre , soutenu par deux gaillards qui doivent
le tirer à eux dans le cas où le revenant le saisirait par les
pieds , se promène sur le tombeau en récitant des vertets
de l'Évangile . La conviction e.'t si profonde , que toujours
a pe ur fait entendre un gémisscmfnt et ressentir un léger
tremblement du sol , indice certain que l'esprit malin qui
s'était emparé du corps du défunt l'a quitté , chassé par
la vertu des exorcisnies . Malheureusement les prêtres
ignorants et crédules autant qu'intéressés , entretiennent
toutes ces superstitions , et les confirment de leur autorité,
au lieu de tâcher de les faire dispaïaître .
Nous retrouvons dans les malédictions quelques anathè-
mea du paganisme , tels que : Na mi se parei o Baron,
(puisse Charon ne pas te prendre ; c'eot-à-dire puisses-tu
ne pas passer le Stjx) ; de même quelques cérémonies usi-
tées dans les funérailles; c'est ainsi que, au lieu de la pièce
de monnaie que les anciens mettaient dans la bouche du
mort , dfoit de péage au rigoureux nautonnier , les grecs
introduisent aujourd'hui un morceau de tuile (ancienne
autant que possible) , sur lequel ils gravent les cinq lettres
appelées Pendalpha , monogramme des mots: " 'Ititoûç
Xp(OTÔî vtjtà ." Les repas funèbres sont' remplacés d'abord
par le pain et le vin que l'on offre aux assistants au sortir
de rjÊglise , et ensuite , à certaines époques fixes , par les
KoUiva , mélange de blé bouilli , de sucreries , de bésame ,
de grains de pomme de grenade, d'amandes , do persil kn .,
qui, bénis par l'officiant, sont distribués aux assistantb;
■ D.qit.zeaOvGoOt^lc
Wd iXAT IHTELLECTOEL
en se servant, ceux-ci disent . 0 Theos aynchored-tou q se
Dieu lui faase miséricorije !
Dans les joies aussi bien que dans les douleurs revit e o-
core plus d'un usage , souvenir du paganisme . Ainsi, cod i-
me les temples , l'église est transformée actuellement »
certaines époques de l'année, le jour onomastique du Sain t
BOUS le patronnage duquel elle est placée , en lieu de réu -
nion et de consommation. Le jour du Panighiri, on voit - ■
accourir les paysans de plusieurs heures de distance . La
amis et inconnus dansent au bod d'un instrument à ti-ois
cordes , dont un archet orné de grelots tire des sons très-
peu harmonieux ; néanmoins cet instrument a couBervé le
nom de Lj/ra .
Le pas de la danse Bhodienne {Ehoditicos) , est des plus
simples : deux pas de côté du pied droit ; un balancement
en avant du pied gauche ; cet exercice répété depuis l'ou-
verture jusqu'à la fin de la danse est , comme on le voit ,
passablement uniforme ; mais ce qui lui donne une certai-
ne grâce , c'est la parfaite régularité de mesure avec la-
quelle tous les danseurs exécutent ces mouvements , et
l'apropos avec lequel ceux qui y veulent prendre part lore-
. que la danse est déjà ouverte , même les fillettes , saisis-
sent le pas et la mesure . Le chef de file , un homme ordi-
. nairement, exécute des pas de fantaisie . des gambades»
des entrechats , des contorsioua plus ou moins gracieuses ;
les autres danseurs se tiennent par les mains croisées de-
vant eux ; c'est-à-dire que le premier , le chef de file , à la
main droit libre pour tenir et faire flotter un mouchoir au
dessus de sa tête, en exécutant ses solos et ses contorsions;
le second pèisonnage , une jeune fille , sa prétendue géné-
ra ovGoot^lc
ET SOCIAL 637
ral ment , a les doigte de k main droite passés dans la
ceinture du chef de Rie , qui de sa main g»uche , tient la
main de la troisième danseuse : la secoude à son tour
s'attache par te méaie geite à la quatrièirie , et aiusi de
suite .
I^es exécutants futment nu d<-nii-cercle , nu centre dii>
qnel, à côté d'un bon fou d<- bûclies qui sert d'illumination
(car on danse en plein air) , se tient lo joueur de îyi-a ,
qu'accompagne parfois unu Tzambouna , très-ret-eembiante
à la Zumpogua des Italiens , ou au Biuiou des Bretons .
L'orchestre est payé par les dons volontaires des cava-
liers et surtout du chef de file , ordinairement généreux
lorsqu'il danse auprès de sa fiancée .
Il est curieux de remarquer que quelques rases retrou-
vés à CamiroB , représentent des scènts de danse irès-res-
Bdmbantes au Ehoditicos, ce qui donne lien de supposer que
cette danse nationale remonte aux époques lès pins recu-
lées . Quant à la lyra , c'est un horrible instrument qui n'a
rien de mélodieux que sou nom; sur les vast^s dont nous
venons de parler, elle est remplacée par les Hùles et les
cymbales. Ceci prouve qne les Uhodiens sont loin d'avoir
fait des progrès dans le doux art de la musique .
saovGoot^lc
D.qil.zMBlG001^le
GÉOLOGIE, CLIMAT
AGRICULTURE, COMMERCÉ
D.qil.zMBlG001^le
îBBiGooi^le
ÉTUDE GÉOLOGIQUE
Diins le Chapitre intitulé Topograpliie , nous avons at-
tribué l'uiigiue de l'Ile de Rhodes à un soulèvement voka-
nique ; mais iious nous aonimea arrêtés subitement à l'en-
trée du la voie dans laquelle nous paraissions di-voir natu-
rellenietit nous engager . Piua d'un critique bienveillant
uous fera donc observer nin- les notions g'-'oloiçiqufS par
If^queile^ est ici déxeloppée celte assertion , ne bout pas k
Itur place . Toutefois , si parmi nos Itcteurs il t'en rencon-
tre qui aient fréquenté ces Iles, iU con'i prendront les diffi-
cultés devant le>quel!ea nous avons longtemps hésité . Ici
rien ue favorise les obaurvations en éveillant la curiosité,
en forint l'attention ; iiucune entreprise nécessitant des
traucliétiS ou dus forages profonds , ne met sur les traces
du travail de la nature ; les instrumimts ne fout pas moins
défaut; la routine a engendré rini.>raB; le commerce ab-
D.qit.zea'0vGoOt^lc
642 ÈTt;DE
Borbe seul tous les capitaux ; l'agriculture n'en reçoit au-
cune part . Cependant combien np gngnerait-elle pas, BÎ on
voulait fiiire jaillir difs entmilles de la terre l'eau abondan-
te qu'elle emprisonne . qu'elle offre trop facilement k aa
surface pour ne pas encouTagcr la paresse et l'indifféren-
ce ; trop parcimonieusement pour ne pas entraîner lami-
ne . L'aspect de ces vat^tes plaines abandonnées pendant
des fraisons entières , ramène à la pensée les élégies que ,
par la lyre d'Ovide, Tflltis adreE<sait à l'Olympe . Dans une
traduction de la Ballade de Schiilcr , l'éditeur a publié dea
tableaux dont le premier montre la morne terreur qui s'é-
tait appesantie eur le domaine des Cbevaliers ravagé par
le Dragon. Si cet épisode auquel nous avons donné une
large place dans notre récit , e.'-t un mythe au jugement de
la critique , cette science austère nous accordera du moins-
que l'imagination qui l'a enfanté , a , par une vue prophé-
tique , peint dans une vive allégorie la torpeur du pré-
fient .
Pour suppléer à ce sommeil d'une activité qui occasion-
ne ailleurs les découvertes géologiques , nous n'avons que
l'action des tremblements de terre et les éro>ion3 des tor-
rents ;. la science exige des agents plus intelligents , et des
travaux plus suivis. Nous devrons donc nous borner à une
étude auperScielle , il est vrai , mais indispeusable dans ua
livré que nous voulons rendre aut-si utik-, et pour cela aus-
si complet que possible .
§ 1 FORME ET SUPEKFICIE DE L'iLE
Dans la masse du sphéroi'de terrestre , l'Ile de Rhodea-
' D.qit.zeaOvGoOt^lc
QÈOLOaiQL'E 643
eSit poul- ainFÎ dire le point iiéométrii]iîe; mais si resserrét^s
i]âe soient ses diiufusionâ dans une maille du ré>6;iu géo-
logique, eV.Q» founil&bent néauuiuins au calcul des duiiii<^es
appréciables .
L'inclinaison de l'Ile sur l'Equateur furine un ang!e d»
57°',d'Eâten Ouest; r^dressuns-la en la f'iisant touintr
iiutour d'un point lixe , h- Cap Cuuinbournon , jusqu'à, ce
<\ne ta ligne droite menée tie ce point au Cap Prasoiii&v
Ci/iiicide avec le Méridien de Paris , par 25" ; l'^rc de lati-
tude intercepté entre les deux parallèles mesure O 42"; or
1' égalant l^^GBô"" ,1a longueur absolue de 1 Ilf ei-t de ()i)K
997'»'. La ligne de la plus grande largeur, du Cap Monoli-
tbos an Ca p Lardos, e.st de O^SO" ou 33^ 320"' ; on \ oit par là
que l'Ile mesure en longueur un ]H'u plut^ que le double Je
sa lirgeur ; ces deux lignes serviront de bwe îi touti^s les
observations suivantes; mais nous ferons renitir.|Uur ea
passnut , que Celle de plus grande larg«'ur forme ».ur i^ pa-
ral.èle 36*^ 3", ou sur le pamllète du diaphragme de Dicéar-
que , un angle de 17° . Si nous rappelons cette ancienne
ligue géographique , ^■'e^t parce que nos lecteurs savent
qu'elle pa>Bait " sous la latitude de Ehodes, dans la direct
tiou des Colonnes d'Hercule à Tbynœ", comme on le voit
dans les «y?itèinf>s d'Ératosthène et de Strabon ; qu'elle sëru
vaitide mesure àjces illustres géographes , et que le der-,
iiii r , en la suivant h. l'Ouest , avait di'.viué le nouveau
Monde . * ■■ '
Maintenant que nous avons redressé l'Ile perpendiculaî-
• Cf. De Humbolt . Co^ww T. I .
saovGoOt^lc
644 &T[:dk
rament à l'Equateur et au Mëridîpu , il est fncile d'aniJf-
Eor les lignes qui en oomposent la silhouette . Par 35** 4' da
longitude , elle repose sur une base large de Sk^SO'"' for-
mant avec l'équateur un angle de 39° . Sur cette basa se
développe un quadrilatère irrégulier , limité par une ligna
pai'tànt du Cap Fourni au Cap I^ardos ; au dessus , un pa*
rullélo^ramme , dont la hauteur est dt; 3)^75 , et dont ua
des côtés sert de base au vaste triangle dont le sommet est
ipccupé par ta ville .
Les côtes offrent une régularité remarquable de ligues ,
à rO. principalement , et il e&t tièij'facile de mesurer la
superficie de l'Ile; le quadrilaièie comprend *^43'^'=825.098;
le psrallélogi-amme 134k<: 892.855,61 le triangle 7541^080,
997. C'est donc une superficie totale de U32K= 798,950.
Partagée en deux vei-sante par une cbaine lungitu linule de
monti^nes , et par la perspective inclinée (•uv l'Equateur ,
rile a la forme symbolique d'un £oc du cbarrue avec son
arête dorsale . La nature indique, impose uiénie k desti-
nation de la terre qu'elle livre à l'boiume ; les anciens et «
au Mojen-Age , les Chevaliers avaient cuinpiîs et accepté
qu'un peuple commerçant et jaloux de (>on indépendance ,
doit se nourrir par le travail de la terre ; c'est ce qui expli-
qua l'inimeuse population disséminée sur la sui face de leur
jardin . Mais un esprit meicantile et féuérateur a pris le
deflsnB , et la population déjà bi réduite, que l'Ile est deve-
nue un désert , ti'eiidette fatalf ment .
^2 KODLEVEMENT ORIdTN'AIGE . Ét.O^lUNS .
li'Ile de Rhodes n'a pas ". la disposition habituelle dea
saovGoOt^lc
aEQLOQlQUS Q4d
fies rolcaoîquei , en courbe , dont le côté ooQvez9 est tour-
dé'Ters rOcean . et le côté eunoare vers le continent,"
disposition '• ttès-caraciéristique . • Il n'en faut pas oon-
oltirs néanmoins à une origine contraire . Car le travail du
feu iotéiieur a dea effets multiplet: et variés . Ici rien de
violent ne s'est produit; aucun pic ne présente l'aspect
d'uif Tomitoire , à l'exception peut-être du Kéroniatis , au-
quel on serait tenté de donner une autre orthographe (|ue
éetle usitée par la prononciation traditionnelle . Ce|(endant
(ti, % pi:<emière vue, nous avons cru reounnattre un omtère
dans l'entonnoir découpé à la crête du mamelon ariile et
rocheux , nous avons dû hériter après réflexion ; car nous
n'avons pas rencontré la roche ignée , mais seuK-munt une
ai gile' ferrugineuse que Ton rencontre encore sur la pUge
de Castellos et en d'autres endroits . Il e^t vriû. qu'il n'est
pas raVe de ramasser des morceaux de Ltve ; mais eu géné-
ral iU ont été travaillés ; ce sont des débris de petites meu-
les .11 y^a aussi des gi&emeuts considérables de pierre pon-
ce- sur plasieura points du nvage . lj& présence de ves mi-
nét^uz s'explique autrement que par des érupiions locales.
Eh effet les volcans éteints de l'Archipel ont jeté , et sur-
tout celui de Ni^siros encore en activité , continue à jeter
dans la mer des, roobes en fuxion ; oos différeutes roulies
BtflidiSées par une refroidissement subit , ont été oiisuits
Chatriées par les vagues , puis soulevées avec le fond delà
mer à la hauteur où elles se trouvent au dessus du niveau
dés eaax .
' Qrtinmr. TraiU tU Qool. et de Pftl .
saovGoOt^lc
646 ÉTUDE
La convexité même opposée à la cô:é asiatique , et la
pliiB graude régularité de la côte bar&ile avec riiicliuaisoD
d'(.)ue8t en Est', prouvent la leuteur avec laquelle s'est o-
péré Ce soulèvement; car c'est la direction du vent domi-
nant, ft le travail de la tuer est sensible d'unô aimée à
Irtutre à tout obaarT.iteur qui établira son point de i-e|)ère
au Coumbouniou . Toutefois l'effoi-t volcanique dont l'Il»
e^t le résultat , a été assez énergique pour pousser des ai-
guiUi-s de granit jusqu'au sommet d^^s moutagnes . Il est
évidemment marqué pur leur aspect que le foyer princi-
p il d'acdon était au centre même de la longueur de l'Ile ,
ECUS le uiont Atabyms . -
Li direction ordinaire du vent a maintenu sut la verti-
cale , et Solidifié plus rapidement tout le fianc occidental
et Beptentrîoaal de ce limon , qui s'est au contraire affais-
sé librement et sans coatrainte au S. et k l'E . La masse
de cette première montagne comprime les forces ezpanu-
Vh8 des gaz intérieurs , déaormais soumis d'une part à la
pression du vent, et de l'autre à celle de la première émer-
sîon ; ils agissent selon une résultante qui preud la dire-
ction de la diagonale d'une parallélogramme , jusqu'à ce
que l'effort dominant la résistance sur 36c»2' de latitude ,
et par l'effet de l'écoulement des eaux, se partage en deux
branches , dont la principale , conformément aux lois phy-
siques dont relèrent ces phénomènes , est celle qui s'al-
longe un moment au S'-O ., pour se replier eu arc vei*s
le S-B., toujours en obéissant au souffia du ve.it ; l'autre
branche , au contraire , se prolonge en ligne droite à l'B.,
au^si loin que la consistance du limon résiste à l'entraine-
uieut des eaux. Cette chaîne porte le nom de monts Skatbi ,
saovGoot^lc
oiyLOGiQi.a 647
Au Nord de l'Àtabyrus , le soulèvement prend la direc^
itiou d'occident en orient sur 36" 16' de latitude; il en ré-
sulte une plus grande liberté d'affaissement du limon vers
le N., quoique toujours combattu par les vagues; pris
entre deux résistances contraires , mais inégales parla du-
irée et par l'effet du refroidissement , ce courant quasi soli-
<de , obéit à la loi de la pesanteur , et forme deux viTsants
opposés dont la ligne de séparation , commandée par le
vent d'Ouest , mais contenue par une trop large base, baU
longe comme la bissectrice d'un triangle isocèle, vers le
N-E., inclinaison commniidét: par la force réEultante . Le
caractère propre de ces dernières élévations est de former
dos plateaux réguliers déchirés à pic, par leâ torrents dont
.nous allons maintenant étudier le rôle .
§ 3 Assainissement , ébosioks .
Le parallélisme parfait des courbes de gravier, d'argile
<et de roche calcaire, montre une action calme et régulière,
■sauf en quelques points où l'on peut taisir uu buursouffle-
nieut opéré peut-être à des époques po.stcrieures . P;ir l'ef-
fet de la direetioH ordinaire du vt-nt, tout le fliinc occideu-
twl de cette montagne de limon s'est maintenu selon la ver-
ticale et solidifié rapidement, tandis qu'il s'est h ff.ùssé li-
brement et sans contrainte au S., et plus à l'E.; l'immense
quantité d'eau , entmînëe par la loi de l'équilibre sur ce
plan incliné ne lut a pas néanmoins donné l'aspect qu'il
.a maintenant ; car eu glissant sur uue surface honiogèue
saovGoOt^lc
648 ktVDU
«t dans des conditions à peu près égales de cohésion ,
cette eau aurait donné au sol une surface polie avec ces
ondulations vagues et adoucies des coteaux qui détruisent
la monotonie des iraoïeufes vallées ; à ce premier travail
de l'hydrostatique , à succédé celui plus violent des eaux
pluviales .
L'observateur placé sur le sommet de l'Atabyrus voit en
effet des déchirures profondes ; les flancs abruptes des
' montagnes ainsi déchirées, prouvent que le travail d'éro-
sion , commencé depuis tant de siècles , bo continue encore
de nos jours . Ce phénomène ^él^ulte donc de l'action éro-
sive de l'eau ; mais il est préparé par l'uction chimique d»
l'acide carbonique . Une quantité considérable de ce gaz a
été mise en liberté par la décomposition rapide, sous le
chaud climat du Iievant, des matières organiques soulevées
avec le fond de la mer . Ce gaz, plus léger que l'eau, s'est
combiné avec la roche calcaire dilatée par la chaleur de
vaporisation de l'élément liquide , s'est oppof-é à la solidi-
fication de la l'oche neptunieunoret lui a conservé sa natu-
re de sable et de gravier. Puis les vapeurs condensées, re-
tombant avec violence sur le sol qu'elles avaient abandcm-
iié , mais moins pénétrable, le rongèrent superEcîellement;
alors , le gravier entratné augmentant à mesure leur puis-
sance éroaive, ce furent de véiitables avalanches de liihon;
en même temps l'équilibre était rompu ;les cavernes ereu-
Êocs longituditialement se remplissaient par les effondre-
ments des couches supérieures; de vastes nappes glissaient,
et tout cela, emporté par le torrent , retournait au fond de
la mer pour élargir la base de la terre qui venait à 'pcûoo
de surgir des profondeurs de l'abîme..
saovGoOt^lc
aioLOGiQUi 640
Ce gigantesque travail que nous venons de suivre , se
réalise encore toua les jours ; les proportions seules ont
changé ; les collines qui ne forment paà un système suivi ,
mais des ondulations en quelque sorbe indépendanlea ,
marquent progressivement la marche décroissante du phé-
nomène; la violence et la fougue ont fait place à un cours
normal -et calme ■ I^éanmoins les eaux que les orages ver-
sent pendant l'hiver , concentrées dans un vallon en sui-
vent la pente , et, se réunissent au pied des collines ; elk-s
pénètrent le sol très-perméable , en soulèvent une uiatse
qui disparaît dans le courant , et élargissent un nouveau
lit au fond des vallées , qui tendent à baisser d'un étage .
C'est ainsi qu'après un de. ces orages terribles, le paysan
cherche vainement la terre qu'il avait cultivée ; et nous
avons été témoin du désappointement <'e M. Alfred Bilîotti,
lorsque , revenant à Calavarda , il voulut revoir les plata-
nes séculaires sous l'umbie desquels il avait plunté sateute
pendant les années qu'il avait cousacrées à l'exhumation -
de Camiros . Il est vrai que toute cette terre n'est pas per-
due ; les tempêtes la refoulent vers le rivage , mélangée
d'abord avec le gravier; une végétation maigre se déve-
loppe .engraissant l'aride ; les champs arable-, gagnent en
largeur ; le boureîet rie ceinture retient les taux qui for-
ment des marais; les alluvions tucessives les exhaiisseiit,
et si le tmvail de Ihommé s'ajoutiiit à celui de la nature,
la supeificie livrée à la chan ne , cruîtrait considérable-
ment .
Les tranches vives de ces lits primitifs et de ceux qui se
creusent actuellement, offrent l'aspect d'une puissante ana-
tomie livrant aux regards la consiiiutien du sol déjà classé
saovGoOt^lc
650 ÉTUDE
par soD origine . Mais il convieat d'ea faire auparavant le
relief , pour expliquer la marche suiTie par ta nature dans
la formation et la stratification des roches .
§ 4 REUEP DE l'île , HAUTIUB ABSOLUE , EÏLATIVE ET COM-
PARATIVE DES U0NTAQHE8 .
Le travail de soulèvement et d'érosion que nous avons
. décrit , ne serait pas complet , si nous n'en suivions les ef-
fets , ai nous n'en donnions l'intensité de bas en haut et
réciproquement .
La carte de Spratt indique la hauteurj relative en pieds
Anglais (2"* 30479) des principales montagnes , c'est-à-dire
leur altitude au dessus du niveau de la mer; il reste à
déterminer leur hauteur absolue, c'est-à-dire à plonger
.jusqu'à leur pied ; or les sondages qui ont été opérés sur
les côtes , à 3 milles de distance en moyenne , (4^ 823'" ) .
nous permettent de réaliser ce calcul aveo précision . On
nous fera peut-être observer que cette ceinture est trop é-
troite pour donner urm mesure matériellement exacte ;
mais ne peut-on pas supposer plutôt que .si plus au large,
il faut fîier plus de soude , c'eat. qu'au delà des limites dans
lesquelles nous nous renfermons, il y a d'autres muutagues
dosaiuant des vallées ultérieures, et n'appartenaut pas di-
temcnt à la masse de l'Ile .
Un tableau comparatif est la méthode la plus explicite
pour faire compreudre à nos lecteurs l'importance géologi-
que de cea mesures qui semblemieut n'avorr d'autre intérêt
:q,t7edi>G00t^lc
QÊOLOaiQUE 651
que celui d'une détail géographique . Les degrés dont nous
nous BervoDS sont calculés d'après le méridien de Green-
wicb , que nous avons dû adopter sur notre carte . On sait
que la valeur relative des montagnes correspond h ce qu'on
est convenu d'appeler l'altitude accidentée du sol au des-
sus du niveau de la mer ; la hauteur absolue est le prolon-
gement de leur verticale jusqu'à une profondeur limite dans
les eaux .
MONTAQNES
LONGITUDE
i-ATITUDE
SONDAOeS
HAUTEUR
D.g.
Min
Deg. Mi,
Ooci.
OrU»
Rdat.AbBOl.
Paradiei
28
8
36 |23
296
299
281! 677
Coskinou
28
16
3G 23
314
238
1861 424
Coumoully
28
10
36 '21
213
274
417 691
Ladhico
28
15
3«
19
246
367
164 1 521
Aphantiou
28
12
36
18
197
367
344 701
Hocbkcona
27
5e
36
18
197
356
521 718
Aghi-Elia
27
58
36
16
269
293
799 1058
Spérioli
28
2
36
16
269 î 293
6471 908
Château Casfellos
27
60
36
10
248 i 292
154
402
Koutzoutht-y
28
5
36
15
193' 192
608
700
Tzamijica
28
11
.'16
14
228 339
300
a39
Elias
27
60
36
13
186 1 338
536
724
^taïros
27
54
36
12
267 ; 366
1240
1507
Arcliangélos
28
9
36
12
299 j 330
526
856
Houghla
28
3
36
10
137 1 266
351
616
Akramity
27
47
36
9
243 1 283
825
808
Kalutho
28
4
30
8
329, 10>
309
635
Asclipio
27
68
36
4
219 33h
270
606
Skathi
27
50
36
1
205 ■ 316
607
832
l^ropliilia
27
63
36
5
109 1 331.
4!>4
603
Horokia
27
49
35
68
197
26Ù,
308
605
L'altitude mojenue des montagnes »8t 470"!; à ce chiffre
ajoutons la profondeur moyenne des sondages (Se?"-) . et
nous obtenons ],our évaluation du travail volcanique une
verticale de 737'" .
A cette profondeur S(;jyg. marine où nous prenons la base
saovGoOt^lc
652 ÉTUDE
des montagnes rhodiennea , l'Ile mesure en chiffres ronds
1700 kilom . c, c'est-à-dire que les érosions l'ont élargie
d'un© ceinture dont la surface égale 568 kilom. c .
Les grandes profondeurs sont beaucoup plaa rapprochées
de la côte méridionale que de la côte occidentale , et il doit
en être ainsi , puisque le rent ramène sans cesse à celle-ci
le limon que la mer reçoit , tandis qu'elle emporte au large
celui qui lui arrive du Sud . C'est pourquoi l'Ile , comme
nous l'avons dit , s'élargit sensiblement au N-0 .
Tombant des trois systèmes priacipaux de hauteurs aux-
quels noua avoua réduit le- soulèvement , les eaux ont four-
.ni cinq vallées , dont la principale est naturellement do-
minée par r Atabyrus . Elles sont toutes à l'altitude de 0™ ,
et même les dernières eaux coulent dans le lit des torrents
au dessous du niveau de la mer et disparaissent par l'inâl-
tration et l'évaporation .
§ 5 CONSTITr-TION DU SOL .
Au sommet des montagnes occidentales une ci-oûte dur-
cie de roche calcaire teneuse accidentée de tmncades pro-
fondes , fournit la pierre à bâtir , de qualité très-vanabie
comme l'épaisseur de la couche . Cette pétrogénie s'expli-
que par l'hydratation , non pas que le miiiéial constitutif
soit trèa-soluble dans l'eau pluviale ; "mais cette faible so-
lubilité est compensée par l'énorme quantité d'eau qui cir-
cule dans lea roches calcaires ;" or n'oublions pas que celle
dont nous parlons contenait une grande partie de carbonate
saovGoot^lc
QÈOLOOIQUE $5à
,.decliaiix provenant de la deetructio a des coqaiïliges cal-
. cairea ; c'était donc à l'origine un spath dolomitique qui
,fut " dissous lentement et emmené par les eaux ." •
Cet enlèvement continu dn carbonate de chaux déter- '
miue la structure poreuse et caverneuse de la roche do-
lomitique et en même temps , la deati-uclion des coquilles
calcairea qu'elle contenait . Plus tard , raction des eaux
se faisant encore sentir mais ne trouvant plus l'éiément
soluble , les parties dolomltiques se sout déposées à i' état
cristallisé dans les pores situés plus profondément. La
transformation s'est doue opérée de haut eu bas ; et c'est
ainsi que la roche stratifiée, riche e.i f jssilei , est devenue
nettement cristalline et a perdu sa ^tratificatiou . *
Avant de descendre du sommet des montagnes , notons '
le marbre que l'on rencontre sur l'Atabyrus , sur l'Akra-
mity et sur les montagnes de Lîudos ; le premier mérite h,
peine d'être classé dans les marbres ; les autres sont plus
fins , généralement bleus , quelijuefois blancs ou porphy-
;riques .
Pour expliquer la présence accidentfUe de cette variété,
pous emprunterons encore la théorie de métamorphisme
de Credner . Des roches d'une température plus élevée se
sont fait jour au milieu des calcaires compactes et les out
transformés en un marbre grenu qui n'a pas d'ailleurs en-
tièrement perdu l'apparence de la stratification , ni lestra-
. ces de restes organiques . Ainsi les maisons de Sianna et
^cs villages environnants sont bâties avec des plaques de
« Orfdner . T. de Guo!. et de Pal .
saovGoOt^lc
654 ÉTUDE
marbre , qu'il suffit d'amener sur leur tranche verticale à
une coupe régulière ; à Lindos comme à Sianna les pièces
travaillées sonl marquées des cavités laissées par les co-
quillages fossiles .
Cette croûte de rocher suspeudue au sommet du flanc
des montagnes comme des mui-aîllvs de hautes forteresses .
est sillonnée de fentes profondes , couvre de vastes caver-
nes , est forée enfin de puits plus ou moins réguliert; daus
leur forme cylindiiqne ; ce dernier accident a son expli-
cation de nos joure encore sous les yeux d'un ob^e^vateur
attentif . En effet à Ëhodes , comme partout où la nature
a conservé sa liberté d'action , dont l'intensité a seule di-
minué , le temps présent explique le temps passé . Or au
pied de<j chutes d'eau et des rapides, c'est-à-dire là où le
torrent n'a pas encore un lit proproment dit . quand les
çaux sont goufléei et boueu^^es , on peut voir ce limoQ
tourbillonner dans un mouvement circulaire sur le fond
d'argile durcie , et creuser des chaudières sphériques ; re-
montODB à l'origtue, et voyons uou plus un limou de subie,
mais de roche désagrégée , rude , précipitée plutôt que
conduite , rongeant eomnie une lime !'ob.-.tack' qui la re-
tient, mais se polissmit et rrjetant de ce labor.ituire des
galets arrondis.
Toutes les couches inférieures h ces rochers sont régu^
lièrement stratifiées ; t'est une argile calcaire sablooiieuse
et blanche . Sur les monts l.evkopjdha , Speiioli et Castol-
los , nous avons prisdes écIiantiUous qui , soumis à l'ana-
lyse , ont donné du fer j dans quelques autres le cuivre et
le plomb ont manifesté leur préseuce . La chaux , l'alumi-
ne et la silice en complètent la compo^idon . Enlia noua
saovGoOt^lc
OÉOLCGIQi.'E GÙÔ
arons recueilli un échantillon de houille coUaDte et grasse,
de bonne qualité .
Puisque nous avons nommé lea gnUts , parlons tout de
suite de ceux qui se sont arrêtés sur les étages iiiféi-ieurs
des montagnes; ils forment des rochers appeléa poudingues
et qui se réduisent d'autant plus facilement qu'ils gisint h.
une altitude plus grande ; quant à ceux qui ont été eiitiaî-
nés jusqu'au niveau de la mer , ils sont stratifiés selon
plusieurs couches successives , séparées par des couches
d'alluvion plus ou moins épaisj^es; enfin les deruièri-s jilhi-
vions ont amené des montagnes durcies, débairassées de
l'excès minéral , et couvertes de végéwtioa , un sol arable,
d'une profondeur très-irrcgulièie , il est vrai , mais tiès-
rïche, sur une grande étendue .
Avant de enivre «es vallées creusées et remplies tour à
tour par les torrents , nous terminerons ilos observations
sur la pétrologie , en étudiant les rochers qui oppo&entuiie
barrière a la mer . Ce sont encore des poudiui^ues , mais
dont les pièces constitutives sont reliées par une pâto cili-
ceute dans laquelle le chlorure de sodium ou sel marin est
entré avec la chaux . Ce ciment naturel ac.juiert una dun-té
impérissable qu'il communique aux cailloux plus fiitibles ;
ceux-ci se polissent et s'ufCJit sous le pied des bétes du
somme ; mais le tuf résisie ; en quelque^ endroits la pâte
en excès a fait disparaître eutièremeiit les galets , et s est
durcie avant la décomposition des coquillages di-sieiidus
des montagues ou rejetés de la mer . Le secret de la natu-
re il été saisi depuis de longs siècles par l'iiiieliigence de
riiomme ; puisqu'il a su composer avec les mêmes galets
ces pavages tiès-aivciens EAnblabltS à ci-ux qnc l'un fait
saovGoOt^lc
656
ÉTUDE
encore aujourd'hui , et que l'Europe adoptu-rait jivec profit ,
nous De voulons pas dire pour les rues, mais pour les
cours > les trottoirs et les entrepôts .
§ 6 CONCHYLIOLOGIE .
Comme en général les formations marines , le terrain
crétacé de l'Ile est pauvre en fossiles végétaux ; les coquil-
lages au contraire s'y montrent en nombre considérable
non seulement de sujets , mais même de variétés . Voici la
liste de ceux que nous avons rencoutréa jusque sur le som-
met des montagnes , selon la classification de M. E lie do
Beaumont .
TESRAIN DE TEANsiTiON : SUitHen : Orihis Testuilinaria
Vevonien: Terebratuk Adrieui
Leptœna Mul■chi^osi
TEKRAIN SECOHDAIRE ; ~
TZBRAn TERTI&IHB :
Trias:
Liîna Lineata
Terebratuli» commuuis
Mytilus eduliforinis
Pectt-n tieconitus
Pccleri tubulifer
Emargiitala GuLlfut-aii
Lias:
Lima Gigantea,
OûHUie :
Lima probosciJi-a
Oatrea diktala
Crétacé
: Ainm>uite3 variés
facette :
Cardium porulofium ,
Miocène: Fectunculus tereliratularis
saovGoOt^lc
aÊOLoaiquB . 657'
TBBE&IK TSRTiAlitG ! lHocerm '. Pectuticulus gljcimeris
Heliz Horoguesi
ConuB Mercati
Pliocène : Murex (rariés)
BulimuB Calverti
Ceritliium giganteum
Cerithium plicatum
Tels soDt les spécimens que noas avons vus à la surface
du sol; une étude spéciale et faite avec la longue expérien-
ce et la aureté de vue qu'exige cette science des fossiles ,
permettrait de donner un tableau plus complet. De notre
part , il sei-ait téméraire de vouloir eu dire davantage;
n'ajaat pas Bondé les bassins carbonifères de l'Ile , il nous
est impossible de parler de végétaux fossiles ; nous n'avons
trouvé non plus aucune trace de vertébrés ; ceci ne doit
pas d'ailleurs surprendre relasivement aux mammifères,
puisque l'Ile n'est pas due au (lémembrement d'une terre
continentale . Quant aux squelettes de poissons, on en ren-
contrerait peut-être , si , comme nous l'avons dit , des ter-
rassements révélaient les mystères que ce sol tient cachés
puas ses entrailles .
§ 7 Hyni!Oa«Ai'HiB -
L'Ile n'est pas à proprement parler arrosée par un 6eu-
ve ; la disposiiiuii luijj'turiiuale de-; montagnes et leur es-
carpement ne permet pas à. 1 eau de tie frajer un chemin
prolongé par des binuosllés muUi|}lîées . Cependant l'eau ,
saovGoOt^lc
653 invuE
est abondante , et l'on n'en connaît certainement pas tou«
les réservoirs .
Ce n'est pas un phénomène ordinaire que sur une surfa-
ce aussi restreinte, dont les sommets ne se couvrent jamais
de neige, et ne forment aucun vaste bassin pour reteniret
conserver les eaux de la pluie , il sourde néanmoins tant
d'eau jusqu'à 700'°de hauteur. Si les sources font défaut
parfois , il a suffi de creuser à une profondeur de 50 ou
60"' au plus, pour rencontrer leur couraut souterraiti qui
va jaillir au pieJ des montagnes, dans les vallées et jusque
dans le sable de la plage , au dessous du niveau de 1h mer ,
sans presque prendre un goût saumâtre . Le fait est d'au-
tant plus remarquable , que beaucoup des ï\ei> de l' Archi-
pel sont privées de cet élément de première nécessité . S'il
faut en donner une explication, nous supposerons que l'Ile
fortunée de Rhodes est placée au dessus d'un courant sous-
nmriii naissant dans les sommets neigeux du Taurus et du
Libau , et que son sol très-perméable agit à hi manière
d'un puits artéaicn . Après ces explications générales , a-
bordous la topographie des sources et la divison de» ver-
sants, au nomhre de t-ept , et des bussins billonnés par les
principaux toi vents du Nuid au Sud.
I VEKbAXT DE MONT 8. IT[ENKE ; dcilX b-IS-ins .
1" D'Uisin de Rhodes . L'isihme occuiié pur l.t vil e et les
faubourgs ne possèie que d^-s sources ei des puiis in^-ulS-
Siints, sinon à ralimentatjun , du moins aux e,\igince3
d'une bonne culture. Ce n est qu'au ilélà de-- fiiubjur^s à
l'E. que les pentes du M . S- Etienne détermini-nt deux
bassius . Le premier est Billonné par un torrent alimenté
par les eaux qui naissent dans L-s plus hauts somaiets de
saovGoOt^lc
Sandrouli , ae dirigent vera le N. sur plus de 2 K™ en ligne
droite pour se replier subitement E. S. B. an bassiu de
Zuuibullu , et 6e jeter diins la mer au dessous du pont de
Cûskinou . La VHllée , sur la rive gauubr, est envabie par un
subie aride , tandis qu'elle s'étend en plage fertile jusqu'au
second torrent qui tombe du fldnc oriental delà montagne,
coule parallèlement au premier jusqu'à son emboucbure ,
distante de 8^ Kil au Sud .
2° Bassin de CosJànou . Le village de Coskinou est entre
deux ruisseaux , qui , avec l'habileté. et l'activité des habi-
tants, contribuent h, le reudre le plus prospère de l'Ile . Le
premier vient d'Asgonrou, reçoit deux affluents sur sa rive
droite , et a un cours de 3 Kil. ; le second sort au dessous
du village , et n'arrive à la mer qu'après avoir été grossi
des eaux qu'il reçoit par deux lils du promontoire Vodhi .
II . VERSANT EST DE LA CHAINÏ CENTRALE : 4 baSiinS .
l" Bassin de 'Kalithies . Un lit partant de Tshaïr conduit
sur un parcours de 8J K des eaux ne tarissant jamais ; il
reçoit un seul affluent qui amène celles partant de trois au-
tres points . La vallée est ensuite arrosée par le torrent de
Galatbia dont l'embouchure est à 2 kilomètres plus bas.
De la même montagne sort un ruisseau moins large , mais
plus important par son cours de 5 kil ., et qui se jette dans
la mer à 800™ au dessous du précédent .
Le Psalidho-potamos, est formé de deux cours d'eau dont
l'origine est sur les hauteurs de Koumouly et de Levkopo-
da . C'est un fleuve intermittent de 8^ Kilom. de lon-
gueur , et dont l'embouchure est à 3^ Kil. au devons du
précédent .
2" . Bassin d'ApJtando . Le Phasouli ne tarit jamais ; car
saovGoOt^lc
6C0 feïUDE
il est alimeoté par six sources dans les montagnep de P«r
tbos , et deux dans celles d'Apbaudos ; au.ssi la vallée e^tr
elle très-fertile ; (cours 13 Kil.) . Parallèlement court le
Loutani , de même longueur, qui descend des monts Lima
et Spérioli . L'embouchure de ces deux fleuves est séjiarée
par une vallée large de 2 Kilom . Puis le torrent de Tzani-
bica qui ne déverse à la mer que les eaux pluviales en ex-
cès dans la plaine .
3°- Bassin (ÏArchan^eîus. Le cours d'eau de L*étronia, four-
ni par le Stroiigiiilo tt les iiTOiitagnes d'Archangélos^, aune
eiteosion de 6 Kil. et est assez fort pour mettre eu œuvi-e
un moulin , et assez abondant pour subveuir aux néceBsi-
tés des Poteiies de Fétronia .
4" Bassin rfe Malona . Le torrent que l'on rencontre en-
suite est celui de Malona (cours 20 Kil.) ; grossi de toutes
les eaux qui tombent des montagnes de Platania et d' Apot-
loua , il traverse un plateau élevé très-feitile ; les deux
af&uents se réunissent à 3^ Kil. du rivage ; nue saignée
naturelle conduit avec régularité l'eau qui fait tourner ua
moulin ; le courant principal ne conserve pas assez de for-
ce , à cause de la largeur de son lit , pour être utilibé à cet
efl'et; mais quatre autres moulins sont mis en mouvement
par un afBuent de la rive gauche . La grande vallée occu-
pée par les villages de Maluua et Massari est d'une fertili-
té remarquable ; la foi et qui les couronne au centre de l'Ile
proât« aussi de cette eau abondante .
De toutes les hauteurs principales de l'Atabyrus et de
Aghios-Eliai , se réunissent les torrents qui par des em-
branchements inextricables forment le terrible Gaïdouras,
c'est-à-dire l'&nier , parcequ'il engloutit souvent l'homme
saovGoOt^lc
etoLO«iQi:e 661
avec sa monture , lorsque la prudence et l'instinct combi-
nés ne les arrêtent pas . Les terrains accidentés qu'il tra-
Tense expliquent sa Tiolence; il ne répand d'ailleurs que
peu de fertilité sur les plaines sablonneuses ; son cours est
de 22 Kil .
Enfin le territoire de Kalathoa est arrosé par 4 torrents
de peu d'importance ; niais leurs eaux mises en communi-
cation pourraient enriobir ce terrain assez maigre .
III. TBR8ANT 8un-E3T : 2 bassîns .
lO' Bassin de Lardos . Deux courants principaux descen-
dent l'un d'Alaërma et l'autre d'Aghios Isidoros; ils sui-
Tent des lignes parallèles et ont une longueur de 15 et 12
£jl. ; malgré les autres torrents qui la sillonnent ,cetle plai-
ne est aride .
2'>-Bamn de TenjuidAi. L'Asclipianos-potamos a ses sour-
ces dans les montagnes d'Istrios et Prophilia ; il arrose une
magnifique vallée sur un cours de 13 Kil . Le Yennadhios-
potamos coule à 1^ Kil.au dessous; il traverse le village de
Vati dont il fertilise les terres plantées d'oliviers.
Après avoir franchi quelques petiti: torrents , on rencon-
tre ie Uoros-potamoB , fleuve fou , provenant des monts
Skatbi; la vallée depuis Messanagrua jusqu'k la mer lui
doit un peu de fraîcheur . Les monts Skatbi et les Horakia
donnent enc-ore naissance au Plimmyrios-potamos , fleuve
aux inondations , qui répand en efiet ses eaux gonflées ,
avec beaucoup de liberté dans la vallée où nous avons
supposé que devait être autrefois Kvrvi .
Aux environs de Catavia sont d'immenses marais dont le
trop-plein forme le ruisseau qui porte le nom du vil-
lage.
saovGoOt^lc
Ç62 iTUDB
IV. VEHSAMT BDD-OUEST .
Après quelques torrents qui tombent immédiatement des
monts Skathi dans la mer , on entre du S. au N. dans la
profonde Tallée~qui pénètre jusqu'à Aghios-Isidoros, et
reçoit les eaux qui coulent de ces montagnes et de l'Aki-a-
mity . Le village d'Apollakia est traversé par un fleure
formé de la jonction deB eaux arrivant d'A^hios-Fbilimo-
nas , à peu de distance d'Islrios . par un lit sec hors de la
saison des pluies ; des hauteurs qui dominent Aghios-Isi-
doroB, par le Meghas-potamos dont le cours est de 15 KiL;
du SiaDDitis-potanios , dont les sources multiples fournis-
eent un plein courant de 9 Kil., et font tourner avec celles
du Meghas-potamos , cinq moulina . Cette magnifique val-
lée , par des travaux d'irrigation , deviendrait un riche pâ-
turage .
V . VERSANT OUEST DE l'aKRAMITY ET DE l'aTABÎEUB .
Ou comprend , en examinant la carte , que les cours
d'eau ue peuvent avoir que très-peu de longueur. Cepen-
dant les vallons, celui de Vasailica surtout , sont très-ver-
dojauts , grâce aux sources nombreuses qui bumecteut la
terrain .
VI. VJtRSANT HOEIJ-OfEST .
Du mont Elias descendent des eaux abondantes qui tra-
versent le territoire de Castellos et arrosent des vallons
d'une fertilité luxuriante . La jonction de plusieui-s torrents
de l'Atabyrus et de Ketallàh, fertilisent la spleodide vallée
de Langonia . De Nanes , un vallon étroit descend jusqu'à
la mer, et forme le lit d'un torrent alimenté avec les pluies
par des sources de boKoe eau , . .
:q,t7edi>G00t^lc
oÈOLoaiQUB 663
Vn. TBB8A1ÎT NOBD .
La ligne de faîte est si régulière , qu'il n'y a plus lieu de
distinguer des bassins. Dans la plaiue de Salahos , se réu-
nissent les eaux justement estimées de Foundoukl;' venant
du Spérioli , et celles de plusieurs autres sources . Aussi ce
village serait-il certainement le plus riche verger de l'Ile ,
si l'on développait la science de l'horticulture chez le pay-
sao , et s'il avait en même temps la facilité de venir ven-
dre ses produits. La même fertilité s'étend jusqu'à Cala-
varda .
Le torrent de Fanés est presque toujours à sec ; mais ce-
lui de Soroni, qui prend sa source à Dhlmilia sous le Spé-
rioli , recueillant un grand nombre d'affluents , roule ds
l'eau pendant toute l'année ; il a 9^ Kil. de longueur .
Au pied du village de Tholus, coule un Seuve important
qui descend de Kalamoua , Kalopetra et Levkopodha; bien
que se desséchant pendant l'été , il forme à son embou-
chure des marais assez étendus.
De la montagne de Levkopodha qui tient beauceup d'eau
en réserve , tombe un fleuve qui , pendant l'été , n'a qu'un
faible courant; la vallée entre Bamatria et Maritza est de
bonne'culture .
Le flanc ocoidental du mont Paradisi , fournit quelques
cours d'eau épuisés dans les vergers de Villanova ; les
sources de Koufà et de Vary en particulier , donnent
une valeur considérable aux propriétés qu'elles alimen-
tent .
Entre le mont Paradis, Coumoully et le Fhilerme, se dé-
veloppe la vallée de Maritza , sillonnée de mille courants
qui se réunissent au dessous de Bastida et viennent se jeter
saovGoOt^lc
664 ÉTL-DE
dans la mer au dessus de Cremasli . La terre est <]e bonno
qualité et propre à la grunde culture .
De Maudra-Bogliiisy et de CmidiUy descendeut les eaux
d(> Sources uonibreuses ; mais ces eaux se perdent tans être
utilisées, faute d'une canalisation intelligeute ; il en eat
de même des BOurces de Mixy et de Suntourly qui forment
deux bassins très humides, et des vallons fertiles. On ne
rencontre plus ensuite sur le flanc du mont S'- Etienne que
deux fontaines où se désultèrent les animaux etquiie per-
dent immédiatement dans lu mer.
Cinq canaux connus sous les noms de Santourly , Zum-
bullu , Suléiman-Pacba . Redjib-raclia et Hunkiiir , de-
vraient alimenter la ville et les faubourgs ; mais négligés
depuis longtemps, ils laissent fuir l'eau, et si des travaux
nécessaires ne bont pas exécutés avec promptitude , la di-
sette ne taidera pas à se faire sentir . Il est vrai qu'en
1856 la Sublime Porte avait alloué une somme de 100,000
piastres pour la réparation de toutes les fontaines de l'Ile ;
mais cet argent s'est fondu non dans l'eau , mais entre lea
mains de ceux qui étaient chargés de son emploi . L'admi-
nistration locale parait plus soucieuse aujourd'bui , et le
service des eaux sera sintplifié et assuré , si , comme nous
l'espérous , le curage du grand canal est mené à. bonne
fin.
Après cette étude un peu fastidieuse peut-étie , malgré
sa brièveté , on comprendra combien le Rhodicn a tort de
se plaindre de l'aridité du sol ; il ne doit accuser de 1% sé-
cheresse qui décourage ses efforts et anéantit sou travail ,
que l'inertie coupable dans laquelle il s'endort; aide-toi, le
Ciel t'aidira , est un proverbe sans valeur , on n'en accepta
îqrt.ediyGoOt^lc
QÊoLOQiqus 605
que la seconde partie avec une aorte de fatalisme , en la
traduisant par le cri de : Dieu est grand .' Nous dirons pliia
loin comment l'ignorance lui fait chercher à l'épuisement
- des terres cultivées un remède plus pernicieux que le mal ,
puisqu'il va jusqu'à tarir le ciel en quelque sorte , et k li-
Trer l'eau qu'il lui verae aux ardeurs du soleil .
saovGoOt^lc
CHAPITRE II.
CL! MAT
Le climat de l'Ile de Rhodes a été célèbre de tout tempe;
c'est en effet un des meilleurs , non seulement des p»js mé-
diterranéens, mais du monde entier ; il ne se passe pas , mê-
me en hiver , un jour eaus que le soleil échauffe cette terre
qui le comptait au nombre de ses divinités les plus véné-
rées , tandis que , pendant l'été . les fraîches brises de la mer
neutralisent l'ardeur de ses rayons .
Les poètes de la G-rèce et de l'Italie ont à l'envi vautéle
climat de Rhodes : Laudabant alii claram Ehodon ; dit Ho-
race * et Lucain •• : Claramtiue relwqxdt Sole Rkodmi .
• Liv. I. Ode Vît.
•• Lir. VIII V. 246 .
saovGoOt^lc
CLIMAT G67
ha, température moyenne varie entre 20 et 30 degrés
centigrades pendant les plus fortes chaleurs , et descend
difficilement à 0» pendant Ihiver ; nous pouvons même di-
re que s"il arrive à 5° , c'est accidentelle ment . La neige,
prestjue inconnue , blanchit parfois le sommet de l'Atii-
byrus , mais le soleil le délivre bien viio de ce manteau in-
Bolite .
Presque tous les voyageurs qui ont passé par Rhodes ,
ont été séduits par son climat ; laissant de côté les poëtes
tels que M. de Lamartine, les enthousiastes tels qu'Esclîi-
ne, citons les impressions de M. le V"=de Marcellus: "Rho-
des est l'Ile que j'aime, dit-il > son climat tiède en hi-
ver , rafraîchi pendant l'été par des brises régulièi'es , son
ciel si pur et si brillant , en font aujourd'hui comme autre-
fois le plus délicieux séjour:- Jamais, disaient les Grecs des
temps passés , un jour ne finit à Rhodes sans y voir le so-
leil Je le répète , Rhodes est ma terre favorite ."
" Ille terrarum mihi prseter omnes
Angulus ridet ."
'* C'est là que vont mes vœux et mes regrets. C'est là que
je voudrais aborder, si le flot des révolutions doit me jeter
loin de mon pays ; et quel homme , depuis cinquante ans ,
n'a pas chaque jour mêlé cette triste prévision à ses rêve-
ries ! C'est là , même sans révolutionf), que je voudrais re-
venir ; il est si facile et si doux d'y vivre ! Après tant d'au- ■
nées , je songe encore avec bonheur à la maison que j'y
habitais , et que je n'hésitai pas à acheter, tant Rhodes s'é-r
tait associée à mes chimères et me semblait devoir jouer
un rôle dans mon avenir ! Qui donc ne m'eut envié un tel
asile ? "
saovGoot^lc
'* Qu'on Be figure dans les faubourgs , ou plutôt dans la
campagne qui eépare la citadelle de la mer , une grande
nmisoQ à deux étages ; d'immenses galeries percées de mil-
le fenétrea , pour 7 recevoir plus de cette lumière si les-
plenilîssante , plus de cette agréable fraicbeur, comme aus-
si pour inieni jouir de ces nombreux aspects sur l'entrée
du port , les Iles d'Asie , la TÎlle et les montagnes : un beau
jardin . clos 'de murs élevés , dont nne porte ouvre sur une
plage isolée : des oranges et des limons , mûrissant toute
l'année auprès de quelques [ a'miers ; des fij.uier8 , des vi-
gnvs , chargés, de,s fi^iits les plue a'joudanie ; eh bien !^
ce beau jardin , cette grande maison , ils furtnt à luoi; j'en
eus la propriété pour cent Itniis , dtux mille quatre cents
livres de France Je cédai mon acquisition à M. le
Marquis de Kivière , dont la Camille possède encore cette
charmante retraite."
Si modéré que soit ce récit , il comporte aujourd'hui
queh|Ues observations : La maison n'est plus qu'un amits
de ti iùtes décombres ; une seule cho^e rappelle quelle a ap-
parieuu autrefois à la famille de Rivière, et (jue par cousé-
qucnt c'e&t bien celle dont parle M. de Marcellus; ce sont
les armoiries qui en buimODttnt la porte branlante avec
cette devise: bellic.e viBTuna pr.emium ; quaut au jardin,
les ronces et les orties ont remplacé "les orauj^ers , les
figuiers et les vignes chargés des fruits les plus abon-
.dants ."
De tous les faubourgs , le Neohori est évidemment le
£eul qui réponde à ce tableau séduisant; les autres abrités
par le mont S'' Etienne de la brise d'Ouest , ont une tem-
^pérature plus péuible à supporter . Du reste la chaîne des
D.qit.zeaOvGoOt^lc
CMM.tT 669
montagnes partage l'Ile en deux climats très-différents,
dont l'influence est bien marquée par la végétatîoti ; les
moissons et les fruits de ta côte méridionale devancent de
quinze jours ceux de la côte opposée . ' ,
Sous un ciel aussi pur , et duos de tilles condidons <li-
Diatériques , on comprend ^ue les maladies endémiques
soient étrangères . La peste 7 a biçn été importée à diver-
ses reprises ; mais ses effets peu désastreux ont été aussi
de courte durée . Cependant il serait impi-udent de séjour-
ner dans quelques-uns des villages occidentaux pendant
l'été , sans prendre des précautions que l'hygiène recom-
mande partout ailleurs dans les niêaies'condiûons . Les
torrents conservent en pluMeurs endroits , snitout dans les
terrains argileux, des eaux stagnantes chargées de détritus
qui eutrent vite en décomposition ; après une chaude jour-
née , le serein condense les miasmes , et l'imprudent qui
reste hors de la maison pour respirer un air rafraiehissimt,
absorbe le principe d'une fièvre intermittente , peu dan-
gereuse, mais de longue durée. A cette imprudence s'a-
joute souvent celle de boire l'eau du torrent; même quand
elle est limpide et fraiche , elle peut-être nuisible, si oh
ne la corrige pas avec un peu d'eau-de-vie ou quelques
gouttes de vinaigre ; le café léger est encore qh préserva- .
tif efiScace , auquel on doit joindre une grande sobriété
relativement aux fruits . Enfin il est toujours facile d'évi- ■
ter de s'arrêter dans les village qui inspirent une crainte
plus ou moins fondée .
Nous ne voudrions pas laisser à nos lecteurs la pénible
impression qu'ils ont dû éprouver lorsque nous avons parlé
de la léproserie ; car preeque tous les malheureux atteints
D.qit.zeaOvGoOt^lc
670 CLIMAT
de ce mal horrible , sont étrangers à Rhodes ; ils Tiennent
y chercher non pas un remède , mais le soulagement d'une
eau abondante et pure qui leur manque daus l«s lies de
Symi , Halki , Cal/nyioB &c . Ces pauvres gens vivent de la
charité publique très-généreuse à leur égard ; peu de pay-
sans se rendant au marché , passent saus déposer dans la
sébille des lépreux quelques fruits ou légumes .
saovGoOt^lc
CHÀPITRI la
FLORE, FAUNES. PECHE.
SoQS un oiel si pur , à la faveur des rayons d'un soleil
toujours liant , d'une brise marine fécondaute , et des eaux
douces qui descendent des montagties , la nature, lÎTrée k
elle-même, répand aveo profusion les trésors variés de ses
produotious Tégétales . Ici encore nous n'avoua pas la pré-
tention d'épuiser le travail ; mais nous ne voulons négliger.
aucun des chanues qu'offre l'Ile de Bhodes au touriste sa-
vant . Si la marche est pénible dans les vallées et les plai-
nes découvertes , le courage et les forces se retrempent
80UB l'ombrage des forêts de conifères qui couvrent encore
un quart environ de la superâcie ; le pin maritime y do-
mine presque exclusivement ; autrefois elles fournissnient
le bois nécessaire à la construction des vaisseaux , et jus-
qu'à nos jours elles alimentaient \&s chantiers de Constan-
tinople • La variété de cyprès aux branches naissant hpri-
saovGoOt^lc
672 KbDEK . VAUMU
zoQtalemeat du tronc, compose l'esf ence de quelques antres
forêts , tandis que son congénère , le pjramidal , est i-
EOlé.
Le revenu forestier , le plus assuré pour un pays, puis-
qu'il procure le travail et ne court aucun risque , tend ^
dieparattre ; malgré des lois très-eévèreB et la présence d'un
Inspecteur, la destruction gratuite, ou inspirée par un in-
térêt mal entendu , réduit tous les ans la superficie boi-
sée.
Un autre arbre non moins rrmarquable par son produit,
<et plus majestueux encore que le piti , trop peu multiplié
cependant , c'est le cLéne vélunècle ou vallonée; on ne le
. trouve qu'isolé; l'yeuse ou chêne- vert s'élèverait aussi en
haule futaie , s'il était soumis à une taille théorique . Mais
le véritable luxe de la végétation est daus le platane ;
comme il fuit bon se reposer sous son ombrage et boire ik
la bource qu'il couvie ! Nomuioiis leTérébinthc qui ne de-
mande qu'un peu de culture pour donner une résine abon-
dante et de valeur; le Caroubier , digue d'être multiplié ,
non seulement pour l'exportation de ses gousses, mais aus-
si pour la nourriture des auimaux , trop souvent réduits à
la famine ; l'Olivier aauvag'e.Ie Peuplier blanc dont la
feuille cotonneuse reflète la lumière comme un miroir d'ar-
gent ; le Palmier qui ne donne que des dattes peu savou-
reuses, l'Alisier et la Raquette ou figuier d'Inde qui âri-i-
ve à des proportions monstrueuses. et doune des fruits re-
cherchés .
hes mont^nes non occupées par les forêts , se revêti-
raient de basset futaies qui seraient une rpasource réelle et
uu orneuieut , bi l'intelligence eu dirigeait rexploiiaiioij ,
saovGoOt^lc
ET PÈCHE 673
Bi le Bhodien ne 8*étiit pas fait une loi de jouir vite et
siiiia travail . Le Itutiaque , l'arbousier, le myrte , le lau-
rier tin , le laurier- rose, et le laurior- sauce; l'arbuste de la
famille des méiiikpermces qui produit la coque du Levant,
la Spina-Cliriî-ii , le boia-julï, les ajones, l'aubépine , le ge-
névrier et les genêis, K'Q. les variétés qui ne demandent
que la liberté de vivre . Les bruyères, le thym , la sauge
et mille autres plantes sous-ligneuse^, ji'tteut leurs racines
dans les trancades , et rt-ndtnt à la terre par leurs feuilles
de^-séchéiB , la substance qu'4'IIes lui ont prise . Près du
rivage , lu tiin:irix exerce au gré du vent la souplesse de
ses rami-aux élégants, et la réglisse euvabit les plaines la-
bourables.
La flore herbacée est représentée par la belladone , la
Bcaramonée, k mauve, la petite centaurée, la camomille et
les iimarauthes ; une nombreuse variété d'orchiiléee , entre
autieâ le saiep et le limo.lore;de renonculacées ; d'ané-
mouis; iraiitlrrliiiiéi-s ; de sulauées , particulièrement la
jusquianie et le vcrbascum ; les orobancbées pulluleut;le
bugle, la nien:b<-, \à Limier et l'acaiilhi^, repi'ébeutent les
lubiees : les eupliorbes , les linaires , la pariétaire , et sur-
tuut les cjilaii;ei.8 ; le eapillaire noir et beaucoup d'autres
fuiigèies ; les ImmorLelles g«ruiHeut le sable , les murail-
les, ll■^locbl rs. Complétons enfin cette nomenclature parles
Irit. et le.- S.,fraiis, le- N^nci-res, r.i>ierge sauvage, le mus-
cari . ri.riiiiiiogale , beaiiCiMip de liiiacéea , les aspUodèles,
la peivetiche et tiois Vitr.Ciés d'arum dont l'un, au port
élancé, à la tige uiiiHik'e et à lu fiui.le divisée en lobes
profonds , . X).. .e i ne oJi ur cadavéreuse ; les joncs, les
roseaux. Les crjpii)^aii:es poutsent le luxe jusqu'aux truf-
fa ovGoot^lc
' 674 nOBE , FAUNES
fes . mais flics sont àe médiocre qualité ; enfin les craesu-
lacées vont dta plus niO(!et-te8 au puissant aloès qui élève
jusqu'à cinq mètres son élégante ombelle .
Des papillons niiz plus ricbea couleurs : le paon du jour,
des coléoptères revêiue d'uu bronze éclatant , des longi-
comes éléi^auig , des diptèns légers , babitent ce monde
des fleurs ; mai;- ce dt rnier ginre règne surtout par le cou-
sin qui (rabit son approche et par le mouBtii|ue muet pluia
redoutiible encore ; un autre fléiiu dont souffre le Rhodiea,
l'étranger surtout. ré>u!te de k trop féconde famille des
rhinaptèrcs , des piici-s , puii-qu'il fjiut les nommer . La fa-
mille des orthoptères compte à Rhodes différentes sauterel-
les dont la présence nVst (las nuisible, à moins qu'il n ar-
rive des funestes ém'gratioiis de l'É^ypte ; des mantes prie-
Dieu . qui font la joie des enfants ; celle des grillons four-
nit Ifi coiirlilièie , le dése6|ioir des fleuristes ; comment ou-
blierions-nous la cig.ile insouciante , le cancrelat fétide , la
Bcolopandre et le redoutable scorpion?
Mais passons bien vite au gibier pour donner satifactioa
aux chasseurs. L'heureux temps n'est plus où la sévère
police dt;s Chevaliers imposait une 8;ige réserve à cette
passion pour l'empêcher de se généraliser . et une trêve
pour l'endormir; la chasse est libre , malheureusement ,
car elle tend k la dettruction . Si l'on ne poursuivait que
les fouines et les belettes qui ravagent les basses-cours ,
grand bien en résulterait ; on abandonnerait même au
plomb meurtrier (quelques rares renards, mais on regrette-
ra bientôt ces cerfs que les Cluvaliers avaient importés et
même le lièvre ; les nerdrix rougis nhabiient plus guère
<^ue les retraites les plus inexplorées ju^^u'ici, mais où l'on
saovGoOt^lc
comntQDoe à les traquer ; le pavsan enlève les œu£s , et
pour ménager ea poudre il tire rarement au vol ; il «ttend
à l'affût la compagnie près de la source où elle vient s'a-
breuver, et la décime d'une seule dé;harge. La touriertlle
bleue liabite les bois, où la rejoint pour nu moment sa
sœur la tourterelle blanche à colliur, aiinée des Turt-;-; une
autre, portant collîiT aussi, vit à l'état domestique dans la
ville ; les grives sédeniaires fréqilentfut le^ campagnes
avec le merle et la liuppe . Le piiSFaga dos bécasses pendant
l'hiver, quand ils est favorisé par un temps humiilc et froiil,
excite l'ardeur géiiéralu ; incHluuliblo ef.t [taifoih le nombre
des vittimes; au piintemps, le moint-au voyageur d'abord,
le becfigue plus tard , fournissent fiicore une occasion aux
amateurs ; la cail!e ne h'ai réte pas à RlK.di-s dans ses mi-
grations; elle y est indigène , mais peu muliipliée .
Tous ces oiseaux ont leurs ennemis dans k gi-iit eraplu-
mée , car les faucons , les éperviers , les irypuvtes , pl.iix-nt
Sans cesse , cherchant Uur proie ; le rorboiiu , la loi'neilie ,
le hibou, le grand-duc, et la pie-u^rièuhe , ^êjouinent Iiabi-
tucllement ; le vautour et le milan s.atiunneut; contraire,
ment à l'assertion de Pliiie; Bhodiis oqnilam 7ion hibct, • l'ai-
gle habite les pics solitaires les pliih élévé^ ; Lindi.-- que l'a-
louette comuiuue et la culundre . lu motieux , le |.royrr ,
l'birondelle et la sirène , remjjlib»i.-nt la vuTée de l('ur> ga-
zouillements stridents ; que le chardonneret roule ses noies
aiguefi sur le buisson ; et que le rossignol lui répondant du
plus épais des bosquets , fait taire le verdier, le linut , la,
saovGoOt^lc
676
FLOUE , FAO'ES
mésange , le rouge-gorge et la tiuiide bergeronmft** .
Le rivage est habité p.ir le bécot . la micrease, U mou-
ette et le goéland ; le canard n'e^t que de passagt aussi bien
que le flaminaut, le pélican et liis grues dout leavold déio-
bent quelquefois le civl comme un rmage .
Parmi les reptiles , on remarque uik- grande vaiiéic de
fierpents et surtout de couleuviTS inoflFensiveîidoiit quelques-
unes sont très-grandps ; les terpents venimeux sont rares ,
et contrairement à iWeriion du coloiul Rotti» rf , l'aepic
cornu ou aimnodite y e^t incouuu . Mais par contre les lé-
rards, les salamandres et un ophidiin tiès dnugeieux , sur
le nom duquel nous ne sommes pas fixés , mais i[ue l'oii
désigne ici sous le nom de serpent-so'eil; vivant sou-- teire,
il n'est redoutable qu'au labouieur atsiz imprmleiit jiOur
le toucher .
La mer, suruommée la poiî-aonneuse, fournit de re\ceHeut
poisson, dont les espèces les plus communes sont : le scare
noir et rouge, le picire!, le page.iu , l.i uiuiène, la peiche,
le mulet , le spare , le rouget , lu goujon . \x girelle , le sar-
gue; les squales connus soub le nom de chien denier;
une variété du geiiie tcorjiiun ; la vive, îi la piqûn' emsti-
qne , mais à la chair ferme et délie ite ; enfin l'él'>[)s que
Pl!ne {L. IX, c. 70) pl.ice sur li rac;ne ligne q le les loups
du Tibre et les murènes de Sicile .
Les requins communs viinnent q'.ielqnef'jis rô.ler le long
de la côte, et ont causé quelques rares accidents. Les c;-as-
tacés sont représentés par peu de langoustes , le crabe
commun , le poupart , l'araignée de mer , la crevette •
Les mollusques comprennent les polypes ,'la pieuvre, les
sèches et le calmar .
saovGoot^lc
■T pSche 677
On trouve parmi les coquillages marins le nauHlus, la
came , le buccin , Iïl pucelage , le lépas , les limaoeâ de mer
et enfin l'oursin dans toutes ses variétés ; mais, malgré l'aéU
sertioD de Pline * affirmée par M. Ouérin , ** l'huître fait
entièrement défaut, à moius que ces auteurs n'aient voulu
parler du spondyle assez couiniun .
Les eaux de Rhodes contiennent ausbi l'ortie de mer ,
curieux zoophyte que les indigènes mangent en friture, l'é-
toile de mer , le cfaeval marin , et , outre le corail dont
nous avons déjk parlé , des épougeb fiues et grotitts dont la
forme et le tissu sont très-estimés .
• XXXI, 47.
saovGoOt^lc
CHAPITRE IV
AGRICULTURE
Difioni-la Ihmi haut : c'est avec décounigem^ut que noua
eotreprenom de parler de l'agriculture rhodienne. Cet art,
le plus digne de l'homme , et le plua efficace aussi poiir-
assurer le proipérité publique , est négligé arec un tut Jé>
dain , que l'habitant de la rille croit le travail de la terre-
humiliant , et que nous avons été les témoins de sa stupé-
faction en voyant des fils de bourgeois a'j livi-er pendant
leurs récréations . De telles dis|>ositions momies font pré-
voir que nous allons tracer un triste tabk'au «je l'éiat des
choses.
Faisons conoaitre d'abord le partage de li propriété ;
oar le mode de partage n'est pas indifférent à la culture
des terres . H y a trois catégories principales :
1<^ Les VarMO/s , ou donations en faveur des mosquées
et autres établisement» pieua ; * /lo de la superficie cul-
saovGoOt^lc
AaB.uMvwiM 679
tirée.
2^ Les Arzi- Mirià , terrains de PÉtat, dont l'usiifiuit hé-
réditaire est cumédé aux particuliers, mait; l'Étiit en dis-
pose , quand le tt.'ii!iucier h-a a lii8.-és peiid;int truh ans
Bans culture ; ces terrains com prennent; 5/,o .
3» Les MuUcs , pi-opriétés privées , qui passent en d'au-
tres mains par dots, bérilagtis. Yfutes h. l'umiuble ou aux
enchères, Eaiis que le consentement de l'Auturité .'-oit né-
cessaire . La propriété privée est donc réduite aux 3/,o de
la terre .
LtB champs Vacoufs sont de petites teries , ou miear
des enclos, dont le ffrmnge est ac(|ui8 à une famille pur un
loyer auticîpé versé au moment de la prise de puSte.-sion ,
et une redevance annuelle , mais bien iniuinie . Ces biins,
par le fait de leur origine , envinmnent principah'iiK'nt la
ville ; ce sont les jardina livrés à l'ignorance horticole .
Les Arzi-mihs sont une quasi-propiiéié, et, valeur
éieudue , ils sont le yéritjibie domaine propre à l'agriiul-
ture , mais dont s'empare le preitiier venu muyeanant une
redevance annuelle . Les Aizi-'miris Bout donc tiès-mon-e-
lés , et confiés snns la gniautie nêct ssairr de la' fortune et
de l'activité intellectuelle du prenant pour féconder la
terre .
Quaut à la propriété privée , elle n"a d'imjiortjnice par
son étendue qu'entre les maiits de quelques perdoiinea, gé-
néralement des Tures, aux ancê;red lie&quel.s île va tes lor-
rains Dut été concédés à l'éjioque de la cunqnéie . Miis ces
heureux propriétaires sont , K-s uns trop nont-haliints , les
autres trop pauvres en fouds , pour se livier c-ux-mémeiïà
la culture . lis paitagcnt donc leur domaine en petits lots.
saovGoOt^lc
680 AOStOULTOIlE
et le voilà par le fait ré luit aux fâcbcusea consé.'jueTiceRda
morcellement généi-»!: car tout paysan possède un autre ,
lambeau , qu'il cullive avé'îî'ciliii qu'il tient du pro|iriétai-
re in lifféient ou incnp:ibl<.' , moyennant une redevant:e en
nature sur le produit du sol, et souvent il ne le tient qu'an- ■
Quellement .
Ainsi partagée .qu'est devenue cette terre dontPindsro
célébrait la fertilité? u'e^t ce pas un amère déiision de le
rappeler î Cette terre qui iioutris>ait encrore au Moyen- Age
presque exclusivement de ses produits une populaiion con-
sidérable, morcelée comme elle l'est, récolte aujourd'hui à
peine le quart du grain uécessaiie à ^es 30.00Û habitants.
La petite exploitation ne comporte pits l'acquisition d'un
matériel perfectionné, répondant aux exigences des saisune;
la bêche et la houe la plus primitive sont les seuls instru-
ments mis en usage pour écorcher le sol à quelqueii centi-
mètres de profondeur, quand il est détendu par les pluies
automnales qu'on attend donc comme l'élément nécessaire
pour ouvrir le'labour. Nous devons expliquer ici ce que nous
di&ions à la fin de nutre étude hydrographique . Les pluies
sont plus tardives , plus intermittentes et de moins longue
durée qu'autrefois, ce qu'il faut attribuer au déboîst-ment;
les nuages ne se condensent plus, ou le vent les em|iorte
avec rapidité ; l'eau déjà diminuée s'écoule libremi nt , au
lieu d'être conservée par les feuilles mortes, auxqueile:^ les
premières chaleurs printanières l'emprunteraient pour la
laisser retomber sur les champs ensemencés . En conclu-
sion, le labour n'est possible que trop tard ; tout le travail
se présente en même temps; l'intérêt privé le divise; ce-
pendant les houes et les boeufs sont en petit nombre ; la
saovGoOt^lc
AORICULTURB 6S1
vivacité caractéristique de la nonchalance mise au pied du
mur , fait face à la difficulté ; en un jour une superficie iui-
mense est dite labourée, aussitôt ensem<-ncée ; mais la plan-
te est encore faible lorsqu'arrive te priutemps sans pluie ;
le brise-motte , le rouleau , sont inconnus , et l'on étonne
le cultivateur quand on lui dit qu'une perpétuelle sollici-
tude doit suivre ses espérances .
Stériliiiée par la Becherfsse, la terre est en outie épuisée
fnute d'engrais . Si le paysan recueille les immondices de -
ses animaux, c'est uniquement pour la culture des légumett
qui exigent ce luxe . Du re>te , il iie fait pas de litière , la
paille étant donnée en nourriture aux auimaux, et person-
ne , ni dans la ville ni dans la cantpngiie , n'a souci de re-
cueillir ce dont oft fjiit partout une industrie , un commer-
ce et un revenu municipul important ; fiiut-il ajouter que
la propreté en ferait sou profit ?
Si la paille e»t donnée aux animaux, c'est qu'il n'est pas
admis que la terre soit occupée en fourrages; l'homme
Comprend trop bien qu'elle lui manque , et c'e^t pourquoi , .
au lieu de refaire les champs épuisés en concentrant ses
forces et ses sueurs, il brûle et détruit les forêts et les
broussailles ; il croit, en s'agitant sur une plus grande sur-
face , réaliser le même bénéfice , tjindis qu'il n'a fait que
dépenser plus de leiiipe et de st-mtflice . C'est à tort qu'on
se plaint de la nature du sol ; car il produit un blé indigè-
ne d'excellente qualité , et exempt d'ivraie . S'il rend peu ,
il ne faut l'attribuer qu'à la uiauvaise culture; peut-être
aussi n'y a-t-il pas échange de (lemence de provenance suf-
fisamment éloignée . Eniiu il est probable que l'intelligen-
ce réussirait à acclimater dautioa variécés qui , l'une ve-
D.qit.zeaOvGoOt^lc
bOZ AGRICULTURE
nant à mnuqiicr , pourr;nr 6ti« Rem^e plus tard et. réparer
le mal ; mais ceci exijrerait que lea premièiea semai Jesfus-
Fent achevées dans l'automne .
l^^e système d'assolt^ment t-ommandé par une ruutine a-
veugle et opiniâtre , compromet aussi la fortune du culti-
vateur. Il est basé sur 1a culture triennale par tiers de la
terre arable ; c'est-à-dire que le tiers consacré une année à
ren&emeucemeiit , retite deux annéts «'nsuiie en jnchèi-e .
Les animaux y trouvent , il est vrai , assez pour -ne jias
mourir; c'est le pacage public, qui doit suppléer à l'ab-
Bence presque absolue de fourrages ; car quf Itjues enclos
seulement sont abandonnés à la production spontanée d'un
trèfle sauvage mélangé de foilu avoine , le plus souvent
consommée en vert . Si le paysan eu fait Hécher un peu ,
c'est en général pour le vendre ainsi que la paille qu'il
croit avoir en excès, puisque la terre libie et la montagne
sont livrées à l'appétit de ses aniinaux . Sous ce rapport,
l'étendue supplée donc encore à l'intelligence et au travail;
les fourrages de longue durée , et ceux de deux ou d'une
année , sont inconnus ; c'est que pour les produire , il fau-
drait faire quelques avances et travailler ; tes fouri-ages
rendraient à la terre la substance que les céiéaleii ont ab-
eoi'bée , mais la prévoyance ne pénètre pas au^Bi piofondé-
roent ; tout espoir est-il perdu pour le blé , on j't.e de 1 or-
ge ; quant à l'avoine , ni son giain ni sa pa.lle ne suntesti-
més ; à toii) ou à raison , nous ne le savons pas; niais c'est
uue idée fixe qu'elle engraisse les animaux en les débili-
tant.
La seule raison qui justifie ce système, d'assolement est
le dénr d'argent à l'agriculture, et c'est le troisième mal
:q,t7edi>G00t^lc
AOBICULTURE- 683
dont eUe souffre . Le placement pour l'exploitation de la
terre est rejeté en principe ; et comme le paytan , seul cul-
tivateur , ne récolte ordinairement que le Btrict nécessuire
pour l'entretien de sa famille , après qu'il a retiré de sa
récolte la part du fermage et de la dîme, il n'arrive ja-
mais, même dans les meilleures années , à faire des écono>
mies . Le grand propriétaire , s'il est capitaliste , supplée
avec nsure à la pauvreté du laboureur , en hypothéquant
le produit de la semence qu'il fournit ; ce marché eutraiiie-
un intérêt ruineux ; car on lui livre 3 kiléi> pour 3, ou plus
généreusemt'nt 3 pour 4 ; c'est-à-dire dans le premier cas
60 et dans le second 33 pour cent ; l'agiotage y trouve
mieux son compte encore : le blé doit être livré sur l'aire
na mois d'Août ; les coura sont-ils bas ? te prêteur refuse le '
payement en nature et exige de l'argeut au cours de sea
avances , Spécifié dans l'obligation .
Il n'existe malheureusement pas de Crédit foncier pro-
prement dit , car on ne peut pas donner ce nom à la caisse
tenue par le G-ouvemement ; d'autre part , le revenu agri-^
cole est trop bien apprécié k sa nulle valeur , pour que
le prêt à 12 o /o . intérêt légal du pays , lui soit affecté ,
Cependant le prêteur , en choisissant son client areo'
prudence, courrait beaucoup moins de risques que dans les
téméraires entreprises commerciales qu'il fiivorise ou qu'il
provoque . Mais , dira-t-on , le paysan est de mauvaise foi; ■
si on le juge sur les difScultés quelni créent tiCS banquiers
ordinaires, on constatera en effet qu'il est rarement eu état
de s'acquitter; pour être juste, il fant en même temps ap-
profondir la situation qui lui est faite ; alors on compren-
dra facilement que des "prêts qui auront pour objet d'amé-
saovGoOt^lc
684 Aasicut-Tusi
liorer le travail et de le rendre plus productif , qui
ront eu même temps une large part de bénéâce au paysan,
ne le réduiront pas à l'extrémité , le réhabiliteront, contri-
bueront à l'enrichir , et par conséquent à faire progresser
l'agriculture . Car si le prêt est à long terme surtout , et
amortissable , le matériel de culture sera multiplié et com-
plété ; au travail triennal de la terre succédera le travail
annuel avec l'assolement par tiers en céréales et en four-
rages.
Une autre lacune préjudiciable au producteur, c'est celle
d'un marché public . Chaque paysan . aussitôt qu'il a en-
saché son grain , pressé de recueillir uu peu d'argent pour
subvenir à de nouveaux frais, vient l'oârir de porte en
porte , et , à cause de l'encombrement , on lui impose la,
baisse ; des spéculateurs courent les villages les plus éloi-
gnés ; ils connaissent mieux encore la mi»ère qui pèse sur
les familles , et leurs achats sont opérés avec un agiotage
écrasant ; s'il y avait au contraire un entrepôt et un cours
public, on comprend que les intérêts sacrés des producteurs
seraient, par leur entente commune, mieux défendus . C'est
à tort que le consommateur s'élèverait conti-e cette théorie;
l'ignorance seule , ou une spéculatiou tyrannitiue o&erait
se i'éliciter de la ruine du cultivat^iur, qui a pour consé-
quence forcée celle de l'agriculture ; au contraire le négo-
ciant sérieux et le propriétaire intelligent jouiront de sa
prospérité qui augmentera les recettes du premier et garan-
tira le revenu du second .
Enfin l'agriculture souffre du mauvais état de la voirie,
à l'époque principalement où_ ses produits doivent être
transportés . Il faut des journées multipliées pour faire
:q,t7edi>G00t^lc
AOBICULTCRE 685
arriver du champ îi l'aire et de là à la ville , à dos d'âne ou
de mulet , des chargea qui n'excèdent pas 50 et 80 Okes , .
quand la distance n'est pas grande, ni le chemin trop ili£B-
cile . Il y a donc là une peite de tempj considérable , que ■
le Mutessarif Salih Efendi a voulu faire toumt-r au proSt
du travail . C'eBt le seul Gouverneur qui n'ait rien promis .
là }a population, lorsqu'il prit possesMon de son poste, mnig
qui par contre ait voulu faire quelque chose ; à force d'é-
nersçie et de persévérance, il a- commencé une route carros-
sable, devant faire le tour de l'Ile en suivant la ligue des
villages du littoral , et relier ensuite à cette route princi-
pale les villages de l'intérieur par des chemins vicinaux .
On y a travaillé pendant un turaps avec une certaine ac-
tivité sous la surveillance d'tme eomnii^-sion mis e , à la
têie de laquelle se trouve rinfatig.ib'eCi)pan(lji Zsdé Meh-
med-Aly Efendi . Mais parv;endra-t-on à. achever ce tra-
vail ? ... C'est là une question à laq'it-Ue l'avenir seul peut ■
répondre ; car l'entreprise rencontre , outre les difficultés
qui entravent tout en Turquie , le mauvais vouloir des.
gouvernés , même des plus intéressés dans la question «
surtout lorsque , conformément à la Loi , ils doivi'nt four-
nir leur prestation personnelle ou pécuniaire de quatre-
journées par an .
Pas trcp de zèle, disait M. de Talleyrand, et pourrait dire
aussi la Commission au Gouvei nement snpéiieur qui , mé-
connaissant l'expérience de celle-ci . nomme un ingénieur
à vues hautes mais disproportionnées aux ressources, et qui
agit à l'insu et sans le concours des commissaires . L'ini-
tiative locale a , par cette immi.ition imprévue vt inrlépen-
dante , rencontré ensuite des sous-ingénieuis d'aventure
saovGoot^lc
686 AQEICULTURE
qui , sans contrôle , comme sans mandat connu , ont gas-
pillé les fonds et compliqué la situation , au point que les
travaux suspendus seront difficilement continués .
On blâme areo raison la critique pour la critiijue , c'est-
à-dire celle qui semble ne s'attacher qu'à signaler le mal .
sans indiquer le remède , Au morcellement de la terre il
est difficile d'opposer le système de gmnd fermage ; car il
n'est pas dans les mœurs du pays qu'une pai-tie delà popu-
lation travaille en domesticité; supposons même qu'un cul-
tivateur hardi voulût monter une grande culture . il aura
immédiatement à lutter contre un obstacle pre^^que insur-
montable dans la main-d'œuvre ; ce n'est ceriaiuemeiit paa
le prix élevé des journées à la campagne : 7 piastres ^Fr .
1. 50) pour un homme, 4 piastres (F. 0. 85) pour une fem-
me , ce sont les fréquentes interruptions imposées au tra-
vail par les jours fériés en dehors du dimanche, et de quel-
ques autres solennités qui font partie intégrante du Chris-
tianisme .
A cette difficulté , ajoutons une certaine dose de paresse
naturelle et une vanité ridicule d'indépendance . Donc au
lien d'un remède violent, nous proposerons l'asKOciation da
paysan ; la chose est facile ; car les mém 'S besoins le réu-
nissent , et d'ailleurs les familles (|ui composent un village
Bout peu nombreuses, et en général la paix et la «ympathie
régnent entre elles . Nous n'avons pas à développer ici les
conditions , le règlement pratique de cette association du
travail ; mais nous sommes persuadés que Vidée serait fa-
cilement mise en exécution, si, d'accord avec le paysan, le»
propriétaires et les capitalistes la comprenaient, s'en em-
paraient, et s'ils consentaient à faire expliquer quelque»
saovGoOt^lc
AQEICCLTUEE ' 6S7
livres théoriques d'agriculture .
La confiance qu'inspire une association bien organisée ,
amènerait l'argent nécessaire à l'achat du matériel ; les a-
nimaux nonrria à l'étable . fourniraient du f umif-r ; plus de
fourrage permettrait d'élever dos vaches ; le sainfoin sur- -
tout donnerait une abondante provision; au pacage semit
substitué le parcage cloisonné; eu6n le bailleur de fond» -
intéressé comme actionnaire , ne redouterait pas un maiv
ehé avec cours de place; et mille industries naîtraient pour*'
la fabrication et l'entretien du matériel . Mais l'immeiiî^a
avantage qui en résulterait, ce serait de multiplier les pro-
ductions ; car les terres maintenues en fertilité recevraient
successivement le sézame , le cotun , et la pomme de terra^
si justement apfwlée le pain du pauvre ; nous croyons
qu'on essaierait aussi avec succès le rhanvre et le lin ; du-
reste celui-ci y a certainement été cultivé , caril en croit
spontanément une belle espèce . Quant au dernier mnl que
nous avons signalé , l'imperfeciion de la voirie , il est bien-'
évident que l'effervesceuce du travail et la prospérité en^
auraient vite raison .
Protégé et enrichi au lieu d'être victime , le paysan, qui;
n'ett pas foncièrement chicaneur, serait bien plus ponctuel
dans ses engagements , et de son côié le cap{ttili(>te, régu-
lièrement payé , y trouverait son cumpte mieux qu'il ne ]«
fait aujourd'hui . Nous proposons ces observations à la sé-
rieuse attention des capitalistes Européens , obligésde pla-
cer leurs fonds au 3 "/o ou au 5 "/o ■
Le système actuel entraîne la dépopulation ; car miné ,
toujours de plus en plus endetté , le paysan n'a d'autres
ressource , après la chicane , que l'émigration , et c'est
saovGoOt^lc
osa AasicuLTCKi
généralement à cette dernière qu'il donne la piéférenie.
Sa destination de prédilection est la ville ou lea environs
'd'Âïdin , où il trouve à exercer sont métier de maçon ou
'de laboureur pendant deux ou trois ans ; il j fait quelques
économies qui lui permettent de rentrer dans l'Ile pour
j payer ses dettes , acheter une paire de bœufs de liboup
et reprendre son ancienne vie , sauf à contracter de nou-
velles dettes k la première mauvaise année qui se présen-
tera, et à repartir encore pour Aïdin . Il arrive aussi sou-
vent que l'émigrant malheureux , obsédé par le souvenir
des créanciers qui épient son arrivée , oublie qu'il a laissé
à Rhodes femme et enfants , et renonce à tout e.-prit de re-
tour. C'est une des raisons auxquelles il faut attiibuer la
décroissance progressive de la population .
Un des éléments de l'agriculiure dont uotiB n'avons par-
lé qu'incidemment , c'est le bétail ; s'il ap|)orte son contin-
gent au progrès , il n'est toutefois florlESsant qu'à la condi-
tion de jouir d'un progrès antérieur; or il est nécessaire-
ment à Rhodes peu nombreux . et très-débile , et c'est à le
multiplier , à l'améliorer , que devra être consacré le pre-
mier argent destiné à l'agriculture . Le Inbcnreur a pour
auxiliaires dvs bœufs ; la rac« est de petite tiiitle. mnis bieil
proportionnée, sobre par nécessité , et d'un naturel très-
doux . Les vaches demandent à être remplacéet , sinon
comme race . du moîus comme sujets, pour fournir à la
charrue des animaux plus \igoureux et plus susceptibles
d'un travail forcé , et pour douner une plus grande abon-
dance de lait ■ Or celles qui existent actuellement sout trop
débilitées ; il faut aussi les amener eu grand nombre, pour
faire eur place l'élevage des bœufs . En gazounant un peu
saovGoOt^lc
AOBICULTURB bH9
les plateaux, le problème sera résoin ; alors le lait, le beur-
re et le fromage ne feront plus défaut sur l'Ile ; l'on ne
Bouffrira plus désormais de la disette de la viande ; car dans
l'état actuel , la boucherie ne ^e fournit de gros bétail que
de rAuatolie , d'où la prohibition légale d'esportation ne
laisse venir que )es animanx impi'opres à la reproduction ,
rieillis et amaigris; cette toléruDCe est ensuite fntravée
par le temps qui ne permet pas toujours les communica-
tioiiB au gré des besoins .
Le mulet sert de béte de somme ; la race en est belle ,
mais étrangère au pays, ce qui en augmente considérable-
ment le prix ; aussi n'y a-t-il que les paysauts les plus
heureux ou les plus audacieux qui puissent user de eea
forces . Les autres , et c't'st le très-grand nombre , possè-
dent un &De ; soit dit sans ironie , il foisonne donc à Rho-
des , pt il est indigène . La race en est vraiment curieuse
par sa petib-sse , et par sa force hors de proportion . L'en-
tretien n'en est pas bien dispendieux ; quand iU n'ont pas
à travailler ils errent en liberté sur les montagnes dépen-
dant de leur village ; on va les y chercher quand on en a
besoin ; immenses sont les services qu'ils rendent aux
paysans pour le transport des produits et pour le foulage
des grains . Cet indispensable compagnon du Rhodien , se
vend de 5 & 20 francs ! Une race d'ânes un peu plus
grands que les indigènes , a été importée de l'étranger.
Ceux là se vendent plus cher .
Après les animaux destinés au travail , l'^riculture
exige des troupeaux de moutons , et surtout de chèvres
qui , dans les montagnes réusissent mieux , et dont l'en-
grais est très-riche . A Rhodes il y a bien quelques petits
D.qit.zeaOvGoOt^lc
680 AGKICULTUBB
lîToupeaux de brebis dont on vend les agneaux au lieu de
lés laisser croître comme moutons ; cependant la spécula-
tion serait avantageuse ; car la chair de ceux qui échap-
pent à la mort anticipée ; acquiert une bonne qualité et
ne prend rpas l'odeur désagréable de la laine comme celle
•de l'Anatolie . Oii devrait donc décupler au moins les
troupeaux et continuer l'^erage-.
Kous ne ferons pas la même observation pour les chè-
vres , bien inférieures à celles de la <sAte voisine, à moins
^qu'pn ne veuille en améliorer la race ; autrement le pro-
IpHétaire ne réussira plus h en augmenter le faible ren-
dement .
Les porcs , assez abondants , pourraient l'être plus , s'il
j avait des pommes de terre et dw grain pour les engrais-
ser ; mais la paysan dédaigne les premières , et récolte à
peine de l'autre pour ses besoins , Toutefois il n'y a pas à
développer cet élevage sur une grande échelle ; car le cli-
mat ne permet de manger de cette viande que pendant
trois mois d'hiver-'; il est vrai qu'une meilleure nourriture
remédierait au défaut de la chair molle et sans saveur ; et
puis la charcuterie bim exercée, produirait des.jumbons
',et autres salaisons, qui peuveut être mangées impunément
en toute saison .
Mais cet animal ne vit aujourd'hui que d'herbes et
, d'immondices , au gré de son instinct , et eu telle liberté
que , dans le Sud de l'Ile surtout , it s'est pas rare d'en
rencontrer vivant avec des chèvres et des taureaux égarés ,
à l'état sauvage . Le turc , on le sait , partage la profonde
aversion du juif pour le porc ; il ne faut donc attendre de
sa part aucun eflbrt tendant à en améliorer la race et le
saovGoot^lc
IQRTCULTUBE
691
produit .
Bq résumé , pour obtenir ce double progrès , il faudra
' que la culture mieux putendué, et plus 'étendue non pas en
superficie , ce qui la ruine, mais en herbes et racines four-
ragères, apporte à la nourriture des animaux un contin-
gent h. celle que la spontanéité de la nature ne donne
qu'insuffisammeut .
La question des troupeaux amène un mot sur la race
canine ; celle qui est répandue dans les villages descend
de bonne et ancienne lignée , mais très- abâtardie ; toute-
fois , bien dressés par le paysan , les chiens chassent le
lièvre surtout avec habileté. Saurait-on les dresser à
conduire et à garder les troupeaux î Nous l'ignorons .
ha. basse-cour dont les fermières d'Europe savent tirer
un si grand profit , est à l'état rudimentaire ; les poules la
composent seules ■. Elles sont génénilemeDt de petite taille,
mais productives ; les coqs indigènes sont loin de justifier
l'assertion de Pline; ils sont , dit-il, très'braves et ne nais-
sent que pour la guerre et de continuels combats : Quid/tm
gaUi ad bella tantum et prœlia ansidua nasewntur , quant»
etiatn paPricvm. nobilîtarurU , Rhodum m Tanagram . Appel
sérieux au progrès ; car des négociants de Faris ont écrit
pour demander des œufs .
Les abeilles de l'Ile méritent d'être mentionnées . Le
miel qu'elles produisent, quoique brun, e^t de bonne qua-
lité ; il est surtout réputé puur son parfum aromatique ,
et il n'est pas aujourd'hui au dessous de son ancienne re-
nommée ; aussi sommes-nous persuadés que quelques no-
tions d'apiculture seraient bien comprises par le paysan ,
et qu'il s'attacherait à augmenter ses ruchers, pour répou-
saovGoOt^lc
C92 AOBIOCLTURE
dre aux demandes du commerce relativement au miel et à
la cire qui est aussi de bonne qualité .
, La culture maraîchère est l'objet d'une plus grande at-
tention de la part du paysan; il déploie une persévérance .
une éuergie très-louablee k lutter contre la sécheresse du
climat . Les potagers sont bien engraissés , bien cultivés
et habilement disposés en rigoles pour conduire l'irriga-
tion ; aussi le succès répond-il certainement à tout ce tra-
vail , et ne procure cependant qu'un raaigi-e piofit , Pour-
quoi ? En voici les raisons . Le paysan est à la fois cultiva-
teur et jardinier, denz choses inconciliables ; car la culture
potagère ne souffre pas d'interruption dans le travail; libre
des soucis d'une exploitation relativement grande , et qu'il
aurait confiée à son voisin cultivateur . auquel il consacre-
rait d'ailleurs des journées rétribuées, le maraîcher force-
rait son jardin à produire nue plus grande variété de lé-
gumes ou de fruits , et surtout obtiendrait les primeurs et
les arrière-saisons , à. l'aide d'un matéiiel de châssis et de
paillassons . Or qu'arrive-t-il aujourd'hui î Après être re.
Bfcés inoccupés pendant une partie de l'hiver , tout- à- coup,
-et tDnt> en même temps , les paysans se précipitent dans
leurs jardins ; ils cultivent la terre , et fèm^nt à l'envi des
fèves et quelques petits pois ; pendant une St-maine ou
deux le marché en sera encombré, le prix en sera très-bas,
et la ^marchandise disparuSti-a . Il faut attemire eniiiiite la
maturité des tomates pour manger un légume ; les con-
combres , les courges , les aubergines et les gombots ap-
parussent en même temps ; on ne cannait que deux mau-
vaises qualités de haricots noangés verts en cosse . Alors
il. y a surabondance et profusion ; cela joint au tempa
saovGoOt^lc
AORicuLTwur 693
perdu pour apporter en ville une charge vendue pour
quelques piastres , fait que le travail est ^ peine com-
pensé . Il en sera de même pour les melons, les pastè-
ques , les potirons et les choux , ces derniers connus
Seulement pendant l'hiver; car de tous les légumes ou ne
cultive qu'une seule variété, et pour tous la production est
simultanée; donc successivement, prodigalité et privation.
A tous ces maux qui atteignent le producteur et le con-
sommateur, il serait très-facile d'a])port«r un remède; dans
chaque village il y a maintenant des jeuneb gens qui sa-
vent lire ; il suffirait de leur procurer un traité élémentai-
re et pratique d'horticulture; les femmes surtout pren-
draient sur elles le travail moins fatigant , partagé avec
leurs enfants, et seraient heureuses de voir la prospérité en-
trer au foyer .
■ Il est à désirer que l'on pratique sur une grande échelle
l'artifice pour la conserve de tomates ; c'est une pâte qui
persiste pendant deux années, quand elle est préparée dans
de bonnes conditions ; le vase entamé ne redoute rien de
la lenteur de la consommation . puisqu'il suffit d'en rem-
plir un ou deux contenant environ 2 Kilogrammes de pâ-
te , pour les besoins d'une famille; c'est qu'en effet il n'ea
faut que la grosseur d'une noix pour garnir un plat destiné
îi 5 ou 6 personnes; l'exportation en serait donc avauta-
geuse , vu Is prix élevé de cette denrée en Europe .
Relativement à l'horticulture , nul n'a le droit de se
plaindre de la nature du sol ; car l'oignon y réussit très-
bien , et l'on connaît ses exigences . La production en est
considérable , et serait par l'exportation la source d'un
bon revenu, si le maraîcher était en avance d'argent . Aux
saovGoOt^lc
I
694
AOBICULTUKI
légumes que nous Avons aomoiés , et dunt nn peut nug-
meoter les variétés arec Bticcès et avec profit . on Ajoute-
rait facilement arec non moins de certitude de réussite ,
l'asperge , le gros artichaut , la carotie, les choux de prin-
temps, en même temps que les tfaladea presque iucon-
nues.
Pour terminer ce qui concerne le revenu de la teire , il
nous reste à parler de l'arboriculture . Les arbres qui com-
posent les vergers , sont le mûrier, le grenadier, l'orsuger ,
le citronnier, le figuier, l'olivier , l'abricotier , le cognassier
et le rosier , auxquels nous ajouterons la vigne dont les
plants occupent une étendue assez considérable .
Le mûrier tend à disparaître à la suite des fléaux: qui ont
frappé les magnaneries ; on doit le regretter ; car planta en
bordure des chemius.il procurerait un ombrage très-utile
indépendamment du double bénéfice qu'on peut retirer de
son feuillage. Si les vers à soie ont découragé les éleveurs,
on doit en accuser l'indolence de ceux-ci qui n'ont pas as-
sez lutté contre le mal en recoui-ant aux graines exotiques,
et en améliorant le système vraiment élémentaire , qu'une
longue prospérité faisait croire infaillible. En attendant de
nouveiiux etForta , nous réclamcrous en favtur du mùiier ,
et nous dirons qu'on doit récolter la première feuille afin
d'en développer une seconde ; ces deux récuLes fourniront
un excellent fourrage; la taille triennale, en faisant avorter
les fruits , ne multipliera pas l'engeance redoutable des
moustiques . Enfin la construction navale j trouvera abon-
damment le bois dont elle a besoin .
Le grenadier donne des fruits magnifiques et de très-
bonne qualité , mais qui no rapportent qu'un revenu insi-
saovGoOt^lc
AOfilCULTVilB 695
gni6ant ■
Les orangers , leB citronniers , les -bigaradiers , sont de
belle Tenue , et le mandaribîer n'a pas démenti les espé-
rances qu'il a fait ooncevoir . Ces arbres semblent atteints
depuis quelques années d'une maladie qui a tous les earac-
tères de l'anémie . On devrait certainement les soumet-
tre à l'examen d'un spécialiste ; la science, en découTraut
la nature du mal, saurait peut-être en indiquer le remède,
qu'on appliquerait avec zèle ; car l'Ile perdrait avec ces
arbres non seulement un de ses ornementa les plus poéti-
ques et les senteurs qui parfument la brise , mais aussi un
revenu considéi'able .
Les figuiers produisent en grande partie l'alimentation
du Rfaodiote , et cependant il reste encore une large part
au commerce . On compte au moins quinze Tariétés , dont
les fruits se succèdent depuis fin Mai jusqu'en Décembre;
ce n'est donc que pendant une moitié de Vannée qu'on est
obligé de recourir aux figues sèches . La préparation en
est trop peu soignée ; autrement elles feraient bonne fi-
gure dans les desserts européens .
La fructification exige une précaution inconnue partout
ailleurs ; le figuier, arbre dioïque , ne transmet pas direc-
tement par le transport mystérieux de la nature, la sub-
stance fécondante d'un sujet sur l'autre ; il faut cueillir la
figue mâle et la suspendre aux brahcbes de l'arbre destiné
à être fécondé ; cette nécessité donne une grande valeur à
ce premier fruit .
L'olivier règne , et à bon droit . car il prospère , et son
feuillage conserve à l'Ile pendant l'hiver un manteau de
verdur» quiréjuuit la vue, pour l'attrister quand les autres
saovGoOt^lc
arbres ont revêtu une parure plus éclatante . Mais occtt-
ponB-noue du fruit . Si l'on soumettait comme eu Europe
l'arbre à une taille habile, il est probable qu'il fructifierait
pluB régulièrement . La récolte spontanée n'est assurée
que tous les deui ans ; le fruit est conservé dans la sau-
mure pour être mangé tel , ou servir de garniture ; mais
c'est surtout par son huile qu'il constitue sou revenu .
L'huile de Rhodes n'a pas la réputation commerciale qu'elle
mérite; cette dépréciation ne résulte pas de sa saveur. pro-
pre , mais plutôt de sa couleur vert-foncé désagréable à la
vue; une extraction plus habile corrigerait certainement ce
défaut qu'il ne faut pas attribuer uniquement à ce qu'on
torréfie les oHves avant le pressurage; car dans les villages
où cette opération n'est pas usitée , l'huile est à peine
moins foncée . Cet usage est basé sur l'espérienoe qui a
démontré que l'huile ne rancit pas aussi promptement . Le
mauvais pressurage fait certainement perdre au minimum
25 °/<, du produit réel , que l'on ne sait pas reprendre au
marc . Cependans la production est assez importante pour
déterminer l'acquisition d'instruments perfectionnés , qui
épuiseraient la pulpe oléagineuse .
L'abricotier devient l'objet dune prédilection croissan-
te , qu'il justifie par son rapport prompt , abondant et
de qualité supérieure . Le fruit n'est pas bien gros , mais
très-délicat et tiès-pâpfumé, malheureusement trop éphé-
mère , ce qui réduit considérablement le revenu qu'on en
pourrait tirer; car beaucoup de fruits sont perdus sous les
arbres ; le transport les froisse et le revendeur doit comp-
ter sur un déchet important , puisque la marchandise ne
conserve pas sa fraîcheur plus d'une journée .
saovGoot^lc
AOHlCnLTCRB 697
Apec les abricots on fabrique une gelée et une marme-
lade fiurBnes , bien supérieure» à celtes que la conBserie la
pluB perfectionnée obtient dans le Nord de l'Europe ; si le
tM}ût augmenté des frais d'exportation en est trop élevé
pour permettre un bénéfice, c'est parce que l'induslrie n'est
pas organisée économiquement . Nous ferons la même ob-
servation pour la dessicci)tion de ce fruit. Des échantillons
envoyés dans la région de Paiis ont été appréciée ; en efTet
cette cODserre peut être mangée comme les pruneaux , ou
fournir la substance d'une mai mtlade presque aussi fine et
savoureuse que celle pi épai ée avt c les fruits venant direc-
tement de l'arbre . Pour ces piéparations , il n'y a rien à
cbanger aux procédés ; il n'y a qu'à améliorer le matériel
pour diminuer les fiais de main-d'œuvre et de combusti-
ble ; un peu d'art ferait aussi une terrible concurrence aux
desserts deVkhy .
On cultive sans aucun profit l'amandier et le pêcher .
dont les variétés sont mauvaises, bien que les arbres soient
vigoureux et satisfaits du sol .
Le Cognaaaier donne de beaux fruits , dont la qualité
est préférable à ceux qu'on se procure du dehors , parce
que la récolte est insu£5sante pour les besoins du pays .
Nous avons nommé le Rosier; c'est qu'en effet il a et
mérite d'avoir une très-large place dans les vergers . Ex-
pliquons-nous , car nous ne voulons point parler de ces
plantes reclierchées pour l'ornementation , dont les arbori-
culteurs passionnés multiplient les variétés à l'infiDÎ . La
rose dont nous parlons a conservé presque la simplicité de
sa corolle , dont les pétales lâches et d'une nuance propre
très-tendre laissent voir un abondant faisceau d'étamines ,
saovGoOt^lc
b^O AaSICULTl'HI
semblable à une gerbe d'or . Il s'en exhale un parfum eni-
vrant , dont Vesience est de valeur exceptionnelle , et à la-
quelle rindustrie donnerait la préféienc» sur toutes les au-
tres . La' multiplication de ces arbustes serait donc un re-
Teuu'aâsuré pour le paysan qui occuperait des coins per-
dus ; mais la distillerie n'existe pas à Rhodes , car on ne
peut pas qualifier d'industrie une légère dittillation qui
fournit l'eau de rose avec laquelle on calme les maux
d'yeui et on aromatise quelques pâtisseries . Avec les pé-
tales de la même rose on fait une confiture qui est très-
bonne , et revient à coûter sur place 4 francs le Kilo .
Les vers de Virgile sont dans la mémoire de tous les
étudiants :
Non ego te , Pis et menain accepta aecundis ,
Tra/ngierim. , Rkodia , et tumidis , Bumaste , racemis . *
Le poëte écrivait ainsi , lorsque plusieurs siècles de re-
lations commerciales araient donné à l'Italie le goût lu-
xueux de ce vin renommé. La Revue Archéologique a pu-
blié sous la signature de K. Albert Dumont de précieux
renseignements sur ce commerce, et qui prourent la pros-
périté de la viticulture rhodienne :
"... Au temps d'Alexandre et même avant cette époque,
l'Ile de Rhodes envoyait ses produits au centre de l'Étru-
rie En traçant à Arezzo, ma patrie, dit M. Gamurri-
ni , en^l869 , la route Guido-Monaco , on a trouvé à une
profondeur de 3" des fragments de poterie en grand nom-
bre ; pour la première fois dans nos fouilles , nous avons
• Georg. Jir. II, t. 101. ;
saovGoOt^lc
AaBlCTTLTUBl ' 699 '
remarqué parmi ces fragmente des timbres sur lerre cuite
en caractères grecs . Je ne doute pas aujourd'hui que ces
cacheta ne proviennent de Rhodes ; ils eont gravés Bur les
anses des amphores qui servaient à exporter le vin célèbre
de cette Ile ."
" ... On a découvert depuis longtemps en Sicile des tim-
bres rhodiens ; récemment M. de Kossi et M. Reifferscheid
en ont publié plusieurs qui provenaient de la campagne de
Rome Il est certain que le plus grand nombre des
timbres amphoriques de Rhodes appartiennent au IV' et
au II[« siècles. Pour les timbres qui portent les mots '4[«uv-
Ta; et 'IiCTioxpatsûi; en particulier , aucun doute n'est pos-
sible ; la gravure en est le plus souvent d'une remarquable
flnease ; l'élégance des lettres indique la belle époque Ma-
cédonieane. C'est donc à cette date qu'il faut attribuer
rimportation à Arezzo des amphores dont M. Gamurrini
a retrouvé les fragments ."
Après ce retour dans le passé , voyons le présent . La
vigne est cultivée encore sur uneassez vaste étendue, biea
qu'un fléau dont elle a souffert ait amené la destruction de
beaucoup de vignobles . Ce n'est certainement pas le phyl-
loxéra ; car les caractères du mal sout tout à fait diffé-
rents ; les raisins se sont étiolés avant la maturité ; le pied
qui les portait n'a pas sensiblement ou du moins moitelle-
ment souffert comme dans les vignobles de France . Il n'a
du reste été fait aucune étude scientifique du fléau ; mais
l'usage s'étant inU*oduit avec succès de soufrer la vigne ,
nous devons en conclure que l'ennemi n'est autre que l'oï-
dium . Il n'était pas inconnu aux anciens ; mais plus heu-
reux que les modernes , ils connaissaient un remède que
D.qit.zeaOvGoOt^lc
700 jkQBICULTUSB
leur fournissait le sol même de l'Ile . C'est une terre nom-
mée de sa propriété ampélite , et qu'ils délayaient avec de
l'huile . Personne aujourd'hui n'est en état de l'indiquer ;
ce serait un immense bien pour la cukure locale , et une
grande source de profit pour celui qui en obticnJi-ait l'ex-
ploitation .
Ua autre Virgile ne serait plus autoiîâé ît exalter le vin
de Rhodes jusqu'à le juger digne des dieux et des mortels
privilégiés par la fortune. S'il est un progrès à appeler de
tous les vœux , h hâter par les plus généreux cffijrts, c'est
celui de la vinification , ou l'art de faire, d'épurer et de
conserver le vin . Un homme expert qui voudrait venir
tenter cette entreprise , obtiendrait les réâultits les plus
encourageants. Nous voudrions stimulet- l'iuitiative des ca-
pitalistes pour appeler cet auxiliaire; ils [ilaceraient encore
au profit de la terre , du bien public et privé , leurs capi-
taux , dont le revenu ne se fait sentir qu'en leur faveur .
Le Tableau suivant dressé sur les recettes de la dime
perçue par les fermiers, ou sur les renseignements les plus
précis qu'il soit permis de recueillir à l'égard des articles
qui ne payent pas le droit de dîme, donnera une idée aussi
exacte que possible de la valeur de tous les pi-uduiis du sol
de nie pendant une année moyeuue.
ARTICLES
POIDS
MË8UKE
QlliNTITÈ
PUIX
Morss
VALEUR TOTALl
Blé
Orge
Avoine
VeacB
Haïs
Kilés
185.000
75.000
7.000
8,000
500
F6.—
2.50
2.50
5.—
3.50
Fr. 1,110.000
187,500
17,500
40,000
' 17,500
îBBiGooi^le
AOBICULTttSE
701
'Fr. 1,372.500
Si^zame
Kilës
2,700
P9.— '
24.300
Coton brut
Oques
32,000
0.60
19,200
Suie tilée
—
4O0
20.—'
8,000
Cirt- jaune
—
6.000
4.20;
21.000
Miel
—
82.5(X)
'—
32.500
Vin et Raky
—
250,000
0.35
87,600
Fignea bèclies
—
lOO.OOO
0.2O:
20,000
Laine en suint
—
15.000
2.—'
30,000
Froniage
—
32,000
1—1
32,500
Tabac en feuilles
—
26,000
1.75
4J,600
Oignons
Quint.
17,000
5.—
SS.OOO
Fruits, légumes div.
—
—
—
800,000
Huile d'olive
—
3,200
40.-
128,000
VaUonée
—
1.250
10—
12,500
Caroubes
—
150
10.-
1.500
DiTere
—
—
25,000
Total Fr."2,245,00(i
CoDcluBion . La difficulté est gmnde , mais non inaur-
inontable, pour arriver à ouvrir la source de la prospérité,
parcQ que depuis trop longtemps on a sucé la terre jusqu'à
épuifiement, parce que l'habitude de la pauvreté a hébété
eu quelque sorte l'intelligence , comme elle a endormi la
volonté ; il faut donc opérer une véritable conversion mo-
rale, et pour cela il faudrait un de ces apôtres de l'agricul-
ture , amis de l'homme des champs , comme la France en a
connus et eotendus depuis 30 ans; il faudrait quelques-uns
de ces pionniers à la robe de bure et à la rie ascétique qui
savent donner à leur travail, à leur lutte , ce trait distinc-
tif de l'opiuiâtreté auquel Horace promet la victoire :
" Labor omnia virunt
Jmprobu3 ."
,ao,Gooq)c
CHAPITRE V-
COMMERCE-
Ce que nous veaons de dire de l'Agriculture , fait pres-
sentir ce que noua pouvons dire du ComBoerce de Rhodes .
n consiste plutôt en un mouTement de transit qu'en njf,
trafic local ; et pourtant , malgré le débouiAéqUe les Mti-
cles d'importatioq deTraient trouver en Anatolie , ce mou-
vement est encore "très- limité : car Smyi-ne , Syra eurtout,.
lui font une grande concurrence. Cette dei^ière, grâoea^r"
franchises dont elle jouit , répand les articles deses entre-
pôts , au moyen de ses caboteurs 'tout le long de la côte
voisine , et dans beaucoup d'Iles dépendant du gouverne-
ment de Khodes , où la contrebande s'exerce avec la plus
grande facilité.
Une seule mesure pourrait donc faire cesaer cette con-
currence désastreuse pour Rhodes et nuisible aux intérêts
généraux de l'Empire : ce serait de déclarer l'Ile port
saovGoot^lc
franc . Il en a été qurstioa bien des fois ; plue d'un Gou-
Terneur-Général a entre autres choses promis d'obtenir
cette franchise , mais comme tout lo reste , celte pro-
mease demeure à l'état de projet .
Les capitaux font défaut , dim-t-ou , cela est vrai ; niaig
les capitaux viendront vite, lorsque le pays leur offrira un
emploi avantageux dans l'agriculture, qui à son tour four-
nira un nouvel aliment au commerce; le développement
de celle-ci doit nécessairement contribuer au progrès de
celui-là ; l'une et l'autre anièiitront la nécessiié d'une ma-
rine locale , et toutes ces industries rendront bien vite à
cette pauvre Ile, einon son ancienne aisance, , du moins les
moyens de subsister et de sortir de cette fatale voie qui l'a
conduite à la misère et doit achever sa ruine .
Les chiffres suivants basés tur les données . aussi ap-
proximatives que possible . du mouvement des trois der-
nières années , établif^sent l'exeicice annuel moyen . Ils
sont plus éloquents que toutes les explications que nous
pourrions donner .
EXPORTATIONS .
PRODUITS DU PATS .
Fruits et Légumes
Peaux de cbèvres
Cire jaune
Miel ...
Vin noir
Laine ...
Oignons
Valeur Fr.
80,000
— — 20.000
— — 12,500
— — 20,500
— — 20,000
— — 20,000
— — 18,000
— — 40,000
Report.. 230,500
saovGoOt^lc
7Û4 COÏIUESCB
rHODUTTB DO PAYS .
Report ¥. 230,500
Huile ... _ _ 40,000
Vallonnée — — J2,500
Divera ... — — 7,000
Eponges — — 80.000
Total moyen Fr. âTÔTCÔO
ARTICLES DE TKAKsiT. (de l'Anatolie et des llea) .
Cire jaune ... Fr. 50,000
Huile et Tourteaux de Storax ... ... — 100,000
Miel ... ., ... — 10,000
Peaux de chèvre ... — 40,(rtX)
Sézame ., ... — 00,000
Fruits et Lcgumea aecB ,., ...' — 40,000
Épongea fines tt grosees ... ... — 100,000
Articles divers ... —100.000
Total moyen Fr75"0(>,O0Ô
Aux chiffres qui précèdent , on peut ajouter une valt'ur
moyenne de F. 530,000 pour les articles exportés de l'Ana-
tolie pour compte des comuieiçants de RliodfS , d'où il ré-
sulte que le mouvement total d'e.\portation e^t relJlé^enté
par une valeur moyenne de Fr. 1,400, 000 .
. IMPORTATIONS.
Les importations comprenant des articles destinés à la
consommation locale et des articles de transit, nous croyons
devoir les diviser en deux catégorii-s distinctes , ce qui
donnera une idée plus exacte de^ besoins locaux et du
inouvenient conimcrtial général de l'Ile .
saovGoOt^lc
CuMBOH.
TOTAI,
AHTICLBB
TBANSlt
L0CAI.B
HUKCB
Beiirre , Conserres . Salai-
Bona.
100,000
20,000
120.000
Biz d'Egypte et d'Italie, lé-
^mes Becs , veeces &c .
110,000
20,000
130.C00
Blé , orge et tariiies .
680,000
—
680,i«,0
Animaux de boucb(rie,de
labour et de somme .
140,000
140.000
TapÏB , cordages , Bacs &o .
40.000
20,000
60,000
Cuirs et peaux
60,000
12.000
62.000
Fa'iVoceB , verrerieB , quin-
caillerieB , clouteries .
150,000
47.000
197,000
Tabacs de Boumélie
40,000
■l.'i.OOO
66,000
Savons et pétroles .
65.000
15.000
80,000
Teintures et peintures .
Coloniaux, Sucre et Dro-
33.000
22,000
66,000
gueries
160,000
180,000
340,000
Coton et Soie , fils . tissus ,
draps &c.
600.000
230,000
850,000
Fer , Acier , Cuivre. Plomb,
Fer- blanc , Étain &c.
116.000
75,000
190,000
Papier , Parfumeries et au-
tres articles divers
62.000
38.000
100,000
J-r.2
,246,000
714.000
2,959,000
En rapprochant le chiffre d'importatinn ce <'elui qui ex-
prime la valeur de la productiou , on remarque qu'ils se
balancent. Le premier ne profite qu'à quelques pei sonnes
et enrichit l'étranger, si au contraire en réalisant les pro-
grès dont nous avons parlé , on angmeotait la production,
alors le profit de cet excédant serait partagé entre la po-
pulation tont entière . Du reste l'importation elle-Diême
est chaînée de frais considérables ; car les limites étroites
du commerce ne permettent pas un approvisionuemeut
saovGoÔt^lc
706 OOMMBRUB
anticipé , «t la confiance n'est pas assez grande pour don-
ner lieu à un comptoir d'escompte agissant avec un tel
déreloppement qu'il diminue les cliarges de l'emprunteur
ou du tireur .
Dans les conditions actuelles, les traites à courte échéan-
ce , de signature connue , et les chèques sur de bonnes
maisons de Banque, se négocient au pair; mais on trouve-
ra difficilement sur le pays des acheteurs pour des valeurs
supérieures à un millier de francs à la fois . Pour les som-
mes plus fortes , et pour lea traitas à trois mois de data ,
on doit s'adresser k une Banque de Smyme .
saovGoOt^lc
CHAPITRE VI.
TOUR DANS L'ILE-
Le Toyageur qui peut disposer d'une quinzaine de jours,
les emploiera agréablement eo faisant une tournée dana
l'Ile. Pour ce faire, il devra tout d'abord s'assurer d'un boa
guide et de ses mulets , car , pour le moment du moins , il
n'y a pas à Rhodes d'autre moyen de transport .
Un certain Dhimitri Panga était autrefois le guide en
renom pour ces excursions ; c'était luvariablement à lui
qu'on s'adressait. Malheureusement pour le touriste , heu-
reusement pour lui , Panga , qui paraît s'être enrichi , vit
de ses rentes et de spéculations plus lucratives . Son suc.
cesseur en renom est un certain Vassili Kakiou , qui sang
être aussi habile et aussi amusant que Panga, est très-ser-
viable et d'une honnêteté irréprochable. Le voyageur peut,
et lui conBer en toute sûreté ses provisions et ses bagages,
et s'abandonner entièrement à lui pour les dépenses.
saovGoot^lc
708 TOUR
Chaque nmlet et son guide coûtera de 10 à 12 piastres
par jour (de fr. 2. 25 à 2. 60) ; moyennant cette modique
somme , le muletier pourroira à sa nouiriture et à celle de
sa bête , de sorte que le touriste ne doit penser qu'à se
procurer les objets nécessaires à son u$age particulier . A
son retour, il donnera 4 ou 5. francs au chef muletier pour
le récompenser du soin qu'il aura pris de ses bagages .
1j6 touriste doit se pourvoir de thé , café, sucre, riz. pâ-
tes , fromage ; de spiritueux , s'il en use , de vius 6us s'il y
tient , de beurre , de quelques boîtes de conserves alimen-
taires, en&u de bougies ou d'une lampe portative. et d* une
bonne quantité de poudre insecticide . Nous recomman-
dons aussi l'enplête d'une paire de ces bottes rhodiennes
dont la tige faite de peau de bouc molle et blanche', mon-
tant jusqu'au dessus du genou . est très-utile sur les mon-
tagnes couvertes de buissons , parmi lesquels on doit
nécessairement passer dans les excursions ou en chas-
sant.
S'il n'a pas une selle Européenne , nous conseillons au
voyageur , qui ne jiourra piis s'en procurer une à Rhodes ,
de faire usage d'iiti cous in qu'il posera sur le bâi de sa
monture, piéeaution qui le p^é^ervela du contnct immé-
diat avi'C les ti averses de bois dont les bâts sont churpen-
téb . Le voyageur ne doit pas trop s'inquiéter de son loge-
ment dans les villages; il le LiisfOra choisir par Sun guide
qui a des amis un peu partout .
Outre la Ville et les neuf faubourgs de Néohori. Aghios-
loannis , Aghi-Auarghires, Agliia-Anastat-ia , Métropolis,
Aghios- Géoi ghios , Aghios- loanuis. Caménos , Aghios-Ni-
colaos et Pauagbia, l'Ile de Kliodes contieut 54 bourgs.
saovGoot^lc
DAKS l'iL» 70&
'TiHages ou hameanx et 15 monastèrpa .
Voici' l'itinéraire que noua conseillons de suivre pour vi-
^siier aveC'Ces dernières localités l'intérieur de l'Ile :
DE NàOHOKI À. :
CosHnou.l^ heure . Visiter sur le trajet, outre Zumbul-
(lu , et le tombeau des Ptotéméed , les autres monuments
déjà mentionnés (page 494] si on ne les a pas encore vus ,
ainsi .que le hameau d'Âsgourou exclusivement habité par
. des Turcs . Coskinou compte environ 150U habitants . C'est
un village très- bien situé sur unt* hauteur , et tiès- propre;
-SCS habitants sont siins contredit les gens les plus actifs de
toute rile ; aussi jouissent- ils de quelque aisance .
KalitJiièa , .1 hvuTti. . Visiter 6ur le traj-t les enviruna
<d'Aghia Varvara.(pag;e496), le moiia&tère a'Eléouaa. beaux
chênes à vallunée. Kalithiès compte environ 550 habitants.
Environs assi-z fertiles .
Aphandos,.! heure . Visitt-r Eriinokistron (page 450) h.
mi-chemin eutn* Kalithièa et Âphaiidos .
Archangéloe. 2^ hrures. Visiter sur la gauche de la ronto
'le'mi.naBtère de Zambica . Dans lesi nvironi^du vilLigequi .
.coiitpte environ 1600 h)lbitant^, le cliâenu (page 535), les
ri fïtfS iincii-ns (pnge 449) .
Malwia,y heure. De beaux vergers; 600 habitants. Visiter
le châieau au bord de U mer, à J u'ii» ure du village (page
.535) . Sources salînt.'e au sud du château . Huine» de Ka*
marcs prises à tort pur Hamilton pour celles de Camiros.
(page 446) .
Massan, 20 minutes. Territoire fertile; village bâtî après
^que l'ancien village du même num eût été remersé parle
.tieniLlemeiit -de terre -de 1857. On trou\e à quelques
saovGoOt^lc
ij710 TOUR
minutes plus loin les ruines Je celui-ci . Environ 25ÛLlift-
bitants .
Kalaihos , 1 heure . Petit hameau qui compte une cen-
taine d'habitants . Rieu de remarquable si ce n'est ses
-jardins .
Lindos . On suit les restes d'une voie antique montant
. par des degrés très-usés , et on airive à Lindos après une
marche aste: pénible (_voir pages 369 et .186) . Le mo-
nastère de S'- Nicolas k 20 minutes du bour>!; u'ofiTre rien
de particulier.
Filona,l heure O. de Lindos ;petit village composé d'une
quinzaine de maisons . Rien d'intéressant .
Lardon , 25 minutes de Filona ; 350 habitants; visiter le
château {page 535) .
Asblipio , 2 heures . Visiter le château (papre 535), quel-
ques ruines peu intéressantes près de la mer . Environ 400
habitants . Contrée giboyeuse .
Voit, 1^ heure . 200 habitants . Belles plantations d'oli-
viers . Perdrix et lièvres .
Yeniuuild, 1 heure . Ce village qui compte 400 habitants,
aurait été fondé par un certain Yennadhios . Restes d'une
tour de l'époque des Chevaliers ;^^ruipe8 d'un ancien bourg
et débris de poteries près de l'embouchure du torrent
Yenuadhios-potamos. Beaucoup de perdrix rouges et de
lièvres .
Lafwnia . 2 heures ; environ 300 habitants . Visiter sur
le parcours les ruines d'une tour de l'époque des Cheva-
liers ; à quelques pas plus loin , les restes d'un bourg rui-
né , le monastère d'^gfaia- Marina, et les ruines de l'anc^jen
vinage^4)rè8 du rivage . Gibier .
saovGoot^lc
DANS l'île 711
Catavia, 3 heures . Visiter près du cap Istrios le monas-
tère de Zoodhokus-pighi (page 368 et 425) ; Ixia (page
424) ; plus bas des mines du Moyen-Age , et au S. de cel-
les-ci une tour d'observation . Ce détour qui prolongera
la route d'une bonne heure, sera amplement compensé par
l'intérêt des sites. À Catavia vibicer les ruines du château et
de la tour (page 534) . Contrée giboyeuse .
Messanagros, 2 heures ; petit village perdu au milieu des
montagnes 180 habitants . Visiter la petite église. Perdrix
et lièvres.
Apolîakia , 3 heures . 270 habitants . Visiter le château ,
l'église du village où l'on pemarque quelques belles sculp-
. tures. Beaucoup de perdrix .
ÂmUha, 20 minutes . Population grecque et turque: 125
âmes . Visiter à 1 quart d'heure à l'O. les ruines de l'égli-
se S" Irène ; belles colonnes ; caveaux . Beaucoup de per-
drix et de lièvres. Visiter aussi le petit monastère d'Aghio-
Philimona situé à 10 minutes auN. E... Le touriste y re-
cevra l'hospitalité la plus prévenante ; Vien ne manque, di-
rons-nous, au confortable; tout ce qu'il délire lui est pro-
curé avec fi-anchifce , grâce et désintéressement . Ce bon
souvenir que uous avons gardé de uos hôte3 , et li vue des
ruines très-anciennes, dous oui fait oublier la solitude un
peu sombre de ce vallon ombragé d'oliviers . Les habitar
lions et la chapelle rt-post- nt sur les fondements d'autres
édifices de l'ère Chrétienne ; mais des fûts de colonnes
doriques attestent que des temples payens les avaient pré-,
cédés .
Istrios, 1 heure. Sa population égale celle d'Arnitha
Bien de remarquable . Bonne position . Gibier .
saovGoot^lc
712 TOUK
Prophylia , | d'heure ; 100 habitants . Perdrix , lifevres ,
quelques cerfs . ,
Monalithos , 3 heures . 200 habitants , Perdrix , lièvres .
Visiter le château, surtout l:t chapelle (pnges 532 et 584) ;
les tombeaux du cap Fourni et, si possible, l'îlot de Stron-
ghilo (444) . Perdrix et lièvres .
Sianna, 1 heure. Environ 400 habitants. Visiter les rui-
nes du château (532) ; Kamary . Mnassyrion , Yatsiliva ,
Aghios-Phocas , Marmaroulia, Sielio , Kymisalla . Cam-
bani , Kéramis , Aghios-Géorghios , Aprasou (de la page
435 à 444) . Beaucoup de perdrix et de lièvres .
Aghios-Isidoros, 2^ heures. Belle position, forêts de pins
320 habitants . Cerfs . perdrix et lièvres .
Ah&ma , 2J heures . Au centre des forêts , contrée gi-
boyeuse. 200 habitants . On pourra visiter les monastères
de Thari et d'Ighousa au S. d'Alaërma.
Artamity, 1 ^ heure. Plutôt un monastère qu'un hameau.
Partie très-giboyeuse . Point de ruines .
JpoUonii , 2 heures . Forêts , 350 habitant ■ Restes d'un
château des Chevaliers. Gibier . Beaucoup de perdrix
surtout .
Emhona, 3 heures . Beaux vergers aux pieds de l' Ataby-
■ rua . 650 habitants . Boa vin, chasse. Visiter les deux
temples de l'Atabyrus (page 429) , les ruines autour de
Kétallah (447) . Passer par le mona&tère d'Amartès pour
arriver à :
Kastellos qui est à 3 '/^ heures. d'Embena , et occupe une
belle position au milieu de vergers luxuriants ; 350 habi-
tants . Visiter le. Château, les restes de Critinia &c., (pages
413 à 423) .
saovGoOt^lc
DANS l'île 713
Mcaidrieo , 1 heare ; petit faameaa dans la vallée de
Langonia né^compte qu'une dizaioe de maisons .
Nanés , I^ heure . Petit hameau dans une belle position
et qui tend à prendre bientôt quelque importance .
Pighês , J^ heure . Moins importaut que les deux précé-
dents. Od y remarque quelques travaux anciens.
Salahos , 1 heure . 350 habitants dont un sixième sont
turcs . Eaux abondantes . Yibiler le monastère de S^ Elie
dans une petite forêt de cyprès . Visiter Mirtona en des-
cendant à :
Caîavarda IJ heure . 400 habitants. Visiter les restes de
Camiros (page 340 k 412) .
Farièe , \ heure . Environ 500 habitants . Beaucoup de
vignes . Rien de remarquable .
Thimiliah 2 heures . 180 habitants . Belles campagnes
visiter la chapelle de Foundoudj (584) et le monastère de
Koskinisty , sur la route de
PlcUania , 1^ heure . Petit village sans importance ; 100"
habitants .
ArchipoH, 2 heures. Pas bien plus intéressant que le pre-
mier, mais aussi giboyeux ; il compte 180 habitants.
.Peithos , 1^ heure . Belle position . eaux abondantes , as-
sez de gibier , Environ 300 hubitauts .
Pano-SJdamona , à 1 heure de Psithos , et
Kato-Kalamona, à une heure de premier, sont deux petits
hameaux exclusivenieut turcs . On peut visiter sur la route
de Psithos à Pano.Kalamona , le monastère de Calopetra
qui occupe une belle position .
Soroni, 1^ heure; 470 habitants. Bonnes plaines,
7%okit, 1 heure , 200 habitants . Chasser dans la vallée '
saovGoot^lc
714 TODB
d'Agbios-Soulas .
Dhamat/ria , l heure . 300 babitaots . Anciennes ruines à
l'O. Bon terroir .
Maritsa, 1 heure . 400 habitants . Terrains fertiles ; eaux
courantes ; quelques anciens vestiges . On peut visiter avec
quelque intérêt le Kéroniatis , et son ancienne chapelle
ruinée .
Bastida , ^ heure . une centaine d'habitants .
VilhiTiova, \\ heure par la route de Dhamatria. Village
assez sale . comptant environ 400 habitants . Ëauz abon-
dantes . Visiter les restes du château (p. 530), la fontaiue
de Koufà au dessous du petit hameau du même nom ; de-
mander à M. Malllaraki k peimission de visiter son habi-
tation datant de l'époque des Chevaliers (531), et à M .
Masi>e , celle de visite sa propriété de Varv , une des plus
agréables du pays . Visiter à cause de ses fresques , style
grec , la chapelle d'Aghios-Asomatos , sur le route de :
Grémasti , «/j heure ; aussi sale et aussi important que
Villanova . Visiter le château (530) et à l'E. du village
1-église de la Vierge ; plus loin, au S-E., le mont Philerme
(pages 386 et 585) .
Tri(tnd^u>-IIorio , Q\x village de Trianda J heure . 400
habitants. Rieu de remarquable; Ne pas confondre le vil-
lage avec les campagnes de Triauda qui a'ppitrtieiinent aux
habitants des faubourgs , et sont situées dans une plaine
fertile , mais basse et peu aérée .
Mandra-Bughcm , Kandilly , Mixy , Santourly , Tshayr ,
sont de petits hameaux qui n'ont d'intéressant que les bel-
les positions qu'ils occupent .
KouB n'avons pas parlé des monastères d'AghioB-Ioannis
saovGoOt^lc
SIKI L'IU 715
i rO. de Ealithiès, et de Kamirj à l'O- de Ifaasari, qai
ne méritent pu le détour gne l'on devrait foire pour les
Tifliter.
saovGoOt^lc
CHAPITRE VII
INFORMATIONS GÉNÉRALES
^ 1 TIE HÀT&RIELLE .
Autrefois la rie à Rhodes était k un bon marcbé exces-
Eif , comme le témoigne le registre des dépanses du cou-
, Vent des Pères Franciscains ; deux citations suffiront:
"Salaire du mois pour le cuisinier Français : Piastres 3
" 100 Oques de charbon (3 oques pour 1 para) — 0. 33J4o
M . Augustin Nubili, mort en 1860 dans sa 84'"' année ,
affirmait quedans sa jeunesse il allait au Bazar avec 5 pa-
rafi; qu'il achetait toutes («es provisions du jour, et revenait
au logis avec quelques aspres dans la poche . (3 asprea é-
quivalaient à 1 para) .
Hâtons-nouB pourtant d'ajouter , que le colonnat d'Es-
.pagne qui ferrait alors d'étalon pour la valeur des mon-
naies européennes par rapport aux monnaies Turques , ne
saovGoOt^lc
QÊNÉaALJB 717
vfllait que 3 piastres ; il n'en eat cependant pas moins vnii
«ju'avec un coîonnat qui lepvépentait par cooaéqueiit 24
pièi-ea de 5 parus , on jiouvtiit faire Bes pioviBions de 24
jours , et avoir encore en poche de quoi Be payer une tasse
de cnfé .
Actuellement il n'en est plus de même, et une famille
bourgeoise de 5 ou 6 pir-onnea, vivant avec économie, ne
peut pas dépenser moins de 4,000 francs .
[1 lui faut tout d'abord un maison passable , non très-
et nfortable , dont le loyer moyen est de Fr. 400
Une cuisinière et une bonne (une seule ne suffit pas) — 200
Cadeaux . étrei)nt-8, répaiaiioiiE localives , &c. ■ — 80
40 Kilés de blé au prix .moyen de Fr. 6 — 240
500 Oqnea de viande au prix moyen de Fr. 1 — 500
350 Oques de vin à Fr, 0. 35 — 122
60 Oques de beurre à Fr. 3 — 180
70 Oqnes d'huile à Fr. l — 70
Légumes frais et secs — 400'
Fruits frais et secs — 150
Charbon et bois — 100
Savon et eau potable — 125
Habits et lingerie — 1,200
M^nuB frais divers — 233
Totol Fr. 4.000
Naturellement U-s frais sont moins considérables à la
campagne et même en ville , si on veut s'imposer dos pri-
vations .
Ç 2. PASSEPORT ET TESEÉEl .
Le Passepoit ou le Teskéré Turc sont demandés ktoute
saovGoot^lc
718 INFOBMATIOKS
personne qui débarque pour séjourner dans Tlle . A dé-
faut de l'un ou de l'autre document , on devra donner !&
caution d'un habitant honorablement connu . Le Teakéré
Turc coûte 9J piastres, soit Fr. 2. Les pawvres l'obtien-
nent gratuitement .
§ 'i. DOUANE
En règle générale , les bagages doivent passer la visite
douanière à l'arrivée et au départ ; mais oello-ci est bien
moins rigoureuse qu'en plus d'un port d'Europe , surtout
pour ce qui concerne les effets d'usage personnel . Ne pas
oublier uu petit pourboire au gardien (Fr. 1) .
§ 4 HOTELS.
A proprement parler , il n'y a pas d'Hotel« à Rhodes ,
maison trouve chez Nicolas Dhascala et chez Kirà Hrous-
sy, des chambres meublées très-simplement, il est vrai ,
mais assez proprement , et une nourriture plus abondante
que recherchée , pour 4 ou 5 francs par jour , tout com-
pris . On peut obtenir des conditions plus modérées pour
un séjour prolongé .
^ 5 POSTES ET TfELflGSAPBE .
Le service postal à Rhodes est fait par les agents des
saov^OOt^lc
QÈNtaALsa 719
différentes compagnies de navigation à vapeur . L'oflBcô'
du Télégraphe Ottoman accepte aussi des lettres pour la
Tui-quie , mais |ieu de personnes s'adressent à ce Bureau .
La Compagnie Anglaise Eastem Telegraph . posbède un bu-
reau , attenant au bureau Turc , pour le service des cables
Candie- Alexandrie et S jra .
L'affranchissement d'une lettre simple (15 grammes)
«st de fr. 0. 25 , soit piastre 1^ , pour tous les pays faisant
partie de la convention postale ; la ccmpagnie Bell et la
poste Turque font payer 2 piastres pour les destinations
qu'elles desservent .
Les Télégrammes simples de 20 mots , pour la Turquie,
Ee payent en meggidiés à raison de 10 piastres, et le coût
varie d'après un tarif spécial pour chaque destination . Ce
tarif est affiché dans le Bur au. Les dépêches K destination
■d'Europe sont taxées par mots et se payent en francs or :
France et C
Italie
Angleterre
crie
Voie ClieBmé
Fs. 0. 76 S|
.0.65 g g
.0. 90l j"
Autriche
—
0.72/.|g
AU> magne
ilelsique
—
0.80ll-J
o.sJSs.
Etiseie d'Eu
rope
—
l. 06 j 1 ,01
G.èce
—
0. 50 1 0,65
feyi-a
—
6. 45 ! 0, 60
Cinq mots sont ajoutés d'office au nombre de mots delà
dépéi:he. Pour plus amples reaseignemeuts s'adresser au
-buieuu .
saovGoOt^lc
720 INPOSUATIOlfS
^ 6 COMPAOHIES DE KÀVlfl&TIOK .
Les différentes compagnies qui touchent à Rhodee^
sont :
Messageries Maritimes . Agent. M. P. R. Masse . Venant
de Marseille , Srnyme pour la Syrie ; et de la Syrie pour
Smyme-Marpeille ; les paquebots nacuillent 2 fois par
mois , le samedi , et de même le mardi . Ils coïucldent à
Smyme avec le bateau de Constantinople, à Port-Saïd avec
la ligne British-India .
Agent des Poètes , M. Ant. Aublé
Lloyd Austro-Hongrois . Agent M. Ant . Casilli . Venant
de Smyme le dimanche de chaque semaine (intermédiaire
du courrier Français) ; de la Syrie et Chypre pour Smyme
et Constantinople , le jt-udi ^.uivant . Coïncide à Smyme
avec le courrier de Trieste , à Port-Saïd avec la ligne des
Indes .
Bell's Asia^Minor . Agent M. Albert Biliotti .
De Smyme et les Iles pour Macri-Adalia 2 fois par mois
le dimanche . Retour le ^eudi suivant .
De Smyrne-Svra et les Iles, le Dimanche intermédiaire,
pour Âdalia et Mersina ; retour le Vendredi suivant .
Compagnùi ^/««^^(yallousi) . Agent M. A .Diraïtriadis ..
De Syra-Smyme et les lies chaque dimanche pourMa-
eri-Adalia et Mersina ; retour le samedi suivant .
Kkediicie'. Agent . Mehmed- Aly Efendi .
Ces bateaux ne touchent plus à Rhodes qu'irrégulière-
ment et très-rarement.
Agent des Postes , Hussein Efendi .
saovGoOt^lc
Angleterre .
Autriche
France
Grèce
Hollande
Italie
Russie
Espagne
Danemark ''
QÊNÊBALES
§ 7 OON8ULAT8
Vice Consul . M. Edmund Calvert .
Gérant Vice-CoDfiul, M. A. Casillî.
Vice-ConBul , M. Charles Mertrud .
Vice-Consul , M. D. Staaiélis .
Consul, M. Henri Ducci .
G'- Agent Consulaire M. E. Biliotti
G'- Vice-Consul , M. D. Galinos .
! Vice-Consul , M. II. Ducei .
^ 8 rUAUES
Llle de Rliodes est munie de 2 phares :
Fort S*- Nicolas . Feu tournant à éclipses Je minute en
minute"; 15 milles de portée .
Pointe des Moulins {Coujnioumou) , feu de port Rouge ,
portée 3 milles .
§ 2. CALCUL DU TEMPS
Les Européens et la plupart des Grecs , comptent les
heures d'après le calcul européen basé sur le midi appa-
rent. Les Turcs comptent 12 heures au coucher du soleil.
L'heure Européenne du lerer du soleil correspond à Iheu-
saovGoot^lc
722 INFORMATIONS
re turque de midi .
Quant k la division mensuelle et annuaire , les Euro-
péens, suivant le Calendrier Grégorien, oa lumvmti Btyle ^
sont en avance de 12 jours sur les Grecs qui ont conservé
la Réforme Julienne ou vieux style ; les Turcs et les Juifs ,
dans leurs relations commerciales , ont adopté ce dernier
système .
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D.qil.zMBlG001^le
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