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University of Toronto
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ELEMENTS
DROIT CIYIL ANGLAIS
PRINCIPAUX OUVRAGES DE M. LEHR
RELATIFS AU DROIT COMPARÉ ET AU DROIT INTERNATIONAL
Éléments de droit civil germanique (Allemagne, Autriche, Suisse allemande) ;
1 vol. ln-8^ Paris, 1875 (épuisé).
Le code civil du canton de Claris, traduit en français et annoté (Annuaire de
législation étrangère, i' année, Paris, 1875).
Éléments de droit civil russe (Russie, Pologne, provinces ialtiques); t. P'
(droit des personnes, droit de famille, droits réels, successions ab intestat). Parla,
1877 (épuisé); t. II (successions testamentaires, obligations, constatation des droits,
propriété Intellectuelle), Paris, 1890.
Le traité franco-suisse du 15 juin 1869 ; in-S", Lausanne, 1878.
Éléments de droit civil espagnol; 1" partie (droit civil jusqu'en 1878), 1 vol.
Paris, 1880; 2" partie fdroit civil depuis 1878 et la promulgation des codes civil et
de commerce), 1 vol., Paris, 1890.
La Handf este de Fribourg dans l'Uechtland de 1249 (les trois textes ori-
ginaux, traduction et commentaire) ; 1 vol. in-8", avec un fac-simlle de la charte
originale, Lausanne, 1880.
Éléments de droit civil anglais (ouvrage récompensé par rAcadémle des scien-
ces morales et politiques); 1 fore vol. in-S", Paris, 1885 (épuisé).
Manuel des actes de l'état civil en droit français et étranger (en collabo-
ratinn avec M. Joseph CrOpon); 1 vol. in-12, Paris, 1887.
Principes de la politique, par M. F. do Holtzendorff . Traduction française;
1 vol. in-8*, Hambourg, 1887.
Manuel théorique et pratique des agents diplomatiques et consulaires ;
1 vol. in-12, Paris, 1888.
Le nouveau droit pénal portugais, étude stir le Code pénal du 16 sept. 1886 ;
1 vol. in-8*, Paris, 1888.
Code de commerce portugais de 1883, traduit et annoté; 1 vol. ln-8°, Paris,
1889 (Collection des principaux codes étrangers, publiée aux frais de l'État).
Code civil du canton de Zurich de 1887, traduit et annoté; 1 vol. in-S», Paris,
1890 (même Collection).
Traité élémentaire de droit civil germanique (Allemagne et Autriche) ; 2 vol.
In- 8". Paris, 1892.
Tableau général de l'organisation, des travaux et du personnel de l'Ins-
titut de droit international pendant les deux premières périodes décen-
nales de son existence (1873-1892) ; 1 vol. ^-8°, Paris, 1893.
Le mariage, le divorce et la séparation de corps, dans les principaux
pays civilisés; 1 vol. in-8^, Paris, 1898.
Éléments de droit civil Scandinave (Danem arlc, Norvège, Suède) ; 1 vol. in-8»,
Paris, 1901.
De la tutelle des mineurs d'après les principales législations de l'Europe,
étude de législation civile comparée et de droit international privé ; ln-8"', Bruxelles
et Paris, 1902.
Dans le Répertoire général alphabétique du droit français, tous les chapitres rela-
tifs au droit comparé (civil et pénal), la plupart des articles de droit international
public et les notices sur l'organisation politique, administrative et judiciaire de
l'Allemagne, la République Argentine, V Autriche-Hongrie, la Bolivie, le Brésil,
la Bulgarie, le Danemark, la Finlande, la Grande-Bretagne et l'Inde, la Grèce,
l'Italie, les principautés de Llchtcjislein et de Monaco, le Monténégro, la Norvège,
les Pays-Bas, le Portugal, l& Suéde, Ia Suisse, etc.
ELEMEiNTS
DE
DROIT CIVIL ANGLAIS
ERNEST LEHR
Correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques
Professeur honoraire de législation comparée à l'Université de Lausanne
Secrétaire perpétuel honoraire de l'Institut de droit international
DEUXIÈME ÉDlïlOJS
RETVUE AVEC LA COLLABORATION DE L'AtTTECR
CONSIDÉRABLEMENT AUGMESTÉK
r.T iUSE AU COURANT DE LA LÉGISLATION, DE LA JURISPRUDENCE
ET DE LA BIBUOGRAPHIB
JACQUES DUMAS
Docteur en Droit
Procureur de la République à Rethel
TOME PREMIER
La première édition de cet Ouvrage a été récompensée
par l'Académie des Sciences morales et politiques (Concours Woloicski)
LIBRAIRIE
DE U SOCIÉTÉ DU RECUEIL J.-B. SIREY ET DU JOURNAL DU PALAIS
Ancienne Maison L. LAROSE & FORCEL
2S, rue Soufflât, PARIS, 6» arrond.
L. LAROSE et L. TENIN, Directeurs
o.u. /
i inD&RVi
fcomilKi^-
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/' depul
/4
7^
/ u
lu ^/^o
PRÉFACE
La première édition de mes Éléments de droit
civil anglais étant épuisée depuis assez longtemps,
j'en présente aux jurisconsultes une seconde qui
a été soigneusement revue et mise au courant de
la jurisprudence. Pour cette révision que mon
âge avancé ne m'aurait guère permis aujourd'hui
d'entreprendre seul, j'ai trouvé le plus précieux
concours auprès de M. Jacques Dumas, docteur
en droit, procureur de la République à Rethel,
qui avait déjà bien voulu publier en 1899 un A'p-
pendice à mon ouvrage, rendu nécessaire par la
promulgation de plusieurs lois anglaises récentes
et fort importantes. M. Dumas a continué pour
la présente édition son travail d'il y a six ans,
de façon à donner à l'ouvrage l'empreinte de la
législation actuelle; mais il va de soi que ses
utiles additions et modifications ont été incorpo-
rées dans le texte à leur place respective et ren-
trent aujourd'hui dans le plan général du livre.
Nous avons cru devoir laisser ce plan intact
et même conserver le numérotage des paragra-
VI PREFACE
phes, afin de n'apporter aucun trouble dans les
renvois et les citations. Tout ce qui, dans la pre-
mière édition, a gardé quelque intérêt, a été
maintenu intégralement et sous les mêmes rubri-
ques, moyennant une simple révision de la ré-
daction. Les règles et dispositions nouvelles in-
tercalées par M. Dumas portent des numéros bis,
ter, quater, etc., ou sont signalées par une note.
L'auteur primitif et son excellent collaborateur
se sont mis d'accord sur tous les points et pré-
sentent, en conséquence, dans cette seconde édi-
tion une œuvre collective.
Tout en me référant expressément à la Préface
de la première édition, il me sera permis de rap-
peler ici en quelques mots ce' que je disais des
difficultés spéciales que rencontre tout juriscon-
sulte du continent en abordant l'étude du droit
anglais, ainsi que des raisons qui ont déterminé
le plan adopté par moi et qui s'écarte de celui de
la plupart des ouvrages publiés en Angleterre
sur la matière.
Tandis que toutes les autres législations de
l'Europe ne diffèrent de la législation française
qu'en certains points de détail et pour quelques
institutions particulières, le droit civil anglais
nous transporte encore dans un autre monde ou,
pour mieux dire, à un autre âge. Toutes les in-
stitutions, la famille, les relations matrimonia-
PRÉFACE VII
les, la tutelle, la propriété, les hypothèques, les
successions, sont régies par des principes absolu-
ment distincts de ceux auxquels notre éducation
juridique nous a accoutumés de ce côté-ci de la
Manche. Elles ont leur source non dans le droit
romain ou le vieux droit germanique, mais dans
un droit qui, après avoir sans doute régné pen-
dant un temps sur toute l'Europe centrale, a
disparu depuis la Renaissance partout ailleurs :
le droit féodal. Tout ce qui touche de près ou de
loin à la propriété foncière, et l'on peut dire qu'à
part le droit des obligations tout y touche, est
resté en Angleterre purement féodal, dans la
forme sinon dans le fond. 11 s'ensuit qu'on est
longtemps comme dépaysé par la puissante ori-
ginalité de ce droit, archaïque dans toutes ses
apparences, et que, quand il s'agit de faire com-
prendre en France des conceptions juridiques
dont on chercherait vainement un vestige dans
nos codes, on ne trouve même, le plus souvent,
dans la langue aucun mot propre pour les tra-
duire. Nous avons dû, pour une foule d'institu-
tions des plus usuelles, nous résigner à conserver
le mot anglais, faute d'un équivalent exact en
français (uses, trustée, eœecutory interest, consi-
dération, estate, fee tail, etc.).
La difficulté de présenter un tableau clair de
la législation civile anglaise s'accroît encore par
VIII PREFACE
le fait que nul peuple au monde, si ce n'est peut-
être le peuple romain, n'a eu au même degré le
respect de la tradition et des précédents. Non seu-
lement il n'y a en Angleterre nulle trace de co-
dification de cette législation, mais encore
chaque matière a fait, depuis six siècles, l'objet
d'un nombre infini de lois, ou de décisions judi-
ciaires ayant à peu près force de loi, souvent
contradictoires et qu'on n'a jamais cherché ni à
concilier ni à coordonner. 11 est rare qu'une
matière même importante fasse l'objet d'une de
ces lois d'ensemble qu'on appelle parfois chez
nous lois organiques, véritables codes spéciaux,
qui posent toutes les règles nécessaires et dis-
pensent de remonter plus haut. Le travail du
législateur est le plus souvent un travail de mo-
saïque : une année, il modifie tel point de détail,
l'année d'après, tel autre, quitte à revenir sur ses
pas la fois suivante. Le droit a donc un caractère
non point systématique, comme en France, mais
essentiellement historique. Pour comprendre et
même pour connaître les règles actuellement en
vigueur, il faut remonter plus ou moins haut
dans le passé et se résigner à suivre juges et lé-
gislateurs dans leur œuvre du Pénélope.
Écrivant, non pour des praticiens anglais,
mais plus particulièrement pour les juriscon-
sultes du continent qui s'occupent de législation
PRÉFACE IX
comparée ou qui ont accidentellement besoin
d'être renseignés sur le droit anglais, nous avons
cru devoir, pour faciliter leur étude, conserver
autant que possible le plan de nos précédents ou-
vrages sur les droits civils allemand, espagnol,
russe, Scandinave, etc., et la classification des
matières usitées dans ces pays comme en France.
Nous développons les parties qui offrent de l'in-
térêt au point de vue international ou étranger,
mais nous passons rapidement sur les discussions
de théorie ou de jurisprudence dont les Anglais
seuls ont à se préoccuper. Si, malgré la difficulté
qu'on peut avoir en France à s'en procurer les
recueils, nous citons les arrêts non moins que
les lois, afin de montrer sur quoi s'appuient nos
énonciations et de permettre à nos lecteurs de re-
monter à la source, nous estimons n'avoir pas à
critiquer ces arrêts, ni à les mettre en présence
lorsqu'ils sont contradictoires; nous tâchons de
donner l'état actuel de la doctrine et de la juris-
prudence, sans nous dissimuler que, dans bien
des cas importants, elles sont vacillantes quand
elles ne sont pas tout simplement muettes.
De même que dans la première édition, nous
n'avons touché que tout à fait incidemment aux
matières rentrant plus spécialement dans le droit
commercial; et, d'un autre côté, nous n'expo-
sons que le droit civil de l'Angleterre proprement
X PRÉFACE
dite, y compris le pays de Galles et l'Irlande
/ ) / pour autant que ces deux dernières contrées ne
*^ - sontpas formellement exceptées. Quant à l'Ecosse,
' qui a gardé son droit civil propre, les principes
I qui la régissent forment un corps de doctrine
si complet et tellement diflerent que nous avons
dû renoncer à les analyser dans le même ouvrage,
sous peine d'en doubler l'étendue et d'en dimi-
nuer la clarté; nous en avons d'ailleurs donné
une notion dans les chapitres de législation com-
parée insérés, pour chaque matière du droit
civil, dans le Réjjerfoire général alphabétique
du Droite français (36 vol. in-4% 1886-1905),
dont la publication vient d'être terminée.
ERiNEST LEHR.
Lausanne, 30 septembre 1905.
INTRODUCTION
Coup d'œil sur l'histoire juridique et sur Torganisa-
tion judiciaire de l'Angleterre.
CHAPITRE I
Des sources du droit anglais.
Sommaire : I. Monuments du droit anglo-saxon. — II. Lois normandes;
lois de Guillaume le Conquérent; Dowesdaybook. — III. Grande assise ;
institution des circuits et de la cour des plaids communs. — IV.
Statute law, cômnion laiv; chartes {Grande Charte, Charte fores-
tiers). — V. Œuvre législative et judiciaire d'Edouard I*'. — VI.
Writs, records, reports; Bracton, Glanville, Coke. — VIT, Statuts;
mode de citation. — VIII. Principaux jurisconsultes et commentateurs
du xve au xvuio siècle. — IX. Prédominance croissante du Statute law.
I. — Les plus anciens monuments du droit anglais \
qui sont parvenus jusqu'à nous sont de beaucoup anté-
rieurs à la conquête normande. Ce sont des lois anglo-
saxonnes, dont le caractère germanique est nettement t
accusé et qu'on peut ramener à quatre groupes :
l°La vieille législation du pays de Kent, comprenant
des lois pénales et des règlements de procédure des /
rois Éthelbert, Chlolhaire, Édred et Wilred (entre 560
et 696 de notre ère).
2° Les lois d'Ine, roi de Wessex ou des Saxons de
l'ouest (688-727), qui sont importantes parce que, plus
XII INTRODUCTION
tard, le royaume de Wessex devint le noyau de celui
d'Angleterre.
3° Après la formation du royaume d'Angleterre, le
code d'Alfred le Grand (874-901) et les lois de ses suc-
cesseurs immédiats, Edouard l'Ancien, Athelslan,
Edmond, Edgard le Pacifique, Éthelredll (901-1016).
Au règne d'Athelstan se rapportent les célèbres Judï-
cia civitatis Lundonise.
4° Les lois de Canut le Grand, qui se divisent en
leges ecciesiasticœ et en leges civiles, reproduisant pour
la majeure partie la législation anglo-saxonne anté-
rieure.
Sous les premiers rois normands parurent plusieurs
compilations, faites par des particuliers dans le but de
constater, à l'encontre des conquérants, l'état du droit
antérieur à leur venue. L'une des plus connues porte le
l\ire de Leges He?irici pri?)îi, parce que les deux pre-
miers chapitres contiennent une lettre de franchise du
roi Henri I", de l'an 1101 , et une charte de privilèges
par lui conférée à la ville de Londres; le reste du livre
a essentiellement le caractère d'une œuvre privée, fort
difficile à lire et à comprendre. L'ouvrage connu sous
le nom de Leges Edœardi Confessons est aussi, mal-
gré les apparences officielles de ses premiers chapitres,
une simple compilation privée de droit anglo-saxon,
composée probablement au xif siècle («).
II. — Après la conquête, les Normands se régirent
entre eux d'après leur droit national ; quant à leurs
(o) Cpr. Bie cnglisclien Redits- V Encyclopédie de Holtzendorff,
quellen, par H. Brunner, dans p. 248.
DES SOURCES DU DROIT ANGLAIS XIII
relations avec la population conquise, on les régla par
des lois spéciales. Les Anglo-Saxons avaient obtenu
l'assurance qu'on les laisserait au bénéfice de leur légis-
lation propre; mais la force des choses fit bientôt de
cette concession une lettre morte : les Normands for- l
maient presque exclusivement les hautes classes de la
nation; ils occupaient la majeure partie des terres,
étaient investis de toutes les charges et de toutes les /
magistratures, composaient notamment la cour du roi,
c'est-à-dire la juridiction suprême, de sorte qu'ils
donnèrent peu à peu, dans toutes les affaires, la pré-
dominance au droit qui leur était seul familier.
Dans les premières années qui suivent la conquête,
la législation ne s'écarte encore guère du droit anglo-
saxon; seulement la langue anglo-saxonne s'efface
d'abord devant le latin, p^s,, à partir d'Edouard P" et
surtout de Richard II, devant le français.
On a du règne de Guillaume le Conquérant (1066-
1087) quatre lois : 1° les Leges et consuetudines quas
Wilhelmiis rex post adquisitionem Aiiglise omni po-
pulo Anglorum concessit tenendas ; ce sont essentiel-
lement les coutumes anglo-saxonnes, auxquelles s'ajou-
tent quelques dispositions du droit normand pour régler
les rapports entre les deux nations.
2° Willelmes kyninges asetnysse (statuts du roi
Guillaume), loi en langue anglo-saxonne, relative aux
modes d'administrer la preuve dans les procès entre
Normands et Anglo-Saxons.
3° Carta Willelmi de qiiibusdam staiutis, dont le
texte même n'est pas parvenu jusqu'à nous.
XIV TNTRODUCTIOiN
4° Une ordonnance relative à la séparation des juri-
dictions spirituelle et temporelle, dans le sens des prin-
cipes en vigueur sur le continent.
A la fin du même règne, une enquête officielle sur l'as-
1 siette de la propriété foncière donna naissance au Do-
mesd(ujbook\ registre foncier établi en vue delà percep-
tion de riiii[)ùt. Ce n'est pas, du reste, le seul docu-
ment intéressant que cette époque nous ait légué sur
l'administration financière du royaume; il convient de
mentionner, à côté du Domesdaybook^ les arrêts de la
cour de TEchiquier en matière de comptabilité. Les plus
anciens rôles de la Trésorerie [roUs of the Pipe) re-
montent à la trente et unième nniiée du règne de
Henri I" (1101-U35).
III. — Sous Henri II, qui, avant de monter sur le
trône, était capitalis justiliarius Anglise, les combats
judiciaires furent remplacés, comme mode de preuve,
par l'introduction de ce qu'on a appelé la Grande assise,
c'est-à-dire l'institution d'un jury spécial en matière
^robatmçe; et, d'autre part, le roi divisa le pays en six
circuits, pour chacun desquels il nomma des juges iti-
I nérants (justitiarii itinérantes, justices of eyre), char-
gés d'aller prononcer sur place sur les contestations res-
sortissant, d'après les usages normands, à la cour du
roi [aula régis). Cette organisation mémorable eut pour
effet de décharger les justiciables des frais énormes d'un
recourt direct à la aula régis et, en même temps, de
leur assurer une meilleure justice que devant les tribu-
naux de comté remontant à l'époque saxonne (b). Ri-
Ifi) Blakstone, Comm.,éd. franc., IV, L76.
DES SOURCES DU DROIT ANGLAIS XV
chard Cœur de Lion compléta, à cet égard, l'œuvre de
son père en détachant de la cour de TEchiquier, sous le
nom de Court of comnion plcas : cour des Plaids com- i
muns) une chambre permanente pour le jugement des
affaires civiles.
IV. — Les documents juridiques du xii" et du xiii*
siècle sont déjà assez nombreux. Les jurisconsultes an-
glais les divisent en deux grandes classes : le droit sta- i
tutaire [statute law) et le droit commun [common law)^ \
suivant qu'ils ont une origine législative ou coutumière.
Toutefois, cette distinction n'est pas absolue; car on
range, par exemple, parmi les sources du Common law
la plupart des ordonnances des rois normands. Ces or-
donnances sont tantôt des constitutions ou des assises,
lorsqu'elles ont été rendues par le roi avec le concours
des grands du royaume, tantôt des chartes (charters),
lorsqu'elles sont de simples manifestations personnelles
de la volonté royale ou la réponse du souverain à des
requêtes. Plusieurs de ces chartes sont célèbres : no-
tamment la Grande Charte de Jean sans Terre (1215)
et la Charta de foresta, Charte forestière, de son fils
Henri III (1217). La première, que l'on considère à
bon droit comme la base des libertés du peuple anglais,
ipbse en principe que nul homme libre ne peut être
fpris, emprisonné, dépouillé de savieou de ses biens, à
i moins d'avoir été condamné par un jugement de ses
I pairs ou par la loi du pays; au point de vue purement
' civil, elle accorde à tout particulier le droit de disposer
par testament d'une partie de ses biens, môme au dé-
triment de sa femme et de ses enfants, à une époque
Lehr. b
XVI INTRODUCTION
lob, comQie on le sait, la liberté de tester était presque
linconnue au reste de l'Europe. La Charte forestière, à
raison même de son objet spécial, n'a pas autant d'im-
portance que la Grande Charte; toutefois, au moment
où elle parut, elle fut considérée comme un bienfait,
parce qu'elle mettait un terme aux empiétements de la
Couronne et atténuait sur divers points une législation
draconienne (c).
Les statuts proprement dits commencent avec les
Provismies de Merton, de la vingtième année du règne
de Henri 111(1235-1236).
V. — Une troisième période commence avec Edouard
I", qu'on a appelé avec raison le Justinien anglais. La
législation fit sous son règne de tels progrès que, d'après
le jurisconsulte Matthew Haie, il a été plus fait dans les
treize premières années de ce règne pour doter le
I royaume d'une bonne justice distributive, que dans les
quatre ou cinq siècles qui se sont écoulés depuis (d).
Nous ne pouvons citer ici les divers statuts, même im-
portants, se rattachant à ce prince ; l'énumération en
serait trop longue. C'est lui qui a posé les bases de l'or-
ganisation politique et législative de l'Angleterre. Bor-
nons-nous à mentionner la création d'un Gonsei] d'Etat
permanent, le Continuai couticil, plus tard Conseil
privé, composé des plus hauts dignitaires du royaume,
et qui, par l'adjonction périodique d'un certain nombre
de prélats et de barons invités à cet effet par le roi, de-
(c)Cpr.Blakstone, VI,378etsuiv. 6» éd. de 1820). On a encore de
{d)iiale,History oftheÇomvion lui un Treatise on Pleas of the
law, 2 vol. in-8o, n»' 157 et 158 (la croicn.
DES SOURCES DU DROIT ANGLAIS XVII
vint le Magnum concilium, le conseil du royaume. En
môme temps, le roi inlroduisil l'usage de convoquer
des députés des communes, villes et comtés, pour pren-
dre leur avis sur les lois projetées et faire fixer par eux
le montant des impôts. C'est donc Edouard P'' qui a
jeté les bases de ce qui est devenu plus tard, probable-
ment à partir d'Edouard III, la chambre des Lords et
la chambre des Communes. Dans le domaine du droit
civil et de la procédure, on lui doit une exacte délimi-i
talion des attributions des trois cours supérieures du '
Banc du roi, des Plaids communs et de l'Échiquier; la
fixation delacompétencedesdiverstribunauxinférieurs;
l'organisation d'un dépôt pour les registres et actes pu-
blics du royaume ; la réforme d'abus relatifs aux tenu-
res et la suppression d'entraves mises à l'aliénation des
terres; une voie plus prompte pour le recouvrement
des créances, le writ 0/ elegit permettant au créancier
de se faire payer non seulement sur les biens meubles,
mais encore sur les immeubles du débiteur, etc. L'œu-
vre législative du roi Edouard I" est si considérable
que les traités de jurisprudence écrits sous son règne
(Britton, Hengham, le Fleta (e), etc., ont continué à
faire loi pendant des siècles et que, jusqu'à Henri VIII,
les formes de la procédure n'ont subi, pour ainsi dire,
aucune modification (/).
(e) Fleta seu commentarius ju- Britton, auteur d'un recueil de lois
ris anglicani, ouvrage de la fin du et préceptes juridiques en langue
xui« siècle, dont l'auteur est in- française (fin du xiue sièclcj. —
connu. — Summa magna ftparva, Thorton, Summa de legibus et
de Ralph de Hengham, juriscon- consurtudiiiibus At^glix, {2.92.
suite du temps d'Edouard !">'. — (/Q liiackstone, IV, p. 781 et suiv.
XVIII INTRODUCTION
VI, — Indépendamment des statuts, il existe, à cette
époque, trois autres sources du droit, qu'il importe de
mentionner et de définir : les ivrits^ les records et les
reports.
Les ivriis, en latin brevia, brefs, ont commencé par
être les mandats délivrés par le roi, afin de rompre
avec l'ancienne procédure du duel judiciaire et du ser-
ment : le mandat ne s'appliquait qu'à l'affaire même
pour laquelle il avait été donné, et il s'obtenait à prix
d'argent. Depuis Henri II, cette voie fut ouverte à tout
le monde; la chancellerie royale reçut l'ordre de déli-
vrer des ivrits^ suivant un formulaire déterminé, à tou-
tes les parties qui en demanderaient. Le writ avait une
portée différente selon le but en vue duquel on l'avait
obtenu. Peu à peu, chaque action eut son bref particu-
lier, formulé en termes spéciaux; et Braclon put dire
qu'il y avait autant de formules de ivrits que d'espèces
d'actions : tôt fonnulse brevium quoi sunt gênera
actionum [g). Les ivrits se divisaient en brevia formata
ou magistralia, suivant que le formulaire en était réglé
par la loi ou libellé par la chancellerie par voie d'ana-
logie, et en brevia originalia oujudicialia, suivant qu'ils
servaient au début même de l'instance ou dans le cours
du procès. On trouve un grand nombre de formules de
writs dans le traité de Granville, capitalis justitiarius
Anglise de H 80 à 1187 (^).
[g) Hcnrici de Bracton de legi- suetudinibus regni Anglise teni-
bus et consuetudinibus Anglix li- pore R. Henrici secundi, compo-
bri V. Henri de Braclon était juge situsjustitix gubernacula tenente
du temps du roi Henri III (1216- Ranulpho de Glanvilla. L'ouvrage
1272). a été souvent réimprimé depuislo54,
{h) Tractatus de legibus et con- où il parut pour la première fois.
DES SOURCES DU DROIT ANGLAIS XIX
Les records sont les protocoles des délibérations et
sentences des tribunaux, spécialement des juridictions
royales. Les collections en remontent fort haut et sont
très volumineuses.
Les reports n'ont pas pour objet, comme \e9,records,
de donner le texte officiel des jugements; mais ils relè-
vent^ dans les affaires traitées devant les tribunaux, les
points de fait ou de droit dont il peut être utile de garder l
trace en vue de préciser la jurisprudence. Cette besogne
n'était pas abandonnée, dans le principe, à de simples
particuliers : depuis Edouard V^ jusqu'à la fin du règne
de Henri VIII, elle fut faite régulièrement par des fonc-
tionnaires publics nommés et rétribués à cet effet, et
consignée dans des yearbooks ou annuaires. A i)artir
des dernières années du règne de Henri VIII, les rap-
porteurs officiels disparaissent, et la jurisprudence est
recueillie par des hommes de loi sans mandat public,
parmi lesquels les juristes les plus distingués du pays
ne dédaignèrent pas de prendre rang. On cite au nom-
bre des reporters plus anciens, Dyer et Plowden ; mais
le plus célèbre de tous est incontestablement Edouard
Coke, dont l'autorité est si universellement reconnue
qu'on cite, encore aujourd'hui, ses ouvrages sans rap-
peler son nom et d'après leur titre seul (/). Notre Table
(t) Les deux ouvrages capitaux de que cette manière de citer est
Coke (n. 1552, f 1634) sont ses Re- usuelle en Angleterre pour tous
porls et ses Institutes of the laws les ouvrages en plusieurs volumes :
o/'i?w^Zand, en quatre parties; on le n» du tome se place avant le
cite les InsiUutes en plaçant l'a- titre, le n» de la page après ; nous
bréviafion Inst. entre le n" de la nous conformerons habituellement
partie et celui de la page. Nous à cet usage pour les ouvrages an-
dirons, d'ailleurs, à cette occasion, glais que nous aurons à citer.
XX INTRODUCTION
des principales abréviations donne les noms des princi-
paux auteurs de Reports^ en même temps que le mode
abrégé suivant lequel il est d'usage de les citer.
VII. — Les statuts, dont nous avons déjà dit un mot
plus haut et qui forment, depuis cinq siècles et demi
la principale base officielle du droit anglais, remontent
à une époque où les règles constitutionnelles sur l'éla-
boration des lois n'étaient pas encore nettement tracées.
Aussi lesdivise-t-on en statuta vetera eisiatuta nova,
suivant qu'ils sont antérieurs ou postérieurs au règne
d'Edouard III, à partir duquel la notion moderne des
statuts paraît avoir définitivement prévalu (1327). Du
moins est-ce à partir de cette époque que les statuts
proprements dits, inscrits sur le Registre des statuts
pour être observés à perpétuité, se distinguent des
simples ordina?ices, dont la valeur était plus passagère,
encore que probablement le parlement intervînt aussi
dans leur élaboration.
Statut n'est pas en Angleterre, synonyme de notre
mot français /p?; loi se dil act. Un statut comprend l'en-
semble des lois votées pendant une session annuelle du
parlement, chaque loi formant un des chapitres du^sta-
lut,_de l'année. On cite le statut par le nom du roi, pré-
cédé de l'année de son règne auquel correspond le sta-
tut, et chaque loi par le numéro du chapitre qu'elle
forme dans le statut : ainsi l'expression abrégée «^St.
^'/^. IL ^^^'.3h^ii 122"' ^"' désigne l'importantelojjuii
"-"*- les droits djjuteur^ signifie que cette loi est la 1 07® votée
par le parlement pendant la session tenue la 41® année
du règne de Georges III, c'est-à-dire en 1801 . Quand
DES SOURCES DU DROIT ANGLAIS XXI
un souverain est monté sur le trône dans le cours d'une
session, il peut arriver que les années de son règne ne
coïncident pas avec les années civiles et qu'un môme
statut annuel corresponde à deux années différentes du
règne : le statut porte alors le numéro de ces deux an-
nées. C'est le cas, par exemple, de tous ceux du règne
de la reine Victoria ; comme elle a succédé à son oncle
Guilllaume IV, le 20 juin 1837, au milieu de la session
de l'année 1837, les lois votées pendant ladite année,
appartiennent tout à la fois à la dernière année du règne
du feu roi et à la première de celui de la souveraine
actuelle; elles forment donc le St. 7, Guil. IV, et 1,
Vict.; celles de l'année 1838, le St. 1 et 2, Vict. ;
celles de l'année 1839, le St. 2 et 3, Vict., et ainsi de
suite.
Depuis la quatrième année du règne de Henri VII
(1489), la langue anglaise est devenue la langue légis-
lative, à l'exclusion du latin et du français.
VIII. — Le fait que la législation anglaise n'a ja-
mais été codifiée, qu'on professe en Angleterre un res-
pect absolu pour la tradition et pour les précédents, et
qu'on ne craint pas de chercher dans les plus vieux
documents législatifs ou judiciaires des arguments en
faveur d'une thèse toute contemporaine, a donné na-
turellement une importance considérable aux travaux
des jurisconsultes qui ont recueilli, coordonné et com-
menté cette masse énorme de matériaux. Plusieurs de
ces auteurs ont, eux aussi, le privilège d'ôtre encore
cités couramment, bien qu'ils aient disparu depuis des
siècles. Nous avons mentionné plus haut l'illustre
XXII INTRODUCTION
Edouard Coke; plusieurs de ses prédécesseurs et de
ses successeurs méritent également d'être nommés :
Au xv^ siècle, John Fortescue, Chief justice du Banc
du roi sous Henri VI, en 1442, auteur du De laudibus
legum Angliœ, exposé populaire, sous forme de dialo-
gue, des particularités et des mérites du droit anglais
comparé à celui du continent; — Thomas Littleton
(t 1481), auteur d'un ouvrage mémorable sur les Te-
nures, que Coke, son traducteur, qualifiait le livre le
plus parfait qui ait jamais honoré la science (/);
Au xvf siècle, Fitzherbert (f 1538), qui a publié,
sous le titre de Grand Abridgment , un travail appro-
fondi sur les Yearbooks et un ouvrage célèbre sur les
wiits^ intitulé Natura Brevium ; — Sir William Staun-
forde (t 1558), auteur d'un ouvrage estimé sur le droit
criminel (Pleas of the crown);
Au xvii^ siècle, Sir Matthew Haie (f 167.6), que
nous avons déjà nommé (cpr. ci-dessus note d)\
Au xviii® siècle, Sir Geoffroy Gilbert, Chief baron de
l'Échiquier (f 1726), dont les nombreux ouvrages sur
la propriété immobilière [Tenures, Uses and Trusts,
Devises, EJectment, etc. )ïoni encore smlorité; — John
Gomyns (f 1740), auteur d'un Digest of the law of
England, qui se distingue par sa clarté et sa solidité;
— le criminalisle William Hawkins (f 1746), auteur
d'un important recueil de statuts et d'un Treatise of
the Pleas of the Croitm; — et, surtout, le grand juris-
consulte Sir William Blackstone (n. 1722, f 1780),
[j) La traduction en anglais et Institutes de Coke; on les cite de
le commentaire des Tenures de deux manières : Co. Litt., ou 1
Littleton forment le livre 1 des Inst.
DES SOURCES DU DROIT ANGLAIS XXIll
dont, après plus d'un siècle, les Commentaries on the
laws of England forment encore la base de toute la
littérature juridique de l'Angleterre. Cet ouvrage capi-
tal, publié en 1765, maintes fois réédité et complété
(notamment par James Slephen), a été traduit en fran-
çais par Ghompré en 1823, avec les notes de Christian, j/
IX. — Au surplus, le règne incontesté du Common
laWy de la coutume, paraît aujourd'hui sur son déclin.
On s'étonne qu'un peuple aussi pratique que les An-
glais ait pu s'accommoder pendant des siècles d'un état !
de choses qui fait du droit un véritable arcane accessi-
ble aux seuls initiés. Le besoin d'une législation plus
claire, plus équitable, moins inutilement formaliste,
qu'on avait commencé à éprouver dès le xvi" siècle, se
fait sentir de plus en plus impérieusement. Tout en ne
touchant au passé qu'avec respect, on tend d'année en \
année à consolider, à compléter, nous allions dire à |
moderniser, les anciennes règles par voie législative. '
Les lois positives se substituent de proche en proche
•à\i common law . La réfornae accomplie en 1873 dans
l'organisation judiciaire, et dont on trouvera dans le
chapitre suivant les principaux linéaments, aura néces- )
sairement une influence considérable sur le développe-
ment du droit : la création d'une Cour suprême et la '
fusion de la juridiction d'équité avec celle de droit com- '
mun feront disparaître, dans un temps donné, la diffé-
rence, si accentuée naguère et si caractéristique, entre
le common law et \equily et, par là même, un dua-j
lisme qui était une source de complications sans tin
dans la théorie comme dans la pratique. Nous assis-
XXIV INTRODUCTION
tons à l'aurore d'une ère nouvelle, qui se manifeste par
I une remarquable fécondité législative dans tous les do-
maines. Rien que dans le droit civil, il est peu d'in-
stitutions qui n'aient été plus ou moins profondément
remaniées depuis l'avènement de la reine Victoria,
comme le démontre dans notre Table des principales
lois citées la longue liste des acts importants votés pen-
dant son règne. On pourra même se convaincre, en
étudiant par exemple la loi de 1882 sur l'émanci-
pation des femmes mariées, que le parlement ne recule
pas devant les initiatives les plus hardies. Cette acti-
vité ira-t-elle un jour jusqu'à l'élaboration d'un code
civil complet et uniforme? Nous le souhaitons sans
oser l'espérer.
CHAPITRE II
De rorganisation judiciaire de TAngletepre.
Sommaire : X. Introduction, — 1. Organisation antérieure à 1873 :
XI. Juridictions civiles inférieures. — XII. Juridictions civiles supé-
rieures. — 2. Organisation actuelle : XIII. Coup d'œil d'ensemble.
— 1° Cours de comté: XIV. Législation; circonscriptions — XV. Per-
sonnel de la cour. — XVI. Compétence. — 2° Cour suprême de jus-
tice : XVII. Historique de la réforme de 1873. — XVIII. Divisions de
la Cour. — a) Haute-Cour de justice : XIX. Composition!; divisions.
— XX. Compétence spéciale à chaque division. — b) Cour d'appel :
XXI. Composition. — XXII. Compétence. — c) Cour d'assises civiles :
XXIII. Composition; compétence; circuits. — XXIV. Commission of
nisi prius. — 3" Juridictions souveraines : XXV. Enumération. —
a) Chambre des lords : XXVI. Compétence ; composition de la Cour.
— b) Comité judiciaire du Conseil privé : XXVII. Composition et
compétence. — 4° Du jury : XXVIII. — 5" De divers fonctionnaires,
magistrats ou auxiliaires concourant à l'administration de la jus-
tice civile : XXIX. Enumération. — a) Juges de paix : XXX. — b) Co-
roners : XXXI. — c) Barristers at law, Serjeants at law, King's
counsels : XXXII. — d) Solicitors : XXXllI.
X. — L'organisation judiciaire de l'Angleterre a
subi en 1873 un remaniement complet, qui a été^
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XXV
achevé par des lois de 1875, 1876 et 1881. Nous ex-
poserons la constitution des tribunaux anglais telle
qu'elle ressort de la nouvelle législation.- Mais, comme
cette nouvelle législation est moins une création de
toutes pièces qu'une transformation de l'ancienne,
nous ne pouvons nous dispenser d'indiquer briève-
ment quelles étaient auparavant, et depuis des siè-
cles, les diverses juridictions civiles de l'Angle-
terre.
1. — Organisation antérieure à 1873.
XL — Au degré inférieur de l'échelle se trouvent,
depuis 1846, des tribunaux civils auxquels la réforme
de 1873 n'a, pour ainsi dire, pas touché et qui ont pris
la place de presque toutes les anciennes juridictions in-
férieures : ce sont les cours de comté [counly courts).
Ces cours, au nombre de soixante, tiennent leurs au-
diences dans 521 localités différentes, tantôt tous les
mois, tantôt tous les deux mois. Elles sont formées
d'un juge unique; leur compétence, en matière de
contrats, s'élève jusqu'à cinquante livres (1,250 fr.).
Elles statuent le plus souvent, tant en fait qu'en droit, I
.sans l'assistance du jury ; dans les rares cas oii un jury 1
doit intervenir, il se compose de cinq personnes. Di- \
verses lois ont attribué aux cours de comté juridiction,
non seulement en droit commun, mais encore en cer-
taines matières d'equity, jusqu'à concurrence de 500
livres, et en matière de testaments (probate), d'ami- \
rauté et de faillite.
A côté des cours de comté, fonctionnaient, dans un
XXVI INTRODUCTION
ressort fort restreint d'ailleurs, vingt-six autres tribu-
j naux ayant une compétence cWUe locale {bo?'ougi h, ktm-
dred, manorial courts).
XII. — Sous le titre de Cours supérieures de
justice, il existait à Londres, pour toute l'Angleterre,
un certain nombre de tribunaux auxquels appartenait
la juridiction, en première instance, sur toutes les af-
faires excédant ]a compétence des tribunaux inférieurs
et, en appel, sur les jugements de ces tribunaux.
Les cours supérieures de justice étaient : T Les trois
' cours de droit commun siégeant à Westminster et con-
nues sous le nom de Cour du banc de la reine [Queen's
bencli) [a], Cour des plaids communs (Common pleas),
et Cour de l'Échiquier [Exchequer). Dans les quarante
dernières années de leur existence, ces trois cours
avaient fini par avoir à peu près la même compétence,
et les difîérences de procédure, si nombreuses autre-
fois, avaient disparu. Elles se composaient chacune, en
dernier lieu, d'un président et de cinq juges; deux
fois par an, ces juges se rendaient dans les principales
villes du pays pour y présider au jugement par le jury
des causes criminelles et des causes civiles; ces cir-
cuits ont été maintenus par la législation de 1873.
2° J^ Haute-Cour de chancellerie, qui, tandis que
les cours de droit commun s'attachaient rigoureuse-
ment aux vieilles formules et aux précédents, s'inspi-
(a) 11 est, sans doute, superflu nouvelle organisation de 1873, nous
de faire remarquer que, quand le mentionnerons la reine, c'est, de-
souverain est un roi, cette cour sest puis l'avènement d'Edouard VII,
toujours appelée Cour du hanc du du roi qu'il s'agit.
roi, et que, quand, en analysant la
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XXVII
rait surtout des règles de l'équité et sut intervenir peu
à peu, soit pour arrêter l'exécution des sentences qui
blessaient trop ouvertement la justice naturelle, soit
pour statuer dans les cas oij le droit conamun ne four-
nissait aucun remède. Il y eut ainsi, en Angleterre,
deux juridictions parallèles et rivales, obéissant à des [ _
principes absolument différents et, comme consé- i
quence, deux droits distincts et le plus souvent con-
tradictoires : le common laiv, d'une part, Vequity, de
l'autre. Il est malaisé de définir nettement le domaine
de ces deux droits ; car c'est bien moins en vertu d'un
principe rationnel que par suite de circonstances ou
d'accidents historiques que le partage s'est opéré entre
les deux juridictions. Nous nous bornerons à énumé-
rer les affaires dont la Cour de chancellerie connaissait
à l'exclusion des tribunaux de droit commun, puis
celles oij elle intervenait bien que n'étant pas appelée à
les juger. Parmi les premières, se rangeaient les litiges
relatifs à des trusts, l'administration des successions,
les comptes entre associés et la liquidation des sociétés,
les partages d'immeubles, les affaires de tutelle des
mineurs, les difficultés en matière de morts-gages.
Parmi les autres, infiniment variées, nous citerons les
cas 011 la Cour croyait devoir ordonner un interroga-
toire sur faits et articles, la production de pièces ou
documents, l'exécution littérale d'un contrat, etc., ou
procéder par voie d'injonctions ou de défenses. En
général, quand une demande portée devant une cour
de droit commun, quoique fondée at law, était con-
traire à Xequitij^ telle que la comprenait la Cour de
XXVIII INTRODUCTIOiN
chancellerie, le défendeur pouvait s'adresser à celte
cour pour faire interdire au demandeur de continuer le
procès engagé ou même d'exécuter le jugement déjà
obtenu. La Cour de chancellerie était composée, en
dernier lieu, du chancelier, du_maître des rôles (mqs-
ter qf the rolls) et de trois vice-chanceliers, assistés
d'un nombreux personnel de secrétaires et autres offi-
ciers. Dans toutes les affaires de première instance,
les cinq magistrats siégeaient seuls et sans jury.
3" La Haute-Cour de l'amirauté, chargée, en temps
de guerre, de statuer sur les prises maritimes et, en
temps de paix, de connaître de tous faits survenus à
bord d'un navire, des contestations entre copropriétaires
d'un vaisseau, entre armateur et matelots, etc. Elle se
composait d'un juge unique, nommé par la reine.
4° La Cour des testaments (court of probate) et la
Cour des divorces (court of divorce and matrimonial
causes), chargées, l'une, de l'homologation des testa-
ments, l'autre, de l'examen des demandes en divorce,
en nullité de mariage ou en déclaration de légitimité.
Il pouvait être nommé un seul juge pour les deux cours
ou pour chacune d'elles ; il statuait, le plus souvent,
sans l'assistance d'un jury.
5"» La Cour des faillites, instituée en 1869 (St. 32 et
33,Vicl., c. 71) pour Londres et le district métropoli-
tain et composée d'un juge assisté d'un certain nombre
de registrars, clerks, etc. Ses arrêts pouvaient être por-
tés en appel devant la Cour de chancellerie, et elle ser-
vait elle-même de tribunal d'appel pour les jugements
rendus en matière de faillite par les cours de comté.
DE L'ORGANISATION JUDICIAIIŒ EX ANGLETERKE XXIX
Aucune des cours supérieures que nous venons
d'énumérer ne jugeait en dernier ressort; il existait
au-dessus de chacune d'elles une et même deux juri-
dictions d'appel superposées. La Chambre des lords et '
le Conseil privé de la reine formaient au sommet de
l'ordre judiciaire deux tribunaux suprêmes, indépen-
dants Tun de l'autre, et auxquels aboutissaient, en
dernière analyse, tous les appels. Mais, entre eux et
les diverses cours de première instance s'étaient inter-
calées de véritables cours d'appel intermédiaires, sa-
voir : la Chambre de l'Échiquier et la Cour d'appel de
chancellerie.
La Chambre de l'Échiquier se composait de tous les
juges des trois cours supérieures de droit commun, à
l'exception de ceux appartenant à la cour dont l'arrêt
était frappé d'appel; elle connaissait, en appel, de '
toutes les affaires civiles jugées par l'une de ces trois
cours, pourvu que l'appelant se prévalût d'une erreur ^
de droit ; ses propres arrêts pouvaient ensuite être dé- |
férés à la Chambre des lords.
La Cour d'appel de chancellerie se composait du lord
chancelier et de deux juges d'appel [lords justices of
appeal), institués par une loi de 1851 (St. 14 et 15,
Vict., c. 83); ils pouvaient juger, soit tous trois en-
semble, soit le chancelier seul et les deux juges ensem-
ble, soit le chancelier assisté d'un des juges; et ils
connaissaient de tous les jugements rendus par les
maîtres des rôles et les vice-chanceliers ou par la Cour
des faillites.
La Chambre des lords ou, pour mieux dire, le lord
XXX (introduction
chancelier assisté des pairs légistes exerçait pour l'An-
.§leterre les fonctions de Cour suprême sur les diverses
juridictions supérieures énumérées plus haut, hormis
la Cour de l'amirauté, et connaissait, en outre, des
appels de toutes les cours de justice d'Ecosse et d'Ir-
lande. Elle avait le double inconvénient d'offrir, à rai-
son même de sa composition semi-politique, des garan-
ties insuffisantes aux plaideurs et d'exiger d'eux des
sacrifices de temps et d'argent considérables.
En face de la Chambre des lords, et dans une posi-
tion tout à fait indépendante, siégeait le Conseil privé
de la reine, qui, par son comité judiciaire, statuait
\ souverainement sur les arrêts de la Cour de l'amirauté,
des cours ecclésiastiques et des tribunaux colo-
niaux.
2. — Organisation actuelle.
XIII. — Les juridictions cj\Mles actuelles peuvent se
diviser en juridictions inférieures, juridictions ordi-
naires de première instance et d'appel, et jujidictiqns
souveraines.
Les juridictions inférieures sont les cours de comté,
qui se composent d'un juge unique allant siéger un cer-
tain nombre de fois par an dans chacune des villes de
son ressort, et qui connaissent de toutes les affaires
civiles de minime importance.
Les juridictions ordinaires sont, en première in-
stance, la Haute-Cour de justice, siégeant à Londres, et
les juges de cette cour qui vont tenir dans les comtés
des assises civiles pour y juger les affaires de la com-
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XXXI
pétence de la Haute-Cour soulevant des questions de
fait et exigeant, par conséquent, selon les idées an-
glaises, l'intervention d'un jury; en appel, la Cour
d'appel. La Haute-Cour et la Cour d'appel sont les
deux sections de la Cour suprême de justice créée en
1873.
Les juridictions souveraines, qui connaissent en
dernier ressort de toutes les affaires jugées à la Cour
suprême, sont, d'une part, la Chambre des lords, de
l'autre, le comité judiciaire du Conseil privé.
1° Cours de comté.
XIV. — Toute la législation relative aux cours de
comté a été refondue en une loi du 13 août 1888 (St. 51
et 52, Vict., c. 43), traduite et annotée par M. J.
Leydet ddinsV Ann. de législ. étrang., t. XVHI, p. 176.
L'institution en 1846 des cours de comté répondait
à des besoins si évidents qu'elle ne tarda pas à se
développer et fit, de 1849 à 1887, l'objet de onze lois
complémentaires qu'on reconnut alors la nécessité de
cooroonner [b). L'Angleterre a été divisée en 60 cir-
cuits, plus tard réduits à 57, y compris 9 circuits pour
Londres {metropolitan circuits) et 2 pour Liverpool ; le
souverain a, d'ailleurs, le droit de changer le nombre
et le ressort des cours de comté (L. de 1888, § 4).
XV. — La cour de comté se compose, dans chaque
circuit, d'un juge unique, assisté d'un greffier [regis-
[b) Glasson, Institutions de V Angleterre, t. VF, p. 422.
Lehr. 0
XXXll INTRODUCTION
trar) el du nombre voulu d'huissiers [high bailiffs).
Le juge est nommé par le lord chancelier, avec le con-
cours du ministre de l'Intérieur, parmi les barristers
I ayant au moins sept ans d'exercice. Celui qui accepte
ces fonctions est tenu de renoncer à la profession d'a-
vocat et à toute autre analogue (§ 14), et il est inéli-
gible à la Chambre des communes (§ 8). Les juges
sont nommés à vie; mais ils peuvent être révoqués par
le chancelier pour cause d'incapacité [inability) ou de
mauvaise conduite [misbehaviour) (§ 15). Ils sont obli-
gés, pour le service, de se conformer aux instructions
du chancelier, en tant qu'elles ne sont point con-
traires à la loi. Ils jouissent d'un traitement de 1.500
livres (37.500 fr.), sans compter les indemnités de
i voyage et de déplacement (§ 23). En cas d'infirmités,
ils ont droit à une pension égale aux 2/3 du trai-
tement (§ 24). En cas d'empêchement, ils peuvent
\ se faire remplacer par un suppléant (deputy judye),
qu'ils choisissent eux-mêmes parmi les barristers ayant
\ plusieurs années d'exercice (art. 18). Ce suppléant tient
la cour non seulement pendant les maladies ou empê-
chements du titulaire, mais encore pendant le temps
des vacances (§11) que ce magistrat a droit de pren-
dre ou d'obtenir tous les ans (un mois en septembre,
quatre semaines dans une autre partie de l'année).
Chaque juge doit se rendre successivement, et au moins
une fois par mois, dans chacun des districts de son
comté. Son service est souvent excessivement lourd.
Il est de ces juges qui, si l'on en croit une enquête offi-
cielle, parcourent dans l'année 5 ou 6 mille kilomètres
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XXXIIl
€t jugent jusqu'à 1 8.000 affaires par an. D'habitude, ils
siègent douze fois par an dans chacune des villes prin-
cipales de leur ressort et dix fois dans les localités moins
importantes.
Le greffier, nommé par le juge avec l'approbation du
chancelier, est à la disposition du public en tout temps,
même en dehors des sessions. Il touche un traitement
qui varie, suivant le nombre des affaires, de 2.500 à
J 7.500 fr., sans préjudice de certains émoluments spé-
ciaux. Dans les cours peu occupées, les fonctions de
registrar sont souvent remplies par un attorney ou un
solicitor, qui n'est pas obligé pour cela de renoncer à sa
profession, de sorte qu'il peut se trouver représenter
l'une des parties tout en tenant la plume du juge (§§ 25
€t s., 45).
Les huissiers (high baïUffs) sont choisis par les juges
eux-mêmes. Ils font la police des audiences, remettent
les assignations, pratiquent les saisies, assurent l'exé-
cution des jugements. Ils ont qualité pour désigner des
baillis adjoints, qui les assistent dans leurs fonctions et
qu'ils sont libres de révoquer à leur gré. Le greffier
peut joindre à ses fonctions celles de high baïliff
i§§33 et s.).
Les parties ont le droit de comparaître devant les
cours de comté en personne ou par mandataire ; mais,
quand elles se font représenter, il faut, à moins d'une
permission spéciale du juge, que leur représentant soit
un soUcitor, un attorney ou un barrister (§ 72).
XVI. — La juridiction des cours de comté, d'abord
fort restreinte et limitée aux actions qui ne dépassaient
XXXIV INTRODUCTION
pas 5 livres (125 fr.) en matière de dommage, a été
' maintes fois élargie depuis lors, à mesure que les justi-
ciables appréciaient mieux les avantages de ces tribu-
naux. Les cours de comté jugent actuellement une foule
d'affaires. Elles ont d'abord statué en droit commun ;
ensuite on leur a aussi donné une compétence en equity^
et enfin, elles sont devenues des cours de faillite.
D'après le § 56 de la loi de 1888, les cours de comté
sont compétentes aujourd'hui pour statuer sur toutes
les actions personnelles dans lesquelles rinjérêt du litige
n'excède pas 50 livres; ces actions sont intentées et
jugées par « voie sommaire » [summari/ivay). En prin-
cipe, les cours ne connaissent pas des action s, çn^^g^ul-
^^ûXLJdectment) , ni des contestations sur des univer-
salités de biens corporels ou incorporels, sur des droits
de péage, de foire, de marché, ou sur des franchises
quand le titre lui-même est contesté. Elles ne connais-
sent pas non plus des affaires de diffamation, de séduc-
tion ou de rupture d'une promesse de mariage (même
§ 56). La cour est compétente lorsque le montant de
/ la demande, dépassant oU livres, est ramené à ce chiffre
par la compensation opposée et admise (§ 57). Elle
l'est également quant aux demandes qui ont pour objet
une part indivise et non liquidée, n'excédant pas 50
livres dans une société ou dans un héritage (§ 58).
Lorsqu'il s'agit de terres dont la valeur foncière ou le
loyer ne dépasse pas 50 livres, une action en expulsion
peut être portée devant la cour de la situation des
biens; mais, s'il est démontré dans l'instance que le
droit même de propriété sur les terres d'un revenu infé-
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XXXV
rieur à 50 livres pourrait être mis en question, la Haute- I
Cour doit évoquer l'affaire (§ 59). Dans tout litige où
Ton conteste le droit lui-même [title) sur des biens cor-
porels ou incorporels, la cour de comté est compétente
si la valeur des terres ou héritages, ou leur loyer, n'ex-
cède pas 50 livres (§ 60). Dans toute action où le
droit sur les biens corporels ou incorporels est n^is en csçyÂtec
question incidemment, le juge peut décider qu'il sera
passé outre, si les deux parties y consentent par écrit
(§ 61). Pour toute action née d'un contrat et dont \
l'objet dépasse 20 livres, ou djun fait dommageable /
quand le préjudice dépasse 10 livres, le défendeur peut /
décliner la compétence de la cour de comté, à charge |
de donner caution jusqu'à concurrence de 150 livres
tant pour les frais devant la Haute-Gour que pour le
montant du litige, à condition que, dans l'opinion du
juge, le débat soit de nature à soulever une importante
question de droit ou de fait (§ 62). Aucune action
n^estrecevable qui remettrait en question une chose
jugée par la Haute-Gour (§ 63). Un compromis signé
des deux parties peut attribuer juridiction à la cour de
comté dans les matières qui sont du ressort de la Divi-
sion du banc de la reine à la Haute-Gour (§ 64). Les
cours de comté peuvent connaître d'une action en répa-
ration d'un préjudice estimé à 10 livres, el même d'un
préjudice plus important si le juge d'une des cours de
Westminster a renvoyé l'affaire devant elles, au vu ^ "^
d'un afjidav'it du défendeur constatant que le deman-
deur, s'il succombe, serait hors d'état de payer les frais
d'une instance devant la Haute-Gour (§ 66).
XXXVI INTRODUCTION
En pquity^ elles connaissent de toutes les matières
qui étaient du ressort des cours de chancellerie et dont
le chiffre ne dépasse pas 500 livres (12.500 fr.), notam-
ment des actions in eqidty relatives à l'exécution ou à
l'annulation d'une convention concernant la vente ou la
location d'un bien, les procès entre associés, les diffi-
cultés concernant les fidéicommis, les rémérés, les for-
clusions, les actions en partage, l'administration des
successions ahjntestat, etc. Dans toutes ces affaires, le
juge a, en sus des pouvoirs qui lui sont propres, ceux
du juge de la Division de chancellerie, et les officiers
/ de la cour de comté doivent instrumenter suivant les
règlements et usages en vigueur à la Haute-Cour (§ 67).
Si, dans une desdites affaires, il appert des débats que
l'objet du litige a une valeur de plus de 500 livres, le
juge doit, d'office, se déclarer incompétent et renvoyer
devant la Haute-Cour, sauf le droit de celle-ci de main-
tenir la cause devant la cour de comté (§ 68). Dans
toute procédure pendante devant la Division de chan-
cellerie de la Haute-Cour, qui aurait pu être engagée
devant une simple cour de comté, le juge de la Haute-
Cour peut ordonner le renvoi devant une de ces cours,
I sans préjudice du droit d^appel des parties (§ 69).
Si une partie estime avoir été lésée par une décision
[at law ou m equHy) du juge de comté ou par l'admis-
sion ou le rejet d'une preuve, elle peut en appeler
devant la Haute-Cour. En principe, les actions mobi-
lières, notamment les actions fondées sur un contrat ou
un fait dommageable, ne sont sujettes à appel que si
l'intérêt du litige excède 20 livres (500 fr.); mais il
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XXXVII
appartient au juge d'autoriser l'appel, même en des
matières d'un intérêt pécuniaire moindre. En cas d'ap-
pel, le juge, à la demande de la partie intéressée, rédige
une note où il expose les question de fait et sa propre
décision (art. 120).
D'après les lois sur la faillite de 1883 (St. 46 et 47,
Vict., c. 52) et de 1890 (St. 53 et 54, Vict:, c. 71),
la procédure i?i Courts, qui, à Londres, se fait devant
la Haute-Cour de justice, relève, dans les provinces,
des cours de comté; dans les deux cas, la procédure
admijiistrative est placée sous le contrôle du Board of
Trade.
2° Cour suprême de justice.
XVII. — L'organisation des juridictions civiles su-
périeures, telle que nous l'avons esquissée [suprà, \
n. XII), présentait de graves et manifestes inconvé-
nients. Non seulement la coexistence de plusieurs tri-
bunaux supérieurs de même ordre et de même degré
conduisait fatalement à des contradictions dans la juris-
prudence, mais encore, et surtout, la séparation des
deux juridictions de droit commun et d'équité, jouis-
sant chacune d'une compétence exclusive en certaines
matières, entraînait des frais, des complications, des
lenteurs excessives; cette séparation avait exercé à la
longue une fâcheuse influence sur le développement du
droit lui-même. Depuis 1850, plusieurs commissions
furent instituées pour chercher les moyens de faire dis-
paraître les inconvénients tant de la multiplicité des tri-
bunaux supérieurs, indépendants les uns des autres,
XXXVIll INTRODUCTION
que de la division du droit commun [law) et de Xequity.
La dernière de ces commissions, nommée en 1867,
trouva le remède dans la fusion de toutes les cours su-
périeures de droit commun [Gommon pleas, Queen's
bench, Exchequer), de la Cour de chancellerie, et des
cours des testaments, des divorces et de l'amirauté, en
une seule Cour suprême, investie de toute lajuridiction
appartenant à chacune des cours ainsi réunies, de
façon à mettre ^\n aux conflits de juridiction et à préve-
nir les incessants et coûteux renvois du droit commun
à Xequïty, et vice versa. La Cour suprême devait être
partagée en plusieurs chambres ou divisio?is; pour faci-
liter la transition de l'ancien régime au nouveau, la
Cour de chancellerie, la Cour de l'Echiquier, la Cour du
banc de la reine et la Cour des plaids communs conti-
nueraient à former autant de chambres distinctes; mais
on réunirait en une cinquième chambre les trois Cours
de l'amirauté, des divorces et des testaments. On pro-
posait d'accorder à chacune des cinq chambres la pléni-
tude de la juridiction de la Cour suprême et, par con-
séquent, la facuU^, dans n'importe quelle affaire, de
faire justice entière, d'accueillir tous les moyens fondés
soil sur le droitcommun, soit sur Xequïly^ etd'appliquer
tous les remédia juris qu'antérieurement les unes ou
les autres des cours supérieures pouvaient seules admi-
nistrer. Provisoirement, on distribuerait les affaires
entre le diverses chambres de la Cour suprême en
tenant compte de la compétence de l'ancienne cour
dont elles auraient respectivement pris la place; mais
il serait permis à la Cour d'ordonner le renvoi d'une
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XXXIX
affaire d'une chambre à une autre, tout comme les
juges attachés à une chambre pourraient, suivant les
besoins du service, être appelés à siéger dans une autre.
L'une des grandes difficultés de la réforme à opérer
consistait à choisir, parmi les règles contradictoires de
la procédure des différentes cours, les éléments d'un
code uniforme, susceptible de s'appliquer à toutes les
affaires et devant chacune des divisions de la Cour
suprême. Au lieu de rédiger un code entier, la com-
mission de judicature se borna à tracer les lignes prin-
cipales, s'en remettant à la cour elle-même du soin de
faire, après une expérience suffisamment longue, des
règlements généraux, faciles à modifier en cas de
besoin.
L'act du o août 1873 [the suprême Court of judica-
ture act 1873, St. 36 et 37, Vict., c. 66) a fait passer
dans le domaine législatif les réformes conçues par la
commission de 1867. Il a été traduit par M. AI. Ribot, J
dans y Afin, de légisL étrang., t. III, p. 9, et accompa-'
gné d'une intéressante notice historique et explicative.
Cet act a été successivement modifié ou complété par
cinq autres lois, de 1875 à 1881 : du M août 1875
{St. 38 et 39, Vict., c. 77); du 1 1 août 1876 (39 et 40,
Vict.,c. 59); du 24 avr. 1877 (40 et 41, Vict.,c. 9);
du 15 août 1879 (42 et 43, Vict., c. 78) et du 27 août
1881 (44 et 45, Vict., c. 68), qui ont également été
traduites ou analysées dans YAmiuaire.
XVIII. — La Cour suprême, créée par la loi de
1873 et en laquelle ont été fondues les huit Cours de
chancellerie, du banc de la reine, des plaids communs,
XL INTRODUCTION
de l'Échiquier, de l'amirauté, des testaments, des di-
vorces et des faillites (art. 3) se divise en deux sections
permanentes. L'une, sous le nom de Haute-Cour de
justice, exerce la juridiction de première instance et
connaît des appels des juridictions inférieures. L'autre
sous le nom de Cour dappel, exerce la juridiction
d'appel sur les diverses chambres ou divisions de la
Haute-Cour (art. 4).
«.) Haute-Cour de justice.
XIX. — La Haute-Cour de justice a été composée
par Vact ôe 1873 : du lord chancelier; du lord chief
justice d'Angleterre; du maître des rôles; du lord
chief justice de la Cour des plaids communs, du lord
chief baron de l'Echiquier ; des vice-chanceliers de la
Cour de chancellerie: du juge de la Cour des testa-
ments, de la Gourdes divorces et de celle de l'amirauté;
des juges des trois Cours du banc de la reine, des
plaids communs et de l'Échiquier (art. 5), à l'exception
de ceux qui sont appelés à siéger à la Cour d'appel.
Hormis le chancelier, qui, tant qu'il est revêtu de cette
dignité politique, préside tout à la fois les deux sections
de la Cour suprôme, nul magistrat ne peut appartenir
simultanément aux deux ; s'il est appelé à la Cour d'ap-
pel, il doit être remplacé à la Haute-Cour. Depuis, le
maître des rôles a été attribué à la Cour d'appel. Tout
en conservant aux magistrats de la nouvelle cour les
titres distinctifs de ceux des anciennes, \act de 1873
avait donné à la reine le droit de les modifier ou de les
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XLI
supprimer avec l'assentiment du Parlement. Le gou-
vernement a jugé utile, au bout de peu d'années, d'user
de cette prérogative. Un act de 1877 a supprimé les
anciennes dénominations de barons de l'Echiquier, de
juges des plaids communs, etc., et conservé aux seuls ,
présidents des divisions leurs appellations historiques.
En 1881, ces présidents eux-mêmes, les chief justice
of common pleas et lord chief baron de l'Echiquier
ont fait place à de simples juges ; de telle sorte qu'au-
jourd'hui, hormis le lord chancelier, président, et le
lord chief justice d'Angleterre, vice-président, tous les
membres de la Haute-Cour sont uniformément qualifiés
jiidges ou justices of the high court of justice.
En cas de vacance, c'est la reine qui nomme le nou-
veau juge par lettres patentes, et ce magistrat siège
dans la chambre à laquelle appartenait son prédéces-
seur avec les mêmes titres, privilèges et préséances.
Pour pouvoir être nommé juge de la Haute-Cour, il
faut avoir exercé la profession d'avocat pendant dix
ans au moins. Le grade honorifique de serjeant at lau)
n'est pas exigé (art. 8). Tous les membres de la cour
sont nommés à vie. L'ac^ de 1875, rappelant une dis-
position d'un statut de Guillaume HI (St. 12 et 13,
Guill. ni, c. 2), porte qu'ils ne peuvent être révoqués
que sur la demande collective des degx Chambres. Les
traitements sont restés fort élevés : 10.000 livres
(250.000 fr.) pour le chancelier; 8.000 pour \q chief
justice d'Angleterre; 6.000 pour le maître des rôles,
5.000, pour'les juges ordinaires (art. 13). Au bout de
quinze ans de services ou en ^cas d'infirmités qui le
XLII INTRODUCTION
rendent incapable d'exercer ses fonctions, tout juge
peut obtenir, par lettres patentes, une pension an-
nuelle et viagère, qui s'élève en général à la moitié du
traitement d'activité. Les juges de la Haute-Gour ne
peuvent être membres de la Chambre des communes,
mais ils peuvent siéger dans celle des lords (art. 9).
Avant d'entrer en fonctions, ils prêtent entre les mains
du chancelier un serment d'allégeance et un serment ju-
diciaire suivant une formule arrêtée par la loi en 1868
(art. 9). Celui du chancelier lui-même est fixé par ïact
de 1875 (art. 5).
Pour l'expédition des affaires, la Haute-Cour avait
été répartie en 1873 en cinq divisions ou chambres :
r chancellerie; 2° banc de la reine; 3° plaids com-
muns; 4° Échiquier; 5° testaments, divorces et ami-
rauté. La troisième et la quatrième ont été supprimées
en 1881, de sorte qu'il ne subsiste plus aujourd'hui
que trois divisions. Tout juge de la Haute-Gour peut
expédier seul les afifaires qui, d'après les usages exis-
tants, sont de nature à être tranchées de la sorte (L. de
1873, art. 39). Quant à celles qui ne peuvent être vi-
dées par un seul juge, elles sont déférées à des sections
composées de deux ou de trois juges ; le nombre des
sections siégeant simultanément est indéterminé (art.
40). Tout juge siégeant seul peut réserver à l'examen
d'une section les affaires dont il est saisi (art. 46).
XX. — La Division de chancellerie, qui a été main-
tenue après la réforme de 1881, continue à traiter spé-
cialement les affaires qui relevaient autrefois de la
Cour de chancellerie, notamment : l'administration des
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XLIII
successions, la formation et la dissolution des sociétés,^
les comptes entre associés ou entre toutes autres per-
sonnes, les difficultés relatives à l'extinction des hypo-
thèques, la vente et la distribution des deniers prove-
nant d'un bien grevé de privilèges ou d'un droit de
rétention, les fidéicommis, la rectification, l'annulation
ou la destruction de litres, les difficultés entre vendeurs
et acheteurs d'immeubles, le partage des immeubles,
la garde de la personne et la surveillance des biens des
enfants, les procès relatifs aux marques de fabrique.
La Division des testaments, divorces et amirauté a
également été maintenue distincte en 1881 , à cela près
que, d'après l'art. 8 de Vact du 27 août 1881 , son pré-
sident n'a plus que le titre de simple juge de la Haute-
Cour. Elle connaît de toutes les affaires précédemment
attribuées aux trois cours qu'elle a remplacées (L. de
1873, art. 34), c'est-à-dire de la vérification des tes-
taments, des actions en divorce, en nullité de mariage,
au en déclaration de légitimité, des questions d'abor-
dage maritime, des contestations entre armateurs et
marins, etc.; et, en temps de guerre, elle statue sur les
prises maritimes.
Les trois autres sections ont été réunies en une seule
en 1 881 , sous le. nom de Division du banc de la reine ;
le lord chief justice d'Angleterre, qui présidait l'an-
cienne cour de ce nom, a été investi, en sus, des attri-
butions appartenant antérieurement au iord chief Jus-
tice of the common pleas et au lord chief baron of the
Exchequer ; et la Division connaît aujourd'hui, d'une
façon générale, de toutes les affaires qui ne sont pas
XLIV INTRODUCTION
expressément dévolues à une autre juridictioa, notam-
ment : des actions en revendication d'immeubles, de
celles qui naissent des attentats contre la personne ou
la propriété, des actions en paiement de loyer, des em-
prisonnements faits par erreur, des diffamations écrites,
ou verbales, de tous les « torts », etc.
Cette détermination de la compétence de chaque Di-
vision par les lois de 1873, 1875 et 1881 n'est toute-
fois pas absolument imposée au demandeur. L'art. 1 1
de Vaci de 1875 porte, au contraire, qu'on peut tou-
jours choisir entre les différentes Divisions et indiquer
dans l'exploit introductif quelle est celle qu'on entend
saisir. Mais, lorsque la Division désignée est incompé-
tente d'après la loi, elle a toujours, à un moment quel-
conque de l'instance, le droit de se dessaisir et de ren-
voyer l'affaire devant le véritable juge, sans que cette
circonstance entraîne la nullité des actes de procédure
déjà faits. Seules, les affaires dévolues par la loi à la
Division des testaments, divorces et amirauté, doivent
nécessairement être portées devant elle.
La Haute-Gour est cour d'appel pour les jugements
des cours de comté.
C'est elle aussi qui, d'après la loi du 25 août 1883
(St. 46 et 47, Vict., c. 52), §§ 92 à 94, a aujourd'hui
compétence en matière de faillite, concurremment
avec les cours de comté. La Cour des faillites, qui avait
été créée à Londres en 1869, a été supprimée par la
loi judiciaire de 1873, et ses attributions ont été con-
férées à la Haute-Gour. Le lord chancelier détermine de
temps à autre celle des Divisions de la Haute-Gour qui
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XLV
doit connaître des affaires de faillite et le juge appelé à
en connaître. En 1884, ces affaires ont été dévolues à
la Division du banc de la reine.
b) Cour d'appel.
XXI. — D'après la loi du 27 août 1881 (St. 44 et
45, Vict., c. 68), qui a modifié à cet égard Vact fon-
damental de 1873 et plusieurs lois postérieures, la
Cour d'appel comprend : 1° trois ex officio judges :
le chancelier, le lord chief justice d'Angleterre, et le
président de la Division des testaments, divorces et
amirauté , 2° le maître des rôles, qui ne siège plus que
dans cette section-là de la Cour suprême ; 3° cinq juges
ordinaires, o^w^x'àt^ lords justices of appeal. La reine
peut nommer un nombre quelconque de juges supplé-
mentaires, pris parmi les anciens membres des juri-
dictions supérieures. Une loi de 1891 (St. 54 et 55,
Vict., c. 53) décide que les anciens lords chanceliers
seront de droit juges de la Cour d'appel ; mais ils ne
sont tenus de siéger que de leur consentement et avec
le rang de préséance qui leur appartient comme pairs
(§ 1). Les juges d'appel ont le même traitement,
jouissent de la même inamovibilité et prêtent le môme
serment que ceux de la Haute-Gour ; ils peuvent pré-
tendre à la môme pension de retraite. Les juges supplé-
mentaires ont droit, eux aussi, au titre de lords justi-
ces ; mais ils ne reçoivent aucun traitement et sont dis-
pensés de siéger s'ils ont un empêchement légitime.
Pour pouvoir être nommé juge ordinaire de la Cour
d'appel, il faut avoir été juge de la Haute-Gour pendant
XLVI INTRODUCTION
une année au moins, ou avoir exercé pendant quinze
ans la profession d'avocat. Sauf pendant les circuits du
printemps et de l'été, le chancelier peut toujours récla-
mer le concours d'un ou plusieurs juges de la Haute-
Cour pour faire temporairement fonctions de juges
d'appel (L. de 1875, §4),
XXII. — La Cour d'appel connaît des appels de tout
jugement ou ordre émané de la Haute-Cour ou de l'un
des juges de cette cour (L; de 1873, § 19). Toute-
fois nul jugement ou ordre de ce genre, rendu avec le
consentement des parties ou sur une question de dé-
pens, n'est susceptible d'appel, à moins d'une autori-
sation delà cour ou du juge de qui elle émane (§ 49).
Il est, d'ailleurs, à remarquer que la Cour d'appel ne
peut être saisie directement des recours qu'à raison de
sentences rendues sans assistance du jury. Les déci-
sions fondées sur le verdict du jury doivent être d'abord
déférées à une section de la Haute-Cour et, alors, à
proprement parler, c'est contre la décision de cette
section que l'appel est formé. Même pour les décisions
rendues en chambre par un seul juge, j^appel immé-
diat à la Cour d'appel n'est recevable qu'en suite d'une
autorisation spéciale dudit juge : en général, il faut
commencer par provoquer l'annulation de la sentence
par le juge lui-même siégeant en audience publique
ou par une section de la Haute-Cour (c). Les appels
sont jugés soit par la cour entière, soit par une section
de la cour composée de trois membres au moins; mais
aucun juge ne peut connaître en appel des décisions
(c) Glasson, op. cit., p. 531.
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE XLVII
qu'il a rendues en première instance (L. de 1875, § 4).
La cour a le droit de se diviser en deux sections, qui
peuvent siéger séparément ou simultanément; ces
deux sections ne forment pas deux chambres distinctes :
elles ne sont ni nécessairement permanentes, ni com-
posées des mêmes juges. On a craint que la division
en chambres ne compromît l'unité de jurisprudence,
tout comme la séparation des cours dans l'ancienne
organisation. Si une affaire semble particulièrement
délicate, la section saisie peut s'en décharger sur la
cour entière, et alors l'affaire est plaidée à nouveau.
c) Cours d'assises civiles.
XXIII. — L'établissement de la Haute-Cour n'a pas
amené la suppression des toarnées [circuits) déjuges
qui, en matière civile, sont une des institutions les
plus anciennes et originales de l'organisation judiciaire
anglaise. Quand une affaire de la compétence de la
Haute-Gour ne soulève qu'un point de droit, elle est
nécessairement portée à cette cour à Londres, à moins
que les parties ne soient d'accord pour demander le
renvoi au juge de ?iisi prius, c'est-à-dire à la cour
d'assises, statuant avec assistance du jury. Mais, si le
procès soulève des questions de fait, chaque partie
a le droit d'exiger ce renvoi.
Les cours d'assises civiles consistent en deux ou
plusieurs juges de la Haute-Gour, envoyés en vertu
d'une commission de la Gouronne pour faire des tour-
nées dans chacun des huit circuits judiciaires prévus
par la loi et pour y constater, au moyen d'un jury pris
Leur. d
XLVIII INTRODUCTION
chaque fois dans le pays, les points de fait sur lesquels
la Haute-Gour devra ensuite fonder son jugement. Il
est admis, toutefois, maintenant, que les magistrats des
cours d'assises peuvent prononcer aussi sur le droit et
sont réputés, dans ce cas, constituer une division de
ladite Haute-Gour (Gfr. L. de 1873, § 29). D'après
le § 23 de la loi de 1875 et des « ordres en conseil »
des 5 févr. et 17 mai 1876, les circuits sont au nombre
de huit : Nord, Nord-Est, Midland, Sud-Est, Oxford,
Ouest, Galles du Nord, Galles du Sud. Le comté de
Surrey n'est compris dans aucun circuit, mais une
commission y est envoyée deux fois par an pour l'ex-
pédition des affaires soit civiles, soit criminelles. De
même, Londres et Middlesex ne sont compris non plus
dans aucun circuit, mais il s'y tient au moins quatre fois
par an devant un ou plusieurs juges de la Haute-Gour
des cours pour la détermination des points de fait par le
jury [London and Middlesex sitting s ; Ovà. LXI, r. 1).
1j& Asaizes winter act de 1876 (39 et 40, Vict., c. 57)
dérogeant à d'antiques usages, a décidé que, par or-
dre du conseil, plusieurs comtés pourraient être réu-
nis en un groupe pour les assises d'hiver et que les
audiences se tiendraient dans la ville du groupe dési-
gnée par le conseil. De môme, la reine peut, pour la
saison d'hiver, adjoindre un certain nombre de comtés
au ressqrt_ de la cour centrale criminelle siégeant à
Londres. Mais il a été bien entendu qu'on continuerait
à tenir toujours au moins deux sessions par an dang
chaque comté (42 et 43, Vict., c. 1, § 3).
XXIV. — En pratique, les cours d'assises civiles
DE L'ORGANISATION JUDICIAIHE EN ANGLETERRE XLIX
sont encore souvent désignées sous le nom de courts
of nisi priiis, parce que le juge de la Haute-Cour les
présidait en vertu d'un pouvoir spécial à lui conféré et
appelé commission of nisi prius. Celte appellation
bizarre provient, selon Stephen [d], de ce qu'autrefois
les questions de fait dans un procès civil étaient ren-
voyées à Tune des cours de Westminster, pour être
tranchées avec l'assistance d'un jury venant, à cet
effet, du comté où l'action avait pris naissance, à moins
que préalablement elles ne l'eussent été par la cour
d'assises allant siéger dans ledit comté; cette dernière
cour, dont l'intervention opportune rendait le renvoi
superflu, fut appelée elle-même cour de nisi prius.
Depuis le Commoji law procédure act 18o2 (St. 15 et
16^ Vict., c. 76), la commission spéciale de nisi prius
n'est plus nécessaire au juge pour remplir ses fonc-
tions.
3° Juridictions souveraines.
XXV. — Tout au haut de l'édifice judiciaire se
trouvent deux tribunaux suprêmes : la Chambre des
lords, qui a une compétence générale; le comité judi-
ciaire du Conseil privé, dont les pouvoirs sont excep-
tionnels et concernent seulement certaines affaires.
a) Chambre des lords.
XXVI. — La Chambre des lords, qui n'est autre
chose que l'ancienne curia régis dans l'acceptation la
plus large de cette expression, exerce des attributions
judiciaires depuis des siècles et n'en a été privée que
[d) Comment, on the law of England, liv. 5, c. 5.
L INTRODUCTION
tout à fait temporairement en 1873 par une disposition
qui a été rapportée deux ans plus tard. L'appel su-
prême à la Chambre haute a été réglementé dès le
règne d'Edouard III (St. 14, Ed. III, St. 1, c. 5).
Elle est cour d'appel souveraine pour toutes les cours
de justice supérieure d'Angleterre, d'Ecosse et d'Ir-
lande, à la seule exception de celles pour lesquelles
cette fonction est dévolue au comité judiciaire du
Conseil privé (e).
Autrefois, la Chambre des lords siégeait tout entière
pour connaître des appels; et, jusqu'à nos jours, on a
reconnu à tout pair le droit de connaître comme juge
des affaires déférées à la Chambre. Mais, en fait, les
lords qui ne sont pas jurisconsultes se retirent dans ces
cas-là, et il ne reste pour statuer que les lordsjégistes
(Jaw lords), c'est-à-dire : le chancelier, les anciens
chanceliers et les lords arrivés à la pairie par la magis-
trature ou le barreau. Il a été admis de tout temps
que, pour être valable, une décision de la Chambre
devait être rendue par trois pairs. Mais, comme la loi
n'exigeait pas que les deux assesseurs du lord chance-
lier fussent les mêmes à chaque audience, il arrivait
fréquemment que, par l'effet du roulement établi entre
les membres de la Chambre pour ce service spécial,
une affaire commencée devant deux pairs fût continuée
et liquidée devant d'autres, qui ne la connaissaient
point, de sorte que la sentence émanait en réalité du
chancelier seul, h'act du 11 août 1876 (St. 39 et 40,
Vict., c. 59) a remédié à ce grave inconvénient en
(e) V. infrà, n. XXVII, in fine.
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE LT
créant deux lords d'appel en service ordinaire, véri-
tables magistrats à vie, inamovibles et salariés, tenus
d'assister le chancelier concurremment avec les lauj
/o;'fi^6" ordinaires. Sans enlever expressément aux pairs
won \éQ^^lQS,[la y lords) le droit de siéger comme juges,
Vact de 1876, par son § 5, décide que la Chambre
des lords ne peut ni siéger, ni statuer, comme cour
d'appel, sans la présence de trois au moins des juges
qu'elle désigne sous le nom de lords d'appel Uords of
appeaï). Ces juges sont : 1" le lord chancelier d'An-
gleterre; 2° les lords d'appel en service ordinaire,
nommés parla reine; 3° les pairs qui exercent ou qui
ont exercé l'une des hautes fonctions judiciaires (mem-
bres ou anciens membres : 1° de la Cour suprême de
justice d'Angleterre ; 2° des cours supérieures d'Irlande;
3" de la cour de session d'Ecosse (art. 25). Les lords
d'appel in ordinary doivent avoir rempli pendant deux
ans au moins l'une des hautes fonctions judiciaires ou
exercé pendant quinze ans la profession d'avocat. Ils
jouissent d'un traitement de 6.000 livres; ils sont ba-
rons à vie et sont membres de la Chambre haute pen-
dant tout le temps oii ils remplissent leurs fonctions
de lords d'appel, mais leur pairie n'est pas héréditaire
(art. 6).
Actuellement, et d'après le § 3 du même act, les
cours dont les sentences peuvent être déférées en appel
à la Chambre des lords sont « la Cour d'appel d'An-
gleterre, et toute cour d'Ecosse et d'Irlande dont les
décisions sont susceptibles de cet appel en vertu de la
coutume ou des lois en vigueur ».
LU [.\TRODCCTiON
b) Comité judiciaire du Conseil privé.
XXVII. — Le roi s'était réservé de vieille date de
statuer, en son conseil, à l'exclusion de la Chambre
des lords, sur certaines questions, notamment de l'or-
dre politique. Ce conseil, toujours fort nombreux, a
bien rarement délibéré au complet; mais il se partage
en comités, qui ont des occupations beaucoup plus
régulières, et c'est un de ces comités qui est spéciale-
ment chargé des affaires rentrant dans l'administra-
tion de la justice. Ce comité a reçu son organisation
régulière en 1833 (St. 3 et 4, Guill. IV, c. 41) et la
mission, sous le titre de Judicial Committee of the
Privy Council, de juger en dernier ressort certaines
affaires déférées au roi en son conseil. La loi de 1833,
complétée par les St. 14 et 15, Vict., c. 83, § 15,
l'a composé de divers membres du conseil remplissant
ou ayant rempli de hautes fonctions judiciaires et, en
outre, lorsqu'il s'agissait d'affaires ecclésiastiques, des
prélats faisant partie du Conseil privé. Une autre loi
du 21 août 1871 (St. 34 et 35, Vict., c. 91) a autorisé
la reine à adjoindre au Comité quatre additionai Judçes,
choisis soit parmi les juges ou anciens juges des cours
de Westminster, soit parmi les chief justices de Ben-^
gale, Madras ou Bombay, avec un traitement de 5.000 -
ivres par an. Mais, en 1876, le Appelate juridiction
act (St. 39 et 40, Vict., c. 59), a modifié cette dispo-
sition en ce sens que ces juges salariés devront être
remplacés, au fur et à mesure des vacances, par les
loi'ds of appeal in or dinar y ^ dont il a été question
-^.^
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE LUI
suprày et qui auront à siéger, s'ils sont membres
du Conseil privé, tout à la fois au Comité judi-
ciaire de ce conseil et à la Chambre des lords fonc-
tionnant comme cour d'appel suprême (art. 6 et 14).
Actuellement (1905), le Comité se compose de tous
les membres du Conseil privé qui sont ou ont été juges
des cours supérieures, ainsi que des prélats quand il
s'agit de causes ecclésiastiques. Sont ordinairement
en fonctions trois ou un plus grand nombre des mem-
bres suivants : le lord chancelier, les quatre lords of
appeal m ordïnary, et plusieurs autres magistrats
appartenant ou ayant appartenu à la Cour suprême. Il
y a, en outre, un membre pour l'Inde, un pour l'Aus-
tralie, un pour le Cap et un pour le Canada (/).
Le Comité judiciaire est la cour d'appel suprême,
pour les décisions de la Cour de l'amirauté, des cours
ecclésiastiques, des cours des colonies et des Indes;
et il statue sur les demandes ou prorogations de bre-
vetas (St. 46 et 47, Vict., c. 57, art. 25) [g).
4° Un jury.
XXVIII. — Le jury, tant au civil qu'au criminel,
est l'une des institutions les plus anciennes de l'An-
gleterre. Elle y est restée fort populaire au criminel,
mais, au civil, le jury compte, môme en Angleterre,
de nombreux adversaires; on lui reproche d'être une
cause de lenteur et de coûter fort cher. Avant la réforme
judiciaire de 1873, les cours de droit commun sié-
if) Almanach de Gotha, 1905, {g) Gl&sson, Institutions de l'An-
p. 840. gleterre, t. VI, p. 462 et 555.
LIV INTRODUCTION
geaient avec assistance du jury^ ce qui entraînait de
grandes complications quand le droit et le fait se trou-
vaient confondus d'une façon indivisible, La Cour de
chancellerie et la Cour de l'amirauté statuaient pres-
que toujours sans jury. La Gourdes testaments et des
divorces avait un pouvoir discrétionnaire pour ad-
mettre ou rejeter le jury dans chaque cas donné. En
1870, la commission de judicature proposa d'étendre
à tous les tribunaux le système en vigueur dans cette
dernière cour, en leur laissant le choix entre l'instruc-
tion avec jury, le jugement sans jury, ou même le ren-
voi devant un a.rbitre rapporteur [référée^. Le légis-
lateur de 1873 craignit de toucher trop brusquement
à une institution plusieurs fois séculaire. IJ'acl de 1873
a réservé aux plaideurs la faculté de réclamer l'inter-
vention du jury dans les affaires oii ils l'auraient pu
auparavant; mais il confère ensuite à la Haute-Gour et
à la cour d'appel le droit de renvoyer la question de
fait devant un arbitre rapporteur ou un expert techni-
que, et les parties ont également le droit de demander
un semblable arbitre ou expert, en place d'un jury [h).
5° De certains fonctionnaires, magistrats ou auxiliaires concourant
à l'administration de la justice civile.
XXIX. — Nous ne dirons ici quelques mots que
des juges de paix, afin de prévenir toute confusion
entre eux et les magistrats français portant le même
titre, des coroners, des barristers at law et des solici-
(h) L. de 1873, art. 56; Règles de proc. annexées, art. 30 et s.
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE LV
tors. Il n'y a point, en Angleterre, de notaires au sens
français de l'expression.
a) Juges de paix.
XXX. — Les juges de paix, en Angleterre, sont en
général de grands propriétaires vivant sur leurs terres
et exerçant par leur situation une grande influence
autour d'eux; ou bien ce sont les chefs des municipa-
lités. Ils sont nommés par la Couronne, sur la pro-
position du lord chancelier. Conservateurs de la paix
dans le sens le plus large du mot, ils ont essentielle-
ment des attributions administratives ou de police et
des fonctions importantes en matière de droit criminel;
ils ne sont pas juges au civil.
b) Coroners.
XXXI. — Les coroners ont pour attribution prin-
cipale de constater les cas de mort violente, aussi bien
après une exécution qu'après un crime, un accident ou
un suicide. Dans tous ces derniers cas, le coroncr s'en-
toure d'un certain nombre de jurés, fait une enquête
avec eux, reçoit et enregistre leur verdict; il tient
également de la loi un droit d'enquête sur les trésors
trouvés (?').
c) Barristers at law, serjeanls at law, King's counsels.
XXXII. — Les avocats ou barristers at law reçoivent
leur titre de l'une des vieilles corporations de juris-
consultes groupées dans les quatre imis of court [Inner
L (t) St. 51 et 52, Vict., c. 71 (loi sur les coroners, du 10 sept. 1887).
LVI INTHODUCTION
Temple, Middle Temple, Lincoln s inn, Graysinn),
à la suite d'études faites soit dans ces inns, soit dans
une université du royaume, et d'examens subis tant
devant les benr.hers ou chefs de Vinn que devant le
CoimcH of légal éducation. Les inns of court ont
conservé le privilège exclusif de conférer le titre; la
profession de barrister, régie par des règles séculaires,
n'a jamais fait l'objet d'aucun acte du Parlement. Le
grade de barrister permet d'exercer la profession d'avo-
cat dans toute l'Angleterre (/) et en donne le droit
exclusif devant les cours supérieures.
Les avocats les plus distingués peuvent obtenir, par
le suffrage de leurs confrères, le titre honorifique de
serjeant at law, après un certain nombre d'années
d'exercice. Ce titre est constaté par un writ du roi.
Les serjeants sont très peu nombreux; ils forment
entre eux un cercle restreint [inn), dont font égale-
ment partie les membres des juridictions supérieures.
C'est parmi eux, que se recrutent généralement les
conseillers de la Couronne [King^s counsels). Les con-
seillers ont pour mission de donner leur avis sur toutes
les questions légales qu'on leur soumet, en particulier
sur les questions de droit international. Le premier
titulaire fut sir Francis Bacon. Les juges des cours
supérieures sont choisis parmi les conseillers. Les
serjeants at law ont la préséance sur les simples bar-
risters; les King's counsels, sur les serjeants.
{j) Stephen, Commentaries on Étwde deM. Sallantin, sur les/nns
t/ie laws of England, 1. 1, Introd., of court, Bull, de la Soc. de légis-
t. ni, liv, 4, 3e partie, c, 13, II. — lation comparée, 1878.
DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN ANGLETERRE LVII
d) Solicitors.
XXXIII. — La profession de solicitor (qu'on peut A
traduire par avoué ou procureur) a fait, sous le règne /
de la reine Victoria, l'objet de très nombreuses lois :
St. 6 et 7, c. 73; 23 et 24, c. 127; 33 et 34, c. 28;
34 et 35, c. 18; 35 et 36, c. 81; 37 et 38, c. 68; 38 et
39, c. 79 ; 39 et 40, c. 66 ; 40 et 41 , c. 25 ; 44 et 45,
0. 44; 51 et 52, c. 65. En vertu de ces lois et notam-
ment de la première [Solicitors act 1843), § 2, nul
ne peut agir comme solicitor et faire un acte quelcon-
que jnjusUce soit en son propre nom, soit au nom
d'un tiers, devant un tribunal civil ou criminel, s'il n'a
été dûment admis comme tel; et ce, sous peine d'être
poursuivi pour co?itempt of court et passible d'amende.
Pour être admis en qualité de solicitor, il faut avoir un
stage plus ou moins long et subi toute une série
d'épreuves qui varient suivant que le candidat a, ou
non, le titre de harrister ou un grade universitaire {U).
Ceux qui ont satisfait à l'ensemble de ces conditions
prêtent un serment d'allégeance et un serment profes-
sionnel; puis ils sont « admis », inscrits au tableau de
la corporation et nantis d'un acte sur parchemin cons-
tatant le fait.
Les solicitors ont, avec les avocats, le privilège
exclusif de traiter dans les cours de justice des affaires
auxquelles ils ne sont pas personnellement intéressés
comme parties. Seuls, ces officiers ou les parties elles-
mêmes ont le droit de s'adresser à une cour; seuls
{h) Solicitor's Act i877, 1894 (SL 40 et 41, Vict., e. 25; St. 57, c. 9).
LVIII INTRODUCTION
aussi ils peuvent interroger les témoins (/), Dans cer-
taines cours supérieures, ce droit est réservé aux seuls
a\ocats {darristers et serjeantsat Inw) à l'exclusion des
soUcitors. Le solicitor est, par essence, dans un pays
où il n'y a point de notaires, le conseiller juridique de
tous ceux qui, même sans avoir de procès, ont besoin
d'être assistés dans la direction de leurs affaires ou
dans la rédaction d'une pièce (m). — On trouvera, sur
toutes les matières esquissées dans ce chapitre, des
renseignements beaucoup plus développés dans le
Répertoire général alphabétique du droit français^
v" Grande-Bretagne, n. 435 à 719.
[l) Stephen, op. cit., t. III, liv. (m) Stephen, loc. cit. — Every
5, c. 3, in fine). MarCs his own Lawyer, 1897,
p. 14 et 700.
LIVRE PREMIER
DU DROIT DES PERSONNES ET DD DROIT DE FAMILLE
SECTION PREMIÈRE
DE L'ÉTAT ET DE LA CAPACITÉ
DES PERSONNES.
CHAPITRE I
De la personnalité et de la capacité juridique.
I
Des personnes physiques.
.■Sommaire : 1. Deux sortes de personnes. — 2. Conditions de la person-
nalité physique. — 3. Commencement et fin de la personnalité. —
4. Présomption de survie.
1. — Le droit anglais reconnaît, comme les législations
•du continent, deux sortes de personnes: les personnes phy-
siques et les personnes morales, qu'il désigne sous le nom
de corporatio n s .
2. — Tout être humain est une personne, capable de
droits et d'obligations dans les limites et sous les réserves
posées par la loi. Pour que l'être issu de l'union d'un homme
et d'une femme ne soit pas une personne, il faut qu'il
n'ait pas figure humaine, qu'il ait dans quelqu'une de
ses parties une ressemblance avec un animal, qu'en un
Leur. 1
2 DES PERSONNES PHYSIQUES
mol il soit un monstre : Qui contra formam humani gene-
ris conversa more procreantur^ ut si tnulier monstrosum
vel prodigiosum enixa sit, inter liberos non computentur^
dit Bracton (I, 6). Mais l'existence d'une difformité ou
d'une anomalie dans le corps d'une personne, le fait
qu'elle a un membre de trop ou de trop peu, ou qu'elle
est contrefaite, ne la classe pas parmi les monstres [Ih,,
V, 5, 30). Le monstre, n'étant pas une personne, n'hérite
pas et ne peut transmettre à autrui ni une succession ni
unjdroit subordonné à la naissance et à la vie d'une per-
sonne; ainsi la naissance d'un être semblable ne confére-
rait pas au mari le droit d'être tenancier par cwr^esy' {Cpr.
n° 182).
3. — La personnalité commence avec la naissance eL
finit avec la mort. Elle peut commencer fictivement avant
la naissance, mais sous une condition suspensive. A partir
du moment où l'enfant est capable de mouvement dans le
sein de sa mère, sa vie est sous la protection de la loi, soUau
point de vue d'une tentative d'avortement, soit pour le cas
où la mère serait maltraitée de façon à compromettre l'exis-
tence de l'enfant ^ D'autre part, dès le moment de sa con-
ception, l'enfant est réputé né, en droit civil, quoties de
commodis ejus agitur. On peut lui faire un legs, lui faire
passer par rétrocession une tenure en copyhold, lui nom-
mer un tuteur', affecter un bien à son usage *. Il peut user,
par la suite, du bien ainsi affecté, comme s'il eût été né à
l'époque de l'afTectalion ; avoir part dans la répartition
d'une succession ab intestat^, ou prendre d'après les con-
ventions matrimoniales de ses parents une des parts dé-
» Co. LiU., 29. 3 St. 12, Car. II, c. 24.
sBlackstone, Comm, éd. fr., X, > St. 10 et 11, Guil. III, c. 16.
224. s 1 Ves., 81.
DES PERSONNES MORALES 3
terminées pour les enfants qui survivront à leur père *. Il
peut même hériter d'une terre ; seulement, dans ce cas,
l'héritier présomptif appelé à son défaut a le droit d'entrer,
en attendant, en possession du bien et de s'en appliquer
les revenus jusqu'à la naissance de l'enfant \
4. — A notre connaissance, lorsque deux ou plusieurs
personnes ayant des droits d'hérédité réciproques suc-
combent dans un même événement sans qu'on sache la-
quelle est morte la dernière, la loi anglaise ne pose point
de présomptions de survie tirées de l'âge ou du sexe, et
la jurisprudence n'a suppléé à son silence par aucune
règle précise. Ce serait éventuellement une question de
fait, abapdonnée à l'appréciation des tribunaux »,
II
Des personnes morales.
Sommaire : 5. Notion générale. — 1. Diverses espèces de corporations :
6. Corporations agrégées ou isolées. — 7. Corporaîions ecclésiastiques
ou laïques. — 8. Corporations civiles ou de charité. — 2. Création
des corporations : 9. Consentement du roi. — 10. Forme de ce consen-
tement; charte d'incorporation. — 11. Nom de la corporation. —
3. Pouvoirs et incapacités des corporations : 12. Pouvoirs et incapa-
cités inhérents à toute corporation. — 13. Pouvoirs spéciaux à certaines
espèces de corporations. — 14. Droit de surveillance sur les corpo-
rations. — 4. Dissolution des corporations : 15. Eûels de la dissolu-
tion. — 16. Modes de dissolution.
5. — « Comme tous les droits personnels, dit Black-
stone ', meurent avec la personne, et comme les formes
nécessaires pour revêtir des mêmes droits identiques une
suite d'individus, l'un après l'autre, seraient embarras-
« 1 Ves.,85. fr., III, 586, note de M. Christian.
■> 3 Wils., 526. , Comm., éd. fr., II, 265.
* Cpr. Blackstone, Comm., éd.
4 DES PERSONNES MORALES
santés et difficiles, peut-être même impraticables, oq a
reconnu la nécessité, pour des cas où il est utile au bien
public que certains droits soient toujours maintenus exis-
tants, d'établir des personnes fictives ou artificielles, qui
pussent entretenir une succession perpétuelle, et jouir
d'une sorte d'immortalité légale ».
Ces personnes artificielles, personnes morales ou juri;
diques, sont désignées en Angleterre sous le nom de
corps incorporés [corpora corporata) ou de corporations.
Il en existe une grande variété : corporations politiques
ou administratives, religieuses, scientifiques, commer-
ciales, etc.
1. — Diverses espèces de corporations.
6. — Les corporations se divisent d'abord en corpo-
rations agrégées ou par agrégation, et en corporations
seules ou isolées. Les premières consistent en la réunion
d'un certain nombre de membres qui se renouvellent in-
cessamment, la personne morale existant sans interrup-
tion ; tels sont le chapitre d'une cathédrale, une muni-
cipalité ou UQ collège. Les secondes consistent en une
personne seule, mais se trouvant dans une position par-
ticulière, et en ses successeurs, à elle incorporés par la
loi en vue de jouir de certaines aptitudes ou préroga-
tives, notamment du privilège de la perpétuité, dont ils
sont dépourvus en leur personne naturelle. Dans ce sens,
le roi est une corporation isolée '° ; il en est de même
des évêques, des recteurs, des vicaires, etc. : le roi, en
tant que roi, le recteur, en tant que recteur, ne meurent
jamais; ils ne forment, l'un comme l'autre, avec leurs
'« Co. LiU., i3.
DES PERSONNES MOHALKS 5
successeurs respectifs qu'une seule et même personne
morale, continuant à jouir des mêmes droits et soumise
aux mêmes obligations.
7. — En second lieu, les corporations soit agrégées soit
isolées se divisent en corporations ecclésiastiques ou
laïques, suivant qu'elles sont, ou non, composées exclusi-
vement de membres du clergé.
8. — Les corporations laïques sont ou civiles ou de cha-
rité. Les corporations civiles sont nombreuses et variées et
elles ont des buts très différents; qu'il nous suffise de
citer comme exemples: les municipalités, les compagnies
de commerce de Londres et autres villes, les corporations
de marguilliers pour la conservation des biens des parois-
ses, le Collège des médecins à Londres, la Société royale
pour l'avancement des sciences naturelles, etc., etc. Les
corporations de charité sont celles qui ont été instituées
pour assurer à perpétuité la distribution des secours aux
catégories de nécessiteux désignées par le fondateur; elles
sont essentiellement laïques, même quand leurs membres
appartiennent tous au clergé, parce qu'elles ne relèvent ni
de l'évêque diocésain ni des cours ecclésiastiques ".
2. — Création des corporations.
,9. — En Angleterre, le consentement exprès ou impli-
cite du roi est la condition sine quâ non de la création
d'une personne morale quelconque. Ce consentement est
regardé comme implicitement accordé pour les corpora-
tions qui existent en vertu du common law : les anciens
rois sont supposés avoir concouru à la formation de ce
droit commun, qui n'est autre chose que la coutume éta-
"« 1 Lord Raym., 6; Blackstone, éd. Ir., t. II, p. 272, note 1.
6 DES PERSON.NES MORALES
blie par l'accord unanime de la nation. Parmi ces corpo-
rations se trouve tout d'abord le roi lui-même ; puis les
évêques, les recteurs, les vicaires, les marguilliers et
autres, que le droit commun, aussi haut qu'on peut re-
monter dans l'histoire des institutions du pays, a toujours
considérés comme des corporations virtute officii. Le con-
sentement implicite du roi est encore présumé pour les
corporations j!9«r prescription, comme celle de la cité de
Londres'^, qui existent depuis un temps immémorial et que,
par là-même, la loi regarde comme créées légitimement
bien qu'elles ne soient plus en mesure de produire une
charte d'incorporation.
10. — Le roi donne son consentement exprès soit par
un acte du parlement, soit, le plus souvent, par des lettres
patentes ou une charte d'incorporation. Parfois le roi com-
mence par accorder une charte, qui est ensuite confirmée
par statut; c'est ce qui est arrivé, par exemple, pour le
Collège de médecine érigé par une charte de Henri VIII "
de la dixième année de son règne, et confirmé quatre ans
après par le St. 14 et lo, Henri VIII, c. 5. Dans d'au-
tres cas, un statut autorise le roi à énger ultérieurement
une corporation par lettres patentes, avec tels ou tels pou-
voirs; par exemple, la Banque d'Angleterre (St. 5 et 6,
Guil.etMar., c. 20). Parmi les corporations ou personnes
morales créées par acte du parlement, il convient de citer
les hôpitaux et maisons de correction fondés par des per-
sonnes charitables, lesquels ont tous reçu la personnalité
juridique, directement, en vertu du St. 39, Elis., c. 5.
11. — Au moment où une corporation prend naissance,
on lui donne un nom sous lequel elle vit et agit, et qui
•2 2 Inst, 330. i:i 8 Rep., 114.
DES PERSONNES MORALES 7
est le signe de sa personnalité. La charte qui relate ce nom
sert en quelque sorte d'acte de baptême au nouvel être de
raison '*.
3. — Pouvoirs et incapacité des corporations.
12. — Il est des pouvoirs et des incapacités qui sont,
de plein droit, inhérents à toute corporation régulièrement
constituée,
1* Elle doit subsister par une succession perpétuelle; c'est
là sa raison d'être. Elle a donc la faculté d'élire de nou-
veaux membres pour remplacer ceux qu'elle perd*", en se
conformant soit aux prescriptions de la charte d'incorpo-
ration, soit à l'usage immémorial, soit aux statuts qu'elle
s'est donnés.
2° Elle a le droit d'ester en justice comme demanderesse
ou comme défenderesse.
3° Moyennant une autorisation spéciale du roi, elle
peut acquérir et posséder des immeubles et biens demain-
morte**; mais toute acquisition non autorisée serait nulle.
4° Elle possède un sceau commun, qui est le symbole de
sa volonté collective et dont l'apposition la lie, àl'exclusioQ
des engagements verbaux ou écrits consentis par tels de ses
membres *\
5° Elle fait, pour son administration intérieure, tels sta-
tuts et règlements que bon lui semble, et ces règlements
lient ses membres à moins qu'ils ne soient contraires aux
lois du pays.
Ces cinq pouvoirs sont des attributs inséparables de toute
« •' 10 Rep., 28. 7 et 8, Guil. llf, c. 37 ; st. 9, Geo.
'M RoUe, .4 6,nrf^., 514. "'n''" nî' u » r x. r
■^ '^ Blackstone, Coinm., éd. fr.,
'1 Co. Litt., 2; 10 Rep., 30; st. II, 27s.
8 DES PERSONNES MORALES
corporation agrégée. Le quatrième et le cinquième tombent
ipso facto qudint. aux corporations isolées, qui peuvent s'en
prévaloir si elles le jugent à propos, mais à qui, le plus
souvent, ils sont complètement inutiles.
13. — D'un autre côté, il est des pouvoirs ou attributs
qui appartiennent à certaines espèces de corporations à
l'exclusion des autres.
Ainsi, les corporations agrégées peuvent posséder des
biens meubles. Les corporations formées actuellement
d'une seule personne ne le peuvent pas, parce que ces biens
sont sujets à se perdre ou à se détériorer et susceptibles
de donner lieu à des contestations entre le successeur et
l'exécuteur testamentaire du défunt, ce que la loi entend
éviter'*.
Dans les corporations ecclésiastiques et dans les corpo-
rations charitables, le roi ou le fondateur peut faire des rè-
glements ou statuts auxquels elles sont tenues de se con-
former. Les corporations civiles n'ont pas à obéir à des
règlements particuliers; elles sont régies soit par leur charte
d'incorporation ou leurs usages, soit par le droit commun^
soit par les règlements qu'elles se sont donnés à elles-
mêmes, pour autant qu'ils ne sont pas contraires aux lois
du royaume".
Les corporations agrégées qui ont un chef ne peuvent,
pendant la vacance de sa place, faire d'autre acte que de
pourvoira son remplacement. Sans leur chef, elles sontin-
complètes et ne pourraient même accepter une donation^".
14. — En général, les corporations sont soumises à
une surveillance: les ecclésiastiques, à celles des évêques
et des archevêques ; les laïques, à celle du « fondateur »,
'» Co. Litt., 46. 20 Co. Lilt., 263, 264.
19 Lord Raymond, 2.
DKS PERSONNES MORALES »
c'est-à-dire du roi, qui, par sa charte, leur a donné l'exis-
tence et qui est représenté dans celte attribution par la
cour du Banc du roi; sans préjudice du droit d'inspection
qui peut appartenir, spécialement pour les corporations de
charité, à celui qui les a créées par ses libéralités et à ses
successeurs ^'.
4. — Dissolution des corporations.
15. — La dissolution est pour les personnes morales ce
que la mort est pour les personnes physiques. La consé-
quence légale en est de faire retourner les terres et tène-
ments de la corporation au donateur ou à ses héritiers,
comme ce serait le cas de biens conférés à vie à un homme
le jour où il viendrait à décéder ■*. D'autre part, les det-
tes et créances d'une corporation sont totalement éteintes
par sa dissolution; ses membres considérés individuelle-
ment ne peuvent être chargés des unes ni recouvrer les
autres ".
16. — Une corporation peut être dissoute : 1° par un acte
du parlement; 2° par la mort de tous ses membres, s'il
s'agit d'une corporation agrégée; 3° par la remise de ses
privilèges et franchises entre les mains du roi, ce qu'on
peut appeler une sorte de suicide; 4° en conséquence de la
violation de sa charte, soit qu'elle néglige d'obéir aux
règles qui y sont imposées, soit qu'elle abuse de ses fran-
chises et privilèges".
2« Cpr. Blackslone, éd. fr., II,
287-294.
2^ Co. LiU., 13.
2ï 1 Lev., 237.
2* Blackstone, l. c, 294-2'J7.
JE DE DROtt
l!.d'0. J \
o,u. / à
10 DE LA CONSTATATION DE L'ÉTAT DES PERSONNES
CHAPITRE II
De la constatation de l'état des personnes.
De l'inscription des naissances et des décès.
INTRODUCTION historique'.
17. — L'inscriplioQ des naissances, des mariages et des
décès n'a été réglée par la loi civile qu'à une époque récente .
Depuis le xvi° siècle jusqu'à nos jours, les ministres de
l'Église anglicane tinrent seuls registre des baptêmes, des
bénédictions nuptiales et des enterrements. La tenue des re-
gistres paroissiaux laissait fort à désirer, et d'ailleurs, elle
constituait une véritable oppression pour ceux qui appar-
•tenaientà un autre culte. Sous le règne de Guillaume IV,
on se décida à organiser des registres de l'état civil et
à les mettre entre les mains d^un corps de fonctionnaires
laïques spéciaux ^ Mais la loi de 1836 n'osa pas déclarer
obligatoire rinscription sur ces nouveaux registres ; on
pouvait s'abstenir; seul, le refus de répondre aux ques-
tions du registrar était puni. Six mois après la naissance,
ce fonctionnaire ne pouvait plus inscrire de déclarations
sous aucun prétexte. Quant aux décès, il avait mission de
s'en enquérir; mais personne n'était tenu de le prévenir,
et l'inscription pouvait avoir lieu à toute époque.
Cette législation était manifestement insuffisante; la loi
de 1874 a eu pour but de combler les lacunes que l'expé-
rience avait révélées dans celle de 1836. Son principe
fondamental est que les déclarations de naissance et de
♦ Cpr. Act to amend ihe laiv .S8); traduction et notes de M. Geor-
relating to the registration of ges Picot, Ann. de législ. étrang.,
births and deaths in England, IV, p. 50.
7 août 1874 (St. 37 et 38, Vict., c. 2 St. 6 et 7, GuiL IV, c. 86.
DE LA CONSTATATION DE L'ÉTAT DES PERSONNES II
décès sont obligatoires sous peine d'amende. Nous allons
exposer rapidement les règles de l'institution'.
I
Des registrars et des registres.
Sommaire : 18. Organisation générale du service. — 19. Fixation des
districts et des bureaux. — 20. Registres; extraits. — 21. Tenue et
garde des registres. — 22. Erreurs; rectifications, — 23. Obligation
pour le registrar de se rendre à domicile.
18. — L'ensemble du service est sous la direction d'un
registrar gênerai siégeant à Londres. Ce fonctionnaire a
sous ses ordres, d'une part, les registrars, chargés dans
leur circonscription de la tenue des registres, d'autre
part, des superintendant registrars ou inspecteurs, char-
gés, indépendamment de leurs autres attributions, de pour-
suivre en justice toute personne coupable d'infraction aux
lois de 1836 et de 1874 surle territoire de leur compétence.
Les uns et les autres peuvent avoir des suppléants (§§ 21
et suiv.). Chaque district a à sa tête un superintendant,
et se divise en un certain nombre de sous-districts, aux- ■
quels est préposé un registrar *.
19. — Les districts sont fixés par le registrar gênerai,
suivant les besoins, ^ous la sanction du Local government
Board. Chaque registrar peut, s'il le juge convenable,
avoir plusieurs bureaux dans sa circonscription; il doit s'y
trouver à heures fixes et inscrire sur la porte ses noms et
quahtés. En outre, la liste des divers bureaux est affichée
dans chaque station de police (§ 26).
20. — Le registrar gênerai fournit à tous les officiers
s Pour ce qui concerne liascrip- * Bull, de législ. comp., t. IV,
tion des mariages, voir ci-dessous p. 321, notice de M. René Millet,
n» 100.
12 DE LA CONSTATATION DE LÉTAT DES PERSONNES
SOUS ses ordres les modèles de tables alphabétiques des
registres; chaque inspecteur fait dresser les index et les
conserve. Les tables sont à la disposition du public. iNon
seulement tout déclarant peut, au moment de la déclara-
tion, retirer, moyennant un droit modique (0 fr. 30), un
certiOcat attestant l'inscription (§ 30), mais encore tout in-
téressé a la faculté de réclamer une copie certifiée des men-
tions portées sur les tables (§ 32).
21. — Tout registrar qm, sans motif, refuse de rece-
voir un acte de naissance ou de décès ou les renseigne-
ments nécessaires à la rédaction de l'acte, est passible
d'une amende qui peut s^élever jusqu'à SO livres (1.250 fr.).
Il en est de même de la personne qui, préposée à la garde
d'un registre, le laisse perdre ou détériorer par défaut de
soin (§ 35).
Chaque bureau doit être muni d'un coffre en fer à Tabri
du feu, destiné à contenir les registres (§ 33).
22. — S'il se glisse une erreur dans une inscription,
elle peut être corrigée par une personne déléguée à cet
effet par le registrar gênerai. Une simple erreur maté-
rielle peut être corrigée par une note inscrite en marge par
l'officier préposé au registre, sur la production d'une dé-
claration émanée de deux des personnes tenues de faire
inscrire la naissance ou le décès et indiquant tout à la fois
l'erreur commise et la mention rectifiée. 11 n'est permis de
faire aucune correction autrement que par une note mar-
ginale. Lorsque le coroner s'aperçoit qu'il a commis une
erreur dans le certificat par lui transmis au registrar^ il
peut, après en avoir recueilli les preuves, aviser ce fonc-
tionnaire et lui indiquer la mention qu'il y a lieu de substi-
tuer à la mention reconnue erronée. La correction se fait,
comme dans le cas précédent, au moyen d'une note mar-
DE L'INSCRIPTION DES NAISSANCES 13
ginale, sans qu'il soit permis de surcharger ni de raturer
le texte primitif (§ 36).
23. — Par une innovation qui mérite d'être remarquée
dans la loi de 1874 (§§ 4 et 14), le registrar peut être
tenu, moyennant une légère indemnité de un shilling
(1 fr. 23), de se rendre à domicile, sur la demande écrite
des intéressés, pour y dresser sur place les actes de nais-
sance ou de décès.
Il
De l'inscription des naissances.
Sommaire : 24. Déclaration des naissances. — 25. Enfants abandonnés. —
26. Déclarations tardives. —27. Changements ou additions de noms. —
28. Enfants illégitimes.
24. — Tout enfant né viable doit être déclaré au regis-
trar dans un délai de quaranle-deux jours à dater de sa
naissance. Le père et la mère de l'enfant, à leur défaut
Voccupier^ de la maison où il est né, toute personne pré-
sente à la naissance ou ayant charge de l'enfant, sont tenus
de faire la déclaration et de signer au registre en présence
de l'officier compétent (§ 1). Faute par l'une des person-
nes susénuraérées de faire la déclaration dans le délai
voulu, le registrar peut, dans les trois mois à partir de la
naissance, inviter par écrit l'une d'elles à se présenter à
son bureau, afin de lui donner tous renseignements sur
la naissance et de signer au registre (§ 2). 11 a, en géné-
ral, le devoir de s'enquérir de toute naissance survenant
dans son district et de l'inscrire dans les trois mois de la
" C'est-à-dire le maître ou loca- le chef ou directeur de l'établisse-
laire principal de la maison, s'il ment, s'il s'agit d'un établissement
s'agit dune maison particulière, ou public :'§ i8).
14 DE L'INSCRIPTION DES NAISSANCES
naissance. L'inscription en elle-même est absolument gra-
tuite (§4).
25. — Lorsqu'il s'agit d'un enfant nouveau-né etaban-
donné, l'obligation de fournir au registrar tous les ren-
seignements en vue de la rédaction d'un acte de naissance
incombe à touts personne qui a trouvé l'enfant ou à qui
il est confié; elle a sept jours pour cela (§ 3).
26. — Lorsque trois mois se sont écoulés depuis la nais-
sance, le registrar ne peut plus procéder à l'inscription
qu'après avoir mis les personnes tenues de faire la décla-
ration en demeure de venir fournir devant le superinten-
dant registrar les éléments de l'acte à dresser; l'acte est
alors signé par les deux fonctionnaires. Au bout de douze
mois, le registrar ne peut dresser l'acte qu'en vertu d'une
autorisation écrite du registrar gênerai. Le tout, sous
peine d'amende (§ 5).
27. — En cas de changement du nom de l'enfant Ou
d'attribution d'un nom à un enfant qui n'en avait point
encore, le registrar doit être avisé, dans les douze mois
qui suivent la naissance, par le père ou tuteur de l'enfant
ou par la personne qui a donné le nom. Le certificat .émané
de ces personnes ou du ministre qui a baptisé l'enfant,
est remis au registrar^ lequel en mentionne le contenu
dans une annotation marginale (§ 8).
28. — Il est à remarquer que nul n'est tenu de faire
la déclaration d'une naissance illégitime en qualité de père
de l'enfant. Le registrar ne doit inscrire dans l'acte le
nom du père qu'autant qu'il en est requis conjointement
par la mère et par l'homme qui se reconnaît comme père
de l'enfant; auquel cas ces deux personnes signent ensem-
ble au registre (§ 7).
DE L'INSCRIPTION DES DECES 15
III
De l'inscription des décès.
Sommaire : 29. Déclaration des décès. — 30. Décès donnant lieu à in-
formation. — 31. Règles sur les inhumations. — 31 bis. Particularités
relatives à la crémation.
29. — Les décès doivent être inscrits par le registrar^
dans un délai de cinq jours, sur la déclaration soit des
parents ou logeurs du défunt, soit des personnes qui
l'ont soigné dans sa dernière maladie ou qui ont pourvu
à l'enterrement (§ 10), soit de celles qui découvrent le
cadavre, si le décès n'a pas eu lieu dans une maison et
en présence de témoins (§ 11). Le délai pour la rédaction
complète et la signature de l'acte de décès est porté de
cinq à quatorze jours lorsque l'une des personnes tenues
de déclarer le décès en a informé provisoirement le re-
gistrar par écrit, en lui transmettant le certificat médi-
cal constatant la cause de la mort (§ 12); ce certificat
doit être produit, en tout état de cause, par le déclarant
(§ 20). S'il s'est écoulé plus de quatorze jours depuis le
décès sans qu'aucune déclaration n'ait été faite, le regis-
trar procède à une enquête, convoque, s'il y a lieu, à
son bureau tous ceux dont il peut espérer des renseigne-
ments et dresse l'acte, pourvu qu'il ne se soit pas écoulé
plus de douze mois en tout (§§ 43, 14). Au bout de douze
mois, l'inscriplion ne peut plus avoir lieu que sur une
autorisation écrite du registrar gênerai (§ 15).
30. — En cas de découverte d'un cadavre donnant
lieu à une information judiciaire, le coroner envoie au
registrar, dans les cinq jours, une note signée de lui et
contenant, avec les résultats de l'enquête, le verdict du
i6 DE L'INSCRIPTION DES DÉCÈS
jury; le registrar dresse l'acte à l'aide de ces documents
(§ i6).
31. — L'inhumation ne peut avjDÏr lieu que sur un or-
dre de coronei\ ou sur un certificat du ?v^w/r<2r constatant
qu'il a inscrit le décès ou du moins reçu tous les rensei-
gnements nécessaires. Toute contravention à cette règle
est punie d'une amende qui, suivant les cas, peut s'élever
jusqu'à dix livres (§ 17); et la loi prend des précautions
particulières quant à l'inhumation des enfants que l'on
prétendait être morts-nés (§ 18).
Jusqu'à ces dernières années, toutes les fois qu'un en-
terrement se faisait dans le cimetière paroissial {church-
yard)^ le seul qu'il y eût le plus souvent dans la loca-
lité, le rituel de l'Église anglicane devait être accompli
sur la tombe, quelles que fussent les croyances du défunt.
Cette atteinte à la liberté de conscience a été supprimée
par une loi du 7 septembre 1880 (43 et 44, Vict., c. 41),
en vertu de laquelle il suffît désormais d'avertir l'ecclé-
siastique préposé au lieu de culte dont dépend le cimetière
que l'enterrement se fera sans l'accomplissement dudit ri-
tuel; cet avis décharge l'ecclésiastique de toute responsa-
bilité ultérieure (§ 1)^.
31 bia. — Les Anglais, qui sont aussi jaloux que les vieux
Romains de leur liberté de tester, ne reconnaissent cepen-
dant pas encore au testateur le droit de régler ses funé-
railles à sa convenance. Ils disent, pour se mettre d'accord
avec la logique, que le corps d'un homme ne fait pas par-
tie de son patrimoine, et qu'on ne peut pas dès lors dispo-
ser par avance de son propre cadavre. En pratique, cette
considération conduit les tribunaux à déclarer non avenue
^Notice et traduction par M. Georges Picot, Ann.de lénid. élranq.,
t. X, p. 26.
DE LA FORCE PROBANTE DES ACTES 17
la clause par laquelle un défunt chargerait son exécuteur
testanaentaire d'assurer son incinération. Pour compenser
celte satisfaction faite aux idées traditionnelles, on a con-
cédé aux partisans de la crémalion que ce ne sérail pas un
fait délictueux que de brûler une dépouille mortuaire. Dès
lors l'exécuteur testamentaire, qui a la garde du cadavre
jusqu'à l'ensevelissement, est libre de faire spontanément
incinérer le défunt, dont la volonté ne le lie pas".
Un nouveau Crémation act de 4902" a facilité encore-
l'accomplissement des volontés du défunt, en permettant
à l'exécuteur testamentaire d'imputer sur les frais funérai-
res les dépenses que peut entraîner la crémation.
IV
De la |orce probante des actes et de la sanction
pénale.
Sommaire ; 32. Règles générales. — 33. Omission ou refus de déclaration.
34. Déclarations frauduleuses.
32. — Le registre ou un extrait du registre ne fait
preuve d'une naissance ou d'un décès que s'il porte la
signature d'une personne ayant qualité pour faire la décla-
ration, ou si l'acte a été dressé d'après les renseignements
fournis par un coroner. Pour les inscriptions tardives, il
faut de plus, à peine de nullité, que les formalités spécia-
les prescrites par la loi aient été accomplies (§ 38).
33. — Sont passibles d'une amende de 40 shillings au
plus (50 fr.) les personnes qui négligent de déclarer une
naissance ou un décès dont elles avaient, à raison de leurs
• Williama c. Williams, 51 L. « St. 2, Edw. Vil, cli 8, S 9.
.1. K., 385.
Leiih. 2
Î8 DE LA FORCE PROBANTE DES ACTES
relations personnelles, l'obligation d'informer ]eregistraj\
et les personnes qui, mises parce fonctionnaire en demeure
de le renseigner, refusent de répondre à ses questions
(§ 39). II s'agit simplement, dans celle hypothèse, de né-
gligence ou de mauvais vouloir.
34. — Sont passibles, au conlraire, soit d'une amende;
qui peut s'élever jusqu'à dix livres (250 fr.), soit même d'un
emprisonnement avec travail forcé de deux ans ou d'une
servitude pénale de sept ans, ceux qui altèrent sciemment
la vérité, en fournissant au registrar des renseignemenis
faux, en faisant un faux certificat ou une fausse déclara-
tion et en en usant de mauvaise foi, ou en donnant une indi-
cation fausse relativement à l'identité d'un cadavre ou au
fait qu'un enfant serait né vivant ou mort (§ 40). Les
poursuites au criminel fondées sur cet article doivent être
commencées dans les trois ans à dater du fait (§ 46).
SECTION DEUXIEME
DES CIRCONSTANCES QUI MODIFIENT
LA CAPACITÉ JURIDIQUE.
INTRODUCTION
Sommaire : 35 Notions générales. — 36. Outlaivry. — 37. Reclrictions
à la capacité des convicls.
35. — La capacité jaridiqae, qui est l'apanage de toute
personne, peut être modifiée par un certain nombre de
circonstances, telle que la nationalité, les condamnations
pénales, Tâge, les infirmités intellectuelles, le mariage, etc.
Nous examinerons dans la section suivante l'influence
qu'exerce le mariage sur la capacité de la femme.
36. — Les restrictions apportées à la capacité juridi-
que par une condamnation au criminel sont plutôt du do-
maine du droit pénal que du droit civil; nous ne trouvons
pas, dans le droit anglais, d'institution qui corresponde
exactement à ce qu'on appelle en France l'interdiction
légale. La mise hors la loi [oullawry) prononcée contre
l'accusé ou le défendeur qui se dérobe à la justice, est
moins une peine qu'un moyen de coercition tendant à l'a-
mener à se présenter ; encore son principal effet dans l'an-
cien droit, la confiscation de tous les meubles et chatlels
du coDtumax au profit du roi, a-t-il naturellement subi
20 DE L'INFLUENCE DES CONDAMNATIONS
une modification depuis qu'en général la confiscalion a
été abolie.
37. — Jusqu'à une époque récente, la confiscation était
aussi le corollaire de toute condamnation pour trahison
ou félonie. La loi du 4 juillet 1870 (St. 33 et 34, Vict.,
0.23), qui Ta abolie, pourvoit à la gestion des biensducow-
vict par les soins d'un administrateur nommé par la cou-
ronne (§ 9). Cet administrateur est investi, au fur et à
mesure, de tous les biens présents et futurs du condamné
(§ 10); il a qualité pour les louer, les mortgager ou les
aliéner en tout ou en partie, comme bon lai semble (§§ 12,
17); il paye tous les frais ou dommages et intérêts, ainsi
que les dettes, dont le convict peut être tenu (§§ 13, 15) ;
délivre aux proches parents du condamné la portion des
revenus nécessaire à leur entretien (§ 16), et pourvoit au
placement et à la conservation du solde, de façon à pou-
voir le restituer au convict ou à ses représentants à l'expi-
ration de sa peine, au moment où il obtient sa grâce, ou
à sa mort (§§ 7, 18). La capacité du convict est donc sus-
pendue, en vertu de la loi de 1870, mais non modifiée
ainsi qu'elle l'est en France par l'interdiction légale.
Nous étudierons spécialement ici l'influence qu'exercent
sur la capacité juridique l'extranéité, l'absence, la minorité
et les infirmités intellectuelles.
DK LA NATIONALITE ET DE L'EXTRANEITE 21
CHAPITRE I
De la nationalité et de l'extranéité.
INTRODUCTION HISTORIQUE.
Sommaire : 38. Anciennes règles sur la nationalité. — 39. incapacités
pesant sur les étrangers dans l'ancien droit. — 40. Loi de lî$70.
38. — Jusqu'à une époque récente, l'Angleterre
était un pays de perpétuelle allégeance. Quiconque était
né sur le territoire britannique était sujet britannique
et ne pouvait cesser de l'être sans le consentement du
prince. La nationalité anglaise ne se perdait ni ne s'ac-
quérait par le mariage. La naturalisation était entourée
d'une foule d'obstacles, et celui qui l'avait obtenue n'en
demeurait pas moins incapable de siéger soit au Conseil
privé, soit au parlement (St. 1, Geo. I, c. 4). Plusieurs de
ces derniers points ont été atténués, il y a une soixan-
taine d'années, par le St. 7 et 8, Vict,, c. 66, qui a
reconnu comme Anglaise l'étrangère qui épouse un An-
glais et admis un étranger à obtenir sa naturalisation
en venant résider dans le pays pendant un certain temps
et en manifestant l'intention de s'y fixer.
39. — D'autre part, la condition des étrangers était
extrêmement défavorable. Jusqu'au St. 7 et 8, Vict., c. 66,
ils ne pouvaient posséder à aucun titre un droit immo-
bilier quelconque dans le Royaume-Uni; ils pouvaient
bien acheter des terres ou autres biens, mais non pour
eux-mêmes; car, dans ce cas, les biens eussent été con-
fisqués par le roi'. L'étrangère, mariée à un Anglais,
était frustrée de tout droit à un douaire, à moins que le
« Co. Litt., 2.
22 DE I/ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ ANGLAISE
roi n'eût autorisé expressément le mariage; et, à l'in-
verse, un mari étranger ne pouvait prétendre à la jouis-
sance, par droit de curtesy^ d'un bien de sa femme
anglaise prédécédée-. L'acte de 1844 a permis aux étran-
gers de louer ou d'acquérir les immeubles nécessaires
à l'établissement de leur famille, de leur commerce ou
de leur industrie, mais seulement pour vingt et un ans.
40. — Cet état de choses a été profondément modiBé
par la loi du 12 mai 1870 [Act lo amend the law rela-
ting to the légal condition of Aliens and British sub-
jects), connue sous le titre abrégé de JSaturalization act
1870 (S. 33, Vict., c. 14). Cette loi forme aujourd'hui le
code de la naturalisation et de la condition des étrangers
en Angleterre; nous en exposerons l'économie dans les
deux subdivisions suivantes ^
I
Des différentes manières dont la nationalité
britannique s'acquiert, se perd et se recouvre.
1. — Acquisition de la nationalité britannique.
Sommaire : 1. Acquisition de la vationaîité britannique : 41. Principes
généraux. — 42. Règles sur la naturalisation. — 43. Ses eflets quant à
la femme et aux enfants. — 2. Perte de la nationalité britannique:
44. Effet de la naturalisation à l'étranger. — 45. Cas de l'étranger
considéré comme* .Anglais à raison du lieu de sa naissance et de l'An-
glais né hors du territoire britannique. — 46. Renonciation à la natu-
ralisation obtenue. — 47. Eflets quant aux enfants. — 48. Condition de
la femme mariée. — 49. Situation légale de l'Anglais devenu étranger
— 3. Réintégration dans la qualité d'Anglais : 50. Certificat de
réadmission. — 51. Effet quant aux enfants. — 52. Veuve, Anglaise
d'origine.
41. — La loi de 1870 (§ 4) confirme implicitement le
vieux principe du comnion law que tout individu né sur
- 76. .31 a; Coke, Reports, 25. trand, Ann.de législ. étrang., I,
• Traduction et notesde M. Ber- p. 6.
DE L'ACQUISITION DE LA NATIONALITE ANGLAISE 23
territoire britannique est, par ce fait seul, sujet britan-
nique.
D'autre part, on acquiert la nationalité britannique par
mariage ou par naturalisation : l'étrangère qui épous-e
un Anglais devient Anglaise (§ 10, al. 1), et la naturali-
sation est rendue à peu près aussi facile qu'elle l'est dans
le reste de l'Europe.
42. — Le § 7, sur la naturalisation, est ainsi conçu :
« Tout étranger peut demander au secrétaire d'État
un certificat de naturalisation si (dans les huit années
qui précèdent la demande) il a résidé pendant cinq ans
au moins dans le Royaume-Uni, ou s'il a servi la cou-
ronne pendant un laps de temps égal, et s'il manifeste
l'intention soit de résider dans le Royaume-Uni, soit de
servir la couronne.
« Il devra produire, à l'appui de sa demande, telles
justifications à ce sujet qui seront requises par le secré-
taire d'État.
« Le secrétaire d'État, nanti de la demande, accordera
le certificat ou le refusera, sans donner de motifs. Sa
décision est sans appel. Elle n'aura d'effet que lorsque
l'impétrant aura prêté le serment d'allégeance (dont le § 9
donne la formule).
« L'étranger qui aura obtenu ce certificat, jouira des
mêmes droits, politiques et autres, que le citoyen d'ori-
gine pourvu qu'il soit considéré, dans sa patrie d'ori-
gine, comme sujet britannique, s'il vient ày résider.
« Les sujets anglais dont la nationalité ferait l'objet
d'un doute, peuvent demander et obtenir, — à titre de
simple justification de leur droit, — le certificat de natu-
ralisation ».
43. — La femme étant considérée en principe (§ 10,
24 DE LA PERTE DE LA .NATIONALITÉ ANCLAISE
al. {) comme ayant toujours la nationalité de son mari,
il s'ensuit qu'elle est au bénéfice de la naturalisation
anglaise obtenue par celui-ci. Quant aux enfants, la loi
déclare que, si un père ou une mère veuve a obtenu la
naturalisation, ses enfants sont considérés comme étant
devenus également citoyens britanniques, pourvu qu'ils
aient résidé pendant leur minorité avec leurs parents sur
territoire anglais (§ iO, al. 5).
2. — Perte de la nationalité britannique.
44. — Tout Anglais jouissant de la plénitude de sa
capacité juridique peut aujourd'hui changer de nationa-
lité en se faisant naturaliser à l'étranger. La loi de 1870
attache même rétroactivement cet effet à toute naturali-
sation obtenue avant sa promulgation; toutefois l'Anglais
d'origine, naturalisé à l'étranger antérieurement à cette
loi, a eu pendant deux ans la faculté de conserver sa
nationalité primitive, nonobstant l'acquisition d'une autre
nationalité et moyennant une simple déclaration, pourvu^
s'il continue à résider dans sa patrie d'adoption, qu'il
cesse d'y être considéré comme un régnicole (§ 6).
45. — L'étranger d'origine qui est devenu Anglais
parce qu'il est né sur territoire britannique, peut à sa
majorité se dépouiller de cette nationalité tout acciden-
telle au moyen d'une déclaration d'extranéité faite, s'il
réside dans le Royaume-Uni, devant un juge de paix;
dans les possessions britanniques, devant un juge ou tout
autre officier compétent pour recevoir un serment; hors
des possessions britanniques, devant un agent diploma-
tique ou consulaire anglais. Toute personne née hors
du territoire britannique d'un père anglais, jouit du même
DE LA PERTE DE LA NATIONALITE ANGLAISE 25
droit de répadialion (§ 4). Il faut^ dans les deux cas, que
le déclarant soit maître de ses droits; la déclaration ne
pourrait émaner valablement ni d'une femme mariée ni
d'un individu atteint d'aliénation mentale (§ 17).
46. — Enfin, tout étranger qui s'est fait naturaliser
anglais peut recouvrer sa nationalité d'origine au moyen
d'une déclaration d'extranéité dans les formes indiquées
ci-dessus, pourvu que, d'après les traités ou les lois, cette
déclaration ait la même valeur dans le pays d'origine qu'en
Angleterre (§ 3).
47. — Lorsqu'un père ou une mère veuve perd la na-
tionalité anglaise dans l'une des trois hypothèses que no.us
venons de passer en revue, ses enfants, s'ils ont résidé
pendant leur minorité dans le pays où leurs parents sont
naturalisés et s'ils y ont été naturalisés conformément aux
lois de ce pays, sont considérés comme étant des natio-
naux de ce pays et comme ayant cessé d'être Anglais
(§ 10, al. 3).
48. — La femme mariée étant réputée n'avoir d'autre
nationalité que celle de son mari, une femme anglaise
devient étrangère si elle épouse un étranger ou si son
mari perd sa qualité d'Anglais (§ 10, al. 1).
49. — Le citoyen britannique devenu étranger en vertu
de la loi de 1870 n'en demeure pas moins responsable des
actes par lui commis antérieurement à son changement de
nationalité (§ 15).
3. — Réintégration dans la qualité d'Anglais.
50. — L'Anglais qui a perdu sa nationalité peut la
recouvrer au moyen d'un certificat de réadmission, dont
l'obtention est subordonnée aux conditions et formalités
■26 DE LA CONDITION JURIDIQUE DES ÉTRANGERS
imposées aux étrangers et à la prestation du serment d'al-
légeance (§ 8; cpr. ci-dessus n" 42).
51. — Lorsqu'un père ou une mère veuve obtient sa
réadmission dans la nationalité britannique, les enfants,
s'ils ont résidé pendant leur minorité sur le territoire bri-
tannique avec leurs parents, sont considérés comme réin-
vestis également de ladite nationalité (§ 10, al. 4).
52. — La femme anglaise d'origine et devenue étran-
gère par son mariage reste étrangère après son veuvage ;
mais elle peut obtenir un certificat de réadmission dans
la nationalité britannique (§ 10, al. 2).
II
De la condition juridique des étrangers en Angleterre.
Sommaire : 53. Capacité générale et limitations. — 54. Formes des
jugements; jury. — 55. Testament, droits mobiliers.
53. — Depuis la loi de 1870, l'étranger est assimilé
aux Anglais de naissance pour tout ce qui concerne la
possession, la jouissance, Pacquisition ou la transmission,
par tous les modes légaux, de la propriété soit mobilière,
soit immobilière. 11 n'y a d'exceptions que quant aux na-
vires anglais, pour lesquels a été maintenue l'ancienne
règle qui déclare les étrangers incapables d'en être pro-
priétaires en tout ou en partie *.
Toutefois la jouissance de la propriété immobilière ne
comporte que les droits et privilèges constituant l'essence
même de la propriété; elle n'implique pour l'étranger au-
cune aptitude aux fonctions publiques, à l'électoral ni à
l'éligibilité (§ 2).
• § 15; St. 3 et 4. Guil. IV, c. 5i et 55.
DE LA DENIZATION 27
54. — L'étranger ne peut plus réclamer pour le juger
un jury de medietate Imgiiss; il doit être jugé dans les
mêmes formes que les Anglais (§ 5). En vertu àwJuries
act de 1870', les élrangers après dix ans de résidence
en Angleterre, ont qualité pour remplir et sont tenus
d'accepter les fonctions de juré sous les mêmes conditions
que les citoyens anglais.
55. — Dès avant la loi de 1870, l'étranger avait, en
Angleterre, le droit de tester, d'acquérir des biens meubles
et d'en disposer, et d'intenter une action mobilière ^
III
De l'étranger denlzen.
56. — Le denizen est un étranger de naissance, qui
a obtenu du roi des lettres patentes faisant de lui un
sujet anglais, mais qui n'a pas été naturalisé au sens pro-
pre du mot, la naturalisation exigeant autrefois un acte du
parlement et aujourd'hui tout un ensemble de conditions
et de formalités spéciales. Le denizen, comme l'étranger
admis en France à y établir son domicile, est ou, pour
parler plus exactement, a été pendant les siècles passés
dans une situation intermédiaire entre le simple étranger
et le sujet né anglais.
La loi de 1870 a expressément réservé au souverain
le droit d'accorder des lettres de denization (§ 13). Mais
l'esprit libéral dans lequel elle est conçue enlève à cette
institution ses principaux avantages : l'étranger jouit au-
jourd'hui de plein droit de la plupart des prérogatives
qui étaient réservées autrefois au denizen. Ainsi, le deyii-
» Sh .33 et 34, Vict., c. 77, « Blackstone, Comm., cJ. fr ,
§ 8. U, 67.
28 DU DOMICILE ET DE LABSENCE
zeyi pouvait acheter des immeubles ou en acquérir par don
ou par legs; il ne lui était interdit d'en acquérir que par
droit d'héritage. Depuis 1870, l'étranger non denizen est
affranchi à cet égard de toute entrave. Le denizen àeTSXGXk-
rail soumis à Valien's duly, c'est-à-dire aux diverses taxes
pesant sur les étrangers à l'exclusion des régnicoles. Il ne
pouvait, pas plus que l'étranger, siéger au Conseil privé
ou au parlement, remplir des fonctions civiles ou militai-
res, ni recevoir de la couronne aucune concession de ter-
res''. Sur ces divers points, la législation moderne, tout en
améhorant la condition des étrangers en général, n'a sti-
pulé aucune faveur pour ceux que la reine honorerait de
lettres de denization.
Il s'ensuit donc qu'en fait, sinon en droit, l'institution a
perdu ses caractères distinctifs et disparaîtra forcément
dans un temps donné.
CHAPITRE II
Du domicile et de l'absence.
I
Du domicile.
Sommaire : 57. Notion du domicile ; domicile légal. — 58. Acquisition d'un
domicile. — 58 bis. Domicile administratif.
57. — Le domicile est, eii général, le lieu où l'on réside
avec l'intention d'y rester [cum animo manendi) *. Cepen-
dant certaines personnes ont un domicile légal, qui peut
être indépendant de leur résidence plus ou moins prolon-
1 St. 12, Guil. m, c. 2. 198; Munro c. Munro, 7 Ci. et
1 Bruce c. Bruce, 2 B. et P., F., 842.
228 ; Bempde c. Johnson, 3 Ves.,
DU DOMICILE ET DE L'ABSENCE 29
gée. Ainsi l'enfant légitime est domicilié chez ses parents;
la femme, chez son mari. Les fonctionnaires tenus à rési-
dence sont réputés domiciliés au lieu où ils exercent leurs
fonctions. Mais, si une personne réside partiellement dans
deux endroits, l'un où elle exerce sa profession, l'autre où
elle habite avec sa famille, c'est dans ce dernier qu'elle
est réputée domiciliée^
58. — Le domicile s'acquiert, tout d'abord, par la nais-
sance: on est réputé domicilié dans le lieu où l'on a vu le
jour. Mais ce domicile peut être modifié plus tard, soit
parce que, comme l'enfant légitime, la femme mariée ou
le fonctionnaire, on a ailleurs un domicile de droit, soit
parce qu'on l'a volontairement transféré ailleurs et qu'on
a résidé pendant quarante jours dans la nouvelle localité.
La preuve du changement peut résulter d'une déclaration
expresse faite aux inspecteurs des pauvres de la paroisse
où l'on entend se fixer, ou de diverses autres circon-
stances telles qu'un bail fait pour au moins quarante jours,
le paiement des taxes paroissiales, le fait d'être engagé
comme domestique ou apprenti, etc. ^ (Cpr. n° 928, en
matière de droit de succession).
58 bis. — La détermination du domicile au point de
vue civil ne se confond pas nécessairement avec celles du
domicile au point de vue administratif. Les indigents ont
droit à une certaine assistance dans la commune où ils sont
domiciliés ; mais des conditions rigoureuses peuvent être
imposées à l'acquisition du domicile de secours, et les liti-
ges que soulève la question du domicile de secours se trou-
vent tranchés non plus par les juridictions de droit com-
2 Fortes c. Forhes, Kay, :î59 ; ^ Blackslone, cd. fi-., H. i7 et
Homervillc c. Soniercillc, 5 Vus., suiv.
750.
30 DU DOMICILE ET DE LABSENCE
mun mais par les autorités administratives. Ainsi, en ce
qui concerne lÉrosse, il est intervenu une loi du 25 juillet
1898* qui subordonne l'acquisition du domicile à une ré-
sidence de trois années consécutives dans la même pa-
roisse. Et il est nécessaire que l'intéressé ne se soit pas
livré directement ou indirectement à la mendicité pen-
dant cet intervalle, et qu'il n'ait pas été inscrit au bureau
de bienfaisance paroissial. La même loi a donné aux indi-
gents dont le conseil de paroisse a ordonné le rapatrie-
ment dans une autre localité, la faculté de faire appel de
cette décision devant le Local governmeiit Board. Le dé-
lai d'appel est de dix jours, et l'appel interjeté est sus-
pensif.
II
De l'absence.
59 [nouveau). — Il n'y a, dans la législation anglaise^
aucun texte prévoyant l'administration des biens d'un
absent, tant que la mort de l'absent n'a pu être présumée.
Les ouvrages de doctrine sont à peu près muets sur la
question, et l'on ne trouve pour ainsi dire pas de précédent
en jurisprudence.
Le droit anglais paraît dominé, en cette matière, par
sa préoccupation générale de laisser à chacun le soin de
pourvoir à ses propres intérêts et de n'apporter aucune
restriction à la liberté indivi.luelle, même lorsqu^il s'agit-
des fantaisies de ceux qui disparaissent sans donner de
leurs nouvelles. En fait, cette lacune des lois ne produit
pas grand inconvénient puisque ceux qui survivent, quel
que soit le lieu de leur retraite, ne manquent Jamais de
i An act to furlher amend the and Removal ofthe poor in Scot-
lavj relating to the Settlement land (61 et 62, Vict., c. 21).
DU DOMICILE ET DE L'ABSENCE 3i
veiller à Tadministralion de leurs biens et que, d'autre
part, ceux qui partent pour un voyage d'où ils ne sont pas
sûrs de revenir, ont toujours la précaution de choisir un
mandataire avant leur départ. Les seuls absents, au sens
juridique de ce mot, sont ceux qui n'ont ni biens, ni famille;
et, s'il leur arrive d'avoir femme et enfants, alors même
qu'ils ne possèdent aucun bien, le législateur anglais laisse
intacts leurs droits de puissance maritale et de puissance
paternelle tant que leur mort ne peut être présumée.
Dans certains cas, il est arrivé que l'ouverture d'un tes-
tament a révélé l'existence d'un legs au profit d'un indi-
vidu disparu depuis longtemps. Dans des espèces où l'on
était sans nouvelles du légataire depuis 27 ans [Dixon
c. Dixon^) ou depuis 16 ans [Mainwaring c. Baxter^), la
cour présuma que l'intéressé était mort. Mais, dans d'au-
tres espèces, la Cour a exigé que les héritiers du légataire
donnent caution pour garantir la restitution du legs si
l'absent réparaissait [Bailey c. Hammond^). Les héritiers
du légataire absent peuvent cependant éviter cette obli-
gation en consignant le montant du legs entre les mains
an pay mas ter gênerai de la Haute-Cour*.
S'il s'agit de faire des réparations urgentes aux immeu-
bles de Tabsent, la théorie générale de la negotiorum
gestio facilitera les mesures que croira devoir prendre
l'héritier présomptif ou le plus proche parent. Celui qui agit
ainsi de sa propre initiative encourt toutefois les responsa-
bilités de Yexeciitor de son tort''.
6 3 Bro., C. C, 510 c. 52), dont lai-t. 'iii, prévoyait une
6 5 Ves. 458. consignation dans les caisses de la
-7 V eion Banque d'Angleterre.
7 7 >es., 590. 9 YQij. ^,^5 ^^-^^ ^^ g ,qjq ^^ ^^
* Voir, sur ce point, le Trustée \Villiam<«, Law of executors and
act, 1890 (sect. 42), qui a remplacé administralors, lO' édit., 1905;
le Legacy Duty «c((36, Geo. III, 1"' vol., p. 183 et s.
32 DE LA MINORITE ET DE LA TUTELLE
En dehors de ces cas et d'autres du même genre, la Cour
ne nommera un administrateur que s'il y a présomption
de morf . D'après le common laiv, le jury peut dire que
celte présomption existe sept ans après les dernières nou-
velles. Mais il n'y a pas de délai légal*'. Si la présomption
est admise, et que celui qui l'a fait valoir n'a pas les qua-
litésrequises pour pouvoir être nommé administrateurlégal,
il est possible que la Cour lui confère de simples lettres
ad colligendinn, qui lui donnent pouvoir pour loucher les
intérêts et les dettes et exercer une sauvegarde générale
sur la propriété'".
CHAPITRE III
De la minorité et de la tutelle.
I
De la minorité et de l'incapacité qu'elle entraîne.
Sommaire : 60. Notion ; émanci]jalion ; âge de discernement. — 61. Jour
où s'accomplit la majorité. — 62. Privilège des mineurs. — 63. Do-
nations, dettes. — 64. ('entrât de mariage. — 65. Testament. — 66.
Legs fait à un mineur. — 67. Emploi de ses revenus.
60. — En Angleterre, l'âge de la majorité, c'est-à-dire
de la pleine capacité juridique, est fixé comme en France
à vingt et un ans, Nous ne trouvons rien dans les lois
anglaises qui corresponde exactement ni à l'émancipa-
lion du droit français, ni à la déclaration anticipée de ma-
jorité des droits suisse et germanique. Toutefois le mineur
ne demeure pas également incapable pendant toute la pé-
riode qui s'étend entre sa naissance et sa vingt et unième
^^ InthegoodsofUuUon,\Q.aT\.., et Tr., 508.
595. 12 Cf. Williams, loc. vit.,i«'' vol.,
" In the goods of Smith, 2 S\v. p. 355.
DE LA MINORITl': 33
année révolue. A l'âge de quatorze ans, il atleint l'âge de
discernement, peut choisir son tuteur, et a même la fa-
culté de donner ou de refuser son consentement pour le
mariage et de disposer de son mobilier par testament;
cette double faculté appartient aux filles dès l'âge de
•douze ans. A l'âge de dix-sept ans, le mineur de l'un ou
de l'autre sexe peut être exécuteur testamentaire; néan-
moins, s'il a été désigné seul à cet effet par le testateur, il
n'est pas admis à exercer son office durant sa minorité :
c'estson tuteur, ou telle autre personne désignée par la cour
of Probate [administrator durante minore œtate)^ qui
administre, en ses lieu et place, les biens du défunt '.
61. — Par une bizarrerie qu'il convient de mentionner,
l'âge de la majorité est réputé accompli, non le jour anni-
versaire de la naissance du mineur, mais la veille de ce
jour. Ainsi, un homme né le 1" janvier 1860 devient
majeur et peut contracter valablement dès le 31 décembre
1880 au matin, bien qu'il s'enfaille de près de vingt-quatre
heures qu'il ait vingt et un ans. On en donne pour raison
que la loi ne connaît pas de fraction de jour. Or, si la
naissance avait eu lieu à la première seconde de janvier et
que l'acte fût de la dernière seconde de décembre, les
vingt et un ans eussent été complets ; et, pour la loi, il re-
vient au même qu'une chose ait été faite dans tel moment
du jour ou dans tel autre. Nous donnons cette argumen-
tation pour ce qu'elle vaut -.
62. — Les mineurs ont divers privilèges, et subissent
diverses incapacités dont on a pu dire qu'elles sont égale-
ment des privilèges, puisqu'elles ont pour but de les pré-
munir contre leur propre imprévoyance.
' St. :i8, Geo. m, c. 87, § 6. rnond, Reports. 480, 1096; Black-
- Salkend, 44, 025; Lord Ray- .stone, éd. fr., 11, p. 25y, n. 1.
Lkhr. 3
34 DE LA MINORITÉ
On ne peut les poursuivre en justice qu'à la condition
de mettre simultanément en cause leur tuteur, car c'est lui
qui doit les défendre contre toute attaque judiciaire ou
autre ^ Mais, s'il s'agit d'intenter une action, le mineur
peut le faire soit par son tuteur, soit par un prochein amy
autre que son tuteur; ce prochein amy peut être toule
personne disposée à se charger de la cause du mineur, au
besoin contre le tuteur lui-même. La minorité suspend, au
profit du mineur, le cours de la prescription (Cpr. n*" 356,
824).
63. — Toule donation faite par un mineur est annula-
ble*. Il en est de même de tout acte d'aliénation relatif à
un immeuble. Quant aux dettes contractées ou aux conven-
tions passées par un mineur, elles étaient jusqu'en 1874
simplement annulables et susceptibles d'une ratification
écrite, une fois la majorité accomplie^ La législation a été
changée à cet égard par le InfanCs Relief act du 7 août
1874 (St. 37 et 38, Vict., c. 62). Cette nouvelle loi déclare
absolument nuls tous contrats, scellés ou non, faits par des
mineurs et tendant à les obliger à rembourser un prêt d'ar-
gent ou à payer des marchandises; il n'y a d'exception
que pour les fournitures indispensables (§ 1). La loi refuse,,
en outre, toute action contre celui qui a ratifié, étant ma-
jeur, une dette contractée pendant sa minorité, encore
que cette ratification ail été déterminée par une nouvelle
considération survenue depuis la majorité (§ 2). La consé-
quence logique, c'est que le mineur, même commerçant, ne
peut être mis en faillite : il n'est pas plus lié par les contrats
qu'il peut avoir souscrits à ce titre que par tous autres^
3 Co. Litt.. 135. f-Belton c. Hodges,9 r.ing.,365,
4 Bacoa, Abridg., lit. lafancy TiO\ Dilk c. KeighleiJ,2EsY>.,k%0\
(I, 3). Loice c. Grifjîth, 1 Scott, 458.
5 .St. 9, Geo. IV, c. 14, g 5.
DE LA MINORITE 35
64. — Néanmoins, d'après le St. 18 et 19, Vicl., c. 43,
tout mineur de vingt ans, si c'est un garçon, et de dix-sept,
pi c'est une fille, peut faire un contrat de mariage avec
tous les settlementa qu'il comporte, qu'il s'agisse de meu-
bles ou d'immeubles, sous la seule condition d'obtenir l'ho-
mologation de la division de Chancellerie de la Haute-Cour
(Cpr. n° 184).
65. — Un mineur ne peut disposer par testament'' ni de
ses meubles, ni de ses immeubles. Toutefois, en vertu de
plusieurs lois récentes, notamment du St. 46 et 47, Vict.,
c. 47, § 5, il a le droit, une fois qu'il a seize ans révolus, de
disposer à cause de mort, en la forme et sous les condi-
tions prévues par ces lois, du solde actif qui lui revient
dans une caisse d'épargne, pourvu que la somme ne dé-
passe pas 100 livres (Cpr. n° 852).
66. — Quand un legs a été fait à un mineur, l'exécuteur
testamentaire ne peut en obtenir bonne et valable quittance
qu'en en versant le montant, déduction faite des droits,
à la Banque d'Angleterre au compte du légataire; il avise en
même temps le paymaster gênerai, qui exerce depuis quel-
ques années à cet égard les attributions antérieures de Vac-
countant gênerai près la cour de Chancellerie*, et ce fonc-
tionnaire consacre les fonds à l'achat de consolidés, dont
les titres et les revenus sont remis ensuite à l'ayant-droit
ou employés à son profit suivant les directions de la divi-
sion de Chancellerie de la Haute-Cour'.
67. — Cette division peut, si elle le juge à propos, or-
donner qu'une partie des revenus du mineuret notamment
de ses rentes sur l'État seront affectés à son éducation et
à son entretien'".
T st. 1. Vict., c. 26. 10 St.l 1, Geo. IV et 1, fiuil. IV,
« St. 35 et 36, Vict., c. 4'». c. 65, § 32.
» St. 36, Geo. III, c. 52, § .32.
36 DE LA TUTELLE DES MINEURS
De la tutelle des mineurs.
Sommaire : 68. Tutelle du père ; tutelle testamentaire. — 69. Tutelle de la
mère. — 70. Tutelle dative. — 71. Droit primordial des parents ; faculté
pour la cour de les exclure ou d'exiger des sûretés. — 72. Fonctions du
tuteur. — 73. Mariage des pupilles de la cour. — 74. Comptes de tu-
telle.
68. — La tutelle des mineurs appartient, en première
ligne et par droit de nature, à leur père légitime. Le père,
bien que mineur lui-même, a la faculté de désigner, par ûfe«?fl?
ou par testament, un tuteur à ses enfants mineurs'' ; depuis
le WiWs ad (1, Vict., c. 26), les mineurs ne peuvent plus
tester, mais le père reste maître de nommer le tuteur par
deed; le tuteur ainsi nommé, et qu'on appelle générale-
ment tuteur testamentaire, quel que soit l'acte renfermant
sa nomination, a, par rapport à ses pupilles, le caractère
d'un trustée^ et il s'ensuit que les règles sur la prescription
sont inapplicables aux comptes pendants entre lui et eux'-.
Le père peut, en outre, renoncer à ces droits naturels de
gardiennage et en investir un tiers, qui se trouve alors
absolument substitué à lui.
69. ~ A défaut du père, et lorsque le père n'a pas dé-
signé d'autre tuteur en son lieu et place, c'est à la mère
qu'appartient de plein droit la tutelle. Elle n'a pas, comme
le père, le droit de donner un tuteur à ses enfants par deed
ou par testament'^ ; mais, d'après le St. 36 et 37, Vict.,
c. 12, la cour de Chancellerie peut donner à la mère, par
préférence au père lui-même, la garde des enfants âgés de
moins de seize ans, si elle estime que c'està leur avantage.
'« St. 12, Car. II, c. 24. «3 Villareal c. Meîlish,2 Sw..
1 2 Matliewc. Brise, 14 Bea v. , 341 . 536.
DE LA TUTELLE DES MLXEURS 37
70. — A défaut de père, de mère et de tuteur testamen-
taire pouvant ou voulant accepter cette charge, le mineur
choisit lui-même son tuteur; ou bien la cour de Chancel-
lerie, agissant au nom du souveraim, qui est le protec-
teur-né des incapables et des abandonnés, nomme un
tuteur datif. C'est là un acte de sa juridiction générale,
susceptible d'être porté par voie d'appel devant la cham-
bre des Lords. La cour devient compétente lorsqu'une ac-
tion est introduite devant elle relativement à la personne
ou au patrimoine d'un mineur: l'enfant, qu'il soit deman-
deur ou défendeur, devient immédiatement et parla même
« pupille de la cour », encore qu^il ait son père ou un tu-
teur testamentaire. Mais la cour peut également se nantir
d'une tutelle, indépendamment de tout procès, en vertu
d'un order for maintenance^^ ou sur pétition d'après le
Ctistody of Infants act de 1873". Sauf des cas tout excep-
tionnels, elle ne procède à la nomination d'un tuteur qu'au-
tant que le mineur a des biens à gérer.
71. — La loi attribue, en toute première ligne, aux pa-
rents la garde et l'éducation de leurs enfants, parce qu'elle
estime qu'ils y apporteront plus d'affection et d'intelli-
gente sollicitude qu'un étranger. Si la cour de Chancelle-
rie a fie justes motifs de penser qu'ils ne s'acquittent pas
à cet égard de leurs devoirs naturels et légaux et que
leurs enfants courent entre leurs mains de sérieux dan-
gers, elle a le droit d'intervenir, d'enlever à des parents
indignes le gardiennage de leurs enfants mineurs et d'en
charger un étranger, en vertu de ce principe que « la jus-
tice préventive vaut mieux que la justice répressive'^ ».
'* 7n re Grro/ia)», L. R., 10 Eq., "■- WeUesley c. BeaufoH, 2
530. Russ., 21; Ex parte Mountford,
'8 St. 36 et 37, Vict., c. 12. 15 Ves., 445.
38 DE LA. TUTELLE DES MLNEURS
Mais il ne suffirait pas, pour pouvoir priver les parents
de leurs droits, de certaines appréhensions vagues fon-
dées sur la mauvaise gestion de leurs propres affaires ou
sur la légèreté de leur conduite. Il faut que les enfants cou-
rent, dans leur personne ou dans leurs biens, un danger
imminent '".
Lorsqu'un tuteur veut soustraire son pupille à la juridic-
tion de la cour et que celle-ci a lieu de craindre quelque
préjudice pour la personne ou les biens du mineur, elle
peut exiger des sûretés du tuteur avant de le relever delà
surveillance qu'elle exerçait sur lui '^
72. — En ce qui concerne la personne de son pupille,
le tuteur a le droit de déterminer la manière dont il sera
élevé et le lieu où il doit faire son éducation. La cour lui
prête main-forte, s'il y a lieu *\
Quant aux biens, le tuteur, simple administrateur, n'a
pas en général qualité pour les dénaturer, et notamment
pour convertir les meubles en immeubles ou vice versa,
un semblable changement étant de nature à affecter les
droits non seulement du pupille, mais encore des succes-
seurs éventuels de ce pupille. Toutefois, si, à raison de
circonstances spéciales, telles que des réparations urgen-
tes à faire à un bâtiment, le changement paraissait con-
forme aux véritables intérêts du pupille, la cour de Chan-
cellerie pourrait autoriser le tuteur à l'opérer "'"; mais elle
prescrirait, en même temps, les mesures nécessaires pour
que la transformation du patrimoine ne modifie en rien Ja
»' Kiffin c. Kiffin, 1 P. W., 'o Hall c. Hall, 3 Alk., 721;
705; SheUeij c. Westbrooke, Jac, Tremain's case, 1 Str., 167.
266 n; Grueze c. Hunier, 2 Cox, 242; ao Ex parte Grimstone, 4 Bro.
Whiffield c. Haie.,, 12 Ves., 492. q. C, n. 235; Vernon c. Vernon,
>8 liigtjs c. Terry, 1 My. et Cr., ^^^^ ^^^^ y Ves. jun., 456.
675. •'
DE LA TLTIU.F.E DES MINEURS 39
situation respective des successeurs'', dans le cas où le
pupille mourrait avant sa majorité.
La tutelle est une charge gratuite; mais, lorsque la jus-
tice ne trouve personne qui veuille l'accepter, elle peut
nommer un administrateur, salarié en proportion des re-
venus.
73. — Les pupilles de la cour ne peuvent se marier
qu'avec son consentement". L'homme qui, sans l'avoir
obtenu, épouserait une pupille de la cour, s'exposerait,
avec toutes les personnes qui l'y auraient assisté, à la peine
de l'emprisonnement pour ofTense à la cour [contempt of
court) ^*, Si la cour a lieu de craindre qu'une de ses pupil-
les ne fasse, sans prendre son avis, un mariage peu con-
venable, elle peut tout à la fois s'y opposer et interdire
toute communication entre la jeune fille et son prétendant;
son droit irait même, si le tuteur était suspect de conni-
vence, jusqu'à enlèvera ce dernier Ja garde de sa pupille^*.
Ilabiluellemenl la cour intervient aussi dans le mariage
de ses pupilles pour décider quelles conventions matrimo-
niales doivent être faites en leur faveur el pour obliger le
futur ou l'époux à se prêter à ce qu'elle juge convenable
de prescrire vu la situation des parties.
D'après le Marriage act (St. 4, Geo. IV, c. 76), le tu-
teur d'un mineur qui s'est marié sans son consentement
peut obtenir, contre la partie qui a amené la célébration
du mariage en affirmant faussement l'existence de ce con-
sentement, une déclaration of forfciture^ emportant pour
elle déchéance de tout avantage sur les biens de l'autre
■!« Ware c. Polhill, 11 Ves., 278; 23 Ex2)arle Mitchell, 2 Atlc., 113.
Fosler t.Foster, L. R., 1 Ch. Div., 21 Lord fiaijmond'.s case, cns. t.
588. Talbot, 58; lombes c. Elers, iMck,
22 Smith c. Smitit, 5 Atk., 305. 88.
40 DES PERSONNES ATTEINTES D'ALIENATION MENTALE
époux ; et, de son côté, la cour peut exiger un seulement au
profit soit de l'époux innocent, soit des enfants à naître ^^ .
74. — Lorsque le pupille atteint sa majorité, le tuteur
est tenu de lui rendre compte de son administration, et
il est responsable envers lui de toutes les pertes prove-
nant de sa faute ou de sa négligence. Mais le rôle de
surveillant général des tutelles que la loi attribue au lord
chancelier permet aux tuteurs de se décharger assez
aisément de la lourde responsabilité qui pèse sur eux.
Il suffit pour cela qu'ils se placent sous la garantie de la
cour de Chancellerie, agissent sous sa direction et lui
rendent un compte annuel de leur gestion. L'organisa-
tion anglaise de la tutelle présente, on le voit, de grandes
analogies avec \' Obervormundschaft du droit germa-
nique; et, par les pouvoirs étendus qu'exerce la cour
de Chancellerie, cette tutelle se rapproche bien plus de la
tutelle de l'autorité [obrichkeitliche Vormiindschaft) des
Allemands que de la tutelle de famille du droit français.
CHAPITRE IV
Des personnes atteintes d'aliénation mentale.
S0.MMAIKE : 75. Lunatiques, idiots, sourds, muets, aveugles; prodigues;
faibles d'esprit. — 76. Droits du chancelier. —77. Organisation moderne.
— 77 bis. Internement des aliénés. — 77 ter. Législation spéciale à
ITrlande ; aliénés criminels. — 78. Commission de tutelle. — 79. In-
capacité des aliénés. — 80. Mariage.
75. — Les aliénés sont désignés de vieille date, dans
la législation anglaise, sous le nom de lunatiques et
d'idiots, qui correspond à ce que nous appelons en France
la démence et l'imbécillité.
26 SLl9et 20, Vict. c. 119, §19; Att.-gen.c. Read., L. R., 12Eq.,38.
DKS PERSONNES ATTEINTES D'ALIÉNATION MENTALE 41
En droit commun, personne ne pouvait être privé de
la libre disposition de ses biens qu'en suite du verdict
d'un jury'. Cette règle a été maintenue jusqu'à nos
jours. Pour qu'un individu soit frappé d'incapacité pour
cause d'imbécillité ou de démence, il faut que son état
mental ait élé constaté par le verdict d'un jury, à la suite
d'une enquête de limatico inquirendo faite devant, un
master in lunacij^ ou, si cet état est trop patent pour
qu'il soit nécessaire de consulter un jury, par un certi-
ficat d'un master in liinacy ^ Les individus sourds,
muets et aveugles de naissance, c'est-à-dire privés à la
fois de tous les sens essentiels, sont réputés de plein
droit idiots^. Au contraire, la prodigalité n'a jamais été
assimilée en Angleterre à l'aliénation mentale*. De même
les faibles d'esprit, dont l'état mental n'est pas de nature
à justifier un verdict ou un certificat d'insanité propre-
ment dite, ne peuvent être ni restreints dans leur liberté
de disposition ni protégés contre l'abus qu'ils eu feraient,
sauf, bien entendu, le cas où la partie adverse aurait
frauduleusement spéculé sur leur manque d'intelligence
pour leur faire souscrire un contrat léonin ; rien ne les
empêche, du reste, de remettre leurs immeubles entre
les mains de trustées^.
76. — Dès le moyen-âge, le roi s'est déclaré le pro-
tecteur des aliénés et a manifesté sa volonté de pourvoira
la garde et à l'entretien de leurs personnes et à la con-
servation de leurs biens ^ C'est au lord chancelier que
cette double mission a été déléguée, et il en est resté
i 4 Rep., 127; 8 Rep., 170; cpr. 3 Co. Litt.. 42; Flela.L VI, c. 40.
12 Ves., 449. * Brooke, Abridy., tit. Idiot'i, 4.
* Lunacy régulation act de 185.S ^ Paterson, Comp., 802.
(St. 16 et 17, Vict., c. 70), §§ 42, 43. 6 St. 17, Ed. II, c. 10.
42 DES PERSONNES ATTEINTES D'ALIÉNATION MENTALE
investi jusqu'à nos jours. Il est à remarquer qu'il a été
chargé de la surveillance des aliénés, non comme prési-
dent de la cour de Chancellerie, mais comme l'un des
plus hauts dignitaires du royaume. La cour de Chancel-
lerie, qui a toujours été et de très vieille date la tutrice
des mineurs, n'a jamais eu directement aucune juridic-
lion analogue relativement aux aliénés. Toutefois la cir-
constance accidentelle que le chancelier était non seu-
lement l'un des premiers officiers de la couronne, mais
encore un magistrat, forcément rompu, comme chef de la
cour de Chancellerie, à la pratique du droit, ne contribua
certainement pas peu à fixer sur sa tête ces attributions
spéciales, et l'on finit par considérer qu'il les exerçait
au moins autant en sa seconde qualité qu'en la première.
77. — Aussi, peu de temps après que le St. 14 et 15,
Vict., c. 83, eut institué à la cour de Chancellerie des
Lords Justices pour suppléer le chancelier dans les attri-
butions judiciaires qui l'écrasaient, un warrant délivré
par la reine à chacun des nouveaux magistrats les char-
gea-t-il, concurremment avec le chancelier, des intérêts
des aliénés; et, deux ans plus lard, le Liinacy régulation
act de l8o3 confirma expressément leur mission à cet
égard. Lorsque les lois sur l'organisation judiciaire de
4873-75 firent entrer les Lords Justices^ avec d'autres ma-
gistrats, dans la nouvelle Cour d'appel, le § 7 delà loi de
1875 décida expressément que les pouvoirs impartis Iwi-
(\\i dXoY's, d.\x\ Lords Justices delà cour de Chancellerie sur la
personne et les biens des aliénés continueraient à être exer-
cés parles magistrats qui s'en trouvaient personnellement
investis à ce moment, et le seraient à l'avenir par ceux des
juges delà Haule-Cour ou de la Cour d'appel que lareine
jugerait à propos d'en investir par un ordre spécial.
DES PI-:HS0.N.\ES atteintes D'ALIENATION MENTALE 43
77 bis. — La question des conditions d'internement des
aliénés a préoccupé l'esprit public en Angleterre, comme
dans les autres pays, et s'est trouvée approximativement
résolue par deux lois de 1890^ et de 1891*. Aux termes de
ces lois, un individu ne peut être séquestré dans un asile
public qu'en vertu d'une ordonnance émanée, soit au jus-
tice of peace du comté, soit d'un magistrat de l'ordre ju-
diciaire. Cette ordonnance s'obtient par voie de requête;
mais la partie requérante doit justifier sa demande de sé-
questration par l'indication des faits de démence constatés,
et par la production d'un certificat médical signé de deux
praticiens".
On voit par là que l'Angleterre repousse le principe de
la séquestration volontaire, appliquée chez nous à côté de
la séquestration d'office. La séquestration d'office elle-
même ne peut être le fait d'une simple mesure adminis-
trative comme dans notre loi du 30 juin 1838; elle doit
être prescrite par un acte de juridiction.
Exception à cette nouvelle règle est cependant admise
pour les indigents et pour les personnes dont l'état de dé-
mence a été démontré par l'enquête t/e lunalico inquirendo.
La loi admet des asiles privés pour les aliénés, à côté
des asiles publics. Mais les conditions d'ouverture d'un
asile privé sont devenues particulièrement rigoureuses
depuis la loi de 1890, et sont toujours subordonnées à l'ob-
tention d'une licence. A côté des asiles d'aliénés se placent
en Angleterre les asiles privés pour les ivrognes. Ces asiles
ne peuvent également être ouverts qu'en vertu d'une licence
spéciale *".
^ St. 53 et 54, Vict., c.5. loi de 18^, V Annuaire de législa-
* St. 54 et 55, Vict., c. (55. tion étrangère, t. XX, p. 15.
'J Voir, pour le le.\te même de la '" St. 51 et 52, Vict., c. 19.
44 DES PERSONNES ATTEINTES Û-ALIENATION MENTALE
77 ter. — Une loi du 17 août 1901 '', spéciale à Tir-
lande, a généralisé le principe existant déjà en Angleterre
et d'après lequel un aliéné criminel considéré comme guéri
peut être mis en liberté provisoire. Le Lord lieutenant doit
être tenu au courant de ses actes et peut révoquer sa libé-
ration conditionnelle s'il y a lieu. Ce texte a heureusement
mis fin à l'élat antérieur, où il n'y avait de choix qu'entre
le maintien de l'internement et la Ubération définitive.
78. — Lorsque l'aliénation mentale d'une personne a
été régulièrement constatée, le chanceherou les magistrats
qui lui sont associés pour cet office instituent une commis-
sion [commitee) pour veiller sur la personne et sur les biens
de l'aliéné.
Tout aliéné doit être visité au moins une fois par an par
l'un des visitors in lunacy '".
79. — Les aliénés ne peuvent valablement s'obliger ni
disposer de leurs biens. Toute donation faite par eux est
radicalement nulle *^ Poursuivis à raison d'un contrat par
eux souscrit, ils peuvent faire valoir leur état mental
comme une fin de non recevoir {defence) ; et ils n'ont pas
besoin, bien qu'ils en aient la faculté, de s'adresser à une
cour pourfaire annuler un deed ou autre document fait par
eux en état de démence ou d'imbécillité.
80. — D'autre part, le mariage auquel un aliéné s'est
prêté est nul lorsque, ayant été reconnu malade d'esprit
en la forme légale, il le contracte avantque le lord chance-
lier ou la majorité delà commission qui lui sert de tuteur
ait déclaré qu'il a recouvré l'usage de sa raison.
" Lunacy A et 1901 {An act to nuaire de législation étrangère,
amend the lato relating to luna- t. XXI, p. 9.
tics in Ireland), St. 1, Edw. VII, 12 St. 16 etl7, Vict., c.70,S5 104,
c. 17. Voir la traduction et la notice »3 Bacon, Abridg.,û{. Idiots and
de M. Paul Baillière dans Y An- lunatics{F).
SECTION TROISIÈME
DU MARIAGE AU POINT DE VUE DU LIEN
PERSONNEL QU'IL CRÉE ENTRE LES ÉPOUX.
CHAPITRE 1
De la célébration du mariage '.
INTRODUCTION HISTORIQUE.
81. — Dans les anciens temps, il est probable qu'en
Angleterre le consentement mutuel suffit pour constituer
le mariage et qu'on observa les règles prescrites par le
droit canonique. Plus tard, à une époque que nous ne sau-
rions préciser, il fallut, en outre, que le mariage eût
été constaté devant un ministre du culte régulièrement
ordonné. On sait que l'institution a passé par les mêmes
phases dans les pays de droit germanique.
Toutefois, la nécessité de l'intervention d'un prêtre, en
supposant même qu'elle fût sanctionnée par la loi, — ce
qui a été contesté, — n'en laissait pas moins aux parties,
1 J.-G. Colfavru, iJu mariage et ls79, p. 89 et sui?.; Ernest Lehr,
du contrat de mariage en Angle- Le mariage, le divorce et la sépa-
terre et aux États-Unis, Paris, ratîon de corps, Paris, 1899, p. 207
1868; Mémoire de M. R. Gonse et suiv.; Einest Roguin, rraite de
dans le Bull, de la Soc. de législ, droit civil comparé, t. I, Le ma-
comp., t. V, p. &i; Glasson, Le riage, Paris, 1904.
Mariage oivil et le Divorce, Paris,
4G DE LA CÉLÉBRATION DU MARIAGE
pour la célébration des mariages, une liberté difficile à
justifier en une matière aussi grave. Aucune publicité
n'était requise; le consentement des pareats n'était pas
indispensable; il suffisait que les futurs époux échangeas-
sent le leur devant un ecclésiastique de rencontre, pour
se trouver liés d'une manière aussi irrévocable que si
leur union avait été célébrée avec toutes les solennités du
rituel officiel.
Les abus devinrent tellement criants qu'en Tannée 1753,
sous le règne de George II, un bill^ présenté par le chan-
celier lord Hardwicke, fit déclarer nuls tous les mariages
qui seraient célébrés autrement que devant un ministre de
l'Église anglicane et conformément au cérémonial réglé
par cette Église. La loi dont il s'agit (St. 26, Geo. II,
c. 33) avait le tort de constituer un monopole au profit
d'une Église spéciale et, par là même, de porter atteinte à
la liberté de conscience : les juifs et les quakers jouissaient
seuls du privilège de se marier selon leurs rites particu-
liers. Les autres Anglais qui répugnaient à recourir au
ministère d'un pasteur anglican n'avaient d'autre ressource
que d'aller se marier à Jersey ou en Ecosse d'une manière
j)lus ou moins clandestine.
Après de longues années de discussions, lord John
Russell fit adopter Vact de 1836 (St. 6 et 7, Guil. IV,
c. 85}, qui institua de nouvelles formes de célébration
pour les personnes que des motifs de conscience ou toute
autre cause empêchaient de faire consacrer leur union
dans l'Église établie. Cet act forme encore actuellement
le fond de la législation anglaise sur la matière.
DES CONDITIONS POUR POUVOIK CONTRACTEH MARIAGE 47
I
Des qualités et conditions requises pour pouvoir
contracter mariage.
SovMAiBE : 82. Notions générales. — 1. Age reqtds : S3. Fixation : effets
d"un mariage où cette condition fait défaut. — 2. Consentement des
parties : 84. Existence et validité du consentement. — 85. Nullité des
marchés susceptibles de vicier le consentement. — 3. Consentement
des parents : 86. Nécessité de ce consentement pour des mineurs et
en cas de premier mariage. — 87. Conséquence d'une fausse déclara-
tion ou de l'absence de consentement. — 88. Liberté absolue des ma-
jeurs. — 4. Empêchements et oppositions : 89. Parenté et alliance. —
90. Mariage antérieur. — 91. Adultère. — 92. Droit d'opposition;
formes.
82. — Pour pouvoir contracter mariage et procéder
aux formalités auxquelles est subordonnée l'existence
d'une uoion régulière, il faut que les parties satisfassent
à un ensemble de conditions relatives : 1° à leur âge;
2° à leur consentement réciproque; 3° au consentement de
leurs parents. Il faut, de plus, que l'union projetée ne se
heurte à aucun empêchement ni aucune opposition légitime.
1. — Age requis.
83. — L'âge requis en Angleterre est de quatorze ans
pour les garçons et de douze ans pour les filles. Certains
canonistes, tels que Burn, ont même soutenu qu'un ma-
riage n'est radicalement nul que si l'un des époux a moins
de sept ans. Quoi qu'il en soit, si l'un ou l'autre des époux
n'a pas l'âge légal de quatorze ans ou de douze ans, il a,
au moment où il y parvient le droit de se dédire sans qu'il
faille l'intervention d'un magistrat pour dissoudre le
mariage, et l'autre époux, qui avait l'âge requis, n'en a
48 DES CONDITIONS POUR POUVOIR CONTRACTER MARIAGE
pas moins la même faculté ^ Mais si, à ce moment, les
parties consentent à continuer Ja vie commune, leur union
devient définitive ipso facto et indépendamment de toute
confirmation '.
2. — Consentement des parties.
84. — Il n'y a point de mariage si les deux époux
n'ont pas réciproquement consenti à se prendre pour mari
et pour femme. Lorsqu'ils y ont consenti et que l'acte en
fait foi, le mariage est valable, si peu de valeur qu'ait en
soi un consentement donné, en une matière aussi grave,
par deux enfants de quatorze et de douze ans.
Au surplus, le consentement ne vaut qu'autant qu'il
émane de deux personnes saines d'esprit. Le mariage des
aliénés reconnus tels par les fonctionnaires compétents
(cpr. n° 80) est entaché de nullité s'il a été contracté avant
que le lord chancelier ou la majorité des curateurs ait
déclaré que le malade a recouvré l'usage de sa raison*.
85. — La condition essentielle du mariage étant que
les parties y aient librement consenti, il est de règle, en
équité, que tout contrat tendant à rémunérer des entremet-
teurs {marriage brocage) est radicalement nul. Serait éga-
lement nulle la clause par laquelle un père stipulerait, en
échange de son consentement, un bénéfice ou avantage à
son propre profit; de même, pour un tuteur vis-à-vis de
son pupille; dans les deux cas, l'argent versé serait sujet
à répétition ^.
2 Blackstone, Comm., éd. fr., ^ Bail c. Po£ter, 3 Levinz, 411;
II, 202. Smilh c. Bruning, 2 Vern., 392;
2 Go, Litt., 79. Fonblanque, on Equity, 2ù2.
* St. 15, Geo. II, c. 30,
DES CONDITIONS POUR POUVOIR CONTRACTER MARIAGE 49
3. — Consentement des parents.
86. — En principe, les futurs époux âgés de moins
de vingt et un ans doivent avoir obtenu le consentement
<Je leur père ou, à défaut du père, de la mère survivante
ou de leurtuleiir ^ Ils n'ont pas à en justifier, bien que mi-
neurs, s'il s'agit pour eux d'un second mariage; car le
premier les a complètement et définitivement émancipés.
Nous dirons, en passant, que cette émancipation par
mariage est la seule que connaisse la loi anglaise.
87. — La partie qui, au moment de faire publier les
bans ou de demander une dispense, déclare faussement
avoir obtenu ce consentement, dans les cas où il est exigé,
perd, au profit soit de son conjoint, s'il est innocent,
soit des enfants à naître, tous les avantages pécuniaires
découlant du mariage\
Mais, en fait, nulle preuve sérieuse du consentement
des parents n'est requise avant qu'il soit procédé à l'u-
nion des parties. Informés à temps du mariage projeté,
ils peuvent s'y opposer; si, pour une raison quelconque,
ils ne formulent pas leur opposition avant la célébration,
le mariage est valable encore qu'ils n'y aient pas con-
senti. La loi voit beaucoup moins dans leur intervention
une mesure de protection et de sollicitude pour leurs en-
fants mineurs qu'une simple question de déférence; et
elle n'eu fait nullement un élément substantiel du contrat.
Lorsque l'opposition des parents n'est fondée sur aucun
motif sérieux, les fulurs époux ont le droit d'en appeler
à la cour de Chancellerie et de réclamer des dommages
et intérêts.
6 St. 26, Geo. H, c. .33. C, et 7. Guil. IV, c.Sô, % 43 ; 19 et
^ St.4, Geo.lV,c.76, S§16 et23: 20, Vict., c. 119, § 19.
Lkfih. 4
50 DES CONDITIONS POUR PÛLYOIR CO.NTRACTEr; MARIAGE
88. — Arrivés à l'âge de vingt et un ans accomplis, ils
jouissent de la plénitude de leur liberté et n'ont plus au-
cune espèce de démarche à faire auprès de leurs parents
ou ascendants.
4. — Empêchements et oppositions.
89. — Le mariage est prohibé, pour cause de parenté
et même d'alliance, non seulement en ligne directe à l'in-
fini, mais encore en ligne collatérale jusques et y compris
le troisième degré*. Ces vieilles règles du droit cano-
nique, usitées depuis des siècles, ont été spécialement
confirmées, en 1835, en ce qui concerne les mariages
entre beaux-frères et belles-sœurs. L'union d'un veuf, —
anglais ou étranger, — avec la sœur de sa première
femme est radicalement nulle s'il était domicilié en An-
gleterre, encore qu'elle ait été contractée dans un pays où
elle était licite'' ; il en serait autrement si le veuf, même
anglais de nationalité, avait son domicile dans ledit pays :
le mariage serait réputé valable dans le Royaume-Uni
comme dans le lieu de la célébration. On a plusieurs fois
essayé, notamment depuis vingt-cinq ans, de modifier la
législation sur ce point spécial; mais, jusqu'à présent, toutes
les tentatives sont venues échouer, à la chambre des Lords,
contre l'opposition des représentants de l'Eglise anglicane.
90. — L'existence d'un premier mariage est un empê-
chement absolu à la validité d'un second.
91. — Lorsqu'un mariage a été dissous pour cause
d'adultère, l'époux coupable a le droit de s'unir à son
complice ; mais aucun membre du clergé anglican ne peut
être contraint de célébrer ces secondes noces '".
« St. 25, Ilenr. VIII, c. 22. c. Brook. 9 H. of L. C, 193.
a St. 5 et 6, Guil. IV, c. 54 ;/irooA lo st. 20 et 21,JVict., c. 85, § 57.
DES FORMALITÉS KELATIVES A LA CÉLÉBRATION DU MARIAGE 51
92. — On a VU plus haut que les aliénés ne sont pas
aptes à contracter mariage et que les parents ou les tuteurs
peuvent s'opposer au mariage de leurs enfants ou pupilles
âgés de moins de vingt et un ans. Toutes les fois qu'il existe
une cause légitime d'opposition, ceux qui ont qualité pour
la faire valoir, — et en cas de démence, de parenté au degré
prohibé ou de mariage préexistant, c'est la première per-
sonne venue, — introduisent un caveat tendant à ce que
l'autorité compétente refuse la licence nécessaire à la célé-
bration. Ils donnent leurs noms, qualités, domicile, et in-
diquent le motif de leur opposition. Il est statué sur leur
requête par le juge ecclésiastique, s'il s'agit d'un mariage
religieux, et par le ni'per intendant l'egistrar, s'il s'agi<t
d'un mariage civil, sauf appel, dans ce cas, au registrar
gênerai. Toute opposition est aux risques et périls de la
personne qui la forme et peut éventuellement entraîner
contre elle une condamnation aune indemnité pécuniaire.
II
Des formalités relatives à la célébration du mariage.
Sommaire : 1. Promesses de mariage : 93. Effets de ces promesses. —
94. Possession d'état. — 2. Publications : 95. Nombre et mode des
publications ordinaires. — 96. Dispenses. — 3. Célébration : 97. Ma-
riage relipieus. — 98. Mariage civil; mariage dans un édifice enre-
gistré. — 99. Mariage des quakers et dos juifs. — 99 bis. Mariage
devant un ministre non conformiste. — 100. Nécessité d'une inscription.
— 101. Mariages contractés par des Anglais à l'étranger. — 101 bis.
Modifications récentes; loi de 1892. — 101 ter. Loi de 1899.
1. — Promesses de mariage.
93. — Fout- qu'il y ait mariage aujourd'hui, il faut non
seulement que les parties y aient consenti et qu'elles aient
la capacité requise, mais encore, et surtout qu'elles aient
52 DES FORMALITÉS RELATIVES A LA CELEBRATION DU MARLAGE
accompli les formalités sacramentelles prescrites par la loi.
Une promesse de mariage, même suivie d'une cohabita-
tion persistante, ne saurait tenir lieu d'une célébration
régulière, ni produire, soit pour les parties elles-mêmes,
soit pour les enfants auxquels elles auraient donné le jour,
les effets d'un mariage véritable. Toutefois elle n'est pas
dépourvue de toute efficacité. Sans doute les tribunaux
ne peuvent pas contraindre l'auteur de la promesse à
passer outre au mariage *\ Mais, en cas de rupture mal
motivée, la partie lésée a droit, si l'auteur de la promesse
avait l'âge requis pour s'obliger valablement par contrai,
c'est-à-dire vingt et un ans '% à une indemnité qui n'est
pas nécessairement limitée, comme en France, au dam-
num ejnergens. Il est à remarquer qu'en l'absence d'une
promesse de mariage positive, la femme qui a été séduite
ne peut pas, en Angleterre, réclamer de dommages et
intérêts du séducteur qui l'a abandonnée; il en est autre-
ment en Ecosse.
94. — La possession d'état ne peut tenir lieu de la
preuve de la célébration régulière du mariage lorsque
c'est l'> fait même du mariage qui est en question; par
exemple, dans le cas d'une accusation de bigamie ou d'une
action en dommages et intérêts pour cause d'adultère ''.
11 en serait autrement si, le mariage n'étant pas directe-
ment en cause, l'existence peut n'en être pas démontrée
rigoureusement **.
'» St. 26, Geo. Il, c. 33. Ditcham c. Worrall (1880), 5 C.
P. D.. 410.
lï Stephen, Comm., 14e éd., II, i3 Catherwood c. Caslon, 13 M.
pp. 291,292; Holt c. Clarencieux, et W., 261.
Str , 9.37; Blackstone, Comm., ^'' Doe c. Flemming,iB'mg.,'266;
éd. fr., II, 202, note 1. Cf. Wild Smith c. Smith, 1 Phiilim.. 29i:
c. Harris (1849), 7 C. B., 999, et Goodmanc. Goodman,33, L.T., 10.
DES KOR.MALITÉS RELATIVES A LA CÉLÉBRATION DU MAKL\GE 53
2. — Publications.
95. — Que le mariage soit religieux ou civil, il doit
être précédé de trois publications, faites de dimanche en
dimanche dans la paroisse où l'on entend le célébrer.
On ne peut faire les publications que dans une localité où
l'une des parties réside depuis sept jours au moins avant
la première des trois. Le ministre ou officier public appelé
à faire les publications exige sept jours à l'avance une note
indiquant les noms et adresses des parlies, ainsi que la
durée de leur résidence dans sa circonscription. Toute indi-
cation inexacte dans cette note constituerait le délit de
parjure. La noie est immédiatement inscrite sur le Mar-
riagè notice book, et toute personne ayant qualité peut, en
écrivant en marge le mot forbidden^ s'opposer à la déli-
vrance du certificat constatant que les publications ont été
faites et qu'il peut être passé outre à la célébration '°.
Le mariage doit être célébré dans les trois mois de la
délivrance du certificat, sous peine de nullité du certificat
obtenu antérieurement.
96. — L'ordinaire ou l'archevêque, s'il s'agit d'un ma-
riage religieux, \e superintendant regislrar, s'il s'agit d'un
mariage civil, peut accorder une licence, qui emporte dis-
pense de publication des bans. Cette licence suppose néces-
sairement quinze jours de résidence dans la localité; mais
on peut procéder à la célébration immédiatement après
l'avoir obtenu, et elle peut être délivrée deux jours après
que la demande en a été faite '*.
'S st. ô et 7, GuilL IV, c. 85. "■' St. 4, Geo. IV, c.76, § 10; 19
et 20, Vict., c. 119, § 2.
54 DES FORMALITÉS RELATIVES A LA CELEBRATION DU MARL\GE
Au surplus, une résidence trop courte constitue un em-
pêchement simplement prohibitif * '.
3. — Célébration.
97. — Les mariages célébrés par un ministre de l'Église
anglicane sont restés régis par le rituel de cette Église. Oq
observe, pour la cérémonie, la liturgie prévue parle Book
of cornmon Frayer. Le mariage doit être célébré dans l'é-
glise paroissiale ou dans une chapelle dûment autorisée à
cet effet, et aux heures canoniques, c'est-à-dire entre huit
heures du matin et midi. L'archevêque de Cantorbéry peut
accorder, — moyennant une taxe assez élevée, — des dis-
penses en vue de la célébration dans un autre lieu ou à
d'autres heures; à défaut d'autorisation expresse, la célé-
bration dans une maison particulière constituerait le délit
de félonie '^
98. — Pour les personnes qui ne veulent pas du ma-
riage religieux célébré dans ces conditions, Xact de 1836
(St. 6 et 7, Guil. IV, c. 85) a donné compétence aux fonc-
tionnaires qui, sous le titre générique de registrars, cor-
respondent aux officiers de l'état civil français ou suisses.
La cérémonie peut avoir lieu, soit dans le bureau même du
registrar^ soit dans l'un des édifices enregistrés au district.
Dans le premier cas, le mariage est purement civil; il
consiste en une déclaration solennelle faite, en présence
du superintendant registrar et de deux témoins, les portes
ouvertes, par chacun des deux futurs époux successive-
ment, et ainsi conçue : « Je déclare solennellement que je
'^ St. 4, Geo. IV, c. 76, § 26; 6 et •» St. 26, Geo. II, c. 33; 4, Geo.
7, Guill. IV, c. 85, § 25. IV, c. 76, § 21.
DES FORMALITÉS RELATIVES A LA CELEBRATION DL MARIAGE 55
ne connais aucun empêchement à ce que moi, A. B., je
m'unisse en mariage à C. D. , et je prends à témoin les per-
sonnes ici présentes que moi A. B., je vous prends, vous
C. D., pour mon époux (ou épouse). »
Dans le second cas, les édifices enregistrés étant tou-
jours des lieux de culte de l'une ou l'autre des Eglises
dissidentes, les cérémonies religieuses prescrites par le
rituel de ladite Église peuvent s'ajouter au contrat civil.
Mais, pour que le mariage soit valable aux yeux de la loi,
il faut que l'échange des consentements ait lieu en présence
d'un registrar assisté de deux témoins". V enregistrement
d'un lieu de culte s'obtient sur la demande du propriétaire
ou administrateur et de vingt chefs de famille déclarant
que ce lieu est affecté depuis un an à l'exercice public de
leur religion.
Le superintendant registrar a qualité pour accorder, en
matière de mariages civils. les facilités ou dispenses qui
dépendent de l'archevêque de Cantorbéry lorsqu'il s'agit
d'un mariage à célébrer dans l'Église anglicane.
99. — Les quakers et les juifs sont tenus de demander
au registrar de leur district un certificat constatant qu'il
a fait les publications légales, ou, s'ils entendent se dis-
penser des publications, une licence. Mais ils ne sont pas
obligés de faire enregistrer leurs lieux de culte pour pou-
voir s'y marier ; et l'échange des consentements est con-
staté par des officiers spéciaux désignés par les comités
centraux de ces communautés.
99 his. — Depuis la loi du 12 août 1898'", les mariages
peuvent être valablement célébrés devant les ministres des
1» St. l[t et 20, Vict., c. 119, § 12. trars at marriages in non-confor-
^0 An actto amend the law re- mist places of worship (St. 61 et
latinrj to the attendance of régis- 02, Vict., c. 58).
56 DES FORMALITÉS RELATIVES A LA CÉLÉBRATION DU MARIAGK
cultes non conformistes aussi bien que devant ceux de
l'Église anglicane. Rien n'a été innové toutefois en ce qui
concerne les quakers et les juifs, qui continuent à pouvoir
se marier suivant les formes particulières à leur confession
religieuse ■'.
100. — Quel que soit le mode de célébration, que la
cérémonie ait eu lieu dans une église anglicane ou qu'elle
ait été enregistrée, dans le bureau du registrar, ou qu'on
ait suivi les rites spéciaux des juifs ou des quakers, le ma-
riage doit être constaté par une inscription sur les registres
ad hoc, tenus soit par l'ecclésiastique compétent, soit par le
rerjistrar. Des doubles ou des copies des registres sont
adressés tous les trois mois au registrar gênerai par les
soins du registrar superintendant.
101. — Les mariages contractés par des Anglais à l'é-
tranger sont considérés comme valables en Angleterre
lorsqu'ils ont été célébrés par un officier public ou un
ecclésiastique du pays étranger conformément à la loi dudit
pays, ou lorsqu'ils l'ont été conformément à la loi anglaise
par des agents diplomatiques ou consulaires britanniques
ou par un aumônier ou chapelain attaché aux armées ou à
une légation britannique.
Le mariage contracté à l'étranger selon la loi étrangère
serait réputé valable d'après le droit coutumier, encore
que les futurs époux se soient rendus à l'étranger précisé-
ment pour se dérober à l'une des exigences de la loi an-
glaiserai toutefois cette doctrine fort critiquable n'est pas
admise sans contestation".
21 Act cité, sect. 13. dans le détail de laquelle nous ne
22 Story, Conflict of law, § 123, a; saurions entrer ici, Laurent, Droit
P. Fiore, Droit intetvtat. privé, civil international, V, n»" 5 et
trad.Pradier-Fodéré.p. 181. suiv.; Phillimore, International
*3 Cpr. sur toute celte question, Laio, IV, p. 279, etc.
DES FORMALITES RELATIVES A LA CELEBRATION DU MARIAGE 57
De même, les mariages célébrés par les consuls an-
glais sont réputés valables en Angleterre, encore que la
future épouse soit de nationalité étrangère; ce qui est
contraire au principe généralement admis que les consuls
ne peuvent valablement marier que deux de leurs natio-
naux. Une circulaire du Foreigii office du 28 février 1867
recommande cependant aux agents diplomatiques ou con-
sulaires, appelés à procéder à un mariage entre Anglais
et étrangers, de faire connaître à leurs nationaux qu'un
mariage contracté dans ces conditions n'est pas nécessai-
rement valide en dehors des possessions de Sa Majesté''.
Les mariages célébrés au dehors doivent être enregis-
trés aussitôt que possible en Angleterre.
101 his. — Ces règles ont subi quelques restrictions
à l'égard des unions contractées à l'étranger. La faculté
pour les sujets anglais d'opter, dans n'importe quel pays,
entre l'observalion des formalités locales, suivant larègle /o-
cus régit actum^ei l'invocation des privilèges de leur statut
personnel devant un agent diplomatique ou consulaire per-
mettait beaucoup d'abus. Certaines personnes allaient à
l'étranger pour échapperaux prohibitions de leur loi natio-
nale, tandis que d'autres, qui eussent dû se conformer
aux règles d'un pays où elles étaient depuis longtemps
fixées, se réclamaient subitement de leur consul pour béné-
ficier de quelque disposition clémente de la loi anglaise.
Pour les futurs époux de la première catégorie, le danger
a pu être conjuré par le simple fait de la jurisprudence
qui décide aujourd'hui qu'un mariage célébré suivaLit une
loi étrangère ne sera considéré comme légal en Angleterre
que s'il n'est contraire à aucune prohibition de la loi an-
2' Laurent, ouo. cit., IV, n»» 25i act de 1808 (St. 31 et 32, Vict., c.
et suiv. ; cpr. Consulat' mai-riagc Gl).
58 DES FORMALITÉS RELATIVES A LA CELEBRATION DU MAHIAGE'
glaise^^ C'est ainsi que deux conjoints verraient contester
en Angleterre la validité de leur mariage, s'il existait entre
eux un lien de parenté ou d'alliance qui fût un obstacle à
leur union dans leur propre pays".
Quant aux mariages célébrés devant les agents diplo-
matiques ou consulaires, le Foreign Marriage act de
1892^' les a assujettis à certaines formalités qui obligent le
citoyen anglais à respecter en pays étranger les principes
d'ordre public qui le lieraient dans la métropole.
Les formalités prescrites se ramènent aux règles sui-
vantes :
1° Une note précisant l'identité et les qualités des futurs
doit être remise, au moins 14 jours d'avance, à l'agent di-
plomatique ou consulaire dont relèvent les deux parties.
2° Cette note est transcrite sur un registre spécial, tout
comme les actes de publication dont elle tient lieu. Et il
suffit que l'un des parents au consentement duquel le
mariage est subordonné inscrive \e-mot for bidde?i en marge
de cette note, pour que l'agent qui fait fonction d'officier
de l'état civil ne puisse passer outre.
3° Avant même qu'aucun projet de mariage n'ait été
déclaré, un tiers quelconque, qui se croit fondé à s'opposer
à une union éventuelle, peut faire inscrire sur les registres
un caveat motivé. C'est le système de la prénotation dont on
retrouve divers exemples dans le droit anglais, notamment
en ce qui concerne l'immatriculation des droits réels.
4° En dehors des promesses matrimoniales proprement
dites, il est exigé des futurs, au moment de la célébration
du mariage, un triple serment, flsdoiventjurerd'abord qu'il
25 Jirooks c. Brooks, Q. H. L., Elphinstone, intitulé Notes on the
Cas., 194. English Lato of marriage {Law
26 Consulter sur ce point un quarterly Review,i%S'è,'ç>AkkQ\.
remarquable article de M. H. W. ^'' St. 55 et 56, Vict. c. 23.
DES F0RMA[.1TES RELATIVES A I.A CÉLÉBRATION DU MARIAGE 59
n'existe pas entre eux un lien de parenté ou d'alliance pro-
hibé ; ensuite que leur résidence à l'un et à l'autre est fixée,
depuis trois semaines au moins, dans le ressort adminis-
tratif de l'agent qui célèbre le mariage; enfin, que tous les
consentements requis ont été obtenus -^
Sous la réserve de ces formalités, le mariage peut être
célébré soit par l'agent diplomatique ou consulaire lui-même,
soit en présence de cet agent par toute antre personne, no-
tamment par un ministre du culte établi ou de n'importe
quel culte dissident.
Les différences qui existaient autrefois entre la célébra-
tion du mariage par un agent diplomatique et la célébra-
tion du mariage par un agent consulaire se trouvent ainsi
supprimée?.
101 ter. — En 1899, le Marriages validitij act (St. 62
et 63, Vict., c. 27) a supprimé la nullité de forme qui pou-
vait résulter, jusque-là. de ce que, dans l'hypothèse où
l'un des conjoints demeure en Angleterre et l'autre en
Irlande, la pubUcation des bans aurait été faite suivant
les règles du domicile d'un seul des conjoints, alors que le
mariage a été célébré au domicile de l'autre conjoint".
28 On voit que la loi anglaise le consul anglais reçoivent un pou-
n'exige qu'une condition de rési- voir qui ne serait pas reconnu à
dence très courte d'ailleurs, et l'agent étranger dont ressortit lau-
n'impose pas de condition de watio- tre conjoint.
nalité aux deux parties ; il suffit '-^Cf. la traduction du Marria-
quel'undesfuturs soit Anglaispour ges validity act, par M. Alcide
que l'agent britannique soit compé- Darras, dans V Annuaire de légis-
tent. C'est un trait d'impérialisme lation étrangère, t. XXIX, p. 21.
à noter puisque l'ambassadeur ou
W DE LA NQLLITE DU IVIAKIAGE
III
De la nullité du mariage
Sommaire : 102. Principe général. — 103. Vices de forme. — 104. Vices
intrinsèques. — 105. Impuissance ou stérilité. — 106. EtTets d'un ma-
riage annulé.
102. — La nullité du mariage peut être demandée à
raison d'un vice de forme ou parce que l'une des condi-
tions intrinsèques posées par la loi y fait défaut.
103. — Sont entachés de nullité les mariages célébrés :
1" en suite de déclarations fausses et faites de mauvaise
foi par les futurs conjoints^"; 2° sans publication préalable
des bans et sans dispense, lorsque l'omission a été inten-
tionnelle ; 3° dans une église, chapelle ou district autres que
ceux où les bans ont été publiés; 4° par un ministre ou
fonctionnaire incompétent, et, notamment, hors la pré-
sence du registrar dans les cas où elle est requise; 5° clan-
destinement et en dehors des heures légales (de huit heu-
res du matin à midi, que le mariage soit civil ou religieux).
La condition de résidence ne constitue, comme on l'a vu
plus haut, qu'un empêchement prohibitif^'.
104. — L'époux dont le consentement a été obtenu par
fraude ou par violence, ou par suite d'une erreur sur la
personne, peut demander la nullité du mariage. Mais le
mariage est définitivement validé si ledit époux consent à
continuer la vie commune après la cessation des causes
qui avaient vicié son consentement.
L'absence de consentement des parents n'est point une
cause d'annulation, à moins qu'ils n'aient formulé leur op-
position en délai utile et qu'il n'ait été passé outre.
•"" St. 4, Geo. IV, c. 76, § 22; 6 ^» St. 4, Geo. IV. c. 76, §§ 10 et
et 7, Guil. IV. c. 85, § 42 ; 19 et 20, 26 ; 6 et 7, Guil. IV, c. 85, § 25 ;
Vict., c. 119, § 2. 19 et 20, Vict., c. 119.
DE LA NLLLITÉ DU MARIAGE 61
Lorqiie l'un des conjoints ou tous les deux n'ont pas
l'âge légal, ils ont, au moment où ils y parviennent, Je
droit de se dédire (cpp. n° 83); leur silence équivaut à
une ratification et coupe court à toute demande ultérieure
eu nullité.
Sont nuls ab initio les mariages contractés entre per-
sonnes parentes ou alliées au degré prohibé. Celte nullité
ne saurait être couverte et peut être déclarée en justice
sur la demande des époux ou de tout intéressé^^ II en est
de même des mariages contractés par un aliéné ou par
une personne déjà engagée dans les liens d'une précédente
union.
105. — Enfin, l'impuissance du mari et la stérilité de la
femme, antérieures au mariage, sont également une cause
absolue de nullité. Si elles ne surviennent que pendant
le mariage, elles n'en altèrent point la vapdité. Cette cause
de nullité est de droit canonique; les traités de droit civil
ne la mentionnent point. L'annulation ne pouvait être pro-
noncée en droit canonique qu'après trois années de
cohabitation, à moins que l'impuissance ne résulte d'une
déformation organique de nature à ne laisser place à aucune
incertitude". Mais la juridiction civile actuellement com-
pétente est moins rigoureuse lorsque sa conviction résulte
d'autres indices"''.
106. — Contrairement à la loi française, le mariage
déclaré nul ne produirait, d'après les traditions des cours
ecclésiastiques", aucun effet ni en faveur de celui des
époux qui l'avait contracté de bonne foi, ni même en faveur
des enfants nés de cette union passagère. Les enfants sont
•'2 St. 5 t'A C, Guil. IV, c. 54. niai causes, G'édil., 1897. pp. 228,
33 Colfavru, ouvr. cité. p. 57. — 229.
Biowne and l'owles, Luc and 3' L. R.. 2 P. and D., 287.
Practice in Divorce and inatrimo- ••■; Co. Lilt., 235.
62 DU DIVORCE
considérés à partir de l'annulation comme des bâtards et
destitués, à ce titre, de tout droit découlant des liens de
famille. Mais la loi civile, telle qu'elle existe depuis le
Matrimo7iial causes Act de 1857^*, permet à la Cour
d'accorder une pension aux enfants dont les parents ont
vu annuler leur mariage".
CHAPITRE II
Du divorce et de la séparation de corps '.
1
Du divorce.
Sommaire : 107. Introduction historique. — 108. Principe de la loi ac-
tuelle. — 109. Juridictions compétentes. — 109 bis. Lois nouvelles de
1886 et 1895. — 110. Causes de divorce. — 110 bis. Etiets du lictnsing-
act de 1902, quant aux conjoints adonnés à .l'ivrognerie. — 111. Situa-
tion de la femme divorcée.
107. — Bien que l'Angleterre soit protestante depuis
plus de trois siècles, le divorce proprement dit [divorcium
a viiiculo matrimonii) ne s'y est introduit que tard et
lentement. Sous Henri VIII, une commission avait été
chargée d'en élaborer les règles et les consigna dans
l'acte connu sous le nom de Reformatio legum eccle-
siasticarum\ mais cet acte ne prit jamais force de loi,
ce qui n'empêcha pas, d'ailleurs, les cours ecclésias-
tiques de prononcer de temps en temps des divorces
dans des cas graves. En i.666, lord Ross, ayant obtenu
contre sa femme adultère une sentence de séparation
36 St. 20 et 21, Vict., c. 8.5, .§ 35. le divorce, p. 95 et suiv.; Hubert-
ST Cfr. Browne and Powles, loc. Valleroux, Mémoire présenté à la
cit., p. 303, et Stephen, 14» édit.. Société de Législation comparée^
t. II, p. 330. Bull., t. XI, p. 150.
1 Glasson, le Mariage civil et
DU DIVORCE 63
de corps {divorcium a mensâ et ihoro), présenta requête
au parlement pour obtenir l'autorisation de se remarier.
Cette autorisation lui fut accordée. Bientôt d'autres de-
mandes analogues parvinrent au parlement; et les mi-
nistres de l'Église anglicane ayant déclaré que le divorce
ne leur paraissait pas contraire aux lois de la religion,
une sorte de jurisprudence s'établit : le divorce était
accordé en cas d'adultère . Mais les frais de l'instance
montaient à un chiffre si élevé que les demandes ne
furent jamais très nombreuses; pendant tout le xviii®
siècle, le parlement ne prononça en moyenne qu'un di-
vorce par an, et 110 de 1800 àl8o0.
L'opinion publique finit par s'élever contre ces frais,
qui faisaient d'un remedium juris reconnu légitime le
privilège des riches. A la suite de plusieurs enquêtes,
dirigées en partie par lord Brougham, un bill fut pré-
senté à l'effet d'autoriser le divorce dans les conditions
déjà fixées par la jurisprudence et d'en simplifier la pro-
cédure : ce bill devint la loi du 28 août 1837 (St. 20 et
21,Vict.,c. 83).
108. — La loi de 18S7 admet parallèlement le divorce
proprement dit et la séparation de corps, l'ancien di-
vorce a metisn et tfioro. La procédure est la même,
quelle que soit la forme suivant laquelle les époux s'é-
taient mariés. La loi est faite pour l'Angleterre et le
pays de Galles, à l'exclusion de l'Irlande et de l'Écosse;
d'après la jurisprudence, le bénéfice peut en être invo-
qué pardes conjoints anglais même domiciliés à l'étranger,
et encore que les faits allégués se soient passés à l'étranger
ou que leur mariage ait été célébré hors d'Angleterre ■.
- Browne and Powles, loc. cit., p|i. 286 et s. ; Williams, Loîo o/" per-
pp.63et s.; Slephen, li'cdit., t. II. sonal property, 15« édit., p. 008.
64 DU l'IVOHi E
109. — La juriiliction compélenle élait, d'après la -loi
de 1857, un tribunal unique créé par elle et portant le
titre de cour des divorces et mariages {Court for divorce
and matrimonial causes). Depuis, cette cour a été fondue
avec six ou sept autres dans la Cour suprême de justice
(Suprême court of judicature), instituée par Vact de
1873, elles questions d'étal el de divorce ressorlissent
aujourd'hui à la cinquième chambre (Probate^ divorce and
admirait]] division) de la première section de cette Cour
suprême ^ Si la demande en divorce ou en séparation est
accueillie, la cour rend un premier arrêt provisoire [de-
cree nisi), que les créanciers du ménage, toute personne
intéressée et le Kinc/s proctor^ fonctionnaire créé en
1860 pour s'opposer à toute collusion frauduleuse entre
les époux *, ont pendant trois mois le droit d'attaquer et
de faire rapporter ; le King's proctor intervient notam-
ment lorsque les deux époux sont aussi coupables l'un que
l'autre et que leurs fautes respectives sont de nature à
faire priver le demandeur du bénéfice d'une sentence obte-
nue par une sorte de dol. Si le premier arrêt n'est point
mis à néant, il intervient ensuite, à l'expiration des trois
mois, un arrêt définitif [decree ahsohitc). De son côté,
chacun des époux a pendant un mois la faculté d'appeler
de la décision rendue sur la dennande en divorce ou en
nullité de mariage. Avant la loi du 27 août 1881 [Judicature
act 1881, St. 44 et 45, Vict., c. 68), la partie condamnée
pouvait surseoir à son appel tant que la sentence était
encore provisoire; le§ 10 de cette loi porte qu'à l'avenir le
» St. 30 et 37, Vict., c. 66, §34; • St. 23 et 24, Vict., c. 144.
cpr., sur l'orgaaisation judiciaire
actuelle, V 1 ntroduction du pré-
sent ouvrage.
DV DIVORCE 65
délai d'appel courra le jour même où le denrée nisi aura
été rendu.
D'après une loi du 27 mai 1878 (Si. 41, Vict., c. 19, §4),
toute cour ou même tout juge siégeant seul a, sans qu'il
«oit nécessaire de recourir à la Cour suprême, le droit
d'autoriser la femme, en cas de violences du mari [assault)^
à quitter le domicile conjugal, tout en lui attribuant une
pension et, dans quelques cas, la garde des enfants ^
109 bis. — Celte loi a été d'abord développée par le
Married Women Maintenance i?i case of désertion act de
1886® et finalement remplacée en même temps qu'abrogée
par le Summary Jurisdiction Married Women act de
1 895 ^ Celle loi nouvelle multiplie tout d'abord les cas dans
lesquels la femme pourra demander un domicile séparé.
Au cas de violences s'ajoutent désormais d'autres offenses
non moins pénibles à supporter que les coups, et qui sont :
la cruauté habituelle, l'abandon, le refus de pourvoir à
l'entretien de la femme ou de ses enfants en bas-àge.
Ensuite il est admis que, dans toutes ces hypothèses, la
femme pourra s'adresser à n'importe quelle i^ juridiction
sommaire », dans le ressort de laquelle se seront passés
les faits dont elle se plaint. Par « juridiction sommaire »
il faut entendre, pour la province, une assemblée d'au
moins deux Justices of Peace, et, pour la ville de Lon-
dres, soit un magistrat de la police métropolitaine, s'il
s'agit du ressort de la métropole, soit le Lord-Maire ou un
alderman, s'il s'agit de la Cité proprement dite.
« Voy. la traduction par M. Ba- ^ St. 49ef 50, Vicf., c. 52; trad.
binet, dans V. Annuaire de légis- et notice de M. Tli. Barclay, Ann.
lation étrangère, t. VIII, p. 45, de législ. l'trang., t. XVI, p. 70.
et la communication du mt'me '' St. 58 et 59. Vict., c. 39 ; notice
magistrat dans le liull., t. Vil, de M. G. D. \Vei\,Ann., t. XXV,
p. 546. p. ■^■
Leur. 5
€6 DU DIVORCE
La juridiction sommaire ainsi saisie statue sans jury, et
peut prendre en faveur de la femme les mesures suivantes,
soit séparément, soit cumulativement : 1° autoriser la femme
à ne plus cohabiter avec son mari; 2° donner la garde des
enfants de moins de seize ans à la femme; 3° condamner
le mari à une pension alimentaire, qui ne doit pas dépas-
ser deux livres sterling par semaine; 4° déclarer le mari
responsable des frais de cette instance sommaire.
Le droit accordé par cette loi à la juridiction sommaire
ne peut être exercé au profit de la femme s'il est prouvé
que celle-ci s'est rendue coupable d'adultère, à moins qu'il
n'y ait eu complicité ou contrainte du mari lui-même, ou
que celui-cin'ait réduit sa femme àl'inconduile par ses mau-
vais traitements. Même une fois prises, les mesures ci-dessus
indiquées doivent être rapportées si la femme jusque-là
vertueuse commet un adultère, ou si, tout au contraire, la
cohabitation se rétablit entre les époux désunis.
110. — Le divorce ne peut être prononcé que pour
une seule cause : l'adultère. S'il s'agit de la femme, le fait
en lui-même suffît. Il faut, au contraire, que l'adultère du
mari, pour être une cause de divorce, soit accompagné de
certaines circonstances aggravantes : bigamie, inceste,
rapt, vice contre nature, cruauté [gross cruelty), abandon
sans motifs pendant deux ans*. On désigne sous cette ex-
pression vague de cruauté les excès et sévices, et même tout
simplement le refus persistant par le mari du confort
auquel la femme a droit à raison de la situation sociale et
de la position de fortune du ménage. Des injures, même
violentes (???e?'e insults), ne constituent pas une cruauté;
mais on considérerait comme telle une menace de voie
« st. 20 et 21, Vict., c. 85, § 27.
DU DIVORCE 67
de fait proférée clans des circonstances de nature à faire
craindre que l'exécution ne suivît de près, ou une maladie
mentale pouvant conduire celui qui en est atteint à des
violences dangereuses pour l'autre conjoint.
Le motif allégué dans Tenquête de 1830 pour établir
une différence entre l'adultère du mari et celui de la
femme est que le seul adultère serait pour le mari un
moyen trop commode de recouvrer sa liberté en faisant
prononcer le divorce même contre lui, puisqu'il lui suf-
firait pour cela de prendre une maîtresse ; c'est déjà cette
considération qui avait fixé depuis deux siècles la juris-
prudence du parlement, dont la loi de 1857 n'a été à cet
égard que la confirmation.
Le mari qui demande le divorce en se fondant sur Ta-
dultère de sa femme, doit, à moins de raisons particu-
lières agréées par la cour, poursuivre en même temps le
complice; et la cour peut, soit condamner ce complice à
des dommages et intérêts et aux frais, soit le renvoyer
des fins de la plainte. Le mari ne serait pas admis à ré-
clamer de lui une indemnité par une action séparée, une
fois l'action pénale « abolie ». L'action en divorce pour
cause d'adultère n'est plus recevable lorsqu'il y a par-
don, connivence ou collusion, abandon, délaissement
volontaire, inconduite ou mauvais traitements'.
110 bis. — Les obligations résultant du mariage peu-
vent, sans que le lien conjugal soit rompu, se trouver judi-
ciairement modifiées à raison de l'indignité d'un des époux.
Ainsi le Licensing act de 1902'*' prévoit que lorsqu'un des
époux s'adonne habituellement à l'ivrognerie, son conjoint
3 St. 20 et 21, Vict., c. 85, §§ 28, >» St. 2, Edw. VI!, c. 28. § 5;
.30, :^, 34, ')'.); St. 2J et 22, Vict., trad. de M. J. Bertheau, Ann. de
c. 108, § 11. législ. éu-ang., t. XX.XII, p. 16.
68 DE LA SÉPARATION DE CORPS
peut demander à la justice de le dispenser du devoir de
cohabitation. Le mari peut être privé également des attri-
buts de la puissance paternelle, tout au moins du droit de
garde, et il peut être tenu de servir à sa femme une pen-
sion qui peut s'élever à 50 francs par semaine.
111. — La femme divorcée reprend, avec son nom de
famille antérieur, l'administration et la disposition de
ses biens, tout comme si elle était fille ou veuve.
II
De la séparation de corps Q'udicial séparation).
Sommaire: 112. Causes de séparation. — 113. Causes que la loi ne recon-
naîtrait point. — 114. Situation des époux séparés. — 115. Entretien
de la femme séparée. — 116. Séparation volontaire.
112. — La séparation de corps s'accorde dans quatre
cas : l'adultère, l'abandon sans motifs pendant deux ans
au moins, la cruauté, dans le sens indiqué plus haut, et
les crimes contre nature '^
113. — Si la loi a du tenir compte du fait que les diffé-
rends entre mari et femme ne peuvent souvent avoir
d'autre issue qu'une séparation, elle est loin pourtant
d'encourager cet état de choses ; aussi considère-t-on
comme entachées de nullité, d'une part, la clause insérée
dans un contrat de mariage pour pourvoir à l'éventualité
d'une séparation, et, d'autre part, la condition mise à
une donation faite à une femme mariée qu'elle en per-
drait le bénéfice si elle réintégrait le domicile conjugal ^^
Il en serait autrement d'un acte réglant les conditions
d'une séparation imminente; les tribunaux ne manque-
11 St. 20 et 21,Vict.,c. 85, § 16. Barn. etCres.,200; Wrenc.Brad-
^^Cocksedgec.Gocksedge,\.'i.^\xa.., hy, 2 De Ces et S., 49.
244; Hindley c. Westmeath, 6
DR LA SEPARATION DE CORPS 69
raient pas d'en faire respecter les stipulations, tant que
les époux ne se seraient pas réconciliés '^ L'une des
clauses ordinaires d'un semblable acte est un engage-
ment pris par l'un des amis de la femme de garantir
l'époux quant aux dettes qu'elle contracterait postérieu-
rement à la séparation.
114. — La femme séparée judiciairement est assimilée
à une feme sole., en matière de contrats, de délits ou de
quasi-délits : elle jouit de sa pleine capacité juridique en
ce qui concerne les biens qu'elle acquiert ou qui lui échoient
ultérieurement. Elle peut en disposer à son gré par
testament; si elle meurt intestat, ses héritiers les recueil-
lent comme si elle n'avait pas de mari. Elle est apte à ester j
en justice soit comme demanderesse soit comme défende-
resse.
A l'inverse, le mari ne répond plus des dettes de sa
femme; il est seulement tenu, s'il ue lui paye pas de pen-
sion, des objets nécessaires qu'elle a été dans le cas de se
procurer '*.
En ce qui concerne les pouvoirs appartenant aux deux
époux conjointement, la femme ne peut les exercer que de
concert avec lui''.
Si, plus tard, la femme réintègre le domicile conjugal,
tous les biens qu'elle possède à ce moment demeurent
affectés à son usage personnel {separate use), sauf les /
conventions faites par écrit entre elle et son époux durant
la séparation (§ 25).
115. — La justice anglaise s'est toujours préoccupée
d'assurer tout au moins l'existence de la femme, qui est
13 Jonesc. Wailc, A Man. etGr., i^ St. 20et 21, Vict.. c. 85, §§ 25
1104; Bateman c. Itoss, 1 Dow, et 2r).
235; Hulme c. ChilUj, 9 i^eav., 437. is 76., § 2('>.
70 DE LA SEPARATION DE CORPS
réputée moins capable que le mari de pourvoir elle-même
à ses besoins. Aussi la femme, même coupable, obtient-
elle souvent des tribunaux une somme une fois payée, ou
une pension alimentaire [alimony) dont le chiffre est,
d'ailleurs, susceptible de modifications ultérieures. Lor^-
qu'elle est innocente, il n'est pas rare que ce chiffre attei-
gne le tiers ou la moitié des revenus du mari '^
A un autre point de vue, les tribunaux ont, en vertu de la
loi de 1857 et de plusieurs lois postérieures, la faculté de
modifier les conventions matrimoniales faites au profit de
la femme et d'attribuer une partie de ses revenus aux en-
fants ou au mari, lorsque c'est l'adultère de la femme qui a
donné lieu au divorce ou à la séparation *\ Ils peuvent
également ordonner dans ce cas qu'une partie des biens de
la femme soient substitués [settled) au profit de l'époux
innocent ou des enfants issus du mariage '*.
116. — En cas de séparation volontaire, la femme ne
jouit d'aucune extension de capacité; elle demeure, à cet
égard, dans la même situation que si elle continuait à
vivre avec son mari. Par suite, si elle lui survit, elle n'est
liée par aucun acte de disposition de ses biens meubles,
postérieur à la séparation, si l'acte est de la nature de
ceux qu'en l'absence de séparation le mari n'aurait pu
faire qu'avec l'assistance de sa femme ''.
•6 Ib., §§ 24 et 32; Si. 29, Vict,, i9 Lord St. John c. Lady St.
C.32. Jo/iw,ll Ves., 531: Stamper cBar-
«■ St. 22 et 23, Vict., c. 61, § 5. ker, 5 Madd., 157.
»8St. 20 et 21, Vict., c. 85. § 45.
DE LA GARDE DES ENFANTS EN CAS DE SEPARATION 71
III
De la garde des enfants en cas de séparation
ou de divorce.
■boMMAiRE : 117. Pouvoirs du juge. — 118. Droits respectifs du père et de
la mère. — 119. Loi de 1873.
117. — Dans tout procès en séparation ou en divorce,
le juge a le droit, soit avant, soit après l'arrêt final, de
prescrire les mesures qu'il juge nécessaires quant à la
garde et à l'éducation des enfants, ou de les placer directe-
ment sous la protection de la division de Chancellerie de
la Haute Cour "^".
118. — En cas de séparation, la garde des enfants ap-
partient de droit au père: il est leur gardien naturel^'. On
n'admettait même pas autrefois qu'il pût se dérober à ce
devoir et faire valablement un arrangement pour remettre
les enfants à la mère'^ Mais, si sa conduite faisait craindre
qu'il ne sût s'acquitter de sa tâche qu'au détriment matériel
ou moral des enfants, il pourrait être exclu d'une fonction
qu'on le jugerait incapable de remplir convenablement".
Le St. 2 et 3, Vict., c. 54, aujourd'hui abrogé, donnait
seulement à la cour de Chancellerie la faculté, sur la re-
quête de la mère d'un enfant remis à la garde du père ou
d'un tuteur, d'autoriser ladite mère, soit à voir l'enfant dans
la mesure et sous telles conditions qui paraîtraient conve-
nables, soit même, si l'enfant avait moins de sept ans, à le
prendre auprès d'elle jusqu'à cet âge. La cour ne pouvait
accorder ces faveurs à une mère convaincue d'adultère.
20 St. 20 et 21, Vict., c. 85, § 35; et J.,62; Hope c. //opr, 22 Beav.,
22et 2:3, Vict.,c.61,§ 4. 351.
.1 n r if an t. .. H9\ ^^ Cruise c. IIanl>'r,2Bro. C. C,
-1 Lo. Litt., 88 b, n. (1/). ^^y,. ^^n^^i^y ^ ^^^ ^^ Beaufovl,
*- Vansiltart c , Vansittart, 4 K. 2 Russ., 1.
72 DES EFFETS DU MARIAGE QUANT A LA PERSONNE
' 119. — La matière a été réglée depuis par une loi du
24 avril 1873". D'après le § 1", la cour de Chancellerie,
sur la requête du next friend de la mère, peut ordonner
ou bien que la mère aura accès auprès de son enfant âgé
de moins de seize ans, ou même qu'elle pourra le prendre
auprès d'elle jusqu'à cet âge, sous telles conditions qu'il
plaira à la cour de poser et sauf le droit du père ou tuteur
de voir également l'enfant aux lieux et jours fixés par la
cour. La même loi porte (§ 2) qu'une convention contenue
dans un acte de séparation entre les père et mère ne doit
pas être considérée comme nulle uniquement parce qu'elle
tend à conférer à la mère la garde ou la surveillance des
enfants, la cour demeurant seulement maîtresse de n'en
pas tenir compte si elle estime que cet arrangement est
préjudiciable aux enfants.
Ces questions relèvent à présent de la division de Chan-
cellerie de la Haute-Cour, et la loi sur l'organisation judi-
ciaire de 1873 porte qu'elles doivent être essentiellement
résolues d'après les règles de l'équité (§ 23, al. 10).
CHAPITRE m
Des effets du mariage quant à la personue des époux.
Sommaire: 120. Principe de la matière; ancien droit; loi de 1882. —
121. Devoirs du mari. — 122. Témoignage en justice. — 123- Droits et
jjrérogatiTes du mari.
120. — Depuis les temps les plus anciens jusqu'au
dernier quart du xix" siècle, l'effet du mariage quant à la
personne des époux put se résumer en un seul mot : ab-
sorption de la personnalité de la femme par celle du mari,
avec toutes ses conséquences. La femme et le mari ne for-
2* Act to ainend the law as to the cuitody of infants, St. 36, Vict.,
c. 12.
DES EFFETS DU MARIAC E QUANT A LA PERSONNE 73
maient aux yeux de la loi qu'une seule et même personne ' ;
la femme ne vivait plus, en quelque sorte, que sous le cou-
vert de son mari; aussi, dans le vieux français des lois
anglaises du moyen âge, désignait-on la femme mariée
sous le nom de feniecovert, femina vira cooperta^ et son
état de dépendance sous le nom de covertiire.
On verra, dans la section suivante, quelles ont été les
conséquences de cette absorption de la femme au point de
vue de sa fortune, de ses gains, de ses rapports avec les
tiers, et comment, après avoir cherché à en atténuer pro-
gressivement les inconvénients, ona fîni,danslaIoidel882,
par adopter un système à peu près absolu de séparation de
biens, qui en est le contre-pied. Celte révolution aura tout
naturellement son contre-coup dans les relations person-
nelles des époux, puisqu'elle tend à assimiler, quant à ses
biens propres, la femme mariée aune femme qui ne le se-
rait point. Elle est encore trop récente pour qu'il soit aisé
d'en mesurer déjà exactement toute la portée. Mais, en
indiquant quel a été le droit jusqu'alors nous devons faire
d'expresses réserves en ce qui touche les modifications
résultant, par voie de conséquence indirecte, du Marrie d
Women's Property act en vigueur depuis le 1" janvier
1883(cpr. n°' 151 et suiv.).
D'après l'ancien droit, le mari ne peut rien donner direc-
tement à sa femme ni passer avec elle un contrat; car lui
donner, ce serait supposer qu'elle existe indépendamment
de lui, et traiter avec elle, ce serait traiter avec lui-même.
Aussi, en général, tout pacte fait entre eux avant le mariage
devient-il nul ou, pour mieux dire, s'éteint-il par confu-
sion, du jour où ils se marient' ; il n'en serait plus nécessai-
« Co. LiU., 112. ■■! Cro. Carol.,551.
74 DES EFFETS DU MARIAGE QUANT A LA PERSONNE
rement ainsi maintenant. D'autre part, la femme a tou-
jours pu être fondée de pouvoirs de son mari, car le man-
dat n'implique pas deux personnalités séparées, mais
seulement représentation de l'une des personnes par
l'autre^; et elle a aussi eu à toute époque la faculté de re-
cevoir un legs de son mari, la disposition ne devant pro-
duire son effet qu'après la cessation de la coverture *.
121. — Le mari est tenu de fournir àsa femme toutce
qui lui est nécessaire, comme il le fait pour lui-même. S'il
manque à ce devoir et que la femme contracte des dettes
pour pourvoir à ses besoins, le mari en est responsable, à
moins que sa femme ne l'ait abandonné pour aller vivre
avec un autre homme".
122. — Les époux ne peuvent être appelés, en justice, à
lémoignerl'unpourouconlrel'autreiétantréputésneformer
qu'une seule personne, ils ne sauraient 'déposer l'un pour
l'autre, quianemo in propriâ causa testis esse débet ^ ni
l'un contre l'autre, quia ncmo tenetur se ipsnmacciisare.
Il n'en serait autrement que dans le cas d'une violence
exercée par l'un des époux sur la personne de l'autre et fai-
sant l'objetd'une plainte de la part de la victime: les témoi-
gnages du plaignant etde l'accusé seraient indispensables ".
123. — Pendant des siècles, la suprématie du mari,
du baron^ sur sa femme s'est accusée par la faculté qu'il
avait de la soumettre à un châtiment domestique modéré et
par la protection spéciale dont il jouissait en matière cri-
minelle. Jusqu'aux dernières années du xviii^ siècle, si
le mari tuait sa femme, il n'encourait que la peine ordi-
3 Filzherbert, Natura brevium, « Salkeld, Rep., 118; Slrange,
■^7. Rep., 647.
6 Blackstone, Com»i.,éd. fr., II,
* Go. Lill., 112. 219, note 1.
DES EFFETS DU MARIAGE QUANT A LA PERSONNE To
naire de l'homicide, tandis que le meurtre du mari par la
femme était assimilé à une trahison. Quant au droit de cor-
rection, ce n'est aussi qu'à une époque récente qu'on Ta
contesté au mari et que la femme a pu obtenir que la paix
lui fût assurée par cautions de la part de son mari \ Du
temps de Blackstone, les cours de justice permettaient en-
core à un mari de tenir sa femme en charte privée, lors-
qu'elle menait une conduite licencieuse*.
^ Moore, Rep., 874 ; Fitzherbert, » Ed. fr., I[, 222; Strange, Rep.,
80; Keble, Rep., III, 433; Levinz, 478, 875.
Rep., Il, 128.
SECTION QUATRIÈME
DU MARIAGE CONSIDÉRÉ QUANT AUX BIENS
DES ÉPOUX.
INTRODUCTION HISTORIQUE.
Sommaire: 124. Common law; douaire. — 125. Régime fondé sur Vcquity.
— 126. Premières tentatives de réforme législative. — 127. Loi de 1870.
— 128. Loi de 1882; sa portée et ses limites.
124. — Jusqu'à une époque récente, les femmes mariées
étaient dépourvues de tout droit, de toute protection quant
à leurs biens. La législation, de l'aveu de lord Cairns lui-
même', était très en arrière de la plupart des législations
européennes.
D'après le common law^ la femme mariée n'avait pas
d'existence distincte: la personnalité juridique du mari,
ainsi qu'on l'a vu plus haut, absorbait complètement celle
de sa femme. Il en résultait que la femme mariée ne pouvait
ni tester, ni contracter, ni ester en justice; les délits mêmes
qu'elle commettait en présence de son mari étaient impu-
tables à ce dernier. Ses biens meubles [personal j^roperty)^
le produit de son travail devenaient la propriété du mari;
• Discours à la Chambre des sérée dans le même Bull, et YAn-
Lords, r/mes du 22 juin 1870. Nous nuaire, t. XII, et publiée à part
avons consulté avec fruit, sur ce sous le titre de: Émancipation,
sujet, une notice de M. Ribot dans contractuelle de la femme mariée
le Bulletin de lègii<l. comp., 1871, en Angleterre (in-S", Paris, Pe-
p. 6 et suiv., et une étude de M. done-Lauriel, 1883).
Th. Barclay sur la loi de 1882, in-
DU MARIAC.E CONSIDÉIŒ QUANT AUX BIENS DES ÉPOUX 77
il n'avait aucun compte à en rendre lors de la dissolution
du mariage. Sans doute, les immeubles continuaient à ap-
partenir à la femme; le mari ne pouvait les aliéner, même
avec le concours de sa femme; mais il en avait l'adminis-
tration et la jouissance personnelle.
Au moment où s'est formé ce droit si peu équitable,
la fortune mobilière n'avait encore, il faut le recon-
naître, qu'une minime importance et le travail de la
femme était à peu près improductif. D'ailleurs, en échange
de ce qu'elle apportait au mari, la femme, si elle lui
survivait, avait droit, à titre de douaire [dower], au tiers
des biens par lui délaissés. Ce douaire était garanti
contre les libéralités entre-vifs ou testamentaires du
mari par une sorte d'inaliénabilité au profit de la femme.
Dans le droit moderne, le douaire a presque disparu; le
St. 3 et 4, Guil. IV, c. lOo, a permis au mari d'en en-
lever le bénéfice à sa femme soit par une aliénation des
biens, soit par une simple déclaration écrite.
125. — Pour les classes riches ou aisées, ce système
avait été remplacé depuis longtemps par un régime dif-
férent, fondé sur Vequity. A l'aide de divers expédients,
notamment par l'intervention de trustées^ la cour de
Chancellerie était parvenue à créer en faveur de la
femme mariée une situation plus indépendante, à lui
conserver la propriété de tous ses biens meubles ou im-
meubles, à lui permettre d'en toucher les revenus et d'en
disposer comme si elle n'était pas mariée. Mais le vieux
droit avait continué de s'appliquer dans toute sa rigueur
aux femmes qui ne possédaient point de capitaux pro-
prement dits et qui auraient eu besoin d'être protégées
surtout dans la jouissance de leurs gains et de leurs sa-
laires; or c'était de beaucoup le plus grand nombre.
78 DU MARIAGE CONSIDERE QUANT AUX BIENS DES EPOUX
126. — L'opinion publique finit par s'émouvoir de
l'inégalité que la loi faisait peser sur les femmes mariées
appartenant aux classes pauvres. Une première tenta-
tive, faite en 1856, aboutit seulement à l'insertion dans
le Divorce act 18.57 (St. 20 et 2\, Vict., c. 85; d'une
clause permettant à la femme abandonnée par son mari
d'obtenir du juge une ordonnance à l'effet de rester
seule maîtresse des biens qu'elle pourrait gagner ou
acquérir depuis le départ du mari: la séparation de
biens judiciaire n'est pas connue en Angleterre indé-
pendamment de la séparation de corps. Hormis le cas
d'abandon, le mari restait libre de dissiper tout l'avoir
du ménage; et la femme, dépourvue de toute action
contre son mari pour le forcer de contribuer aux dé-
penses les plus indispensables, n'avait d'autre ressource
que de se faire inscrire sur le registre des pauvres delà
paroisse. La paroisse donnait alors à la femme de quoi
ne pas mourir de faim et recourait contre le mari.
127. — VactAw 9 août 4870 (St. 33 et 34, Vict., c. 93}
remédia partiellement à la situation en établissant à
certains égards, entre les époux, un régime analogue
à celui de la séparation de biens contractuelle du droit
français. Seulement, au lieu d'avoir à contribuer aux
charges du ménage jusqu'à concurrence du tiers de ses
revenus, la femme anglaise ne fut tenue que d'indemni-
ser la paroisse des dépenses faites par celle-ci pour
l'entretien du mari et des enfants. La nouvelle loi ne
toucha pas à l'incapacité générale de contracter qui pe-
sait de vieille date sur la femme mariée : elle ne put
pas davantage exercer un commerce distinct, entrer
dans une association, ou traiter soit avec son mari soit
avec des tiers. Mais elle fut admise à ester en justice re-
DU MARIAGE CONSIDÉRÉ QUANT AUX BIENS DES ÉPOUX 79
lativement aux sommes ou valeurs dont la loi lui recon-
nut la propriété séparée.
128. — Après uneexpérience de douze ans, on jugea que
la législation libérale inaugurée en 1870 et confirmée une
première fois en 1874 constituait un véritable progrès sur
l'ancien état des choses. Résolu à accepter avec toutes ses
conséquences le principe d'émancipation contenu en germe
dans ces deux lois, le parlement se décida à les abroger
pour les remplacer par une loi plus large encore et plus
complète. Cette loi nouvelle, promulguée le 10 août 1882
(St. 45 et 46, Vict,, c. 75), a bouleversé de fond en comble
le vieux droit anglais sur la matière et, après de longs
siècles d'annihilation complète, a donné à la femme mariée
uneindépendance dont elle est encore loin de jouir dans la
plupart des autres Etats de l'Europe. La femme mariée peut
désormais acquérir, aliéner, contracter, ester en justice,
quant à ses biens séparés, tout comme si elle n'était
pas mariée; elle échappe complètement à cet égard à
l'autorité maritale et subit, en revanche, toutes les respon-
sabilités qui pèsent sur nne personne jouissant de sa
pleine capacité juridique.
Mais il ne faut pas perdre de vue que la grande réforme
opérée par les lois de 1870 et de 1882 a consistée donner
à certains des biens de la femme mariée le caractère de
« propriété séparée » et à lui conférer sur ces biens-là les
droits les plus étendus. L'ancien droit est resté en vigueur
pour les biens appartenant à la femme mariée qui n'ont
pas ce caractère spécial; nous avons donc à l'exposer en-
core, sous la réserve des modifications partielles qu'il vient
de subir.
«0 DES DROITS ET OBLKJATIONS DES ÉPOUX EN DROIT COMMUN
CHAPITRE I
Des droits et obligations des époux pendant le mariage
d'après le droit commun.
Sommaire: 129. Absorption de la persounalité de la femme parcelle du
mari; ses conséquences. — 130. Droits du mari sur les immeubles de
la femme. — 131. Aliénation d'immeubles par le mari et la femme
conjointement. — 132. Incapacité de la femme seule, sauf certains cas
spéciaux. — 133. Droits du mari sur les chattels real de la femme. —
134. Droits du mari sur les biens meubles proprement dits. — 135.
Obligations corrélatives; mandat tacite. — 136. Actes de la femme faits
en fraude des droits du mari. — 137. Actions en justice. — 138. Tes-
tament.
129. — En principe, dans le droit anglais, le mariage
a pour effet de confondre le mari et la femme en une seule
personnalité juridique; ou, pour mieux dire, tant que
dure la coverture, la personnalité de la femme se fond
dans celle du mari, ce qui conduit parfois à de singulières
conséquences. Ainsi, lorsqu'un bien est donné conjointe-
ment à deux époux et à un tiers, les deux époux, Décomp-
tant que pour un, ne prennent ensemble que la moitié au
lieu d'avoir droit chacun à un tiers'. Ainsi encore, lorsqu'un
bien est donné conjointement à deux époux et à leurs hé-
ritiers, au lieu qu'ils aient, comme des, joi?it tejiwits ord'i-
naires, le droit de disposer chacun d'une moitié indivise,
le mari dispose seul pendant le mariage de la totalité des
revenus et ne peut aliéner aucune parcelle du fonds sans
le concours de sa femme; sauf le cas d'une aliénation faite
d'un commun accord, chacun des époux court le risque
d'acquérir la propriété de l'ensemble s'il survit à l'autre,
ou de perdre le tout s'il meurt le premier ". Enfin, des
1 Gordon c. Whieldon, 11 Beav., ^ Doe, dit Freestone, c. Parratt,
170;«eW'i/Zde,2deG.,M.etG.,724. 5 T. Rep., 652.
OES DROITS ET OBLUiATIONS DES ÉPOUX EN DROIT COMMUN 81
époux ne peuvent se transférer une propriété l'un à l'autre
car ils sont réputés ne constituer qu'une seule et même
personne, et l'on ne peut se transférer un bien à soi-même ;
mais le mari a la faculté de léguer un bien à sa femme,
attendu que la disposition ne doit produire son effet
■qu'après la dissolution du mariage et, par conséquent, après
la disjonction de leurs personnalités ^
130. — De ce que le mari et la femme ne font qu'un,
il résulte, en ce qui concerne les immeubles de la femme,
■que le mari en a l'administration et la jouissance person-
nelle, à moins que, suivant un tempérament introduit par
la cour de Chancellerie et sur lequel nous reviendrons plus
bas, ces immeubles n'aient été confiés à des truf^tees^ pour
les revenus en être affectés à l'usage exclusif de la femme.
Eu vertu du Settled Estâtes act de 1877 \ qui n'a fait
d'ailleurs que confirmer sous de légères modifications un
principe posé dès le règne de Henri VIII % toute personne
ayant la possession ou k jouissance d'un bien non substi-
tué [unspAtled), comme tenant hy the citrtesy ou du chef
de la femme qui en est légalement investie, a le droit de
donner ce bien à bail, à l'exception de la maison principale
et de ses dépendances, pour une période ne dépassantpas
vingt et un ans en Angleterre ou trente-cinq ans en Irlande,
sous les mêmes restrictions imposées en pareil cas à un
tenant for lif'e (§ 46). Tout bail de cette espèce est oppo-
sable à la femme et à ses ayants-cause (§ 47).
D'après le St. 6, Anne, c. 18, !5 5, lorsqu'un mari, pos-
sédant des immeubles uniquement du chef de sa femme,
continue à les détenir après l'expiration de son droit de
jouissance contre le gré des personnes à qui les biens
3 Littleton, renwr^s, 1G8. Ann.de léginl. èlrang., VII, p. 9.
* St. 40 et 41, Vict., c. 18 ; cpi\ * .St. 32, Hem-. VIII, c. 28.
Lfur a
82 DES DROITS ET OBLIGATIONS DES EPOUX EN DROIT COMMUN
devaient alors échoir, il est considéré comme un possesseur
de mauvaise foi (trespasser) et tenu, lui ou ses ayants-
cause, de dommages et intérêts jusqu'à concurrence du
profit qu'il en a indûment retiré.
131. — En dehors du cas où des immeubles ont été
constitués en trust pour l'usage séparé de la femme et
sous clause d'inaliénabilité, le mari et la femme peu-
vent faire conjointement, quant aux immeubles decelle-ci,
tout acte de disposition qui serait loisible à une femme
non mariée. Il faut seulement que la femme reconnaisse
l'acte soit devant un juge de l'une des cours supérieures
ou d'une cour de comté, soit devant un master in chan-
cery ou deux commissaires, lesquels, avant de recevoir
sa déclaration, s'assurent, en l'interrogeant hors la pré-
sence de son mari, qu'elle se rend compte de la portée
de l'acte projeté et qu'elle s'y est prêtée librement et
volontairement ^.
132. — Sans l'assistance du mari, la femme ne peut ni
aliéner ni mortgager ses immeubles, à moins qu'elle n'ait
reçu un power of appointment, — en vertu duquel elle
est alors libre de disposer, à elle seule, de tout ou partie
de ses biens, en faveur de son mari aussi bien que
d'un étranger, — ou à moins que le mari ne soit atteint
d'aliénation mentale, ou transporté au delà des mers, ou
qu'il ne l'ait abandonnée et ne vive loin d'elle. Encore,
pour que, dans ces cas spéciaux, les actes consentis par la
femme soient opposables au mari, faut-il, de la part de la
femme, une reconnaissance en justice ou devant des com-
missaires délégués par le chef de la cour des Plaids com-
muns, analogue à celle dont il est question au numéro
6 St. 8 et 9, Vict., c. 106, § 7; suiv. ; 19 et 20, Vict., c. 108, § 73.
3 et 4, Guil. IV, c. 74, §§ 79 et
DES DROITS ET OBLIGATIONS DES EPOUX EN DROIT CfiMMUN 83
précédent. A défaut de reconnaissance, l'acte est nul at
law et il le serait même en eqiiiiy, à moins qu'il ne se
réfère aux biens que la femme s'est réservés [separate
estate) \
133. — Le mari peut aliéner entre-vifs les chatlels real
de sa femme; mais il n'a pas le droit d'en disposer par tes-
tament. S'il survit à sa femme, ils deviennent absolument
siens; s'il meurt le premier, la femme les reprend pour au-
tant qu'il n'en a pas disposé entre vifs*.
134. — En ce qui concerne les biens meubles propre-
ment dits, l'ancienne législation anglaise a été profondément
modifiée, d'abord par la jurisprudence des cours d'équité,
puis par les trois importantes lois connues sous le nom de
Married Wornens Propertij acfs de 1870, de 1874 et de
1882. Nous exposerons plus loin le régime issu de cette
jurisprudence et de ces lois. En droit commun, le mari de-
venait par le fait même du mariage propriétaire de tout le
mobilier présent et futur de la femme, ainsi que du produit
de son travail. Il pouvait en disposer librement entre vifs
ou par testament, et, s'il mourait intestat, la femme ne pou-
vait pas plus prétendre à une portion desdits biens qu'à
toute autre partie de la fortune propre du mari. Telle était
du moins la situation quant aux choses in possession de la
femme. Relativement aux choses in action, c'est-à-dire uux
choses que la femme avait le droit de réclamer en justice,
les prérogatives du mari étaient différentes suivant que
l'action ressortissait à un tribunal ordinaire ou à une cour
d'équité {légal ou équitable choses in action). Les le(fal
choses in action comprennent notamment les créances de
la femme, quelle que soit la nature du titre qui les constate.
■J St. 3 et 4, Guil. IV, c.74, §§ 40, » Milford c. Milford, y Ves.,87;
79 et suiv.; 1« et 19, Vict., c. 75. cpr. Paterson, Comp., n» 884.
84 DES DROITS ET OBLIGATIOx\S DES ÉPOUX EX DROIT COMMUN
Le mari avait le droit d'en recevoir le payement; si le dé-
biteur refusait de s'acquitter, le mari pouvait, conjointe-
ment avec sa femme, l'actionner en justice. Il avait le droit
d'endosser seul les lettres de change et billets à ordre ap-
partenant à sa femme et d'en toucher le montant. Mais le
droit du mari à une chose in action ne durait pas plus
longtemps que le mariage lui-même: en d'autres termes,
le mari devenait propriétaire delà chose s'il parvenait à la
recouvrer pendant le mariage ; mais, s'il mourait sans avoir
obtenu soit le payement soit un jugement de condamnation ,
la femme survivante reprenait un droit exclusif à la chose
non encore recouvrée; et si, au contraire, la femme mourait
la première, la chose était comprise dans son personal
estate, et le mari ne pouvait en poursuivre le recouvrement
qu'autant qu'il se trouvait être l'administrateur de cet
estate.
135. — Le corollaire des droits fort étendus accordés
au mari sur la fortune mobilière de sa femme était une
responsabilité absolue quant aux dettes de la femme anté-
rieures ou postérieures au mariage. Seulement, relative-
ment aux premières, si le créancier, après avoir obtenu un
jugement, négligeait de le faire exécuter durant le mariage,
le mari cessait d'être tenu de ces dettes autrement que sur
les assets auxquels il avait droit comme administrateur de
la succession de sa femme ; et, en cas de survie de la femme,
c'est elle seule qui pouvait être recherchée de ce chef (cpr.
nM50).
Après le mariage, la femme, ayant perdu toute person-
nalité distincte et toute capacité de contracter, ne pouvait
en général faire des dettes, à moins qu'elle ne fût séparée
ou que son mari ne fût atteint d'aliénation mentale. Mais
elle obligeait indirectement le mari par les engagements
DES DROITS ET ORLICATIONS DES EPOUX EN DROIT COMMUN 85
qu'elle prenait en verlu de son mandat tacite, à raison
d'acquisitions indispensables à son entretien ou à la tenue
de son ménage; la nouvelle législation ne paraît pas avoir
modifié ce principe, qui est le corollaire de l'obligation
pour le mari de pourvoir à l'entretien de sa femme et de
ses enfants. Il a même été jugé que, bien qu'il s'agisse
d'objets non absolument nécessaires, si le mari a eu con-
naissance des achats ou les a confirmés en autorisant sa
femme à se servir des objets achetés, il est tenu de les
payer*. Il n'a aucun moyen légal de révoquer le mandat
tacite et d'éviter de devoir payer les marchandises livrées
par un marchand de bonne foi ; un avis général, publié dans
les journaux ou autrement, ne le déchargerait pas de sa
responsabilité; mais il en serait autrement d'un avertis-
sement personnel donné à tel négociant en particulier'".
136. — Le fait que le mariage met les dettes antérieu-
res de la femme à la charge du mari impose à celle-ci l'o-
bligation de ne pas priver après coup son époux de tout
ou partie des biens qui devaient en faire le contrepoids.
Ainsi, serait nul, comme fait en fraude des droits du mari,
l'acte par lequel une femme, après ses fiançailles et avant
la célébration du mariage, disposerait, autrement que for
valuable considera.ùo7i, de l'un de ses biens à l'insu et
sans le consentement de son futur conjoint, encore que
celui-ci ignorât en fait qu'elle possédait le bien en ques-
tion ". Le mari aurait droit à récompense dans ce cas
et, de même, dans celui où la femme cèlerait des biens qui
devraient échoir au mari '^
» Seaton c. Benedict, ô Bing., " Strathnwre c. Boivrs, 1 Ves.
28; Petttj c. Anderson, 3 Bing., jr.,22; 28; England c. Doivns, 2
110; Montayite c. Benedict, 'SHarn. Beav., 522; Goddard c. Snoiv, 1
et Cre-s., 631, 638. Russ , 485.
'" Paterson, Comp., n» 898. •■^ Taylorc. Pu(jh, 1 Hare, 608.
86 DES DH01T3 ET OBLIGATIONS DES ÉPOUX EN DROIT COMMUN
137. — La femme mariée ne peut ester en justice, sans
l'assistance de son mari. Au contraire, dans une série de
cas, le mari peut ester en justice sans la femme relative-
ment à des prétentions qui la concernent. Toutefois, il est
nécessaire qu'elle intervienne au procès, quand il s'agit
de contrats faits par elle dtim sola ou de la réparation de
dommages causés à sa personne.
138. — Le mari a la faculté de renoncer au droit qui
lui compéte en cas de survie sur le personal estata de sa
femme, en l'autorisant à disposer par testament de tout on
partie de cet estate. Mais il lui est loisible de retirer
cette autorisation du vivant de son épouse, et même après
son décès, tant que le testament n'a pas été homologué ^^
En principe, la femme mariée ne peut pas disposer de ses
immeubles par acte de dernière volonté **.
Toutefois, le testament fait par la femme antérieurement
au décès de son mari et, par là même, entaché de nullité,
peut être validé par une confirmation postérieure à ce
décès.
En matière de separale estate, la femme est libre de
disposer par testament de ses meubles; mais elle ne
peut disposer de ses immeubles qu'entre vifs et par
deed'\
Depuis la loi de 1837 '"^j le mariage est par lui-même
une cause de révocation de tout testament fait anté-
rieurement par l'un ou l'autre des conjoints, à moins
que le testament n'ait été fait en vertu d'un power of
appointment spécial et ne porte sur des biens dont, à
défaut de dispositions expresses, la propriété ne passe-
rait pas à l'héritier le plus proche du testateur.
*3 Roper, Laio of husband and 10 Williams, Exec, 45.
wife, I, 166. 170. le St. 1. Vict., c. 26, § 18.
1' St. 1, Vict., c. 26, § 8.
DES DROITS Eï OBLIGATIONS DES ÉPOUX D'APRÈS LES LOIS 87
CHAPITRE II
Des droits et obligations des époux pendant
le mariage, d après les principes de l'equily et les lois
de 1870, 1874, 1882 et 1893.
INTRODUCTION.
139. — Il n'est pas de matière où les principes de
Veqinly s'écartent plus sensiblement des règles du droit
commun. At iaiv, ainsi qu'on vient de le voir, le mari
a, pendant toute la durée du mariage, la jouissance des
immeubles de sa femme; il devient, jure mariti, pro-
priétaire absolu des chattels personal in possession et,
pour autant qu'il les recouvre durante matrimonio^ des
choses in action de sa femme; il a, entre vifs, la faculté
de disposer également des chattels real légaux de sa
femme, c'est-à-dire de ses leaseholds, sans avoir à ré-
server en faveur de celle-ci aucun droit de retour; seu-
lement, s'il ne les a pas aliénés entre vifs, la femme
les reprend, une fois veuve, tout comme les choses in
action non recouvrées. Ces droits fort étendus, confé-
rés au mari sur les biens et revenus de sa femme, ont
pour corollaire nécessaire l'obligation de pourvoir à son
entretien. Mais les tribunaux ordinaires, très prompts à
garantir les droits du mari, laissaient la femme à peu
près sans secours lorsque le mari manquait à ses obli-
gation envers elle ou tombait en faillite ou en décon-
fiture, et quelque considérable que fût parfois la fortune
acquise par le mari du chef de sa femme.
Les cours d'équité se préoccupèrent de cet état de
choses; et, grâce à leur active intervention en faveur
des femmes mariées, a surgi toute une doctrine fondée
88 DU SEPABATE ESTATE DE LA Ft.MME
sur la justice et absolument contraire aux principes du
vieux commoji law. Cette doctrine a été peu à peu re-
connue si rationnelle, si soucieuse de tous les intérêts
à concilier, si conforme aux exigences de la société mo-
derne, qu'elle a fini par recevoir la sanction du législateur.
Les quatre mémorables lois de 1870, de 1874, de 1882 et
de 1893 {Married Women's Properly acts), qui ont mis
les femmes mariées à même d'avoir des biens meubles en
propre et de défendre leur propriété devant les tribu-
naux ordinaires, ne sont que la confirmation et le déve-
loppement de la jurisprudence dès longtemps adoptée
par la cour de Chancellerie,
I
Du separate estate ou des propres de la femme.
Sommaire : 1. Jurisprudence des cours d'équité: 140. Principe de Vequity
en cette matière; fondement du separate estate. — 141. Un trustée est-
il nécessaire ? — 142. Droits de la femme sur ses propres. — 143.
Situation du mari. — 144. Droits des créanciers de la femme sur ses
propres. — 145. Précautions contre les abus d influence du mari. —
2. Lois de 1810 et 1874 : 146. Résultats généraux. — 147. Loi de 1870 ;
gains de la femme. — 148. Placements. — 149. Assurances. — 150.
Dettes delà femme ; responsabilité du mari ; loi de 1874. — 3. Loi de
1882 : 151. But de la loi. — 152. Définition des propres. — 153. Droits
de la femme sur ses propres. — 154. Droit de la femme de s'obliger
par contrat ; ses conséquences. — 155. Assurances. — 156. Délies de
la femme ; — systèmes actuellement en vigueur. — 157. Actions-
compétant à la femme. — 158. Placement fait par la femme des de-
niers du mari. — 159. Deniers confiés par la femme au mari. — 160.
Obligations de la femme quaut à lentretieu du mari et des enfants.
— 161. Résumé. — 4. Loi de 1893 : 161 bis.
1. — Jurisprudence des cours d'équité.
140. — Le principe fondamental de la doctrine de
Vegi/iti/, par opposition à celle du common law, est que
/
DU SEPAIi.lTE ESTATE DE LA FEMME 89
la femme, au lieu d'être dépourvue de tout bien et con-
fondue dans la personnalité juridique du mari, peut pos-
séder un separatr estate, c'est-à-dire des biens propres,
sur lesquels elle conserve des pouvoirs plus ou moins
étendus et indépendants de l'autorité maritale.
Ce separate estate peut être constitué de différentes
manières et provenir de sources diverses. Ainsi, il peut
avoir pour fondement:
1° Une convention écrite passée à cet effet, avant le
mariage, entre la femme et son futur conjoint, ladite con-
vention érigeant en propres de la femme des biens prove-
nant soit d'elle-même, soit du futur époux, soit de tiers
donateurs ' ;
2° Un arrangement conclu avec le mari, postérieure-
ment au mariage, dans diverses hypothèses spéciales^;
ou, en cas d'abandon de la femme par le mari, un ordre
de protection de ses biens obtenu par la femme contre son
mari et les créanciers du mari; une fois séparée judiciai-
rement, la femme est réputée feme sole quant à sa for-
tune, et elle en garde l'usage séparé, encore que plus tard
les époux se rejoignent' ;
3° Des donations faites par le mari à la femme en pleine
propriété et non pas seulement en usufruit pour orner sa
personne*;
4° Une donation faite directement et exclusivement à la
femme par un étranger, pendant le mariage "*;
1 Simmonsc. iSimmonx, Gllare, Rudgc c. Weedon, 4 De G. et Jo.,
352 ; TullettcAntistrong, IBeav., 216, ZZi.
21. * Grahain c. Londonderry , 3
î Jladdonc. Fladgate, 1 Swab. Atk., 393; Grant c. Granl, 13 W.
et Tr., 48 ; Pride c. Bubb, L. R.. R., 1057 ; Mews c. Mews, 15
7 Ch. App., 6'i ; Ashicorth c. Ou- Heav., 529.
tram^ L. R., 5 Ch. Div., 92.3. '^ Graham c. Londonderry, 3
3 St. 20 et 21, Vict., c. 85, S?§ 21 Atk., 393.
et 25 ; 21 et 22, Vict., c. 108, § 8 ;
90 DU SEPARATE ESTAT E DE LA FEMME
5° Le fonds de commerce de la femme, si elle exerce le
commerce indépendamment de son mari^;
6° Une clause testamentaire qui donne expressément le
caractère de propres aux biens légués à la femme avant ou
pendant le mariage.
141. — On a cru pendant assez longtemps que, dans
tous les cas où la femme prétendait à un sepaj^ate estate, il
fallait que des trustées en fussent investis pour son compte
et se chargeassent de la défense de ses droits. Il n'en
est plus ainsi de notre temps; du moment que l'intention
de constituer un separate estate au profil de la femme est
nettement établie, la femme doit être protégée, nonob-
stant l'absence des /r^^s/ie^.S', contre le mari et ses créanciers,
dans le paisible exercice de tous les droits découlant pour
elle de cette situation \ Si le mari est nanti des biens, il
est réputé n'être lui-même que le trustée de sa femme*.
La constitution d'un separate estate n'est d'ailleurs subor-
donnée à l'emploi d'aucune formule sacramentelle ^
142. — Relativement à ses propres, la femme ma-
riéejouit de tous les droits, de toute l'indépendence d'une
femme non mariée^". Elle peut disposer de ses meubles
sans le consentement de son mari, entre vifs ou par tes-
tament ". Quant aux immeubles, elle a sur un life estate
les mêmes droits qu'une femesole ; les aliénations ou morts-
gages par elle consentis ont toujours été validés par la
cour *- ; en matière de fiefs simples, elle ne saurait disposer
du légal estate sans le concours du mari ou du trustée
6 Ex parte Sheppherd, in re •* Wagstaft c. Smith, 9 Ves.,
Sheppherd, 10 Ch. Di v., 573. 520; Fettiplace c Gorges, 3 Bro. G.
' Newlands c. Paynier, 4 My. C, 8
el Cr., 408. 12 Stead c. Nelson, 2 Beav., 245;
8 Parker c. Brooke, 9 Ves., 583. Major c. Lansley,2 Russ. et My.,
9 Cpr. SiielL, Eq., p. 349. 357.
'" Peacock c. Monh, 2 Ves., 190.
DU SEPAliATI-: ESTATE \>K LA FI^IMME 'Jl
qui en était investi, mais elle dispose de Vequitable es-
tate entre vifs ou par testament, qu'il y ait ou non des
trustées *'.
Si elle réalise des économies sur ses propres, ces écono-
mies lui appartiennent comme le fonds dont elles provien-
nent'*.
143. — La femme mariée qui jouit d'un separate es-
tate peut charger son mari d'en percevoir les revenus ;
mais, une fois qu'elle lui a conféré ce pouvoir, elle n'est
plus libre de le lui retirer '% et, pour autant que le mari a
à lui faire état de ce qu'il perçoit de ce chef, il ne peut être
recherché pour plus d'une année de revenus'". Elle n'a la
faculté de disposer, au profit de son mari, du fonds même
du separate estate qu'autant qu'il ne lui est pas interdit
d'anticiper sur ses revenus (cpr. n°14o, ci-dessous).
Si elle meurt sans avoir disposé de son estate, le mari
recueille, ywre m«;'^7^, le numéraire, le mobilier et, en gé-
néral, tous les chattels personnels ou réels '^•
144. — Bien que les cours d'équité eussent assimilé de
bonne heure à une feme sole la feme coverte qui a un
separate eslate^ elles ont longtemps refusé de lui recon-
naître la capacitéde contracter des dettes susceptibles d'être
recouvrées sur cet estale. On a fini cependant par être
frappé de ce qu'il y a d'inique à l'égard des créanciers à
soustraire à leur poursuite des biens que la femme peut
aliéner volontairement, et l'on a admis d'abord qu'el'e
oblige son estale lorsqu'elle s'est engagée par un acte
13 Tai/lor c. Meads, 3i, L. .1. "6 Lewin, Trusts, 549; Darkin
Gh., 203. c. Darkin, 17 Beav., 578.
<» Gore c. Knight, 2 Vern., 535. n Co. Litt.. 46 b \ Molony c.
'B Galon c. liideout, 1 Mac. ft Kenedij, iDSim., 254.
G., 601 ; Dixon c. Dixon. 9 Ch .
Div., 587.
92 D\] SEPARAI E ESTATE DE LA FEMME
scellé '*. Puis on a mis sur la même ligne que les obliga-
tions par decd les obligations par effets de change ou par
n'importe quel acte écrit '^ Ce n'est qu'après de longs dé-
bats qu'on a assimilé à ces engagements plus solennels les
engagements purement verbaux ou par simple contract'^^.
Aujourd'hui, dans la mesure où la femme mariée est
réputée fe7ne sole quant au droit de disposer de ses biens,
elle est également réputée feme sole quant aux dettes
qu'elle contracte; et, d'autre part, toutes ses dettes, quelle
qu'en soil la forme, sont sur le même pied ''.
145. — Tout en reconnaissant à la femme mariée des
pouvoirs étendus sur son separate estate, les cours d'équité
se sont préoccupées du danger que le mari abusât de
son influence pour faire tourner ces pouvoirs à son profit
et au détriment de sa femme. Elles ont, tout d'abord,
posé en principe que la femme ne peut disposer de ses
revenus par anticipation et avant l'échéance ^^ Puis,
elles se sont arrêtées aux trois règles suivantes:
1° Lorsqu'une donation faite à la femme en vue de lui
constituer un separate estait n'est entourée d'aucune
restriction, la femme a le droit d'aliéner, indépendam-
ment du mari, les divers biens qui en dépendent.
2° Lorsque la donation lui a été faite pour son usage
personnel et exclusif, mais avec interdiction d'aliéner^
la femme a, durant le mariage, la jouissance exclusive
des biens, mais Vestate est inaliénable.
3° Dans les deux cas, qu'il y ait ou non interdiction
*^ Hulme c. Tenant. IL. C.,d2ô. '^^ In Matthewman's case, L.
R.. 3 Eq., 787.
'S Stuartc. Kirkioall. 3 Mad., 21 Vaughan c. Vanderstegen,
387; Bullpin c Clarhe, 17 Ves., 2 Drew. 182.
365 ; Manier c. Fuller, 1 Ves. jr., 22 Pyi,us c. Smith, 3 Bro. G. C,
51^- 339.
DU SEPARATL ESTATE DE LA FEMME 93
d'aliéner, celte interdiction ne vaut que pendant le ma-
riage; car, une fois le mariage dissous, il ne peut plus
être question d'un separate estate ni, par conséquent,
d'un separate estate limité ".
2. — Lois de 1870 et de 1874.
146. — Nous avons à examiner maintenant ce que
les doctrines des cours d'équité en matière de separate
■estate sont devenues sous l'empire des deux Married
Womeris Property acts de 1870 et 1874, en vigueur l'un
depuis le 9 août 1870, l'autre depuis le 30 juillet 1873 '\
Non seulement ces lois les ont sanctionnées, mais en-
core elles ont institué de nouveaux modes d'acquisition
et de protection de biens propres appartenant à des
femmes mariées; elles ont donné aux femmes le droit
d'ester en justice relativement à ces biens devant les tri-
bunaux ordinaires comme devant les cours d'équité
(§ 11), et les ont relevées des incapacités qui pesaient
sur elles en celte qualité, lout en leur laissant leur si-
tuation privilégiée antérieure quand elles sont attaquées
par des tiers.
147. — D'après le § 1" de la loi de 1870, les gages ou
salaires gagnés par une femme mariée, dans tout emploi,
profession ou commerce oii elle est engagée ou qu'elle
exerce indépendamment de son mari, ainsi que les som-
mes que lui procurent ses talents littéraires, artistiques ou
scientifiques, et les capitaux qui proviennent de ces gains
ou bénéfices, ont été déclarés propriété particulière de la
femme et affectés à son usage personnel en dehors de loul
-^ Tullet c. ArmstrongA Beav., 38, Vict., c. 50; trad. et notes par
i. M. Alex. Ribot, Ann. de légiilal.
î* St. .33et34, Vict., c. 93; .37et étrany., I, p. 57), et IV, p. 32.
94 DU SEPARATE ESTATE DE LA FEMME
contrôle du mari; la femme seule a le droit d'en donner
quittance. D'autre part, toute propriété mobilière qui pour-
rait échoir dans une succession ab intestat à une femme,
mariée après la promulgation de la loi, et toute somme in-
férieure à 200 livres (5.000 fr.) qu'elle acquerrait par do-
nation ou par legs, lui ont également été attribuées en pro-
pre pour son usage particulier (§ 7) ; il en est de même
des revenus des immeubles recueillis par elle dans une
succession ab intestat (§ 8).
148. — Les femmes mariées ont été admises à placer
les fonds qui leur appartiennent en propre, soit en annui-
tés du gouvernement ou des caisses d'épargne (§ 2), soit
en fonds publics (§ 3), soit en actions ou obligations entière-
ment libérées de sociétés anonymes, de sociétés mutuelles
ou coopératives, de sociétés de construction et autres dû-
ment enregistrées (§§4 et 5). Toutefois le fait que des som-
mes auraient été placées en ces valeurs au nom de la
femme ne suffit pas pour leur donner le caractère de pro-
pres, et aucune des dispositions qui viennent d'être analy-
sées ne saurait préjudicier aux droits des créanciers du
mari en fraude desquels aurait eu lieu, sous le nom de la
femme, un placement de deniers appartenant au mari (§6).
149. — La femme mariée a été autorisée à faire à son
profit une assurance sur sa vie ou sur celle de son mari,
comme si elle n'était pas mariée. Une assurance faite par
le mari sur sa propre vie, mais expressément auprofltde
sa femme ou de ses enfants, est considérée comme un tnist
au profit des bénéficiaires pour leur usage particulier, et
échappe à toute action du mari ou de ses créanciers. Si le
montant de l'assurance devient payable pendant le ma-
riage, un trustée peut être nommé pour en recevoir le
payement. Dans le cas où l'assurance aurait été faite et les
DU SEPARATE ESTATE DE LA FE.M.ME 95
primes payées parle mari, en fraude de ses créanciers,
ceux-ci n'ont que le droit de prélever une somme égale au
montant des primes ainsi payées (§ 10).
150. — Pour les mariages célébrés après la promul-
gation de la loi de 1870, le mari a été libéré de toute res-
ponsabilité quant aux dettes de sa femme antérieures au
mariage; mais la loi a permis aux créanciers de poursuivre
directement la femme, à raison de ces dettes, sur ses biens
personnels, comme si elle n'était pas mariée (§ 12). Cette
disposition avait un inconvénient : c'était de laisser les
époux libres de constituer, ou non, un separate esiate au
profit de la femme; il suffisait, par conséquent, que, soit
innocemment, soit par le fait d'une collusion frauduleuse,
ils omissent d'en constituer un pour priver les créanciers de
la femme antérieurs au mariage de tout recours soit contre
le mari, soit contre la femme. Uact de 1874 a eu pour
objet de remédier à cet état de choses : « Considérant qu'il
n'est pas juste que les biens possédés par une femme au
moment du mariage passent à son mari et que néanmoins
ce dernier ne soit pas tenu des dettes de la femme antérieu-
res au mariage..., » le § 1*" de cet ûc^ a abrogé l'alinéa du
§ 1 2 précité qui affranchissait le mari du payement desdites
dettes, et a permis aux créanciers de poursuivre désormais
les deux époux conjointement, sauf à ce que le mari fût
mis hors de cause en tout ou en partie s'il prouvait qu'il
n'a recueilli aucune portion de la fortune de sa femme
(L. 1874, § 3), ou qu'il n'en a recueilli qu'une portion in-
férieure à la somme réclamée par les créanciers (§§ 4, .*)).
3. — Loi de 1882.
151. — La loi de 1882 ayant eu pour but de refondre
96 DU SEPAHATE ESTATE DE LA FEMME
et d'amender les lois antérieures ^^ les a expressément
abrogées tout en s'appropriant textuellement plusieurs de
leurs dispositions; c'est donc elle qui aujourd'hui régi
seule la matière. Elle traite, en effet, de tout ce qui concerne
la femme mariée, au point de vue de ses biens ; de la
capacité qu'elle a de posséder des biens propres, de s'obli-
ger par contrat, et d'ester en justice; de ses dettes et obli-
gations antérieures au mariage ; des prêts qu'elle a faits à
son mari; de la procédure à suivre quand elle est en
conflit avec son mari ou des tiers, etc. Nous allons exa-
miner en détail ces diverses dispositions.
152. — 1° Sont considérés comme constituant des
propres, une « propriété séparée », de la femme mariée
postérieurement au 1" janvier 1883 tous les biens im-
meubles et meubles, y compris les créances (§ 24),
qu'elle possède au moment du mariage ou qu'elle acquiert
plus tard par droit d'héritage, ou à titre de salaire, de
gages ou de bénéfices dans l'exercice d'une profession
exercée indépendamment du mari, ou par ses talents artis-
tiques, littéraires ou scientifiques (§ 2); cet article étend
donc à l'ensemble des biens possédés ou acquis par la
femme le principe inscrit dans le § 1" de la loi de 1870
pour certains d'entre eux seulement.
153. — 2° La femme mariée peut posséder et acqué-
rir toute sorte de biens comme si elle n'était pas mariée
et sans avoir besoin de l'intervention d'un trustée, ainsi
que l'exigeait l'ancien droit dans les cas non exceptés par
la loi de 1870. Elle peut, d'autre part, disposer de ces
'^' An act to consolidate and de la femme mariée en Angleterre,
amend the acts relating to the 1 broch. ia- S», Paris, Pédoae,
Property of Married Women {iô IS83\ Ann. de légid. étrang.,
et 46, Vict., c. 75). Cpr. Th. Bar- t. XII, p. 329,et BullelindelaSoc,
clay. Emancipation contractuelle de législ. comp., t. XI, p. 443.
DU SEPARATE EUTATE DE LA FEMME 97
biens comme elle l'enlend, entre vifs ou par leslament
(§ 1^"", al. 1"). La loi de 1882 ne réserve, en réalité, au
mari que le droit d'hériter d'elle ab intestat ses biens
meubles; encore, s'il y a eu séparation judiciaire, échoi-
raient-ils au next of kin.
Les femmes mariées antérieurement au 1" janvier 1883
jouissent des mêmes prérogatives quant à tous les biens,
meubles ou immeubles, qu'elles acquièrent depuis cette
date (g S).
Autrefois la présomption était que tous les biens delà
femme fussent à la disposition de son mari ; aujourd'hui la
présomption est inverse : toutes les valeurs, tous les
titres, actions et obligations appartenant à la femme doi-
vent être inscrits à son nom, sont répulés jusqu'à preuve
contraire constituer des propres, et elle peut en disposer
et en toucher les revenus (§§ 6 et 7). Peu importe que
les placements aient été faits à son nom avant ou après
l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, et qu'ils soient à
son nom seul ou conjointement au nom de tierces per-
sonnes (autres que le mari); celui-ci n'a jamais à inter-
venir au transfert (§§ 8 et 9.
154. — La femme mariée est capable de s'obliger
par contrat jusqu'à concurrence des ses propres (§ 1"",
al. 2), et le mot contrat comprend expressément l'accepta-
tion d'un trust ou des fonctions d'exécutrice testamentaire
ou d'administratrice d'une succession ab intestat (§ 24).
Elle peut ester en justice ex contractu ou ex delicto (in
tort), soit comme demanderesse, soit comme défende-
resse, à l'égal d'une femme non mariée et sans qu'il soit
nécessaire de mettre en cause le mari, alors même que ce
mari ne serait ni absent, ni judiciairement séparé, ni sous
Leur. 7
98 DL' SEPAHATE ESTATE DE LA FEMME
le coup d'une condamnation pénale ^^ (§ i", al. 2; § 18).
Les dommages-intérêts et frais qu'elle encourt demeurent
à sa charge personnelle, et elle bénéficie seule de ceux
qui lui sont alloués, tandis qu'autrefois c'est le mari qui
en profitait [là.]. Tout contrat fait par elle est réputé,
jusqu'à preuve contraire, avoir été fait avec l'intention
d'obliger ses propres, et il oblige non seulement ceux
qu'elle possédait au moment de s'engager, mais encore
ceux qu'elle acquiert par la suite (§ l*'', al. 3, 4); notam-
ment, ceux qui lui sont dévolus en vertu d'un power of
appcAntment exécuté soit entre vifs, soit par testament
(§ 4). La femme mariée qui exerce un commerce indépen-
damment de son mari est soumise, en ce qui concerne ses
propres, aux lois sur la faillite, à l'égal d'une femme non
mariée, contrairement à la jurisprudence qui avait pré-
valu même depuis la loi de 1870'^' (§ l*^ al. 5).
La jurisprudence a pendant quelque temps interprété
la loi de 1882 comme signifiant que les engagements d'une
femme mariée ne pouvaient l'exposer à des poursuites que
jusqu'à concurrence des biens qui étaient sa propriété
personnelle pendant la coverture'^^ . Mais le Marriea
Womerisproperty act de 1893^^ a mis fin à cette irres-
ponsabilité relative de la femme, en décidant que ses en-
gagements donneront droit d'agir contre elle sur tous ses
biens personnels, présents et à venir, alors même qu'elle
n'aurait aucun aeparate estate au moment du contrat. Il
était, en effet, tout à fait illogique d'avoir mis fin à l'inca-
pacité particulière des femmes mariées sans mettre fin,
en même temps, à l'indisponibilité de leurs biens. La
26 Cpr. St. 20 et 21, Vict., c. 85; 28 Stogdonc. Lee, 1891, 1 Q. B.,
21 et 22, Vict , c. 108. 661; Pelton c. Harrisson, 1891,
»T Cpr. Ex parte Jones, L. R., 2 Q. B., 422.
12 Ch. Div., 484. 29 st. 56 et 54, Vict., c. 63, § 1.
DL' SEPAHATE ESTATE DE LA FEMME 99
même loi permet à la Cour d'imputer également sur les
biens de la femme les frais des procès qu'elle aura enga-
gés^".
155. — 4° En vertu de son droit de s'obliger par con-
trat, la femme mariée peut souscrire à son profit une po'ice
d'assurance sur sa vie ou sur celle de son mari. Une
police souscrite par le mari sur sa propre vie au profit de
sa femme ou de ses enfants, ou par la femme sur sa
propre vie au profit de son mari ou de ses enfants, crée
un trust en faveur des bénéficiaires (§ 11). Il résulte de
cet article qu'une femme mariée peut assurer en sa faveur
sa vie ou celle de son mari, et assurer sa vie en faveur de
son mari ou de ses enfants; de son côté, le mari peut
assurer sa propre vie en faveur de sa femme ou de ses
enfants. Mais il n'a pas le droit de contracter une assu-
rance sur la vie de sa femme; car, d'après l'esprit de la
nouvelle loi, conforme à cet égard au principe déjà con-
signé dans la loi spéciale sur les assurances (St. 14, Geo.
III, G. 48), on ne peut s'assurer sur la vie d'une personne
qu'autantqu'on a un intérêt à la prolongation de cette vie,
or le mari n'a plus en général d'intérêt matériel à la vie
de sa femme, dont aujourd'hui tous les biens constituent
des propres. L'assurance serait licite si, à raison de cir-
constances exceptionnelles, cet intérêt existait ; par exemple,
si le mari jouissait d'une renie viagère subordonnée au
décès de sa femme. Il est à remarquer que le § H ne parle
pas d'une assurance que la femme contracterait sur la vie
du mari au profit de celui ci ou de ses enfants. La loi de
1870 (§ 10) n'autorisait la femme qu'à assurer à son profil
personnel sa propre vie ou celle de son mari^'.
»o Même Act. § 2. 3i Cpr. Barclay, loc. cit., p. 22,
n. 3.
100 DU SEPARATE ESTATE DE LA FE.MME
Tant que le tî'iist n'est pas entièrement accompli, la
somme payée par la compagnie d'assurance n'est pas com-
prise dans l'actif de l'assuré et échappe à ses créanciers.
Toutefois, s'il est prouvé que l'assurance n'a été faite
qu'en vue de frauder ces derniers, ils ont le droit de per-
cevoir, sur les deniers payés par la compagnie, une
somme égale aux primes versées à leur détriment. L'as-
suré peut constituer, par la police ou par un acte à part, des
trustées chargés d'administrer la somme due par la com-
pagnie; s'il n'a pas usé de ce droit, les bénéficiaires
entrent directement, à son décès, en jouissance du mon-
tant de l'assurance (§11, al. 2).
156. — 5° Par cela même que la femme conserve en
propre tous les biens qu'elle possède au moment où elle se
marie ou qu'elle acquiert par la suite, elle demeure seule
responsable sur lesdils biens de se.^ engagements ou délits
antérieurs au mariage (§ 13). Le mari ne peut être re-
cherché de ce chef que jusqu'à concurrence des biens de
sa femme dont il a pris possession, déduction faite de ce
qu'il a déjà payé volontairement ou par contrainte pour le
compte de sa femme (§ 14). Il y a donc, pour le moment,
quatre systèmes en vigueur en Angleterre quant au
payement des dettes de la femme antérieures au mariage :
le mari marié avant le 9 aoûl 1870 est responsable desdites
dettes; le mari marié entre le 9 août 1870 et le 30 juillet
1874 est dégagé de toute responsabilité; le mari marié
entre le 30 juillet 1874 et le 1" janvier 1883 peut être
recherché conjointement avec sa femme, sauf à prouver
qu'il n'a recueilli aucune portion de la fortune de sa femme
ou que la portion par lui recueillie est inférieure aux
prétentions des créanciers; enfin, le mari marié depuis le
!"■ janvier 1883 a une responsabilité subsidiaire jusqu'à
DU SEPARATE ESTATE DH" LA FILM.MI': 101
concurrence des biens de la femme qui sont entre ses
mains, défalcation faite de ses payements antérieurs pour
le compte de sa femme ; dans les cas où il est tenu subsi-
diairement comme détenteur des biens de la femme, il
peut être poursuivi conjointement avec elle (§ 15),
157. — 6° Toute femme mariée soit avant soit après
le 1" janvier 1883 a, en principe, contre toute personne,
même contre son mari, pour la protection de ses propres,
toutes les actions civiles ou criminelles dont jouit une
femme non mariée. Toutefois, la femme ne peut intenter
aucune poursuite criminelle contre son mari durant la coha-
bitation, à raison des biens par elle réclamés, ni, lorsque
les époux ne vivent plus sous le même toit, à raison d'ac-
tes accomplis par le mari relativement à ces biens durant
la cohabitation, à moins que le mari ne se soit emparé des-
dits biens de mauvaise foi au moment d'abandonner sa
femme (§ 12). Tout fait de la femme qui est de nature à
porter atteinte à la propriété du mari et qui, s'il était com-
mis par le mari sur les biens de la femme, donnerait à
celle-ci le droit de poursuivre son mari au criminel, donne
au mari un droit pareil contre sa femme (§ 16). Mais, en
dehors du cas spécifié plus haut, le mari et la femme ne
peuvent pas plus se poursuivre civilement ex delicto {in
tort) qu'ils ne le peuvent au criminel (§ 12).
158. — 7° Si une femme mariée fait à son profit un
placement avec de l'argent de son mari et sans le consen-
tement (le celui-ci, le mari peut obtenir des tribunaux que
le capital et les revenus soient transférés à son nom et
payés entre ses mains. N'est pas opposable aux créanciers
du mari un don fait par celui-ci à sa femme, alors que les
biens ont continué, après comme avant, à demeurer en
apparence à sa disposition, non plus qu'un dépôt ou place-
102 DU SEPAliATE ESTATE DE LA FEMME
ment de fonds du mari fait sous le nom de la femme en
fraude des créanciers (§ 10).
159. — 8° Toute somme d'argent et tous autres biens
prèles ou confiés par la femme à son mari pour être
utilisés dans un emploi ou commerce exercé par lui, sont
considérés, en cas de faillite, comme compris dans l'actif
du mari, sous réserve du droit de la femme de prendre sa
quote-part dans ce qui reste dudil actif après rembourse-
ment de toutes les créances for valuable considération
(§3). C'est un des seuls points sur lesquels la nouvelle loi
maintient une différence entre la femme mariée et celle qui
ne l'est pas.
160. — Enfin, 9° la loi de 1870 portait déjà que,
lorsque le mari d'une femme ayant des biens personnels
est à la charge de la paroisse comme indigent, la femme
est obligée envers la paroisse pour l'entretien du mari,
tout comme celui-ci le serait, à l'inverse, aux termes du
Poor law amendmenL acl de 1868 ^-, et que, de même, la
femme mariée serait soumise, dans les mêmes conditions
de fortune personnelle et de dénuement de son mari, à toutes
les obligations qui pèsent sur une veuve, relativement à
l'entretien de ses enfants (L. 1870, §§ 13 et 14). La loi de
1882 reproduit ces deux dispositions, en étendant aux
pelits-enfants l'obligation inscrite dans la précédente quant
aux enfants seulement (§§ 20, 21).
161. — Comme on le voit, la nouvelle loi s'inspire
d'idées toutes nouvelles dans le droit anglais. A une législa-
tion qui absorbait la personnalité de la femme au profit de
celle du mari, elle substitue un régime d'indépendance
presque absolue; la puissance du mari s'efface; la femme
jouit, sans lui et, au besoin, malgré lui, de droits d'admi-
se st. 31 et 32, Vict., c. 122.
DU SEPARATE ESTATE DE LA FEMME 103
nistration et de disposilioa égaux à ceux dont il avait
naguère le monopole. Elle a même, à certains égards, des
droits ou une liberté d'allures supérieurs aux siens; car on
a vu que la femme a la faculté de contracter une assurance
sur la vie du mari, alors que la faculté inverse est refusée
au mari ; et, d'autre part, tout en étant affranchie de toute
immixtion du mari dans la gestion de ses affaires, elle con-
serve le droit de l'obliger par les achats qu'elle fait pour
elle ou pour le ménage.
4. — Loi de 1893.
161 bis. — Les idées modernes d'émancipation de la
femme, et la protection de ses intérêts pécuniaires à ren-
contre du mari avaient porté la législation, eu 1882, à con-
férer aux femmes les pouvoirs d'administration et de dis-
position les plus étendus sur ses propres. 11 fallait cepen-
dant assurer aux tiers une garantie réciproque sous la
forme d'un droit d'exécution sur les biens personnels de la
femme ayant traité avec eux. Il y allait de l'intérêt même
des femmes, qui risquaient autrement de perdre comme
crédit tout ce qu'elles gagnaient comme capacité. C'est
dans ce but qu'est intervenue une loi de 1893", en vertu
de laquelle tout contrat conclu par une femme mariée aura
le double effet suivant : 1° de grever ses propres actuels;
2" de grever ses propres à venir. Mais cette responsabilité
de la femme à l'égard de ses biens personnels a cependant
une limite marquée par la clause dite restraiiit on antici-
pation, aux termes de laquelle la totalité ou une partie des
revenus futurs de la femme peut avoir été immobilisée.
L'usage de cette clause réduit aux revenus échus le droit
s» st. 56 et 57, Vict., c. 63.
i04 DE VEQUITY TO A SETTLEMENT
de saisie des créanciers. L'immobilisation des revenus
futurs n'est pourtant pas applicable aux frais de justice qui
peuvent être recouvrés sur les propres à venir aussi bien
que sur les propres actuels, dans toute instance engagée
par une femme ou en son nom^\
II
De VEquity to a seulement.
Sommaire : 162. Définition. — 163. Cas où il y a lieu à settlement. —
164. Règles suivies par les cours d'équité. — 165. Renonciation delà
femme au settlement ; cas où elle en est privée. — 166. Montant du
settlement. — 167. Situation des créanciers.
162. — En même temps qu'elles cherchaient à donner
à la femme, en lui reconnaissant un separate estaie^ des
garanties contre son « absorption » par le mari, les cours
d'équité ont imaginé un autre moyen d''atténuer les consé-
quences de cette absorption, en s'appuyant sur la règle
que quiconque invoque l'équité doit commencer par être
équitable lui-même : he wfio seeks equity^ nmst do equity.
Ce moyen est connu en anglais sous une expression tech-
nique presque intraduisible : equity to a settlement; la
femme a, dans les cas que nous allons passer en revue, un
droit équitable à ce que son mari constitue [settle) une cer-
taine somme à son profit. Ainsi, quand un père, en mariant
sa fille, a négligé de stipuler pour elle, ou les enfants à
naître, certaines mesures de prévoyance, la cour agissant
loco palris n'admet pas le mari à venir réclamer devant
elle la sanction des droits que lui confère le mariage, tant
**■ Voir ude note de M. Leydet étrangère, t. XXIV, p. 9.
dans y Annuaire de législation
DE L'EQUITY TO A SETTLEHIENT 105
qu'il n'a pas pris lui-même des arrangements en faveur de
sa femme.
163. — Le principe, posé d'abord par la cour pour
le cas où le mari se présente lui-même devant elle comme
demandeur, a été étendu ensuite: l°à celui où les créanciers
du mari failli ou insolvable s^adressent à elle, par la raison
que, agissant du chef du mari, ils ne sauraient le faire à
d'autres conditions que lui ^°; 2° à un cessionnaire du
mari /or valuable considération , toujours en vertu du prin-
cipe d'équité contenu en la maxime nemo plus juris ad
alium transfeire potest quam ipse habet.
Plus tard, on a même admis la femme à venir faire
valoir son droit devant la cour de Chancellerie, encore que
le mari n'ait pas pris l'initiative d'une inlroduclion d'ac-
tion ^\
164. — Voici, en peu de mots, les règles que les cours
d'équité suivent en celte matière. 11 faut, avant tout, que
le mari, en vertu de son jus maritivQConnw al law, soit
fondé à prendre et à garder la fortune mobilière de sa
femme. Il faut, d'autre part, que la femme n'ait pas, en
vertu des droits de survie dont nous parlerons plus bas,
la certitude de la recouvrer si elle meurt après son mari.
Lorsque ces deux conditions se rencontrent, la cour exa-
mine si la propriété mobilière dont il s'agit est légale ou
équitable; si elle est équitable, la cour reconnaît en
général à la femme une equity to a settlement ; si elle
est légale, la cour ne la lui reconnaît point. En principe, le
settlement doit être fait au profit non de la femme seule,
mais de la femme et des enfants.
165. — La femme peut renoncer volontairement au
'5 Oswell c. Probe» t, 2 Ves. jun., ^6 Elibank c. Montolieu, 1 L. C,
682. 464.
106 DE UEQUITY TO A SETTLEMENT
settlement auquel elle serait fondée à prétendre, à la con-
dition de faire à ce sujet, hors de la présence du mari,
une reconnaissance en justice ou devant les commissaires
délégués à cet effet '^ Elle peut aussi en être privée : 1° si
le mari a reçu les fonds sans avoir eu à les réclamer en
justice et avant que la femme elle-même se soit avisée de
demander un settlement à la cour de Chancellerie '"; 2° si
les dettes de la femme antérieures au mariage, et qui tom-
bentàlacharge du mari, excèdentle montant des biens qu'il
recueille du chef de sa femme ^^ ; 3° lorsque des arrange-
ments équitables ont déjà été pris en faveur delà femme*";
4° lorsque la femme a déserté le domicile conjugal et vit
en concubinage, à moins que le mari ne tienne une con-
duite semblable, ce qui établirait une sorte de compensa-
tion *' ; 5° lorsque la femme s'est rendue coupable de fraude
envers les tiers el que le settlement porterait préjudice à
ceux-ci ^^
166. — Dans la fixation du montant du settlement, la
cour tient compte des circonstances, et notamment des
mesures déjà prises dans l'intérêt de la femme et des en-
fants. En général, c'estla moitié du bien de la femme qu'elle
constitue ainsi, l'autre moitié devant appartenir au mari
ou à ses ayants-cause". Parfois, elle a constitué le tout
lorsqu'il s'agissait d'une somme modique et tout juste
suffisante pour assurer l'entretien de la ferame*ou des
" St. 3 et 4, Guil. IV, c. 74; St. *< Carr c. Eastabroock, 4 Ves.,
20 et21, Vicl., c. 57. 146; m re Lewins trusts, 20 Beav.,
i» Murray c. Elibank, IL C, 378; Greed^/ c.Lai^ender, 13 Beav.,
71. 62.
".Bonncrc. Bonnet', il Beav., '^ In re Lush's trusts, L. R.,
86, ' 4Ch. App. 596.
40 In re Erskines trusts, 1 K. et «3 Dunkley c. Dunkley, 2 De G.
J.,302. M. etc., 896.
DES EPINGLES 107
enfants, ou que le mari avait abandonné les siens et né-
gligé de pourvoir à leurs besoins **.
167. — En général, les créanciers du mari ne peuvent
pas attaquer un settle/ne/it fait, dans les conditions qui
viennent d'être exposées, soit par la cour, soit même direc-
tement par le mari dans le sens que la cour n'aurait pas
manqué de lui prescrire si elle avait été saisie de la ques-
tion. Ce n'est que s'il y a eu collusion frauduleuse à leur
préjudice que l'opération tombe sous le coup du St. 13,
Eliz., c. 5, et peut être mise à néant sur leur de;nande*'.
CHAPITRE 111
Des épingles, des paraphernaux et des droits de survie.
[
Des épingles.
So.mmairk: 168. Définition. — 169. Règles sur la matière.
168. — On désigne sous le nom d'épingles (pin-monei/),
la pension annuelleconslituéeenfavéur de la future épouse,
pour ses dépenses de toilette et, en général, [)Our ses
menues dépenses personnelles. On fait rentrer sous la
même rubrique les présents non périodiques faits parle
mari à sa femme postérieurement au mariage.
169. — Voici les règles relatives aux épingles :
1° Si la femme a laissé s'accumuler les arrérages de
sa pension, elle ne peut, au décès de son mari, en récla-
mer qu'une année en remontant '; la loi présume que, si
'-^^ In re Kincaid's trusts, IDrew., Moor c. RycauU, t'rec. Gli.,22;32
226; Scott c.Spashett, .S.Mac et G., et :33, Vict., c. 71, § 91.
559; m re Ford, 32 Beav., 621 ; in » Aston c. Aston, 1 Ves., 267;
re DLi-on's trusts, \\. yi. \S~9, p. f>7. Townsend c. Windham, 2 Ves.
*' Wheslerc. Cary/, Amb., 121; sen., 7.
108 DES PARAPHER.XAUX
elle ne les a pas réclamés au fur et à mesure, c'est que le
mari a pourvu aux dépenses de quelque autre façon ^ Tou-
tefois, si la femme justifie qu'elle a réclamé à l'échéance
les termes de sa pension sans pouvoir en obtenir le paye-
ment immédiat, elle a droit à tout ce qui lui reste dû, en-
core que ce soit plus d'une annuité ^
2° Lorsque le mari a pourvu à toutes les dépenses de sa
femme, celle-ci ne peut formuler au décès aucune récla-
mation sous prétexte que la pension stipulée n'a pas été
régulièrement soldée; car, en fait, le but des épingles a
été atteint d'autre façon *.
3° Après le décès de la femme, ses exécuteurs testamen-
taires n'ont aucun recours contre le mari pour les termes
restés impayés '\
4° Les épinglesayantle caractère non d'une donation ab-
solue, mais d'une donation conditionnelle faite en vue de
permettre à la femme une toillette conforme à la position
sociale de son époux, elle ne peut faire cession de sa pen-
sion à un tiers.
II
Des paraphernaux.
Sommaire : 170. Définition. — 171. Droits de la femme. — 172. Droits
du mari. — 173. Objets provenant d'amis ou parents de la femme.
170. — On désigne sous ce nom, en Angleterre, les
objets de toilette et notammentles bijoux remis à la femme
pour qu'elle les porte en vue de tenir son rang dans le-
monde ^
2 Howard c. Digby, 8 Bligh, N. b Hoicard c. Digby, 8 Bligh, N.
S., 269. S., 269.
3 Ridout c. Lewis, 1 Atk., 2ô9. 6 Graham c. Londonderry , 3-
♦ Thomas c. Bennet, 2 P. W., Alk.,394.
341.
DliS PARAPHERNAUX 109
171. — Quand il s'agit de bijoux donnés par le mari
pendant le mariage, il y a lieu de rechercher s'il a entendu
en faire don à sa femme, ou simplement les mettre à sa
disposition sans lui en conférer la propriété absolue; c'est,
en général, à cette seconde hypothèse qu'il convient de
s'en tenir, surtout si ce sont des bijoux de famille destinés
àse transmettre de père en fils \ Au reste, dans aucun des
deux cas, la femme ne peut, du vivant du mari, disposer de
ses paraphernaux ni entre vifs, ni par testament,
172. — En principe, le mari demeure maître des para-
phernaux comme il l'est de tous les autres biens meubles
de la femme; il a le droit de les aliéner entre vifs, et ses
créanciers peuvent les saisir. Mais, s'il n'en a pas disposé
entre vifs, il ne lui est pas loisible d'en disposer au préju-
dice de sa femme par testament', à moins qu'il ne lui ait
assuré d'autres avantages équivalents, auquel cas elle peut
être mise en demeure d'opter entre les uns et les au-
tres '.
173. — Les joyaux et bijoux donnés à une femme par
ses amis ou parents à l'occasion de son mariage sont géné-
ralement considérés en équité comme affectés à son usage
propre et distinct; la femme en dispose donc librement,
comme si elle n'était point mariée, et les créanciers du mari
n'ont aucun droit sur ces objets '°.
1 Jervoise c. Jervoise, 17 Beav., » Seymore c. Tresilian, 3 Atk.,
566, 570; Grant c. Grant, 13 W. 3o8; Churchill c. Small, 2 Keayon,
R., 1057. pt. 2, p. 6.
8 Ridout c. Plymouth, 2 Atk., '" Jervoise c. Jervoise, il Bq&y.,
lOi; Townsend c. Wyndham, 2 570; Lucas c. Lucas, 1 Atk., 270.
Ves. sen., 1, 7.
110 DU DOUAIRE
III
Du douaire *'.
Sommaire : 174. Définition. — 175. Législation antérieure à 1833. — 176.
Loi de 1833. — 177. Loi de 1877. — 178. Annulation du douaire.
174. — Le mari, qui, pendant le mariage, jouit de
pouvoirs fort étendus sur les immeubles de sa femme,
jouit à plus forte raison de droits analogues sur ses propres
biens. Mais, après sa mort, sa femme acquiert, dans cer-
tains cas, un droit d'usufruit sur une portion des immeu-
bles qu'il a laissés. Ce droit se nomme douaire [doioer) ;
il a été réglementé à nouveau et modifié pour les femmes
mariées après le 1" janvier 1834, par le St. 3 et 4, Guill.
IV, G. 105.
175. — En vertu de la législation antérieure qui est
demeurée applicable aux femmes mariées avant cette date,
lorsque le mari héritait, durant le mariage, de biens aux-
quels auraient pu succéder éventuellement des enfants
issus de ce mariage, la femme, parle fait seul qu'il y avait
eu, à un moment donné, des successeurs présomptifs de
cette espèce, acquérait un droit au tiers desdits biens en
usufruit viager. Ce droit grevait les biens eux-mêmes et
les suivait en quelques mains qu'ils passassent, à moins
que la femme ne concourût à l'aliénation et ne renonçât à
son droit; il était opposable aux créanciers du mari comme
aux tiers acquéreurs.
Les graves inconvénients que présentait le douaire
firent chercher, dans le cours des siècles, divers expédients
pour l'annuler et finirent par provoquer, sous Guillaume IV,
un changement considérable dans la législation.
" Cpr. Gide, Étude sur la condition privée de la femme, p. 292.
DU DOUAIRE 111
176. — D'après la loi de Guillaume IV, le douaire ne
porte plus que sur tel immeuble que le mari a, danscebut,
expressément affecté à sa femme par acte entre vifs on par
testament. Tous les actes de disposition du mari, tous les
engagements qu'il a contractés, primentle droilde la veuve.
Le mari est également libre de priver sa femme de tout
ou partie du douaire par un acte entre vifs ou par testa-
ment, à moins qu'il ne se le soit expressémentinterdit par
contrat de mariage (§§ 4 à 8). La seule compensation
accordée à la veuve est que son droit peut s'étendre aujour-
d'hui aux biens sur lesquels le mari a un simple droit sans
en avoir encore la saisine légale, ainsi qu'aux biens d'hé-
ritage, légaux ou équitables, in poss€s<<ion. L'effet de la
nouvelle législation est manifestement de supprimer désor-
mais les douaires, si ce n'est par rapport aux seuls hériliers
du mari. Si le mari meurt intestat et possesseur d'immeu-
bles, la femme peut faire valoir sur ces immeubles son
droit de douaire, à moins que le mari n'ait exprimé une
volonté contraire. Une jointure, c'est-à-dire une rente
constituée avant le mariage au profit de la veuve sur un
immeuble du mari, annule le douaire; il n'en serait pas
ainsi, ipso jure, d'un simple legs mobilier (§ 10).
177. — Le Settled Estâtes act de 1877 reconnaît à
toute personne qui jouit, à titre de douaire, d'un bien non
substitué, la faculté de donner à bail pour une période
n'excédant pas vingtet un ans en Angleterre, ou trente-cinq
ans en Irlande, aux mêmes conditions que pourrait le faire
un tenant by curtesij ou un tenant for life '^
178. — Le divorce pour cause d'adultère de la femme
annule le douaire; lorsque la femme, sans qu'il y ait eu
1» St. /«n cl 41, Vict., c. 18, § 46.
112 DES AUTRES DROITS DE LA FEMME SURVIVANTE
divorce, abandonne son mari el vit dans l'inconduite, ce
fait est aussi une cause d'annulation du douaire, à moins
qu'il n'y ait eu réconciliation entre les époux '^
IV
Des autres droits de la femme survivante.
Sommaire : 179. Reprises de la femme. — 179 bis. Loi de 1890. — 180.
Avantages refusés à la femme. — 181. Provision; droits ab intestatl
179. — La femme qui survit à son mari conserve en
propre les immeubles qu'elle possédait en fief simple ; après
le décès du mari, la femme ou ses ayants-cause repren-
nent iesdils immeubles francs et quilles de toute dette con-
tractée par lui et de toute aliénation tentée par lui.
179 bis^''. — La législation anglaise s'était préoccupée
de bonne heure d'assurer au conjoint survivant une part
dans l'actif successoral, mais les règles de la dévolution
des biens étaient tellement différentes selon que la succes-
sion se composait de meubles ou d'immeubles (V. §§ 974,
et s., 994 et s,), que la plus grande inégalité pouvait exis-
ter entre les situations respectives de deux veuves dont le
mari avait le même chiffre de fortune, si ce chiffre ne cor-
respondait pas à une égale proportion de biens immobi-
liers et de biens mobiliers.
Pour corriger cette inégalité, le parlementa voté une loi
dite du 2.5 juillet 1890*% qui décide qu'en cas de prédécès
du mari sans enfants, la veuve aura droit à la totalité de
la succession, sans distinction entre la nature des biens,
'3 2 Inst., 4.36; 12 Mod., 232. deuxième du livre quatrième de la
première édition.
»' Ce paragraphe additionnel s'ap- is Intestates' Estâtes act, 1890,
plique tout aussi bien à la section St. 53 et 54, Vict., ch. 29.
DES ALTHES DROITS DE LA l'E.MME SLHVIVANTE li:i
mais jusqu'à concurrence seulement d'une succession de
500 livres sterling (12.500 francs). Pour les héritages plus
considérables, la veuve a droit à un prélèvement de la
même importance, et elle a un privilège dans ce but sur la
succession tout entière, avec intérêts à 4 0/0 depuis le jour
du décès de son mari**. La jurisprudence tend à interpré-
ter très largement ce texte. Dans un cas récent où un
homme était morl laissant des biens immobiliers valant
moins de 12.500 francs, la Cour a accordé plein pouvoir
d'administration à l'exécuteur testamentaire de la veuve
qui était morte elle-même avant son envoi en possession.
Il a semblé, en effet, que, vu la valeur de la succession,
la femme seule y avait eu droit dans le court intervalle de
sa survie'"'.
180. — La veuve n'a pas droit aux vêtements de deuil^
comme constituant une partie des frais funéraires, ni à
rencontre de l'exécuteur testamentaire, ni à l'encontre des
créanciers du mari '*.
Elle ne peut pas non plus exiger de l'exécuteur ou de
l'administrateur de la succession de son mari qu'il la laisse
dans la maison aux frais de la succession jusqu'à la déli-
vrance du legs ou de la quote-part de biensqui lui revient.
Elle n'a le droit absolu d'y rester dans ces conditions que
quarante jours après le décès; c'est ce qu'on appelle sa
quarantine^'.
A plus forte raison ne saurait-elle exiger que l'exécuteur
ou l'héritier du mari, comme tel, pourvoie à son entretien,
encore qu'elle soit dénuée de ressources et qu'il ait
recueilli la plus grande partie du patrimoine du défunt.
i^Yoïr An7i. de légiiil.élr.,1. XX, <» Johnson c. Bâcher, 2 C. et
p. 37. P., 207.
i^ In the goods of liryanl, L. '9 Co. Litt , :{4 h.
Rep. F»robate div. il896, p. 159).
Lehb, 8
114 DES DROITS DE L'HOMME SURVIVAIT
Sur ces divers points, la législation écossaise est en
opposition complète avec la loi anglaise '".
181. — Lorsqu'un mari s'est engagé par contrat de
mariac^e à laisser à sa femme une provision sur son avoir
mobilier, et qu'il meurt intestat, — de telle sorte que la
veuve a droit à une part en vertu du statitte of distri-
butions, — la règle générale est qu'elle ne peut pas
réclamer tout à la fois ladite part et la provision. Si la part
qui lui est dévolue est inférieure à la provision stipulée,
elle est considérée comme un acompte^'. Au reste, en cas
de décès du mari ab intestat, la veuve partage avec le
plus proche héritier le droit d^'administrer la succession.
Il est à remarquer que la veuve n'a un droit sur la suc-
cession mobilière de son mari, y compris le.s biens qu'elle
lui avait elle-même apportés, qu'autant qu'il ne laisse
point d'acte de dernière volonté. Le mari (est libre de
disposer de toute cette fortune au profit d'un étranger et
au détriment de sa veuve, pour autant du moins qu'il
s'agit de choses in possession et que la femme ne s'est pas
constitué ses propres biens en un separate estate.
\
Des droits de l'hoiuiue survivant.
Sommaire : 182. Tmiure par courtoisie. — 183. Le mari est de droit
radmirûstrateur de la succession de sa femme.
182. — Lorsque le mari survit à sa femme et qu'il a
eu d'elle des enfants qui, vivants, eussent pu hériter des
fiefs simples ou substitués appartenant à leur mère, il a,
en vertu de ce qu'on appelle la courtoisie d'Angleterre
20 Paterson, Comp., n"» 912 et 21 Gartlishore c. Chalie, 10
suiv., et p. 305, notes 2 à 4. Ves., 1.
DU CONTRAT DE MARIAGE 115
{tenant by the curtesy of England), l'usufruit viager des-
dits Qefs^'. Peu importe que VestateàQ la femme fût légal
ou simplement e^m7aô/e; toutefois il y a des arrêts en sens
contraire en ce qui concerne les biens constitués en propre
à la femme {for her separate use) ^^
La « courtoisie » porte sur Vestate in possession de la
femme, à l'exclusion d'un estate simplement in reversion.
Il est assez rare aujourd'hui que les maris aient à se
prévaloir de cet antique usage; le plus souvent, on prend
soin de régler par contrat de mariage leurs droits éven-
tuels sur les immeubles de leurs femmes prémourantes.
183. — A la mort de sa femme, le mari est, de droit,
l'administrateur de sa succession ; et il prend possession
de son Personal estate en cette qualité, et non pas sim-
plement comme trustée du plus proche héritier.
CHAPITRE IV
Du contrat de mariage.
Sommaire : 184. Conditions de validité suivant l'âge des contractants;
clauses diverses. — 185. Conditions de forme. — 186. Conventions pos-
térieures au mariage; efifets qu'elles sont susceptibles de produire.
184. — 11 est très rare aujourd'hui que des époux
ayant quelque fortune se marient sans régler par une
convention expresse les avantages auxquels ils auront réci-
proquement droit et la situation de leurs enfants. Le ma-
riage étant une juste cause {valuable considération) d'o-
bligation, celte convention [settlement) lie les deux parties
si elles sont majeiires toutes deux. Lors, au contraire, que
le futur époux a moins de vingt ans et la future épouse
*2 Littleton, Tenures, 35, 52; pp. 306 et suiv.; cfr. Haynes, Out-
Barher c. Barker, t Sim., 239. Unes of Ëquity,k* éà\\,., Lect. VU,
i'* Williams, /i<;a/pro|)., 19» édit., pp. 217 et suiv.
116 DU CONTRAT DE MARIAGE
moins de dix-sept, elle ne vaut, en ce qui concerne soit
les meubles, soit les immeubles, qu'autant qu'elle a été
homologuée par la cour de Chancellerie ou, aujourd'hui,
parla division de Chancellerie de la Haute-Cour '. A défaut
d'homologation, le contrat lie le conjoint majeur, mais non
celui des deux qui avait respectivement moins de vingt
ans ou de dix-sept ans ^ Quand la future épouse est seule
mineure, les conventions matrimoniales relatives à son
avoir mobilier sont valables, nonobstantcetlecirconstance,.
parce qu'à défaut de convention le mari aurait un droit
absolu sur ces biens, qu'en conséquence toute clause par
lui souscrite ne saurait être qu'une limitation de ses pou-
voirs au profit de sa femme, et que l'incapable est toujours
admis à améliorer sa condition '.
Indépendamment des clauses relatives à la jouissance
et à l'administration de leurs biens, les futurs époux
insèrent souvent, dans leur contrat de mariage, des clauses
tendant à déterminer à l'avance le mode "d'éducation des
enfants. Ces causes ne sont pas illicites; mais la jurispru-
dence tend à décider aujourd'hui qu'elles ne sont obHga-
toires pour le mari ni at law ni en equity. La Haule-Cour
d'appel, par arrêt du 23 novembre 1878, lésa déclarées
contraires aux droits du père, auxquels il n'est permis de
toucher que dans des circonstances exceptionnelles *.
185. — Les promesses de libéralités et autres conven-
tions faites en vue d'un mariage projeté ne sont point,
comme en France, revêtues de la forme notariée: il n'y a
pas en Angleterre d'officier ministériel investi du pouvoir
ï St. 18 et 19, Vict., c. 43. 3 Troloppe c. Linton, 1 Siin. et
2 Ellison c. fî/zjfn, 13Sim.,309; Stu., 477.
Levasseur c. Scratton, 14 Sim., » EUis c. Ellis, 29 L. T. Rep.,
116; Durnford c. Lane, 1 Bro. N. S., 380\ Journal de Droit inter^
C. C, 106. nat. privé, VI, 572.
DU CONTRAT DE MAHIAGE 117
de donner l'authenticité aux actes privés. Mais elles ne sont
valables qu'autant qu'elles ont été consignées par écrit et
signées par celle des parties qui s'oblige ou par son repré-
sentant '. Par conséquent, si le père de l'une des parties
ou un tiers manifeste simplement de vive voix son intention
de lui faire une donation ou un legs, ou de lui constituer une
dot, il n'est pas lié par cet engagement % à moins qu'il
n'y ait eu fraude, ou que la promesse verbale faite avant
le mariage n'ait été confirmée après coup par écrit '. Mais
il n'est pas besoin que l'écrit ait la forme solennelle d'un
deed; une lettre missive suffît, pourvu que la cause {con-
sidération) de la donation résulte clairement de la pièce
produite \
186. — Une fois le mariage conclu, les époux ne peu-
vent plus valablement contracter l'un avec l'autre, puis-
que leurs personnalités se confondent ; en principe, leurs
conventions seraient radicalement nulles. Toutefois, s'il y
a eu erreur, omission ou méprise dans leurs arrangements,
ils peuvent les faire rectifier pendant le mariage. D'un au-
tre côté, si les conventions postérieures à la célébration du
mariage ont un fondement raisonnable, il se peut que, sans
valeur en droit strict, elles produisent quelque effet en
équité. Ainsi, une donation du mari à la femme pour lui
permettre de s'acheter des vêtements ou des bijoux appro-
priés à sa condition sociale, ou la donation que le mari fe-
rait à sa femme, pour son usage personnel, des gains ou
bénéfices par elle réalisés, pourraient être maintenues par
une cour d'équité contre les créanciers du mari*. Il en se-
* Slalute of Frauds,2^, Car. II, ^ Randall c. Moryan, 12 Ves.,
c. 3, § 4. 67; cpr. Soell, Eq.. X4, 85.
6 Montacute c. Maxwell, 1 P. , Wainc. Warlter,, bE^si, I.
vVms., t)19; I/atnmersley c. De
Biel, 12 Cl. et F., 45. » Story, Etj. jurispr., § 1374.
118 DU CONTRAT DE MARIAGE
rait de même au cas où le mari conviendrait avec sa femme,
pour de justes causes, de lui abandonner pour son usage
personnel un legs à elle fait^". De son côté, la femme qui
a des biens propres pourrait en faire valablement l'objet
d'une donation à son mari, et cette donation serait irrévo-
cable''.
"> 76., § 1372; Anderson c. Ab- •* Cason c. Rideout, 1 Mac. et
bott, 26 Beav., 457. G., 601.
SECTION CINQUIEME
DES RAPPORTS DE PATERNITÉ ET DE FILIATION
CHAPITRE I
Des enfants légitimes.
I
Notion de la légitimité.
Sommaire : 187. Condilion de la légitimité ; présomption de paternité
du mari. — 188. Enfants issus d'un mariage putatif. — ^89. Action en
déclaration de légitimité.
187. — Ne sont légitimes, en Angleterre, que les en-
fants issus d'un mariage antérieur régulier ou, tout au
moins, d'un npariage dont la nullité n'a pas encore été
prononcée. La condilion d'enfant légilime ne peut être
acquise après coup à la faveur dti mariage des person-
nes auxquelles on a dil le jour; la loi anglaise ne recon-
naît pas la légitimation par mariage subséquent. L'enfant
conçu avant le mariage mais né après la célébration est
légitime : il est réputé avoir pour père le mari de sa mère ' .
La même présomption n'existe plus une fois que les époux
ont été séparés judiciairement '^
188. — D'après le droit ecclésiastique, les mariages
putatifs ne produisaient pas, à l'égard des enfants, les effets
' Co. Litt., 244 a. 2 st. Georges c. St. Margarets,
1 Salk., 12:1
120 DEVOIRS DES PARENTS ENVERS LEURS ENFANTS LEGITIMES
d'un mariage valable. Mais, depuis que la juridiction ci-
vile a obtenu le pouvoir de statuer elle-même sur les
causes de dissolution du mariage, on admet en faveur des
enfants lestempéraments indiqués plus haut dans nos §§ i 05
et 106.
Dans les deux hypothèses du mariage subséquent et
du mariage putatif, la législation écossaise a pris exacte-
ment le contre-pied de l'ancienne législation anglaise et
concorde avec le droit française
189. — L'enfant dont la légitimité est douteuse n'est
pas obligé d'attendre qu'on lui intente une action en con-
testation d'état; il peut ouvrir de lui-même devant la
cour des Divorces une action en déclaration de légi-
timité*.
II
Devoirs des parents envers leurs enfants légitimes.
Sommaire : 190. Principe généraL — 191. Nature et limites de robligation
d'entretien. — 192. Sanction d'après les lois sur l'assistance des indi-
gents; sur qui pèse l'obligation. — 193. Devoir de protection. — 194.
Devoir d'éducation.
190. — Les parents doivent entretenir, protéger et
élever leurs enfants.
191. — L'entretien comprend tout ce qui est néces-
saire à la vie de l'enfant. L'obligation pour les parents
d'entretenir leurs enfants est pourtant beaucoup moins
absolue d'après le droit commun anglais qu'elle ne l'est
sur le continent. Elle a été indirectement sanctionnée par
les lois sur les pauvres; mais elle n'est pas inscrite dans
3 Erskine, 1, 6, 49; Fraser, Do- '< St. 21 et 22, Vict., c. 93.
mestic Relations, II, 11.
DEVOIRS DES PARENTS EN'VERS LEURS ENFANTS LÉGITIMES 121
la législation d'une façon directe et spéciale. 11 en résulte
qu'en principe les père et mère ne sont pas tenus de pour-
voir à l'entretien de leurs enfants, à moins que ceux-ci, à
raison de leur bas âge ou de leur état de santé, ne soient
hors d'état de gagner leur vie ; et encore, dans ces cas, le
devoir des parents ne va-t-il pas au delà du strict néces-
saire, la loi présumant que, si les enfants méritent un trai-
tement plus favorable, on peut s'en rapporter à l'affection
naturelle de leur père". De même, il a été jugé que les pa-
rents ne peuvent être recherchés à raison des dépenses
même nécessaires qu'un tiers a faites pour leur enfant, si
ce tiers n'est pas en mesure de se prévaloir contre eux d'un
contrat exprès ou implicite. Ainsi, lorsqu'un étranger, ren-
contrant un enfant abandonné et dénué de tout, pourvoit
à ses premiers besoins, il n'a aucun recours contre les pa-
rents en remboursement de ses avances. Celte solution, si
rigoureuse soit-elle, est d'ailleurs conforme à la logique
du droit, puisqu'il est de principe que le gérant d'affaires
n'a d'action que contre celui dont il a rempli une obliga-
tion légale. Toutefois les tribunaux ne se montreraient pas
exigeants sur la preuve de l'existence d'un engagement
implicite de leur part. Lorsque l'enfant demeure dans la
maison de son père et que celui-ci lui a donné ce qu'il es-
time suffisant pour ses besoins, il sera malaisé de le faire
condamner à donner davantag:e; lors, au contraire, que le
père n'a rien alloué à l'enfant pour ses besoins, le juge
se contentera, pour admettre qu'il y a de sa part un en-
gagement tacite, de la simple circonstance, s'il s'agit, par
exemple, de vêtements, qu'ils ont été livrés à l'enfant dans
la maison paternelle, au vu et au su de son père. A l'égard
s Blackstone, Comm., II, 230.
122 DEVOIRS DES PARENTS ENVERS LEURS ENFANTS LÉGITIMES
d'uD enfant qui n'habite pas chez son père, il est beaucoup
moins facile de supposer un semblable engagement ^
192. — En vertu des lois sur les pauvres, l'obhgation
de pourvoir aux besoins des enfants pèse tout d'abord sur
le père et la mère, puis subsidiairement sur les grands-
parents. Mais elle se résume, en dernière analyse, en
l'obligation de payer, quelle que soit la position sociale ou
la fortune des uns et des autres, une pension qui ne
peut excéder vingt shillings (25 fr,) par mois lunaire, soit
treize livres (32S fr.) par an. Le juge n'a pas le droit
de contraindre les ascendants à un sacrifice plus considé-
rable^ ; il peut, au contraire, suivant les circonstances,
fixer la pension à un chiffre moins élevé ou en accorder la
décharge complète. Les parents qui se dérobent à leur
devoir d'entretien et laissent leurs enfants à l'abandon,
s'exposent à voir leurs revenus et biens meubles saisis par
les marguilliers et inspecteurs des pauvres de la paroisse,
jusqu'à concurrence de ce qui est nécessaire pour pour-
voir aux besoins des enfants*. Mais l'obligation ne pèse
que sur les parents, à l'exclusion des alliés^ Et, d'autre
part, elle n'existe qu'a'utant que les enfants, à raison de
leur âge ou de leur santé, sont hors d'état de pourvoir à
leurs besoins par eux-mêmes.
Néanmoins, « comme rien n'est, dit Blackstone '", plus
propre à étouffer l'impulsion de la nature que le fanatisme
religieux », le statut 11 et 12, Guil. III, c. 4, a posé en
principe que, si un père catholique romain refuse à son
fils protestant un entretien convenable dans le but de le
forcer à changer de religion, le lord chancelier pourra^
« Paterson, Comp., n» 808. » 4 T. R., 118; 4 East, 82.
7 Poorlawact, Si. 43, Elis., c. 2. lo Ed. fr., II, p. 231.
8 St. 5, Geo. I, c. 8.
DEVOIRS DES PARENTS ENVERS LEURS ENFANTS LEGITIMES 123
par un règlement de la cour de Chancellerie, le contrain-
dre à faire le nécessaire. Cette règle n'ayant pas été
étendue, tout d'abord, à d'autres religions « non moins
intolérantes et superstitieuses que la religion romaine ».
un statut ultérieur de la reine Anne'* l'a déclarée égale-
ment applicable aux parents juifs qui auraient des enfants
protestants.
193. — Le devoir de protection emporte pour le père
le droit et l'obligation d'intervenir pour défendre soit la
personne, soit la fortune de ses enfants. Il doit les assister
en justice pour la défense ou la revendication de leurs
droits. Il est excusable s'il attaque ou se bat pour défen-
dre leur personne, encore que son adversaire sorte de ses
mains plus ou moins gravement maltraité'^
194. — Enfin, les parents sont tenus de donner à leurs
enfants une éducation assortie à leur état. L'instruction
primaire est obligatoire pour tous les enfants entre cinq
et treize ans'^ Sauf ce principe et les mesures restrictives
prises, il y a deux siècles, contre les catholiques, les pa-
rents sont libres de diriger cette éducation comme ils l'en-
tendent. En règle générale, ils en supportent les frais sans
pouvoir se récupérer sur la fortune personnelle des enfants,
à moins qu'ils ne soient eux-mêmes dans la gêne et par la
même hors d'état, abandonnés à leurs seules ressources,
de donner à ces enfants une éducation en rapport avec la
fortune dont ils jouiront un jour ; dans ce cas, la cour de
Chancellerie autorise un prélèvement sur les biens des
enfants'*. Ce prélèvement est aussi admis, quelle que soit
1' 1 Ann., st. 1, c. 30. trad. par M. DuBuit, Ann. de lég.
1* Cro. Jac, 296: 2 Inst., 564; étrany.. t. I, p. 2(5.
Hawkins, Pleus of the (jrown, I,
J31 '* Bucku-orth c. littckn-orth, 1,
13 Si. 33et34, Vicl.,c.75, § 74; Cox., 81.
124 POUVOIRS DES PARENTS SUR LEURS ENFANTS
la silualion respective du père, lorsque certains biens ont
été spécialement affectés par contrat de niariage à l'édu-
caLion des enfants à naître '^
m
Pouvoirs des parents sur leurs enfants.
Sommaire : 195. Nature de ces pouvoirs. — 195 bis. Loi de 1894 destinée à
en réprimer les abus. — 196. Les parents n'ont pas d'usufruit légal. —
197. Droit d'opposition au mariage. — 198. Droit de correction. — 199.
Personnes à qui appartiennent ces pouvoirs. — 199 bis. Pouvoirs accor-
dés à la mère survivante par la loi du 2.0 juin 188Ô. — 200. Absence de
toute restriction analogue à la réserve ou à la légitime.
195. — Les pouvoirs des parents sont corrélatifs à
leurs devoirs. Us se résument en le droit de garder,
•d'élever et de corriger leurs enfants et de consentir à
leur mariage; ils constituent, à vrai dire, beaucoup moins
une patria polestas, au sens romain de ces mots, qu'une
tutelle légale, instituée dans l'intérêt des enfants au
moins autant que dans celui du père : le lord chancelier,
agissant au nom du roi chef de toutes les familles, aurait
la faculté de déléguer à un étranger l'autorité et les pou-
voirs que le père se montrerait indigne de conserver",
195 bis. — La tendance a été dans tous les pays, en ces
dernières années, de protéger les enfants contre les sévices
dont certains parents dénaturés peuvent se rendre coupa,-
bles.
Les lois édictées à cet égard appartiennent en général
au droit pénal proprement dit, pour tout ce qui est de leurs
'5 Thompson c. Griffin,, 1 Cr. limites de la puissance paternelle,
«t Ph., 3n, 320. d'après les principales lois del'Eu-
"5 Cpr. Bull, delég. cornp., t. IX, rope.
p. 169, ÉCMciede M. Pradines sur les
POUVOIRS DES PARENTS SUR LEURS ENFAiNTS 125
dispositions répressives contre les actes de brutalité ou de
corruption. Mais elles relèvent du droit civil dans la me-
sure où elles ajoutent aux peines principales de l'amende
ou de la prison une sanction accessoire consistant en une
déchéance de toutou partie de la puissance paternelle. Tel
est précisément le cas de Vaci pour réprimer la cruauté
envers les enfants, de 1894'-. Indépendamnjent des péna-
lités qui y sont prononcées, il est dit que la Cour pourra
confier Tenfant d'un père indigne à tout autre parent ou
tiers charitable ", qui consentira à en prendre soin jusqu'à
un âge déterminé dont la loi fixe la limite à seize ans. Le
père, ainsi dessaisi de la garde de Tenfanl, peut être con-
damné à contribuer à son entretien jusqu'à concurrence
d'une livre sterling par semaine. En dehors de cette dé-
chéance accessoire à une condamnation, la déchéance peut
être prononcée à titre principal, lorsqu'il a été reconnu par
un magistrat de la Couronne, ou par deux justices ofpeace
qu'un enfant de moins de seize ans est en butte à de mauvais
traitements. En ce cas, l'action en déchéance peut être
intentée partout individu de bonne foi qui affirme, sous
la foi du serment, qu'il agit dans l'intérêt de l'enfant. Le
magistrat de la Couronne ou les juges de paix saisis par
l'initiative de ce tiers lui donnent des pouvoirs provisoires
de gnrde ou de perquisition, selon que l'enfant est déjà en
bonnes mains ou qu'il y a Mpu de le rerhercher dans un
endroit où il court un dnnger physique ou moral. Le droit
de perquisition ainsi acconlé au tiers lui permet de péné-
trer, même par force, dans tout élabhssemenl ou demeure
privée doni la déci-ion povisoire porte l'indication. La dé-
^T Prévention ofcruehy to chil- hle témoigner sa confiance à un
dren Act; Si. î>'i cl r>8 Vicl., c. 41. tiers lu-otessant la même religion
H La Cour doit autant que possi- que l'enfant a proléger (§ 8).
126 POUVOIRS DES PARENTS SUR LEURS ENFANTS
cision définitive appartient à la juridiction de premier res-
sort compétente ra/îone loci.
Antérieurement à la loi de 1894 dont nous venons d'in-
diquer les dispositions principales et qui forme, pour l'An-
gleterre, l'équivalent de la loi française du 24 juillet 1889,
une loi de 189P' avait déjà permis aux juridictions régu-
lières de refuser aux parents dénaturés la réintégration
chez eux d'un enfant qui a pris la fuite, et cette loi reste
encore la sauvegarde des jeunes victimes dont le père, si
indigne soit-il, a pu échapper à l'application de la déchéance
accessoire ou principale. Même en ordonnant la réintégra-
tion d'un enfant au domicile paternel, la cour a d'ailleurs
le droit d'obliger les parents à désintéresser les tiers qui
ont recueilli et nourri cet enfant pendant l'époque de son
abandon.
196. — La loi anglaise n'accorde aucun droit d'usu-
fruit aux parents sur les biens de leurs enfants : ils les
administrent, mais en sont comptables, hormis le cas où,
étant dénués de ressources suffisantes, ils obtiennent
de la cour de Chancellerie l'autorisation de disposer de
tout ou partie des revenus afin de pouvoir donner à
leurs enfants une éducation convenable. Ils n'ont jamais
sur les biens des enfants le droit de jouissance person-
nelle inscrit dans la plupart des codes du continent. Le
père peut, à la vérité, s'appliquer le produit du travail
de ses enfants tant qu'ils vivent avec lui et qu'il les en-
tretient; mais ce n'est pas une prérogative découlant de
la puissance paternelle, car il a le même droit par rap-
port à ses apprentis et à ses domestiques'^".
'«Voir la traduction de cette loi, Vict., c. 3, Custody of Children
parM. Léon Lallemand dans r.4wn. act.
de législ. élr., t. XXI, p. 14; St. 54, 20 Blackstone, éd. fr., II, 236.
POUVOIRS DES PARENTS SUR LEURS ENFANTS 127
197. — Le droit d'opposition au mariage, expressé-
ment formulé dans le statut 26, Geo. II, c. 33, est aussi
beaucoup moins absolu en Angleterre qu'en France;
nous renvoyons à ce que nous en avons dit plus haut
(n" 86, 104).
198. — Le père a le droit de corriger raisonnablement
son fils mineur-'. Mais ce droit s'entend essentiellement
de corrections corporelles ; il ne parait pas, d'après les
documents que nous avons pu consulter, que le père
puisse, sur sa simple réquisition, faire mettre en prison
un fils indiscipliné {C. civ. fr., 377 et suiv.).
199. — En principe, le père jouit seul des droits dé-
coulant de la puissance paternelle; la mère, comme telle,
ne peut prétendre qu'au respect et aux égards de ses
enfants. La puissance paternelle cesse à la majorité de
ceux qui y sont soumis; mais, jusqu'à ce moment, elle
subsiste, même après la mort du père, car il peut, par
son testament, nommer un tuteur à ses enfants. Il peut
aussi, pendant sa vie, déléguer une partie de son auto-
rité à un gouverneur ou précepteur, qui se trouve alors
investi, in loco parentis^ du droit d'élever et de corriger
son élève.
199 bis. — Jusqu'à ces dernières années, la mère
anglaise, exclue des droits de la puissance paternelle,
se trouvait dans une situation notablement inférieure à
celle des femmes françaises, puisqu'elle ne participait pas
à la tutelle de ses enfants, en cas de survivance à son
mari*-, et qu'elle n'était pas même libre de déférer la tu-
telle par testament, ainsi que le Code civil le permet au
21 Hawkins, I, 13U. '^- Voir, notamment, l'art. 39<i du
Code civil.
128 POLVOIRS DES PARENTS SUR LEURS ENFANTS
dernier mourant des père et mère". Aujourd'hui, une loi de
1886** a introduit en Angleterre un système sensiblement
analogue à celui de la France.
Rn premier lieu, la mère survivante devient tutrice de
droit, soit seule, soit conjointement avec le cotuteur qu'a
pu désigner son mari. Si le coluteur ainsi désigné vient à
mourir ou à refuser ses services, la Cour peut nommer un
coluteur ad hoc pour assister la mère en certaines occa-
sions.
En second lieu, la mère a, comme le père, le droit de
déférer la tutelle à un tiers pour le cas où elle mourrait
avant la majorité de ses enfants; et, si les deux époux ont
fait des désignations de leur choix, les tuteurs datifs de
l'un et l'autre côté doivent exercer la tutelle de concert.
Mais la loi anglaise ne s'en est pas tenue là, et, par une
dernière disposition qui venge la cause féministe de tous
ses motifs de rancune, elle permet à la femme, du vivant
même de son mari, de nommer un cotuteur provisoire
pour assister son mari en cas de survivance de celui-ci.
Ce cotuteur n'est que provisoire en ce sens que sa désigna-
tion ne devient définitive que si elle est confirmée par la
cour à raison d'un manque de capacité reconnu chez le
père.
L'esprit général de cette législation nouvelle est de créer '
une égalité parfaite entre les époux au point de vue des
droits découlant de la puissance paternelle, et déjà les tri-
bunaux anglais ont eu l'occasion de montrer leur intention
de se conformer à ce nouvel esprit de la loi".
200. — Il est à remarquer que, si, en Angleterre, le
** C. civ., art. 397. Cheuvreux dans VAnn. de législ.
21 Guardianshîp of infants act étr., t. XVI, p. 38.
(St. 49 et 50, Vict., c. 27). Voir, sur
cette loi, une notice de M. Casimir 25 c. A. 1897, 1 Ch. 786.
DEVOIRS DES ENFANTS ENVERS LEURS PARENTS 129
père n*a aucun droit sur la fortune de ses enfants, même
mineurs, en revanche, il n'est entravé dans son propre
droit de disposition par aucune règle restrictive analogue
à ce que, sur le continent, on appelle légitime, réserve,
Pflichttheil, etc. Sauf convention contraire par contrat
de mariage, il peut léguer l'ensemble de ses biens,
meubles ou immeubles, à des étrangers au préjudice de
ses enfants ou descendants.
IV
Devoirs des enfants envers leurs parents.
Sommaire : 201. Principe général ; dette alimentaire. — 202. Défense des
parents par les enfants.
201. — A part les devoirs de respect et d'obéissance
qui correspondent aux pouvoirs des parents exposés ci-
dessus, les enfants ont, vis-à-vis de leurs parents et
grands-parents tombés dans la misère et incapables de
se suffire par eux-mêmes, un devoir d'assistance décou-
lant tout à la fois du droit naturel et des lois sur l'as-
sistance des pauvres, et dont ne les dispenseraient ni
les mauvais procédés, ni l'inconduite de l'ascendant in-
digent. Cela revient à dire qu'en Angleterre, comme en
France, la dette alimentaire est réciproque entre parents
en ligne directe, ascendante ou descendante^". La loi ne
précise pas dans quel ordre ceux qui sont tenus des ali-
ments doivent, s'ils sont plusieurs à des degrés diffé-
rents, être mis en demeure de les fournir; les juges de
paix régleraient éventuellement la question.
La dette alimentaire n'existe pas dans la ligne collaté-
30 Poor law act, St. 43, Élis., c. 2, § 7; St. 5, Geo. IV, c. 8;^.
Lebr. 9
130 DES ENFANTS ILLÉGITIMES
raie, même entre frères et sœurs, et encore que celui
d'entre eux dont l'assistance serait requise eût recueilli
toute la fortune de l'auteur commun".
202. — Les enfants ont, s'il y a lieu, le droit et le de-
voir de défendre la personne de leur père et d'épouser
sa cause en justice^".
CHAPITRE II
Des enfants illégitimes.
Sommaire : 203. Définition et situation juridique. — 204. Cas du bastard
eigné et du mulier puisné. — 205. La reconnaissance ne crée aucun
lien de filiation ; simple dette alimentaire. — 206. Devoirs de la mère. —
207. Déclaration judiciaire de paternité. — 208. Intervention de la pa-
roisse. — 209. Avantages du système anglais en matière de recherche
de paternité; ses inconvénients. — 210. Liberté de tester en faveur
de l'enfant naturel.
203. — Tout enfant qui n'est pas issu d'un mariage
valable est un enfant naturel, réputé n'être le fils de
personne, fîlius nidlius. Sa qualité n'entraîne plus au-
jourd'hui d'incapacité pour lui qu'au point de vue des
successions : n'ayant légalement aucun lien de parenté,
même avec sa mère, il ne peut être héritier, et sa propre
succession ne peut être recueillie que par ses enfants
ou descendants légitimes, s'il en a. Un acte du parle-
ment est seul assez puissant pour relever le « bâtard »
de cette incapacité. Comme on l'a vu plus haut, le mariage
subséquent du père et de la mère ne légitime point leurs,
enfants naturels'.
ST Paterson, Gomp., n» 847. < 4, Inst., 36.
28 Blackstone, éd. fr., II, 239.
DliS ENFANTS ILLEGITIMES 131
204. — Ce mariage ne produit un effet civil au point de
vue d'un enfant naturel né antérieuremeni, que dans un
seul cas, celui du bastai'deignéelâu millier puisné,ces[-
à-dire dans le cas où le père et la mère de l'enfant
naturel, venant à se marier, ont ensuite un enfant légi-
time et où, cependant, au décès du père, c'est l'enfant
naturel, aîné des deux, qui se met en possession de l'héri-
tage paternel, en jouit pendant toute sa vie, sans récla-
mation de la part de son puîné, le filius mulieratus'^ on
né d'une femme mariée, et le transmet à ses propres en-
fants par droit de succession. Dans ce cas tout spécial, le
droit du fils légitime et, en générai, de tous autres préten-
dants, s'efface devant le fait accompli^: la loi le veut ainsi,
d'une part, pour punir le millier, le puîné légitime, de
n'avoir pas fait valoir son droit du vivant de l'aîné et de
n'avoir pas demandé à temps son éviction; d'autre part,
parce qu'elle n'admet pas qu'on déclare bâtard, après son
décès, un homme qui a possédé comme héritier, qui est
mort en possession et qui, par conséquent, a passé pen-
dant sa vie pour légitime; enfin, parce que, tout en répu-
diant le principe canonique de la légitimation par mariage
subséquent, la loi a jugé que, dans ce cas particulier, les
circonstances étaient assez favorables à l'enfant naturel
pour justifier une exception à la règle et l'adoption de la
doctrine plus indulgente de l'Église et du droit romain, j.a
règle stricte subsiste dans tous les autres cas'.
205. — L'enfant naturel étant toujours, en Angleterre,
Mnfilius niilliiis et ne pouvant jamaisy conquérir, par rap-
port aux auteurs de ses jours, la position intermédiaire
« Glanville, \. VU, c. L '• LiUleton, 400; Blackstone. éd.
3 Littleton, Tenures, 399; Co. fr., III, 86,
Litt., 244,
132 DES ENFANTS ILLEGiïlMES
que lui assurent la plupart des législations du continent
lorsque sa filiation paternelle ou maternelle est constante,
il s'ensuit que la reconnaissance volontaire ou forcée n'y
tient pas, dans le droit, la place considérable qu'ellea, par
exemple, en France. La constatation volontaire ou forcée
soit de la maternité, soit de la paternité, n'élève jamais
l'enfanl naturel au rang de fils de ceux auxquels il doit la
vie; elle ne lui donne contre eux qu'une créance alimen-
taire, qui est même, vis-à-vis du père, d'une extrême exi-
guïté. Le régime anglais n'appartient donc pas au système
qu'on appelle, dans la théorie, le système de la paternité, ni
même au système de la maternité ; il appartient au système
dit mixte, qui présente, à notre sens, bien des inconvénients
pour des avantages assez minces.
206. — La mère de Tenfant naturel est tenue de pour-
voir à l'entretien et à la subsistance de son enfant. Cette
obligation persiste pour elle tant qu'elle reste célibataire
ou veuve, et jusqu'à ce que l'enfant ait atteint l'âge de
seize ans ou soit capable de gagner sa vie. Quand l'enfant
est une fille, elle reste à la charge de sa mère jusqu'à son
mariage, si elle se marie avant seize ans. Dans ces divers
cas l'enfant naturel doit être traité chez sa mère comme
un membre de la famille, encore que la mère se marie et
donne ensuite le jour à des enfants légitimes: l'homme
qui épouse la mère s'assujettit par là même aux obliga-
tions de celle-ci, tant qu'elle vit \ En échange de ces
devoirs, la mère et, s'il y a lieu, son mari ont le droit de
« gardiennage» (custody) sur l'enfant jusqu'à sa seizième
année.
Le droit anglais assure ainsi, tant bien que mal, la pro-
8 St. 4 et 5. Guil. IV, c. 76, §§ 71 et 57.
DES ENFANTS ILLl^GITIMES 133
teclion des enfants naturels par un système qui tient le
milieu entre l'indifférence complète du droit français et la
haute tutelle d'Élat organisée pour les enfants naturels
par le nouveau Code civil allemand [Obervorînundschaft),
et par Tavant-projet de Code fédéral suisse.
207. — Si la mère, célibataire ou veuve, n'a pas les
ressources nécessaires pour pourvoir à l'entretien ou à la
subsistance de son enfant, elle peut s'adresser à la justice
de paix pour faire déclarer père de l'enfant l'homme qu'elle
affirme être l'auteur de sa grossesse [af filiale the child on
the father). L'action n'est recevable que si elle est intentée
pendant la grossesse ou dans les douze mois depuis l'ac-
couchement, à moins que, pendant ce délai, le père n'ait
déjà contribué bénévolement à l'entretien de l'enfant. La
femme n'est pas crue sur sa seule affirmation, même cor-
roborée par un serment. Il faut que son témoignage soit
appuyé par d'autres ou par un commencement de preuve
par écrit. Le prétendu père peut le combattre par tous les
moyens de preuve admis au civil, et notamment en rap-
portant la justification que, pendant la période correspon-
dant à la conception, la femme a eu des relations intimes
avec d'autres hommes. Si le juge estime que la paternité
est établie, il condamne le défendeur à contribuer à l'en-
tretien de l'enfant jusqu'à l'âge de treize ans ou, s'il y a
lieu, de seize ans, par une allocation hebdomadaire de cinq
shillings, quelles que soient sa position sociale et sa for-
tune (32o fr. par an). C'est un prix fixe'.
208. — Il arrive parfois que la mère, bien que besoi-
gneuse, néghge par insouciance, par dignité, par haine
de l'homme qui l'a abusée, ou pour toute autre raison,
B st. 7 et 8, Vict.. c. 101, §3; filiation naturelle, p. .330.
Jonnesco, De la recherche de la
134 DES ENFANTS ILLÉGITIMES
fie réclamer dans l'intérêt de son enfant le bénéûce de la
Ici. Alors, en vertu du Poor law, l'enfant est adopté par
la paroisse, et celle-ci peut contraindre la mère à entamer
les poursuites qu'elle n'a pas faites de son chef.
209. — Dans la mesure qui vient d'être indiquée, la
recherche de la paternité ne paraît pas avoir eu, en Angle-
terre, les inconvénients et les dangers qui l'ont fait interdire
€n France, et l'on est assez disposée l'y considérer comme
susceptible de concourir au bien public. En fait, il est très
rare, paraîl-il, que l'on en vienne jusqu'à une instance
judiciaire. Les femmes redoutent le scandale de semblables
procès, d'autant que le bénéfice qu'elles en peuvent retirer
est des plus minimes. D'autre part, le père présumé aime
mieux, le plus souvent, lorsqu'il en est sollicité, payer la
modique redevance Gxée par la loi, que de se voir citer en
justice. 11 en résulte que presque toutes les affaires se ré-
solvent à l'amiable, les parties ayant un égal intérêt à
s'entendre.
Au surplus, la loi a pris des précautions contre les abus.
Non seulement la femme qui en réclame le bénéfice est
■obligée de faire sa déclaration sous serment par devant un
commissaire à ce délégué, mais encore elle encourrait, en
cas de fausse déclaration, les pénalités les plus rigou-
reuses. Et les cas de chantage sont rares avec une législa-
tion qui a pris soin de tarifer les obligations du père.
Mais il est permis de se demander si, à tant que d'ex-
poser un homme à être moralement ou judiciairement con-
traint de se reconnaître père d'un enfant naturel, il n'y
avait pas à veiller plus sérieusement aux intérêts de l'en-
fant qu'il accepte comme sien. Une allocation fixe de
325 francs par an pendant treize ou seize ans est une assis-
tance véritablement dérisoire; et ce n'est pas, nous le sup-
DES ENFANTS ILLEGITIMES 135
posons, pour arriver à ce piètre résultat, aggravé par
l'absence de tout droit héréditaire, que nombre de publi-
cistes français mènent une bruyante campagne en vue de
faire abroger l'article 340 du Code civil. Si l'homme de
qui l'assistance est requise est réellement le père de l'en-
fant, il est évident qu'à ce prix il ne remplit pas les de-
voirs que lui impose la nature; et, s'il ne l'est pas, il est
parfaitement immoral et odieux de lui faire payer une
pension, ne fût-ce que de 325 francs, sous la menace d'un
scandale et en se consolant par l'exiguïté du sacrifice qu'on
lui demande.
210. — Il convient cependant d'ajouter que la loi an-
glaise, si rigoureuse à l'égard des enfants naturels, est
corrigée dans une certaine mesure par la grande liberté
qu'elle accorde en matière de dispositions testamentaires.
Si l'enfant naturel n'a aucun droit sur la succession ab in-
testat de ses parents, il peut être l'objet de leurs libéralités
expresses, sans venir se heurter, comme en France, à une
disposition qui, se fondant sur ce que lui réserve la loi, le
déclare incapable de rien recevoir au delà soit entre vifs,
soit par acte de dernière volonté (908, C. civ,).
LIVRE DEUXIEME
DES DROITS RÉELS.
SECTION PREMIERE
NOTIONS PRÉLIMINAIRES ET CLASSIFICATIONS.
CHAPITRE I
Division des biens propre au droit anglais.
Sommaire : 211. Origine féodale de la propriété foncière; biens meu-
bles dans lancien droit. — 212. Tenements ou real property; goods
and chaltels ou pcrsunal property. — 213. Ghattels réels. — 214.
Chattels personnels. — 215. Choses in action; mode de cess-ion; équi-
table choses in action. — 216. Biens personnels incorporels. — 217.
Diflérences entre la propriété réelle et la propriété personnelle. —
218. Cas où l'origine féodale de la propriété continue à se l'aire sen-
tir; droit de retour à la couronne; trésor; estrays.
211. — Aussitôt après la conquête de l'Angleterre par
les Normands, une grande partie des terres fut confisquée
au profit des vainqueurs et distribuée par le roi entre ses
compagnons d'armes, à titre de fief et à charge de service
militaire. Ce système féodal de teniires^ ou terres mou-
vantes du roi, s'étendit peu à peu au reste du sol, c'est-à-
dire aux parties du pays laissées entre les mains des pro-
priétaires saxons primitifs ; les auteurs ne sont pas d'accord
138 DIVISION DES BIENS PROPRE AU DROIT ANGLAIS
sur la manière dont se fît cette évolution'. Il est certain
que, malgré le caractère féodal de la législation foncière,
toute une population de cultivateurs libres s'était déve-
loppée sur le sol anglais à la fîn du moyen âge. C'étaient
les yeomen^ dont tous les historiens français signalèrent la
valeur au cours de la guerre de Cent ans. Mais il vint un
moment où la productivité des cultures métropolitaines
diminua en raison des importations de récoltes coloniales;
l'agriculture fut délaissée d'autant plus volontiers que le
progrès de l'industrie textile relevait le prix de la laine et
incitait les classes rurales à convertir les labours en pâtu-
rages. Ces deux circonstances économiques furent mor-
telles pour la petite propriété. Enfin, le développement de
la gentry et sa puissance politique, à partir de Guil-
laume III, permirent au Parlement de voter toute une série
à'Inclosure Acts, qui eurent pour but apparent de trans-
former les propriétés communales en propriétés privées,
mais qui, en réalité, servirent la cause des reconstitutions
de grands domaines; et l'on vit alors se développer ces
latifundia anglais qui subsistent encore, non comme une
survivance de la féodalité, mais comme une conséquence
d'une crise économique et politique beaucoup plus récente.
Les formes archaïques du droit anglais n'ont donc pas
créé cette situation; mais elles l'ont favorisée, car la con-
centration des propriétés foncières n'aurait pas duré si
longtemps, et elle ne se serait pas aggravée, si le principe
de la primogéniture et le régime des substitutions ne
l'avaient protégée contre tout partage mortis causa.
1 Cpr. Wright, Tenures, 64, 65; litique en Angleterre, pp. 91, 230,
Blackstoue, Comm., II. 49, 50; 235; De Laveleye, De la propriété
Hallam, Middle Ages, II, 429 et et de ses formes primitives, p. 445;
suiy.; Boutmy, Développement de Jacques Dumas. Le problème fon-
la constitution et de la société po- cier en Angleterre, p. 1G2.
DIVISION DES BIENS PROPRE AU DROIT ANGLAIS 139
En effet, si le possesseur de terres a joui de vieille
date sur son domaine de droits considérables et si, dans
le cours des siècles, ces droits n'ont fait que se dévelop-
per et se consolider, la notion d'une propriété indépen-
dante et absolue, telle que la conçoit le droit romain, est
étrangère au droit anglais dès qu'il s'agit d'immeubles :
le possesseur de terres est réputé n'avoir jamais qu'un
droit dérivé, un fief mouvant soit directement de la cou-
ronne, soit d'un suzerain interniédiaire; il n'est pas pro-
priétaire au sens romain du mot, et toute la terminologie
juridique se ressent de cette différence fondamentale, qui
a survécu, à travers les siècles, à l'effondrement du
régime féodal proprement dit.
Ce système féodal ne pouvait évidemment s'adapter
qu'aux biens-fonds. Le bétail et, en général, les effets
mobiliers 'étaient, de leur nature, trop sujets à dépérisse-
ment pour faire l'objet d'obligations féodales. Aussi les
donnait-on à titre gratuit, indépendamment de toute charge
militaire ou autre; et, d'autre part, on ne se faisait nul
scrupule de les frapper de taxes exorbitantes ou d'en pro-
noncer la confiscation pour des délits de minime impor-
tance. Les anciens traités de jurisprudence sont à peu près
muets sur les règles applicables aux biens meubles : la
terre était le bien par excellence, réputé seul digne de
l'attention du législateur et de la protection du juge. Brit-
ton et le Miroir ne parlent point du tout des meubles; et
le peu qu'on trouve sur ce sujet dans Glanville, Bracton et
Fleta semble emprunté purement et simplement au droit
romain. 11 est superflu de dire que, depuis lors, cet état de
choses s'est modifié, à mesure que la richesse mobilière
s'accroissait grâce au développement du commerce et de
l'industrie : aujourd'hui, en Angleterre comme dans le
140 DIVISION DES BIENS PROFHE AU DROIT ANGLAIS
reste da monde civilisé, les tribunaux et la loi considè-
rent celte richesse-là comme ayant droit à la même protec-
tion que la propriété foncière; toutefois elle ne porte pas
le même nom.
212. — Les terres, les maisons et autres immeubles
susceptibles d'être tenus en fief portent de vieille date le
nom de tenements ou de choses tenues {things held);
on les appelle di.nss\bér[[ages [heî'editaments], parce qu'en
général, à la mort de leur possesseur, ils passent de plein
droit à son héritier. Dans le langage juridique moderne^
on les comprend sous le nom.de biens véeh^real property^
par opposition aux biens, dénature assez complexe, qu'on
désignait autrefois par l'expression de goods and chattels
et qu'on appelle aujourd'hui biens personnels, personal
property.
L'expression anglaise de propriété 'personnelle^ appli-
quée à tout ce qui n'est pas biens réeh^ est plus compré-
hensiveque notre expression française de propriété mobi-
lière: elle embrasse non seulement les meubles propre-
ment dits, goods, mais encore les dive»s chattels. Chattel
est un terme technique que l'on dérive communément de
catalla, cattle^ bétail d'une ferme. Or chatlel, dans le lan-
gage juridique, est le contraire, non d'immeuble, mais de
fief : tout ce qui n'est pas fief est, dans un certain sens,
chattel, et tout ce qui est chattel n'est pas à proprement
parler meuble. Pour constituer le fief ou bien d'héritage,
il fallait, selon le commentateur du Coustumier (f** 107 a)^
que la chose ufust non mouuable et de duréeàiousiours».
Tout bien manquant de l'une de ces deux qualités d'im-
mobilité ou de durée n'était pas chez les Normands un fief
et n'est pas, aux yeux des jurisconsultes anglais modernes,
in bien réel : c'est un chattel. Mais il s'ensuit que, si c'est
DIVISION DES BIENS PROPRE AU DROIT ANGLAIS 141
la durée seule qui fait défaut, une chose même no?i mouua-
ble, — un immeuble, — peut rentrer sous cette rubri-
que d'un bien persorinel. La loi a donc dû distinguer
deux classes de chatlels, les chaltels réels et les chaltels
personnels.
213. — Les chattels réels, d'après Coke [up. Litlleton,
418), sont ceux qui se rapportent à des biens réels et par-
ticipent en quelque sorte de leur nature ; par exemple :
les baux ou concessions pour un terme d'années, le droit
de faire la prochaine présentation à un bénéfice, les états
de possession par statut marchand, statut d'étape, ele-
ffit, etc. Tous ces droits ou intérêts se rattachent à des im-
meubles ou en proviennent, et satisfont à l'une des deux
conditions indiquées ci-dessus : ils sont immobiliers, mais
n'ont pas la durée indéterminée moyennant laquelle, étant
immeubles, ils rentreraient dans la classe des fiefs ou
fraocs-tènemenls. En effet, leur plus grande durée est li-
mitée d'avance soit à un nombre déterminé d'années, soit
au moment où une certaine somme a pu être prélevée sur
certains revenus; en sorte qu'aux yeux de la loi l'état de
possession d'un chaltel réel est inférieur à un bail pur au-
tre vie, qui est le moindre des états de possession en
franc-tènement. D'après les principes féodaux, les tenan-
ciers de chattels étaient de simples fermiers révocables à
volonté, du moins jusqu'au règne d'Henri VIII. Le franc-
tènement, qui seul est une propriété réelle et qui corres-
pond au fief normand, se transfère parle moyen d'une in-
vestiture accompagnée de livery of seisin; le tenancier
dûment investi jouit d'un droit absolu sur le bien, tant
qu'il ne l'ahène pas volontairement ou que ne se réalise
pas l'événement qui doit mettre un terme à sa tenure. Au
contraire, un chatlel réel en terres ne comporte ni inves-
142 DIVISION DES BIENS PROPRE AU DROIT ANGLAIS
tilure, ni livery of seisin; le tenancier se borne à entrer
sur le bien et né peut y rester que pendant le tea)ps fixé à
l'avance. Ainsi, un term of years expire nécessairement
à la fin du nombre d'années stipulé; le droit à la plus pro-
chaine présentation ne survit pas à l'usage qui en a été
fait celle fois-là,- et les états de possession conditionnels
par statut marchand, etc., s'éteignent aussitôt que la dette
est soldée.
214. — Lorsque les baux à terme et autres droits im-
mobiliers dont nous venons de parler furent admis dans la
classe des chattels comme chaltels réels, il fallut trouver
un qualificatif distinct pour les biens qui précédemment
constituaient seuls les chattels : animaux, meubles meu-
blants, bijoux, vêtements, numéraire, etc.; et l'on nomma
chattels personnels ceux qui n'avaient aucune « saveur de
réalité ». D'où provient ce qualificatif àe personnels? Coke
[up. Litll., 118, b) en donne deux explications entre les-
quelles il laisse le choix : on nomme ces chattels person-
nels, soit parce qu'ils sont en quelque sorte inhérents à la
personne et la suivent en quelque lieu qu'elle se trans-.
porte, soit parce qu'on les recouvre au moyen d'une action
personnelle. Blackstone adopte la première de ces raisons;
Williams se prononce pour la seconde^, car, dit-il, quand
on a commencé à qualifier les chattels de personnels, ils
étaient déjà trop nombreux et importants pour suivre la
personne de leur possesseur et, d'autre part, les légistes
ont toujours accordé une attention toute spéciale à la na-
ture des actions. Or c'est une action personnelle que l'on
intentait à propos de biens pour lesquels, à raison de leur
nature périssable, on n'était jamais sûr de pouvoir obtenir
2 Blackstone, Comm., éd. fr., property, iô" éd., p. 5 et 6.
III, p. 331; Williams, Personal
DIVISION DES BIENS PROPFU^] AU DHOIT ANGLAIS 143
du défendeur autre chose qu'une indemnité pécuniaire,
hormis les deux cas tout spéciaux d'une action of detimte
on à\\T\e. action of replevin^ . Ce n'ôsl que de nos jours
que celui qui a droit à des meubles a été armé de moyens
énergiques pour se les faire restituer en nature : la per-
sonne qui, détenant indûment les meubles d'autrui ou s'é-
tant engagée à livrer des meubles contre argent, refuse de
s'en dessaisir, est exposée à voir tous ses biens meubles
et immeubles frappés de saisie jusqu'à ce qu'elle se soit
exécutée*. Mais auparavant, encore une fois, l'action en
restitution de meubles était essentiellement personnelle et
se résolvait presque toujours en des dommages et intérêts.
Nous ne voulons, du reste, pas insister plus longuement
sur cette question de terminologie.
215. — Dans le principe, les chattels personnels con-
sistaient exclusivement en meubles corporels se trouvant
en la possession de leur propriétaire ou de ses ayants-
cause; on n'y comprenait pas de biens incorporels. Tou-
tefois, s'il n'existait pas, à vrai dire, de chattels personnels
incorporels, on pouvait avoir un droit d'action, c'est-à-dire,
la faculté de s'adresser à un tribunal pour obtenir soit le
remboursement d'une créance, soit des dommages et inté-
rêts à raison d'un préjudice éprouvé ou de la non-exécu-
tion d'un engagement. Les Normands appelaient ce droit
chose in action^ par opposition aux meubles corporels,
qu'ils désignaient sous le nom de choses in possession.
* L'action of delinue était diri- ces sous la garde du sAfri/', c'est-à-
gée contre celui qui détenait sans dire, d'un ol'ficier public, on pou-
droit les meubles d'aulrui ; elle ne vait toujours, s'il y avait lieu, les
se résolvait que subsidiairement en recouvrer en nature,
dommages et intérêts. L'acdon of * St. 17 et 18, Vict., c. 125,
replevin tendait à obtenir la resti- i^ 78; 19 et 20, Vict., c. 97, § 2; 38
tution de meubles saisis illégale- et 39, Vict., c. 77. App. F, 8.
ment; comme ils se trouvaient pla-
144 DIVISION DES BIENS PROPRE AU DROIT ANGLAIS
Les « choses en action », bien qu'ayant une valeur,
étaient dépourvues à l'origine du caractère essentiel des
biens, qui est de pouvoir être transférés à autrui : on avait
craint, en en autorisant la cession, d'encourager les pro-
cès'. Toutefois, comme l'une des choses en action les plus
importantes était le droit de poursuivre le remboursement
d'une créance, on ne tarda pas à reconnaître que l'impos-
sibilité de céder ce droit créait de grands embarras au
commerce; aussi admit-on de bonne heure que les créan-
ces constatées par lettre de change étaient transmissibles
■au moyen d'un endossement accompagné de la remise de
la lettre au porteur. Quant aux autres créances, on éluda
la loi en permettant au cessionnaire d'en poursuivre le
remboursement au nom du cédant®. Depuis ce moment,
les créances prirent dans la propriété personnelle une im-
portance qui s'accrut encore lorsque, à partir du règne de
Henri VlIP, il fut permis de stipuler des intérêts pour
les dettes d'argent : les prêts et les morts-gages ne tardè-
rent pas à former une espèce nouvelle et considérable de
biens personnels incorporels. Sous la reine Anne*, les
billets à ordre devinrent endossables comme les lettres de
change. Des statuts ultérieurs autorisèrent le porteur d'un
connaissement et le cessionnaire d'une police d'assurance
sur la vie ou maritime à poursuivre le débiteur en leur
propre nom*. Mais, jusqu'au 4" novembre 1875, toute
autre chose en action ne fut cessible, at law^ que sous la
forme d'un pouvoir donné au cessionnaire de poursuivre
au nom du cédant. Depuis cette date, et en vertu de la loi
6 10 ftep., 49, a. s St. 18 et 19, Vict., c. 111, § 1 ;
6 St. 15, Henr. Vlll, c. 2. 30 et 31, Vict., c. 144 ; 31 et 32,
' St. 37, Henr. VIII, c. 9. Vict., c. 86.
8 St. 3 et 4, Ana., c, 9, et St. 7,
Ann., c. 25, § 3.
DIVISION DES BiENS PROPHE AU DROIT ANGLAIS 145
sur l'organisation judiciaire de 1873'°, amendée par trois
lois postérieures**, toute cession d'une créance ou d'une
autre chose en action, constatée par un écrit de la main
du cédant et notifiée par écrit au débiteur cédé, est valable
at law à partir de cette notification et confère au cession-
naire tous les droits du cédant.
Indépendamment des meubles incorporels qui existent
sous forme de choses en action recouvrables par la voie
d'une action at law, il existait aussi des équitable choses
in action qu'avant la loi sur l'organisation judiciaire de
1873 on pouvait faire valoir devant les cours d'équité
seules. Ces chosesAk étaient de vieille date susceptibles
d'une cession directe, et le cessionnaire était admis à ac-
tionner en son propre nom le débiteur; car les cours d'é-
quité avaient toujours tenu à honneur de s'accommoder
aux exigences de la vie moderne et de renoncer aux sub-
tilités si fréquentes at law. La distinction des choses in
action en légales et équitables a perdu son importance
depuis la fusion des deux juridictions et l'inscription dans
la loi du principe de la cessibilité des créances.
216. — De nos jours ont surgi de nombreuses espèces
de biens que l'ancien droit ne connaissait pas; ainsi, les
fonds publics, les actions de chemins de- fer et de so-
ciétés industrielles, les brevets d'invention, les droits
d'auteur. Ces biens, de nature mobilière ou personnelle.,
se rangent généralement, faute d'une meilleure classifi-
cation, parmi les choses in action; mais ce sont des
biens personnels incorporels, bien plutôt que des droits
d'agir en justice selon le sens primitif de cette expres-
sion technique.
to st. 36 et 37, Vict., c. 66, § 25, '« St. 37 et 38, Vict.. c.'83 ; 38 et
al. 6. 39, Vict., c. 77 ; 40, Vict., c. 9.
LEHn. 10
i46 DIVISION DES BIENS PROPRE AU DROIT ANGLAIS
217. — La propriété personnelle diffère de la propriété
réelle en ce qu'elle n'est pas soumise aux règles féodales
sur la tenure, qu'elle est aliénable par d'autres modes, et
qu'en cas de décès de son possesseur elle passe, non à
l'héritier, mais aux plus proches parents du défunt. De
la première de ces trois différences il résulte que, tandis
qu'on n'a jamais sur un immeuble un droit de propriété
absolu et indépendant, mais simplement un estate de
plus ou de moins longue durée, les biens meubles font,
au contraire, l'objet d'une propriété absolue et qu'on ne
saurait avoir un estate. portant sur ces biens-là : there
can be no estale in cfiattels^^.
218. — Le caractère primitivement féodal de la pro-
priété foncière se manifeste encore, à part les questions
de terminologie, par plusieurs conséquences intéres-
santes. A bien des égards, le lien féodal entre le pos-
sesseur de la terre et la couronne, — lord par amont, —
n'est plus que purement nominal; ainsi, le possesseur
n'est plus tenu, à chaque décès ou mutation, de sollici-
ter une nouvelle investiture. Mais il est encore une série
de droits que la couronne est réputée s'être réservés,
précisément en sa vieille quaUté de suzeraine.
Sauf preuve contraire, c'est à elle et non aux tenan-
ciers riverains qu'appartiennent les lais et relais de la
mer. Elle seule peut conférer le droit de prendre sur le
rivage des algues, du sable ou des coquillages, à moins
qu'un usage local n'existe en faveur du public.
Lorsque le possesseur d'un ûef simple (cpr. n" 224)
meurt intestat et sans laisser aucun héritier, le fief fait
retour à la couronne.
'2 Williams, Personal prop., 15' éd., p. 6 et s.
DES DIVERSES ESPECES DE TENURES 147
En cas de condamnation du propriétaire pour trahi-
son {ù^eason), le fief, jusqu'à une époque récente, était
confisqué au profit de la couronne; la confiscation n'a
été abolie que par le St. 33 et 34, Vict., c. 23.
Enfin, le trésor est dévolu à la couronne, à l'exclu-
sion de l'inventeur, qui serait passible de prison et
d'amende s'il cherchait à l'en frustrer '^ Il en serait au-
trement des objets trouvés à la surface du sol, lesquels
appartiennent à l'inventeur, saut les droits du légitime
propriétaire'*; encore la couronne se subslitue-t-elle
à l'inventeur s'il s'agit d'effets mobiliers [waifs) dont un
voleur se débarrasse en fuyant'*. Sont assimilés au tré-
sor et attribués, non au possesseur du sol, mais égale-
ment à la couronne, les animaux domestiques, bêtes à
cornes, moutons, chevaux, etc., trouvés errants sur un
domaine et dont le propriétaire est inconnu [estrays);
celui-ci jouissant d'ailleurs, pendant un an et un jour,
de la faculté de se les faire restituer, moyennant le
remboursement des frais de gcirde'*.
CHAPITRE II
Des diverses espèces de tenures.
Sommaire : 219. Notion des tenures et des estâtes ; quatre tenures princi-
pales. — 220. Freehold et Copyhold. — 221. Petite sergenterie; bour-
gage ; gavelkind ; franche aumône. — 222. Propriétés in possession ou
in expectancy.
219. — On désigne sous l'expression féodale de tenure
le mode suivant lequel le possesseur d'une terre, le te-
" Coke, 7nj(., III, 132; Dalton, »» Cro. Eliz., 694; Blackstone,
on Sheriff, c. 16. Comm., IV, 363.
'' Armory c. Delamire, Smith, '« Brooke, Abridg., Eatray;
Lead. cas., I, 256. Rolle, Abridg., I, 879.
148 DES DIVERSES ESPECES DE TEXURES
nancier ou tenant, possède le fief dont il est investi»
Les diverses sortes de tenure constituent des estâtes dif-
férents : estate, status^ marque l'état, la position dans
laquelle se trouve le possesseur par rapport à son do-
maine, la nature spéciale du droit qui lui compète sur
ce domaine.
Sans vouloir entrer ici dans un examen détaillé de
toutes les tenures usitées en Angleterre depuis le moyen
ùge jusqu'au xvii^ siècle, nous devons seulement dire
qu'il y en avait quatre principales, que Bracton définit
de la façon suivante : « Les tènements sont de deux es-
pèces : les francs-lènements et les villenages. Des francs-
tènements, les uns sont tenus librement, pro homagio et
servitio militari [hy knicjMs service), les autres sont
en frajic-socaf/e, sous la condition de fidélité féodale
seulement (et parfois de payement d'une rente). Des vil-
lenages, les uns étaient purs et comportaient de la part
du tenancier un service arbitraire et indéterminé; les
autres, nommés villeins-socages, obligeaient le tenancier
à des services de vilain, mais certains et déterminés
[villenage privilégié) ^ ». Les copyholds du droit mo-
derne dérivent de la tenure en villenage pur. On ne sau-
rait mieux les définir qu'en disant qu'ils sont l'équivalent
des censives de notre ancien droit.
220. — Les anciennes tenures féodales ont été abolies
sous Charles H (St. 12, Car. [1, c. 24), à l'exception de
deux : le franc-tènement {freehold, liberum tenementum)
et le copyhold. Le franc-tènement s'acquiert au moyen
d'une investiture : c'est V'\mme\ih\e possédé par un homme-
libre"-. La tenure par copyhold est celle dont l'unique titre:
' D'après Stephen, loc. cit., 148 2 Britton, Treatise, c. 32.
édit., t. I, pp. 125, 128, 129.
DES DIVERSES ESPÈCES DE TENURES 149
<;onsiste en une copie du rôle ou registre du manoir dont
relève la terre; dans le principe, le tenancier ne possédait
la terre que selon le bon plaisir du seigneur, sans nulle
garantie de durée ni de stabilité et « conformément à la
coutume du manoir ».
221. — A côté du freehold proprement dit, il subsiste
encore trois tenures qui en sont des variétés : la pelite-
sergenterie [petit sergeanty), le bourgage et le gavelkind.
La première est une tenure en vertu de laquelle le tenan-
cier n'est soumis envers la couronne, dont il relève, qu'à
une redevance annuelle fixe, de valeur insignifiante, telle
qu'un arc, une lance ou une épée. La tenure en bourgage,
qui a presque complètement disparu, astreint les tenan-
ciers à payer une rente au seigneur du bourg qu'ils habi-
tent. Enfin, le gavelkind est une tenure spéciale au comté
de Kent, d'après laquelle les tenanciers sont astreints à un
service féodal fixe, mais purement nominal. Les deux der-
nières tenures présentent cette particularité que, au lieu
d'être dévolus au fils aîné, le bien en bourgage passe au
cadet, et le gavelkind à tous les fils ensemble, du moins si
le possesseur meurt intestat ^
\-i 11 est encore une lenure particulière connue sous le nom
de tenure en franche aumône (m frankalmoign)^ suivant
laquelle un évêque (ou une corporation, religieuse) tient
des terres d'un donateur pour lui et ses successeurs à per-
pétuité, moyennant des prières pour l'âme dudit donateur
nu de ses héritiers, ou tel autre service analogue au profit
des pauvres et des malades. Cette vieille lenure a été
exceptée, avec le freehold et le copyhold, des dispositions
abolilives du statut de Charles II susmentionné. L'Église
» Co. Litt., 140 a.
150 DES DIVERSES ESPÈCES DE TENURES
anglicane lient beaucoup de terres en franche aumône,
bien que, depuis Edouard I", le roi seul pût donner des
terres sous cette fornoe* et que, par conséquent, de sem-
blables libéralités soient complètement tombées en désué-
tude.
•222. — A un autre point de vue, les immeubles sont
dits in possession ou in expectancy , suivant que le tenan-
cier en est actuellement investi ou qu'ils font seulement en
faveur de quelqu'un l'objet d'un droit d'expectative. Il y
a deux sortes d'expectative : le droit de retour [reversion)
et le droit de réversibilité [remainder). Lorsque le proprié-
taire d'un fief simple confère à autrui sur ce fief un droit
à terme ou un droit viager, c'est-à-dire un droit plus étroit
que le sien propre, de deux choses Tune : ou bien il se ré-
serve, — à lui-même ou à ses héritiers, — de recouvrer
ultérieurement le droit primitif dans son intégrité, ou
bien il cède la survivance du droit à une tierce personne.
Dans le premier cas, il existe un droit de retour en faveur
du disposant ou de ses héritiers; dans le second cas, un
gratifié en seconde ligne est investi d'un droit de réversi-
bilité. Le droit concédé à vie ou à terme porte le nom
de parlicular estate parce qu'il ne constitue qu'une por-
tion [particiila) du droit entier ou fief simple [entire es-
tate) .
* St. Quia emptores, 18, Ed. I, c. 1.
SECTION DEUXIEME
DES FRANCS-TÈNEMENTS {FKEEHOLDS).
INTRODUCTION.
223. — Les francs-lènements se divisent en deux
grandes classes, suivant qu'ils sont héréditaires ou non
héréditaires {of inheritance, not of inheritancé). Les
francs-tènements héréditaires sont les fiefs simples et les
fiefs limités, dont l'espère la plus importante est le fief
substitué [fee tail). Les francs-tènements non héréditaires
sont essentiellement les lènements viagers [freeholds for
life); Vestale for life^ le droit de propriété simplement
viager, est en Angleterre la forme la plus ancienne et, à
ce litre, la plus intéressante du droit de propriété immo-
bilière.
CHAPITRE 1
Des francs-tènements héréditaires.
I
Du fief simple.
SoMMAPRE : 224. Caractères actuels d'an fief simple. — 225. Notions du fief
simple. — i. Droit d'aliénation compilant au tenant : 226. Introduc-
tion histofique. — 227. Limitation du droit d'aliénation. — A. Limi-
tations quant aux personnes : 228. Etrangers. — 229. Mineurs et
152 DU FIEF SIMPLE
aFiénés. — 230. Femmes mariées. — 231. Condamnas. — B. Limita-
tions quant aux biens : 232. Aliénations à destination charitable;
Mortmain Act de 1736. — 233. Législation moderne. — 234. Libéra-
lités en faveur d'écoles. — 235. Acquisitions faites par une corpora-
tion. — 236. Acquisitions faites par des sociétés. — 237. Aliénations
faites en fraude des créanciers. — 238. Résumé. — 2. Autres droits
du tenancier et limites de ses droits : 239. Enuméralion. — 240. Tres-
pass. — 241. Nuisances; relations de vicinitc. — 242. Distwbance. —
3. Droits des créanciers sur le fief : 243. Législation ancienne ; assets
by descent; équitable assets. — 244. Loi de 1692: ses conséquences.
— 245. Lois du xix« siècle ; assimilation des créanciers par simple
contract aux créanciers by specialty. — 246. Créanciers ayant obtenu
jugement. — 247. Créances de la couronne. — 248. Effet des actions
immobilières contre les tiers acquéreurs. — 249. Faillite. — 250. Le te-
nant ne peut se dépouiller de son droit d'aliénation. — 251. Après lui,
le fief passe à ses héritiers, s'il n'en a pas disposé entre vifs ou par
testament.
224. — Le principe fondamental du droit anglais en
matière de propriété immobilière est que toutes les terres
relèvent de la couronne médialemenl ou immédiatement;
le souverain en a le domaine direct et absolu; les posses-
seurs effectifs n'en ont que le domaine utile: les terres
sont, entre leurs mains, de simples fiefs de la couronne.
Le domaine utile leur confère, d'ailleurs, aujourd'hui des
droits presque aussi étendus que s'ils avaient la pleine pro-
priété; \e,s, freeholders n'ont plus besoin, pour l'exercer,
d'aucune investiture ni d'aucun renouvellement d'investi-
ture de la part de la couronne ; lorsqu'ils vendent le bien,
l'acquéreur n'est soumis à aucune confirmation, et il en est
de même lorsqu'après leur mort le bien passe à leurs héri-
tiers ou légataires. D'autre part, l'hommage qu'ils doivent
au suzerain est devenu purement nominal. La transmission
du bien aux successeurs du possesseur n'est subordonnée
à un droit de relief que dans des circonstances exception-
nelles, lorsqu'il y a un seigneur interposé entre eux et la
couronne. Ce droit, là où il est encore dii, s'élève en gé-
néral à une année de revenu du bien. En cas de décès du
DU FIEF SIMPLE 153
freeholder sans héritiers, le bien fait retour à la couronae
ou au seigneur médiat.
A part cela, on peut dire que \e freeholder est un vé-
ritable propriétaire de son fief, a centra iisque ad cœlum.
225. — Le fief est dit simple lorsque le tenant en est
investi pour lui et « ses héritiers ». Les derniers mots ei
ses héritiers, dans l'acte de concession ou de transmission,
ont été longtemps considérés comme essentiels; s'ils n'y
figuraient pas, l'acquéreur entre vifs n'avait qu'un droit
viager. Depuis le Coiiveyancing and law of property act
du 22 août 1881 (St. 44 et 43, Vict., c. 41), les mots m
fee simple suffisent pour définir la tenure (§ 51). En ma-
tière de dispositions testamentaires, les mots et ses héri-
tiers sont depuis longtemps réputés sous-entendus si la
volonté expresse du disposant de limiter l'effet de sa libé-
ralité au légataire personnellement dénommé ne résulta
pas clairement du contexte'.
1. — Droit d'aliénation compétant au tenant.
226. — Les fiefs simples n'ont pas toujours conféré au
tenant le droit absolu d'aliénation dont il jouit à présent.
A l'origine, il ne pouvait aliéner le bien qu'avec le consen-
tement du seigneur direct; ses héritiers eux-mêmes te-
naient moins leur droit de leur auteur que de la concession
collective du seigneur. Plus tard, le tenant acquit la faculté
de soustraire le bien à ses héritiers et de se dérober lui-
même à ses obligations envers le seigneur, soit en sous-
inféodant à son propre profit certaines portions du domaine,
soit en vendant purement et simplement le fief à un tiers,
<\u\ se substituait à lui dans ses rapports avec le seigneur.
» St. 1, Vict., c. 26, §28.
154 DC FIEF SIMPLE
La sous-inféodation avait pour le seigneur toute sorle
d'inconvénients; aussi les barons obtinrent-ils du roi
Edouard I" une loi qui la prohiba et permit en revanche
das aliénations partielles du fief, à condition que les ache-
teurs devinssent à leur tour les vassaux directs du suze-
rain et acquittassent leur part proportionnelle des services
primitivement stipulés^. Le droit de disposition entre vifs
se trouva ainsi confirmé et définitivement acquis pour les
tenants.
Le droit de disposition pour cause de mort ne prit nais-
sance que plus tard. Londres et quelques autres villes
commencèrent par en jouir en vertu de coutumes spé-
ciales. Ce n'est que sous Henri VIII qu'il se généralisa^
pour les tenures alors en usage, et sous Charles II qu'il
devint (( complet et universel » pour toute espèce de francs-
tènements*.
227. — Le droit d'aliénation est limité : 1° quanta cer-
taines personnes; 2° quant à certaines choses.
A. — Limitations quant aux personnes.
228. — a) Étrangers. — Pendant de longs siècles, les
étrangers furent frappés, en Angleterre, d'une incapacité
à peu près absolue en matière d'acquisition d'immeubles,
sauf les effets spéciaux de la denization; le vendeur en-
courait la confiscation du bien". Un acte de 1844 (St. 7
et 8, Vict., c. 66) leur permit de posséder, de louer, ou
d'acquérir, pour une période inaxima de vingt et un ans,
les immeubles nécessaires à l'établissement de leur fa-
mille, de leur commerce ou de leur industrie. La loi du
2 st. Quia emptores, 18, Ed. I, * St. 12, Car. II, c. 24.
c. 1.
3 St. 32, Henr. VIII, c. 1; St. 34 b Co. Litt., 2è, 42 6; Blackstone,
et 35, Henr. VIII, c. 5. I, 371; II, 249, 274. 293.
DL' FEIF SIMPLE 155
\2 mai 1870* est venue depuis lever toutes les entraves :
aujourd'hui, comme on l'a vu plus haut, les étrangers
sont assimilés aux sujets de royaume pour tout ce qui con-
cerne la possession, la jouissance, l'acquisition ou la trans-
mission par tous les modes légaux de la propriété soit im-
mobilière, soit mobilière (cpr. n" 39, 40, 53-56).
229. — b) Mineurs et aliénés. — Les mineurs de vingt
et un ans, les idiots et les déments, bien que capables de
posséder des terres, ne le sont pas de les aliéner. Les alié-
nations consenties par des mineurs ne sont qu'annulables\
Les aliénations faites par des individus privés de leurs
facultés intellectuelles sont radicalement nulles, à moins
qu'elles n'aient été faites par voie de feoffment with livery
of seizijî, avant l'année 1845' (investiture accompagnée
de mise en possession effective). En vertu d'une loi plus
récente (St. 18 et 19, Vict., c. 45), tout garçon de vingt
ans et toute fille de dix-sept ans peuvent faire valablement
un acte de disposition par contrat de mariage, sous la
sanction de la division de Chancellerie de la Haute-Cour
(cpr. n* 184). D'autres lois spéciales confèrent encore aux
mineurs la faculté d'aliéner, dans certaines circonstances
exceptionnelles, des fiefs simples ou d'autres estâtes,
moyennant l'intervention des mêmes magistrats'.
En ce qui concerne les aliénés, des pouvoirs plus
étendus ont été conférés à leurs committees, c'est-à-
dire aux personnes chargées de prendre soin d'eux'".
^ Naturalisalion act, St. ?>:i el^i, » St. H, Geo. IV et 1 Guil. IV,
Vict., c. 14. Notice et Iraduclion c. 47, § 11; c. 65, §§ 12, 16.31;
par M. Edm. Bertrand, Ann. de St. 2 et 3, Vict., c. 60; St. 11 et
législ. étrang., t. I, p. 6. 12, Vict., c. 87.
T Blackstone, 11, 291; Bacon,
Abridgment of the Latc, l, 3. "»St. 16 et 17, Vict.,c. 7U, § 1(«;
8 St. 7 et 8, Vict, c. 76, § 7 ; St. 18 et 19, Vict., c. 13; St. 25 et
St. 8 et 9, Vict., c. 106, § 4. 26, Vict., c. 86.
156 DU FIEF SIMPLE
Enfin, il appartient à la division de Chancellerie, quant
aux mineurs, et, d'autre part, au chancelier et aux juges
de la Haute-Cour investis par la reine de la curatelle des
idiots et aliénés^^ (au lieu et place des juges d'appel qui
avaient autrefois cette mission), d'investir par une simple
ordonnance une tierce personne des biens dont l'un de ces
incapables est saisi ou mis en possession à litre de fîdéi-
commis {trust) ou de mort-gage'^ (cpr. n°' 73-80).
230. — c) Femmes mariées. — Les femmes mariées
n'ont, comme telles, qu'une capacité d'aliéner restreinte,
sauf en ce qui concerne leur separate estate auquel, d'ail-
leurs, la législation la plus récente a donné une grande
extension ; nous nous sommes étendu sur cette question
dans une autre partie du présent ouvrage (cpr. n°' 131 et
suiv., 142, 153, etc.).
231. — âf) Condamnés. — Les individus dont les biens
avaient été confisqués en suite d'une condamnation pour
certains crimes graves ne pouvaient, par aucun acte trans-
latif de propriété, porter atteinte au droit que l'arrêt con-
férait sur lesdits biens à la Couronne ou au seigneur dont
ils relevaient immédiatement. Mais la confiscation a été
abolie par une loi du 4 juillet 1870 (St. 33 et 34, Vict.,
c. 23) (cpr. n° 37).
B. — Limitations quant aux biens.
232. — Il a été promulgué en 1736, sous le nom de
Mortmain act (St. 9, Geo. II, c. 36), une loi importante
tendant à prévenir les dispositions d'immeubles impru-
11 Loi du 11 août 1875 (St. 37 et 12 St. 13 et 14, Vict., c. 60, §§ 3
38, Vict., c. 77), § 7; trad. et notes et 4, 7 et 8; St. 15 et 16, Vict., c. 55,
par MM. G. Louis, Droz et Weil, § Il ; St. 30 et 31, Vict., c.87,§ 13.
Ann., t. V, p. 120.
DU FIEF SIMPLE 157
demment consenties par des personnes ne jouissant plus
de la plénitude de leurs facultés, au détriment de leurs
héritiers légitimes. D'après celte loi, les biens-fonds et
les capitaux ou autres biens meubles destinés à l'achat de
biens-fonds ne pouvaient être aliénés ou constitués dans
un but charitable que par un acte entre vifs, parachevé
en présence de deux ou de plusieurs témoins dignes de
foi [crédible ivitnesses) au moins douze mois avant le
décès du disposant et enregistré à la cour de Chancellerie
dans le délai de six mois à partir de la passation. II fal-
lait, de plus, lorsqu'il s'agissait d'argent, qu'il eût été
effectivement délivré six mois au moins avant le décès du
disposant ; que la libéralité fût faite sans aucune réserve,
ni condition, ni clause de révocation au profit du dispo-
sant; et qu'elle produisît immédiatement son effet au profit
de l'œuvre gratifiée. Le tout à peine de nullité absolue de
la libéralité (§§ 1-3). Il n'y avait d'exception que pour les
donations en faveur soit des étudiants et des universités
d'Oxford et de Cambridge, soit des élèves des collèges
d'Elon, de Winchester et de Westminster (§ 4). La consé-
quence naturelle de cette loi était que nulle libéralité for
charitable purposes ne pouvait être faite par testament.
Près d'un siècle plus tard, une loi du 25 juillet 1828 (St. 9,
Geo. IV, c. 85) déclara valablement acquis les meubles
qui se trouvaient alors achetés for valuable considération
dans un but charitable, bien que l'acte translatif de pro-
priété ne fût pas passé et enregistré conformément aux
prescriptions du Mortmain act; mais elle ne statua que
pour le passé (§ 3).
233. — La loi de 1736, dont on vient de voir l'écono-
mie, ayant été jugée à certains égards inutilement rigou-
reuse, un certain nombre de lois adoptées dans la seconde
i58 DU FIEF SLMPLE
moitié du siècle dernier sont venues successivement y
faire brèche '^"'
Ainsi, en vertu d'une loi du 17 mai 1831 (S. 24 et 25,
Vicl., G. 9), une disposition for charitable purposes n'est
plus nulle par cela seul qu'elle n'a pas fait l'objet d'un
deed ou que le donateur s'y réserve un avantage; il faut
seulement que cet avantage proBte tout à la fois à ses héri-
tiers (§ 1"). D'autre part, si la destination charitable des
immeubles transférés résulte d'un acte autre que l'acte
translatif de propriété, il n'est plus nécessaire que ce der-
nier acte ait été enregistré à la cour, pourvu que l'autre
l'ait été dans les six mois delà passation du premier (§ 2).
Une autre loi, de 1864 (St. 27 et 28, Vict., c. 13), décide
que si une aliénation à destination charitable a été faite de
bonne foi, moyennant un juste équivalent, donné au mo-
ment de la passation de l'acte ou auparavant, ou réservé
sous la forme d'une rente à payer au disposant, cette aliéna-
tion ne tombera pas sous le coup de la prohibition du Mort-
main act, pourvu qu'elle doive produire immédiatement
ses effets charitables, qu'elle soil irrévocable, et qulelle
ait été enregistrée en la cour de Chancellerie antérieure-
ment an 17 mai 1866 (§ 1"). Une loi postérieure (St. 35 et
36, Vict., c. 24, § 13) permet môme de ne pas considé-
rer cette dernière condition comme essentielle, si l'enre-
gistrement a été omis par pure ignorance, sans fraude ni
collusion.
234. — Plusieurs lois ont, en particulier, dérogé au
Mortrnain ad en vue de favoriser l'affectation d'immeu-
1* Le Parlement est revenu sur la acts qui sont intervenus, renver-
question un nombre considérable de sant pierre après pierre l'ancien
fois. On trouvera dans Williams, édifice. Nous nous contenterons de
i\eal property, 19» édit., p. 77, mentionner quelques-uns des plus
note Ml, l'énuraération des divers importants.
DU FIEF SLVIPLE 159
bles à des écoles, spécialement aux écoles destinées aux
enfants pauvres. Il suffit aujourd'hui^ pour les actes ayant
cetobjet, qu'ils aient été passés en présence d'un seul témoin;
et le décès du disposant dans les douze mois qui en sui-
vent la passation n'en enlraîne plus la nullité". D'après
la loi du 13 juillet 1868 (St. 31 et 32, Vict., c. 44), toute
aliénation d'immeuble entre vifs, faite de bonne foi au
profit d'une société ou corporation ayant pour but le pro-
grès de la religion, de l'instruction, des arts, des lettres
ou des sciences, est valable, encore qu'elle ne satisfasse
pas aux conditions fixées par le Mortmain acf. et par la
loi du 17 mai 1851, §2, pourvu : 1° que l'aliénation ait
lieu moyennant un juste équivalent (/?/// andvaluable
considération), donné au moment de la passation de l'acte
ou auparavant, ou réservé sous la forme d'une rente à
payer au disposant; 2° que chaque pièce de terre ainsi
aliénée n'ait pas, dans chaque cas donné, plus de deux
acres (80*, 934) de superficie ; l'acte peut être enregistré en
tout temps en la division de Chancellerie de la Haute-Cour.
Enfin, d'après une loi de 1871 (St. 34 et 35, Vict., c. 13,
§4), tout don ou affectation d'immeuble, par acte entre
vifs ou par acte de dernière volonté, en vue de la créa-
tion d'un parc public, d'une maison d'école élémentaire
ou d'un musée, est valable nonobstant les lois sur la main-
morte. Seulement, si l'aliénation n'est pas consentie moyen-
nant un juste équivalent, il faut que l'acte ait été passé
au moins douze mois avant le décès du disposant et enre-
gistré par les charily commissioners " dans les six mois à
'* St. 4 et 5, Vict., c. 38, § 10, les libéralités à destination chari-
St, 7 et 8, c. Vict., 37, § 3. table et au profildes écoles (St. H),
'5 Ces fonctionnaires, créés par et 17, Vict., c. 137; St. 37 et 38,
une série d'asti du règne de Victoria Vict., c. 87; etc.).
sont chargés du contrôle de toates
160 -DU FIEF SIMPLE
partir du jour où il doit produire ses effets (§ 5). De plus,
s'il s'agit d'un acte testamentaire, l'immeuble ne doit pas
mesurer plus de vingt acres (8 09 ^i"^) pour un parc, plus
de deux acres pour un musée, et plus d'un acre (40^,467)
pour une maison d'école (§ 6).
235. — A un autre point de vue, une corporation ne
peut acquérir un immeuble que moyennant une autorisa-
tion de la couronne. Autrefois, le tenant in fee shnple
avait besoin, lui aussi, d'une autorisation de son seigneur
pour transférer son domaine à une corporation ; car, les
personnes morales ayant une existence perpétuelle, une
semblable aliénation était de nature à léser les droits éven-
tuels du seigneur. De nos jours, où les droits féodaux ont
peu à peu disparu, l'autorisation de la couronne suffit '^
Jl est de règle à présent que toute corporation charitable
peut, avec le consentement des charity coînmissioners,
employer à un achat d'immeubles le prix de vente de
terres lui appartenant ou les sommes qu'elle reçoit à titre
de soulteou par voie d'échange ou de partage, et qu'elle
n''a besoin de nulle autorisation pour posséder l'immeuble
ainsi acheté ou tout autre acquis par voie d'échange ou de
partage (St. 18 et 19, Vict., c. 124, § 33) (cpr. n"' 12 et
suiv.).
236. — Les sociétés anonymes dûment enregistrées ont
le droit de posséder des immeubles '^ Les sociétés formées
dans un but rehgieux, scientifique, artistique, etc., exclu-
sif de tout gain par la société ou par ses membres, ne peu-
vent sans l'autorisation du Board of trade posséder plus
de deux acres de terres (env. 81 ares) ; mais le Board est
libre de donner telle autorisation que bon lui semble ".
16 st. 7 et 8, Guil. III, c. 37. § 18; St. 30 ef 31, Vict, c. 131.
" St. 25 et 26, Vict., c. 89, i» St. 25 et 26, Vict., c.89, § 21.
DU fii-:f SIMPLI-: igi
237. — Les aliénations d'immeubles ou d'auties biens
faites en fraude des créanciers ne leur sont pas opposables,
à moins que l'acquéreur ne soit de bonne foi et n'ait
donné au vendeur une jusle compensation". D'autre part,
toute cession d'immeubles volontaire et toute cession sous
clause de révocation sont nulles à l'égard de ceux qui
achètent subséquemment le même bien pour de l'argent
ou pour telle autre vabiable considération ^°. Par suite,
une personne peut, après avoir fait une constitution volon-
taire d'immeubles, par exemple au profit d'un de ses
enfants, vendre plus tard les mêmes immeubles; et l'ac-
quéreur en aura la paisible possession, encore qu'il ait eu
■connaissance de ladite constitution. Mais la première trans-
mission ne serait pas annulée par la vente postérieure,
si elle s'appuyait elle-même sur une « considération vala-
ble », par exemple un mariage projeté"-'.
238. — Sous les réserves qui viennent d'être indi-
quées, le possesseur d'un fief simple jouit aujourd'hui d'un
droit d'aliénation absolu. 11 peut aliéner le fief sans nulle
autorisation ni intervention, entre vifs ou par testament,
■en tout ou pour partie, à perpétuité ou à terme. Si le
domaine a été vendu tout entier et définitivement, le con-
trat de vente constitue pour l'acquéreur un titre suffisant,
en vertu duquel il possède désormais le domaine comme
vassal non de son vendeur, mais directement de la cou-
ronne ou du seigneur médiat, s'il y en a un.
'* St. 1.3, Eliz., 5. technique de taluable considcra-
£ion, les n"' 691 et suiv.
2" St. 28, Eliz., c. 4, et St. 3'.>, -' Cpr. Blackstone. Cohu»., éd.
Eliz.,c. 18. Cpr., sur l'expression fr,. III, 161' et 170, et les notes.
LtCHII. It
162 DU FIEF SIMPLE
2. — Autres droits du tenancier et limites de ces droits.
239. — Si le tenancier jouit aujourd'hui d'un droit de
disposition et d'aliénation absolu, il jouit à fortiori de la
faculté d'exploiter son fief comme il l'entend, sans avoir
de comptes à rendre à personne. Il est libre d'ouvrir des
mines, de couper des arbres, de commettre des dégrada-
tions [ivastes) de toute espèce, de consentir des baTux de
toute longueur et de grever le bien de telles charges que
bon lui semble.
11 a, en outre, le droit de s'opposer atout trespasa, nui-
sance ou disturbance de la part des tiers et notamment de
ses voisins; droit réciproque en ce qui concerne ces der-
niers, et qui, comme tous les droits de voisinage, se dou-
ble d'un devoir égal : chaque propriétaire a le droit d'exi-
ger qu'à ces divers égards son fonds soit respecté par ses
voisins, mais il a, en revanche, le devoir vis-à-vis d'eux
de s'abstenir des mêmes faits et de subir une égale limita-
tion de sa propre liberté.
240. >-^^-, On appelle /res;?a^s le fait de pénétrer sans
autorisation sur le fonds d'autrui [trespass qiiare clausum
fregit). Le droit pour le propriétaire de s'opposer d.\i tres-
pass est la conséquence naturelle du caractère exclusif de
son droit sur le domaine qui lui appartient. En droit ro-
main, pour qu'il y eût violation du droit du propriétaire,
il fallait qu'on fut entré chez lui au mépris d'une défense
expresse". La loi anglaise, partant de l'idée qu'un sem-
blable envahissement peut avoir eu de grands inconvé-
nients avant que le propriétaire ait eu le moyen de s'y
opposer formellement, considère le droit de ce dernier
22 § 12, Inst., II, 1.
DC FIEF SIMPLK 163
comme violé par le seul fait qu'une autre personne pénètre
chez lui sans son autorisation, et lui donne le droit d'intro-
duire contre celte personne une action en dommages et
intérêts à fixer par un jury. Il n'est pas nécessaire qu'il y
ait eu bris matériel de clôture : à défaut même de haie ou
de mur, tout fonds de terre est réputé, à ce point de vue,
ceint d'une clôture « idéale et existant tout au moins aux
yeux de la loi », par cela seul qu'il confine à la propriété
d'un voisin-'. 11 n'est permis de se passer de l'autorisation
préalable du propriétaire que dans des cas tout à fait ex-
ceptionnels; par exemple, quand on a à lui réclamer ou à
lui porter de l'argent payable dans sa maison ; quand on
est chargé d'un mandat légal ; quand il exerce une profes-,
sion qui présuppose, comme celle d'aubergiste, une auto-
risation tacite pour les clients, ou encore quand il s'agit
de poursuivre un animal dangereux et dont la destruction
est utile au public^'.
241. — L'expression générique de nuisance comprend
tous les faits de nature à causer une lésion, une incommo-
dité grave ou un dommage. Les nuisances privées, les
seules dont nous ayons à nous occuper ici, sont les faits
nuisibles ou incommodes à l'héritage d'autrui.
Les nuisances à la maison du voisin peuvent se ramener
à trois chefs; elles consistent en le fait : 1° de bùtir de fa-
çon à surplomber sur la maison du voisin et à y envoyer
ses propres eaux pluviales; 2° d'intercepter les jours an-
ciens du voisin, c'est-à-dire les jours établis depuis vingt
ans au moins" sans nulle interruption de jouissance; 3" de
corrompre l'air par des émanations malsaines ; 4° de creu-
23 Blackstone, Comm., éd. fr., ii'Vi; Comte d'Essrx c. Capet, cité
IV 352. dans Chifty, Game Law, p. 31.
■* Blackstone, l. cit., p. 367.
ï4 Gundrv c. Feltham, 1 T. R., note 1.
164 DU FIEF SIMPLE
ser des excavations sur son propre terrain avec assez peu
de soin pour endommager ou faire écrouler la maison du
voisin -®.
Parmi les faits positifs ou négatifs qui constituent des
nuisances aux terres du voisin, on peut citer celui d'éta-
blir sur son propre terrain une usine dont les vapeurs font
périr les blés ou l'herbe du voisin ou portent préjudice à
son bétail '\ ou le fait de négliger l'entretien d'un fossé de
façon à inonder la propriété du voisin^*. En général, doit
être considéré comme une nuisance tout acte qui, bien que
licite en lui-même, a pour conséquence nécessaire, à rai-
son des circonstances où il se produit, de causer un dom-
mage à la propriété du voisin ; c'est à chaque propriétaire
à s'arranger de manière à user de ses droits sans faire tort
à autrui. Mais le simple fait de priver le voisin d'un agré-
ment, par exemple en lui masquant une jolie vue ou en
perçant une fenêtre qui permette de voir ce qui se passe
chez lui, ne constitue pas une nuisance susceptible d'en-
gendrer une action, pour autant qu'il ne lui enlève pas
une chose nécessaire et à laquelle chacun peut de plein
droit prétendre sur son propre domaine-'. Il a été jugé
également qu'on ne peut réclamer en justice contre les in-
convénients résultant de l'exploitation d'un chemin de fer
ou de telle autre entreprise autorisée par une loi^".
Le principe est le même relativement aux héritages in-
corporels. On commet une nuisance lorsqu'on détourne
26 Dodrf c. 7/oZ/ne, 1 Ad. et El., " 9 Rep., 58; Chandler c.
493; IVyatt c. Harrison, 3B.e', Thompson, Z Camp., 82; Tapling
Adol.,S76; Smith c. Fletcher. L. c. Jones, H H. of L.. 290; Potts
R., Exch., 305, et 2 App. Ca., 7Sl. c. Smith, L. R., 6 Eq. Ca., 311.
i' 1 RoUe, Abridg., 89. s» Hammersmith Railvay Co.
28 Wilsonc. yewbernj,L. Rep. c. Brand, L. R., 4 H. of. L. C,
7, Q. B., ai; Huinphries c. Cou- 171; Haivley e. Steele, L. R., 6
sins. L. R., 2 G. W D., 239. Ch. D., 521.
DL" KIEF SIMPLE Ifô
l'eau qui fait tourner le moulin du voisin, ou qu'on en-
combre un chemin sur lequel le voisin a un droit de
passage. Mais, ici encore, la nuisance présuppose la vio-
lation d'un droit exprès ou implicite et ne résulterait pas
d'une simple atteinte à un intérêt [damnum absque in-
juria).
Toutes les fois qu'il y a nuisance, la partie lésée peut
réclamer en justice des dommages et intérêts et obtenir du
tribunal un ordre qui enjoigne à l'auteur du préjudice
de supprimer ce qui lui fait grief.
242. — La disturbance^ qui touche souvent de très
près à la nuisance, est l'acte en vertu duquel le possesseur
d'un héritage incorporel est entravé à tort dans l'exercice
Qu la jouissance de son droit. Le trouble peut s'appliquer
à une franchise, à un common^ à un droit de passage, à
une tenure ou à un droit de patj'onage. Nous traiterons
plus loin des franchises (n° 588), des commons (n° 592) et
du droit de patronage (n° 572), et il ne nous paraît pas né-
cessaire d'examiner ici en détail les obstacles qui peuvent
être mis à leur libre exercice. Nous nous bornerons à dire,
qusint. ii la. disturbance of way s, que les entraves mises à
l'exercice d'un droit de passage constituent une nuisance,
lorsque ce droit est une servitude au profit de l'héritage
dominant et que l'obstacle e^^t apporté par le possesseur
du fonds servant; elles constituent, au contraire, une sim-
ple disturbance, lorsque le droit est purement personnel
(m gross) ou que, étant réel, il est gêné non par le posses-
seur du fonds servant, mais par un étranger; dans ce cas,
la partie lésée n'a pas une action réelle, mais une simple
action 07i the ca,se^'- . Il y a disturbance of tenure dans le
»' Blacksfone, Comm., éd. fr., IV, p. i07.
166 DU FIEF SIMPLE
fait de détruire, par des menaces, par des saisies illégales,
ou par des manœuvres frauduleuses, la connexion qui
existe entre le seigneur et son tenancier : la loi considère
un semblable fait comme fort préjudiciable au seigneur et
lui donne, en conséquence, la faculté de poursuivre en
dommages et intérêts le tiers qui, par son intrusion, lui
a fait tort ^-.
3. — Droits des créanciers sur le fief.
243. — Tout fief simple sert, entre les mains de l'hé-
ritier, de garantie aux créanciers pour toutes les dettes
contractées par son auteur; on considère cette liability
comme une sorte d'aliénation involontaire, qui n'est du
reste entrée dans le droit commun que par une lente gra-
dation, de même que l'aliénation volontaire elle-même. A
l'origine, l'héritier du fief n'était tenu que jusqu'à concur-
rence de sa part héréditaire de celles des dettes de son au-
teur que l'avoir mobilier de ce dernier ne suffisait pas à
rembourser". Plus lard, on soutint que l'héritier n'est
tenu que des dettes de son auteur envers la couronne, à
moins d'avoir été expressément chargé par ledit auteur
d'acquitter les autres^*. Ce fut là pendant longtemps le
système de la loi anglaise : toute personne pouvait, par
un acte scellé ou « spécial » [deed, writing under seal, spe-
cially)^ imposer à ses héritiers l'obligation de payer une
dette ou de .satisfaire à un engagement contractuel; l'hé-
ritier était alors tenu jusqu'à concurrence de la valeur des
immeubles qu'il recueillait dans la succession, mais non au
delà. Les immeubles en question portaient le nom de assets
32 1 Rolle, Abridg., 102. 3i Britton, 64 b.
33 GlanviUe, lib. VII, c. 8; Brac-
ton, OJ a.
DL" FIEF SIMPLE 167
by descente du mot français assez^ parce que l'héritier
n'était tenu que dans la mesure où il y avait assez desdits
biens pour remplir les engagements du défunt^^ L'héritier
non expressément mentionné dans l'acte n'était nullement
tenu au payement. Lorsque les possesseurs de fiefs acqui-
rent le droit de disposer du domaine par testament, le dé-
biteur qui avait imposé à son héritier l'obligation de payer
la dette pouvait frustrer ses créanciers par un moyen bien
simple : c'était de léguer le bien à une autre personne que
l'héritier ainsi lié; auquel cas ni l'héritier, ni le légataire
ne répondaient de la dette. Toutefois certains débiteurs,
mus par un sentiment de justice envers leurs créanciers,
laissaient leurs biens à des trustées, avec mission de les
vendre au profit desdils créanciers, ou, ce qui revenait au
même, grevaient par testament leurs biens du montant de
leurs dettes. Les créanciers obtenaient alors payement
grâce à la « bonté » {bounty) de leur débiteur; et la cour
de Chancellerie appelée à distribuer les fonds, estimant
que eqiiaiity was equity, c'est-à-dire qu'il était équitable de
placer tous les créanciers sur le même pied, admettait en
général ceux dont le titre ne consistait qu'en un simple con-
tract (contrat non scellé) à concourir avec ceux qui avaient
obtenu un ôonc/ liant les héritiers du débiteur^^ Dans ce
cas, on connaissait les biens sous le nom de équitable
assets".
244. — En 1692, un act de Guillaume et Marie
(St. 3, Guil. et Mar., c. 14) déclara tout legs de fief nul
à l'égard des créanciers munis d'un titre spécial [crediton
»« Blarkstone, Comm., Il, 244; 201; liailey c. Ekins, 7 Ves., 319;
Bacon, Abridg., lit. Hcir and Jarman, Wills, 3« éd., H, 554.
Ancestor. ^' Cpi-. Blackstone, trad. fr., III,
36 Parker c. Dee, 2 Cha. Cas., 575, n. 1.
168 DU FIEF SIMPLE
by speciaUij) envers qui les héritiers se trouvaient liés^
hormis le cas où le legs aurait été fait pour assurer le paye-
ment d'une dette « réelle et juste » (§§ 2 et 4). Quant aux
créanciers dépourvus d'un titre spécial liant les héritiers
envers eux, ils restaient désarmés vis-à-vis des héritiers
et des légataires, pour peu que le débiteur eût négligé de
grever l'un de ses biens à leur profit. De sorte que^ j usqu'au
siècle dernier, un propriétaire d'immeubles pouvait con-
tracter autant de dettes que bon lui semblait et laisser
après lui son fief franc et quitte de toute charge, à moins
que ses créanciers ne l'eussent actionné de son vivant ou
n'eussent obtenu de lui un bond ow specialty opposable à
ses héritiers.
245. — En 1807, une loi de George III (St. 47, Geo. III,
G. 74) statua que les fîefs simples des commerçants servi-
raient de gage à leurs créanciers, que les dettes fussent
de celles dont les héritiers sont tenus ou bien de simples
dettes commerciales ou par simple cotitract. Un statut ul-
térieur de 1830^* confirma les dispositions antérieures,
et facihta la vente au profit des créanciers des biens ayant
appartenu au défunt débiteur et affectés au payement de
ses dettes soit par la loi, soit par son testament. Mais, jus-
qu'en 1833, les immeubles des défunts non commerçants
restèrent soustraits aux prétentions des créanciers n'ayant
d'aulre titre qu'un simple contract. Cet état de choses
inique a été modifié par le statut 3 et 4, Guil. IV, c. 104.
Tous les fiefs simples que leur possesseur n'a pas expres-
sément affectés par testament au payement d'une de ses
dettes ont été placés sous l'administration de la cour de
Chancellerie, pour servir au remboursement de toutes les
38 st. 11, Geo. IV, et 1, Guiil. IV, c. 47.
Dr FIEK SIMPLE ir,9
« justes » dettes du défunt, qu'elles soient constatées par
shnple contract ou par specialty. Le statut se contenta,
par respect pour l'ancienne loi, de spécifier que les créan-
ciers par contrat spécial opposable aux héritiers seraient
remboursés intégralement avant les autres. Toutefois, si,
par acte de dernière volonté, le débiteur avait affecté ses
immeubles au payement de ses dettes, celle affectation
était valable; et les divers créanciers avaient alors, quelle
que fût la nature de leur titre, un droit égal sur le prix
de vente. D'où il résultait qu'une personne ayant contracté
des dettes tout à la fois par simple contract et par voie
de specialty opposable à ses héritiers, pouvait, rien qu'en
grevant ses immeubles du payement de ses dettes, placer,
par rapport auxdits immeubles, tous ses créanciers sur la
même ligne et, par conséquent, priver ceux qui avaient
obtenu une specialty de la priorité à laquelle ils eussent eu
droit sans cela.
Celte anomalie a été corrigée par le statut 32 et 33,
Vict,, c. 46. D'après celte nouvelle loi, dans l'administra-
tion des biens de toute personne venant à mourir après le
l*''janvier 1870, nulle dette ne jouit d'une cause de préfé-
rence par cela seul qu'elle découle d'un hond, deed ou autre
instrument under seal ^ ou qu'elle a pris de quelque façon que
ce soit, le caractère d'une dette by specialty : tous les créan-
ciers, au contraire, sont placés sur la même ligne, qu'ils
soient créanciers par simple contract ou by specialty, et
doivent être payés par contribution sur tous les biens dé-
laissés par le débiteur défunt, assets légaux ou assets équi-
tables; sans préjudice, au surplus, des autres causes de
préférence pouvant être invoquées par l'un ou l'autre d'en-
tre eux.
Enfin, la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire de
170 DU FIEF SIMPLE
1875 (St. 38 el 39, Vict., c. 77), complétant par son § 10
le § 23, al. 1", de la première loi sur la même matière (St. 36
et 37, Vict., c. 66), statue que, dans la distribution des
asseAs d'une personne décédée après le 1" novembre 1873
en état d'insolvabilité, ainsi que dans la liquidation des
sociétés dont l'actif se trouvera insuffisant, la Haute-Cour
de justice observera les mêmes règles qu'en matière de
faillite pour le classement et la vérification des créances,
pour le calcul des intérêts et pour l'évaluation des créances
à terme ou conditionnelles.
246. — Le créancier qui avait actionné son débiteur
entre vifs et obtenu jugement contre lui a eu longtemps
un grand avantage sur ceux qui avaient laissé arriver le
décès du débiteur. Le deuxième statut de Westminster
(St. 13, Éd. I, c. 18) décide déjà que, quand une dette a
été reconnue devant la Cour du roi ou quand des dom-
mages et intérêts ont été alloués, le créancier poursui-
vant a le droit d'obtenir, à son choix, soit un writ de fieri
facias enjoignant au shérif de lever sur les biens person-
nels et sur le produit des terres du débiteur le montant de
la créance, soit un writ d'elegit en vertu duquel le shérif
livre au créancier les biens meubles du débiteur, au prix
d'estimation, et, si cela ne suffit pas à le désintéresser, le
met en possession de la moitié des immeubles du débiteur
pour en jouir directement jusqu'à parfait remboursement
de la créance en principal et accessoires ^^ Par la suite, on
interpréta lalégislation sur le writ d'e/e^^zV en ce sens que, si,
après avoir contracté son obligation, le débiteur vend ses
immeubles, le créancier pouvait en saisir la moitié entre
les mains de l'acquéreur; celui-ci n'était donc sûr d'échap-
33 Blackstone, trad. fr., II, 573; V, 129 et suiv.
DU FIKF SIMl'LE 171
per à une recherche ultérieure qu'autant qu'il avait la
certitude qu'il n'y avait point eu de jugement rendu contre
son auteur, antérieurement à la vente. Pour faciliter aux
acquéreurs le moyen d'obtenir cette certitude, une loi de
1693*° institua dans chaque cour un répertoire alphabéti-
que [docket) des jugements emportant reconnaissance de
dette. Une loi de 1839 (St. 2 et 3, Vict., c. 11) a ordonné
la clôture de ces répertoires et, par là même, abrogé vir-
tuellement à l'égard des tiers acquéreurs l'ancienne légis-
lation. Mais, l'année précédente, une loi spéciale avait déjà
réglementé à nouveau, de façon à les élargir et à les con-
solider, les droits des créanciers ayant obtenu jugement
sur les biens que le débiteur avait ultérieurement aliénés *'.
Tandis que, d'après l'ancienne législation, les créanciers
ne pouvaient exercer leurs droits que sur la moitié des
biens-fonds de leur débiteur, ils eurent pour gage l'en-
semble de ces immeubles, soit qu'il les possédât déjà au
moment du jugement rendu contre lui et les ait aliénés
ensuite en tout ou en partie, soit qu'il en fût devenu pos-
sesseur postérieurement au jugement. Pour que le juge-
ment fût opposable aux tiers acquéreurs, il fallait seulement
qu'il eût été inscrit antérieurement à la vente. Après de
nombreux remaniements partiels de ce système, il a été
abrogé à son tour. La loi du 29 juillet 18G4 (St. 27 et 28,
Vict., c. 112) supprime ce que nous pourrions appeler
l'hypothèque judiciaire reconnue par la législation anté-
rieure. D'après celte loi, un immeuble, quelle qu'en soit
la tenure, ne peut être affecté à la sûreté des créanciers
qu'après avoir été, en suite du jugement reconnaissant la
toSt. 4 eto, Guil. et Mar.. c. 20, par les St. 2 et 3, c. 11 ; 3 et 'i,
rendu perpétuel parle St. 7 et 8, c. 82; 18 et 19, c. 15; 2.3 et 2i,
Guil. ni, c. 36. c. .38, tous du règne de la reine
" St. 1 et2, Vict., c. 110; amendé Victoria.
172 DU FIEF SIMPLE
dette, « delivered in exécution », délivré aux créanciers à
fin d'exécution en vertu d'un writ à'elegit (§§ 1 et 2). Tout
writ de cette nature doit être inscrit sur un registre ad hoCy
tenu d'après l'ordre alphabétique des noms des débiteurs
saisis (§ 3). Le créancier à qui l'immeuble a été ainsi délivré
à fin d'exécution, peut alors se pourvoir auprès de la divi-
sion de Chancellerie de la Haute-Cour à l'effet d'obtenir un
ordre de vente {order for sale) (§ 4). Cet ordre est signifié
aux autres créanciers ayant obtenu jugement contre le dé-
biteur, s'il y en a, et le prix de vente se répartit entre les
ayants-droit en raison de leur rang respectif (§ o). L'or-
dre de vente, et tout ce qui s'en est suivi, est opposable à
toute personne prétendant à un droit sur l'immeuble, du
chef du débiteur, postérieurement à la « délivrance à fin
d'exécution » (§ 6).
247. , — Jusqu'à une époque récente, les dettes con-
tractées envers la couronne par des comptables et les
dettes contractées envers elle par d'autres personnes
par voie de créance enregistrée [debt of record)^ de
bond ou de specialty, demeuraient garanties pur les
fiefs simples des débiteurs en cas de vente tout comme
en cas de legs ou de transmission à l'héritier. Depuis
le statut 28 et 29, Vict., c. 104, nulle dette envers la
couronne postérieure au 1" novembre 1865 n'est plus
opposable à celui qui a acheté le fief de bonne foi et pour
une valiiable considération, ni aux créanciers hypothé-
caires, qu'ils aient eu connaissance ou non de l'existence de
la dette, à moins qu'un writ à fin d'exécution n'ait été lancé
et enregistré avant que l'aliénation ou la constitution d'hy-
pothèque soit devenue parfaite et que l'emprunteur ou
l'acquéreur ait versé les fonds (§ 48).
248. — Les actions immobilières intentées devant les
DU FIEF SIMPLE 173
tribunaux ordinaires {at laiv) ou devant les cours d'équité
produisent leur effet à l'égard des tiers acquéreurs, comme
à l'égard des héritiers ou légataires : ils sont obligés d'en
subir les conséquences encore qu'ils ignorassent, au mo-
ment de l'acquisition, qu'un semblable procès éiait pendant.
Seulement il est tenu registre des procès pendants de cette
nature, et les acquéreurs ou créanciers hypothécaires ne
sont passibles des suites qu'autant que le procès concer-
oant leur immeuble a été dûment inscrit et l'inscription
renouvelée, s'il y a lieu, tous les cinq ans*'.
249. — Un autre cas d'aliénation involontaire pour le
paiement de dettes se produit lors de la faillite : la mise en
faillite a pour conséquence de faire passer l'ensemble de
l'avoir mobilier et immobilier du failli entre les mains du
trustée chargé de la représentation collective des créan-
ciers**. En Angleterre, toute personne commerçante ou
non peut être mise en faillite.
250. — Le droit d'aliéner un fief simple est tellement
inhérent à la qualité de tenant qu'il est impossible au te-
nancier de s'en dépouiller ou d'empêcher que son bien ne
serve de gage à ses créanciers et, par conséquent, ne soit
aliénable à leur profit. Tant qu'un bien appartient à une
personne, il demeure aliénable soit au ^ré de cette per-
sonne, soit à la requête de ses créanciers. Toutefois le do-
nateur d'un immeuble est libre de limiter à une certaine
période l'effet de sa libéralité ou, en d'autres termes, de
faire la donation à temps ou sous condition résolutoire, et,
par conséquent, de ne pas conférer au donataire un droit
de disposition, volontaire ou involontaire, absolu. Ainsi,
l'immeuble peut être confié à des trustées pour le compte
*2 St. 2 el .i, Vict., c. Il, SjT. ^^ i5l. :{2 et.S:}, Vict., c. 71 et 83.
174 DU FIEF SUBSTITUÉ
de A, jusqu'à ce qu'il en dispose ou qu'il tombe en faillite,
ou que tel événement se produise en suite duquel la pro-
priété devra être dévolue à un tiers : si A tombe en fail-
lite on cherche à aliéner l'immeuble, son droit prend fin.
251. — Lorsque le possesseur d'un fief simple n'en a
pas disposé entre vifs ou par testament, le fief passe de
plein droit à son héritier universel [heir in /at<;), "sauf les
droits éventuels de l'épouse survivante. Cet héritier en est
saisi même contre son gré; il ne peut pas répudier le bien
qui lui échoit ainsi. L'ordre des héritiers est réglé aujour-
d'hui par VAcl for the amendment of the law of inheri-
tance de 1833 (St. 3 et 4, Guil. IV, 106), amendé par le
statut 22 et 23, Vict., c. 35, §§ 19 et 20 ; nous l'exposerons
dans le quatrième livre de cet ouvrage.
Il
Du fief substitué [Estate tail).
Sommaire : 252. Définition. — 253. Diverses espèces de fiefs substitués.
— 254. Condition de l'e.xistence d'un fief substitué. — 255. Estâtes tail
spéciaux. — 256. Frank mariage. — 257. Inconvénients d'une alié-
nation au point de vue des appelés et du donateur. — 258. Situation
des appelés, en cas d'aliénalion. — 259. Situation du donateur. — 260.
Période de liberté. — 261. Restrictions; statut de donis. — 262. Pé-
riode des fictions judiciaires. — 263. Loi de 1833 sur l'aliénation par
deed. — 264. Cas où le tenant ne peut annuler la substitution. — 265.
Transmission du fief aux appelés. — 266. Aliénation du bien sans an-
nulation de la substitution; bas-fief. — 267. Arrangements de famille
usités en Angleterre en matière de fiefs substitués. — 268. Restrictions
au droit d'annuler la substitution tant que Vestate tail n'est pas in
possession. — 269. Cas de treason et de felony. — 270. Faillite. —
271. Droit des créanciers avant et après le décès de leur débiteur. —
272. Droits du tenant sur le fief. — 273. Mode de création d'un estate
tail.
252. — On désigne sous le nom de estate Jaii, fief sub-
stitué, un domaine donné à un homme et à ses descendants
DU FIEF SIBSTITUE 175
{the heirs ofhis body), de sorte qu'il passe successivement
du premier titulaire à ses enfants, petits-enfants et descen-
dants légitimes à Tinfini, sans pouvoir passer de son chef
à l'un de ses ascendants ou collatéraux. On l'appelle eslale
tail ou estate in fee tail [feodum talliatum), fief taillé ou
mutilé, précisément parce que, à la différence des fiefs
simples, il est réservé à une seule classe d'héritiers à l'ex-
clusion des autres.
Le titulaire ou possesseur actuel de Vestate /aeV porte le
nom de donataire grevé de substitution [donee in tait); la
personne de qui il le tient, celui de donateur [donor, gran-
tor). Le donataire s'appelle aussi tenant in tail. Il rentre
dans la classe des freeholders, comme les possesseurs de
fiefs simples ; seulement sa possession est conditionnelle
en ce sens qu'après son décès elle ne passe à ses héritiers
qu'autant qu'il en laisse de la catégorie prévue par l'acte
constitutif.
253. — Il existe plusieurs espèces de fiefs substitués,
suivant les caractères particuliers et l'étendue de la sub-
stitution.
Le fief substitué e=>\.i\\\. général, lorsque tous les descen-
dants légitimes du grevé y sont appelés à leur tour et dans
leur ordre normal, sans nulle exception ni restriction; tel
est le cas où la libéralité est faite au profit << de A et de
ses descendants » [A and the heirs of his bodij). Le fief
est spécial, lorsqu'il ne peut être recueilli que par certains
des descendants légitimes, à l'exclusion des autres; par
exemple, une substitution faite au profit « de A et des en-
fants ou descendants issus de son mariage avec B » (.4
and the heirs of his bodij by his icife B).
Le fief est mâle ou féminin [tail maie, tail female),
suivant qu'il ne passe qu'aux descendants mâl»6 et par les
176 DU FIEF SUBSTITUE
mâles, — à ceux qui continuent à porter le nom de fam'jlle
de leur auteur, — ou qu'il ne passe qu'aux femmes et aux
descendantes par les femmes" {A and the heîrs-male of
his bodrj; A and the heirs-femaleof hisbody).
254. — De même que, pour qu'il y ait création d'un
fief simple, il faut que l'acte contienne une substitution
auprofitdes «héritiers» (directs et collatéraux), de même,
pour consliluer un fec tait, il est nécessaire de réserver
expressément le droit de succession aux descendants [heirs
of his bodij). Une concession qui serait accordée « à A et à
ses enfants » constituerait une simple concession viagère
au profit de ces personnes conjointement, sans que les des-
cendants à un degré ultérieurpuissent y prétendre ni, par
cor>séquent, qu'il y ait un/e<? tail, au sens exact de ce mot.
Telle est du moins la règle entre vifs : il en serait autre-
ment d'une substitution faite en ces termes par testament *^
Il esttoulefoisà remarquerque, depuis le Conveyancing and
law of property ad àe 1881 {St. 44et45, Vict., c. 41), §51,
les mots heirsof hisbody^ etc., n'ont plus le caractère sa-
cramentel qu'ils avaient auparavant; les expressions in
tail, in tail maie ou in tail female sont considérées au-
jourd'hui comme définissant suffisamment la tenure et pou-
vant les remplacer.
255. — Les estâtes tail spéciaux, c'est-à-dire réservés
aux descendants issus du mariage du grevé avec une
femme spécialement désignée, sont aujourd'hui peu com-
muns ; il en est de même des substitutions féminines. Les
substitutions les plus usitées sont les substitutions géné-
rales et les fiefs mâles.
•i LiUleton, §§ 13 à 16 et 21; *** .larman, Wilh, II, 327.
Blackstone. II, 113, 114 ; trad. fr.,
n, p. 491.
DU FIEF SUBSTITUE 177
256. — 11 esl encore une autre variété, assez rare d'ail-
leurs, de fee tail^ con nue sous le nom de tènement en franc
mariage: ce sont les biens donnés par un homme, lors du
mariage de sa fille ou d'une autre parente, à son futur gen-
dre ou au futur époux de cette parente conjointement
avec la future épouse. Dans ce cas, le mot de frayilc
marriage^ même énoncé seul et sans mention des héritiers,
assure aux donataires le bien pour eux et pour leurs des-
cendants légitimes, à l'exclusion seulement des héritiers
d'autres classes.
257. — La constitution d'un fee tail intéresse, à part
le donataire lui-même, d'un côté ceux de ses héritiers qui
lui sont substitués, de l'autre le donateur et ses ayants-
cause, qui, par la nature même de cette sorte de libéra-
lité, ont droit non seulement aux services et redevances
stipulées pour le temps où elle subsistera, mais encore à
la reprise du bien à défaut d'héritiers de la catégorie des
bénéficiaires de la substitution.
L'aliénation du bien par le tenant est donc de nature
à porter atteinte aux droits de ces deux classes d'inléres-
sés, et l'on n'est arrivé que lentement à reconnaître au
tenant la faculté d'y procéder.
258. — i° En ce qui concerne les héritiers présomp-
tifs^les appelés, on admettait, du temps de Henri II, que
celui qui possédait une terre « pour lui et pour ses héri-
tiers » pouvait en frustrer ses collatéraux, mais non ses
descendants, si ce n'est pour partie et dans certains cas
spéciaux; par exemple, pour doter sa fille ou bien ad pias
causas''^.
En dehors de ces cas, le possesseur qui voulait aliéner
'« Glaavillo, lib. Vil, c. 1.
Leur. 12
i78 DU FIEF SUBSTITUE
procédait le plus souvent par voie desous-inféodation: il
transmettait le bien à un tiers, moyennant que celui-ci et
ses héritiers s'acquittassent envers lui et ses propres des-
cendants de services et redevances analogues à ses pro-
pres charges envers le seigneur supérieur. A une époque
où les charges féodales étaient fort lourdes pour le posses-
seur d'un fief, l'aliénation du bien n'était pas toujours
aussi désavantageuse pour les héritiers qu'on pourrait le
supposer; s'ils étaient privés de la jouissance du fief, ils
étaient en revanche affranchis des services corrélatifs ; et,
d'ailleurs, le plus souvent l'aliénation n'était pas faite à
titre gratuit, de sorte que les héritiers retrouvaient dans le
patrimoine de leur auteur tout au moins la contre-valeur
que celui-ci avait stipulée à son profit au moment de l'a-
liénation.
C'est ce qui explique comment, en fait, les tenants ont
pu acquérir assez promptement le pouvoir d'anéantir les
droits d'expectative de leurs descendants; dès le règne de
Henri 111, l'héritier dépendit complètement à cet égard du
bon plaisir de son auteur.
259. — 2° Le do?ior, le propriétaire direct, avait,
comme nous l'avons dit plus haut, un double droit: un
droit à des services ou redevances et un droit éventuel de
retour. C'est le premier de ces deux droits qu'atteignit tout
d'abord le do?iee ou son successeur en aliénant le bien ;
car, en sous-inféodant une partie du bien à son propre
profit, il diminuait la sécurité du propriétaire direct quant
à l'accompUssement exact des services primitivement sti-
pulés pour l'ensemble des biens. Aussi la Grande Charte
défendit-elle déjà toute ahénation partielle, à moins que
la partie du fief demeurée entre les mains du tenant ne
suffît à assurer l'acquittement de ses charges envers son
DU FIEF SUBSTITUE 179
seigneur (ch. 32). Plus tard, le second des droits du do7îor ,
le droit de retour, fut également compromis. Lorsque l'on
comprit qu'il y avait avantage à ne pas priver le tenant de
la faculté de disposer, on inséra habituellement dans l'acte
constitutif une clause d'après laquelle le bien était con-
féré non plus seulement à lui et à ses descendants, mais
encore à toute personne à qui il lui plairait le donner ou
le transmettre; de telle sorte qu'après l'extinction du grevé
et des appelés, le tiers acquéreur devenait, à son tour,
tenant direct du seigneur, lequel prenait vis-à-vis de lui
la position du vendeur. Si le tenant primitif, au lieu de
ne vendre qu'une portion du fief, jugeait à propos de l'a-
liéner en bloc, il était libre de le faire en s'y substituant
une autre personne (St. 4, Éd. I, c. 6).
260. — La concession de fiefs avec liberté d'aliéna-
tion devient peu à peu la règle générale. Dès le règne
d'Edouard 1", il paraîtavoirétéadmisen principeque,quelle
que fût la forme de la concession, le tenant avait le droit
d'aliéner, du moment où il avait un héritier présomptif;
ainsi, quand la concession était faite « à lui et à ses des-
cendants », tout comme quand elle était « à lui el à ses
héritiers »; et ce, par rapport, soit aux appelés, soit au
seigneur. L'acquéreur et ses ayants-cause conservaient le
bien même après l'extinction du do?iee^el de sa prospé-
rité".
261. — L'existence d'un héritier présomplit suffisant
pour conférer au dofieele droit d'aliéner le fief, les barons
du temps du roi Edouard I" comprirent qu'ils n'auraient
plus que bien rarement l'occasion d'exercer leur droit de
retour sur les terres qu'ils avaient] conférées, sous cette
'■^ FWzAerheT., Abridg., iil. For- Co. Lilt., 19 «.
niedon, 62,65; Biitton,93 b, 04 a;
180 DU FIEF SUBSTITUE
condition, à leurs tenants et à la descendance directe de
ceux-ci. Voulant maintenir debout le régime féodal et
conserver cette importante prérogative qui en découlait,
ils obtinrent du roi le fameux statut de donis conditiona-
libus, connu aussi sous le nom de Second statut de West-
minster (St. 13, Ed. 1, c. 1).
En vertu de cet acte, lorsque le donateur avait eu soin
de préciser les modalités de la concession et, notamment,
de la limiter au profit du donataire et de ses descendants,
ses intentions devaient faire loi; et le bien retournait, en
cas d'extinction, à lui ou à ses ayants-cause, sans qu'il
pût dépendre du tenant d'annihiler ce droit de retour en
aliénant le bien.
262. — Néanmoins on ne tarda pas à constater les in-
convénients inhérents à une application trop stricte du
statut de donis. Le père était désarmé vis-à-vis d'enfants
désobéissants, qu'il ne dépendait plus de lui de déshériter;
au moment de l'extinction de la famille du tenant, les fer-
miers étaient expulsés, les créanciers perdaient le recours
sur lequel ils avaient compté. Les Communes réclamèrent
énergiquement un changement de la loi, mais la noblesse
s'y opposa non moins obstinément. Enfin, le roi Edouard IV
ayant eu dans la lutte entre les York et les Lancaslre l'oc-
casion de constater le peu d'effet que les condamnations
pour trahison produisaient sur les familles dont les pro-
priétés étaient protégées par des substitutions, le pouvoir
d'aliénation reprit naissance, grâce à un artifice, en vertu
d'un arrêt rendu en 1473, la douzième année de son
règne, dans une aff'aire connue sous le nom de Tal-
tariimscase [Ycar Booh, 12, Ed. IV, 19) : les juges déci-
dèrent qu'une substitution était mise à néant par le fait
qu'un procès, réel ou fictif, en recouvrement des biens
DU FIEF SUBSTITUÉ 181
substitués [common recovery) était jugé contre le tenant
m tail. Nous nous contenterons d'indiquer le principe
sans examiner de plus près le mécanisme assez compliqué
de cette procédure*'. On imagina, d'autre part, un second
artiRce à l'eiïet d'annuler les substitutions ou, ce qui re-
vient au même, de rendre possible l'aliénation d'un fief
substitué ; cet artifice consistait en un accommodement ju-
diciaire {fine)^ intervenant avec l'autorisation du juge au
cours d'un procès réel ou fictif et en vertu duquel le bien
en question était reconnu appartenir régulièrement à l'une
des deux parties, c'est-à-dire, en tant qu'il s'agissait d'é-
luder la loi interdisant les aliénations, à celui qui se mon-
trait prêt à acquérir le fief*'.
263. — Ces artifices, après avoir été employés pen-
dant des siècles pour rendre possibles en fait des actes
de disposition prohibés en droit, sont devenus inutiles et
ont été supprimés à une époque récente : en vertu d'une
loi de 1833, rendue sur la proposition des Commissioners
on the law of recd property, le possesseur d'un fief
substitué aaujourd'hui le droit d'aliéner le bien, moyennant
un simple acte [deed) enregistré dans les six mois à la
division de Chancellerie de la Haute-Cour, sans que l'alié-
nation puisse être attaquée ni par les appelés, frustrés
dans leur droit d'expectative, ni par les ayants-cause du
seigneur direct, privés de leur droit de retour éventuel
(St. 3 et 4, Guil. iV, c. 74). Au surplus, ce disentailing
deed est le seul moyen dont dispose le tenant pour annuler
la substitution; il ne pourrait y suppléer ni par une clause
expresse de son testament, ni même par contrat (/6., §§ 40
•8 Cpr. Blackstone, trad. fr., lil, •' Cpr. Blakstone, trad fi-., III,
273: Williams, Real propcrty, 19» 258 et suiv.
édiL, 04 et suiv.
182 DU FIEF SUBSTITUE
et 41); ni l'une ni l'autre de ces deux manifestations de sa
volonté ne serait opposable soit aux héritiers substitués,
soit aux remaindermen et reversioners^^ .
264. — Il y a trois cas dans lesquels le tenant est
privé du droit d'annuler la substitution [bar the entail) :
i° celui où, tenant un fief substitué en faveur des enfants
à naître de son mariage avec B, il n'est plus en situation
d'avoir d'enfants dudit mariage, parce que sa femme B est
morte sans lui en avoir donné [16., § 18); — 2° celui, où,
par un don ou une constitution antérieurs à 1834, une
femme est investie d'un fee tail provenant de son mari
ou des ancêtres de son mari [ex prnvisione viri); après le
décès du mari, la femme ne peut annuler la substitution
que moyennant le consentement des plus proches héri-
tiers^'; — 3° celui où le fief substitué a été conféré par
la couronne en récompense de services publics, ou créé
par acte du parlement^*.
265. — Lorsque le tenant in tail n'use pas du droit
qu'il a d'annuler la substitution, le bien passe, per for-
mam doni, aux personnes qui sont appelées à le posséder
en vertu de l'acte constitutif, chacune d'elles ayant à son
tour le droit d'annulaiion tout comme l'avait le grevé. Une
fois un estale tail constitué, il ne dépend pas du donateur
d'entraver le droit de disposition qui en découle en faveur
des bénéficiaires; ainsi, il ne pourrait pas interdire au
tenant de contracter des dettes afin d'empêcher que le bien
ne fût éventuellement saisi par les créanciers, ni lui dé-
50 Les remaindermen sont ceus viagers ou héréditaires. Cpr.
qui ont l'expectative ou la survi- n»» 451 et suiv.
vance du fief après le décès d'un 5i St. 11, Henr, "VIII, c. 20; St.
premier tenant for life. Les rêver- 32, Henr. VIII, c. 36, § 29.
sioners sont ceux qui ont sur le b2 st. 34 et 85, Henr. VIII, c. 20;
bien un droit de retour après 3 et'4, Guil. IV, c. 74, § 18; 40 et
l'extinction des divers ayants-droit 41, Vict., c. 18, § -55.
DU FIEF SUBSTITUÉ 183
fendre à lui-même d'annuler la substitution ou d'aliéner le
bien. S'il tient à prévenir l'aliénation volontaire ou invo-
lontaire du bien, le donor n'a qu'un moyen : c'est de ne
concéder au donee qu'un droit viager annulable en cas
d'aliénation, de faillite ou de déconfiture".
266. — Quand le tenant aliène le bien sans annuler en
même temps la substitution, l'acquéreur ace qu'on nomme
un bas- fief °'" ou fief qualifié, c'est-à-dire qu'il n'a le droit,
par lui-même ou par ses ayants-cause, de conserver le
bien que jusqu'à l'extinction du grevé et des divers appe-
lés; à moins qu'ultérieurement le tenant n'e'/ar^w^e le bas-
fief en faisant au profit de l'acquéreur un disentailincj
deed'"^.
267. — Dans les familles où les estâtes se conservent
de génération en génération, on fait toutes les quelques
années des arrangements spéciaux à cet effet. Ainsi, en
cas de mariage, on donne un bien au mari à titre pure-
ment viager [life estate), la femme ayant droit, pendant
le mariage, à une certaine somme pour ses besoins per-
sonnels et, après le décès du mari, à une rente viagère
(rent-charrje ou annmtrj). L'acte porte, en môme temps,
que le fils aîné à naître du mariage sera tenant in lail
du même bien, à condition d'acquitter les charges dont
ce bien est grevé soit au profit de la veuve, soit au profit
de ses sœurs ou frères cadets; que, si cet aîné meurt
sans postérité, le bien passera, au même titre,, au se-
cond fils, puis au troisième et ainsi de suite, et, enfin,
83 Lear c. Leyall, 2 Sim., 479; ficalion, c'est-à-dire à la persis-
Wilhinson c. V^ilkinson, S S\v., tance d'une circonstance de t'ait
^Ih; Goddenc.Crowhurst,lOS'\m., indiquée dans l'acte. Gpr. Black-
612. stone, trad. fr., H, 4&"^.
6» Le bas-fiof [base-fee) ou fief '•^ Burton, Comp.,^ 715; Pater-
qualifié est tout fief dont la conces- son, p. 23, a.
sion est subordonnée à une quali-
184 DU FIEF SUBSTITUE
à défaut de fils, aux filles. De celte façon, le bien demeure
affecté jusqu'à ce que l'un de ceux à qui il est dévolu in
tail atteigne l'âge de vingt et un ans, c'est-à-dire l'âge où
il est capable, avec le consentement de son père, tenant à
vie de l'immeuble, d'annuler la substitution au regard de
tous les remaindernien. La propriété se retrouve ainsi libé-
rée, et l'on peut procéder à une nouvelle constitution de
XeslatcîiM profit delà génération suivante, de façon à s'as-
surer que le bien ne sortira pas de la famille.
268. — Toutes les fois que Vestate tail n'est pas en-
core un estate in possession, — pour nous servir de l'ex-
pression technique anglaise, — c'est-à-dire, tant que le
bien est entre les mains d'un possesseur à vie, auquel
le tenant substitué est seulement appelé à succéder éven-
tuellement, la faculté pour ce tenant in tail de conver-
tir son droit éventuel en un estate in fee simple est
soumise à diverses restrictions. A l'époque où un estate
tail, au point de vue du droit de retour, ne pouvait être
annulé que par voie de recovery, il fallait que le pre-
mier tenant, tenant for life, qui détenait le bien, fût
partie au procès, l'action fictive en revendication devant
être tout naturellement dirigée contre le possesseur féo-
dal du bien revendiqué. Lors de l'abolition de la procé-
dure en recovery en 1833, la loi a institué un curateur
(protector), chargé de donner son consentement préa-
lable à l'annulation de la substitution et sans l'autorisa-
tion de qui cette annulation ne serait pas opposable
aux rpmaindermen et reversioners'^^ . Le curateur est le
plus souvent le tenant for life lui-même; sauf le droit
du grantor de désigner pour cet office d'autres per-
tf' St. 3 et 4, Guil IV, c. 74, §§ 34 et 35.
DU FIEF SUBSTITUE 185
sonnes, si bon lui semble^\ Le curateur est entièrement
libre de consentir à l'annulation ou de s'y opposer; nul
n'a le droit de lui demander compte de sa décision"'.
S'il s'y oppose, l'héritier substitué peut bien exclure sa
propre descendance, mais non porter atteinte au droit
de retour; en d'autres termes, il a le droit de dispo-
ser du bien pour tout le temps où il aura des descen-
dants en vie, mais sans préjudice du droit de retour au
(jrantor ou à ses ayants-cause après l'extinction des ap-
pelés. Le fief prend le caractère d'un bas-fief.
Lors, au contraire, que Xcstale taxi est in possession,
c'est-à-dire entre les mains non plus d'un premier pos-
sesseur simplement viager, mais d'un tenant in tail, il
est assez rare qu'il y ait un protector : le tenaiit in tail
peut en tout temps annuler la substitution, au double
point de vue des droits d^expectative et de retour, par un
acte [disentailing deed) dûment enregistré.
Au reste, même quand Yeslate in tail est précédé
d'un estate for life, l'office de protector n'existe qu'au-r
tant que ces deux estâtes destinés à se succéder ont été
créés par un seul et mùme acte. Si Vestate for life s'ap-
puie sur un acte antérieur, celui qui a l'expectative du
bien est libre d'annuler la substitution, sans le consen-
tement de l'usufruitier viager qui le précède dans la jouis-
sance°^
269. — En cas de haute trahison d'un tenant in tail,
le bien, depuis Henri Vlll, était confisqué au profit de
la couronne, qui en jouissait, au lieu et place des héri-
tiers substitués, jusqu'à leur extinction; après quoi le
"' Ibid.. ij.^î 22 el :i2. •■> Williams, Rcalprop., 19'édit.,
»« §§ 36 et 37. p. 93 et lUS, note g.
186 DU FIEF SUBSTITUE
bien faisait retour à qui de droit^". En cas de simple
felony (crime capital), le bien ne passait à la couronne
que pour le reste de la vie du condamné et était ensuite
dévolu aux héritiers substitués". D'après la loi du
4 juillet 1870 (St. 33 et 34, Yict., c. 23), la confiscation
au profit de la couronne a été abolie dans les deux
cas.
270. — Lorsque le tenant tombe en faillite, la faillite
annule la substitution au profit des créanciers, dans la
mesure où il aurait dépendu du failli lui-même de l'an-
nuler, et le bien est affecté au remboursement des dettes
aussi complètement que s'il s'agissait d'un fief simple ^^.
271. — Du vivant de leur débiteur, les créanciers
peuvent au moyen d'un elegit exercer de son chef tous
les droits qui lui compétent sur le bien. Mais, après son
décès, sa postérité substituée n'est pas liée par les con-
trats qu'il peut avoir passés touchant la propriété, à
moins qu'elle ne les confirme ou ne consente expressé-
ment à accepter la responsabilité des actes de son au-
teur. D'autre part, le tenant in tail n'est tenu des dettes
de son défunt prédécesseur qu'autant qu'un jugement,
arrêt ou ordonnance a été obtenu contre ce dernier et
enregistré de son vivant; dans ce cas spécial, la pro-
priété est grevée de ce chef, entre les mains de tout suc-
cesseur du débiteur condamné". Elle l'est toujours,
entre les mains soit du donataire, soit de ses héritiers
substitués, à raison des dettes du donateur^*.
272. — Le tenant iii tail a, sur le fief, des droits de
se St. 26, Henr. VIII, c. 13,'§ 5. § 208 ; 82 et 33, Vict., c. 71, § 25, 4».
«1 Cruise, on Tilles, I, c. 2, §)? 36 «^ St. 1 et 2, Vict.. c. 110, §§ 13
el suiv. et 18.
•Î2 St. 3 et 4, Guil. IV, c. 74, «^ Ibid., St. 3 et 4, Guil. IV,
§§56-73; 12 et 13, Vict., c. 106, c. 104.
DES FRANCS-TENEMENTS NON HEREDITAIRES 187
jouissance fort étendus et qu'il peut exercer sans avoir
besoin de commencer par annuler la substitution. Il peut
abattre du bois de charpente pour son propre usage,
commettre tels ivastes (dégâts) que bon lui semble, dé-
molir des bâtiments, exploiter les mines, etc.". D'autre
part, il a le droit de faire par deed des baux opposables
à ses successeurs [remaijulermen et 7'eversioners), à
la seule condition qu'ils n'excèdent pas le terme de vingt
et un ans^^ à dater du contrat ou d'une époque com-
prise dans le délai de douze mois à partir de la confec-
tion du contrat.
273. — Généralement, un cslale tail est créé par tes-
tament ou par contrat de mariage ; mais il peut l'être
aussi par tout autre acte.
CHAPITRE II
Des francs-tènements non héréditaires.
INTRODUCTION.
274. — Les francs-tènements non héréditaires sont
temporaires ou viagers. Les francs-tènements temporaires
sont constitués soit pour un nombre déterminé d'années,
soit pour aussi longtemps qu'un événement déterminé ne
se produira pas; par exemple, pour aussi longtemps que
la veuve investie du bien ne se remariera pas, ou jusqu'à
ce que le tenant obtienne un bénéfice. Les francs-tènements
viagers peuvent être constitués soit pour la durée de la
66 Second statut de Westminster; «6 St. 3et 4, Guil. IV, c.74, §§ 15,
Co. LiU.,2-24 a; Blackstone, trad. 40, 41.
fr., II, 493.
188 DE LESTATE PUB ALTBE VIE
vie du tenant, soit pour celle de la vie d'un tiers [eslate
pur autre vie).
Les francs-tènements viagers sont de nature féodale
comme les francs-tènements héréditaires, à telles ensei-
gnes que, pendant une période assez longue de l'histoire
d'Angleterre, tous les fiefs furent exclusivement viagers
et que le principe de l'hérédité ne prévalut que peu à peu.
Il s'ensuit qu'ils sont conférés à charge des mêmes servi-
ces féodaux, sous les mêmes solennités, sous le môme
mode d'investiture ou de mise en possession que les fiefs
simples : le tenant en est réputé saisi ou investi, exacte-
ment comme s'il s'agissait d'un freehold héréditaire, et
peut transférer, s'il le juge à propos, ses droits sur l'im-
meuble à un tiers acquéreur.
I
De VEstate pur autre lie.
Sommaire : 275. Notion et définition. — 276. Cas où le tenant meurt
avant le cestuy que vie. — 277. Quasi extate tail. — 278. Justification
de l'existence du cestuy que vie.
275. — Comme on l'a vu plus haut, Vestate pur autre
vie est un tènement subordonné non à la durée de la vie
du tenant, mais à celle de la vie d'une autre personne,
qu'on nomme le cesluy que vie. A, investi d'un tènement
viager, peut en disposer au profit de B, ou de B et de ses
héritiers : la concession est forcément limitée, au maxi-
mum, à la durée de la vie de A, qui ne peut transférer à
autrui des droits plus étendus que ceux dont il est person-
nellement investi.
276. — Mais il peut arriver que B, le cessionnaire,
meure avant A. Autrefois, si B avait seul obtenu la con-
cession, à l'exclusion de ses héritiers, le bien à sa mort
DE L'ESTATE PUR Ai'THE VIE 18'.)
devenait en quelque sorte vacant, et la première personne
venue pouvait s'en mettre en possession et le conserver
jusqu'au décès de A ; on la désignait sous le nom de
gênerai occupant. Si la concession s'étendait aux héri-
tiers de B, te plus proche d'entre eux prenait possession
du bien dès la mort de son auteur; on l'appelait spécial
occupant. Aujourd'hui, le cessionnaire B a le droit de
disposer par testament de Vestate pur autre t'/e*; lors-
qu'il n'use pas de ce droit, le bien passe, à défaut de spé-
cial occupant, à ses exécuteurs et peut être affecté par
eux au paiement de ses dettes, le solde actif, s'il en reste
un, devant être remis à son plus proche héritier ^
277; — Lorsque Xeslate pur autre vie a été constitué
au profit de B et de ses descendants [the heirs of his
bodtj), B est dit avoir un qiiasi estate tail, un quasi-fief
sulîstitué; et, tant que A reste en vie, le bien se transmet
aux descendants de B, absolument comme s'il s'agissait
d'un fee tail ordinaire, sauf le droit qu'a B, comme dans
ce dernier cas, d'exclure sa postérité en aliénant son droit.
278. — L'intérêt de B ou de ses ayants-cause étant
que la vie de A se prolonge le plus longtemps possible, on
a dû prévoir le cas où B commettrait une fraude pour
faire croire que A n'est pas encore décédé. Si celui à qui
le bien doit faire retour après ce décès a de justes motifs
de croire que A n^est plus en vie, il peut, par un affidavit,
solliciter du chancelier un ordre pour B de produire A
d'après la méthode décrite dans la loi; faute de quoi A
doit être tenu pour décédé, et B pour nn violateur du droit
de propriété [trespasserY .
• st. 29, Car. II, c. .i, Sj 12; 1, 3 St. 6. Anne, c. 18; Ex parte
Vicl., c. 2à, § 3. Grant, Vesey's Reports. VI, 512.
2 /6.; St. 14, Geo. H, c. 20, §9.
190 DU TEXEMENT VIAGER
II
Du tènement viager {Estatc for life).
Sommaire : 279. Rapports et ditïérences avec rusufruit ; durée de la
jouissance. — 280. Cas où le tènement est réputé héréditaire ou sim-
plement viager. — 281. Cas où le possesseur d'un fief, en Taliénant,
s'en réserve l'usufruit viager. — 282. Sett'emenls, scttled lands. —
283. Légal estâtes for life. — 284. Droits du tenant à vie sur le bien.
— 285. Drainage; améliorations; droits et obligations du tenant. —
286. Embiavures ; récoltes. — 287. Baux consentis par le tenant. —
288. Le tenant n'a pas à fournir caution. — 289. Limites de son droit
de disposition; Settled Land Acts de 1877 et 1882. — 289 bis. Small
holdings act de 1892. — 289 ter. Extension des pouvoirs d'administra-
tion des tenants à vie; lois de 1882, 1889, 1890. — 290. Règlement du
fermage en cas de décès du bailleur, tenant à vie. — 291. Devoirs du
tenant envers le reversioner ou 7~e mander man.
279. — Le tènement viager n'est pas sans analogie,
quant à ses effets, avec l'usufruit viager du droit romain
ou français. Mais il s'en distingue par un caractère essen-
tiel : il confère à la personne qui en est investie, non pas
un simple démembrement de la propriété, le droit d'user
et de jouir de la chose, mais bien, à titre temporaire, la
pleine propriété de la chose ; notre expression de nue pro-
priété n'a donc pas d'équivalent en anglais. Quant à l'u-
sufruit proprement dit, avec ses caractères techniques, et
à ses diminutifs, l'usage et l'habitation, ils n'existent pas
plus dans le droit anglais que notre hypothèque française*.
Le tènement viager se prolonge jusqu'à la moTi natu-
relle du tenant. Autrefois, l'entrée dans les ordres sacrés
et la mort civile y mettaient également un terme; mais il
n'y a plus aujourd'hui, en Angleterre, de couvent où l'on
puisse faire légalement profession, et la loi anglaise ne
* Étude de M. Albert Payen sur la propriété iinmobiliLre en Angle-
terre. Bull., VII, 263.
DU TENEMENT VIAGER l'JÎ
lient nul compte d'une profession faite à l'étranger; d'au-
tre part, la mort civile a été abolie*.
280. — Lorsqu'un immeuble est transféré à une per-
sonne par acte entre viXs, sans qu'aucune expression n'in-
dique que ses héritiers devront le posséder après elle,
l'acquéreur n'a sur l'immeuble qu'un droit viager. 11 en
est autrement lorsque l'immeuble a fait l'objet d'un legs.
On a reconnu de bonne heure que des testateurs peu in-
struits pouvaient ne pas se rendre compte de la différence
résultant, quant à la durée des droits des légataires, du
caractère mobilier ou immobilier de l'objet légué et s'ima-
giner à bon droit que, si un cheval ou un bijou par eux
légué appartient au légataire et, après lui, de plein droit,
à ses ayants-cause, il devait en être de même d'un fonds
déterre : pour tenir compte de la différence au point de
vue de l'hérédité, il fallait avoir, sur Torigine féodale de
la propriété foncière, des notions qu'on ne pouvait raison-
nablement exiger du premier venu. On en vint donc à
admettre, en pratique, que le legs d'un immeuble impli-
quait une concession héréditaire toutes les fois que l'in-
tention contraire du testateur ne résultait pas nettement
du texte de ses dispositions®. La question a été tranchée
législativement dans ce sens en 1837".
281. — A l'époque où le possesseur d'un fief ne pou-
vait pas en disposer par testament, il arrivait fréquemment
qu'il l'aliénât entre vifs en s'en réservant l'usufruit viager.
Ce genre de dispositions est devenu beaucoup plus rare
maintenant que, par une disposition testamentaire, le pos-
5 Blackstone,!, 132; St. .SI, Geo. '' Lord Mansfield, IJoyun c.
II. c. :i2, § 17: 10. Geo. IV, c. 7. Jackxon, Ce vper, Reports, :3<J6.
§â 28-37; 2 .;i 3, Guill. IV, c. 115;
§4.— St. 33 et 3'», Vict., c. 2:5; ^ St. 7, Gui!. IV, et 1, Vicl.,
42 et 43, Vicl., c. 50, § 3. c. 20, § 28.
192 DU TENEMENT VIAGER
sesseur arrive, quant à lai-même, au même résultat sans
enchaîner d'avance sa liberté. Toutefois, en matière de
contrat de mariage, le cas se présente encore : le posses-
seur remet le bien à des trustées, sous réserve de jouis-
sance viagère à son profit, son fils aîné étant constitué
tenant in tail, et, s'il devait succomber sans laisser de
postérité, le second fils étant constitué subsidiairement en
la même qualité [tenant in tail in remainder), et ainsi de
suite.
282. — On désigne, en Angleterre, sous l'expression
technique de settled lands les terres, dont, en vertu d'un
acte exprès, entre vifs ou testamentaire, la transmission
après décès est Umitée à certaines personnes ou réservée
au profit de certaines personnes déterminées; de telle sorte
que, comme dans les majorais du droit français, celui qui
s'en trouve actuellement investi n'a qu'un droit tout viager
et par conséquent limité, la fondation devant passer in-
tacte à d'autres après lui et étant, dans ce cas, et le plus
souvent, placée sous la garde de trustées. Les settlements,
pour lesquels le vocabulaire juridique français ne nous
offre aucun équivalent exact, sont l'une des clauses les
plus fréquentes dans les contrats de mariage; mais ils
peuvent aussi être créés en dehors de ce cas spécial, no-
tamment par testament.
283. — Indépendamment des tènements viagers pro-
venant d'une concession volontaire, il y en a de légaux
{légal estâtes for life), qui découlent d'une disposition
expresse de la loi, notamment au profit de l'époux survivant.
Le mari survivant est tenant by the curtesy of England
des immeubles délaissés par sa femme (cpr. n° 182). A
l'inverse, la femme survivante a un estate in dower sur
les biens de son mari (cpr. n°' 174-178).
DU TENEMENT VIAGER 193
284. — Le tenant à vie a, sauf convention ou pres-
cription contraire, le droit de couper le bois de chauffage
ou de construction dont il a besoin, ainsi que le bois néces-
saire à l'entretien des haies et clôtures ; le bois ou les pou-
trages abattus par le vent lui appartiennent. Mais il ne
peut pas commettre de wastes, de dégâts positifs ou néga-
tifs, c'est-à-dire, dégrader lui-môme l'immeuble volontai-
rement ou par incurie, ou le laisser se dégrader faute des
réparations voulues. Il faut ranger sous la rubrique des
wastes qui lui sont interdits, le fait d'abattre des arbres de
haute futaie (en dehors des hypothèses prévues plus haut),
de démolir des bâtiments, d'ouvrir des mines ougravières,
de modifier les cultures ou les assolements, de détruire
les dépendances du bien, pigeonniers, garennes, etc. Si
des mines ou gravières sont déjà ouvertes sur le domaine,
il peut continuer à les exploiter. Quant aux arbres de haute
futaie, lorsqu'il s'en trouve qui périraient ou se détériore-
raient si on les laissait debout, la cour de Chancellerie
peut en autoriser la vente, le prix appartenant, en nue
propriété, au reversioner ou au remainderman et, en usu-
fruit, au tenant à vie^ Une loi récente lui donne même la
faculté d'autoriser une semblable vente en dehors de ce
cas spécial, pourvu qu'il ne s'agisse pas d'arbres d'orne-
jnent [ornemental timber)^. Au reste, il arrive souvent
qu'un bien soit donné en usufruit viager « sans nulle ré-
serve quant aux dégâts » [ivithout impeachment ofwaste).
Dans ce cas, le tenant a le droit de faire les diverses opé-
rations susmentionnées, qui lui sont interdites au cas con-
traire; demeurent exceptées, néanmoins, celles qui ren-
» Co. Litt., 41, sv. ; Blackstone, » Setlled estâtes act de 1877 St.
tr. fr., Ili, 141, sv.; St. 19 et 20, 40 et H, Vict., c. 18, § 16i.
Vict., c. 12U, §§ 2 etll.
Lehr. 1;j
194 DU TÈNEMENT VIAGER
treDt dans ce qu'on appelle équitable wastes parce que les
cours d'équité ne manqueraient pas de les réprimer, sa-
voir : le fait de démolir ou de défigurer la maison de la fa-
mille [the familij house)^ d'abattre les arbres d'ornement,
et autres injuries analogues. La loi sur l'organisation ju-
diciaire de 1873, § 25, 3°, confirme cette prohibition : le
tenant, à moins d'y être formellement autorisé, ne peut se
permettre aucun des équitable wastes précédemment in-
terdits par la jurisprudence des cours d'équité.
285. — En vertu du statut 8 et 9, Vict., c. 56, le te-
nant à vie et, en général, toute personne ayant sur une
terre des droits limités pouvaient déjà se faire autoriser
par la cour de Chancellerie à exécuter sur le fonds des
travaux de drainage; si la cour jugeait les travaux avan-
tageux pour tous les intéressés, le fonds était grevé du
prix capital qu'ils devaient coûter, à charge d'amortisse-
ment par annuités et de bonification d'un intérêt de
5 0/0 au plus, payable par semestre. Les Public mo-
ney drainage acts^° prévirent pour les mêmes personnes
la possibilité d'obtenir, en vue de travaux de drainage,
des avances du gouvernement, remboursables en vingt-
deux ans sous la forme d'une rente foncière de 6 1/2 0/0
l'an. Aujourd'hui, le Impruvement of land act da 1864
(St. 27 et 28, Vict., c. 114) facilite, en général, non
plus seulement le drainage des terres, mais tous les tra-
vaux destinés à les améliorer, en permettant de les grever,
pour sûreté des capitaux nécessaires, de rentes foncières
calculées sur le pied de o 0/0 au plus et devant être rache-
tées dans un délai maximum de vingt-cinq ans (§ 26); ces
prêts hypothécaires sont placés sous ka surveillance des
>o St. 9 et 10, c. 101 : 10 et il, c. 31 ; 19 et 20. c. 9, tous du règne
c. il; 11 et 12, c. 119; 1-3 et 14, de Victoria I.
DU TliNEMKNT VfAGEH 195
Inchsure commissioners for Engla7id and Wales^ et,
en Irlande, sous celle de la Commission des travaux pu-
blics. La loi connue sous le nom de Limited owner's résiden-
ces act 1870 amendment act 1871 (34 et 35, Vict., c. 84)
range parmi les améliorations auxquelles se réfère la loi
de 1864 la construction ou l'agrandissement d'une maison
d'habitation ou d'autres bâtiments ou dépendances néces-
saires; seulement la somme dont le bien serait grevé pour
cet objet ne doit pas dépasser deux annuités nettes du revenu
totaldel'e5/a/e(§§3et4).
Enfin, deux lois de 1864 et 1877" permettent de gre-
ver un estate for life : 1" en vue de concourir à la con-
struction de chemins de fer ou de canaux sur le domaine
ou dans le voisinage, si ces travaux doivent avoir pour
effet d'augmenter la valeur du domaine; ,2° dans le but
d'établir des réservoirs ou autres ouvrages permanents
pour avoir de l'eau dans la propriété.
Les autres améliorations projetées par un tenant à vie
doivent être exécutées exclusivement à ses frais '^ Cette
règle de droit civil offre, au point de vue économique, les
plus graves inconvénients. Elle aboutit à un réel divorce
entre le capital et la terre. L'agriculture réaliserait de
grands progrès, pense-t-on, si les tenants à vie n'étaient
pas retenus par la crainte de ne pouvoir se faire rem-
bourser leurs dépenses utiles.
286. — Si le tenant qui a ensemencé le bien meurt
avant la moisson, ses héritiers ont droit aux fruits. Il en
est ainsi toutes les fois que sa jouissance prend fin en
vertu des décrets de la Providence ou de par la loi, mais
>' st. 27 et 28, Vict., c. 114; 40 p. 124. Cfr. Sir F. Pollock, Land
et 41, Vict., c. 31. Lawt, p. 188.
>2W'illiam.s, healprop.,\^' éàil..
196 DU TENEMENT VIAGER
non lorsqu'elle cesse à raison d'un acte volontaire de sa
part; par exemple, parce qu'une veuve usufruitière se re-
marie nonobstant la clause de l'acte constitutif qui limitait
sa jouissance à la durée de son veuvage. Néanmoins, dans
ce dernier cas, le fermier du tenant aurait droit à la récolte
due à ses soins'^
287. — Lorsque le tenant a affermé le domaine et vient
à mourir avant l'expiration du bail, le fermier a le droit de
rester sur le bien jusqu'à la fin de l'année courante, et le
fermage se partage proportionnellement entre les héritiers
du tenant et ceux à qui le bien échoit en suite de son décès '*.
288. — Le tenant à vie n'est pas tenu de fournir cau-
tion ou de donner des sûretés à raison desivastes qui pour-
raient être commis pendant la durée de sa jouissance; et
l'on n'a pas le droit de l'expulser sous prétexte qu'il n'en a
point donné. Mais, lorsqu'il est sur le point de commettre
Tun des actes qui lui sont interdits, on peut presque toujours
obtenir de la cour de Chancellerie une injonction^ à laquelle
se rattache l'obligation pour lui de fournir des sûretés; on
peut aussi diriger contre lui une action en dommages et
intérêts (au lieu et place de l'ancien writ of ivaste, au-
jourd'hui aboli) *\
289. — Le tenant à vie ne peut disposer du bien que
dans la mesure de son propre droit de jouissance ou de
la liberté qui lui a été expressément accordée à cet effet
par l'acte constitutif. Autrefois, quand il outrepassait son
droit, par exemple en transmettant le bien à titre de fief
simple, il était immédiatement dépouillé de son estate au
profit de la personne appelée aie recueillir après lui; mais
" Cro. Eliz., 461; 1 Roll,. Abr., II, c. 19, § 15; 14 et 15, Vict., c.
727. 25, § 1.
'* A'pportion nient of rent act
St. 4 et 5, Guil. IV, c.22; 11, Geo. is St. 3 et 4, Cuil. IV, c. 27.
DU TENE.MENT VIAGER 197
il n'en est plus ainsi depuis le statut 8 et 9, Viol., c. 106,
§ 4. De même, autrefois, le tenant ne pouvait consentir un
bail pour une durée excédant sa propre vie à moins d'y
avoir été expressément autorisé par une disposition entre
vifs ou testamentaire; mais une loi de 1836 (St. 19 et 20,
Vict., c. 120), rendue pour faciliter la location ou l'aliéna-
tion des biens grevés de substitution, a permis au tenant
à vie de consentir valablement, moyennant une simple
autorisation de la cour de Chancellerie et pourvu que la
faculté ne lui en eût pas été formellement enlevée by deed
or by vÀll, tous baux n'excédant pas vingt et un ans
(§32)*^
Cette faculté a été expressément confirmée en faveur du
tenant à vie par \eSettled estâtes act de 1877'", à la con-
dition que le bail soit fait par écrit, qu'il ne porte pas sur
la maison d'habitation principale et sur ses dépendances
immédiates, que le contrat stipule un loyer raisonnable,
n'autorise pas le fermier à commettre aucun ivaste, et pré-
cise qu'il pourra être résolu, au gré des personnes qui re-
cueilleront le bien après le décès du tenant à vie, si le fer-
mier ne paye pas le loyer dans les vingt-huit jours à par-
tir de l'échéance ou viole quelque autre des clauses du
bail (§§ 46, 48). Moyennant ces conditions, tout bail passé
par un tenant à vie postérieurement au 1" novembre 1856
et pour un terme n'excédant pas vingt et un ans en Angle-
terre et trente-cinq ans en Irlande est opposable à ceux à
qui le bien fait retour après lui. La cour de Chancellerie
peut, du reste, autoriser, indépendamment des baux de
ladite durée pour les terres arables, des baux de quarante
ans pour l'exploitation de mines, l'usage de cours d'eau,
«s Cpr. 21 et 22, Vict., c. 77. n St. 40 et 41, Vict., c. 18.
198 DU TENEMENT VIAGER
des permissions de prise d'eau: ou de passage ; — des baux
de soixante ans, pour un repairing lease\ — des baux de
quatre-vingt-dix-neuf ans, pour des terrains à surbâtir;
— et même des baux plus longs, excepté pour les terres
arables, si elle estime que le contrat est avantageux au do-
maine (§ 4).
Le régime introduit par le Settled Land act de 1877,
afin d'obvier aux inconvénients découlant forcément de
Tinaliénabilité des terres grevées de substitution, a été
consolidé et élargi par une nouvelle loi sur la même ma-
tière, du 10 août 1882 (St. 45 et 46, Vict., c. 38). D'a-
près la loi de 1877, la cour pouvait permettre aux trus-
tées d'aliéner tout ou partie des biens sous la condition
que le prix en servît soit à acquitter les charges dont ils
étaientgrevés, soit à un remploi immobilier. La loi de 1882
accorde de plein droit cette faculté au tenant à vie lui-
même, le consentement des trustées ou de la cour n'étant
réservé que dans deux ou trois cas exceptionnels. D'après
le § 3, le tenant à vie peut aujourd'hui : 1° aliéner le settled
land en tout ou en partie, et le grever de toute servitude ou
autre droit réel; 2'' si le settlement comprend un manoir,
vendre la seignory de tout franc-tènement en dépendant,
ou ioulcopyhold, de façon à affranchir les terres; 3° échan-
ger les terres avec ou sans soulte; le tout, aux meilleures
conditions possibles (§ 4), et à charge soit de placer les
fonds provenant de l'opération en l'une ou l'autre des va-
leurs prévues par la loi (§ 21), soit de les employer aux
améhorations également prévues par elle (§ 25) ; ce qui
revient à dire, en somme, qu'il lui est seulement interdit
de se les approprier pour son usage personnel. D'autre
part, le tenant a, d'après le § 6, la faculté d'accorder lui-
même les baux de diverses longueurs, énumérés plus haut
DU TKNE.MKNT VIAGER 199
et pour lesquels la loi de 1877 (§ 4) exigeait ane autori-
sation de justice; le nouvel article exige seulement qu'ils
soient faits par deed et contiennent une clause résolutoire
en cas de non-payement du fermage (§7)".
289 bis. — Le Small Holdings act de 1892 a introduit
dans la législation un nouveau cas où la vente d'un tène-
ment viager est possible. Cette loi permet, en effet, au tenant
à vie de céder sa propriété viagère à un Conseil de comté,
en échange d'une rente perpétuelle dont le bien ainsi aliéné
restera la garantie". Le but de celte disposition a mani-
festement été de faciliter aux Conseils de comté l'acquisi-
tion des terrains à répartir par voie de lotissements enlre
les membres de la classe ouvrière. Dans les régions où le
système des substitutions embrasse la totalité du territoire,
les Conseils de comté eussent pu se trouver dans l'impos-
sibilité de faire les achats voulus en vue d'assignations
plébéiennes.
Malheureusement ce texte nouveau, qui devait contri-
buer à battre en brèche l'inaliénabilité des biens immobi-
liers, rétablit dans une certaine mesure un des pires incon-
vénients du régime féodal, en créant des rentes foncières
à la charge des Conseils de comté.
289 ter. — Tandis que les pouvoirs de disposition des
tenants à vie restent encore très restreints, leurs pouvoirs
d'administration s'étendent et se généralisent chaque jour.
La différence devient toujours plus considérable entre la
situation d'un tenant à vie et celle d'un simple usufruitier.
Tandis que l'un n'a que les bénéfices de la possession,
l'autre est un vrai propriétaire, dont le droit n'est limité
18 Wolstenholme et Turner. The étrnng., XII, 63. Etude de .M. Gi-
Se.Uled Land .Ict 1882, Londres, got, liull., IX, 326.
1883. Notice ol analyse de la loi,
par M. Nicolas, .4nn. de lég. " St. jô et 56, Vict., c. 31.
200 DU TENEMENT VIAGER
qu'au point de vue de sa durée. C'est ainsi que, dès 1882^°^
on a supprimé la nécessité d'une autorisation de justice
pour la validité des baux de longue durée consentis par le
tenant à vie^'. En 1889, un nouveau Settled land act-^ a
autorisé le tenant à vie à donner à son preneur à bail le
droit d'acheter dans le délai de dix ans, et pour un prix
déterminé lors de l'entrée en jouissance, la pleine propriété
de l'immeuble. Cette clause sera opposable au propriétaire
en expectative; mais, si le preneur à bail s'en prévaut, il
est évident que le prix par lui payé devra être employé
en conformité de la loi de 1882.
Plus récemment encore une loi de 1890"^ a supprimé la
nécessité d'un acte authentique pour les baux de moins
de 3 ans consentis par les tenants à vie, et c'est là un véri-
table hommage du législateur à l'indépendance des pro-
priétaires nominalement grevés de substitution.
La loi qui vient d'être citée a réalisé une innovation
plus radicale encore, en décidant que l'inaliénàbilité con-
ventionnelle ne frapperait plus l'habitation principale du
domaine, à moins que celle-ci ne représentât, avec son parc
et ses dépendances, une surface de plus de 23 acres (en-
viron 12 hectares). Ainsi conçue, l'inaliénabihté de la mai-
son du maître forme un assez plaisant contraste avec
l'institution du Bomestead. Au lieu d'être une sauve-
garde pour les petits^ elle n'est qu'une entrave pour les
grands.
Si, à la suite de ces réformes successives, on cherche à
20 St. 45 et 46, Yict., c. 38, § 6. pour une concession minière, et de
2» Les baux de longue durée que 21 ans dans tous les autres cas.
peut consentir un tenant à vie 22 gf. 52 et 53, Vict., c. 36.
sont cependant assujettis à un 23 st. 53 et 54 Vict., c. 69. Cfr.
maximum qui est de *J9 ans pour Dixon, Law of the Farm, pp. 409,
un bail emphytéotique, de 60 ans 410.
DU TENEMENT VIAGER 201
se rendre compte de ce qui subsiste de Tinaliénabilité tra-
ditionnelle des tènements viagers, on constate la survi-
vance tenace de six vestiges féodaux :
1** Persistance de la condition d'emploi ou de remploi en
cas d'aliénation entre vifs;
2° Nécessité d'un acte solennel pour tout bail de plus de
3 ans que consent le tenant à vie ;
3° Absence pour le tenant à vie de tout moyen de se
faire indemniser des améliorations par lui apportées à l'im-
meuble, alors même qu'il s'agit d'améliorations pour les-
quelles un preneur à bail aurait droit à une compensation;
4° Persistance de l'impossibilité de vendre ou même
louer l'habitation personnelle et ses dépendances lorsque
la surface en dépasse 25 acres ;
5° Faveurs spéciales des lois fiscales pour les constitu-
tions de tènements viagers;
6" Interdiction au tenant à vie de commettre aucun
waste, c'est-à-dire de modifier aucunement l'état origi-
naire du fonds, fût-ce dans l'intérêt de l'exploitation.
290. — Pendant longtemps, lorsqu'un tenant à vie,
avait loué le bien moyennant une rente trimestrielle ou
semestrielle, le preneur ne devait rien à personne pour le
temps écoulé entre le dernier terme et le jour du décès.
Lorsque le tenant avait fait une location opposable à ses
successeurs dans la possession du bien, c'étaient ceux-ci
qui percevaient tout le terme échu postérieurement au jour
du décès, sans que, dans ce cas, les héritiers et ayants-
cause du défunt pussent, plus que dans le cas précédent,
prétendre aucune part proportionnelle pour le nombre de
jours ou de mois écoulés antérieurement au décès. Après
plusieurs essais partiels faits par le législateur pour obvier
202 DU TÈNEMENT VIAGER
à celte double injustice-*, il y a été définitivement re-
médié par VApporlionment ad du l" août 1870 (St. 33 et
34, Vict., c. 33), en vertu duquel toute rente et tout re-
venu périodique quelconque sont réputés, comme les inté-
rêts de capitaux, s'acquérir jour par jour et se répartissent
entre les ayants-droit en raison de la durée de leurs droits
respectifs.
291. — Le tenant à vie n'est pas tenu de fournir des
aliments au reversioner ou au remainderman qui se trouve
dans le besoin, à moins que cette charge ne lui ait été ex-
pressément imposée par une convention entre vifs ou par
une disposition testamentaire-^.
2* st. 11, Geo. II, c. 19, § 15; 3 23 Paterson, Gomp., n» 72.
et 4, Guil. IV, c. 22, § 2.
SECTION TROISIÈME
DES DROITS IMMOBILIERS INFÉRIEURS ^
AUX FRANGS-TÈNEMENTS.
(Estâtes less than freeholds). .-
INTRODUCTION.
Sommaire : 292. Énumération. — 293. Caractères de la tenure for years
comparée aux freeholds.
292. — On comprend sous celte rubrique trois lenures
différentes : 1° les possessions à temps {estâtes for years);
2° les possessions à wohnié {estâtes at luill), et 3° les pos-
sessions par simple tolérance {estâtes hy sufferance).
293. — La possession à temps ou pour un nombre
•déterminé d'années, c'est-à-dire le droit pour un individu
d'user et de jouir d'une lerre pendant un certain temps,
moyennant certaines conditions et notamment le payement
d'un fermage, est d'une importance capitale; c'est le bail
à ferme, avec les diverses modifications qu'il comporte.
Nous en ferons l'objet d'une étude approfondie. Qu'il nous
suffise de dire, dans ce moment, que les tenures à terme
sont placées par la loi anglaise au-dessous des tenures ù
vie et, à plus forte raison, des estâtes of inheritance.
Tandis que la simple tenure à vie constitue un franc-tène-
ment, c'est-à-dire un droit réel immobilier, la tenure for
Tjears rentre dans la catégorie des chattels ou biens per-
204 DES POSSESSIONS A VOLONTE
sonnels. 11 en résulte que la possession à terme peut être
stipulée à partir d'une date plus ou moins éloignée, in
fiititro, parce qu'elle n'exige pas comme \e freehold^ pour
être valable, l'investiture effective et immédiate du tenant.
La concession d'une semblable possession ne confère, par
elle-même, au preneur que le droit de s'installer sur le bien
à l'époque fixée par le contrat, ce qu'on appelle son inté-
rêt dans le « terme » [interesse termini). Ce n'est que
quand il s'y est effectivement installé qu'il est réputé pos-
sesseur du « terme » ; possesseur du droit spécial décou-
lant pour lui sur l'immeuble de son mode de tenure, et
non pas, qu'on le remarque, possesseur de la terre elle-
même, car cette possession-là ne cesse pas de reposer sur
la tête du freeholder, bailleur.
CHAPITRE I
Des possessions à volonté et par simple tolérance.
I
Des possessions à volonté.
Sommaire : 294. Définition de la possession à volonté. — 295. Droits
du tenant. — 296. Règles sur le congé.
294. — La tenure à volonté [at will) est celle d'a-
près laquelle la durée de la possession n'est pas fixée
d'avance, mais dépend du bon plaisir de chacune des
deux parties. 11 est pourtant admis, sauf disposition
contraire, que les parties sont réciproquement liées d'an-
née en Jannée'.
1 st. t9. Car. II, c. 2.
DES POSSESSIONS A VOLONTE 2(J5
295. — Le tenant ne pouvant savoir d'avance quand
il conviendra au propriétaire de l'expulser, ni, par con-
séquent, s'arranger de façon à ne pas souffrir d'une
expulsion à contre-temps, s'il a ensemencé la terre et que
le propriétaire le force à déguerpir avant la récolte, il
n'en a pas moins le droit de venir la faire à son propre
profit. Mais il n'aurait pas ce droit si c'est lui qui a
donné congé : la récolte appartiendrait, dans ce cas, au
propriétaire *.
296. — Le congé est réputé donné non seulement par
une notification expresse, mais encore par tout acte du
propriétaire incompatible avec les droits du tenancier,
tel que le fait d'entrer dans le domaine, d'y couper
du bois, de le saisir pour une rente, de le grever d'une
rente, de le louer pour un certain nombre d'années avec
droit de jouissance immédiate pour le preneur; ou par
tout acte du tenancier outrepassant son droit ou en
impliquant l'abandon; ou, enfin, par la mort ou la mise
hors la loi de l'une des deux parties ^ Au reste, la loi
veille à ce qu'aucune d'elles ne subisse un préjudice à
raison d'une résiliation trop brusque du contrat. Ainsi,
à part la règle indiquée plus haut relativement aux em-
blavures, le propriétaire doit toujours laisser au tenan-
cier congédié la faculté d'accès et le temps nécessaires
" pour déménager ses efTels ^ D'un autre coté, si le tenan-
cier avait une rente trimestrielle à payer, il n'en doit
pas moins, lorsqu'il renonce à sa tenure, tout le quartier
courant au moment où il se retire". Enfin, pour les te-
nures réputées consenties d'année en année, le congé
2 Co. Litt., 55, 56; Blackstone, Abridg., 860 ;ô Rep., llG;Black-
trad. fr., II, 5i4. stone, trad. Ir., II, 54 i,
* Go. LilL, 59.
3 Co. Litt., 55 et suiv.; 1 HoIIe, ^ Salkeld's lîeporta, il4.
206 DES POSSESSIONS PAH SIMPLE TOLERANCE
doit être donné de part et d'autre six mois à l'avance;
si le propriétaire meurt avant d'avoir révoqué la con-
cession, son héritier ne peut également évincer le tenan-
cier que moyennant un avertissement préalable de six
mois®.
II
Des possessions par simple tolérance.
Sommaire : 297. Tenure par simple tolérance. — 298. lademnité éven-
tuelle. — 299. Cas où cette tenure se convertit en tenure annuelle.
297. — La tenure par simple tolérance [tenancy on
sufferance) est celle qui, fondée dans le principe sur un
titre légal, se prolonge au delà du terme résultant de ce
titre; par exemple, celle du fermier qui reste en pos-
session du bien après l'expiration de son bail. Personne
ne peut se prévaloir d'une semblable tenure contre la
couronne, à qui la loi n'impute jamais aucune négligence
pour n'avoir pas immédiatement repris possession du
bien : le tenancier de la couronne qui resterait au delà
de l'échéance, serait regardé comme étant installé sans
droit sur la propriété d'autrui. Quant au tenancier d'un
simple particulier, il n'est réputé en contravention que
lorsque le propriétaire est entré, de fait, sur la propriété
et l'a expressément renvoyé ; jusqu'à ce moment, le pro-
priétaire ne peut pas actionner le tenant comme le trou-
blant dans ses droits, ainsi qu'il aurait le droit de le
faire à l'égard d'un tiers''.
298. — D'après le statut 4, Geo. II, c. 24, lorsqu'un
tenant à vie ou à terme (ou ses ayants-cause) dépasse le
6 Term Reports, II, 159; Black- " Co. Lilt., 57.
stone, trad. fr., il, 552, note 1.
DES POSSESSIONS A TEMPS 207
terme qui lui a élé fixé, sans tenir compte de la récla-
mation de ceux à qui le bien doit passer après lui, il est
passible, pour le temps pendant lequel il sera resté indû-
ment en possession, d'une indemnité proportionnelle, cal-
culée sur le pied de deux fois le revenu annuel. Une indem-
nité analogue est due par le tenancier qui, ayant donné
régulièrement congé, ne déguerpit pas pour l'époque par
lui fixée*.
299. — Lorsqu'untenantayant un bail pour une durée
déterminée reste en possession au delà du terme, et que
le propriétaire, au lieu de l'évincer, accepte au contraire
de lui le payement du canon primitivement stipulé ou
témoigne par tout autre acte analogue que la tenure con-
tinue de son plein gré, la tenure n'est plus réputée être
de simple tolérance, mais d'une année à l'autre '.
CHAPITRE II
Des possessions à temps.
INTRODUCTION.
Sommaire ; 300. Diverses espèces de possessions à temps. — 301. Signifi-
cation des mots année et )nois,
300. — Il y a plusieurs espèces de possessions concé-
dées pour un temps plus ou moins long fixé d'avance. Les
unes sont concédées d'année en année [lease from year to
year), les autres le sont à long terme et se subdivisent
elles-mêmes en deux classes, suivant qu'il s'agit de baux
ordinaires, ne dépassant pas quatre-vingt-dix-neuf ans
« st. 11. Geo. II. c. 19. 9 Blackstone, trad. fr., II, 55^.,
note 1.
208 LtU BAIL D'ANNEE EX ANNEE
et comportant un fermage annuel, ou de possessions
concédées pour un temps fort long, — mille ans ou davan-
tage, — par contrat de mariage, testament ou acte de
mort-gage. Ces dernières possessions ne comportent en
général aucun fermage, reposent sur la tête de trustées
et ont habituellement pour but de garantir le rembour-
sement d'une somme due par le propriétaire du fonds.
Les deux classes sont,' d'ailleurs, de nature analogue
et ne se distinguent, en droit, par aucun caractère es-
sentiel.
301. — Lorsqu'il est question d'années en droit anglais,
il s'agit toujours d'une année de trois cent soixante-cinq
jours; dans les années bissextiles, le trois cent soixante-
sixième ne compte que pour un avec le trois cent soixante-
cinquième. Le mois, sauf convention contraire et sauf les
règles spéciales en matière de lettre de change, s'entend
du mois lunaire de'vingt-huit jours et correspond à quatre
semaines. Toutefois l'expression « douze mois » [a twelve-
month) correspond à une année solaire '.
I
Du bail d'année en année.
Sommaire : 302. Caractères de ce bail; délais pour donner congé. — 30^.
Conditions de forme.
302. — Ce genre de bail est fort commun. Il est plus
avantageux aux deux parties qu'un bail à volonté, en ce
qu'en cas de congé elles ont réciproquement droit à un
avertissement préalable donné une demi-année avant l'ex-
piration de l'année courante : le fermier a le droit absolu
' Blackstone, éd. fr., II, 535.
DU BAIL D'ANNEE EN ANNEE 2(X>
de rester en jouissance du bien par années entières, de
quantième à quantième. Si, à la fin du premier semestre,
il n'a pas reçu congé pour la fin de l'année, son bail dure
de plein droit jusqu'à la fin de Tannée suivante. L'Agj'i-
cnltural Holdings [England] ad du 13 août 1875' a même
élevé le délai d'avertissement de six mois à une année, hor-
mis le cas où le fermier tomberait en faillite ou en déconfi-
ture, ou ferait cession de biens. Si le bailleur veut entre-
prendre sur l'immeiiBle certains travaux d'amélioration
prévus par ledit act^ il peut, à la condition de les mention-
ner expressément dans son avertissement, donner congé
pour la partie seulement du domaine où il compte les
exécuter, moyennant réduction proportionnelle du fer-
mage; mais, de son côté, le fermier a le droit de lui noti-
fier, dans les vingt-huit jours, qu'il n'accepte le congé que
comme devant porter sur le domaine tout entier et pour la
fin de Tannée courante (§ o2). Vact de 1875 ne s'applique
qu'aux domaines exclusivement consacrés à la culture ou à
l'élève du bétail et d'une étendue de plus de deux acres
(80^9340) (§ 58), et il n'empêche pas les parties de pren-
dre des arrangements différents si elles le jugent à pro-
pos (§ 54).
303. — Le bail d'année en année peut être fait de
vive voix si la rente réservée s'élève aux deux tiers au
moins du revenu du bien exploité; sinon, un bail verbal ne
vaudrait, d'après le Slatute of fi-auds^, que comme bail
à volonté : tout bail d'année en année comportant une
rente inférieure doit être fait par deed^.
■^ St. .38 et 39, Vict., c. 92, § 51: 3 st. 29, Car. II. c. 3, §§ 1 et 2.
cpr. Ann.de lérj. étrang., V, p. 196, ' St. 8 et 9, Vict., c. lM6, § 3.
trad. et notes de M. H. Du Buit.
Lehh. 14
210 DES BAUX A LONG TERME
II
Des baux à long terme.
Sommaire : 304. Conditions de forme. — 305. Durée admise par la loi.
— 306. Nécessité d'une installation sur le bien. — 1. Des baux ordi-
naires : 307. Persistance de leurs clauses quant aux ayants-cause du
fermier et du bailleur. — 308. Proviso for re-entry. — 309. Assurance
contre l'incendie. — 310. Legs dun leasehold. — 311. Droit des créan-
ciers sur les leasehold estâtes. — 312. Droit de sous-affermage. — 313.
Droits respectifs des époux en matière de leaseholds de la femme. —
314. Renouvellement des baux. — 315. Améliorations effectuées parle
fermier: indemnité due. — 315 bis. Amélioration de la condition des
preneurs; lois de 18S.S, 1887, 1890. — 315 ter. Small dwellings acqui-
sition act de 1899. — 316. Drait d'estovers ; emblavures. — 2. Bauar
à très long terme: 317. Leur but. — 318. Dégrèvement du fonds; pro-
viso for cesser. — 319. Consolidation [merger). — 320. Moyen de
l'empêcher.
304. — Un bail pour un nombre déterminé d'années
[lease for a iiumher of years) peut être verbal, d'après le
Slatute of frmids, s'il n'est pas conclu pour plus de trois
années à partir du contrat et si la rente réservée s'élève
aux deux tiers au moins du revenu du bien exploité^ Les
baux à plus long terme ou comportant une rente moindre
doivent être écrits et revêtus de la signature des deux
parties ou de leurs fondés de procuration [Ib., § 1"). VAct
lo amendthe law of real property^ exige de plus, à peine
de nullité, que les baux, — ou cessions de bail, — pour
lesquels la loi exige un écrit, fassent l'objet d'un deed;
mais il n'y a pas d'expression sacramentelle à employer;
la formule usitée est : demi.se, lease., and to farmelet.
D'après la loi sur le timbre de 1870, les baux sont sou-
rais à un droit proportionnel tout à la fois à leur durée et
au taux du fermage \
^ st. 29, Car. II, c. 3. § 2. t St. 33 et .34, Vict., c. 97.
6 St. 8 et 9, VicL,c. 106, §3.
DES BAUX A LONG TERME 211
305. — La loi ne limite pas le nombre d'années pour
lequel un bail peut être fait. Il est loisible aux parties de
le faire pour dix, cent ou mille ans, ou, en général pour
tel nombre d'années qu'il leur convient, pourvu qu'il y ait
une période fixée, au bout de laquelle le bail prenne fin :
c'est ce qui distingue un simple term d'un franc-tènement.
Ainsi, une concession à vie confère au titulaire un franc-
tènement et exige l'accomplissement des formalités re-
quises pour la transmission de la saisine légale, tandis
qu'une concession faite à la même personne pour quatre-
vingt-dix-neuf ans, « si elle vit aussi longtemps », lui
confère seulement un term, un droit de bail d'une durée
limitée, parce que, dans ce second cas, la longueur de la
concession est absolument fixée d'avance. Le bail doit pré-
ciser non seulement le moment exact où la concession
prendra fin, mais encore son point de départ, pour lequel
les parties sont' libres de fixer une date ultérieure. Peu
importe, en matière de bail, qu'il s'écoule une période plus
ou moins longue entre la passation du contrat et l'époque
de l'entrée en jouissance ^
306. — Une fois le contrat passé, le preneur ne devient
complètement le fermier du bailleur que quand il s'est
installé sur le bien loué. Jusqu'à ce moment, il n'a pas
encore d'nstate, mais seulement un intéresse termini,
c'est-à-dire le droit d'exiger que le bien lui soit remis en
location pour le nombre d'années convenu '.
1. — Des baux ordinaires.
307. — Nous traitons sous ce titre des baux ne dépas-
sant pas quatre-vingt-dix-neuf ans et comportant, à part
« Blackstone, Cotnm.. II, 143. » Co. Lilt., 'i6 //, et Litlleton.
Tcnures, 58.
212 DES BAUX A LONG TERME
diverses autres clauses et conditions, le payement d'un
fermage périodique.
Les diverses clauses stipulées au moment de la passation
du contrat produisent leur effet pendant toute la durée du
bail et à Tégard de tous les tenanciers qui s'en prévalent.
Si le fermier se substitue quelqu'un dans l'exploitation du
bien, le cessionnaire est tenu de s'engager à le garantir
contre toute réclamation formulée par le bailleur en vertu
des clauses du contrat, tout en étant personnellement res-
ponsable envers ledit bailleur du paiement exact du fer-
mage et de l'inobservation desdiles clauses; il n'est dé-
chargé de cette responsabilité que quand, à son tour, il a
transmis le bien à une autre personne. Les clauses et con-
ditions qui lient les ayants-cause du preneur primitif
comme ce preneur lui-même sont dites « courir avec le
bien » {run ivith the land). A l'inverse, les ayants-cause
du preneur sont au bénéfice de tous les avantages stipulés
à son profit par le bail.
308. — Le payement du fermage et l'accomplissement
des autres clauses du contrat sont habituellement garantis
par un pacte connu sous le nom cleproviso or condition
forre-entry^ qui donne au bailleur et à ses héritiers ou
ayants-cause le droit, en cas de non-payement ou de vio-
lation des conditions du contrat, de « rentrer » dans le
bien loué et d'en reprendre possession comme s'il n'y avait
point eu de bail. Pour que le bailleur puisse se prévaloir
de ce proviso en cas de non-payement du fermage, il faut
qu'une demi-année de fermage soit en souffrance et qu'il
ne trouve pas à saisir sur le bien des objets de valeur suf-
fisante pour se couvrir; il a, dans cette double hypothèse,
la faculté d'exercer son droit à l'expiration du délai prévu
par \e proviso même, et moyennant une action en eject-
DES BAUX A LONG TERME 213
77ieni, sans aucune demande ou prise de possession for-
melle; sauf le droit du fermier d'arrêter les poursuites en
se libérant ou, s'il a déjà été expulsé, d'obtenir dans les
six mois sa réintégration en payant l'arriéré et les frais'".
Le provîso for re-eiitry, lorsqull s'applique à la viola-
tion des clauses du bail, avait fait jusqu'à une époque ré-
cente l'objet d'une doctrine assez curieuse. Si le proprié-
taire avait autorisé une fois une dérogation auxdites
clauses ou si, le contrat défendant de faire une chose sans
autorisation, le propriétaire avait permis une fois qu'elle
fût faite, le droit de rentrée était réputé perdu à jamais ";
le proviso était considéré comme indivisible et, par consé-
quent, comme mis à néant du moment qu'une seule brè-
che avait été consentie par le propriétaire. Cette doctrine
était aussi contraire aux intérêts du preneur qu'à ceux du
bailleur. Aussi a-t-elle été formellement abrogée, d'abord
pour les fermiers de la couronne, par le statut 8 et 9, Vict.,
c. 99, § o, puis d'une façon générale, par le statut 22 et 23,
c. 35. En vertu de ce dernier statut, toute autorisation
donnée par le propriétaire se limite de plein droit à l'acte
qu'elle concerne, sans préjudice du droit de rentrée en
cas d'infractions ultérieures (§ 1). L'autorisation donnée à
l'un des cofermiers, ou relativement à une portion seule-
ment du bien loué, ne détruit pas le droit de rentrée par
rapport aux autres tenanciers et au reste du domaine (§ 2).
Enfin, lorsque le bien loué se partage entre plusieurs pro-
priétaires ayant droit chacun à une portion du fermage,
chacun d'eux personnellement est, quant à sa part, au
bénéfice des diverses conditions et notamment de la clause
if» St. 15 et 10, Vict., c. 7G, "« Dumporn case, i Rep.. 119;
g§ 210 et 212; 23 et 24. Vict., Bruvimcl c. Macpherson, U,\\>s.,
c. 1-26, § 1. 173.
214 DES BAUX A LONG TERME
de re-entry for 7ion payment, stipulées en cas de non-
payement da fermage total originaire (§ 3).
309- — Le fermier qui, s'étant engagé à assurer l'im-
meuble contre l'incendie, néglige de payer la prime d'as-
surance annuelle, encourt la résiliation du bail. Toutefois
la cour a aujourd'hui la faculté de le relever de cette peine
si, en fait, il n'y a pas eu d'incendie ni, par suite, de pré-
judice causé au propriétaire pendant le temps où l'assu-
rance est restée en souffrance, et si, dans l'opinion du
juge, le non-payement est le résultat non d'une fraude ou
d'une faute lourde, mais simplement d'une erreur ou d'un
accident; la cour ne peut, d'ailleurs, accorder ce relief
qu'une seule fois à une même personne et pour la même
infraction'^ D'un autre côté, si le tenancier obligé d'as-
surer l'immeuble ne s'est pas conformé à cette clause, mais
a contracté une autre assurance pour garantir ses pro-
pres intérêts, le propriétaire et ses ayants-cause ont, en
cas de sinistre, le droit de se faire mettre par lui au béné-
fice de ladite assurance'^
310. — Un droit de tenure par bail [leasehold] peut
faire l'objet d'un legs. Il est dévolu, dans ce cas, aux
exécuteurs testamentaires du défunt avec ses autres biens
meubles. Si ce droit figure dans sa succession ab intestat,
il passe à l'administrateur de ladite succession.
11 était de règle autrefois que, quand un homme possé-
dant tout à la fois des biens en fief simple et des biens en
leasehold disposait par testament « de tous ses immeu-
bles et tènements », le testament fût réputé s'appliquer
aux seuls fiefs, à l'exclusion des terres simplement affer-
mées. Lors, au contraire, qu'il ne possédait que des terres
12 Loi du 13 août 1859 (St. 22 et et 24, Vict., c. 126, §§ 2 et 3.
23, Vift., c. 35), §§ 4-6; St. 23 t3 St. de 1859, § 1.
DES BAUX A LONG TERME 215
en leasehold^ le testament était considéré comme s'y ap-
pliquant; sinon, il aurait été caduc. La loi sur les testa-
ments de 1837*' porte que le legs des divers immeubles
appartenant au testateur ou des immeubles que le testa-
teur possède dans telle localité, ou, en général, tout legs
pouvant, par la largeur des expressions employées, s'ap-
pliquer à des terres affermées, alors que le testateur ne
possédait pas de francs-tènements auxquels ces expres-
sions dussent se rapporter de préférence, doit effective-
ment être considéré comme s'étendant aux leaseholds,
toutes les fois que le testateur n'a pas manifesté une in-
tention contraire.
311. — Les créanciers du tenancier ont le droit de
poursuivre sur son leasehold estate l'accomplissement de
ses obligations envers eux. D'après la loi de 1838 sur le
recouvrement des créances '% il suffisait, comme en ma-
tière de freeholds^ qu'ils eussent obtenu un jugement et,
de plus, qu'un writ d'exécution fût entre les mains du
shérif; toutefois le jugement n'était pas opposable au tiers
acquéreur qui avait acheté le leasehold de bonne foi, si le
writ d'exécution n'avait pas été émis antérieurement à la
vente. Aujourd'hui, nul jugement postérieur au 29 juillet
1864 ne peut affecter un fonds de terre quelle qu'en soit
la tenure, tant que ce fonds n'a pas été delivered in exé-
cution en vertu d'un writ à'elegit ou de telle autre auto-
risation analogue'".
312. — Le tenant for a term of years a le droit, si
celte faculté ne lui a pas été interdite, de sous-affermer
le bien. Pour qu'il y ait sous-affermage, il faut que le term
cédé soit moins étendu que le term primitif; si le contrat
»* st. 7. Guill. IV, et 1, Vict.. «s st. 1 et 2, Vict., c. 110.
c. 26, § 26. '6 St. 27 et 28, Vict., c. 112.
216 DES BAUX A LOx\G TERME
portait sur le tei^m complet, il comporterait une cession de
bail et non plus un simple sous-affermage.
Le sous-fermier est le tenant du preneur qui lui loue
le bien, et non du bailleur dont ce preneur le tient lui-
même : il n'y a aucun lien de droit entre ce bailleur et le
sous-fermier. Par conséquent, ce bailleur ne peut action-
ner directement le sous-fermier en cas de violation de
l'une des clauses du bail primitif; il n'a de droit que contre
le fermier lui-même ou contre un cessionnaire du bail.
Le sous-bail vient simplement se greffer sur le bail pri-
mitif, à l'existence duquel il demeure subordonné.
313. — Le mari dont la femme possède un term of
years^ peut pendant le mariage l'aliéner ou le mortgager
comme il Tentend. S'il survit à sa femme, il a droit au tertn
en sa qualité même de mari''. S'il meurt avant elle, sa
femme conserve le bien, sans qu'il dépende de lui de l'en
dépouiller par testament'\ D'après \q Married Wojiien'a
Property Act de 1870, lorsqu'une femme mariée posté-
rieurement au 9 août 1870 acquérait pendant le mariage
des droits mobiliers, — ce qui englobe les leaseholds,
— comme héritière d'un intestat, ces droits lui apparte-
naient en propre, et elle les exerçait à son profit person-
nel*^ Ce droit a été confirmé et élargi par le Womens
Property act de 1882, § 5 (cpr. n°' 152 et suiv.).
314. — Les propriétaires, surtout quand ce sont des
corporations, ont souvent coutume d'accorder des baux
nouveaux à leurs tenanciers avant l'expiration ou au mo-
ment même de l'expiration des anciens. D'autres fois, les
baux contiennent une clause de renouvellement tacite à
charge par le fermier de payer une certaine somme pour
n Co. Litt., 46 b, 351 a. '9 St. 33 et 34, Vict., c. 93, § 7.
18 Blackstone, 6'omm., II, 434.
DES BAUX A LONG TElîME 217
ce renouvellement ; la clause peut être libellée de telle
sorte que le preneur soit indéfiniment en droit de s'en pré-
valoir à l'expiration de chaque période. Dans tous ces cas,
l'acceptation par le tenant d'un nouveau bail emporte de
sa part renonciation à la portion de l'ancien term non
encore écoulé; car, en acceptant le nouveau bail, le
tenant reconnaît implicitement que le propriétaire avait
le droit de le lui concéder, droit qu'il n'aurait pas eu tant
que l'ancien term était encore en vigueur. Mais, si le
nouveau bail est nul, son annulation entraîne celle de
ladite renonciation.
Diverses dispositions législatives ont été édictées en vue
de faciliter les renouvellements de baux lorsque l'une des
parties est mineure ou atteinte d'aliénation mentale-".
315. — V Agricullural Holdings [England] act du 13
août 1875 (St. 38 et 39, Vict., c. 92)-' contient des règles
destinées à provoquer et à faciliter les améliorations dans
la culture, en assurant au fermier une indemnité propor-
tionnée à ses sacrifices.
Ces améliorations se divisent en trois classes, suivant
leur importance. Si le fermier est contraint de déguerpir
avant d'en avoir lui-même tiré profit pendant un certain
temps, il a droit à une indemnité calculée d'après la
dépense, mais d'autant moindre qu'il en aura joui lui-
même plus longtemps.
Le bénéfice qui découle des améliorations faites a été,
dans le premier état de la lof, considéré comme épuisé au
bout de vingt ans pour la première classe, de sept pour
la seconde, et de trois pour la troisième, de telle sorte
20 st. 11, Geo. IV, et 1, Cuil. IV, ^i Tiad. et notes parM. Du Buit,
c. 65, §^12 et suiv.;16 et 17, Vict., Ann. de législ. étrunj., V, 196.
c. 70, §§ 113-5, 133-5.
218 DES BAUX A LONG TERME
qu'à l'expiration des mêmes périodes, le fermier cessait
de pouvoir réclamer aucune indemnité; s'il déguerpissait
avant la fin de la période, il avait droit à une indemnité
réduite d'un vingtième, d'un septième ou d'un tiers pour
chaque année écoulée. La première classe comprend les
travaux de drainage, de construction, de clôture, l'éta-
blissement de routes, de prairies, de vergers, de houblon-
nières, etc.; la seconde comprend la fumure à l'aide d'en-
grais minéraux (os, chaux, marne, etc.); la troisième, la
fumure à l'aide d'autres engrais achetés par le fermier,
et Tentretien de bétail au moyen de denrées non produites
par la ferme (§§ 3, 6, 7). La loi avait pris, d'ailleurs, des
précautions pour que les améliorations importantes ne
soient pas faites à l'insu ou contre la volonté du bailleur
(§§10, 12); pour que le droit à une indemnité ne serve
pas de prétexte à des spéculations (§§ U, 13, 15), et pour
que le fermier subisse les déductions, retenues ou com-
pensations équitables (§§ 16, 17, 19). En cas de désaccord
sur l'indemnité, l'arbitrage forcé est imposé aux deux
parties, sauf appel à la Cour du comté quand la demande
excède 50 livres (§§ 20 à 41). Le propriétaire qui paye au
tenancier l'indemnité qu'il lui doit d'après la loi en ques-
tion, peut obtenir de la Cour du comté un ordre grevant le
domaine du remboursement de tout ou partie de la somme
par tels acomptes et sous telles conditions qu'il plaît à la
cour de fixer; lorsque le propriétaire astreint au rembour-
sement n'a pas sur le bien un droit absolu, les termes de
payements d'acompte ou d'intérêts doivent être fixés de
façon à ne pas dépasser l'époque où, d'après la loi, l'amé-
lioration à laquelle ils se rapportent est réputée épuisée
(§42).
Si le fermier ne fait pas sur le bien les améliorations
DES BAUX A LONG TERME 219
que le bailleur jugerait nécessaires, celui-ci a la faculté
de les faire lui-même et pour cela de reprendre une par-
tie des terres affermées, moyennant réduction du fermage
(§ 52).
Autrefois, pour les baux d'année en année, congé pou-
vait être donné six mois à l'avance pourvu que l'expira-
tion de ce délai coïncidât avec la fin de l'année de bail.
D'après le § ol de Vaci de 1873, le fermier ne peut plus
être ainsi surpris au milieu de l'année de culture: le
congé doit être donné un an à l'avance, hormis les cas de
faillite, de déconfiture ou de cession de biens.
Lorsque le fermier a installé sur le bien certains meu-
bles à demeure [fixtures), par exemple des machines, il a
la faculté de les enlever, à moins qu'il ne soit en retard
pour le fermage, que l'enlèvement ne soit de nature à en-
dommager gravement le fonds, ou que le propriétaire ne
veuille les lui racheter. Sont exceptées les machines à
vapeur posées par le fermier à Tinsu ou contre le gré du
propriétaire (§ o3).
Au surplus, ces diverses dispositions n'ont rien d'impé-
ratif, et il demeure loisible aux parties d'y déroger comme
elles l'entendent (§§ 54 à 60).
315 bis. — C'était certes quelque chose, dans l'intérêt
de l'équité aussi bien que de l'agriculture, que d'avoir
assuré aux fermiers, en cas de résiliation de bail, une com-
pensation pour les améliorations par eux apportées à l'im-
meuble. Mais le système de l'indemnité imaginé par la loi
de 1873" présentait des inconvénients dont on se rendit
bientôt compte, et qu'on a peu à peu corrigés.
Tout d'abord l'évaluation mathématique de la compen-
salion exigible était des plus arbitraires. Sur quoi s'ap-
22 St. 3.S et 30. Vict., c. 92.
220 DES BAUX A LONG TERME
puyait-on pour présumer que le bénéfice des divers tra-
vaux agricoles serait épuisé, selon les cas, en vingt, en sept
ou en trois années? Et, dans le même sens, pourquoi dé-
cider que chaque année écoulée depuis l'amélioration en
réduirait la valeur d'une quote-part proportionnelle à sa
durée présumée?
Si un fermier a planté un verger ou une houblonnière, il
est probable qu'au bout de dix ans le rendement en sera
plus considérable que la première année. Pourquoi donc
décider qu'en cas de déguerpissement au bout de la pre-
mière année, le fermier aura droit au remboursement inté-
gral de sa dépense, tandis que, s'il déguerpit au bout de
dix ans, l'indemnité sera réduite de 10 vingtièmes, c'est-
à-dire de moitié? Et, si l'amélioration résulte de l'établisse-
ment d'une route, c'est-à-dire de la plus durable des amé-
liorations, quoi de plus contraire à la réalité que d'en pré-
sumer le bénéflce amorti en un certain nombre d'années?
C'est ce qu'a compris le législateur, et une loi de 1883^*
est venue, dans ce but, substituer à l'évaluation mathé-
matique de la loi de 187o, une évaluation économique des
améliorations réalisées par le preneur. Au moment de la
résiliation du bail, il n'y a dès lors plus lieu qu'à apprécier
quelle plus-value Timmeuble a retirée des travaux du
fermier, et ce calcul reste confié, en cas de désaccord, à des
arbitres nommés soit par les parties, soit par la Cour du
comté.
Cette heureuse innovation en a permis une autre. Sous
le régime de la loi de 187o, les travaux de drainage avaient
été compris dans les améliorations de la plus grande durée,
c'est-à-dire dans la première classe; mais en même temps
ces travaux, comme tous ceux de la même classe, ne pou-
■^3 St. 46 et 47, Vict., c. 61.
DES BAUX A LONG TERME 221
vaient être entrepris qu'avec l'autorisation expresse du
bailleur, ce qui nuisait souvent à l'exploitation rurale.
Depuis la suppression des fictions d'amortissement, il a été
possible de faire entrer le drainage parmi les travaux de
la deuxième classe, pour lesquels aucune autorisation n'est
nécessaire, et qui peuvent être entrepris après une simple
notification faite au bailleur, dans un délai de deux mois
au moins et de trois mois au plus, avant le commencement
des travaux'^'.
D'autres lois ont repris et développé le principe de la
loi de 1883 en l'appliquant à des cas nouveaux. L'Allot-
ment and cottage gardcns act de 1887"% spécial aux
lotissements de deux hectares et aux jardins potagers^*,
accorde compensation au tenancier, en fin de bail et
malgré toute convention contraire : 1° pour les récoltes
pendantes, y compris celles des arbres fruitiers plantés
avec l'autorisation du bailleur; 2" pour les travaux exé-
cutés et les fumures faites depuis la dernière récolle et en
vue de la récolte suivante ; 3° pour les travaux de drainage
et les constructions édifiées. Enfin, le Tenants compensa-
tion act de 1890 ■' étend au créancier hypothécaire, qui
évincerait le fermier occupant, toutes les obligations d'in-
demnité mjses à la charge du propriétaire. L'éviction elle-
même n'est possible qu'à six mois de date, et après signi-
fication régulière de congé.
L'énumération des améliorations pouvant autoriser le
preneur à réclamer une indemnité en fin de bail a été
quelque peu allongée par la cédule 1 de la loi du 8 août
'-î» Première cédule; douxii-me l>lc qu'aux grandes exploitations,
partie. voir son i; 54.
2- St. 50 et51, Vict., c. 2(1.
-'' La loi de 1883 n'était applica- '^' St. 5:3 et 54. Vict., c. 57.
222 DES BAUX A LONG TERME
1900^", qui se substitue, tant pour l'Ecosse que pour l'An-
gleterre, aux cédules annexées aux deux lois distinctes
promulguées en 1883 pour l'Angleterre d'une part et pour
l'Ecosse de l'autre. Dans le cas où le propriétaire et le pre-
neur ne se mettent pas eux-mêmes d'accord sur le mon-
tant et le mode'de payement de l'indemnité exigible, le rè-
glement du litige continue à être opéré par un arbitrage;
mais, à moins de convention contraire des parties, il n'est
plus nommé qu'un seul arbitre. Au cas où une difficulté
de droit est soulevée devant l'arbitre, celui-ci renvoie les
parties devant la Cour de comté pour faire trancher le
principe. Et si, en fin de compte, l'arbitre alloue au pre-
neur une indemnité dont le payement doit être garanti par
l'inscription d'un droit réel, l'attribution de ce droit réel
est faite non par l'autorité judiciaire, mais par le Ministère
de l'Agriculture qu'une loi de 1889 a institué pour tout le
Royaume-Uni.
Malgré tous ces progrès, il faut reconnaître que le droit
anglais n'est pas encore parvenu aune théorie parfaite sur
cette question. D'une part, c'est bien un procédé dé légis-
lation primitive que celui qui consiste à énumérer les di-
verses améliorations pour lesquelles une indemnité pourra
être due, au lieu de poser une règle de principe, en édic-
tant par exemple que toutes les plus-values résultant d'une
dépense du preneur donneront lieu à une compensation
et échapperont en tout cas à la vieille fiction de Y accession
qui les incorporait arbitrairement dans le domaine du bail-
leur.
Et, d'autre part, même pour les cas particuliers dans
-* An act to amend the Lau' re- duction et notice de M. P. Bail-
lating to AgHcultural holdings, lière dans Y Annuaire de légis-
(63 et 64, Vict., ch. 50). Voir tra- lation étrangère, t. XXX, p. 32.
DES BAUX A LONG TERME 223
]'exaraen desquels le législateur s'est limitativement can-
tonné, on ne peut dire que la situation du fermier ait été
rendue complètement satisfaisante; elle reste inférieure,
notamment, à celle que la jurisprudence française recon-
naît aux preneurs à bail. En effet, d'après la loi anglaise,
le ferpiier n'a droit qu'au remboursement de ses impenses
si le propriétaire s'attribue les améliorations réalisées en
cours de bail. En France, au contraire, le preneur a tou-
jours le droit de reprendre, s'il y tient, le matériel de ses
constructions ou installations et ne peut être contraint à un
simple remboursement. L'avantage du fermier anglais est
de ne pouvoir, en tout cas, lorsque le propriétaire répudie
les installations effectuées, être tenu de dommages et in-
térêts pour les travaux faits sans droit^'.
Cette matière est de celles sur lesquelles la législation
actuelle ne peut être considérée comme définitive, et il
faut s'attendre, sinon à une loi de principe posant pour le
preneur un droit absolu à reprendre tout ce qui peut être
repris, et à être indemnisé pour le reste, du moins à une
série d'amendements qui multiplieront les cas de compen-
sation, et supprimeront pour le preneur les obligations
actuelles d'autorisation ou de notification. Que le preneur
respecte la destination du fonds loué et les clauses de son
contrat, c'est tout ce qu'on peut lui demander. Sous cette
réserve, on doit lui permettre toutes les améliorations et
lui promettre toutes les indemnités; car, d'une part, la
salva rerum substantia qui est une règle de l'usufruit ne
saurait être un élément du louage; et, d'autre part, en fin
de bail, un preneur ne saurait être tenu à restituer plus
que ce qu'il avait pris en charge, et il y a lieu de lui tenir
•29 Voir, sur tous les points qui Farm, et Foa, The relalionship of
précèdent, Dixon, Law of the landlord and tenant.
2>4 DES BAUX A LONG TERME
compte de ce dont il a enrichi Fimmeuble. La fortune des
propriétaires y est intéressée dans la même mesure que la
fortune publique^".
En ce qui concerne les significations de congé, Notice
to qiiit^ il y a lieu de remarquer que le délai d'un an pres-
crit par le § SI de la loi de 1875 échappe à la sanction de
l'art. 55 de la loi de 1883, qui considère comme non ave-
nues les clauses contraires qu'un bailleur aurait stipulées
de son fermier.
Ajoutons aussi que le § 52 de la loi de 1874, confirmé
par la loi de 1883, donne aux propriétaires le droit de
faire des significations de congé partielles, c'est-à-dire de
faire déguerpir le preneur d'une partie seulement des lieux
loués. Pour l'exercice de ce droit deux conditions doivent
cependant être réunies. Il faut que le caractère partiel du
congé soit justifié par un des motifs que la loi de 1875
déclare légitimes, par exemple, par les besoins d'une con-
struction ou d'un aménagement utile. Il faut, en outre,
que le prix du bail soit réduit en conséquence; il ne suffit
pas d'une réduction proportionnelle à la valeur de la partie
d'immeuble reprise, il faut une réduction qui tienne compte
du préjudice que la reprise partielle peut causer au fer-
mier.
315 ter. — L'effort social et législatif qui lend au déve-
loppement de la petite propriété s'est encoreaccusé, en 1899,
par le vote du Small dweUings acquisition act (St. 62 et
63, Vict., c. 44) ^* qui permet aux autorités locales de con-
30 Voir, sur ce point. Baudrillart, blême foncier en Angleterre, p. 208
Journal des Economistes, 15 août et suiv., 262 et suiv.
1889, p. IGl et suiv.; Cuénot, Les ^i Voir la traduction de M. G.
constructions élevées par un loca- Cheuvreux dans l'Annuaire de lé-
taire sur les lieux loués, p. 164 gislation étrangère, i.\^)\,T^. 26.
et suiv.; Jacques Dumas, Le pro-
DES BAUX A LOXn TERME 225
sentir des prêts d'argent aux ouvriers en vue de l'acquisi-
tion de l'immeuble qu'ils habitent. Ces prêts, purement
facultatifs, ne peuvent être consentis qu'à un ouvrier habi-
tant d'une manière continue la même maison, et celte
maison ne doit elle-même représenter qu'une valeur de
10.000 francs au maximum. On espère que cette loi aug-
mentera sensiblement le nombre des habitations ouvrières
appartenante ceux qui les occupent et facilitera ainsi la
solution d'un des problèmes sociaux les plus angoissants
par le développement de la propriété privée.
316. — Sauf convention contraire, le tenant for years
a, comme le tenant for life^ le droit d'estovers, c'est-à-
dire le droit de prendre sur le domaine le bois de chauf-
fage, de charronnage ou de construction dont il a besoin.
Quant aux emblavures ou récoltes, il y a entre eux cette
différence que le tenant à terme n'a droit qu'aux récoltes
qui mûrissent pendant la durée de sa jouissance; ainsi,
si sa jouissance prend fin à la Saint-Jean et qu'il ait ense-
coencé les terres la dernière année, la récolle n'eu appar-
tient pas moins au propriétaire; il en serait de même si le
preneur était expulsé par sa faute, avant la fin normale
du bail et la perception des fruits sur lesquels il comptait.
2. — Baux à très long terme.
317. — Les baux à très long terme, auxquels nous
arrivons maintenant, ont généralement pour objet de ga-
rantir, en principal et intérêts, les droits de créanciers.
Il faut donc qu'ils assurent auxdits créanciers le moyen de
se faire payer aisément ce qui leur est dû, tout en gênant
le moins possible le propriétaire du fonds. On atteint ce
but à l'aide de baux d'un millier d'années concédés à des
Lehh. 15
220 DES BAUX A LONG TERME
trustées avec mission de consacrer les fruits du fonds au
payement des intérêts et de pourvoir au remboursement
du capital en aliénant ou en mortgageant tout ou partie du
fonds, le propriétaire conservant la libre jouissance de
l'excédent, dans la mesure fixée par les trustées. Ceux-ci,
bien qu'ils aient pendant la très longue durée du bail la
disposition presque absolue du fonds, sont néanmoins
réputés n'avoir sur ce fonds qu'un droit mobilier [chattet
interest) ; le droit réel de propriété continue à reposer sur
la tête du propriétaire primitif, ou de ses hériîiers et autres
ayants-cause. Le propriétaire conserve lafaculté dedisposer
du fonds entre vifs ou par testament; seulement, sous laré-
serve expresse du term qui le grève tant que la dette n'a
pas été remboursée.
318. — Lorsque la dette a été remboursée ou n'est
finalement plus réclamée, il y a plusieurs moyens dedégre-
verle fonds et démettre un terme aux pouvoirs des trustées.
Le plus usuel est d'insérer dans le deed constitutif du bail
une clause résolutoire {proviso for cesser), non seulement
pour le moment de l'échéance prévue, mais encore pour
le cas où l'objet du bail se trouverait réalisé ou irréalisa-
ble. Lorsqu'une semblable clause a été insérée dans l'acte,^
le bail prend fin, le cas échéant, sans autre formalité et de
plein droit.
319. — A défaut de clause résolutoire, le bail peut
s'éteindre par consolidation [merger). Lors de la consti-
tution de baux à long terme, il arrive souvent que le fonds
n'appartient pas en fief simple au bailleur. Ces baux sont
stipulés notamment par contrat de mariage, dans le but de
garantir les parts éventuelles des enfants cadets, le do-
maine lui-même étant substitué comme fief /az7 en faveur
du fils aîné. Lorsque ce fils atteint sa majorité ou se marie.
DES BAUX A LON{; TERME 227
les terres sont reconstituées sur sa tète en tènement viager
avec substitution en faveur de son propre fîls aîné à naître.
Dans ces diverses hypothèses, le propriétaire du domaine
sera, comme on le voit, non pas un tenant en fief simple,
mais un tenant à vie ou un tenant intail. Mais, que ïes-
tate soit de l'une ou de Tantre de ces trois espèces, il est
toujours un franc-tènement, par conséquent plus large,
aux yeux de la loi, que n'importe quelle possession àterme,
si longue qu'elle doive être. Par conséquent, si l'un
de ces estâtes se trouve appartenir à une personne jouis-
sant en même temps d'un bail à terme sur le même bien,
cet estate absorbe le bail: le bail se fond [is merged) dans
le franc-lènement. Supposons que A et B soient tenants
pour un term de mille ans et que C soit tenant à vie du bien
grevé de ce term; si A et B cèdent leur droit à C, C de-
meurera simple tenant à vie comme devant, et le term
aura disparu pour toujours; C aura, sa vie durant, tout à
la fois la saisine légale et la possession actuelle du fonds,
tandis que A et B auront perdu tout droit sur ledit fonds;
en conséquence, si A et B étaient investis du term en qua-
lité de trustées, la cession consentie par eux en faveur du
propriétaire légal du bien ramènerait la propriété au
même point que si elle n'avait jamais été grevée d''aucun
term. D'après VAct to amena the law ofrealproperty, une
semblable cession doit faire l'objet dun deed, à peine de
nullité ^^
Parfois la consolidation {merger) est le résultat d'une
circonstance fortuite, telle que le fait par le possesseur
du term d'hériter du freehold. Elle peut aussi n'être que
partielle ; par exemple, dans le cas où le possesseur du
32 St. 8 et 9, Vict., c. 1()6, § 3.
228 DES BAUX A LONG TERME
term, au lieu d'acquérir le freehold tout entier, n'en ac-
querrait qu'une portion.
320. — II y avait, jusqu'à une époque récente, un
moyen spécial d'empêcher la consolidation, lorsqu'elle
était de nature à porter préjudice au possesseur actuel du
bien et qu'il avait, au contraire, intérêt à ce que le bail
subsistât. C'est ce qui arrivait, par exemple, quand le pro-
priétaire, après avoir concédé un bail à long terme, gre-
vait le bien d'une charge foncière ou autre incumhrance.
Le titulaire du bail ayant pour toute la durée de sa con-
cession la jouissance pleine et entière du bien, la personne
au profit de qui cette charge avait été créée postérieu-
rement ne pouvait, pendant la même période, faire valoir
son droit d'aucune façon. Supposons que le preneur ache-
tât la nue propriété du domaine, ou qu.'un tiers de bonne
foi, ayant connaissance du term^ mais non de Xincum-
brance, achetât la pleine propriété du domaine: si Immer-
ger s'opérait, le term qui faisait obstacle à l'exercice de
la charge foncière disparaissait, et l'acquéreur, en tant que
propriétaire du fonds, était tenu d'acquitter une charge
dont il ignorait l'existence au moment de son acquisition
et dont l'exigibilité se trouvait ainsi « accélérée », — c'est
le terme technique, — à son propre détriment et au profit
du créancier de la charge. Pour prévenir ce résultat et
maintenir debout le term qui faisait obstacle à la réclama-
tion de ce créancier, on avait imaginé de permettre à l'ac-
quéreur delà propriété de faire céder le term of years^ par
le trustée sur la tête de qui il reposait, à un autre trus-
tée, que l'acquéreur désignait lui-même et qui conservait
le term pour lui, acquéreur, ses héritiers et ayants-cause :
ce trustée, investi pour mille ans, était tenu de lais-
ser l'acquéreur libre de percevoir tous les fruits du do-
DES BAUX A LONG TERME 229
maine et, en général, de faire lel acte de propriété que bon
lui semblait; mais, en cas de réclamation du chef du
créancier de la charge, il avait mission de répondre que la
charge, ayant été constituée postérieurement au term^ ne
pouvait produire d'effet qu'après l'expiration de ce term^ ce
qui équivalait à un ajournement indéfini. L'acquéreur se
trouvait donc, grâce à la persistance du bail, efficacement
protégé, pourvu, encore une fois, qu'il ignorât l'existence
de Vinciimbrance au moment où il achetait le domaine; s'il
en avait eu connaissance et n'en avait pas moins constitué
un trustée pour se soustraire à l'acquittement de la charge,
la cour de Chancellerie aurait fait défense au trustée d'op-
poser \e term aux réclamations du créancier; car^ il y
aurait eu fraude évidente".
Depuis, une loi de 1845 (St. 8 et 9, Vict., c. 112) a décidé
qu'en pareil cas la consolidation serait réputée opérée et
par suite le bail annulé; qu'en conséquence il n'y avait
plus lieu à nomination d'un trustée pour faire échec aux
incumbrances , mais que l'acquéreur n'en pourrait pas
moins se prévaloir du bail ainsi annulé pour se soustraire
aux charges dont il aurait été affranchi à défaut de conso-
hdation~(§ri et 2).
" Willoughby c. WUloughby, 1 T. Rep., 763.
SECTION QUATRIEME
DES GOPYHOLDS.
INTRODUCTION.
Sommaire : 321. Notion et définitioa. — 322. Historique; Court baron;
cour coutumitre. — 323. Copyholds viagers et héréditaires. — 324. Mode
d'aliénation dans les temps anciens. — 325. Customary freeholds.
321. — Les copyholds sont des terres tenues en vertu
d'une copie du registre d'une cour seigneuriale [court
rolls)\ en d'autres termes, le titre du possesseur consiste
en une copie du registre sur lequel on inscrit toutes les
opérations coacernant le manoir dont relève le bien; car
tout copyhold dépend d'un manoir ou en est une par-
celle. Celui qui possède à ce titre, le copyholder, n'a pas
un franc-tènement, mais une simple possession précaire,
al will, au gré du seigneur du manoir. On dit aussi des
copyholds qu'ils sont tenus conformément à la coutume du
manoir dontils relèvent; car, selon l'adage, custom is the
life of copyholds ' .
322. — Dans les temps anciens, quand un grand sei-
gneur devenait possesseur d'un territoire, il en octroyait
une partie à des hommes libres en fief simple, s'en réser-
vait une autre partie qui formait le domaine propre [demes-
nes) du manoir, et concédait le reste, généralement les por-
' Coke, Complète Copyholder, § 32.
DES COPYHOLDS 231
lions les moins productives, à des serfs ou vilains {viliei?is),
à titre de pure grâce et moyennant certaines corvées au
profit de ses demesnes. Du manoir dépendaient donc deux
classes de tenanciers : les francs-tenanciers et les vilains,
pour chacune desquelles il y avait une cour seigneuriale
spéciale. Celle pour les francs-tenanciers s'appelait Court
Baron; celle pour les vilains, cour coutûmière", La pre-
mière était composée d'une sorte de jury, formé par les
tenanciers eux-mêmes, sous la présidence du seigneur ou
baron lui-même; dans la seconde, le seigneur ou, plus sou-
vent encore, l'intendant du manoir (^/<?«^'arc^) siégeait seuP.
323. — Dans certains manoirs, les vilains jouissaient
de concessions purement viagères [copyholds for life).
Dans d'autres, les seigneurs s'étaient montrés plus larges
et permettaient qu'à la mort du tenancier son fils aîné, ou
tous les fils, ou le fils cadet, ou même d'autres proches pa-
rents succédassent au défunt, moyennant le payementd'une
redevance spéciale (/î;ie); ce mode de succession variait
suivant la coutume locale. Les copyholds qui comportaient
un droit de succession étaient dits héréditaires (0/ inhe-
ritaiice).
324. — Lorsque le vilain voulait céder sa terre à l'un
de ses compagnons de servage, le seigneur lui permettait
habituellement de la lui ré^trocéder à lui-même (surrender)
et, ensuite, admettait [admit] l'acquéreur au lieu et place
du précédent copijhoider, moyennant le payement d'un
droit de mutation. De là est né le mode, encore actuelle-
ment en vigueur, de translation des copyholds by sur-
render and admittance. Seulement, ce qui, dans le prin-
"■' Walkias, on Copyholds, II, 4, ^ Coke, op. cit., 58 a.
5; Scriven, on Copyholdi,!» édit.,
p. 4 et 422.
232 DES COPYHOLDS
cipe, était une pure grâce du seigneur est devenu, pour les
copyholders, un droit absolu à l'exercice duquel le sei-
gneur ne peut plus s'opposer, de sorte que le bon plaisir
du seigneur après avoir engendré la coutume, a fini par
lui être subordonnée
C'est graduellement que les copyholders ont acquis une
lenure aussi stable et aussi sûre que celle des francs-tenan-
ciers. Ils sont arrivés à ce résultat important sous le règne
d'Edouard IV, où les juges leur ont reconnu une action
of trespass pour le cas où le seigneur les expulserait sans
juste causée Depuis lors, le titre de copyholder n'est
guère moins avantageux que celui de franc-tenancier, et
il l'est même plus en ce sens que tous les actes translatifs
de copyholda sont inscrits sur les Court rolls el, par con-
séquent, dûment conservés.
325. — Il existe dans le nord de l'Angleterre une es-
pèce particulière de copyholds connue sous le nom de
francs-tènements coutumiers {customary freeholds). Ces
tènements ne diffèrent guère des autres qu'en ce que la
copy qui constitue le titre du possesseur ne mentionne
pas qu'ils sont simplement à volonté {at will). Autrement
les caractères sont les mêmes et le tenancier ne jouit pas
de prérogatives plus étendues que le copyholderovàmoxTe^.
' Blackstone, Comm., II, 93 et ^ Scriven, II, 665; Stephenson
suiv., 147; Scriven, op. cit., 7e c. //z7Z, 3 Burr., 1277 ; Z)oec. Z)an-
édit., p. 122 et suiv. L\rs, 7 East, 320.
6 Co. Lilt., 61 a.
DES COPYHOLDS 232
CHAPITRE I
Des droits inhérents à la possession d'un copyhold
{Estâtes in copyhold).
SoMMAiBE : 326. Principe général ; droits appartenant au seigneur. —
327. Situation des copyholds par rapport aux tiers. — 328. Formes
diverses de Vestate du copyholder. — 329. Estate tail. — 330. Estate en
fief simple ; droits des créanciers. — 331. Transmission d'un copyhold
par succession; droits de l'époux servant; free-bench. — 332. Rede-
vancesduesau seigneur; heriot. — 333. Tenure conjointe ou en com-
mun. — 334. Conversion des divers droits du seigneur en une rente
foncière. — 335. Mode d'affranchissement d'un copyhold. — 335 bis.
Lois de 1887 et 1894.
326. — Le droit que confère la possession d'un copij-
hold est, à parler rigoureusement, un droit purement
précaire, un droit qui prend fin au gré de chacune des
parties, le plus mince des droits immobiliers reconnus par
la loi anglaise. Car si, dans le cours des siècles, la cou-
tume a rendu les copyholders indépendants du caprice
de leur seigneur, ils n'en demeurent pas moins inscrits sur
les rôles du manoir comme de simples tenanciers at wiil,
et leursdroils sont soumis aux mêmes règles que tout autre
estate at wiil. C'est le seigneur qui est saisi et officielle-
ment propriétaire des biens occupés par ses tenanciers;
il ne jouit pas, comme sur les francs-tenanciers mouvants
de lui, d'une simple suprématie incorporelle : il est le pos-
sesseur féodal des biens et jouit des avantages et préroga-
tives découlant de cette qualité, sous la seule réserve de
la coutume établie dans son manoir et qui constitue vis-à-
vis de lui la sauvegarde de ses copyholder. Ainsi, il a
droit à toutes les mines et aux minéraux utilisables que
recèle la terre donnée en copyhold^ et aux arbres de haute
futaie qui croissent à sa surface, même lorsqu'ils ont été
234 DES COPYHOLDS
plantés par le tenancier* ; seulement la coutume lui inter-
dit ordinairement d'exploiter les mines ou d'aller abattre
des arbres sans le consentement àxicopyholder. C'est pour
cela, soit dit en passant, qu'on voit si rarement de grands
arbres sur les terres en copyhoUi ^ Ainsi encore, si le
copyholder consent de son propre chef un bail de plus d'une
année, il encourt la déchéance de son droit, à moins qu'il
n'y ait été spécialement autorisé^ ; et il s'expose à la même
peine à raison de icastes positifs ou négatifs, c'est-à-dire,
s'il exploite des minerais ou coupe des arbres auxquels il
n'a pas droit, ou s'il omet de faire les réparations néces-
saires*.
327. — Si, par rapport à son seigneur, le copyholder
est toujours en réahté un simple tenancier à volonté, il est,
par rapport aux tiers, dans la même situation qu'un franc-
tenancier dûment saisi : il a, comme ce dernier, le légal
estate sur les terres qu'il possède.
328. — D'autre pari, Vestate du copyholder , tel que
le reconnaît la coutume, se présente sous les mêmes for-
mes, d'étendue différente, que Xesiale des francs-tenan-
ciers: il peut être viager, ou substitué [estate tail)^ ou en
fief simple, suivant qu'il est conféré au tenancier seul, ou
au tenancier et à ses descendants, ou au tenancier et à
ses héritiers. Il n'est, du reste, pas absolument nécessaire,
dans cette dernière hypothèse, que le mot heirs figure
dans l'acte constitutif; on se contente d'un équivalent,
tel que and his, ou and his assigns, ou and his sequels in
right ^.
1 Watkias, I, 332,333; Scriven, 3 Watkins, 1,327; Scriven, 7e
7e édit., ch. VIII. édit., 208; cpr. St. 40 et 41, Vict.,
2 « The oak scorns to grow ex- c. 18, § 9.
cept on free land, » dit le pro- ^Walkins, I, -331 ; Scriven, ch. XI.
verbe. s Watkins, 1, 109.
DES COPYHOLDS 235
Arrêtons-nous un instant à Vestale tail et à Vestate en
fief simple.
329. — On a vu plus haut, n°' 257 et suiv., qu'en ma-
tière de francs-tènements les biens grevés de substitution
au profit des descendants du gratifié avaient commencé
par être inaliénables : le tenancier ne pouvait en disposer
au détriment de sa postérité. Mais, plus lard, on lui re-
connut ce droit à partir du moment où un enfant lui était
né; et le Statut de donis (St. 13, Ed. I, c. 1) se contenta
de restreindre sa liberté à cet égard, tant dans l'intérêt
de ses descendants que dans celui du droit de retour éven-
tuel compétant au donateur. Pendant toute cette période,
les copyholders furent sur un tout autre pied que les
francs-tenanciers. Serfs pour la plupart et ne possédant
que selon le bon plaisir de leur maître, ils n'eurent jamais
la faculté d'imposer une charge à leur héritier, faculté
qui, pour les hommes libres, conduisit par degrés au droit
d'aliéner. Jusqu'en 1833, les copyhold lands en fief simple
passèrent à l'hérilier désigné par la coutume, sans être
aucunement affectés par les obligations de son auteur qui
eussent pesé sur l'héritier d'un franc-tènement®. A plus
forte raison ces biens étaient-ils inaliénables. Quant aux
copyhold lands conférés uniquement à un individu et à ses
descendants [estate tail), les seigneurs des divers manoirs
paraissent avoir suivi des règles différentes, les uns per-
mettant l'aliénation aussitôt que \e copyholder aivaiiieui un
«nfant, les autres la prohibant; ce qui fit diviser les ma-
noirs en deux classes : ceux où il n'y avait point de règle
imposant la substitution {custom to entail) et ceux où une
semblable règle existait. Dans les premiers, le copyholder
6 4Rép.,22 a.
236 DES COPYHOLDS
était placé dans les mêmes conditions qu'un franc-lenan-
cier avant le Statut de donis : tant qu'il n'avait pas de
postérité, il ne pouvait pas aliéner; dès qu'il en avait, il
jouissait d'un droit d'aliénation absolu. Dans les seconds,
où l'aliénation n'était pas permise, le bien passait de père
en fils suivant les règles de succession posées par la cou-
tume, et ce, à l'infini. On finit par reconnaître que ces
substitutions perpétuelles présentaient, en matière de co-
pyholds, les mêmes inconvénients que pour les francs-
tènements, et l'on imagina divers moyens de les annuler.
Tantôt on admit comme devant produire cet effet un pro-
cès fictif en recouvrement des biens [customary recovery)^
analogue au common recovery qui annulait les substitu-
tions de francs-tènements. Tantôt le tenancier était fictive-
ment dépouillé de son droit par le seigneur, puis remis par
lui en possession du bien en fief simple. Tantôt, enfiji, une
simple cession suffisait; elle était présumée annuler la
substitution pour autant qu'on ne justifiait pas d'une règle
coulumière contraires II arriva ainsi que, dans les ma-
noirs où la substitution était de règle, le tenancier eut un
moyen ou un autre d'éluder la coutume et se trouva même
dans une meilleure situation que ses collègues des ma-
noirs où l'aliénation avait été permise dès le principe ; car
son droit n'était pas subordonné à la naissance d'un en-
fant.
Le St. 3 et 4, Guil. IV, c. 74, qui a aboli les fines and
Lomraon recoveries pour les francs-tènements, renferme
aussi des dispositions applicables aux substitutions de
copyholds. Au lieu des longues formalités d'un procès fic-
tif {customary recovery) ou d'une déchéance fictive suivie
■" Goold c. White, Kay, 683.
DES COPYHOLDS 237
d'une nouvelle concession, ce statut déclare (§ 50) que
les substitutions de copi/holds peuvent être mises à néant
par une simple aliénation suivant le mode ordinaire admis
pour cette sorte de biens et dont nous traiterons un peu
plus bas {conveyance hy surrender). Quand il y a non
seulement substitution, mais encore droit de réversibilité
en faveur d'une personne déterminée, il faut que le consen-
tement de cette personne à l'aliénation soit constaté par
deed, ou par une inscription sur les rôles du manoir, ou
par Tintervenlion même de l'ayant-droit à l'aliénation
(§§ 51, 52).
330. — Le possesseur en fief simple de copyhold lands
a le droit absolu d'en disposer, comme s'il s'agissait d'an
fraoc-tèneraent; du moins il en est ainsi, depuis fort long-
temps, pour les dispositions entre vifs ou par testament.
Quant aux aliénations forcées, jusqu'en 1833 les copy-
holds lands d'un débiteur défunt n'étaient pas le gage de
ses créanciers, encore que ses héritiers fussent personnel-
lement tenus envers eux' ; et la couronne n'était pas à
€et égard dans une situation plus privilégiée que les autres
créanciers. Il en est autrement depuis le St. 3 et 4,
Guil. IV, c. 104 : aujourd'hui, tout estate en fief simple,
qu'il s'agisse d'un copyhold ou d'un franc-tènement,
peut être réalisé pour le payement de toute juste dette
contractée par le défunt tenancier. De môme, les créan-
ciers par jugement ont obtenu en 1838 (St. 1 et 2, Vict., c,
110, § H) la faculté de saisir des copyholds tout comme
des francs-tènements, et les tiers acquéreurs de biens de
celte espèce sont liés par tout jugement opposable à leur
vendeur, à moins qu'ils n'en aient pas eu connaissance au
8 4 Rep., 22 a ; Walkins, I, 14U.
238 DES COPYHOLDS
moment de l'acquisilion et que, dès lors, ils ne soient
couverts par le St. 2 et 3, Vict., c. il, § 5, d'après lequel
les tiers ne peuvent être recherchés dans ce cas. Enfin, en
cas de faillite du tenancier, le trustée for the creditors d,
sur les copyholds les mêmes droits que sur les francs-
tènements*.
331. — La transmission par succession d'un copyhold
en fîef simple est réglée par la coutume du manoir dont il
relève. Mais, sous cette réserve, on y applique les principes
posés par YAct for the amendment of the law of inheri-
tance (St. 3 et 4, Guil. IV, c. 106), quel que soit l'ordre de
succession déterminé par ladite coutame. De même qu'en
matière de francs-tènements, l'héritier d'an copyholder
décédé intestat devient, immédiatement à partir de la
mort de son auteur, tenancier du bien et peut faire acte
de possession même avant d'avoir été régulièrement
admis par le seigneur'". Toutefois, vis-à-vis de ce dernier,
l'admission lui donne seule définitivement la qualité de
tenancier; elle peut être subordonnée au payement d'un
droit de relief dont le montant est fixé par la coutume du
manoir, sans pouvoir excéder deux années du revenu net
du bien*'.
A défaut d'héritiers, le bien fait retour au seigneur par
droit d'échette'".
Il est à remarquer que le mari survivant ne jouit d'au-
cun droit [curtesy] sur les copyholds de sa femme, et qu'à
l'inverse la femme survivante n'en a point sur les co-
pyholds du mari [doiver), si ce n'est en vertu d'une cou-
9 st. 32 et 33, Vict., c. 71, §§22, n Scriveo, 7' édiU, p, 243 ; Bla-
2^^- ckstone, Comm., II, 98.
1" «criven, 7e édit., p. 167; Zin^
c. Turner, 1 My. et K., 45G. ^"^ Ib., 522; Watkins, I, .S40.
DES COPYHOLDS 239
tume spéciale; auquel cas le droit de la femme se nomme
frec-bench '\
332. — Dans certains manoirs, le seigneur a droit à
une redevance annuelle, en cas de non-payement de la-
quelle il peut opérer une saisie chez le tenancier ou in-
tenter contre lui, dans les six ans, une action pour dette'*.
Dans d'autres manoirs, il jouit, an décès de son tenancier,
du droit àe meilleur catel [heriot \ en allemand, besthaupt)^
c'est-à-dire du droit de se faire délivrer la meilleure tête du
bétail ou la plus belle pièce de l'avoir mobilier délaissé
par le défunt''. L'usage était même, dans les anciens temps,
que le tenancier le lui attribuât par le premier article de
son testament '^ ; sauf au seigneur à prendre lui-même
l'objet si le tenancier mourait intestat et pour autant que
le seigneur n'avait pas, dans ce cas, droit à l'intégralité
de l'avoir délaissé par son serf ^\ Le droit de meilleur
• catel subsiste encore dans beaucoup de manoirs; mais
la nature et la valeur de l'objet dû au seigneur sont très
variables : le plus souvent le droit se traduit, de nos jours,
en une redevance pécuniaire. Le seigneur jouit, pour le
faire valoir, d'une action en restitution [lrover,detmue), et
toute disposition faite en fraude de ses droits, entre vifs ou
par testament, serait entachée de nullité. Toutefois le
droit de meilleur catel ne constitue pas une charge du
fonds môme. Nous dirons, en passant, que parfois leheriot
est dû même à la mort d'un franc-tenancier, lorsqu'il
existe un seigneur du domaine; mais, aujourd'hui, tout
"Scriven,7<^ édit.,p. 09 etsuiv.- "■< Bractf>n, 60, a et 6 ; Fleta, I.
Walkins, II, 73. ' II. c. 57.
'* Scriven, 7" édit., p. 240; St. '^ Artic. observanda per provi-
4, Geo. Il, c. 28, § 5. sionem episcoporum Anglix, §25,
1* Bracton, de Legibus,86 a; Matth. Paris, 951; Addilam.,
Blackstone, Cooiin., II, 42:î. p. 201, éd. de Wats, Londres, 1()4U;
240 DES COPYHOLDS
franc-tenancier assujetti à celte obligation peut s'en faire
relever ''.
333. — Les copijholds^ comme les francs-tènements,
peuvent être tenus soit conjointement, soit en commun
(cpr. n°' 483 et suiv.). Lorsqu'il y atenure conjointe, l'ad-
missioQ de l'un des tenanciers sur les rôles du manoir vaut
pour les autres, et, au décès de l'un, les autres n'ont pas
besoin de se faire admettre à nouveau ". Dans le principe
la cour de Chancellerie n'était pas compétente pour homo-
loguer les partages entre tenanciers conjoints ou cotenan-
ciers de copi/hold lands ^''•, elle l'est devenue en vertu du
St. 4etr), Vict.,c. 33, §85.
334. — Les divers droits compélant au seigneur, le
droit de meilleur calel, le droit de relief, le droit à des rede-
vances ou corvées, le droit aux arbres de haute futaie, etc.,
ont paru, par la suite des temps, singulièrement onéreux
pour les tenanciers, en comparaison des avantages en
somme assez minces qu'en retire le seigneur. Le statut
que nous venons d'indiquer (4 et 5, Vict. , c. 35) a cherché,
en conséquence, à faciliter la transformation de ces droits
par un procédé analogue à celui qui avait été prescrit pour
celle des dîmes. Les droits du seigneur se convertissent
en une rente foncière, dont le taux, selon les convenances
des parties, est fixe ou proportionnel au prix du blé, sans
préjudice d'un droit fixe à payer en cas de décès ou d'alié-
nation et qui ne saurait excéder cinq shillings (6 fr. 25)
(§ 14).
335. — La même loi a facilité l'affranchissement [en-
franchisement) complet du wpyholdland.dM moyen d'une
>8 Damerellc. Prolheroe, 10 Q. '» Watkins, F, 272,277.
B., 20; St. 21 et 22, Vict., c. 94, ^i' Jopec.Morshead,6Bcav.,2l3.
§ 6.
DES COPYHOLDS 2il
renie foncière ou d'un prix de raciial à payer par le tenan-
cier : ce prix n'est pas nécessairement payable comptant;
il peut être stipulé payable à terme ou par annuités et,
dans ce cas, rester hypothéqué sur le bien (§§ 36, 59, 70
et 75). Cette mesure libérale, qui a pour effet de convertir
\es copyhoids en francs-ténemenls, a été complétée par les
St. 15 et 16, Vict., c. 51, et 21 et 22 Vict., c. 94. Jus-
qu'alors, l'affranchissement du copijhold était subordonné
au consentement réciproque des deux parties. Aujourd'hui,
chacune d'elles peut contraindre l'autre à s'y prêter. Le
Copyhold act de 1852 (c. 51 ci-dessus) exigeait encore
un deed of enfrancïmemenl; celui de 1858 (c. 94, § 10) y
a substitué en principe une sentence arbitrale [award),
confirmée par ]es copyholds comnmsioners qu'il institue :
si les parties ne s'entendent pas sur les conditions du ra-
chat, ces conditions sont fixées, sous le contrôle desdils
commissaires, soit par un expert nommé d'un commun ac-
cord, soil par deux experts désignés l'un par le seigneur,
l'autre par le tenancier, et qui s'adjoignent un sur-arbitre.
Il est de règle, sauf convention contraire, que, si l'affran-
chissement est réclamé par le seigneur, la compensation
qui lui est due consiste en une rente foncière a^■sise sur
l'immeuble (c. 51, § 7; c. 94, § 21).
L'affranchissement n'éteint ou ne modifie les droits des
parties sur les mines ou minerais que renferme le sol
qu'autant qu'elles font à cet égard un arrangement écrit
et formel (c. 51, §48; c. 94, §14).
335 bis. — Malgré l'impulsion donnée par le copyhold
act de 18."j2, la transformation de ces vieilles censives en
tenuresfranchesnes'estpasachevéeaussi rapidement qu'on
eùl pu l'espérer. Une loi de 1887 -' a voulu rendre leur
2' St. 50 et 51, Vicl.,c. 73.
f^EHH IG
242 DE L'ALIÉNATION DES COPYHOLDS
affranchissement encore plus facile que précédemment. Dans
ce but, il a été décidé que le rachat pourrait se réaliser, non
plus seulement par un payement unique entre les mains du
seigneur, mais aussi par une promesse d'annuités échelon-
nées sur une période de 25 ans. En outre, on a donné aux
tenanciers d'un même manoir le droit d'exiger le rachat
de tous les copyholds qui en dépendent. Il suffit que ce ra-
chat soit demandé par les deux tiers des copyholders pour
qu'il devienne obligatoire à l'égard des autres. Afin que
les droits ainsi conférés aux tenanciers soient plus sûre-
ment exercés, la loi exige que le seigneur informe chacun
de ses copyholders de la faculté qui leur appartient.
Ces dispositions ont été encore généralisées par une loi
plus récente de 4894^^
Il subsiste néanmoins beaucoup de copyholds, et il est à
présumer qu'on ne les verra disparaître que si un texte
nouveau en déclare le rachat obligatoire.
CHAPITRE II
De l'aliénation des copyholds.
Sommaire : 336. Mode d'aliénation actuels entre vifs. — 337. Surrender.
— 338. Admittance. — 339. Situation des parties entre la rétrocession
et l'admission. — 340. Aliénation par testament. — 341. Cas où nul
héritier ni légataire ne se présente au décès du copyholder. — S42.
Mort-gage d'un copyhold. — 343. Fidéicommis portant sur un copy-
hold. — 344. Remaindcr. — 345. Sous-inféodation inierdite au copy-
holder.
336. — L'aliénation entre vifs des copyholds se fait
encore à peu près suivant le même mode qu'au moyen
âge : le copijholder rétrocède ses terres au seigneur [sur-
22 St. 57 et 58, Vict., c. 46.
DE L'ALIENATION DES COPYHOLDS 243
render), lequel admet ensuite l'acquéreur en son lieu et
place [admittance). Tout autre mode est nul'.
Autrefois, pour donner à ces admissions toute la publi-
cité désirable, la cour coutumière du manoir, à laquelle
tous les copyholders étaient obligés d'assister, s'assem-
blait de temps en temps, et c'est devant elle que les nou-
veaux admis prêtaient hommage; la cour n'était valable-
ment constituée que si deux copyholders au moins étaient
présents^
Dans les temps modernes, la tenue de ces cours a paru
une formalité superflue. Le St. 4 et 5, Vict., c. 35, § 86,
a décidé que la cour pourrait fonctionner sans la présence
d'aucun copyholder, ce qui revenait à dire que le seigneur
seul ou son intendant agirait valablement au lieu et place
de l'ancienne cour. La loi a seulement ajouté que, hormis
le cas où, d'après un usage immémorial^ une cour com-
mune à plusieurs manoirs serait tenue dans l'un d'eux, la
cour ne pourrait jamais siéger hors du manoir^; et, d'au-
tre part, nulle proclamation faite en séance n'est opposa-
ble à un copyholder qui n'y aurait pas assisté, à moins
qu'il n'en ait été dûment avisé dans le mois. Les actes
de la cour sont inscrits sur un registre spécial [court rolls),
par les soins de l'intendant [steward); les tenanciers ont
toujours le droit de consulter le registre*.
337. — Lorsqu'un copyholder désire aliéner ses terres
entre vifs, il se présente devant le seigneur ou le ste-
ward, à l'effet de les rétrocéder au profit [to thc use of)
de l'acquéreur, ou de l'acquéreur et de ses descendants, ou
de l'acquéreur et de ses héritiers. Cette rétrocession, qui
constitue le premier acte de la cérémonie, se [fait habi-
1 Watkins, I, 326. ■- Scriven, V édit., 6.
2 Scriven, 7<= édit., ch. XII. i Ib., p. K2\.
244 DE L'ALIÉNATION DES COPYUOLDS
tuellement sous la forme symbolique de la remise par le
tenancier au seigneur d'une baguette ou d'un épi. Si elle
a lieu en séance de la cour coulumière, inscription en
est immédiatement prise sur le registre du manoir, et
une copie de l'inscription, dûment timbrée et signée du
steward, est remise à l'acquéreur, dont elle constitue le
titre. Si elle n'a pas lieu en séance de la cour, un mé-
morandum de l'opération est rédigé par écrit, timbré et
signé tant par les parties que par le stevjard^ et in-
scription de la rétrocession est prise sur le registre du
manoir sans qu'il faille, comme autrefois, que le mé-
morandum ait été préalablement « présenté » en la plus
prochaine séance de la cour^
338. — L'admission [admittance] de l'acquéreur, qui
constitue le second acte d'une aliénation, peut avoir lieu
en tout temps, à la requête de celui au profit de qai la
rétrocession avait eu lieu. Elle est subordonnée au paye-
ment d'un droit {/ine), dont le montant est fixé par la
coutume du manoir, mais ne doit pas dépasser en gé-
néral deux années du revenu du bien, déduction faite
des quit-rents qui le grèvent % si ce droit n'est pas
payé aux termes convenus, le seigneur a six ans pour
poursuivre le débiteur, et il peut même, dans certains
cas, l'évincer''. Parfois, un droit analogue est dd en cas
de changement, non plus de tenancier, mais bien de sei-
gneur, pourvu que le changement s'opère par suite de
décès et non par un fait de ^homme^
Le plus souvent, l'admission a lieu séance tenante,
immédiatement après la rétrocession et en la même
5 St. 4 et 5. Vict., c. 35, § 89. i Ib., 454, 462; St. 3 et 4, Guil.
IV, c 42. § 3.
fi Scriven, p. 239, 3.33. » Watkins, I, 285.
DE L'ALIÉNATION DLS COPÏIIOLDS 245
forme symbolique : le seigneur remet entre les mains
de l'acquéreur la baguette ou l'épi qu'il avait reçu du
précédent copijholder et l'institue ainsi son tenancier.
Si l'admission n'a pas lieu séance tenante, elle rétroagit
au jour du surrender ; par conséquent, si un copyholder^
après une première rétrocession, en faisait une seconde
au profit d'une autre personne et que celle-ci se fit ad-
mettre la première, l'admission postérieure du premier
cessionnaire priverait le second, même admis, de tout
droit sur le bien'. Depuis le St. 4 et 5, Vict., c. 3o,
§§ 88 et 90, l'admission ne se fait plus nécessairement
dans le manoir même; le seigneur, ou son intendant, ou
le vice-intendant, peut admettre en tout temps et en
tout lieu, dans le manoir ou ailleurs, sans tenir de cour
et sans qu'il faille aucune « présentation » préalable en la
cour coutumière de l'acte de rétrocession correspon-
dant. On se contente d'un mémorandum, qui est inscrit
à son tour sur le registre du manoir et dont copie est
remise, s'il y a lieu, à l'acquéreur, en môme temps que
du surrender fait antérieurement à son profit.
339. — Entre la rétrocession et l'admission, l'acqué-
reur n'a encore qu'un commencement de droit [ùichoate
right); il n'est pas encore réputé tenancier. Aux yeux du
seigneur, le cédant a encore seul ce caractère, mais il ne
l'a plus que sub modo; en réalité, il est un trustée pour
le compte de l'acquéreur'". Quant au cessionnaire, il
ne peut disposer du bien entre vifs; il ne possède en-
core aucun estate. Il n'a d'autre droit que de disposer des
terres par testament ou de les donner à ferme au cé-
dant". Au surplus, il lui est loisible de contraindre le
'J Walkins, I, 103. n Co. Lift , 6()a ; St. 7, Guil. IV,
'" Ib , 102. et 1, Vict., c. 26, §§ 2-5, 9.
^/
246 DE L'ALIENATION DES COPYHOLDS
seigneur à Tad mettre, soit par un mmidamus, soit au
moyen d'un bill en chancellerie^-. Le seigneur n'est, en
matière d'admission, qu'un simple intermédiaire néces-
saire [ministerial officer) entre les deux parties".
340. — L'aliénation des copyholds par testament était
autrefois soumise aux mêmes formes que l'aliénation
entre vifs. Le tenancier rétrocédait les terres de son
vivant to the use of his ivUl^ au profit de la personne
désignée dans son testament. Le testament était réputé,
en quelque sorte, partie à l'acte. Après le décès du tes-
tateur, le légataire se trouvait jusqu'à son admission
dans la même situation qu'un acquéreur entre vifs non
encore admis. Une loi de 1815 (St. 55, Geo. III, c. 192)
a reconnu la validité des legs de copijhold& sans cette
formalité préalable d'une rétrocession entre vifs. Le léga-
taire, dès avant son adriiission, peut disposer par testa-
ment du bien qui lui a été légué '\ Autrefois, le léga-
taire était astreint à venir présenter le testament en cour
coutumière, aussitôt après le décès du testateur, et son
admission avait lieu séance tenante. Aujourd'hui, il suffit,
pour qu'on l'inscrive sur le registre du manoir, qu'il pré-
sente une copie de la pièce au seigneur ou au steward,
hors séance '^
341. — Parfois, au décès du tenancier, personne ne
se présente pour être admis en son lieu et place à titre
d'héritier ou de légataire. Dans ce cas,- le seigneur,
après publication faite dans trois séances consécutives
de la cour coutumière, a le droit de reprendre les biens,
tantôt qiiousque, c'est-à-dire jusqu'à ce que quelqu'un
'2 Blackstone, Comm., II, 369. i^ 4 Rgp., 27, 1 Rep., 140.
Doec. Harrison,&Q. B.,531; Rex !'• St. 7, Guil. IV, et 1, Vict.,
c. Manor- of Bonsall, 3 B et G., c. 26, § 3.
175. 15 St. 4 et 5, Vict.. c. 35, §§88-90.
DE L'ALIE.XATIOX DES COPYHOLDS 247
se présente pour les réclamer *% tantôt définilivement,
si la coutume du manoir l'y autorise. Comme ce droit
peut porter préjudice à des incapables (mineurs,
femmes mariées, aliénés, etc.), des lois spéciales ont
pourvu aux intérêts de ceux qui ne sont pas légalement
en situation de les faire valoir eux-mêmes : les incapa-
bles sont autorisés à se présenter en personne ou par
l'intermédiaire de leurs représentants légaux, et, à dé-
faut, le seigneur peut leur nommer un tuteur ad hoc et
les admettre en la personne de ce curateur, moyennant
payement de la redevance usuelle en cas de mutation.
Si cette redevance n'est pas acquittée, le seigneur per-
çoit les revenus du bien jusqu'à due concurrence ; le
tuteur ou curateur qui en a fait l'avance jouit du même
droit. Mais le fait par un incapable de négliger ou de
refuser de se faire admettre ou de ne pas payer le droit
de mutation n'entraîne pas déchéance absolue de ses
droits sur le bien'\
342. — Le mode usuel d'aliénation ôy siirrender and
admittance s'emploie également dans le cas où le co-
pyholder veut mortgager ses terres : il en fait une rétro-
cession pour l'hypothèse où il ne rembourserait pas sa
dette à l'échéance. Seulement, avant que cette hypothèse
ne se présente, il n'y a pas lieu de procéder à l'admission
du créancier ; et^ si le remboursement s'effectue à l'époque
voulue, la rétrocession devient caduque de plein droit.
Même lorsque le remboursement reste en souffrance, le
créancier mortgagé n'est habituellement admis qu'autant
qu'il demande expressément à entrer en possession des
■G Walkins, I, 234; Scriveo, I, c. ÔJ, §§ 3-9; St. 16 et 17. Vict.,
355. c. 70, §§ 108-112.
'" St. 11, Geo IV, etl, Guil. IV,
248 DE L'ALIÉNATION DES COPYHOLDS
terres. Une fois l'obligation éteinte par le payement, on fait
sur le registre du manoir une mention qui restitue au titre
du débiteur mort gageant toute son efficacité première".
343. — De ce que nous avons dit plus haut que la
rétrocession se fait au profit [to the use) de l'acquéreur, il
ne faudrait pas conclure que le Statute of uses s'applique
aux copyholds : il n'en est rien. Sans doute, le copyholder
a la jouissance du bien; mais la saisine, la possession
féodale des terres repose exclusivement sur la tête du sei-
gneur, de sorte que le tenancier ne saurait, au moyen
d'une simple rétrocession faite « à son profit » par son pré-
décesseur, acquérir, selon les termes du statut, la saisine
légale de Yestate dont il a la jouissance; car, les droits du
cédant étant purement coutumiers, lecessionnaire ne peut
en tenir de lui de plus étendus. Mais, si une rétrocession
était faite par A , copyholder, to the use of B, upon trust
for C, la division de Chancellerie de la Haute-Cour exer-
cerait sur B, devenu tenancier du copyhold^ et pour l'o-
bliger à accomphr le fîdéicommis qui lui est imposé en fa-
veur de C, la même juridiction que s'il s'agissait d'un
franc-lènement.
Un équitable estate tait in copyholds peut être annulé
par deed^ tout comme en matière de francs-tènements ;
seulement le deed, au lieud'être inscrit en cour de Chan-
cellerie, Test sur le registre du manoir '^
Le possesseur C d'un équitable estate, n'ayant d'après
la nature même de son estate aucun droit légal sur les ter-
res, n'est pas lui-même un copyholder : ce n'est pas lui qui
est le tenancier du seigneur, c'est son trustée B. Par suite,
c'est le trustée qui est admis et qui peut rétrocéder. Sauf
'8 Watkins, I, 116. 117. i» St. 3 et 4, Guill. IV, c. 74,
§ 53, 54.
DE L'ALIÉNATION DES COPYIIOLDS 249
une OU deux exceptions, le cestui que trust ne saurait dis-
poser par ce moyen de son équitable interest^'^.
344. — Les copyhold estâtes comportent des droits
d'expectative {remainder) analogues à ceux admis pour
les francs-lènements. Quand un bien est aliéné entre vifs
ou par testament au profit d'une personne pour toute sa
vie, mais avec droit d'expectative en faveur d'une autre,
l'admission du tenancier à vie emporte celle des remain-
dermen, sauf règle coutumière contraire''.
345. — Le copyholder, qui, dans les conditions qui
viennent d'être indiquées, a le droit d'aliéner son estate et
de se substituer un autre tenancier, n'a pas celui de sous-
inféoder le bien et de créer entre lui et un tiers une
tenure analogue à celle qui existe entre lui et le sei-
gneur'^.
20 Scriven, T'' édit., p. 48; Wil- Randftehl, 1 Drew. et S., 310;
liams, Real property, 19'= édit., Reg. c. Manor of DalHngham,
p. 476 à 479; St. 3 el 4, GuiL IV, 8 Ad. et E., 858.
c. 74, §§ 50, 77. 22 Paterson, Compendium, n»
2« Watkins, I, 276; Randfield c. 198.
SECTION CINQUIÈME
DE L'ACQUISITION ET DE LA TRANSMISSION
DES IMMEUBLES.
INTRODUCTION.
Sommaire : 346. Principe général. — 347. Escheat. — 348. Occupation.
— 349. Accession immobilière. — 350. Confiscation. — 351. Modes en-
core en vigueur.
346. — D'après les jurisconsultes anglais*, on devient
propriétaire d'un immeuble de deux façons différentes :
6i/ descendance^ à titre héréditaire, ou by purchase, à
titre d'acquéreur. Nous réservons pour la partie de notre
ouvrage relative aux successions l'examen des modes de
transmission après décès. Entre vifs, la propriété s'acqué-
rait autrefois : 1° par escheat^ 2° par occupation, 3° par
prescriplion, 4° par confiscation, 5" par aliénation. Trois
de ces modes, Vescheat, l'occupation et la confiscation,
sont aujourd'hui ou tombés en désuétude ou expressément
abolis.
347. — V escheat est une sorte de droit de réversion
en vertu duquel un bien fait retour au donateur originaire
ou au seigneur du fief, à défaut de tous héritiers ou suc-
cesseurs du tenancier aptes à le recueillir". Aujourd'hui
1 Blackstone, Comm., III, 8 et 2 Co. Litt., 13.
DE L'ACQUISITION DES IMMEUBLES 251
que les tenanciers en fief simple jouissent d'un droit de
disposition absolu entre vifs ou par testament, il est fort
rare que le seigneur dont le fîef relève nominalement ait
l'occasion de se prévaloir du droit d'escheat. Il est deux
seuls cas où l'application s'en présente encore parfois, à
savoir : celui où le possesseur du fîef ne laisse, à défaut
de tous héritiers légitimes ou testamentaires, qu'un enfant
naturel, et celui où un enfant naturel qui possède un im-
meuble meurt sans postérité et intestat. Comme, at laiv,
l'enfant naturel n'a ni père, ni mère, qu'il esl ?iulims films,
il est privé de tout droit sur les biens provenant des au-
teurs de ses jours; et, d'autre part, il ne peut avoir lui-
même comme héritiers ni des ascendants, ni des collaté-
raux, de sorte que les biens qu'il laisse sans en avoir disposé
par testament font retour au seigneur dont ils relèvent*.
Depuis ['Intestates Estate Act de 1884*, Vescheat s'étend
aux trust estâtes.
348. — L'occupation, c'est-à-dire le droit de s'empa-
rer des terres sans maître, a toujours été restreinte, en
Angleterre, dans les plus étroites limites. Elle n'était ad-
mise autrefois que dans un seul cas : lorsqu'un homme
était tenancier pur autre vie, c'est-à-dire, avait la jouis-
sance personnelle d'un bien pour la durée de la vie d'une
autre personne, et qu'il venait à mourir avant cette der-
nière, celui qui prenait alors le premier possession dudit
bien pouvait le conserver par droit d'occupation jusqu'au
décès du cestui que vie. En effet, le bien ne pouvait faire
retour ni au concédant, puisqu'il avait renoncé à tout
droit pendant la vie du cestui que vie, ni au seigneur, par
3 Williams, Real prop., 19« > St. 47 et 48, Vict.. c. 71, § 4.
édit., p. 56 et 187; Blackstone,
op. cit., 85.
252 DE L'ACQUISITION DES IMMEUBLES
droit d'escheat, parce que ce droit doit porter sur le fief tout
entier et noa sur un simple état de possession particulier,
détaché du fief. Il n'appartenait donc, pour ces quelques
années, à personne, et le premier occupant s'y installait
légitimement.
Ce droit d'occupation dite commune a été, pour ainsi
dire, supprimé par deux statuts déjà anciens : l'un (St. 29,
Car. II, c. 3) donne au tenant /?w;' autre vie la faculté de
disposer de son droit par testament et, à défaut, attribue
le bien soit à ses exécuteurs testamentaires, soit aux admi-
nistrateurs de sa succession ab intestat, en vue du paye-
ment de ses dettes. L'autre statut (14, Geo. II, c. 20)
porte que ce qui restera des revenus de la possession pur
autre vie, après payement des dettes, sera réparti de la
même façon que les biens meubles délaissés par le dé-
funt\
349. — Dans les autres cas d'occupation ou, si l'on
veut, d'accession immobilière reconnus par les législations
du continent, les lois anglaises assignent immédiatement
un propriétaire aux terres sans maître connu ou de nou-
velle formation. Les îles nouvelles qui surgissent dans la
mer appartiennent au roi*. Les îlots qui se forment dans
les rivières sont dévolus aux riverains, suivant la règle
romaine"; il en est de même des alterrissemenls et allu-
vions. Mais, lorsqu'une rivière change complètement de
lit, Blackstone paraît admettre, contrairement à la théorie
romaine et conformément à la règle française, que le lit
abandonné doit être adjugé à titre de compensation aux
propriétaires des fonds nouvellement occupés*.
5 Blackstone, op. cit., 101 et ~ Inst., II, i, § 22.
suiv. 8 Blackstone, op. cit., 107-109;
6 Bracton, I. il, c. 2. cpr. Inst., h. L, §23; C. civ., 563.
DE LA PRESCRIPTION 253
350. — LacooQscation, qui était autrefois le corollaire
de tout arrêt de condamnation pour crimes graves [trea-
son, felony, felo de se) et qui mettait à néant, au profil de
la couronne, les droits non seulement du condamné, mais
encore de ses héritiers innocents, a été abolie par le sta-
tut 33 et 34, Vict., c. 23.
351. — Il nous reste donc à nous occuper de la pres-
cription et des modes d'aliénation entre vifs, à propos
desquels nous étudierons successivement : 1" les modes
usités dans Tancien droit; 2° les deeds, en général; 3" les
deeds of grant, en particulier; hP les moyens de donner
sécurité aux acquéreurs d'immeubles.
CHAPITRE I
De la prescription.
INTRODUCTION.
352. — La prescription est, en droit anglais, un des
modes réguliers d'acquisition tant de la propriété que des
autres droits réels. On l'y rencontre sous deux noms ;
lÀmitation et pi'escrijj/ion. La limitation est, à vrai dire,
l'extinction par prescription de l'action en revendication
du propriétaire dépossédé, extinction qui a pour consé-
quence de rendre désormais le possesseur propriétaire
incontesté. La j9/v'.sr;7///?'o;#, au contraire, qui correspond
à l'usucapion romaine, est le moyen d'acquérir définitive-
ment et directement les .servitudes ou autres droits qu'on a
exercés sans interruption pendant un temps donné.
254 DE LA LIMITATION
I
De la limitation.
Sommaire : 353. Raison d'être de la prescription extinctive. — 354. Dé-
lai pour les droits de la couronne. — 355. Délai de droit commun ;
législation antérieure à 1879. — 356. Incapables. — 357. Trustées. —
358. Fraude. — 359. Mort-gage. — 360 Droits incorporels. — 361.
Législation en vigueur depuis 1879.
353. — On verra plus bas (n° 39o) que, avant de procé-
der à une acquisition d'immeubles, l'acquéreur est mis à
même de s'assurer que le vendeur a qualité pour lui céder
les biens dont il s'agit. Il peut arriver néanmoins que, soit
par négligence dans l'examen des titres de son auteur, soit
pour toute autre cause, une personne détienne des biens
appartenant en réalité à autrui; et autant il est juste que
le légitime propriétaire ait un délai raisonnable pour reven-
diquer ce qui est à lui, autant il est désirable que cette
période d'incertitude ne soit pas indéterminée et qu'il
arrive un moment où le possesseur soit à l'abri de toute
revendication. Plusieurs lois ont eu pour but de fixer ce
moment.
354. — En vertu du St. 9, Geo. III, c. 46, amendé
par le St. 24 et 25, Vict., c. 62^ les droits immobiliers de
la couronne se prescrivent par soixante ans.
355. — Pour toutes autres personnes, la loi en vigueur
jusqu'au l*"- janvier 1879 était le St. 3 et 4, Guil. IV, c. 27,
rendu à la requête des Real property commissioners .
D'après cette loi, l'action en revendication d'un immeuble
ne pouvait être intentée que pendant vingt années; le dé-
lai courait soit du jour de la dépossession (§ 2), soit, si le
demandeur avait une rente ou des fruits à percevoir,
du jour où il les avait perçus pour la dernière fois, soit,
DE LA LIMITATION 255
s'il s'agissait d'une propriété purement éventuelle {rever-
61071 ou remainder), du jour où le future estate était
devenu un eî<tale in possession (§ 3). En cas de reconnais-
sance écrite délivrée par le possesseur au vrai propriétaire,
la prescription ne courait que de la date de la reconnais-
sance (§ 14).
356. — Si, au moment où le droit de revendication
prenait naissance, la personne à qui il compétait était en
état d'incapacité légale (mineurs, femmes mariées, idiots,
déments, etc.), ou absente au delà des mers, c'est-à-dire,
absente du Royaume-Uni et des îles adjacentes, cette per-
sonne jouissait d'un délai supplémentaire de dix ans à
partir de son retour ou de la cessation de son incapacité;
et, à sa mort, ses ayants-cause avaient également, et à
leur choix, soit vingt ans à compter de l'origine du droit;
soit dix ans à compter du décès (§ 16). Mais, d'une part,
le délai, quelles que fussent les causes d'incapacité invo-
quées, ne pouvait jamais excéder une période totale de
quarante ans (§ 17), et, d'autre part, la loi n'accordait
aucun supplément de délai à raison des incapacités ou
empêchements survenant plus tard, soit chez une per-
sonne qui était capable au moment où le droit de reven-
dication a pris naissance en sa faveur, soit chez tel de
ses successeurs (§ 18); en d'autres termes, les incapacités
survenues après coup ne suspendaient pas le cours de la
prescription'.
357. — Quand un trustée était investi de rentes ou
d'immeubles en vertu d'un trust exprès, le droit du cestui
que trust ou de ses ayants-cause d'actionner le trustée
en recouvrement de ces biens était réputé n'avoir pris
« 11 en était autrement en Ecosse, mandeur doit toujours être déduit,
où le temps de la minorité du de- Paterson, Comp., p. 102, note 4.
256 DE LA L IMITATION
naissance qu'au moment où les renies ou les immeubles
avaient été vendus moyennant valuable considération, et
c'est contre Tacheteur ou ses ayants-cause qu'il devait
s'exercer dans le délai de droit commun (§ 23). D'autre
part, la loi de 1873 sur l'organisation judiciaire (St. 36
et 37, Vict., c. 66, § 25, al. 2) a déclaré formellement
qu'en matière de fidéicommis exprès, l'action du cestui
que trust était imprescriptible quant au trustée.
358. — En cas de fraude, la loi de Guillaume IV portait
que le délai de prescription ne courait que du jour où la
fraude avait été découverte ou aurait pu l'être avec une
attention ordinaire [reasonable diligence) ; mais cette dis-
position n'était pas opposable à un acquéreur de bonne foi
et /or valuable considération qui justifiait être resté com-
plètement étranger à la fraude (§ 26)^.
359. — Quand un créancier mortgagiste avait été mis
en possession des terres sur lesquelles portait son droit, le
débiteur n'avait, pour les récupérer, que vingt ans à
partir soit de la mise en possession, soit de la reconnais-
sance écrite de son droit par le créancier (§ 28). De même,
nulle action ne pouvait être intentée pour recouvrer soit
un legs, soit une somme garantie par un immeuble en
vertu d'un mort-gage, d'un jugement, d'un privilège ou
autrement, plus de vingt ans à partir du jour où l'on avait
le droit d'exiger le payement, à moins qu'il n'y eût eu,
dans l'intervalle, un payement partiel ou une reconnais-
sance de dette, auquel cas les vingt ans couraient de la
date du payement ou de la reconnaissance (§ 40).
360. — Un droit de patronage ne pouvait être reven-
diqué que s'il n'avait pas été méconnu plus de trois fois
de suite, ou pendant soixante ans, si le bénéfice avait été
•i Vane c. Vane, L. R., 8 Ch., 383.
DE LA UHITATION 257
occupé moins longtemps en vertu des trois collations pré-
tendues irrégulières, ou tout au plus pendant cent ans,
quelle que fût la durée de l'occupation: le délai courait,
dans les trois hypothèses, du jour où le demandeur aurait
dû exercer le droit (§ 33).
Le droit à des rentes [rents service ou renls charge) et
le droit à des dîmes dues à des laïques' se prescrivaient
par le même laps de temps que les immeubles (§ 1).
Au bout des périodes que nous venons d'indiquer, les
terres, rentes, droit de patronage, etc., étaient définitive-
ment perdus pour leur précédent possesseur ou bénéfi-
ciaire (§ 34).
361. — Une nouvelle loi intitulée, Real property limi-
tation act 1874, en vigueur depuis le 1®'' janvier 1879
{St. 37 et 38, Vict., c. 57), remplace aujourd'hui la loi de
Guillaume IV, et son but principal a été de raccourcir tous
les délais indiqués plus haut.
Elle ramène uniformément à douze ans tous les délais
qui étaient précédemment de vingt (§§ 1,6, 7, 8).
Elle abrège aussi les délais relatifs à la prescription de
biens soumis à un droit de retour ou de réversibilité, dans
le cas où cette prescription a commencé à courir contre la
personne qui avait sur lesdits biens un droit temporaire ou
viager [particular estate) ; elle accorde douze ans seule-
ment depuis ce dernier moment, ou six ans, depuis l'en-
trée en possession. Toute prescription opposable au parti-
cular tenant l'est également au reversioner qui intente
son action en vertu d'un deed ou d'un testament devenu
efficace postérieurement à l'époque où le droit àw particu-
lar tenant a pris naissance (§ 2)*.
' Dean of Ely c. Blisx, 2 DeGex, ner, particular estate, cpr. ci-des-
M. et G., 459. sus, no 22i;.
* Sur le sens des mois reversio-
Lehr. 17
258 1»E LA PRESCRIPTIOS
La période supplémenlaire de dix ans accordée par
l'ancienne loi, en cas d'incapacité du demandeur, est ré-
duite à six ans (§ 3), et l'absence au delà des mers n'est
plus considérée comme justifiant une prolongation du dé-
lai normal (§ 4).
Le délai total, qui ne peut être dépassé en aucun cas,
est ramené de quarante ans à trente (§ 5).
Enfin, en ce qui concerne les fidéicommis exprès, nulle
action tendant au recouvrement d'une somme dont un im-
meuble est grevé et que garantit un fidéicommis exprès,
n'est recevable que dans les délais où elle le serait s'il n'y
avait point de fidéicommis (§ 10).
II
De la prescription.
Sommaire : 362. Usage immémorial. — 363.Usucapion desrigrAts ofcom-
mon, etc. — 364. Supputation des délais ; actes interruptifs ; incapacité.
— 365. Droits de passage. — 366. Renonciation à un droit acquis.
362. — Pour exercer des droits sur la propriété im-
mobilière d'autrui, on peut se prévaloir d'un usage immé-
morial. Autrefois l'usage était réputé immémorial quand
il remontait au moins à vingt ans% sauf la preuve qu'il
avait en réalité commencé postérieurement au règne de Ri-
chard I", c'est-à-dire pendant la période de legahnemory ,
auquel cas l'usage même séculaire ne produisait aucun
effet juridique *.
Aujourd'hui, celui qui prétend des droits de cette nature
peut, s'il le préfère, se réclamer du St. 2 et 3, Guil. IV,
s iîea;c.yoZj;fe,2Barn.etCress., « 1" S (.de "Westminster, 3 Ed. I,
54. c. 39.
DE LA PnESCHlPTIOy 259
c. 71, qui règle les conditions de l'usucapion des servi-
tudes et autres droits analogues.
363. — Nul droit sur l'immeuble d'autrui de la nature
desrights of common, « profits à prendre », etc. ', àl'ex-
ception des dîmes et rentes, ne peut être contesté à celui
qui l'exerce depuis trente ans sans interruption, par le
seul motif que le demandeur en jouissait antérieurement.
Si la jouissance du droit s'est prolongée pendant soixante
ans, le droit devient absolu et irréfragable, à moins qu'elle
n'ait eu lieu qu'en vertu d'une permission ou convention
expresse constatée par un deed ou un autre écrit (St. 2
et 3, Guil. IV, c. 71 , § 1). Pour les droits de passage, les
conduites d'eau, l'usage d'une eau appartenant à autrui,
les délais sont respectivement de vingt el de quarante ans
(§ 2). Quand une construction a pris jour pendant vingt
ans sur la propriété du voisin, le droit de maintenir les
jours est absolu, sauf coutume locale contraire et à moins
qu'ils n'aient été ouverts qu'en vertu d'une permission ou
convention dûment constatée (§ 3).
364. — Les périodes dont il s'agit s'entendent du temps
écoulé immédiatement avant l'introduction de la demande
en suppression du droit prétendu; nul acte n'est réputé
interruptif s'il n'a pas été subi ou accepté depuis une an-
née au moins par celui qui prétendait au droit et de la
part de la personne qui le lui conteste (§ 4). Le temps du-
rant lequel la personne fondée à contester le droit se
trouve dans un état d'incapacité légale (minorité, aliéna-
tion mentale, etc.) et le temps écoulé entre le moment oii
l'action a été introduite et celui où la mort de l'une des
parties y a mis fin, ne comptent pas dans la supputation
1 Cpr. n»" 592 et suiv.
260 DE LA. PRESCR^l>TIO^
des périodes indiquées plus haut, à moins que le droit n'ait
été exercé assez longtemps pour être devenu absolu et
irréfragable (§7).
Si la terre sur laquelle on prétend avoir un droit de
passage était tenue par un tenancier à vie ou pour un
nombre d'années supérieur à trois, le temps pendant le-
quel a duré cette tenure n'entre pas en ligne de compte,
pourvu que la personne appelée ensuite à recueillir l'im-
meuble servant conteste le droit prétendu dans les trois
années qui suivent l'expiration de ladite tenure (§ 8). La
même règle s'applique aux droits d'usage sur les cours
d'eau (fb.).
365. — Les droits de passage peuvent aussi s'étayer
sur le fait, dûment constaté, que le propriétaire du ter-
rain l'a laissé à la disposition du public et s^est abstenu
par exemple, d'y poser aucune clôture ni barrière ; il suffît,
pour créer une présomption dans ce sens, d'un petit
nombre d'années : six ans dans les villes\
Un passage peut n'être concédé que pour un objet
déterminé, soit pour les voitures, soit pour les chevaux,
soit seulement pour des piétons. Mais il ne saurait être
accordé limitativement à une certaine catégorie de per-
sonnes, par exemple aux habitants de tel village à l'ex-
clusion de tous autres ^ Rien ne s'opposerait, toutefois, à
ce que les habitants d'une paroisse déterminée se pré-
valussent d'un vieil usage pour passer sur une propriété
particulière en se rendant à l'église ou au marché'" (cpr.
n° 600).
366. — Les divers droits sur la propriété d'autrui dont
* Barraclough c. Johnson, 8 A. s Staffordc. Goyney, 7 B. et C,
et E.. 99; Poole c. Huskisson, 257.
11 M. et AV., 827; hateman c.
Bluck, 18 Q. B.,870. >o 6 Rep., 60 6 ; 2 H. El., 393.
ALIÉNATION DES IMMEUBLES DANS L'ANCIEN DROIT 261
il est ici question se perdent par l'effet d'une renoncia-
tion, laquelle se présume au bout de vingt ans de non-
usage, mais peuts'induire d'autres circonstances encore".
CHAPITRE II
Des modes d'aliénation des immeubles usilés
dans l'ancien droit.
Sommaire: 367. Utilité de l'étude des modes anciens. — 368. Feoffment
with livery ofs'isin. — 369. Règles antérieures au Statuti: ofuses. —
370. Inutilité d'un acte écrit; actes scellés ou non scellés. — 371.
Règles déduites du Statute ofuses; lease and rclease ; bargain and
sale. — 372. Mode de constatation ; double deed. — 373. Simplifica-
tion édictée en 1845. — 374. Les anciens modes restés licites.
367. — Plusieurs lois contemporaines ont rendu pour
l'avenir l'aliénation des immeubles indépendante des for-
mes anciennes et traditionnelles. Toutefois, comme plu-
sieurs de ces formes ne sont pas expressément abolies et
comme les principes sur lesquels elles s'appuient continuent
à influer sur l'ensemble du système de la propriété immo-
bilière, il n'est pas inutile de les passer rapidement en
revue.
La forme la plus ancienne est une investiture, avec déli-
vrance de la saisine ou mise en possession effective
[feoffment with livery of seisin).
368. — Ainsi que nous avons eu maintes fois l'occa-
sion de le dire, dans le système féodal, qui n'a jamais
cessé de régir la propriété foncière de l'autre côté de la
Manche, tout domaine relève d'un seigneur et se trouve en
la possession d'un vassal ou tenancier, qui en a la saisine
et en jouit exclusivement tant qu'il demeure saisi.
11 Moore c. Itaicson, 3 Barn. c. Liyhtoioler, L. R., 3 Eq.,
et Cres., 332, 339; Crossley 279.
262 ALIÉNATION DES IMMEUBLES DANS L'ANCIEN DROIT
L'investiture avec délivrance de la saisine consistait en
la concession d'un droit héréditaire ou viager [estate) sur
l'immeuble, accompagnée delà mise en possession féodale
du tenancier,
La livery of seisin s'opérait de deux façons différentes :
en fait [in deed) ou en droit (m law). Pour la délivrance
en fait, — le seigneur et son représentant, d'une part, le
tenancier, de l'autre, posant chacun la main tout à la fois
sur l'acte d'investiture et sur l'anneau ou lemoraillon de
la porte, sur une baguette ou une motte de terre, emblè-
mes du domaine dont il s'agissait, — le seigneur pronon-
çait les paroles d'investiture sacramentelles; après quoi,
s'il s'agissait d'une maison, le tenancier y entrait seul,
fermait la porte, puis la rouvrait et faisait entrer l'assis-
tance. 11 fallait autant d'actes d'investiture distincts
qu'il y avait de comtés dont dépendaient les immeubles
transmis '.
LB.liveryinlaw,en droit, ne se faisait pas sur l'immeuble
même, mais seulement en vue de l'immeuble, le seigneur
le montrant de la main au tenancier et l'invitant à en aller
prendre possession. Il fallait que les deux parties fus-
.sent présentes en personne et que la prise de possession
eût lieu sinon immédiatement, du moins avant le décès du
seigneur qui avait fait l'investiture et celui du tenancier
qui l'avait acceptée. Mais peu importait que le bien fût situé
dans un autre comté.
Dans les deux cas, Vestate conféré au tenancier devait
être nettement déterminé {limited)\ il fallait qu'on pré-
cisât s'il lui était conféré à vie, ou en fief substitué, ou en
fief simple, ou autrement.
i Co. Lilt.,48a, 50.
ALIÉNATION DES IMMEUBLES DANS L'ANCIEN DROIT 263
369. — Jusqu'au règne de Henri VIII, la validité d'une
investiture ne fut subordonnée à aucune autre condition
que celles qui viennent d'être rappelées. En vertu du Sta-
tute of uses (St. 27, Henri VIII, c. 10), la concession dut
avoir une juste cause [considération) et être faite expres-
sément non pas seulement au tenancier, mais bien à son
profit [lo the use of the feoffee).
370. — Dans les temps anciens, lorsque l'investiture
était donnée en la forme sacramentelle et en présence de
témoins, il n'était pas de rigueur qu'elle fût constatée par
écrit"-. Mais, lorsqu'elle l'avait été, l'existence d'un acte
écrit et scellé faisait présumer celle d'une juste cause. La
coutume de sceller toute pièce qui devait avoir une valeur
probante particulière se perpétua même après que l'art
d'écrire se fut répandu : l'écrit scellé et dûment parachevé
prenait, par excellence, le nom de deed factum, chose
définitivement faite. Pendant longtemps un écrit non scellé
fut considéré en droit comme ne valant pas plus qu'un
simple engagement verbal ; il n'était qualifié writing qu'à
la condition d'être scellé ^ et ce n'est même qu'à partir du
Statute of frauds que l'on consigna généralement dans
des actes écrits mais non scellés toute une série de tran-
sactions pour lesquelles la forme orale suffisait auparavant,
notamment les baux.
371. — Dans les temps modernes, on substitua d'ordi-
naire à l'ancien mode féodal de l'investiture un mode plus
simple, connu sous le nom de lease and release^ bail et
abandon de droits.
Le vendeur consentait à la personne qui se proposait
d'acheter le bien un bail d'un an. Le preneur entrait
2 Bracton, liv. Il, foL 11 b, par. » Litlelon, Tenures, §§ 365-7.
.3, fol. 33 b, par. 1 ; Go. Litt., i8 b.
264 ALIÉNATION LES IMMEUBLES DANS L'ANCIEN DROIT
immédiatement en possession du bien loué; celte prise de
possession était autrefois la condition essentielle de l'effi-
cacité du bail*. Il se trouvait alors en mesure d'acquérir
la possession féodale ou, si l'on veut, la propriété même
du bien, sans nulle livery of seisin ultérieure : il suffi-
sait que le bailleur sur la tête de qui reposait encore cette
propriété lui fît l'abandon de son droit légal. L'abandon
[release), qui se faisait par deecl, transférait le frauc-tène-
meot au prepeur aussi complètement qu'eût pu le faire une
investiture^ Toutefois ce mode ne serait jamais devenu
aussi usuel qu'il l'a été pendant des siècles si l'on n'avait
trouvé un moyen de faire un bail valable sans qu'il fallût
une prise de possession immédiate de la part du preneur.
C'est le Slatute of uses (St. 27, Henr. YIII, c. 10) qui
procura ce moyen. On sait que, d'après ce statut, quand
une personne est saisie d'un bien au profit d'une autre,
celle-ci est réputée légalement investie du bien. Or, à
côté de l'investiture d'une personne au profit d'une autre,
il y avait, avant le statut, d'autres modes suivant lesquels
un lise pouvait prendre naissance et une personne être
saisie d'un immeuble au profit d'une autre. Ainsi, quand
un marché [bargain) était fait pour la vente [sale] d'un
immeuble et le prix d'achat payé, sans d'ailleurs que
l'acquéreur eût été régulièrement investi du bien, la cour
de Chancellerie estimait qu'en conscience Vestale n'en
appartenait pas moins tout de suite à celui qui en avait
payé le prix, et elle considérait le vendeur comme saisi du
bien au profit de ^acquéreur^ Cette doctrine fort équitable
produisit un curieux effet après l'entrée en vigueur du
* Littleton, Tenures,% 459; Co. 74; Sheppard, Touchstone, 320.
LitL. 270 «. 6 Sanders, op. cit., 53; Gilbeit,
s Sanders, on Uses, 5» éd., II, Uses and Trusts, 3* éd., 94.
ALIENATION DES IMMEUBLES DANS L'ANCIEN DROIT 265
Statute of uses : l'acquéreur, étant reconnu par la' cour
avoir Vuse du bien, se trouva investi, à ce titre, de la pos-
session légale elle-nnême, et ce, en définitive, par le seul
fait du payement du prix d'achat. En d'autres termes, la
possession légale d'un immeuble fut désormais transférée
d'une personne à une autre par l'effet d'une simple con-
vention verbale, suivie du payement du prix, ùt/ a mère
« bargain and sale », selon l'expression technique, indé-
pendamment de toute investiture et même de tout deed'^ .
372. — Le danger de ces transmissions dépourvues
de publicité était si évident que, dès la même année, le
législateur chercha à y obvier. Le St. 27, Henr. VIII,
c. 16, exigea que tout bargain and sale d'immeuble fût
constaté par un deed et enregistré, dans un délai de six
mois [lunaires), dans l'une des cours de record de West-
minster ou dans l'un des tribunaux de comté qu^il dési-
gnait à cet effet. Mais on ne tarda pas à découvrir un
moyen d'éluder ces dispositions: la loi parlait des ventes
de francs-tènements héréditaires; elle était muette sur les
bargains and sales de simples terms of gears^ des jouis-
sances à temps, qui ne constituent pas des francs-tène-
ments. On put donc, après comme avant le c. 16, opérer,
moyennant une simple convention verbale suivie de paye-
ment du prix, un bargain and sale d'immeubles pour une
année. La prise de possession du tenancier exigée par la
loi était suppléée par le Statute of uses, qui le mettait de
plein droit en possession légale pour le terme stipulé*.
Cela fait, l'acquéreur se trouvait définitivement investi
de Vestate en fief simple pourvu que le vendeur lui fît
"> Gilbert, op. cit., 197, 475; Co- « Gilbert, op. cit., 223.
myns, Digest, lit. Bargain and
Sale (B. 1, 4).
266 ALIÉNATION DES IMMEUBLES DANS L'ANCIEN DROIT
abandon {release) des droits qui lui appartenaient encore
sur l'iramenble. Ce bargain and sale pour un an, suivi
d'un acte d'abandon, est devenu le mode moderne d'alié-
nation des immeub[es by lease and release^ par bail et
abandon. Le Statuts of frauds exigea seulement que le
bargain and sale fût constaté par écrit, et l'usage pré-
valut d'en faire l'objet d'un deed, que l'on datait de la
veille de l'abandon, mais qu'on « exécutait» le même jour,
immédiatement avant d'exécuter le deed of release.
373. — Ce double deed pour une môme vente, avec
tous les frais qu'il entraînait, resta obligatoire jusqu'en
1841, où le législateur, dans un but de simplification,
décida qu'il suffirait désormais d'un deed of release (St. 4
et 5, Vict., c. 21). Quelques années après, une nouvelle
loi (St. 7 et 8, Vict., c. 76, §§ 2 et 13) permit de renoncer
à toute livery of seisin et à tout bail préalable au release^
pourvu qu'on acquittât les divers droits du timbre dus
d'après l'ancienne méthode; mais elle ne resta en vigueur
que neuf mois. En vertu de VAct to amendthe law of real
property de 1845 (St. 8 et 9, Vict., c. 106), § 2, il suffit,
à partir du 1" octobre de ladite année, d'un simple acte
de concession [deed of grant) pour transmettre à autrui
le franc-tènement ou la possession féodale d'un immeuble.
C'est ce dernier mode que nous aurons donc à étudier en
détail.
374. — Toutefois il convient d'ajouter que l'ancien
mode de transmission d'un fîefsimple par voie de /eo^me;^/
ou d'investiture n'a pas cessé d'être licite. Il consiste, de
nos jours, en deux opérations dislinctes: 1° en une mise en
possession effective [livery of seisin); 2" depuis le Sla-
tute of frauds, en un acte écrit émané du vendeur, acte
écrit auquel le St. 8 et 9, Vict., c. 106, § 3, a expressé-
DES DEEDS EN GENERAL 267
ment substitué un deed en bonne forme. De même, on
recourt encore parfois à un deed ofbargain and sale, enre-
gistré conformément au St. 27, Henr. VIII, c. 16, dont il a
été question plus haut. Ce mode présente l'avantage qu'une
copie du registre fait preuve à l'égal du deed original '.
Mais, en somme, ces vieux modes sont à peu près tombés
en désuétude.
CHAPITRE III
Des deeds en général.
Sommaire: 375. Importance des deeds. — 376. Défiaition et divisions. —
377. Conditions de validité d'un deed. — 378. Capacité des parties. —
379. Cause de l'acte. — 3S0. Forme extérieure. — 381. Contexte. —
382. Lecture de l'acte. — 383. Scellement et signature. — 384. Déli-
vrance et exécution. — 385. Attestation. — 386. Altérations ou sur-
charges ; destruction. — 387. Sous quelles conditions un deed fait foi.
— 388. Honoraires des solicitors qui rédigent les deeds.
375. — Les deeds, auxquels, pour éviter toute confu-
sion, nous conservons leur nom anglais au lieu de nous
servir du mot acte qui y correspondrait grammaticale-
ment, les deeds ont conservé en Angleterre à travers les
siècles une importance capitale, car ils y jouent le rôle
réservé ailleurs aux actes notariés : un deed régulier en la
forme a la valeur d'un acte authentique.
376. — Au sens actuel du mot, le deed est un écrit sur
papierou sur parchemin diiment scellé et délivré, et destiné
à prouverque la personne dont il émane a donné son con-
sentement aux diverses énonciations qu'il contient '.
Les deeds se divisent en deeds poil et en indentures.
Le deed poil est un acte unilatéral; \' indenture est un
acte passé entre deux ou plusieurs personnes. Autrefois,
'•» St. lu, Ann., c. 18, § :{. • Blackstone, Comm., il, 295.
268 DES DEEDS EN GÉNÉRAL
quand les actes étaient plus concis que de nos jours, il
était d'usage, pour ceux qui intéressaient deux personnes,
d'en écrire deux copies sur une même feuille de parche-
min avec quelques mots ou lettres brochant de l'une sur
l'autre, puis de couper au travers en dentelant, de sorte
que les deux moitiés de l'acte pussent se reconnaître à
l'aide d'un simple rapprochement. Plus tard, on se dis-
pensa de couper par le milieu des lettres ou des mots, et
l'on se contenta, par respect pour la tradition et aussi, dit
Blackslone ^, afin de pouvoir conserver à ces sortes de
pièces leur vieux nom à.' indenture , de découper le haut de
l'acte en dents de scie. Aujourd'hui, cette dentelure maté-
rielle n'est même plus indispensable pour qu'un deed,
réguher d'ailleurs, vaille comme indenture ^ Quant aux
actes unilatéraux, la tête en est, au contraire, coupée droit
ou rognée [polled) ; d'où leur nom de deed poil.
371. — Un deed, pour être régulier et complet, doit
satisfaire à huit conditions, relatives : 1° à la capacité des
parties; 2° à la cause de l'acte; 3° à sa forme extérieure;
i° à son contexte et aux énonciations diverses dont il se
compose ; 5° à la lecture de l'acte ; 6° au scellement et à la
signature; 7° à la délivrance de l'acte; S" à l'attestation de
l'acte.
378. — 1° Capacité. — Il faut, d'une part, que les par-
ties aient la capacité voulue pour procéder à l'acte projeté;
d'autre part, qu'il y ait matière à contrat. Tous ces points
doivent être clairement spécifiés. Ainsi, dans une vente,
il doit y avoir un vendeur capable d'aliéner, un acheteur
capable d'acquérir, et un objet à vendre.
379. — 2° Cause. — La cause [considération) peut, en
2 76., éd. fr., 111,168. 3 st. 8 et 9, Vict., c. 106, §5.
DES DËEDS EN (GÉNÉRAL 269
matière de deeds, èlre valable ou simplement bonne (cpr.
n" 691 et suiv.). Les deeds dépourvus de toute cause ou
fe'appuyant seulement sur une bonne cause, sont dits volon-
taires. En vertu du St. 27, Eliz,, c. 4, rendu perpéluel par
le St. 39, Eliz., c. 18, § 31, les deeds volontaires relatifs à
des immeubles étaient nuls par rapport à un acquéreur one-
mcm/j?« du donateur; et, d'après le St. 13, Eliz., c. .5, qu'ils
portent sur des immeubles ou sur des meubles, ils sont nuls
par rapport aux créanciers antérieurs du souscripteur. Le
Vohintanj conveyances act de 1893* a mis à l'abri de cette
nullité le donataire primitif de bonne foi. L'acquéreur one-
ris causa subséquent pourra chercher d'autres armes et
en trouver peut-être, depuis les nouvelles lois sur l'imma-
triculation des actes, dans le défaut de publicité; il ne
pourra plus se prévaloir du seul fait qu'il n'y a pas
eu de valuable considération. Mais, en général, l'ab-
sence de cause dans un deed n'ôle rien de leur efficacité
aux engagements contraclés par les parties. C'est même
l'une des différences les plus sensibles entre les contrats
scellés (ou by deed)ei les contrats non scellés [simple co7i-
tracts): ces derniers ne valent qu'autant qu'en réalité ils
s'appuient sur une considération; les deeds, au contraire,
sont toujours présumés avoir une cause suffisante et expri-
mer la ferme intention de celui qui les a souscrits, d'où il
résulte qu'il est tenu d'exécuter le contrat encore qu'en fait
il n'y ait peut-être aucune considération justifiant l'engage-
ment pris par lui (n" 681). Il va sans dire qu'il en serait
autrement si, pour se faire relever de ses promesses, le
signataire faisait valoir, non plus VdJaiQU.cQ déconsidération,
mais la fraude, la violence, l'abus d'influence, etc., de la
« st. Ô6 et 57, Vict., c. 21.
270 DES DEEDS KN GÉNÉRAL
partie adverse (cpr. n'"724el suiv.)'. Les dettes constatées
par deed ont été longtemps préférées aux dettes par simple
contract] mais elles ont perdu ce privilège depuis 187Q
(cpr. n°245).
380. — 3° Forme extérieure. — Un deed peut être in-
diiïéremment écrit à la main, par une ou plusieurs person-
nes, ou imprimé en tout ou en partie. Il doit être sur pa-
pier, vélin ou parchemin ; un acte sur pierre, sur bois,
sur toile, etc., ne serait pas un deed ®. Il doit de plus être
timbré'. Mais il n'est pas indispensable qu'il soit coté et
paraphé sur chaque page.
381 . — 4° Contexte. — Sans qu'il y ait pour les deeds
des formules absolument sacramentelles, il est certaines
indications qu'ils doivent contenir, et d'autres qu'ils ren-
ferment habituellement:
a. Un préambule ou intitulé.^ contenant les noms, qua-
lités et professions des parties, et s'il y a lieu, l'exposé des
faits dont la connaissance est nécessaire pour expliquer
l'acte, puis \d. considération ; en d'autres termes, indiquant
les parties, l'objet et la cause de l'acte.
b. L'Aaôe;îrfMm^ c'est-à-dire, l'espèce (m^ere*/) et la durée
du droit concédé par l'acte.
c. Le tenendum, c'est-à-dire, l'indication de la lenure
sous laquelle est faite la concession. Cette partie-là n'est
plus conservée que par habitude et peut être omise au-
jourd'hui sans inconvénient majeur.
d. Le reddendum, c'est-à-dire, les clauses et réserves
sous lesquelles la concession est faite; par exemple,
l'indication de la redevance annuelle imposée au ces-
sion n aire.
» Cpr. Stephen, 6"om/n., l'i" éd., ^ Stamp act, 1870, St. 33 et 34,
1. 2'^. Vict., c. 97.
6 Co. Litt., 229.
DES DEEDS EN GÉNÉRAL 271
e. Les conditions accessoires ou éventuelles, s'il y en a;
par exemple, s'il s'agit d'une terre donnée en mort-gage,
la clause que la concession deviendra caduque si, tel
jour, le mortgageant rembourse telle somme au mortgagé.
/". Une clause de garantie, pour autant que le cession-
naire l'a obtenue du cédant*.
g. Les clauses et conventions particulières qu'il plaît
aux parties d'insérer dans l'acle.
h. La co?ichisio?i, c'est-à-dire, la date de la rédaction
de l'acte ou de sa délivrance. Un acte n'est pourtant pas
nul par cela seul qu'il n'est pas daté ou qu'il porte une
date impossible ou fausse, pourvu que la date véritable
puisse être établie ^ Il produit son effet du jour de la déli-
vrance, et non de celui de la rédaction. La date peut être
placée, soit en tête de l'acte, soit à la fin ; l'usage est de Ja
mettre en tête pour les indentures et à la fin pour les deech
poil.
C'est aux tribunaux qu'il appartient de décider lesquel-
les de ces diverses énonciations sont essentielles dans cha-
que cas donné et, par conséquent, de prononcer la nullité
d'un acte où les unes ou les autres feraient défaut"*.
382. — 5° Lecture. — L'acte doit être lu sur la requête
de l'une quelconque des parties; il serait nul en ce qui la
concerne si l'on ne déférait pas à sa demande. Si la partie
est en étal de lire, elle peut en prendre lecture elle-même.
En cas d'altération de l'acte pendant la lecture, l'acte est
nul quant aux passages altérés, à moins que l'altération
n'ait eu lieu avec intention et précisément pour introduire
une cause de nullité, auquel cas l'acte lierait la partie qui
a usé de fraude".
' Cpr., sur ce point, Blackstone, '" 76., 225.
Comm., éd. fr., III, 175 et suiv. M 2 Rpp 311 Rep 27
» Co. LiU., 46. ,...,.
9
272 • DES DEEDS EX GÉNÉRAL
383. — 6° Scellemeiit . — On n'est pas d'accord sur la
question de savoir s'il est essentiel qu'un deed soit signé
par les parties : la loi n'exige pas en général, à peine de
nullité, l'accomplissement de cette formalité. Mais, en re-
vanche, il est indispensable qu'il soit scellé ; peu importe,
d'ailleurs, que le sceau soit apposé sur un pain à cacheter
ou sur de la cire, par la partie elle-même ou par un tiers en
son nom, pourvu, dans ce dernier cas, qu'elle s'approprie
le sceau en posant son doigt dessus *^
Dans le doute, il peut être prudent de ne pas se con-
tenter de sceller l'acte et d'y apposer, en outre, sa signa-
ture'\
384. — 7° Délivrance. — Un acte, pour être valable,
doit être délivré par la partie ou son fondé de pouvoirs.
La délivrance est réputée avoir eu lieu lorsque la partie a
prononcé les paroles sacramentelles : « Je délivre ceci
comme mon acte [as my net and deed) », encore qu'elle
ne se dessaisisse pas immédiatement delà pièce ^*. Le fait
de sceller et de délivrer un deed constitue ce qu'on appelle
y exécution de cet acte.
Lorsque, au lieu d'être délivré à l'autre partie, un deed
est confié à un tiers pour être remis par lui à cette dernière,
il n'est jusqu'à la remise qu'un escrow, un simple écrit ne
produisant pas encore les effets d'un deed parfait; mais le
fait de laremise lui donne rétroactivement cette efficacité à
partir du moment de l'exécution ^^
385. — 8° Attestation. — Cette formalité, nécessaire
plutôt au point de vue de la i)reuve qu'à celui de la validité
intrinsèque de l'acte, consiste en ce qu'un ou plusieurs
'- Sheppaid, Touchstonc,hl. Cress.,671; Grugeon c. Gerrard,
13 Cpr. Blackstone, éd. IV., III, 4 You. et Coll., H9, 1.30; Hall c.
183, 186. Bainbridge, 12 Q. B., 699.
1* Doe c. Knight, 5 Barn. et ' 'S Co. Lit., .36.
DES DEEDS EN GÉNÉRAL 273
témoins certifient l'exécution de l'acte, c'est-à-dire le
double fait du scellement et de la délivrance. Générale-
ment on tâche d'avoir deux témoins.
Les témoins doivent voir la partie sceller et délivrer
l'acte. Ils signent leur attestation au dos ou au pied du
deed, et ajoutent à leur signature leurs qualités et domicile.
386. — Une fois qu'il a été délivré, un deed ne doit
plus subir aucune modification ; mais, tant qu'il ne l'a pas
-été, une modification par rature, surcharge ou interlinéa-
tion n'en n'entraîne pas la nullité, quel que soit l'auteur de
cet acte'*. En pratique, on mentionne habituellement
dans l'attestation toutes les modifications apportées au
deed 3i\(inl la délivrance; dans le doute, les modifications
sont présumées antérieures à la délivrance. Autrefois,
toute modification postérieure entraînait la nulUiédn deed;
aujourd'hui, il n'en est plus nécessairement ainsi : par
exemple, le fait de remplir après coup la date ou les noms
des personnes qui occupent l'immeuble aliéné, ne porte-
rait aucune atteinte à la validité du deed^''; de même, une
altération faite par un étranger à l'insu de la partie avan-
tagée n'annulerait pas nécessairement le deed; mais une
altération faite dans ces conditions parla partie elle-même
dégagerait vis-à-vis d'elle la partie adverse, tout en lais-
sant intacts ses propres engagements envers celle-ci''.
Quand un estate a été aliéné en vertu d'un deed, l'al-
tération ou la destruction de l'acte n'entraîne pas la ré-
trocession de cet estate. Mais, quand un deed a été annulé,
aucune action ne peut s'appuyer sur une des clauses qu'il
renfermait. On se rend aujourd'hui coupable de felony,
«" Patcrson, Comp., 348. >« Paterson, To^ip., 348, et les
!■' Pigots'n case, 11 Rep. 27 a; autorités qu'il cite.
Aldous c. Cornwell, L. R ,3Q. B.,
573.
LKHn. 18
274 DES DEEDS EN GÉNÉRAL
non seulement en dérobant un deed constituant un titre de
propriété immobilière, mais encore en le détruisant, en.
l'oblitérant, en le celant ou en l'altérant dans un but frau-
duleux*'.
387. — Lorsqu'uD deed est produit en justice à l'ap-
pui d'une allégation, bien qu'il paraisse extérieurement
avoir été dûment exécuté, il ne suffit pas de le produire
pour qu'il fasse preuve; il faut en outre citer le témoin,
s'il est en vie, et lui faire prêter serment qu'il y a eu exé-
cution. En cas de décès du témoin, il faut vérifier son attes-
tation écrite. Un deed ne fait preuve par lui-même que s'il
a trente ans de date et ne présente nulle trace d'altéra -
tion'°.
388. — Pendant fort longtemps, les hommes de loi qui
libellaient les deeds étaient payés d'après la longueur de
l'acte, à raison de 1 shilling (1 fr. 25) par page de soixante-
douze mots, sans nul égard au plus ou moins de difficultés
que présentait la rédaction de la pièce. De là, tout natu-
rellement, les fatigantes répétitions et redondances que l'on
remarque dans tous les vieux actes anglais. Depuis la loi
du 14 juillet 1870 (St. 33 et 34, Vict., c. 28), un système
plus raisonnable a prévalu : les honoraires sont débattus
de gré à gré (§§ 4 à 15), et, s'il y a lieu à taxation offi-
cielle, il est tenu un juste compte des recherches imposées
au rédacteur, du temps qu'il a dû mettre à sa besogne, de
la responsabilité plus ou moins lourde qu'il encourt (§ 18).
Le Solicitors rémunération act du 22 août 1881 (St. 44
et 45, Vict., c. 44) a confirmé cette réforme importante :
sauf convention écrite contraire, les honoraires, tantôt
fixes, tantôt proportionnels, se règlent d'après un tarif
'5 Sl.24 et 25, Vict., c. 9G, § 28. 20 Taylor, on Evidence, § 74,
§§ 1641 et suiv.
DES ACTES TRANSLATIFS DE PROPRIÉTÉ IMMOBILIERE 275
[gênerai orde?'), dont Vact a confié la rédaction à un comité
spécial, sous la présidence du lord chancelier, et qui est
en vigueur depuis le ("janvier 1883"'.
CHAPITRE IV
Des actes translatifs de propriété immobilière
{Deeds of grant)
Sommaire : 389. Effet du deed of grant. — 390. Formulaire usuel. —
391. Reçu du prix de vente. —392. Timbre; loi de 1870. — 392 bis.
Loi de 1891. — 393. Toute investiture superflue quant à Tacqucreur
muni d'un deed.
389. — Le deed of grant, qui est le mode actuel de
translation des immeubles, se distingue essentiellement
des modes antérieurs en ce qu'il confère à l'acquéreur,
directement, sans détour ni fiction juridique, la propriété
plus ou moins absolue des biens-fonds auxquels il se rap-
porte. Il ne faut plus ni investiture solennelle, ni bail préa-
lable fictif : A, le vendeur. « dolh by the présents grant
unto B and his heirs^ » l'acquéreur et ses héritiers, tels
et tels immeubles, et celte cession en bonne forme suffit.
390. — Tous les deeds de l'espèce se rédigent, en
Angleterre, d'après un formulaire à peu près identique ;
la charpente en est toujours la même, de sorte qu'on met
très rapidement la main sur les parties de l'acte qu'on
peut avoir à consulter. La disposition graphique elle-
même concourt à faciliter les recherches ou comparai-
sons : les parties essentielles sont séparées par certaines
formules en grosses lettres ou marquées par des initiales
bien visibles.
2' Voir la trad. de cette loi par YAnn. de législ. êtrang., XI, p. 41 ;
MM. Barclay et Dainville dans Stephen, Comm., 9'^ èdil., 111,220.
276 DES ACTES TRANSLATIFS DE PROPRIETE IMMOBILIÈRE
Voici, dans leur ordre habituel, les parties dont se com-
pose un acte de vente ordinaire :
1° La date de Y indenture.
2° Les parties, c'est-à-dire, les noms, qualités et domi-
cile des parties.
3° Les récitals, c'est-à-dire, l'indication de la façon
dont le vendeur a acquis le droit qu'il se propose de céder,
ainsi que du contrat projeté entre les parties.
4° Le testaium; cette partie, qui se reconnaît à la for-
mule : Now THis INDENTURE wiTNESSETH, inscrite en gros
caractères, renferme ce qu'on appelle les operative words
de l'acte, les paroles opérantes ou essentielles, c'est-à-
dire, la constatation que la vente est faite moyennant un
prix de..., que ce prix a été soldé, et qu''en conséquence
le vendeur cède [grant] à l'acquéreur les immeubles qui
font l'objet du contrat.
5° Les parceis, c'est-à-dire, la description détaillée des-
dits immeubles avec leurs appartenances et dépendances,
et, s'il y a lieu, l'indication de ce qui n'est pas compris
dans la vente.
Ces cinq premières parties constituent ce qu'on appelle
les premises de l'acte. Viennent ensuite :
6° h'habendum^ c'est-à-dire, le paragraphe où l'on pré-
cise la nature et l'étendue du droit cédé à l'aquéreur sur
les immeubles vendus. Ainsi, si c'est la possession en fief
simple qui en est transférée, Vhabendiim spécifie que les
immeubles sont cédés « unto and to the use of B (l'acqué-
reur), his heirs and assigns for ever ». On remarquera
que l'acte ne se borne pas à dire que les biens sont cédés
à B {u7ito B), mais ajoute qu'ils le sont à sonprofit [to the
use of B). On sait qu'avant le Statute of uses toute aliéna-
tion d'immeubles faite sans une juste cause et sans décla-
DES ACTES TRANSLATIFS DE PROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE 277
ration de use était réputée faite au profit {to the use) du
cédant lui-même; le Slatute of uses ayant converti ce
simple profit en un droit de propriété pour celui qui
avait le use, il en serait résulté que ce -statut aurait,
dans certains cas, et à défaut de considération suffisante,
annihiléimmédiatement latransmission concertée entre les
parties et effectuée en apparence par le deed of grant.
Pour prévenir ce résultat, il est de règle d'insérer dans
tout acte translatif une déclaration de use au profit de
l'acquéreur et de ses ayants-cause; tel est le but delà for-
mule ci-dessus transcrite et qui, au premier abord, semble
inutilement redondante *.
7° Les covenants, c'est-à-dire, les déclarations faites
par le vendeur à l'acheteur et qui sont habituellement au
nombre de cinq, savoir : 1° que le vendeur tenait lui-même
le bien en fief simple; 2° qu'il avait le droit de l'aliéner ;
'6° que l'acquéreur et ses ayants-cause doivent en jouir pai-
siblement ; 4° que le bien est libre de toutes charges (m-
cwnbrances) ; 5° que le vendeur et ses ayants-cause seront
toujours prêts à faire tel acte supplémentaire qui serait
nécessaire pour assurer l'effet du deed. Aujourd'hui, le
premier de ces covenanls est souvent supprimé comme
se trouvant impliquédans le second; on peut, du reste, en
ajouter d'autres, s'il y a lieu.
8° Le testimonium [conclusion, attestation clause), qui
indique le ou les témoins, mais ne fait pas partie inté-
grante du deed.
9° Les signatures et sceaux des parties.
11 y a, pour les diverses parties qui viennent d'être
énumérées, des phrases et expressions consacrées par
' Sanders, on Uses, 5* éd., II, 77-84.
278 DES ACTES TRANSLATIFS DE PROPRIÉTÉ IMMOBILIERE
l'usage; mais il n'y a pas de terme sacramentel, — même
le mot si important de grant, — en ce sens que, s'il fai-
sait défaut, l'acte serait entaché de nullité; pourvu que
la portée de la disposition soit claire, peu importe quels
mots on a employé pour la fixer ^
Au reste, une loi du 22 août 1881 [Conveyancing and
Laiv of Propertij act^'&L 44 et 4o, Vict., c. 41), en vigueur
depuis le 1" janvier 1882, a singulièrement simplifié la
rédaction des deeds of grant en déclarant que désormais
une série des clauses usitées jusqu'alors seraient considé-
rées comme tacite, sauf le droit des parties de les exclure
formellement. La simplification porte tout à la fois sur les
récitals (§ 3), sur les parcels (§ 6) et sur les covenants
(§ 7), qui sont ou réduits au strict nécessaire, ou com-
plètement supprimés comme allant de soi ^
391. — Généralement le reçu du prix est inscrit au
dos de l'acte, bien qu'il figure déjà très souvent dans les
récitals. Il n'était pas tout à fait indifférent qu'il fût à
l'une ou à l'autre place: le reçu inséré dans Pacte donnait
at law une exception à l'acquéreur contre le vendeur,
tandis que le reçu au dos n'emportait qu'une simple pré-
somption. Toutefois les cours d'équité admettaient, dans
un cas comme dans l'autre, la preuve qu'en réalité le paye-
ment n'avait pas eu lieu^ ; et cette distinction subtile a été
complètement effacée par le Conveyancing act de 1881,
cité plus haut : en vertu des §§ 54 et suivants, toute quit-
tance ou décharge énoncée dans le corps de l'acte vaut li-
bération pour le débiteur sans qu'il soit nécessaire de la
répéter au dos; quelle qu'en soit la place, elle fait preuve
2 Sheppard, Touchstone, 229 ; 3 Voir la trad. de la loi par MM.
Shoive c. Pincke, 5 T. R., 124; Barclay et Daiavilie dans ÏAnn.
Haggerstone c. Hanbury, 5 B. et de lég. étrang., XI, p. 39 et suiv.
C. 101. t West c. Heid, 2 Hare, 249.
DES ACTES TRANSLATIFS DE PROPRIETE IMMOBILIERE 279
du payement vis-à-vis de tout acquéreur ultérieur, et, si-
gnée du créancier, elle confère a.\isolicitor à qui il a remis
la pièce pouvoir de toucher les fonds sans autre j usti fication.
392. — Les deeds of grant doivent être timbrés. Au-
trefois, l'omission de cette formalité enlevait à l'acte sa
valeur probante en justice. Aujourd'hui, elle expose seule-
ment les contrevenants à certaines pénalités pécuniaires.
D'après le Stamp act de 1870 (St. 33 et 34, Vict., c. 97),
§ 16, le timbre est proportionnel : un demi pour cent du
prix d'achat ^
392 bis. — Les règles en matière de timbre ont été
modifiées en 1891 par un nouveau 5^am;? ac/ % qui déter-
mine strictement sous quelles conditions un acle non tim-
bré peut être produit en justice. Une distinction s'impose
entre les actes sujets à un droit fixe et ceux pour lesquels
n'est dû qu'un droit proportionnel. Ces derniers doivent
de toute nécessité être timbrés dans les 30 jours de
leur exécution, sous peine d'une amende de 10 livres
sterling, et de l'obligation du double droit. L'autorité ju-
diciaire devant laquelle un tel acte est produit peut ad-
mettre cependant certains cas d'excuse pour le retard de
cette formalité fiscale. Quant aux actes susceptibles d'un
droit fixe, on peut les produire en justice avant de les
faire timbrer, s'ils appartiennent à la catégorie des actes
qu'on ne timbre qu'après exécution. Mais, dans le cas con-
traire, il est impossible de les produire d'aucune manière,
môme à charge de pénalité. Echappent au droit de timbre
les actes suivants : 1° les contrats dont l'objet représente
une valeur inférieure à S livres sterling; 2° les contrats de
5 Cpr., sur lout ce qui concerne liams, lieal prop., 19» édit., |i. 153
la forme des deeds, Paterson, et suiv.
Comp., n"» 361 et suiv., et Wil- 6 St. 54 et 55, Vict., c. 39.
280 SÉCURITÉ DONNEE AUX ACQUEREURS D'LMMEUBLES
louage de services pour les travailleurs manuels ; 3° les
contrats passés pour les ventes de meubles corporels; 4° les
engagements réciproques des patrons de barques et de
leurs hommes d'équipage, en ce qui concerne la navigation
côtière autour du Royaume-Uni.
393. — L'acquéreur, nanti d\in deed en bonne forme,
n'a, de nos jours, aucune démarche à faire auprès du sei-
gneur dont relève la propriété acquise par lui, à l'effet
d'obtenir une homiOlogalion ou investiture complémen-
taire. Il n'a à se pourvoir auprès du seigneur que s'il
s'agit d'un copyhoid.
CHAPITRE V
Des moyeas de donner sécurité aux acquéreurs
d'immeubles et, notamment, de la transcription.
Sommaire : 394. Absence de toute organisation générale; remise des litres
de propriété; insuffisance de garanties. — 395. Véiificaiiondes litres du
vendeur; abstract a remettre à l'acquéreur. — 396. Actes exception-
nellemenl soumis à inscription. — 397. Comtés où l'inscription est de
règle. — 398. Tentatives faites pour généraliser l'applicalion du prin-
cipe de la publicité. — 399. Loi de 1875. — 400. iMesures quant aux
deeds et aux testaments. — 400 bis. Eliets à peu près nuls de la loi
de 1875; loi de 1897.
394. — Jusqu'à présent, il n'existe en Angleterre
aucune organisation générale pour porter à la connais-
sance du public les actes translatifs de propriété immo-
bilière : ces actes ne sont soumis en principe à aucune
inscription, à moins qu'il ne s'agisse de copyholds. La
seule garantie qu'ait l'acquéreur, c'est qu'immédiatement
après la vente, tous les titres de propriété doivent lui être
remis par le vendeur. Lorsqu'il les détient, il est sûr que
nulle aliénation ne pourra être faite ultérieurement à son
SÉCURITÉ DONNÉE AUX ACQUÉREURS DIMMEURLES 281
préjudice. Mais, s'il négligeait de se les faire délivrer,
rien n'empêcherait l'ancien propriétaire de vendre ou de
mortgager le même immeuble à une aulre personne. L'ac-
quéreur nanti des titres peut être à peu près certain qu'il
n'existe pas sur l'immeuble de mortgage qui lui ait été celé,
car un créancier morlgagiste a généralement soin de se
faire remettre lesdits titres en garantie (cpr. n° o28) ; mais
la détention même des titres ne lui garantit pas que l'im-
meuble n'est pas grevé de rentes foncières ou que le ven-
deur n'a pas, par contrat de mariage, réduit son interest à
un droit purement viager. La propriété foncière est donc
loin, quant à présent, de présenter la sécurité absolue
qu'elle offre dans les pays où nul acte intéressant un im-
meuble ne vaut qu'après avoir été inscrit sur le registre
foncier au folio concernant l'immeuble, ni même la sécu-
rité relative qu'elle offre en France depuis la loi sur la
transcription de 185o.
395. — Autrefois, lorsqu'il s'agissait, avant de pro-
céder à une acquisition d'immeubles, de vérifier les titres
du vendeur, on remonlaitjusqu'à soixante ans en arrièreV
Le vendeur était tenu de fournir, à ses frais, à l'acheteur
UQ résumé [abstract) de tous les litres translatifs de pro-
priété concernant les biens à vendre et rentrant dans cette
période; il devait, en outre, le mettre en mesure de colla-
tionner au besoin ce résumé avec les originaux. LeVendor
and Pw'chaser Act de 1874 (St. 37 et 38, Vict., c. 78) a
modifié cet état de choses en ce que, sauf convention con-
traire, le résumé ne porte plus que sur les titres des qua-
rante dernières années (§ 1). Le résumé doit indiquer les
noms de toutes les personnes qui, à côté du vendeur, peu-
' Sugden, on l'endors and Purchaseï s, 13* éd., 464.
282 SÉCURITÉ DONNÉE AUX ACQUÉREURS D'IMMEUBLES
vent avoir un interest sur les biens à vendre, et le con-
cours de ces personnes doit être obtenu par le vendeur de
façon que les biens soient transmis à l'acquéreur francs et
quittes de toutes charges. Ainsi, si les terres font l'objet
d'un mort-gage, le créancier doit être remboursé sur le prix
de vente et intervenir à Pacte pour renoncer à ses droits
sur les terres et pour en transférer le légal estate à l'acqué-
reur. Le Conveyancing and Lato of Properly act de 1881
(St. 44 et 45, Vlct., c. 41), § 5, autorise, dans ce cas, la
cour à se faire remettre la somme qu'elle juge nécessaire
pour désintéresser les créanciers, et à libérer ensuite, d'of-
fice, l'immeuble des charges qui le grèvent".
396. — Ce n'est pas à dire qu'un acquéreur soit hors
d'état de se renseigner sur tous les actes, indistinctement,
qui peuvent affecter l'immeuble. Certains de ces actes
reçoivent une publicité relative, sont inscrits sur des
registres et peuvent y être retrouvés. Ainsi les actes abo-
litifs de substitution [disentailing deeds) devaient, avant
1833, être inscrits en la cour des Plaids communs, et le
sont, depuis 1833, en la cour de Chancellerie ^ Les actes
reconnus par des femmes mariées font Tobjet de certifi-
cats conservés en la première de ces course Sont égale-
ment inscrites en la cour des Plaids communs : les dettes
reconnues par jugement^, les dettes de la couronne, les
lites pendentes^, les rentes foncières constituées autrement
que par contrat de mariage \ Enfin, on peut avoir connais-
sance de la faillite ou de la déconfiture du vendeur en com-
2 Notice et trad. par MM. Bar- 18 et 19, Vict., c. 15; 28et24, Vict.,
clay et DainviUe, Ann. de lég. c. 38 ; 27 et 28, Vict., c. 112.
étrang., XI, 39. c st. 2 et 3, Vict., c. il, §§ 7
3 St. 3 et i, Guii. IV, c. 74, § 41. et 8.
i Ib., §§ 74, 87, 88. ^ St. 53, Geo. III, c. 141 ; 3, Geo.
5 St. 1 et 2, Vict., c. 110; 2 et 3, IV, c. 94; 7, Geo. IV, c. 75; 17 et
Vict.. c. 11; 3 et 4, Vict., c. 82; 18, Vict., c. 90; 18 et 19, Vict., c. 15.
SECURITE DONNEE AUX ACQUEREURS D'IMMEUBLES 283
puisant les registres des cours des Faillites et des Insol-
vables '.
397. — Si les biens sont situés dans les conrités de
Middlesex, York ou Kingston-upon-Hull, un résumé du
deed translatif de propriété doit être inscrit sur le registre
foncier local, sous peine de nullité à l'égard des acqué-
reurs ou créanciers mortgagés ultérieurs; mention de l'in-
scription est faite au dos de l'acte'. De même, les actes
concernant des terres comprises dans le Bedford level
doivent être inscrits au Bedford level office'^^\ mais la
priorité d'inscription ne confère aucune supériorité de
droit''.
398. — Les jurisconsultes, et surtout les praticiens, se
sont toujours montrés hostiles à l'extension du principe de
l'inscription au reste de l'Angleterre. Cependant, dès qu'on
s'occupa de la réforme des lois, la question de la publicité
des actes translatifs de propriété immobilière s'imposa à
l'attention des chambres. De 1830 à 1834, cinq bills furent
soumis sans succès aux Communes. Sir John Campbell fît,
en 1835, jne tentative, qui n'eût pas un meilleur sort. En
1853, le ministère présenta une proposition à la chambre
des Lords pour assurer une publicité restreinte et faculta-
tive; combattu par l'opposition, le bill échoua.
Toutefois, neuf ans après, lord Westbury parvint à faire
voter et promulguer deux lois qui constituaient un pre-
mier pas dans la voie de la publicité : le St. 25 et 26,
Vict., c. 53, tendant à faciliter, par l'établissement d'un
* La cour des Insolvables a été C.-F. Brickdale, Laiw and practtce
supprimée par le St. 32 et 33, Vict., respecting the registration of deeds
c. 83. in county of Middlesex, et R.-J.
9 St. 2 et 3. Ann., c. 4 ; 5 Anu., Smith, The Yorkshire registries
c. 18; 6, Ann., c. 35; 7, Ann., Acts 1881 and 1885.
c. 20; St. 8, Geo. II, c. 6. Cfr. Sir ^ St. 15, Car. Il, c. 17, § 8.
F. PoUock, Land laïcs, p. 172; •' U'illis c. Brown, Sim., 127.
284 SÉCURITÉ DONNEE AUX ACQUEREURS D'IMMEUBLES
Landregistry, chargé de vérifier et d'enregistrer les titres,
la preuve de la propriété foncière, ainsi que son transfert,
et le St. 25 et 26, Vict., c. 67, qui permettait aux inté-
ressés d'obtenir, sous certaines conditions, une déclara-
tion judiciaire relativement à leurs droits de propriété. Ces
lois avaient de graves défauts; elles ne prescrivaient l'en-
registrement que d'extraits des actes relatifs à la propriété,
permettaient à celui qui requérait rinscription de sollici-
ter à son gré un titre inattaquable ou non [indefeasible or
not indefeasible title), instituaient une série compliquée
de registres. Les hommes d'affaires reçurent fort mal ces
lois, qui ne réalisaient même qu'imparfaitement les inten-
tions de leur auteur. Elles restèrent sans aucune applica-
tion pratique.
399. — Une commission extra-parlementaire étudia
de nouveau la question en 1868. En 187.3, le chancelier,
lord Selborne, élabora un projet que son successeur, lord
Cairns, ne modifia qu'en quelques points de détails et qui
devint le Land Transfer act de 187.3 (St. 38 et 39, Vict.,
c. 87) *^ Cette nouvelle loi, de crainte de troubler la pos-
session des propriétaires fonciers, n'a pas été rendue obli-
gatoire; elle ne fait que créer une faculté avantageuse à
ceux qui sauront et voudront en profiter. Le bureau du
registrar à&w'ieui un véritable tribunal statuant en premier
ressort sur la validité des titres de propriété. L'inscription
peut être requise par toute personne qui a fait un contrat
pour acheter un estate i?i fee simple^ ou qui a droit, at
law ou in equity^ à un semblable estate^ ou qui est capa-
12 Notice et trad. par MM. Hel- la propriété foncière, en Angle-
bronner et Duval, Ann. de législ. terre (1882), p. 117, et Jacques Du-
étrang., V, 178; cpr, G. F. Brick- mas, Le problème foncier en An-
dale, Hegislralion of title to land, gleterre, p. 189 et suiv.
-p. 15 et s.; G. Lebret, Étude sur
SECURITE DONNEE AUX ACQUEf-iEURS D'IMMEUBLES 285
ble de le vendre à son bénéfice, sauf, dans le premier de
ces trois cas, le consentement préalable du vendeur (§ 5).
Elle peut s'appliquer : i° aux titres translatifs de propriété
pleine et entière (freehold) (§§ 7 à 10); 2° aux tenures à
bail [leasehold lands) (§§ 11 et suiv.); 3° aux constitutions
d'hypothèque (§ 22). En principe, le propriétaire inscrit
a seul le droit de transférer ou de grever la terre par voie
d'enregistrement; mais toute personne ayant un titre suf-
fisant [a sufficient estate in the land) peut constituer des
droits sur celte même terre, comme s'il n'y avait pas eu
d'enregistrement de la part du propriétaire, et les garantir
contre tout acte émanant même de ce dernier, en faisant
inscrire sur le registre telle notice, défense ou restriction
que de raison (§ 49). D'autre part, toute personne ayant
ou prétendant des droits sur une terre non encore enre-
gistrée peut faire au refjistrar une défense aux fins qu'elle
entend réserver (§ 60), et nulle inscription ne doit ensuite
être effectuée qu'après qu'elle a été entendue par le juge
compétent (§ 62).
400. — De même qu'il n'y a pas encore de système
général et obligatoire d'enregistrement pour les actes
translatifs de propriété immobilière, il n'y a pas non plus
en Angleterre, comme en Ecosse, de registre général où
tous les deeda, quel qu'en soit l'objet, puissent être con-
servés''. Mais la cour des Testaments (co^^r/ of Probate)
reçoit en dépôt dans ce but les testaments de personnes
vivantes'*.
400 bis. — Lft Land Tramfer act de 1875 n'avait
guère été qu'un hommage théorique au principe de la pu-
blicité réelle, car son caractère facultatif permettait aux
»î Paterson, Comp , n" 370, >* St. 20 et 21, Vict., c. 77, § 91.
note 2.
286 SÉCURITÉ DONNEE AUX ACQUEREURS D'IMMEUBLES
propriétaires d'en éluder l'application. Le législateur avait
espéré que la simple indication des avantages de l'imma-
triculation suffirait à les faire rechercher par les intéres-
sés; mais il n'en a pas été ainsi, et, en 22 ans d'exercice,
la loi de 187o n'a donné lieu qu'à 4.000 transcriptions de
titres. C'est-à-dire que, sur toute la surface de l'Angle-
terre, il ne s'est pas trouvé une moyenne de 200 proprié-
taires par an pour apprécier le bénéfice de la réforme. En
y réfléchissant, on a réussi à comprendre les motifs de cet
insuccès. Que disait, en effet, aux propriétaires la loi de
187o? Elle leur faisait comprendre que, dans l'état actuel,
les qualités actives et passives de leurs immeubles étant
absolument occultes, et aucun moyen ne s'offrant à eux pour
purger les droits réels qui pouvaient être préférables aux
leurs, ils restaient constamment sous le coup d'une double
menace : d'une part, leur propre risqued'éviction et, d'autre
part, leur impuissance à garantir un droit de priorité aux
tiers en faveur desquels ils voudraient consentir une alié-
nation ou un démembrement de leur domaine. Pour parer
à ce danger, la loi proposait simplement aux propriétaires
de présenter aux bureaux du Reghtrar gênerai établi à
Londres leurs titres et leurs plans, et si, après examen, ces
titres paraissaient réguliers, le Registrar en constaterait
judiciairement la vérification en les immatriculant. De là,
pour les propriétaires, un avantage juridique et un avan-
tage économique, puisqu'ils devenaient capables de prou-
ver à tout acquéreur que leurs droits avaient été vérifiés
par une juridiction compétente et qu'en outre ils écono-
misaient, sur l'acte de transfert, tous les frais jusqu'alors
exigés par les hommes de loi pour l'établissement des ori-
gines de propriété.
Mais les propriétaires ne manquaient pas d'objections à
SÉCURITÉ DONNÉE AUX ACQUÉREURS D'IMMEUBLES 287
faire à ces offres si séduisantes. « Vous vous préoccupez,
« pouvaient-ils dire au législateur, de nos risques d'évic-
(( lion, mais nous ne nous en préoccupons pas du tout, et
« nous nous préoccupons encore moins delà difficulté de
« vendre ou de démembrer notre immeuble ». En effet,
l'immense majorité des terres anglaises se trouvant dé-
tenue, grâce au seul droit de naissance, par des fils de
famille qui savent que leurs ancêtres se les sont transmises
de même, de génération en génération, suivant l'ordre de
naissance et de masculinité, il n'y a pas de doute à avoir
sur l'authenticité de leurs titres d'acquisition. La seule
cause d'éviction pourrait provenir d'une cession de droits
consentie par l'un des dévolutaires successifs, mais ce
risque est purement théorique en présence du régime
des substitutions qui assure l'inaliénabilité de la plupart
des patrimoines. Qu'importe la difficulté de vendre à celui
qui ne peut pas vendre?
Et, en ce qui concerne les terres librement aliénables,
l'indifférence des propriétaires n'était pas moindre. Le cas
était assez rare pour que l'économie offerte par la loi de
1875 sur les frais de transport ne fût pas appréciable. La
grande majorité des seigneurs fonciers étaient, d'ailleurs,
assez riches pour ne pas marchander la rémunération de
leurs hommes de loi, qui s'imposaient souvent à eux par
leur qualité de cadets de famille, réclamant, à rai.-;on de
leurs aptitudes de praticiens, une part dans la gestion du
domaine dont ils n'avaient pu hériter. Si même de tels
propriétaires avaient recours à l'immatriculation, la véri-
fication judiciaire de leurs droits ne leur assurait qu'une
probabilité et non pas une certitude d'authenticité; car la
loi de i875 ne permettait pas au propriétaire immatriculé
de triompher d'un adversaire qui se prévaudrait d'un titre
288 SÉCURITÉ DONNÉE AUX ACQUEREURS D'IMMEUBLES
antérieur ou préférable. N'était-ce pas suffisant pour que
la réforme n'ait pas eu plus de succès?
De nouvelles raisons devaient cependant rendre indis-
pensable le fonctionnement effectif de l'immatriculation; et
elles se sont suffîsimment imposées à l'esprit du législa-
teur pour amener, en 1897, le vote d'une loi nouvelle *%
mise à exécution le 1" janvier 1898, et dont on peut at-
tendre les plus heureux effets.
La question de la sécurité des titres de propriété
devait prendre une importance capitale en ces dernières
années, où les transactions sur les immeubles sont deve-
nues beaucoup plus nombreuses. La crise agricole, qui
a sévi en Angleterre avec une telle intensité, a mis
beaucoup de propriétaires dans l'obligation de vendre
ou de morceler leurs immeubles; et, pour le faire sans
trop de perte, il fallait bien qu'ils pussent garantir le main-
tien en possession de leur acquéreur. Convenait-il pour cela
que l'immatriculation devînt un moyen non seulement de
révéler les droits et les charges d'un propriétaire, mais
aussi àepurge?'ious les droits antérieurs qui n'auraient pas
été révélés parleurs titulaires? Si ce dernier effet avait
été conféré à l'immatriculation par la loi de 1897, il en
serait résulté une véritable révolution juridique pour le
peuple anglais, qui n'a jamais encore pu admettre que
l'accomplissement d'une formalité quelconque entraînât la
déchéance de tous les droits contraires '^ Mais la loi nou-
velle a réussi à garantir la situation de l'acquéreur imma-
triculé sans prononcer aucune déchéance à l'encontre des
droits non révélés. Elle déclare, en effet, que le résultat de
** St. (50 et 61, Vict., c. 65. pas vraie pour les colonies où VAct
Torrens assure la priorité des droits
»« Celle observation ne s'appli- transcrits à l'encontre de toute
que qu'à Ja Métropole. Elle n'est autre prétention.
SÉCURITÉ DONNEE AUX ACQUEREURS D'IMMEUBLES 289
l'immatriculalion sera de donner au propriétaire un droit
absolu à un équivalent pécuniaire que devra lui payer
l'État, s'il se trouve évincé par un tiers. Celle obligation
de rÉtat n'est quejuste, puisque rimnaalriculation n'a lieu
qu'après la vérification que doit faire le registrar; et l'in-
demnité ainsi promise constitue pour les acquéreurs un
tel élément de sécurité que la circulation des immeubles
n'offre plus de difficultés.
Pour faire face au paiement de ces indemnités éven-
tuelles, on doit prélever à la fin de chaque exercice finan-
cier, sur les recettes du Bureau d'immatriculation, une
somme variable dont le quantum est fixé chaque année
par le Lord Chancelier et la Trésorerie. En cas d'insuffi-
sance de celte somme, le trésor fait l'avance des indem-
nités exigibles et se récupère ensuite sur les excédents
ultérieurs du Bureau'".
La loi de 1897 n'a pas osé déclarer l'immatriculation
obligatoire^ malgré les avantages qu'elle assurait aux par-
ties. Son fonctionnement présentait pourtant un caractère
d'utilité publique trop important pour qu'on abandonnât
aux propriétaires la faculté de déprécier la valeur du sol
en négligeant d'assurer à leur litre les garanties de la pu-
blicité. Le Parlement a donc admis que l'immatriculation,
tout en restant facultative en principe, pourrait être rendue
obligatoire, mais en cas de vente seulement, dans les com-
tés dont le conseil en aurait exprimé le vœu. C'est une
nouvelle application du système de l'option locale dont les
'■J Dans les colonies régies par l'cxiiropiiation au profit du proprié-
YAct Torrens, il y a aussi un taire iinmatiiculé, qui est toujoais
fonds d'imlomnité. Mais il sert à maintenu en possession s'il est do
indemniser les titulaires des droits bonne foi.
clandestins dont la loi prononce
Leur. 19
290 SÉCCRITÉ DONNÉE AUX ACQUEREURS D'IMMEUBLES
pays anglo-saxons ont déjà fourni plusieurs exemples'*,
A l'heure actuelle (en 1905), le conseil du Comté de
Londres est le seul à avoir demandé l'applicalion de la loi
dans son ressort administratif. Mais, ainsi localisée, l'im-
matriculation des immeubles a déjà fait ses preuves, puis-
que le Land Registrar de Londres reçoit 60 demandes
par jour, et qu'une grande partie de la propriété bâtie de
la capitale figure dès à présent sur les registres fonciers.
18 Pour plus de détails, voir l'ar- cette loi de 1897 dans la i?eu-
ticle de M. Jacques Dumas sur •polit, et parlement., sept. 1898.
SECTION SIXIEME
DES BIENS POSSÉDÉS AU PROFIT D'AUTRUI
(Timts, fidéicommis).
CHAPITRE I
Caractères et développement historique
de l'institution.
Sommaire: 401. Notion et définition. — 402. Réserves mises parles cours
d'eguity aux droits de propriété reconnus at law. — 403. Libéralités aux
églises; moyen imaginé pour éluder les lois de mainmorte. — 404. Ex-
tensfon des i«v^A- en dehors de ce cas; la juridiction d'equity les prend
sous sa protection. — 405. Abus des lises ; Statute ofuses de Henri VIII.
— 406. Conséquences imprévues de ce statut.— 407. Interprétation qui
modifie l'efl'et du statut. — 408. Doctrine moderne ùesuseS and trusts;
légal estate; équitable estate. — 409. Terminologie moderne. — 410.
Biens auxquels ne s'applique pas le StaliUe of uses. — 411. Uses actifs ;
uses passifs.
401. — L'institution dont nous abordons maintenant
l'étude tient, dans le droit anglais, une place considérable
et n'a pas d'équivalent exact dans notre législation. La
langue juridique française n'a même pas, à vrai dire,
de terme qui corresponde au mot anglais trust. On tra-
duit souvent ce mot par celui de fidéicommis, qui, pris
dans son sens étymologique, en donne une idée assez
nette :1e trust est, en effet, un bien confié aux soins etàla
bonne foi d'une personne, au profit et pour l'usage d'une
autre. Mais le mot fidéicommis a généralement, en fran-
çais, une acception 'plus étroite : il désigne un bien
292 CARACTÈRES ET HISTORIQUE DES TRUSTS
dont le grevé ne jouit que pendant un temps donné et à
charge de Je transmettre intact au substitué appelé à en
jouir après lui. Or ce n'est pas là le caractère du trust;
jamais celui qui en a la garde et l'administration, jamais
le trustée ne peut tirer du bien aucun bénéfice ni profit
personnel; il n'en est investi, dès le début, que dans
l'intérêt exclusif de la personne qu'on désigne encore
sous la vieille expression normande de cestui que trust.
Le trustée tient donc, suivant la nature et l'objet spé-
cial du trust, du dépositaire, du mandataire, du commis-
sionnaire, de l'administrateur comptable de la fortune
d'autrui, bien plus que du grevé en matière de substi-
tution. Quant au cestui que trust, dans l'intérêt exclusif
et absolu duquel le trustée détient le bien, il a les pré-
rogatives d'un usufruitier ou d'un propriétaire utile, sans
que néanmoins il y ait identité entre ces situations et
la sienne. Dans ces circonstances, il nous paraît préfé-
rable de ne pas déguiser des situations sut generis sous
des dénominations empruntées àod'autres droits et mé-
diocrement exactes. Nous traduirons souvent trust par
fidéicommis. en prenant ce mot dans son sens gram-
matical et non dans le sens technique qu'il a en droit
français; mais nous conserverons à la personne investie
du trust et à celle pour qui elle le possède leurs noms
originaux de trustée et de cestui que trust.
402. — Antérieurement au roi Henri VllI, lorsqu'une
terre avait été donnée à une personne et à ses héritiers
et que le donataire avait été « saisi » du bien, — qu'il y
avait eu livery of seisin, — il possédait ce bien en fief
simple, sans autre formalité. Les cours de justice n'exi-
geaient de lui la preuve d'aucune considération, d'au-
cune circonstance expliquant ou justifiant l'acte dont il
CARACTERES ET HISTORIQUE DES T!WSTS 293
bénéficiait, proche parenté, contre-prestation, payement
d'un prix ou d'une rente, etc. Du moment qu'un proprié-
taire donnait volontairement sa chose et en investissait
le donataire, la libéralité était réputée parfaite et irré-
vocable; a( law, le donataire était désormais le véritable
propriétaire du bien. Il n'en était pas nécessairement de
même en equity. la cour de Chancellerie admettait, dans
certains cas, que le donataire, même mis en possession,
n'eût pas le droit de jouir pour lui-m^me du bien dont il
avait été investi, et, en conséquence, le forçait à n'user
de son titre légal de propriétaire qu'au profit d'une
autre personne, réputée avoir aux fruits du bien des
droits supérieurs aux siens.
403. — Dès la fin du règne d'Edouard 111 ', eneffet, avait
surgi une nouvelle espèce de droit immobilier, inconnue
en droit commun. Les lois de mainmorte prohibant les
donations d'immeubles aux couvents et à l'Église, les
jurisconsultes du clergé s'étaient avisés, pour les éluder,
du moyen suivant : le bien, au lieu de faire l'objet d'une
libéralité directe qui se serait brisée contre le texte for-
mel des statuts, était donné à un tiers, mais au profit [to
the use) de l'établissement religieux qu'on entendait gra-
tifier. Les chanceliers de l'époque, qui, eux aussi, étaient
généralement des clercs, déclarèrent ces fideicommisua
obligatoires pour la conscience et ordonnèrent, en cour
de Chancellerie, qu'ils fussent exécutés. Dès lors, on posa
en principe que, bien qu'en vertu des statuts les terres
De pussent faire l'objet d'un legs ad pias causas, un tes-
tateur qui avait inféodé des terres à son propre usage
et profit pouvait valablement disposer de cet usage
« St. 50, Ed. III. c. 6; I, Rich. II, c. 9; 1 Rep., 139.
294 CARACTERES ET HISTORIQUE DES TRUSTS
{use) dans l'intérêt des établissements incapables de re-
cevoir la propriété même.
404. — Dans la suite des temps, ces libéralités faites
avec personnes interposées devinrent très fréquentes,
même en dehors des cas où il s'agissait d'éluder les lois
de mainmorte. A l'époque surtout des longues guerres en
France et de la querelle des York et des Lancastre, les
familles trouvèrent dans ce procédé un moyen commode
de pourvoir les enfants par testament et de mettre leurs
propriétés à l'abri des confiscations, le propriétaire inves-
tissant de ses terres un homme de confiance, mais à son
propre profit à lui fieiïant. D'autre part, ce fut pendant
longtemps le seul moyen de disposer par testament, sinon
de la terre elle-même, ce qui était interdit, du moins de
l'usufruit de la terre. La cour de Chancellerie, qui ne
voyait pas les uses de mauvais œil, s'appliqua à en fixer
la doctrine, et l'institution, bien qu'étrangère au droit
commun,, ne tarda pas à prendre une importance tout à
fait prépondérante. Il arriva alors qu'<2^ law, devant les
tribunaux ordinaires, celui-là seul était considéré comme
propriétaire du bien qui en avait été directement investi
et saisi, tandis qu'en equity il pouvait arriver qu'on ne lui
reconnût aucun droit aux fruits et bénéfices découlant du
bien. La cour de Chancellerie, qui ne se permet jamais de
mettre la loi de côté, ne lui contestait pas son titre légal,
mais, dans l'exercice de sa juridiction sur les consciences,
l'obligeait à n'user de ce titre qu'au profit de ceux qu'on
avait entendu réellement gratifier par son entremise.
Ainsi, lorsque A donnait un bien à B au profit de C, ces
termes « au profit de... » {to the use of) obligeaient B en
conscience; s'il omettait de faire état à C des fruits du do-
maine, il se rendait coupable d'un abus de confiance, dont
CARACTERES ET HISTORIQUE DES TRUSTS 295
il n'était pas justiciable devant les tribunaux ordinaires,
— pour ceux-là, il avait seul toutes les prérogatives et toutes
les charges de la propriété, — mais que la cour de Chan-
cellerie ne manquait pas de réprimer : le roi, en cour de
Chancellerie, extorquait à B, sous serment, l'aveu des con-
ditions sous lesquelles le bien lui avait été confié et le con-
traignait à s'y soumettre. De là naquit la juridiction en
equittj. Du jour où C trouva auprès de la cour de Chan-
cellerie la protection que lui refusaient forcément les tri-
bunaux ordinaires, il devint le propriétaire tout au moins
en equitij : il eut le domaine équitable, le domaine utile,
B ne conservant qu'une propriété légale, dont aucun profit
ne compensait les charges.
405. — Ce genre d'opération, d'investissement de pro-
priétés immobilières au profit soit du propriétaire lui-
même, soit de tierces personnes, devint peu à peu si fré-
quent que la plupart des terres du royaume finirent par
être aliénées de cette façon, « pour le plus complet ren-
versement des vieilles lois communes de la monarchie^ ».
Le législateur se décida à couper court à une pratique qui
étaitdevenue abusive, et, après plusieurs tentatives d'amen-
dement, la supprima par le fameux Statute of uses (St. 27,
Henri VIII, c. 10). En vertu de celte loi. lorsqu'une per-
sonne se trouva saisie d'un héritage au profit d'une autre,
quel que fût le terme employé pour marquer qu'elle avait
un simple fidéicommis [use, confidence, trust), c'est la
personne appelée à recueillir les fruits et avantages de
l'héritage qui fut réputée légalement saisie et possession-
née dudit héritage, dans la mesure où auparavant elle
n'en avait que la jouissance. Selon l'expression technique,
2 Préambule du Stalutr o fuses [Si. 27, H.)nr. VIII, c. 10).
2% CARACTERES ET HISTORUjUE DES THiSTS
the usebecame converted inlo theland^ le droit de jouis-
sance fut converti en propriété. Ainsi, supposons que A
et ses héritiers fussent investis d'un bien au profit de B et
de ses héritiers; avant le Statute of uses, A aurait eu, en
droit commun, le bien en fief simple; depuis lors, il ne
servit plus que d'intermédiaire pour faire parvenir le bien
à B en la même qualité, et celui-ci se trouva non plus
seulement bénéficiaire mais propriétaire du fief, même at
latv. Supposons, en second lieu, qu'un bien ait été cédé par
N à A et à ses héritiers, sans aucune cause qui expliquât ou
justifiât celte aliénation [without any considération) ; avant
le Statute of uses, N, le disposant, aurait été réputé, dans
ce cas, avoir fait la cession à son profit ou, en d'autres ter-
mes, s'être réservé les fruits et avantages du bien et
n'avoir, en fait, transmis à A et à ses héritiers que le do-
maine légal, la nue propriété; depuis le Statute, N, ayant
conservé le use, fut réputé avoir aussi conservé par là
même la saisine et la possession légales du bien et n'avoir,
en réalité, rien transmis du tout à A, nonobstant l'appa-
rente livery of seisin qu'il lui avait faite : il reprend immé-
diatement ce qu'il avait donné.
406. — Le Statute of uses avait pour but d'extirper
complètement le système des uses, de supprimer ce par-
tage de la propriété entre un propriétaire apparent, privé
de tout bénéfice personnel, et un propriétaire utile, qui
recueillait tous les fruits. Il devait abolir la juridiction
de la cour de Ctiancellerie en matière de droits réels im-
mobihers, puisqu'il conférait immédiatement la propriété
en droit commun, à toute personne ayant, en equity, un
titre à la jouissance du bien.
Ce double but ne fut pas atteint. L'institution des uses
sembla, au contraire, prendre, après le Statute, un regain
CARACTERES ET HISTORIQUE DES TRUSTS 297
de vitalité, et la cour de Chancellerie retrouva très vile à
l'aide d'un détour sa précédente importance. De sorte que
le seul résultat final de la loi de Henri VIII fut d'intro-
duire dans les règles du droit commun quelques-uns des
principes appliqués dans les cours d'équité; ces principes
n'ont d'ailleurs jamais cessé de gagner du terrain en Angle-
terre, et la loi de 1873 sur l'organisation judiciaire, qui a
transféré à la Haute-Cour de justice les attributions des
tribunaux des deux ordres, dit expressément qu'en cas de
conflit entre les règles de droit commun et les règles d'é-
quité, ce sont, sauf exception formelle, ces dernières qui
doivent prévaloir'.
407. — Voici comment la cour de Chancellerie put
regagner son influence. Les cours de justice, ayant à
interpréter le Statute, décidèrent que si A, investi de la
propriété légale d'un domaine, devait le posséder au profil
de B, et B à son tour au profil de C, le statut transférait
bien la propriété légale à B, mais non au delà. Malgré
^évidente intention de celui qui avait aliéné le domaine,
d'en assurer en réalité les bénéfices à C, le second use
stipulé en faveur de C constituait ce qu'on appelait un
usufruit grefîé sur un autre, a use iipon a use ; et les juges
estimaient que le statut, après avoir déployé ses effets
en faveur du premier usufruitier, n'avait plus assez de
vigueur pour faire bénéficier le second de ses disposi-
tions. Cette interprétation peu logique, mais littérale-
ment correcte, fut consacrée par une jurisprudence
constante. Alors même que le premier use était concédé à
la personne investie de la propriété légale et que le bien
était transmis à A et à ses héritiers, au profil de A et de ses
3 St. 36 et 37, Vicl., c. 6<3, § 25, n-- II.
298 CARACTERES ET HISTORIQUE DES T.'iUSTS
héritiers, nulle concession d'usufruit au profit d'une autre
personne ne pouvait sortir d'effet. Ainsi, lorsqu'un bien
avait été transmis à A et à ses héritiers, to ihe use of A
and his heirs^ to the use of C and his heirs, les cours de
justice ordinaires refusaient de reconnaître aucun droit à C ;
car l'usufruit dont il se préyalait aurait été grefTé sur celai
de A, « use upon the use of A .
408. — C'est là que la cour de Chancellerie trouva
l'occasion d'intervenir, il était contraire à Vequity que C
fût frustré de tout droit sur un bien dont le disposant avait
eu certainement, en le nommant, l'intention de le faire
jouir. La cour obligea, en conséquence, A ou B, qui pre-
nait l'immeuble at laiL\ d'après les exemples donnés plus
haut^ à ne se considérer que comme le tenant pour le
compte et au profit de C. De là naquit la doctrine moderne
des usesatid trusts. Aujourd'hui, pour constituer un équi-
table eslate au profit d'une personne, pour lui assurer,
sous la protection des cours d'équité, la jouissance d'un
bien conféré, at law, à une autre personne, il suffît de
transmettre le bien à celle-ci, à son propre profit, au profit
{in trust) de la première. La propriété légale en fief simple
appartient alors, en vertu du Statute of uses, à la personne
appelée en première ligne to use, et le bénéfice réel de la
disposition est réservé à la personne appelée en seconde
ligne, au cestui que trust, en vertu de la doctrine de la cour
de Chancellerie.
Vestate en fief simple dont est investi le trustée porte le
nom de légal estate, parce qu'il n'a de valeur qu'aux yeux
des tribunaux de droit commun et n'en a aucune pour les
cours d'équité. A l'inverse, le droit de jouissance du cestui
que trust se nomme équitable estate, parce qu'il n'est re-
connu et protégé que par les cours d'équjtq. Aujourd'hui que
CARACTÈRES ET HISTORIQUE DES TRUSTS 299
!a division de Chancellerie de la Haute-Cour est chargée de
veillera l'exécution des fidéicommis publics et privés*, la
doctrine n'a pas changé : le trustée continue, en vertu de son
légal estate, à percevoir les fruits du bien, mais le cestui
que trust a le droit de le contraindre à lui en faire état.
409. — Il est à remarquer, au point de vue de la ter-
minologie, qu'aujourd'hui, dans les actes translatifs de
propriété, on se sert du vieux terme use lorsque l'on
entend que le cessionnaire ait tout à la fois la jouissance
et la propriété légales conformément au principe posé par
le Statuts of lises : le bien est transmis à A et ses héri-
tiers, to t/ie use of A and his heirs. Quand il s'agit au
contraire, de constituer un équitable estate au profit d'une
autre personne que l'acquéreur apparent, on se sert du
mot trust, qui se trouve avoir ainsi le sens donné à use
antérieurement à la loi de Henri VIII.
410. — Le Statute of uses ayant été expressément
promulgué en vue de supprimer la subdivision du droit
de propriété en matière de tènemenls et d'héritages, il
s'ensuit qu'il ne s'applique pas aux uses concernant toute
autre espèce de biens. En outre, comme le Statute par-
lait uniquement, à propos de tènements et d'héritages,
des personnes qui en étaient saisies au profit d'autrui
et que, au sens propre du mot, il ne peut être question
de saisine qu'en matière de francs-tènements, à l'exclu-
sion des possessions emphytéotiques et des copyJiolds,
on admit que la loi de Henri VIII était étrangère à tout
bien n'ayant pas le caractère d'un franc-tènement. Les
biens auxquels elle est réputée ne pas s'appliquer sont :
1" Tous les biens meubles, en général;
' St. 36 et 37, Vict., c. 66, §34.
3(X) DES EQUITABLE ESTATES
2° Les biens de nature mixte [impure personal pro-
perty), les chaltels real et les terres louées à long terme
[leasehold lands) ;
^^ Les copyhold lands^.
Ainsi, après comme avant le Statute of uses, si A est
investi de biens d'une de ces trois espèces au profit de
B, B n'acquiert point de légal interest sur ces biens;
c'est A qui conserve cet interest al law. Le seul change-
ment survenu depuis, c'est que, conformément à la ter-
minologie adoptée pour les francs-tènements, on a donné
désormais à ces uses le nom de trusts^. En principe, les
trusts de ces trois sortes de biens sont restés régis par les
mêmes règles qu'auparavant.
411. — Au surplus, même pour les francs-tènements,
le Statute ne s'appliquait qu'aux uses passifs. Il ne con-
cernait point les lises actifs, c'est-à-dire, imposant à la
personne investie du bien certaines obligations actives,
comme de vendre ledit bien et d'en répartir le prix d'une
certaine façon, de payer ses dettes, etc.''.
CHAPITRE II
Des fidéicommis ou équitable estâtes.
1
Détermination, création et aliénation
des équitable estâtes.
Sommaire : 412. Détermination du caractère propre de ï équitable cs'ate. —
413. — Mode de création ou de cession d'un équitable estate ; Statute
'• Sanders, On Uses and Trusts, ' Hayes, Introduction to conve-
5* éd., I. 249. yancing,ôi.
•■■ Gilbert, Treatise on Uses, 79.
DES EQUITABLE ESTATES 3Cil
of frauds. — 414. Biens auxquels s'applique ce statut. — 415. Cas où
le cestui que trust meurt iulestat. — 416. Cas où il est élranger ou
condamné. — 417. Aliénation volontaire ou forcée de Vestate. — 418.
Divisions des trusts.
412. — Lorsqu'il s'agit d'interpréter et de réglementer
un fidéicomniis, le principe général est que equity fol-
lows the law, l'équité suit la loi, c'est-à-dire, que la
cour de Chancellerie a adopté autant que possible pour
les équitable estâtes les règles appliquées en droit com-
mun aux /égal estâtes. Ainsi, un fidéicommis en fa-
veur de A sa vie durant, ou bien en faveur de A et de
ses descendants, ou de A et de ses héritiers, est con-
sidéré comme conférant à A un equUabe estate viager,
ou substitué, ou en fief simple. Mais le principe ne s'ap-
plique pas d'une façon pédante; les cours d'équité pro-
cèdent, s'il y a lieu, suivant les règles libérales en
harmonie avec les idées modernes. Elles ne tiennent
plus, par exemple, pour déclarer qu'un équitable es-
tate constitue un fief substitué ou un Oef simple, à ce
qu'on se soit servi de certaines expressions sacramen-
telle.s, si l'intention du disposant résulte clairement
des termes qu'il a employés; elles s'attachent plutôt
à ce que les parties se proposaient de faire qu'à ce
qu'elles ont fait en réalité, et considèrent même vo-
lontiers comme déjà accompli un projet définitivement
arrêté dans l'esprit des intéressés et qui n'e^t plus su-
bordonné, pour être également définitif en droit com-
mun, qu'à certaines formalités extrinsèques ou à certains
délais. Ainsi, un équitable estate en fief simple appartient
à l'acquéreur d'un fonds dés qu'il a signé le contrat d'a-
chat, pourvu que le vendeur ait eu le droit d'aliéner; par
conséquent, si cet acquéreur venait à mourir intestat
après la signature du contrat, Vestate passerait à son
302 DES EQUITABLE ESTATES
héritier légilime, et le vendeur serait un trustée pour le
compte dudit héritier jusqu'à ce qu'il lui ait régulière-
ment transnais le légal estate\
413. — En principe, un équitable estate ipeul être créé
ou cédé indépendamment de toutes formes ou paroles
sacramentelles. On ne tarda pas toutefois à reconnaître
le danger de ne confier qu'à la mémoire des disposi-
tions aussi compliquées que le sont souvent les fidéi-
commis, et les risques de fraude inhérents à la forme
purement orale. En conséquence, le Statuts of frauds
(St. 29, Car. II, c. 3) exigea pour certains fidéicommis
une constatation par écrit. D'après le § 7, toute con-
stitution de fidéicommis portant sur un immeuble, tène-
ment ou héritage, doit être constatée par un testament
ou tel autre écrit signé de la personne qualifiée en droit
commun pour faire le trusta c'est-à-dire, du bénéficiai
owner, de celui à qui appartient la jouissance du bien;
il n'y a d'exception à la règle que pour les fidéicommis
découlant d'une disposition de la loi ou transmis en
vertu d'une semblable disposition (§ 8). De même, tout
octroi ou toute cession d'un fidéicommis quelconque doit
faire l'objet d'un écrit entre vifs ou d'un testament signé
par le disposant ou cédant (§ 9). En pratique, on se sert
habituellement pour transférer un fidéicommis des formes
usitées en matière de légal estate ; mais ce n'est pas de
rigueur, pourvu qu'il y ait un écrit ^.
414. — La règle posée par le Statule of frauds s'ap-
plique non seulement aux francs-tènemenls, mais encore
aux copyhold lands, aux domaines loués à long terme et
aux chattels reaP. Elle ne s'applique pas aux biens meu-
» Sugden (lord St. Léonard), On - Sanders. Uses, 5e éd., 1,377.
V endors and Purchasers, iS' éd., ^ Forster c. Haie, 3 Ves, 696;
162. Uiddle c. E.nerson, \ Vern., 108.
DES EQUITABLE ESTATES 303
bles proprement dits*; du moins il a été jugé qu'ils ne
tombent pas sous le coup du § 7, mais Snell enseigne que
le § 9, vu la généralité de ses termes, fait loi pour les
meubles comme pour les immeubles ^
415. — Lorsque le cestîti que trust meurt intestat, son
équitable estate passe à ses héritiers suivant les mêmes
règles qu'un légal estate. Si, dans la même hypothèse,
il ne laisse point d'héritiers, Vestate en fief simple ne fait
pas retour au seigneur, par droit d'échette, comme ce
serait le cas d'un légal estate; car un fîdéinommis est une
simple création à'equity et non un sujet de tenure. En
pareil cas, le trustée conserve le bien, déchargé du fidéi-
commis qui le grevait; il en perçoit les fruits sans avoir
désormais à eu faire état à personne ; en d'autres termes,
il en devient l'unique et véritable possesseur^.
416. — Antérieurement au Naturalisation act de 1870
(St. 33 et 34, Vict., c. 14), il était de règle que, quand un
Anglais achetait un bien in trust pour un étranger, la cou-
ronne pouvait réclamer le bénéfice de l'acquisition, bien
qu'elle n'eût aucun droit si les terres avaient été données
pour être vendues au profit d'un étranger \ La loi de 1870
a mis, depuis, les étrangers sur le même pied que les An-
glais pour l'acquisition, la possession et la disposition des
biens-fonds.
En cas de haute trahison commise par le cestui que
trust d'un fief simple, son équitable estate était autrefois
' M' Fadden c. Jenkins, 1 Ph., 21.3; Beale c. Synionds, 16 Beav.,
157; Benbow c. Townsend, 1 My. i06.
et K., 506. 7 Barroïc c. Wadkin, 24 Beav.,
5 Principles of equity, 58. l ; Sharp c. St. Sauveur, L. R..
6 Sanders, Uses, 5» éd., I,3U2; 7 Ch. Ap., 343; Du IJourmelinr.
Burgess c. Wheate, 1 Wm. Black., Shfldon, 1 Beav., 10.
304 DES EQUITABLE ESTATES
confisqué par la couronne; mais la confiscation est au-
jourd'hui abolie dans ce cas *.
417. — Le propriétaire d'un équitable estate a le droit
de l'aliéner si bon lui semble. Uestate peut également être
vendu à la requête de ses créanciers, exactement comme
un esfate m laiv^ ; c'est notamment le cas en matière de
faillite du ceslui que trust. Mais la faillite du trustée ne
produit point d'effet analogue quant à lui : il demeure
investi de son légal estate, et cet estate ne passe point au
trustée qui représente ses créanciers*".
418. — Les fidéicommis ou trusts se divisent en trusts
simples et en trusts spéciaux ". Il y a trois espèces de
fidéicommis simples, c'est-à-dire dans lesquels le trustée
a !e leqal estate sous réserve des charges dont il est tenu
/ en equity : les fidéicommis exprès, les fidéicommis impli-
\ I cites, et les fidéicommis par induction [constructive). Les
premiers se subdivisent, suivant leur objet, en fidéicommis
d'intérêt privé [priva(e) et fidéicommis d'intérêt public
(public or charitable). Les deux dernières espèces présen-
tent de grandes analogies et sont souvent malaisées à dis-
tinguer l'une de l'autre. Les ^rws/s spéciaux sont ceux qui im-
posent au trustée une mission spéciale à remplir : trust for
sale, trust for payment of debts, etc., sans l'investir d'au-
cun estate par rapport aux biens que le trust concerne, ou
du moins en ne lui conférant queVestate strictement néces-
saire pour qu'il puisse s'acquitter de son mandat '^
Nous allons successivement passer en revue les diverses
variétés que nous venons d'énumérer.
" 1 Haie, Pleas of the Croivn, lo St. H2 et 33. Vict., c. 71, § 15,
249; St. 33 et 34, Vict., c. 23. al. 1.
9 St. 29, Car. II. c. 3, § tO; St. ,,, . _ „ , a,, aa;
m f^r. m - -7/ c-t o * r n M ''Lewin. On Trusts. \V édit.,
47, Geo. 111, c. 74; St. 3 et 4, Guil. 4a f ■
IV, c. 104 : St. 32 et.33, Vict., c. 46; P" ^^ ^^ ^^^''•
St. 38 et 39, Vict., c. 77, § 10. '2 Ib , 246, 256.
DES FIDEICOMMIS EXPRES 305
II
Des fidéicommis exprès.
Sommaire : 1. Fidéicommis exprès d'intérêt privé : 419. Définition. —
420. Fidéicommis exécutés ou simplement éventuels. — 421. Fidéicom-
mis à titre gratuit ou à titre onéreux. — 422. Fidéicommis frauduleux
ou de bonne foi. — 423. Conditions requises pour la constitution d"un
fidéicommis. — 424. Fidéicommis secret. — 425. Fidéicommis contrai-
res à la loi. — 426. Un fidéicommis ne peut être créé inaliénable et in-
.saisissable. — 2. Fidéicommis exprès d'intérêt public [charitable
trusts : 427. Faveur dont ils jouissent. — 428. Droit d'inspection ré-
servé au créateur du trust et à ses héritiers. — 429. Entraves appor-
tées à la création et à l'aliénation de trusta au profit de corporations.
1- — Fidéicommis exprès d'intérêt privé.
419. — Un fidéicommis est dit exprès, lorsque son
auteur a clairement fait connaître, par écrit ou de vive
voix, sa volonté de conférer un bien à une personne en vue
d'assurer à une autre tous les fruits et avantages prove-
hant de ce bien ou, en d'autres termes, de lui en assurer
le domaine utile {a bénéficiai interest in... or the bénéfi-
ciai owjiership of...).
Les fidéicommis exprès d'intérêt privé peuvent être de
diverses" sortes : 1" exécutés ou simplement éventuels; 2° à
titre gratuit ou à titre onéreux; 3° frauduleux ou de bonne
foi.
420. — Le fidéicommis exécuté est celui qui, après
avoir été définitivement « déclaré », c'est le terme techni-
que, par l'acte constitutif, n'exige, pour produire tous ses
effets, aucun acte ultérieur. Tel est le cas où l'acte consti-
tutif porte qu'un estate est transféré à A in trust for B et
où la transmission effective a lieu tout de suite après.
Un fidéicommis est simplement éventuel [executori/),
lorsqu'il y a seulement des instructions données en vue de
Lkiih. 20
306 DES FIDEICOMMIS EXPRES
la transmission du bien upon trust et que l'acte qui les
renferme n'opère pas par lui-même la transmission qu'il
ordonne. « Tout fidéicommis, a dit lord Saint-Laurent, est,
dans un certain sens^ simplem.ent éventuel, car il reste
toujours quelque chose à faire après que l'acte constitutif
à été parachevé. Mais ce n'est pas ce sens littéral que les
cours d'équité donnent au mot executory : elles considèrent
un fidéicommis comme exécuté lorsque le disposant a si
nettement précisé ses intentions qu'il ne reste plus qu'à les
réaliser en fait; le fidéicommis est simplement éventuel
dans toute autre circonstance, notamment lorsque le dis-
posant n'a fait connaître ses intentions qu'enfermes géné-
raux et que les cours d'équité sont appelées à les interpré-
ter afin de les rendre exécutables^^ ».
421. — Les fidéicommis peuvent être tout à fait béné-
voles [voluntary), constituer un acte de libéralité, ou bien
être créés moyennant une juste compensation, pour une
juste cause [for value, for valuable considération).
La question de l'existence ou de la non-existence d'une
valuable considération est importante en Angleterre. Un
fidéicommis peut être constitué à titre gratuit without con-
sidération; si la constitution en est correcte, il sortira son
plein etentiereffet nonobstant cette circonstance. Mais, lors-
que l'acte constitutif ou translatif contient un vice, il lie les
parties, en equity, s'il est fait /or valuable considération; il
ne les lie pas s'il est absolument gratuit et bénévole. L'ex-
pression de considération Qsi^ du reste, passablement élas-
tique. Anciennement, la règle était, même en equity, que
la plus minime justification ou contre-prestation suffisait
pour autoriser l'investi à retenir à son profit le bien qui
13 Egerton c. Brownlow, 4 H. of L. Ga., 210.
DES F1DE4C0MMÎS EXPRES 307
lui avait élé conféré**; pour que le use fût réputé faire
retour et demeurer au constituant, il fallait que la transmis-
sion ait eu Xxewivithout anij considération, en l'absence de
toute cotisideration quelconque. Aujourd'hui, la cour de
Chancellerie ne s'astreint plus à cette règle : elle n'accorde
ou ne refuse pas son assistance, simplement suivant qu'il
y a, ou non, une considération illusoire ou nominale ;par
exemple, la traditionnelle five shillings considération, le
versement parl'investi d'un prix dérisoire de cinq shillings.
Il faut, quand la considération ne paraît pas suffisante,
que le gratifié soit en mesure d'établir que le disposant
entendait lui faire une libéralité; s'il ne fournit pas cette
preuve, le disposant conserve les fruits du bien, encore
que l'acquéreur reste investi de Vestatc légal qui lui avait
été conféré '°.
422. — Une constitution de fidéicommis peut être enta-
chée de fraude ou faite de bonne foi, et, par conséquent,
frappée ou non d'inefficacité. Serait nulle, d'après le St.
13,Eliz., c. 0, une aliénation collusoire faisant fraude aux
droits des créanciers ; mais ne serait pas considérée comme
collusoire et frauduleuse une aliénation faite moyen-
nant une good cojisideratioîi, et de bonne foi, en faveur
d'une personne ignorant, elle aussi, que l'opération est
préjudiciable à des créanciers. Le statut ne déclare pas
nulle toute aliénation îipon trust, uniquement parce qu'elle
serait gratuite et encore que le disposant eût des dettes
au moment où il la fait ; il ne frappe que les actes frau-
duleux, et, ceux-là, il les frappe même au cas où le dispo-.
sant ne serait pas par là devenu insolvable. C'est une
1* Sanders, On Uses, I, 59, 62. cpr.,surles diverses sortes de con-
i^SneW, Frinciplesofcquiti/,b'^: siderations, infrà, n<>* 69[ et suiv.
308 DES FIDEICOMMIS EXPRES
question de fait, que le juge est appelé à résoudre dans
chaque hypothèse donnée '®.
Un autre statut du même règne (St. 27, Eliz., c. 4)
déclare également nuls et de nul effet les actes qui seraient
faits en fraude des tiers acquéreurs ou créanciers mort-
gagistes ".
423. — Ainsi qu'on l'a déjà vu plus haut, la constitu-
tion d'un fldéicomrais n'est subordonnée aujourd'hui à
aucune forme sacramentelle: il suffît que de l'ensemble des
circonstances il résulte que les parties avaient réellement
l'intention d'en créer un. Il est parfois assez difficile, spé-
cialement lorsqu'il s'agit d'interpréter un testament, de
déterminer si cette intention existe ou non. D'après lord
Langdale '*, lorsque la propriété d'un bien est donnée à
quelqu'un sans réserve et que le donateur formule en
même temps à l'adresse du donataire la recommandation,
l'invitation ou le souhait qu'il dispose de cette propriété
au profit d'une autre personne, on estime, en principe,
que cette expression de ses désirs implique création d'un
fidéicommis: 1° si les termes dont il s'est servi ont, malgré
leur apparence de simple prière, un caractère impératif,
au fond, et certain, vu la manière dont il lésa employés;
2° si l'objet sur lequel porte la recommandation est cer-
tain ; 3° si les personnes appelées à recueillir le bénéfice de
la recommandation sont certaines aussi. Ces trois condi-
tions constituent ce que les jurisconsultes anglais appellent
les trois ceriitudes [the three certainties). Supposons, par
exemple, que N donne mille livres à A, en exprimant le
désir ou la recommandation qu^à son tour A donne, à sa
^''SlOTy, Equity Jurisprudence, '^ Cpr., sur tous ces points,
362; May, On volontary conve- Snelï^ Princ. of eguity, SO et suiv.
yances, 11. i8 cité parSnell, 103.
DES FIDÉICO.M.MIS EXPRES 309
mort, la même somme ou une somme moindre à B; on
considérera B comme appelé cà recevoir une libéralité de
la part de N, et A comme trustée pour B ; dans ce cas, il
n'y a d'incertitude ni sur l'intention réelle de N, ni sur la
somme grevée de fidéicommis ni sur la personne gratifiée.
Lors, au contraire, que l'une des trois certitudes hil
défaut, il n'y a pas de fidéicommis. Tel serait le cas où
des termes employés il ne résulle pas qu'en réalité
le testateur a entendu imposer la charge au premier
légataire; où le chiffre du fidéicommis ne serait pas précisé
ou serait laissé au pouvoir discrétionnaire du légataire;
ou bien où les personnes substituées ne sont pas désignées
avec une netteté suffisante. Cette doctrine a été confirmée
par de nombreux arrêts ''.
424. — Lorqu'un testateur confie des biens meubles
ou immeubles à un trustée, ou lègue des effets mobiliers
à son exécuteur testamentaire, sans en octroyer expressé-
ment la jouissance à cet exécuteur ou trustée, ou en décla-
rant nettement qu'il entend ne pas la lui abandonner, le
bénéficiai interest se trouve sans destinataire, et il est
indispensable que le testateur co/npléle ses dispositions à
cet égard par un acte ultérieur, valable comme testament.
En d'autres termes, un fidéicommis secret [secret trust),
déclaré seulement de vive voix ou dans un écrit ne réunis-
sant pas les conditions de validité d'un testament, serait
entaché de nullité, et les biens dont le testateur entendait
en faire l'objet passeraient tout simplement à l'héritier ou
au légataire universel sans nulle charge^".
425. — Biôn qu'en général les cours d'équité s'effor-
>9 Même ouv., p. 105 et suiv., \.M; Mucklestonc. Broion,Ç)\GS.,
notes. 52.
2" Adlington c. Cann, 3 Atk.,
310 DES FIDÉICOMMIS EXPRÈS
cent d'assurer l'accomplissement des intentions du dispo-
sant, encore faut-il que l'objet du fidéicommis ne soit pas
contraire à la loi. Ainsi, un tmst qui serait arrangé de
façon à être perpétuel ne serait pas plus validé par elles
que s'il s'agissait d'un légal estate'^K Ainsi encore, un
fidéicommis subordonné à la condition que tous les reve-
nus du bien fussent accumulés pendant un temps plus ou
moins long [trust for accumulation of rents) ne serait
maintenu que pour la durée de la vie de personnes actuel-
lement existantes, et vingt et un ans en sus; si l'accumu-
lation était prescrite pour une période plus longue, \e trust
serait nul in toto et non pas seulement /?ro tanto'^'^. Le
Thellusson act a encore raccourci la période d'accumula-
tion permise; mais, si elle est dépassée, l'acte vaut,
depuis cette loi, jusqu'à concurrence de la période auto-
risée'^^
426. — En général, il n'est pas permis de subordon-
ner la création d'un fidéicommis à la condition que le
cestui que trust n'aUénera pas le fonds et que ses créan-
ciers ne pourront le saisir. Cet eslate, du moment que le
cestui que trust en est investi, ne peut pas, le cas échéant,
échapper aux légitimes revendications de ses créanciers ■^^
Mais le fidéicommis peut être constitué sous la condition
d'être dévolu à un tiers, au moment même où le premier
bénéficiaire voudrait s'en défaire ou tomberait en faillite
ou en déconfiture.
2' Duke ofXorfolk's case, 3 Ch. ^3 St. 39 et 40, Geo. III, c. 98 ;
^^^■, 20. Craicley c. Crawley, 7 Sim., 427;
22 Marshall c. Holloway, 2 Sw., Att.-gen. c. Poulden, 3 Hare, 555.
i92; Broughton c. James, l U. ^i^ Snotvdon c. Ualcs. 6 Sim.,
of L. Cas., 406. 524; Graves c. Dolphin, 1 Sim . , 66.
DES FIDEICOMMIS EXPRES 311
2. — Fidéicommis exprès d'intérêt public
{Charitable trusts).
427. — Les établissements de bienfaisance ou d'uti-
lité publique sont de la part du législateur anglais Tobjet
d'une faveur méritée, et les libéralités qui leur sont des-
tinées jouissent, à ce litre, de certaines facilités refusées
aux donations à des particuliers.
Ainsi, 1° si un testateur, tout en exprimant très nette-
ment son intention de Faire un legs à destination chari-
table, omet de préciser la manière dont il entend réaliser
cette intention, la cour de Chancellerie peut suppléer à
cette omission, de façon à donner effet à sa libéralité
projetée"; dans un cas semblable, un particulier perdrait
le bénéfice de la disposition, faute d'un objet certain.
Mais, pour qu'il en soit ainsi, il faut que l'objet de ladite
libéralité soit nettement charilable : il ne suffirait pas que
le legs fût fait vaguement en faveur d'un objet d'intérêt
général ou d'utilité publique, ou même d'un objet soit
charitable, soit autrement utile : le legs doit avoir une
destination exclusivement charitable et assez définie pour
que la cour soit en mesure d'en assurer l'exécution selon
les vues probables du disposant. Serait nul un legs fait à
des trustées pour être aiïecté par eux à telles œuvres pies
ou charitables qu'il leur plairait désigne^'^
2° Lorsque le donateur jouit de la capacité de dis-
poser et possède réellement un estalc, la cour supplée
aux défectuosités que peut présenter l'acte constitutif
du trust, pourvu qu'il ne présente rien de positivement
contraire à la loi. Si l'acte était au profit d'un particu-
25 Pocock c. Att.-gen., L. R., 3 119, et les nombreux arrêts cités
Ch. Div.,342. par lui, note b.
26 Cpr. Snell, Princ. of equity,
312 DES FIDRICOMMIS EXPRES
lier, les mêmes défectuosités empêcheraient la constitu-
tion du fidéicommis, spécialement d'un fidéicommis à
litre gratuit^\
3° Lorsqu'une personne fait, entre vifs ou par testa-
ment, une libéralité valable en elle-même et exprime en
termes généraux l'intention que cette libéralité reçoive
une destination charitable, mais sans spécifier sous
quelle forme et au profit de quelle œuvre, la cour prend
sur elle d'accomplir l'intention du donateur en désignant
à quel objet la libéralité doit être affectée. Dans toute
aulre circonstance, si le bénéficiaire du trust était in-
suffisamment désigné, le donateur serait réputé avoir
entendu réserver à lui-même et à ses ayants-cause
les profils et avantages du bien aliéné^* {resulting trust)^
D'autre part, lorsqu'une personne constitue un bien
ou les revenus d'un bien à des objets qui, à ce moment-
là, absorbent tout le bénéfice dudit bien et que, plus
tard, il se produit un excédent de revenus, la cour, s'il
s'agit d'un charitable trust, alloue cet excédent à l'oeuvre
qui bénéficiait déjà du montant originaire, alors qu'entre
particuliers cet excédent appartiendrait [resuit) au dona-
teur ou à ses ayants-cause". Il n^ a d'exception à cette
règle qu'autant que le donateur a pris soin de limiter
expressément le montant de sa libéralité: dans ce cas,
l'excédent, s'il s'en produit un, appartient, suivant les
circonstances, aux ayants-cause du donateur ou au
donataire grevé de la charge.
428. — La personne qui fonde un établissement de
2' Story, Eq. jurisprudence, 2» Thetford school case, Rep.,
1171 ; ^ayer c. Sayer, 7 Hare, 377. 1.30 b; Beverley c. Att.-gen., 5 H.
2» Att.-gen. c. Henrick, Amb., of L. Cas., 310; Att.-gen. c. Mar-
712; Att.-gen. c. Tonna, 2 Ves. chant, L. R.,3 Eq., 424.
jr., 1.
DES FIDÉICOMMIS IMPLICITES 313
charité et ses héritiers en sont de droit les inspecteurs,
quand il n'y en a pas d'autres nommés, et ils ont à
ce titre la haute main sur le régime intérieur de la
maison^". A défaut d'héritiers du fondateur, l'inspec-
tion passe à la couronne, représentée pour les corpora-
tions civiles, par le Banc du Roi et, pour les eleemo-
sijnary corporations, par le ChanceHer^'. Mais la cour
de Chancellerie a toujours le droit d'intervenir en cas de
mauvaise gestion, ou pour veiller à ce que le but de la
fondation soit atteint et les fonds dûment appliqués à
leur destination; c'est elle au?si, lorsqu'il y a plusieurs
trustées, qui fixe le nombre auquel ils peuvent délibérer
valablement^-'.
429. — Un fidéicommis immobilier ne peut être
déclaré au profit d'une corporation que moyennant une
autorisation de la couronne ^^ De même, des corporations
civiles ne peuvent aliéner leur propriété in trust sans le
consentement des lords de la Trésorerie, car elles sont
elles-mêmes trustées de leurs biens dans un intérêt public '',
m
Des fidéicommis implicites
{Implied and resultin;/ trusts).
Sommaire : 430. Définition. — 431. Exemples.
430. — Un fidéicommis est dit implicite, lorsqu'il se
fonde sur l'intention simplement présumée de son auteur.
Une variété de fidéicommis implicites porte le nom de
30 All.-gen. c. Gaunt, 3 Sw., 148 ; School, 18 Beav., 256 ; Lewin. 299.
Att.-gen. c. Hall, Jac, 392. ^3 gheppard, Touchstone, 509.
3« Lewin, On Trusts, 495. 3* St. 5 et 6, Guill. IV, c. 76,
32 Att. - yen. c. Sherborne § 94.
314 DES F[ DE 1 COMMIS IMPLICITES
fîdéicommis sous réserve [resultiny J,nists) ; mais tous leS
fidéicommis implicites n'ont pas ce caractère spécial.
431. — Voici quelques exemples de fîdéicommis im-
plicites :
l"!! est, en droit commun, une règle d'après laquelle,
quand une personne est investie d'un bien without any
considération, la personne qui l'en a investie est réputée
avoir entendu se réserver les fruits, le use^ dudit bien'. De
même en equity^ lorsqu'une personne avance des fonds
pour l'achat d'une propriété destinée à être transmise et
cédée à une ou plusieurs autres, elle jouit d'un resulting
/rM5/ sur ladite propriété '^'\ Toutefois, si l'achat a été fait
par un père au nom de sonenfanl,la présomption est qu'il
entendait le pourvoir ; et un resullinq trust ne prend nais-
sance en sa propre faveur qu'autant qu'en fait l'enfant se
trouvait déjàintégralement pourvu ^^ La même règle s'ap-
pliquerait à un achat fait au nom de la femme ou du petit-
fils de l'acheteur, mais non dans le cas d'un simple
neveu '".
2° Lorsqu'une personne dispose d'une propriété entre
vifs ou par testament et crée un fidéicommis pour une
partie des revenus de cette propriété, elle est réputée s'être
réservé, pour elle et ses ayants-cause, la jouissance de
l'excédent desdils revenus; il existe, en sa fav^eur, un
resulting trust dans la mesure de cet excédent.
3° En vertu de la maxime: equity follows the laiL\ les
dispositions qui confèrent at laio un bien en tenure con-
jointe, ont, en principe, le même effet en equity; de sorte
que, quand deux ou plusieurs personnes achètent ensemble
33 i)î/er c. Dyer, 1 L. C, 223. ^"^ Kingdomec. Bridges, 2Vern.,
^^ Sidûiouthc.Sidmouth, ZBeaw, 67, 683; Langfield c. Hodges,
454 : Grey c. Grey, 2 Swanst., Lofft, 230.
600.
DES FIDEICOMMIS IMPLICITES 315
des terres, avancent le prix par portions égales et se font
transférer le bien à elles-mêmes et à leurs héritiers, elles
sont tenancières conjointes en eç'wzVy comme a/ /«<o, et, l'une
d'elles venant à mourir, W^state passe aux autres, par droit
de survivance ^^ Mais Vequitij, se fondant sur le principe
que c'est l'égalité qui constitue la véritable équité [equality
is equity), n'est pas favorable'aux tenures conjointes, l'éga-
lité étant bien mieux observée si chacun reçoit définitive-
ment, pour lui et les siens, une part proportionnelle à sa
mise que s'il a simplement, en cas de survie, la chance de
prendre le tout, compensée, en cas de prédécès, par la
chance de perdre le tout. Aussi les cours d'équité s'empa-
rent-elles de toute circonstance permettant d'induire que
les communistes entendaient simplement posséder la chose
m commoji, et elles considèrent celui ou ceux d'entre eux
qui exercent sur la chose leur droit de survivance comme
des trustées pour le compte des représentants légaux de
leurs consorts prédécédés. C'est notamment ce qui arrive
quand les personnes qui achètent ensemble un bien four-
nissent le prix d'achat par portions inégales", ou lorsque
plusieurs personnes avancent simultanément de Pargent
sur un même mort-gage *°, ou quand l'achat commun
constitue un acte de commerce : jus accrescendi inler
mercatores pro hnieficio conuncrcii locufu non hahel ^'.
38 Littleton, Tenures, 280; cpi-. ftobinson c. Preston, ^ K. et J.
o"» 484 et suiv., et 491 et suiv. 505.
^^Lakec. Gibson, J L. C, 198. •' J<-ff-ere s c. Small, 1 Veni.,
10 Morley c. Bivd. ?, Ves., 631 ; 217.
316 DES FIDÉICOMMIS PAR INTERPRETATION
IV
Des fidéicommis par interprétation
ou par induction
( Constnictive trusts).
Sommaire : 432. Définition. — 433. Exemples : équitable lien.
432. — Le fidéicommis par interprétation ou par in-
duction est, à la différence des fidéicommis exprès ou
implicites, celui qui naît d'une simple interprétation
d'equity, sans s'appuyer sur la volonté ni expresse ni pré-
sumée des parties.
433. — En voici les principaux exemples :
1° Equitable liens. — Un lien n'est pas, à proprement
parler, un jus in re, un droit réel sur la chose d'autrui, et
pourtant, c'est plus qu'un jus ad rem, un simple droit per-
sonnel à propos de la chose : c'est un droit [charge] qui
grève la chose, aux yeux des cours d'équité seulement;
inférieur à ce point de vue aux rent-charges légales, qui
constituent un véritable démembrement de la propriété.
Nous passerons en revue, aux n°^ 562 et suivants, les cas où
il y a un lien.
2° Lorsqu'un trustée renouvelle un bail en son propre
nom et, en apparence, pour son propre compte, ce bail,
même sur le refus formel du bailleur de consentir un nou-
veau bail au cestuique trust, est réputé tenu par le trustée
à titre de fidéicommis au profit de la personne qui était au
bénéfice du bail antérieur'^ De même, lorsqu'un associé
renouvelle en son propre nom un bail concédé antérieure-
ment à la société dont il fait partie, il est réputé trustée
''-Keech c. Sandford,i I.. C.,46.
DES FIDEICOMMIS SPÉCIAUX 317
du bail pour ladite société *^ La même règle s'applique,
en général, à toute personne se trouvant vis-à-vis d'autres
dans des relations « fiduciaires ou quasi-fiduciaires** »,
c'est-à-dire, investie d'un mandat de confiance, exprès ou
tacite.
3° Lorsqu'un copropriétaire répare le bien commun, un
lien ou un trust par induction naît en sa faveur à raison
de ses impenses'*; il en est (ie même pour le tenancier à
vie ou à volonté qui termine à ses frais des travaux d'une
utilité permanente commencés par son auteur sur le do-
maine**.
4° En cas de décès ab intestat d'un créancier investi
d'un mort-gage, \e légal estate^SiSse à son héritier; mais,
Veslate mortgagé n'étant, en eqiiity , qu'une sûreté pour
l'argent prêté au débiteur, l'héritier en est réputé simple
trustée "^onv le compte de ceux qui sont appelés à recueil-
lir la créance dans la succession du défunt *\
V
Des fidéicoramis spéciaux
Sommaire: 434. Trv.st for mie. — 435. Tmst foy^ paymcnt of debts.
434. — 1° Trust for sale. — Le trustée à qui un bien
est confié pour être vendu est tenu d'accomphr son man-
dat dans un délai raitfonnable et en ayant égard aux di-
vers intérêts de ses mandants. Ce timst n'implique pas
le droit de louer ou de mortgager le bien'*; mais le trus-
'•^Cleggc. Fishicick,i'S{ac.e\G., Stu., 552; 30 Beay., Reports, -iGS.
294 : Bell c. Barn,'U,2l\y.R.,ii9. " Thornbrough c. Baker, 2 L.
»* Snell, Princ. ofeq., 142. G., 1046.
*5 Lake c. Gibson, 1 L. C, 198. ^^ Keaiing c. Keating, LI. et G.,
*B Hibbert c. Cooke, 1 Sim. et 1.33.
318 DES FIDÉICOMMIS SPECIAUX
tee a tous pouvoirs de vendre en bloc ou par lois, aux en-
chères ou de gré à gré (Si. 44 el 43, Vict., c. 41, § 35). A
l'inverse, le pouvoir de mortgager n'implique pas celui
de vendre*^ En général, le cesUii que trust doit signer
avec le trustée le reçu à donner à l'acquéreur"".
Le trustée for sale n'a pas le droit de se porter acqué-
reur des biens qu'il est chargé de vendre, de peur que
son devoir ne se trouve en conflit avec ses intérêts^'. S'il
raéconbaît cette règle, le cestui que trust a la faculté de
reprendre le bien, à moins qu'il n'ait confirmé l'opération;
seulement il est tenu de se pourvoir à cet effet devant
une cour d'équité dans un délai raisonnable^-.
435. — 2° Trust for payment of debts. — Dans les
fidéicommis au profit des créanciers, il y a lieu de distin-
guer entre les commerçants et les non-commerçants. Un
non-commerçant peut constituer tout ou partie de ses
biens en fidéicommis au profit de tous ses créanciers ou
de quelques-uns d'entre eux, sous la double condition de
ne pas agir d'une façon frauduleuse et de n'être pas déclaré
insolvable et mis en prison dans les trois mois après la
constitution ".
Lorsque le constituant est commerçant, toute aliénation
faite en fraude des droits de ses créanciers ou de quelques-
uns d'entre eux est un acte de banqueroute. iMais un com-
merçant aurait le droit de transmettre à des trustées l'en-
semble de ses biens au profit de l'ensemble de ses créan-
ciers, pourvu qu'il ne soit pas mis en faillite dans les trois
'9 Drake c. Whitmore, 6 de G. "^ Campbell c. Walker, 6 \es.,
et Sm., <;i9. 681 ; Baker c. Ueid, 18 Beav., 398.
6" Fortes c. Peacock, 12 Sim., 5:! Estwick c. Cailland, 5 T. R..
521
420 ; St. 1 et 2, Vict. , c. 110, § 59 :
«» Lewin. On Trusts, 11^ éd., Jackson c. Garnett, 2 Q. B., 881:
p. 551. Dullen c. Morrlson, 17 Ves., 167.
DES rnUSTEES ET DES CESTUIS QUE TRUST 319
mois qui suivent et que les trustées signent tous le deed
dans la quinzaine en présence d'un attorney^''.
Un t7mst for creditors, s'il n'est fait que pour la conve-
nance du constituant et n'a encore été communiqué à aucun
des créanciers, est révocable à volonté ; il cesse de l'être
dès que les créanciers en ont été informés par le consti-
tuantou par \Qt7mstee'^. Le //7^5^ fait à l'insu des créanciers
n'a d'autre objet que d'indiquer aux trustées commeui le
constituant entend qu'ils appliquent les revenus du bien
dont il lésa avestis à son propre proût"^.
CHAPITRE 111
Des trustées et des cestuis que trust.
Sommaire : 436. Capacité requise pour être trustée. — 437. Désignation
d'un trustée par la cour ; pleins pouvoirs de la cour à cet efl'et. — 438.
Obli;.^ation pour le trustée de remplir les fonctions qu'il a acceptées ;
difficulté de s'en faire relevier; loi de 1881. — 439. Interdiction de délé-
guer ses fonctions; exceptions à la règle. — 440. Charges et prérogatives
du trustée. — 441. Manière dont il doit remplir ses fonctions ; responsa-
bilité. — 442. Il n'a droit à aucune rémunération. — 443. Il ne peut
retirer aucun avantage personnel du fonds qu'il administre. —
444. Règles analogues pour les constructive trustées. — 445. Cotrus-
tees, coexécuteuf. — 446. Devoirs des trustées en matière de place-
ments. — 447. Recours du cestui que trust contre le trustée. — 448.
Hesponsabilité subsidiaire de l'acquéreur en cas de trust for sale,
abrogée par les lois récentes. — 449. Nature des droits du cestui que
trust. — 450. Droit des créanciers du cestui que trust.
436. — Il est utile qu'un trustée ait la capacité requise
pour prendre et tenir le légal cstate et pour exécuter
le fidéicommis. Toutefois, si une femme mariée ou un
mineur est peu qualifié à cet égard, il n'y a pas d'obsta-
8v st. 12 et 13, Vict., c. lOG, §§ 655; Nicholson c. Tutin, 2 K. et
67 et 68. J., 18.
es May, On voluntary con-
65 Wilding c. Richards, 1 Coll., veyances, 397.
320 DES TliUSTEES ET DES CESTl'lS QUE TRUST
cle légal à ce que ces fondions lui soient confiées. Lors-
qu'un trustée est atteint de démence, le lord chancelier
ou la division de Chancellerie de la Haute-Cour a le droit
de confier à d'autres personnes la gestion du fidéicom-
mis '.
Naguère les étrangers ne pouvaient être trustées en
Angleterre; le Naiuralisatio7i actde 1870 (Si. 33 et 34,
Vicl., c. 14), §2, les a mis, à ce point de vue, sur le
même pied que les nationaux.
437. — Il est de principe dans les cours d'équité que,
lorsqu'un fîdéicommis existe, exprès ou légal, et qu'il
n'y a personne pour l'exécuter, Vequily « suit le légal
eslate » : la personne investie de cet estate esl chargée par
la cour de l'exécution du fidéicommis. Jamais une cour
d'équité ne reste en échec faute d'un trustée: quand il
n'y en a point ou plus, elle en nomme un ou pourvoit
elle-même au nécessaire, qu'il s'agisse d'un private ou
d'un charitable trust ^; elle a pleins pouvoirs à cet
égard.
A vrai dire, les trustées sont de simples machines agis-
sant suivant l'impulsion des cours d'équité, et ils ne s'é-
cartent qu'à leurs risques et périls des instructions
qu'elles leur donnent. En même temps, ils sont subor-
donnés au cestui que trusta qui peut les contraindre en
justice à accomplir les divers devoirs de leur charge ou
leur faire interdire tel acte qu'il jugerait abusif *.
438. — Le trustée qui a accepté ses fonctions ne peut
ensuite les répudier. Il a simplement la faculté de s'en
faire relever ou par une cour d'équité, ou conformément
» St. 13 et 14. Vict.,c. 60: 15 et 2 Cpr. Williams, Real prop.,
16, Vict., c. 55; .36 et .37, Vict.. c. 19^ édit., p. 178, notes o a r.
6 ; .38 et 39, Vict., c. 77, § 7. s Lewin, On Trusts, 613.
DES TliiSTEES ET DES CESTUlS QUE TliUST 321
■aux dispositions de Vaole constitutif, ou du consentement
de /0W5 les intéressés qui soni sut jiiris^. S'il s'adresse, à cet
effet, à une cour d'équité, elle ne le relèvera pas de ses fonc-
tions uniquement parce qu'il en aura exprimé le désir.
Quant au troisième moyen d'obtenir sa libération, il soulève
<ie grandes difficultés ; car le trustée arrivera rarement à
prouver que tous les cestuis que trust sont sui juris ou
même en vie, et, par conséquent, à justifier de leurconsen-
tement unanime.
Le trustée est réputé avoir accepté ses fonctions, soit
lorsqu'il a posé sa signature au bas de l'acte constitutif
du fidéicommis, soit Jorsqu^à défaut d'une acceptation
expresse il a fait certains actes qu'il ne pouvait accom-
plir qu'en celte qualité.
Le Coïiveya7icing and law of properttj act de 1881 (St.
44 et 45, Vict. , c. 41), § 31, a apporté quelques tempéra-
ments à ces règles rigoureuses. Aujourd'hui, lorsqu'il y
a plusieurs trustées et que l'un d'eux meurt, ou s'absente
du Royaume-Uni pendant plus d'un an, ou, tout simple-
ment, désire être relevé de ses fonctions, les trustées res-
tants peuvent, s'ils le jugent opportun, nommer pour
prendre sa place une ou plusieurs autres personnes; par
conséquent, augmenter à cette occasion, s'il y a lieu, le
nombre des trustées. Toutefois, hormis le cas où il n'y a
eu qu'un seul trustée à l'origine, un trustée ne peut se
faire relever de ses fonctions qu'autant qu'il en reste en-
core deux pour exécuter le fidéicommis.
439. — L'office de trustée étant tout de confiance per-
sonnelle, il s'ensuit qu'il ne saurait être délégué. Le
trustée qui assume la gestion d'une propriété pour le
compte d'autrui, n'a nullement le droit de s'en décharger.
♦ 76., 204.
Lkhr. 21
322 DES TRUSTEES ET DES CESTUIS QUE TRUST
sur d'autres, et, s'il le fait, c'est à ses risques et périls".
S'il a été expressément autorisé à se substituer un rem-
plaçant, il est clair qu'en usant de cette faculté il n"en-
coart aucune responsabilité. D'un autre côté, le trustée est
en droit de déléguer ses fonctions lorsque, suivant la mar-
che ordinaire des affaires, il y est moralement contraint;
ainsi, un exécuteur testamentaire qui, demeurant à Lon-
dres, a des dettes à acquitter dans le Suffolk et envoie
dans ce but des fonds à son coexécuteur, est réputé recou-
rir à l'entremise de ce dernier par nécessité et faute de
pouvoir procéder différemment; il ne pourrait, dès lors,
être recherché de ce chef si la personne qu'il a chargée
de la commission est de celles auxquelles, dans un cas
semblable, il n'aurait pas hésité à confier de l'argent pour
son propre comple^
440. — En principe, le trustée a toutes les préroga-
tives et toutes les charges du légal estais ; il peut aliéner
le bien entre vifs ou par testament comme tout autre pro-
priétaire. Toutefois, ce n'est pas lui qui vote pour les élec-
tions au Parlement; c'est le cestui que truU'' . S'il est en
faillite ou insolvable, le bien ne tombe pas dans la masse^
Le real estate appartenant au trustée peut être saisi par
voie d'elegit en suite d'un jugement rendu par une cour
de droit commun ; mais le cestui que trust n'a qu'à s'adres-
ser à une cour d'équité pour mettre le bien à l'abri des
poursuites*.
Un fîdéicommis n'est pas sujet à échette ni à confîsca-
B Turner c.Corney, 5 Beav., 517; 57 ; 5 et 6, Vict., c. 116, § 1; 7 et 8,
Eaves c. Hickson, 30 Beav., 136. Vict., c. 96, §§ 4, 17; 12 et 13, Vict.,
B Joyc. Campbell, 1 Sch. et Lef., c. 1C6, §§ 141, 142.
311 ; ex parteBelchier, Amb., 219. ^ Finch c. Winchelsea, 1 P. Wms,
7 St. 6, Vict., c. 18, § 74. 277; Langton c. Hor'.on, 1 Rare,
> St. 1 et 2, Vict., c. 110, §§ 37, 560.
DES TRUSTEES ET DES CESTCIS QUE TRUST 323
tion à raison de la mort sans héritiers ou de la condam-
nalion du trustée. La cour de Chancellerie, dans ces cas,
se contente de nommer un nouveau trustée Qn son lieu et
place*".
441. — Les trustées^ qu''ils soient, en outre, exécu-
teurs testamentaires ou qu'ils ne le soient pas, sont tenus
d'apporter à leur gestion les soins qu'un homme d'une
prudence ordinaire donne à ses propres affaires. Lors-
qu'ils ont satisfait à ce devoir, ils ne sont pas responsa-
bles de pertes accidentelles; par exemple, d'une sous-
traction frauduleuse'*.
Au reste, la cour appelée à décider dans quelle mesure
un trustée est responsable de la perte ou de la détériora-
tion du fonds fait toujours une distinction entre les devoirs
qui incombent au trustée et les facultés dont il est investi.
En tant qu'il s'agit d'un devoir, il est tenu d'une exacte
diligence, sous peine de répondre de tout dommage. Quand
il ne s'agit, au contraire, que d'un pouvoir discrétionnaire,
il doit seulement la diligence qu'il apporte d'ordinaire à
ses propres affaires.
Ainsi, d'une part, si, sans nécessité on contrairement à
son devoir, il laisse entre les mains d'un tiers les fonds
dont il est responsable, s'il laisse, par exemple, des fonds
héréditaires chez un banquier, pendant plus d'une année
après la mort du défunt et postérieurement au payement
des dettes '^; ou s'il confond les deniers dont il est comp-
table avec son propre patrimoine '^; ou s'il partage indû-
ment avec des tiers le contrôle dont il est seul investi**;
ou si, ayant un cotrustee, il lui abandonne entièrement ce
*o st. 1.3 et li, Vict., c. 60, §§ 15, 12 Darkec, Martyn, 1 Beav., 525.
19, 46. i;i Lupton c. White, 15 Ves., 432.
*1 Morley c. Morley, 2 Ch. Ca., >^ Salway c. Sahcay, 2 Russ. et
2; Jones c. Lewis, 2 Ves., 240. My., 512.
324 DES Tlii'STEES ET DES CESTUIS QUE ThUST
contrôle '^ il manque à des devoirs positifs de sa charge
et le fait à ses risques et périls*®.
D'autre part, lorsqu'une clause expresse l'autorise à in-
vestir de certains biens un tiers de son choix ou bien à
faire certaines espèces de placements, il n'encourt de res-
ponsabilité qu'autant que l'opération qui a mal tourné est
de celles qu'il n'aurait certainement pas faites pour son
propre compte '^
442. — En principe, les trustées, exécuteurs testa-
mentaires, administrateurs de successions et autres per-
sonnes remplissant des fonctions analogues, n'ont droit à
aucune rémunération : il est de règle, en equity, que le
trustée ne doit retirer aucun avantage du fîdéicommis,
quelque temps qu'il ait dû consacrer à sa mission **. Ainsi,
un solicitor, investi de l'office de trustée, ne peut que se
faire rembourser ses frais matériels, à moins que l'acte
constitutif ne lui alloue formellement des honoraires, au-
quel cas il n'est même admis à porter en compte que ses
travaux professionnels à l'exclusion de ceux qu'un trustée
non solicitor aurait pu exécuter aussi bien que lui ".
Rien ne s'oppose, d'ailleurs, à ce que le trustée con-
vienne d'une rémunération avec !e cestui que trust. Mais
les cours d'équité examineraient de près de semblables
conventions et les annuleraient si l'arrangement intervenu
ne leur paraissait pas parfaitement délicat et modéré^**.
443. — De ce que le trustée ne doit retirer du fidéi-
1-' Clough c. Bond, 3 My. et Cr., i» Robinson c. Pett, 2 L. C, 207;
490. Hamilton c. Wright, 9 Cl. et F.,
i<5 Cast/e c. PFarZand, 32 Beav., 111; Brocksopp c. Barnes, 5
660; Matthfws c. Brixe, 8 Beav., Madd., 90.
239; St. 22 et 23, Vict. c. 35, § 31. l'J Broughtonc. Broughton, 5 de
1" Taborc. Brooks, 10 Gh. Div., G., M. et G., 160; Harbinc. Dar-
273; In re Norrington, Bilndley hy, 28 Beav., 825.
c. Partridge, W. N., 1879, 37. 2" Ayliffc c. Murray, 2 Atk., 58.
DES TRUSTEES ET DES CESTUIS QUE TBUST 325
commis aucun avantage personnel, il résulte encore qu'il
ne peut user de sa situation pour se procurer, relativement
au fonds dont il a la gestion, un profit qui lui aurait
échappé s'il n'avait pas été trustée. Ainsi^ s'il rachète au-
dessous de sa valeur primitive une dette ou charge gre-
vant le fonds, il est tenu de faire état au cestui que trust
(lu bénéfice ainsi réalisé"'. S'il se sert des fonds du trust
pour se hvrer à des spéculations ou au négoce, le cestui
que trust peut exiger de lui soit le replacemenl immédiat
desdils fonds à intérêt, soit les sommes qu'ils ont fait ga-
gner au trustée ■-. De même, le trustée ne peut acheter du
cestui que trust un bien compris dans le fîdéicommis, à
moins : 1° qu'il ne le paye un prix supérieur à celui qu'offri-
rait tout autre acheleur; 2° que le cestui que trust lui-
même ne l'en ait prié; ou 3** que la vente ne se fasse aux
enchères et que la cour ne l'ait autorisé à enchérir ■\
444. — Ces principes s'appliquent à toute personne
ayant une mission de confiance, lors même qu'elle ne por-
terait pas expressément le titre de trustée] ainsi, à tous
agents, gardiens, associés, directeurs ou promoteurs de
sociétés, etc. Toutes ces personnes [constructive trustées)
doivent récompense au fonds qui leur est confié pour les
bénéfices faits indûment par elles à ses dépens, et, d'autre
part, elles ne peuvent réclamer en général aucune indem-
nité pour leurs peines^*. Mais, à d'autres égards, elles
n'encourent pas une responsabilité aussi étendue que les
trustées en titre ; il n'y a, en définitive, que quasi-contrat,
21 Fosbrooke c. Balguy, \ My. -^ IHckley c. Ilickleij, L. R.,
et K., 226. 2 Ch. Div., 19(J.
2> Fostfr c. M"^ Kinnon, 5 Gr.,
22 Docker c. Somes, 2 My. et K., 310; Imp. Mercantile Crédit Asxo-
655; Willett c. filanford, 1 Hare, dation c. Coleman, L. R., ('> H.
253. of L., 189.
326 DES TRUSTEES ET DES CESTUIS QUE TRUST
et rien ne les empêcherait, par exemple, d'invoquer la
prescription dans des cas où un express trustée n'en
aurait pas le droit, ou bien de stipuler une indemnité pour
le temps et les soins consacrés par elles à leur man-
dat-\
445. — Lorsque deux ou plusieurs personnes sont
chargées ensemble des fonctions de trustées et qu'une
d'elles a reçu certains des revenus du fonds en l'ab-
sence des autres, celles-ci ne sont responsables desdits
revenus qu'autant qu'il y a eu de leur part fraude ou
manquement professionnel^*. Si les reçus ont été si-
gnés par les divers cotrustees conjointement, mais que
les uns ou les autres n'aient rien touché personnelle-
ment, le fait qu'ils ont apposé leur signature sur le
reçu n'engage pas leur responsabilité, car ils n'avaient
pas le droit de la refuser: les cotrustees forment un corps
collectif, dont, en général, les divers membres sont tenus
d'intervenir à tout acte intéressant leur gestion. Au cas
particulier, ils ne pourraient être recherchés que s'il était
prouvé, en outre, qu'ils ont négligé de veiller à ce que les
fonds fussent dûment placés par celui d'entre ceux qui les
a perçus et laissé perdre".
Quant aux coexécuteurs testamentaires, ils ne sont,
en général, responsables que de leurs propres actes et
non de ceux de leurs collègues"^*. Ils ne sont pas tenus
comme les cotrustees, de signer ensemble les reçus relatifs
aux fonds qui leur sont confiés ; chacun d'eux a qualité
pour donner seul bonne et valable quittance. Lors, néan-
moins, qu'ils ont signé à plusieurs, il faut distinguer : si
25^roi';nc. Litton, l P.W.,140; 27 Lewin, on Trus's, 215; Brice
Brown c. De Tastet, Jac, 284. c. Stokcs, 2 L. C, 877.
26 Townley c. Sherbome, 2 L. 28 Williams c. Nixon, 2 Beav.,
C, 870. 472.
DES TRUSTEES ET DES CESTUIS QUE TfiUST 327
cette signature collective a été de pure forme, elle n'en-
gage pas la responsabilité personnelle de ceux des exécu-
-teurs qui justifient n'avoir rien louché par eux-mêmes ;
mais ils pourraient être recherchés s'il est avéré qu'ils
avaient tous le devoir de contrôler l'emploi des fonds et
qu'ils ne l'ont pas exactement rempli-'.
En pratique, on insère habituellement dans les actes
constitutifs de ûdéicommis une clause qui affranchit chaque
trustée de toute responsabilité à raison des reçus, actes ou
manquements de ses collègues et limite sa responsabilité
aux faits qui lui sont personnellement imputables. Au
besoin, les cours d'équité suppléent à cette clause lors-
qu'elle n'a pas été expressément énoncée".
Les trustées, quand ils sont deux ou plusieurs, sont
des tenanciers conjoints; il en résulte que, l'un d'eux
venant à mourir, lestate passe aux autres par droit de
survivance.
446. — Les trustées onideux devoirs primordiaux : l°de
se conformer scrupuleusement aux instructions données
par l'auteur du fidéicommis ; 2° de placer le fonds dont ils
ont la gestion à l'abri de tout risque. Ainsi, à moins d'au-
torisation expresse, ils ne peuvent placer ce fonds sur
simples obligations personnelles, si solvables que leur pa-
raissent les débiteurs ^' ; ils ne doivent même consen-
tir des placements hypothécaires que si les immeubles
offerts en garantie sont situés en Angleterre et valent
au moins moitié plus que le montant de la créance'-.
2» Lord Redesdale, dans Joy c. M. et G., 291 ; Paddon c. Richard-
Campbell. I Sch. et Lef., 341; Ho- son, 7 De G. M. et G., 563.
vey c. Blackman, i Ves., 6CW.
30 Daivson c. Clurhe, 18 Ves., ^- Droseer c. Brereton, 15
254. Beav., 221 ; Macleod c. Annesley,
" Geaves c. Straltan, 8 de G. 16 Beav., tiiX).
328 DES TRUSTEES ET DES CESTUIS QUE TRUST
En général, les fonds doivent être placés en rentes sur
l'État, en Consolidated Bank annuities, ou en l'une des
valeurs successivement autorisées à cet effet par les Sta-
It^ts de Victoria 22 et 23, c. 35, § 32; 23 et 24, c. 145,
§25; 30 et 31, c. 131, § 2; 34 et 35, c. 27.
Les trustées peuvent aussi verser les fonds qu'ils ont
entre les mains, soit à la Banque d'Angleterre, au compte
de ÏAccoîmta?ît gênerai de la cour de Chancellerie, soit
directement à ce fonctionnaire, pour attendre les direc-
tions de la cour; le reçu qui leur est délivré dans ces con-
ditions vaut pour eux décharge^^
S'ils tardent à placer les fonds, ils en doivent de plein
droit l'intérêt à quatre pour cent ; et, s'ils les ont placés
dans le commerce, ils doivent, soit les bénéfices qu'ils
en ont tirés, soit l'intérêt à cinq pour cent, et parfois les
intérêts composés**.
En revanche, ils ont le droit d'exiger que leurs comptes
de gestion soient examinés et apurés, et qu'on leur en
donne décharge s'ils sont justes.
447. — 11 nous reste à indiquer quels sont les recours
du cestui que trust dans le cas où le trustée manquerait
à ses devoirs [breach of trust).
1° Lorsque le trustée aliène à titre gratuit le fonds dont
il a la gestion, le cestui que trust peut poursuivre ce
fonds entre les mains du tiers acquéreur, que celui-ci ait
su ou ignoré que le bien dépendait d'un fideicommis; si
l'aliénation a eu lieu pour une valuable, considération ^
le cestui que trust ne peut revendiquer le bien que si le
33 st. 10 et il, Vict., c 96;Gen. ^ Jones c. Foxall, 15 Beav.,
Orders of C. of Chaac; St. 12 et 392.
13, Vict.. c. 74; 18 et 19, Vict.,
c. 124, § 22.
DES TliUbTEES ET DES CESTUIS QUE TRUST 329
tiers acquéreur en connaissait la provenance'^'. La dette
encourue par le trustée coupable d'abus de confiance est
une simple conlract debt, at law comme en equity, tant
qu'il ne l'a pas reconnue under seal *^
2° Si le trustée a disposé du fonds d"nne façon dom-
mageable, le cesiui que trust peut s'emparer de la pro-
priété qui a pris la place du fonds primitif, tant qu'elle
est reconnaissable^' ; ainsi, il peut s'emparer de billets
tant qu'ils n'ont pas été mis en circulation ou négociés.
Le trustée ayant le devoir strict de ne pas confondre
les objets compris dans le fidéicommis avec son propre
patrimoine,, le cestui que trust aurait, en pareil cas, le
droit de saisir entre les mains du trustée toute valeur
dont celui-ci ne justifierait pas être le légitime pro-
priétaire^*.
Le cestui que trust perd son recours quand il a parti-
cipé ou acquiescé à l'acte dont il se plaint, ou renoncé à
son recours ^'. Toutefois les incapables qui ont participé à
la violation du fidéicommis conservent leur recours contre
le trustée, à moins qu'ils ne l'aient entraîné eux-mêmes
par dol à s'écarter de son devoir *°.
En principe, le cestui que trust ne peut actionner le
trustée que devant une cour d'équité. D'après le Real pro-
perti/ limitation act de 1874, qui a réduit les délais fixés
jusqu'au l*"" janvier 1879 par le St. 3 et 4, Guil. IV, c. 2,
son action se prescrit par douze ans à partir du jour où
il avait le droit de l'introduire. Il convient toutefois de rap-
3» Spurgeon c. Collier, 1 Edea, 471, 475; Fox c. Backlei/,L.B.., ii
55; Wigg c. Wigg, 1 Atk., 382; Ch. Div., 508.
DanieUc. Davidson, 61 Ves., 249 " B>nre c. Stohes, 2 L. C, 877;
36 Spence, Eywtt?/, 11,93»). Ilarden c. Parsons, Eden, 145 ;
^"t l.cw'm, On Trusts, G45: Burroios c. Walls. 5 de G., M. et
38 Lupion c. While. 15 Vos.. G.. 2.33.
432 ; Mason c. MorUy, 34 Beav , *•» Snell, Princ. of eq., 168.
330 DES TliUSTEES ET DES CESTUIS QUE TliUST
peler ici que la loi de 1873 sur l'organisation judiciaire
(§ 25, al. 2) a formellement déclaré que, en matière d'ex-
press trusts, le trustée ne peut se prévaloir d'aucune pres-
cription contre le cestiiique trust; cette disposition n'a été
abrogée par le § 10 de la loi de 1874 susmentionnée que
dans une ou deux hypothèses toutes spéciales** (cpr.
n"^ 357 et 361).
448. — Les cours d'équité, très favorables au cestui
que trust, ont cherché à le protéger par les règles les plus
strictes contre la mauvaise foi ou la négligence du trus-
tée. De là le principe que, si un trustes for sale avait à
répartir le prix de la vente entre un certain nombre de bé-
néficiaires, l'acheteur avait à s'assurer que le trustée s'ac-
quittait fidèlement de ce devoir, toutes les fois que l'acte
constitutif du fidéicommis ne conférait pas expressément
à ce dernier le pouvoir de lui donner bonne et valable
décharge. A défaut d'une semblable clause, le trustée
était réputé n'avoir pas ce pouvoir; et, s'il ne donnait pas
au fonds Temploi voulu, l'acquéreur qui avait négligé de
s'en assurer était responsable envers le cestui que trust.
Cette règle étant fort lourde pour les acquéreurs et créan-
ciers mortgagistes, plusieurs lois sont intervenues depuis
pour les en libérer. Le Lord Cramoorth act, notamment,
du 28 août 1860 (St. 23 et 24, Vict., c. 145), § 29, porte
que le reçu écrit, délivré par un trustée pour des sommes
qu'il avait mission de percevoir à ce titre, emporte décharge
pleine et entière au profit de ceux qui les ont versées et
les exonère de l'obligation d'en surveiller l'emploi et de
répondre de ce qui en serait ultérieurement perdu, dissipé
ou mal appliqué. Et le Conveyancing act de 1881 (St. 4i
♦1 Lewin, On Trusts, 732; Ste- Snell, ouvr. cit., 166 et n. y; St.
phen, Comm., III, 489 et n. u ; 36 et 37, Vict., c. 66, § 25, al. 2.
DES TRUSTEES ET DES CESTVIS QUE TRUST 331
6t 45, Vict., c. 41), § 36, reproduit et confirme expressé-
ment cette disposition.
449. — Le droit du cestui que trust sur les terres com-
prises dans le fidéicommis constitue un équitable estate.
Lorsque le fidéicommis consiste en biens-fonds, \e, cestui
que trust peut, en général, obliger le trustée à le mettre
en possession desdits biens, celui-ci n'en gardant par
devers lai que les titres de propriété *^ D'autre part, il a
le droit de disposer du légal estate et de contraindre le
trustée à le transférer selon ses instructions; le ces-
sionnaire jouirait envers le trustée du même droit de
contrainte *^
450. — Lorsqu'un créancier a obtenu jugement contre
le cestui que trust, il peut requérir un /ieri facias; mais
d'ordinaire, il est nécessaire de faire intervenir la cour de
Chancellerie**. De même qu'en matière de real estate, le
créancier par jugement peut, après avoir demandé ua
eleyit^ se pourvoir devant ladite cour; aujourd'hui, en
vertu, des règles sur les jugements enregistrés, il a même
la faculté de le faire avant d'avoir demandé Veler/it*'.
*i Brown c. Hoio, Barn. 354; 4' S/it)-/<'î/ c. Pratfs, 3 Atk.. 200;
Duncombe c. Mayer, 8 Ves., 320; Lewin, CiG; St. 1 et 2, Vict., c. 110,
Lewin. On Trusts, 586. § 14.
*' Penfold c. Kouch, 4 Hare, '» Neate c. D. of Marlborough,
271; Goodsar c. Ellison, 8 Muss., 3 My. et C. 407; Yescomhe c. Lan-
583. dor, M. R., 30 mai 1859.
SECTION SEPTIEME
DE LA PROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE
EN EXPECTATIVE, ÉVENTUELLE
OU INDIVISE.
INTRODUCTION.
451. — On a VU plus haut (n° 222) que les proprié-
tés immobilières sont dites in possession ou in expectajicy,
suivant que la personne à qui elles appartiennent les
détient actuellement ou n'a qu'un simple droit d'expecta-
tive.
Nous avons à examiner ici de plus près les deux formes
que revêt le droit d'expectative, c'est-à-dire, le droit de
retour et le droit de réversibilité, puis les droits immobi-
liers dont l'entrée en jouissance est ajournée [executory
interests).
Nous étudierons ensuite les cas où un fonds appartient
simultanément à deux ou plusieurs personnes; en d'autres
termes, les diverses formes de la copropriété indivise.
CHAPITRE 1
Du droit de retour
{Heversion).
Sommaire : 452. .Xotion du droit de retour. — 453. Particular estate
conféré soit à terme, soit à vie. — 454. Devoirs du preneur; rent-ser-
DU DROIT DE RETOUR 333
vice. — 455. Cession du di-oit de retour ; attornment. — 56. Eflets de
la consolidation du droit de retour sur le service de la rente.
452. — Lorsque celai qui tient un immeuble en fief
simple, c'est-à-dire, qui jouit sur un immeuble du droit
le plus absolu et le plus étendu que reconnaisse la légis-
lation anglaise, concède cet immeuble à un tiers, soit
pour un certain nombre d'années soit à vie, soit même
pour lui et ses descendants [estate tail), il est évident
qu'il ne se dépouille pas de son droit tout entier; car
Vestate qu'il a concédé est inférieur à celui qui lui com-
pète à lui-même. Par conséquent, à l'expiration du bail,
au décès de l'usufruitier, ou au décès soit du donataire
in tail sans postérité, soit du dernier descendant de ce
donataire, la portion de son droit dont il s'était dessaisi
fait retour à lui ou à ses héritiers de façon à reconsti-
tuer en leur faveur, comme auparavant, un fief simple
iii possession.
Vestate moins étendu concédé par le tenant en fief
simple s'appelle, on l'a déjà vu, particular estate^ parce
qu'il ne porte que sur une fraction {particula) de son
propre droit. Tant que cet estate subsiste, le droit qui
continue à reposer sur la tête du disposant et qui consiste
essentiellement en la faculté de rentrer en possession
du bien quand le moment en sera venu, se nomme re-
version ou droit de retour'.
453. — Lorsque le propriétaire du fief n'a concédé, à
titre de particular estate, qu'un simple bail à terme
[term of years)^ son droit de retour est considéré, at iaw,
par rapport à lui-même, à ses ayants-cause et, en géné-
ral, à tous les tiers autres que le preneur, comme n'étant
i Co. Litt.. 22 6, li> 6.
334 DU PROIT DE HETOUR
autre chose que la continuation de son ancien droit. Le
bailleur est censé avoir placé sur son bien un simple man-
dataire [bailiff), de sorte que, sauf les droits par lui re-
connus au preneur, il conserve intact son droit de dis-
poser du bien : il ne cesse pas d'en avoir la saisine
féodale. Il peut, par conséquent, transférer à autrui son
droit de retour par voie d'investiture [feoffmenl with
livery of seisin), moyennant le consentement du loca-
taire ^ et, dans tous les cas, par voie de concession
[by deed)^.
Lors, au contraire, que le propriétaire concède un
droit viager, qui est un droit de franc-tènement, la sai-
sine passe au tenant /or life, pour sa vie durant*, de
sorte que le propriétaire ne peut plus faire d'investiturp.
Son droit de retour n'est plus qu'Hun fragment de son
ancien droit; il reste purement incorporel jusqu'au décès
du tenant for life, et, tant qu'il n'est point redevenu un
estate in possession, il ne peut être cédé que par le
moyen d'un acte solennel de concession {deed of granty.
454. — Que la concession ait été faite à vie ou seule-
ment pour quelques années, le preneur devient le tenan-
cier féodal du bailleur et lui doit, en cette qualité, le
serment de fidélité et une redevance annuelle. Le ser-
ment est tombé depuis longtemps en désuétude. Mais
la redevance a conservé toute son importance pratique;
on la désigne sous le nom de rent-^ervice pour la dis-
tinguer des diverses autres redevances analogues^
La rente est, d'ordinaire^ payable en argent; mais
elle peut aussi être stipulée en grains ou en d'autres
2 Co. Lilt., 48 6, n. 8. * Watkins,o/ii)e5cents,48éd.,H4.
3 Doe d. Vere c.Cole,! Barn. et » Sheppard, Touchstone, 230.
Cress.. 243, 248. 6 Co. Litt., 142 a.
DU DROIT DI-: RETOUR 335
denrées. Parfois elle consiste en un simple grain de
poivre {peppercorn), livrable à première réquisition,
alors que le bailleur veut bien se contenter d'un revenu
purement nominal, mais entend pouvoir en tout temps
forcer le preneur à se reconnaître son tenancier.
Pour constituer un rent-service au profit du bailleur,
un deed n'était pas indispensable autrefois \ 11 l'est
aujourd'hui dans tous les cas où, d'après le Statute of
frauds, les baux doivent être consignés par écrit ^; à
.moins qu'il ne s'agisse d'un bail de trois ans au plus et
d'une redevance n'excédant pas les deux tiers du revenu
total du bien, auquel cas une convention by paroi suffit
(§ 2), La redevance grève le bien tout entier et chacune
de ses parties. Celui qui y a droit jouit, ipso jure ^ pour
se la faire payer, de la faculté de saisir et de vendre les
biens, appartenant au débiteur ou à un tiers, qu'il trouve
sur le fonds '. D'habitude, il insère aussi, au même effet,
dans le bail, une clause de re-entrij, qui l'autorise éven-
tuellement à reprendre possession de l'immeuble; du
moment qu'il y a six mois de retard dans le service des
arrérages, il suffit qu'il intente contre lepreneur une action
of ejectment^ pour pouvoir l'expulser dans le délai prévu,
sauf au tenant à prévenir celte conséquence en payant
avant le jugement l'arriéré et les frais '".
455. — Le rent-service, étant un corollaire du droit
de retour, passe de plein droit au cessionnaire de la rever-
sion ". Autrefois, un droit de retour ne pouvait être cédé
qu'avec le consentement du \.eudLÏ\i[attornment) '^ Depuis,
f Litt., § 214 ; Co. Litt., 143 a. §§ .37-38 ; 14 et 15, Vict., c. 25, § 2.
8 St. 29, Car. II, c. 3; 8 et 9, lo St. 15 et 16, Vict., c. 76, §§
Vict.. c. I(j6, § 3. 210 et 212.
» Litt., §§ 213-4; Co. Lilf., 47 «' Litt., §§ 228-9, 572.
*, n. 7; 3 et 4, Guil. IV, c. 42, «^ Litt., §§ 551,567-9.
3:3G DU DROIT DE HETOUH
V attornment b. été aboli; mais la loi déclare, ce qui est
d'ailleurs parfailement correct, que la cession n'est oppo-
sable au tenant qu'après avoir été portée à sa connais-
sance par le cessionnaire '\ Pour transmettre le droit à la
redevance, il suffit donc de transmettre par un deed le
droit de retour dont elle dépend. Quand c'est le tenant lui-
même qui substitue un tiers, l'acte porte le nom àerelease.
456. — De ce que la rente est un corollaire du droit
de retour, on concluait autrefois que, ce droit venant à
s'éteindre de quelque façon que ce fût, la rente cessait
d'être due. Ainsi, dans le cas où A, tenancier d'un immeu-
ble pour un certain nombre d'années, aurait cédé son
droit à B pour un nombre d'années moindre, moyennant
une redevance annuelle, et acquis ensuite le même
immeuble en fief simple, satenureà terme et soireversion
se trouvaient absorbées par la lenure plus large qui lui
était échue; on soutenait autrefois que, la consolidation
{merger) ayant fait disparaître le droit de retour avec tous
ses corollaires, A cessait de pouvoir réclamer, en sa nou-
velle qualité, la redevance qu'il avait stipulée en l'an-
cienne '*. Cette conclusion, si elle était rigoureusement
juridique, avait le tort d'être absurbe ; aussi, après deux
ou trois tentatives d'amendement, le St. 8 et 9, Vict.,
c. 106, § 9, a-t-il expressément décidé que, quand un droit
de retour sur des biens donnés à bail est éteint par conso-
lidation, le preneur ne reste pas moins tenu, envers le
bailleur revêtu désormais d'un titre plus élevé ou ses
ayants-cause, de toutes les obligations qui découlaient de
son bail.
13 st. 4 et 5. Ann., c. 16, §§ 9 i' Webb c. Russel, 3T. R.,393.
et 10.
DL" DROIT DE RÉVERSIBILITÉ 337
CHAPITRE II
Du droit de réversibilité
{Remainder).
Notions et divisions.
Sommaire : 457. Notion du droit de réversibilité. — 458. Vested remain-
der ; contingent remainder. — 459. Ditïérences entre les droits de
retour et de réversibilité.
457. — Lorsque le possesseur d'un estate a créé un
partie u la?' es tate diU profit d'une personne (cpr. n" 432), il
peut, au lien de se réserver à lui-même et à ses ayants-
cause le droit de retour, en disposer au profit d'un tiers et
établir ainsi une sorte de substitution fidéicommissaire, ou
de droit de réversibilité, qui porte en anglais le nom de
remainder. Ce droit n'est pas nécessairement limité à un
seul individu; le propriétaire peut, sous certaines condi-
tions, l'accorder à une série de personnes qu'il appelle à
recueillir le fonds l'une de l'autre.
Ainsi, il est libre de donner le fonds à A pour toute la
durée de sa vie, puis à B pour en jouir sa vie durant après
le décès de A, puisa C dans les mêmes termes, et finale-
nient, après eux tous, à Z et a ses héritiers, en fief simple.
Dans cette hypothèse, bien que A puisse survivre à B et à
C, appelés en seconde et en troisième ligne, et que parsuite,
B et C doivent peut-être, en fait, ne jamais posséder le
fonds, ils n'en sont pas moins investis, dès la confection de
l'acte, d'un droit éventuel [estate for life in remainder).
458. — Si, au moment où celui qui détenait effective-
ment le bien vient à mourir, son successeur désigné se
Lehr. 22
338 DU DROIT DE RÉVERSIBILITÉ
trouve apte à faire immédiatement valoir son droit de ré-
versibilité, ce successeur éventuel est dit avoir un vested
remainder, une expectative dévolue; il faut, pour cela,
qu'il existe personnellement et que son droit soit déterminé
avant que n'ait pris fin le droit de la personne à laquelle
il est appelé à succéder. Lors, au contraire, que la réver-
sibilité est stipulée au profit d'une personne incertaine ou
non encore née, ou pour le cas où tel événement douteux
s'accomplirait, la réversibilité est dite contingente {contin-
gent remainder). Mais il ne faut pas perdre de vue que,
s'il est simplement incertain que le substitué puisse entrer
effectivement en possession du bien, ce doute-là ne suffit
pas pour donner à la réversibilité le caractère contingent;
dans une réversibilité même dévolue, au profit d'une per-
sonne certaine et vivante, il y a toujours un point douteux :
si elle meurt avant la cessation du particiiiar estate, il est
évident que sa réversibilité deviendra caduque, et pourtant
elle était dévolue et non contingente. Williams' explique
clairement par un exemple la différence qui existe entre les
deux expèces de remainder. Un immeuble est donné à un
célibataire A pour toute sa vie, le donateur stipulant que,
si ce particular estate cessait avant le décès de A par
suite de confiscation ou autrement, l'immeuble passerait à
B et à ses héritiers pour le reste de la vie de A et, après le
décès de A, à son fils aîné et à ses descendants. Le dispo-
sant a ainsi constitué deux droits de réversibilité, l'un au
profit de B et ses héritiers, l'autre à celui du fils, non
encore né, de A. Le premier est un droit dévolu [vested)^
puisque, malgré son peu d'étendue et bien qu'il y ait peu
de chance pour que A se voie frustré du bien de son vivant,
B et ses héritiers sont tout prêts à recueillir l'immeuble si
1 Real'prop., !9e édit,, p. 334 in fine.
DU DROIT DE REVERSIBILITl:: 339
le droit de A s'éteint à une époque quelconque entre le
jour de la confection de l'acte et celui du décès de A.
Au contraire, Vestate tail conféré au fils aîné de A est
purement contingent ; car A, étant célibataire au moment
de la confection de l'acte, n'a point de fils, et, s'il meurt
sans en avoir, Vestate tail en expectative ne pourra être
appréhendé immédiatement après la cessation des parti-
cular estâtes de A et de B; ou, pour mieux dire, dans ce
cas, il n'y aura pas d'estate tail du tout. Qu'au contraire
A se marie et ait un fils, Vestate tail^ de contingent qu'il
était, deviendra du coup dévolu; car, tant que ce fils ou
ses descendants seront en vie, il y aura quelqu'un de
fondé à entrer immédiatement en possession de cet estate
soit au décès de A, soit après épuisement du droit de B. Au
moment de la confection de l'acte, cet estate est futur et
éventuel non seulement in possession^ mais encore in in-
terest; on ignore tout à la fois si la personne à qui il est
destiné pourra l'appréhender effectivement et si même
elle existera jamais.
Jusqu'à la naissance ou plutôt jusqu'à la majorité du
fils de A, les biens qui lui sont éventuellement destinés
sont inaliénables; et le propriétaire du fief, en faisant des
dispositions de cette nature, use de son pouvoir d'aliéna-
tion en quelque sorte pour l'annihiler. En effet, quand un
immeuble est grevé d'une substitution dévolue, il ne peut
être vendu qu'avec les incumbranccs qu'y a attachées le
propriétaire; mais il peut l'être moyennant l'intervention
et la renonciation expresse de toutes les personnes aux-
quelles un droit de réversibilité a été reconnu. Si le re-
mai?ider esl purement contingent, si ces personnes ne sont
pas nées, elles ne peuvent consentira un dégrèvement;
et, par conséquent, le bien est, quant à elles, inaliénable.
340 DUN CAS OU IL N'Y A POINT DE REVERSIBILITE
459. — n y a entre le droit de retour {reversion) et
les deux sortes de remainder cette différence essentielle
qu'il n'existe aucun lien de droit, aucune tenure entre le
possesseur du particular eslate et le titulaire du droit de
réversibilité [remainderman) ; ayant reçu tous deux leur
titre de la même personne, ils ne sont nullement tenants
l'un de l'autre, comme le possesseur à\i particular estate
l'est du propriétaire. Il s'ensuit que le droit de réversibi-
lité ne comporte aucun rent-service.
Une autre différence consiste en ce que la concession
d'un particular estate emporte nécessairement création
d'un droit de retour puisque ce droit n'est que la part
à' estate réservée par le disposant; tandis qu'un droit de
réversibilité ne prend naissance qu'autant qu'il a été ex-
pressément concédé.
Il
D'un cas où il n'y a point de réversibilité
{Rule in Shelley's case).
460. — En général, chacune des personnes successi-
ves à qui le disposant concède un estate sur son bien,
n'en a qu'un seul : estate for life^ terni for years., etc. ;
la dernière a un fee tail ou même un fief simple; mais
aucune d'elles ne cumule deux estâtes sur le même bien,
par exemple un estate for life avec le fief tail ou le fief
simple. Il est pourtant un cas où ce cumul se produit, en
vertu d'une règle de droit déjà ancienne connue sous le
nom de rule in Shelley's case., — procès plaidé du temps
de lord Coke^ Cette règle se formule de la façon suivante:
lorsqu'un homme est investi d'un estate de franc-tène-
2 1 Rep., 94, 104 ; cpr. Fearne, 9^ éd., 28-208.
D'UN CAS OU IL NY A POINT DE liÉVERSlBILITÉ 341
ment (cpr. n" 223) et que, par le même acte, cet estate
est affecté à ses héritiers, soit in fee, soit in iail, le mot
« héritiers » est réputé mis comme loorcl of limitation et
non comme Word of -purchase, c'est-à-dire, qu'il est
réputé avoir été inséré dans l'acte uniquement pour préci-
ser la nalure du droit (Qef simple ou fief ^azV) conféré à
l'acquéreur originaire, et nullement pour créer un estate
distinct en faveur de ses ayants-cause. Les traités anglais
consacrent de longues pages à l'explication el à la justifi-
cation de cette règle ; nous nous bornerons à quelques mots
d'éclaircissement. Quand un bien est transmis purement
et simplement « à A et à ses héritiers », ou « à A et à ses
descendants », aucun doute ne peut surgir sur la nalure
ài%\ estate transmis: c'est un fief simple, dans le premier
cas, et un fief /az7, dans le second (cpr. n°^ 225,232). Mais, si
l'on transmet à A un estate for life en spécifiant qu'après
sa mort le bien devra passer « à ses héritiers » ou « à ses
descendants », on peut se demander, à première vue, si
le disposant n'a pas entendu créer en faveur de ces der-
niers un droit de réversibilité, un estate in remainder dis-
tinct, ce qui serait incontestablement le cas si V estate for
life, au lieu d'être conféré à leur auteur A., l'avait été à
un étranger. La règle in Skelleys case a pour but de
trancher la question négativement : les héritiers n'ont
point d'estate en expectative; c'est A qui, au lieu d'un
simple estate for life, a, en plus et lui-môme, un remain-
der (en fief ou iîi iail, suivant les cas) ; et comme, d'après
les principes de la consolidation [merger], cet estate en fief
ou in tail absorbe Vestate simplement viager, le résultat
final est que A possède, en réalité, un estate en fief ou in
tail « in possession »; il devient immédiatement proprié-
taire du fief tout entier et peut, par conséquent, l'aliéner à
342 DE LA REVERSIBILITE CONTINGENTE
son gré, comme tout autre -fief simple ou fief tail, tandis
que, s'il ne possédait qu'un estate for life, soumis à réver-
sibilité au profit de ses héritiers, il ne pourrait disposer du
bien que pour la durée de sa vie et serait privé de tout
droit d'ingérance quanta la transmission du bien après son
décès.
111
Delà réversibilité contingente, en particulier.
Sommaire: 461. Coaditions de TaliiJilé d'un droit de réversibilité. — 462.
Tout eslate en expectative doit être supporté par un particular estate
subsistant; cas d'un enfant posthume. — 463. Tout remainder contin-
gent doit être dévolu avant que le particular estate ait pris fin;
springinguse, execvAory devise. — 464. Conditions illicites ou immo-
rales. — 465. Cas où un estate for life est constitué au profit d'une
personne non encore née, avec réversibilité au profit deses descendants;
cy près doctrine. — 466. Droit d'aliéner une possibility. — 467. Extinc-
tion d'un droit de réversibilic contingent; moyen de la prévenir.
461. — En principe, pour qu'un droit de réversibilité
soit valablement constitué, il faut:
1° Que Y estate en expectative ait devant lui un parti-
cular estate de franc-tènement pour le supporter, selon
l'expression technique;
2" Que le droit de réversibilité soit créé par le disposant
au moment même où il crée le particular estate ;
3" Qu'il puisse produire son effet in possession ou, en
d'autres termes, que le titulaire du droit soit en mesure de
prendre possession du bien, immédiatement après la cas-
sation du particular estate, sans aucune lacune, fût-elle
d'un seul jour.
462. — La saisine ou possession féodale doit toujours
reposer sur la tête de quelqu'un. L'ancien droit n'admet-
tait pas qu'elle pût se transmettre d'une manière occulte,
et interdisait, en conséquence, l'aliénation d'un freehold
DE LA RÉVERSIBILITÉ CONTINGENTE 343
par tout autre mode que la mise en possession immédiate
{deiioert/ of seisin). Si, au moment d'une aliénation, l'ac-
quéreur n'était pas mis aussitôt en possession, le bien
restait pour toujours entre les mains du vendeur. Ainsi,
une investiture faile aujourd'hui au profit de A pour qu'il
tînt le bien à partir de demain, était nulle comme impli-
quant contradiction. De même, si la possession féodale
était accordée à l'appui de la concession d'un eslate moin-
dre qu'un estate en fief simple, elle retournait au fieffant,
en vertu de son droit antérieur, dès que cet estate avait
pris fin ; et il ne pouvait s'en dépouiller que moyennant une
nouvelle aliénation du franc-tènement. Par suite, si une
investiture féodale était accordée d'abord à A pour la vie
puis, après soq décès et un jour, à B et à ses héritiers,
la possession féodale faisait retour au fieffant lors du décès
de A, et V estate qu'il avait l'intention de conférer à A était
considéré comme nul et non avenu; car, si on l'avait re-
gardé comme valable, la possession féodale n'aurait reposé
pendant un jour sur la tête de personne, ou, en d'autres
termes, il y aurait eu un prétendu droit de réversibilité
relatif à un estate de franc-tènement, sans un particular
estate pour le supporter. Dans l'exemple cité plus haut
{n° 458) d'un estate donné à un célibataire A, pour la vie,
avec droit de réversibilité au profit de son fils aîné in tail^
il faut donc, en vertu des vieilles règles féodales qui vien-
nent d'être rappelées, que, au moment même du décès de
A, il ait un fils prêt à prendre possession àeVestate.
Il est un seul cas où, dans cette hypothèse, le fief pour-
rait rester momentanément sans possesseur effectif, c'est
celui où A mourrait sans avoir de Qls en vie, mais laisse-
rait sa femme enceinte. Pendant longtemps, on a appliqué
à cette espèce l'ancienne loi dans toute sa rigueur, et le
344 DE LA RÉVERSIBILITÉ CONTINGENTE
fils posthume se trouvait privé de tout droit à Vestate.
Mais, depuis le St. 10 et 11, Guill. III, c. 16, il a été mis
au bénéfice de la maxime romaine : infans conceptus pro
nato AaÂe/2/?\..; il est réputé, s'il naît vivant et viable, apte
à recueillir Vestate comme s'il avait vu le jour du vivant de
son père, et la possession féodale reste en suspens jusqu'à
sa naissance,
463. — Un corollaire de la règle qu'une réversibilité
ne vaut que s'il y a un particular estate pour la supporter,
c'est que tout remaîWer contingent doit devenir un estate
actuel et dévolu tandis que subsiste ce particular estate ou
à l'instant même où il prend fin. Ainsi, si un bien est
donné à A pour la vie et, après sa mort à celui de ses fils
qui aura le premier atteint sa vingt-quatrième année, la
réversibilité contingente est régulièrement constituée; car
rien ne* prouve, à priori, que, au décès de A, personne
n'aura qualité pour recueillir Vestate. Mais, en fait, si A
ne laisse pas de fils ayant l'âge voulu, le droit d'expecta-
tive se trouvera annulé: lors même que A laisserait un
fils plus jeune, le droit ne serait pas devenu dévolu (vested)
pendant l'existence du particular estate auquel il était
subordonné, et le bien ferait retour au donateur.
Toutefois, par exception, et en vertu du St. 40 et 41,
Vicl., c. 33, du 2 août 1877, toute réversibilité contingente
créée par un acte postérieur à cette date, qui, à défaut
d'un particular estate suffisant pour la supporter comme
telle, serait néanmoins valable comme springing or shifting
use ou comme executory devise^, doit, dans le cas où le
particular estate '^vQ'nàvQ.xi fin avant que la réversibilité ne
fût dévolue, produire les mêmes effets que si le disposant,
au lieu de donner à sa disposition le caractère d'un con-
3 Cpr., sur le sens de ces mots, les n^s 470 et 477.
DE LA REVLRSIBILITÉ CONTINGENTE 345
tingent remamder, lui avait donné dès l'origiae celui d'un
springing or shifting use ou d'un executory devise.
464. — Un droit de réversibilité contingent ne peut
être subordonné à une condition illicite ou immorale: ainsi
on ne saurait en accorder un à l'enfant qu'une femme met-
trait ultérieurement au monde hors mariage. Il faut, d'au-
tre part, que la condition ne soit pas impossible*.
465. — Une autre règle, en matière de remainder est
que Vestate ne soit pas conféré à vie à une personne non en-
core née et, après elle, à un de ses enfants. Si un acte con-
sacrait de semblables dispositions, la seconde serait nulle^
Les tribunaux ont toutefois apporté un tempérament à
cette règle lorsque le remainder a été constitué par testa-
ment; ils ont admis, par égard pour l'ignorance présumée
du testateur, que la personne non encore née, à qui était
légué un estate for life d^xec réversibilité au profit de ses
descendants, devait être réputée avoir été gratifiée d'un
estate tail, ce qui, en fait, produirait, si elle laissait de
la postérité, le résultat que le testateur paraissait avoir
voulu amener par la disposition incorrecte qu'il avait libel-
lée. Celte jurisprudence, qui tend à se rapprocher des in-
tentions présumées du défunt autant qu'il est possible de
le faire sans enfreindre directement la loi, est connue sous
le nom de cy près doctrine^; mais elle ne s'applique qu'au
cas où Vestate attribué aux enfants d'un nascitiirus a le ca-
ractère d'un estate tail, à l'exclusion des cas où ce serait
un fief simple ou un estate for life'' .
* Cpr., sur les conditions possi- 6 Fearne, 204, 5<>2, 565; Jarman,
blés ou impossibles, Williams, /ifi?ai Wills^lio édit., 278: Vanderplank
prop., 19«édit., p. 354; cpr. Coke, c. King, 3 Ilare, 1; Huinpton c.
up. Litlleton, préface, p. 37. Ilolman, L. R., 5 Ch. Div., 18.3,
6 Ilay c. comte de Coventry,
3 T. Rep., 86; Hurdenell c. Elives, '• Seaward c. Willcock. 5 East,
1 East 452; Cole c. Seifen,2 H. \'.iS: liristoiv c. >rardc, 2 Ves.jun.,
of L. cas , 186. 336.
346 DE LA BEVERSIBILITÉ CONTINGENTE
466. — La chance qu'a un individu d'entrer en posses-
sion d'un estate réversible en sa faveur s'appelle, en an-
glais, possibilité. Autrefois, une semblable possibilité pou-
vait faire l'objet d'un legs ', mais non d'une aliénation
entre vifs parle moyen d'un deed ofgrant; la cession n'en
était autorisée qu'en equiiy, s'il y avait une valuable
cojisideration. Le Wills act de 1837 (St. 7, Guil. IV, et
1, Vict., c. 26), § 3, a confirmé le droit de disposer d'une
possibilité par testament, et VAct to amend the law of
real property (St. 8 et 9, Vict., c. 106), § 6, en a égale-
ment autorisé l'aliénation par deed.
467. — Autrefois, un droit de réversibilité contingent
était exposé à s'éteindre si Vestate particulier qui le sup-
portait venait à prendre fin subitement. Supposons un
domaine conféré à vie à un célibataire A, avec réversibi-
lité, après sa mort, au profit de son fils aîné et de ses
descendants et, à défaut de postérité de A, au profit
de B el de ses héritiers. Dans celte hypothèse, A jouit
d'un estate for life in possession, son fils a un contin-
gent remainder in tail, destiné à se convertir, à partir de
sa conception, en un vested remainder in tail; B a un
vested remainder en fief simple. Si ['estate de A venait à
s'éteindre brusquement de son vivant avant qu'il eût
un fils, B acquérait immédiatement un estate en fief sim-
ple in possession et excluait définitivement toute préten-
tion de la part du fils qui pouvait naître plus tard à A ; car
ce fils, pour user de son droit, devait, d'après l'acte de
donation, se trouver en mesure de Texercer avant B. Le
contingent remaiiider du fils de A se trouvait donc éteint
par suite de la cessation du particular estate de son père,
et ce, contrairement aux inlenlions probables du dispo-
« Roe d. Pei-ry c. Jones, 1 H. Black., 30.
NOTION DE L'EXECUTORY INTEREST 347
sant. On avait imaginé de prévenir ce résultat en interpo-
sant un vested estate entre ceux de A et de B : on conférait
cet estate à des trustées, chargés de représenter et de ga-
rantir les bénéficiaires éventuels d'un droit de réversibilité,
pendant toute la durée de la vie de A. Par suite, X estate
de A venant à cesser avant son décès, V estate àQS trustées,
empêchait B de prendre immédiatement possession du bien
et permettait au fils de A, né après coup, de faire valoir
utilement le droit créé en sa faveur par l'acte constitutif.
Aujourd'hui, en vertu de VAct to amend the law of real
property (St. 8 et 9, Vict., c. 106), § 8, un droit de réver-
sibilité contingent demeure efficace encore que Vestate qui
le supporte ait pris fin avant l'époque prévue, par suite de
confiscation, de surrender, ou de consolidation.
CHAPITRE m
Des droits dont l'entrée en jouissance est ajournée
yExecutory interests).
{
Notion de l'executory interest.
468. — Indépendamment des droits de réversibilité
contingents dont il vient d'être parlé, la loi anglaise auto-
rise un propriétaire d'immeubles à constituer sur son fonds
une autre espèce de droits futurs [future estâtes), connue
sous le nom de executoi'y interests. Ces droiis, non pas exé-
cutoires au sens français du mot, mais destinés à devenir
efficaces à une époque ultérieure, diffèrent précisément de
la réversibilité contingente en ce que, une fois constitués,
ils sont indestructibles et prennent naissance, au moment
348 NP/</AG/.\G OR SHIFTiyG USES
voulu, par leur seule force; bien loin d'être subordonnés à
la cessation à'onestale antérieur, ils peuvent, au contraire,
quand le temps est venu, mettre fin à un autre estate, qui,
sans cela, aurait continuée subsister. Ce sont donc moins
des droits éventuels que des droits dont, par la volonté du
constituant, l'entrée en vigneur est ajournée à une époque
par lui fixée. Faute d'une expression française courte et
précise, nous les désignerons sous leur nom anglais.
lî
Des manières dont un executory interest peut être créé,
et de ses diverses espèces.
Sommaire : 469. Deux modes de création. — 1. Springing or shifting
uses : 470. — 2. Pouvoirs (poioers) généraux : 471. Paver of appoint-
nient. — 472. Obligations de celui qui en est investi. — 3. Pouvoirs spé-
ciaux : 473. Power of lease. — 474. Pover of sale. — 475. Autres
pouvoirs spéciaux. — 476. Comment les pouvoirs prennent fin. —
4. Executory devise: 477. Définition. — 478. Différences entre un execu-
tory devise et un droit de réversibilité contingent. — 5. Règles com-
munes à tous les executory interests : 479. Aliénation par deed. —
480. Règles en faveur des créanciers.
469. — Tandis qu'un droit de réversibilité peut être
ronstitué par n'importe quel mode régulier d'aliénation
d'immeuble, un executory ijiterest ne peut être créé que
de deux façons : 1° d'après le Statute of uses (27, Henr.
VIll, c. 10); 2° par testament.
1. — Springing or shifting uses.
470. — Les executory interests créés d'après le Sta-
tute of uses se nommeui springirig or shifting uses.
Au moyen d'un use, on peut transporter [shift] d'une
personne à une autre, de diverses manières, la saisine ou
possession légale d'un fonds. Nous disons plus haut que,
SPHIlSGliSG . OR SHIFTING USES 349
si la réversibilité était accordée à une personne à partir du
lendemain de la cessalion du particular estate, elle serait
nulle (n° 462); mais le but pourrait être atteint au moyen
d'un shifting use : il suffirait de transmettre Vestaie à
un tiers et à ses héritiers au profit {to the use) du dispo-
sant et de ses héritiers jusqu'au lendemain et, ensuite, au
profit du véritable destinataire et de ses héritiers. Ces
shifting uses sont fort usités en matière de constitution
de dot. A constitue une dot quelques jours avant le
mariage, entre les mains de trustées, à son propre profit
€t à celui de ses héritiers, jusqu'au jour de la célébration,
mais, à partir de ce jour, au profit du nouvel époux ou de
telle autre personne, du chef de cet époux : jusqu'au mo-
ment du mariage, A reste tenant des biens en fief simple
comme auparavant; si le mariage ne se réalise pas, son
estate reste intact entre ses mains; si, au contraire, le
mariage a lieu, la saisine des biens passe (shifts) de plein
droit sur la tête du nouvel époux conformément aux clau-
ses du contrat de mariage. Entre le moment de la confec-
tion du contrat et celui du mariage, les droits de toutes
les parties, hormis ceux du disposant, sont purement
futurs et éventuels. Mais le droit stipulé en faveur du futur
époux n'est pas un droit de réversibilité contingent; car
Vestale qui le précède est, non un particular estate, mais
un estate en fief simple, qui ne comporte pas après lui de
réversibiUlé. Le use au profit du nouvel époux prend nais-
sance (^/^rm^s r^/?) dès la célébration du mariage et anéantit
pour jamais V estate en fief simple qui appartenait au dispo-
sant A. Il y a donc ici destruction d'un estate et substi-
tution d'un autre estate à Vestate anéanti. A est dépouillé
de son droit par le use du nouvel époux, au lieu que celui-
ci ait à attendre patiemment que ce droit prenne fin pour
350 POUVOIRS GÉNÉRAUX
pouvoir commencer à exercer le sien, comme il aurait été
obligé de le faire s'il n'eût été qu'au bénéfice d'une réver-
sibilité.
En résumé, on peut donc, au moyen d'un use, s'arran-
ger de façon qu'un estaie futur prenne naissance d'une
façon absolument certaine à un moment donné.
2. — Pouvoirs [poivers) généraux.
471. — L'une des applications les plus usuelles des
springing uses se présente dans le cas où une personne
crée, au moyen d'un" pouvoir qu'elle confère à une autre,
un îise, — avec Vestate correspondant, — destiné à pro-
duire son effet à la volonté de cette dernière'. Telle serait
une cession de terre faite à A et à ses héritiers, au profit
[to the use) de telles personnes qu'il plaira à B désigner
[appoint) à cet effet par acte entre vifs ou testamentaire,
et, à défaut de désignation, au profit de C et de ses héritiers ;
C, dans cette hypothèse, est investi d'un estate dévolu,
mais sujet à être à tout moment anéanti [divested) par
l'usage que ferait B de son power of appointment ;
d'autre part, B, bien que n'étant pas propriétaire du bien,
a, en tout temps, la faculté d'en disposer, soit en faveur
d'un tiers, soit tout simplement à son propre profit et à
celui de ses héritiers, par acte entre vifs ou par testament.
Ce power of appointment équivaut donc en quelque ma-
nière à une donation au profit de celui qui en est investi,
et il compte dans son avoir à telles enseignes que, d'après
le Bankruptcij act de 1869, le syndic de sa faillite peut
l'exercer en son lieu et place au profit de la masse ^
» Go. Litt., 271 6, n. 1. 2 St. .32 et 33, Vict., c. 71, § 15,
al. 4, § 25, al. 5.
POUVOIRS SPECIAUX 351
472. — La personne investie d'un power est tenue, en
l'exerçant, de se conformer strictement aux règles posées
soit par le disposant, soit par la loi. Ainsi, si le power lui
donne le droit de disposer du bien entre vifs, elle ne peut
le faire par testament, et vice versa; s'il exige la présence
de deux témoins lors de la confection d'un deed, il ne
suffît pas qu'elle en appelle un seul. Toutefois, à ce dernier
point de vue, le St. 22 et 23, Vict., c. 33, § 12, a apporté
quelques tempéraments à la rigueur minutieuse de l'an-
cienne jurisprudence et décidé, notamment en matière de
deeds, que l'omission de l'une des formalités spéciales im-
posées par le constituant n'est point opposable au fondé de
pouvoirs, s'il a observé toutes celles auxquelles la loi su-
bordonne aujourd'hui la validité d'un deed. Le Wills art
de 1837 (§ 10) avait déjà posé la même règle quant aux
pouvoirs à exercer par testament, tout en décidant, d'autre
part, que le pouvoir ne serait réputé régulièrement exercé,
— encore que le fondé de pouvoirs se fût conformé à tou-
tes les exigences personnelles du disposant, — qu'autant
que son testament répondrait aux diverses prescriptions de
la loi elle-même.
3. — Pouvoirs spéciaux.
473. — A côté des poicers of appointment généraux,
dont il vient d'être question, il existe aussi des pouvoirs
spéciaux, à l'effet de louer une propriété ou de la vendre
{poiver of iease,poiver of sale).
On a vu plus haut (n" 289) que, jusqu'à une époque ré-
cente, un tenancier à vie n'avait pas le droit de faire rela-
tivement à l'immeuble aucun acte susceptible d'étendre
ses effets au delà de son décès; il ne pouvait donc le louer
352 POUVOIRS SPÉCIAL" X
pour un nombre déterminé d'années, mais seulement, au
maximum, pour Ja durée de sa propre jouissance. Mais,
quand un estate for life est créé par voie de use, comme
c'est aujourd'hui l'iiabitude, le tenancier peut recevoir
expressément l'autorisation de louer l'immeuble pour tel
nombre d'années ou sous telles conditions spéciales. En suite
de l'exercice que le tenancier fait de ce pouvoir, un use
prend naissance au profit du preneur pour toute la durée
du terme fixé, et, en même temps, un estate de même du-
rée, complètement indépendant de la continuation de la vie
du bailleur. Si, en cas &q power, le bail excède les bornes
du pouvoir conféré, il est radicalement nul et peut au décès
du tenancier à vie, être mis à néant par toute personne
ayant sur le bien un droit de retour et de réversibilité.
Toutefois, d'après deux lois récentes, si ce bail avait été fait
de bonne foi et que le preneur fût entré en jouissance, le bail
est considéré, inequity^ comme un contrat tendant tout au
moins à donner au preneur le droit d'obtenir à première
réquisition un bail valable, dans les limites du power, et
sous des conditions identiques d'ailleurs; les mêmes lois
prévoient, en outre, divers cas de confirmation du bail en-
taché d'irrégularité, de façon à garantir autant que possi-
ble les intérêts du preneur de bonne foi '\
474. — Le pouvoir de vente ou d'échange inséré dans
un settlement d'immeubles donne aux trustées chargés
de veiller sur le settlement la faculté, — avec le consen-
tement du tenancier à viequi possède le bien en vertu du
settlement^ et parfois aussi de leur autorité privée, si ce
tenancier est mineur, — de vendre ou d'échanger les ter-
res comprises dans le fidéicommis et par suite de révoque
les uses établis quant à ces terres par l'acte constitutif et
3 St. 12 et 13, Vict., c. 26, § 3; 13 et 14, Vict., c. 17, §§ 2 et 3.
POUVOIRS SPECIAUX 353
de les remplacer par d'autres. Seulement le prix de la
vente ou la soulte de l'échange doit toujours être consa-
cré à l'achat d'autres terres, et ces terres doivent être affec-
tées par les trustees^ûe même que celles reçues en échange,
aux z^^e^ encore subsistants d'après Tacte constitutif primi-
tif; provisoirement les deniers peuvent être placés en fonds
publics ou sur un mort-gage, à condition que le revenu
en soit remis à la personne qui aurait droit à celui des ter-
res comprises dans le fîdéicommis; enequity, ces deniers
non encore remployés ont le caractère immobilier des
terres qu'ils représentent *.
475. — Parfois un pouvoir est aussi qualifié de spécial,
non parce qu'il a un objet limité, mais parce que les per-
sonnes en faveur de qui il est permis d'en user sont d'une
catégorie particulière. Tels sont les pouvoirs donnés à l'ef-
fet d'assigner un douaire à une femme mariée ou de pro-
céder au partage des biens du mandant entre ses enfants.
Les estâtes constitués en exécution d'un pouvoir sont ré-
putés l'avoir été directement par le disposant; et, s'ils
avaient été entachés de nullité dans celte dernière hypo-
thèse, ils ne le seraient pas moins pour avoir été créés par
le fondé de pouvoirs ^
476. — En général, les pouvoirs peuvent prendre fin
par suite d'un acte d'abandon {deed of relcase) fait par
celui qui les a reçus au profit du possesseur d'un estate
de franc-tènement sur le bien ^ Il n'y a d'exception que
pour le cas où la personne investie des pouvoirs a le
devoir précis de les exercer à une époque ultérieure.
*Cpr. .St. 23 ot 24, Vict.,c. 145. « Albatii/'s case, 1 Rep., IIU b,
B Co. Litt., 271 h, n. 1, VII. 2. 113 a.
Lehr. 23
354 EXECUTORY DEVISE
Jk. — Executory devise.
477. — On appelle executory devisé un legs qui confère
au légataire la propriété des terres, non pas à la mort du
testateur, mais seulement au cas où telle circonstance con-
tingente viendrait à se réaliser. Ainsi, N lègue une terre
à son fils mineur A et à ses héritiers, et, pour le cas où A
mourrait avant l'âge de vingt et un ans, àB et à ses héri-
tiers. A a un estate en fief simple in possession^ grevé d'un
executory interesten faveur de B. Si Ane meurt pas avant
l'âge de vingt et un ans, son estaie lui appartient franc et
quiiie de iouieificinn brafîce . Mais, s'il meurt avant cet âge,
rien ne saurait empêcher Vestate de B de prendre immé-
diatement naissance, de devenir un es/a^e in possession ei
d'anéantir à jamais Vestate qui avait été conféré en pre-
mière ligne à A et à ses héritiers.
478. — Vexecutory devise diffère d'un droit de réver-
sibilité contingent : 1° en ce qu'il n'a pas besoin d'être
supporté par un particular estate in possessioji; 2° en ce
que, par ce moyen, un bien possédé en fief simple peut
être transmis, soit au même titre, soit à un titre inférieur,
par exemple à titre d'estate tail ou d'estate for life. Suppo-
sons que N lègue des terres à A pour la vie, avec droit de
réversibilité en fief simple en faveur de celui des fils de B
qui aura le premier vingt et un ans accomplis : la disposition
au profit du fils de B sera, un cotiiingent remainder ou un
executory devise, selon que A mourra après ou avant le
testateur. Si A survit au testateur, il est investi d'un estate
de franc-tènement à l'expiration duquel est subordonnée
l'entrée enpossession du fils de B ; par conséquent, le fils de
B a un droit de réversibilité, et comme ce droit ne devien-
EXECUTORY DEVISE 355
dra effeclif que dans le cas, encore douteux, où B aurait
un fils et où ce fils atteindrait sa vingt et unième année,
il est simplement contingent. Au contraire, si A meurt
avant le testateur, le testament se réduira, lors de l'ouver-
ture de la succession, à une simple disposition en faveur
du fils de B qui atteindra le premier l'âge de la majorité.
Cette disposition n'est pas subordonnée à l'expiration d'un
€statc de franc-lènemenl antérieur; elle produit son effet
de plein droit dès qu'un fils de B atteint l'âge voulu et, à ce
moment, elle détruit Vestate en fief simple qui, à défaut
d'autres dispositions testamentaires, avait passé, égale-
ment de plein droit, au heir at law de N, lors du décès de
celui-ci. Il y a donc dans ce cas, non plus un droit de
réversibilité, mais un executory devise.
Sous la législation antérieure à YAct to amend thelaw as
to contingent remaindcrs (St. 40 et 41, Vict., c. 33), si A
survivait au testateur, mais mourait avant qu'aucun fils
de B eût atteint sa vingt et unième année, l'affectation au
profit de ce fils devenait caduque, faute d'un estate de
franc-tènement pour la supporter plus longtemps, tandis
qu'elle était valable si A mourait du vivant du testateur.
Cet act a eu pour but de remédier à ce que cette règle
avait de trop rigoureux ; aujourd'hui, comme nous l'avons
dit plus haut (n° 463), dans le cas où le particular estate
prendrait fin avant la dévolution du contingent remainder ^
la réversibilité n'en aurait pas moins lieu au profit du
titulaire, tout comme si le disposant, au lieu de créer en
sa faveur un droit de réversibilité contingent, avait donné
à sa libéralité la forme d'un springing or shifting useovi
celle d'un executory devise.
356 RÈGLES COMMUNES A TOUS LES EXECUTORY INTEliESTS
5. — Règles communes à tous les execiitory interests.
479. — Tout executonj inleresl peut être aliéné par
deecV.
480. — En vue de faciliter le payement des dettes au
moyen du real estate du débiteur, plusieurs lois modernes
portent que, quand les biens ont été affectés par la loi ou
par disposition testamentaire audit payement et quand une
personne a été investie de ces biens par le testateur moyen-
nant un executory devise^ le premier des légataires futurs
peut, encore qu'il soit mineur, aliéner tout le fief simple
de façon que les créanciers soient désintéressés au moyen
de la vente des biens ou delà constitution d'un mort- gage:
règle qui a été étendue au cas où l'héritier ab intestat a
provisoirement recueilli les biens sauf à devoir, à raison
d'un executory devise, les restituer ultérieurement à des
personnes incertaines ou non encore existantes*.
m
Du délai dans lequel un executory interest doit produire
son effet.
Sommaire: 481. Règles générales. -^ 482. Règles relatives à raccumu-
lation des revenus ; Thellussons case
481. — Tout en laissant une grande latitude aux pro-
priétaires d'immeubles pour la création de fiilitre estâtes^
la loi n'a cependant pu leur accorder à cet égard une fa-
culté illimitée. Alors surtout qu'il s'agit à." executory inte-
rests, c'est-à-dire de droits futurs qui doivent, quoi qu'il
7 st. 8 et 9, Vict., c. 106, § 6. c. 47, S ^2; 2 et 3, Vict., c. 60; 11
8 St. 11, Geo. IV. et 1, Guil. IV. et 12, Vict., c. 87.
DANS QUEL DÉLAI UN EXECUTORY ISTEREST PRODUIT EFFET 357
arrive, s'exercer à leur heure [indestructible estâtes), il
fallait empêcher qu'un trop grand nombre d'immeubles
ne se trouvassent frappés d'inaliéaabilité pendant un temps
trop long. Une limite a donc été posée pour la création des
executory interests^ et tout droit de cette nature qui la dé-
passerait serait considéré comme nul et non avenu.
En ce qui regarde les droits de réversibiUté contingents,
on a vu plus haut qu'un remainder ne peut être accordé,
pour sa vie durant, à l'enfant non encore né d'une personne
vivante, avec réversibilité en faveur de la postérité de cet
enfant^ (n° 465); cette seconde réversibilité est déclarée
nulle.rCette règle revient à défendre dégrever des immeu-
bles pour une période plus longue que celle qui peut s'écou-
ler jusqu'à la majorité de l'enfant non encore né d'une per-
sonne vivante ou, en d'autres termes, pour plus que la vie
d'une personne, augmentée de vingt et un ans, plus quel-
ques mois pour la durée de la gestation, s'il s'agit d'un
enfant posthume ^ |
Par analogie avec cette règle, la loi considère un exe-
cutory interest comme valable à la condition qu'il entre en
vigueur dans un laps de temps comprenant la durée de
la vie de personnes actuellement existantes, augmentée de
vingt et un ans et, s'il y a lieu, de la période normale de
gestation; le terme de vingt et un ans est indépendant de
la question de savoir si, en fait, l'ayant-droit est mineur
ou non; s'il n'y a pas de personnes vivantes indiquées, le
laps de temps autorisé ne comporte que ces vingt et
un ans'". Pour peu que, dans une hypothèse quelconque,
l'entrée en jouissance de Vinterest puisse se trouver re-
portée à une époque plus reculée que celle-là, Vinterest
9 Lord Kenvnn, dans I.ong c. >" Jarman, Ti^f/As-, 3<: éd . , 229 .
Blackall, 7, T. Rep., 102.
358 DANS QUEL DÉLAI UN EXECUTORY IMEREST PRODUIT EFFET
est radicalement nul dès le principe. Tel serait le cas d'une
libéralilé en faveur du premier fils de A, — personne en
vie, — qui atteindrait sa vingt-quatrième année''; car,
si A mourait ne laissant qu'un fils âgé de quelques mois.
Vestale de ce fils ne prendrait naissance qu'au bout d'un
laps de temps excédant les vingt et un ans à dater du dé-
cès de A, qui sont le délai maximum admis par la loi.
482. — D'autre part, d'après le St. 39 et 40, Geo. III,
G. 98, une restriction a été apportée aux dispositions qui
tendraient à accumuler les revenus d'une propriété au
profit d'un possesseur futur. Cette loi a été provoquée par
le bizarre testament d'un M. Thellusson, qui avait prescrit
d'accumuler les revenus de ses biens pendant la vie de
tous ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants vi-
vants au moment de son décès, au profit de ceux de ses
descendants qui seraient en vie au décès de la dernière de
ces personnes. M. Thellusson s'était, comme on le voit,
strictement conformé à la règle qui permet de subor-
donner l'entrée en vigueur d'un executory intere^t au
décès d'un nombre quelconque d'individus actuellement
en vie.
Pour prévenir l'usage abusif qu'on pourrait être tenté
de faire de cette facilité, la loi a défendu l'accumulation
pour une période plus longue que la vie du disposant, ou
que vingt et un ans à partir de son décès, ou que la mi-
norité d'une personne actuellement en vie ou conçue à
l'époque de son décès, ou que la minorité de lapersonneà
qui l'accumulation doit profiter'^ Toute disposition qui
excéderait la période permise est valable jusqu'à concur-
11 iVei^wan c. A'eiojnan, lÛSim., ^- Wihonc. Wilson,i Sim., N.
61 \Griffith c. Blunt, 4 Beav., 24. S., 228.
DES BIENS POSSÉDÉS P\\\ INDIVIS 359
rence de cette période, mais nulle au delà '\ Si la disposi-
tion qui prescrit l'accumulation dépasse même les limites
fixées pour les executory interests, elle est radicalement
nulle, indépendamment du statut de George III ^'\
CHAPITRE IV
Des biens possédés par indivis.
INTRODUCTION.
483. — Quand un bien appartient à une seule per-
sonne et à ses héritiers, il constitue un estate in severalty;
c'est le cas ordinaire de la propriété individuelle. Mais il
arrive souvent qu'un bien appartienne simultanément à
deux ou plusieurs personnes. La copropriété indivise se
présente en Angleterre sous trois formes : la tenure con-
jointe [joint tenancy), à laquelle se rattache la tenure by
tf/î/m/i'e^; la tenure en commun [tenancy in coinmon)^ et
la tenure par cohéritage [coparcenary] .
I
De la nature conjointe.
Sommaire : 484. Définilion. — 485. Les quatre unités requises. — 486.
Condition sous laquelle une tenure est réputée conjointe. — 487. Des
diverses espèces de tenures conjointes. — 488. Tenure conjointe par
des trustées. —489. Ellels de la tenure conjointe. —490. Fin de la tenure
conjointe; droit d'accroissement. — 491. Partage amiable ou judi-
ciaire; Inclosurc commissionem.
484. — La tenure est dite conjointe lorsque deux ou
plusieurs personnes acquièrent un même bien en même
>» Jarman, iVills, 3'= éd., 286 ; in et War., 509; Curtù c. Lukin, 5.
reladyRosslynsirust,\(')S'\TCi.,'^i. Beav., 147; Turwin c. NeiocomCy
i' Kerc. lord Dunyannon,lDr. 3 Kay et J., 16.
360 DE LA TENL'RE CONJOINTE
temps, au même titre et par le même acte, pour le posséder
ensemble leur vie durant et recueillir successivement^ par
droit de survivance, la part de droits des prémourants. A
l'égard des tiers, les tenanciers conjoints sont réputés ne
former qu'une seule personne. Entre eux, ils ont des droits
distincts mais respectivement égaux.
485. — Pour qu'une tenure soit conjointe, il faut que
selon l'expression technique, elle présente les quatre uni-
tés : 1" unité de possession, 2° unité de durée {interest),
3° unité de titre, 4° unité de point de départ.
. 1° L'unité de possession consiste en ce que les divers
tenanciers ont la possession entière tant de chaque partie
que du tout : ils n'ont pas la saisine, l'un, d'une fraction du
bien, l'autre, d'une autre; chacun d'eux a une fraction in-
divise de la totalité et non la totalité d'une fraction indivise ;
quilibettotum tenet et nihil tenet: scilicet, totum in com-
muni et nihil separatim per se^ . Ils possèdent, selon la
vieille formule coutumière, j)er my et per tout, ce en quoi
la tenure conjointe proprement dite diffère de la tenure
hy enlerities. Cette dernière tenure est celle de deux époux
à qui un bien a été donné conjointement. Or, aux yeux de
la loi anglaise, les deux époux ne forment qu'une seule per-
sonne juridique; ils ne peuvent, par conséquent, posséder
une part, une moitié distincte du bien ; ils sont saisis de la
totalité, per tout et non per my; d'où il suit que le mari ne
peut disposer d'aucune partie du bien sans le consente-
ment de sa femme'.
2° Les tenanciers conjoints doivent avoir un seul et
même interest, un droit d'une égale durée quant à sa na-
ture intime; ils ne peuvent pas être, l'un, tenancier à vie,
^ Bracton, 1. V, tr. 5, c. 26. 2 Co. Litt., 187.
DE LA TENURE CO;SîJOINTE 361
l'autre tenancier pour un nombre déterminé d'années, ou
l'un en fief simple et l'autre en fief substitué.
3° Il y a unité de titre lorsque les droits des divers tenan-
ciers découlent d'un seul et même acte. Une tenure con-
jointe nepeutdériver ni d'un testament, ni d'une disposition
de la loi, mais exclusivement d'un achat ou d'une cession
au profit de tous les tenants à la fois.
4° Enfin, l'unité de temps consiste en ce que tous les te-
nants sont investis de la propriété à une seule et même
époque. Ainsi, il y aura unité de temps et, par conséquent,
tenure conjointe si A et B reçoivent en môme temps l'in-
vestiture soit d'un bien, soit de l'expectative d'un bien.
Mais, si l'expectative d'un bien actuellement loué à vie à
un tiers est conférée aux héritiers de A et de B, et qu'a-
vant l'expiration du bail A vienne à mourir, puis plus tard
B, leurs héritiers seront non des tenanciers conjoints, mais
de simples tenanciers en commun; car la moitié du bien a
été dévolue aux uns dans un temps, et la seconde moitié
aux autres dans un autre temps^
486. — Une tenure est conjointe par cela seul que
l'acte constitutif, fait simultanément au profit de deux ou
plusieurs personnes, ne contient aucune fixation de part
individuelle. Elle est présumée telle, at law, pour peu qu'il
y ait deux ou plusieurs personnes investies ensemble; il
n'en est pas de même en equity^ où l'on admet, au con-
traire, que, sauf indication précise, il y a simple tenure en
commun. Au surplus, \e joint tenant \i&\iiiQ\i]0[xv?,, pen-
dant sa vie, convertir sa tenure conjointe en une tenure en
commun,
487. — Tout immeuble peut faire l'objet d'une tenure
conjointe. Lorsqu'un immeuble est donné àA et B conjoin-
3 Co. Litt., 188.
362 DE LA TENURE CONJOINTE
tement, sans autre indication, ils en deviennent tenanciers
conjoints à vie. Comme, à l'égard des tiers, les droits
constitués au profit de chacun d'eux sont réputés se con-
fondre, ils durent nécessairement jusqu'au décès du der-
nier survivant. Tant qu'ils sont tous deux en vie, ils
prennent chacun une moitié des fruits; mais, au décès de
l'un, l'autre a droit à la totalité pour le reste de ses
jours.
L'immeuble peut aussi être constitué, non plus à vie,
mais en fief substitué, au profit de A et B et « des héri-
tiers de leurs deux corps ». Dans ce cas, deux hypothèses
se présentent :oubienAetB sont des personnes susceptibles
de se marier ensemble, ou bien ils ne le sont pas (un frère
et une sœur, ou deux hommes, ou deux femmes). Dans la
première hypothèse, A et B ont un estate in spécial tail, un
fief substitué spécial, que ne peuvent recueillir après eux
que les héritiers issus de leur mariage*; tant qu'ils sont
tous deux en vie, ils ont droit aux fruits par portions éga-
les; au décès de l'un d'eux, le survivant en perçoit la tota-
lité, et, à la mort de ce dernier, l'héritier issu du mariage
recueille le bien tout comme si A et B n'avaient constitué
qu'une seule et même personne. Dans laseconde hypothèse,
tant que l'unité de durée subsiste, la loi la respecte: A et
B sont considérés comme ne formant qu'une seule per-
sonne et, pendant toute leur vie, jouissent du bien en
commun ; au décès de l'un, l'autre prend le bien tout entier
pour le reste de ses jours; mais, comme ils ne sont pas
susceptibles de se marier ensemble, il n'est pas possible
qu'une seule et même personne descende et hérite d'eux;
au décès du dernier survivant, le bien se disjoint et se
partage par moitié entre l'héritier de A et l'héritier de B;
* Co. Litt., 20 6, 25 b; Bac n, Neiv Abridgment, lit. Joint Te.nanls [G).
DE LA TENL'RK CONJOINTE :363
mais ceux-ci ne sont plus tenanciers conjoints, ils sont de
simples cotenanciers; au lieu de deux personnes possé-
dant collectivement le bien tout entier, comme l'étaient
A et B, il y a deux tenanciers possédant chacun une moi-
tié indivise, sans nul droit de survivance sur la part du
prémourant.
Enfin, il se peut qu'un bien soit donné à titre de fief
simple à deux ou plusieurs personnes conjointement. Tel
estle cas où unbien estdonnéwàA et Betà leurs héritiers »,
ou bien «à A et B et à leurs héritiers ou cessionnaires ».
En réalité, le bien ne passe, nonobstant les termes appa-
rents de cette formule, qu'aux représentants de A ou de
B. En effet, tant que A et B sont en vie, ils possèdent le
bien conjointement; au décès de l'un d'eux, le survivant
recueille la totalité, et c'est l'héritier de ce dernier qui lui
succède dans la possession du bien, à l'exclusion des héri-
tiers du codonataire prédécédé ^
488. — Les tenures conjointes en fief simple sont
beaucoup plus usitées que celles en fief substitué ou à vie.
Lorsqu'un bien doit être confié à des trustées^ ces trustées
sont, en général, constitués à l'état de tenanciers conjoints,
de telle sorte que, l'un d'eux venant à mourir, le bien passe
de plein droit aux survivants, à l'exclusion des héritiers ou
légataires des prémouranls;ce n'est qu'au décès du dernier
survivant que le bien estrecueilli par son héritier ou léga-
taire et conservé par lui en fidéicommis jusqu'à ce qu'un
nouveau trustée ait été régulièrement constitué.
489. — De ce que les tenanciers conjoints ne forment
qu'une seule personne à l'égard des tiers, il résulte, d'une
part, que leurs droits respectifs doivent prendre naissance
en même temps ; sauf une exception pour le cas où l'im-
î Littlclon, Tenures, § 280.
364 DE LA TENURE CONJOINTE
meuble est cédé en vertu du Slatute of uses « et pour celui
où, le droit des tenanciers découlant d'un testament, les
légataires peuvent prendre leurs parts à des époques diffé-
rentes ". Il en résulte, d'autre part, que, si l'un des te-
nanciers conjoints veut disposer de son droit en faveur
d'un des autres, il ne peut le faire par l'un des modes trans-
latifs de propriété entre étrangers, chacun des tenanciers
étant réputé d'ores et déjà investi de la chose tout entière ;
la cession doit prendre la forme d'un acte de renonciation
(release) ^
490. — La tenure conjointe ne produit ses effets que
tant qu'elle subsiste. 11 est au pouvoir de chacun des in-
téressés d'y mettre fin [sève?-], notamment en aliénant sa
part de droits. Cette aliénation et, par conséquent, la dis-
jonction peuvent se faire par tel mode de disposition qu'il
plaît au tenancier de choisir, hormis par testament: le legs
d'une part dans la tenure conjointe serait sans effet, attendu
qu'un testament n'a d'effet qu'après la mort du testa-
teur et que cette mort ouvre immédiatement, au profit des
tenanciers survivants, un jus accrescendi découlant du
titre constitutif même de la tenure et, par conséquent, an-
térieur et supérieur au legs ^
Si le tenancier n'use pas de son droit de disposition en-
tre vifs, sa part accroît, comme nous venons de le dire, à
ses cotenanciers survivants, en vertu du droit d'accroisse-
ment et de survivance qui est de l'essence de ce genre de
tenure.
S'il en use, la disjonction produite par l'aliénation brise
tout à la fois l'unité de titre, de durée et de point de àé-
^ B&con, New Abridg, i\i. Joint « Bacon, op. cit. (I), 3, 2; Co.
Tenants (D); Gilbert, Treatise on Litt., 169 a.
Uses, 71.
■> Jarmaa, Wills, 3e éd., p. 235. 9 Littletoa, Tenures, § 287.
DE LA TENURE CONJOINTE 365
pari; l'unité de possession subsiste seule, tant qu'on ne
procède pas à un partage. La part aliénée cesse de faire
partie de la tenure conjointe et forme dorénavant l'objet
d'une simple tenure en commun: le tiers acquéreur tient
sa part indivise en qualité de tenancier en commun, avec
les autres tenanciers conjoints primitifs, lesquels conservent
d'ailleurs, ce caractère tant qu'il n'y a pas une nouvelle
disjonction entre eux-mêmes.
491. — Les tenanciers conjoints peuvent aussi opérer
la disjonction par un partage amiable ou judiciaire. Jus-
qu'au règne de Henri VIII, le partage n'était possible
qu'autant que tous les intéressés étaient d'accord pour y
procéder. Divers statuts remontant à ce règne admirent la
possibilité d'un partage judiciaire, en vertu d'un icrit of
partition obtenu du tribunal compétent '". Plus tard, c'est
la cour de Chancellerie qui fut spécialement chargée de
connaître des actions en partage, et le statut 3 et 4, Guill.
IV, c. 27_, § 36, abolit l'ancien icrit of partition, qui était
d'ailleurs, tombé en désuétude. La loi sur l'organisation
judiciaire de 1873 (St. 36 et 37, Vict., c. 66) a transféré
l'examen deces questions à la Haute-Courdejustice (§§ 16
et 17). Que le partage soit amiable ou judiciaire, les co •
tenanciers ont à se céder mutuellement leurs parts ou, pour
mieux dire, en tant qu'il s'agit de tenanciers conjoints, à
renoncer réciproquement à leurs droits sur les parts échues
à leurs consorts; pour les simples tenants en commun qui
veulent sortir d'indivision, il faut des actes de cession mu-
tuels, comme entre étrangers. Le partage est nul at laio, s'il
n'est pas fait ^phr deed (St. 8 et 9, Vict., c. 106, § 3). S'il
y a parmi les copartageants des incapables, — mineurs ou
aliénés, — la cour a qualité pour assurer l'effet du partage
»o St. 31, Henr. VHI, c. 1, et St. 32, Henr. VIII, c. 32.
366 DE LA TENL'RE EN COMMUN
réglé par elle, en investissant de la part de ces incapables
les personnes qu'elle juge à propos de choisir (St. 13 et 14,
Vict., c, 60, §§ 3, 7 et 30). Un autre moyen commode de
faire le partage est de recourir aux Inclosiire coinmissio-
ne}'s, lesquels sont compétents, en Angleterre et dans le
pays de Galles, pour procéder sous leur sceau à des par-
tages et échanges d'immeubles, sans qu'il faille aucun acte
ni de cession ni de renonciation^'.
D'après des lois récentes, la cour, saisie d'une de-
mande en partage, peut, si elle le juge à propos, ordonner
la vente du bien el la répartition du prix entre les inté-
ressés. Lorsque la vente du bien commun est requise par
les personnes ayant droit à une moitié au moins dudit
bien, la cour est tenue de l'ordonner, à moins de raisons
graves. Mais, même en dehors de ce cas, il est loisible à
la cour d'ordonner la vente requise par l'un des intéressés,
encore que les autres offrissent de racheter sa part'^.
Il
De latenure en commun.
Sommaire: 492. Définition ; droit de chaque tenant. — 493. Partage.
492. — Les tenants in common sont de simples
cotenanciers par indivis, qui possèdent ensemble la même
chose (unité de possession), mais chacun en vertu d'un
titre distinct pour sa part. Dans ce cas, les parts des com-
munistes peuvent n'être pas égales et leurs droits avoir
11 Cette matière est réglée par 11 ; 15et 16, c. 79, §§ 31-32; 17etl8,
une dizaine de lois du règne de c. 97, § 5; 20 et 21, c. 31, §§ 1-li,
Victoria I" : St. 8 et 9, c. 118, 21 et 22, c. 53, 22 et 23, c. 43,
§§147, 150; 9 et 10. c. 70, 5§ 9-11 , §§ 10-11 : 39 et 40, c. 56, § 33.
10 et 11, c. 111, §§ 4 et 6; 11 et 12; 12 St. 31 et 32, Vict., c. 40, amendé
c. 99, § 13 ; 12 et 13, c. 83, §§ 7 et par St. 39 el40, Vict., c. 17, §§ 3-5.
DE L'INDIVISION ENTRE COHERITIERS 367
une flurée différente, les uns tenant en flef, les autres à
vie seulement.
Dans l'état de communauté, quelques-uns des commu-
nistes peuvent être entre eux des tenanciers conjoints et,
par rapport aux autres, de simples cotenants par indivis.
Entre les deux genres de tenures, il n'y a qu'une similitude :
<( l'unité de possession ».
Par rapport à sa part, le tenant in common est
exactement dans la position d'un propriétaire d'estate
séparé. C'est dire qu'il ne jouit d'aucun droit de survivance
éventuel sur la part des autres colenanciers, mais, d'un
autre côté, qu'il n'est pas exposé, en cas de prédécès, à ce
que sa propre part soit absorbée par eux au préjudice de
ses héritiers naturels ou de ses légataires.
493. — Il n'est, pas plus que \e joint tenant^ contraint,
de rester dans l'indivision; il a toujours le droit de con-
traindre ses cotenanciers au partage, en s'adressant à une
cour d'équité. II peut de même aliéner sa part quand bon
lui semble. Les partages extrajudiciaires doivent être faits
par deed (St. 8 et 9, Vict., c. 106, § 3).
m
De l'indivision entre cohéritiers {coparcenary).
S0.MMAIRE : 494. Définition. — 495. Rapports et différences avec la tenure
conjointe. — 496. Effets du partage.
494. — Les possessions en copai^cenanj sont les biens
d'héritage indivis entre deux et plusieurs cohéritiers. Ce
mode de tenure se fonde soit sur la loi commune, soit sur
une coutume particulière. D'après la loi commune, lors-
qu'un fief simple ou substitué échoit, au décès de son pos-
sesseur, à des héritiers du sexe féminin tels que ses filles.
368 DE L'INDIVISION ENTRE COHÉRITIERS
ses sœurs, ses tantes, ses cousines ou leurs représentants^
ces héritiers arrivent tous simultanément à la succession
sans que l'aîné jouisse d'aucune espèce de prérogative, et
on les désigne sous le nom de coparceners ou de par-
ceners '^ Il y a des parcejiers, d'après certaines coutumes
particulières, lorsque les biens successoraux passent, par
exception, à tous les mâles placés au même degré, comme
c'est le cas dans la coutume du goMelkinrf* . Dans ces di-
verses hypothèses, les cohéritiers ne forment ensemble
qu'une seule personne et n'ont entre eux qu'une seule pro-
priété indivise'".
495. — La tenure des coparceners a cela de commun
avec la tenure conjointe qu'elle présente les trois unités de
durée ou d'm^eres^,;de titre et de possession. Mais elle en
diffère : 1° en ce qu'en tout temps les cohéritiers ont pu
réclamer le partage en justice, même à l'époque où les
joint tencints ne le pouvaient pas ; ils ont, cela va sans dire,
le droit de procéder à un partage amiable, lorsqu'ils s'en- .
tendent à cet effet; — 2° en ce que l'unité de temps n'est
pas nécessaire entre coparceners; ainsi, si un homme
laisse deux filles comme cohéritières indivises et que l'une
d'elles meure avant l'autre, la survivante et l'héritier de
la fille prédécédée n'en demeurent pas moins copar-
ceners; — 3° en ce que le droit des coparceners ne porte
pas sur la totalité de la chose commune : ils ont droit à une
part de la chose ; ils n'ont pas un droit collectif sur la chose
tout entière, d^où il résulte qu'ils n^ont aucun droit de
survivance ou d'accroissement; la part de chacun d'eux
passe, lors de son décès, à ses propres héritiers '\
496. — Aussi longtemps que les biens continuent de se
1' Litlleton, Tenures, § 241, 242. is Co. Litt., 163.
il 76., § 265. 16 Co. Litt., 163, 164, 174.
DE L'INDIVISION KNTRE COHÉRITIERS , 369
transmettre par succession et demeurent indivis, les tenan-
ciers restent des copavccncrs. Une fois le partage opéré,
tout lien est rompu entre eux. Si, bien qu'il n'y ait pas
eu de partage, l'un d'entre eux aliène sa part, l'acquéreur
et les cohéritiers restants ne sont plus entre eux des copar-
ceners, mais des tenants in common, de simples colenan-
ciers par indivis.
Lniit
SECTION HUITIEME
DES POSSESSIONS CONDITIONNELLES ET, EN
PARTICULIER, DES MORTS-GAGES.
INTRODUCTION.
497. — Les tenures sous conditionne constituent pas,
à vrai dire, une espèce particulière de tenures ; car la
condition n'est qu'une modalité de la tenure à laquelle
elle se reporte. L'une des tenures sous condition les plus
importantes porte le nom de mort-gage, légal ou équitable,
et correspond à ce que, dans le droit du continent, on
range sous la rubrique du privilège immobilier, de l'anti-
chrèse ou de l'hypothèque.
Avant d'étudier celle matière avec les développements
qu'elle comporte, nous tenons à dire quelques mots des
restrictions qui peuvent être apportées aux droits des ac-
quéreurs ou donataires d'immeubles.
CHAPITRE I
Des restrictions apportées aux droits des acquéreurs
d'immeubles.
Sommaire : 498. Conditions imposées par testament ou par contrat de
mariage : covenants; leur efficacité à l'égard des successeurs de celui
qui les a souscrits. — 499. Conditions suspensives ou résolutoires; im-
possibles, illicites ou immorales. — 500. Conditions répugnantes. —
501. Conditions expresses ou implicites.
498. — Les conditions auxquelles est subordonnée la
jouissance d'un immeuble découlent le plus souvent des
RESTRICTIONS AUX DROITS DES ACQUÉREURS DTMMEUBLES 371
clauses d'un testament ou d'un contrat de mariage. Il
est assez rare qu'on en insère dans un contrat de vente,
hormis le cas où la possession de l'immeuble n'est trans-
mise qu'à terme ou à vie. En cas de vente d'un fief
simple, le vendeur qui entend limiter en quelque ma-
nière les droits de l'acquéreur lui fait signer un enga-
gement [covenant). Cet engagement lie toujours l'acqué-
reur qui l'a souscrit; mais il est souvent difficile de
déterminer s'il lie également ses successeurs et ayants-
cause, alors qu'ils n'en ont pas eu connaissance^ et s'il
suit ou non l'immeuble en quelques mains qu'il passe.
Ainsi, il est douteux qu'à raison des engagements ac-
ceptés par son auteur, un tiers acquéreur puisse être
contraint de payer une rente ou de conserver un che-
min au travers du domaine. Si, au contraire, la convention
qu'on prétend lui opposer a pour but de régler ou de li-
miter le mode même de jouissance de l'immeuble, ou de
préciser le mode de conservation et de production des
titres de propriété concernant le domaine, il est possible
qu'un tiers acquéreur, non averti de l'existence de la con-
vention, ne puisse pas être recherché en droit strict; mais
les cours d'équité le tiendraient incontestablement pour
obligé et le contraindraient à respecter la condition sous-
crite par son auteur'.
Il va sans dire qu'en tout étal de cause le signataire du
covenant oblige non seulement sa propre personne, mais
encore ses héritiers et exécuteurs, pourvu que, selon l'u-
sage, les héritiers aient été mentionnés ; il serait passible
de dommages et intérêts si, pour une raison quelconque.
' Whatman c. Gibson,9 Sim., 571; Manne, iitephens, 15 Sim.
i%;Tulk c. Moxhay, 11 Beav., 377; Sugden, F. and P., 47'i.
372 RESTRICTIONS AUX DROITS DES ACQUEREURS DTMMEUBLES
l'engagement devenait caduc, par exemple à l'égard d'un
tiers acquéreur non prévenu.
499. — Lorsque les biens sont tenus sous des con-
ditions expresses, les conditions sont suspensives ou ré-
solutoires. Les conditions impossibles, immorales, ou
contraires à l'ordre public, empêchent, si elles sont sus-
pensives, la transmission de l'immeuble; si elles sont ré-
solutoires, elles sont elles-mêmes entachées de nullité et
ne portent aucune atteinte à la transmission qui a été
effectuée.
500. — On désigne sous le nom de conditions répu-
gnantes celles qui sont contraires à l'essence même de la
possession qu'on entendrait y subordonner; par exemple,
lorsqu'un fief simple est vendu ou donné à une personne
et à ses héritiers, la condition qui serait faite à cette per-
sonne de ne pas aliéner le bien. Les conditions répugnan-
tes sont réputées non écrites.
501. — Enfin, il y a des conditions expresses ou im-
plicites. Les conditions implicite^ sont celles qui ne sont
pas formellement énoncées. Ainsi, dans le cas où un im-
meuble serait donné à vie moyennant le payement d'une
certaine redevance, il est bien entendu que le donataire
serait passible d'expulsion s'il ne s'acquittait pas réguliè-
rement : la condition produirait ses effets bien que non
formulée dans l'acte.
CARACTERES ET DÉVELOPPEMENT DE L'INSTITUTIU.N 373
CHAPITRE II
Des morts-gages.
I
Caractères et développement historique
de l'institution.
Sommaire : 502. Gage vivant, mort-gage. — 503. Définition du gage vi-
vant. — 504. Définition du mort-gage. — 505. Différences entre l'in-
terprétalion donnée du mort-gage par les tribunaux ordinaires et par
les cours d'équité; faculté de rachat. — 506. Lois de 1736, 1852 et 1873.
— 507. Règle onr.e a mortgage, aUcays a mortgage. — 508. Cas où il
y a eu vente sous clause de réméré. — 509. Législation moderne; ca-
ractère qu'elle a donné au mort-gage.
502. — En fait de possessions tenues par un créancier
à litre purement conditionnel et pour sûreté de sa créance,
on distinguait, dans l'ancien droit anglais, le gage vivant
(vivum vadium, living pledge) et le gage mort ou mort-
gage [mortimm vadiwn, dead pledge)^.
503. — Le gage vivant était celui dont le créancier
n'était nanti que pendant le temps qu'il fallait pour amor-
tir la créance, en principal et intérêts, au moyen des re-
venus annuels du bien. On l'appelait vivant, parce qu'il
survivait à la dette et faisait retour au débiteur, son pro-
priétaire, aussitôt que la dette avait été remboursée; ou,
suivant d'autres, parce que le gage, travaillant lui-même
par ses fruits à l'extinction de la dette, semblait posséder
une sorte de vitalité-. Ce genre de sûreté paraît avoir
complètement disparu.
« Cpr. Stephen,Comm.,14eédit., "^ Snell, Eq., 299; Co. Litt., 205.
p. 175 et suiv.
374 CARACTERES ET DEVELOPPEMENT DE L'INSTITUTION
504. — Le mort-gage, beaucoup plus commun, était
celui dont le créancier était définitivement nanti, sous la
seule réserve de le restituer si le débiteur était en mesure
de se libérer à l'échéance; si le débiteur laissait passer
l'échéance sans s'acquitter, le droit du créancier sur l'im-
meuble devenait absolu et irrév^ocable. Le créancier ne
tenait le bien en mort-gage que pendant la période où le
débiteur avait la faculté de se libérer et de se faire rétro-
céder Timmeuble^ En d'autres termes, le mort-gage était
une sûreté en vertu de laquelle le créancier devenait pro-
priétaire d'un immeuble appartenant à son débiteur, à
charge de le lui restituer si la dette était remboursée à
l'échéance. Les cours de justice ne considéraient pas le
mort-gage comme une simple garantie, analogue à l'hypo-
thèque du droit français : at law, le créancier acquérait
sur l'immeuble un estate in fee shnple; il en était réputé
propriétaire. Seulement, en vertu d'une convention acces-
soire, il était le plus souvent stipulé que le débiteur con-
serverait la jouissance du bien jusqu'à l'échéance.
505. — Au reste, il y a eu de très vieille date une dif-
férence sensible entre la manière dont l'institution du mort-
gage était comprise soit par les tribunaux ordinaires, soit
par les cours d'équité. Les premiers s'en tenaient rigou-
reusement à la théorie que nous venons d'exposer; par
suite, dès le moment de la constitution du mort-gage, le
débiteur cessait de pouvoir concéder valablement sur l'im-
meuble aucun droit, fût-ce un simple bail à terme; et, dès
qu'il laissait passer le jour de l'échéance sans s'acquitter,
le créancier pouvait provoquer son expulsion et se mettre
définitivement en son lieu et place : le moindre défaut de
3 Blackstone, éd. fr., II, 564.
CAKACTÈKES ET DÉVELOPPEMENT DE L'INSTITUTION 375
ponctualité privait à jamais le débiteur de l'immeuble mort-
gagé.
Pendant longtemps les relations du débiteur mortgageur
{mortgafjer) avec le créancier mortgagiste [mortgagee)
restèrent sur le pied que nous venons d'indiquer. Sous
Jacques I", la cour de Chancellerie commença à s'interpo-
ser entre eux de façon à mitiger l'extrême rigueur du droit
commun. Sans enlever à l'expropriation découlant du mort-
gage ses effets légaux traditionnels, les cours d'équité
cherchèrent à agir sur la conscience du créancier; elles
déclarèrent qu'il serait abusif de le considérer sans une
nécessité absolue comme propriétaire d.'un immeuble qui,
dans la commune intention des parties, ne devait être en-
tre ses mains que le gage du remboursementde sa créance;
et elles admirent que les conséquences strictes du non-
payement à l'échéance étaient susceptibles de relief ou, en
d'autres termes, que le débiteur, même après avoir en-
couru la dépossession en droit strict, jouirait, en équité,
d'une faculté de rachat [equity to redeein)^ s'il s'acquit-
tait après coup dans un délai raisonnable.
506. — Les juges de droit commun réagirent tant
qu'ils purent contre cette nouvelle doctrine, ce qui eut
pour résultat pratique de faire peu à peu tomber toutes les
affaires demortgage dans la juridiction des cours d'équité.
Toutefois le législateur lui-même se décida, dès le siècle
suivant, à sanctionner la jurisprudence plus humaine de
ces cours : d'après un statut de George II (St. 9, Geo. II,
c. 20), le débiteur fut admis à éviter le déguerpissement en
payant, pendant le cours même de l'instance ouverte con-
tre lui, la dette en principal et accessoires. Le statut 45 et
16, Vict., c. 70, §^ 219 et 220, est venu depuis confirmer
cette règle : lorsque, le débiteur étant resté en possession
376 CARACTÈRES ET DEVELOPPEMENT DE L'INSTITUTION
de rimmeuble mortgagé, lecréancier intente contre lui son
action en ejectment, il est loisible au débiteur d'arrêter les
poursuites, et, par conséquent, de neutraliser l'effet da
mort-gage, en payant ce qu'il doit en principal et acces-
soires. Enfin, la loi sur l'organisation judiciaire de 1873
(§ 2S, al. 5) statue que, si le débiteur est resté en posses-
sion de l'immeuble et si le créancier n'a pas manifesté
l'intention de s'y installer lui-même et d'en percevoir les
fruits, le débiteur, bien que réputé en droit strict n'être
plus propriétaire de l'immeuble, a néanmoins la faculté
d'intenter en son propre nom les actions possessoires et
les actions tendant à obtenir soit le payement des fruits et
revenus de l'immeuble, soit des dommages et intérêts à
raison de quasi-délits commis par les tiers.
507. — A peine le principe à'equity eut-il été opposé
à l'ancienne règle légale que les créanciers cherchèrent, à
en éluder les conséquences au moyen d'une convention
expresse; et il fallut que les cours d'équité déclarassent
qu'elles tiendraient pour non avenue la renonciation faite
par le débiteur à la faculté de rachat lors de la passation
du contrat, pourvu qu'il offrît le remboursement dans un
délai raisonnable. C'est ce qu'a exprimé l'adage : once a
mortfjage^ ahvays a mo7'lgage ; lorsqu'un bien avait le ca-
ractère d'un mort-gage, il devait le conserver et ne pou-
vait passer au créancier sous un autre titre, en vertu du
même contrat, quelle que fût la clause insérée dans l'acte
ou la forme donnée à la transmission de l'immeuble pour
neutraliser la faculté de rachat inhérente au mort-gage.
Au reste, le créancier resta libre de stipuler en sa faveur
un droit de préférence ou de préemption, en cas de vente
de l'immeuble, ou de s'engager à ne pas réclamer son ca-
pital tant que l'intérêt en serait payé exactement. En gé-
CAHA(.TÈRES ET DÉVELOPPEMENT DE LINSTITLTION 377
néral, toute convention entre les deux parties demeure va-
lable pourvu qu'elle n'ait pas pour effet direct ou indirect
de priver le déh'deur de Vequily lo redeem.
508. — Le principe d'équité qui a prévalu en matière
de mort-gage ne s'applique pas au cas où il y a eu dès
le début entre les parties un contrat de vente sous clause
de réméré : un semblable contrat est parfaitement va-
lable, si telle a été réellement la commune intention des
parties. Mais il serait toujours permis de prouver qu'il
ne constitue qu'un mort-gage déguisé et doit être traité
en conséquence. Telle serait une vente apparente moyen-
nant un prix dérisoire, à la suite de laquelle l'acquéreur
n'aurait pas été mis en possession du bien vendu ; ou
d'après laquelle l'acquéreur, mis en possession, serait
tenu de rendre compte des fruits au vendeur sauf prélève-
ment d'une portion équivalant à des intérêts; ou, enfin,
dont les frais d'acte seraient à la charge du vendeur. La
question desavoir si un contrat est un mort-gage ou une
vente à réméré est fort importante au point de vue de ses
effets: tandis que, dans un mort-gage, même après avoir
perdu la propriété en droit strict [forfeilure ai law), le
mortgageur jouit de son droit de rachat " équitable », en
matière de vente à réméré, au contraire, le vendeur ne peut
exercer le rachat qu'en s'en tenant très exactement au délai
stipulé, sous peine d'une déchéance dont nul tribunal n'a
le pouvoir de le relever. D'un autre côté, si l'acheteur sous
clause de réméré meurt avant quele vendeurait usé de son
droit, et que levendeurusede ce droit immédiatement après
le décès, le prix de rachat appartient aux rcal représen-
tatives de l'acquéreur, c'esl-à-dire, aux héritiers appelés
à recueillir ses immeubles; tandis que, s'il s'agit d'un
mort-gage, le capital remboursé appartient aux pcrsonal
378 CARACTERES ET DÉVELOPPEMENT DE LTXSTITUTIO.X
representatwes du créancier, c'esl-à-dire aux héritiers ap-
pelés à recueillir sa fortune mobilière.
509. — La loi sur l'organisation judiciaire de 1873 a
expressément ciiargé la division de Chancellerie de la
Haute-Cour de toutes les alîaires relatives au rachat et
à la forclusion des morls-gages (§ 34). En conséquence,
si, après l'échéance, le créancier entre en possession du
bien, la division de Chancellerie ne l'en contraint pas
moins à tenir un compte exact des fruits et revenus; et,
du moment qu'il a touché une somme suffisante pour
éteindre sa créance en principal et accessoires, elle l'o-
blige à rétrocéder l'immeuble. A vrai dire, en equity,
le mortgagiste est considéré comme n'ayant de droit sur
l'immeuble que jusqu'à concurrence de ce qui est néces-
saire pour assurer le remboursement intégral de sa
créance. Vequity of rédemption, assurée au débiteur,
modifie complètement la nature du droit du créancier :
le mort-gage n'est plus, comme notre hypothèque, qu'une
garantie de l'argent par lui prêté. At laio , il a un droit
absolu sur l'immeuble, il peut en disposer par testament,
et, s'il meurt intestat, le bien passe à ses héritiers univer-
sels; en equity, il a tout simplement une sûreté pour le
remboursement de son argent, sûreté qui passe avec ses
autres biens meubles à ses exécuteurs testamentaires ou
aux administrateurs de sa succession, dont le légataire ou
l'héritier n'est à cet égard que le trustée : une fois la dette
remboursée entre les mains de ses exécuteurs ou adminis-
trateurs, la Cour enjoint au légataire ou à l'héritier de rétro-
céder l'immeuble au débiteur, bien qu'il n'ait pas reçu un
centime pour lui-même. Bien plus, lesexécuteurset adminis-
trateurs on t aujourd'hui le pou voir de rétrocéder eux-mêmes
l'immeuble après payement intégral delà dette qu'il garantit.
CONSTITUTION ET EFFETS GÉNÉHAUX DU MORT-GAGE 379
II
Constitution et effets généraux du mort-gage.
SoM.MAiRi; : 510. Forme de l'acte constitutif; covenant aujourd'hui su-
perflu. — 511. Droit d'iustallatioQ purement nominal pour le créancier.
— 512. Absence de mesures de publicité, hormis certains comtés. —
513. Effet du mort-gage quant aux intérêts arriérés et aux avances
ultérieures du créancier. — 514. Frais à la charge du débiteur.
510. — Au point de vue de la forme, l'acte constitutif
d'un mort-gage consiste habituellement en une cession du
bien au profit du créancier et de ses héritiers à perpétuité,
sous la condition que, si telle somme lui est payée tel
jour par le cédant, le cessionnaire devra lui rétrocéder
l'immeuble, mais qu'il en restera propriétaire tant que
cette somme ne lui aura pas été payée, et pourra le faire
vendre à l'échéance pour se récupérer sur le prix du
montant de sa créance en principal et accessoires, l'excé-
dent du prix devant être remis au cédant. A l'acte s'ajou-
tait autrefois un engagement [covenant]^ par lequel le
cédant et ses ayants-cause s'obligeaient à rembourser an
cessionnaire la somme due; cet engagement est aujour-
d'hui superflu; car, en vertu du Conveijancing and law of
property act 1881 (St. 44 et 4.5, Vict., c. 41), § 26, le morl-
gageurest implicitement obligé au payement, à l'échéance,
du capital et des intérêts, tout comme le créancier est
tenu, sans qu'il faille aucune clause expresse, de lui ré-
trocéder le bien aussitôt après avoir été désintéressé.
511. — Le créancier, en vertu de l'acte, a le droit de
s'installer sur l'immeuble; mais il n'y est pas obligé el,
en fait, depuis que les règles â'eguili/ ont prévalu sur
celles du droit strict, il ne s'y installe plus en général.
512. — Il n'a, d'ailleurs, aucune mesure depublirité à
380 CONSTITUTION ET EFFETS GÉNÉRAUX DU MORT-GAGE
prendre à l'égard des tiers. Il n'y a, en Angleterre, de
registres pour l'inscription des morts-gages que dans les
contrées connues sous le nom de register couniies, c'est-
à-dire : xMiddlesex, les trois Wû^m^s d'York et Kingston-
sur-HuU, où, faute d'inscription^ l'acte serait nul par
rapport aux acquéreurs et mortgagistes ultérieurs. Toute-
fois, dans tous les cas où une propriété vient à être imma-
triculée, conformément à la loi de 1897 (voir plus haut le
n°400 bis), les mortgages se trouvent inscrits, comme tous
les autres droits réels, sur le feuillet constitué parle Lajid
Registrar.
513. — Lorsqu'à l'acte constitutif du mort-gage on a
ajouté un engagement de rembouser la dette {covenant
lo pay), le créancier peut réclamer, en sus du capital,
vingt années d'intérêts arriérés ^ A défaut de covenant,
il ne lui est pas permis d'en réclamer plus de six. Mais il
a, en tout état de cause, le droit d'ajouter au principal
de sa créance le montant des frais de perception et des
réparations nécessaires.
En principe, le mort-gage légal ne couvre pas les
avances que le créancier consentirait ultérieurement en
faveur du débiteur, encore qu'elles aient été faites en
vertu d'une convention verbale à cet effet. Il en est
autrement du mort-gage équitable, lequel peut s'appli-
quer même à des versements ultérieurs, s'ils ont été faits
sous cette condition.
514. — Sauf convention contraire, les frais du mort-
gage sont à la charge du débiteur, le solicitor du créan-
cier examinant les pièces et préparant la minute de l'acte
aux frais du débiteur.
♦ St. 3 et 4, Guil. IV, c. 27, § 42; c. 42, § 3.
DES DROITS ET OBLIGATIONS DU DEBITEUR MORTOAGEUR 381
Lorsqu'un acte de mort-gage est entaché de nullité, les
cours d'équité enjoignent au déliiteur de faire un nou-
vel acte régulier. Toutefois ce second acte serait natu-
rellement primé par un mort-gage régulier consenti, dans
l'intervalle, à un tiers de bonne foi.
# 111
Des droits et obligations du débiteur mortgageur.
Sommaire : 515. Situation respective des deux parties. — 516. Faculté
de rachat compétanl au débiteur. — 517. De l'adage : redeem up, fore-
dose doicn. — 518. Epoque où le rachat peut être opéré. — 519.
Péremption du droit de rachat. — 520. Caractère du droit de racliat;
obligation de l'héritier quant au payement de la dette mortgagée : lois
de 1854, 18G7 et 1877. — 521. Le droit de rachat peut être donné en
mort-gage. — 522. Droit du mortgageur sur le bien dont il est resté
nanti; limitations à ces droits. — 523. Concession de baux. — 524. Taux
de l'intérêt.
515. — Des développements qui précèdent il résulte
que le débiteur qui constitue un mort-gage est considéré,
€0 droit strict, comme ayant cessé d'être propriétaire
de l'immeuble mortgagé, mais qu'en equity il conserve,
au contraire, provisoirement sa propriété et n'en est
dépouillé que si, faute de payer ce qu'il doit, il met le
créancier dans la nécessité de faire valoir la securily à
laquelle se réduit aujourd'hui, en fait, le mort-gage.
516. — De toutes les prérogatives du débiteur mort-
gageur la plus importante est assurément la faculté de
rachat.
Autrefois cette faculté constituait en sa faveur un sim-
ple droit personnel; mais lord Hardwicke, dans le procès
Casborne c. Scarfe {\ Atk., 603) a démontré qu'elle est un
véritable droit réel [estate in flir la/td), compétant au
mortgageur en sa qualité de véritable propriétaire du do-
382 DES DROITS ET OBLIGATIONS DU DÉBITEUR MORTGAGEUR
maine, puisque, d'après les principes ^equittj qui ont
prévalu, le domaine n'est pour le créancier mortgagiste
qu'une security^ une garantie du remboursement de sa
créance. Il suit de là : 1° que le mortgageur, en tant que
véritable propriétaire en eqiiity, conserve sur l'immeuble
tous les droits d'administration et de disposition compati-
bles avec les intérêts du créancier mortgagiste ; 2° que la
faculté de rachat, étant un droit réel, est régie^ comme le
domaine sur lequel elle porte, par la loi générale ou par la
lex loci^.
La faculté de rachat n'appartient pas exclusivement au
débiteur qui a constitué le mort-gage. Elle peut être égale-
ment exercée par ses-ayants-cause, c'est-à-dire par son
héritier, par la personne à qui il la lègue, par une per-
sonne jouissant d'un droit de réversibilité ou d'expecta-
tive, par un cessionnaire ou donataire, ou par un créancier
mortgagiste postérieur.
517. — Toute personne qui a qualité pour racheter le
mort-gage peut aussi racheter les créances qui priment son
propre droit, en les remboursant en principal et accessoi-
res, sauf à voir ledit droit racheté par les créanciers pos-
térieurs en rang et, en dernière analyse, par le mortga-
geur. Dans une action en forclusion, l'habitude est d'offrir
de racheter toutes les créances qui priment celle du de-
mandeur et de réclamer, s'il y a lieu, la forclusion de
celles qui viennent après, sauf aux titulaires de ces der-
nières à racheter à leur tour le demandeur. C'est ce qu'ex-
prime l'adage vulgaire : redeem up, foreclosedown : « Ra-
chète en remontant, forclos en descendant ».
518. — Le rachat ne peut pas être opéré avant l'époque
prévue par l'acte, encore que le débiteur offre de payer
B Cpr. Snell, Eq., p. 300.
DES DROITS ET OBLIGATIONS DU DÉBITKUR .MORTfiA(;EUR 383
rintérêl jusqu'à ladite époque. Si le créancier mortgagiste
consent à un remboursement anticipé, il a droit, en tout
étal de cause, à l'intérêt jusqu^à l'échéance primitivement
stipulée. D'un autre côté, si, après avoir laissé passer
l'échéance, le mortgageur veut se libérer, il doit en aviser
le créancier six mois à l'avance et par écrit; puis lui pré-
senter les fonds ponctuellement au jour indiqué, sous
peine d'avoir à subir un nouveau délai de six mois, le créan-
cier devant toujours avoir un laps de temps raisonnable
pour trouver un nouveau placement sûr. Dans ces divers
cas, si le créancier accepte par complaisance le rembourse-
ment avant l'expiration des six mois, il a droit à rintérêl
pour la période semestrielle complète.
519. — Antérieurement au Statute of limitations [^ei
4, Guil. IV, c. 27), il était de règle qu'après avoir possédé
Firameuble pendant vingt ans, le créancier mortgagiste
ne pouvait plus être troublé dans sa possession par l'exer-
cice du droit de rachat, à moins que le retard apporté par
le débiteur dans l'introduction de son action en rétrocession
ne provînt d'une cause majeure, telle qu'un emprisonne-
ment, son état de minorité, etc., auquel cas il jouissait, en
equity, d'un délai supplémentaire de dix ans à partir delà
disparition de l'empêchement. Le statut sus-indiqué, ex-
pliqué par le St. 7, Guil. IV, et 1, Vict., c. 28, décida ex-
pressément que, quand un mortgagiste aurait été mis en
possession du bien affecté à sa sûreté, le mortgageur
n'aurait, pour exercer l'action en rachat, qu'un délai de
vingt ans (sans préjudice des dix années supplémentaires
en cas d'incapacité) à partir soit de l'entrée en possession,
soit d'une reconnaissance écrite de son droit par le mort-
gagiste. D'après le Real property limitation act de 1874
(St. 37 et 38, Vict., c. .-)7), le laps de vingt ans a été ra-
384 DES DROITS ET OBLIGATIONS DU DEBITEUR .MOBTGAGIiUR
mené, à partir du r'' janvier 1879, à douze ans, et celui
de dix (pour cause d'incapacité) à six ans.
520. — Pendant Ja durée du mort-gage, la faculté de
rachat constitue, au profit du mortgageur, un eî^tate qu'il
peut aliéner et transmettre à ses héritiers, de même que
tout autre cstate in equity. Lorsqu'il meurt, l'immeuble
mortgagé passe soit à ses légataires, s'il a fait un testament,
soit à ses héritiers ab intestat. La dette garantie par cet
immeuble était autrefois, comme toute autre dette, paya-
ble en première ligne sur les biens meubles du défunt.
Comme, en equity, l'immeuble mortgagé constitue seule-
ment pour le créancier une sûreté éventuelle, il n'en était
pas moins dévolu selon les mêmes règles que le reste de la
fortune immobilière du mortgageur, sauf à être repris pour
le payement de la dette si la fortune mobilière n'y suffisait
pas. D'après une loi de 1834''', si le débiteur mortgageur
mourait sans avoir laissé d'instructions contraires, l'héri-
tier ou légataire à qui passait l'immeuble n'avait pas le
droit d'exiger que la dette fût payée sur l'avoir mobilier du
défunt; l'immeuble mortgagé devait rester affecté en pre-
mière ligne au payement de la dette qu'il garantissait. Une
loi de 1867 (St. 30 et 31, Vict.,c. 69) vint préciser le sens
de la précédente, en statuant que, si une personne mourant
après le 31 décembre 1867 ordonnait en termes généraux,
dans son testament, que toutes ses dettes fussent payées
sur son avoir mobilier, cette disposition ne serait pascon-
sidérée comme impliquant une dérogation au principe
posé par la loi de 1854 : il faut que l'intention contraire
du testateur soit énoncée en termes exprès, ou, tout au
moins, qu'il ait pris soin de préciser qu'il parle même de
celles de ses dettes qui sont garanties par nn mort-gage.
« St. 17 et 18, Vict., c. 113, Locke King's Act.
DES DROITS ET OBLIGATIONS DU DÉBITEUR MORTGAGEUR 385
Les deux lois de 1854 et de 1867 ne s'appliquaient pas
aux terres tenues par baux à long terme; et la seconde,
si elle étendait les dispositions sur le mort-gage au
privilège {lien) ^ouv ce qui reste dû sur le prix d'un im-
meuble acquis par un testateur, ne les étendait pas au privi-
lège relatif au prix encore impayé d'un immeuble acquis
par une personne mourant intestat. Une troisième loi (St.
40 et 41, Vict., c. 34) est venue, en 1877, amender et
compléter les deux premières. Elleporte que ces deux lois,
lorsqu'il s'agit d'une personne mourant après le 31 décem-
bre 1877, s'appliquent indifféremment, d'une part, à toute
espèce de terres ou d'héritages, quelle qu'en soit la te-
nure, — par conséquent, aux leaseholdi , comme a,\\xfree
holdseta.ux copi/holds, — d'autre part, à toute personne
ayant des droits à faire valoir [seised or possessedofor en-
titkdto) sur un immeuble grevé, au jour de son décès,
d'un mort-gage, de telle autre équitable charge ou d'un
privilège pour prix d'achat encore impayé, que cette per-
sonne laisse un testament ou qu'elle n'en laisse point.
L'héritier ou légataire de l'immeuble ne peut exiger que la
somme due soit payée sur d'autres biens du défunt qu'au-
tant que ce dernier l'a expressément et spécialement or-
donné.
521. — Le débiteur a le droit de mortgager pour sû-
reté d'une autre créance le droit de rachat qui lui compète.
Seulement une loi de 1693 (St. 4 et 5, Guill. III et Mar.,
c. 16, § 3), porte qu'il encourt la perte de ce droit, s'il
mortgage deux fois le même immeuble sans aviser le se-
cond créancier de l'existence du premier mort-gage.
522. — Le mortgageur, tant qu'il reste en possession
de l'immeuble mortgage, n'a aucun compte à rendre des
fruits et accroissements, encore que le créancier prouvât
Leur. 25
386 DES DROITS ET OBLIGATIONS DU DEBITEUR MOHTGAGEUH
que ses sûretés sont insuffisantes; il n'est à aucun degré
l'agent ou « bailiff » du créancier.
Néanmoins, et bien qu'en equity le débiteur conserve
la propriété du bien tant qu'il n'a pas encouru la forclu-
sion, l'exercice de ce droit est soumis à certaines restric-
tions, afin qu'il n'en use pas au préjudice ou en fraude
des droits du créancier. Ainsi, à la requête de ce dernier,
les cours d'équité feront défense au mortgageur de com-
mettre sur les biens des wastes de nature à en diminuer
la valeur, par exemple d'y abattre du bois de haute fu-
taie, du moment que le créancier justifie que ces wastes
compromettraient ses sûretés \ Le créancier pourra aussi,
dans la même hypothèse, évincer, s'il y a lieu, le mort-
gageur, que les cours d'équité regardent, à ce point de
vue, comme un simple tenant at will. Parfois le créan-
cier rétrocède expressément l'immeuble au mortgageur;
mais, le plus souvent, celui-ci déclare simplement qu'il se
considère comme le tenant du mortgagiste et comme obligé
envers lui au payement d'une redevance déterminée.
523. — De ce que le mortgageur n'est qu'un tenant
at will, il résulte qu'il ne peut conclure un bail opposa-
ble au mortgagiste, et que celui-ci aurait la faculté d'ex-
pulser le preneur sans nul avertissement préalable. Par
conséquent, il est nécessaire, en pratique, que le créan-
cier et le débiteur s'entendent au sujet de la location, pour
peu que le preneur ait des dépenses à faire sur le bien et
doive redouter de s'en voir brusquement expulsé.
524. — La cour de Chancellerie, pour prévenir toute
aggravation au préjudice du débiteur, a posé en principe
que, quand une créance est productive d'intérêts, est nulle
7 FaTrantt. Lovell, 3 Atk., 723; Kina c. Smith, 2 Hare, 239; Russe.
Mills, 7 Gr., 145.
dA ^^
DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CREANCIER MORTGAGISTE 387
la clause par laquelle les parties conviendraient d'une
élévation du taux de l'intérêt dans le cas où les termes
n'en seraient pas payés exactement. Elle admet, au con-
traire, ce qui en pratique revient au même, que les par-
ties peuvent valablement convenir d'un taux élevé, sous
la condition quele créancier se contentera d'un taux moin-
dre en cas de payement ponctuel*. Autrefois, le taux le
plus élevé qu'il fût licite de stipuler en matière de morts-
gages immobiliers, était celui de cinq pour cent. Mais une
loi du 10 août 1854 (St. 17 et 18, Vicl., c. 90) a abrogé
sans réserve toutes les règles sur la limitation du taux
de l'intérêt.
lY
Des droits et obligations du créancier mortgagiste.
Sommaire : 525. Situation légale du créancier. — 526. Réparations néces-
saires. — 527. En equity, le créancier est le bailiffàn débiteur; limites
de sa responsabiliié. — 528. Droit de conserver les tilres, tant qu'il
n'a pas été remboursé. — 529. Le mortgagiste peut-il être fermier du
morlgageur? — 530. Aflermement du domaine mortgagé. — 531. Morl-
gige dun leasehold ou d'un droit de patronage. — 532. Anatocisme.
— 533. Question des loastes. — 534. Droit des créanciers du mortga-
giste sur le mort-gage. — 535. Droit du créancier mortgagiste dans le
cas où le débiteur ne s'acquitte pas à l'échéance; action en forclusion.
— 536. Power of sale inséré dans l'acte constitutif; loi de 1881. —
537. Emploi du prix de vente. — 538. Le créancier peut user de ses
divers droits cumulativement. — 539. Subrogation d'ua tiers au.K droits
du créancier; payement avec subrogation. — 540. E.\linction de la
dette et rétrocession du mort-gage.
525. — Le créancier devient, en vertu du mort-gage,
le propriétaire légal du domaine. Par conséquent, en
droit strict {at law), il peut en prendre immédiatement
possession ou, si le domaine est loué, en percevoir les
8 Burr., 1374; 1 Fonb., £:y.,398.
388 DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CREANCIER MORTGAGISTE
fruits. Les frais de perception nécessaires doivent s'im-
puter sur les fruits du domaine. Le créancier a même la
faculté d'exiger que le débiteur paye un receveur spécial,
si l'acte constitutif ne l'en dispense pas expressément '.
Mais les cours d'équité, pour prévenir des abus, refusent
d'accorder au créancier aucune indemnité pour ses peines
personnelles ou pour les gages d'un receveur qu'il aurait
installé lui-même sur le bien sans entente préalable avec
le mortgageur; car elles n'admettent pas qu'il puisse tirer
de l'immeuble un bénéfice quelconque en dehors du capi-
tal, des intérêts et des frais *".
526. — Lorsque le créancier est en possession du bien,
il est tenu d'y faire les réparations nécessaires jusqu'à
concurrence de l'excédent des revenus ; il ne peut être
contraint à des avances au delà de cet excédent ni à des
dépenses pour des travaux simplement utiles. Il a le
droit de se faire rembourser les frais qu'il a eu à sup-
porter pour le renouvellement des baux ou la conserva-
tion de son titre; mais il ne peut obliger le débiteur à
avancer contre son gré de l'argent en vue du renouvelle-
ment des baux.
527. — En equily, le créancier mortgagiste qui est en
possession du bien est considéré, dans une certaine me-
sure, comme un représentant ou hailiff du débiteur, et
il est comptable des revenus qu'il tire du domaine. Par
suite, s'il transfère le mort-gage à un tiers sans le con-
sentement du débiteur, il est comptable des fruits perçus
même postérieurement à la cession; aussi, en pratique,
le débiteur est-il toujours invité à intervenir, lorsque le
créancier projette de faire cession de son droit.
9 St. 23 et 24, Vict., c. 145. «" Goifrey c. Watson, 3 Atk.,
518; French c. Baron, 2 Atk., 120.
DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CREANCIER MOliTGAGISTE 389
Mais, dans ce décompte des revenus, le mortgagiste n'a
pas à se préoccuper du chiffre qu'ils pourraient atteindre
d'après la valeur actuelle du bien, à moins que le mort-
gageur ne puisse prouver qu'en fait le mortgagiste a tiré
du bien un bénéfice supérieur à celui qu'il accuse, ou
qu'il l'eût retiré s'il n'y avait mis obstacle volontaire-
ment et par sa faute, par exemple en expulsant sans
motifs un fermier qui payait un loyer plus élevé, ou en
refusant par caprice d'en accepter un qui offrait un
loyer plus avantageux. En d'autres termes, le mortgagiste
ne doit compte que des revenus qu'il perçoit actuelle-
ment, à moins qu'il ne soit en faute : on ne saurait exiger
de lui qu'il se donne de la peine pour tirer de la pro-
priété d'aulrui le meilleur parti possible ". La règle qui
limite la responsabilité du mortgagiste nanti s'applique
également au mortgagiste qui vend le bien en vertu d'un
poioer of sale '^
528. — Tant qu'on ne lui rembourse pas la dette en
principal et accessoires, le mortgagiste ne peut être con-
traint de produire les titres de propriété du domaine, en-
core que la production en soit demandée par le mortga-
geur en vue de contracter un emprunt pour éteindre la
première obligation. Toutefois le débiteur jouit aujourd'hui
du droit d'en prendre à ses frais des extraits ou des co-
pies et, par conséquent, de se les faire communiquer à cet
effet''. D'antre part, au moment du rachat, le créancierdoit
être en mesure de restituer tous les titres, sous peine de
dommages et intérêts s'il en estqu'il a perdusou détournés '^
" Coole, on Mortgar/es, 7" édit., '* Damer c. lord Pontarlingtotif
t. II, pp. 1151 et suiv. 15 Sim., .3K): Sheffield c. Eden,
'* Jiayerc. ^/urrai/, 8 Ch. Dît., 10 Ch. Div., 291; James c. Rum-
424. ««y, 11 Ch. Div., 398.
. >3 St. 44 et 45, Vict., c. il, § 16.
390 DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CREAN'CIER MORTGAGISTE
529. — On s'est demandé si le mortgagisle peut vala-
blement prendre à bail du mortgageur le bien qui lui
sert de garantie. Pour la négative, on fait valoir que le
mortgageur est plus ou moins sous la coupe du mort-
gagiste et ne saurait être considéré comme ayant l'indé-
pendance voulue pour débattre avec lui les clauses d'un
bail. Il est de règle, en conséquence, qu'un semblable bail
soit annulé pour peu qu'il fasse l'objet d'une contestation
entre les parties '^
530. — D'un autre côté, bien que, en droit strict, le
mortgagiste fût censé être le propriétaire actuel du do-
maine et jouît, par là même, à l'exclusion de toute autre
personne, de la capacité requise pour l'affermer, la vieille
règle (ïeqintT/. étdii qu'il ne pouvait faire le bail sans le
concours du mortgageur que s'il y avait péril en la de-
meure '*. Hormis ce cas spécial, il fallait que les deux par-
ties intervinssent à l'acte toutes les fois qu'il devait survi-
vre au mort-gage.
Aujourd'hui, cette question des baux est expressément
résolue par la loi de la façon suivante '\
Le mortgageur, tant qu'il demeure en possession du
bien, jouit expressément, sauf convention contraire, de la
faculté de l'affermer, sous la seule condition de remettre
aux divers créanciers mortgagistes une expédition du bail
dans le mois à partir de sa date; le preneur n'est, du reste,
pas responsable de l'accomplissement de cette formalité.
Le créancier mortgagiste qui est en possession du bien
a, de son côté, la faculté de l'affermer, sauf convention
contraire.
^^Webbc. Borhe, 2 Sch. et Lef., i^ st. 44 et 45, Vict., c. 41, § 1«;
661 ; Coote, on Mortgages, 364. cpr.trad. de MM. Barclaj et Dain-
'6 Hungerford c. C/ay, 9 Mod., 1. ville, A nn. delég. étrang., XI, p. 51.
DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CREANCIER MORTGAGISTE 391
Les baux ainsi autorisés par la loi du 22 août 1881 sont :
1° les baux à ferme pour une durée de vingt et un ans au
plus ; 2° les baux pour construire [building leases) ne dé-
passant pas quatre-vingt-dix-neuf ans. Les premiers doi-
vent prendre effet, au plus tard, dans le délai d'une an-
née à partir de la passation ; les seconds, dans le délai de
cinq ans. Ils doivent stipuler, les uns et les autres, un loyer
convenable, proportionné aux circonstances, et contenir
une cause de résiliation du bail en cas de non-payement
du loyer dans les trente jours après l'échéance.
531. — Lorsque le mort-gage porte sur une tenure par
bail {ieasehold} et que le créancier renouvelle le bail, le
nouveau bail demeure, par rapport à lui, subordonné
aux mêmes conditions à'eqidty que le précédent'*. De
même, lorsque le mort-gage porte sur un droit de patro-
nage et que le bénéfice devient vacant, la présentation
appartient au raorlgageur et non au mortgagiste; il n'est
môme pas permis, en equity^ de stipuler le contraire, par
la raison, déjà énoncée plus haut, que le mortgagiste ne
peut prétendre à aucun avantage ou prérogative en dehors
du remboursement de sa créance en principal, intérêts et
frais".
532. — Par la même raison, on a longtemps considéré
comme nulle la clause en vertu de laquelle les intérêts im-
payés devaient s'ajouter d'office au capital primitif et por-
ter intérêt à leur tour. Mais elle est licite aujourd'hui que
les lois sur l'usure sont abrogées"-".
533. — Enfin, le mortgagiste n'a le droit de commettre
sur l'immeuble aucun waste. S'il y coupe du bois de haute
18 Ilok c. Holt, 1 Ch. Ca., 190. ^ Spence, Eq. Ji«r., II, 628, 656.
19 Mackensie c. Robinson,
Atk., 559.
392 DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CRÉANCIER MORTGAGISTE
futaie, on doit ouvrir un compte pour cet objet, et imputer
la valeur du bois d'abord sur les intérêts de la créance,
puis, s'il y a lieu, sur le capital. La cour d'équité peut, sur
la requête du mortgageur, faire au raortgagiste défense ex-
presse de couper du bois à moins qu'il n'en ait besoin pour
réparer l'immeuble ou pour tel autre travail reconnu néces-
saire''. D'après le Conveyancing and law of properly act
de 1881, § 19, le mortgagiste est réputé avoiv ipso jure, et
sauf convention contraire, le droit de couper et de vendre
les arbres d'âge à être coupés [ripe for cidting), à l'excep-
tion de ceux qui servent d'abri ou d'ornement; il peut
aussi faire à cet effet un contrat avec un tiers, pourvu que
ce contrat soit exécuté dans l'année à partir de sa date.
On applique au cas d'ouverture d'une nouvelle mine ou
carrière par le mortgagiste des principes analogues à ceux
qui régissent l'exploitation du bois de haute futaie".
De même, si le mortgagiste abat sans nécessité des bâ-
timents existants, ou s'il en élève d'autres sans le consen-
tement du mortgageur, il répond de toute diminution de
revenu provenant de ce fait^\
534. — Le mort-gage constitue dans le patrimoine du
mortgagiste un droit dont ses propres créanciers pouvaient
se prévaloir dans une certaine mesure : les dettes du mort-
gagiste reconnues par jugement ont été longtemps consi-
dérées comme une charge grevant son propre droit sur les
immeubles mortgagés en sa faveur. Toutefois le St. 18 et
19, Vict., c. lo, § 11, porte que, si le mort-gage a été ra-
cheté en temps utile, les immeubles doivent être réputés
francs et quittes de toute charge du chef du mortgagiste;
21 Withrinrjton c. Bankes, Sel., 23 Sandon c. Hooper, 6 Beav.
Ch. Ca., 30. 346.
'^^Hanson c. Derby, 2 Vern . , 392.
DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CRÉANCIER MORTGACISTE 393
et une loi postérieure (St. 27 et 28, Vict., c. 112) a statué
qu'ils ne pourraient plus être grevés à raison d'aucun ju-
gement postérieur au 29 juillet 1864.
535. — Lorsque le débiteur ne rembourse pas la dette
à l'échéance, le créancier, qui, at law, était déjà consi-
déré comme propriétaire de l'immeuble en vertu du morl-
gage même, obtient également des cours d'équité le droit
de s'en emparer, si indulgentes qu'elles soient, en général,
pour le mortgageur. Il a, dans ce but, à introduire devant
la division de Chancellerie de la Haute-Cour une action en
forclusion : le débiteur est mis en demeure de s'acquitter
dans un délai donné; s'il ne s'exécute pas au jour dit, il est
déclaré déchu de son droit de rachat, sauf à la cour la fa-
culté de lui accorder un délai de grâce, s'il y a lieu. Une
fois la forclusion prononcée, le mortgagiste reçoit de la
cour l'autorisation de conserver déQnitiveraent l'immeuble
dont l'acte de mort-gage lui avait déjà transféré la pro-
priété at law. La cour peut aussi, si elle le juge convena-
ble, et en vertu du St. 15 et 16, Vict., c. 86, § 48, au heu
de prononcer la forclusion, ordonner la vente de l'immeu-
ble; ce § 48 a été abrogé, mais le principe en a été con-
firmé par le Converjancing ad de 1881 (§ 2.5), que nous
avons déjà souvent cité et qui a réglementé à nouveau la
matière de la vente des immeubles mortgagés.
La juridiction équitable de la cour de Chancellerie a
été étendue, en 1865, aux cours de comté pour toutes les
sommes n'excédant pas 500 livres -*.
536. — Dans les temps modernes, on a fréquemment
suppléé à ce moyen de la forclusion, qui nécessite, comme
on vient de le voir, une action en cour de Chancellerie, par
2v Si. 28 et 29, Vict., c. 99; 3<J et .31, Vict., c. 142.
394 DliS DROITS ET OBLIGATIONS DU CREANCIER MORTGAGISTE
une clause nommée poioer o/sa/e, pouvoir de vente, insé-
rée dans l'acte constitutif du mort-gage et qui autorisait les
créanciers à vendrel'immeublesans autre forme de procès,
si le débiteur ne se libérait pas à l'échéance. Le créancier
mortgagiste, qui, at law, possédait déjà l'immeuble en
fief simple, pouvait le transférer au même titre à un tiers
acquéreur, sans qu'il fallût le consentement ni l'interven-
tion du mortgageur ^°.
En vertu du St. 23 et 24, Vict., c. US, part. 2, le
pouvoir de vendre, le droit d'assurer les immeubles con-
tre l'incendie, et celui de réclamer la nomination d'un re-
ceveur ou, à défaut, d'en nommer un soi-même ont été
déclarés résulter implicitement de tout acte constitutif d'un
mort-gage ou d'une charge réelle. Seulement, ils ne pre-
naient naissance qu'un an après l'échéance de la dette
principale, ou après six mois de retard dans le payement
d'un terme d'intérêt ou d'une prime d'assurance (§ 11).
Nulle vente ne pouvait, d'ailleurs, être effectuée qu'après
un avertissement donné parécritsix mois à l'avance (§13).
La question a été réglée depuis d'une façon complète par
le Conveyancing and law of property act de 1881 ^^
D'après le § 19,1e créancier mortgagisle jouit, en vertu
même du deed constitutif et sans qu'il soit nécessaire de les
mentionner expressément, des trois droits suivants:
1° Du droit de vendre, dès que le remboursement est
devenu exigible, tout ou partie de l'immeuble mortgagé,
soit aux enchères publiques, soit de gré à gré ;
2° Du droit d'assurer, quand bon lui semble, l'immeuble
contre l'incendie, les primes grevant le fonds au même rang
et au même taux d'i ntérêt que le capital primitif; en principe,
25 Corder c. Morgan, 18 Ves., 26 st. 44et45, Vict., c. il; Ann.
344. delég. étrang.,X\,i>.b3.
DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CRÉANXIER MORTHAGISTE 395
le montant de l'assurance ne doitpas dépasserles deux tiers
de !a somme nécessaire pour reconstruire les bâtiments in-
cendiés (§ 23);
3° Du droit de nommer, aussitôt après réchéance de
l'emprunt, un receveur des revenus de l'immeuble mort-
gagé; sans préjudice de la faculté qu'ont les parties d'é-
tendre, de restreindre, ou de supprimer ces divers pouvoirs
implicites par une clause expresse de l'acte.
Le créancier ne peut user de son droit de vente qu'a-
près un avertissement préalable, et infructueux, de trois
mois au moins, s'il s'agit du remboursement du capital, ou,
s'il s'agit d'intérêts ou arrérages, après deux mois de retard ;
mais il a ce moyen de coercition non seulementen cas de
non-payement, maisencoreà'raison detouteautre infraction
aux dispositions soit de la loi, soit de l'acte de mort-gage
(§ 20). La vente a pour effet de transférer le bien à l'ac-
quéreur, franc et quitte de toute charge postérieure en
rang au mort-gage du vendeur, mais dûment grevé de
toutes les charges antérieures. Au reste, la circonstance
que la vente aété faite irrégulièrement ou prématurément
n'est pas opposable à l'acquéreur; ceux dont la vente lèse
les droits ont seulement un recours en dommages et inté-
rêts contre le créancier qui l'a indûment ordonnée (§ 21 ,
al. 1 et 2).
537. — Le prix de vente doit être affecté, tout d'abord,
à l'extinction des créances qui priment celle du vendeur.
Le solde est appliqué : 1° au payement des frais de la
vente, 2° au remboursement de la créance du vendeur
en principal, intérêts et frais. L'excédent, s'il y en a un,
appartient au débiteur mortgageur (§ 21, al. 3) ; mais
la loi dit expressément que le créancier ou ses ayants-
cause ne sont pas responsables du préjudice involontaire
396 DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CREANCIER MORTGAGISTE
qu'ils lui auront causé en usant du droit de vente (al. 6).
538. — Le mortgagiste peut, si bon lui semble, exercer
à la fois tous les recours dont il dispose; ainsi : introduire
en Chancellerie une action en forclusion ; procéder à la
vente en vertu du poiver of sale ; si le débiteur a signé
un engagement de payer, le pour)suivre personnellement
devant une cour de justice; et, enfin, prendre possession
de l'immeuble. Mais les cours d'équité ont soin de limiter
l'effet des uns ou des autres de ces remédies^ lorsque les
premiers employés ont suffi en tout ou en partie".
539. — Le créancier qui désire rentrer dans ses fonds
avant l'échéance a la faculté de subroger à ses droits le tiers
qui lui offre le remboursement de la créance, et de lui
transférer le mort-gage, sans préjudice du droit de rachat
coœpétant au débiteur, mais sans qu'il soit nécessaire de
le prévenir. Le cessionnaire est substitué purement et
simplement au cédant dans tous ses droits et obliga-
tions.
De son côté, le débiteur, tant qu'il a le droit de rachat,
peut contraindre le créancier non encore nanti de l'im-
meuble d'accepter un payement par subrogation et de
céder à la personne qui fait les fonds tout à la fois sa
créance et le bien mortgagé-". Mais si, après avoir laissé
passer l'échéance, il entend se libérer, il est tenu de donner
avis de ses intentions au créancier six mois à l'avance et de
payer exactement au jour par lui fixé, sous peine d'encou-
rir un nouveau délai de six mois pleins.
540. — La dette garantie par un mort-gage peut être
éteinte par la renonciation volontaire du créancier. Mais il
est nécessaire qu'il rétrocède, en outre, au ci-devant débi-
27 Spence. Eq. Jur., II, G3i,682. '^^ Conveyancing actà&imi,%if).
DES RIENS QUI PEUVENT ÊTRE MORTGAGÉS 397
teur le droit réel qui lui compétait sur l'immeuble mort-
gagé".
Il en est de même en cas de payement de la créance; la
dette est éteinte par le fait du payement; mais l'immeuble
mortgagé doit être rétrocédé au débiteur, et le créancier
peut, au besoin, y être contraint judiciairement.
V
Des biens qui peuvent être mortgagés.
Sommaire : 541. Principe général. — 542. Mort-gage dun copj/hold. —
543. Mort-gage dun leasehold. — 544. Constitution d'un mort-gage
équitable, au moyen d'un dépôt des titres. — 545. Droits qui en décou-
lent.
541. — En général, ce sont des francs-tènemenls qui
font de la part du débiteur l'objet du mort-gage. Mais la loi
n'interdit pas d'en constituer un sur des tènements d'autre
nature, tels qu'un copyhold ou un leasehold.
542. — On sait que l'aliénation d'un copyhold s'opère
par la remise que le vendeur fait du bien entre les mains
du seigneur du manoir au proflt de l'acquéreur, suivie de
l'admission de ce dernier par le seigneur en qualité de te-
nancier. Le mort-gage se constitue par la même procédure,
mais sous la condition que, si le débiteur se libère à
l'échéance, la remise ou cession sera annulée et que le
mortgageur restera purement et simplement en jouis-
sance de ses droits antérieurs. Lorsque le débiteur ne
se libère pas à l'échéance, le mortgagiste a, at law, le
droit absolu de se faire mettre en possession du bien; mais,
en equity, le mortgageur conserve celui de l'en empêcher
et même, s'il y a lieu, de se faire rétrocéder le bien par lui,
29 st. 8 et 9, Vict., c. 106, § 1; 13 et 14, Vict., c. 60. §§ 19 et 20.
398 DES BIE.NS QUI PEUVENT ETRE MORTGAGÉS
en remboursant la dette dans un délai raisonnable, en prin-
cipal et accessoires.
543. — Les baux à long terme sont souvent constitués
en mort-gage: le fermier délègue au créancier son droit à
la jouissance du bien pendant le nombre d'années qui reste
à courir, sous réserve de rétrocession en cas de payement
à l'échéance et sous condition de rester en paisible posses-
sion du leasehold jusqu'à ce qu'il soit en demeure. Les
règles (ïequity qui sont en vigueur pour le mort-gage de
francs-tènements s'appliquent égalementaucas particulier ;
seulement, comme le créancier n'a pour garantie qu'un
droit temporaire sujet à s'évanouir, le payement ne peut
être différé aussi longtemps.
On introduit fréquemment dans ces morts-gages-là un
power of sale, qui produit les divers effets exposés ci-
dessus (n° 536).
Le mortgagisle, en sa qualité d'assignataire du term,
est tenu envers le bailleur, pendant la durée du mort-gage,
du payement du canon et, en général, de l'exacte observa-
tion des clauses du bail, sauf son recours contre le mort-
gageur. Afin de soustraire le mortgagiste à cette responsa-
bilité, qui peut être parfois assez lourde, on donne
fréquemment aux morts-gages de leasehoids \a. forme d'un
sous-affermage, de telle sorte que le mortgagiste ne soit le
tenant que du mortgageur sans avoir aucun rapport person-
nel avec le bailleur. Dans ce cas, ses sûretés durent, non
pas aussi longtemps que le bail primitif, mais seulement
pendant le temps prévu par le contrat de sous-affermage.
544. — Parfois, les circonstances ne permettant pas de
constituer immédiatement un mort-gage régulier, on y
supplée en déposant entre les mains du créancier les titres
de propriété de Vimme\jb\e{deposit of title deeds). Lacour
DES BIENS QUI PEUVENT ÊTRE MORTGAGÉS 399
de Chancellerie a toujours jugé qu'un semblable dépôt crée
sur l'immeuble un mort-gage équitable, encore qu'il n'ait
pas été constaté par écrit^". Il en serait de même du dépôt
de copies du rôle relatives à des terres tenues en copyhold,
ces copies constituant le titre du tenancier". Mais, pour
que le dépôt produise les effets d'un mort-gage, il ne suffit
pas que les parties soient convenues verbalement de l'o-
pérer; il faut ou qu'elles l'aient réellement effectué, ou que
leur convention ait été consignée par écrit ^-.
Le dépôt de titres étant considéré comme équivalant
à la constitution régulière d'un mort-gage sur l'immeuble
qu'il concerne, il s'ensuit que le créancier peut, à la
faveur de ce dépôt, intenter une action en forclusion ou
poursuivre la vente de l'immeuble sous les conditions
exposées ci-dessus en matière de mort-gage normal ^^
Dans le principe, le dépôt de titres n'était réputé ga-
rantir que la somme avancée au moment du dépôt. Mais
il est admis, aujourd'hui, qu'il couvre également les prêts
ultérieurs du créancier, si l'on en est convenu au moment
de la première avance de fonds ou s'il est prouvé que les
prêts ultérieurs ont été faits sous cette condition expresse
ou tacite^*. Le mort-gage équitable rapporte un intérêt de
quatre pour cent l'an".
Un créancier qui, jouissant d'un équitable mortgaqe
by deposit, commet l'imprudence de se dessaisir des
titres qui lui servent de garantie et donne, par là môme,
au débiteur le moyen de constituer au profit d'urt tiers
^0 Russel c. liussel, 1 Bro. G. ^' Keys c. Williams, 3 You. et
C., 209. Coll. Exch. Ca., 55, 61.
3" WhiUreadc Jordan 1 You '* Ex parle Kensinyton, 2 Ves.
. r- 11 oAo T T 1 t r et b., v>6;Ldec. Knowles,i You.
et Coll., ivi; Lewis c. John, IL. , r. i, o ^ ^-ro
p p, j, et Coll. C. C, 172.
f. ooop., 8. 35 ^jg /tVrr's Policy, L. R., 8
32£:a?j)ar(eCoom6e, 4Mad., 249. Eq., 331.
400 DU RANG DES CREANCIERS MOHTGAGISTES ENTRE EUX
un autre mort-gage de même nature, s'expose à être
primé par ce nouveau dépositaire s'il n'arrive pas à se
faire restituer à temps les titres; on lui applique ce
principe que, entre deux personnes innocentes, celle-là
doit pâtir par l'imprudence de qui la fraude a pu être com-
mise'\
545. — Le créancier qui est garanti par un mort-gage
équitable prime même un créancier postérieur jouissant
d'un mort-gage légal, lorsque celui-ci, au moment où il a
versé les fonds, avait connaissance du dépôt des titres en-
tre les mains du premier, ou qu'il a commis la faute [gross
ajid icilful négligence) de ne pas s'enquérir des titres. Il
en serait autrement s'il s'en était enquis et qu'une excuse
raisonnable lui eût été donnée pour ne pas les lui déli-
vrer; dans ce cas, on ne saurait le considérer fictivement
comme ayant agi en pleine connaissance du dépôt préexis-
tant; mais c'est à lui à prouver que les raisons dont il s'est
contenté de la part du débiteur étaient suffisantes pour
qu'il versât les fonds sans recevoir les titres en échange '^
VI
Du rang des créanciers mortgagistes entre eux.
Sommaire : 546. Principe général. — 547. Théorie de la soudure des morts-
gages [tacking). — 548. Consolidation des morts-gages. — 549. Ses ia-
convénienls ; loi de 1881. — 550. Influence du dol sur la priorité. —
551. Négligence du créancier.
546. — En principe, les créanciers mortgagistes pren-
nent rang entre eux d'après la date de leurs morts-gages
'6 Waldron c. Sloper, 1 Drew., Heivittc. Looso/iore, 9 Hâre, 458;
^93. Spencer c. Clarke, 9 Ch. Div.,
" Hiern c. Mill, 13 Ves., 114 ; 137.
DU RANG DES CREANCIEBS MORTGAGISTES ENTRE EUX 401
respectifs. En Angleterre, ce n'est pas l'inscription du
droit qui en détermine le rang. Mais diverses circon-
stances peuvent modifier le classement résultant de la
date des morts-gages. On a déjà vu, au n° 544, le résultat
que peut avoir pour un créancier mortgagiste le fait de
se dessaisir imprudemment des titres de propriété et de
mettre le débiteur en mesure de constituer à son détri-
ment un mort-gage équitable par dépôt de ces titres.
Il nous reste à parler ici de deux autres circonstances
qui ont également pour effet de changer le rang des créan-
ciers : d'une part, ce qu'on nomme the tacking, la sou-
dure des morts-gages; d'autre part, la consolidation [con-
solidation) des morts-gages.
547. — La théorie de la soudure des morts-gages
peut se résumer ainsi : lorsqu'un premier créancier mort-
gagiste, jouissant seul à ce titre du légal estate, prête
ultérieurement de l'argent au même débiteur, sans avoir
été averti que dans l'intervalle ce débiteur avait consti-
tué sur l'immeuble un second mort-gage au profit d'un
tiers, il prime pour sa nouvelle créance ce mortgagiste
intermédiaire ; et si, par analogie, un troisième mortga-
giste, qui a prêté de l'argent au débiteur sans avoir eu con-
naissance de l'existence d'un second mort-gage, parvient
à se faire transférer le premier, par exemple en rache-
tant la créance, il a le droit de souder, de coudre [tack)
son propre mort-gage, troisième en rang, au premier
dont il est devenu possesseur et de donner ainsi à sa
créance le pas sur celle qui était seconde en rang. On
admet que, dans une contestation entre personnes de
bonne foi ayant toutes un titre égala l'assistance du juge,
celle qui a la bonne fortune de s'être procuré le légal
estate doit être préférée aux autres, la loi devant préva-
Leh». 26
402 DU RAiXG DES CREANCIERS MORTGAGISTFS ENTRE EUX
loir là où l'équité est égale de pari et d'autre, et celui
qui n'a un titre qu'en equity devant céder le pas à celui
qui en a un tout à la fois en equity et en droit strict.
Cette théorie de la soudure des morts-gages fut tempo-
rairement mise à néant par la loi du 7 août 1874 ^*. Mais
on critiqua cette loi en se fondant sur l'absence de tout
registre général des actes constitutifs ou translatiis de
droits réels immobiliers; et, par le Land transfer act de
1875, en vigueur depuis le 1" janvier 1876 ^®, on en re-
vint purement et simplement à l'état de choses antérieur,
sous réserve des droits acquis entre le 7 août 1874 et le
1" janvier 1876.
548. — Quant à la consolidation, elle se fonde sur un
autre principe que la doctrine of tacking. D'après celle-
ci, la soudure s'opère entre deux dettes garanties par
le même estate, de façon à les mettre tous deux au
bénéfice de la priorité appartenant de droit à l'une
d'elles. Par la consolidation, au contraire, la soudure
s'opère entre plusieurs dettes garanties par des immeu-
bles différents, de telle sorte que, si le même créancier
prête plusieurs fois de suite de l'argent au débiteur en
échange de divers morts-gages, il est placé dans la même
situation favorable que si l'ensemble des immeubles sur
lesquels il a des droits lui avaient été mortgagés pour la
totalité de ses avances. Le débiteur ne peut pas racheter
l'un des morts-gages sans racheter en même temps les
autres, et le créancier peut poursuivre sur les divers
immeubles mortgagés le payement de ce qui lui est dû,
en principal et accessoires, soit pour le premier de ses
prêts, soit pour le second. Cette règle a été étendue au
38 Vendor and Purchaser Act; 39 st. 38 et 39, Yict., c. 87, S 129.
St. 37 et 38, Vict., c. 78. § 7.
DU RANG DES CREANCffiRS MORTGAGISTES ENTRE EUX 403
cas OÙ différentes terres sont originairement morlgagées
par le débiteur au profit de créanciers différents et ar-
rivent, par suite de cession ou autrement, à se trouver
grevées en faveur d'un seul et même créancier.
549. — La consolidation avait pour résultat, en droit
anglais, d'ôter toute sécurité aux personnes qui prêtaient
de l'argent sur un second mort-gage. Car, à part le ris-
que qu'un créancier troisième en rang acquît le premier
mort-gage et le soudât [tack) au sien, elles couraient le
danger que, si le débiteur avait mortagé à des tiers d'au-
tres de ses biens pour une somme supérieure à leur va-
leur réelle, celui d'entre ces tiers dont la garantie se
trouvait insuffisante ne parvînt à acquérir le mort-gage
premier en rang et, « consolidant » ainsi ses propres sû-
retés, n'exclût le créancier intermédiaire*". L'acquéreur
d'un droit de rachat courait le même risque. Aussi la con-
solidation of secw'ities a-t-elle été battue en brèche par le
Conveijancing and laiu ofpropertyacl de 1881, en vigueur
depuis le 1" janvier 1882 (St. 44 et 45, Vict., c. 41);
en vertu du § 17 de cette loi, le débiteur peut, sauf conven-
tion contraire, éteindre une seule de ses dettes et libérer
l'immeuble qui la garantit, encore que le créancier ait con-
tre lui d'autres créances garanties par des immeubles dif-
férents**.
550. — Indépendamment des circonstances spéciales
qui viennent d'être exposées, le morlgagisle peut perdre
son droit de priorité en cas de dol, c'est-à-dire lorsqu'il
dissimule un fait qu'il avait le devoir de révéler, ou qu'il
fait croire des choses mensongères ; s'il cause par là un
*o Vint. c. Padget, 1 De Gex et " Cpr. la traduct. de la loi par
Jones, 611 ; Bâcher c. Gray, L. MM. Barclay et Dainville, Ann. de
R., 1 Ch. Div., 491. lég. étrany., XI, p. 51 et note 2.
404 AUTRES DROITS ANALOGUES AUX MORTS-GAGES
préjudice à une personne qui avait le droit d'être exacte-
ment renseignée par lui, il est équitable qu'elle ait le pas
su^lui^^
551. — Il peut également perdre son rang par négli-
gence. Ainsi A, ayant en mort-gage une terre louée à long
terme [leasehold property)^ consent à prêter au débiteur
le bail dont il est nanti, afin de lui faciliter le moyen de
contracter un nouvel emprunt au second rang; il lui re-
commande expressément d'avertir le prêteur de l'existence
du premier mort-gage ; mais le débiteur, en déposant le
titre chez son banquier, néglige de donner cet avis. Sur
une demande en forclusion introduite par A, il a été jugé
que, comm.e il avait, par son imprudence, mis le débiteur
en mesure de commettre sa fraude, il devait céder le pas
au second prêteur*^
CHAPITRE III
De quelques autres droits immobiliers et mobiliers
analogues aux morts-gages ofrealty.
INTRODUCTION.
552. — Indépendam ment des morts-gages dont il vient
d'être traité, la loi anglaise reconnaît un certain nombre
de droits immobiliers et mobiliers qui ont de l'analogie
avec les morts-gages of realty proprement dits, et dont il
convient de dire ici quelques mots.
Nous parlerons, d'abord, des statutory mortgages^ des
estâtes by elegit^ et des registered judgments; puis des
4i Fonblanque, On Equity, 64; Eq., 92; Credland c. Potter, L.
Coote, on Mortgages, 415. R., 10 Gh. App.
*' Briggs c. Jones, L. R., 10
STATUTORY MORTGAGES 405
mortgages ofpersonnaltij et du gage; et, enfin, des liens,
qui sont une espèce de privilège.
I
Statiitory mortgages ; estâtes by elcgit; registered judgments.
Sommaire : 553. Estate by statute staple; estate by statute merchant:
recognisance; ivarrant of attorney . — 554. Elcgit. — 555. Jugements
enregistrés.
553. — Le débiteur peut créer, par un bond signé de
lui, ce qu'on a appelé un estate by statute staple, posses-
sion par statut forain, ou un estate by statute merchant,
possession par statut marchand. La première de ces
deux garanties se stipule, conformément au St. 27,
Ed. III, c. 9, « en foire », devant ]e magistrat de l'étape
ou de la foire; la seconde, conformément au St. d3,
Ed. I, de mercatoribus, se stipule devant le principal ma-
gistrat d'une ville de commerce *. Toutes deux ont une
grande analogie avec le vivum vadium : si le débiteur
qui les a consenties ne se libère pas à l'échéance, le
shérif délivre ses biens meubles et immeubles au créan-
cier pour les garder jusqu'à parfait payement. Un effet
analogue était attaché à ce qu'on appelait autrefois une
reconnaissance de dette [recognisance).
Ces diverses espèces de sûretés sont aujourd'hui
tombées en désuétude^; on y a suppléé, jusqu'en 1860,
par le procédé connu sous le nom de vmrrant of attorney.
Ce procédé, qui rappelle l'ancienne cessio in jure, consis-
tait, pour un débiteur, à donner pouvoir à son attorney
1 Cpr. Blackstone, éd. fr., 11, 5, perty, 15' édit., pp. 19'.» et 20O et
71 note z\ Stephen, Comm., III, 589
2 Cpr. Williams, Personal pro- et note r.
40G STATUTOliY MOHTGAGES
de laisser prendre contre lui soit un jugement d'expédient,
soit un jugement par défaut qui devenait définitif après
les délais de la loi, et qui impliquait alors, au profit de
l'adversaire, la constitution ipso jure du droit réel occulte
qui résultait de toute décision judiciaire. Mais, lorsque les
acts de 1860 et de 1864^ sont venus décider que les ar-
rêts de justice ne conféreraient plus de droits réels oppo-
sables aux tiers de bonne foi, ce procédé n'a plus permis
aux débiteurs d'accorder des privilèges à un créancier
particulier aux dépens des autres. Tous les ivarrants of
attorney que l'on constitue encore doivent être rendus
publics par leur inscription sur un registre spécial du
Bureau central de la Cour suprême*, dans un délai de
21 jours, sous peine de nullité.
554. — Uneautre espèce de mort-gage découle de \ele-
git^ exécutoire du droit commun, par lequel un créancier
dont les titres ont été reconnus par jugement {judgment
creditor) acquiert directementles immeubles du débiteur.
Immédiatement après la signature du jugement, le shérif
est nanti d'un exécutoire en vertu duquel il entre en
possession desdits immeubles et les délivre au créancier
pour être tenus par lui jusqu'à parfait payement. Le
créancier, qui devient par là tenant by elegit et acquiert
sur les biens le même droit de disposition que le débi-
teur, est en réalité dans une situation identique à celle
d'un créancier mortgagiste. Seulement il ne peut agir
comme ce dernier qu'au bout d'une année révolue ^
^^^ {nouveau). — Enfin, un mort-gage analogue résulte
de l'enregistrement de tout jugement {judgment, decree,
3 Voir, infrà, no 555. s st. 1 et 2, Vict., c. 110, §§ U et
» St. 32 et 33, Vict., c. 62, §§ 26- 13.
28, et 42 et 43, Vict., c. 78, §5.
STATUTOliY MORTGAGES 407
rule, order)^ émanant d'ane cour de justice ou d'équité
et reconnaissant l'existence d'une dette. Ce mort-gage a
constitué pendant longtemps une sorte d'hypothèque ju-
diciaire occulte, aussi dangereuse pour le crédit public
que pour les tiers de bonne foi. Le mouvement récent en
faveur de la publicité des droits réels s'est accusé en An-
gleterre par une série à'acts qui ont exigé l'inscription
des droits réels résultant d'une décision judiciaire. Tout
d'abord, en 1860^ et en 1864'', on avait songé à une
pubhcité purement matérielle résultant de l'entrée en pos-
session du créancier comme tenant bij elegit^. On esti-
mait que le caractère apparent de cette possession serait
de nature à fixer les tiers sur la restriction des droits du
débiteur contre lequel jugement avait été pris, et jusqu'au
moment de l'entrée en possession le jugement ne consti-
tuait aucun privilège au profit du créancier. Mais un fait
matériel tel que la possession par elegit n'est susceptible
d'être vérifié que par ceux qui vivent sur les biens grevés,
et non par le bailleur de fonds vivant dans une ville peut-
être lointaine. Aussi a-t-on senti la nécessité d'un registre
spécial sur lequel les mortgages judiciaires devraient être
inscrits pour pouvoir être opposables aux tiers, et l'orga-
nisation de ce registre a été le fait des deux Land char-
ges acts de 1888' et de 1890 '°. D'après la première de
ces lois, le défaut d'inscription ne pouvait être opposé
que par l'acquéreur oneris causa " ; mais, d'après la der-
nière loi, le droit réel qui n'a pas été inscrit reste sans
effet {shall not operate as a charge on land) contre les
6 St. 23 et 24, Vict., c. 38, § 1. hama, Law o f Executors, iO'^édit.,
T St. 27 et 28, Vict., c. 112, § 1- VM)b, t. 1, p. VS.
8 Cpr. J. Williams, Laïc of Real '•' >«t.5ict52, Vict.,c.51. §§4, 5,6.
property, 19' edit., lOOi, pp. 2(30 i" St.63 et 64, Vict., c. 26, § 2.
et 267. Voir aussi Sir G.-V. Wil- »« St. 51 et 52, Vi.L. c. 51, § 6.
408 DES MORTS-GAGES ET NANTISSEMENTS MOBILIERS
tiers'^ L'inscription vaut pour cinq ans à compter de sa
date, mais peut être indéfiniment renouvelée*'.
II
Des morts-gages et nantissements mobiliers.
Sommaire : 556. Mort-gage mobilier; bill of sale; lois récentes. — 557.
Gage ipleclge). — 558. Rapports et dififérences entre le mort-gage
mobilier et le mort-gage immobilier. — 559. Doctrine of tacking. —
560. Mort-gage de navires. — 561. Prescription.
556. — De même qu'un propriétaire d'immeubles,
désireux de donner des sûretés à son créancier, lui cède
conditionnellement la propriété de son fonds et crée
ainsi un mort- gage immobilier [mortgage of realty)^
de même le possesseur d'effets mobiliers peut les céder
à ses créanciers, en garantie de leurs prêts [mortgage
of personalty), sous la condition d'en rester nanti jus-
qu'au jour où, tenu de rembourser la dette, il manquera
à cette obligation. Cette cession conditionnelle constitue
un mort-gage mobilier, analogue à l'autre. At law^ bien
que les effets raortgagés restent entre les mains du dé-
biteur, ils n'en deviennent pas moins, par l'effet da contrat,
la propriété du créancier; mais c'est le débiteur nanti qui
conserve le droit de les revendiquer, s'il y a lieu, contre
les tiers, et ce droit ne passe au créancier qu'à partir du
moment où le débiteur est en demeure.
Le mort-gage mobilier présente ce grave inconvénient
que, comme les objets affectés à la sûreté du créancier
restent entre les mains du débiteur, ils deviennent, en cas
de faillite de ce dernier, le gage de tous ses créanciers,
12 st. 63 et 64, Vict., c. 26, § 3. ihe laiv of mortgages, 7^ édit.,
13 R.-H. Cootes, A treatise on 1904, t. II, p. 1374.
DES MORTS-GAGES ET NANTISSEMENTS MOBILIERS 409
nonobstant le droit constitué au profit du mortgagiste, et
sont vendus au profit de la masse'*. Des lois récentes'^ ont
ordonné que tout acte de vente pignorative [bill of sale)
de biens meubles, qui donne à l'acquéreur pouvoir de
prendre possession de tout ou partie desdits biens, soit
enregistré dans le délai de sept jours francs au greffe de
la cour du Banc du roi, à peine de nullité du bill, —
quant aux biens restés en la possession apparente du ven-
deur, — soit à l'égard du trustée de ses créanciers, en cas de
faillite, soit à l'égard des shérifs on autres personnes ayant
qualité pour saisir les biens du vendeur, soit enfin à l'égard
des assignées, en cas de cession des biens au profit des
créanciers '^ D'après le Bills of sale Act de 1866, l'in-
scription des bills en question doit être renouvelée tous les
cinq ans sous peine de péremption. D'après celui de 1878,
tout bill passé dans les sept jours d'un bill précédent, non
encore enregistré et s'appliquant aux mêmes biens, est ra-
dicalement nul (§ 9). D'après celui de 1882, la signature
du vendeur [grantor] n'a plus besoin, comme autrefois,
d'être certifiée par un solicitoi\ mais doit l'être par un
ou plusieurs témoins dignes de foi, étrangers à l'acte (§ 10) ;
l'acquéreur [grantee]^ — le créancier, — ne peut saisir
ou enlever les meubles que dans certains cas déterminés,
dont voici les principaux : 1" si le débiteur ne s'acquitte
pas à l'échéance ; 2° s'il tombe en faillite ou encourt une
saisie faute de payer les rentes, impôts ou intérêts par lui
dus; 3° s'il enlève ou laisse frauduleusement enlever de
«* Ryall c. Tiolle, 1 Atk., 165, 45 et 46, Vict., c. 43; cpr. pour les
170 ; St. 32 et 33, Vict., c. 71, § 15, deux derniers, notice et trad. par
al. 5; Freshney c. Carrick, 1. H. M. L. Oudin, Ann. de lég. étrang.,
et N., 653; Ilomsby c. Miller. 1 VIII, 50, et XII, 80.
Eli. et Eli. 102.
•5 St. 17 et 18, Vict., c. 36; 2'Jet ''"■ Richard c. James, L. Rep.,'2
30,Vict.,c.96;4iet42,Vict.,c.31; Q. B., 2«5.
410 DES MOf^TS-GAGES ET NANTISSEMENTS MOBILIERS
ses magasins tout ou partie de ses marchandises (§ 7). Tout
bill of sale accepté ou consenti pour une somme inférieure
à trente livres est nul (§ 12).
557. — A côté du mort-gage mobilier, la loi anglaise
reconnaît le gage ordinaire, c'est-à-dire le contrat en vertu
duquel le débiteur remet un objet mobilier entre les mains
de son créancier pour être conservé par lui jusqu'à parfait
payement [pledge], hepledge diffère du mortgageof per-
sonaltg non seulement quant à sa nature propre, que nous
venons d'indiquer, mais encore quant à ses effets.
En matière de gage, si un délai a été fixé pour la libéra-
tion du gage, le débiteur qui laisse passer ce délai n'en
peut pas moins recouvrer son gage à la condition de
s'acquilter dans un délai raisonnable; s'il n'y a pas de
délai fixé pour le remboursement, il a sa vie entière pour
se libérer, à moins qu'il n'ait été mis en demeure de le
faire; et, après sa mort, le droit de recouvrer le gage en
payant la dette passe à ses représentants'''. Ce droit peut
être exercé devant les tribunaux ordinaires; le débiteur ou
ses représentants n'ont pas, en général, à s'adresser pour
cela aux cours d'équité. C'est, au contraire, devant ces
cours que se pourvoit le créancier pour obtenir, en cas de
non-payement, l'autorisation de faire vendre le gage ; on
admet même que, si le débiteur laisse passer l'échéance
sans se libérer, le créancier peut, après un avertissement
préalable, vendre le gage sans avoir besoin de s'y faire
autoriser par un jugement spéciaP^
D'un autre côté, le créancier gagiste (pledgee), par cela
même qu'il est nanti de la chose, a le droit, si elle lui échappe,
1" Vanderzee c. Willis,SBro.C. 606; Fisher, on Mortgages, 2»
Ç..,2i\Kemp c. Westbrook, 1 Ves. édit., p, 498, note t; Lookwood c.
sea.,278. Ewer, 19 Mod., 278; Pothonier c.
'8 Ex parte Mountfort,ii Ves., Dawson, Holt's N. P., 385.
DES MORTS-GAGES ET NANTISSEMENTS MOBILIERS 411
d'intenter lui-même contre le détenteur l'action of trovcr;
on a vu plus haut qu'en matière de mort-gage mobilier ce
droit continue à appartenir au mortgageur.
558. — Le mort-gage mobilier a de grandes analogies
avec le mort-gage immobilier; mais il présente aussi des
différences assez sensibles. Pour l'un comme pour l'autre,
il existe, en faveur du mortgageur qui a laissé défaillir la
condition, une equity of rédemption, qu'il lui est loisible
défaire valoir dans un délai raisonnable. Toutefois, en ma-
tière de mort-gage mobilier ou de gage, le créancier n'est
pas obligé, comme en matière immobilière, de commencer
par introduire une action en forclusion; il peut, après un
simple avertissement, faire vendre l'objet qui lui sert de
garantie. Sauf convention contraire, le créancier gagiste
[pledgee] a même, avant que le débiteur soit en faute, la
faculté de vendre ou de sous-engager la chose; lorsque
le gage est négociable de sa nature, la vente ou le sous-
engagement lie le débiteur originaire; lorsque le gage n'est
pas négociable de sa nature, le débiteur n'est lié que dans
la mesure stricte des droits compélantau créancier gagiste
personnellement; par suite, s'il offre' à l'acquéreur ou au
sous-gagiste le remboursement de la dette originaire et
qîïè^elui-ci refuse de lui restituer la chose, il a le droit de
la revendiquer contre lui [action of detinueY^.
559. — La doctrine of tachiny, le droit de mettre
une créance postérieure au bénéfice des sûretés concédées
pour une créance antérieure (cpr. n° r547), s'applique plus
largement encore en matière mobilière qu'en matière im-
mobilière; on présume que, si le créancier a consenti à
faire de nouvelles avances, le débiteur était d'accord avec
>» Fisher, op. cit., p. 71.
412 LES MORTS-GAGES ET iNAiNTISSEMEÎs'TS MOBILIEKS
lui pour lui reconnaître le même droit sur la chose pour
la créance subséquente que pour les premières; et l'on
n'exige pas du créancier, comme en matière immobilière,
la justification d'une convention expresse^". Ainsi, si A,
titulaire d'une police d'assurance sur la vie, la transfère à
titre de mort-gage à B pour sûreté d'un prêt d'argent, il
a été jugé que B peut tack, et retenir les sommes versées
par la compagnie, à raison d'une dette subséquente de A
reconnue par jugement^'. La même décision avait été
rendue dans le cas de dettes subséquentes par sitnple
contract; mais un arrêt plus récent n'a pas maintenu cette
doctrine ^^.
560. — Le mort-gage de navires doit être fait en la
forme prescrite par le Merchaiit shipping act de 1854
(St. 17 et 18, Vict., c. 104), § 66, et, sur le vu du contrat,
être inscrit sur le register book du port où le navire est
immatriculé. Les inscriptions se font dans l'ordre de la
production des pièces, et l'employé préposé au registre
mentionne sur le contrat même qu'il l'a enregistré tel jour
et à telle heure (§ 67). Si le même navire est affecté à la
sûreté de plusieurs créanciers, ils se classent entre eux dans
l'ordre des inscriptions, quelle que soit la date respective
des contrats (§ 69). Au reste, le mortgageur n'en continue
pas moins à être réputé propriétaire du navire, sauf
les droits découlant du mort-gage au profit des créanciers
(§ 70). Chaque créancier inscrit a le droit de poursuivre,
le cas échéant, la vente du navire et de donner quittance
du prix; seulement les créanciers postérieurs en rang
ne peuvent le faire qu'avec le concours des créanciers
20 Demainbray c. Metealfe, 2 22 jn re Haselfoot's Estate,
Vera., 691. L. R., 13Eq., 327: Talbot c. Frère,
2» Spalding c. Thompson, 26, 9 Ch. Div., 568.
Beav., 637.
DES PRIVILEGES MOBILIERS ET IMMOBILIERS 413
antérieurs, à moins d'une autorisation expresse donnée
par le juge compétent (§ 71). Les mort-gages de navires
régulièrement constitués ne sont nullement affectés par la
faillite du mortgageur (§ 72). Lorsque la dette garantie
est remboursée et que le créancier donne main-levée du
mort-gage, mention de la main-levée est faite sur le regis-
ter book, et les choses se trouvent remises au même point
que s'il n'y avait point eu de constitution de mort-gage
{§ 68).
561. — D'après le Real property Limitation act de
1874, en vigueur depuis le 1" janvier 1879, on ne peut
faire valoir un mort-gage que dans les douze ans à partir
soit du moment où une personne maîtresse de ses droits
était en droit de s'en prévaloir, soit du dernier payement
partiel ou acte récognitif fait par le débiteur".
III
Des privilèges mobiliers et immobiliers
{Liens, quasi-Heus.)
SoM-MAïuE : 562. — Définitioa et divisions. — 563. Privilèges spéciaux. —
564. Privilèges généraux. — 565. Liens in equity. — 566. Ditférence
entre les privilèges mobiliers et immobiliers. — 567. EUets du privi-
lège. — 568. Quasi-liens.
562. — Le lien est le droit en vertu duquel une personne
retient un ou plusieurs objets appartenant à une autre,
jusqu'à ce que celle-ci lui ait remboursé ce qu'elle lui doit.
Il y a des privilèges mobiliers généraux ou spéciaux. Le
particular lien est le privilège corn pétant à une personne
sur une chose à raison de laquelle elle a une somme à
recevoir du propriétaire. Le gênerai lien est le droit de
•-•' St. 37 et 38, Vict., c. 57, §8; cpr. Williams, Personal piopert;/, 15«éd.,
p. 526 et 527.
414 DES PRIVILÈGES MOBILIERS ET IMMOBILIERS
retenir certains biens du débiteur à raison d'une balance
de compte générale. •
563. — La loi accorde un privilège spécial :
1° Aux voituriers et aubergistes, sur les objets qui leur
sont confiés; le privilège des aubergistes est réglé au-
jourd'hui par le St. 26 et 27, Vict., c. 41 ;
2° A toute personne qui a été chargée de transformer ou
de réparer un objet mobilier, pour le prix de ses soins ou de
son travail; par exemple, à un meunier, sur la farine qu'il
a moulue, pour le montant des frais de mouture, ou à un
écuyer, sur le cheval qu'il a dressé, pour le prix du dres-
sage, mais non à celui qui, n'étant pas aubergiste, aurait
simplement gardé un cheval chez lui sans y être obUgé'^*.
Le privilège ne confère pas, par lui-même, le droit de
faire vendre la chose ou de réclamer une indemnité pour
le seul fait que la chose est restée entre les mains du dé-
tenteur.
564. — Les privilèges généraux, quand ils ne résul-
tent pas d'une convention expresse ou de la nature même
des relations existant entre les parties, découlent des usa-
ges propres à certains commerces ou industries, et ils peu-
vent être locaux, c'est-à-dire confinés à certaines places
spéciales. Il en existe notamment dans les commerces et
industries suivantes : propriétaires de quais de débarque-
ment, teinturiers, imprimeurs sur toile, facteurs, courtiers
d'assurance, banquiers et voituriers. LessolicitorsiouisseQt
aussi d'un droit de rétention sur. les pièces qui leur sont
remises par leurs clients, pour le montant de leurs frais ".
565. — En matière d'usages commerciaux ou en ma-
-'' Wallacec. Woodgate,l'Ry.et Principles of equily^ p. 334 et
Moo., 193. suiv. ;Williams, PersoMaZjjrojserty,
25 Cpr., sur cepoint spécial, Snell, 15' éd., p. 60.
DES PRIVILEGES MOBILIERS ET IMMOBILIERS 415
tière maritime, en cas de sauvetage ou d'avaries, Vequity
reconnaît souvent un privilège alors même qu'il n'existe-
rait pas at law. Ainsi, lorsque le prix de vente d'un im-
meuble n'est pas intégralement soldé, le vendeur con-
serve sur l'immeuble un lien in equity^ pour ce qu'il lui
reste à recevoir en capital, plus l'intérêt à quatre pour cent,
— taux ordinaire en eqiiity -^. — Le fait qu'il a reçu de
l'acquéreur un bond ou un billet pour ces sommes ne le
prive pas de son privilège ; il en serait autrement s'il s'était
fait donner une partie de l'immeuble en mort-gage ou telle
autre sûreté spéciale. Si la vente a été faite moyennant
le payement d'annuités, ces annuités sont également garan-
ties par le privilège, sauf convention contraire expresse,
ou présumée d'après la nature du contrat ^'.
566. — Les privilèges sur les immeubles diffèrent de
ceux sur les meubles, en ce que les premiers ne prennent
naissance que lorsque l'immeuble affecté a été livré à l'ac-
quéreur, tandis que les seconds ne subsistent qu'autant que
la chose affectée reste entre les mains d u vendeur et cessent
dès qu'elle se trouve en la possession de l'acquéreur.
567. — Le privilège, quelle qu'en soit l'espèce, laisse
subsister la propriété sur la tête de la personne à qui elle
compétait antérieurement. Les droits du créancier qui jouit
d'un privilège mobilier sont : 1" de retenir la chose en
sa possession; 2° de la poursuivre entre les mains d'un
tiers détenteur. Si le créancier se dessaisit de la chose, son
privilège s'éteint ^\ et c'est le propriétaire qui reconquiert
le droit de la revendiquer contre les tiers -'. D'un autre
26 Chapman c. Tanner, l Vem., 496; DÙKon c. Qayfere, 21 Beav.,
267; Pollexfen c. Moore, 3 Atk., 118.
272. 28 Legg c. Evans, 6 Mce. et Wels. ,
" Matthew c. Bowler, 6 Hare, .36; Kruges c. Vilcox, Ami)., 25'».
10; Buckland c. Pocknell, 1.3 Siin., 2» Sweet c. Pi/m. 1 Easl, 4.
416 DES PRIVILÈGES MOBILIERS ET IMMOBILIERS
côté, le créancier perd son privilège lorsque sa créance
n'est stipulée payable qu'à une époque ultérieure et
qu'il a obtenu des sûretés^".
568. — Il est divers cas dans lesquels Veqidty admet
des droits équivalents aux privilèges [quasi-liens). Ainsi,
une propriété mobilière ou iinmobilière peut être grevée en
vertu d'une convention expresse ou tacite qui crée un
fidéicommis, ou en vertu d'un legs garanti sur un immeu-
ble.
Il a été jugé que, si un homme convient de vendre son
bien et de prêter de l'argent à l'acheteur pour y faire des
travaux d'amélioration, il a un privilège pour ces avances
tout comme pour le prix de vente ^*.
Si Tun des cofermiers renouvelle le bail dans l'intérêt
commun des divers tenanciers, il a un privilège sur leurs
parts du bien pour une portion proportionnelle des rede-
vances à payer et les dépenses à faire •^^
Mais_, quand deux ou plusieurs personnes s'unissent
pour acheter un bien, si l'une paye le prix et que le bien
soit transféré à toutes ensemble, celle qui a fait l'avance
des fonds n'a, sauf convention expresse, ni privilège ni
mort-gage : elle n'a qu'une simple action en payemenl^\
De même, si un colocataire fait, de son chef, des frais de
décoration dans l'immeuble loué en commun, il n'a aucun
privilège à faire valoir contre ses consorts et peut même
n'avoir sur eux aucune espèce de recours^*.
30 Cowell c. Simpson, 16 Ves., 32 Ej. pa/,-te Grâce, 1 B. et P.,
275. 376.
^> Ex parte Linclen, 1 Mont. D. "'^ Spence, Equity, 11, 803.
et D., 435. 34 Kay c. ■7o/insow,21Beav., 536,
FIN DU TOME PREMIER
Ce volume doit être rendu à la derrière
date indiquée ci-dessous.
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