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Full text of "Éléments de droit civil anglais"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  witii  funding  from 

University  of  Toronto 


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ELEMENTS 


DROIT  CIYIL  ANGLAIS 


PRINCIPAUX  OUVRAGES  DE  M.  LEHR 

RELATIFS    AU    DROIT   COMPARÉ    ET  AU    DROIT   INTERNATIONAL 


Éléments  de  droit  civil  germanique  (Allemagne,  Autriche,  Suisse  allemande) ; 
1  vol.  ln-8^  Paris,  1875  (épuisé). 

Le  code  civil  du  canton  de  Claris,  traduit  en  français  et  annoté  (Annuaire  de 
législation    étrangère,  i'  année,  Paris,  1875). 

Éléments  de  droit  civil  russe  (Russie,  Pologne,  provinces  ialtiques);  t.  P' 
(droit  des  personnes,  droit  de  famille,  droits  réels,  successions  ab  intestat).  Parla, 
1877  (épuisé);  t.  II  (successions  testamentaires,  obligations,  constatation  des  droits, 
propriété  Intellectuelle),  Paris,  1890. 

Le  traité  franco-suisse  du  15  juin  1869  ;  in-S",  Lausanne,  1878. 

Éléments  de  droit  civil  espagnol;  1"  partie  (droit  civil  jusqu'en  1878),  1  vol. 
Paris,  1880;  2"  partie  fdroit  civil  depuis  1878  et  la  promulgation  des  codes  civil  et 
de  commerce),  1  vol.,  Paris,  1890. 

La  Handf  este  de  Fribourg  dans  l'Uechtland  de  1249  (les  trois  textes  ori- 
ginaux, traduction  et  commentaire)  ;  1  vol.  in-8",  avec  un  fac-simlle  de  la  charte 
originale,  Lausanne,  1880. 

Éléments  de  droit  civil  anglais  (ouvrage  récompensé  par  rAcadémle  des  scien- 
ces morales  et  politiques);  1  fore  vol.  in-S",  Paris,  1885  (épuisé). 

Manuel  des  actes  de  l'état  civil  en  droit  français  et  étranger  (en  collabo- 
ratinn  avec  M.  Joseph  CrOpon);  1  vol.  in-12,  Paris,  1887. 

Principes  de  la  politique,  par  M.  F.  do  Holtzendorff .  Traduction  française; 
1  vol.  in-8*,  Hambourg,  1887. 

Manuel  théorique  et  pratique  des  agents  diplomatiques  et  consulaires  ; 
1  vol.  in-12,  Paris,  1888. 

Le  nouveau  droit  pénal  portugais,  étude  stir  le  Code  pénal  du  16  sept.  1886  ; 

1  vol.  in-8*,  Paris,  1888. 
Code  de  commerce  portugais  de  1883,  traduit  et  annoté;  1  vol.  ln-8°,  Paris, 

1889  (Collection  des  principaux  codes  étrangers,  publiée  aux  frais  de  l'État). 
Code  civil  du  canton  de  Zurich  de  1887,  traduit  et  annoté;  1  vol.  in-S»,  Paris, 

1890  (même  Collection). 

Traité  élémentaire  de  droit  civil  germanique  (Allemagne  et  Autriche)  ;  2  vol. 
In- 8".  Paris,  1892. 

Tableau  général  de  l'organisation,  des  travaux  et  du  personnel  de  l'Ins- 
titut de  droit  international  pendant  les  deux  premières  périodes  décen- 
nales de  son  existence  (1873-1892)  ;  1  vol.  ^-8°,  Paris,  1893. 

Le  mariage,  le  divorce  et  la  séparation  de  corps,  dans  les  principaux 
pays  civilisés;  1  vol.  in-8^,  Paris,  1898. 

Éléments  de  droit  civil  Scandinave  (Danem  arlc,  Norvège,  Suède)  ;  1  vol.  in-8», 
Paris,  1901. 

De  la  tutelle  des  mineurs  d'après  les  principales  législations  de  l'Europe, 
étude  de  législation  civile  comparée  et  de  droit  international  privé  ;  ln-8"',  Bruxelles 
et  Paris,  1902. 

Dans  le  Répertoire  général  alphabétique  du  droit  français,  tous  les  chapitres  rela- 
tifs au  droit  comparé  (civil  et  pénal),  la  plupart  des  articles  de  droit  international 
public  et  les  notices  sur  l'organisation  politique,  administrative  et  judiciaire  de 
l'Allemagne,  la  République  Argentine,  V Autriche-Hongrie,  la  Bolivie,  le  Brésil, 
la  Bulgarie,  le  Danemark,  la  Finlande,  la  Grande-Bretagne  et  l'Inde,  la  Grèce, 
l'Italie,  les  principautés  de  Llchtcjislein  et  de  Monaco,  le  Monténégro,  la  Norvège, 
les  Pays-Bas,  le  Portugal,  l&  Suéde,  Ia  Suisse,  etc. 


ELEMEiNTS 


DE 


DROIT  CIVIL  ANGLAIS 


ERNEST  LEHR 


Correspondant  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques 

Professeur  honoraire  de  législation  comparée  à  l'Université  de  Lausanne 

Secrétaire  perpétuel  honoraire  de  l'Institut  de  droit  international 


DEUXIÈME   ÉDlïlOJS 

RETVUE    AVEC   LA   COLLABORATION    DE   L'AtTTECR 

CONSIDÉRABLEMENT   AUGMESTÉK 

r.T  iUSE   AU   COURANT   DE  LA   LÉGISLATION,    DE  LA    JURISPRUDENCE 

ET   DE  LA   BIBUOGRAPHIB 


JACQUES   DUMAS 

Docteur  en  Droit 
Procureur  de  la  République  à  Rethel 


TOME    PREMIER 


La  première  édition  de  cet  Ouvrage  a  été  récompensée 
par  l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques  (Concours  Woloicski) 


LIBRAIRIE 
DE  U  SOCIÉTÉ  DU  RECUEIL  J.-B.  SIREY  ET  DU  JOURNAL  DU  PALAIS 

Ancienne  Maison  L.  LAROSE  &  FORCEL 

2S,  rue  Soufflât,  PARIS,  6»  arrond. 

L.  LAROSE  et  L.  TENIN,  Directeurs 

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PRÉFACE 


La  première  édition  de  mes  Éléments  de  droit 
civil  anglais  étant  épuisée  depuis  assez  longtemps, 
j'en  présente  aux  jurisconsultes  une  seconde  qui 
a  été  soigneusement  revue  et  mise  au  courant  de 
la  jurisprudence.  Pour  cette  révision  que  mon 
âge  avancé  ne  m'aurait  guère  permis  aujourd'hui 
d'entreprendre  seul,  j'ai  trouvé  le  plus  précieux 
concours  auprès  de  M.  Jacques  Dumas,  docteur 
en  droit,  procureur  de  la  République  à  Rethel, 
qui  avait  déjà  bien  voulu  publier  en  1899  un  A'p- 
pendice  à  mon  ouvrage,  rendu  nécessaire  par  la 
promulgation  de  plusieurs  lois  anglaises  récentes 
et  fort  importantes.  M.  Dumas  a  continué  pour 
la  présente  édition  son  travail  d'il  y  a  six  ans, 
de  façon  à  donner  à  l'ouvrage  l'empreinte  de  la 
législation  actuelle;  mais  il  va  de  soi  que  ses 
utiles  additions  et  modifications  ont  été  incorpo- 
rées dans  le  texte  à  leur  place  respective  et  ren- 
trent aujourd'hui  dans  le  plan  général  du  livre. 

Nous  avons  cru  devoir  laisser  ce  plan  intact 
et  même  conserver  le  numérotage  des    paragra- 


VI  PREFACE 

phes,  afin  de  n'apporter  aucun  trouble  dans  les 
renvois  et  les  citations.  Tout  ce  qui,  dans  la  pre- 
mière édition,  a  gardé  quelque  intérêt,  a  été 
maintenu  intégralement  et  sous  les  mêmes  rubri- 
ques, moyennant  une  simple  révision  de  la  ré- 
daction. Les  règles  et  dispositions  nouvelles  in- 
tercalées par  M.  Dumas  portent  des  numéros  bis, 
ter,  quater,  etc.,  ou  sont  signalées  par  une  note. 
L'auteur  primitif  et  son  excellent  collaborateur 
se  sont  mis  d'accord  sur  tous  les  points  et  pré- 
sentent, en  conséquence,  dans  cette  seconde  édi- 
tion une  œuvre  collective. 

Tout  en  me  référant  expressément  à  la  Préface 
de  la  première  édition,  il  me  sera  permis  de  rap- 
peler ici  en  quelques  mots  ce'  que  je  disais  des 
difficultés  spéciales  que  rencontre  tout  juriscon- 
sulte du  continent  en  abordant  l'étude  du  droit 
anglais,  ainsi  que  des  raisons  qui  ont  déterminé 
le  plan  adopté  par  moi  et  qui  s'écarte  de  celui  de 
la  plupart  des  ouvrages  publiés  en  Angleterre 
sur  la  matière. 

Tandis  que  toutes  les  autres  législations  de 
l'Europe  ne  diffèrent  de  la  législation  française 
qu'en  certains  points  de  détail  et  pour  quelques 
institutions  particulières,  le  droit  civil  anglais 
nous  transporte  encore  dans  un  autre  monde  ou, 
pour  mieux  dire,  à  un  autre  âge.  Toutes  les  in- 
stitutions, la  famille,  les  relations  matrimonia- 


PRÉFACE  VII 

les,  la  tutelle,  la  propriété,  les  hypothèques,  les 
successions,  sont  régies  par  des  principes  absolu- 
ment distincts  de  ceux  auxquels  notre  éducation 
juridique  nous  a  accoutumés  de  ce  côté-ci  de  la 
Manche.  Elles  ont  leur  source  non  dans  le  droit 
romain  ou  le  vieux  droit  germanique,  mais  dans 
un  droit  qui,  après  avoir  sans  doute  régné  pen- 
dant un  temps  sur  toute  l'Europe  centrale,  a 
disparu  depuis  la  Renaissance  partout  ailleurs  : 
le  droit  féodal.  Tout  ce  qui  touche  de  près  ou  de 
loin  à  la  propriété  foncière,  et  l'on  peut  dire  qu'à 
part  le  droit  des  obligations  tout  y  touche,  est 
resté  en  Angleterre  purement  féodal,  dans  la 
forme  sinon  dans  le  fond.  11  s'ensuit  qu'on  est 
longtemps  comme  dépaysé  par  la  puissante  ori- 
ginalité de  ce  droit,  archaïque  dans  toutes  ses 
apparences,  et  que,  quand  il  s'agit  de  faire  com- 
prendre en  France  des  conceptions  juridiques 
dont  on  chercherait  vainement  un  vestige  dans 
nos  codes,  on  ne  trouve  même,  le  plus  souvent, 
dans  la  langue  aucun  mot  propre  pour  les  tra- 
duire. Nous  avons  dû,  pour  une  foule  d'institu- 
tions des  plus  usuelles,  nous  résigner  à  conserver 
le  mot  anglais,  faute  d'un  équivalent  exact  en 
français  (uses,  trustée,  eœecutory  interest,  consi- 
dération, estate,  fee  tail,  etc.). 

La  difficulté  de  présenter  un  tableau   clair  de 
la  législation  civile  anglaise  s'accroît  encore  par 


VIII  PREFACE 

le  fait  que  nul  peuple  au  monde,  si  ce  n'est  peut- 
être  le  peuple  romain,  n'a  eu  au  même  degré  le 
respect  de  la  tradition  et  des  précédents.  Non  seu- 
lement il  n'y  a  en  Angleterre  nulle  trace  de  co- 
dification de  cette  législation,  mais  encore 
chaque  matière  a  fait,  depuis  six  siècles,  l'objet 
d'un  nombre  infini  de  lois,  ou  de  décisions  judi- 
ciaires ayant  à  peu  près  force  de  loi,  souvent 
contradictoires  et  qu'on  n'a  jamais  cherché  ni  à 
concilier  ni  à  coordonner.  11  est  rare  qu'une 
matière  même  importante  fasse  l'objet  d'une  de 
ces  lois  d'ensemble  qu'on  appelle  parfois  chez 
nous  lois  organiques,  véritables  codes  spéciaux, 
qui  posent  toutes  les  règles  nécessaires  et  dis- 
pensent de  remonter  plus  haut.  Le  travail  du 
législateur  est  le  plus  souvent  un  travail  de  mo- 
saïque :  une  année,  il  modifie  tel  point  de  détail, 
l'année  d'après,  tel  autre,  quitte  à  revenir  sur  ses 
pas  la  fois  suivante.  Le  droit  a  donc  un  caractère 
non  point  systématique,  comme  en  France,  mais 
essentiellement  historique.  Pour  comprendre  et 
même  pour  connaître  les  règles  actuellement  en 
vigueur,  il  faut  remonter  plus  ou  moins  haut 
dans  le  passé  et  se  résigner  à  suivre  juges  et  lé- 
gislateurs dans  leur  œuvre  du  Pénélope. 

Écrivant,  non  pour  des  praticiens  anglais, 
mais  plus  particulièrement  pour  les  juriscon- 
sultes du  continent  qui  s'occupent  de  législation 


PRÉFACE  IX 

comparée  ou  qui  ont  accidentellement  besoin 
d'être  renseignés  sur  le  droit  anglais,  nous  avons 
cru  devoir,  pour  faciliter  leur  étude,  conserver 
autant  que  possible  le  plan  de  nos  précédents  ou- 
vrages sur  les  droits  civils  allemand,  espagnol, 
russe,  Scandinave,  etc.,  et  la  classification  des 
matières  usitées  dans  ces  pays  comme  en  France. 
Nous  développons  les  parties  qui  offrent  de  l'in- 
térêt au  point  de  vue  international  ou  étranger, 
mais  nous  passons  rapidement  sur  les  discussions 
de  théorie  ou  de  jurisprudence  dont  les  Anglais 
seuls  ont  à  se  préoccuper.  Si,  malgré  la  difficulté 
qu'on  peut  avoir  en  France  à  s'en  procurer  les 
recueils,  nous  citons  les  arrêts  non  moins  que 
les  lois,  afin  de  montrer  sur  quoi  s'appuient  nos 
énonciations  et  de  permettre  à  nos  lecteurs  de  re- 
monter à  la  source,  nous  estimons  n'avoir  pas  à 
critiquer  ces  arrêts,  ni  à  les  mettre  en  présence 
lorsqu'ils  sont  contradictoires;  nous  tâchons  de 
donner  l'état  actuel  de  la  doctrine  et  de  la  juris- 
prudence, sans  nous  dissimuler  que,  dans  bien 
des  cas  importants,  elles  sont  vacillantes  quand 
elles  ne  sont  pas  tout  simplement  muettes. 

De  même  que  dans  la  première  édition,  nous 
n'avons  touché  que  tout  à  fait  incidemment  aux 
matières  rentrant  plus  spécialement  dans  le  droit 
commercial;  et,  d'un  autre  côté,  nous  n'expo- 
sons que  le  droit  civil  de  l'Angleterre  proprement 


X  PRÉFACE 

dite,   y  compris  le  pays  de  Galles  et  l'Irlande 
/  )  /  pour  autant  que  ces  deux  dernières  contrées  ne 
*^  -      sontpas  formellement  exceptées.  Quant  à  l'Ecosse, 
'  qui  a  gardé  son  droit  civil  propre,  les  principes 
I  qui  la  régissent  forment  un   corps   de  doctrine 
si  complet  et  tellement  diflerent  que  nous  avons 
dû  renoncer  à  les  analyser  dans  le  même  ouvrage, 
sous  peine  d'en  doubler  l'étendue  et  d'en  dimi- 
nuer la  clarté;  nous  en  avons  d'ailleurs  donné 
une  notion  dans  les  chapitres  de  législation  com- 
parée  insérés,    pour   chaque  matière    du    droit 
civil,  dans  le    Réjjerfoire  général   alphabétique 
du  Droite  français  (36  vol.  in-4%   1886-1905), 
dont  la  publication  vient  d'être  terminée. 

ERiNEST   LEHR. 

Lausanne,  30  septembre  1905. 


INTRODUCTION 


Coup  d'œil  sur  l'histoire  juridique  et  sur  Torganisa- 
tion  judiciaire  de  l'Angleterre. 

CHAPITRE  I 
Des  sources  du   droit  anglais. 

Sommaire  :  I.  Monuments  du  droit  anglo-saxon.  —  II.  Lois  normandes; 
lois  de  Guillaume  le  Conquérent;  Dowesdaybook.  —  III.  Grande  assise  ; 
institution  des  circuits  et  de  la  cour  des  plaids  communs.  —  IV. 
Statute  law,  cômnion  laiv;  chartes  {Grande  Charte,  Charte  fores- 
tiers). —  V.  Œuvre  législative  et  judiciaire  d'Edouard  I*'.  —  VI. 
Writs,  records,  reports;  Bracton,  Glanville,  Coke.  —  VIT,  Statuts; 
mode  de  citation.  —  VIII.  Principaux  jurisconsultes  et  commentateurs 
du  xve  au  xvuio  siècle.  —  IX.  Prédominance  croissante  du  Statute  law. 

I.  —  Les  plus  anciens  monuments  du  droit  anglais    \ 
qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous  sont  de  beaucoup  anté- 
rieurs à  la  conquête  normande.  Ce  sont  des  lois  anglo- 
saxonnes,  dont  le  caractère  germanique  est  nettement  t 
accusé  et  qu'on  peut  ramener  à  quatre  groupes  : 

l°La  vieille  législation  du  pays  de  Kent,  comprenant 
des  lois  pénales  et  des  règlements  de  procédure  des    / 
rois  Éthelbert,  Chlolhaire,  Édred  et  Wilred  (entre  560 
et  696  de  notre  ère). 

2°  Les  lois  d'Ine,  roi  de  Wessex  ou  des  Saxons  de 
l'ouest  (688-727),  qui  sont  importantes  parce  que,  plus 


XII  INTRODUCTION 

tard,  le  royaume  de  Wessex  devint  le  noyau  de  celui 
d'Angleterre. 

3°  Après  la  formation  du  royaume  d'Angleterre,  le 
code  d'Alfred  le  Grand  (874-901)  et  les  lois  de  ses  suc- 
cesseurs immédiats,  Edouard  l'Ancien,  Athelslan, 
Edmond,  Edgard  le  Pacifique,  Éthelredll  (901-1016). 
Au  règne  d'Athelstan  se  rapportent  les  célèbres  Judï- 
cia  civitatis  Lundonise. 

4°  Les  lois  de  Canut  le  Grand,  qui  se  divisent  en 
leges  ecciesiasticœ  et  en  leges  civiles,  reproduisant  pour 
la  majeure  partie  la  législation  anglo-saxonne  anté- 
rieure. 

Sous  les  premiers  rois  normands  parurent  plusieurs 
compilations,  faites  par  des  particuliers  dans  le  but  de 
constater,  à  l'encontre  des  conquérants,  l'état  du  droit 
antérieur  à  leur  venue.  L'une  des  plus  connues  porte  le 
l\ire  de  Leges  He?irici  pri?)îi,  parce  que  les  deux  pre- 
miers chapitres  contiennent  une  lettre  de  franchise  du 
roi  Henri  I",  de  l'an  1101 ,  et  une  charte  de  privilèges 
par  lui  conférée  à  la  ville  de  Londres;  le  reste  du  livre 
a  essentiellement  le  caractère  d'une  œuvre  privée,  fort 
difficile  à  lire  et  à  comprendre.  L'ouvrage  connu  sous 
le  nom  de  Leges  Edœardi  Confessons  est  aussi,  mal- 
gré les  apparences  officielles  de  ses  premiers  chapitres, 
une  simple  compilation  privée  de  droit  anglo-saxon, 
composée  probablement  au  xif  siècle  («). 

II.  —  Après  la  conquête,  les  Normands  se  régirent 
entre  eux  d'après  leur  droit  national  ;  quant   à  leurs 

(o)  Cpr.  Bie  cnglisclien  Redits-  V Encyclopédie  de  Holtzendorff, 
quellen,   par     H.    Brunner,   dans       p.  248. 


DES    SOURCES    DU  DROIT    ANGLAIS  XIII 

relations  avec  la  population  conquise,  on  les  régla  par 
des  lois  spéciales.  Les  Anglo-Saxons  avaient  obtenu 
l'assurance  qu'on  les  laisserait  au  bénéfice  de  leur  légis- 
lation propre;  mais  la  force  des  choses  fit  bientôt  de 
cette  concession  une  lettre  morte  :  les  Normands  for-  l 
maient  presque  exclusivement  les  hautes  classes  de  la 
nation;  ils  occupaient  la  majeure  partie  des  terres, 
étaient  investis  de  toutes  les  charges  et  de  toutes  les  / 
magistratures,  composaient  notamment  la  cour  du  roi, 
c'est-à-dire  la  juridiction  suprême,  de  sorte  qu'ils 
donnèrent  peu  à  peu,  dans  toutes  les  affaires,  la  pré- 
dominance au  droit  qui  leur  était  seul  familier. 

Dans  les  premières  années  qui  suivent  la  conquête, 
la  législation  ne  s'écarte  encore  guère  du  droit  anglo- 
saxon;  seulement  la  langue  anglo-saxonne  s'efface 
d'abord  devant  le  latin,  p^s,, à  partir  d'Edouard  P"  et 
surtout  de  Richard  II,  devant  le  français. 

On  a  du  règne  de  Guillaume  le  Conquérant  (1066- 
1087)  quatre  lois  :  1°  les  Leges  et  consuetudines  quas 
Wilhelmiis  rex  post  adquisitionem  Aiiglise  omni  po- 
pulo Anglorum  concessit  tenendas ;  ce  sont  essentiel- 
lement les  coutumes  anglo-saxonnes,  auxquelles  s'ajou- 
tent quelques  dispositions  du  droit  normand  pour  régler 
les  rapports  entre  les  deux  nations. 

2°  Willelmes  kyninges  asetnysse  (statuts  du  roi 
Guillaume),  loi  en  langue  anglo-saxonne,  relative  aux 
modes  d'administrer  la  preuve  dans  les  procès  entre 
Normands  et  Anglo-Saxons. 

3°  Carta  Willelmi  de  qiiibusdam  staiutis,  dont  le 
texte  même  n'est  pas  parvenu  jusqu'à  nous. 


XIV  TNTRODUCTIOiN 

4°  Une  ordonnance  relative  à  la  séparation  des  juri- 
dictions spirituelle  et  temporelle,  dans  le  sens  des  prin- 
cipes en  vigueur  sur  le  continent. 

A  la  fin  du  même  règne,  une  enquête  officielle  sur  l'as- 

1  siette  de  la  propriété  foncière  donna  naissance  au  Do- 
mesd(ujbook\  registre  foncier  établi  en  vue  delà  percep- 
tion de  riiii[)ùt.  Ce  n'est  pas,  du  reste,  le  seul  docu- 
ment intéressant  que  cette  époque  nous  ait  légué  sur 
l'administration  financière  du  royaume;  il  convient  de 
mentionner,  à  côté  du  Domesdaybook^  les  arrêts  de  la 
cour  de  TEchiquier  en  matière  de  comptabilité.  Les  plus 
anciens  rôles  de  la  Trésorerie  [roUs  of  the  Pipe)  re- 
montent à  la  trente  et  unième  nniiée  du  règne  de 
Henri  I"  (1101-U35). 

III.  —  Sous  Henri  II,  qui,  avant  de  monter  sur  le 
trône,  était  capitalis  justiliarius  Anglise,  les  combats 
judiciaires  furent  remplacés,  comme  mode  de  preuve, 
par  l'introduction  de  ce  qu'on  a  appelé  la  Grande  assise, 
c'est-à-dire  l'institution  d'un  jury  spécial  en  matière 
^robatmçe;  et,  d'autre  part,  le  roi  divisa  le  pays  en  six 
circuits,  pour  chacun  desquels  il  nomma  des  juges  iti- 

I  nérants  (justitiarii  itinérantes,  justices  of  eyre),  char- 
gés d'aller  prononcer  sur  place  sur  les  contestations  res- 
sortissant, d'après  les  usages  normands,  à  la  cour  du 
roi  [aula  régis).  Cette  organisation  mémorable  eut  pour 
effet  de  décharger  les  justiciables  des  frais  énormes  d'un 
recourt  direct  à  la  aula  régis  et,  en  même  temps,  de 
leur  assurer  une  meilleure  justice  que  devant  les  tribu- 
naux de  comté  remontant  à  l'époque  saxonne  (b).  Ri- 

Ifi)  Blakstone,  Comm.,éd.  franc.,  IV,  L76. 


DES   SOURCES  DU  DROIT  ANGLAIS  XV 

chard  Cœur  de  Lion  compléta,  à  cet  égard,  l'œuvre  de 
son  père  en  détachant  de  la  cour  de  TEchiquier,  sous  le 
nom  de  Court  of  comnion  plcas  :  cour  des  Plaids  com-  i 
muns)  une  chambre  permanente  pour  le  jugement  des 
affaires  civiles. 

IV.  —  Les  documents  juridiques  du  xii"  et  du  xiii* 
siècle  sont  déjà  assez  nombreux.  Les  jurisconsultes  an- 
glais les  divisent  en  deux  grandes  classes  :  le  droit  sta-    i 
tutaire  [statute  law)  et  le  droit  commun  [common  law)^  \ 
suivant  qu'ils  ont  une  origine  législative  ou  coutumière. 
Toutefois,  cette  distinction  n'est  pas  absolue;  car  on 
range,  par  exemple,  parmi  les  sources  du  Common  law 
la  plupart  des  ordonnances  des  rois  normands.  Ces  or- 
donnances sont  tantôt  des  constitutions  ou  des  assises, 
lorsqu'elles  ont  été  rendues  par  le  roi  avec  le  concours 
des  grands  du  royaume,  tantôt  des  chartes  (charters), 
lorsqu'elles  sont  de  simples  manifestations  personnelles 
de  la  volonté  royale  ou  la  réponse  du  souverain  à  des 
requêtes.  Plusieurs  de  ces  chartes  sont  célèbres  :  no- 
tamment la  Grande  Charte  de  Jean  sans  Terre  (1215) 
et  la  Charta  de  foresta,  Charte  forestière,  de  son  fils 
Henri  III  (1217).  La  première,   que   l'on  considère  à 
bon  droit  comme  la  base  des  libertés  du  peuple  anglais, 
ipbse  en  principe   que  nul   homme  libre  ne  peut   être 
fpris,  emprisonné,  dépouillé  de  savieou  de  ses  biens,  à 
i  moins  d'avoir  été  condamné  par  un  jugement  de  ses 
I  pairs  ou  par  la  loi  du  pays;  au  point  de  vue  purement 
'  civil,  elle  accorde  à  tout  particulier  le  droit  de  disposer 
par  testament  d'une  partie  de  ses  biens,  môme  au  dé- 
triment de  sa  femme  et  de  ses  enfants,  à  une  époque 

Lehr.  b 


XVI  INTRODUCTION 

lob,  comQie  on  le  sait,  la  liberté  de  tester  était  presque 
linconnue  au  reste  de  l'Europe.  La  Charte  forestière,  à 
raison  même  de  son  objet  spécial,  n'a  pas  autant  d'im- 
portance que  la  Grande  Charte;  toutefois,  au  moment 
où  elle  parut,  elle  fut  considérée  comme  un  bienfait, 
parce  qu'elle  mettait  un  terme  aux  empiétements  de  la 
Couronne  et  atténuait  sur  divers  points  une  législation 
draconienne  (c). 

Les  statuts  proprement  dits  commencent  avec  les 
Provismies  de  Merton,  de  la  vingtième  année  du  règne 
de  Henri  111(1235-1236). 

V.  —  Une  troisième  période  commence  avec  Edouard 
I",  qu'on  a  appelé  avec  raison  le  Justinien  anglais.  La 
législation  fit  sous  son  règne  de  tels  progrès  que,  d'après 
le  jurisconsulte  Matthew  Haie,  il  a  été  plus  fait  dans  les 
treize  premières  années  de  ce  règne  pour  doter  le 
I  royaume  d'une  bonne  justice  distributive,  que  dans  les 
quatre  ou  cinq  siècles  qui  se  sont  écoulés  depuis  (d). 
Nous  ne  pouvons  citer  ici  les  divers  statuts,  même  im- 
portants, se  rattachant  à  ce  prince  ;  l'énumération  en 
serait  trop  longue.  C'est  lui  qui  a  posé  les  bases  de  l'or- 
ganisation politique  et  législative  de  l'Angleterre.  Bor- 
nons-nous à  mentionner  la  création  d'un  Gonsei]  d'Etat 
permanent,  le  Continuai  couticil,  plus  tard  Conseil 
privé,  composé  des  plus  hauts  dignitaires  du  royaume, 
et  qui,  par  l'adjonction  périodique  d'un  certain  nombre 
de  prélats  et  de  barons  invités  à  cet  effet  par  le  roi,  de- 

(c)Cpr.Blakstone,  VI,378etsuiv.       6»  éd.    de  1820).  On    a   encore   de 
{d)iiale,History  oftheÇomvion       lui  un   Treatise  on   Pleas  of  the 
law,  2  vol.  in-8o,  n»'  157  et  158  (la       croicn. 


DES    SOURCES    DU    DROIT   ANGLAIS  XVII 

vint  le  Magnum  concilium,  le  conseil  du  royaume.  En 
môme  temps,  le  roi  inlroduisil  l'usage  de  convoquer 
des  députés  des  communes,  villes  et  comtés,  pour  pren- 
dre leur  avis  sur  les  lois  projetées  et  faire  fixer  par  eux 
le  montant  des  impôts.  C'est  donc  Edouard  P''  qui  a 
jeté  les  bases  de  ce  qui  est  devenu  plus  tard,  probable- 
ment à  partir  d'Edouard  III,  la  chambre  des  Lords  et 
la  chambre  des  Communes.  Dans  le  domaine  du  droit 
civil  et  de  la  procédure,  on  lui  doit  une  exacte  délimi-i 
talion  des  attributions  des  trois  cours  supérieures  du  ' 
Banc  du  roi,  des  Plaids  communs  et  de  l'Échiquier;  la 
fixation  delacompétencedesdiverstribunauxinférieurs; 
l'organisation  d'un  dépôt  pour  les  registres  et  actes  pu- 
blics du  royaume  ;  la  réforme  d'abus  relatifs  aux  tenu- 
res  et  la  suppression  d'entraves  mises  à  l'aliénation  des 
terres;  une  voie  plus  prompte  pour  le  recouvrement 
des  créances,  le  writ  0/  elegit  permettant  au  créancier 
de  se  faire  payer  non  seulement  sur  les  biens  meubles, 
mais  encore  sur  les  immeubles  du  débiteur,  etc.  L'œu- 
vre législative  du  roi  Edouard  I"  est  si  considérable 
que  les  traités  de  jurisprudence  écrits  sous  son  règne 
(Britton,  Hengham,  le  Fleta  (e),  etc.,  ont  continué  à 
faire  loi  pendant  des  siècles  et  que,  jusqu'à  Henri  VIII, 
les  formes  de  la  procédure  n'ont  subi,  pour  ainsi  dire, 
aucune  modification  (/). 


(e)  Fleta  seu  commentarius  ju-  Britton,  auteur  d'un  recueil  de  lois 

ris  anglicani,  ouvrage  de  la  fin  du  et  préceptes  juridiques  en  langue 

xui«    siècle,   dont   l'auteur  est   in-  française   (fin   du    xiue  sièclcj.    — 

connu.  —  Summa  magna  ftparva,  Thorton,    Summa   de    legibus   et 

de   Ralph  de   Hengham,  juriscon-  consurtudiiiibus  At^glix,  {2.92. 
suite  du  temps   d'Edouard  !">'.  —  (/Q  liiackstone,  IV,  p.  781  et  suiv. 


XVIII  INTRODUCTION 

VI,  — Indépendamment  des  statuts,  il  existe,  à  cette 
époque,  trois  autres  sources  du  droit,  qu'il  importe  de 
mentionner  et  de  définir  :  les  ivrits^  les  records  et  les 
reports. 

Les  ivriis,  en  latin  brevia,  brefs,  ont  commencé  par 
être  les  mandats  délivrés  par  le  roi,  afin  de  rompre 
avec  l'ancienne  procédure  du  duel  judiciaire  et  du  ser- 
ment :  le  mandat  ne  s'appliquait  qu'à  l'affaire  même 
pour  laquelle  il  avait  été  donné,  et  il  s'obtenait  à  prix 
d'argent.  Depuis  Henri  II,  cette  voie  fut  ouverte  à  tout 
le  monde;  la  chancellerie  royale  reçut  l'ordre  de  déli- 
vrer des  ivrits^  suivant  un  formulaire  déterminé,  à  tou- 
tes les  parties  qui  en  demanderaient.  Le  writ  avait  une 
portée  différente  selon  le  but  en  vue  duquel  on  l'avait 
obtenu.  Peu  à  peu,  chaque  action  eut  son  bref  particu- 
lier, formulé  en  termes  spéciaux;  et  Braclon  put  dire 
qu'il  y  avait  autant  de  formules  de  ivrits  que  d'espèces 
d'actions  :  tôt  fonnulse  brevium  quoi  sunt  gênera 
actionum  [g).  Les  ivrits  se  divisaient  en  brevia  formata 
ou  magistralia,  suivant  que  le  formulaire  en  était  réglé 
par  la  loi  ou  libellé  par  la  chancellerie  par  voie  d'ana- 
logie, et  en  brevia  originalia  oujudicialia,  suivant  qu'ils 
servaient  au  début  même  de  l'instance  ou  dans  le  cours 
du  procès.  On  trouve  un  grand  nombre  de  formules  de 
writs  dans  le  traité  de  Granville,  capitalis  justitiarius 
Anglise  de  H  80  à  1187  (^). 

[g)  Hcnrici  de  Bracton  de  legi-  suetudinibus  regni  Anglise  teni- 

bus  et  consuetudinibus  Anglix  li-  pore  R.  Henrici  secundi,   compo- 

bri  V.  Henri  de  Braclon  était  juge  situsjustitix  gubernacula  tenente 

du  temps  du  roi  Henri  III  (1216-  Ranulpho  de  Glanvilla.  L'ouvrage 

1272).  a  été  souvent  réimprimé  depuislo54, 

{h)  Tractatus  de  legibus  et  con-  où  il  parut  pour  la  première  fois. 


DES   SOURCES   DU    DROIT   ANGLAIS  XIX 

Les  records  sont  les  protocoles  des  délibérations  et 
sentences  des  tribunaux,  spécialement  des  juridictions 
royales.  Les  collections  en  remontent  fort  haut  et  sont 
très  volumineuses. 

Les  reports  n'ont  pas  pour  objet,  comme  \e9,records, 
de  donner  le  texte  officiel  des  jugements;  mais  ils  relè- 
vent^ dans  les  affaires  traitées  devant  les  tribunaux,  les 
points  de  fait  ou  de  droit  dont  il  peut  être  utile  de  garder  l 
trace  en  vue  de  préciser  la  jurisprudence.  Cette  besogne 
n'était  pas  abandonnée,  dans  le  principe,  à  de  simples 
particuliers  :  depuis  Edouard  V^  jusqu'à  la  fin  du  règne 
de  Henri  VIII,  elle  fut  faite  régulièrement  par  des  fonc- 
tionnaires publics  nommés  et  rétribués  à  cet  effet,  et 
consignée  dans  des  yearbooks  ou  annuaires.  A  i)artir 
des  dernières  années  du  règne  de  Henri  VIII,  les  rap- 
porteurs officiels  disparaissent,  et  la  jurisprudence  est 
recueillie  par  des  hommes  de  loi  sans  mandat  public, 
parmi  lesquels  les  juristes  les  plus  distingués  du  pays 
ne  dédaignèrent  pas  de  prendre  rang.  On  cite  au  nom- 
bre des  reporters  plus  anciens,  Dyer  et  Plowden  ;  mais 
le  plus  célèbre  de  tous  est  incontestablement  Edouard 
Coke,  dont  l'autorité  est  si  universellement  reconnue 
qu'on  cite,  encore  aujourd'hui,  ses  ouvrages  sans  rap- 
peler son  nom  et  d'après  leur  titre  seul  (/).  Notre  Table 


(t)  Les  deux  ouvrages  capitaux  de  que   cette    manière    de    citer    est 

Coke  (n.  1552,  f  1634)  sont  ses  Re-  usuelle  en    Angleterre  pour  tous 

porls  et  ses  Institutes  of  the  laws  les  ouvrages  en  plusieurs  volumes  : 

o/'i?w^Zand,  en  quatre  parties;  on  le  n»  du    tome    se  place  avant  le 

cite  les  InsiUutes  en   plaçant  l'a-  titre,  le  n»  de  la  page  après  ;  nous 

bréviafion    Inst.    entre  le  n"  de  la  nous  conformerons  habituellement 

partie  et    celui    de  la  page.    Nous  à  cet  usage  pour  les  ouvrages  an- 

dirons,  d'ailleurs,  à  cette  occasion,  glais  que  nous  aurons  à  citer. 


XX  INTRODUCTION 

des  principales  abréviations  donne  les  noms  des  princi- 
paux auteurs  de  Reports^  en  même  temps  que  le  mode 
abrégé  suivant  lequel  il  est  d'usage  de  les  citer. 

VII.  — Les  statuts,  dont  nous  avons  déjà  dit  un  mot 
plus  haut  et  qui  forment,  depuis  cinq  siècles  et  demi 
la  principale  base  officielle  du  droit  anglais,  remontent 
à  une  époque  où  les  règles  constitutionnelles  sur  l'éla- 
boration des  lois  n'étaient  pas  encore  nettement  tracées. 
Aussi  lesdivise-t-on  en  statuta  vetera  eisiatuta  nova, 
suivant  qu'ils  sont  antérieurs  ou  postérieurs  au  règne 
d'Edouard  III,  à  partir  duquel  la  notion  moderne  des 
statuts  paraît  avoir  définitivement  prévalu  (1327).  Du 
moins  est-ce  à  partir  de  cette  époque  que  les  statuts 
proprements  dits,  inscrits  sur  le  Registre  des  statuts 
pour  être  observés  à  perpétuité,  se  distinguent  des 
simples  ordina?ices,  dont  la  valeur  était  plus  passagère, 
encore  que  probablement  le  parlement  intervînt  aussi 
dans  leur  élaboration. 

Statut  n'est  pas  en  Angleterre,  synonyme  de  notre 
mot  français  /p?;  loi  se  dil  act.  Un  statut  comprend  l'en- 
semble des  lois  votées  pendant  une  session  annuelle  du 
parlement,  chaque  loi  formant  un  des  chapitres  du^sta- 
lut,_de  l'année.  On  cite  le  statut  par  le  nom  du  roi,  pré- 
cédé de  l'année  de  son  règne  auquel  correspond  le  sta- 
tut, et  chaque  loi  par  le  numéro  du  chapitre  qu'elle 
forme  dans  le  statut  :  ainsi  l'expression  abrégée  «^St. 
^'/^.  IL  ^^^'.3h^ii  122"'  ^"'  désigne l'importantelojjuii 
"-"*-  les  droits  djjuteur^  signifie  que  cette  loi  est  la  1 07®  votée 
par  le  parlement  pendant  la  session  tenue  la  41®  année 
du  règne  de  Georges  III,  c'est-à-dire  en  1801 .  Quand 


DES  SOURCES  DU   DROIT  ANGLAIS  XXI 

un  souverain  est  monté  sur  le  trône  dans  le  cours  d'une 
session,  il  peut  arriver  que  les  années  de  son  règne  ne 
coïncident  pas  avec  les  années  civiles  et  qu'un  môme 
statut  annuel  corresponde  à  deux  années  différentes  du 
règne  :  le  statut  porte  alors  le  numéro  de  ces  deux  an- 
nées. C'est  le  cas,  par  exemple,  de  tous  ceux  du  règne 
de  la  reine  Victoria  ;  comme  elle  a  succédé  à  son  oncle 
Guilllaume  IV,  le  20  juin  1837,  au  milieu  de  la  session 
de  l'année  1837,  les  lois  votées  pendant  ladite  année, 
appartiennent  tout  à  la  fois  à  la  dernière  année  du  règne 
du  feu  roi  et  à  la  première  de  celui  de  la  souveraine 
actuelle;  elles  forment  donc  le  St.  7,  Guil.  IV,  et  1, 
Vict.;  celles  de  l'année  1838,  le  St.  1  et  2,  Vict.  ; 
celles  de  l'année  1839,  le  St.  2  et  3,  Vict.,  et  ainsi  de 
suite. 

Depuis  la  quatrième  année  du  règne  de  Henri  VII 
(1489),  la  langue  anglaise  est  devenue  la  langue  légis- 
lative, à  l'exclusion  du  latin  et  du  français. 

VIII.  —  Le  fait  que  la  législation  anglaise  n'a  ja- 
mais été  codifiée,  qu'on  professe  en  Angleterre  un  res- 
pect absolu  pour  la  tradition  et  pour  les  précédents,  et 
qu'on  ne  craint  pas  de  chercher  dans  les  plus  vieux 
documents  législatifs  ou  judiciaires  des  arguments  en 
faveur  d'une  thèse  toute  contemporaine,  a  donné  na- 
turellement une  importance  considérable  aux  travaux 
des  jurisconsultes  qui  ont  recueilli,  coordonné  et  com- 
menté cette  masse  énorme  de  matériaux.  Plusieurs  de 
ces  auteurs  ont,  eux  aussi,  le  privilège  d'ôtre  encore 
cités  couramment,  bien  qu'ils  aient  disparu  depuis  des 
siècles.    Nous   avons   mentionné  plus    haut  l'illustre 


XXII  INTRODUCTION 

Edouard  Coke;  plusieurs  de  ses  prédécesseurs  et  de 
ses  successeurs  méritent  également  d'être  nommés  : 

Au  xv^  siècle,  John  Fortescue,  Chief  justice  du  Banc 
du  roi  sous  Henri  VI,  en  1442,  auteur  du  De  laudibus 
legum  Angliœ,  exposé  populaire,  sous  forme  de  dialo- 
gue, des  particularités  et  des  mérites  du  droit  anglais 
comparé  à  celui  du  continent;  —  Thomas  Littleton 
(t  1481),  auteur  d'un  ouvrage  mémorable  sur  les  Te- 
nures,  que  Coke,  son  traducteur,  qualifiait  le  livre  le 
plus  parfait  qui  ait  jamais  honoré  la  science  (/); 

Au  xvf  siècle,  Fitzherbert  (f  1538),  qui  a  publié, 
sous  le  titre  de  Grand  Abridgment ,  un  travail  appro- 
fondi sur  les  Yearbooks  et  un  ouvrage  célèbre  sur  les 
wiits^  intitulé  Natura  Brevium  ; —  Sir  William  Staun- 
forde  (t  1558),  auteur  d'un  ouvrage  estimé  sur  le  droit 
criminel  (Pleas  of  the  crown); 

Au  xvii^  siècle,  Sir  Matthew  Haie  (f  167.6),  que 
nous  avons  déjà  nommé  (cpr.  ci-dessus  note  d)\ 

Au  xviii®  siècle,  Sir  Geoffroy  Gilbert,  Chief  baron  de 
l'Échiquier  (f  1726),  dont  les  nombreux  ouvrages  sur 
la  propriété  immobilière  [Tenures,  Uses  and  Trusts, 
Devises,  EJectment,  etc. )ïoni  encore smlorité;  — John 
Gomyns  (f  1740),  auteur  d'un  Digest  of  the  law  of 
England,  qui  se  distingue  par  sa  clarté  et  sa  solidité; 
—  le  criminalisle  William  Hawkins  (f  1746),  auteur 
d'un  important  recueil  de  statuts  et  d'un  Treatise  of 
the  Pleas  of  the  Croitm;  —  et,  surtout,  le  grand  juris- 
consulte Sir  William  Blackstone  (n.   1722,   f  1780), 

[j)  La  traduction  en  anglais  et  Institutes  de  Coke;  on  les  cite  de 
le  commentaire  des  Tenures  de  deux  manières  :  Co.  Litt.,  ou  1 
Littleton  forment   le   livre    1   des       Inst. 


DES   SOURCES   DU    DROIT  ANGLAIS  XXIll 

dont,  après  plus  d'un  siècle,  les  Commentaries  on  the 
laws  of  England  forment  encore  la  base  de  toute  la 
littérature  juridique  de  l'Angleterre.  Cet  ouvrage  capi- 
tal, publié  en  1765,  maintes  fois  réédité  et  complété 
(notamment  par  James  Slephen),  a  été  traduit  en  fran- 
çais par  Ghompré  en  1823,  avec  les  notes  de  Christian,  j/ 

IX.  —  Au  surplus,  le  règne  incontesté  du  Common 
laWy  de  la  coutume,  paraît  aujourd'hui  sur  son  déclin. 
On  s'étonne  qu'un  peuple  aussi  pratique  que  les  An- 
glais ait  pu  s'accommoder  pendant  des  siècles  d'un  état  ! 
de  choses  qui  fait  du  droit  un  véritable  arcane  accessi- 
ble aux  seuls  initiés.  Le  besoin  d'une  législation   plus 
claire,   plus  équitable,  moins  inutilement   formaliste, 
qu'on  avait  commencé  à  éprouver  dès  le  xvi"  siècle,  se 
fait  sentir  de  plus  en  plus  impérieusement.  Tout  en  ne 
touchant  au  passé  qu'avec  respect,  on  tend  d'année  en    \ 
année  à  consolider,  à  compléter,  nous  allions  dire  à    | 
moderniser,  les  anciennes  règles  par  voie  législative.    ' 
Les  lois  positives  se  substituent  de  proche  en  proche 
•à\i  common  law .  La  réfornae  accomplie  en   1873  dans 
l'organisation  judiciaire,  et  dont  on  trouvera  dans  le 
chapitre  suivant  les  principaux  linéaments,  aura  néces-  ) 
sairement  une  influence  considérable  sur  le  développe- 
ment du  droit  :  la  création  d'une  Cour  suprême  et  la  ' 
fusion  de  la  juridiction  d'équité  avec  celle  de  droit  com-  ' 
mun  feront  disparaître,  dans  un  temps  donné,  la  diffé- 
rence, si  accentuée  naguère  et  si  caractéristique,  entre 
le  common  law  et  \equily  et,   par  là  même,  un  dua-j 
lisme   qui  était  une  source  de  complications  sans  tin 
dans  la  théorie  comme  dans  la  pratique.  Nous  assis- 


XXIV  INTRODUCTION 

tons  à  l'aurore  d'une  ère  nouvelle,  qui  se  manifeste  par 
I  une  remarquable  fécondité  législative  dans  tous  les  do- 
maines. Rien  que  dans  le  droit  civil,  il  est  peu  d'in- 
stitutions qui  n'aient  été  plus  ou  moins  profondément 
remaniées  depuis  l'avènement  de  la  reine  Victoria, 
comme  le  démontre  dans  notre  Table  des  principales 
lois  citées  la  longue  liste  des  acts  importants  votés  pen- 
dant son  règne.  On  pourra  même  se  convaincre,  en 
étudiant  par  exemple  la  loi  de  1882  sur  l'émanci- 
pation des  femmes  mariées,  que  le  parlement  ne  recule 
pas  devant  les  initiatives  les  plus  hardies.  Cette  acti- 
vité ira-t-elle  un  jour  jusqu'à  l'élaboration  d'un  code 
civil  complet  et  uniforme?  Nous  le  souhaitons  sans 
oser  l'espérer. 

CHAPITRE  II 

De  rorganisation  judiciaire  de  TAngletepre. 

Sommaire  :  X.  Introduction,  —  1.  Organisation  antérieure  à  1873  : 
XI.  Juridictions  civiles  inférieures.  —  XII.  Juridictions  civiles  supé- 
rieures. —  2.   Organisation  actuelle  :  XIII.  Coup  d'œil  d'ensemble. 

—  1°  Cours  de  comté:  XIV.  Législation;  circonscriptions  —  XV.  Per- 
sonnel de  la  cour.  —  XVI.  Compétence.  —  2°  Cour  suprême  de  jus- 
tice :  XVII.  Historique  de  la  réforme  de  1873.  —  XVIII.  Divisions  de 
la  Cour.  —  a)  Haute-Cour  de  justice  :  XIX.  Composition!;  divisions. 

—  XX.  Compétence  spéciale  à  chaque  division.  —  b)  Cour  d'appel  : 
XXI.  Composition.  —  XXII.  Compétence.  —  c)  Cour  d'assises  civiles  : 
XXIII.  Composition;  compétence;  circuits.  —  XXIV.  Commission  of 
nisi  prius.  —  3"  Juridictions  souveraines  :  XXV.  Enumération.  — 
a)  Chambre  des  lords  :  XXVI.  Compétence  ;  composition  de  la  Cour. 

—  b)  Comité  judiciaire  du  Conseil  privé  :  XXVII.  Composition  et 
compétence.  —  4°  Du  jury  :  XXVIII.  —  5"  De  divers  fonctionnaires, 
magistrats  ou  auxiliaires  concourant  à  l'administration  de  la  jus- 
tice civile  :  XXIX.  Enumération.  —  a)  Juges  de  paix  :  XXX. —  b)  Co- 
roners  :  XXXI.  —  c)  Barristers  at  law,  Serjeants  at  law,  King's 
counsels  :  XXXII.  —  d)  Solicitors  :  XXXllI. 

X.   —  L'organisation  judiciaire  de  l'Angleterre   a 
subi  en    1873  un   remaniement   complet,    qui   a   été^ 


DE    L'ORGANISATION    JUDICIAIRE   EN   ANGLETERRE      XXV 

achevé  par  des  lois  de  1875,  1876  et  1881.  Nous  ex- 
poserons la  constitution  des  tribunaux  anglais  telle 
qu'elle  ressort  de  la  nouvelle  législation.- Mais,  comme 
cette  nouvelle  législation  est  moins  une  création  de 
toutes  pièces  qu'une  transformation  de  l'ancienne, 
nous  ne  pouvons  nous  dispenser  d'indiquer  briève- 
ment quelles  étaient  auparavant,  et  depuis  des  siè- 
cles, les  diverses  juridictions  civiles  de  l'Angle- 
terre. 

1.  —  Organisation  antérieure  à  1873. 

XL  — Au  degré  inférieur  de  l'échelle  se  trouvent, 
depuis  1846,  des  tribunaux  civils  auxquels  la  réforme 
de  1873  n'a,  pour  ainsi  dire,  pas  touché  et  qui  ont  pris 
la  place  de  presque  toutes  les  anciennes  juridictions  in- 
férieures :  ce  sont  les  cours  de  comté  [counly  courts). 
Ces  cours,  au  nombre  de  soixante,  tiennent  leurs  au- 
diences dans  521    localités  différentes,  tantôt  tous  les 
mois,  tantôt  tous  les  deux  mois.   Elles  sont  formées 
d'un  juge   unique;    leur  compétence,   en   matière  de 
contrats,  s'élève  jusqu'à  cinquante  livres  (1,250  fr.). 
Elles  statuent  le  plus  souvent,  tant  en  fait  qu'en  droit,  I 
.sans  l'assistance  du  jury  ;  dans  les  rares  cas  oii  un  jury  1 
doit  intervenir,  il  se  compose  de  cinq  personnes.  Di-  \ 
verses  lois  ont  attribué  aux  cours  de  comté  juridiction, 
non  seulement  en  droit  commun,  mais  encore  en  cer- 
taines matières  d'equity,  jusqu'à  concurrence  de  500 
livres,  et  en  matière  de  testaments  (probate),  d'ami-  \ 
rauté  et  de  faillite. 

A  côté  des  cours  de  comté,  fonctionnaient,  dans  un 


XXVI  INTRODUCTION 

ressort  fort  restreint  d'ailleurs,  vingt-six  autres  tribu- 
j  naux  ayant  une  compétence  cWUe  locale  {bo?'ougi h,  ktm- 
dred,  manorial  courts). 

XII.  —  Sous  le  titre  de  Cours  supérieures  de 
justice,  il  existait  à  Londres,  pour  toute  l'Angleterre, 
un  certain  nombre  de  tribunaux  auxquels  appartenait 
la  juridiction,  en  première  instance,  sur  toutes  les  af- 
faires excédant  ]a  compétence  des  tribunaux  inférieurs 
et,  en  appel,  sur  les  jugements  de  ces  tribunaux. 

Les  cours  supérieures  de  justice  étaient  :  T  Les  trois 
'  cours  de  droit  commun  siégeant  à  Westminster  et  con- 
nues sous  le  nom  de  Cour  du  banc  de  la  reine  [Queen's 
bencli)  [a],  Cour  des  plaids  communs  (Common  pleas), 
et  Cour  de  l'Échiquier  [Exchequer).  Dans  les  quarante 
dernières  années  de  leur  existence,  ces  trois  cours 
avaient  fini  par  avoir  à  peu  près  la  même  compétence, 
et  les  difîérences  de  procédure,  si  nombreuses  autre- 
fois, avaient  disparu.  Elles  se  composaient  chacune,  en 
dernier  lieu,  d'un  président  et  de  cinq  juges;  deux 
fois  par  an,  ces  juges  se  rendaient  dans  les  principales 
villes  du  pays  pour  y  présider  au  jugement  par  le  jury 
des  causes  criminelles  et  des  causes  civiles;  ces  cir- 
cuits ont  été  maintenus  par  la  législation  de  1873. 

2°  J^  Haute-Cour  de  chancellerie,  qui,  tandis  que 
les  cours  de  droit  commun  s'attachaient  rigoureuse- 
ment aux  vieilles  formules  et  aux  précédents,  s'inspi- 

(a)  11  est,    sans  doute,   superflu  nouvelle  organisation  de  1873,  nous 
de  faire  remarquer  que,  quand  le  mentionnerons  la  reine,  c'est,  de- 
souverain  est  un  roi,  cette  cour  sest  puis  l'avènement  d'Edouard  VII, 
toujours  appelée  Cour  du  hanc  du  du  roi  qu'il  s'agit. 
roi,  et  que,  quand,  en  analysant  la 


DE   L'ORGANISATION   JUDICIAIRE   EN  ANGLETERRE       XXVII 

rait  surtout  des  règles  de  l'équité  et  sut  intervenir  peu 
à  peu,  soit  pour  arrêter  l'exécution  des  sentences  qui 
blessaient  trop  ouvertement  la  justice  naturelle,  soit 
pour  statuer  dans  les  cas  oij  le  droit  conamun  ne  four- 
nissait aucun  remède.  Il  y  eut  ainsi,  en  Angleterre, 
deux  juridictions  parallèles  et  rivales,  obéissant  à  des  [  _ 
principes  absolument  différents  et,  comme  consé-  i 
quence,  deux  droits  distincts  et  le  plus  souvent  con- 
tradictoires :  le  common  laiv,  d'une  part,  Vequity,  de 
l'autre.  Il  est  malaisé  de  définir  nettement  le  domaine 
de  ces  deux  droits  ;  car  c'est  bien  moins  en  vertu  d'un 
principe  rationnel  que  par  suite  de  circonstances  ou 
d'accidents  historiques  que  le  partage  s'est  opéré  entre 
les  deux  juridictions.  Nous  nous  bornerons  à  énumé- 
rer  les  affaires  dont  la  Cour  de  chancellerie  connaissait 
à  l'exclusion  des  tribunaux  de  droit  commun,  puis 
celles  oij  elle  intervenait  bien  que  n'étant  pas  appelée  à 
les  juger.  Parmi  les  premières,  se  rangeaient  les  litiges 
relatifs  à  des  trusts,  l'administration  des  successions, 
les  comptes  entre  associés  et  la  liquidation  des  sociétés, 
les  partages  d'immeubles,  les  affaires  de  tutelle  des 
mineurs,  les  difficultés  en  matière  de  morts-gages. 
Parmi  les  autres,  infiniment  variées,  nous  citerons  les 
cas  011  la  Cour  croyait  devoir  ordonner  un  interroga- 
toire sur  faits  et  articles,  la  production  de  pièces  ou 
documents,  l'exécution  littérale  d'un  contrat,  etc.,  ou 
procéder  par  voie  d'injonctions  ou  de  défenses.  En 
général,  quand  une  demande  portée  devant  une  cour 
de  droit  commun,  quoique  fondée  at  law,  était  con- 
traire à  Xequitij^  telle  que  la  comprenait  la  Cour  de 


XXVIII  INTRODUCTIOiN 

chancellerie,  le  défendeur  pouvait  s'adresser  à  celte 
cour  pour  faire  interdire  au  demandeur  de  continuer  le 
procès  engagé  ou  même  d'exécuter  le  jugement  déjà 
obtenu.  La  Cour  de  chancellerie  était  composée,  en 
dernier  lieu,  du  chancelier,  du_maître  des  rôles  (mqs- 
ter  qf  the  rolls)  et  de  trois  vice-chanceliers,  assistés 
d'un  nombreux  personnel  de  secrétaires  et  autres  offi- 
ciers. Dans  toutes  les  affaires  de  première  instance, 
les  cinq  magistrats  siégeaient  seuls  et  sans  jury. 

3"  La  Haute-Cour  de  l'amirauté,  chargée,  en  temps 
de  guerre,  de  statuer  sur  les  prises  maritimes  et,  en 
temps  de  paix,  de  connaître  de  tous  faits  survenus  à 
bord  d'un  navire,  des  contestations  entre  copropriétaires 
d'un  vaisseau,  entre  armateur  et  matelots,  etc.  Elle  se 
composait  d'un  juge  unique,  nommé  par  la  reine. 

4°  La  Cour  des  testaments  (court  of  probate)  et  la 
Cour  des  divorces  (court  of  divorce  and  matrimonial 
causes),  chargées,  l'une,  de  l'homologation  des  testa- 
ments, l'autre,  de  l'examen  des  demandes  en  divorce, 
en  nullité  de  mariage  ou  en  déclaration  de  légitimité. 
Il  pouvait  être  nommé  un  seul  juge  pour  les  deux  cours 
ou  pour  chacune  d'elles  ;  il  statuait,  le  plus  souvent, 
sans  l'assistance  d'un  jury. 

5"»  La  Cour  des  faillites,  instituée  en  1869  (St.  32  et 
33,Vicl.,  c.  71)  pour  Londres  et  le  district  métropoli- 
tain et  composée  d'un  juge  assisté  d'un  certain  nombre 
de  registrars,  clerks,  etc.  Ses  arrêts  pouvaient  être  por- 
tés en  appel  devant  la  Cour  de  chancellerie,  et  elle  ser- 
vait elle-même  de  tribunal  d'appel  pour  les  jugements 
rendus  en  matière  de  faillite  par  les  cours  de  comté. 


DE    L'ORGANISATION    JUDICIAIIΠ  EX    ANGLETERKE      XXIX 

Aucune  des  cours  supérieures  que  nous  venons 
d'énumérer  ne  jugeait  en  dernier  ressort;  il  existait 
au-dessus  de  chacune  d'elles  une  et  même  deux  juri- 
dictions d'appel  superposées.  La  Chambre  des  lords  et  ' 
le  Conseil  privé  de  la  reine  formaient  au  sommet  de 
l'ordre  judiciaire  deux  tribunaux  suprêmes,  indépen- 
dants Tun  de  l'autre,  et  auxquels  aboutissaient,  en 
dernière  analyse,  tous  les  appels.  Mais,  entre  eux  et 
les  diverses  cours  de  première  instance  s'étaient  inter- 
calées de  véritables  cours  d'appel  intermédiaires,  sa- 
voir :  la  Chambre  de  l'Échiquier  et  la  Cour  d'appel  de 
chancellerie. 

La  Chambre  de  l'Échiquier  se  composait  de  tous  les 
juges  des  trois  cours  supérieures  de  droit  commun,  à 
l'exception  de  ceux  appartenant  à  la  cour  dont  l'arrêt 
était  frappé  d'appel;   elle  connaissait,  en    appel,    de    ' 
toutes  les  affaires  civiles  jugées  par  l'une  de  ces  trois 
cours,  pourvu  que  l'appelant  se  prévalût  d'une  erreur  ^ 
de  droit  ;  ses  propres  arrêts  pouvaient  ensuite  être  dé-  | 
férés  à  la  Chambre  des  lords. 

La  Cour  d'appel  de  chancellerie  se  composait  du  lord 
chancelier  et  de  deux  juges  d'appel  [lords  justices  of 
appeal),  institués  par  une  loi  de  1851  (St.  14  et  15, 
Vict.,  c.  83);  ils  pouvaient  juger,  soit  tous  trois  en- 
semble, soit  le  chancelier  seul  et  les  deux  juges  ensem- 
ble, soit  le  chancelier  assisté  d'un  des  juges;  et  ils 
connaissaient  de  tous  les  jugements  rendus  par  les 
maîtres  des  rôles  et  les  vice-chanceliers  ou  par  la  Cour 
des  faillites. 

La  Chambre  des  lords  ou,  pour  mieux  dire,  le  lord 


XXX  (introduction 

chancelier  assisté  des  pairs  légistes  exerçait  pour  l'An- 
.§leterre  les  fonctions  de  Cour  suprême  sur  les  diverses 
juridictions  supérieures  énumérées  plus  haut,  hormis 
la  Cour  de  l'amirauté,  et  connaissait,  en  outre,  des 
appels  de  toutes  les  cours  de  justice  d'Ecosse  et  d'Ir- 
lande. Elle  avait  le  double  inconvénient  d'offrir,  à  rai- 
son même  de  sa  composition  semi-politique,  des  garan- 
ties insuffisantes  aux  plaideurs  et  d'exiger  d'eux  des 
sacrifices  de  temps  et  d'argent  considérables. 

En  face  de  la  Chambre  des  lords,  et  dans  une  posi- 
tion tout  à  fait  indépendante,  siégeait  le  Conseil  privé 
de  la  reine,  qui,  par  son  comité  judiciaire,  statuait 
\  souverainement  sur  les  arrêts  de  la  Cour  de  l'amirauté, 
des  cours  ecclésiastiques  et  des  tribunaux  colo- 
niaux. 

2.  —  Organisation  actuelle. 

XIII.  — Les  juridictions  cj\Mles  actuelles  peuvent  se 
diviser  en  juridictions  inférieures,  juridictions  ordi- 
naires  de  première  instance  et  d'appel,  et  jujidictiqns 
souveraines. 

Les  juridictions  inférieures  sont  les  cours  de  comté, 
qui  se  composent  d'un  juge  unique  allant  siéger  un  cer- 
tain nombre  de  fois  par  an  dans  chacune  des  villes  de 
son  ressort,  et  qui  connaissent  de  toutes  les  affaires 
civiles  de  minime  importance. 

Les  juridictions  ordinaires  sont,  en  première  in- 
stance, la  Haute-Cour  de  justice,  siégeant  à  Londres,  et 
les  juges  de  cette  cour  qui  vont  tenir  dans  les  comtés 
des  assises  civiles  pour  y  juger  les  affaires  de  la  com- 


DE    L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN    ANGLETERRE      XXXI 

pétence  de  la  Haute-Cour  soulevant  des  questions  de 
fait  et  exigeant,  par  conséquent,  selon  les  idées  an- 
glaises, l'intervention  d'un  jury;  en  appel,  la  Cour 
d'appel.  La  Haute-Cour  et  la  Cour  d'appel  sont  les 
deux  sections  de  la  Cour  suprême  de  justice  créée  en 
1873. 

Les  juridictions  souveraines,  qui  connaissent  en 
dernier  ressort  de  toutes  les  affaires  jugées  à  la  Cour 
suprême,  sont,  d'une  part,  la  Chambre  des  lords,  de 
l'autre,  le  comité  judiciaire  du  Conseil  privé. 

1°  Cours  de  comté. 

XIV.  —  Toute  la  législation  relative  aux  cours  de 
comté  a  été  refondue  en  une  loi  du  13  août  1888  (St.  51 
et  52,  Vict.,  c.  43),  traduite  et  annotée  par  M.  J. 
Leydet  ddinsV Ann.  de  législ.  étrang.,  t.  XVHI,  p.  176. 
L'institution  en  1846  des  cours  de  comté  répondait 
à  des  besoins  si  évidents  qu'elle  ne  tarda  pas  à  se 
développer  et  fit,  de  1849  à  1887,  l'objet  de  onze  lois 
complémentaires  qu'on  reconnut  alors  la  nécessité  de 
cooroonner  [b).  L'Angleterre  a  été  divisée  en  60  cir- 
cuits, plus  tard  réduits  à  57,  y  compris  9  circuits  pour 
Londres  {metropolitan  circuits)  et  2  pour  Liverpool  ;  le 
souverain  a,  d'ailleurs,  le  droit  de  changer  le  nombre 
et  le  ressort  des  cours  de  comté  (L.  de  1888,  §  4). 

XV.  —  La  cour  de  comté  se  compose,  dans  chaque 
circuit,  d'un  juge  unique,  assisté  d'un  greffier  [regis- 

[b)  Glasson,  Institutions  de  V Angleterre,  t.  VF,  p.  422. 

Lehr.  0 


XXXll  INTRODUCTION 

trar)  el  du  nombre  voulu  d'huissiers  [high  bailiffs). 
Le  juge  est  nommé  par  le  lord  chancelier,  avec  le  con- 
cours du  ministre  de  l'Intérieur,  parmi  les  barristers 
I  ayant  au  moins  sept  ans  d'exercice.  Celui  qui  accepte 
ces  fonctions  est  tenu  de  renoncer  à  la  profession  d'a- 
vocat et  à  toute  autre  analogue  (§  14),  et  il  est  inéli- 
gible à  la  Chambre  des  communes  (§  8).  Les  juges 
sont  nommés  à  vie;  mais  ils  peuvent  être  révoqués  par 
le  chancelier  pour  cause  d'incapacité  [inability)  ou  de 
mauvaise  conduite  [misbehaviour)  (§  15).  Ils  sont  obli- 
gés, pour  le  service,  de  se  conformer  aux  instructions 
du  chancelier,  en  tant  qu'elles  ne  sont  point  con- 
traires à  la  loi.  Ils  jouissent  d'un  traitement  de  1.500 
livres  (37.500  fr.),  sans  compter  les  indemnités  de 
i  voyage  et  de  déplacement  (§  23).  En  cas  d'infirmités, 
ils  ont  droit  à  une  pension  égale  aux  2/3  du  trai- 
tement (§  24).   En    cas  d'empêchement,  ils   peuvent 

\     se  faire  remplacer  par  un  suppléant  (deputy  judye), 
qu'ils  choisissent  eux-mêmes  parmi  les  barristers  ayant 

\  plusieurs  années  d'exercice  (art.  18).  Ce  suppléant  tient 
la  cour  non  seulement  pendant  les  maladies  ou  empê- 
chements du  titulaire,  mais  encore  pendant  le  temps 
des  vacances  (§11)  que  ce  magistrat  a  droit  de  pren- 
dre ou  d'obtenir  tous  les  ans  (un  mois  en  septembre, 
quatre  semaines  dans  une  autre  partie  de  l'année). 
Chaque  juge  doit  se  rendre  successivement,  et  au  moins 
une  fois  par  mois,  dans  chacun  des  districts  de  son 
comté.  Son  service  est  souvent  excessivement  lourd. 
Il  est  de  ces  juges  qui,  si  l'on  en  croit  une  enquête  offi- 
cielle, parcourent  dans  l'année  5  ou  6  mille  kilomètres 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN    ANGLETERRE     XXXIIl 

€t  jugent  jusqu'à  1 8.000  affaires  par  an.  D'habitude,  ils 
siègent  douze  fois  par  an  dans  chacune  des  villes  prin- 
cipales de  leur  ressort  et  dix  fois  dans  les  localités  moins 
importantes. 

Le  greffier,  nommé  par  le  juge  avec  l'approbation  du 
chancelier,  est  à  la  disposition  du  public  en  tout  temps, 
même  en  dehors  des  sessions.  Il  touche  un  traitement 
qui  varie,  suivant  le  nombre  des  affaires,  de  2.500  à 
J  7.500  fr.,  sans  préjudice  de  certains  émoluments  spé- 
ciaux. Dans  les  cours  peu  occupées,  les  fonctions  de 
registrar  sont  souvent  remplies  par  un  attorney  ou  un 
solicitor,  qui  n'est  pas  obligé  pour  cela  de  renoncer  à  sa 
profession,  de  sorte  qu'il  peut  se  trouver  représenter 
l'une  des  parties  tout  en  tenant  la  plume  du  juge  (§§  25 
€t  s.,  45). 

Les  huissiers  (high  baïUffs)  sont  choisis  par  les  juges 
eux-mêmes.  Ils  font  la  police  des  audiences,  remettent 
les  assignations,  pratiquent  les  saisies,  assurent  l'exé- 
cution des  jugements.  Ils  ont  qualité  pour  désigner  des 
baillis  adjoints,  qui  les  assistent  dans  leurs  fonctions  et 
qu'ils  sont  libres  de  révoquer  à  leur  gré.  Le  greffier 
peut  joindre  à  ses  fonctions  celles  de  high  baïliff 
i§§33  et  s.). 

Les  parties  ont  le  droit  de  comparaître  devant  les 
cours  de  comté  en  personne  ou  par  mandataire  ;  mais, 
quand  elles  se  font  représenter,  il  faut,  à  moins  d'une 
permission  spéciale  du  juge,  que  leur  représentant  soit 
un  soUcitor,  un  attorney  ou  un  barrister  (§  72). 

XVI.  —  La  juridiction  des  cours  de  comté,  d'abord 
fort  restreinte  et  limitée  aux  actions  qui  ne  dépassaient 


XXXIV  INTRODUCTION 

pas  5  livres  (125  fr.)  en  matière  de  dommage,  a  été 
'  maintes  fois  élargie  depuis  lors,  à  mesure  que  les  justi- 
ciables appréciaient  mieux  les  avantages  de  ces  tribu- 
naux. Les  cours  de  comté  jugent  actuellement  une  foule 
d'affaires.  Elles  ont  d'abord  statué  en  droit  commun  ; 
ensuite  on  leur  a  aussi  donné  une  compétence  en  equity^ 
et  enfin,  elles  sont  devenues  des  cours  de  faillite. 

D'après  le  §  56  de  la  loi  de  1888,  les  cours  de  comté 
sont  compétentes  aujourd'hui  pour  statuer  sur  toutes 
les  actions  personnelles  dans  lesquelles  rinjérêt  du  litige 
n'excède  pas  50  livres;  ces  actions  sont  intentées  et 
jugées  par  «  voie  sommaire  »  [summari/ivay).  En  prin- 
cipe, les  cours  ne  connaissent  pas  des  action  s, çn^^g^ul- 
^^ûXLJdectment) ,  ni  des  contestations  sur  des  univer- 
salités de  biens  corporels  ou  incorporels,  sur  des  droits 
de  péage,  de  foire,  de  marché,  ou  sur  des  franchises 
quand  le  titre  lui-même  est  contesté.  Elles  ne  connais- 
sent pas  non  plus  des  affaires  de  diffamation,  de  séduc- 
tion ou  de  rupture  d'une  promesse  de  mariage  (même 
§  56).  La  cour  est  compétente  lorsque  le  montant  de 
/  la  demande,  dépassant  oU  livres,  est  ramené  à  ce  chiffre 
par  la  compensation   opposée  et  admise  (§  57).  Elle 
l'est  également  quant  aux  demandes  qui  ont  pour  objet 
une  part  indivise  et  non  liquidée,  n'excédant  pas  50 
livres  dans   une  société  ou  dans  un  héritage  (§  58). 
Lorsqu'il  s'agit  de  terres  dont  la  valeur  foncière  ou  le 
loyer  ne  dépasse  pas  50  livres,  une  action  en  expulsion 
peut  être  portée  devant  la  cour  de  la  situation  des 
biens;  mais,  s'il  est  démontré  dans  l'instance  que  le 
droit  même  de  propriété  sur  les  terres  d'un  revenu  infé- 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN  ANGLETERRE      XXXV 

rieur  à  50  livres  pourrait  être  mis  en  question,  la  Haute-  I 
Cour  doit  évoquer  l'affaire  (§  59).  Dans  tout  litige  où 
Ton  conteste  le  droit  lui-même  [title)  sur  des  biens  cor- 
porels ou  incorporels,  la  cour  de  comté  est  compétente 
si  la  valeur  des  terres  ou  héritages,  ou  leur  loyer,  n'ex- 
cède pas  50  livres  (§  60).    Dans  toute   action  où   le 
droit  sur  les  biens  corporels  ou  incorporels  est  n^is  en  csçyÂtec 
question  incidemment,  le  juge  peut  décider  qu'il  sera 
passé  outre,  si  les  deux  parties  y  consentent  par  écrit 
(§  61).    Pour  toute  action  née   d'un   contrat  et  dont  \ 
l'objet  dépasse  20  livres,   ou  djun   fait  dommageable  / 
quand  le  préjudice  dépasse  10  livres,  le  défendeur  peut   / 
décliner  la  compétence  de  la  cour  de  comté,  à  charge  | 
de  donner  caution  jusqu'à  concurrence  de  150  livres 
tant  pour  les  frais  devant  la  Haute-Gour  que  pour  le 
montant  du  litige,  à  condition  que,  dans  l'opinion  du 
juge,  le  débat  soit  de  nature  à  soulever  une  importante 
question   de  droit  ou  de  fait  (§  62).  Aucune  action 
n^estrecevable  qui  remettrait  en  question  une  chose 
jugée  par  la  Haute-Gour  (§  63).  Un  compromis  signé 
des  deux  parties  peut  attribuer  juridiction  à  la  cour  de 
comté  dans  les  matières  qui  sont  du  ressort  de  la  Divi- 
sion du  banc  de  la  reine  à  la  Haute-Gour  (§  64).  Les 
cours  de  comté  peuvent  connaître  d'une  action  en  répa- 
ration d'un  préjudice  estimé  à  10  livres,  el  même  d'un 
préjudice  plus  important  si  le  juge  d'une  des  cours  de 
Westminster  a  renvoyé  l'affaire  devant  elles,  au  vu  ^    "^ 
d'un  afjidav'it  du  défendeur  constatant  que  le  deman- 
deur, s'il  succombe,  serait  hors  d'état  de  payer  les  frais 
d'une  instance  devant  la  Haute-Gour  (§  66). 


XXXVI  INTRODUCTION 

En  pquity^  elles  connaissent  de  toutes  les  matières 
qui  étaient  du  ressort  des  cours  de  chancellerie  et  dont 
le  chiffre  ne  dépasse  pas  500  livres  (12.500  fr.),  notam- 
ment des  actions  in  eqidty  relatives  à  l'exécution  ou  à 
l'annulation  d'une  convention  concernant  la  vente  ou  la 
location  d'un  bien,  les  procès  entre  associés,  les  diffi- 
cultés concernant  les  fidéicommis,  les  rémérés,  les  for- 
clusions, les  actions  en  partage,  l'administration  des 
successions  ahjntestat,  etc.  Dans  toutes  ces  affaires,  le 
juge  a,  en  sus  des  pouvoirs  qui  lui  sont  propres,  ceux 
du  juge  de  la  Division  de  chancellerie,  et  les  officiers 

/  de  la  cour  de  comté  doivent  instrumenter  suivant  les 
règlements  et  usages  en  vigueur  à  la  Haute-Cour  (§  67). 
Si,  dans  une  desdites  affaires,  il  appert  des  débats  que 
l'objet  du  litige  a  une  valeur  de  plus  de  500  livres,  le 
juge  doit,  d'office,  se  déclarer  incompétent  et  renvoyer 
devant  la  Haute-Cour,  sauf  le  droit  de  celle-ci  de  main- 
tenir la  cause  devant  la  cour  de  comté  (§  68).  Dans 
toute  procédure  pendante  devant  la  Division  de  chan- 
cellerie de  la  Haute-Cour,  qui  aurait  pu  être  engagée 
devant  une  simple  cour  de  comté,  le  juge  de  la  Haute- 
Cour  peut  ordonner  le  renvoi  devant  une  de  ces  cours, 

I  sans  préjudice  du  droit  d^appel  des  parties  (§  69). 
Si  une  partie  estime  avoir  été  lésée  par  une  décision 
[at  law  ou  m  equHy)  du  juge  de  comté  ou  par  l'admis- 
sion ou  le  rejet  d'une  preuve,  elle  peut  en  appeler 
devant  la  Haute-Cour.  En  principe,  les  actions  mobi- 
lières, notamment  les  actions  fondées  sur  un  contrat  ou 
un  fait  dommageable,  ne  sont  sujettes  à  appel  que  si 
l'intérêt  du  litige  excède  20  livres  (500  fr.);  mais  il 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN  ANGLETERRE     XXXVII 

appartient  au  juge  d'autoriser  l'appel,  même  en  des 
matières  d'un  intérêt  pécuniaire  moindre.  En  cas  d'ap- 
pel, le  juge,  à  la  demande  de  la  partie  intéressée,  rédige 
une  note  où  il  expose  les  question  de  fait  et  sa  propre 
décision  (art.  120). 

D'après  les  lois  sur  la  faillite  de  1883  (St.  46  et  47, 
Vict.,  c.  52)  et  de  1890  (St.  53  et  54,  Vict:,  c.  71), 
la  procédure  i?i  Courts,  qui,  à  Londres,  se  fait  devant 
la  Haute-Cour  de  justice,  relève,  dans  les  provinces, 
des  cours  de  comté;  dans  les  deux  cas,  la  procédure 
admijiistrative  est  placée  sous  le  contrôle  du  Board  of 
Trade. 

2°  Cour  suprême  de  justice. 

XVII.  — L'organisation  des  juridictions  civiles  su- 
périeures, telle  que  nous  l'avons  esquissée  [suprà,  \ 
n.  XII),  présentait  de  graves  et  manifestes  inconvé- 
nients. Non  seulement  la  coexistence  de  plusieurs  tri- 
bunaux supérieurs  de  même  ordre  et  de  même  degré 
conduisait  fatalement  à  des  contradictions  dans  la  juris- 
prudence, mais  encore,  et  surtout,  la  séparation  des 
deux  juridictions  de  droit  commun  et  d'équité,  jouis- 
sant chacune  d'une  compétence  exclusive  en  certaines 
matières,  entraînait  des  frais,  des  complications,  des 
lenteurs  excessives;  cette  séparation  avait  exercé  à  la 
longue  une  fâcheuse  influence  sur  le  développement  du 
droit  lui-même.  Depuis  1850,  plusieurs  commissions 
furent  instituées  pour  chercher  les  moyens  de  faire  dis- 
paraître les  inconvénients  tant  de  la  multiplicité  des  tri- 
bunaux supérieurs,  indépendants  les  uns  des  autres, 


XXXVIll  INTRODUCTION 

que  de  la  division  du  droit  commun  [law)  et  de  Xequity. 
La  dernière  de  ces  commissions,  nommée  en  1867, 
trouva  le  remède  dans  la  fusion  de  toutes  les  cours  su- 
périeures de  droit  commun  [Gommon  pleas,  Queen's 
bench,  Exchequer),  de  la  Cour  de  chancellerie,  et  des 
cours  des  testaments,  des  divorces  et  de  l'amirauté,  en 
une  seule  Cour  suprême,  investie  de  toute  lajuridiction 
appartenant  à  chacune  des  cours  ainsi  réunies,  de 
façon  à  mettre  ^\n  aux  conflits  de  juridiction  et  à  préve- 
nir les  incessants  et  coûteux  renvois  du  droit  commun 
à  Xequïty,  et  vice  versa.  La  Cour  suprême  devait  être 
partagée  en  plusieurs  chambres  ou  divisio?is;  pour  faci- 
liter la  transition  de  l'ancien  régime  au  nouveau,  la 
Cour  de  chancellerie,  la  Cour  de  l'Echiquier,  la  Cour  du 
banc  de  la  reine  et  la  Cour  des  plaids  communs  conti- 
nueraient à  former  autant  de  chambres  distinctes;  mais 
on  réunirait  en  une  cinquième  chambre  les  trois  Cours 
de  l'amirauté,  des  divorces  et  des  testaments.  On  pro- 
posait d'accorder  à  chacune  des  cinq  chambres  la  pléni- 
tude de  la  juridiction  de  la  Cour  suprême  et,  par  con- 
séquent, la  facuU^,  dans  n'importe  quelle  affaire,  de 
faire  justice  entière,  d'accueillir  tous  les  moyens  fondés 
soil  sur  le  droitcommun,  soit  sur  Xequïly^  etd'appliquer 
tous  les  remédia  juris  qu'antérieurement  les  unes  ou 
les  autres  des  cours  supérieures  pouvaient  seules  admi- 
nistrer. Provisoirement,  on  distribuerait  les  affaires 
entre  le  diverses  chambres  de  la  Cour  suprême  en 
tenant  compte  de  la  compétence  de  l'ancienne  cour 
dont  elles  auraient  respectivement  pris  la  place;  mais 
il  serait  permis  à  la  Cour  d'ordonner  le  renvoi  d'une 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN  ANGLETERRE    XXXIX 

affaire  d'une  chambre  à  une  autre,  tout  comme  les 
juges  attachés  à  une  chambre  pourraient,  suivant  les 
besoins  du  service,  être  appelés  à  siéger  dans  une  autre. 
L'une  des  grandes  difficultés  de  la  réforme  à  opérer 
consistait  à  choisir,  parmi  les  règles  contradictoires  de 
la  procédure  des  différentes  cours,  les  éléments  d'un 
code  uniforme,  susceptible  de  s'appliquer  à  toutes  les 
affaires  et  devant  chacune  des  divisions  de  la  Cour 
suprême.  Au  lieu  de  rédiger  un  code  entier,  la  com- 
mission de  judicature  se  borna  à  tracer  les  lignes  prin- 
cipales, s'en  remettant  à  la  cour  elle-même  du  soin  de 
faire,  après  une  expérience  suffisamment  longue,  des 
règlements  généraux,  faciles  à  modifier  en  cas  de 
besoin. 

L'act  du  o  août  1873  [the  suprême  Court  of  judica- 
ture act  1873,  St.  36  et  37,  Vict.,  c.  66)  a  fait  passer 
dans  le  domaine  législatif  les  réformes  conçues  par  la 
commission  de  1867.  Il  a  été  traduit  par  M.  AI.  Ribot,  J 
dans  y  Afin,  de  légisL  étrang.,  t.  III,  p.  9,  et  accompa-' 
gné  d'une  intéressante  notice  historique  et  explicative. 
Cet  act  a  été  successivement  modifié  ou  complété  par 
cinq  autres  lois,  de  1875  à  1881  :  du  M  août  1875 
{St.  38  et  39,  Vict.,  c.  77);  du  1 1  août  1876  (39  et  40, 
Vict.,c.  59);  du  24  avr.  1877  (40  et  41,  Vict.,c.  9); 
du  15  août  1879  (42  et  43,  Vict.,  c.  78)  et  du  27  août 
1881  (44  et  45,  Vict.,  c.  68),  qui  ont  également  été 
traduites  ou  analysées  dans  YAmiuaire. 

XVIII.  —  La  Cour  suprême,  créée  par  la  loi  de 
1873  et  en  laquelle  ont  été  fondues  les  huit  Cours  de 
chancellerie,  du  banc  de  la  reine,  des  plaids  communs, 


XL  INTRODUCTION 

de  l'Échiquier,  de  l'amirauté,  des  testaments,  des  di- 
vorces et  des  faillites  (art.  3)  se  divise  en  deux  sections 
permanentes.  L'une,  sous  le  nom  de  Haute-Cour  de 
justice,  exerce  la  juridiction  de  première  instance  et 
connaît  des  appels  des  juridictions  inférieures.  L'autre 
sous  le  nom  de  Cour  dappel,  exerce  la  juridiction 
d'appel  sur  les  diverses  chambres  ou  divisions  de  la 
Haute-Cour  (art.  4). 

«.)  Haute-Cour  de  justice. 

XIX.  —  La  Haute-Cour  de  justice  a  été  composée 
par  Vact  ôe  1873  :  du  lord  chancelier;  du  lord  chief 
justice  d'Angleterre;  du  maître  des  rôles;  du  lord 
chief  justice  de  la  Cour  des  plaids  communs,  du  lord 
chief  baron  de  l'Echiquier  ;  des  vice-chanceliers  de  la 
Cour  de  chancellerie:  du  juge  de  la  Cour  des  testa- 
ments, de  la  Gourdes  divorces  et  de  celle  de  l'amirauté; 
des  juges  des  trois  Cours  du  banc  de  la  reine,  des 
plaids  communs  et  de  l'Échiquier  (art.  5),  à  l'exception 
de  ceux  qui  sont  appelés  à  siéger  à  la  Cour  d'appel. 
Hormis  le  chancelier,  qui,  tant  qu'il  est  revêtu  de  cette 
dignité  politique,  préside  tout  à  la  fois  les  deux  sections 
de  la  Cour  suprôme,  nul  magistrat  ne  peut  appartenir 
simultanément  aux  deux  ;  s'il  est  appelé  à  la  Cour  d'ap- 
pel, il  doit  être  remplacé  à  la  Haute-Cour.  Depuis,  le 
maître  des  rôles  a  été  attribué  à  la  Cour  d'appel.  Tout 
en  conservant  aux  magistrats  de  la  nouvelle  cour  les 
titres  distinctifs  de  ceux  des  anciennes,  \act  de  1873 
avait  donné  à  la  reine  le  droit  de  les  modifier  ou  de  les 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN  ANGLETERRE        XLI 

supprimer  avec  l'assentiment  du  Parlement.  Le  gou- 
vernement a  jugé  utile,  au  bout  de  peu  d'années,  d'user 
de  cette  prérogative.  Un  act  de  1877  a  supprimé  les 
anciennes  dénominations  de  barons  de  l'Echiquier,  de 
juges  des  plaids  communs,  etc.,  et  conservé  aux  seuls  , 
présidents  des  divisions  leurs  appellations  historiques. 
En  1881,  ces  présidents  eux-mêmes,  les  chief  justice 
of  common  pleas  et  lord  chief  baron  de  l'Echiquier 
ont  fait  place  à  de  simples  juges  ;  de  telle  sorte  qu'au- 
jourd'hui, hormis  le  lord  chancelier,  président,  et  le 
lord  chief  justice  d'Angleterre,  vice-président,  tous  les 
membres  de  la  Haute-Cour  sont  uniformément  qualifiés 
jiidges  ou  justices  of  the  high  court  of  justice. 

En  cas  de  vacance,  c'est  la  reine  qui  nomme  le  nou- 
veau juge  par  lettres  patentes,  et  ce  magistrat  siège 
dans  la  chambre  à  laquelle  appartenait  son  prédéces- 
seur avec  les  mêmes  titres,  privilèges  et  préséances. 

Pour  pouvoir  être  nommé  juge  de  la  Haute-Cour,  il 
faut  avoir  exercé  la  profession  d'avocat  pendant  dix 
ans  au  moins.  Le  grade  honorifique  de  serjeant  at  lau) 
n'est  pas  exigé  (art.  8).  Tous  les  membres  de  la  cour 
sont  nommés  à  vie.  L'ac^  de  1875,  rappelant  une  dis- 
position d'un  statut  de  Guillaume  HI  (St.  12  et  13, 
Guill.  ni,  c.  2),  porte  qu'ils  ne  peuvent  être  révoqués 
que  sur  la  demande  collective  des  degx  Chambres.  Les 
traitements  sont  restés  fort  élevés  :  10.000  livres 
(250.000  fr.)  pour  le  chancelier;  8.000  pour  \q  chief 
justice  d'Angleterre;  6.000  pour  le  maître  des  rôles, 
5.000,  pour'les  juges  ordinaires  (art.  13).  Au  bout  de 
quinze  ans  de  services  ou  en  ^cas  d'infirmités  qui  le 


XLII  INTRODUCTION 

rendent  incapable  d'exercer  ses  fonctions,  tout  juge 
peut  obtenir,  par  lettres  patentes,  une  pension  an- 
nuelle et  viagère,  qui  s'élève  en  général  à  la  moitié  du 
traitement  d'activité.  Les  juges  de  la  Haute-Gour  ne 
peuvent  être  membres  de  la  Chambre  des  communes, 
mais  ils  peuvent  siéger  dans  celle  des  lords  (art.  9). 
Avant  d'entrer  en  fonctions,  ils  prêtent  entre  les  mains 
du  chancelier  un  serment  d'allégeance  et  un  serment  ju- 
diciaire suivant  une  formule  arrêtée  par  la  loi  en  1868 
(art.  9).  Celui  du  chancelier  lui-même  est  fixé  par  ïact 
de  1875  (art.  5). 

Pour  l'expédition  des  affaires,  la  Haute-Cour  avait 
été  répartie  en  1873  en  cinq  divisions  ou  chambres  : 
r  chancellerie;  2°  banc  de  la  reine;  3°  plaids  com- 
muns; 4°  Échiquier;  5°  testaments,  divorces  et  ami- 
rauté. La  troisième  et  la  quatrième  ont  été  supprimées 
en  1881,  de  sorte  qu'il  ne  subsiste  plus  aujourd'hui 
que  trois  divisions.  Tout  juge  de  la  Haute-Gour  peut 
expédier  seul  les  afifaires  qui,  d'après  les  usages  exis- 
tants, sont  de  nature  à  être  tranchées  de  la  sorte  (L.  de 
1873,  art.  39).  Quant  à  celles  qui  ne  peuvent  être  vi- 
dées  par  un  seul  juge,  elles  sont  déférées  à  des  sections 
composées  de  deux  ou  de  trois  juges  ;  le  nombre  des 
sections  siégeant  simultanément  est  indéterminé  (art. 
40).  Tout  juge  siégeant  seul  peut  réserver  à  l'examen 
d'une  section  les  affaires  dont  il  est  saisi  (art.  46). 

XX.  —  La  Division  de  chancellerie,  qui  a  été  main- 
tenue après  la  réforme  de  1881,  continue  à  traiter  spé- 
cialement les  affaires  qui  relevaient  autrefois  de  la 
Cour  de  chancellerie,  notamment  :  l'administration  des 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN  ANGLETERRE      XLIII 

successions,  la  formation  et  la  dissolution  des  sociétés,^ 
les  comptes  entre  associés  ou  entre  toutes  autres  per- 
sonnes, les  difficultés  relatives  à  l'extinction  des  hypo- 
thèques, la  vente  et  la  distribution  des  deniers  prove- 
nant d'un  bien  grevé  de  privilèges  ou  d'un  droit  de 
rétention,  les  fidéicommis,  la  rectification,  l'annulation 
ou  la  destruction  de  litres,  les  difficultés  entre  vendeurs 
et  acheteurs  d'immeubles,  le  partage  des  immeubles, 
la  garde  de  la  personne  et  la  surveillance  des  biens  des 
enfants,  les  procès  relatifs  aux  marques  de  fabrique. 

La  Division  des  testaments,  divorces  et  amirauté  a 
également  été  maintenue  distincte  en  1881 ,  à  cela  près 
que,  d'après  l'art.  8  de  Vact  du  27  août  1881 ,  son  pré- 
sident n'a  plus  que  le  titre  de  simple  juge  de  la  Haute- 
Cour.  Elle  connaît  de  toutes  les  affaires  précédemment 
attribuées  aux  trois  cours  qu'elle  a  remplacées  (L.  de 
1873,  art.  34),  c'est-à-dire  de  la  vérification  des  tes- 
taments, des  actions  en  divorce,  en  nullité  de  mariage, 
au  en  déclaration  de  légitimité,  des  questions  d'abor- 
dage maritime,  des  contestations  entre  armateurs  et 
marins,  etc.;  et,  en  temps  de  guerre,  elle  statue  sur  les 
prises  maritimes. 

Les  trois  autres  sections  ont  été  réunies  en  une  seule 
en  1 881 ,  sous  le.  nom  de  Division  du  banc  de  la  reine  ; 
le  lord  chief  justice  d'Angleterre,  qui  présidait  l'an- 
cienne cour  de  ce  nom,  a  été  investi,  en  sus,  des  attri- 
butions appartenant  antérieurement  au  iord  chief  Jus- 
tice of  the  common  pleas  et  au  lord  chief  baron  of  the 
Exchequer ;  et  la  Division  connaît  aujourd'hui,  d'une 
façon  générale,  de  toutes  les  affaires  qui  ne  sont  pas 


XLIV  INTRODUCTION 

expressément  dévolues  à  une  autre  juridictioa,  notam- 
ment  :  des  actions  en  revendication  d'immeubles,  de 
celles  qui  naissent  des  attentats  contre  la  personne  ou 
la  propriété,  des  actions  en  paiement  de  loyer,  des  em- 
prisonnements faits  par  erreur,  des  diffamations  écrites, 
ou  verbales,  de  tous  les  «  torts  »,  etc. 

Cette  détermination  de  la  compétence  de  chaque  Di- 
vision par  les  lois  de  1873,  1875  et  1881  n'est  toute- 
fois pas  absolument  imposée  au  demandeur.  L'art.  1 1 
de  Vaci  de  1875  porte,  au  contraire,  qu'on  peut  tou- 
jours choisir  entre  les  différentes  Divisions  et  indiquer 
dans  l'exploit  introductif  quelle  est  celle  qu'on  entend 
saisir.  Mais,  lorsque  la  Division  désignée  est  incompé- 
tente  d'après  la  loi,  elle  a  toujours,  à  un  moment  quel- 
conque de  l'instance,  le  droit  de  se  dessaisir  et  de  ren- 
voyer l'affaire  devant  le  véritable  juge,  sans  que  cette 
circonstance  entraîne  la  nullité  des  actes  de  procédure 
déjà  faits.  Seules,  les  affaires  dévolues  par  la  loi  à  la 
Division  des  testaments,  divorces  et  amirauté,  doivent 
nécessairement  être  portées  devant  elle. 

La  Haute-Gour  est  cour  d'appel  pour  les  jugements 
des  cours  de  comté. 

C'est  elle  aussi  qui,  d'après  la  loi  du  25  août  1883 
(St.  46  et  47,  Vict.,  c.  52),  §§  92  à  94,  a  aujourd'hui 
compétence  en  matière  de  faillite,  concurremment 
avec  les  cours  de  comté.  La  Cour  des  faillites,  qui  avait 
été  créée  à  Londres  en  1869,  a  été  supprimée  par  la 
loi  judiciaire  de  1873,  et  ses  attributions  ont  été  con- 
férées à  la  Haute-Gour.  Le  lord  chancelier  détermine  de 
temps  à  autre  celle  des  Divisions  de  la  Haute-Gour  qui 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE    EN  ANGLETERRE      XLV 

doit  connaître  des  affaires  de  faillite  et  le  juge  appelé  à 
en  connaître.  En  1884,  ces  affaires  ont  été  dévolues  à 
la  Division  du  banc  de  la  reine. 

b)  Cour  d'appel. 

XXI.  —  D'après  la  loi  du  27  août  1881  (St.  44  et 
45,  Vict.,  c.  68),  qui  a  modifié  à  cet  égard  Vact  fon- 
damental de  1873  et  plusieurs  lois  postérieures,  la 
Cour  d'appel  comprend  :  1°  trois  ex  officio  judges  : 
le  chancelier,  le  lord  chief  justice  d'Angleterre,  et  le 
président  de  la  Division  des  testaments,  divorces  et 
amirauté  ,  2°  le  maître  des  rôles,  qui  ne  siège  plus  que 
dans  cette  section-là  de  la  Cour  suprême  ;  3°  cinq  juges 
ordinaires,  o^w^x'àt^  lords  justices  of  appeal.  La  reine 
peut  nommer  un  nombre  quelconque  de  juges  supplé- 
mentaires, pris  parmi  les  anciens  membres  des  juri- 
dictions supérieures.  Une  loi  de  1891  (St.  54  et  55, 
Vict.,  c.  53)  décide  que  les  anciens  lords  chanceliers 
seront  de  droit  juges  de  la  Cour  d'appel  ;  mais  ils  ne 
sont  tenus  de  siéger  que  de  leur  consentement  et  avec 
le  rang  de  préséance  qui  leur  appartient  comme  pairs 
(§  1).  Les  juges  d'appel  ont  le  même  traitement, 
jouissent  de  la  même  inamovibilité  et  prêtent  le  môme 
serment  que  ceux  de  la  Haute-Gour  ;  ils  peuvent  pré- 
tendre à  la  môme  pension  de  retraite.  Les  juges  supplé- 
mentaires ont  droit,  eux  aussi,  au  titre  de  lords  justi- 
ces ;  mais  ils  ne  reçoivent  aucun  traitement  et  sont  dis- 
pensés de  siéger  s'ils  ont  un  empêchement  légitime. 
Pour  pouvoir  être  nommé  juge  ordinaire  de  la  Cour 
d'appel,  il  faut  avoir  été  juge  de  la  Haute-Gour  pendant 


XLVI  INTRODUCTION 

une  année  au  moins,  ou  avoir  exercé  pendant  quinze 
ans  la  profession  d'avocat.  Sauf  pendant  les  circuits  du 
printemps  et  de  l'été,  le  chancelier  peut  toujours  récla- 
mer le  concours  d'un  ou  plusieurs  juges  de  la  Haute- 
Cour  pour  faire  temporairement  fonctions  de  juges 
d'appel  (L.  de  1875,  §4), 

XXII.  —  La  Cour  d'appel  connaît  des  appels  de  tout 
jugement  ou  ordre  émané  de  la  Haute-Cour  ou  de  l'un 
des  juges  de  cette  cour  (L;  de  1873,  §  19).  Toute- 
fois nul  jugement  ou  ordre  de  ce  genre,  rendu  avec  le 
consentement  des  parties  ou  sur  une  question  de  dé- 
pens, n'est  susceptible  d'appel,  à  moins  d'une  autori- 
sation delà  cour  ou  du  juge  de  qui  elle  émane  (§  49). 
Il  est,  d'ailleurs,  à  remarquer  que  la  Cour  d'appel  ne 
peut  être  saisie  directement  des  recours  qu'à  raison  de 
sentences  rendues  sans  assistance  du  jury.  Les  déci- 
sions fondées  sur  le  verdict  du  jury  doivent  être  d'abord 
déférées  à  une  section  de  la  Haute-Cour  et,  alors,  à 
proprement  parler,  c'est  contre  la  décision  de  cette 
section  que  l'appel  est  formé.  Même  pour  les  décisions 
rendues  en  chambre  par  un  seul  juge,  j^appel  immé- 
diat à  la  Cour  d'appel  n'est  recevable  qu'en  suite  d'une 
autorisation  spéciale  dudit  juge  :  en  général,  il  faut 
commencer  par  provoquer  l'annulation  de  la  sentence 
par  le  juge  lui-même  siégeant  en  audience  publique 
ou  par  une  section  de  la  Haute-Cour  (c).  Les  appels 
sont  jugés  soit  par  la  cour  entière,  soit  par  une  section 
de  la  cour  composée  de  trois  membres  au  moins;  mais 
aucun  juge  ne  peut  connaître  en  appel  des  décisions 

(c)  Glasson,  op.  cit.,  p.  531. 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN  ANGLETERRE  XLVII 

qu'il  a  rendues  en  première  instance  (L.  de  1875,  §  4). 
La  cour  a  le  droit  de  se  diviser  en  deux  sections,  qui 
peuvent  siéger  séparément  ou  simultanément;  ces 
deux  sections  ne  forment  pas  deux  chambres  distinctes  : 
elles  ne  sont  ni  nécessairement  permanentes,  ni  com- 
posées des  mêmes  juges.  On  a  craint  que  la  division 
en  chambres  ne  compromît  l'unité  de  jurisprudence, 
tout  comme  la  séparation  des  cours  dans  l'ancienne 
organisation.  Si  une  affaire  semble  particulièrement 
délicate,  la  section  saisie  peut  s'en  décharger  sur  la 
cour  entière,  et  alors  l'affaire  est  plaidée  à  nouveau. 

c)  Cours  d'assises  civiles. 

XXIII.  — L'établissement  de  la  Haute-Cour  n'a  pas 
amené  la  suppression  des  toarnées  [circuits)  déjuges 
qui,  en  matière  civile,  sont  une  des  institutions  les 
plus  anciennes  et  originales  de  l'organisation  judiciaire 
anglaise.  Quand  une  affaire  de  la  compétence  de  la 
Haute-Gour  ne  soulève  qu'un  point  de  droit,  elle  est 
nécessairement  portée  à  cette  cour  à  Londres,  à  moins 
que  les  parties  ne  soient  d'accord  pour  demander  le 
renvoi  au  juge  de  ?iisi  prius,  c'est-à-dire  à  la  cour 
d'assises,  statuant  avec  assistance  du  jury.  Mais,  si  le 
procès  soulève  des  questions  de  fait,  chaque  partie 
a  le  droit  d'exiger  ce  renvoi. 

Les  cours  d'assises  civiles  consistent  en  deux  ou 
plusieurs  juges  de  la  Haute-Gour,  envoyés  en  vertu 
d'une  commission  de  la  Gouronne  pour  faire  des  tour- 
nées dans  chacun  des  huit  circuits  judiciaires  prévus 
par  la  loi  et  pour  y  constater,  au  moyen  d'un  jury  pris 

Leur.  d 


XLVIII  INTRODUCTION 

chaque  fois  dans  le  pays,  les  points  de  fait  sur  lesquels 
la  Haute-Gour  devra  ensuite  fonder  son  jugement.  Il 
est  admis,  toutefois,  maintenant,  que  les  magistrats  des 
cours  d'assises  peuvent  prononcer  aussi  sur  le  droit  et 
sont  réputés,  dans  ce  cas,  constituer  une  division  de 
ladite  Haute-Gour  (Gfr.  L.  de  1873,  §  29).  D'après 
le  §  23  de  la  loi  de  1875  et  des  «  ordres  en  conseil  » 
des  5  févr.  et  17  mai  1876,  les  circuits  sont  au  nombre 
de  huit  :  Nord,  Nord-Est,  Midland,  Sud-Est,  Oxford, 
Ouest,  Galles  du  Nord,  Galles  du  Sud.  Le  comté  de 
Surrey  n'est  compris  dans  aucun  circuit,  mais  une 
commission  y  est  envoyée  deux  fois  par  an  pour  l'ex- 
pédition des  affaires  soit  civiles,  soit  criminelles.  De 
même,  Londres  et  Middlesex  ne  sont  compris  non  plus 
dans  aucun  circuit,  mais  il  s'y  tient  au  moins  quatre  fois 
par  an  devant  un  ou  plusieurs  juges  de  la  Haute-Gour 
des  cours  pour  la  détermination  des  points  de  fait  par  le 
jury  [London  and  Middlesex  sitting s  ;  Ovà.  LXI,  r.  1). 
1j&  Asaizes  winter  act  de  1876  (39  et  40,  Vict.,  c.  57) 
dérogeant  à  d'antiques  usages,  a  décidé  que,  par  or- 
dre du  conseil,  plusieurs  comtés  pourraient  être  réu- 
nis en  un  groupe  pour  les  assises  d'hiver  et  que  les 
audiences  se  tiendraient  dans  la  ville  du  groupe  dési- 
gnée par  le  conseil.  De  môme,  la  reine  peut,  pour  la 
saison  d'hiver,  adjoindre  un  certain  nombre  de  comtés 
au  ressqrt_  de  la  cour  centrale  criminelle  siégeant  à 
Londres.  Mais  il  a  été  bien  entendu  qu'on  continuerait 
à  tenir  toujours  au  moins  deux  sessions  par  an  dang 
chaque  comté  (42  et  43,  Vict.,  c.  1,  §  3). 

XXIV.  —  En  pratique,   les  cours  d'assises  civiles 


DE   L'ORGANISATION  JUDICIAIHE  EN   ANGLETERRE        XLIX 

sont  encore  souvent  désignées  sous  le  nom  de  courts 
of  nisi  priiis,  parce  que  le  juge  de  la  Haute-Cour  les 
présidait  en  vertu  d'un  pouvoir  spécial  à  lui  conféré  et 
appelé  commission  of  nisi  prius.  Celte  appellation 
bizarre  provient,  selon  Stephen  [d],  de  ce  qu'autrefois 
les  questions  de  fait  dans  un  procès  civil  étaient  ren- 
voyées à  Tune  des  cours  de  Westminster,  pour  être 
tranchées  avec  l'assistance  d'un  jury  venant,  à  cet 
effet,  du  comté  où  l'action  avait  pris  naissance,  à  moins 
que  préalablement  elles  ne  l'eussent  été  par  la  cour 
d'assises  allant  siéger  dans  ledit  comté;  cette  dernière 
cour,  dont  l'intervention  opportune  rendait  le  renvoi 
superflu,  fut  appelée  elle-même  cour  de  nisi  prius. 
Depuis  le  Commoji  law  procédure  act  18o2  (St.  15  et 
16^  Vict.,  c.  76),  la  commission  spéciale  de  nisi  prius 
n'est  plus  nécessaire  au  juge  pour  remplir  ses  fonc- 
tions. 

3°  Juridictions  souveraines. 

XXV.  —  Tout  au  haut  de  l'édifice  judiciaire  se 
trouvent  deux  tribunaux  suprêmes  :  la  Chambre  des 
lords,  qui  a  une  compétence  générale;  le  comité  judi- 
ciaire du  Conseil  privé,  dont  les  pouvoirs  sont  excep- 
tionnels et  concernent  seulement  certaines  affaires. 

a)  Chambre  des  lords. 

XXVI.  —  La  Chambre  des  lords,  qui  n'est  autre 
chose  que  l'ancienne  curia  régis  dans  l'acceptation  la 
plus  large  de  cette  expression,  exerce  des  attributions 
judiciaires  depuis  des  siècles  et  n'en  a  été  privée  que 

[d)  Comment,  on  the  law  of  England,  liv.  5,  c.  5. 


L  INTRODUCTION 

tout  à  fait  temporairement  en  1873  par  une  disposition 
qui  a  été  rapportée  deux  ans  plus  tard.  L'appel  su- 
prême à  la  Chambre  haute  a  été  réglementé  dès  le 
règne  d'Edouard  III  (St.  14,  Ed.  III,  St.  1,  c.  5). 
Elle  est  cour  d'appel  souveraine  pour  toutes  les  cours 
de  justice  supérieure  d'Angleterre,  d'Ecosse  et  d'Ir- 
lande, à  la  seule  exception  de  celles  pour  lesquelles 
cette  fonction  est  dévolue  au  comité  judiciaire  du 
Conseil  privé  (e). 

Autrefois,  la  Chambre  des  lords  siégeait  tout  entière 
pour  connaître  des  appels;  et,  jusqu'à  nos  jours,  on  a 
reconnu  à  tout  pair  le  droit  de  connaître  comme  juge 
des  affaires  déférées  à  la  Chambre.  Mais,  en  fait,  les 
lords  qui  ne  sont  pas  jurisconsultes  se  retirent  dans  ces 
cas-là,  et  il  ne  reste  pour  statuer  que  les  lordsjégistes 
(Jaw  lords),  c'est-à-dire  :  le  chancelier,  les  anciens 
chanceliers  et  les  lords  arrivés  à  la  pairie  par  la  magis- 
trature ou  le  barreau.  Il  a  été  admis  de  tout  temps 
que,  pour  être  valable,  une  décision  de  la  Chambre 
devait  être  rendue  par  trois  pairs.  Mais,  comme  la  loi 
n'exigeait  pas  que  les  deux  assesseurs  du  lord  chance- 
lier fussent  les  mêmes  à  chaque  audience,  il  arrivait 
fréquemment  que,  par  l'effet  du  roulement  établi  entre 
les  membres  de  la  Chambre  pour  ce  service  spécial, 
une  affaire  commencée  devant  deux  pairs  fût  continuée 
et  liquidée  devant  d'autres,  qui  ne  la  connaissaient 
point,  de  sorte  que  la  sentence  émanait  en  réalité  du 
chancelier  seul,  h'act  du  11  août  1876  (St.  39  et  40, 
Vict.,  c.   59)  a  remédié  à  ce  grave  inconvénient  en 

(e)  V.  infrà,  n.  XXVII,  in  fine. 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN  ANGLETERRE  LT 

créant  deux  lords  d'appel  en  service  ordinaire,  véri- 
tables magistrats  à  vie,  inamovibles  et  salariés,  tenus 
d'assister  le  chancelier  concurremment  avec  les  lauj 
/o;'fi^6"  ordinaires.  Sans  enlever  expressément  aux  pairs 
won  \éQ^^lQS,[la y  lords)  le  droit  de  siéger  comme  juges, 
Vact  de  1876,  par  son  §  5,  décide  que  la  Chambre 
des  lords  ne  peut  ni  siéger,  ni  statuer,  comme  cour 
d'appel,  sans  la  présence  de  trois  au  moins  des  juges 
qu'elle  désigne  sous  le  nom  de  lords  d'appel  Uords  of 
appeaï).  Ces  juges  sont  :  1"  le  lord  chancelier  d'An- 
gleterre; 2°  les  lords  d'appel  en  service  ordinaire, 
nommés  parla  reine;  3°  les  pairs  qui  exercent  ou  qui 
ont  exercé  l'une  des  hautes  fonctions  judiciaires  (mem- 
bres ou  anciens  membres  :  1°  de  la  Cour  suprême  de 
justice  d'Angleterre  ;  2°  des  cours  supérieures  d'Irlande; 
3"  de  la  cour  de  session  d'Ecosse  (art.  25).  Les  lords 
d'appel  in  ordinary  doivent  avoir  rempli  pendant  deux 
ans  au  moins  l'une  des  hautes  fonctions  judiciaires  ou 
exercé  pendant  quinze  ans  la  profession  d'avocat.  Ils 
jouissent  d'un  traitement  de  6.000  livres;  ils  sont  ba- 
rons à  vie  et  sont  membres  de  la  Chambre  haute  pen- 
dant tout  le  temps  oii  ils  remplissent  leurs  fonctions 
de  lords  d'appel,  mais  leur  pairie  n'est  pas  héréditaire 
(art.  6). 

Actuellement,  et  d'après  le  §  3  du  même  act,  les 
cours  dont  les  sentences  peuvent  être  déférées  en  appel 
à  la  Chambre  des  lords  sont  «  la  Cour  d'appel  d'An- 
gleterre, et  toute  cour  d'Ecosse  et  d'Irlande  dont  les 
décisions  sont  susceptibles  de  cet  appel  en  vertu  de  la 
coutume  ou  des  lois  en  vigueur  ». 


LU  [.\TRODCCTiON 


b)  Comité  judiciaire  du  Conseil  privé. 


XXVII.  —  Le  roi  s'était  réservé  de  vieille  date  de 
statuer,  en  son  conseil,  à  l'exclusion  de  la  Chambre 
des  lords,  sur  certaines  questions,  notamment  de  l'or- 
dre politique.  Ce  conseil,  toujours  fort  nombreux,  a 
bien  rarement  délibéré  au  complet;  mais  il  se  partage 
en  comités,  qui  ont  des  occupations  beaucoup  plus 
régulières,  et  c'est  un  de  ces  comités  qui  est  spéciale- 
ment chargé  des  affaires  rentrant  dans  l'administra- 
tion de  la  justice.  Ce  comité  a  reçu  son  organisation 
régulière  en  1833  (St.  3  et  4,  Guill.  IV,  c.  41)  et  la 
mission,  sous  le  titre  de  Judicial  Committee  of  the 
Privy  Council,  de  juger  en  dernier  ressort  certaines 
affaires  déférées  au  roi  en  son  conseil.  La  loi  de  1833, 
complétée  par  les  St.  14  et  15,  Vict.,  c.  83,  §  15, 
l'a  composé  de  divers  membres  du  conseil  remplissant 
ou  ayant  rempli  de  hautes  fonctions  judiciaires  et,  en 
outre,  lorsqu'il  s'agissait  d'affaires  ecclésiastiques,  des 
prélats  faisant  partie  du  Conseil  privé.  Une  autre  loi 
du  21  août  1871  (St.  34  et  35,  Vict.,  c.  91)  a  autorisé 
la  reine  à  adjoindre  au  Comité  quatre  additionai  Judçes, 
choisis  soit  parmi  les  juges  ou  anciens  juges  des  cours 
de  Westminster,  soit  parmi  les  chief  justices  de  Ben-^ 
gale,  Madras  ou  Bombay,  avec  un  traitement  de  5.000  - 
ivres  par  an.  Mais,  en  1876,  le  Appelate  juridiction 
act  (St.  39  et  40,  Vict.,  c.  59),  a  modifié  cette  dispo- 
sition en  ce  sens  que  ces  juges  salariés  devront  être 
remplacés,  au  fur  et  à  mesure  des  vacances,  par  les 
loi'ds   of  appeal  in  or  dinar  y  ^  dont  il  a  été  question 


-^.^ 


DE  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE  EN    ANGLETERRE         LUI 

suprày  et  qui  auront  à  siéger,  s'ils  sont  membres 
du  Conseil  privé,  tout  à  la  fois  au  Comité  judi- 
ciaire de  ce  conseil  et  à  la  Chambre  des  lords  fonc- 
tionnant comme  cour  d'appel  suprême  (art.  6  et  14). 
Actuellement  (1905),  le  Comité  se  compose  de  tous 
les  membres  du  Conseil  privé  qui  sont  ou  ont  été  juges 
des  cours  supérieures,  ainsi  que  des  prélats  quand  il 
s'agit  de  causes  ecclésiastiques.  Sont  ordinairement 
en  fonctions  trois  ou  un  plus  grand  nombre  des  mem- 
bres suivants  :  le  lord  chancelier,  les  quatre  lords  of 
appeal  m  ordïnary,  et  plusieurs  autres  magistrats 
appartenant  ou  ayant  appartenu  à  la  Cour  suprême.  Il 
y  a,  en  outre,  un  membre  pour  l'Inde,  un  pour  l'Aus- 
tralie, un  pour  le  Cap  et  un  pour  le  Canada  (/). 

Le  Comité  judiciaire  est  la  cour  d'appel  suprême, 
pour  les  décisions  de  la  Cour  de  l'amirauté,  des  cours 
ecclésiastiques,  des  cours  des  colonies  et  des  Indes; 
et  il  statue  sur  les  demandes  ou  prorogations  de  bre- 
vetas (St.  46  et  47,  Vict.,  c.  57,  art.  25)  [g). 

4°  Un  jury. 

XXVIII.  —  Le  jury,  tant  au  civil  qu'au  criminel, 
est  l'une  des  institutions  les  plus  anciennes  de  l'An- 
gleterre. Elle  y  est  restée  fort  populaire  au  criminel, 
mais,  au  civil,  le  jury  compte,  môme  en  Angleterre, 
de  nombreux  adversaires;  on  lui  reproche  d'être  une 
cause  de  lenteur  et  de  coûter  fort  cher.  Avant  la  réforme 
judiciaire  de  1873,  les  cours   de  droit  commun  sié- 

if)  Almanach  de  Gotha,    1905,  {g)  Gl&sson,  Institutions  de  l'An- 

p.  840.  gleterre,  t.  VI,  p.  462  et  555. 


LIV  INTRODUCTION 

geaient  avec  assistance  du  jury^  ce  qui  entraînait  de 
grandes  complications  quand  le  droit  et  le  fait  se  trou- 
vaient confondus  d'une  façon  indivisible,  La  Cour  de 
chancellerie  et  la  Cour  de  l'amirauté  statuaient  pres- 
que toujours  sans  jury.  La  Gourdes  testaments  et  des 
divorces  avait  un  pouvoir  discrétionnaire  pour  ad- 
mettre ou  rejeter  le  jury  dans  chaque  cas  donné.  En 
1870,  la  commission  de  judicature  proposa  d'étendre 
à  tous  les  tribunaux  le  système  en  vigueur  dans  cette 
dernière  cour,  en  leur  laissant  le  choix  entre  l'instruc- 
tion avec  jury,  le  jugement  sans  jury,  ou  même  le  ren- 
voi devant  un  a.rbitre  rapporteur  [référée^.  Le  légis- 
lateur de  1873  craignit  de  toucher  trop  brusquement 
à  une  institution  plusieurs  fois  séculaire.  IJ'acl  de  1873 
a  réservé  aux  plaideurs  la  faculté  de  réclamer  l'inter- 
vention du  jury  dans  les  affaires  oii  ils  l'auraient  pu 
auparavant;  mais  il  confère  ensuite  à  la  Haute-Gour  et 
à  la  cour  d'appel  le  droit  de  renvoyer  la  question  de 
fait  devant  un  arbitre  rapporteur  ou  un  expert  techni- 
que, et  les  parties  ont  également  le  droit  de  demander 
un  semblable  arbitre  ou  expert,  en  place  d'un  jury  [h). 

5°  De  certains  fonctionnaires,  magistrats  ou  auxiliaires  concourant 
à  l'administration  de  la  justice  civile. 

XXIX.  —  Nous  ne  dirons  ici  quelques  mots  que 
des  juges  de  paix,  afin  de  prévenir  toute  confusion 
entre  eux  et  les  magistrats  français  portant  le  même 
titre,  des  coroners,  des  barristers  at  law  et  des  solici- 

(h)  L.  de  1873,  art.  56;  Règles  de  proc.  annexées,  art.  30  et  s. 


DE    L'ORGANISATION  JUDICIAIRE    EN  ANGLETERRE  LV 

tors.  Il  n'y  a  point,  en  Angleterre,  de  notaires  au  sens 
français  de  l'expression. 

a)  Juges  de  paix. 

XXX.  —  Les  juges  de  paix,  en  Angleterre,  sont  en 
général  de  grands  propriétaires  vivant  sur  leurs  terres 
et  exerçant  par  leur  situation  une  grande  influence 
autour  d'eux;  ou  bien  ce  sont  les  chefs  des  municipa- 
lités. Ils  sont  nommés  par  la  Couronne,  sur  la  pro- 
position du  lord  chancelier.  Conservateurs  de  la  paix 
dans  le  sens  le  plus  large  du  mot,  ils  ont  essentielle- 
ment des  attributions  administratives  ou  de  police  et 
des  fonctions  importantes  en  matière  de  droit  criminel; 
ils  ne  sont  pas  juges  au  civil. 

b)  Coroners. 

XXXI.  —  Les  coroners  ont  pour  attribution  prin- 
cipale de  constater  les  cas  de  mort  violente,  aussi  bien 
après  une  exécution  qu'après  un  crime,  un  accident  ou 
un  suicide.  Dans  tous  ces  derniers  cas,  le  coroncr  s'en- 
toure d'un  certain  nombre  de  jurés,  fait  une  enquête 
avec  eux,  reçoit  et  enregistre  leur  verdict;  il  tient 
également  de  la  loi  un  droit  d'enquête  sur  les  trésors 
trouvés  (?'). 

c)  Barristers  at  law,  serjeanls  at  law,  King's  counsels. 

XXXII.  —  Les  avocats  ou  barristers  at  law  reçoivent 
leur  titre  de  l'une  des  vieilles  corporations  de  juris- 
consultes groupées  dans  les  quatre  imis  of  court  [Inner 

L  (t)  St.  51  et  52,  Vict.,  c.  71  (loi  sur  les  coroners,  du  10  sept.  1887). 


LVI  INTHODUCTION 

Temple,  Middle  Temple,  Lincoln  s  inn,  Graysinn), 
à  la  suite  d'études  faites  soit  dans  ces  inns,  soit  dans 
une  université  du  royaume,  et  d'examens  subis  tant 
devant  les  benr.hers  ou  chefs  de  Vinn  que  devant  le 
CoimcH  of  légal  éducation.  Les  inns  of  court  ont 
conservé  le  privilège  exclusif  de  conférer  le  titre;  la 
profession  de  barrister,  régie  par  des  règles  séculaires, 
n'a  jamais  fait  l'objet  d'aucun  acte  du  Parlement.  Le 
grade  de  barrister  permet  d'exercer  la  profession  d'avo- 
cat dans  toute  l'Angleterre  (/)  et  en  donne  le  droit 
exclusif  devant  les  cours  supérieures. 

Les  avocats  les  plus  distingués  peuvent  obtenir,  par 
le  suffrage  de  leurs  confrères,  le  titre  honorifique  de 
serjeant  at  law,  après  un  certain  nombre  d'années 
d'exercice.  Ce  titre  est  constaté  par  un  writ  du  roi. 
Les  serjeants  sont  très  peu  nombreux;  ils  forment 
entre  eux  un  cercle  restreint  [inn),  dont  font  égale- 
ment partie  les  membres  des  juridictions  supérieures. 
C'est  parmi  eux,  que  se  recrutent  généralement  les 
conseillers  de  la  Couronne  [King^s  counsels).  Les  con- 
seillers ont  pour  mission  de  donner  leur  avis  sur  toutes 
les  questions  légales  qu'on  leur  soumet,  en  particulier 
sur  les  questions  de  droit  international.  Le  premier 
titulaire  fut  sir  Francis  Bacon.  Les  juges  des  cours 
supérieures  sont  choisis  parmi  les  conseillers.  Les 
serjeants  at  law  ont  la  préséance  sur  les  simples  bar- 
risters;  les  King's  counsels,  sur  les  serjeants. 


{j)  Stephen,  Commentaries  on  Étwde  deM.  Sallantin,  sur  les/nns 
t/ie  laws  of  England,  1. 1,  Introd.,  of  court,  Bull,  de  la  Soc.  de  légis- 
t.  ni,  liv,  4,  3e  partie,  c,  13,  II.  —       lation  comparée,  1878. 


DE   L'ORGANISATION    JUDICIAIRE    EN  ANGLETERRE       LVII 
d)  Solicitors. 

XXXIII.  —  La  profession  de  solicitor  (qu'on  peut  A 
traduire  par  avoué  ou  procureur)  a  fait,  sous  le  règne  / 
de  la  reine  Victoria,  l'objet  de  très  nombreuses  lois  : 
St.  6  et  7,  c.  73;  23  et  24,  c.  127;  33  et  34,  c.  28; 
34  et  35,  c.  18;  35  et  36,  c.  81;  37  et  38,  c.  68;  38  et 
39,  c.  79  ;  39  et  40,  c.  66  ;  40  et  41 ,  c.  25  ;  44  et  45, 
0.  44;  51  et  52,  c.  65.  En  vertu  de  ces  lois  et  notam- 
ment de  la  première  [Solicitors  act  1843),  §  2,  nul 
ne  peut  agir  comme  solicitor  et  faire  un  acte  quelcon- 
que jnjusUce  soit  en  son  propre  nom,  soit  au  nom 
d'un  tiers,  devant  un  tribunal  civil  ou  criminel,  s'il  n'a 
été  dûment  admis  comme  tel;  et  ce,  sous  peine  d'être 
poursuivi  pour  co?itempt  of  court  et  passible  d'amende. 
Pour  être  admis  en  qualité  de  solicitor,  il  faut  avoir  un 
stage  plus  ou  moins  long  et  subi  toute  une  série 
d'épreuves  qui  varient  suivant  que  le  candidat  a,  ou 
non,  le  titre  de  harrister  ou  un  grade  universitaire  {U). 
Ceux  qui  ont  satisfait  à  l'ensemble  de  ces  conditions 
prêtent  un  serment  d'allégeance  et  un  serment  profes- 
sionnel; puis  ils  sont  «  admis  »,  inscrits  au  tableau  de 
la  corporation  et  nantis  d'un  acte  sur  parchemin  cons- 
tatant le  fait. 

Les  solicitors  ont,  avec  les  avocats,  le  privilège 
exclusif  de  traiter  dans  les  cours  de  justice  des  affaires 
auxquelles  ils  ne  sont  pas  personnellement  intéressés 
comme  parties.  Seuls,  ces  officiers  ou  les  parties  elles- 
mêmes  ont  le  droit  de  s'adresser  à  une   cour;   seuls 

{h)  Solicitor's  Act  i877,  1894  (SL  40  et  41,  Vict.,  e.  25;  St.  57,  c.  9). 


LVIII  INTRODUCTION 

aussi  ils  peuvent  interroger  les  témoins  (/),  Dans  cer- 
taines cours  supérieures,  ce  droit  est  réservé  aux  seuls 
a\ocats  {darristers  et  serjeantsat  Inw)  à  l'exclusion  des 
soUcitors.  Le  solicitor  est,  par  essence,  dans  un  pays 
où  il  n'y  a  point  de  notaires,  le  conseiller  juridique  de 
tous  ceux  qui,  même  sans  avoir  de  procès,  ont  besoin 
d'être  assistés  dans  la  direction  de  leurs  affaires  ou 
dans  la  rédaction  d'une  pièce  (m).  —  On  trouvera,  sur 
toutes  les  matières  esquissées  dans  ce  chapitre,  des 
renseignements  beaucoup  plus  développés  dans  le 
Répertoire  général  alphabétique  du  droit  français^ 
v"  Grande-Bretagne,  n.  435  à  719. 


[l)  Stephen,  op.  cit.,    t.  III,  liv.  (m)  Stephen,   loc.  cit.  —  Every 

5,  c.  3,  in  fine).  MarCs   his    own    Lawyer,    1897, 

p.  14  et  700. 


LIVRE  PREMIER 

DU  DROIT  DES  PERSONNES  ET  DD  DROIT  DE  FAMILLE 


SECTION  PREMIÈRE 

DE   L'ÉTAT   ET   DE    LA    CAPACITÉ 
DES  PERSONNES. 


CHAPITRE  I 
De  la  personnalité  et  de  la  capacité  juridique. 

I 
Des  personnes  physiques. 

.■Sommaire  :  1.  Deux  sortes  de  personnes.  —  2.  Conditions  de  la  person- 
nalité physique.  —  3.  Commencement  et  fin  de  la  personnalité.  — 
4.  Présomption  de  survie. 

1.  —  Le  droit  anglais  reconnaît,  comme  les  législations 
•du  continent,  deux  sortes  de  personnes:  les  personnes  phy- 
siques et  les  personnes  morales,  qu'il  désigne  sous  le  nom 
de  corporatio  n  s . 

2.  —  Tout  être  humain  est  une  personne,  capable  de 
droits  et  d'obligations  dans  les  limites  et  sous  les  réserves 
posées  par  la  loi.  Pour  que  l'être  issu  de  l'union  d'un  homme 
et  d'une  femme  ne  soit  pas  une  personne,  il  faut  qu'il 
n'ait  pas  figure  humaine,  qu'il  ait  dans  quelqu'une  de 
ses  parties  une  ressemblance  avec  un  animal,  qu'en  un 

Leur.  1 


2  DES    PERSONNES   PHYSIQUES 

mol  il  soit  un  monstre  :  Qui  contra  formam  humani  gene- 
ris  conversa  more  procreantur^  ut  si  tnulier  monstrosum 
vel prodigiosum  enixa  sit,  inter  liberos  non  computentur^ 
dit  Bracton  (I,  6).  Mais  l'existence  d'une  difformité  ou 
d'une  anomalie  dans  le  corps  d'une  personne,  le  fait 
qu'elle  a  un  membre  de  trop  ou  de  trop  peu,  ou  qu'elle 
est  contrefaite,  ne  la  classe  pas  parmi  les  monstres  [Ih,, 
V,  5,  30).  Le  monstre,  n'étant  pas  une  personne,  n'hérite 
pas  et  ne  peut  transmettre  à  autrui  ni  une  succession  ni 
unjdroit  subordonné  à  la  naissance  et  à  la  vie  d'une  per- 
sonne; ainsi  la  naissance  d'un  être  semblable  ne  confére- 
rait pas  au  mari  le  droit  d'être  tenancier  par  cwr^esy'  {Cpr. 
n°  182). 

3.  —  La  personnalité  commence  avec  la  naissance  eL 
finit  avec  la  mort.  Elle  peut  commencer  fictivement  avant 
la  naissance,  mais  sous  une  condition  suspensive.  A  partir 
du  moment  où  l'enfant  est  capable  de  mouvement  dans  le 
sein  de  sa  mère,  sa  vie  est  sous  la  protection  de  la  loi,  soUau 
point  de  vue  d'une  tentative  d'avortement,  soit  pour  le  cas 
où  la  mère  serait  maltraitée  de  façon  à  compromettre  l'exis- 
tence de  l'enfant  ^  D'autre  part,  dès  le  moment  de  sa  con- 
ception, l'enfant  est  réputé  né,  en  droit  civil,  quoties  de 
commodis  ejus  agitur.  On  peut  lui  faire  un  legs,  lui  faire 
passer  par  rétrocession  une  tenure  en  copyhold,  lui  nom- 
mer un  tuteur',  affecter  un  bien  à  son  usage  *.  Il  peut  user, 
par  la  suite,  du  bien  ainsi  affecté,  comme  s'il  eût  été  né  à 
l'époque  de  l'afTectalion  ;  avoir  part  dans  la  répartition 
d'une  succession  ab  intestat^,  ou  prendre  d'après  les  con- 
ventions matrimoniales  de  ses  parents  une  des  parts  dé- 


»  Co.  LiU.,  29.  3  St.  12,  Car.  II,  c.  24. 

sBlackstone,  Comm,  éd.  fr.,  X,  >  St.  10  et  11,  Guil.  III,  c.  16. 

224.  s  1  Ves.,  81. 


DES  PERSONNES  MORALES  3 

terminées  pour  les  enfants  qui  survivront  à  leur  père  *.  Il 
peut  même  hériter  d'une  terre  ;  seulement,  dans  ce  cas, 
l'héritier  présomptif  appelé  à  son  défaut  a  le  droit  d'entrer, 
en  attendant,  en  possession  du  bien  et  de  s'en  appliquer 
les  revenus  jusqu'à  la  naissance  de  l'enfant  \ 

4.  —  A  notre  connaissance,  lorsque  deux  ou  plusieurs 
personnes  ayant  des  droits  d'hérédité  réciproques  suc- 
combent dans  un  même  événement  sans  qu'on  sache  la- 
quelle est  morte  la  dernière,  la  loi  anglaise  ne  pose  point 
de  présomptions  de  survie  tirées  de  l'âge  ou  du  sexe,  et 
la  jurisprudence  n'a  suppléé  à  son  silence  par  aucune 
règle  précise.  Ce  serait  éventuellement  une  question  de 
fait,  abapdonnée  à  l'appréciation  des  tribunaux  », 

II 
Des  personnes  morales. 

Sommaire  :  5.  Notion  générale.  —  1.  Diverses  espèces  de  corporations  : 
6.  Corporations  agrégées  ou  isolées.  —  7.  Corporaîions  ecclésiastiques 
ou  laïques.  —  8.  Corporations  civiles  ou  de  charité.  —  2.  Création 
des  corporations  :  9.  Consentement  du  roi.  —  10.  Forme  de  ce  consen- 
tement; charte  d'incorporation.  —  11.  Nom  de  la  corporation.  — 
3.  Pouvoirs  et  incapacités  des  corporations  :  12.  Pouvoirs  et  incapa- 
cités inhérents  à  toute  corporation.  —  13.  Pouvoirs  spéciaux  à  certaines 
espèces  de  corporations.  —  14.  Droit  de  surveillance  sur  les  corpo- 
rations. —  4.  Dissolution  des  corporations  :  15.  Eûels  de  la  dissolu- 
tion. —  16.  Modes  de  dissolution. 

5.  —  «  Comme  tous  les  droits  personnels,  dit  Black- 
stone  ',  meurent  avec  la  personne,  et  comme  les  formes 
nécessaires  pour  revêtir  des  mêmes  droits  identiques  une 
suite  d'individus,  l'un  après  l'autre,  seraient  embarras- 


«  1  Ves.,85.  fr.,  III,  586,  note  de  M.  Christian. 

■>  3  Wils.,  526.  ,  Comm.,  éd.  fr.,  II,  265. 

*  Cpr.   Blackstone,   Comm.,  éd. 


4  DES   PERSONNES  MORALES 

santés  et  difficiles,  peut-être  même  impraticables,  oq  a 
reconnu  la  nécessité,  pour  des  cas  où  il  est  utile  au  bien 
public  que  certains  droits  soient  toujours  maintenus  exis- 
tants, d'établir  des  personnes  fictives  ou  artificielles,  qui 
pussent  entretenir  une  succession  perpétuelle,  et  jouir 
d'une  sorte  d'immortalité  légale  ». 

Ces  personnes  artificielles,  personnes  morales  ou  juri; 
diques,  sont  désignées  en  Angleterre  sous  le  nom  de 
corps  incorporés  [corpora  corporata)  ou  de  corporations. 
Il  en  existe  une  grande  variété  :  corporations  politiques 
ou  administratives,  religieuses,  scientifiques,  commer- 
ciales, etc. 

1.  —  Diverses  espèces  de  corporations. 

6.  —  Les  corporations  se  divisent  d'abord  en  corpo- 
rations agrégées  ou  par  agrégation,  et  en  corporations 
seules  ou  isolées.  Les  premières  consistent  en  la  réunion 
d'un  certain  nombre  de  membres  qui  se  renouvellent  in- 
cessamment, la  personne  morale  existant  sans  interrup- 
tion ;  tels  sont  le  chapitre  d'une  cathédrale,  une  muni- 
cipalité ou  UQ  collège.  Les  secondes  consistent  en  une 
personne  seule,  mais  se  trouvant  dans  une  position  par- 
ticulière, et  en  ses  successeurs,  à  elle  incorporés  par  la 
loi  en  vue  de  jouir  de  certaines  aptitudes  ou  préroga- 
tives, notamment  du  privilège  de  la  perpétuité,  dont  ils 
sont  dépourvus  en  leur  personne  naturelle.  Dans  ce  sens, 
le  roi  est  une  corporation  isolée  '°  ;  il  en  est  de  même 
des  évêques,  des  recteurs,  des  vicaires,  etc.  :  le  roi,  en 
tant  que  roi,  le  recteur,  en  tant  que  recteur,  ne  meurent 
jamais;  ils  ne  forment,  l'un  comme  l'autre,  avec   leurs 

'«  Co.  LiU.,  i3. 


DES  PERSONNES   MOHALKS  5 

successeurs  respectifs  qu'une  seule  et  même  personne 
morale,  continuant  à  jouir  des  mêmes  droits  et  soumise 
aux  mêmes  obligations. 

7.  —  En  second  lieu,  les  corporations  soit  agrégées  soit 
isolées  se  divisent  en  corporations  ecclésiastiques  ou 
laïques,  suivant  qu'elles  sont,  ou  non,  composées  exclusi- 
vement de  membres  du  clergé. 

8.  —  Les  corporations  laïques  sont  ou  civiles  ou  de  cha- 
rité. Les  corporations  civiles  sont  nombreuses  et  variées  et 
elles  ont  des  buts  très  différents;  qu'il  nous  suffise  de 
citer  comme  exemples:  les  municipalités,  les  compagnies 
de  commerce  de  Londres  et  autres  villes,  les  corporations 
de  marguilliers  pour  la  conservation  des  biens  des  parois- 
ses, le  Collège  des  médecins  à  Londres,  la  Société  royale 
pour  l'avancement  des  sciences  naturelles,  etc.,  etc.  Les 
corporations  de  charité  sont  celles  qui  ont  été  instituées 
pour  assurer  à  perpétuité  la  distribution  des  secours  aux 
catégories  de  nécessiteux  désignées  par  le  fondateur;  elles 
sont  essentiellement  laïques,  même  quand  leurs  membres 
appartiennent  tous  au  clergé,  parce  qu'elles  ne  relèvent  ni 
de  l'évêque  diocésain  ni  des  cours  ecclésiastiques  ". 

2.  —  Création  des  corporations. 

,9.  —  En  Angleterre,  le  consentement  exprès  ou  impli- 
cite du  roi  est  la  condition  sine  quâ  non  de  la  création 
d'une  personne  morale  quelconque.  Ce  consentement  est 
regardé  comme  implicitement  accordé  pour  les  corpora- 
tions qui  existent  en  vertu  du  common  law  :  les  anciens 
rois  sont  supposés  avoir  concouru  à  la  formation  de  ce 
droit  commun,  qui  n'est  autre  chose  que  la  coutume  éta- 

"«  1  Lord  Raym.,  6;  Blackstone,  éd.  Ir.,  t.  II,  p.  272,  note  1. 


6  DES   PERSON.NES   MORALES 

blie  par  l'accord  unanime  de  la  nation.  Parmi  ces  corpo- 
rations se  trouve  tout  d'abord  le  roi  lui-même  ;  puis  les 
évêques,  les  recteurs,  les  vicaires,  les  marguilliers  et 
autres,  que  le  droit  commun,  aussi  haut  qu'on  peut  re- 
monter dans  l'histoire  des  institutions  du  pays,  a  toujours 
considérés  comme  des  corporations  virtute  officii.  Le  con- 
sentement implicite  du  roi  est  encore  présumé  pour  les 
corporations  j!9«r  prescription,  comme  celle  de  la  cité  de 
Londres'^,  qui  existent  depuis  un  temps  immémorial  et  que, 
par  là-même,  la  loi  regarde  comme  créées  légitimement 
bien  qu'elles  ne  soient  plus  en  mesure  de  produire  une 
charte  d'incorporation. 

10.  —  Le  roi  donne  son  consentement  exprès  soit  par 
un  acte  du  parlement,  soit,  le  plus  souvent,  par  des  lettres 
patentes  ou  une  charte  d'incorporation.  Parfois  le  roi  com- 
mence par  accorder  une  charte,  qui  est  ensuite  confirmée 
par  statut;  c'est  ce  qui  est  arrivé,  par  exemple,  pour  le 
Collège  de  médecine  érigé  par  une  charte  de  Henri  VIII  " 
de  la  dixième  année  de  son  règne,  et  confirmé  quatre  ans 
après  par  le  St.  14  et  lo,  Henri  VIII,  c.  5.  Dans  d'au- 
tres cas,  un  statut  autorise  le  roi  à  énger  ultérieurement 
une  corporation  par  lettres  patentes,  avec  tels  ou  tels  pou- 
voirs; par  exemple,  la  Banque  d'Angleterre  (St.  5  et  6, 
Guil.etMar.,  c.  20).  Parmi  les  corporations  ou  personnes 
morales  créées  par  acte  du  parlement,  il  convient  de  citer 
les  hôpitaux  et  maisons  de  correction  fondés  par  des  per- 
sonnes charitables,  lesquels  ont  tous  reçu  la  personnalité 
juridique,  directement,  en  vertu  du  St.  39,  Elis.,  c.  5. 

11.  —  Au  moment  où  une  corporation  prend  naissance, 
on  lui  donne  un  nom  sous  lequel  elle  vit  et  agit,  et  qui 

•2  2  Inst,  330.  i:i  8   Rep.,  114. 


DES  PERSONNES  MORALES  7 

est  le  signe  de  sa  personnalité.  La  charte  qui  relate  ce  nom 
sert  en  quelque  sorte  d'acte  de  baptême  au  nouvel  être  de 
raison  '*. 

3.  —  Pouvoirs  et  incapacité  des  corporations. 

12.  —  Il  est  des  pouvoirs  et  des  incapacités  qui  sont, 
de  plein  droit,  inhérents  à  toute  corporation  régulièrement 
constituée, 

1*  Elle  doit  subsister  par  une  succession  perpétuelle;  c'est 
là  sa  raison  d'être.  Elle  a  donc  la  faculté  d'élire  de  nou- 
veaux membres  pour  remplacer  ceux  qu'elle  perd*",  en  se 
conformant  soit  aux  prescriptions  de  la  charte  d'incorpo- 
ration, soit  à  l'usage  immémorial,  soit  aux  statuts  qu'elle 
s'est  donnés. 

2°  Elle  a  le  droit  d'ester  en  justice  comme  demanderesse 
ou  comme  défenderesse. 

3°  Moyennant  une  autorisation  spéciale  du  roi,  elle 
peut  acquérir  et  posséder  des  immeubles  et  biens  demain- 
morte**;  mais  toute  acquisition  non  autorisée  serait  nulle. 

4°  Elle  possède  un  sceau  commun,  qui  est  le  symbole  de 
sa  volonté  collective  et  dont  l'apposition  la  lie,  àl'exclusioQ 
des  engagements  verbaux  ou  écrits  consentis  par  tels  de  ses 
membres  *\ 

5°  Elle  fait,  pour  son  administration  intérieure,  tels  sta- 
tuts et  règlements  que  bon  lui  semble,  et  ces  règlements 
lient  ses  membres  à  moins  qu'ils  ne  soient  contraires  aux 
lois  du  pays. 

Ces  cinq  pouvoirs  sont  des  attributs  inséparables  de  toute 

«  •'  10  Rep.,  28.  7  et  8,  Guil.  llf,  c.  37  ;  st.  9,  Geo. 

'M  RoUe,  .4  6,nrf^.,  514.  "'n''"  nî'   u  »  r  x.    r 

■^  '^    Blackstone,  Coinm.,  éd.  fr., 

'1  Co.   Litt.,  2;  10  Rep.,  30;  st.       II,  27s. 


8  DES  PERSONNES  MORALES 

corporation  agrégée.  Le  quatrième  et  le  cinquième  tombent 
ipso  facto  qudint.  aux  corporations  isolées,  qui  peuvent  s'en 
prévaloir  si  elles  le  jugent  à  propos,  mais  à  qui,  le  plus 
souvent,  ils  sont  complètement  inutiles. 

13.  —  D'un  autre  côté,  il  est  des  pouvoirs  ou  attributs 
qui  appartiennent  à  certaines  espèces  de  corporations  à 
l'exclusion  des  autres. 

Ainsi,  les  corporations  agrégées  peuvent  posséder  des 
biens  meubles.  Les  corporations  formées  actuellement 
d'une  seule  personne  ne  le  peuvent  pas,  parce  que  ces  biens 
sont  sujets  à  se  perdre  ou  à  se  détériorer  et  susceptibles 
de  donner  lieu  à  des  contestations  entre  le  successeur  et 
l'exécuteur  testamentaire  du  défunt,  ce  que  la  loi  entend 
éviter'*. 

Dans  les  corporations  ecclésiastiques  et  dans  les  corpo- 
rations charitables,  le  roi  ou  le  fondateur  peut  faire  des  rè- 
glements ou  statuts  auxquels  elles  sont  tenues  de  se  con- 
former. Les  corporations  civiles  n'ont  pas  à  obéir  à  des 
règlements  particuliers;  elles  sont  régies  soit  par  leur  charte 
d'incorporation  ou  leurs  usages,  soit  par  le  droit  commun^ 
soit  par  les  règlements  qu'elles  se  sont  donnés  à  elles- 
mêmes,  pour  autant  qu'ils  ne  sont  pas  contraires  aux  lois 
du  royaume". 

Les  corporations  agrégées  qui  ont  un  chef  ne  peuvent, 
pendant  la  vacance  de  sa  place,  faire  d'autre  acte  que  de 
pourvoira  son  remplacement.  Sans  leur  chef,  elles  sontin- 
complètes  et  ne  pourraient  même  accepter  une  donation^". 

14.  —  En  général,  les  corporations  sont  soumises  à 
une  surveillance:  les  ecclésiastiques,  à  celles  des  évêques 
et  des  archevêques  ;  les  laïques,  à  celle  du  «  fondateur  », 

'»  Co.  Litt.,  46.  20  Co.  Lilt.,  263,  264. 

19  Lord  Raymond,  2. 


DKS  PERSONNES  MORALES  » 

c'est-à-dire  du  roi,  qui,  par  sa  charte,  leur  a  donné  l'exis- 
tence et  qui  est  représenté  dans  celte  attribution  par  la 
cour  du  Banc  du  roi;  sans  préjudice  du  droit  d'inspection 
qui  peut  appartenir,  spécialement  pour  les  corporations  de 
charité,  à  celui  qui  les  a  créées  par  ses  libéralités  et  à  ses 
successeurs  ^'. 

4.  —  Dissolution  des  corporations. 

15.  —  La  dissolution  est  pour  les  personnes  morales  ce 
que  la  mort  est  pour  les  personnes  physiques.  La  consé- 
quence légale  en  est  de  faire  retourner  les  terres  et  tène- 
ments  de  la  corporation  au  donateur  ou  à  ses  héritiers, 
comme  ce  serait  le  cas  de  biens  conférés  à  vie  à  un  homme 
le  jour  où  il  viendrait  à  décéder  ■*.  D'autre  part,  les  det- 
tes et  créances  d'une  corporation  sont  totalement  éteintes 
par  sa  dissolution;  ses  membres  considérés  individuelle- 
ment ne  peuvent  être  chargés  des  unes  ni  recouvrer  les 
autres  ". 

16. —  Une  corporation  peut  être  dissoute  :  1°  par  un  acte 
du  parlement;  2°  par  la  mort  de  tous  ses  membres,  s'il 
s'agit  d'une  corporation  agrégée;  3°  par  la  remise  de  ses 
privilèges  et  franchises  entre  les  mains  du  roi,  ce  qu'on 
peut  appeler  une  sorte  de  suicide;  4°  en  conséquence  de  la 
violation  de  sa  charte,  soit  qu'elle  néglige  d'obéir  aux 
règles  qui  y  sont  imposées,  soit  qu'elle  abuse  de  ses  fran- 
chises et  privilèges". 


2«  Cpr.   Blackslone,  éd.  fr.,  II, 
287-294. 

2^  Co.  LiU.,   13. 

2ï  1  Lev.,  237. 

2*  Blackstone,  l.  c,  294-2'J7. 

JE  DE  DROtt 

l!.d'0.          J     \ 

o,u.    /  à 

10         DE   LA   CONSTATATION  DE   L'ÉTAT   DES   PERSONNES 


CHAPITRE  II 

De  la  constatation  de   l'état    des  personnes. 
De  l'inscription  des  naissances  et  des  décès. 


INTRODUCTION   historique'. 

17.  —  L'inscriplioQ  des  naissances,  des  mariages  et  des 
décès  n'a  été  réglée  par  la  loi  civile  qu'à  une  époque  récente . 
Depuis  le  xvi°  siècle  jusqu'à  nos  jours,  les  ministres  de 
l'Église  anglicane  tinrent  seuls  registre  des  baptêmes,  des 
bénédictions  nuptiales  et  des  enterrements.  La  tenue  des  re- 
gistres paroissiaux  laissait  fort  à  désirer,  et  d'ailleurs,  elle 
constituait  une  véritable  oppression  pour  ceux  qui  appar- 
•tenaientà  un  autre  culte.  Sous  le  règne  de  Guillaume  IV, 
on  se  décida  à  organiser  des  registres  de  l'état  civil  et 
à  les  mettre  entre  les  mains  d^un  corps  de  fonctionnaires 
laïques  spéciaux  ^  Mais  la  loi  de  1836  n'osa  pas  déclarer 
obligatoire  rinscription  sur  ces  nouveaux  registres  ;  on 
pouvait  s'abstenir;  seul,  le  refus  de  répondre  aux  ques- 
tions du  registrar  était  puni.  Six  mois  après  la  naissance, 
ce  fonctionnaire  ne  pouvait  plus  inscrire  de  déclarations 
sous  aucun  prétexte.  Quant  aux  décès,  il  avait  mission  de 
s'en  enquérir;  mais  personne  n'était  tenu  de  le  prévenir, 
et  l'inscription  pouvait  avoir  lieu  à  toute  époque. 

Cette  législation  était  manifestement  insuffisante;  la  loi 
de  1874  a  eu  pour  but  de  combler  les  lacunes  que  l'expé- 
rience avait  révélées  dans  celle  de  1836.  Son  principe 
fondamental  est  que  les  déclarations  de  naissance  et  de 

♦  Cpr.   Act  to  amend  ihe    laiv  .S8);  traduction  et  notes  de  M.  Geor- 

relating    to    the    registration    of  ges  Picot,  Ann.  de  législ.  étrang., 

births   and  deaths    in    England,  IV,  p.  50. 

7  août  1874  (St.  37  et  38,  Vict.,  c.  2  St.  6  et  7,  GuiL  IV,  c.  86. 


DE  LA  CONSTATATION  DE   L'ÉTAT  DES  PERSONNES         II 

décès  sont  obligatoires  sous  peine  d'amende.  Nous  allons 
exposer  rapidement  les  règles  de  l'institution'. 

I 
Des  registrars  et  des  registres. 

Sommaire  :  18.  Organisation  générale  du  service.  —  19.  Fixation  des 
districts  et  des  bureaux.  —  20.  Registres;  extraits.  —  21.  Tenue  et 
garde  des  registres.  —  22.  Erreurs;  rectifications,  —  23.  Obligation 
pour  le  registrar  de  se  rendre  à  domicile. 

18.  —  L'ensemble  du  service  est  sous  la  direction  d'un 
registrar  gênerai  siégeant  à  Londres.  Ce  fonctionnaire  a 
sous  ses  ordres,  d'une  part,  les  registrars,  chargés  dans 
leur  circonscription  de  la  tenue  des  registres,  d'autre 
part,  des  superintendant  registrars  ou  inspecteurs,  char- 
gés, indépendamment  de  leurs  autres  attributions,  de  pour- 
suivre en  justice  toute  personne  coupable  d'infraction  aux 
lois  de  1836  et  de  1874  surle  territoire  de  leur  compétence. 
Les  uns  et  les  autres  peuvent  avoir  des  suppléants  (§§  21 
et  suiv.).  Chaque  district  a  à  sa  tête  un  superintendant, 
et  se  divise  en  un  certain  nombre  de  sous-districts,  aux-  ■ 
quels  est  préposé  un  registrar  *. 

19.  —  Les  districts  sont  fixés  par  le  registrar  gênerai, 
suivant  les  besoins,  ^ous  la  sanction  du  Local  government 
Board.  Chaque  registrar  peut,  s'il  le  juge  convenable, 
avoir  plusieurs  bureaux  dans  sa  circonscription;  il  doit  s'y 
trouver  à  heures  fixes  et  inscrire  sur  la  porte  ses  noms  et 
quahtés.  En  outre,  la  liste  des  divers  bureaux  est  affichée 
dans  chaque  station  de  police  (§  26). 

20.  —  Le  registrar  gênerai  fournit  à  tous  les  officiers 

s  Pour  ce  qui  concerne  liascrip-  *  Bull,  de  législ.   comp.,  t.  IV, 

tion  des  mariages,  voir  ci-dessous       p.  321,  notice  de  M.  René  Millet, 
n»  100. 


12  DE  LA  CONSTATATION  DE  LÉTAT  DES    PERSONNES 

SOUS  ses  ordres  les  modèles  de  tables  alphabétiques  des 
registres;  chaque  inspecteur  fait  dresser  les  index  et  les 
conserve.  Les  tables  sont  à  la  disposition  du  public.  iNon 
seulement  tout  déclarant  peut,  au  moment  de  la  déclara- 
tion, retirer,  moyennant  un  droit  modique  (0  fr.  30),  un 
certiOcat  attestant  l'inscription  (§  30),  mais  encore  tout  in- 
téressé a  la  faculté  de  réclamer  une  copie  certifiée  des  men- 
tions portées  sur  les  tables  (§  32). 

21.  —  Tout  registrar  qm,  sans  motif,  refuse  de  rece- 
voir un  acte  de  naissance  ou  de  décès  ou  les  renseigne- 
ments nécessaires  à  la  rédaction  de  l'acte,  est  passible 
d'une  amende  qui  peut  s^élever  jusqu'à  SO  livres  (1.250  fr.). 
Il  en  est  de  même  de  la  personne  qui,  préposée  à  la  garde 
d'un  registre,  le  laisse  perdre  ou  détériorer  par  défaut  de 
soin  (§  35). 

Chaque  bureau  doit  être  muni  d'un  coffre  en  fer  à  Tabri 
du  feu,  destiné  à  contenir  les  registres  (§  33). 

22.  —  S'il  se  glisse  une  erreur  dans  une  inscription, 
elle  peut  être  corrigée  par  une  personne  déléguée  à  cet 
effet  par  le  registrar  gênerai.  Une  simple  erreur  maté- 
rielle peut  être  corrigée  par  une  note  inscrite  en  marge  par 
l'officier  préposé  au  registre,  sur  la  production  d'une  dé- 
claration émanée  de  deux  des  personnes  tenues  de  faire 
inscrire  la  naissance  ou  le  décès  et  indiquant  tout  à  la  fois 
l'erreur  commise  et  la  mention  rectifiée.  11  n'est  permis  de 
faire  aucune  correction  autrement  que  par  une  note  mar- 
ginale. Lorsque  le  coroner  s'aperçoit  qu'il  a  commis  une 
erreur  dans  le  certificat  par  lui  transmis  au  registrar^  il 
peut,  après  en  avoir  recueilli  les  preuves,  aviser  ce  fonc- 
tionnaire et  lui  indiquer  la  mention  qu'il  y  a  lieu  de  substi- 
tuer à  la  mention  reconnue  erronée.  La  correction  se  fait, 
comme  dans  le  cas  précédent,  au  moyen  d'une  note  mar- 


DE    L'INSCRIPTION  DES    NAISSANCES  13 

ginale,  sans  qu'il  soit  permis  de  surcharger  ni  de  raturer 
le  texte  primitif  (§  36). 

23.  —  Par  une  innovation  qui  mérite  d'être  remarquée 
dans  la  loi  de  1874  (§§  4  et  14),  le  registrar  peut  être 
tenu,  moyennant  une  légère  indemnité  de  un  shilling 
(1  fr.  23),  de  se  rendre  à  domicile,  sur  la  demande  écrite 
des  intéressés,  pour  y  dresser  sur  place  les  actes  de  nais- 
sance ou  de  décès. 

Il 
De  l'inscription  des  naissances. 

Sommaire  :  24.  Déclaration  des  naissances.  —  25.  Enfants  abandonnés.  — 
26.  Déclarations  tardives.  —27.  Changements  ou  additions  de  noms.  — 
28.  Enfants  illégitimes. 

24.  — Tout  enfant  né  viable  doit  être  déclaré  au  regis- 
trar dans  un  délai  de  quaranle-deux  jours  à  dater  de  sa 
naissance.  Le  père  et  la  mère  de  l'enfant,  à  leur  défaut 
Voccupier^  de  la  maison  où  il  est  né,  toute  personne  pré- 
sente à  la  naissance  ou  ayant  charge  de  l'enfant,  sont  tenus 
de  faire  la  déclaration  et  de  signer  au  registre  en  présence 
de  l'officier  compétent  (§  1).  Faute  par  l'une  des  person- 
nes susénuraérées  de  faire  la  déclaration  dans  le  délai 
voulu,  le  registrar  peut,  dans  les  trois  mois  à  partir  de  la 
naissance,  inviter  par  écrit  l'une  d'elles  à  se  présenter  à 
son  bureau,  afin  de  lui  donner  tous  renseignements  sur 
la  naissance  et  de  signer  au  registre  (§  2).  11  a,  en  géné- 
ral, le  devoir  de  s'enquérir  de  toute  naissance  survenant 
dans  son  district  et  de  l'inscrire  dans  les  trois  mois  de  la 


"  C'est-à-dire  le  maître  ou  loca-  le  chef  ou  directeur  de  l'établisse- 
laire  principal  de  la  maison,  s'il  ment,  s'il  s'agit  d'un  établissement 
s'agit  dune  maison  particulière,  ou       public  :'§  i8). 


14  DE   L'INSCRIPTION  DES  NAISSANCES 

naissance.  L'inscription  en  elle-même  est  absolument  gra- 
tuite (§4). 

25.  —  Lorsqu'il  s'agit  d'un  enfant  nouveau-né  etaban- 
donné,  l'obligation  de  fournir  au  registrar  tous  les  ren- 
seignements en  vue  de  la  rédaction  d'un  acte  de  naissance 
incombe  à  touts  personne  qui  a  trouvé  l'enfant  ou  à  qui 
il  est  confié;  elle  a  sept  jours  pour  cela  (§  3). 

26.  —  Lorsque  trois  mois  se  sont  écoulés  depuis  la  nais- 
sance, le  registrar  ne  peut  plus  procéder  à  l'inscription 
qu'après  avoir  mis  les  personnes  tenues  de  faire  la  décla- 
ration en  demeure  de  venir  fournir  devant  le  superinten- 
dant registrar  les  éléments  de  l'acte  à  dresser;  l'acte  est 
alors  signé  par  les  deux  fonctionnaires.  Au  bout  de  douze 
mois,  le  registrar  ne  peut  dresser  l'acte  qu'en  vertu  d'une 
autorisation  écrite  du  registrar  gênerai.  Le  tout,  sous 
peine  d'amende  (§  5). 

27.  —  En  cas  de  changement  du  nom  de  l'enfant  Ou 
d'attribution  d'un  nom  à  un  enfant  qui  n'en  avait  point 
encore,  le  registrar  doit  être  avisé,  dans  les  douze  mois 
qui  suivent  la  naissance,  par  le  père  ou  tuteur  de  l'enfant 
ou  par  la  personne  qui  a  donné  le  nom.  Le  certificat  .émané 
de  ces  personnes  ou  du  ministre  qui  a  baptisé  l'enfant, 
est  remis  au  registrar^  lequel  en  mentionne  le  contenu 
dans  une  annotation  marginale  (§  8). 

28.  —  Il  est  à  remarquer  que  nul  n'est  tenu  de  faire 
la  déclaration  d'une  naissance  illégitime  en  qualité  de  père 
de  l'enfant.  Le  registrar  ne  doit  inscrire  dans  l'acte  le 
nom  du  père  qu'autant  qu'il  en  est  requis  conjointement 
par  la  mère  et  par  l'homme  qui  se  reconnaît  comme  père 
de  l'enfant;  auquel  cas  ces  deux  personnes  signent  ensem- 
ble au  registre  (§  7). 


DE  L'INSCRIPTION  DES  DECES  15 

III 
De  l'inscription  des  décès. 

Sommaire  :  29.  Déclaration  des  décès.  —  30.  Décès  donnant  lieu  à  in- 
formation. —  31.  Règles  sur  les  inhumations.  — 31  bis.  Particularités 
relatives  à  la  crémation. 

29.  —  Les  décès  doivent  être  inscrits  par  le  registrar^ 
dans  un  délai  de  cinq  jours,  sur  la  déclaration  soit  des 
parents  ou  logeurs  du  défunt,  soit  des  personnes  qui 
l'ont  soigné  dans  sa  dernière  maladie  ou  qui  ont  pourvu 
à  l'enterrement  (§  10),  soit  de  celles  qui  découvrent  le 
cadavre,  si  le  décès  n'a  pas  eu  lieu  dans  une  maison  et 
en  présence  de  témoins  (§  11).  Le  délai  pour  la  rédaction 
complète  et  la  signature  de  l'acte  de  décès  est  porté  de 
cinq  à  quatorze  jours  lorsque  l'une  des  personnes  tenues 
de  déclarer  le  décès  en  a  informé  provisoirement  le  re- 
gistrar  par  écrit,  en  lui  transmettant  le  certificat  médi- 
cal constatant  la  cause  de  la  mort  (§  12);  ce  certificat 
doit  être  produit,  en  tout  état  de  cause,  par  le  déclarant 
(§  20).  S'il  s'est  écoulé  plus  de  quatorze  jours  depuis  le 
décès  sans  qu'aucune  déclaration  n'ait  été  faite,  le  regis- 
trar  procède  à  une  enquête,  convoque,  s'il  y  a  lieu,  à 
son  bureau  tous  ceux  dont  il  peut  espérer  des  renseigne- 
ments et  dresse  l'acte,  pourvu  qu'il  ne  se  soit  pas  écoulé 
plus  de  douze  mois  en  tout  (§§  43,  14).  Au  bout  de  douze 
mois,  l'inscriplion  ne  peut  plus  avoir  lieu  que  sur  une 
autorisation  écrite  du  registrar  gênerai  (§  15). 

30.  —  En  cas  de  découverte  d'un  cadavre  donnant 
lieu  à  une  information  judiciaire,  le  coroner  envoie  au 
registrar,  dans  les  cinq  jours,  une  note  signée  de  lui  et 
contenant,  avec  les  résultats  de  l'enquête,  le  verdict  du 


i6  DE  L'INSCRIPTION   DES   DÉCÈS 

jury;  le  registrar  dresse  l'acte  à  l'aide  de  ces  documents 

(§  i6). 

31.  —  L'inhumation  ne  peut  avjDÏr  lieu  que  sur  un  or- 
dre de  coronei\  ou  sur  un  certificat  du  ?v^w/r<2r  constatant 
qu'il  a  inscrit  le  décès  ou  du  moins  reçu  tous  les  rensei- 
gnements nécessaires.  Toute  contravention  à  cette  règle 
est  punie  d'une  amende  qui,  suivant  les  cas,  peut  s'élever 
jusqu'à  dix  livres  (§  17);  et  la  loi  prend  des  précautions 
particulières  quant  à  l'inhumation  des  enfants  que  l'on 
prétendait  être  morts-nés  (§  18). 

Jusqu'à  ces  dernières  années,  toutes  les  fois  qu'un  en- 
terrement se  faisait  dans  le  cimetière  paroissial  {church- 
yard)^  le  seul  qu'il  y  eût  le  plus  souvent  dans  la  loca- 
lité, le  rituel  de  l'Église  anglicane  devait  être  accompli 
sur  la  tombe,  quelles  que  fussent  les  croyances  du  défunt. 
Cette  atteinte  à  la  liberté  de  conscience  a  été  supprimée 
par  une  loi  du  7  septembre  1880  (43  et  44,  Vict.,  c.  41), 
en  vertu  de  laquelle  il  suffît  désormais  d'avertir  l'ecclé- 
siastique préposé  au  lieu  de  culte  dont  dépend  le  cimetière 
que  l'enterrement  se  fera  sans  l'accomplissement  dudit  ri- 
tuel; cet  avis  décharge  l'ecclésiastique  de  toute  responsa- 
bilité ultérieure  (§  1)^. 

31  bia.  —  Les  Anglais,  qui  sont  aussi  jaloux  que  les  vieux 
Romains  de  leur  liberté  de  tester,  ne  reconnaissent  cepen- 
dant pas  encore  au  testateur  le  droit  de  régler  ses  funé- 
railles à  sa  convenance.  Ils  disent,  pour  se  mettre  d'accord 
avec  la  logique,  que  le  corps  d'un  homme  ne  fait  pas  par- 
tie de  son  patrimoine,  et  qu'on  ne  peut  pas  dès  lors  dispo- 
ser par  avance  de  son  propre  cadavre.  En  pratique,  cette 
considération  conduit  les  tribunaux  à  déclarer  non  avenue 

^Notice  et  traduction  par  M.  Georges  Picot,  Ann.de  lénid.  élranq., 
t.  X,  p.  26. 


DE   LA    FORCE   PROBANTE     DES    ACTES  17 

la  clause  par  laquelle  un  défunt  chargerait  son  exécuteur 
testanaentaire  d'assurer  son  incinération.  Pour  compenser 
celte  satisfaction  faite  aux  idées  traditionnelles,  on  a  con- 
cédé aux  partisans  de  la  crémalion  que  ce  ne  sérail  pas  un 
fait  délictueux  que  de  brûler  une  dépouille  mortuaire.  Dès 
lors  l'exécuteur  testamentaire,  qui  a  la  garde  du  cadavre 
jusqu'à  l'ensevelissement,  est  libre  de  faire  spontanément 
incinérer  le  défunt,  dont  la  volonté  ne  le  lie  pas". 

Un  nouveau  Crémation  act  de  4902"  a  facilité  encore- 
l'accomplissement  des  volontés  du  défunt,   en  permettant 
à  l'exécuteur  testamentaire  d'imputer  sur  les  frais  funérai- 
res les  dépenses  que  peut  entraîner  la  crémation. 

IV 

De  la  |orce  probante  des  actes  et  de  la  sanction 
pénale. 

Sommaire  ;  32.  Règles  générales.  —  33.  Omission  ou  refus  de  déclaration. 
34.  Déclarations  frauduleuses. 

32.  —  Le  registre  ou  un  extrait  du  registre  ne  fait 
preuve  d'une  naissance  ou  d'un  décès  que  s'il  porte  la 
signature  d'une  personne  ayant  qualité  pour  faire  la  décla- 
ration, ou  si  l'acte  a  été  dressé  d'après  les  renseignements 
fournis  par  un  coroner.  Pour  les  inscriptions  tardives,  il 
faut  de  plus,  à  peine  de  nullité,  que  les  formalités  spécia- 
les prescrites  par  la  loi  aient  été  accomplies  (§  38). 

33.  —  Sont  passibles  d'une  amende  de  40  shillings  au 
plus  (50  fr.)  les  personnes  qui  négligent  de  déclarer  une 
naissance  ou  un  décès  dont  elles  avaient,  à  raison  de  leurs 


•    Williama  c.   Williams,    51   L.  «  St.  2,  Edw.  Vil,  cli    8,  S  9. 

.1.  K.,  385. 

Leiih.  2 


Î8  DE   LA    FORCE    PROBANTE   DES    ACTES 

relations  personnelles, l'obligation  d'informer  ]eregistraj\ 
et  les  personnes  qui,  mises  parce  fonctionnaire  en  demeure 
de  le  renseigner,  refusent  de  répondre  à  ses  questions 
(§  39).  II  s'agit  simplement,  dans  celle  hypothèse,  de  né- 
gligence ou  de  mauvais  vouloir. 

34.  —  Sont  passibles,  au  conlraire,  soit  d'une  amende; 
qui  peut  s'élever  jusqu'à  dix  livres  (250  fr.),  soit  même  d'un 
emprisonnement  avec  travail  forcé  de  deux  ans  ou  d'une 
servitude  pénale  de  sept  ans,  ceux  qui  altèrent  sciemment 
la  vérité,  en  fournissant  au  registrar  des  renseignemenis 
faux,  en  faisant  un  faux  certificat  ou  une  fausse  déclara- 
tion et  en  en  usant  de  mauvaise  foi,  ou  en  donnant  une  indi- 
cation fausse  relativement  à  l'identité  d'un  cadavre  ou  au 
fait  qu'un  enfant  serait  né  vivant  ou  mort  (§  40).  Les 
poursuites  au  criminel  fondées  sur  cet  article  doivent  être 
commencées  dans  les  trois  ans  à  dater  du  fait  (§  46). 


SECTION  DEUXIEME 

DES   CIRCONSTANCES   QUI  MODIFIENT 
LA  CAPACITÉ  JURIDIQUE. 


INTRODUCTION 

Sommaire  :  35  Notions  générales.  —  36.  Outlaivry.  —  37.  Reclrictions 
à  la  capacité  des  convicls. 

35.  — La  capacité  jaridiqae,  qui  est  l'apanage  de  toute 
personne,  peut  être  modifiée  par  un  certain  nombre  de 
circonstances,  telle  que  la  nationalité,  les  condamnations 
pénales,  Tâge,  les  infirmités  intellectuelles,  le  mariage,  etc. 
Nous  examinerons  dans  la  section  suivante  l'influence 
qu'exerce  le  mariage  sur  la  capacité  de  la  femme. 

36.  —  Les  restrictions  apportées  à  la  capacité  juridi- 
que par  une  condamnation  au  criminel  sont  plutôt  du  do- 
maine du  droit  pénal  que  du  droit  civil;  nous  ne  trouvons 
pas,  dans  le  droit  anglais,  d'institution  qui  corresponde 
exactement  à  ce  qu'on  appelle  en  France  l'interdiction 
légale.  La  mise  hors  la  loi  [oullawry)  prononcée  contre 
l'accusé  ou  le  défendeur  qui  se  dérobe  à  la  justice,  est 
moins  une  peine  qu'un  moyen  de  coercition  tendant  à  l'a- 
mener à  se  présenter  ;  encore  son  principal  effet  dans  l'an- 
cien droit,  la  confiscation  de  tous  les  meubles  et  chatlels 
du  coDtumax  au  profit  du  roi,  a-t-il  naturellement  subi 


20  DE   L'INFLUENCE   DES   CONDAMNATIONS 

une  modification  depuis  qu'en  général  la  confiscalion  a 
été  abolie. 

37.  —  Jusqu'à  une  époque  récente,  la  confiscation  était 
aussi  le  corollaire  de  toute  condamnation  pour  trahison 
ou  félonie.  La  loi  du  4  juillet  1870  (St.  33  et  34,  Vict., 
0.23),  qui  Ta  abolie,  pourvoit  à  la  gestion  des  biensducow- 
vict  par  les  soins  d'un  administrateur  nommé  par  la  cou- 
ronne (§  9).  Cet  administrateur  est  investi,  au  fur  et  à 
mesure,  de  tous  les  biens  présents  et  futurs  du  condamné 
(§  10);  il  a  qualité  pour  les  louer,  les  mortgager  ou  les 
aliéner  en  tout  ou  en  partie,  comme  bon  lai  semble  (§§  12, 
17);  il  paye  tous  les  frais  ou  dommages  et  intérêts,  ainsi 
que  les  dettes,  dont  le  convict  peut  être  tenu  (§§  13,  15)  ; 
délivre  aux  proches  parents  du  condamné  la  portion  des 
revenus  nécessaire  à  leur  entretien  (§  16),  et  pourvoit  au 
placement  et  à  la  conservation  du  solde,  de  façon  à  pou- 
voir le  restituer  au  convict  ou  à  ses  représentants  à  l'expi- 
ration de  sa  peine,  au  moment  où  il  obtient  sa  grâce,  ou 
à  sa  mort  (§§  7,  18).  La  capacité  du  convict  est  donc  sus- 
pendue, en  vertu  de  la  loi  de  1870,  mais  non  modifiée 
ainsi  qu'elle  l'est  en  France  par  l'interdiction  légale. 

Nous  étudierons  spécialement  ici  l'influence  qu'exercent 
sur  la  capacité  juridique  l'extranéité,  l'absence,  la  minorité 
et  les  infirmités  intellectuelles. 


DK   LA   NATIONALITE   ET  DE    L'EXTRANEITE  21 

CHAPITRE  I 
De  la  nationalité  et  de  l'extranéité. 

INTRODUCTION  HISTORIQUE. 

Sommaire  :  38.  Anciennes  règles  sur  la  nationalité.  —  39.    incapacités 
pesant  sur  les  étrangers  dans  l'ancien  droit.  —  40.  Loi  de  lî$70. 

38.  —  Jusqu'à  une  époque  récente,  l'Angleterre 
était  un  pays  de  perpétuelle  allégeance.  Quiconque  était 
né  sur  le  territoire  britannique  était  sujet  britannique 
et  ne  pouvait  cesser  de  l'être  sans  le  consentement  du 
prince.  La  nationalité  anglaise  ne  se  perdait  ni  ne  s'ac- 
quérait par  le  mariage.  La  naturalisation  était  entourée 
d'une  foule  d'obstacles,  et  celui  qui  l'avait  obtenue  n'en 
demeurait  pas  moins  incapable  de  siéger  soit  au  Conseil 
privé,  soit  au  parlement  (St.  1,  Geo.  I,  c.  4).  Plusieurs  de 
ces  derniers  points  ont  été  atténués,  il  y  a  une  soixan- 
taine d'années,  par  le  St.  7  et  8,  Vict,,  c.  66,  qui  a 
reconnu  comme  Anglaise  l'étrangère  qui  épouse  un  An- 
glais et  admis  un  étranger  à  obtenir  sa  naturalisation 
en  venant  résider  dans  le  pays  pendant  un  certain  temps 
et  en  manifestant  l'intention  de  s'y  fixer. 

39.  —  D'autre  part,  la  condition  des  étrangers  était 
extrêmement  défavorable.  Jusqu'au  St.  7  et 8,  Vict.,  c.  66, 
ils  ne  pouvaient  posséder  à  aucun  titre  un  droit  immo- 
bilier quelconque  dans  le  Royaume-Uni;  ils  pouvaient 
bien  acheter  des  terres  ou  autres  biens,  mais  non  pour 
eux-mêmes;  car,  dans  ce  cas,  les  biens  eussent  été  con- 
fisqués par  le  roi'.  L'étrangère,  mariée  à  un  Anglais, 
était  frustrée  de  tout  droit  à  un  douaire,  à  moins  que  le 

«  Co.  Litt.,  2. 


22         DE    I/ACQUISITION    DE    LA   NATIONALITÉ  ANGLAISE 

roi  n'eût  autorisé  expressément  le  mariage;  et,  à  l'in- 
verse, un  mari  étranger  ne  pouvait  prétendre  à  la  jouis- 
sance, par  droit  de  curtesy^  d'un  bien  de  sa  femme 
anglaise  prédécédée-.  L'acte  de  1844  a  permis  aux  étran- 
gers de  louer  ou  d'acquérir  les  immeubles  nécessaires 
à  l'établissement  de  leur  famille,  de  leur  commerce  ou 
de  leur  industrie,  mais  seulement  pour  vingt  et  un  ans. 

40.  —  Cet  état  de  choses  a  été  profondément  modiBé 
par  la  loi  du  12  mai  1870  [Act  lo  amend  the  law  rela- 
ting  to  the  légal  condition  of  Aliens  and  British  sub- 
jects),  connue  sous  le  titre  abrégé  de  JSaturalization  act 
1870  (S.  33,  Vict.,  c.  14).  Cette  loi  forme  aujourd'hui  le 
code  de  la  naturalisation  et  de  la  condition  des  étrangers 
en  Angleterre;  nous  en  exposerons  l'économie  dans  les 
deux  subdivisions  suivantes  ^ 

I 

Des  différentes  manières  dont  la  nationalité 
britannique  s'acquiert,  se  perd  et  se  recouvre. 

1.  —  Acquisition  de  la  nationalité  britannique. 

Sommaire  :  1.  Acquisition  de  la  vationaîité  britannique  :  41.  Principes 
généraux.  —  42.  Règles  sur  la  naturalisation.  —  43.  Ses  eflets  quant  à 
la  femme  et  aux  enfants.  —  2.  Perte  de  la  nationalité  britannique: 
44.  Effet  de  la  naturalisation  à  l'étranger.  —  45.  Cas  de  l'étranger 
considéré  comme* .Anglais  à  raison  du  lieu  de  sa  naissance  et  de  l'An- 
glais né  hors  du  territoire  britannique.  —  46.  Renonciation  à  la  natu- 
ralisation obtenue.  —  47.  Eflets  quant  aux  enfants.  —  48.  Condition  de 
la  femme  mariée.  —  49.  Situation  légale  de  l'Anglais  devenu  étranger 

—  3.  Réintégration  dans  la  qualité  d'Anglais  :  50.  Certificat  de 
réadmission.  —  51.  Effet  quant  aux  enfants.  —  52.  Veuve,  Anglaise 
d'origine. 

41.  —  La  loi  de  1870  (§  4)  confirme  implicitement  le 
vieux  principe  du  comnion  law  que  tout  individu  né  sur 

-  76.  .31  a;  Coke,  Reports,  25.  trand,  Ann.de  législ.  étrang.,  I, 
•  Traduction  et  notesde  M.  Ber-       p.  6. 


DE   L'ACQUISITION    DE  LA  NATIONALITE  ANGLAISE  23 

territoire  britannique  est,  par  ce  fait  seul,  sujet  britan- 
nique. 

D'autre  part,  on  acquiert  la  nationalité  britannique  par 
mariage  ou  par  naturalisation  :  l'étrangère  qui  épous-e 
un  Anglais  devient  Anglaise  (§  10,  al.  1),  et  la  naturali- 
sation est  rendue  à  peu  près  aussi  facile  qu'elle  l'est  dans 
le  reste  de  l'Europe. 

42.  —  Le  §  7,  sur  la  naturalisation,  est  ainsi  conçu  : 
«  Tout  étranger   peut  demander  au  secrétaire    d'État 

un  certificat  de  naturalisation  si  (dans  les  huit  années 
qui  précèdent  la  demande)  il  a  résidé  pendant  cinq  ans 
au  moins  dans  le  Royaume-Uni,  ou  s'il  a  servi  la  cou- 
ronne pendant  un  laps  de  temps  égal,  et  s'il  manifeste 
l'intention  soit  de  résider  dans  le  Royaume-Uni,  soit  de 
servir  la  couronne. 

«  Il  devra  produire,  à  l'appui  de  sa  demande,  telles 
justifications  à  ce  sujet  qui  seront  requises  par  le  secré- 
taire d'État. 

«  Le  secrétaire  d'État,  nanti  de  la  demande,  accordera 
le  certificat  ou  le  refusera,  sans  donner  de  motifs.  Sa 
décision  est  sans  appel.  Elle  n'aura  d'effet  que  lorsque 
l'impétrant  aura  prêté  le  serment  d'allégeance  (dont  le  §  9 
donne  la  formule). 

«  L'étranger  qui  aura  obtenu  ce  certificat,  jouira  des 
mêmes  droits,  politiques  et  autres,  que  le  citoyen  d'ori- 
gine pourvu  qu'il  soit  considéré,  dans  sa  patrie  d'ori- 
gine, comme  sujet  britannique,  s'il  vient  ày  résider. 

«  Les  sujets  anglais  dont  la  nationalité  ferait  l'objet 
d'un  doute,  peuvent  demander  et  obtenir, —  à  titre  de 
simple  justification  de  leur  droit,  — le  certificat  de  natu- 
ralisation ». 

43.  —  La  femme  étant  considérée  en  principe  (§  10, 


24  DE   LA  PERTE  DE    LA   .NATIONALITÉ  ANCLAISE 

al.  {)  comme  ayant  toujours  la  nationalité  de  son  mari, 
il  s'ensuit  qu'elle  est  au  bénéfice  de  la  naturalisation 
anglaise  obtenue  par  celui-ci.  Quant  aux  enfants,  la  loi 
déclare  que,  si  un  père  ou  une  mère  veuve  a  obtenu  la 
naturalisation,  ses  enfants  sont  considérés  comme  étant 
devenus  également  citoyens  britanniques,  pourvu  qu'ils 
aient  résidé  pendant  leur  minorité  avec  leurs  parents  sur 
territoire  anglais  (§  iO,  al.  5). 

2.  —  Perte  de  la  nationalité  britannique. 

44.  —  Tout  Anglais  jouissant  de  la  plénitude  de  sa 
capacité  juridique  peut  aujourd'hui  changer  de  nationa- 
lité en  se  faisant  naturaliser  à  l'étranger.  La  loi  de  1870 
attache  même  rétroactivement  cet  effet  à  toute  naturali- 
sation obtenue  avant  sa  promulgation;  toutefois  l'Anglais 
d'origine,  naturalisé  à  l'étranger  antérieurement  à  cette 
loi,  a  eu  pendant  deux  ans  la  faculté  de  conserver  sa 
nationalité  primitive,  nonobstant  l'acquisition  d'une  autre 
nationalité  et  moyennant  une  simple  déclaration,  pourvu^ 
s'il  continue  à  résider  dans  sa  patrie  d'adoption,  qu'il 
cesse  d'y  être  considéré  comme  un  régnicole  (§  6). 

45.  —  L'étranger  d'origine  qui  est  devenu  Anglais 
parce  qu'il  est  né  sur  territoire  britannique,  peut  à  sa 
majorité  se  dépouiller  de  cette  nationalité  tout  acciden- 
telle au  moyen  d'une  déclaration  d'extranéité  faite,  s'il 
réside  dans  le  Royaume-Uni,  devant  un  juge  de  paix; 
dans  les  possessions  britanniques,  devant  un  juge  ou  tout 
autre  officier  compétent  pour  recevoir  un  serment;  hors 
des  possessions  britanniques,  devant  un  agent  diploma- 
tique ou  consulaire  anglais.  Toute  personne  née  hors 
du  territoire  britannique  d'un  père  anglais,  jouit  du  même 


DE   LA    PERTE   DE  LA   NATIONALITE   ANGLAISE  25 

droit  de  répadialion  (§  4).  Il  faut^  dans  les  deux  cas,  que 
le  déclarant  soit  maître  de  ses  droits;  la  déclaration  ne 
pourrait  émaner  valablement  ni  d'une  femme  mariée  ni 
d'un  individu  atteint  d'aliénation  mentale  (§  17). 

46.  —  Enfin,  tout  étranger  qui  s'est  fait  naturaliser 
anglais  peut  recouvrer  sa  nationalité  d'origine  au  moyen 
d'une  déclaration  d'extranéité  dans  les  formes  indiquées 
ci-dessus,  pourvu  que,  d'après  les  traités  ou  les  lois,  cette 
déclaration  ait  la  même  valeur  dans  le  pays  d'origine  qu'en 
Angleterre  (§  3). 

47.  — Lorsqu'un  père  ou  une  mère  veuve  perd  la  na- 
tionalité anglaise  dans  l'une  des  trois  hypothèses  que  no.us 
venons  de  passer  en  revue,  ses  enfants,  s'ils  ont  résidé 
pendant  leur  minorité  dans  le  pays  où  leurs  parents  sont 
naturalisés  et  s'ils  y  ont  été  naturalisés  conformément  aux 
lois  de  ce  pays,  sont  considérés  comme  étant  des  natio- 
naux de  ce  pays  et  comme  ayant  cessé  d'être  Anglais 
(§  10,  al.  3). 

48.  —  La  femme  mariée  étant  réputée  n'avoir  d'autre 
nationalité  que  celle  de  son  mari,  une  femme  anglaise 
devient  étrangère  si  elle  épouse  un  étranger  ou  si  son 
mari  perd  sa  qualité  d'Anglais  (§  10,  al.  1). 

49.  —  Le  citoyen  britannique  devenu  étranger  en  vertu 
de  la  loi  de  1870  n'en  demeure  pas  moins  responsable  des 
actes  par  lui  commis  antérieurement  à  son  changement  de 
nationalité  (§  15). 

3.  —  Réintégration  dans  la  qualité  d'Anglais. 

50.  —  L'Anglais  qui  a  perdu  sa  nationalité  peut  la 
recouvrer  au  moyen  d'un  certificat  de  réadmission,  dont 
l'obtention  est  subordonnée  aux  conditions  et  formalités 


■26  DE   LA   CONDITION  JURIDIQUE   DES   ÉTRANGERS 

imposées  aux  étrangers  et  à  la  prestation  du  serment  d'al- 
légeance (§  8;  cpr.  ci-dessus  n"  42). 

51.  —  Lorsqu'un  père  ou  une  mère  veuve  obtient  sa 
réadmission  dans  la  nationalité  britannique,  les  enfants, 
s'ils  ont  résidé  pendant  leur  minorité  sur  le  territoire  bri- 
tannique avec  leurs  parents,  sont  considérés  comme  réin- 
vestis également  de  ladite  nationalité  (§  10,  al.  4). 

52.  —  La  femme  anglaise  d'origine  et  devenue  étran- 
gère par  son  mariage  reste  étrangère  après  son  veuvage  ; 
mais  elle  peut  obtenir  un  certificat  de  réadmission  dans 
la  nationalité  britannique  (§  10,  al.  2). 

II 
De  la  condition  juridique  des  étrangers  en  Angleterre. 

Sommaire  :  53.  Capacité  générale  et  limitations.  —  54.  Formes  des 
jugements;  jury.  — 55.  Testament,  droits  mobiliers. 

53.  —  Depuis  la  loi  de  1870,  l'étranger  est  assimilé 
aux  Anglais  de  naissance  pour  tout  ce  qui  concerne  la 
possession,  la  jouissance,  Pacquisition  ou  la  transmission, 
par  tous  les  modes  légaux,  de  la  propriété  soit  mobilière, 
soit  immobilière.  11  n'y  a  d'exceptions  que  quant  aux  na- 
vires anglais,  pour  lesquels  a  été  maintenue  l'ancienne 
règle  qui  déclare  les  étrangers  incapables  d'en  être  pro- 
priétaires en  tout  ou  en  partie  *. 

Toutefois  la  jouissance  de  la  propriété  immobilière  ne 
comporte  que  les  droits  et  privilèges  constituant  l'essence 
même  de  la  propriété;  elle  n'implique  pour  l'étranger  au- 
cune aptitude  aux  fonctions  publiques,  à  l'électoral  ni  à 
l'éligibilité  (§  2). 

•  §  15;  St.  3  et  4.   Guil.  IV,  c.  5i  et  55. 


DE  LA  DENIZATION  27 

54.  —  L'étranger  ne  peut  plus  réclamer  pour  le  juger 
un  jury  de  medietate  Imgiiss;  il  doit  être  jugé  dans  les 
mêmes  formes  que  les  Anglais  (§  5).  En  vertu  àwJuries 
act  de  1870',  les  élrangers  après  dix  ans  de  résidence 
en  Angleterre,  ont  qualité  pour  remplir  et  sont  tenus 
d'accepter  les  fonctions  de  juré  sous  les  mêmes  conditions 
que  les  citoyens  anglais. 

55.  —  Dès  avant  la  loi  de  1870,  l'étranger  avait,  en 
Angleterre,  le  droit  de  tester,  d'acquérir  des  biens  meubles 
et  d'en  disposer,  et  d'intenter  une  action  mobilière  ^ 

III 
De  l'étranger  denlzen. 

56.  —  Le  denizen  est  un  étranger  de  naissance,  qui 
a  obtenu  du  roi  des  lettres  patentes  faisant  de  lui  un 
sujet  anglais,  mais  qui  n'a  pas  été  naturalisé  au  sens  pro- 
pre du  mot,  la  naturalisation  exigeant  autrefois  un  acte  du 
parlement  et  aujourd'hui  tout  un  ensemble  de  conditions 
et  de  formalités  spéciales.  Le  denizen,  comme  l'étranger 
admis  en  France  à  y  établir  son  domicile,  est  ou,  pour 
parler  plus  exactement,  a  été  pendant  les  siècles  passés 
dans  une  situation  intermédiaire  entre  le  simple  étranger 
et  le  sujet  né  anglais. 

La  loi  de  1870  a  expressément  réservé  au  souverain 
le  droit  d'accorder  des  lettres  de  denization  (§  13).  Mais 
l'esprit  libéral  dans  lequel  elle  est  conçue  enlève  à  cette 
institution  ses  principaux  avantages  :  l'étranger  jouit  au- 
jourd'hui de  plein  droit  de  la  plupart  des  prérogatives 
qui  étaient  réservées  autrefois  au  denizen.  Ainsi,  le  deyii- 

»  Sh    .33    et    34,    Vict.,    c.    77,  «    Blackstone,    Comm.,  cJ.   fr  , 

§  8.  U,  67. 


28  DU   DOMICILE   ET    DE    LABSENCE 

zeyi  pouvait  acheter  des  immeubles  ou  en  acquérir  par  don 
ou  par  legs;  il  ne  lui  était  interdit  d'en  acquérir  que  par 
droit  d'héritage.  Depuis  1870,  l'étranger  non  denizen  est 
affranchi  à  cet  égard  de  toute  entrave.  Le  denizen  àeTSXGXk- 
rail  soumis  à  Valien's  duly,  c'est-à-dire  aux  diverses  taxes 
pesant  sur  les  étrangers  à  l'exclusion  des  régnicoles.  Il  ne 
pouvait,  pas  plus  que  l'étranger,  siéger  au  Conseil  privé 
ou  au  parlement,  remplir  des  fonctions  civiles  ou  militai- 
res, ni  recevoir  de  la  couronne  aucune  concession  de  ter- 
res''. Sur  ces  divers  points,  la  législation  moderne,  tout  en 
améhorant  la  condition  des  étrangers  en  général,  n'a  sti- 
pulé aucune  faveur  pour  ceux  que  la  reine  honorerait  de 
lettres  de  denization. 

Il  s'ensuit  donc  qu'en  fait,  sinon  en  droit,  l'institution  a 
perdu  ses  caractères  distinctifs  et  disparaîtra  forcément 
dans  un  temps  donné. 

CHAPITRE  II 
Du  domicile  et  de  l'absence. 

I 
Du  domicile. 

Sommaire  :  57.  Notion  du  domicile  ;  domicile  légal.  —  58.  Acquisition  d'un 
domicile.  —  58  bis.  Domicile  administratif. 

57.  —  Le  domicile  est,  eii  général,  le  lieu  où  l'on  réside 
avec  l'intention  d'y  rester  [cum  animo  manendi)  *.  Cepen- 
dant certaines  personnes  ont  un  domicile  légal,  qui  peut 
être  indépendant  de  leur  résidence  plus  ou  moins  prolon- 

1  St.  12,  Guil.  m,  c.  2.  198;   Munro   c.   Munro,  7    Ci.    et 

1  Bruce    c.    Bruce,  2  B.  et  P.,       F.,  842. 
228  ;  Bempde  c.  Johnson,  3  Ves., 


DU   DOMICILE   ET   DE  L'ABSENCE  29 

gée.  Ainsi  l'enfant  légitime  est  domicilié  chez  ses  parents; 
la  femme,  chez  son  mari.  Les  fonctionnaires  tenus  à  rési- 
dence sont  réputés  domiciliés  au  lieu  où  ils  exercent  leurs 
fonctions.  Mais,  si  une  personne  réside  partiellement  dans 
deux  endroits,  l'un  où  elle  exerce  sa  profession,  l'autre  où 
elle  habite  avec  sa  famille,  c'est  dans  ce  dernier  qu'elle 
est  réputée  domiciliée^ 

58. —  Le  domicile  s'acquiert,  tout  d'abord,  par  la  nais- 
sance: on  est  réputé  domicilié  dans  le  lieu  où  l'on  a  vu  le 
jour.  Mais  ce  domicile  peut  être  modifié  plus  tard,  soit 
parce  que,  comme  l'enfant  légitime,  la  femme  mariée  ou 
le  fonctionnaire,  on  a  ailleurs  un  domicile  de  droit,  soit 
parce  qu'on  l'a  volontairement  transféré  ailleurs  et  qu'on 
a  résidé  pendant  quarante  jours  dans  la  nouvelle  localité. 
La  preuve  du  changement  peut  résulter  d'une  déclaration 
expresse  faite  aux  inspecteurs  des  pauvres  de  la  paroisse 
où  l'on  entend  se  fixer,  ou  de  diverses  autres  circon- 
stances telles  qu'un  bail  fait  pour  au  moins  quarante  jours, 
le  paiement  des  taxes  paroissiales,  le  fait  d'être  engagé 
comme  domestique  ou  apprenti,  etc.  ^  (Cpr.  n°  928,  en 
matière  de  droit  de  succession). 

58  bis.  —  La  détermination  du  domicile  au  point  de 
vue  civil  ne  se  confond  pas  nécessairement  avec  celles  du 
domicile  au  point  de  vue  administratif.  Les  indigents  ont 
droit  à  une  certaine  assistance  dans  la  commune  où  ils  sont 
domiciliés  ;  mais  des  conditions  rigoureuses  peuvent  être 
imposées  à  l'acquisition  du  domicile  de  secours,  et  les  liti- 
ges que  soulève  la  question  du  domicile  de  secours  se  trou- 
vent tranchés  non  plus  par  les  juridictions  de  droit  com- 


2  Fortes  c.  Forhes,    Kay,  :î59  ;  ^  Blackslone,   cd.  fi-.,   H.   i7   et 

Homervillc  c.  Soniercillc,  5  Vus.,       suiv. 
750. 


30  DU    DOMICILE    ET   DE   LABSENCE 

mun  mais  par  les  autorités  administratives.  Ainsi,  en  ce 
qui  concerne  lÉrosse,  il  est  intervenu  une  loi  du  25  juillet 
1898*  qui  subordonne  l'acquisition  du  domicile  à  une  ré- 
sidence de  trois  années  consécutives  dans  la  même  pa- 
roisse. Et  il  est  nécessaire  que  l'intéressé  ne  se  soit  pas 
livré  directement  ou  indirectement  à  la  mendicité  pen- 
dant cet  intervalle,  et  qu'il  n'ait  pas  été  inscrit  au  bureau 
de  bienfaisance  paroissial.  La  même  loi  a  donné  aux  indi- 
gents dont  le  conseil  de  paroisse  a  ordonné  le  rapatrie- 
ment dans  une  autre  localité,  la  faculté  de  faire  appel  de 
cette  décision  devant  le  Local  governmeiit  Board.  Le  dé- 
lai d'appel  est  de  dix  jours,  et  l'appel  interjeté  est  sus- 
pensif. 

II 
De  l'absence. 

59  [nouveau).  —  Il  n'y  a,  dans  la  législation  anglaise^ 
aucun  texte  prévoyant  l'administration  des  biens  d'un 
absent,  tant  que  la  mort  de  l'absent  n'a  pu  être  présumée. 
Les  ouvrages  de  doctrine  sont  à  peu  près  muets  sur  la 
question,  et  l'on  ne  trouve  pour  ainsi  dire  pas  de  précédent 
en  jurisprudence. 

Le  droit  anglais  paraît  dominé,  en  cette  matière,  par 
sa  préoccupation  générale  de  laisser  à  chacun  le  soin  de 
pourvoir  à  ses  propres  intérêts  et  de  n'apporter  aucune 
restriction  à  la  liberté  indivi.luelle,  même  lorsqu^il  s'agit- 
des  fantaisies  de  ceux  qui  disparaissent  sans  donner  de 
leurs  nouvelles.  En  fait,  cette  lacune  des  lois  ne  produit 
pas  grand  inconvénient  puisque  ceux  qui  survivent,  quel 
que  soit  le  lieu  de  leur  retraite,  ne  manquent  Jamais  de 

i  An  act  to  furlher  amend  the  and  Removal  ofthe  poor  in  Scot- 
lavj  relating    to    the  Settlement       land  (61  et  62,  Vict.,  c.  21). 


DU    DOMICILE   ET   DE   L'ABSENCE  3i 

veiller  à  Tadministralion  de  leurs  biens  et  que,  d'autre 
part,  ceux  qui  partent  pour  un  voyage  d'où  ils  ne  sont  pas 
sûrs  de  revenir,  ont  toujours  la  précaution  de  choisir  un 
mandataire  avant  leur  départ.  Les  seuls  absents,  au  sens 
juridique  de  ce  mot,  sont  ceux  qui  n'ont  ni  biens,  ni  famille; 
et,  s'il  leur  arrive  d'avoir  femme  et  enfants,  alors  même 
qu'ils  ne  possèdent  aucun  bien,  le  législateur  anglais  laisse 
intacts  leurs  droits  de  puissance  maritale  et  de  puissance 
paternelle  tant  que  leur  mort  ne  peut  être  présumée. 

Dans  certains  cas,  il  est  arrivé  que  l'ouverture  d'un  tes- 
tament a  révélé  l'existence  d'un  legs  au  profit  d'un  indi- 
vidu disparu  depuis  longtemps.  Dans  des  espèces  où  l'on 
était  sans  nouvelles  du  légataire  depuis  27  ans  [Dixon 
c.  Dixon^)  ou  depuis  16  ans  [Mainwaring  c.  Baxter^),  la 
cour  présuma  que  l'intéressé  était  mort.  Mais,  dans  d'au- 
tres espèces,  la  Cour  a  exigé  que  les  héritiers  du  légataire 
donnent  caution  pour  garantir  la  restitution  du  legs  si 
l'absent  réparaissait  [Bailey  c.  Hammond^).  Les  héritiers 
du  légataire  absent  peuvent  cependant  éviter  cette  obli- 
gation en  consignant  le  montant  du  legs  entre  les  mains 
an  pay  mas  ter  gênerai  de  la  Haute-Cour*. 

S'il  s'agit  de  faire  des  réparations  urgentes  aux  immeu- 
bles de  Tabsent,  la  théorie  générale  de  la  negotiorum 
gestio  facilitera  les  mesures  que  croira  devoir  prendre 
l'héritier  présomptif  ou  le  plus  proche  parent.  Celui  qui  agit 
ainsi  de  sa  propre  initiative  encourt  toutefois  les  responsa- 
bilités de  Yexeciitor  de  son  tort''. 

6  3  Bro.,  C.  C,  510  c.  52),  dont  lai-t.  'iii,  prévoyait  une 

6  5  Ves.    458.  consignation  dans  les  caisses  de  la 

-7  V        eion  Banque  d'Angleterre. 

7  7  >es.,  590.  9  YQij.  ^,^5  ^^-^^  ^^  g  ,qjq  ^^  ^^ 

*  Voir,  sur  ce  point,  le  Trustée  \Villiam<«,  Law  of  executors  and 
act,  1890  (sect.  42),  qui  a  remplacé  administralors,  lO'  édit.,  1905; 
le  Legacy  Duty    «c((36,  Geo.  III,        1"'  vol.,  p.  183  et  s. 


32  DE   LA    MINORITE  ET   DE    LA   TUTELLE 

En  dehors  de  ces  cas  et  d'autres  du  même  genre,  la  Cour 
ne  nommera  un  administrateur  que  s'il  y  a  présomption 
de  morf .  D'après  le  common  laiv,  le  jury  peut  dire  que 
celte  présomption  existe  sept  ans  après  les  dernières  nou- 
velles. Mais  il  n'y  a  pas  de  délai  légal*'.  Si  la  présomption 
est  admise,  et  que  celui  qui  l'a  fait  valoir  n'a  pas  les  qua- 
litésrequises  pour  pouvoir  être  nommé  administrateurlégal, 
il  est  possible  que  la  Cour  lui  confère  de  simples  lettres 
ad  colligendinn,  qui  lui  donnent  pouvoir  pour  loucher  les 
intérêts  et  les  dettes  et  exercer  une  sauvegarde  générale 
sur  la  propriété'". 

CHAPITRE  III 
De  la  minorité  et  de  la  tutelle. 

I 
De  la  minorité  et  de  l'incapacité  qu'elle  entraîne. 

Sommaire  :  60.  Notion  ;  émanci]jalion  ;  âge  de  discernement.  —  61.  Jour 
où  s'accomplit  la  majorité.  —  62.  Privilège  des  mineurs.  —  63.  Do- 
nations, dettes.  —  64.  ('entrât  de  mariage.  —  65.  Testament.  —  66. 
Legs  fait  à  un  mineur.  —  67.  Emploi  de  ses  revenus. 

60.  —  En  Angleterre,  l'âge  de  la  majorité,  c'est-à-dire 
de  la  pleine  capacité  juridique,  est  fixé  comme  en  France 
à  vingt  et  un  ans,  Nous  ne  trouvons  rien  dans  les  lois 
anglaises  qui  corresponde  exactement  ni  à  l'émancipa- 
lion  du  droit  français,  ni  à  la  déclaration  anticipée  de  ma- 
jorité des  droits  suisse  et  germanique.  Toutefois  le  mineur 
ne  demeure  pas  également  incapable  pendant  toute  la  pé- 
riode qui  s'étend  entre  sa  naissance  et  sa  vingt  et  unième 

^^ InthegoodsofUuUon,\Q.aT\..,       et  Tr.,  508. 
595.  12  Cf.  Williams,  loc.  vit.,i«''  vol., 

"  In  the  goods  of  Smith, 2  S\v.       p.  355. 


DE    LA   MINORITl':  33 

année  révolue.  A  l'âge  de  quatorze  ans,  il  atleint  l'âge  de 
discernement,  peut  choisir  son  tuteur,  et  a  même  la  fa- 
culté de  donner  ou  de  refuser  son  consentement  pour  le 
mariage  et  de  disposer  de  son  mobilier  par  testament; 
cette  double  faculté  appartient  aux  filles  dès  l'âge  de 
•douze  ans.  A  l'âge  de  dix-sept  ans,  le  mineur  de  l'un  ou 
de  l'autre  sexe  peut  être  exécuteur  testamentaire;  néan- 
moins, s'il  a  été  désigné  seul  à  cet  effet  par  le  testateur,  il 
n'est  pas  admis  à  exercer  son  office  durant  sa  minorité  : 
c'estson  tuteur,  ou  telle  autre  personne  désignée  par  la  cour 
of  Probate  [administrator  durante  minore  œtate)^  qui 
administre,  en  ses  lieu  et  place,  les  biens  du  défunt  '. 

61.  —  Par  une  bizarrerie  qu'il  convient  de  mentionner, 
l'âge  de  la  majorité  est  réputé  accompli,  non  le  jour  anni- 
versaire de  la  naissance  du  mineur,  mais  la  veille  de  ce 
jour.  Ainsi,  un  homme  né  le  1"  janvier  1860  devient 
majeur  et  peut  contracter  valablement  dès  le  31  décembre 
1880  au  matin,  bien  qu'il  s'enfaille  de  près  de  vingt-quatre 
heures  qu'il  ait  vingt  et  un  ans.  On  en  donne  pour  raison 
que  la  loi  ne  connaît  pas  de  fraction  de  jour.  Or,  si  la 
naissance  avait  eu  lieu  à  la  première  seconde  de  janvier  et 
que  l'acte  fût  de  la  dernière  seconde  de  décembre,  les 
vingt  et  un  ans  eussent  été  complets  ;  et,  pour  la  loi,  il  re- 
vient au  même  qu'une  chose  ait  été  faite  dans  tel  moment 
du  jour  ou  dans  tel  autre.  Nous  donnons  cette  argumen- 
tation pour  ce  qu'elle  vaut  -. 

62.  —  Les  mineurs  ont  divers  privilèges,  et  subissent 
diverses  incapacités  dont  on  a  pu  dire  qu'elles  sont  égale- 
ment des  privilèges,  puisqu'elles  ont  pour  but  de  les  pré- 
munir contre  leur  propre  imprévoyance. 

'  St.  :i8,  Geo.  m,  c.  87,  §  6.  rnond,  Reports.  480,  1096;    Black- 

-   Salkend,    44,  025;  Lord  Ray-       .stone,  éd.  fr.,  11,  p.  25y,  n.  1. 

Lkhr.  3 


34  DE  LA   MINORITÉ 

On  ne  peut  les  poursuivre  en  justice  qu'à  la  condition 
de  mettre  simultanément  en  cause  leur  tuteur,  car  c'est  lui 
qui  doit  les  défendre  contre  toute  attaque  judiciaire  ou 
autre ^  Mais,  s'il  s'agit  d'intenter  une  action,  le  mineur 
peut  le  faire  soit  par  son  tuteur,  soit  par  un  prochein  amy 
autre  que  son  tuteur;  ce  prochein  amy  peut  être  toule 
personne  disposée  à  se  charger  de  la  cause  du  mineur,  au 
besoin  contre  le  tuteur  lui-même.  La  minorité  suspend,  au 
profit  du  mineur,  le  cours  de  la  prescription  (Cpr.  n*"  356, 
824). 

63.  —  Toule  donation  faite  par  un  mineur  est  annula- 
ble*. Il  en  est  de  même  de  tout  acte  d'aliénation  relatif  à 
un  immeuble.  Quant  aux  dettes  contractées  ou  aux  conven- 
tions passées  par  un  mineur,  elles  étaient  jusqu'en  1874 
simplement  annulables  et  susceptibles  d'une  ratification 
écrite,  une  fois  la  majorité  accomplie^  La  législation  a  été 
changée  à  cet  égard  par  le  InfanCs  Relief  act  du  7  août 
1874  (St.  37  et  38,  Vict.,  c.  62).  Cette  nouvelle  loi  déclare 
absolument  nuls  tous  contrats,  scellés  ou  non,  faits  par  des 
mineurs  et  tendant  à  les  obliger  à  rembourser  un  prêt  d'ar- 
gent ou  à  payer  des  marchandises;  il  n'y  a  d'exception 
que  pour  les  fournitures  indispensables  (§  1).  La  loi  refuse,, 
en  outre,  toute  action  contre  celui  qui  a  ratifié,  étant  ma- 
jeur, une  dette  contractée  pendant  sa  minorité,  encore 
que  cette  ratification  ail  été  déterminée  par  une  nouvelle 
considération  survenue  depuis  la  majorité  (§  2).  La  consé- 
quence logique,  c'est  que  le  mineur,  même  commerçant,  ne 
peut  être  mis  en  faillite  :  il  n'est  pas  plus  lié  par  les  contrats 
qu'il  peut  avoir  souscrits  à  ce  titre  que  par  tous  autres^ 

3  Co.  Litt..  135.  f-Belton  c.  Hodges,9  r.ing.,365, 

4  Bacoa,    Abridg.,  lit.  lafancy  TiO\  Dilk  c.  KeighleiJ,2EsY>.,k%0\ 
(I,  3).  Loice  c.  Grifjîth,  1  Scott,  458. 

5  .St.  9,  Geo.  IV,  c.  14,  g  5. 


DE  LA   MINORITE  35 

64.  —  Néanmoins,  d'après  le  St.  18  et  19,  Vicl.,  c.  43, 
tout  mineur  de  vingt  ans,  si  c'est  un  garçon,  et  de  dix-sept, 
pi  c'est  une  fille,  peut  faire  un  contrat  de  mariage  avec 
tous  les  settlementa  qu'il  comporte,  qu'il  s'agisse  de  meu- 
bles ou  d'immeubles,  sous  la  seule  condition  d'obtenir  l'ho- 
mologation de  la  division  de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour 
(Cpr.  n°  184). 

65.  — Un  mineur  ne  peut  disposer  par  testament''  ni  de 
ses  meubles,  ni  de  ses  immeubles.  Toutefois,  en  vertu  de 
plusieurs  lois  récentes,  notamment  du  St.  46  et  47,  Vict., 
c.  47,  §  5,  il  a  le  droit,  une  fois  qu'il  a  seize  ans  révolus,  de 
disposer  à  cause  de  mort,  en  la  forme  et  sous  les  condi- 
tions prévues  par  ces  lois,  du  solde  actif  qui  lui  revient 
dans  une  caisse  d'épargne,  pourvu  que  la  somme  ne  dé- 
passe pas  100  livres  (Cpr.  n°  852). 

66. — Quand  un  legs  a  été  fait  à  un  mineur,  l'exécuteur 
testamentaire  ne  peut  en  obtenir  bonne  et  valable  quittance 
qu'en  en  versant  le  montant,  déduction  faite  des  droits, 
à  la  Banque  d'Angleterre  au  compte  du  légataire;  il  avise  en 
même  temps  le  paymaster  gênerai,  qui  exerce  depuis  quel- 
ques années  à  cet  égard  les  attributions  antérieures  de  Vac- 
countant  gênerai  près  la  cour  de  Chancellerie*,  et  ce  fonc- 
tionnaire consacre  les  fonds  à  l'achat  de  consolidés,  dont 
les  titres  et  les  revenus  sont  remis  ensuite  à  l'ayant-droit 
ou  employés  à  son  profit  suivant  les  directions  de  la  divi- 
sion de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour'. 

67.  —  Cette  division  peut,  si  elle  le  juge  à  propos,  or- 
donner qu'une  partie  des  revenus  du  mineuret  notamment 
de  ses  rentes  sur  l'État  seront  affectés  à  son  éducation  et 
à  son  entretien'". 

T  st.  1.  Vict.,  c.  26.  10  St.l  1,  Geo.  IV  et  1,  fiuil.  IV, 

«  St.  35  et  36,  Vict.,  c.  4'».  c.  65,  §  32. 

»  St.  36,  Geo.  III,  c.  52,  §  .32. 


36  DE   LA    TUTELLE    DES    MINEURS 


De   la   tutelle   des  mineurs. 

Sommaire  :  68.  Tutelle  du  père  ;  tutelle  testamentaire.  —  69.  Tutelle  de  la 
mère.  —  70.  Tutelle  dative.  —  71.  Droit  primordial  des  parents  ;  faculté 
pour  la  cour  de  les  exclure  ou  d'exiger  des  sûretés.  —  72.  Fonctions  du 
tuteur.  —  73.  Mariage  des  pupilles  de  la  cour.  —  74.  Comptes  de  tu- 
telle. 

68.  —  La  tutelle  des  mineurs  appartient,  en  première 
ligne  et  par  droit  de  nature,  à  leur  père  légitime.  Le  père, 
bien  que  mineur  lui-même,  a  la  faculté  de  désigner,  par  ûfe«?fl? 
ou  par  testament,  un  tuteur  à  ses  enfants  mineurs''  ;  depuis 
le  WiWs  ad  (1,  Vict.,  c.  26),  les  mineurs  ne  peuvent  plus 
tester,  mais  le  père  reste  maître  de  nommer  le  tuteur  par 
deed;  le  tuteur  ainsi  nommé,  et  qu'on  appelle  générale- 
ment tuteur  testamentaire,  quel  que  soit  l'acte  renfermant 
sa  nomination,  a,  par  rapport  à  ses  pupilles,  le  caractère 
d'un  trustée^  et  il  s'ensuit  que  les  règles  sur  la  prescription 
sont  inapplicables  aux  comptes  pendants  entre  lui  et  eux'-. 
Le  père  peut,  en  outre,  renoncer  à  ces  droits  naturels  de 
gardiennage  et  en  investir  un  tiers,  qui  se  trouve  alors 
absolument  substitué  à  lui. 

69.  ~  A  défaut  du  père,  et  lorsque  le  père  n'a  pas  dé- 
signé d'autre  tuteur  en  son  lieu  et  place,  c'est  à  la  mère 
qu'appartient  de  plein  droit  la  tutelle.  Elle  n'a  pas,  comme 
le  père,  le  droit  de  donner  un  tuteur  à  ses  enfants  par  deed 
ou  par  testament'^  ;  mais,  d'après  le  St.  36  et  37,  Vict., 
c.  12,  la  cour  de  Chancellerie  peut  donner  à  la  mère,  par 
préférence  au  père  lui-même,  la  garde  des  enfants  âgés  de 
moins  de  seize  ans,  si  elle  estime  que  c'està  leur  avantage. 

'«  St.  12,  Car.  II,  c.  24.  «3  Villareal  c.  Meîlish,2  Sw.. 

1 2  Matliewc.  Brise,  14  Bea  v. ,  341 .       536. 


DE   LA  TUTELLE    DES  MLXEURS  37 

70.  —  A  défaut  de  père,  de  mère  et  de  tuteur  testamen- 
taire pouvant  ou  voulant  accepter  cette  charge,  le  mineur 
choisit  lui-même  son  tuteur;  ou  bien  la  cour  de  Chancel- 
lerie, agissant  au  nom  du  souveraim,  qui  est  le  protec- 
teur-né des  incapables  et  des  abandonnés,  nomme  un 
tuteur  datif.  C'est  là  un  acte  de  sa  juridiction  générale, 
susceptible  d'être  porté  par  voie  d'appel  devant  la  cham- 
bre des  Lords.  La  cour  devient  compétente  lorsqu'une  ac- 
tion est  introduite  devant  elle  relativement  à  la  personne 
ou  au  patrimoine  d'un  mineur:  l'enfant,  qu'il  soit  deman- 
deur ou  défendeur,  devient  immédiatement  et  parla  même 
«  pupille  de  la  cour  »,  encore  qu^il  ait  son  père  ou  un  tu- 
teur testamentaire.  Mais  la  cour  peut  également  se  nantir 
d'une  tutelle,  indépendamment  de  tout  procès,  en  vertu 
d'un  order  for  maintenance^^  ou  sur  pétition  d'après  le 
Ctistody  of  Infants  act  de  1873".  Sauf  des  cas  tout  excep- 
tionnels, elle  ne  procède  à  la  nomination  d'un  tuteur  qu'au- 
tant que  le  mineur  a  des  biens  à  gérer. 

71.  —  La  loi  attribue,  en  toute  première  ligne,  aux  pa- 
rents la  garde  et  l'éducation  de  leurs  enfants,  parce  qu'elle 
estime  qu'ils  y  apporteront  plus  d'affection  et  d'intelli- 
gente sollicitude  qu'un  étranger.  Si  la  cour  de  Chancelle- 
rie a  fie  justes  motifs  de  penser  qu'ils  ne  s'acquittent  pas 
à  cet  égard  de  leurs  devoirs  naturels  et  légaux  et  que 
leurs  enfants  courent  entre  leurs  mains  de  sérieux  dan- 
gers, elle  a  le  droit  d'intervenir,  d'enlever  à  des  parents 
indignes  le  gardiennage  de  leurs  enfants  mineurs  et  d'en 
charger  un  étranger,  en  vertu  de  ce  principe  que  «  la  jus- 
tice préventive  vaut  mieux  que  la  justice  répressive'^  ». 


'*  7n  re  Grro/ia)»,  L.  R.,  10  Eq.,  "■-    WeUesley     c.    BeaufoH,    2 

530.  Russ.,  21;    Ex  parte  Mountford, 

'8  St.  36  et  37,  Vict.,  c.  12.  15  Ves.,  445. 


38  DE   LA.  TUTELLE    DES    MLNEURS 

Mais  il  ne  suffirait  pas,  pour  pouvoir  priver  les  parents 
de  leurs  droits,  de  certaines  appréhensions  vagues  fon- 
dées sur  la  mauvaise  gestion  de  leurs  propres  affaires  ou 
sur  la  légèreté  de  leur  conduite.  Il  faut  que  les  enfants  cou- 
rent, dans  leur  personne  ou  dans  leurs  biens,  un  danger 
imminent  '". 

Lorsqu'un  tuteur  veut  soustraire  son  pupille  à  la  juridic- 
tion de  la  cour  et  que  celle-ci  a  lieu  de  craindre  quelque 
préjudice  pour  la  personne  ou  les  biens  du  mineur,  elle 
peut  exiger  des  sûretés  du  tuteur  avant  de  le  relever  delà 
surveillance  qu'elle  exerçait  sur  lui '^ 

72.  —  En  ce  qui  concerne  la  personne  de  son  pupille, 
le  tuteur  a  le  droit  de  déterminer  la  manière  dont  il  sera 
élevé  et  le  lieu  où  il  doit  faire  son  éducation.  La  cour  lui 
prête  main-forte,  s'il  y  a  lieu  *\ 

Quant  aux  biens,  le  tuteur,  simple  administrateur,  n'a 
pas  en  général  qualité  pour  les  dénaturer,  et  notamment 
pour  convertir  les  meubles  en  immeubles  ou  vice  versa, 
un  semblable  changement  étant  de  nature  à  affecter  les 
droits  non  seulement  du  pupille,  mais  encore  des  succes- 
seurs éventuels  de  ce  pupille.  Toutefois,  si,  à  raison  de 
circonstances  spéciales,  telles  que  des  réparations  urgen- 
tes à  faire  à  un  bâtiment,  le  changement  paraissait  con- 
forme aux  véritables  intérêts  du  pupille,  la  cour  de  Chan- 
cellerie pourrait  autoriser  le  tuteur  à  l'opérer  "'";  mais  elle 
prescrirait,  en  même  temps,  les  mesures  nécessaires  pour 
que  la  transformation  du  patrimoine  ne  modifie  en  rien  Ja 


»'  Kiffin  c.   Kiffin,  1     P.    W.,  'o    Hall  c.    Hall,  3   Alk.,    721; 

705;  SheUeij  c.  Westbrooke,  Jac,  Tremain's  case,  1  Str.,  167. 

266  n;  Grueze  c.  Hunier,  2  Cox,  242;  ao  Ex  parte  Grimstone,  4  Bro. 

Whiffield  c.  Haie.,,  12  Ves.,  492.  q.  C,  n.  235;   Vernon  c.  Vernon, 

>8  liigtjs  c.  Terry,  1  My.  et  Cr.,  ^^^^  ^^^^  y  Ves.  jun.,  456. 

675.  •' 


DE   LA    TLTIU.F.E   DES    MINEURS  39 

situation  respective  des  successeurs'',  dans  le  cas  où  le 
pupille  mourrait  avant  sa  majorité. 

La  tutelle  est  une  charge  gratuite;  mais,  lorsque  la  jus- 
tice ne  trouve  personne  qui  veuille  l'accepter,  elle  peut 
nommer  un  administrateur,  salarié  en  proportion  des  re- 
venus. 

73.  —  Les  pupilles  de  la  cour  ne  peuvent  se  marier 
qu'avec  son  consentement".  L'homme  qui,  sans  l'avoir 
obtenu,  épouserait  une  pupille  de  la  cour,  s'exposerait, 
avec  toutes  les  personnes  qui  l'y  auraient  assisté,  à  la  peine 
de  l'emprisonnement  pour  ofTense  à  la  cour  [contempt  of 
court)  ^*,  Si  la  cour  a  lieu  de  craindre  qu'une  de  ses  pupil- 
les ne  fasse,  sans  prendre  son  avis,  un  mariage  peu  con- 
venable, elle  peut  tout  à  la  fois  s'y  opposer  et  interdire 
toute  communication  entre  la  jeune  fille  et  son  prétendant; 
son  droit  irait  même,  si  le  tuteur  était  suspect  de  conni- 
vence, jusqu'à  enlèvera  ce  dernier  Ja  garde  de  sa  pupille^*. 

Ilabiluellemenl  la  cour  intervient  aussi  dans  le  mariage 
de  ses  pupilles  pour  décider  quelles  conventions  matrimo- 
niales doivent  être  faites  en  leur  faveur  el  pour  obliger  le 
futur  ou  l'époux  à  se  prêter  à  ce  qu'elle  juge  convenable 
de  prescrire  vu  la  situation  des  parties. 

D'après  le  Marriage  act  (St.  4,  Geo.  IV,  c.  76),  le  tu- 
teur d'un  mineur  qui  s'est  marié  sans  son  consentement 
peut  obtenir,  contre  la  partie  qui  a  amené  la  célébration 
du  mariage  en  affirmant  faussement  l'existence  de  ce  con- 
sentement, une  déclaration  of  forfciture^  emportant  pour 
elle  déchéance  de  tout  avantage  sur  les  biens  de  l'autre 


■!«  Ware  c.  Polhill,  11  Ves.,  278;  23  Ex2)arle  Mitchell,  2  Atlc.,  113. 

Fosler  t.Foster,  L.  R.,  1  Ch.  Div.,  21  Lord  fiaijmond'.s  case,  cns.  t. 

588.  Talbot,  58;  lombes  c.  Elers,  iMck, 

22  Smith  c.  Smitit,  5  Atk.,  305.  88. 


40       DES   PERSONNES   ATTEINTES    D'ALIENATION    MENTALE 

époux  ;  et,  de  son  côté,  la  cour  peut  exiger  un  seulement  au 
profit  soit  de  l'époux  innocent,  soit  des  enfants  à  naître  ^^ . 
74.  —  Lorsque  le  pupille  atteint  sa  majorité,  le  tuteur 
est  tenu  de  lui  rendre  compte  de  son  administration,  et 
il  est  responsable  envers  lui  de  toutes  les  pertes  prove- 
nant de  sa  faute  ou  de  sa  négligence.    Mais  le   rôle    de 
surveillant  général  des  tutelles  que  la  loi  attribue  au  lord 
chancelier   permet  aux    tuteurs    de  se  décharger    assez 
aisément  de  la  lourde  responsabilité  qui  pèse  sur  eux. 
Il  suffit  pour  cela  qu'ils  se  placent  sous  la  garantie  de  la 
cour   de  Chancellerie,    agissent  sous  sa  direction  et  lui 
rendent  un  compte  annuel  de  leur  gestion.    L'organisa- 
tion anglaise  de  la  tutelle  présente,  on  le  voit,  de  grandes 
analogies    avec   \' Obervormundschaft  du    droit    germa- 
nique;   et,    par    les   pouvoirs   étendus  qu'exerce  la  cour 
de  Chancellerie,  cette  tutelle  se  rapproche  bien  plus  de  la 
tutelle  de  l'autorité  [obrichkeitliche  Vormiindschaft)  des 
Allemands  que  de  la  tutelle  de  famille  du  droit  français. 

CHAPITRE  IV 

Des   personnes   atteintes  d'aliénation  mentale. 

S0.MMAIKE  :  75.  Lunatiques,  idiots,  sourds,  muets,  aveugles;  prodigues; 
faibles  d'esprit.  —  76.  Droits  du  chancelier.  —77.  Organisation  moderne. 
—  77  bis.  Internement  des  aliénés.  —  77  ter.  Législation  spéciale  à 
ITrlande  ;  aliénés  criminels.  —  78.  Commission  de  tutelle.  —  79.  In- 
capacité des  aliénés.  —  80.  Mariage. 

75.  —  Les  aliénés  sont  désignés  de  vieille  date,  dans 
la  législation  anglaise,  sous  le  nom  de  lunatiques  et 
d'idiots,  qui  correspond  à  ce  que  nous  appelons  en  France 
la  démence  et  l'imbécillité. 

26  SLl9et  20,  Vict.  c.  119,  §19;  Att.-gen.c.  Read.,  L.  R.,  12Eq.,38. 


DKS    PERSONNES    ATTEINTES   D'ALIÉNATION    MENTALE       41 

En  droit  commun,  personne   ne  pouvait  être  privé  de 
la  libre  disposition  de  ses  biens  qu'en  suite  du  verdict 
d'un  jury'.    Cette  règle   a    été   maintenue    jusqu'à    nos 
jours.  Pour  qu'un  individu  soit  frappé  d'incapacité  pour 
cause  d'imbécillité  ou  de  démence,  il  faut   que  son  état 
mental  ait  élé  constaté  par  le  verdict  d'un  jury,  à  la  suite 
d'une  enquête  de   limatico    inquirendo  faite  devant,  un 
master  in   lunacij^  ou,  si    cet  état  est  trop  patent  pour 
qu'il  soit  nécessaire  de  consulter  un  jury,  par  un  certi- 
ficat d'un   master    in   liinacy  ^   Les    individus   sourds, 
muets  et  aveugles  de   naissance,  c'est-à-dire  privés  à  la 
fois  de  tous  les    sens   essentiels,  sont  réputés    de   plein 
droit  idiots^.    Au  contraire,  la  prodigalité  n'a  jamais  été 
assimilée  en  Angleterre  à  l'aliénation  mentale*.  De  même 
les  faibles  d'esprit,  dont  l'état  mental  n'est  pas  de  nature 
à  justifier  un   verdict  ou  un   certificat  d'insanité  propre- 
ment dite,  ne  peuvent  être  ni  restreints  dans  leur  liberté 
de  disposition  ni  protégés  contre  l'abus  qu'ils  eu  feraient, 
sauf,  bien  entendu,  le  cas  où  la  partie    adverse    aurait 
frauduleusement  spéculé  sur  leur    manque  d'intelligence 
pour  leur  faire  souscrire  un   contrat  léonin  ;   rien  ne  les 
empêche,   du  reste,   de   remettre  leurs  immeubles   entre 
les  mains  de  trustées^. 

76.  —  Dès  le  moyen-âge,  le  roi  s'est  déclaré  le  pro- 
tecteur des  aliénés  et  a  manifesté  sa  volonté  de  pourvoira 
la  garde  et  à  l'entretien  de  leurs  personnes  et  à  la  con- 
servation de  leurs  biens ^  C'est  au  lord  chancelier  que 
cette  double    mission   a  été  déléguée,  et   il  en  est   resté 


i  4  Rep.,  127;  8  Rep.,  170;  cpr.  3  Co.  Litt..  42;  Flela.L  VI,  c.  40. 

12  Ves.,  449.  *  Brooke,  Abridy.,  tit.  Idiot'i,  4. 

*  Lunacy  régulation  act  de  185.S  ^  Paterson,  Comp.,  802. 

(St.  16  et  17,  Vict.,  c.  70),  §§  42,  43.  6  St.  17,  Ed.  II,  c.  10. 


42       DES   PERSONNES  ATTEINTES    D'ALIÉNATION   MENTALE 

investi  jusqu'à  nos  jours.  Il  est  à  remarquer  qu'il  a  été 
chargé  de  la  surveillance  des  aliénés,  non  comme  prési- 
dent de  la  cour  de  Chancellerie,  mais  comme  l'un  des 
plus  hauts  dignitaires  du  royaume.  La  cour  de  Chancel- 
lerie, qui  a  toujours  été  et  de  très  vieille  date  la  tutrice 
des  mineurs,  n'a  jamais  eu  directement  aucune  juridic- 
lion  analogue  relativement  aux  aliénés.  Toutefois  la  cir- 
constance accidentelle  que  le  chancelier  était  non  seu- 
lement l'un  des  premiers  officiers  de  la  couronne,  mais 
encore  un  magistrat,  forcément  rompu,  comme  chef  de  la 
cour  de  Chancellerie,  à  la  pratique  du  droit,  ne  contribua 
certainement  pas  peu  à  fixer  sur  sa  tête  ces  attributions 
spéciales,  et  l'on  finit  par  considérer  qu'il  les  exerçait 
au  moins  autant  en  sa  seconde  qualité  qu'en  la  première. 
77.  —  Aussi,  peu  de  temps  après  que  le  St.  14  et  15, 
Vict.,  c.  83,  eut  institué  à  la  cour  de  Chancellerie  des 
Lords  Justices  pour  suppléer  le  chancelier  dans  les  attri- 
butions judiciaires  qui  l'écrasaient,  un  warrant  délivré 
par  la  reine  à  chacun  des  nouveaux  magistrats  les  char- 
gea-t-il,  concurremment  avec  le  chancelier,  des  intérêts 
des  aliénés;  et,  deux  ans  plus  lard,  le  Liinacy  régulation 
act  de  l8o3  confirma  expressément  leur  mission  à  cet 
égard.  Lorsque  les  lois  sur  l'organisation  judiciaire  de 
4873-75  firent  entrer  les  Lords  Justices^  avec  d'autres  ma- 
gistrats, dans  la  nouvelle  Cour  d'appel,  le  §  7  delà  loi  de 
1875  décida  expressément  que  les  pouvoirs  impartis  Iwi- 
(\\i  dXoY's,  d.\x\  Lords  Justices  delà  cour  de  Chancellerie  sur  la 
personne  et  les  biens  des  aliénés  continueraient  à  être  exer- 
cés parles  magistrats  qui  s'en  trouvaient  personnellement 
investis  à  ce  moment,  et  le  seraient  à  l'avenir  par  ceux  des 
juges  delà  Haule-Cour  ou  de  la  Cour  d'appel  que  lareine 
jugerait  à  propos  d'en  investir  par  un  ordre  spécial. 


DES    PI-:HS0.N.\ES   atteintes   D'ALIENATION   MENTALE        43 

77  bis.  —  La  question  des  conditions  d'internement  des 
aliénés  a  préoccupé  l'esprit  public  en  Angleterre,  comme 
dans  les  autres  pays,  et  s'est  trouvée  approximativement 
résolue  par  deux  lois  de  1890^  et  de  1891*.  Aux  termes  de 
ces  lois,  un  individu  ne  peut  être  séquestré  dans  un  asile 
public  qu'en  vertu  d'une  ordonnance  émanée,  soit  au  jus- 
tice of  peace  du  comté,  soit  d'un  magistrat  de  l'ordre  ju- 
diciaire. Cette  ordonnance  s'obtient  par  voie  de  requête; 
mais  la  partie  requérante  doit  justifier  sa  demande  de  sé- 
questration par  l'indication  des  faits  de  démence  constatés, 
et  par  la  production  d'un  certificat  médical  signé  de  deux 
praticiens". 

On  voit  par  là  que  l'Angleterre  repousse  le  principe  de 
la  séquestration  volontaire,  appliquée  chez  nous  à  côté  de 
la  séquestration  d'office.  La  séquestration  d'office  elle- 
même  ne  peut  être  le  fait  d'une  simple  mesure  adminis- 
trative comme  dans  notre  loi  du  30  juin  1838;  elle  doit 
être  prescrite  par  un  acte  de  juridiction. 

Exception  à  cette  nouvelle  règle  est  cependant  admise 
pour  les  indigents  et  pour  les  personnes  dont  l'état  de  dé- 
mence a  été  démontré  par  l'enquête  t/e  lunalico  inquirendo. 

La  loi  admet  des  asiles  privés  pour  les  aliénés,  à  côté 
des  asiles  publics.  Mais  les  conditions  d'ouverture  d'un 
asile  privé  sont  devenues  particulièrement  rigoureuses 
depuis  la  loi  de  1890,  et  sont  toujours  subordonnées  à  l'ob- 
tention d'une  licence.  A  côté  des  asiles  d'aliénés  se  placent 
en  Angleterre  les  asiles  privés  pour  les  ivrognes.  Ces  asiles 
ne  peuvent  également  être  ouverts  qu'en  vertu  d'une  licence 
spéciale  *". 


^   St.  53  et  54,  Vict.,  c.5.  loi  de  18^,  V Annuaire  de  législa- 

*  St.  54  et  55,  Vict.,  c.  (55.  tion  étrangère,  t.  XX,  p.  15. 

'J  Voir,  pour  le  le.\te  même  de  la  '"  St.  51  et  52,  Vict.,  c.  19. 


44        DES    PERSONNES  ATTEINTES  Û-ALIENATION  MENTALE 

77  ter.  —  Une  loi  du  17  août  1901 '',  spéciale  à  Tir- 
lande,  a  généralisé  le  principe  existant  déjà  en  Angleterre 
et  d'après  lequel  un  aliéné  criminel  considéré  comme  guéri 
peut  être  mis  en  liberté  provisoire.  Le  Lord  lieutenant  doit 
être  tenu  au  courant  de  ses  actes  et  peut  révoquer  sa  libé- 
ration conditionnelle  s'il  y  a  lieu.  Ce  texte  a  heureusement 
mis  fin  à  l'élat  antérieur,  où  il  n'y  avait  de  choix  qu'entre 
le  maintien  de  l'internement  et  la  Ubération  définitive. 

78.  —  Lorsque  l'aliénation  mentale  d'une  personne  a 
été  régulièrement  constatée,  le  chanceherou  les  magistrats 
qui  lui  sont  associés  pour  cet  office  instituent  une  commis- 
sion [commitee)  pour  veiller  sur  la  personne  et  sur  les  biens 
de  l'aliéné. 

Tout  aliéné  doit  être  visité  au  moins  une  fois  par  an  par 
l'un  des  visitors  in  lunacy  '". 

79.  — Les  aliénés  ne  peuvent  valablement  s'obliger  ni 
disposer  de  leurs  biens.  Toute  donation  faite  par  eux  est 
radicalement  nulle  *^  Poursuivis  à  raison  d'un  contrat  par 
eux  souscrit,  ils  peuvent  faire  valoir  leur  état  mental 
comme  une  fin  de  non  recevoir  {defence)  ;  et  ils  n'ont  pas 
besoin,  bien  qu'ils  en  aient  la  faculté,  de  s'adresser  à  une 
cour  pourfaire  annuler  un  deed  ou  autre  document  fait  par 
eux  en  état  de  démence  ou  d'imbécillité. 

80.  —  D'autre  part,  le  mariage  auquel  un  aliéné  s'est 
prêté  est  nul  lorsque,  ayant  été  reconnu  malade  d'esprit 
en  la  forme  légale,  il  le  contracte  avantque  le  lord  chance- 
lier ou  la  majorité  delà  commission  qui  lui  sert  de  tuteur 
ait  déclaré  qu'il  a  recouvré  l'usage  de  sa  raison. 

"  Lunacy  A  et  1901  {An  act  to  nuaire  de    législation  étrangère, 

amend  the  lato  relating  to  luna-  t.  XXI,  p.  9. 

tics  in  Ireland),  St.  1,  Edw.  VII,  12  St.  16  etl7,  Vict.,  c.70,S5  104, 

c.  17.  Voir  la  traduction  et  la  notice  »3  Bacon,  Abridg.,û{.  Idiots  and 

de  M.   Paul   Baillière  dans   Y  An-  lunatics{F). 


SECTION     TROISIÈME 

DU  MARIAGE  AU  POINT  DE  VUE  DU  LIEN 
PERSONNEL    QU'IL   CRÉE    ENTRE   LES    ÉPOUX. 

CHAPITRE  1 
De  la  célébration  du  mariage  '. 

INTRODUCTION   HISTORIQUE. 

81.  —  Dans  les  anciens  temps,  il  est  probable  qu'en 
Angleterre  le  consentement  mutuel  suffit  pour  constituer 
le  mariage  et  qu'on  observa  les  règles  prescrites  par  le 
droit  canonique.  Plus  tard,  à  une  époque  que  nous  ne  sau- 
rions préciser,  il  fallut,  en  outre,  que  le  mariage  eût 
été  constaté  devant  un  ministre  du  culte  régulièrement 
ordonné.  On  sait  que  l'institution  a  passé  par  les  mêmes 
phases  dans  les  pays  de  droit  germanique. 

Toutefois,  la  nécessité  de  l'intervention  d'un  prêtre,  en 
supposant  même  qu'elle  fût  sanctionnée  par  la  loi,  —  ce 
qui  a  été  contesté,  —  n'en  laissait  pas  moins  aux  parties, 


1  J.-G.  Colfavru,  iJu  mariage  et  ls79,  p.  89  et  sui?.;  Ernest  Lehr, 

du  contrat  de  mariage  en  Angle-  Le  mariage,  le  divorce  et  la  sépa- 

terre  et    aux   États-Unis,    Paris,  ratîon  de  corps,  Paris,  1899,  p.  207 

1868;    Mémoire   de    M.   R.  Gonse  et  suiv.;  Einest  Roguin,  rraite  de 

dans  le  Bull,  de  la  Soc.  de  législ,  droit  civil  comparé,  t.  I,  Le  ma- 

comp.,  t.    V,   p.   &i;    Glasson,  Le  riage,  Paris,  1904. 
Mariage  oivil  et  le  Divorce,  Paris, 


4G  DE   LA   CÉLÉBRATION   DU    MARIAGE 

pour  la  célébration  des  mariages,  une  liberté  difficile  à 
justifier  en  une  matière  aussi  grave.  Aucune  publicité 
n'était  requise;  le  consentement  des  pareats  n'était  pas 
indispensable;  il  suffisait  que  les  futurs  époux  échangeas- 
sent le  leur  devant  un  ecclésiastique  de  rencontre,  pour 
se  trouver  liés  d'une  manière  aussi  irrévocable  que  si 
leur  union  avait  été  célébrée  avec  toutes  les  solennités  du 
rituel  officiel. 

Les  abus  devinrent  tellement  criants  qu'en  Tannée  1753, 
sous  le  règne  de  George  II,  un  bill^  présenté  par  le  chan- 
celier lord  Hardwicke,  fit  déclarer  nuls  tous  les  mariages 
qui  seraient  célébrés  autrement  que  devant  un  ministre  de 
l'Église  anglicane  et  conformément  au  cérémonial  réglé 
par  cette  Église.  La  loi  dont  il  s'agit  (St.  26,  Geo.  II, 
c.  33)  avait  le  tort  de  constituer  un  monopole  au  profit 
d'une  Église  spéciale  et,  par  là  même,  de  porter  atteinte  à 
la  liberté  de  conscience  :  les  juifs  et  les  quakers  jouissaient 
seuls  du  privilège  de  se  marier  selon  leurs  rites  particu- 
liers. Les  autres  Anglais  qui  répugnaient  à  recourir  au 
ministère  d'un  pasteur  anglican  n'avaient  d'autre  ressource 
que  d'aller  se  marier  à  Jersey  ou  en  Ecosse  d'une  manière 
j)lus  ou  moins  clandestine. 

Après  de  longues  années  de  discussions,  lord  John 
Russell  fit  adopter  Vact  de  1836  (St.  6  et  7,  Guil.  IV, 
c.  85},  qui  institua  de  nouvelles  formes  de  célébration 
pour  les  personnes  que  des  motifs  de  conscience  ou  toute 
autre  cause  empêchaient  de  faire  consacrer  leur  union 
dans  l'Église  établie.  Cet  act  forme  encore  actuellement 
le  fond  de  la  législation  anglaise  sur  la  matière. 


DES    CONDITIONS   POUR    POUVOIK    CONTRACTEH    MARIAGE     47 


I 

Des  qualités  et  conditions  requises  pour  pouvoir 
contracter  mariage. 

SovMAiBE  :  82.  Notions  générales.  —  1.  Age  reqtds  :  S3.  Fixation  :  effets 
d"un  mariage  où  cette  condition  fait  défaut.  —  2.  Consentement  des 
parties  :  84.  Existence  et  validité  du  consentement.  —  85.  Nullité  des 
marchés  susceptibles  de  vicier  le  consentement.  —  3.  Consentement 
des  parents  :  86.  Nécessité  de  ce  consentement  pour  des  mineurs  et 
en  cas  de  premier  mariage.  —  87.  Conséquence  d'une  fausse  déclara- 
tion ou  de  l'absence  de  consentement.  —  88.  Liberté  absolue  des  ma- 
jeurs. —  4.  Empêchements  et  oppositions  :  89.  Parenté  et  alliance.  — 
90.  Mariage  antérieur.  —  91.  Adultère.  —  92.  Droit  d'opposition; 
formes. 


82.  —  Pour  pouvoir  contracter  mariage  et  procéder 
aux  formalités  auxquelles  est  subordonnée  l'existence 
d'une  uoion  régulière,  il  faut  que  les  parties  satisfassent 
à  un  ensemble  de  conditions  relatives  :  1°  à  leur  âge; 
2°  à  leur  consentement  réciproque;  3°  au  consentement  de 
leurs  parents.  Il  faut,  de  plus,  que  l'union  projetée  ne  se 
heurte  à  aucun  empêchement  ni  aucune  opposition  légitime. 

1.  —  Age  requis. 

83.  —  L'âge  requis  en  Angleterre  est  de  quatorze  ans 
pour  les  garçons  et  de  douze  ans  pour  les  filles.  Certains 
canonistes,  tels  que  Burn,  ont  même  soutenu  qu'un  ma- 
riage n'est  radicalement  nul  que  si  l'un  des  époux  a  moins 
de  sept  ans.  Quoi  qu'il  en  soit,  si  l'un  ou  l'autre  des  époux 
n'a  pas  l'âge  légal  de  quatorze  ans  ou  de  douze  ans,  il  a, 
au  moment  où  il  y  parvient  le  droit  de  se  dédire  sans  qu'il 
faille  l'intervention  d'un  magistrat  pour  dissoudre  le 
mariage,  et  l'autre  époux,  qui  avait  l'âge  requis,  n'en  a 


48     DES    CONDITIONS   POUR   POUVOIR   CONTRACTER    MARIAGE 

pas  moins  la  même  faculté  ^  Mais  si,  à  ce  moment,  les 
parties  consentent  à  continuer  Ja  vie  commune,  leur  union 
devient  définitive  ipso  facto  et  indépendamment  de  toute 
confirmation  '. 


2.  —  Consentement  des  parties. 

84.  —  Il  n'y  a  point  de  mariage  si  les  deux  époux 
n'ont  pas  réciproquement  consenti  à  se  prendre  pour  mari 
et  pour  femme.  Lorsqu'ils  y  ont  consenti  et  que  l'acte  en 
fait  foi,  le  mariage  est  valable,  si  peu  de  valeur  qu'ait  en 
soi  un  consentement  donné,  en  une  matière  aussi  grave, 
par  deux  enfants  de  quatorze  et  de  douze  ans. 

Au  surplus,  le  consentement  ne  vaut  qu'autant  qu'il 
émane  de  deux  personnes  saines  d'esprit.  Le  mariage  des 
aliénés  reconnus  tels  par  les  fonctionnaires  compétents 
(cpr.  n°  80)  est  entaché  de  nullité  s'il  a  été  contracté  avant 
que  le  lord  chancelier  ou  la  majorité  des  curateurs  ait 
déclaré  que  le  malade  a  recouvré  l'usage  de  sa  raison*. 

85.  —  La  condition  essentielle  du  mariage  étant  que 
les  parties  y  aient  librement  consenti,  il  est  de  règle,  en 
équité,  que  tout  contrat  tendant  à  rémunérer  des  entremet- 
teurs {marriage  brocage)  est  radicalement  nul.  Serait  éga- 
lement nulle  la  clause  par  laquelle  un  père  stipulerait,  en 
échange  de  son  consentement,  un  bénéfice  ou  avantage  à 
son  propre  profit;  de  même,  pour  un  tuteur  vis-à-vis  de 
son  pupille;  dans  les  deux  cas,  l'argent  versé  serait  sujet 
à  répétition  ^. 


2   Blackstone,    Comm.,  éd.   fr.,            ^  Bail  c.  Po£ter,  3  Levinz,  411; 

II,  202.  Smilh  c.  Bruning,  2  Vern.,  392; 

2  Go,  Litt.,  79.  Fonblanque,  on  Equity,  2ù2. 
*  St.  15,  Geo.  II,  c.  30, 


DES    CONDITIONS    POUR    POUVOIR    CONTRACTER   MARIAGE    49 

3.  —  Consentement  des  parents. 

86.  —  En  principe,  les  futurs  époux  âgés  de  moins 
de  vingt  et  un  ans  doivent  avoir  obtenu  le  consentement 
<Je  leur  père  ou,  à  défaut  du  père,  de  la  mère  survivante 
ou  de  leurtuleiir  ^  Ils  n'ont  pas  à  en  justifier,  bien  que  mi- 
neurs, s'il  s'agit  pour  eux  d'un  second  mariage;  car  le 
premier  les  a  complètement  et  définitivement  émancipés. 
Nous  dirons,  en  passant,  que  cette  émancipation  par 
mariage  est  la  seule  que  connaisse  la  loi  anglaise. 

87.  —  La  partie  qui,  au  moment  de  faire  publier  les 
bans  ou  de  demander  une  dispense,  déclare  faussement 
avoir  obtenu  ce  consentement,  dans  les  cas  où  il  est  exigé, 
perd,  au  profit  soit  de  son  conjoint,  s'il  est  innocent, 
soit  des  enfants  à  naître,  tous  les  avantages  pécuniaires 
découlant  du  mariage\ 

Mais,  en  fait,  nulle  preuve  sérieuse  du  consentement 
des  parents  n'est  requise  avant  qu'il  soit  procédé  à  l'u- 
nion des  parties.  Informés  à  temps  du  mariage  projeté, 
ils  peuvent  s'y  opposer;  si,  pour  une  raison  quelconque, 
ils  ne  formulent  pas  leur  opposition  avant  la  célébration, 
le  mariage  est  valable  encore  qu'ils  n'y  aient  pas  con- 
senti. La  loi  voit  beaucoup  moins  dans  leur  intervention 
une  mesure  de  protection  et  de  sollicitude  pour  leurs  en- 
fants mineurs  qu'une  simple  question  de  déférence;  et 
elle  n'eu  fait  nullement  un  élément  substantiel  du  contrat. 
Lorsque  l'opposition  des  parents  n'est  fondée  sur  aucun 
motif  sérieux,  les  fulurs  époux  ont  le  droit  d'en  appeler 
à  la  cour  de  Chancellerie  et  de  réclamer  des  dommages 
et  intérêts. 

6  St.  26,  Geo.  H,  c.  .33.  C,  et  7.  Guil.  IV,  c.Sô,  %   43  ;  19  et 

^  St.4,  Geo.lV,c.76,  S§16  et23:        20,  Vict.,  c.  119,  §  19. 

Lkfih.  4 


50    DES    CONDITIONS  POUR   PÛLYOIR   CO.NTRACTEr;    MARIAGE 

88.  —  Arrivés  à  l'âge  de  vingt  et  un  ans  accomplis,  ils 
jouissent  de  la  plénitude  de  leur  liberté  et  n'ont  plus  au- 
cune espèce  de  démarche  à  faire  auprès  de  leurs  parents 
ou  ascendants. 

4.  —  Empêchements  et  oppositions. 

89.  —  Le  mariage  est  prohibé,  pour  cause  de  parenté 
et  même  d'alliance,  non  seulement  en  ligne  directe  à  l'in- 
fini, mais  encore  en  ligne  collatérale  jusques  et  y  compris 
le  troisième  degré*.  Ces  vieilles  règles  du  droit  cano- 
nique, usitées  depuis  des  siècles,  ont  été  spécialement 
confirmées,  en  1835,  en  ce  qui  concerne  les  mariages 
entre  beaux-frères  et  belles-sœurs.  L'union  d'un  veuf,  — 
anglais  ou  étranger,  —  avec  la  sœur  de  sa  première 
femme  est  radicalement  nulle  s'il  était  domicilié  en  An- 
gleterre, encore  qu'elle  ait  été  contractée  dans  un  pays  où 
elle  était  licite''  ;  il  en  serait  autrement  si  le  veuf,  même 
anglais  de  nationalité,  avait  son  domicile  dans  ledit  pays  : 
le  mariage  serait  réputé  valable  dans  le  Royaume-Uni 
comme  dans  le  lieu  de  la  célébration.  On  a  plusieurs  fois 
essayé,  notamment  depuis  vingt-cinq  ans,  de  modifier  la 
législation  sur  ce  point  spécial;  mais,  jusqu'à  présent,  toutes 
les  tentatives  sont  venues  échouer,  à  la  chambre  des  Lords, 
contre  l'opposition  des  représentants  de  l'Eglise  anglicane. 

90.  —  L'existence  d'un  premier  mariage  est  un  empê- 
chement absolu  à  la  validité  d'un  second. 

91.  —  Lorsqu'un  mariage  a  été  dissous  pour  cause 
d'adultère,  l'époux  coupable  a  le  droit  de  s'unir  à  son 
complice  ;  mais  aucun  membre  du  clergé  anglican  ne  peut 
être  contraint  de  célébrer  ces  secondes  noces  '". 

«  St.  25,  Ilenr.  VIII,  c.  22.  c.    Brook.  9    H.    of    L.  C,    193. 

a  St.  5  et  6,  Guil.  IV,  c.  54  ;/irooA  lo  st.  20  et  21,JVict.,  c.  85,  §  57. 


DES  FORMALITÉS  KELATIVES  A  LA  CÉLÉBRATION  DU  MARIAGE   51 

92.  —  On  a  VU  plus  haut  que  les  aliénés  ne  sont  pas 
aptes  à  contracter  mariage  et  que  les  parents  ou  les  tuteurs 
peuvent  s'opposer  au  mariage  de  leurs  enfants  ou  pupilles 
âgés  de  moins  de  vingt  et  un  ans.  Toutes  les  fois  qu'il  existe 
une  cause  légitime  d'opposition,  ceux  qui  ont  qualité  pour 
la  faire  valoir,  —  et  en  cas  de  démence,  de  parenté  au  degré 
prohibé  ou  de  mariage  préexistant,  c'est  la  première  per- 
sonne venue,  —  introduisent  un  caveat  tendant  à  ce  que 
l'autorité  compétente  refuse  la  licence  nécessaire  à  la  célé- 
bration. Ils  donnent  leurs  noms,  qualités,  domicile,  et  in- 
diquent le  motif  de  leur  opposition.  Il  est  statué  sur  leur 
requête  par  le  juge  ecclésiastique,  s'il  s'agit  d'un  mariage 
religieux,  et  par  le  ni'per intendant  l'egistrar,  s'il  s'agi<t 
d'un  mariage  civil,  sauf  appel,  dans  ce  cas,  au  registrar 
gênerai.  Toute  opposition  est  aux  risques  et  périls  de  la 
personne  qui  la  forme  et  peut  éventuellement  entraîner 
contre  elle  une  condamnation  aune  indemnité  pécuniaire. 

II 
Des  formalités  relatives  à  la  célébration  du  mariage. 

Sommaire  :  1.  Promesses  de  mariage  :  93.  Effets  de  ces  promesses.  — 
94.  Possession  d'état.  —  2.  Publications  :  95.  Nombre  et  mode  des 
publications  ordinaires.  —  96.  Dispenses.  —  3.  Célébration  :  97.  Ma- 
riage relipieus.  —  98.  Mariage  civil;  mariage  dans  un  édifice  enre- 
gistré. —  99.  Mariage  des  quakers  et  dos  juifs.  —  99  bis.  Mariage 
devant  un  ministre  non  conformiste.  —  100.  Nécessité  d'une  inscription. 
—  101.  Mariages  contractés  par  des  Anglais  à  l'étranger.  —  101  bis. 
Modifications  récentes;  loi  de  1892.  —  101  ter.  Loi  de  1899. 

1.  —  Promesses  de  mariage. 

93.  —  Fout-  qu'il  y  ait  mariage  aujourd'hui,  il  faut  non 
seulement  que  les  parties  y  aient  consenti  et  qu'elles  aient 
la  capacité  requise,  mais  encore,  et  surtout  qu'elles  aient 


52  DES  FORMALITÉS  RELATIVES  A  LA  CELEBRATION  DU  MARLAGE 

accompli  les  formalités  sacramentelles  prescrites  par  la  loi. 

Une  promesse  de  mariage,  même  suivie  d'une  cohabita- 
tion persistante,  ne  saurait  tenir  lieu  d'une  célébration 
régulière,  ni  produire,  soit  pour  les  parties  elles-mêmes, 
soit  pour  les  enfants  auxquels  elles  auraient  donné  le  jour, 
les  effets  d'un  mariage  véritable.  Toutefois  elle  n'est  pas 
dépourvue  de  toute  efficacité.  Sans  doute  les  tribunaux 
ne  peuvent  pas  contraindre  l'auteur  de  la  promesse  à 
passer  outre  au  mariage  *\  Mais,  en  cas  de  rupture  mal 
motivée,  la  partie  lésée  a  droit,  si  l'auteur  de  la  promesse 
avait  l'âge  requis  pour  s'obliger  valablement  par  contrai, 
c'est-à-dire  vingt  et  un  ans  '%  à  une  indemnité  qui  n'est 
pas  nécessairement  limitée,  comme  en  France,  au  dam- 
num  ejnergens.  Il  est  à  remarquer  qu'en  l'absence  d'une 
promesse  de  mariage  positive,  la  femme  qui  a  été  séduite 
ne  peut  pas,  en  Angleterre,  réclamer  de  dommages  et 
intérêts  du  séducteur  qui  l'a  abandonnée;  il  en  est  autre- 
ment en  Ecosse. 

94.  —  La  possession  d'état  ne  peut  tenir  lieu  de  la 
preuve  de  la  célébration  régulière  du  mariage  lorsque 
c'est  l'>  fait  même  du  mariage  qui  est  en  question;  par 
exemple,  dans  le  cas  d'une  accusation  de  bigamie  ou  d'une 
action  en  dommages  et  intérêts  pour  cause  d'adultère  ''. 
11  en  serait  autrement  si,  le  mariage  n'étant  pas  directe- 
ment en  cause,  l'existence  peut  n'en  être  pas  démontrée 
rigoureusement  **. 


'»  St.  26,  Geo.  Il,  c.  33.  Ditcham  c.    Worrall  (1880),  5  C. 

P.  D..  410. 

lï  Stephen,  Comm.,  14e  éd.,  II,  i3  Catherwood  c.  Caslon,  13  M. 

pp.  291,292;  Holt  c.  Clarencieux,  et  W.,  261. 

Str  ,    9.37;     Blackstone,     Comm.,  ^'' Doe  c.  Flemming,iB'mg.,'266; 

éd.  fr.,  II,  202,  note  1.  Cf.  Wild  Smith   c.  Smith,  1    Phiilim..  29i: 

c.  Harris  (1849),  7  C.  B.,  999,  et  Goodmanc.  Goodman,33,  L.T., 10. 


DES  KOR.MALITÉS  RELATIVES  A  LA  CÉLÉBRATION  DU  MAKL\GE  53 

2.  —  Publications. 

95.  —  Que  le  mariage  soit  religieux  ou  civil,  il  doit 
être  précédé  de  trois  publications,  faites  de  dimanche  en 
dimanche  dans  la  paroisse  où  l'on  entend  le  célébrer. 
On  ne  peut  faire  les  publications  que  dans  une  localité  où 
l'une  des  parties  réside  depuis  sept  jours  au  moins  avant 
la  première  des  trois.  Le  ministre  ou  officier  public  appelé 
à  faire  les  publications  exige  sept  jours  à  l'avance  une  note 
indiquant  les  noms  et  adresses  des  parlies,  ainsi  que  la 
durée  de  leur  résidence  dans  sa  circonscription.  Toute  indi- 
cation inexacte  dans  cette  note  constituerait  le  délit  de 
parjure.  La  noie  est  immédiatement  inscrite  sur  le  Mar- 
riagè  notice  book,  et  toute  personne  ayant  qualité  peut,  en 
écrivant  en  marge  le  mot  forbidden^  s'opposer  à  la  déli- 
vrance du  certificat  constatant  que  les  publications  ont  été 
faites  et  qu'il  peut  être  passé  outre  à  la  célébration  '°. 

Le  mariage  doit  être  célébré  dans  les  trois  mois  de  la 
délivrance  du  certificat,  sous  peine  de  nullité  du  certificat 
obtenu  antérieurement. 

96.  —  L'ordinaire  ou  l'archevêque,  s'il  s'agit  d'un  ma- 
riage religieux,  \e  superintendant  regislrar,  s'il  s'agit  d'un 
mariage  civil,  peut  accorder  une  licence,  qui  emporte  dis- 
pense de  publication  des  bans.  Cette  licence  suppose  néces- 
sairement quinze  jours  de  résidence  dans  la  localité;  mais 
on  peut  procéder  à  la  célébration  immédiatement  après 
l'avoir  obtenu,  et  elle  peut  être  délivrée  deux  jours  après 
que  la  demande  en  a  été  faite  '*. 


'S  st.  ô  et  7,  GuilL  IV,  c.  85.  "■'  St.  4,  Geo.  IV,  c.76,  §  10;   19 

et  20,  Vict.,  c.  119,  §  2. 


54  DES  FORMALITÉS  RELATIVES  A  LA  CELEBRATION  DU  MARL\GE 

Au  surplus,  une  résidence  trop  courte  constitue  un  em- 
pêchement simplement  prohibitif  * '. 

3.  —  Célébration. 

97.  —  Les  mariages  célébrés  par  un  ministre  de  l'Église 
anglicane  sont  restés  régis  par  le  rituel  de  cette  Église.  Oq 
observe,  pour  la  cérémonie,  la  liturgie  prévue  parle  Book 
of  cornmon  Frayer.  Le  mariage  doit  être  célébré  dans  l'é- 
glise paroissiale  ou  dans  une  chapelle  dûment  autorisée  à 
cet  effet,  et  aux  heures  canoniques,  c'est-à-dire  entre  huit 
heures  du  matin  et  midi.  L'archevêque  de  Cantorbéry  peut 
accorder,  —  moyennant  une  taxe  assez  élevée,  —  des  dis- 
penses en  vue  de  la  célébration  dans  un  autre  lieu  ou  à 
d'autres  heures;  à  défaut  d'autorisation  expresse,  la  célé- 
bration dans  une  maison  particulière  constituerait  le  délit 
de  félonie  '^ 

98.  —  Pour  les  personnes  qui  ne  veulent  pas  du  ma- 
riage religieux  célébré  dans  ces  conditions,  Xact  de  1836 
(St.  6  et  7,  Guil.  IV,  c.  85)  a  donné  compétence  aux  fonc- 
tionnaires qui,  sous  le  titre  générique  de  registrars,  cor- 
respondent aux  officiers  de  l'état  civil  français  ou  suisses. 
La  cérémonie  peut  avoir  lieu,  soit  dans  le  bureau  même  du 
registrar^  soit  dans  l'un  des  édifices  enregistrés  au  district. 

Dans  le  premier  cas,  le  mariage  est  purement  civil;  il 
consiste  en  une  déclaration  solennelle  faite,  en  présence 
du  superintendant  registrar  et  de  deux  témoins,  les  portes 
ouvertes,  par  chacun  des  deux  futurs  époux  successive- 
ment, et  ainsi  conçue  :  «  Je  déclare  solennellement  que  je 


'^  St.  4,  Geo.  IV,  c.  76,  §  26;  6  et  •»  St.  26,  Geo.  II,  c.  33;  4,  Geo. 

7,  Guill.  IV,  c.  85,  §  25.  IV,  c.  76,  §  21. 


DES  FORMALITÉS  RELATIVES  A  LA  CELEBRATION  DL  MARIAGE  55 

ne  connais  aucun  empêchement  à  ce  que  moi,  A.  B.,  je 
m'unisse  en  mariage  à  C.  D. ,  et  je  prends  à  témoin  les  per- 
sonnes  ici  présentes  que  moi  A.  B.,  je  vous  prends,  vous 
C.  D.,  pour  mon  époux  (ou  épouse).  » 

Dans  le  second  cas,  les  édifices  enregistrés  étant  tou- 
jours des  lieux  de  culte  de  l'une  ou  l'autre  des  Eglises 
dissidentes,  les  cérémonies  religieuses  prescrites  par  le 
rituel  de  ladite  Église  peuvent  s'ajouter  au  contrat  civil. 
Mais,  pour  que  le  mariage  soit  valable  aux  yeux  de  la  loi, 
il  faut  que  l'échange  des  consentements  ait  lieu  en  présence 
d'un  registrar  assisté  de  deux  témoins".  V enregistrement 
d'un  lieu  de  culte  s'obtient  sur  la  demande  du  propriétaire 
ou  administrateur  et  de  vingt  chefs  de  famille  déclarant 
que  ce  lieu  est  affecté  depuis  un  an  à  l'exercice  public  de 
leur  religion. 

Le  superintendant  registrar  a  qualité  pour  accorder,  en 
matière  de  mariages  civils.  les  facilités  ou  dispenses  qui 
dépendent  de  l'archevêque  de  Cantorbéry  lorsqu'il  s'agit 
d'un  mariage  à  célébrer  dans  l'Église  anglicane. 

99.  —  Les  quakers  et  les  juifs  sont  tenus  de  demander 
au  registrar  de  leur  district  un  certificat  constatant  qu'il 
a  fait  les  publications  légales,  ou,  s'ils  entendent  se  dis- 
penser des  publications,  une  licence.  Mais  ils  ne  sont  pas 
obligés  de  faire  enregistrer  leurs  lieux  de  culte  pour  pou- 
voir s'y  marier  ;  et  l'échange  des  consentements  est  con- 
staté par  des  officiers  spéciaux  désignés  par  les  comités 
centraux  de  ces  communautés. 

99  his.  —  Depuis  la  loi  du  12  août  1898'",  les  mariages 
peuvent  être  valablement  célébrés  devant  les  ministres  des 


1»  St.  l[t  et  20,  Vict.,  c.  119,  §  12.        trars  at  marriages  in  non-confor- 
^0  An  actto  amend  the  law   re-       mist  places  of  worship  (St.  61  et 
latinrj  to  the  attendance  of  régis-       02,  Vict.,  c.  58). 


56  DES  FORMALITÉS  RELATIVES  A  LA  CÉLÉBRATION  DU  MARIAGK 

cultes  non  conformistes  aussi  bien  que  devant  ceux  de 
l'Église  anglicane.  Rien  n'a  été  innové  toutefois  en  ce  qui 
concerne  les  quakers  et  les  juifs,  qui  continuent  à  pouvoir 
se  marier  suivant  les  formes  particulières  à  leur  confession 
religieuse  ■'. 

100.  —  Quel  que  soit  le  mode  de  célébration,  que  la 
cérémonie  ait  eu  lieu  dans  une  église  anglicane  ou  qu'elle 
ait  été  enregistrée,  dans  le  bureau  du  registrar,  ou  qu'on 
ait  suivi  les  rites  spéciaux  des  juifs  ou  des  quakers,  le  ma- 
riage doit  être  constaté  par  une  inscription  sur  les  registres 
ad  hoc,  tenus  soit  par  l'ecclésiastique  compétent,  soit  par  le 
rerjistrar.  Des  doubles  ou  des  copies  des  registres  sont 
adressés  tous  les  trois  mois  au  registrar  gênerai  par  les 
soins  du  registrar  superintendant. 

101.  —  Les  mariages  contractés  par  des  Anglais  à  l'é- 
tranger sont  considérés  comme  valables  en  Angleterre 
lorsqu'ils  ont  été  célébrés  par  un  officier  public  ou  un 
ecclésiastique  du  pays  étranger  conformément  à  la  loi  dudit 
pays,  ou  lorsqu'ils  l'ont  été  conformément  à  la  loi  anglaise 
par  des  agents  diplomatiques  ou  consulaires  britanniques 
ou  par  un  aumônier  ou  chapelain  attaché  aux  armées  ou  à 
une  légation  britannique. 

Le  mariage  contracté  à  l'étranger  selon  la  loi  étrangère 
serait  réputé  valable  d'après  le  droit  coutumier,  encore 
que  les  futurs  époux  se  soient  rendus  à  l'étranger  précisé- 
ment pour  se  dérober  à  l'une  des  exigences  de  la  loi  an- 
glaiserai toutefois  cette  doctrine  fort  critiquable  n'est  pas 
admise  sans  contestation". 


21  Act  cité,  sect.  13.  dans  le  détail  de  laquelle   nous  ne 

22  Story,  Conflict  of  law, §  123,  a;  saurions  entrer  ici,  Laurent,  Droit 
P.  Fiore,  Droit  intetvtat.  privé,  civil  international,  V,  n»"  5  et 
trad.Pradier-Fodéré.p.  181.  suiv.;    Phillimore,    International 

*3  Cpr.  sur  toute  celte  question,  Laio,  IV,  p.  279,  etc. 


DES  FORMALITES  RELATIVES  A  LA  CELEBRATION  DU  MARIAGE 57 

De  même,  les  mariages  célébrés  par  les  consuls  an- 
glais sont  réputés  valables  en  Angleterre,  encore  que  la 
future  épouse  soit  de  nationalité  étrangère;  ce  qui  est 
contraire  au  principe  généralement  admis  que  les  consuls 
ne  peuvent  valablement  marier  que  deux  de  leurs  natio- 
naux. Une  circulaire  du  Foreigii  office  du  28  février  1867 
recommande  cependant  aux  agents  diplomatiques  ou  con- 
sulaires, appelés  à  procéder  à  un  mariage  entre  Anglais 
et  étrangers,  de  faire  connaître  à  leurs  nationaux  qu'un 
mariage  contracté  dans  ces  conditions  n'est  pas  nécessai- 
rement valide  en  dehors  des  possessions  de  Sa  Majesté''. 

Les  mariages  célébrés  au  dehors  doivent  être  enregis- 
trés aussitôt  que  possible  en  Angleterre. 

101  his.  —  Ces  règles  ont  subi  quelques  restrictions 
à  l'égard  des  unions  contractées  à  l'étranger.  La  faculté 
pour  les  sujets  anglais  d'opter,  dans  n'importe  quel  pays, 
entre  l'observalion  des  formalités  locales,  suivant  larègle /o- 
cus  régit  actum^ei  l'invocation  des  privilèges  de  leur  statut 
personnel  devant  un  agent  diplomatique  ou  consulaire  per- 
mettait beaucoup  d'abus.  Certaines  personnes  allaient  à 
l'étranger  pour  échapperaux  prohibitions  de  leur  loi  natio- 
nale, tandis  que  d'autres,  qui  eussent  dû  se  conformer 
aux  règles  d'un  pays  où  elles  étaient  depuis  longtemps 
fixées,  se  réclamaient  subitement  de  leur  consul  pour  béné- 
ficier de  quelque  disposition  clémente  de  la  loi  anglaise. 

Pour  les  futurs  époux  de  la  première  catégorie,  le  danger 
a  pu  être  conjuré  par  le  simple  fait  de  la  jurisprudence 
qui  décide  aujourd'hui  qu'un  mariage  célébré  suivaLit  une 
loi  étrangère  ne  sera  considéré  comme  légal  en  Angleterre 
que  s'il  n'est  contraire  à  aucune  prohibition  de  la  loi  an- 

2'  Laurent,  ouo.  cit.,  IV,  n»»  25i  act  de  1808  (St.  31  et  32,  Vict.,  c. 
et  suiv.  ;  cpr.  Consulat'  mai-riagc     Gl). 


58  DES  FORMALITÉS  RELATIVES  A   LA  CELEBRATION  DU  MAHIAGE' 

glaise^^  C'est  ainsi  que  deux  conjoints  verraient  contester 
en  Angleterre  la  validité  de  leur  mariage,  s'il  existait  entre 
eux  un  lien  de  parenté  ou  d'alliance  qui  fût  un  obstacle  à 
leur  union  dans  leur  propre  pays". 

Quant  aux  mariages  célébrés  devant  les  agents  diplo- 
matiques ou  consulaires,  le  Foreign  Marriage  act  de 
1892^' les  a  assujettis  à  certaines  formalités  qui  obligent  le 
citoyen  anglais  à  respecter  en  pays  étranger  les  principes 
d'ordre  public  qui  le  lieraient  dans  la  métropole. 

Les  formalités  prescrites  se  ramènent  aux  règles  sui- 
vantes : 

1°  Une  note  précisant  l'identité  et  les  qualités  des  futurs 
doit  être  remise,  au  moins  14  jours  d'avance,  à  l'agent  di- 
plomatique ou  consulaire  dont  relèvent  les  deux  parties. 

2°  Cette  note  est  transcrite  sur  un  registre  spécial,  tout 
comme  les  actes  de  publication  dont  elle  tient  lieu.  Et  il 
suffit  que  l'un  des  parents  au  consentement  duquel  le 
mariage  est  subordonné  inscrive  \e-mot  for bidde?i  en  marge 
de  cette  note,  pour  que  l'agent  qui  fait  fonction  d'officier 
de  l'état  civil  ne  puisse  passer  outre. 

3°  Avant  même  qu'aucun  projet  de  mariage  n'ait  été 
déclaré,  un  tiers  quelconque,  qui  se  croit  fondé  à  s'opposer 
à  une  union  éventuelle,  peut  faire  inscrire  sur  les  registres 
un  caveat  motivé.  C'est  le  système  de  la  prénotation  dont  on 
retrouve  divers  exemples  dans  le  droit  anglais,  notamment 
en  ce  qui  concerne  l'immatriculation  des  droits  réels. 

4°  En  dehors  des  promesses  matrimoniales  proprement 
dites,  il  est  exigé  des  futurs,  au  moment  de  la  célébration 
du  mariage,  un  triple  serment,  flsdoiventjurerd'abord  qu'il 

25  Jirooks  c.  Brooks,  Q.  H.    L.,        Elphinstone,  intitulé  Notes  on  the 
Cas.,  194.  English  Lato  of  marriage  {Law 

26  Consulter    sur    ce    point  un       quarterly  Review,i%S'è,'ç>AkkQ\. 
remarquable  article  de  M.  H.  W.  ^''  St.  55  et  56,  Vict.  c.  23. 


DES  F0RMA[.1TES  RELATIVES  A  I.A  CÉLÉBRATION  DU  MARIAGE   59 

n'existe  pas  entre  eux  un  lien  de  parenté  ou  d'alliance  pro- 
hibé ;  ensuite  que  leur  résidence  à  l'un  et  à  l'autre  est  fixée, 
depuis  trois  semaines  au  moins,  dans  le  ressort  adminis- 
tratif de  l'agent  qui  célèbre  le  mariage;  enfin,  que  tous  les 
consentements  requis  ont  été  obtenus -^ 

Sous  la  réserve  de  ces  formalités,  le  mariage  peut  être 
célébré  soit  par  l'agent  diplomatique  ou  consulaire  lui-même, 
soit  en  présence  de  cet  agent  par  toute  antre  personne,  no- 
tamment par  un  ministre  du  culte  établi  ou  de  n'importe 
quel  culte  dissident. 

Les  différences  qui  existaient  autrefois  entre  la  célébra- 
tion du  mariage  par  un  agent  diplomatique  et  la  célébra- 
tion du  mariage  par  un  agent  consulaire  se  trouvent  ainsi 
supprimée?. 

101  ter.  —  En  1899,  le  Marriages  validitij  act  (St.  62 
et  63,  Vict.,  c.  27)  a  supprimé  la  nullité  de  forme  qui  pou- 
vait résulter,  jusque-là.  de  ce  que,  dans  l'hypothèse  où 
l'un  des  conjoints  demeure  en  Angleterre  et  l'autre  en 
Irlande,  la  pubUcation  des  bans  aurait  été  faite  suivant 
les  règles  du  domicile  d'un  seul  des  conjoints,  alors  que  le 
mariage  a  été  célébré  au  domicile  de  l'autre  conjoint". 


28  On  voit   que  la    loi    anglaise  le  consul  anglais  reçoivent  un  pou- 

n'exige  qu'une  condition   de  rési-  voir  qui  ne   serait  pas  reconnu   à 

dence    très    courte     d'ailleurs,   et  l'agent  étranger  dont  ressortit  lau- 

n'impose  pas  de  condition  de  watio-  tre  conjoint. 

nalité  aux  deux  parties  ;    il    suffit  '-^Cf.  la  traduction  du  Marria- 

quel'undesfuturs  soit  Anglaispour  ges  validity    act,    par  M.   Alcide 

que  l'agent  britannique  soit  compé-  Darras,  dans  V Annuaire  de  légis- 

tent.  C'est  un  trait  d'impérialisme  lation  étrangère,  t.  XXIX,  p.  21. 
à  noter  puisque  l'ambassadeur  ou 


W  DE    LA    NQLLITE   DU    IVIAKIAGE 

III 
De  la  nullité  du  mariage 

Sommaire  :  102.  Principe  général.  —  103.  Vices  de  forme.  —  104.  Vices 
intrinsèques.  —  105.  Impuissance  ou  stérilité.  — 106.  EtTets  d'un  ma- 
riage annulé. 

102.  —  La  nullité  du  mariage  peut  être  demandée  à 
raison  d'un  vice  de  forme  ou  parce  que  l'une  des  condi- 
tions intrinsèques  posées  par  la  loi  y  fait  défaut. 

103.  —  Sont  entachés  de  nullité  les  mariages  célébrés  : 
1"  en  suite  de  déclarations  fausses  et  faites  de  mauvaise 
foi  par  les  futurs  conjoints^";  2°  sans  publication  préalable 
des  bans  et  sans  dispense,  lorsque  l'omission  a  été  inten- 
tionnelle ;  3°  dans  une  église,  chapelle  ou  district  autres  que 
ceux  où  les  bans  ont  été  publiés;  4°  par  un  ministre  ou 
fonctionnaire  incompétent,  et,  notamment,  hors  la  pré- 
sence du  registrar  dans  les  cas  où  elle  est  requise;  5°  clan- 
destinement et  en  dehors  des  heures  légales  (de  huit  heu- 
res du  matin  à  midi,  que  le  mariage  soit  civil  ou  religieux). 
La  condition  de  résidence  ne  constitue,  comme  on  l'a  vu 
plus  haut,  qu'un  empêchement  prohibitif^'. 

104.  —  L'époux  dont  le  consentement  a  été  obtenu  par 
fraude  ou  par  violence,  ou  par  suite  d'une  erreur  sur  la 
personne,  peut  demander  la  nullité  du  mariage.  Mais  le 
mariage  est  définitivement  validé  si  ledit  époux  consent  à 
continuer  la  vie  commune  après  la  cessation  des  causes 
qui  avaient  vicié  son  consentement. 

L'absence  de  consentement  des  parents  n'est  point  une 
cause  d'annulation,  à  moins  qu'ils  n'aient  formulé  leur  op- 
position en  délai  utile  et  qu'il  n'ait  été  passé  outre. 

•""  St.  4,  Geo.  IV,  c.  76,  §  22;  6  ^»  St.  4,  Geo.  IV.  c.  76,  §§  10  et 

et  7,  Guil.  IV.  c.  85,  §  42  ;  19  et  20,       26  ;  6  et  7,  Guil.    IV,   c.  85,  §  25  ; 
Vict.,  c.  119,  §  2.  19  et  20,  Vict.,  c.  119. 


DE  LA  NLLLITÉ  DU  MARIAGE  61 

Lorqiie  l'un  des  conjoints  ou  tous  les  deux  n'ont  pas 
l'âge  légal,  ils  ont,  au  moment  où  ils  y  parviennent,  Je 
droit  de  se  dédire  (cpp.  n°  83);  leur  silence  équivaut  à 
une  ratification  et  coupe  court  à  toute  demande  ultérieure 
eu  nullité. 

Sont  nuls  ab  initio  les  mariages  contractés  entre  per- 
sonnes parentes  ou  alliées  au  degré  prohibé.  Celte  nullité 
ne  saurait  être  couverte  et  peut  être  déclarée  en  justice 
sur  la  demande  des  époux  ou  de  tout  intéressé^^  II  en  est 
de  même  des  mariages  contractés  par  un  aliéné  ou  par 
une  personne  déjà  engagée  dans  les  liens  d'une  précédente 
union. 

105.  —  Enfin,  l'impuissance  du  mari  et  la  stérilité  de  la 
femme,  antérieures  au  mariage,  sont  également  une  cause 
absolue  de  nullité.  Si  elles  ne  surviennent  que  pendant 
le  mariage,  elles  n'en  altèrent  point  la  vapdité.  Cette  cause 
de  nullité  est  de  droit  canonique;  les  traités  de  droit  civil 
ne  la  mentionnent  point.  L'annulation  ne  pouvait  être  pro- 
noncée en  droit  canonique  qu'après  trois  années  de 
cohabitation,  à  moins  que  l'impuissance  ne  résulte  d'une 
déformation  organique  de  nature  à  ne  laisser  place  à  aucune 
incertitude".  Mais  la  juridiction  civile  actuellement  com- 
pétente est  moins  rigoureuse  lorsque  sa  conviction  résulte 
d'autres  indices"''. 

106.  —  Contrairement  à  la  loi  française,  le  mariage 
déclaré  nul  ne  produirait,  d'après  les  traditions  des  cours 
ecclésiastiques",  aucun  effet  ni  en  faveur  de  celui  des 
époux  qui  l'avait  contracté  de  bonne  foi,  ni  même  en  faveur 
des  enfants  nés  de  cette  union  passagère.  Les  enfants  sont 

•'2  St.  5  t'A  C,  Guil.  IV,  c.  54.  niai  causes,  G'édil.,  1897.  pp.  228, 

33  Colfavru,  ouvr.  cité.  p.  57.  —  229. 
Biowne    and    l'owles,    Luc    and  3'  L.  R..  2  P.  and  D.,  287. 

Practice  in  Divorce  and  inatrimo-  ••■;  Co.  Lilt.,  235. 


62  DU   DIVORCE 

considérés  à  partir  de  l'annulation  comme  des  bâtards  et 
destitués,  à  ce  titre,  de  tout  droit  découlant  des  liens  de 
famille.  Mais  la  loi  civile,  telle  qu'elle  existe  depuis  le 
Matrimo7iial  causes  Act  de  1857^*,  permet  à  la  Cour 
d'accorder  une  pension  aux  enfants  dont  les  parents  ont 
vu  annuler  leur  mariage". 

CHAPITRE  II 

Du  divorce  et  de  la  séparation  de  corps  '. 

1 
Du  divorce. 

Sommaire  :  107.  Introduction  historique.  —  108.  Principe  de  la  loi  ac- 
tuelle. —  109.  Juridictions  compétentes.  —  109  bis.  Lois  nouvelles  de 
1886  et  1895.  —  110.  Causes  de  divorce.  —  110  bis.  Etiets  du  lictnsing- 
act  de  1902,  quant  aux  conjoints  adonnés  à  .l'ivrognerie.  —  111.  Situa- 
tion de  la  femme  divorcée. 

107.  —  Bien  que  l'Angleterre  soit  protestante  depuis 
plus  de  trois  siècles,  le  divorce  proprement  dit  [divorcium 
a  viiiculo  matrimonii)  ne  s'y  est  introduit  que  tard  et 
lentement.  Sous  Henri  VIII,  une  commission  avait  été 
chargée  d'en  élaborer  les  règles  et  les  consigna  dans 
l'acte  connu  sous  le  nom  de  Reformatio  legum  eccle- 
siasticarum\  mais  cet  acte  ne  prit  jamais  force  de  loi, 
ce  qui  n'empêcha  pas,  d'ailleurs,  les  cours  ecclésias- 
tiques de  prononcer  de  temps  en  temps  des  divorces 
dans  des  cas  graves.  En  i.666,  lord  Ross,  ayant  obtenu 
contre  sa  femme    adultère   une  sentence   de  séparation 

36  St.  20  et  21,  Vict.,  c.  8.5,  .§  35.  le  divorce,  p.  95  et  suiv.;  Hubert- 

ST  Cfr.  Browne  and  Powles,  loc.  Valleroux,  Mémoire  présenté  à  la 

cit.,  p.  303,  et  Stephen,  14»  édit..  Société  de   Législation    comparée^ 

t.  II,  p.  330.  Bull.,  t.  XI,  p.  150. 
1  Glasson,    le  Mariage  civil    et 


DU    DIVORCE  63 

de  corps  {divorcium  a  mensâ  et  ihoro),  présenta  requête 
au  parlement  pour  obtenir  l'autorisation  de  se  remarier. 
Cette  autorisation  lui  fut  accordée.  Bientôt  d'autres  de- 
mandes analogues  parvinrent  au  parlement;  et  les  mi- 
nistres de  l'Église  anglicane  ayant  déclaré  que  le  divorce 
ne  leur  paraissait  pas  contraire  aux  lois  de  la  religion, 
une  sorte  de  jurisprudence  s'établit  :  le  divorce  était 
accordé  en  cas  d'adultère  .  Mais  les  frais  de  l'instance 
montaient  à  un  chiffre  si  élevé  que  les  demandes  ne 
furent  jamais  très  nombreuses;  pendant  tout  le  xviii® 
siècle,  le  parlement  ne  prononça  en  moyenne  qu'un  di- 
vorce par  an,  et  110  de  1800  àl8o0. 

L'opinion  publique  finit  par  s'élever  contre  ces  frais, 
qui  faisaient  d'un  remedium  juris  reconnu  légitime  le 
privilège  des  riches.  A  la  suite  de  plusieurs  enquêtes, 
dirigées  en  partie  par  lord  Brougham,  un  bill  fut  pré- 
senté à  l'effet  d'autoriser  le  divorce  dans  les  conditions 
déjà  fixées  par  la  jurisprudence  et  d'en  simplifier  la  pro- 
cédure :  ce  bill  devint  la  loi  du  28  août  1837  (St.  20  et 
21,Vict.,c.  83). 

108.  —  La  loi  de  18S7  admet  parallèlement  le  divorce 
proprement  dit  et  la  séparation  de  corps,  l'ancien  di- 
vorce a  metisn  et  tfioro.  La  procédure  est  la  même, 
quelle  que  soit  la  forme  suivant  laquelle  les  époux  s'é- 
taient mariés.  La  loi  est  faite  pour  l'Angleterre  et  le 
pays  de  Galles,  à  l'exclusion  de  l'Irlande  et  de  l'Écosse; 
d'après  la  jurisprudence,  le  bénéfice  peut  en  être  invo- 
qué pardes  conjoints  anglais  même  domiciliés  à  l'étranger, 
et  encore  que  les  faits  allégués  se  soient  passés  à  l'étranger 
ou  que  leur  mariage  ait  été  célébré  hors  d'Angleterre  ■. 

-  Browne  and  Powles,  loc.  cit.,  p|i.  286  et  s.  ;  Williams,  Loîo  o/"  per- 
pp.63et  s.;  Slephen,  li'cdit.,  t.  II.       sonal  property,  15«  édit.,  p.  008. 


64  DU   l'IVOHi  E 

109.  —  La  juriiliction  compélenle  élait,  d'après  la -loi 
de  1857,  un  tribunal  unique  créé  par  elle  et  portant  le 
titre  de  cour  des  divorces  et  mariages  {Court  for  divorce 
and  matrimonial  causes).  Depuis,  cette  cour  a  été  fondue 
avec  six  ou  sept  autres  dans  la  Cour  suprême  de  justice 
(Suprême  court  of  judicature),  instituée  par  Vact  de 
1873,  elles  questions  d'étal  el  de  divorce  ressorlissent 
aujourd'hui  à  la  cinquième  chambre  (Probate^  divorce  and 
admirait]]  division)  de  la  première  section  de  cette  Cour 
suprême  ^  Si  la  demande  en  divorce  ou  en  séparation  est 
accueillie,  la  cour  rend  un  premier  arrêt  provisoire  [de- 
cree  nisi),  que  les  créanciers  du  ménage,  toute  personne 
intéressée  et  le  Kinc/s  proctor^  fonctionnaire  créé  en 
1860  pour  s'opposer  à  toute  collusion  frauduleuse  entre 
les  époux  *,  ont  pendant  trois  mois  le  droit  d'attaquer  et 
de  faire  rapporter  ;  le  King's  proctor  intervient  notam- 
ment lorsque  les  deux  époux  sont  aussi  coupables  l'un  que 
l'autre  et  que  leurs  fautes  respectives  sont  de  nature  à 
faire  priver  le  demandeur  du  bénéfice  d'une  sentence  obte- 
nue par  une  sorte  de  dol.  Si  le  premier  arrêt  n'est  point 
mis  à  néant,  il  intervient  ensuite,  à  l'expiration  des  trois 
mois,  un  arrêt  définitif  [decree  ahsohitc).  De  son  côté, 
chacun  des  époux  a  pendant  un  mois  la  faculté  d'appeler 
de  la  décision  rendue  sur  la  dennande  en  divorce  ou  en 
nullité  de  mariage.  Avant  la  loi  du  27  août  1881  [Judicature 
act  1881,  St.  44  et  45,  Vict.,  c.  68),  la  partie  condamnée 
pouvait  surseoir  à  son  appel  tant  que  la  sentence  était 
encore  provisoire;  le§  10  de  cette  loi  porte  qu'à  l'avenir  le 


»  St.  30  et  37,  Vict.,  c.  66,  §34;  •  St.  23  et  24,  Vict.,   c.  144. 

cpr.,  sur  l'orgaaisation  judiciaire 
actuelle,  V 1  ntroduction  du  pré- 
sent ouvrage. 


DV  DIVORCE  65 

délai  d'appel  courra  le  jour  même  où  le  denrée  nisi  aura 
été  rendu. 

D'après  une  loi  du  27  mai  1878  (Si.  41,  Vict.,  c.  19,  §4), 
toute  cour  ou  même  tout  juge  siégeant  seul  a,  sans  qu'il 
«oit  nécessaire  de  recourir  à  la  Cour  suprême,  le  droit 
d'autoriser  la  femme,  en  cas  de  violences  du  mari  [assault)^ 
à  quitter  le  domicile  conjugal,  tout  en  lui  attribuant  une 
pension  et,  dans  quelques  cas,  la  garde  des  enfants  ^ 

109  bis.  —  Celte  loi  a  été  d'abord  développée  par  le 
Married  Women  Maintenance  i?i  case  of  désertion  act  de 
1886®  et  finalement  remplacée  en  même  temps  qu'abrogée 
par  le  Summary  Jurisdiction  Married  Women  act  de 
1 895  ^  Celle  loi  nouvelle  multiplie  tout  d'abord  les  cas  dans 
lesquels  la  femme  pourra  demander  un  domicile  séparé. 
Au  cas  de  violences  s'ajoutent  désormais  d'autres  offenses 
non  moins  pénibles  à  supporter  que  les  coups,  et  qui  sont  : 
la  cruauté  habituelle,  l'abandon,  le  refus  de  pourvoir  à 
l'entretien  de  la  femme  ou  de  ses  enfants  en  bas-àge. 
Ensuite  il  est  admis  que,  dans  toutes  ces  hypothèses,  la 
femme  pourra  s'adresser  à  n'importe  quelle  i^  juridiction 
sommaire  »,  dans  le  ressort  de  laquelle  se  seront  passés 
les  faits  dont  elle  se  plaint.  Par  «  juridiction  sommaire  » 
il  faut  entendre,  pour  la  province,  une  assemblée  d'au 
moins  deux  Justices  of  Peace,  et,  pour  la  ville  de  Lon- 
dres, soit  un  magistrat  de  la  police  métropolitaine,  s'il 
s'agit  du  ressort  de  la  métropole,  soit  le  Lord-Maire  ou  un 
alderman,  s'il  s'agit  de  la  Cité  proprement  dite. 


«  Voy.  la  traduction  par  M.  Ba-  ^  St.  49ef  50,  Vicf.,  c.  52;  trad. 

binet,  dans  V. Annuaire    de   légis-  et  notice  de  M.  Tli.  Barclay,  Ann. 

lation   étrangère,  t.    VIII,   p.    45,  de  législ.  l'trang.,  t.  XVI,  p.  70. 
et   la    communication    du     mt'me  ''  St.  58  et  59.  Vict.,  c.  39  ;  notice 

magistrat    dans   le    liull.,  t.    Vil,  de  M. G.  D.  \Vei\,Ann.,  t.  XXV, 

p.  546.  p.  ■^■ 

Leur.  5 


€6  DU  DIVORCE 

La  juridiction  sommaire  ainsi  saisie  statue  sans  jury,  et 
peut  prendre  en  faveur  de  la  femme  les  mesures  suivantes, 
soit  séparément,  soit  cumulativement  :  1°  autoriser  la  femme 
à  ne  plus  cohabiter  avec  son  mari;  2°  donner  la  garde  des 
enfants  de  moins  de  seize  ans  à  la  femme;  3°  condamner 
le  mari  à  une  pension  alimentaire,  qui  ne  doit  pas  dépas- 
ser deux  livres  sterling  par  semaine;  4°  déclarer  le  mari 
responsable  des  frais  de  cette  instance  sommaire. 

Le  droit  accordé  par  cette  loi  à  la  juridiction  sommaire 
ne  peut  être  exercé  au  profit  de  la  femme  s'il  est  prouvé 
que  celle-ci  s'est  rendue  coupable  d'adultère,  à  moins  qu'il 
n'y  ait  eu  complicité  ou  contrainte  du  mari  lui-même,  ou 
que  celui-cin'ait  réduit  sa  femme àl'inconduile  par  ses  mau- 
vais traitements.  Même  une  fois  prises,  les  mesures  ci-dessus 
indiquées  doivent  être  rapportées  si  la  femme  jusque-là 
vertueuse  commet  un  adultère,  ou  si,  tout  au  contraire,  la 
cohabitation  se  rétablit  entre  les  époux  désunis. 

110.  —  Le  divorce  ne  peut  être  prononcé  que  pour 
une  seule  cause  :  l'adultère.  S'il  s'agit  de  la  femme,  le  fait 
en  lui-même  suffît.  Il  faut,  au  contraire,  que  l'adultère  du 
mari,  pour  être  une  cause  de  divorce,  soit  accompagné  de 
certaines  circonstances  aggravantes  :  bigamie,  inceste, 
rapt,  vice  contre  nature,  cruauté  [gross  cruelty),  abandon 
sans  motifs  pendant  deux  ans*.  On  désigne  sous  cette  ex- 
pression vague  de  cruauté  les  excès  et  sévices,  et  même  tout 
simplement  le  refus  persistant  par  le  mari  du  confort 
auquel  la  femme  a  droit  à  raison  de  la  situation  sociale  et 
de  la  position  de  fortune  du  ménage.  Des  injures,  même 
violentes  (???e?'e  insults),  ne  constituent  pas  une  cruauté; 
mais  on  considérerait  comme  telle  une    menace  de  voie 

«  st.  20  et  21,  Vict.,  c.  85,  §  27. 


DU  DIVORCE  67 

de  fait  proférée  clans  des  circonstances  de  nature  à  faire 
craindre  que  l'exécution  ne  suivît  de  près,  ou  une  maladie 
mentale  pouvant  conduire  celui  qui  en  est  atteint  à  des 
violences  dangereuses  pour  l'autre  conjoint. 

Le  motif  allégué  dans  Tenquête  de  1830  pour  établir 
une  différence  entre  l'adultère  du  mari  et  celui  de  la 
femme  est  que  le  seul  adultère  serait  pour  le  mari  un 
moyen  trop  commode  de  recouvrer  sa  liberté  en  faisant 
prononcer  le  divorce  même  contre  lui,  puisqu'il  lui  suf- 
firait pour  cela  de  prendre  une  maîtresse  ;  c'est  déjà  cette 
considération  qui  avait  fixé  depuis  deux  siècles  la  juris- 
prudence du  parlement,  dont  la  loi  de  1857  n'a  été  à  cet 
égard  que  la  confirmation. 

Le  mari  qui  demande  le  divorce  en  se  fondant  sur  Ta- 
dultère  de  sa  femme,  doit,  à  moins  de  raisons  particu- 
lières agréées  par  la  cour,  poursuivre  en  même  temps  le 
complice;  et  la  cour  peut,  soit  condamner  ce  complice  à 
des  dommages  et  intérêts  et  aux  frais,  soit  le  renvoyer 
des  fins  de  la  plainte.  Le  mari  ne  serait  pas  admis  à  ré- 
clamer de  lui  une  indemnité  par  une  action  séparée,  une 
fois  l'action  pénale  «  abolie  ».  L'action  en  divorce  pour 
cause  d'adultère  n'est  plus  recevable  lorsqu'il  y  a  par- 
don, connivence  ou  collusion,  abandon,  délaissement 
volontaire,  inconduite  ou  mauvais  traitements'. 

110  bis.  —  Les  obligations  résultant  du  mariage  peu- 
vent, sans  que  le  lien  conjugal  soit  rompu,  se  trouver  judi- 
ciairement modifiées  à  raison  de  l'indignité  d'un  des  époux. 
Ainsi  le  Licensing  act  de  1902'*'  prévoit  que  lorsqu'un  des 
époux  s'adonne  habituellement  à  l'ivrognerie,  son  conjoint 


3  St.  20  et  21,  Vict.,  c.  85,  §§  28,  >»  St.  2,   Edw.   VI!,  c.  28.  §  5; 

.30,  :^,  34,  ')'.);  St.  2J   et  22,  Vict.,       trad.  de  M.  J.  Bertheau,  Ann.  de 
c.  108,  §  11.  législ.  éu-ang.,  t.  XX.XII,  p.  16. 


68  DE   LA  SÉPARATION   DE  CORPS 

peut  demander  à  la  justice  de  le  dispenser  du  devoir  de 
cohabitation.  Le  mari  peut  être  privé  également  des  attri- 
buts de  la  puissance  paternelle,  tout  au  moins  du  droit  de 
garde,  et  il  peut  être  tenu  de  servir  à  sa  femme  une  pen- 
sion qui  peut  s'élever  à  50  francs  par  semaine. 

111.  —  La  femme  divorcée  reprend,  avec  son  nom  de 
famille  antérieur,  l'administration  et  la  disposition  de 
ses  biens,  tout  comme  si  elle  était  fille  ou  veuve. 

II 
De  la  séparation  de  corps  Q'udicial  séparation). 

Sommaire:  112.  Causes  de  séparation. —  113.  Causes  que  la  loi  ne  recon- 
naîtrait point.  —  114.  Situation  des  époux  séparés.  —  115.  Entretien 
de  la  femme  séparée.  —  116.  Séparation  volontaire. 

112.  —  La  séparation  de  corps  s'accorde  dans  quatre 
cas  :  l'adultère,  l'abandon  sans  motifs  pendant  deux  ans 
au  moins,  la  cruauté,  dans  le  sens  indiqué  plus  haut,  et 
les  crimes  contre  nature '^ 

113.  —  Si  la  loi  a  du  tenir  compte  du  fait  que  les  diffé- 
rends entre  mari  et  femme  ne  peuvent  souvent  avoir 
d'autre  issue  qu'une  séparation,  elle  est  loin  pourtant 
d'encourager  cet  état  de  choses  ;  aussi  considère-t-on 
comme  entachées  de  nullité,  d'une  part,  la  clause  insérée 
dans  un  contrat  de  mariage  pour  pourvoir  à  l'éventualité 
d'une  séparation,  et,  d'autre  part,  la  condition  mise  à 
une  donation  faite  à  une  femme  mariée  qu'elle  en  per- 
drait le  bénéfice  si  elle  réintégrait  le  domicile  conjugal  ^^ 

Il  en  serait  autrement  d'un  acte  réglant  les  conditions 
d'une  séparation  imminente;  les  tribunaux  ne  manque- 

11  St.  20  et  21,Vict.,c.  85,  §  16.        Barn.  etCres.,200;  Wrenc.Brad- 
^^Cocksedgec.Gocksedge,\.'i.^\xa..,       hy,  2  De  Ces  et  S.,  49. 
244;    Hindley    c.     Westmeath,    6 


DR  LA  SEPARATION  DE  CORPS  69 

raient  pas  d'en  faire  respecter  les  stipulations,  tant  que 
les  époux  ne  se  seraient  pas  réconciliés '^  L'une  des 
clauses  ordinaires  d'un  semblable  acte  est  un  engage- 
ment pris  par  l'un  des  amis  de  la  femme  de  garantir 
l'époux  quant  aux  dettes  qu'elle  contracterait  postérieu- 
rement à  la  séparation. 

114. —  La  femme  séparée  judiciairement  est  assimilée 
à  une  feme  sole.,  en  matière  de  contrats,  de  délits  ou  de 
quasi-délits  :  elle  jouit  de  sa  pleine  capacité  juridique  en 
ce  qui  concerne  les  biens  qu'elle  acquiert  ou  qui  lui  échoient 
ultérieurement.  Elle  peut  en  disposer  à  son  gré  par 
testament;  si  elle  meurt  intestat,  ses  héritiers  les  recueil- 
lent comme  si  elle  n'avait  pas  de  mari.  Elle  est  apte  à  ester  j 
en  justice  soit  comme  demanderesse  soit  comme  défende- 
resse. 

A  l'inverse,  le  mari  ne  répond  plus  des  dettes  de  sa 
femme;  il  est  seulement  tenu,  s'il  ue  lui  paye  pas  de  pen- 
sion, des  objets  nécessaires  qu'elle  a  été  dans  le  cas  de  se 
procurer  '*. 

En  ce  qui  concerne  les  pouvoirs  appartenant  aux  deux 
époux  conjointement,  la  femme  ne  peut  les  exercer  que  de 
concert  avec  lui''. 

Si,  plus  tard,  la  femme  réintègre  le  domicile  conjugal, 
tous  les  biens  qu'elle  possède  à  ce  moment  demeurent 
affectés  à  son  usage  personnel  {separate  use),  sauf  les    / 
conventions  faites  par  écrit  entre  elle  et  son  époux  durant 
la  séparation  (§  25). 

115.  —  La  justice  anglaise  s'est  toujours  préoccupée 
d'assurer  tout  au  moins  l'existence  de  la  femme,  qui  est 


13  Jonesc.  Wailc,  A  Man.  etGr.,  i^  St.  20et  21,  Vict..  c.  85,  §§  25 

1104;  Bateman   c.    Itoss,    1  Dow,        et  2r). 
235;  Hulme  c.  ChilUj,  9  i^eav.,  437.  is  76.,  §  2('>. 


70  DE    LA    SEPARATION    DE    CORPS 

réputée  moins  capable  que  le  mari  de  pourvoir  elle-même 
à  ses  besoins.  Aussi  la  femme,  même  coupable,  obtient- 
elle  souvent  des  tribunaux  une  somme  une  fois  payée,  ou 
une  pension  alimentaire  [alimony)  dont  le  chiffre  est, 
d'ailleurs,  susceptible  de  modifications  ultérieures.  Lor^- 
qu'elle  est  innocente,  il  n'est  pas  rare  que  ce  chiffre  attei- 
gne le  tiers  ou  la  moitié  des  revenus  du  mari  '^ 

A  un  autre  point  de  vue,  les  tribunaux  ont,  en  vertu  de  la 
loi  de  1857  et  de  plusieurs  lois  postérieures,  la  faculté  de 
modifier  les  conventions  matrimoniales  faites  au  profit  de 
la  femme  et  d'attribuer  une  partie  de  ses  revenus  aux  en- 
fants ou  au  mari,  lorsque  c'est  l'adultère  de  la  femme  qui  a 
donné  lieu  au  divorce  ou  à  la  séparation  *\  Ils  peuvent 
également  ordonner  dans  ce  cas  qu'une  partie  des  biens  de 
la  femme  soient  substitués  [settled)  au  profit  de  l'époux 
innocent  ou  des  enfants  issus  du  mariage  '*. 

116.  — En  cas  de  séparation  volontaire,  la  femme  ne 
jouit  d'aucune  extension  de  capacité;  elle  demeure,  à  cet 
égard,  dans  la  même  situation  que  si  elle  continuait  à 
vivre  avec  son  mari.  Par  suite,  si  elle  lui  survit,  elle  n'est 
liée  par  aucun  acte  de  disposition  de  ses  biens  meubles, 
postérieur  à  la  séparation,  si  l'acte  est  de  la  nature  de 
ceux  qu'en  l'absence  de  séparation  le  mari  n'aurait  pu 
faire  qu'avec  l'assistance  de  sa  femme  ''. 


•6  Ib.,  §§  24  et  32;  Si.  29,  Vict,,  i9  Lord  St.  John   c.  Lady  St. 

C.32.  Jo/iw,ll  Ves.,  531:  Stamper  cBar- 

«■  St.  22  et  23,  Vict.,  c.  61,  §  5.  ker,  5  Madd.,  157. 
»8St.  20  et  21,  Vict.,  c.  85.  §  45. 


DE  LA  GARDE  DES  ENFANTS  EN  CAS  DE  SEPARATION       71 

III 

De  la  garde  des  enfants  en  cas  de  séparation 
ou  de  divorce. 

■boMMAiRE  :  117.  Pouvoirs  du  juge.  —  118.  Droits  respectifs  du  père  et  de 
la  mère.  —  119.   Loi  de  1873. 

117.  —  Dans  tout  procès  en  séparation  ou  en  divorce, 
le  juge  a  le  droit,  soit  avant,  soit  après  l'arrêt  final,  de 
prescrire  les  mesures  qu'il  juge  nécessaires  quant  à  la 
garde  et  à  l'éducation  des  enfants,  ou  de  les  placer  directe- 
ment sous  la  protection  de  la  division  de  Chancellerie  de 
la  Haute  Cour  "^". 

118.  —  En  cas  de  séparation,  la  garde  des  enfants  ap- 
partient de  droit  au  père:  il  est  leur  gardien  naturel^'.  On 
n'admettait  même  pas  autrefois  qu'il  pût  se  dérober  à  ce 
devoir  et  faire  valablement  un  arrangement  pour  remettre 
les  enfants  à  la  mère'^  Mais,  si  sa  conduite  faisait  craindre 
qu'il  ne  sût  s'acquitter  de  sa  tâche  qu'au  détriment  matériel 
ou  moral  des  enfants,  il  pourrait  être  exclu  d'une  fonction 
qu'on  le  jugerait  incapable  de  remplir  convenablement". 

Le  St.  2  et  3,  Vict.,  c.  54,  aujourd'hui  abrogé,  donnait 
seulement  à  la  cour  de  Chancellerie  la  faculté,  sur  la  re- 
quête de  la  mère  d'un  enfant  remis  à  la  garde  du  père  ou 
d'un  tuteur,  d'autoriser  ladite  mère,  soit  à  voir  l'enfant  dans 
la  mesure  et  sous  telles  conditions  qui  paraîtraient  conve- 
nables, soit  même,  si  l'enfant  avait  moins  de  sept  ans,  à  le 
prendre  auprès  d'elle  jusqu'à  cet  âge.  La  cour  ne  pouvait 
accorder  ces  faveurs  à  une  mère  convaincue  d'adultère. 

20  St.  20  et  21,  Vict.,  c.  85,  §  35;       et  J.,62;  Hope  c.  //opr,  22  Beav., 

22et  2:3,  Vict.,c.61,§  4.  351. 

.1  n      r    if     an   t.   ..   H9\  ^^  Cruise  c.  IIanl>'r,2Bro.  C.  C, 

-1  Lo.  Litt.,  88  b,  n.  (1/).  ^^y,.  ^^n^^i^y  ^  ^^^  ^^  Beaufovl, 

*-  Vansiltart  c  ,  Vansittart,  4  K.       2  Russ.,  1. 


72  DES  EFFETS  DU  MARIAGE  QUANT  A  LA  PERSONNE 

'  119.  —  La  matière  a  été  réglée  depuis  par  une  loi  du 
24  avril  1873".  D'après  le  §  1",  la  cour  de  Chancellerie, 
sur  la  requête  du  next  friend  de  la  mère,  peut  ordonner 
ou  bien  que  la  mère  aura  accès  auprès  de  son  enfant  âgé 
de  moins  de  seize  ans,  ou  même  qu'elle  pourra  le  prendre 
auprès  d'elle  jusqu'à  cet  âge,  sous  telles  conditions  qu'il 
plaira  à  la  cour  de  poser  et  sauf  le  droit  du  père  ou  tuteur 
de  voir  également  l'enfant  aux  lieux  et  jours  fixés  par  la 
cour.  La  même  loi  porte  (§  2)  qu'une  convention  contenue 
dans  un  acte  de  séparation  entre  les  père  et  mère  ne  doit 
pas  être  considérée  comme  nulle  uniquement  parce  qu'elle 
tend  à  conférer  à  la  mère  la  garde  ou  la  surveillance  des 
enfants,  la  cour  demeurant  seulement  maîtresse  de  n'en 
pas  tenir  compte  si  elle  estime  que  cet  arrangement  est 
préjudiciable  aux  enfants. 

Ces  questions  relèvent  à  présent  de  la  division  de  Chan- 
cellerie de  la  Haute-Cour,  et  la  loi  sur  l'organisation  judi- 
ciaire de  1873  porte  qu'elles  doivent  être  essentiellement 
résolues  d'après  les  règles  de  l'équité  (§  23,  al.  10). 

CHAPITRE  m 

Des  effets  du  mariage  quant  à  la  personue  des  époux. 

Sommaire:  120.  Principe  de  la  matière;  ancien  droit;  loi  de  1882.  — 
121.  Devoirs  du  mari.  —  122.  Témoignage  en  justice.  —  123-  Droits  et 
jjrérogatiTes  du  mari. 

120.  —  Depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'au 
dernier  quart  du  xix"  siècle,  l'effet  du  mariage  quant  à  la 
personne  des  époux  put  se  résumer  en  un  seul  mot  :  ab- 
sorption de  la  personnalité  de  la  femme  par  celle  du  mari, 
avec  toutes  ses  conséquences.  La  femme  et  le  mari  ne  for- 

2*  Act  to  ainend  the  law  as  to  the  cuitody  of  infants,  St.  36,  Vict., 
c.  12. 


DES  EFFETS  DU  MARIAC  E  QUANT  A  LA  PERSONNE    73 

maient  aux  yeux  de  la  loi  qu'une  seule  et  même  personne  '  ; 
la  femme  ne  vivait  plus,  en  quelque  sorte,  que  sous  le  cou- 
vert de  son  mari;  aussi,  dans  le  vieux  français  des  lois 
anglaises  du  moyen  âge,  désignait-on  la  femme  mariée 
sous  le  nom  de  feniecovert,  femina  vira  cooperta^  et  son 
état  de  dépendance  sous  le  nom  de  covertiire. 

On  verra,  dans  la  section  suivante,  quelles  ont  été  les 
conséquences  de  cette  absorption  de  la  femme  au  point  de 
vue  de  sa  fortune,  de  ses  gains,  de  ses  rapports  avec  les 
tiers,  et  comment,  après  avoir  cherché  à  en  atténuer  pro- 
gressivement les  inconvénients,  ona  fîni,danslaIoidel882, 
par  adopter  un  système  à  peu  près  absolu  de  séparation  de 
biens,  qui  en  est  le  contre-pied.  Celte  révolution  aura  tout 
naturellement  son  contre-coup  dans  les  relations  person- 
nelles des  époux,  puisqu'elle  tend  à  assimiler,  quant  à  ses 
biens  propres,  la  femme  mariée  aune  femme  qui  ne  le  se- 
rait point.  Elle  est  encore  trop  récente  pour  qu'il  soit  aisé 
d'en  mesurer  déjà  exactement  toute  la  portée.  Mais,  en 
indiquant  quel  a  été  le  droit  jusqu'alors  nous  devons  faire 
d'expresses  réserves  en  ce  qui  touche  les  modifications 
résultant,  par  voie  de  conséquence  indirecte,  du  Marrie d 
Women's  Property  act  en  vigueur  depuis  le  1"  janvier 
1883(cpr.  n°'  151  et  suiv.). 

D'après  l'ancien  droit,  le  mari  ne  peut  rien  donner  direc- 
tement à  sa  femme  ni  passer  avec  elle  un  contrat;  car  lui 
donner,  ce  serait  supposer  qu'elle  existe  indépendamment 
de  lui,  et  traiter  avec  elle,  ce  serait  traiter  avec  lui-même. 
Aussi,  en  général,  tout  pacte  fait  entre  eux  avant  le  mariage 
devient-il  nul  ou,  pour  mieux  dire,  s'éteint-il  par  confu- 
sion, du  jour  où  ils  se  marient'  ;  il  n'en  serait  plus  nécessai- 

«  Co.  LiU.,  112.  ■■!  Cro.  Carol.,551. 


74  DES  EFFETS  DU  MARIAGE  QUANT  A  LA  PERSONNE 

rement  ainsi  maintenant.  D'autre  part,  la  femme  a  tou- 
jours pu  être  fondée  de  pouvoirs  de  son  mari,  car  le  man- 
dat n'implique  pas  deux  personnalités  séparées,  mais 
seulement  représentation  de  l'une  des  personnes  par 
l'autre^;  et  elle  a  aussi  eu  à  toute  époque  la  faculté  de  re- 
cevoir un  legs  de  son  mari,  la  disposition  ne  devant  pro- 
duire son  effet  qu'après  la  cessation  de  la  coverture  *. 

121.  —  Le  mari  est  tenu  de  fournir  àsa  femme  toutce 
qui  lui  est  nécessaire,  comme  il  le  fait  pour  lui-même.  S'il 
manque  à  ce  devoir  et  que  la  femme  contracte  des  dettes 
pour  pourvoir  à  ses  besoins,  le  mari  en  est  responsable,  à 
moins  que  sa  femme  ne  l'ait  abandonné  pour  aller  vivre 
avec  un  autre  homme". 

122.  —  Les  époux  ne  peuvent  être  appelés,  en  justice,  à 
lémoignerl'unpourouconlrel'autreiétantréputésneformer 
qu'une  seule  personne,  ils  ne  sauraient 'déposer  l'un  pour 
l'autre,  quianemo  in  propriâ  causa  testis  esse  débet ^  ni 
l'un  contre  l'autre,  quia  ncmo  tenetur  se  ipsnmacciisare. 
Il  n'en  serait  autrement  que  dans  le  cas  d'une  violence 
exercée  par  l'un  des  époux  sur  la  personne  de  l'autre  et  fai- 
sant l'objetd'une  plainte  de  la  part  de  la  victime:  les  témoi- 
gnages du  plaignant  etde  l'accusé  seraient  indispensables  ". 

123.  —  Pendant  des  siècles,  la  suprématie  du  mari, 
du  baron^  sur  sa  femme  s'est  accusée  par  la  faculté  qu'il 
avait  de  la  soumettre  à  un  châtiment  domestique  modéré  et 
par  la  protection  spéciale  dont  il  jouissait  en  matière  cri- 
minelle. Jusqu'aux  dernières  années  du  xviii^  siècle,  si 
le  mari  tuait  sa  femme,  il  n'encourait  que  la  peine  ordi- 


3  Filzherbert,  Natura  brevium,  «    Salkeld,   Rep.,   118;  Slrange, 

■^7.  Rep.,  647. 

6  Blackstone,  Com»i.,éd.  fr.,  II, 
*  Go.  Lill.,  112.  219,  note  1. 


DES  EFFETS  DU  MARIAGE  QUANT  A  LA  PERSONNE  To 

naire  de  l'homicide,  tandis  que  le  meurtre  du  mari  par  la 
femme  était  assimilé  à  une  trahison.  Quant  au  droit  de  cor- 
rection, ce  n'est  aussi  qu'à  une  époque  récente  qu'on  Ta 
contesté  au  mari  et  que  la  femme  a  pu  obtenir  que  la  paix 
lui  fût  assurée  par  cautions  de  la  part  de  son  mari  \  Du 
temps  de  Blackstone,  les  cours  de  justice  permettaient  en- 
core à  un  mari  de  tenir  sa  femme  en  charte  privée,  lors- 
qu'elle menait  une  conduite  licencieuse*. 


^  Moore,  Rep.,  874  ;  Fitzherbert,  »  Ed.  fr.,  I[,  222;  Strange,  Rep., 

80;  Keble,  Rep.,  III,  433;  Levinz,       478,  875. 
Rep.,  Il,  128. 


SECTION   QUATRIÈME 

DU  MARIAGE     CONSIDÉRÉ    QUANT    AUX    BIENS 
DES  ÉPOUX. 

INTRODUCTION    HISTORIQUE. 

Sommaire:  124.  Common  law;  douaire.  — 125.  Régime  fondé  sur  Vcquity. 
—  126.  Premières  tentatives  de  réforme  législative.  —  127.  Loi  de  1870. 
— 128.  Loi  de  1882;  sa  portée  et  ses  limites. 

124.  —  Jusqu'à  une  époque  récente,  les  femmes  mariées 
étaient  dépourvues  de  tout  droit,  de  toute  protection  quant 
à  leurs  biens.  La  législation,  de  l'aveu  de  lord  Cairns  lui- 
même',  était  très  en  arrière  de  la  plupart  des  législations 
européennes. 

D'après  le  common  law^  la  femme  mariée  n'avait  pas 
d'existence  distincte:  la  personnalité  juridique  du  mari, 
ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut,  absorbait  complètement  celle 
de  sa  femme.  Il  en  résultait  que  la  femme  mariée  ne  pouvait 
ni  tester,  ni  contracter,  ni  ester  en  justice;  les  délits  mêmes 
qu'elle  commettait  en  présence  de  son  mari  étaient  impu- 
tables à  ce  dernier.  Ses  biens  meubles  [personal j^roperty)^ 
le  produit  de  son  travail  devenaient  la  propriété  du  mari; 

•    Discours    à    la   Chambre   des  sérée  dans  le  même  Bull,  et  YAn- 

Lords,  r/mes  du  22  juin  1870.  Nous  nuaire,  t.  XII,  et  publiée    à   part 

avons  consulté    avec   fruit,  sur  ce  sous    le    titre    de:    Émancipation, 

sujet,  une  notice  de  M.  Ribot  dans  contractuelle  de  la  femme  mariée 

le  Bulletin  de  lègii<l.  comp.,  1871,  en   Angleterre    (in-S",  Paris,    Pe- 

p.  6   et  suiv.,  et  une  étude  de  M.  done-Lauriel,  1883). 
Th.  Barclay  sur  la  loi  de  1882,  in- 


DU  MARIAC.E  CONSIDÉIŒ  QUANT  AUX  BIENS  DES  ÉPOUX       77 

il  n'avait  aucun  compte  à  en  rendre  lors  de  la  dissolution 
du  mariage.  Sans  doute,  les  immeubles  continuaient  à  ap- 
partenir à  la  femme;  le  mari  ne  pouvait  les  aliéner,  même 
avec  le  concours  de  sa  femme;  mais  il  en  avait  l'adminis- 
tration et  la  jouissance  personnelle. 

Au  moment  où  s'est  formé  ce  droit  si  peu  équitable, 
la  fortune  mobilière  n'avait  encore,  il  faut  le  recon- 
naître, qu'une  minime  importance  et  le  travail  de  la 
femme  était  à  peu  près  improductif.  D'ailleurs,  en  échange 
de  ce  qu'elle  apportait  au  mari,  la  femme,  si  elle  lui 
survivait,  avait  droit,  à  titre  de  douaire  [dower],  au  tiers 
des  biens  par  lui  délaissés.  Ce  douaire  était  garanti 
contre  les  libéralités  entre-vifs  ou  testamentaires  du 
mari  par  une  sorte  d'inaliénabilité  au  profit  de  la  femme. 
Dans  le  droit  moderne,  le  douaire  a  presque  disparu;  le 
St.  3  et  4,  Guil.  IV,  c.  lOo,  a  permis  au  mari  d'en  en- 
lever le  bénéfice  à  sa  femme  soit  par  une  aliénation  des 
biens,  soit  par  une  simple  déclaration  écrite. 

125.  —  Pour  les  classes  riches  ou  aisées,  ce  système 
avait  été  remplacé  depuis  longtemps  par  un  régime  dif- 
férent, fondé  sur  Vequity.  A  l'aide  de  divers  expédients, 
notamment  par  l'intervention  de  trustées^  la  cour  de 
Chancellerie  était  parvenue  à  créer  en  faveur  de  la 
femme  mariée  une  situation  plus  indépendante,  à  lui 
conserver  la  propriété  de  tous  ses  biens  meubles  ou  im- 
meubles, à  lui  permettre  d'en  toucher  les  revenus  et  d'en 
disposer  comme  si  elle  n'était  pas  mariée.  Mais  le  vieux 
droit  avait  continué  de  s'appliquer  dans  toute  sa  rigueur 
aux  femmes  qui  ne  possédaient  point  de  capitaux  pro- 
prement dits  et  qui  auraient  eu  besoin  d'être  protégées 
surtout  dans  la  jouissance  de  leurs  gains  et  de  leurs  sa- 
laires; or  c'était  de  beaucoup  le  plus  grand  nombre. 


78      DU  MARIAGE  CONSIDERE  QUANT  AUX  BIENS  DES  EPOUX 

126.  —  L'opinion  publique  finit  par  s'émouvoir  de 
l'inégalité  que  la  loi  faisait  peser  sur  les  femmes  mariées 
appartenant  aux  classes  pauvres.  Une  première  tenta- 
tive, faite  en  1856,  aboutit  seulement  à  l'insertion  dans 
le  Divorce  act  18.57  (St.  20  et  2\,  Vict.,  c.  85;  d'une 
clause  permettant  à  la  femme  abandonnée  par  son  mari 
d'obtenir  du  juge  une  ordonnance  à  l'effet  de  rester 
seule  maîtresse  des  biens  qu'elle  pourrait  gagner  ou 
acquérir  depuis  le  départ  du  mari:  la  séparation  de 
biens  judiciaire  n'est  pas  connue  en  Angleterre  indé- 
pendamment de  la  séparation  de  corps.  Hormis  le  cas 
d'abandon,  le  mari  restait  libre  de  dissiper  tout  l'avoir 
du  ménage;  et  la  femme,  dépourvue  de  toute  action 
contre  son  mari  pour  le  forcer  de  contribuer  aux  dé- 
penses les  plus  indispensables,  n'avait  d'autre  ressource 
que  de  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  pauvres  delà 
paroisse.  La  paroisse  donnait  alors  à  la  femme  de  quoi 
ne  pas  mourir  de  faim  et  recourait  contre  le  mari. 

127.  —  VactAw  9  août  4870  (St.  33 et  34,  Vict.,  c.  93} 
remédia  partiellement  à  la  situation  en  établissant  à 
certains  égards,  entre  les  époux,  un  régime  analogue 
à  celui  de  la  séparation  de  biens  contractuelle  du  droit 
français.  Seulement,  au  lieu  d'avoir  à  contribuer  aux 
charges  du  ménage  jusqu'à  concurrence  du  tiers  de  ses 
revenus,  la  femme  anglaise  ne  fut  tenue  que  d'indemni- 
ser la  paroisse  des  dépenses  faites  par  celle-ci  pour 
l'entretien  du  mari  et  des  enfants.  La  nouvelle  loi  ne 
toucha  pas  à  l'incapacité  générale  de  contracter  qui  pe- 
sait de  vieille  date  sur  la  femme  mariée  :  elle  ne  put 
pas  davantage  exercer  un  commerce  distinct,  entrer 
dans  une  association,  ou  traiter  soit  avec  son  mari  soit 
avec  des  tiers.  Mais  elle  fut  admise  à  ester  en  justice  re- 


DU  MARIAGE  CONSIDÉRÉ  QUANT  AUX  BIENS   DES  ÉPOUX    79 

lativement  aux  sommes  ou  valeurs  dont  la  loi  lui  recon- 
nut la  propriété  séparée. 

128.  —  Après  uneexpérience  de  douze  ans,  on  jugea  que 
la  législation  libérale  inaugurée  en  1870  et  confirmée  une 
première  fois  en  1874  constituait  un  véritable  progrès  sur 
l'ancien  état  des  choses.  Résolu  à  accepter  avec  toutes  ses 
conséquences  le  principe  d'émancipation  contenu  en  germe 
dans  ces  deux  lois,  le  parlement  se  décida  à  les  abroger 
pour  les  remplacer  par  une  loi  plus  large  encore  et  plus 
complète.  Cette  loi  nouvelle,  promulguée  le  10  août  1882 
(St.  45  et  46,  Vict,,  c.  75),  a  bouleversé  de  fond  en  comble 
le  vieux  droit  anglais  sur  la  matière  et,  après  de  longs 
siècles  d'annihilation  complète,  a  donné  à  la  femme  mariée 
uneindépendance  dont  elle  est  encore  loin  de  jouir  dans  la 
plupart  des  autres  Etats  de  l'Europe.  La  femme  mariée  peut 
désormais  acquérir,  aliéner,  contracter,  ester  en  justice, 
quant  à  ses  biens  séparés,  tout  comme  si  elle  n'était 
pas  mariée;  elle  échappe  complètement  à  cet  égard  à 
l'autorité  maritale  et  subit,  en  revanche,  toutes  les  respon- 
sabilités qui  pèsent  sur  nne  personne  jouissant  de  sa 
pleine  capacité  juridique. 

Mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  la  grande  réforme 
opérée  par  les  lois  de  1870  et  de  1882  a  consistée  donner 
à  certains  des  biens  de  la  femme  mariée  le  caractère  de 
«  propriété  séparée  »  et  à  lui  conférer  sur  ces  biens-là  les 
droits  les  plus  étendus.  L'ancien  droit  est  resté  en  vigueur 
pour  les  biens  appartenant  à  la  femme  mariée  qui  n'ont 
pas  ce  caractère  spécial;  nous  avons  donc  à  l'exposer  en- 
core, sous  la  réserve  des  modifications  partielles  qu'il  vient 
de  subir. 


«0    DES  DROITS  ET  OBLKJATIONS  DES  ÉPOUX  EN  DROIT  COMMUN 

CHAPITRE  I 

Des  droits  et  obligations  des  époux  pendant  le  mariage 
d'après  le  droit  commun. 

Sommaire:  129.  Absorption  de  la  persounalité  de  la  femme  parcelle  du 
mari;  ses  conséquences.  —  130.  Droits  du  mari  sur  les  immeubles  de 
la  femme.  —  131.  Aliénation  d'immeubles  par  le  mari  et  la  femme 
conjointement.  —  132.  Incapacité  de  la  femme  seule,  sauf  certains  cas 
spéciaux.  — 133.  Droits  du  mari  sur  les  chattels  real  de  la  femme.  — 
134.  Droits  du  mari  sur  les  biens  meubles  proprement  dits.  —  135. 
Obligations  corrélatives;  mandat  tacite.  —  136.  Actes  de  la  femme  faits 
en  fraude  des  droits  du  mari.  —  137.  Actions  en  justice.  —  138.  Tes- 
tament. 

129.  —  En  principe,  dans  le  droit  anglais,  le  mariage 
a  pour  effet  de  confondre  le  mari  et  la  femme  en  une  seule 
personnalité  juridique;  ou,  pour  mieux  dire,  tant  que 
dure  la  coverture,  la  personnalité  de  la  femme  se  fond 
dans  celle  du  mari,  ce  qui  conduit  parfois  à  de  singulières 
conséquences.  Ainsi,  lorsqu'un  bien  est  donné  conjointe- 
ment à  deux  époux  et  à  un  tiers,  les  deux  époux,  Décomp- 
tant que  pour  un,  ne  prennent  ensemble  que  la  moitié  au 
lieu  d'avoir  droit  chacun  à  un  tiers'.  Ainsi  encore,  lorsqu'un 
bien  est  donné  conjointement  à  deux  époux  et  à  leurs  hé- 
ritiers, au  lieu  qu'ils  aient,  comme  des,  joi?it  tejiwits ord'i- 
naires,  le  droit  de  disposer  chacun  d'une  moitié  indivise, 
le  mari  dispose  seul  pendant  le  mariage  de  la  totalité  des 
revenus  et  ne  peut  aliéner  aucune  parcelle  du  fonds  sans 
le  concours  de  sa  femme;  sauf  le  cas  d'une  aliénation  faite 
d'un  commun  accord,  chacun  des  époux  court  le  risque 
d'acquérir  la  propriété  de  l'ensemble  s'il  survit  à  l'autre, 
ou  de  perdre  le  tout  s'il  meurt  le  premier  ".    Enfin,  des 


1  Gordon  c.  Whieldon,  11  Beav.,  ^  Doe, dit  Freestone,  c.  Parratt, 

170;«eW'i/Zde,2deG.,M.etG.,724.       5  T.  Rep.,  652. 


OES  DROITS  ET  OBLUiATIONS  DES  ÉPOUX  EN  DROIT  COMMUN  81 

époux  ne  peuvent  se  transférer  une  propriété  l'un  à  l'autre 
car  ils  sont  réputés  ne  constituer  qu'une  seule  et  même 
personne,  et  l'on  ne  peut  se  transférer  un  bien  à  soi-même  ; 
mais  le  mari  a  la  faculté  de  léguer  un  bien  à  sa  femme, 
attendu  que  la  disposition  ne  doit  produire  son  effet 
■qu'après  la  dissolution  du  mariage  et,  par  conséquent,  après 
la  disjonction  de  leurs  personnalités  ^ 

130.  —  De  ce  que  le  mari  et  la  femme  ne  font  qu'un, 
il  résulte,  en  ce  qui  concerne  les  immeubles  de  la  femme, 
■que  le  mari  en  a  l'administration  et  la  jouissance  person- 
nelle, à  moins  que,  suivant  un  tempérament  introduit  par 
la  cour  de  Chancellerie  et  sur  lequel  nous  reviendrons  plus 
bas,  ces  immeubles  n'aient  été  confiés  à  des  truf^tees^  pour 
les  revenus  en  être  affectés  à  l'usage  exclusif  de  la  femme. 
Eu  vertu  du  Settled  Estâtes  act  de  1877  \  qui  n'a  fait 
d'ailleurs  que  confirmer  sous  de  légères  modifications  un 
principe  posé  dès  le  règne  de  Henri  VIII  %  toute  personne 
ayant  la  possession  ou  k  jouissance  d'un  bien  non  substi- 
tué [unspAtled),  comme  tenant  hy  the  citrtesy  ou  du  chef 
de  la  femme  qui  en  est  légalement  investie,  a  le  droit  de 
donner  ce  bien  à  bail,  à  l'exception  de  la  maison  principale 
et  de  ses  dépendances,  pour  une  période  ne  dépassantpas 
vingt  et  un  ans  en  Angleterre  ou  trente-cinq  ans  en  Irlande, 
sous  les  mêmes  restrictions  imposées  en  pareil  cas  à  un 
tenant  for  lif'e  (§  46).  Tout  bail  de  cette  espèce  est  oppo- 
sable à  la  femme  et  à  ses  ayants-cause  (§  47). 

D'après  le  St.  6,  Anne,  c.  18,  !5  5,  lorsqu'un  mari,  pos- 
sédant des  immeubles  uniquement  du  chef  de  sa  femme, 
continue  à  les  détenir  après  l'expiration  de  son  droit  de 
jouissance  contre  le  gré  des   personnes   à  qui   les  biens 

3  Littleton,  renwr^s,  1G8.  Ann.de  léginl.  èlrang.,  VII,  p.  9. 

*  St.  40  et  41,  Vict.,  c.  18  ;  cpi\  *  .St.  32,  Hem-.  VIII,  c.  28. 

Lfur  a 


82    DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DES  EPOUX  EN  DROIT  COMMUN 

devaient  alors  échoir,  il  est  considéré  comme  un  possesseur 
de  mauvaise  foi  (trespasser)  et  tenu,  lui  ou  ses  ayants- 
cause,  de  dommages  et  intérêts  jusqu'à  concurrence  du 
profit  qu'il  en  a  indûment  retiré. 

131.  —  En  dehors  du  cas  où  des  immeubles  ont  été 
constitués  en  trust  pour  l'usage  séparé  de  la  femme  et 
sous  clause  d'inaliénabilité,  le  mari  et  la  femme  peu- 
vent faire  conjointement,  quant  aux  immeubles  decelle-ci, 
tout  acte  de  disposition  qui  serait  loisible  à  une  femme 
non  mariée.  Il  faut  seulement  que  la  femme  reconnaisse 
l'acte  soit  devant  un  juge  de  l'une  des  cours  supérieures 
ou  d'une  cour  de  comté,  soit  devant  un  master  in  chan- 
cery  ou  deux  commissaires,  lesquels,  avant  de  recevoir 
sa  déclaration,  s'assurent,  en  l'interrogeant  hors  la  pré- 
sence de  son  mari,  qu'elle  se  rend  compte  de  la  portée 
de  l'acte  projeté  et  qu'elle  s'y  est  prêtée  librement  et 
volontairement  ^. 

132.  —  Sans  l'assistance  du  mari,  la  femme  ne  peut  ni 
aliéner  ni  mortgager  ses  immeubles,  à  moins  qu'elle  n'ait 
reçu  un  power  of  appointment,  —  en  vertu  duquel  elle 
est  alors  libre  de  disposer,  à  elle  seule,  de  tout  ou  partie 
de  ses  biens,  en  faveur  de  son  mari  aussi  bien  que 
d'un  étranger,  —  ou  à  moins  que  le  mari  ne  soit  atteint 
d'aliénation  mentale,  ou  transporté  au  delà  des  mers,  ou 
qu'il  ne  l'ait  abandonnée  et  ne  vive  loin  d'elle.  Encore, 
pour  que,  dans  ces  cas  spéciaux,  les  actes  consentis  par  la 
femme  soient  opposables  au  mari,  faut-il,  de  la  part  de  la 
femme,  une  reconnaissance  en  justice  ou  devant  des  com- 
missaires délégués  par  le  chef  de  la  cour  des  Plaids  com- 
muns,  analogue  à  celle  dont  il    est  question  au   numéro 

6  St.  8  et  9,  Vict.,  c.   106,   §  7;       suiv.  ;  19  et  20,  Vict.,  c.  108,  §  73. 
3  et  4,  Guil.  IV,   c.  74,  §§  79  et 


DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DES  EPOUX  EN  DROIT  CfiMMUN   83 

précédent.  A  défaut  de  reconnaissance,  l'acte  est  nul  at 
law  et  il  le  serait  même  en  eqiiiiy,  à  moins  qu'il  ne  se 
réfère  aux  biens  que  la  femme  s'est  réservés  [separate 
estate)  \ 

133.  —  Le  mari  peut  aliéner  entre-vifs  les  chatlels  real 
de  sa  femme;  mais  il  n'a  pas  le  droit  d'en  disposer  par  tes- 
tament. S'il  survit  à  sa  femme,  ils  deviennent  absolument 
siens;  s'il  meurt  le  premier,  la  femme  les  reprend  pour  au- 
tant qu'il  n'en  a  pas  disposé  entre  vifs*. 

134.  —  En  ce  qui  concerne  les  biens  meubles  propre- 
ment dits,  l'ancienne  législation  anglaise  a  été  profondément 
modifiée,  d'abord  par  la  jurisprudence  des  cours  d'équité, 
puis  par  les  trois  importantes  lois  connues  sous  le  nom  de 
Married  Wornens  Propertij  acfs  de  1870,  de  1874  et  de 
1882.  Nous  exposerons  plus  loin  le  régime  issu  de  cette 
jurisprudence  et  de  ces  lois.  En  droit  commun,  le  mari  de- 
venait par  le  fait  même  du  mariage  propriétaire  de  tout  le 
mobilier  présent  et  futur  de  la  femme,  ainsi  que  du  produit 
de  son  travail.  Il  pouvait  en  disposer  librement  entre  vifs 
ou  par  testament,  et,  s'il  mourait  intestat,  la  femme  ne  pou- 
vait pas  plus  prétendre  à  une  portion  desdits  biens  qu'à 
toute  autre  partie  de  la  fortune  propre  du  mari.  Telle  était 
du  moins  la  situation  quant  aux  choses  in  possession  de  la 
femme.  Relativement  aux  choses  in  action,  c'est-à-dire  uux 
choses  que  la  femme  avait  le  droit  de  réclamer  en  justice, 
les  prérogatives  du  mari  étaient  différentes  suivant  que 
l'action  ressortissait  à  un  tribunal  ordinaire  ou  à  une  cour 
d'équité  {légal  ou  équitable  choses  in  action).  Les  le(fal 
choses  in  action  comprennent  notamment  les  créances  de 
la  femme,  quelle  que  soit  la  nature  du  titre  qui  les  constate. 

■J  St.  3  et  4,  Guil.  IV,  c.74,  §§  40,  »  Milford  c.  Milford,  y  Ves.,87; 

79  et  suiv.;  1«  et  19,  Vict.,  c.  75.         cpr.  Paterson,  Comp.,  n»  884. 


84   DES  DROITS  ET  OBLIGATIOx\S  DES  ÉPOUX  EX  DROIT  COMMUN 

Le  mari  avait  le  droit  d'en  recevoir  le  payement;  si  le  dé- 
biteur refusait  de  s'acquitter,  le  mari  pouvait,  conjointe- 
ment avec  sa  femme,  l'actionner  en  justice.  Il  avait  le  droit 
d'endosser  seul  les  lettres  de  change  et  billets  à  ordre  ap- 
partenant à  sa  femme  et  d'en  toucher  le  montant.  Mais  le 
droit  du  mari  à  une  chose  in  action  ne  durait  pas  plus 
longtemps  que  le  mariage  lui-même:  en  d'autres  termes, 
le  mari  devenait  propriétaire  delà  chose  s'il  parvenait  à  la 
recouvrer  pendant  le  mariage  ;  mais,  s'il  mourait  sans  avoir 
obtenu  soit  le  payement  soit  un  jugement  de  condamnation , 
la  femme  survivante  reprenait  un  droit  exclusif  à  la  chose 
non  encore  recouvrée;  et  si,  au  contraire,  la  femme  mourait 
la  première,  la  chose  était  comprise  dans  son  personal 
estate,  et  le  mari  ne  pouvait  en  poursuivre  le  recouvrement 
qu'autant  qu'il  se  trouvait  être  l'administrateur  de  cet 
estate. 

135.  —  Le  corollaire  des  droits  fort  étendus  accordés 
au  mari  sur  la  fortune  mobilière  de  sa  femme  était  une 
responsabilité  absolue  quant  aux  dettes  de  la  femme  anté- 
rieures ou  postérieures  au  mariage.  Seulement,  relative- 
ment aux  premières,  si  le  créancier,  après  avoir  obtenu  un 
jugement,  négligeait  de  le  faire  exécuter  durant  le  mariage, 
le  mari  cessait  d'être  tenu  de  ces  dettes  autrement  que  sur 
les  assets  auxquels  il  avait  droit  comme  administrateur  de 
la  succession  de  sa  femme  ;  et,  en  cas  de  survie  de  la  femme, 
c'est  elle  seule  qui  pouvait  être  recherchée  de  ce  chef  (cpr. 
nM50). 

Après  le  mariage,  la  femme,  ayant  perdu  toute  person- 
nalité distincte  et  toute  capacité  de  contracter,  ne  pouvait 
en  général  faire  des  dettes,  à  moins  qu'elle  ne  fût  séparée 
ou  que  son  mari  ne  fût  atteint  d'aliénation  mentale.  Mais 
elle  obligeait  indirectement  le   mari  par  les  engagements 


DES  DROITS  ET  ORLICATIONS  DES  EPOUX  EN  DROIT  COMMUN    85 

qu'elle  prenait  en  verlu  de  son  mandat  tacite,  à  raison 
d'acquisitions  indispensables  à  son  entretien  ou  à  la  tenue 
de  son  ménage;  la  nouvelle  législation  ne  paraît  pas  avoir 
modifié  ce  principe,  qui  est  le  corollaire  de  l'obligation 
pour  le  mari  de  pourvoir  à  l'entretien  de  sa  femme  et  de 
ses  enfants.  Il  a  même  été  jugé  que,  bien  qu'il  s'agisse 
d'objets  non  absolument  nécessaires,  si  le  mari  a  eu  con- 
naissance des  achats  ou  les  a  confirmés  en  autorisant  sa 
femme  à  se  servir  des  objets  achetés,  il  est  tenu  de  les 
payer*.  Il  n'a  aucun  moyen  légal  de  révoquer  le  mandat 
tacite  et  d'éviter  de  devoir  payer  les  marchandises  livrées 
par  un  marchand  de  bonne  foi  ;  un  avis  général,  publié  dans 
les  journaux  ou  autrement,  ne  le  déchargerait  pas  de  sa 
responsabilité;  mais  il  en  serait  autrement  d'un  avertis- 
sement personnel  donné  à  tel  négociant  en  particulier'". 
136.  —  Le  fait  que  le  mariage  met  les  dettes  antérieu- 
res de  la  femme  à  la  charge  du  mari  impose  à  celle-ci  l'o- 
bligation de  ne  pas  priver  après  coup  son  époux  de  tout 
ou  partie  des  biens  qui  devaient  en  faire  le  contrepoids. 
Ainsi,  serait  nul,  comme  fait  en  fraude  des  droits  du  mari, 
l'acte  par  lequel  une  femme,  après  ses  fiançailles  et  avant 
la  célébration  du  mariage,  disposerait,  autrement  que  for 
valuable  considera.ùo7i,  de  l'un  de  ses  biens  à  l'insu  et 
sans  le  consentement  de  son  futur  conjoint,  encore  que 
celui-ci  ignorât  en  fait  qu'elle  possédait  le  bien  en  ques- 
tion ".  Le  mari  aurait  droit  à  récompense  dans  ce  cas 
et,  de  même,  dans  celui  où  la  femme  cèlerait  des  biens  qui 
devraient  échoir  au  mari  '^ 


»   Seaton   c.  Benedict,  ô  Bing.,  "  Strathnwre  c.  Boivrs,  1  Ves. 

28;  Petttj  c.  Anderson,  3  Bing.,  jr.,22;  28;  England  c.  Doivns,  2 

110;  Montayite  c. Benedict, 'SHarn.  Beav.,  522;  Goddard  c.   Snoiv,    1 

et  Cre-s.,  631,  638.  Russ  ,  485. 

'"  Paterson,  Comp.,  n»  898.  •■^  Taylorc.  Pu(jh,  1  Hare,  608. 


86  DES  DH01T3  ET  OBLIGATIONS  DES  ÉPOUX  EN  DROIT  COMMUN 

137.  —  La  femme  mariée  ne  peut  ester  en  justice,  sans 
l'assistance  de  son  mari.  Au  contraire,  dans  une  série  de 
cas,  le  mari  peut  ester  en  justice  sans  la  femme  relative- 
ment à  des  prétentions  qui  la  concernent.  Toutefois,  il  est 
nécessaire  qu'elle  intervienne  au  procès,  quand  il  s'agit 
de  contrats  faits  par  elle  dtim  sola  ou  de  la  réparation  de 
dommages  causés  à  sa  personne. 

138.  —  Le  mari  a  la  faculté  de  renoncer  au  droit  qui 
lui  compéte  en  cas  de  survie  sur  le  personal  estata  de  sa 
femme,  en  l'autorisant  à  disposer  par  testament  de  tout  on 
partie  de  cet  estate.  Mais  il  lui  est  loisible  de  retirer 
cette  autorisation  du  vivant  de  son  épouse,  et  même  après 
son  décès,  tant  que  le  testament  n'a  pas  été  homologué  ^^ 
En  principe,  la  femme  mariée  ne  peut  pas  disposer  de  ses 
immeubles  par  acte  de  dernière  volonté  **. 

Toutefois,  le  testament  fait  par  la  femme  antérieurement 

au  décès  de  son  mari  et,  par  là  même,  entaché  de  nullité, 

peut  être  validé    par  une  confirmation  postérieure  à  ce 

décès. 

En  matière  de  separale  estate,  la  femme  est  libre  de 

disposer  par  testament  de  ses  meubles;  mais  elle  ne 
peut  disposer  de  ses  immeubles  qu'entre  vifs  et  par 
deed'\ 

Depuis  la  loi  de  1837 '"^j  le  mariage  est  par  lui-même 
une  cause  de  révocation  de  tout  testament  fait  anté- 
rieurement par  l'un  ou  l'autre  des  conjoints,  à  moins 
que  le  testament  n'ait  été  fait  en  vertu  d'un  power  of 
appointment  spécial  et  ne  porte  sur  des  biens  dont,  à 
défaut  de  dispositions  expresses,  la  propriété  ne  passe- 
rait pas  à  l'héritier  le  plus  proche  du  testateur. 

*3  Roper,  Laio  of  husband  and  10  Williams,  Exec,  45. 

wife,  I,  166.  170.  le  St.  1.  Vict.,  c.  26,  §  18. 

1'  St.  1,  Vict.,  c.  26,  §  8. 


DES  DROITS  Eï  OBLIGATIONS  DES  ÉPOUX  D'APRÈS   LES  LOIS     87 


CHAPITRE  II 

Des  droits  et  obligations  des  époux  pendant 

le  mariage,  d  après  les  principes  de  l'equily  et  les  lois 

de  1870,  1874,  1882  et  1893. 


INTRODUCTION. 

139.  —  Il  n'est  pas  de  matière  où  les  principes  de 
Veqinly  s'écartent  plus  sensiblement  des  règles  du  droit 
commun.  At  iaiv,  ainsi  qu'on  vient  de  le  voir,  le  mari 
a,  pendant  toute  la  durée  du  mariage,  la  jouissance  des 
immeubles  de  sa  femme;  il  devient,  jure  mariti,  pro- 
priétaire absolu  des  chattels  personal  in  possession  et, 
pour  autant  qu'il  les  recouvre  durante  matrimonio^  des 
choses  in  action  de  sa  femme;  il  a,  entre  vifs,  la  faculté 
de  disposer  également  des  chattels  real  légaux  de  sa 
femme,  c'est-à-dire  de  ses  leaseholds,  sans  avoir  à  ré- 
server en  faveur  de  celle-ci  aucun  droit  de  retour;  seu- 
lement, s'il  ne  les  a  pas  aliénés  entre  vifs,  la  femme 
les  reprend,  une  fois  veuve,  tout  comme  les  choses  in 
action  non  recouvrées.  Ces  droits  fort  étendus,  confé- 
rés au  mari  sur  les  biens  et  revenus  de  sa  femme,  ont 
pour  corollaire  nécessaire  l'obligation  de  pourvoir  à  son 
entretien.  Mais  les  tribunaux  ordinaires,  très  prompts  à 
garantir  les  droits  du  mari,  laissaient  la  femme  à  peu 
près  sans  secours  lorsque  le  mari  manquait  à  ses  obli- 
gation envers  elle  ou  tombait  en  faillite  ou  en  décon- 
fiture, et  quelque  considérable  que  fût  parfois  la  fortune 
acquise  par  le  mari  du  chef  de  sa  femme. 

Les  cours  d'équité  se  préoccupèrent  de  cet  état  de 
choses;  et,  grâce  à  leur  active  intervention  en  faveur 
des  femmes  mariées,  a  surgi   toute  une  doctrine  fondée 


88  DU  SEPABATE  ESTATE  DE  LA  Ft.MME 

sur  la  justice  et  absolument  contraire  aux  principes  du 
vieux  commoji  law.  Cette  doctrine  a  été  peu  à  peu  re- 
connue si  rationnelle,  si  soucieuse  de  tous  les  intérêts 
à  concilier,  si  conforme  aux  exigences  de  la  société  mo- 
derne, qu'elle  a  fini  par  recevoir  la  sanction  du  législateur. 
Les  quatre  mémorables  lois  de  1870,  de  1874,  de  1882  et 
de  1893  {Married  Women's  Properly  acts),  qui  ont  mis 
les  femmes  mariées  à  même  d'avoir  des  biens  meubles  en 
propre  et  de  défendre  leur  propriété  devant  les  tribu- 
naux ordinaires,  ne  sont  que  la  confirmation  et  le  déve- 
loppement de  la  jurisprudence  dès  longtemps  adoptée 
par  la  cour  de  Chancellerie, 


I 

Du  separate  estate  ou  des  propres  de  la  femme. 

Sommaire  :  1.  Jurisprudence  des  cours  d'équité:  140.  Principe  de  Vequity 
en  cette  matière;  fondement  du  separate  estate.  — 141.  Un  trustée  est- 
il  nécessaire  ?  —  142.  Droits  de  la  femme  sur  ses  propres.  —  143. 
Situation  du  mari.  —  144.  Droits  des  créanciers  de  la  femme  sur  ses 
propres.  —  145.  Précautions  contre  les  abus  d  influence  du  mari.  — 
2.  Lois  de  1810  et  1874  :  146.  Résultats  généraux.  —  147.  Loi  de  1870  ; 
gains  de  la  femme.  —  148.  Placements.  —  149.  Assurances.  —  150. 
Dettes  delà  femme  ;  responsabilité  du  mari  ;  loi  de  1874.  —  3.  Loi  de 
1882  :  151.  But  de  la  loi.  —  152.  Définition  des  propres.  —  153.  Droits 
de  la  femme  sur  ses  propres.  —  154.  Droit  de  la  femme  de  s'obliger 
par  contrat  ;  ses  conséquences.  — 155.  Assurances.  —  156.  Délies  de 
la  femme  ;  —  systèmes  actuellement  en  vigueur.  —  157.  Actions- 
compétant  à  la  femme.  —  158.  Placement  fait  par  la  femme  des  de- 
niers du  mari.  —  159.  Deniers  confiés  par  la  femme  au  mari.  —  160. 
Obligations  de  la  femme  quaut  à  lentretieu  du  mari  et  des  enfants. 
—  161.   Résumé.  —  4.  Loi  de  1893  :  161  bis. 

1.  —  Jurisprudence  des  cours  d'équité. 

140.   —  Le    principe   fondamental  de  la  doctrine    de 
Vegi/iti/,  par  opposition  à  celle  du  common  law,  est  que 


/ 

DU  SEPAIi.lTE  ESTATE  DE  LA  FEMME  89 

la  femme,  au  lieu  d'être  dépourvue  de  tout  bien  et  con- 
fondue dans  la  personnalité  juridique  du  mari,  peut  pos- 
séder un  separatr  estate,  c'est-à-dire  des  biens  propres, 
sur  lesquels  elle  conserve  des  pouvoirs  plus  ou  moins 
étendus  et  indépendants  de  l'autorité  maritale. 

Ce  separate  estate  peut  être  constitué  de  différentes 
manières  et  provenir  de  sources  diverses.  Ainsi,  il  peut 
avoir  pour  fondement: 

1°  Une  convention  écrite  passée  à  cet  effet,  avant  le 
mariage,  entre  la  femme  et  son  futur  conjoint,  ladite  con- 
vention érigeant  en  propres  de  la  femme  des  biens  prove- 
nant soit  d'elle-même,  soit  du  futur  époux,  soit  de  tiers 
donateurs  '  ; 

2°  Un  arrangement  conclu  avec  le  mari,  postérieure- 
ment au  mariage,  dans  diverses  hypothèses  spéciales^; 
ou,  en  cas  d'abandon  de  la  femme  par  le  mari,  un  ordre 
de  protection  de  ses  biens  obtenu  par  la  femme  contre  son 
mari  et  les  créanciers  du  mari;  une  fois  séparée  judiciai- 
rement, la  femme  est  réputée  feme  sole  quant  à  sa  for- 
tune, et  elle  en  garde  l'usage  séparé,  encore  que  plus  tard 
les  époux  se  rejoignent'  ; 

3°  Des  donations  faites  par  le  mari  à  la  femme  en  pleine 
propriété  et  non  pas  seulement  en  usufruit  pour  orner  sa 
personne*; 

4°  Une  donation  faite  directement  et  exclusivement  à  la 
femme  par  un  étranger,  pendant  le  mariage "*; 

1  Simmonsc.  iSimmonx,  Gllare,  Rudgc  c.   Weedon,  4  De  G.  et  Jo., 

352  ;  TullettcAntistrong,  IBeav.,  216,  ZZi. 

21.  *  Grahain   c.    Londonderry ,   3 

î  Jladdonc.  Fladgate,  1  Swab.  Atk.,  393;  Grant  c.  Granl,  13  W. 

et  Tr.,  48  ;  Pride  c.  Bubb,  L.  R..  R.,     1057  ;      Mews    c.    Mews,   15 

7   Ch.  App.,  6'i  ;  Ashicorth  c.  Ou-  Heav.,  529. 

tram^  L.  R.,  5  Ch.  Div.,  92.3.  '^  Graham    c.    Londonderry,    3 

3  St.  20  et  21,  Vict.,  c.  85,  S?§  21  Atk.,  393. 
et  25  ;  21  et  22,  Vict.,  c.  108,  §  8  ; 


90  DU  SEPARATE  ESTAT E  DE  LA  FEMME 

5°  Le  fonds  de  commerce  de  la  femme,  si  elle  exerce  le 
commerce  indépendamment  de  son  mari^; 

6°  Une  clause  testamentaire  qui  donne  expressément  le 
caractère  de  propres  aux  biens  légués  à  la  femme  avant  ou 
pendant  le  mariage. 

141.  —  On  a  cru  pendant  assez  longtemps  que,  dans 
tous  les  cas  où  la  femme  prétendait  à  un  sepaj^ate  estate,  il 
fallait  que  des  trustées  en  fussent  investis  pour  son  compte 
et  se  chargeassent  de  la  défense  de  ses  droits.  Il  n'en 
est  plus  ainsi  de  notre  temps;  du  moment  que  l'intention 
de  constituer  un  separate  estate  au  profil  de  la  femme  est 
nettement  établie,  la  femme  doit  être  protégée,  nonob- 
stant l'absence  des /r^^s/ie^.S',  contre  le  mari  et  ses  créanciers, 
dans  le  paisible  exercice  de  tous  les  droits  découlant  pour 
elle  de  cette  situation  \  Si  le  mari  est  nanti  des  biens,  il 
est  réputé  n'être  lui-même  que  le  trustée  de  sa  femme*. 
La  constitution  d'un  separate  estate  n'est  d'ailleurs  subor- 
donnée à  l'emploi  d'aucune  formule  sacramentelle  ^ 

142.  —  Relativement  à  ses  propres,  la  femme  ma- 
riéejouit  de  tous  les  droits,  de  toute  l'indépendence  d'une 
femme  non  mariée^".  Elle  peut  disposer  de  ses  meubles 
sans  le  consentement  de  son  mari,  entre  vifs  ou  par  tes- 
tament ".  Quant  aux  immeubles,  elle  a  sur  un  life  estate 
les  mêmes  droits  qu'une  femesole  ;  les  aliénations  ou  morts- 
gages  par  elle  consentis  ont  toujours  été  validés  par  la 
cour  *-  ;  en  matière  de  fiefs  simples,  elle  ne  saurait  disposer 
du  légal  estate  sans  le  concours  du  mari  ou  du  trustée 

6  Ex  parte    Sheppherd,   in   re  •*    Wagstaft   c.  Smith,  9  Ves., 

Sheppherd,  10  Ch.  Di  v.,  573.  520;  Fettiplace  c  Gorges,  3  Bro.  G. 

'  Newlands  c.   Paynier,  4  My.  C,  8 

el  Cr.,  408.  12  Stead  c.  Nelson,  2  Beav.,  245; 

8  Parker  c.  Brooke,  9  Ves.,  583.  Major  c.  Lansley,2  Russ.  et  My., 

9  Cpr.  SiielL,  Eq.,  p.  349.  357. 
'"  Peacock  c.  Monh,  2  Ves.,  190. 


DU  SEPAliATI-:  ESTATE  \>K  LA  FI^IMME  'Jl 

qui  en  était  investi,  mais  elle  dispose  de  Vequitable  es- 
tate  entre  vifs  ou  par  testament,  qu'il  y  ait  ou  non  des 
trustées  *'. 

Si  elle  réalise  des  économies  sur  ses  propres,  ces  écono- 
mies lui  appartiennent  comme  le  fonds  dont  elles  provien- 
nent'*. 

143.  —  La  femme  mariée  qui  jouit  d'un  separate  es- 
tate  peut  charger  son  mari  d'en  percevoir  les  revenus  ; 
mais,  une  fois  qu'elle  lui  a  conféré  ce  pouvoir,  elle  n'est 
plus  libre  de  le  lui  retirer  '%  et,  pour  autant  que  le  mari  a 
à  lui  faire  état  de  ce  qu'il  perçoit  de  ce  chef,  il  ne  peut  être 
recherché  pour  plus  d'une  année  de  revenus'".  Elle  n'a  la 
faculté  de  disposer,  au  profit  de  son  mari,  du  fonds  même 
du  separate  estate  qu'autant  qu'il  ne  lui  est  pas  interdit 
d'anticiper  sur  ses  revenus  (cpr.  n°14o,  ci-dessous). 

Si  elle  meurt  sans  avoir  disposé  de  son  estate,  le  mari 
recueille, ywre  m«;'^7^,  le  numéraire, le  mobilier  et,  en  gé- 
néral, tous  les  chattels  personnels  ou  réels  '^• 

144.  —  Bien  que  les  cours  d'équité  eussent  assimilé  de 
bonne  heure  à  une  feme  sole  la  feme  coverte  qui  a  un 
separate  eslate^  elles  ont  longtemps  refusé  de  lui  recon- 
naître la  capacitéde  contracter  des  dettes  susceptibles  d'être 
recouvrées  sur  cet  estale.  On  a  fini  cependant  par  être 
frappé  de  ce  qu'il  y  a  d'inique  à  l'égard  des  créanciers  à 
soustraire  à  leur  poursuite  des  biens  que  la  femme  peut 
aliéner  volontairement,  et  l'on  a  admis  d'abord  qu'el'e 
oblige  son  estale    lorsqu'elle  s'est  engagée  par  un  acte 


13  Tai/lor  c.   Meads,  3i,    L.     .1.  "6  Lewin,    Trusts,  549;  Darkin 

Gh.,  203.  c.  Darkin,  17  Beav.,  578. 

<»  Gore  c.  Knight,  2  Vern.,  535.  n  Co.    Litt..  46  b  \    Molony  c. 

'B  Galon  c.   liideout,  1  Mac.  ft  Kenedij,  iDSim.,  254. 
G.,  601  ;  Dixon  c.    Dixon.  9  Ch  . 
Div.,  587. 


92  D\]  SEPARAI E  ESTATE  DE  LA  FEMME 

scellé  '*.  Puis  on  a  mis  sur  la  même  ligne  que  les  obliga- 
tions par  decd  les  obligations  par  effets  de  change  ou  par 
n'importe  quel  acte  écrit  '^  Ce  n'est  qu'après  de  longs  dé- 
bats qu'on  a  assimilé  à  ces  engagements  plus  solennels  les 
engagements  purement  verbaux  ou  par  simple  contract'^^. 

Aujourd'hui,  dans  la  mesure  où  la  femme  mariée  est 
réputée  fe7ne  sole  quant  au  droit  de  disposer  de  ses  biens, 
elle  est  également  réputée  feme  sole  quant  aux  dettes 
qu'elle  contracte;  et,  d'autre  part, toutes  ses  dettes,  quelle 
qu'en  soil  la  forme,  sont  sur  le  même  pied  ''. 

145.  —  Tout  en  reconnaissant  à  la  femme  mariée  des 
pouvoirs  étendus  sur  son  separate  estate,  les  cours  d'équité 
se  sont  préoccupées  du  danger  que  le  mari  abusât  de 
son  influence  pour  faire  tourner  ces  pouvoirs  à  son  profit 
et  au  détriment  de  sa  femme.  Elles  ont,  tout  d'abord, 
posé  en  principe  que  la  femme  ne  peut  disposer  de  ses 
revenus  par  anticipation  et  avant  l'échéance  ^^  Puis, 
elles  se  sont  arrêtées  aux  trois  règles  suivantes: 

1°  Lorsqu'une  donation  faite  à  la  femme  en  vue  de  lui 
constituer  un  separate  estait  n'est  entourée  d'aucune 
restriction,  la  femme  a  le  droit  d'aliéner,  indépendam- 
ment du  mari,  les  divers  biens  qui  en  dépendent. 

2°  Lorsque  la  donation  lui  a  été  faite  pour  son  usage 
personnel  et  exclusif,  mais  avec  interdiction  d'aliéner^ 
la  femme  a,  durant  le  mariage,  la  jouissance  exclusive 
des  biens,  mais  Vestate  est  inaliénable. 

3°  Dans  les  deux  cas,  qu'il  y  ait  ou  non   interdiction 


*^  Hulme  c.  Tenant.  IL.  C.,d2ô.  '^^  In    Matthewman's    case,    L. 

R..  3  Eq.,  787. 

'S  Stuartc.  Kirkioall.  3  Mad.,  21    Vaughan   c.     Vanderstegen, 

387;    Bullpin  c    Clarhe,  17  Ves.,       2  Drew.    182. 

365  ;  Manier  c.  Fuller,  1  Ves.  jr.,  22  Pyi,us  c.  Smith,  3  Bro.  G.  C, 

51^-  339. 


DU  SEPARATL  ESTATE  DE   LA  FEMME  93 

d'aliéner,  celte  interdiction  ne  vaut  que  pendant  le  ma- 
riage; car,  une  fois  le  mariage  dissous,  il  ne  peut  plus 
être  question  d'un  separate  estate  ni,  par  conséquent, 
d'un  separate  estate  limité  ". 

2.  —  Lois  de  1870  et  de  1874. 

146.  —  Nous  avons  à  examiner  maintenant  ce  que 
les  doctrines  des  cours  d'équité  en  matière  de  separate 
■estate   sont  devenues  sous  l'empire   des   deux    Married 

Womeris  Property  acts  de  1870  et  1874,  en  vigueur  l'un 
depuis  le  9  août  1870,  l'autre  depuis  le  30  juillet  1873  '\ 
Non  seulement  ces  lois  les  ont  sanctionnées,  mais  en- 
core elles  ont  institué  de  nouveaux  modes  d'acquisition 
et  de  protection  de  biens  propres  appartenant  à  des 
femmes  mariées;  elles  ont  donné  aux  femmes  le  droit 
d'ester  en  justice  relativement  à  ces  biens  devant  les  tri- 
bunaux ordinaires  comme  devant  les  cours  d'équité 
(§  11),  et  les  ont  relevées  des  incapacités  qui  pesaient 
sur  elles  en  celte  qualité,  lout  en  leur  laissant  leur  si- 
tuation privilégiée  antérieure  quand  elles  sont  attaquées 
par  des  tiers. 

147.  —  D'après  le  §  1"  de  la  loi  de  1870,  les  gages  ou 
salaires  gagnés  par  une  femme  mariée,  dans  tout  emploi, 
profession  ou  commerce  oii  elle  est  engagée  ou  qu'elle 
exerce  indépendamment  de  son  mari,  ainsi  que  les  som- 
mes que  lui  procurent  ses  talents  littéraires,  artistiques  ou 
scientifiques,  et  les  capitaux  qui  proviennent  de  ces  gains 
ou  bénéfices,  ont  été  déclarés  propriété  particulière  de  la 
femme  et  affectés  à  son  usage  personnel  en  dehors  de  loul 

-^  Tullet  c.  ArmstrongA  Beav.,       38,  Vict.,  c.  50;  trad.  et  notes  par 
i.  M.  Alex.  Ribot,  Ann.  de  légiilal. 

î*  St.  .33et34,  Vict.,  c.  93;  .37et       étrany.,  I,  p.  57),  et  IV,  p.  32. 


94  DU  SEPARATE  ESTATE  DE  LA  FEMME 

contrôle  du  mari;  la  femme  seule  a  le  droit  d'en  donner 
quittance.  D'autre  part,  toute  propriété  mobilière  qui  pour- 
rait échoir  dans  une  succession  ab  intestat  à  une  femme, 
mariée  après  la  promulgation  de  la  loi,  et  toute  somme  in- 
férieure à  200  livres  (5.000  fr.)  qu'elle  acquerrait  par  do- 
nation ou  par  legs,  lui  ont  également  été  attribuées  en  pro- 
pre pour  son  usage  particulier  (§  7)  ;  il  en  est  de  même 
des  revenus  des  immeubles  recueillis  par  elle  dans  une 
succession  ab  intestat  (§  8). 

148.  —  Les  femmes  mariées  ont  été  admises  à  placer 
les  fonds  qui  leur  appartiennent  en  propre,  soit  en  annui- 
tés du  gouvernement  ou  des  caisses  d'épargne  (§  2),  soit 
en  fonds  publics  (§  3),  soit  en  actions  ou  obligations  entière- 
ment libérées  de  sociétés  anonymes,  de  sociétés  mutuelles 
ou  coopératives,  de  sociétés  de  construction  et  autres  dû- 
ment enregistrées  (§§4  et  5).  Toutefois  le  fait  que  des  som- 
mes auraient  été  placées  en  ces  valeurs  au  nom  de  la 
femme  ne  suffit  pas  pour  leur  donner  le  caractère  de  pro- 
pres, et  aucune  des  dispositions  qui  viennent  d'être  analy- 
sées ne  saurait  préjudicier  aux  droits  des  créanciers  du 
mari  en  fraude  desquels  aurait  eu  lieu,  sous  le  nom  de  la 
femme,  un  placement  de  deniers  appartenant  au  mari  (§6). 

149.  —  La  femme  mariée  a  été  autorisée  à  faire  à  son 
profit  une  assurance  sur  sa  vie  ou  sur  celle  de  son  mari, 
comme  si  elle  n'était  pas  mariée.  Une  assurance  faite  par 
le  mari  sur  sa  propre  vie,  mais  expressément  auprofltde 
sa  femme  ou  de  ses  enfants,  est  considérée  comme  un  tnist 
au  profit  des  bénéficiaires  pour  leur  usage  particulier,  et 
échappe  à  toute  action  du  mari  ou  de  ses  créanciers.  Si  le 
montant  de  l'assurance  devient  payable  pendant  le  ma- 
riage, un  trustée  peut  être  nommé  pour  en  recevoir  le 
payement.  Dans  le  cas  où  l'assurance  aurait  été  faite  et  les 


DU  SEPARATE  ESTATE  DE  LA  FE.M.ME  95 

primes  payées  parle  mari,  en  fraude  de  ses  créanciers, 
ceux-ci  n'ont  que  le  droit  de  prélever  une  somme  égale  au 
montant  des  primes  ainsi  payées  (§  10). 

150.  —  Pour  les  mariages  célébrés  après  la  promul- 
gation de  la  loi  de  1870,  le  mari  a  été  libéré  de  toute  res- 
ponsabilité quant  aux  dettes  de  sa  femme  antérieures  au 
mariage;  mais  la  loi  a  permis  aux  créanciers  de  poursuivre 
directement  la  femme,  à  raison  de  ces  dettes,  sur  ses  biens 
personnels,  comme  si  elle  n'était  pas  mariée  (§  12).  Cette 
disposition  avait  un  inconvénient  :  c'était  de  laisser  les 
époux  libres  de  constituer,  ou  non,  un  separate  esiate  au 
profit  de  la  femme;  il  suffisait,  par  conséquent,  que,  soit 
innocemment,  soit  par  le  fait  d'une  collusion  frauduleuse, 
ils  omissent  d'en  constituer  un  pour  priver  les  créanciers  de 
la  femme  antérieurs  au  mariage  de  tout  recours  soit  contre 
le  mari,  soit  contre  la  femme.  Uact  de  1874  a  eu  pour 
objet  de  remédier  à  cet  état  de  choses  :  «  Considérant  qu'il 
n'est  pas  juste  que  les  biens  possédés  par  une  femme  au 
moment  du  mariage  passent  à  son  mari  et  que  néanmoins 
ce  dernier  ne  soit  pas  tenu  des  dettes  de  la  femme  antérieu- 
res au  mariage...,  »  le  §  1*"  de  cet  ûc^  a  abrogé  l'alinéa  du 
§  1 2  précité  qui  affranchissait  le  mari  du  payement  desdites 
dettes,  et  a  permis  aux  créanciers  de  poursuivre  désormais 
les  deux  époux  conjointement,  sauf  à  ce  que  le  mari  fût 
mis  hors  de  cause  en  tout  ou  en  partie  s'il  prouvait  qu'il 
n'a  recueilli  aucune  portion  de  la  fortune  de  sa  femme 
(L.  1874,  §  3),  ou  qu'il  n'en  a  recueilli  qu'une  portion  in- 
férieure à  la  somme  réclamée  par  les  créanciers  (§§  4,  .*)). 

3.  —  Loi  de  1882. 

151.  —  La  loi  de  1882  ayant  eu  pour  but  de  refondre 


96  DU  SEPAHATE  ESTATE  DE   LA  FEMME 

et  d'amender  les  lois  antérieures  ^^  les  a  expressément 
abrogées  tout  en  s'appropriant  textuellement  plusieurs  de 
leurs  dispositions;  c'est  donc  elle  qui  aujourd'hui  régi 
seule  la  matière.  Elle  traite,  en  effet,  de  tout  ce  qui  concerne 
la  femme  mariée,  au  point  de  vue  de  ses  biens  ;  de  la 
capacité  qu'elle  a  de  posséder  des  biens  propres,  de  s'obli- 
ger par  contrat,  et  d'ester  en  justice;  de  ses  dettes  et  obli- 
gations antérieures  au  mariage  ;  des  prêts  qu'elle  a  faits  à 
son  mari;  de  la  procédure  à  suivre  quand  elle  est  en 
conflit  avec  son  mari  ou  des  tiers,  etc.  Nous  allons  exa- 
miner en  détail  ces  diverses  dispositions. 

152.  —  1°  Sont  considérés  comme  constituant  des 
propres,  une  «  propriété  séparée  »,  de  la  femme  mariée 
postérieurement  au  1"  janvier  1883  tous  les  biens  im- 
meubles et  meubles,  y  compris  les  créances  (§  24), 
qu'elle  possède  au  moment  du  mariage  ou  qu'elle  acquiert 
plus  tard  par  droit  d'héritage,  ou  à  titre  de  salaire,  de 
gages  ou  de  bénéfices  dans  l'exercice  d'une  profession 
exercée  indépendamment  du  mari,  ou  par  ses  talents  artis- 
tiques, littéraires  ou  scientifiques  (§  2);  cet  article  étend 
donc  à  l'ensemble  des  biens  possédés  ou  acquis  par  la 
femme  le  principe  inscrit  dans  le  §  1"  de  la  loi  de  1870 
pour  certains  d'entre  eux  seulement. 

153.  —  2°  La  femme  mariée  peut  posséder  et  acqué- 
rir toute  sorte  de  biens  comme  si  elle  n'était  pas  mariée 
et  sans  avoir  besoin  de  l'intervention  d'un  trustée,  ainsi 
que  l'exigeait  l'ancien  droit  dans  les  cas  non  exceptés  par 
la   loi  de  1870.   Elle  peut,   d'autre  part,  disposer  de  ces 

'^'  An  act   to    consolidate    and  de  la  femme  mariée  en  Angleterre, 

amend    the   acts   relating  to   the  1    broch.   ia-   S»,  Paris,    Pédoae, 

Property  of  Married  Women  {iô  IS83\  Ann.    de     légid.    étrang., 

et  46,  Vict.,  c.  75).  Cpr.  Th.  Bar-  t.  XII,  p.  329,et  BullelindelaSoc, 

clay.  Emancipation  contractuelle  de  législ.  comp.,  t.  XI,  p.  443. 


DU  SEPARATE  EUTATE    DE  LA  FEMME  97 

biens  comme  elle  l'enlend,  entre  vifs  ou  par  leslament 
(§  1^"",  al.  1").  La  loi  de  1882  ne  réserve,  en  réalité,  au 
mari  que  le  droit  d'hériter  d'elle  ab  intestat  ses  biens 
meubles;  encore,  s'il  y  a  eu  séparation  judiciaire,  échoi- 
raient-ils au  next  of  kin. 

Les  femmes  mariées  antérieurement  au  1"  janvier  1883 
jouissent  des  mêmes  prérogatives  quant  à  tous  les  biens, 
meubles  ou  immeubles,  qu'elles  acquièrent  depuis  cette 
date  (g  S). 

Autrefois  la  présomption  était  que  tous  les  biens  delà 
femme  fussent  à  la  disposition  de  son  mari  ;  aujourd'hui  la 
présomption  est  inverse  :  toutes  les  valeurs,  tous  les 
titres,  actions  et  obligations  appartenant  à  la  femme  doi- 
vent être  inscrits  à  son  nom,  sont  répulés  jusqu'à  preuve 
contraire  constituer  des  propres,  et  elle  peut  en  disposer 
et  en  toucher  les  revenus  (§§  6  et  7).  Peu  importe  que 
les  placements  aient  été  faits  à  son  nom  avant  ou  après 
l'entrée  en  vigueur  de  la  nouvelle  loi,  et  qu'ils  soient  à 
son  nom  seul  ou  conjointement  au  nom  de  tierces  per- 
sonnes (autres  que  le  mari);  celui-ci  n'a  jamais  à  inter- 
venir au  transfert  (§§  8  et  9. 

154.  —  La  femme  mariée  est  capable  de  s'obliger 
par  contrat  jusqu'à  concurrence  des  ses  propres  (§  1"", 
al.  2),  et  le  mot  contrat  comprend  expressément  l'accepta- 
tion d'un  trust  ou  des  fonctions  d'exécutrice  testamentaire 
ou  d'administratrice  d'une  succession  ab  intestat  (§  24). 
Elle  peut  ester  en  justice  ex  contractu  ou  ex  delicto  (in 
tort),  soit  comme  demanderesse,  soit  comme  défende- 
resse, à  l'égal  d'une  femme  non  mariée  et  sans  qu'il  soit 
nécessaire  de  mettre  en  cause  le  mari,  alors  même  que  ce 
mari  ne  serait  ni  absent,  ni  judiciairement  séparé,  ni  sous 

Leur.  7 


98  DL'  SEPAHATE  ESTATE   DE  LA  FEMME 

le  coup  d'une  condamnation  pénale  ^^  (§  i",  al.  2;  §  18). 
Les  dommages-intérêts  et  frais  qu'elle  encourt  demeurent 
à  sa  charge  personnelle,  et  elle  bénéficie  seule  de  ceux 
qui  lui  sont  alloués,  tandis  qu'autrefois  c'est  le  mari  qui 
en  profitait  [là.].  Tout  contrat  fait  par  elle  est  réputé, 
jusqu'à  preuve  contraire,  avoir  été  fait  avec  l'intention 
d'obliger  ses  propres,  et  il  oblige  non  seulement  ceux 
qu'elle  possédait  au  moment  de  s'engager,  mais  encore 
ceux  qu'elle  acquiert  par  la  suite  (§  l*'',  al.  3,  4);  notam- 
ment, ceux  qui  lui  sont  dévolus  en  vertu  d'un  power  of 
appcAntment  exécuté  soit  entre  vifs,  soit  par  testament 
(§  4).  La  femme  mariée  qui  exerce  un  commerce  indépen- 
damment de  son  mari  est  soumise,  en  ce  qui  concerne  ses 
propres,  aux  lois  sur  la  faillite,  à  l'égal  d'une  femme  non 
mariée,  contrairement  à  la  jurisprudence  qui  avait  pré- 
valu même  depuis  la  loi  de  1870'^'  (§  l*^  al.  5). 

La  jurisprudence  a  pendant  quelque  temps  interprété 
la  loi  de  1882  comme  signifiant  que  les  engagements  d'une 
femme  mariée  ne  pouvaient  l'exposer  à  des  poursuites  que 
jusqu'à  concurrence  des  biens  qui  étaient  sa  propriété 
personnelle  pendant  la  coverture'^^ .  Mais  le  Marriea 
Womerisproperty  act  de  1893^^  a  mis  fin  à  cette  irres- 
ponsabilité relative  de  la  femme,  en  décidant  que  ses  en- 
gagements donneront  droit  d'agir  contre  elle  sur  tous  ses 
biens  personnels,  présents  et  à  venir,  alors  même  qu'elle 
n'aurait  aucun  aeparate  estate  au  moment  du  contrat.  Il 
était,  en  effet,  tout  à  fait  illogique  d'avoir  mis  fin  à  l'inca- 
pacité particulière  des  femmes  mariées  sans  mettre  fin, 
en  même  temps,  à   l'indisponibilité   de  leurs  biens.    La 

26  Cpr.  St.  20  et  21,  Vict.,  c.  85;  28  Stogdonc.  Lee,  1891,  1  Q.  B., 

21  et  22,  Vict  ,  c.  108.  661;   Pelton  c.    Harrisson,  1891, 

»T  Cpr.  Ex  parte  Jones,   L.  R.,  2  Q.  B.,  422. 
12  Ch.  Div.,  484.  29  st.  56  et  54,  Vict.,  c.  63,  §  1. 


DL'   SEPAHATE    ESTATE  DE  LA  FEMME  99 

même  loi  permet  à  la  Cour  d'imputer  également  sur  les 
biens  de  la  femme  les  frais  des  procès  qu'elle  aura  enga- 
gés^". 

155.  —  4°  En  vertu  de  son  droit  de  s'obliger  par  con- 
trat, la  femme  mariée  peut  souscrire  à  son  profit  une  po'ice 
d'assurance  sur  sa  vie  ou  sur  celle  de  son  mari.  Une 
police  souscrite  par  le  mari  sur  sa  propre  vie  au  profit  de 
sa  femme  ou  de  ses  enfants,  ou  par  la  femme  sur  sa 
propre  vie  au  profit  de  son  mari  ou  de  ses  enfants,  crée 
un  trust  en  faveur  des  bénéficiaires  (§  11).  Il  résulte  de 
cet  article  qu'une  femme  mariée  peut  assurer  en  sa  faveur 
sa  vie  ou  celle  de  son  mari, et  assurer  sa  vie  en  faveur  de 
son  mari  ou  de  ses  enfants;  de  son  côté,  le  mari  peut 
assurer  sa  propre  vie  en  faveur  de  sa  femme  ou  de  ses 
enfants.  Mais  il  n'a  pas  le  droit  de  contracter  une  assu- 
rance sur  la  vie  de  sa  femme;  car,  d'après  l'esprit  de  la 
nouvelle  loi,  conforme  à  cet  égard  au  principe  déjà  con- 
signé dans  la  loi  spéciale  sur  les  assurances  (St.  14,  Geo. 
III,  G.  48),  on  ne  peut  s'assurer  sur  la  vie  d'une  personne 
qu'autantqu'on  a  un  intérêt  à  la  prolongation  de  cette  vie, 
or  le  mari  n'a  plus  en  général  d'intérêt  matériel  à  la  vie 
de  sa  femme,  dont  aujourd'hui  tous  les  biens  constituent 
des  propres.  L'assurance  serait  licite  si,  à  raison  de  cir- 
constances exceptionnelles,  cet  intérêt  existait  ;  par  exemple, 
si  le  mari  jouissait  d'une  renie  viagère  subordonnée  au 
décès  de  sa  femme.  Il  est  à  remarquer  que  le  §  H  ne  parle 
pas  d'une  assurance  que  la  femme  contracterait  sur  la  vie 
du  mari  au  profit  de  celui  ci  ou  de  ses  enfants.  La  loi  de 
1870  (§  10)  n'autorisait  la  femme  qu'à  assurer  à  son  profil 
personnel  sa  propre  vie  ou  celle  de  son  mari^'. 

»o  Même  Act.  §  2.  3i  Cpr.  Barclay,  loc.  cit.,  p.  22, 

n.  3. 


100  DU  SEPARATE  ESTATE  DE  LA   FE.MME 

Tant  que  le  tî'iist  n'est  pas  entièrement  accompli,  la 
somme  payée  par  la  compagnie  d'assurance  n'est  pas  com- 
prise dans  l'actif  de  l'assuré  et  échappe  à  ses  créanciers. 
Toutefois,  s'il  est  prouvé  que  l'assurance  n'a  été  faite 
qu'en  vue  de  frauder  ces  derniers,  ils  ont  le  droit  de  per- 
cevoir, sur  les  deniers  payés  par  la  compagnie,  une 
somme  égale  aux  primes  versées  à  leur  détriment.  L'as- 
suré peut  constituer,  par  la  police  ou  par  un  acte  à  part,  des 
trustées  chargés  d'administrer  la  somme  due  par  la  com- 
pagnie; s'il  n'a  pas  usé  de  ce  droit,  les  bénéficiaires 
entrent  directement,  à  son  décès,  en  jouissance  du  mon- 
tant de  l'assurance  (§11,  al.  2). 

156.  —  5°  Par  cela  même  que  la  femme  conserve  en 
propre  tous  les  biens  qu'elle  possède  au  moment  où  elle  se 
marie  ou  qu'elle  acquiert  par  la  suite,  elle  demeure  seule 
responsable  sur  lesdils  biens  de  se.^  engagements  ou  délits 
antérieurs  au  mariage  (§  13).  Le  mari  ne  peut  être  re- 
cherché de  ce  chef  que  jusqu'à  concurrence  des  biens  de 
sa  femme  dont  il  a  pris  possession,  déduction  faite  de  ce 
qu'il  a  déjà  payé  volontairement  ou  par  contrainte  pour  le 
compte  de  sa  femme  (§  14).  Il  y  a  donc,  pour  le  moment, 
quatre  systèmes  en  vigueur  en  Angleterre  quant  au 
payement  des  dettes  de  la  femme  antérieures  au  mariage  : 
le  mari  marié  avant  le  9  aoûl  1870  est  responsable  desdites 
dettes;  le  mari  marié  entre  le  9  août  1870  et  le  30  juillet 
1874  est  dégagé  de  toute  responsabilité;  le  mari  marié 
entre  le  30  juillet  1874  et  le  1"  janvier  1883  peut  être 
recherché  conjointement  avec  sa  femme,  sauf  à  prouver 
qu'il  n'a  recueilli  aucune  portion  de  la  fortune  de  sa  femme 
ou  que  la  portion  par  lui  recueillie  est  inférieure  aux 
prétentions  des  créanciers;  enfin,  le  mari  marié  depuis  le 
!"■  janvier  1883  a  une  responsabilité  subsidiaire  jusqu'à 


DU  SEPARATE  ESTATE  DH"  LA   FILM.MI':  101 

concurrence  des  biens  de  la  femme  qui  sont  entre  ses 
mains,  défalcation  faite  de  ses  payements  antérieurs  pour 
le  compte  de  sa  femme  ;  dans  les  cas  où  il  est  tenu  subsi- 
diairement  comme  détenteur  des  biens  de  la  femme,  il 
peut  être  poursuivi  conjointement  avec  elle  (§  15), 

157.  —  6°  Toute  femme  mariée  soit  avant  soit  après 
le  1"  janvier  1883  a,  en  principe,  contre  toute  personne, 
même  contre  son  mari,  pour  la  protection  de  ses  propres, 
toutes  les  actions  civiles  ou  criminelles  dont  jouit  une 
femme  non  mariée.  Toutefois,  la  femme  ne  peut  intenter 
aucune  poursuite  criminelle  contre  son  mari  durant  la  coha- 
bitation, à  raison  des  biens  par  elle  réclamés,  ni,  lorsque 
les  époux  ne  vivent  plus  sous  le  même  toit,  à  raison  d'ac- 
tes accomplis  par  le  mari  relativement  à  ces  biens  durant 
la  cohabitation,  à  moins  que  le  mari  ne  se  soit  emparé  des- 
dits biens  de  mauvaise  foi  au  moment  d'abandonner  sa 
femme  (§  12).  Tout  fait  de  la  femme  qui  est  de  nature  à 
porter  atteinte  à  la  propriété  du  mari  et  qui,  s'il  était  com- 
mis par  le  mari  sur  les  biens  de  la  femme,  donnerait  à 
celle-ci  le  droit  de  poursuivre  son  mari  au  criminel,  donne 
au  mari  un  droit  pareil  contre  sa  femme  (§  16).  Mais,  en 
dehors  du  cas  spécifié  plus  haut,  le  mari  et  la  femme  ne 
peuvent  pas  plus  se  poursuivre  civilement  ex  delicto  {in 
tort)  qu'ils  ne  le  peuvent  au  criminel  (§  12). 

158.  —  7°  Si  une  femme  mariée  fait  à  son  profit  un 
placement  avec  de  l'argent  de  son  mari  et  sans  le  consen- 
tement (le  celui-ci,  le  mari  peut  obtenir  des  tribunaux  que 
le  capital  et  les  revenus  soient  transférés  à  son  nom  et 
payés  entre  ses  mains.  N'est  pas  opposable  aux  créanciers 
du  mari  un  don  fait  par  celui-ci  à  sa  femme,  alors  que  les 
biens  ont  continué,  après  comme  avant,  à  demeurer  en 
apparence  à  sa  disposition,  non  plus  qu'un  dépôt  ou  place- 


102  DU   SEPAliATE   ESTATE   DE   LA   FEMME 

ment  de  fonds  du  mari  fait  sous  le  nom  de  la  femme  en 
fraude  des  créanciers  (§  10). 

159.  —  8°  Toute  somme  d'argent  et  tous  autres  biens 
prèles  ou  confiés  par  la  femme  à  son  mari  pour  être 
utilisés  dans  un  emploi  ou  commerce  exercé  par  lui,  sont 
considérés,  en  cas  de  faillite,  comme  compris  dans  l'actif 
du  mari,  sous  réserve  du  droit  de  la  femme  de  prendre  sa 
quote-part  dans  ce  qui  reste  dudil  actif  après  rembourse- 
ment de  toutes  les  créances  for  valuable  considération 
(§3).  C'est  un  des  seuls  points  sur  lesquels  la  nouvelle  loi 
maintient  une  différence  entre  la  femme  mariée  et  celle  qui 
ne  l'est  pas. 

160.  —  Enfin,  9°  la  loi  de  1870  portait  déjà  que, 
lorsque  le  mari  d'une  femme  ayant  des  biens  personnels 
est  à  la  charge  de  la  paroisse  comme  indigent,  la  femme 
est  obligée  envers  la  paroisse  pour  l'entretien  du  mari, 
tout  comme  celui-ci  le  serait,  à  l'inverse,  aux  termes  du 
Poor  law  amendmenL  acl  de  1868  ^-,  et  que,  de  même,  la 
femme  mariée  serait  soumise,  dans  les  mêmes  conditions 
de  fortune  personnelle  et  de  dénuement  de  son  mari,  à  toutes 
les  obligations  qui  pèsent  sur  une  veuve,  relativement  à 
l'entretien  de  ses  enfants  (L.  1870,  §§  13  et  14).  La  loi  de 
1882  reproduit  ces  deux  dispositions,  en  étendant  aux 
pelits-enfants  l'obligation  inscrite  dans  la  précédente  quant 
aux  enfants  seulement  (§§  20,  21). 

161.  —  Comme  on  le  voit,  la  nouvelle  loi  s'inspire 
d'idées  toutes  nouvelles  dans  le  droit  anglais.  A  une  législa- 
tion qui  absorbait  la  personnalité  de  la  femme  au  profit  de 
celle  du  mari,  elle  substitue  un  régime  d'indépendance 
presque  absolue;  la  puissance  du  mari  s'efface;  la  femme 
jouit,  sans  lui  et,  au  besoin,  malgré  lui,  de  droits  d'admi- 
se st.  31  et  32,  Vict.,  c.  122. 


DU  SEPARATE  ESTATE  DE   LA   FEMME  103 

nistration  et  de  disposilioa  égaux  à  ceux  dont  il  avait 
naguère  le  monopole.  Elle  a  même,  à  certains  égards,  des 
droits  ou  une  liberté  d'allures  supérieurs  aux  siens;  car  on 
a  vu  que  la  femme  a  la  faculté  de  contracter  une  assurance 
sur  la  vie  du  mari,  alors  que  la  faculté  inverse  est  refusée 
au  mari  ;  et,  d'autre  part,  tout  en  étant  affranchie  de  toute 
immixtion  du  mari  dans  la  gestion  de  ses  affaires,  elle  con- 
serve le  droit  de  l'obliger  par  les  achats  qu'elle  fait  pour 
elle  ou  pour  le  ménage. 

4.  —  Loi  de  1893. 

161  bis.  —  Les  idées  modernes  d'émancipation  de  la 
femme,  et  la  protection  de  ses  intérêts  pécuniaires  à  ren- 
contre du  mari  avaient  porté  la  législation,  eu  1882,  à  con- 
férer aux  femmes  les  pouvoirs  d'administration  et  de  dis- 
position les  plus  étendus  sur  ses  propres.  11  fallait  cepen- 
dant assurer  aux  tiers  une  garantie  réciproque  sous  la 
forme  d'un  droit  d'exécution  sur  les  biens  personnels  de  la 
femme  ayant  traité  avec  eux.  Il  y  allait  de  l'intérêt  même 
des  femmes,  qui  risquaient  autrement  de  perdre  comme 
crédit  tout  ce  qu'elles  gagnaient  comme  capacité.  C'est 
dans  ce  but  qu'est  intervenue  une  loi  de  1893",  en  vertu 
de  laquelle  tout  contrat  conclu  par  une  femme  mariée  aura 
le  double  effet  suivant  :  1°  de  grever  ses  propres  actuels; 
2"  de  grever  ses  propres  à  venir.  Mais  cette  responsabilité 
de  la  femme  à  l'égard  de  ses  biens  personnels  a  cependant 
une  limite  marquée  par  la  clause  dite  restraiiit  on  antici- 
pation, aux  termes  de  laquelle  la  totalité  ou  une  partie  des 
revenus  futurs  de  la  femme  peut  avoir  été  immobilisée. 
L'usage  de  cette  clause  réduit  aux  revenus  échus  le  droit 

s»  st.  56  et  57,  Vict.,  c.  63. 


i04  DE  VEQUITY  TO  A  SETTLEMENT 

de  saisie  des  créanciers.  L'immobilisation  des  revenus 
futurs  n'est  pourtant  pas  applicable  aux  frais  de  justice  qui 
peuvent  être  recouvrés  sur  les  propres  à  venir  aussi  bien 
que  sur  les  propres  actuels,  dans  toute  instance  engagée 
par  une  femme  ou  en  son  nom^\ 

II 

De  VEquity  to  a  seulement. 

Sommaire  :  162.  Définition.  —  163.  Cas  où  il  y  a  lieu  à  settlement.  — 
164.  Règles  suivies  par  les  cours  d'équité.  — 165.  Renonciation  delà 
femme  au  settlement  ;  cas  où  elle  en  est  privée.  —  166.  Montant  du 
settlement.  —  167.  Situation  des  créanciers. 

162.  —  En  même  temps  qu'elles  cherchaient  à  donner 
à  la  femme,  en  lui  reconnaissant  un  separate  estaie^  des 
garanties  contre  son  «  absorption  »  par  le  mari,  les  cours 
d'équité  ont  imaginé  un  autre  moyen  d''atténuer  les  consé- 
quences de  cette  absorption,  en  s'appuyant  sur  la  règle 
que  quiconque  invoque  l'équité  doit  commencer  par  être 
équitable  lui-même  :  he  wfio  seeks  equity^  nmst  do  equity. 
Ce  moyen  est  connu  en  anglais  sous  une  expression  tech- 
nique presque  intraduisible  :  equity  to  a  settlement;  la 
femme  a,  dans  les  cas  que  nous  allons  passer  en  revue,  un 
droit  équitable  à  ce  que  son  mari  constitue  [settle)  une  cer- 
taine somme  à  son  profit.  Ainsi,  quand  un  père,  en  mariant 
sa  fille,  a  négligé  de  stipuler  pour  elle,  ou  les  enfants  à 
naître,  certaines  mesures  de  prévoyance,  la  cour  agissant 
loco  palris  n'admet  pas  le  mari  à  venir  réclamer  devant 
elle  la  sanction  des  droits  que  lui  confère  le  mariage,  tant 


**■  Voir  ude  note  de  M.   Leydet       étrangère,  t.  XXIV,  p.  9. 
dans    y  Annuaire    de    législation 


DE  L'EQUITY  TO  A  SETTLEHIENT  105 

qu'il  n'a  pas  pris  lui-même  des  arrangements  en  faveur  de 
sa  femme. 

163.  —  Le  principe,  posé  d'abord  par  la  cour  pour 
le  cas  où  le  mari  se  présente  lui-même  devant  elle  comme 
demandeur,  a  été  étendu  ensuite:  l°à  celui  où  les  créanciers 
du  mari  failli  ou  insolvable  s^adressent  à  elle,  par  la  raison 
que,  agissant  du  chef  du  mari,  ils  ne  sauraient  le  faire  à 
d'autres  conditions  que  lui  ^°;  2°  à  un  cessionnaire  du 
mari /or  valuable  considération ,  toujours  en  vertu  du  prin- 
cipe d'équité  contenu  en  la  maxime  nemo  plus  juris  ad 
alium  transfeire  potest  quam  ipse  habet. 

Plus  tard,  on  a  même  admis  la  femme  à  venir  faire 
valoir  son  droit  devant  la  cour  de  Chancellerie,  encore  que 
le  mari  n'ait  pas  pris  l'initiative  d'une  inlroduclion  d'ac- 
tion ^\ 

164.  —  Voici,  en  peu  de  mots,  les  règles  que  les  cours 
d'équité  suivent  en  celte  matière.  11  faut,  avant  tout,  que 
le  mari,  en  vertu  de  son  jus  maritivQConnw  al  law,  soit 
fondé  à  prendre  et  à  garder  la  fortune  mobilière  de  sa 
femme.  Il  faut,  d'autre  part,  que  la  femme  n'ait  pas,  en 
vertu  des  droits  de  survie  dont  nous  parlerons  plus  bas, 
la  certitude  de  la  recouvrer  si  elle  meurt  après  son  mari. 
Lorsque  ces  deux  conditions  se  rencontrent,  la  cour  exa- 
mine si  la  propriété  mobilière  dont  il  s'agit  est  légale  ou 
équitable;  si  elle  est  équitable,  la  cour  reconnaît  en 
général  à  la  femme  une  equity  to  a  settlement ;  si  elle 
est  légale,  la  cour  ne  la  lui  reconnaît  point.  En  principe,  le 
settlement  doit  être  fait  au  profit  non  de  la  femme  seule, 
mais  de  la  femme  et  des  enfants. 

165.  —   La  femme  peut  renoncer  volontairement  au 

'5  Oswell  c.  Probe»  t,  2  Ves.  jun.,  ^6  Elibank  c.  Montolieu,  1  L.  C, 

682.  464. 


106  DE  UEQUITY  TO  A  SETTLEMENT 

settlement  auquel  elle  serait  fondée  à  prétendre,  à  la  con- 
dition de  faire  à  ce  sujet,  hors  de  la  présence  du  mari, 
une  reconnaissance  en  justice  ou  devant  les  commissaires 
délégués  à  cet  effet  '^  Elle  peut  aussi  en  être  privée  :  1°  si 
le  mari  a  reçu  les  fonds  sans  avoir  eu  à  les  réclamer  en 
justice  et  avant  que  la  femme  elle-même  se  soit  avisée  de 
demander  un  settlement  à  la  cour  de  Chancellerie  '";  2°  si 
les  dettes  de  la  femme  antérieures  au  mariage,  et  qui  tom- 
bentàlacharge  du  mari,  excèdentle  montant  des  biens  qu'il 
recueille  du  chef  de  sa  femme  ^^  ;  3°  lorsque  des  arrange- 
ments équitables  ont  déjà  été  pris  en  faveur  delà  femme*"; 
4°  lorsque  la  femme  a  déserté  le  domicile  conjugal  et  vit 
en  concubinage,  à  moins  que  le  mari  ne  tienne  une  con- 
duite semblable,  ce  qui  établirait  une  sorte  de  compensa- 
tion *'  ;  5°  lorsque  la  femme  s'est  rendue  coupable  de  fraude 
envers  les  tiers  el  que  le  settlement  porterait  préjudice  à 
ceux-ci  ^^ 

166.  —  Dans  la  fixation  du  montant  du  settlement,  la 
cour  tient  compte  des  circonstances,  et  notamment  des 
mesures  déjà  prises  dans  l'intérêt  de  la  femme  et  des  en- 
fants. En  général,  c'estla  moitié  du  bien  de  la  femme  qu'elle 
constitue  ainsi,  l'autre  moitié  devant  appartenir  au  mari 
ou  à  ses  ayants-cause".  Parfois,  elle  a  constitué  le  tout 
lorsqu'il  s'agissait  d'une  somme  modique  et  tout  juste 
suffisante  pour  assurer  l'entretien  de  la  ferame*ou    des 


"  St.  3  et  4,  Guil.  IV,  c.  74;  St.  *<  Carr  c.  Eastabroock,  4  Ves., 

20  et21,  Vicl.,  c.  57.  146;  m  re  Lewins  trusts,  20  Beav., 

i»  Murray   c.  Elibank,  IL   C,  378;  Greed^/ c.Lai^ender,  13  Beav., 

71.  62. 

".Bonncrc.  Bonnet',  il  Beav.,  '^   In  re    Lush's  trusts,   L.  R., 

86,                                                      '  4Ch.  App.  596. 

40  In  re  Erskines  trusts,  1  K.  et  «3  Dunkley  c.  Dunkley,  2  De  G. 

J.,302.  M.  etc.,  896. 


DES  EPINGLES  107 

enfants,  ou  que  le  mari  avait  abandonné  les  siens  et  né- 
gligé de  pourvoir  à  leurs  besoins  **. 

167.  —  En  général,  les  créanciers  du  mari  ne  peuvent 
pas  attaquer  un  settle/ne/it  fait,  dans  les  conditions  qui 
viennent  d'être  exposées,  soit  par  la  cour,  soit  même  direc- 
tement par  le  mari  dans  le  sens  que  la  cour  n'aurait  pas 
manqué  de  lui  prescrire  si  elle  avait  été  saisie  de  la  ques- 
tion. Ce  n'est  que  s'il  y  a  eu  collusion  frauduleuse  à  leur 
préjudice  que  l'opération  tombe  sous  le  coup  du  St.  13, 
Eliz.,  c.  5,  et  peut  être  mise  à  néant  sur  leur  de;nande*'. 

CHAPITRE  111 

Des  épingles,   des  paraphernaux  et  des  droits  de  survie. 

[ 
Des  épingles. 

So.mmairk:  168.  Définition.  —  169.  Règles  sur  la  matière. 

168.  —  On  désigne  sous  le  nom  d'épingles  (pin-monei/), 
la  pension  annuelleconslituéeenfavéur  de  la  future  épouse, 
pour  ses  dépenses  de  toilette  et,  en  général,  [)Our  ses 
menues  dépenses  personnelles.  On  fait  rentrer  sous  la 
même  rubrique  les  présents  non  périodiques  faits  parle 
mari  à  sa  femme  postérieurement  au  mariage. 

169.  —  Voici  les  règles  relatives  aux  épingles  : 

1°  Si  la  femme  a  laissé  s'accumuler  les  arrérages  de 
sa  pension,  elle  ne  peut,  au  décès  de  son  mari,  en  récla- 
mer qu'une  année  en  remontant  ';  la  loi  présume  que,  si 

'-^^  In  re  Kincaid's  trusts,  IDrew.,  Moor  c.  RycauU,  t'rec.  Gli.,22;32 

226;  Scott  c.Spashett,  .S.Mac  et  G.,  et  :33,  Vict.,  c.  71,  §  91. 

559;  m  re  Ford,  32  Beav.,  621  ;  in  »   Aston  c.  Aston,  1    Ves.,  267; 

re DLi-on's trusts, \\.  yi.  \S~9, p.  f>7.  Townsend    c.     Windham,    2  Ves. 

*'  Wheslerc.  Cary/,  Amb.,  121;  sen.,  7. 


108  DES  PARAPHER.XAUX 

elle  ne  les  a  pas  réclamés  au  fur  et  à  mesure,  c'est  que  le 
mari  a  pourvu  aux  dépenses  de  quelque  autre  façon  ^  Tou- 
tefois, si  la  femme  justifie  qu'elle  a  réclamé  à  l'échéance 
les  termes  de  sa  pension  sans  pouvoir  en  obtenir  le  paye- 
ment immédiat,  elle  a  droit  à  tout  ce  qui  lui  reste  dû,  en- 
core que  ce  soit  plus  d'une  annuité  ^ 

2°  Lorsque  le  mari  a  pourvu  à  toutes  les  dépenses  de  sa 
femme,  celle-ci  ne  peut  formuler  au  décès  aucune  récla- 
mation sous  prétexte  que  la  pension  stipulée  n'a  pas  été 
régulièrement  soldée;  car,  en  fait,  le  but  des  épingles  a 
été  atteint  d'autre  façon  *. 

3°  Après  le  décès  de  la  femme,  ses  exécuteurs  testamen- 
taires n'ont  aucun  recours  contre  le  mari  pour  les  termes 
restés  impayés  '\ 

4°  Les épinglesayantle caractère  non  d'une  donation  ab- 
solue, mais  d'une  donation  conditionnelle  faite  en  vue  de 
permettre  à  la  femme  une  toillette  conforme  à  la  position 
sociale  de  son  époux,  elle  ne  peut  faire  cession  de  sa  pen- 
sion à  un  tiers. 

II 
Des  paraphernaux. 

Sommaire  :  170.  Définition.  —  171.  Droits  de  la  femme.  —  172.  Droits 
du  mari.  —  173.  Objets  provenant  d'amis  ou  parents  de  la  femme. 

170.  —  On  désigne  sous  ce  nom,  en  Angleterre,  les 
objets  de  toilette  et  notammentles  bijoux  remis  à  la  femme 
pour  qu'elle  les  porte  en  vue  de  tenir  son  rang  dans  le- 
monde  ^ 

2  Howard  c.  Digby,  8  Bligh,  N.  b  Hoicard  c.  Digby,  8  Bligh,  N. 
S.,  269.                                                      S.,  269. 

3  Ridout  c.  Lewis,  1   Atk.,  2ô9.  6   Graham    c.    Londonderry ,  3- 
♦  Thomas  c.  Bennet,  2  P.  W.,       Alk.,394. 

341. 


DliS   PARAPHERNAUX  109 

171.  —  Quand  il  s'agit  de  bijoux  donnés  par  le  mari 
pendant  le  mariage,  il  y  a  lieu  de  rechercher  s'il  a  entendu 
en  faire  don  à  sa  femme,  ou  simplement  les  mettre  à  sa 
disposition  sans  lui  en  conférer  la  propriété  absolue;  c'est, 
en  général,  à  cette  seconde  hypothèse  qu'il  convient  de 
s'en  tenir,  surtout  si  ce  sont  des  bijoux  de  famille  destinés 
àse  transmettre  de  père  en  fils  \  Au  reste,  dans  aucun  des 
deux  cas,  la  femme  ne  peut,  du  vivant  du  mari,  disposer  de 
ses  paraphernaux  ni  entre  vifs,  ni  par  testament, 

172.  — En  principe,  le  mari  demeure  maître  des  para- 
phernaux comme  il  l'est  de  tous  les  autres  biens  meubles 
de  la  femme;  il  a  le  droit  de  les  aliéner  entre  vifs,  et  ses 
créanciers  peuvent  les  saisir.  Mais,  s'il  n'en  a  pas  disposé 
entre  vifs,  il  ne  lui  est  pas  loisible  d'en  disposer  au  préju- 
dice de  sa  femme  par  testament',  à  moins  qu'il  ne  lui  ait 
assuré  d'autres  avantages  équivalents,  auquel  cas  elle  peut 
être  mise  en  demeure  d'opter  entre  les  uns  et  les  au- 
tres '. 

173.  —  Les  joyaux  et  bijoux  donnés  à  une  femme  par 
ses  amis  ou  parents  à  l'occasion  de  son  mariage  sont  géné- 
ralement considérés  en  équité  comme  affectés  à  son  usage 
propre  et  distinct;  la  femme  en  dispose  donc  librement, 
comme  si  elle  n'était  point  mariée,  et  les  créanciers  du  mari 
n'ont  aucun  droit  sur  ces  objets  '°. 


1  Jervoise  c.  Jervoise,  17  Beav.,  »  Seymore  c.  Tresilian,  3  Atk., 

566,  570;  Grant  c.  Grant,  13  W.  3o8;  Churchill  c.  Small,  2  Keayon, 

R.,   1057.  pt.  2,  p.  6. 

8  Ridout  c.  Plymouth,   2  Atk.,  '"  Jervoise  c.  Jervoise,  il  Bq&y., 

lOi;  Townsend  c.  Wyndham,  2  570;  Lucas  c.  Lucas,  1  Atk.,  270. 
Ves.  sen.,  1,  7. 


110  DU  DOUAIRE 

III 
Du  douaire  *'. 

Sommaire  :  174.  Définition. —  175.  Législation  antérieure  à  1833.  — 176. 
Loi  de  1833.  —  177.  Loi  de  1877.  —  178.  Annulation  du  douaire. 

174.  —  Le  mari,  qui,  pendant  le  mariage,  jouit  de 
pouvoirs  fort  étendus  sur  les  immeubles  de  sa  femme, 
jouit  à  plus  forte  raison  de  droits  analogues  sur  ses  propres 
biens.  Mais,  après  sa  mort,  sa  femme  acquiert,  dans  cer- 
tains cas,  un  droit  d'usufruit  sur  une  portion  des  immeu- 
bles qu'il  a  laissés.  Ce  droit  se  nomme  douaire  [doioer)  ; 
il  a  été  réglementé  à  nouveau  et  modifié  pour  les  femmes 
mariées  après  le  1"  janvier  1834,  par  le  St.  3  et  4,  Guill. 
IV,  G.  105. 

175.  —  En  vertu  de  la  législation  antérieure  qui  est 
demeurée  applicable  aux  femmes  mariées  avant  cette  date, 
lorsque  le  mari  héritait,  durant  le  mariage,  de  biens  aux- 
quels auraient  pu  succéder  éventuellement  des  enfants 
issus  de  ce  mariage,  la  femme,  parle  fait  seul  qu'il  y  avait 
eu,  à  un  moment  donné,  des  successeurs  présomptifs  de 
cette  espèce,  acquérait  un  droit  au  tiers  desdits  biens  en 
usufruit  viager.  Ce  droit  grevait  les  biens  eux-mêmes  et 
les  suivait  en  quelques  mains  qu'ils  passassent,  à  moins 
que  la  femme  ne  concourût  à  l'aliénation  et  ne  renonçât  à 
son  droit;  il  était  opposable  aux  créanciers  du  mari  comme 
aux  tiers  acquéreurs. 

Les  graves  inconvénients  que  présentait  le  douaire 
firent  chercher,  dans  le  cours  des  siècles,  divers  expédients 
pour  l'annuler  et  finirent  par  provoquer,  sous  Guillaume  IV, 
un  changement  considérable  dans  la  législation. 

"  Cpr.  Gide,  Étude  sur  la  condition  privée  de  la  femme,  p.  292. 


DU    DOUAIRE  111 

176.  —  D'après  la  loi  de  Guillaume  IV,  le  douaire  ne 
porte  plus  que  sur  tel  immeuble  que  le  mari  a,  danscebut, 
expressément  affecté  à  sa  femme  par  acte  entre  vifs  on  par 
testament.  Tous  les  actes  de  disposition  du  mari,  tous  les 
engagements  qu'il  a  contractés,  primentle  droilde  la  veuve. 
Le  mari  est  également  libre  de  priver  sa  femme  de  tout 
ou  partie  du  douaire  par  un  acte  entre  vifs  ou  par  testa- 
ment, à  moins  qu'il  ne  se  le  soit  expressémentinterdit  par 
contrat  de  mariage  (§§  4  à  8).  La  seule  compensation 
accordée  à  la  veuve  est  que  son  droit  peut  s'étendre  aujour- 
d'hui aux  biens  sur  lesquels  le  mari  a  un  simple  droit  sans 
en  avoir  encore  la  saisine  légale,  ainsi  qu'aux  biens  d'hé- 
ritage, légaux  ou  équitables,  in  poss€s<<ion.  L'effet  de  la 
nouvelle  législation  est  manifestement  de  supprimer  désor- 
mais les  douaires,  si  ce  n'est  par  rapport  aux  seuls  hériliers 
du  mari.  Si  le  mari  meurt  intestat  et  possesseur  d'immeu- 
bles, la  femme  peut  faire  valoir  sur  ces  immeubles  son 
droit  de  douaire,  à  moins  que  le  mari  n'ait  exprimé  une 
volonté  contraire.  Une  jointure,  c'est-à-dire  une  rente 
constituée  avant  le  mariage  au  profit  de  la  veuve  sur  un 
immeuble  du  mari,  annule  le  douaire;  il  n'en  serait  pas 
ainsi,  ipso  jure,  d'un  simple  legs  mobilier  (§  10). 

177.  —  Le  Settled  Estâtes  act  de  1877  reconnaît  à 
toute  personne  qui  jouit,  à  titre  de  douaire,  d'un  bien  non 
substitué,  la  faculté  de  donner  à  bail  pour  une  période 
n'excédant  pas  vingtet  un  ans  en  Angleterre,  ou  trente-cinq 
ans  en  Irlande,  aux  mêmes  conditions  que  pourrait  le  faire 
un  tenant  by  curtesij  ou  un  tenant  for  life  '^ 

178.  —  Le  divorce  pour  cause  d'adultère  de  la  femme 
annule  le  douaire;  lorsque  la  femme,  sans  qu'il  y  ait  eu 

1»  St. /«n  cl  41,  Vict.,  c.  18,  §  46. 


112  DES  AUTRES  DROITS  DE  LA  FEMME  SURVIVANTE 

divorce,  abandonne  son  mari  el  vit  dans  l'inconduite,  ce 
fait  est  aussi  une  cause  d'annulation  du  douaire,  à  moins 
qu'il  n'y  ait  eu  réconciliation  entre  les  époux '^ 

IV 
Des  autres  droits  de  la  femme  survivante. 

Sommaire  :  179.  Reprises  de  la  femme.  —  179  bis.  Loi  de  1890.  —  180. 
Avantages  refusés  à  la  femme.  —  181.  Provision;  droits  ab  intestatl 

179.  —  La  femme  qui  survit  à  son  mari  conserve  en 
propre  les  immeubles  qu'elle  possédait  en  fief  simple  ;  après 
le  décès  du  mari,  la  femme  ou  ses  ayants-cause  repren- 
nent iesdils  immeubles  francs  et  quilles  de  toute  dette  con- 
tractée par  lui  et  de  toute  aliénation  tentée  par  lui. 

179  bis^''. — La  législation  anglaise  s'était  préoccupée 
de  bonne  heure  d'assurer  au  conjoint  survivant  une  part 
dans  l'actif  successoral,  mais  les  règles  de  la  dévolution 
des  biens  étaient  tellement  différentes  selon  que  la  succes- 
sion se  composait  de  meubles  ou  d'immeubles  (V.  §§  974, 
et  s.,  994  et  s,),  que  la  plus  grande  inégalité  pouvait  exis- 
ter entre  les  situations  respectives  de  deux  veuves  dont  le 
mari  avait  le  même  chiffre  de  fortune,  si  ce  chiffre  ne  cor- 
respondait pas  à  une  égale  proportion  de  biens  immobi- 
liers et  de  biens  mobiliers. 

Pour  corriger  cette  inégalité,  le  parlementa  voté  une  loi 
dite  du  2.5  juillet  1890*%  qui  décide  qu'en  cas  de  prédécès 
du  mari  sans  enfants,  la  veuve  aura  droit  à  la  totalité  de 
la  succession,  sans  distinction  entre  la  nature  des  biens, 


'3  2  Inst.,  4.36;  12  Mod.,  232.  deuxième  du  livre  quatrième  de  la 

première  édition. 
»' Ce  paragraphe  additionnel  s'ap-  is  Intestates'  Estâtes  act,  1890, 

plique  tout  aussi  bien  à  la  section       St.  53  et  54,  Vict.,  ch.  29. 


DES  ALTHES  DROITS   DE    LA   l'E.MME   SLHVIVANTE         li:i 

mais  jusqu'à  concurrence  seulement  d'une  succession  de 
500  livres  sterling  (12.500  francs).  Pour  les  héritages  plus 
considérables,  la  veuve  a  droit  à  un  prélèvement  de  la 
même  importance,  et  elle  a  un  privilège  dans  ce  but  sur  la 
succession  tout  entière,  avec  intérêts  à  4  0/0  depuis  le  jour 
du  décès  de  son  mari**.  La  jurisprudence  tend  à  interpré- 
ter très  largement  ce  texte.  Dans  un  cas  récent  où  un 
homme  était  morl  laissant  des  biens  immobiliers  valant 
moins  de  12.500  francs,  la  Cour  a  accordé  plein  pouvoir 
d'administration  à  l'exécuteur  testamentaire  de  la  veuve 
qui  était  morte  elle-même  avant  son  envoi  en  possession. 
Il  a  semblé,  en  effet,  que,  vu  la  valeur  de  la  succession, 
la  femme  seule  y  avait  eu  droit  dans  le  court  intervalle  de 
sa  survie'"'. 

180.  —  La  veuve  n'a  pas  droit  aux  vêtements  de  deuil^ 
comme  constituant  une  partie  des  frais  funéraires,  ni  à 
rencontre  de  l'exécuteur  testamentaire,  ni  à  l'encontre  des 
créanciers  du  mari  '*. 

Elle  ne  peut  pas  non  plus  exiger  de  l'exécuteur  ou  de 
l'administrateur  de  la  succession  de  son  mari  qu'il  la  laisse 
dans  la  maison  aux  frais  de  la  succession  jusqu'à  la  déli- 
vrance du  legs  ou  de  la  quote-part  de  biensqui  lui  revient. 
Elle  n'a  le  droit  absolu  d'y  rester  dans  ces  conditions  que 
quarante  jours  après  le  décès;  c'est  ce  qu'on  appelle  sa 
quarantine^'. 

A  plus  forte  raison  ne  saurait-elle  exiger  que  l'exécuteur 
ou  l'héritier  du  mari,  comme  tel,  pourvoie  à  son  entretien, 
encore  qu'elle  soit  dénuée  de  ressources  et  qu'il  ait 
recueilli  la  plus  grande  partie  du  patrimoine  du  défunt. 

i^Yoïr  An7i.  de  légiiil.élr.,1.  XX,  <»   Johnson    c.  Bâcher,  2  C.  et 

p.  37.  P.,  207. 

i^  In   the  goods  of  liryanl,  L.  '9  Co.  Litt  ,  :{4  h. 
Rep.  F»robate  div.  il896,  p.  159). 

Lehb,  8 


114  DES   DROITS  DE   L'HOMME  SURVIVAIT 

Sur  ces  divers   points,  la  législation  écossaise  est  en 
opposition  complète  avec  la  loi  anglaise  '". 

181.  —  Lorsqu'un  mari  s'est  engagé  par  contrat  de 
mariac^e  à  laisser  à  sa  femme  une  provision  sur  son  avoir 
mobilier,  et  qu'il  meurt  intestat,  —  de  telle  sorte  que  la 
veuve  a  droit  à  une  part  en  vertu  du  statitte  of  distri- 
butions, —  la  règle  générale  est  qu'elle  ne  peut  pas 
réclamer  tout  à  la  fois  ladite  part  et  la  provision.  Si  la  part 
qui  lui  est  dévolue  est  inférieure  à  la  provision  stipulée, 
elle  est  considérée  comme  un  acompte^'.  Au  reste,  en  cas 
de  décès  du  mari  ab  intestat,  la  veuve  partage  avec  le 
plus  proche  héritier  le  droit  d^'administrer  la  succession. 

Il  est  à  remarquer  que  la  veuve  n'a  un  droit  sur  la  suc- 
cession mobilière  de  son  mari,  y  compris  le.s  biens  qu'elle 
lui  avait  elle-même  apportés,  qu'autant  qu'il  ne  laisse 
point  d'acte  de  dernière  volonté.  Le  mari  (est  libre  de 
disposer  de  toute  cette  fortune  au  profit  d'un  étranger  et 
au  détriment  de  sa  veuve,  pour  autant  du  moins  qu'il 
s'agit  de  choses  in  possession  et  que  la  femme  ne  s'est  pas 
constitué  ses  propres  biens  en  un  separate  estate. 

\ 
Des  droits  de  l'hoiuiue  survivant. 

Sommaire  :  182.  Tmiure  par  courtoisie.  —  183.  Le  mari  est  de  droit 
radmirûstrateur  de  la  succession  de  sa  femme. 

182.  —  Lorsque  le  mari  survit  à  sa  femme  et  qu'il  a 
eu  d'elle  des  enfants  qui,  vivants,  eussent  pu  hériter  des 
fiefs  simples  ou  substitués  appartenant  à  leur  mère,  il  a, 
en  vertu  de  ce  qu'on  appelle   la  courtoisie    d'Angleterre 

20  Paterson,  Comp.,  n"»  912  et  21  Gartlishore     c.     Chalie,     10 

suiv.,  et  p.  305,  notes  2  à  4.  Ves.,  1. 


DU  CONTRAT   DE  MARIAGE  115 

{tenant  by  the  curtesy  of  England),  l'usufruit  viager  des- 
dits Qefs^'.  Peu  importe  que  VestateàQ  la  femme  fût  légal 
ou  simplement  e^m7aô/e;  toutefois  il  y  a  des  arrêts  en  sens 
contraire  en  ce  qui  concerne  les  biens  constitués  en  propre 
à  la  femme  {for  her  separate  use)  ^^ 

La  «  courtoisie  »  porte  sur  Vestate  in  possession  de  la 
femme,  à  l'exclusion  d'un  estate  simplement  in  reversion. 

Il  est  assez  rare  aujourd'hui  que  les  maris  aient  à  se 
prévaloir  de  cet  antique  usage;  le  plus  souvent,  on  prend 
soin  de  régler  par  contrat  de  mariage  leurs  droits  éven- 
tuels sur  les  immeubles  de  leurs  femmes  prémourantes. 

183.  —  A  la  mort  de  sa  femme,  le  mari  est,  de  droit, 
l'administrateur  de  sa  succession  ;  et  il  prend  possession 
de  son  Personal  estate  en  cette  qualité,  et  non  pas  sim- 
plement comme  trustée  du  plus  proche  héritier. 

CHAPITRE  IV 
Du  contrat  de  mariage. 

Sommaire  :  184.  Conditions  de  validité  suivant  l'âge  des  contractants; 
clauses  diverses.  —  185.  Conditions  de  forme.  —  186.  Conventions  pos- 
térieures au  mariage;  efifets  qu'elles  sont  susceptibles  de  produire. 

184.  —  11  est  très  rare  aujourd'hui  que  des  époux 
ayant  quelque  fortune  se  marient  sans  régler  par  une 
convention  expresse  les  avantages  auxquels  ils  auront  réci- 
proquement droit  et  la  situation  de  leurs  enfants.  Le  ma- 
riage étant  une  juste  cause  {valuable  considération)  d'o- 
bligation, celte  convention  [settlement)  lie  les  deux  parties 
si  elles  sont  majeiires  toutes  deux.  Lors,  au  contraire,  que 
le  futur  époux  a   moins  de  vingt  ans  et  la  future  épouse 

*2  Littleton,  Tenures,  35,  52;  pp.  306  et  suiv.;  cfr.  Haynes,  Out- 
Barher  c.  Barker,  t  Sim.,  239.  Unes  of  Ëquity,k*  éà\\,.,  Lect.  VU, 

i'*  Williams, /i<;a/pro|).,  19»  édit.,       pp.  217  et  suiv. 


116  DU  CONTRAT  DE  MARIAGE 

moins  de  dix-sept,  elle  ne  vaut,  en  ce  qui  concerne  soit 
les  meubles,  soit  les  immeubles,  qu'autant  qu'elle  a  été 
homologuée  par  la  cour  de  Chancellerie  ou,  aujourd'hui, 
parla  division  de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour  '.  A  défaut 
d'homologation,  le  contrat  lie  le  conjoint  majeur, mais  non 
celui  des  deux  qui  avait  respectivement  moins  de  vingt 
ans  ou  de  dix-sept  ans  ^  Quand  la  future  épouse  est  seule 
mineure,  les  conventions  matrimoniales  relatives  à  son 
avoir  mobilier  sont  valables,  nonobstantcetlecirconstance,. 
parce  qu'à  défaut  de  convention  le  mari  aurait  un  droit 
absolu  sur  ces  biens,  qu'en  conséquence  toute  clause  par 
lui  souscrite  ne  saurait  être  qu'une  limitation  de  ses  pou- 
voirs au  profit  de  sa  femme,  et  que  l'incapable  est  toujours 
admis  à  améliorer  sa  condition  '. 

Indépendamment  des  clauses  relatives  à  la  jouissance 
et  à  l'administration  de  leurs  biens,  les  futurs  époux 
insèrent  souvent,  dans  leur  contrat  de  mariage,  des  clauses 
tendant  à  déterminer  à  l'avance  le  mode  "d'éducation  des 
enfants.  Ces  causes  ne  sont  pas  illicites;  mais  la  jurispru- 
dence tend  à  décider  aujourd'hui  qu'elles  ne  sont  obHga- 
toires  pour  le  mari  ni  at  law  ni  en  equity.  La  Haule-Cour 
d'appel,  par  arrêt  du  23  novembre  1878,  lésa  déclarées 
contraires  aux  droits  du  père,  auxquels  il  n'est  permis  de 
toucher  que  dans  des  circonstances  exceptionnelles  *. 

185.  —  Les  promesses  de  libéralités  et  autres  conven- 
tions faites  en  vue  d'un  mariage  projeté  ne  sont  point, 
comme  en  France,  revêtues  de  la  forme  notariée:  il  n'y  a 
pas  en  Angleterre  d'officier  ministériel  investi  du  pouvoir 

ï  St.  18  et  19,  Vict.,  c.  43.  3  Troloppe  c.  Linton,  1  Siin.  et 

2  Ellison  c.  fî/zjfn,  13Sim.,309;  Stu.,  477. 

Levasseur  c.   Scratton,  14    Sim.,  »  EUis  c.  Ellis,  29  L.   T.  Rep., 

116;    Durnford  c.   Lane,   1  Bro.  N.  S.,  380\  Journal  de  Droit  inter^ 

C.  C,  106.  nat.  privé,  VI,  572. 


DU   CONTRAT   DE   MAHIAGE  117 

de  donner  l'authenticité  aux  actes  privés.  Mais  elles  ne  sont 
valables  qu'autant  qu'elles  ont  été  consignées  par  écrit  et 
signées  par  celle  des  parties  qui  s'oblige  ou  par  son  repré- 
sentant '.  Par  conséquent,  si  le  père  de  l'une  des  parties 
ou  un  tiers  manifeste  simplement  de  vive  voix  son  intention 
de  lui  faire  une  donation  ou  un  legs,  ou  de  lui  constituer  une 
dot,  il  n'est  pas  lié  par  cet  engagement  %  à  moins  qu'il 
n'y  ait  eu  fraude,  ou  que  la  promesse  verbale  faite  avant 
le  mariage  n'ait  été  confirmée  après  coup  par  écrit  '.  Mais 
il  n'est  pas  besoin  que  l'écrit  ait  la  forme  solennelle  d'un 
deed;  une  lettre  missive  suffît,  pourvu  que  la  cause  {con- 
sidération) de  la  donation  résulte  clairement  de  la  pièce 
produite  \ 

186.  —  Une  fois  le  mariage  conclu,  les  époux  ne  peu- 
vent plus  valablement  contracter  l'un  avec  l'autre,  puis- 
que leurs  personnalités  se  confondent  ;  en  principe,  leurs 
conventions  seraient  radicalement  nulles.  Toutefois,  s'il  y 
a  eu  erreur,  omission  ou  méprise  dans  leurs  arrangements, 
ils  peuvent  les  faire  rectifier  pendant  le  mariage.  D'un  au- 
tre côté,  si  les  conventions  postérieures  à  la  célébration  du 
mariage  ont  un  fondement  raisonnable,  il  se  peut  que,  sans 
valeur  en  droit  strict,  elles  produisent  quelque  effet  en 
équité.  Ainsi,  une  donation  du  mari  à  la  femme  pour  lui 
permettre  de  s'acheter  des  vêtements  ou  des  bijoux  appro- 
priés à  sa  condition  sociale,  ou  la  donation  que  le  mari  fe- 
rait à  sa  femme,  pour  son  usage  personnel,  des  gains  ou 
bénéfices  par  elle  réalisés,  pourraient  être  maintenues  par 
une  cour  d'équité  contre  les  créanciers  du  mari*.  Il  en  se- 


*  Slalute  of  Frauds,2^,  Car.  II,  ^  Randall  c.  Moryan,  12  Ves., 

c.  3,  §  4.  67;  cpr.  Soell,  Eq..  X4,  85. 

6  Montacute   c.  Maxwell,   1  P.  ,  Wainc.  Warlter,,  bE^si,  I. 
vVms.,   t)19;  I/atnmersley    c.    De 

Biel,  12  Cl.  et  F.,  45.  »  Story,  Etj.  jurispr.,  §  1374. 


118  DU  CONTRAT  DE  MARIAGE 

rait  de  même  au  cas  où  le  mari  conviendrait  avec  sa  femme, 
pour  de  justes  causes,  de  lui  abandonner  pour  son  usage 
personnel  un  legs  à  elle  fait^".  De  son  côté,  la  femme  qui 
a  des  biens  propres  pourrait  en  faire  valablement  l'objet 
d'une  donation  à  son  mari,  et  cette  donation  serait  irrévo- 
cable''. 


">  76.,  §  1372;  Anderson  c.  Ab-  •*  Cason  c.  Rideout,  1  Mac.  et 

bott,  26  Beav.,  457.  G.,  601. 


SECTION  CINQUIEME 

DES  RAPPORTS  DE  PATERNITÉ  ET  DE  FILIATION 

CHAPITRE     I 
Des  enfants  légitimes. 

I 
Notion  de  la  légitimité. 

Sommaire  :  187.  Condilion  de  la  légitimité  ;  présomption  de  paternité 
du  mari.  —  188.  Enfants  issus  d'un  mariage  putatif.  —  ^89.  Action  en 
déclaration  de  légitimité. 

187.  —  Ne  sont  légitimes,  en  Angleterre,  que  les  en- 
fants issus  d'un  mariage  antérieur  régulier  ou,  tout  au 
moins,  d'un  npariage  dont  la  nullité  n'a  pas  encore  été 
prononcée.  La  condilion  d'enfant  légilime  ne  peut  être 
acquise  après  coup  à  la  faveur  dti  mariage  des  person- 
nes auxquelles  on  a  dil  le  jour;  la  loi  anglaise  ne  recon- 
naît pas  la  légitimation  par  mariage  subséquent.  L'enfant 
conçu  avant  le  mariage  mais  né  après  la  célébration  est 
légitime  :  il  est  réputé  avoir  pour  père  le  mari  de  sa  mère  ' . 
La  même  présomption  n'existe  plus  une  fois  que  les  époux 
ont  été  séparés  judiciairement '^ 

188.  —  D'après  le  droit  ecclésiastique,  les  mariages 
putatifs  ne  produisaient  pas,  à  l'égard  des  enfants,  les  effets 


'  Co.  Litt.,  244  a.  2  st.  Georges  c.  St.  Margarets, 

1  Salk.,  12:1 


120   DEVOIRS  DES  PARENTS  ENVERS  LEURS  ENFANTS   LEGITIMES 

d'un  mariage  valable.  Mais,  depuis  que  la  juridiction  ci- 
vile a  obtenu  le  pouvoir  de  statuer  elle-même  sur  les 
causes  de  dissolution  du  mariage,  on  admet  en  faveur  des 
enfants  lestempéraments  indiqués  plus  haut  dans  nos  §§  i  05 
et  106. 

Dans  les  deux  hypothèses  du  mariage  subséquent  et 
du  mariage  putatif,  la  législation  écossaise  a  pris  exacte- 
ment le  contre-pied  de  l'ancienne  législation  anglaise  et 
concorde  avec  le  droit  française 

189.  —  L'enfant  dont  la  légitimité  est  douteuse  n'est 
pas  obligé  d'attendre  qu'on  lui  intente  une  action  en  con- 
testation d'état;  il  peut  ouvrir  de  lui-même  devant  la 
cour  des  Divorces  une  action  en  déclaration  de  légi- 
timité*. 

II 
Devoirs  des  parents  envers  leurs  enfants   légitimes. 

Sommaire  :  190.  Principe  généraL  —  191.  Nature  et  limites  de  robligation 
d'entretien.  —  192.  Sanction  d'après  les  lois  sur  l'assistance  des  indi- 
gents; sur  qui  pèse  l'obligation.  —  193.  Devoir  de  protection.  —  194. 
Devoir  d'éducation. 

190.  —  Les  parents  doivent  entretenir,  protéger  et 
élever  leurs  enfants. 

191.  —  L'entretien  comprend  tout  ce  qui  est  néces- 
saire à  la  vie  de  l'enfant.  L'obligation  pour  les  parents 
d'entretenir  leurs  enfants  est  pourtant  beaucoup  moins 
absolue  d'après  le  droit  commun  anglais  qu'elle  ne  l'est 
sur  le  continent.  Elle  a  été  indirectement  sanctionnée  par 
les  lois  sur  les  pauvres;  mais  elle  n'est  pas  inscrite  dans 


3  Erskine,  1,  6,  49;  Fraser,  Do-  '<  St.  21  et  22,  Vict.,  c.  93. 

mestic  Relations,  II,  11. 


DEVOIRS  DES  PARENTS  EN'VERS  LEURS  ENFANTS  LÉGITIMES     121 

la  législation  d'une  façon  directe  et  spéciale.  11  en  résulte 
qu'en  principe  les  père  et  mère  ne  sont  pas  tenus  de  pour- 
voir à  l'entretien  de  leurs  enfants,  à  moins  que  ceux-ci,  à 
raison  de  leur  bas  âge  ou  de  leur  état  de  santé,  ne  soient 
hors  d'état  de  gagner  leur  vie  ;  et  encore,  dans  ces  cas,  le 
devoir  des  parents  ne  va-t-il  pas  au  delà  du  strict  néces- 
saire, la  loi  présumant  que,  si  les  enfants  méritent  un  trai- 
tement plus  favorable,  on  peut  s'en  rapporter  à  l'affection 
naturelle  de  leur  père".  De  même,  il  a  été  jugé  que  les  pa- 
rents ne  peuvent  être  recherchés  à  raison  des  dépenses 
même  nécessaires  qu'un  tiers  a  faites  pour  leur  enfant,  si 
ce  tiers  n'est  pas  en  mesure  de  se  prévaloir  contre  eux  d'un 
contrat  exprès  ou  implicite.  Ainsi,  lorsqu'un  étranger,  ren- 
contrant un  enfant  abandonné  et  dénué  de  tout,  pourvoit 
à  ses  premiers  besoins,  il  n'a  aucun  recours  contre  les  pa- 
rents en  remboursement  de  ses  avances.  Celte  solution,  si 
rigoureuse  soit-elle,  est  d'ailleurs  conforme  à  la  logique 
du  droit,  puisqu'il  est  de  principe  que  le  gérant  d'affaires 
n'a  d'action  que  contre  celui  dont  il  a  rempli  une  obliga- 
tion légale.  Toutefois  les  tribunaux  ne  se  montreraient  pas 
exigeants  sur  la  preuve  de  l'existence  d'un  engagement 
implicite  de  leur  part.  Lorsque  l'enfant  demeure  dans  la 
maison  de  son  père  et  que  celui-ci  lui  a  donné  ce  qu'il  es- 
time suffisant  pour  ses  besoins,  il  sera  malaisé  de  le  faire 
condamner  à  donner  davantag:e;  lors,  au  contraire,  que  le 
père  n'a  rien  alloué  à  l'enfant  pour  ses  besoins,  le  juge 
se  contentera,  pour  admettre  qu'il  y  a  de  sa  part  un  en- 
gagement tacite,  de  la  simple  circonstance,  s'il  s'agit,  par 
exemple,  de  vêtements,  qu'ils  ont  été  livrés  à  l'enfant  dans 
la  maison  paternelle,  au  vu  et  au  su  de  son  père.  A  l'égard 

s  Blackstone,  Comm.,  II,  230. 


122    DEVOIRS  DES  PARENTS  ENVERS  LEURS  ENFANTS  LÉGITIMES 

d'uD  enfant  qui  n'habite  pas  chez  son  père,  il  est  beaucoup 
moins  facile  de  supposer  un  semblable  engagement  ^ 

192.  —  En  vertu  des  lois  sur  les  pauvres,  l'obhgation 
de  pourvoir  aux  besoins  des  enfants  pèse  tout  d'abord  sur 
le  père  et  la  mère,  puis  subsidiairement  sur  les  grands- 
parents.  Mais  elle  se  résume,  en  dernière  analyse,  en 
l'obligation  de  payer,  quelle  que  soit  la  position  sociale  ou 
la  fortune  des  uns  et  des  autres,  une  pension  qui  ne 
peut  excéder  vingt  shillings  (25  fr,)  par  mois  lunaire,  soit 
treize  livres  (32S  fr.)  par  an.  Le  juge  n'a  pas  le  droit 
de  contraindre  les  ascendants  à  un  sacrifice  plus  considé- 
rable^ ;  il  peut,  au  contraire,  suivant  les  circonstances, 
fixer  la  pension  à  un  chiffre  moins  élevé  ou  en  accorder  la 
décharge  complète.  Les  parents  qui  se  dérobent  à  leur 
devoir  d'entretien  et  laissent  leurs  enfants  à  l'abandon, 
s'exposent  à  voir  leurs  revenus  et  biens  meubles  saisis  par 
les  marguilliers  et  inspecteurs  des  pauvres  de  la  paroisse, 
jusqu'à  concurrence  de  ce  qui  est  nécessaire  pour  pour- 
voir aux  besoins  des  enfants*.  Mais  l'obligation  ne  pèse 
que  sur  les  parents,  à  l'exclusion  des  alliés^  Et,  d'autre 
part,  elle  n'existe  qu'a'utant  que  les  enfants,  à  raison  de 
leur  âge  ou  de  leur  santé,  sont  hors  d'état  de  pourvoir  à 
leurs  besoins  par  eux-mêmes. 

Néanmoins,  «  comme  rien  n'est,  dit  Blackstone '",  plus 
propre  à  étouffer  l'impulsion  de  la  nature  que  le  fanatisme 
religieux  »,  le  statut  11  et  12,  Guil.  III,  c.  4,  a  posé  en 
principe  que,  si  un  père  catholique  romain  refuse  à  son 
fils  protestant  un  entretien  convenable  dans  le  but  de  le 
forcer  à  changer  de  religion,  le  lord  chancelier  pourra^ 


«  Paterson,  Comp.,  n»  808.  »  4  T.  R., 118;  4  East,  82. 

7  Poorlawact,  Si.  43,  Elis.,  c.  2.  lo  Ed.  fr.,  II,  p.  231. 

8  St.  5,  Geo.  I,  c.  8. 


DEVOIRS  DES  PARENTS  ENVERS  LEURS  ENFANTS  LEGITIMES    123 

par  un  règlement  de  la  cour  de  Chancellerie,  le  contrain- 
dre à  faire  le  nécessaire.  Cette  règle  n'ayant  pas  été 
étendue,  tout  d'abord,  à  d'autres  religions  «  non  moins 
intolérantes  et  superstitieuses  que  la  religion  romaine  ». 
un  statut  ultérieur  de  la  reine  Anne'*  l'a  déclarée  égale- 
ment applicable  aux  parents  juifs  qui  auraient  des  enfants 
protestants. 

193.  —  Le  devoir  de  protection  emporte  pour  le  père 
le  droit  et  l'obligation  d'intervenir  pour  défendre  soit  la 
personne,  soit  la  fortune  de  ses  enfants.  Il  doit  les  assister 
en  justice  pour  la  défense  ou  la  revendication  de  leurs 
droits.  Il  est  excusable  s'il  attaque  ou  se  bat  pour  défen- 
dre leur  personne,  encore  que  son  adversaire  sorte  de  ses 
mains  plus  ou  moins  gravement  maltraité'^ 

194.  —  Enfin,  les  parents  sont  tenus  de  donner  à  leurs 
enfants  une  éducation  assortie  à  leur  état.  L'instruction 
primaire  est  obligatoire  pour  tous  les  enfants  entre  cinq 
et  treize  ans'^  Sauf  ce  principe  et  les  mesures  restrictives 
prises,  il  y  a  deux  siècles,  contre  les  catholiques,  les  pa- 
rents sont  libres  de  diriger  cette  éducation  comme  ils  l'en- 
tendent. En  règle  générale,  ils  en  supportent  les  frais  sans 
pouvoir  se  récupérer  sur  la  fortune  personnelle  des  enfants, 
à  moins  qu'ils  ne  soient  eux-mêmes  dans  la  gêne  et  par  la 
même  hors  d'état,  abandonnés  à  leurs  seules  ressources, 
de  donner  à  ces  enfants  une  éducation  en  rapport  avec  la 
fortune  dont  ils  jouiront  un  jour  ;  dans  ce  cas,  la  cour  de 
Chancellerie  autorise  un  prélèvement  sur  les  biens  des 
enfants'*.  Ce  prélèvement  est  aussi  admis,  quelle  que  soit 


1'  1  Ann.,  st.  1,  c.  30.  trad.  par  M.  DuBuit,  Ann.  de  lég. 

1*  Cro.    Jac,   296:  2  Inst.,  564;  étrany..  t.  I,  p.  2(5. 
Hawkins,  Pleus    of  the  (jrown,  I, 

J31  '*  Bucku-orth  c.  littckn-orth,  1, 

13  Si.  33et34,  Vicl.,c.75,  §  74;  Cox.,  81. 


124  POUVOIRS  DES  PARENTS  SUR  LEURS  ENFANTS 

la  silualion  respective  du  père,  lorsque  certains  biens  ont 
été  spécialement  affectés  par  contrat  de  niariage  à  l'édu- 
caLion  des  enfants  à  naître '^ 


m 

Pouvoirs  des  parents  sur  leurs  enfants. 

Sommaire  :  195.  Nature  de  ces  pouvoirs.  — 195  bis.  Loi  de  1894  destinée  à 
en  réprimer  les  abus.  —  196.  Les  parents  n'ont  pas  d'usufruit  légal.  — 
197.  Droit  d'opposition  au  mariage.  —  198.  Droit  de  correction.  —  199. 
Personnes  à  qui  appartiennent  ces  pouvoirs.  —  199  bis.  Pouvoirs  accor- 
dés à  la  mère  survivante  par  la  loi  du  2.0  juin  188Ô.  —  200.  Absence  de 
toute  restriction  analogue  à  la  réserve  ou  à  la  légitime. 

195.  —  Les  pouvoirs  des  parents  sont  corrélatifs  à 
leurs  devoirs.  Us  se  résument  en  le  droit  de  garder, 
•d'élever  et  de  corriger  leurs  enfants  et  de  consentir  à 
leur  mariage;  ils  constituent,  à  vrai  dire,  beaucoup  moins 
une  patria  polestas,  au  sens  romain  de  ces  mots,  qu'une 
tutelle  légale,  instituée  dans  l'intérêt  des  enfants  au 
moins  autant  que  dans  celui  du  père  :  le  lord  chancelier, 
agissant  au  nom  du  roi  chef  de  toutes  les  familles,  aurait 
la  faculté  de  déléguer  à  un  étranger  l'autorité  et  les  pou- 
voirs que  le  père  se  montrerait  indigne  de  conserver", 

195  bis.  —  La  tendance  a  été  dans  tous  les  pays,  en  ces 
dernières  années,  de  protéger  les  enfants  contre  les  sévices 
dont  certains  parents  dénaturés  peuvent  se  rendre  coupa,- 
bles. 

Les  lois  édictées  à  cet  égard  appartiennent  en  général 
au  droit  pénal  proprement  dit,  pour  tout  ce  qui  est  de  leurs 


'5  Thompson  c.    Griffin,,  1     Cr.  limites  de  la  puissance  paternelle, 

«t  Ph.,  3n,  320.  d'après  les  principales  lois  del'Eu- 

"5  Cpr.  Bull,  delég.  cornp.,  t.  IX,  rope. 
p.  169,  ÉCMciede  M.  Pradines  sur  les 


POUVOIRS  DES  PARENTS   SUR  LEURS  ENFAiNTS  125 

dispositions  répressives  contre  les  actes  de  brutalité  ou  de 
corruption.  Mais  elles  relèvent  du  droit  civil  dans  la  me- 
sure où  elles  ajoutent  aux  peines  principales  de  l'amende 
ou  de  la  prison  une  sanction  accessoire  consistant  en  une 
déchéance  de  toutou  partie  de  la  puissance  paternelle.  Tel 
est  précisément  le  cas  de  Vaci  pour  réprimer  la  cruauté 
envers  les  enfants,  de  1894'-.  Indépendamnjent  des  péna- 
lités qui  y  sont  prononcées,  il  est  dit  que  la  Cour  pourra 
confier  Tenfant  d'un  père  indigne  à  tout  autre  parent  ou 
tiers  charitable  ",  qui  consentira  à  en  prendre  soin  jusqu'à 
un  âge  déterminé  dont  la  loi  fixe  la  limite  à  seize  ans.  Le 
père,  ainsi  dessaisi  de  la  garde  de  Tenfanl,  peut  être  con- 
damné à  contribuer  à  son  entretien  jusqu'à  concurrence 
d'une  livre  sterling  par  semaine.  En  dehors  de  cette  dé- 
chéance accessoire  à  une  condamnation,  la  déchéance  peut 
être  prononcée  à  titre  principal,  lorsqu'il  a  été  reconnu  par 
un  magistrat  de  la  Couronne,  ou  par  deux  justices  ofpeace 
qu'un  enfant  de  moins  de  seize  ans  est  en  butte  à  de  mauvais 
traitements.  En  ce  cas,  l'action  en  déchéance  peut  être 
intentée  partout  individu  de  bonne  foi  qui  affirme,  sous 
la  foi  du  serment,  qu'il  agit  dans  l'intérêt  de  l'enfant.  Le 
magistrat  de  la  Couronne  ou  les  juges  de  paix  saisis  par 
l'initiative  de  ce  tiers  lui  donnent  des  pouvoirs  provisoires 
de  gnrde  ou  de  perquisition,  selon  que  l'enfant  est  déjà  en 
bonnes  mains  ou  qu'il  y  a  Mpu  de  le  rerhercher  dans  un 
endroit  où  il  court  un  dnnger  physique  ou  moral.  Le  droit 
de  perquisition  ainsi  acconlé  au  tiers  lui  permet  de  péné- 
trer, même  par  force,  dans  tout  élabhssemenl  ou  demeure 
privée  doni  la  déci-ion  povisoire  porte  l'indication.  La  dé- 


^T  Prévention  ofcruehy  to  chil-       hle  témoigner  sa   confiance  à   un 
dren  Act;  Si.  î>'i  cl  r>8    Vicl.,  c.  41.        tiers   lu-otessant  la  même  religion 
H  La  Cour  doit  autant  que  possi-       que  l'enfant  a  proléger  (§  8). 


126     POUVOIRS  DES  PARENTS  SUR  LEURS  ENFANTS 

cision  définitive  appartient  à  la  juridiction  de  premier  res- 
sort compétente  ra/îone  loci. 

Antérieurement  à  la  loi  de  1894  dont  nous  venons  d'in- 
diquer les  dispositions  principales  et  qui  forme,  pour  l'An- 
gleterre, l'équivalent  de  la  loi  française  du  24  juillet  1889, 
une  loi  de  189P'  avait  déjà  permis  aux  juridictions  régu- 
lières de  refuser  aux  parents  dénaturés  la  réintégration 
chez  eux  d'un  enfant  qui  a  pris  la  fuite,  et  cette  loi  reste 
encore  la  sauvegarde  des  jeunes  victimes  dont  le  père,  si 
indigne  soit-il,  a  pu  échapper  à  l'application  de  la  déchéance 
accessoire  ou  principale.  Même  en  ordonnant  la  réintégra- 
tion d'un  enfant  au  domicile  paternel,  la  cour  a  d'ailleurs 
le  droit  d'obliger  les  parents  à  désintéresser  les  tiers  qui 
ont  recueilli  et  nourri  cet  enfant  pendant  l'époque  de  son 
abandon. 

196.  —  La  loi  anglaise  n'accorde  aucun  droit  d'usu- 
fruit aux  parents  sur  les  biens  de  leurs  enfants  :  ils  les 
administrent,  mais  en  sont  comptables,  hormis  le  cas  où, 
étant  dénués  de  ressources  suffisantes,  ils  obtiennent 
de  la  cour  de  Chancellerie  l'autorisation  de  disposer  de 
tout  ou  partie  des  revenus  afin  de  pouvoir  donner  à 
leurs  enfants  une  éducation  convenable.  Ils  n'ont  jamais 
sur  les  biens  des  enfants  le  droit  de  jouissance  person- 
nelle inscrit  dans  la  plupart  des  codes  du  continent.  Le 
père  peut,  à  la  vérité,  s'appliquer  le  produit  du  travail 
de  ses  enfants  tant  qu'ils  vivent  avec  lui  et  qu'il  les  en- 
tretient; mais  ce  n'est  pas  une  prérogative  découlant  de 
la  puissance  paternelle,  car  il  a  le  même  droit  par  rap- 
port à  ses  apprentis  et  à  ses  domestiques'^". 


'«Voir  la  traduction  de  cette  loi,        Vict.,   c.   3,   Custody  of  Children 
parM.  Léon  Lallemand  dans  r.4wn.        act. 
de  législ.  élr.,  t.  XXI,  p.  14;  St.  54,  20  Blackstone,  éd.  fr.,  II,  236. 


POUVOIRS  DES  PARENTS  SUR  LEURS  ENFANTS  127 

197.  —  Le  droit  d'opposition  au  mariage,  expressé- 
ment formulé  dans  le  statut  26,  Geo.  II,  c.  33,  est  aussi 
beaucoup  moins  absolu  en  Angleterre  qu'en  France; 
nous  renvoyons  à  ce  que  nous  en  avons  dit  plus  haut 
(n"  86,  104). 

198.  —  Le  père  a  le  droit  de  corriger  raisonnablement 
son  fils  mineur-'.  Mais  ce  droit  s'entend  essentiellement 
de  corrections  corporelles  ;  il  ne  parait  pas,  d'après  les 
documents  que  nous  avons  pu  consulter,  que  le  père 
puisse,  sur  sa  simple  réquisition,  faire  mettre  en  prison 
un  fils  indiscipliné  {C.  civ.  fr.,  377  et  suiv.). 

199.  —  En  principe,  le  père  jouit  seul  des  droits  dé- 
coulant de  la  puissance  paternelle;  la  mère,  comme  telle, 
ne  peut  prétendre  qu'au  respect  et  aux  égards  de  ses 
enfants.  La  puissance  paternelle  cesse  à  la  majorité  de 
ceux  qui  y  sont  soumis;  mais,  jusqu'à  ce  moment,  elle 
subsiste,  même  après  la  mort  du  père,  car  il  peut,  par 
son  testament,  nommer  un  tuteur  à  ses  enfants.  Il  peut 
aussi,  pendant  sa  vie,  déléguer  une  partie  de  son  auto- 
rité à  un  gouverneur  ou  précepteur,  qui  se  trouve  alors 
investi,  in  loco  parentis^  du  droit  d'élever  et  de  corriger 
son  élève. 

199  bis.  —  Jusqu'à  ces  dernières  années,  la  mère 
anglaise,  exclue  des  droits  de  la  puissance  paternelle, 
se  trouvait  dans  une  situation  notablement  inférieure  à 
celle  des  femmes  françaises,  puisqu'elle  ne  participait  pas 
à  la  tutelle  de  ses  enfants,  en  cas  de  survivance  à  son 
mari*-,  et  qu'elle  n'était  pas  même  libre  de  déférer  la  tu- 
telle par  testament,  ainsi  que  le  Code  civil  le  permet  au 


21  Hawkins,  I,  13U.  '^-  Voir,  notamment,  l'art.  39<i  du 

Code  civil. 


128  POLVOIRS  DES  PARENTS  SUR  LEURS  ENFANTS 

dernier  mourant  des  père  et  mère".  Aujourd'hui,  une  loi  de 
1886**  a  introduit  en  Angleterre  un  système  sensiblement 
analogue  à  celui  de  la  France. 

Rn  premier  lieu,  la  mère  survivante  devient  tutrice  de 
droit,  soit  seule,  soit  conjointement  avec  le  cotuteur  qu'a 
pu  désigner  son  mari.  Si  le  coluteur  ainsi  désigné  vient  à 
mourir  ou  à  refuser  ses  services,  la  Cour  peut  nommer  un 
coluteur  ad  hoc  pour  assister  la  mère  en  certaines  occa- 
sions. 

En  second  lieu,  la  mère  a,  comme  le  père,  le  droit  de 
déférer  la  tutelle  à  un  tiers  pour  le  cas  où  elle  mourrait 
avant  la  majorité  de  ses  enfants;  et,  si  les  deux  époux  ont 
fait  des  désignations  de  leur  choix,  les  tuteurs  datifs  de 
l'un  et  l'autre  côté  doivent  exercer  la  tutelle  de  concert. 

Mais  la  loi  anglaise  ne  s'en  est  pas  tenue  là,  et,  par  une 
dernière  disposition  qui  venge  la  cause  féministe  de  tous 
ses  motifs  de  rancune,  elle  permet  à  la  femme,  du  vivant 
même  de  son  mari,  de  nommer  un  cotuteur  provisoire 
pour  assister  son  mari  en  cas  de  survivance  de  celui-ci. 
Ce  cotuteur  n'est  que  provisoire  en  ce  sens  que  sa  désigna- 
tion ne  devient  définitive  que  si  elle  est  confirmée  par  la 
cour  à  raison  d'un  manque  de  capacité  reconnu  chez  le 
père. 

L'esprit  général  de  cette  législation  nouvelle  est  de  créer  ' 
une  égalité  parfaite  entre  les  époux  au  point  de  vue  des 
droits  découlant  de  la  puissance  paternelle,  et  déjà  les  tri- 
bunaux anglais  ont  eu  l'occasion  de  montrer  leur  intention 
de  se  conformer  à  ce  nouvel  esprit  de  la  loi". 

200.  —  Il  est  à  remarquer  que,  si,  en  Angleterre,  le 

**  C.  civ.,  art.  397.  Cheuvreux  dans  VAnn.  de  législ. 

21  Guardianshîp  of  infants  act  étr.,  t.  XVI,  p.  38. 
(St.  49  et  50,  Vict.,  c.  27).  Voir,  sur 

cette  loi,  une  notice  de  M.  Casimir  25  c.  A.  1897,  1  Ch.  786. 


DEVOIRS  DES  ENFANTS  ENVERS  LEURS  PARENTS    129 

père  n*a  aucun  droit  sur  la  fortune  de  ses  enfants,  même 
mineurs,  en  revanche,  il  n'est  entravé  dans  son  propre 
droit  de  disposition  par  aucune  règle  restrictive  analogue 
à  ce  que,  sur  le  continent,  on  appelle  légitime,  réserve, 
Pflichttheil,  etc.  Sauf  convention  contraire  par  contrat 
de  mariage,  il  peut  léguer  l'ensemble  de  ses  biens, 
meubles  ou  immeubles,  à  des  étrangers  au  préjudice  de 
ses  enfants  ou  descendants. 


IV 
Devoirs  des  enfants  envers  leurs  parents. 

Sommaire  :  201.  Principe  général  ;  dette  alimentaire.  —  202.  Défense  des 
parents  par  les  enfants. 

201.  —  A  part  les  devoirs  de  respect  et  d'obéissance 
qui  correspondent  aux  pouvoirs  des  parents  exposés  ci- 
dessus,  les  enfants  ont,  vis-à-vis  de  leurs  parents  et 
grands-parents  tombés  dans  la  misère  et  incapables  de 
se  suffire  par  eux-mêmes,  un  devoir  d'assistance  décou- 
lant tout  à  la  fois  du  droit  naturel  et  des  lois  sur  l'as- 
sistance des  pauvres,  et  dont  ne  les  dispenseraient  ni 
les  mauvais  procédés,  ni  l'inconduite  de  l'ascendant  in- 
digent. Cela  revient  à  dire  qu'en  Angleterre,  comme  en 
France,  la  dette  alimentaire  est  réciproque  entre  parents 
en  ligne  directe,  ascendante  ou  descendante^".  La  loi  ne 
précise  pas  dans  quel  ordre  ceux  qui  sont  tenus  des  ali- 
ments doivent,  s'ils  sont  plusieurs  à  des  degrés  diffé- 
rents, être  mis  en  demeure  de  les  fournir;  les  juges  de 
paix  régleraient  éventuellement  la  question. 

La  dette  alimentaire  n'existe  pas  dans  la  ligne  collaté- 

30  Poor  law  act,  St.    43,  Élis.,  c.  2,  §  7;  St.  5,  Geo.  IV,  c.  8;^. 
Lebr.  9 


130  DES  ENFANTS   ILLÉGITIMES 

raie,  même  entre  frères  et  sœurs,  et  encore  que  celui 
d'entre  eux  dont  l'assistance  serait  requise  eût  recueilli 
toute  la  fortune  de  l'auteur  commun". 

202.  —  Les  enfants  ont,  s'il  y  a  lieu,  le  droit  et  le  de- 
voir de  défendre  la  personne  de  leur  père  et  d'épouser 
sa  cause  en  justice^". 


CHAPITRE  II 
Des  enfants  illégitimes. 

Sommaire  :  203.  Définition  et  situation  juridique.  —  204.  Cas  du  bastard 
eigné  et  du  mulier  puisné.  —  205.  La  reconnaissance  ne  crée  aucun 
lien  de  filiation  ;  simple  dette  alimentaire.  —  206.  Devoirs  de  la  mère.  — 
207.  Déclaration  judiciaire  de  paternité.  —  208.  Intervention  de  la  pa- 
roisse. —  209.  Avantages  du  système  anglais  en  matière  de  recherche 
de  paternité;  ses  inconvénients.  —  210.  Liberté  de  tester  en  faveur 
de  l'enfant  naturel. 

203.  —  Tout  enfant  qui  n'est  pas  issu  d'un  mariage 
valable  est  un  enfant  naturel,  réputé  n'être  le  fils  de 
personne,  fîlius  nidlius.  Sa  qualité  n'entraîne  plus  au- 
jourd'hui d'incapacité  pour  lui  qu'au  point  de  vue  des 
successions  :  n'ayant  légalement  aucun  lien  de  parenté, 
même  avec  sa  mère,  il  ne  peut  être  héritier,  et  sa  propre 
succession  ne  peut  être  recueillie  que  par  ses  enfants 
ou  descendants  légitimes,  s'il  en  a.  Un  acte  du  parle- 
ment est  seul  assez  puissant  pour  relever  le  «  bâtard  » 
de  cette  incapacité.  Comme  on  l'a  vu  plus  haut,  le  mariage 
subséquent  du  père  et  de  la  mère  ne  légitime  point  leurs, 
enfants  naturels'. 


ST  Paterson,  Gomp.,  n»  847.  <  4,  Inst.,  36. 

28  Blackstone,  éd.  fr.,  II,  239. 


DliS   ENFANTS   ILLEGITIMES  131 

204.  —  Ce  mariage  ne  produit  un  effet  civil  au  point  de 
vue  d'un  enfant  naturel  né  antérieuremeni,  que  dans  un 
seul  cas,  celui  du  bastai'deignéelâu  millier  puisné,ces[- 
à-dire  dans  le  cas  où  le  père  et  la  mère  de  l'enfant 
naturel,  venant  à  se  marier,  ont  ensuite  un  enfant  légi- 
time et  où,  cependant,  au  décès  du  père,  c'est  l'enfant 
naturel,  aîné  des  deux,  qui  se  met  en  possession  de  l'héri- 
tage paternel,  en  jouit  pendant  toute  sa  vie,  sans  récla- 
mation de  la  part  de  son  puîné,  le  filius  mulieratus'^  on 
né  d'une  femme  mariée,  et  le  transmet  à  ses  propres  en- 
fants par  droit  de  succession.  Dans  ce  cas  tout  spécial,  le 
droit  du  fils  légitime  et,  en  générai,  de  tous  autres  préten- 
dants, s'efface  devant  le  fait  accompli^:  la  loi  le  veut  ainsi, 
d'une  part,  pour  punir  le  millier,  le  puîné  légitime,  de 
n'avoir  pas  fait  valoir  son  droit  du  vivant  de  l'aîné  et  de 
n'avoir  pas  demandé  à  temps  son  éviction;  d'autre  part, 
parce  qu'elle  n'admet  pas  qu'on  déclare  bâtard,  après  son 
décès,  un  homme  qui  a  possédé  comme  héritier,  qui  est 
mort  en  possession  et  qui,  par  conséquent,  a  passé  pen- 
dant sa  vie  pour  légitime;  enfin,  parce  que,  tout  en  répu- 
diant le  principe  canonique  de  la  légitimation  par  mariage 
subséquent,  la  loi  a  jugé  que,  dans  ce  cas  particulier,  les 
circonstances  étaient  assez  favorables  à  l'enfant  naturel 
pour  justifier  une  exception  à  la  règle  et  l'adoption  de  la 
doctrine  plus  indulgente  de  l'Église  et  du  droit  romain,  j.a 
règle  stricte  subsiste  dans  tous  les  autres  cas'. 

205.  —  L'enfant  naturel  étant  toujours,  en  Angleterre, 
Mnfilius  niilliiis  et  ne  pouvant  jamaisy  conquérir,  par  rap- 
port aux  auteurs   de  ses  jours,  la  position  intermédiaire 


«  Glanville,  \.  VU,  c.  L  '•  LiUleton,  400;   Blackstone.  éd. 

3  Littleton,  Tenures,  399;  Co.  fr.,  III,  86, 

Litt.,  244, 


132  DES  ENFANTS   ILLEGiïlMES 

que  lui  assurent  la  plupart  des  législations  du  continent 
lorsque  sa  filiation  paternelle  ou  maternelle  est  constante, 
il  s'ensuit  que  la  reconnaissance  volontaire  ou  forcée  n'y 
tient  pas,  dans  le  droit,  la  place  considérable  qu'ellea,  par 
exemple,  en  France.  La  constatation  volontaire  ou  forcée 
soit  de  la  maternité,  soit  de  la  paternité,  n'élève  jamais 
l'enfanl  naturel  au  rang  de  fils  de  ceux  auxquels  il  doit  la 
vie;  elle  ne  lui  donne  contre  eux  qu'une  créance  alimen- 
taire, qui  est  même,  vis-à-vis  du  père,  d'une  extrême  exi- 
guïté. Le  régime  anglais  n'appartient  donc  pas  au  système 
qu'on  appelle,  dans  la  théorie,  le  système  de  la  paternité,  ni 
même  au  système  de  la  maternité  ;  il  appartient  au  système 
dit  mixte,  qui  présente,  à  notre  sens,  bien  des  inconvénients 
pour  des  avantages  assez  minces. 

206.  — La  mère  de  Tenfant  naturel  est  tenue  de  pour- 
voir à  l'entretien  et  à  la  subsistance  de  son  enfant.  Cette 
obligation  persiste  pour  elle  tant  qu'elle  reste  célibataire 
ou  veuve,  et  jusqu'à  ce  que  l'enfant  ait  atteint  l'âge  de 
seize  ans  ou  soit  capable  de  gagner  sa  vie.  Quand  l'enfant 
est  une  fille,  elle  reste  à  la  charge  de  sa  mère  jusqu'à  son 
mariage,  si  elle  se  marie  avant  seize  ans.  Dans  ces  divers 
cas  l'enfant  naturel  doit  être  traité  chez  sa  mère  comme 
un  membre  de  la  famille,  encore  que  la  mère  se  marie  et 
donne  ensuite  le  jour  à  des  enfants  légitimes:  l'homme 
qui  épouse  la  mère  s'assujettit  par  là  même  aux  obliga- 
tions de  celle-ci,  tant  qu'elle  vit  \  En  échange  de  ces 
devoirs,  la  mère  et,  s'il  y  a  lieu,  son  mari  ont  le  droit  de 
«  gardiennage»  (custody)  sur  l'enfant  jusqu'à  sa  seizième 
année. 

Le  droit  anglais  assure  ainsi,  tant  bien  que  mal,  la  pro- 

8  St.  4  et  5.  Guil.  IV,  c.  76,  §§  71  et  57. 


DES   ENFANTS    ILLl^GITIMES  133 

teclion  des  enfants  naturels  par  un  système  qui  tient  le 
milieu  entre  l'indifférence  complète  du  droit  français  et  la 
haute  tutelle  d'Élat  organisée  pour  les  enfants  naturels 
par  le  nouveau  Code  civil  allemand  [Obervorînundschaft), 
et  par  Tavant-projet  de  Code  fédéral  suisse. 

207.  —  Si  la  mère,  célibataire  ou  veuve,  n'a  pas  les 
ressources  nécessaires  pour  pourvoir  à  l'entretien  ou  à  la 
subsistance  de  son  enfant,  elle  peut  s'adresser  à  la  justice 
de  paix  pour  faire  déclarer  père  de  l'enfant  l'homme  qu'elle 
affirme  être  l'auteur  de  sa  grossesse  [af filiale  the  child  on 
the  father).  L'action  n'est  recevable  que  si  elle  est  intentée 
pendant  la  grossesse  ou  dans  les  douze  mois  depuis  l'ac- 
couchement, à  moins  que,  pendant  ce  délai,  le  père  n'ait 
déjà  contribué  bénévolement  à  l'entretien  de  l'enfant.  La 
femme  n'est  pas  crue  sur  sa  seule  affirmation,  même  cor- 
roborée par  un  serment.  Il  faut  que  son  témoignage  soit 
appuyé  par  d'autres  ou  par  un  commencement  de  preuve 
par  écrit.  Le  prétendu  père  peut  le  combattre  par  tous  les 
moyens  de  preuve  admis  au  civil,  et  notamment  en  rap- 
portant la  justification  que,  pendant  la  période  correspon- 
dant à  la  conception,  la  femme  a  eu  des  relations  intimes 
avec  d'autres  hommes.  Si  le  juge  estime  que  la  paternité 
est  établie,  il  condamne  le  défendeur  à  contribuer  à  l'en- 
tretien de  l'enfant  jusqu'à  l'âge  de  treize  ans  ou,  s'il  y  a 
lieu,  de  seize  ans,  par  une  allocation  hebdomadaire  de  cinq 
shillings,  quelles  que  soient  sa  position  sociale  et  sa  for- 
tune (32o  fr.  par  an).  C'est  un  prix  fixe'. 

208.  —  Il  arrive  parfois  que  la  mère,  bien  que  besoi- 
gneuse,  néghge  par  insouciance,  par  dignité,  par  haine 
de  l'homme  qui  l'a  abusée,  ou  pour  toute  autre  raison, 

B  st.  7  et  8,   Vict..  c.   101,  §3;       filiation  naturelle,  p.  .330. 
Jonnesco,    De  la  recherche  de  la 


134  DES   ENFANTS   ILLÉGITIMES 

fie  réclamer  dans  l'intérêt  de  son  enfant  le  bénéûce  de  la 
Ici.  Alors,  en  vertu  du  Poor  law,  l'enfant  est  adopté  par 
la  paroisse,  et  celle-ci  peut  contraindre  la  mère  à  entamer 
les  poursuites  qu'elle  n'a  pas  faites  de  son  chef. 

209.  —  Dans  la  mesure  qui  vient  d'être  indiquée,  la 
recherche  de  la  paternité  ne  paraît  pas  avoir  eu,  en  Angle- 
terre, les  inconvénients  et  les  dangers  qui  l'ont  fait  interdire 
€n  France, et  l'on  est  assez  disposée  l'y  considérer  comme 
susceptible  de  concourir  au  bien  public.  En  fait,  il  est  très 
rare,  paraîl-il,  que  l'on  en  vienne  jusqu'à  une  instance 
judiciaire.  Les  femmes  redoutent  le  scandale  de  semblables 
procès,  d'autant  que  le  bénéfice  qu'elles  en  peuvent  retirer 
est  des  plus  minimes.  D'autre  part,  le  père  présumé  aime 
mieux,  le  plus  souvent,  lorsqu'il  en  est  sollicité,  payer  la 
modique  redevance  Gxée  par  la  loi,  que  de  se  voir  citer  en 
justice.  11  en  résulte  que  presque  toutes  les  affaires  se  ré- 
solvent à  l'amiable,  les  parties  ayant  un  égal  intérêt  à 
s'entendre. 

Au  surplus,  la  loi  a  pris  des  précautions  contre  les  abus. 
Non  seulement  la  femme  qui  en  réclame  le  bénéfice  est 
■obligée  de  faire  sa  déclaration  sous  serment  par  devant  un 
commissaire  à  ce  délégué,  mais  encore  elle  encourrait,  en 
cas  de  fausse  déclaration,  les  pénalités  les  plus  rigou- 
reuses. Et  les  cas  de  chantage  sont  rares  avec  une  législa- 
tion qui  a  pris  soin  de  tarifer  les  obligations  du  père. 

Mais  il  est  permis  de  se  demander  si,  à  tant  que  d'ex- 
poser un  homme  à  être  moralement  ou  judiciairement  con- 
traint de  se  reconnaître  père  d'un  enfant  naturel,  il  n'y 
avait  pas  à  veiller  plus  sérieusement  aux  intérêts  de  l'en- 
fant qu'il  accepte  comme  sien.  Une  allocation  fixe  de 
325  francs  par  an  pendant  treize  ou  seize  ans  est  une  assis- 
tance véritablement  dérisoire;  et  ce  n'est  pas,  nous  le  sup- 


DES  ENFANTS  ILLEGITIMES  135 

posons,  pour  arriver  à  ce  piètre  résultat,  aggravé  par 
l'absence  de  tout  droit  héréditaire,  que  nombre  de  publi- 
cistes  français  mènent  une  bruyante  campagne  en  vue  de 
faire  abroger  l'article  340  du  Code  civil.  Si  l'homme  de 
qui  l'assistance  est  requise  est  réellement  le  père  de  l'en- 
fant, il  est  évident  qu'à  ce  prix  il  ne  remplit  pas  les  de- 
voirs que  lui  impose  la  nature;  et,  s'il  ne  l'est  pas,  il  est 
parfaitement  immoral  et  odieux  de  lui  faire  payer  une 
pension,  ne  fût-ce  que  de  325  francs,  sous  la  menace  d'un 
scandale  et  en  se  consolant  par  l'exiguïté  du  sacrifice  qu'on 
lui  demande. 

210.  —  Il  convient  cependant  d'ajouter  que  la  loi  an- 
glaise, si  rigoureuse  à  l'égard  des  enfants  naturels,  est 
corrigée  dans  une  certaine  mesure  par  la  grande  liberté 
qu'elle  accorde  en  matière  de  dispositions  testamentaires. 
Si  l'enfant  naturel  n'a  aucun  droit  sur  la  succession  ab  in- 
testat de  ses  parents,  il  peut  être  l'objet  de  leurs  libéralités 
expresses,  sans  venir  se  heurter,  comme  en  France,  à  une 
disposition  qui,  se  fondant  sur  ce  que  lui  réserve  la  loi,  le 
déclare  incapable  de  rien  recevoir  au  delà  soit  entre  vifs, 
soit  par  acte  de  dernière  volonté  (908,  C.  civ,). 


LIVRE  DEUXIEME 

DES  DROITS  RÉELS. 


SECTION  PREMIERE 

NOTIONS  PRÉLIMINAIRES  ET  CLASSIFICATIONS. 


CHAPITRE  I 

Division  des  biens  propre  au  droit  anglais. 

Sommaire  :  211.  Origine  féodale  de  la  propriété  foncière;  biens  meu- 
bles dans  lancien  droit.  —  212.  Tenements  ou  real  property;  goods 
and  chaltels  ou  pcrsunal  property.  —  213.  Ghattels  réels.  —  214. 
Chattels  personnels.  —  215.  Choses  in  action;  mode  de  cess-ion;  équi- 
table choses  in  action.  —  216.  Biens  personnels  incorporels.  —  217. 
Diflérences  entre  la  propriété  réelle  et  la  propriété  personnelle.  — 
218.  Cas  où  l'origine  féodale  de  la  propriété  continue  à  se  l'aire  sen- 
tir; droit  de  retour  à  la  couronne;  trésor;  estrays. 

211.  —  Aussitôt  après  la  conquête  de  l'Angleterre  par 
les  Normands,  une  grande  partie  des  terres  fut  confisquée 
au  profit  des  vainqueurs  et  distribuée  par  le  roi  entre  ses 
compagnons  d'armes,  à  titre  de  fief  et  à  charge  de  service 
militaire.  Ce  système  féodal  de  teniires^  ou  terres  mou- 
vantes du  roi,  s'étendit  peu  à  peu  au  reste  du  sol,  c'est-à- 
dire  aux  parties  du  pays  laissées  entre  les  mains  des  pro- 
priétaires saxons  primitifs  ;  les  auteurs  ne  sont  pas  d'accord 


138         DIVISION   DES   BIENS  PROPRE   AU   DROIT   ANGLAIS 

sur  la  manière  dont  se  fît  cette  évolution'.  Il  est  certain 
que,  malgré  le  caractère  féodal  de  la  législation  foncière, 
toute  une  population  de  cultivateurs  libres  s'était  déve- 
loppée sur  le  sol  anglais  à  la  fîn  du  moyen  âge.  C'étaient 
les  yeomen^  dont  tous  les  historiens  français  signalèrent  la 
valeur  au  cours  de  la  guerre  de  Cent  ans.  Mais  il  vint  un 
moment  où  la  productivité  des  cultures  métropolitaines 
diminua  en  raison  des  importations  de  récoltes  coloniales; 
l'agriculture  fut  délaissée  d'autant  plus  volontiers  que  le 
progrès  de  l'industrie  textile  relevait  le  prix  de  la  laine  et 
incitait  les  classes  rurales  à  convertir  les  labours  en  pâtu- 
rages. Ces  deux  circonstances  économiques  furent  mor- 
telles pour  la  petite  propriété.  Enfin,  le  développement  de 
la  gentry  et  sa  puissance  politique,  à  partir  de  Guil- 
laume III,  permirent  au  Parlement  de  voter  toute  une  série 
à'Inclosure  Acts,  qui  eurent  pour  but  apparent  de  trans- 
former les  propriétés  communales  en  propriétés  privées, 
mais  qui,  en  réalité,  servirent  la  cause  des  reconstitutions 
de  grands  domaines;  et  l'on  vit  alors  se  développer  ces 
latifundia  anglais  qui  subsistent  encore,  non  comme  une 
survivance  de  la  féodalité,  mais  comme  une  conséquence 
d'une  crise  économique  et  politique  beaucoup  plus  récente. 
Les  formes  archaïques  du  droit  anglais  n'ont  donc  pas 
créé  cette  situation;  mais  elles  l'ont  favorisée,  car  la  con- 
centration des  propriétés  foncières  n'aurait  pas  duré  si 
longtemps,  et  elle  ne  se  serait  pas  aggravée,  si  le  principe 
de  la  primogéniture  et  le  régime  des  substitutions  ne 
l'avaient  protégée  contre  tout  partage  mortis  causa. 

1  Cpr.  Wright,  Tenures,  64,  65;  litique  en  Angleterre,  pp.  91,  230, 

Blackstoue,   Comm.,    II.   49,    50;  235;  De  Laveleye,   De  la  propriété 

Hallam,  Middle    Ages,   II,   429  et  et  de  ses  formes  primitives,  p.  445; 

suiy.;  Boutmy,  Développement  de  Jacques  Dumas.  Le  problème  fon- 

la  constitution  et  de  la  société  po-  cier  en  Angleterre,  p.  1G2. 


DIVISION  DES  BIENS  PROPRE  AU  DROIT  ANGLAIS  139 

En  effet,  si  le  possesseur  de  terres  a  joui  de  vieille 
date  sur  son  domaine  de  droits  considérables  et  si,  dans 
le  cours  des  siècles,  ces  droits  n'ont  fait  que  se  dévelop- 
per et  se  consolider,  la  notion  d'une  propriété  indépen- 
dante et  absolue,  telle  que  la  conçoit  le  droit  romain,  est 
étrangère  au  droit  anglais  dès  qu'il  s'agit  d'immeubles  : 
le  possesseur  de  terres  est  réputé  n'avoir  jamais  qu'un 
droit  dérivé,  un  fief  mouvant  soit  directement  de  la  cou- 
ronne, soit  d'un  suzerain  interniédiaire;  il  n'est  pas  pro- 
priétaire au  sens  romain  du  mot,  et  toute  la  terminologie 
juridique  se  ressent  de  cette  différence  fondamentale,  qui 
a  survécu,  à  travers  les  siècles,  à  l'effondrement  du 
régime  féodal  proprement  dit. 

Ce  système  féodal  ne  pouvait  évidemment  s'adapter 
qu'aux  biens-fonds.  Le  bétail  et,  en  général,  les  effets 
mobiliers 'étaient,  de  leur  nature,  trop  sujets  à  dépérisse- 
ment pour  faire  l'objet  d'obligations  féodales.  Aussi  les 
donnait-on  à  titre  gratuit,  indépendamment  de  toute  charge 
militaire  ou  autre;  et,  d'autre  part,  on  ne  se  faisait  nul 
scrupule  de  les  frapper  de  taxes  exorbitantes  ou  d'en  pro- 
noncer la  confiscation  pour  des  délits  de  minime  impor- 
tance. Les  anciens  traités  de  jurisprudence  sont  à  peu  près 
muets  sur  les  règles  applicables  aux  biens  meubles  :  la 
terre  était  le  bien  par  excellence,  réputé  seul  digne  de 
l'attention  du  législateur  et  de  la  protection  du  juge.  Brit- 
ton  et  le  Miroir  ne  parlent  point  du  tout  des  meubles;  et 
le  peu  qu'on  trouve  sur  ce  sujet  dans  Glanville,  Bracton  et 
Fleta  semble  emprunté  purement  et  simplement  au  droit 
romain.  11  est  superflu  de  dire  que,  depuis  lors,  cet  état  de 
choses  s'est  modifié,  à  mesure  que  la  richesse  mobilière 
s'accroissait  grâce  au  développement  du  commerce  et  de 
l'industrie  :  aujourd'hui,  en   Angleterre   comme  dans   le 


140        DIVISION   DES  BIENS   PROFHE   AU    DROIT   ANGLAIS 

reste  da  monde  civilisé,  les  tribunaux  et  la  loi  considè- 
rent celte  richesse-là  comme  ayant  droit  à  la  même  protec- 
tion que  la  propriété  foncière;  toutefois  elle  ne  porte  pas 
le  même  nom. 

212.  —  Les  terres,  les  maisons  et  autres  immeubles 
susceptibles  d'être  tenus  en  fief  portent  de  vieille  date  le 
nom  de  tenements  ou  de  choses  tenues  {things  held); 
on  les  appelle  di.nss\bér[[ages [heî'editaments],  parce  qu'en 
général,  à  la  mort  de  leur  possesseur,  ils  passent  de  plein 
droit  à  son  héritier.  Dans  le  langage  juridique  moderne^ 
on  les  comprend  sous  le  nom.de  biens  véeh^real property^ 
par  opposition  aux  biens,  dénature  assez  complexe,  qu'on 
désignait  autrefois  par  l'expression  de  goods  and  chattels 
et  qu'on  appelle  aujourd'hui  biens  personnels,  personal 
property. 

L'expression  anglaise  de  propriété  'personnelle^  appli- 
quée à  tout  ce  qui  n'est  pas  biens  réeh^  est  plus  compré- 
hensiveque  notre  expression  française  de  propriété  mobi- 
lière: elle  embrasse  non  seulement  les  meubles  propre- 
ment dits,  goods,  mais  encore  les  dive»s  chattels.  Chattel 
est  un  terme  technique  que  l'on  dérive  communément  de 
catalla,  cattle^  bétail  d'une  ferme.  Or  chatlel,  dans  le  lan- 
gage juridique,  est  le  contraire,  non  d'immeuble,  mais  de 
fief  :  tout  ce  qui  n'est  pas  fief  est,  dans  un  certain  sens, 
chattel,  et  tout  ce  qui  est  chattel  n'est  pas  à  proprement 
parler  meuble.  Pour  constituer  le  fief  ou  bien  d'héritage, 
il  fallait,  selon  le  commentateur  du  Coustumier  (f**  107  a)^ 
que  la  chose  ufust  non  mouuable  et  de  duréeàiousiours». 
Tout  bien  manquant  de  l'une  de  ces  deux  qualités  d'im- 
mobilité ou  de  durée  n'était  pas  chez  les  Normands  un  fief 
et  n'est  pas,  aux  yeux  des  jurisconsultes  anglais  modernes, 
in  bien  réel  :  c'est  un  chattel.  Mais  il  s'ensuit  que,  si  c'est 


DIVISION    DES   BIENS    PROPRE    AU    DROIT    ANGLAIS       141 

la  durée  seule  qui  fait  défaut,  une  chose  même  no?i  mouua- 
ble,  —  un  immeuble,  —  peut  rentrer  sous  cette  rubri- 
que d'un  bien  persorinel.  La  loi  a  donc  dû  distinguer 
deux  classes  de  chatlels,  les  chaltels  réels  et  les  chaltels 
personnels. 

213.  —  Les  chattels  réels,  d'après  Coke  [up.  Litlleton, 
418),  sont  ceux  qui  se  rapportent  à  des  biens  réels  et  par- 
ticipent en  quelque  sorte  de  leur  nature  ;  par  exemple  : 
les  baux  ou  concessions  pour  un  terme  d'années,  le  droit 
de  faire  la  prochaine  présentation  à  un  bénéfice,  les  états 
de  possession  par  statut  marchand,  statut  d'étape,  ele- 
ffit,  etc.  Tous  ces  droits  ou  intérêts  se  rattachent  à  des  im- 
meubles ou  en  proviennent,  et  satisfont  à  l'une  des  deux 
conditions  indiquées  ci-dessus  :  ils  sont  immobiliers,  mais 
n'ont  pas  la  durée  indéterminée  moyennant  laquelle,  étant 
immeubles,  ils  rentreraient  dans  la  classe  des  fiefs  ou 
fraocs-tènemenls.  En  effet,  leur  plus  grande  durée  est  li- 
mitée d'avance  soit  à  un  nombre  déterminé  d'années,  soit 
au  moment  où  une  certaine  somme  a  pu  être  prélevée  sur 
certains  revenus;  en  sorte  qu'aux  yeux  de  la  loi  l'état  de 
possession  d'un  chaltel  réel  est  inférieur  à  un  bail  pur  au- 
tre vie,  qui  est  le  moindre  des  états  de  possession  en 
franc-tènement.  D'après  les  principes  féodaux,  les  tenan- 
ciers de  chattels  étaient  de  simples  fermiers  révocables  à 
volonté,  du  moins  jusqu'au  règne  d'Henri  VIII.  Le  franc- 
tènement,  qui  seul  est  une  propriété  réelle  et  qui  corres- 
pond au  fief  normand,  se  transfère  parle  moyen  d'une  in- 
vestiture accompagnée  de  livery  of  seisin;  le  tenancier 
dûment  investi  jouit  d'un  droit  absolu  sur  le  bien,  tant 
qu'il  ne  l'ahène  pas  volontairement  ou  que  ne  se  réalise 
pas  l'événement  qui  doit  mettre  un  terme  à  sa  tenure.  Au 
contraire,  un  chatlel  réel  en  terres  ne  comporte  ni  inves- 


142  DIVISION  DES  BIENS  PROPRE  AU  DROIT  ANGLAIS 

tilure,  ni  livery  of  seisin;  le  tenancier  se  borne  à  entrer 
sur  le  bien  et  né  peut  y  rester  que  pendant  le  tea)ps  fixé  à 
l'avance.  Ainsi,  un  term  of  years  expire  nécessairement 
à  la  fin  du  nombre  d'années  stipulé;  le  droit  à  la  plus  pro- 
chaine présentation  ne  survit  pas  à  l'usage  qui  en  a  été 
fait  celle  fois-là,-  et  les  états  de  possession  conditionnels 
par  statut  marchand,  etc.,  s'éteignent  aussitôt  que  la  dette 
est  soldée. 

214.  —  Lorsque  les  baux  à  terme  et  autres  droits  im- 
mobiliers dont  nous  venons  de  parler  furent  admis  dans  la 
classe  des  chattels  comme  chaltels  réels,  il  fallut  trouver 
un  qualificatif  distinct  pour  les  biens  qui  précédemment 
constituaient  seuls  les  chattels  :  animaux,  meubles  meu- 
blants, bijoux,  vêtements,  numéraire,  etc.;  et  l'on  nomma 
chattels  personnels  ceux  qui  n'avaient  aucune  «  saveur  de 
réalité  ».  D'où  provient  ce  qualificatif  àe personnels?  Coke 
[up.  Litll.,  118,  b)  en  donne  deux  explications  entre  les- 
quelles il  laisse  le  choix  :  on  nomme  ces  chattels  person- 
nels, soit  parce  qu'ils  sont  en  quelque  sorte  inhérents  à  la 
personne  et  la  suivent  en  quelque  lieu  qu'elle  se  trans-. 
porte,  soit  parce  qu'on  les  recouvre  au  moyen  d'une  action 
personnelle.  Blackstone  adopte  la  première  de  ces  raisons; 
Williams  se  prononce  pour  la  seconde^,  car,  dit-il,  quand 
on  a  commencé  à  qualifier  les  chattels  de  personnels,  ils 
étaient  déjà  trop  nombreux  et  importants  pour  suivre  la 
personne  de  leur  possesseur  et,  d'autre  part,  les  légistes 
ont  toujours  accordé  une  attention  toute  spéciale  à  la  na- 
ture des  actions.  Or  c'est  une  action  personnelle  que  l'on 
intentait  à  propos  de  biens  pour  lesquels,  à  raison  de  leur 
nature  périssable,  on  n'était  jamais  sûr  de  pouvoir  obtenir 

2    Blackstone,    Comm.,   éd.   fr.,       property,  iô"  éd.,  p.  5  et  6. 
III,  p.   331;    Williams,    Personal 


DIVISION    DES    BIENS  PROPFU^]   AU   DHOIT   ANGLAIS        143 

du  défendeur  autre  chose  qu'une  indemnité  pécuniaire, 
hormis  les  deux  cas  tout  spéciaux  d'une  action  of  detimte 
on  à\\T\e.  action  of  replevin^ .  Ce  n'ôsl  que  de  nos  jours 
que  celui  qui  a  droit  à  des  meubles  a  été  armé  de  moyens 
énergiques  pour  se  les  faire  restituer  en  nature  :  la  per- 
sonne qui,  détenant  indûment  les  meubles  d'autrui  ou  s'é- 
tant  engagée  à  livrer  des  meubles  contre  argent,  refuse  de 
s'en  dessaisir,  est  exposée  à  voir  tous  ses  biens  meubles 
et  immeubles  frappés  de  saisie  jusqu'à  ce  qu'elle  se  soit 
exécutée*.  Mais  auparavant,  encore  une  fois,  l'action  en 
restitution  de  meubles  était  essentiellement  personnelle  et 
se  résolvait  presque  toujours  en  des  dommages  et  intérêts. 
Nous  ne  voulons,  du  reste,  pas  insister  plus  longuement 
sur  cette  question  de  terminologie. 

215.  —  Dans  le  principe,  les  chattels  personnels  con- 
sistaient exclusivement  en  meubles  corporels  se  trouvant 
en  la  possession  de  leur  propriétaire  ou  de  ses  ayants- 
cause;  on  n'y  comprenait  pas  de  biens  incorporels.  Tou- 
tefois, s'il  n'existait  pas,  à  vrai  dire,  de  chattels  personnels 
incorporels,  on  pouvait  avoir  un  droit  d'action,  c'est-à-dire, 
la  faculté  de  s'adresser  à  un  tribunal  pour  obtenir  soit  le 
remboursement  d'une  créance,  soit  des  dommages  et  inté- 
rêts à  raison  d'un  préjudice  éprouvé  ou  de  la  non-exécu- 
tion d'un  engagement.  Les  Normands  appelaient  ce  droit 
chose  in  action^  par  opposition  aux  meubles  corporels, 
qu'ils  désignaient  sous  le  nom  de  choses  in  possession. 

*  L'action  of  delinue  était  diri-  ces  sous  la  garde  du  sAfri/',  c'est-à- 
gée  contre  celui  qui  détenait  sans  dire,  d'un  ol'ficier  public,  on  pou- 
droit  les  meubles  d'aulrui  ;  elle  ne  vait  toujours,  s'il  y  avait  lieu,  les 
se  résolvait  que  subsidiairement  en  recouvrer  en  nature, 
dommages  et  intérêts.  L'acdon  of  *  St.  17  et  18,  Vict.,  c.  125, 
replevin  tendait  à  obtenir  la  resti-  i^  78;  19  et  20,  Vict.,  c.  97,  §  2;  38 
tution  de  meubles  saisis  illégale-  et  39,  Vict.,  c.  77.  App.  F,  8. 
ment;  comme  ils  se  trouvaient  pla- 


144  DIVISION  DES  BIENS  PROPRE  AU  DROIT  ANGLAIS 

Les  «  choses  en  action  »,  bien  qu'ayant  une  valeur, 
étaient  dépourvues  à  l'origine  du  caractère  essentiel  des 
biens,  qui  est  de  pouvoir  être  transférés  à  autrui  :  on  avait 
craint,  en  en  autorisant  la  cession,  d'encourager  les  pro- 
cès'. Toutefois,  comme  l'une  des  choses  en  action  les  plus 
importantes  était  le  droit  de  poursuivre  le  remboursement 
d'une  créance,  on  ne  tarda  pas  à  reconnaître  que  l'impos- 
sibilité de  céder  ce  droit  créait  de  grands  embarras  au 
commerce;  aussi  admit-on  de  bonne  heure  que  les  créan- 
ces constatées  par  lettre  de  change  étaient  transmissibles 
■au  moyen  d'un  endossement  accompagné  de  la  remise  de 
la  lettre  au  porteur.  Quant  aux  autres  créances,  on  éluda 
la  loi  en  permettant  au  cessionnaire  d'en  poursuivre  le 
remboursement  au  nom  du  cédant®.  Depuis  ce  moment, 
les  créances  prirent  dans  la  propriété  personnelle  une  im- 
portance qui  s'accrut  encore  lorsque,  à  partir  du  règne  de 
Henri  VlIP,  il  fut  permis  de  stipuler  des  intérêts  pour 
les  dettes  d'argent  :  les  prêts  et  les  morts-gages  ne  tardè- 
rent pas  à  former  une  espèce  nouvelle  et  considérable  de 
biens  personnels  incorporels.  Sous  la  reine  Anne*,  les 
billets  à  ordre  devinrent  endossables  comme  les  lettres  de 
change.  Des  statuts  ultérieurs  autorisèrent  le  porteur  d'un 
connaissement  et  le  cessionnaire  d'une  police  d'assurance 
sur  la  vie  ou  maritime  à  poursuivre  le  débiteur  en  leur 
propre  nom*.  Mais,  jusqu'au  4"  novembre  1875,  toute 
autre  chose  en  action  ne  fut  cessible,  at  law^  que  sous  la 
forme  d'un  pouvoir  donné  au  cessionnaire  de  poursuivre 
au  nom  du  cédant.  Depuis  cette  date,  et  en  vertu  de  la  loi 

6  10  ftep.,  49,  a.  s  St.  18  et  19,  Vict.,  c.  111,  §  1  ; 

6  St.  15,  Henr.  Vlll,  c.  2.  30  et  31,  Vict.,  c.   144  ;   31   et  32, 

'  St.  37,  Henr.  VIII,  c.  9.  Vict.,  c.  86. 

8  St.  3  et  4,  Ana.,  c,  9,  et  St.  7, 
Ann.,  c.  25,  §  3. 


DIVISION    DES   BiENS    PROPHE   AU   DROIT   ANGLAIS       145 

sur  l'organisation  judiciaire  de  1873'°,  amendée  par  trois 
lois  postérieures**,  toute  cession  d'une  créance  ou  d'une 
autre  chose  en  action,  constatée  par  un  écrit  de  la  main 
du  cédant  et  notifiée  par  écrit  au  débiteur  cédé,  est  valable 
at  law  à  partir  de  cette  notification  et  confère  au  cession- 
naire  tous  les  droits  du  cédant. 

Indépendamment  des  meubles  incorporels  qui  existent 
sous  forme  de  choses  en  action  recouvrables  par  la  voie 
d'une  action  at  law,  il  existait  aussi  des  équitable  choses 
in  action  qu'avant  la  loi  sur  l'organisation  judiciaire  de 
1873  on  pouvait  faire  valoir  devant  les  cours  d'équité 
seules.  Ces  chosesAk  étaient  de  vieille  date  susceptibles 
d'une  cession  directe,  et  le  cessionnaire  était  admis  à  ac- 
tionner en  son  propre  nom  le  débiteur;  car  les  cours  d'é- 
quité avaient  toujours  tenu  à  honneur  de  s'accommoder 
aux  exigences  de  la  vie  moderne  et  de  renoncer  aux  sub- 
tilités si  fréquentes  at  law.  La  distinction  des  choses  in 
action  en  légales  et  équitables  a  perdu  son  importance 
depuis  la  fusion  des  deux  juridictions  et  l'inscription  dans 
la  loi  du  principe  de  la  cessibilité  des  créances. 

216.  —  De  nos  jours  ont  surgi  de  nombreuses  espèces 
de  biens  que  l'ancien  droit  ne  connaissait  pas;  ainsi,  les 
fonds  publics,  les  actions  de  chemins  de-  fer  et  de  so- 
ciétés industrielles,  les  brevets  d'invention,  les  droits 
d'auteur.  Ces  biens,  de  nature  mobilière  ou  personnelle., 
se  rangent  généralement,  faute  d'une  meilleure  classifi- 
cation, parmi  les  choses  in  action;  mais  ce  sont  des 
biens  personnels  incorporels,  bien  plutôt  que  des  droits 
d'agir  en  justice  selon  le  sens  primitif  de  cette  expres- 
sion technique. 

to  st.  36  et  37,  Vict.,  c.  66,  §  25,  '«  St.  37  et  38,  Vict..  c.'83  ;  38 et 

al.  6.  39,  Vict.,  c.  77  ;  40,  Vict.,  c.  9. 

LEHn.  10 


i46        DIVISION   DES   BIENS    PROPRE   AU   DROIT   ANGLAIS 

217.  —  La  propriété  personnelle  diffère  de  la  propriété 
réelle  en  ce  qu'elle  n'est  pas  soumise  aux  règles  féodales 
sur  la  tenure,  qu'elle  est  aliénable  par  d'autres  modes,  et 
qu'en  cas  de  décès  de  son  possesseur  elle  passe,  non  à 
l'héritier,  mais  aux  plus  proches  parents  du  défunt.  De 
la  première  de  ces  trois  différences  il  résulte  que,  tandis 
qu'on  n'a  jamais  sur  un  immeuble  un  droit  de  propriété 
absolu  et  indépendant,  mais  simplement  un  estate  de 
plus  ou  de  moins  longue  durée,  les  biens  meubles  font, 
au  contraire,  l'objet  d'une  propriété  absolue  et  qu'on  ne 
saurait  avoir  un  estate.  portant  sur  ces  biens-là  :  there 
can  be  no  estale  in  cfiattels^^. 

218.  —  Le  caractère  primitivement  féodal  de  la  pro- 
priété foncière  se  manifeste  encore,  à  part  les  questions 
de  terminologie,  par  plusieurs  conséquences  intéres- 
santes. A  bien  des  égards,  le  lien  féodal  entre  le  pos- 
sesseur de  la  terre  et  la  couronne,  —  lord  par  amont,  — 
n'est  plus  que  purement  nominal;  ainsi,  le  possesseur 
n'est  plus  tenu,  à  chaque  décès  ou  mutation,  de  sollici- 
ter une  nouvelle  investiture.  Mais  il  est  encore  une  série 
de  droits  que  la  couronne  est  réputée  s'être  réservés, 
précisément  en  sa  vieille  quaUté  de  suzeraine. 

Sauf  preuve  contraire,  c'est  à  elle  et  non  aux  tenan- 
ciers riverains  qu'appartiennent  les  lais  et  relais  de  la 
mer.  Elle  seule  peut  conférer  le  droit  de  prendre  sur  le 
rivage  des  algues,  du  sable  ou  des  coquillages,  à  moins 
qu'un  usage  local  n'existe  en  faveur  du  public. 

Lorsque  le  possesseur  d'un  ûef  simple  (cpr.  n"  224) 
meurt  intestat  et  sans  laisser  aucun  héritier,  le  fief  fait 
retour  à  la  couronne. 

'2  Williams,  Personal  prop.,  15'  éd.,  p.  6  et  s. 


DES   DIVERSES    ESPECES    DE   TENURES  147 

En  cas  de  condamnation  du  propriétaire  pour  trahi- 
son {ù^eason),  le  fief,  jusqu'à  une  époque  récente,  était 
confisqué  au  profit  de  la  couronne;  la  confiscation  n'a 
été  abolie  que  par  le  St.  33  et  34,  Vict.,  c.  23. 

Enfin,  le  trésor  est  dévolu  à  la  couronne,  à  l'exclu- 
sion de  l'inventeur,  qui  serait  passible  de  prison  et 
d'amende  s'il  cherchait  à  l'en  frustrer  '^  Il  en  serait  au- 
trement des  objets  trouvés  à  la  surface  du  sol,  lesquels 
appartiennent  à  l'inventeur,  saut  les  droits  du  légitime 
propriétaire'*;  encore  la  couronne  se  subslitue-t-elle 
à  l'inventeur  s'il  s'agit  d'effets  mobiliers  [waifs)  dont  un 
voleur  se  débarrasse  en  fuyant'*.  Sont  assimilés  au  tré- 
sor et  attribués,  non  au  possesseur  du  sol,  mais  égale- 
ment à  la  couronne,  les  animaux  domestiques,  bêtes  à 
cornes,  moutons,  chevaux,  etc.,  trouvés  errants  sur  un 
domaine  et  dont  le  propriétaire  est  inconnu  [estrays); 
celui-ci  jouissant  d'ailleurs,  pendant  un  an  et  un  jour, 
de  la  faculté  de  se  les  faire  restituer,  moyennant  le 
remboursement  des  frais  de  gcirde'*. 

CHAPITRE  II 
Des  diverses  espèces  de  tenures. 

Sommaire  :  219.  Notion  des  tenures  et  des  estâtes  ;  quatre  tenures  princi- 
pales. —  220.  Freehold  et  Copyhold.  —  221.  Petite  sergenterie;  bour- 
gage  ;  gavelkind  ;  franche  aumône.  —  222.  Propriétés  in  possession  ou 
in  expectancy. 

219.  —  On  désigne  sous  l'expression  féodale  de  tenure 
le  mode  suivant  lequel  le  possesseur  d'une  terre,  le  te- 

"  Coke,  7nj(.,  III,  132;  Dalton,  »»   Cro.  Eliz.,  694;    Blackstone, 

on  Sheriff,  c.  16.  Comm.,  IV,  363. 

''  Armory  c.  Delamire,  Smith,  '«    Brooke,     Abridg.,    Eatray; 

Lead.  cas.,  I,  256.  Rolle,  Abridg.,  I,  879. 


148  DES  DIVERSES  ESPECES   DE  TEXURES 

nancier  ou  tenant,  possède  le  fief  dont  il  est  investi» 
Les  diverses  sortes  de  tenure  constituent  des  estâtes  dif- 
férents :  estate,  status^  marque  l'état,  la  position  dans 
laquelle  se  trouve  le  possesseur  par  rapport  à  son  do- 
maine, la  nature  spéciale  du  droit  qui  lui  compète  sur 
ce  domaine. 

Sans  vouloir  entrer  ici  dans  un  examen  détaillé  de 
toutes  les  tenures  usitées  en  Angleterre  depuis  le  moyen 
ùge  jusqu'au  xvii^  siècle,  nous  devons  seulement  dire 
qu'il  y  en  avait  quatre  principales,  que  Bracton  définit 
de  la  façon  suivante  :  «  Les  tènements  sont  de  deux  es- 
pèces :  les  francs-lènements  et  les  villenages.  Des  francs- 
tènements,  les  uns  sont  tenus  librement,  pro  homagio  et 
servitio  militari  [hy  knicjMs  service),  les  autres  sont 
en  frajic-socaf/e,  sous  la  condition  de  fidélité  féodale 
seulement  (et  parfois  de  payement  d'une  rente).  Des  vil- 
lenages, les  uns  étaient  purs  et  comportaient  de  la  part 
du  tenancier  un  service  arbitraire  et  indéterminé;  les 
autres,  nommés  villeins-socages,  obligeaient  le  tenancier 
à  des  services  de  vilain,  mais  certains  et  déterminés 
[villenage  privilégié)  ^  ».  Les  copyholds  du  droit  mo- 
derne dérivent  de  la  tenure  en  villenage  pur.  On  ne  sau- 
rait mieux  les  définir  qu'en  disant  qu'ils  sont  l'équivalent 
des  censives  de  notre  ancien  droit. 

220.  —  Les  anciennes  tenures  féodales  ont  été  abolies 
sous  Charles  H  (St.  12,  Car.  [1,  c.  24),  à  l'exception  de 
deux  :  le  franc-tènement  {freehold,  liberum  tenementum) 
et  le  copyhold.  Le  franc-tènement  s'acquiert  au  moyen 
d'une  investiture  :  c'est  V'\mme\ih\e  possédé  par  un  homme- 
libre"-.  La  tenure  par  copyhold  est  celle  dont  l'unique  titre: 

'  D'après  Stephen,  loc.  cit.,  148  2  Britton,  Treatise,  c.  32. 

édit.,  t.  I,  pp.  125,  128,  129. 


DES   DIVERSES    ESPÈCES    DE   TENURES  149 

<;onsiste  en  une  copie  du  rôle  ou  registre  du  manoir  dont 
relève  la  terre;  dans  le  principe,  le  tenancier  ne  possédait 
la  terre  que  selon  le  bon  plaisir  du  seigneur,  sans  nulle 
garantie  de  durée  ni  de  stabilité  et  «  conformément  à  la 
coutume  du  manoir  ». 

221.  —  A  côté  du  freehold  proprement  dit,  il  subsiste 
encore  trois  tenures  qui  en  sont  des  variétés  :  la  pelite- 
sergenterie  [petit sergeanty),  le  bourgage  et  le  gavelkind. 
La  première  est  une  tenure  en  vertu  de  laquelle  le  tenan- 
cier n'est  soumis  envers  la  couronne,  dont  il  relève,  qu'à 
une  redevance  annuelle  fixe,  de  valeur  insignifiante,  telle 
qu'un  arc,  une  lance  ou  une  épée.  La  tenure  en  bourgage, 
qui  a  presque  complètement  disparu,  astreint  les  tenan- 
ciers à  payer  une  rente  au  seigneur  du  bourg  qu'ils  habi- 
tent. Enfin,  le  gavelkind  est  une  tenure  spéciale  au  comté 
de  Kent,  d'après  laquelle  les  tenanciers  sont  astreints  à  un 
service  féodal  fixe,  mais  purement  nominal.  Les  deux  der- 
nières tenures  présentent  cette  particularité  que,  au  lieu 
d'être  dévolus  au  fils  aîné,  le  bien  en  bourgage  passe  au 
cadet,  et  le  gavelkind  à  tous  les  fils  ensemble,  du  moins  si 
le  possesseur  meurt  intestat  ^ 

\-i  11  est  encore  une  lenure  particulière  connue  sous  le  nom 
de  tenure  en  franche  aumône  (m  frankalmoign)^  suivant 
laquelle  un  évêque  (ou  une  corporation,  religieuse)  tient 
des  terres  d'un  donateur  pour  lui  et  ses  successeurs  à  per- 
pétuité, moyennant  des  prières  pour  l'âme  dudit  donateur 
nu  de  ses  héritiers,  ou  tel  autre  service  analogue  au  profit 
des  pauvres  et  des  malades.  Cette  vieille  lenure  a  été 
exceptée,  avec  le  freehold  et  le  copyhold,  des  dispositions 
abolilives  du  statut  de  Charles  II  susmentionné.  L'Église 

»  Co.  Litt.,  140  a. 


150  DES    DIVERSES    ESPÈCES   DE    TENURES 

anglicane  lient  beaucoup  de  terres  en  franche  aumône, 
bien  que,  depuis  Edouard  I",  le  roi  seul  pût  donner  des 
terres  sous  cette  fornoe*  et  que,  par  conséquent,  de  sem- 
blables libéralités  soient  complètement  tombées  en  désué- 
tude. 

•222.  —  A  un  autre  point  de  vue,  les  immeubles  sont 
dits  in  possession  ou  in  expectancy ,  suivant  que  le  tenan- 
cier en  est  actuellement  investi  ou  qu'ils  font  seulement  en 
faveur  de  quelqu'un  l'objet  d'un  droit  d'expectative.  Il  y 
a  deux  sortes  d'expectative  :  le  droit  de  retour  [reversion) 
et  le  droit  de  réversibilité  [remainder).  Lorsque  le  proprié- 
taire d'un  fief  simple  confère  à  autrui  sur  ce  fief  un  droit 
à  terme  ou  un  droit  viager,  c'est-à-dire  un  droit  plus  étroit 
que  le  sien  propre,  de  deux  choses  Tune  :  ou  bien  il  se  ré- 
serve, —  à  lui-même  ou  à  ses  héritiers,  —  de  recouvrer 
ultérieurement  le  droit  primitif  dans  son  intégrité,  ou 
bien  il  cède  la  survivance  du  droit  à  une  tierce  personne. 
Dans  le  premier  cas,  il  existe  un  droit  de  retour  en  faveur 
du  disposant  ou  de  ses  héritiers;  dans  le  second  cas,  un 
gratifié  en  seconde  ligne  est  investi  d'un  droit  de  réversi- 
bilité. Le  droit  concédé  à  vie  ou  à  terme  porte  le  nom 
de  parlicular  estate  parce  qu'il  ne  constitue  qu'une  por- 
tion [particiila)  du  droit  entier  ou  fief  simple  [entire  es- 
tate) . 

*  St.  Quia  emptores,  18,  Ed.  I,  c.  1. 


SECTION   DEUXIEME 

DES   FRANCS-TÈNEMENTS   {FKEEHOLDS). 


INTRODUCTION. 

223.  —  Les  francs-lènements  se  divisent  en  deux 
grandes  classes,  suivant  qu'ils  sont  héréditaires  ou  non 
héréditaires  {of  inheritance,  not  of  inheritancé).  Les 
francs-tènements  héréditaires  sont  les  fiefs  simples  et  les 
fiefs  limités,  dont  l'espère  la  plus  importante  est  le  fief 
substitué  [fee  tail).  Les  francs-tènements  non  héréditaires 
sont  essentiellement  les  lènements  viagers  [freeholds  for 
life);  Vestale  for  life^  le  droit  de  propriété  simplement 
viager,  est  en  Angleterre  la  forme  la  plus  ancienne  et,  à 
ce  litre,  la  plus  intéressante  du  droit  de  propriété  immo- 
bilière. 

CHAPITRE  1 
Des  francs-tènements  héréditaires. 

I 
Du  fief  simple. 

SoMMAPRE  :  224.  Caractères  actuels  d'an  fief  simple.  —  225.  Notions  du  fief 
simple.  —  i.  Droit  d'aliénation  compilant  au  tenant  :  226.  Introduc- 
tion histofique.  —  227.  Limitation  du  droit  d'aliénation.  —  A.  Limi- 
tations quant    aux  personnes  :  228.  Etrangers.   —  229.  Mineurs  et 


152  DU  FIEF  SIMPLE 

aFiénés.  —  230.  Femmes  mariées.  —  231.  Condamnas.  —  B.  Limita- 
tions quant  aux  biens  :  232.  Aliénations  à  destination  charitable; 
Mortmain  Act  de  1736.  —  233.  Législation  moderne.  —  234.  Libéra- 
lités en  faveur  d'écoles.  —  235.  Acquisitions  faites  par  une  corpora- 
tion. —  236.  Acquisitions  faites  par  des  sociétés.  —  237.  Aliénations 
faites  en  fraude  des  créanciers.  —  238.  Résumé.  —  2.  Autres  droits 
du  tenancier  et  limites  de  ses  droits  :  239.  Enuméralion.  — 240.  Tres- 
pass.  — 241.  Nuisances;  relations  de  vicinitc.  —  242.  Distwbance.  — 
3.  Droits  des  créanciers  sur  le  fief  :  243.  Législation  ancienne  ;  assets 
by  descent;  équitable  assets.  —  244.  Loi  de  1692:  ses  conséquences. 
—  245.  Lois  du  xix«  siècle  ;  assimilation  des  créanciers  par  simple 
contract  aux  créanciers  by  specialty.  —  246.  Créanciers  ayant  obtenu 
jugement.  —  247.  Créances  de  la  couronne.  —  248.  Effet  des  actions 
immobilières  contre  les  tiers  acquéreurs.  —  249.  Faillite.  —  250.  Le  te- 
nant ne  peut  se  dépouiller  de  son  droit  d'aliénation.  —  251.  Après  lui, 
le  fief  passe  à  ses  héritiers,  s'il  n'en  a  pas  disposé  entre  vifs  ou  par 
testament. 

224.  —  Le  principe  fondamental  du  droit  anglais  en 
matière  de  propriété  immobilière  est  que  toutes  les  terres 
relèvent  de  la  couronne  médialemenl  ou  immédiatement; 
le  souverain  en  a  le  domaine  direct  et  absolu;  les  posses- 
seurs effectifs  n'en  ont  que  le  domaine  utile:  les  terres 
sont,  entre  leurs  mains,  de  simples  fiefs  de  la  couronne. 
Le  domaine  utile  leur  confère,  d'ailleurs,  aujourd'hui  des 
droits  presque  aussi  étendus  que  s'ils  avaient  la  pleine  pro- 
priété; \e,s,  freeholders  n'ont  plus  besoin,  pour  l'exercer, 
d'aucune  investiture  ni  d'aucun  renouvellement  d'investi- 
ture de  la  part  de  la  couronne  ;  lorsqu'ils  vendent  le  bien, 
l'acquéreur  n'est  soumis  à  aucune  confirmation,  et  il  en  est 
de  même  lorsqu'après  leur  mort  le  bien  passe  à  leurs  héri- 
tiers ou  légataires.  D'autre  part,  l'hommage  qu'ils  doivent 
au  suzerain  est  devenu  purement  nominal.  La  transmission 
du  bien  aux  successeurs  du  possesseur  n'est  subordonnée 
à  un  droit  de  relief  que  dans  des  circonstances  exception- 
nelles, lorsqu'il  y  a  un  seigneur  interposé  entre  eux  et  la 
couronne.  Ce  droit,  là  où  il  est  encore  dii,  s'élève  en  gé- 
néral à  une  année  de  revenu  du  bien.  En  cas  de  décès  du 


DU    FIEF  SIMPLE  153 

freeholder  sans  héritiers,  le  bien  fait  retour  à  la  couronae 
ou  au  seigneur  médiat. 

A  part  cela,  on  peut  dire  que  \e  freeholder  est  un  vé- 
ritable propriétaire  de  son  fief,  a  centra  iisque  ad  cœlum. 

225.  —  Le  fief  est  dit  simple  lorsque  le  tenant  en  est 
investi  pour  lui  et  «  ses  héritiers  ».  Les  derniers  mots  ei 
ses  héritiers,  dans  l'acte  de  concession  ou  de  transmission, 
ont  été  longtemps  considérés  comme  essentiels;  s'ils  n'y 
figuraient  pas,  l'acquéreur  entre  vifs  n'avait  qu'un  droit 
viager.  Depuis  le  Coiiveyancing  and  law  of  property  act 
du  22  août  1881  (St.  44  et  43,  Vict.,  c.  41),  les  mots  m 
fee  simple  suffisent  pour  définir  la  tenure  (§  51).  En  ma- 
tière de  dispositions  testamentaires,  les  mots  et  ses  héri- 
tiers sont  depuis  longtemps  réputés  sous-entendus  si  la 
volonté  expresse  du  disposant  de  limiter  l'effet  de  sa  libé- 
ralité au  légataire  personnellement  dénommé  ne  résulta 
pas  clairement  du  contexte'. 

1.  —  Droit  d'aliénation  compétant  au  tenant. 

226.  —  Les  fiefs  simples  n'ont  pas  toujours  conféré  au 
tenant  le  droit  absolu  d'aliénation  dont  il  jouit  à  présent. 
A  l'origine,  il  ne  pouvait  aliéner  le  bien  qu'avec  le  consen- 
tement du  seigneur  direct;  ses  héritiers  eux-mêmes  te- 
naient moins  leur  droit  de  leur  auteur  que  de  la  concession 
collective  du  seigneur.  Plus  tard,  le  tenant  acquit  la  faculté 
de  soustraire  le  bien  à  ses  héritiers  et  de  se  dérober  lui- 
même  à  ses  obligations  envers  le  seigneur,  soit  en  sous- 
inféodant  à  son  propre  profit  certaines  portions  du  domaine, 
soit  en  vendant  purement  et  simplement  le  fief  à  un  tiers, 
<\u\  se  substituait  à  lui  dans  ses  rapports  avec  le  seigneur. 

»  St.  1,  Vict.,  c.  26,  §28. 


154  DC  FIEF  SIMPLE 

La  sous-inféodation  avait  pour  le  seigneur  toute  sorle 
d'inconvénients;  aussi  les  barons  obtinrent-ils  du  roi 
Edouard  I"  une  loi  qui  la  prohiba  et  permit  en  revanche 
das  aliénations  partielles  du  fief,  à  condition  que  les  ache- 
teurs devinssent  à  leur  tour  les  vassaux  directs  du  suze- 
rain et  acquittassent  leur  part  proportionnelle  des  services 
primitivement  stipulés^.  Le  droit  de  disposition  entre  vifs 
se  trouva  ainsi  confirmé  et  définitivement  acquis  pour  les 
tenants. 

Le  droit  de  disposition  pour  cause  de  mort  ne  prit  nais- 
sance que  plus  tard.  Londres  et  quelques  autres  villes 
commencèrent  par  en  jouir  en  vertu  de  coutumes  spé- 
ciales. Ce  n'est  que  sous  Henri  VIII  qu'il  se  généralisa^ 
pour  les  tenures  alors  en  usage,  et  sous  Charles  II  qu'il 
devint  ((  complet  et  universel  »  pour  toute  espèce  de  francs- 
tènements*. 

227.  —  Le  droit  d'aliénation  est  limité  :  1°  quanta  cer- 
taines personnes;  2°  quant  à  certaines  choses. 

A.  —  Limitations  quant  aux  personnes. 

228.  —  a)  Étrangers.  —  Pendant  de  longs  siècles,  les 
étrangers  furent  frappés,  en  Angleterre,  d'une  incapacité 
à  peu  près  absolue  en  matière  d'acquisition  d'immeubles, 
sauf  les  effets  spéciaux  de  la  denization;  le  vendeur  en- 
courait la  confiscation  du  bien".  Un  acte  de  1844  (St.  7 
et  8,  Vict.,  c.  66)  leur  permit  de  posséder,  de  louer,  ou 
d'acquérir,  pour  une  période  inaxima  de  vingt  et  un  ans, 
les  immeubles  nécessaires  à  l'établissement  de  leur  fa- 
mille, de  leur  commerce  ou  de  leur  industrie.  La  loi  du 

2  st.  Quia  emptores,  18,  Ed.  I,  *  St.  12,  Car.  II,  c.  24. 
c.  1. 

3  St.  32,  Henr.  VIII,  c.  1;  St.  34  b  Co.  Litt.,  2è,  42  6;  Blackstone, 
et  35,  Henr.  VIII,  c.  5.  I,  371;  II,  249,  274.  293. 


DL'  FEIF  SIMPLE  155 

\2  mai  1870*  est  venue  depuis  lever  toutes  les  entraves  : 
aujourd'hui,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  les  étrangers 
sont  assimilés  aux  sujets  de  royaume  pour  tout  ce  qui  con- 
cerne la  possession,  la  jouissance,  l'acquisition  ou  la  trans- 
mission par  tous  les  modes  légaux  de  la  propriété  soit  im- 
mobilière, soit  mobilière  (cpr.  n"  39,  40,  53-56). 

229.  —  b)  Mineurs  et  aliénés.  —  Les  mineurs  de  vingt 
et  un  ans,  les  idiots  et  les  déments,  bien  que  capables  de 
posséder  des  terres,  ne  le  sont  pas  de  les  aliéner.  Les  alié- 
nations consenties  par  des  mineurs  ne  sont  qu'annulables\ 
Les  aliénations  faites  par  des  individus  privés  de  leurs 
facultés  intellectuelles  sont  radicalement  nulles,  à  moins 
qu'elles  n'aient  été  faites  par  voie  de  feoffment  with  livery 
of  seizijî,  avant  l'année  1845'  (investiture  accompagnée 
de  mise  en  possession  effective).  En  vertu  d'une  loi  plus 
récente  (St.  18  et  19,  Vict.,  c.  45),  tout  garçon  de  vingt 
ans  et  toute  fille  de  dix-sept  ans  peuvent  faire  valablement 
un  acte  de  disposition  par  contrat  de  mariage,  sous  la 
sanction  de  la  division  de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour 
(cpr.  n*  184).  D'autres  lois  spéciales  confèrent  encore  aux 
mineurs  la  faculté  d'aliéner,  dans  certaines  circonstances 
exceptionnelles,  des  fiefs  simples  ou  d'autres  estâtes, 
moyennant  l'intervention  des  mêmes  magistrats'. 

En  ce  qui  concerne  les  aliénés,  des  pouvoirs  plus 
étendus  ont  été  conférés  à  leurs  committees,  c'est-à- 
dire  aux  personnes  chargées  de  prendre  soin  d'eux'". 


^  Naturalisalion  act,  St. ?>:i  el^i,  »  St.  H,  Geo.  IV  et  1  Guil.  IV, 

Vict.,  c.   14.   Notice  et  Iraduclion  c.   47,  §   11;  c.  65,  §§  12,  16.31; 

par  M.    Edm.   Bertrand,   Ann.  de  St.  2  et  3,  Vict.,  c.  60;  St.  11  et 

législ.  étrang.,  t.  I,  p.  6.  12,  Vict.,  c.  87. 

T    Blackstone,    11,    291;    Bacon, 

Abridgment  of  the  Latc,  l,  3.  "»St.  16 et  17,  Vict.,c.  7U,  §  1(«; 

8  St.  7   et  8,  Vict,  c.  76,  §  7  ;  St.  18  et  19,  Vict.,  c.  13;  St.  25  et 

St.  8  et  9,  Vict.,  c.  106,  §  4.  26,  Vict.,  c.  86. 


156  DU  FIEF  SIMPLE 

Enfin,  il  appartient  à  la  division  de  Chancellerie,  quant 
aux  mineurs,  et,  d'autre  part,  au  chancelier  et  aux  juges 
de  la  Haute-Cour  investis  par  la  reine  de  la  curatelle  des 
idiots  et  aliénés^^  (au  lieu  et  place  des  juges  d'appel  qui 
avaient  autrefois  cette  mission),  d'investir  par  une  simple 
ordonnance  une  tierce  personne  des  biens  dont  l'un  de  ces 
incapables  est  saisi  ou  mis  en  possession  à  litre  de  fîdéi- 
commis  {trust)  ou  de  mort-gage'^  (cpr.  n°'  73-80). 

230.  —  c)  Femmes  mariées.  —  Les  femmes  mariées 
n'ont,  comme  telles,  qu'une  capacité  d'aliéner  restreinte, 
sauf  en  ce  qui  concerne  leur  separate  estate  auquel,  d'ail- 
leurs, la  législation  la  plus  récente  a  donné  une  grande 
extension  ;  nous  nous  sommes  étendu  sur  cette  question 
dans  une  autre  partie  du  présent  ouvrage  (cpr.  n°'  131  et 
suiv.,  142,  153,  etc.). 

231.  — âf)  Condamnés.  —  Les  individus  dont  les  biens 
avaient  été  confisqués  en  suite  d'une  condamnation  pour 
certains  crimes  graves  ne  pouvaient,  par  aucun  acte  trans- 
latif de  propriété,  porter  atteinte  au  droit  que  l'arrêt  con- 
férait sur  lesdits  biens  à  la  Couronne  ou  au  seigneur  dont 
ils  relevaient  immédiatement.  Mais  la  confiscation  a  été 
abolie  par  une  loi  du  4  juillet  1870  (St.  33  et  34,  Vict., 
c.  23)  (cpr.  n°  37). 

B.  —  Limitations  quant  aux   biens. 

232.  —  Il  a  été  promulgué  en  1736,  sous  le  nom  de 
Mortmain  act  (St.  9,  Geo.  II,  c.  36),  une  loi  importante 
tendant  à  prévenir  les  dispositions   d'immeubles  impru- 

11  Loi  du  11  août  1875  (St.  37  et  12  St.  13  et  14,  Vict.,  c.  60,  §§  3 

38,  Vict.,  c.  77),  §  7;  trad.  et  notes  et  4,  7  et  8;  St.  15  et  16,  Vict.,  c.  55, 

par  MM.  G.  Louis,  Droz  et  Weil,  §  Il  ;  St.  30  et  31,  Vict.,  c.87,§  13. 
Ann.,  t.  V,  p.  120. 


DU    FIEF   SIMPLE  157 

demment  consenties  par  des  personnes  ne  jouissant  plus 
de  la  plénitude  de   leurs  facultés,  au  détriment  de  leurs 
héritiers  légitimes.   D'après  celte  loi,  les  biens-fonds  et 
les  capitaux  ou  autres  biens  meubles  destinés  à  l'achat  de 
biens-fonds  ne  pouvaient  être  aliénés  ou  constitués  dans 
un  but  charitable  que  par  un  acte  entre  vifs,  parachevé 
en  présence  de  deux  ou   de  plusieurs  témoins  dignes  de 
foi  [crédible   ivitnesses)  au  moins  douze   mois  avant    le 
décès  du  disposant  et  enregistré  à  la  cour  de  Chancellerie 
dans  le  délai  de  six  mois  à  partir  de  la  passation.  II  fal- 
lait, de  plus,  lorsqu'il   s'agissait  d'argent,  qu'il  eût  été 
effectivement  délivré  six  mois  au  moins  avant  le  décès  du 
disposant  ;  que  la  libéralité  fût  faite  sans  aucune  réserve, 
ni  condition,  ni  clause  de  révocation  au  profit  du  dispo- 
sant; et  qu'elle  produisît  immédiatement  son  effet  au  profit 
de  l'œuvre  gratifiée.  Le  tout  à  peine  de  nullité  absolue  de 
la  libéralité  (§§  1-3).  Il  n'y  avait  d'exception  que  pour  les 
donations  en  faveur  soit  des  étudiants  et  des  universités 
d'Oxford  et  de  Cambridge,  soit  des  élèves   des  collèges 
d'Elon,  de  Winchester  et  de  Westminster  (§  4).  La  consé- 
quence naturelle  de  cette  loi  était  que  nulle  libéralité  for 
charitable  purposes  ne  pouvait  être  faite  par  testament. 
Près  d'un  siècle  plus  tard,  une  loi  du  25  juillet  1828  (St.  9, 
Geo.  IV,  c.  85)  déclara  valablement  acquis  les  meubles 
qui  se  trouvaient  alors  achetés  for  valuable  considération 
dans  un  but  charitable,  bien  que  l'acte  translatif  de  pro- 
priété ne  fût  pas  passé  et  enregistré  conformément  aux 
prescriptions  du  Mortmain  act;  mais  elle  ne  statua  que 
pour  le  passé  (§  3). 

233.  —  La  loi  de  1736,  dont  on  vient  de  voir  l'écono- 
mie, ayant  été  jugée  à  certains  égards  inutilement  rigou- 
reuse, un  certain  nombre  de  lois  adoptées  dans  la  seconde 


i58  DU  FIEF  SLMPLE 

moitié  du  siècle  dernier  sont  venues  successivement  y 
faire  brèche '^"' 

Ainsi,  en  vertu  d'une  loi  du  17  mai  1831  (S.  24  et  25, 
Vicl.,  G.  9),  une  disposition  for  charitable  purposes  n'est 
plus  nulle  par  cela  seul  qu'elle  n'a  pas  fait  l'objet  d'un 
deed  ou  que  le  donateur  s'y  réserve  un  avantage;  il  faut 
seulement  que  cet  avantage  proBte  tout  à  la  fois  à  ses  héri- 
tiers (§  1").  D'autre  part,  si  la  destination  charitable  des 
immeubles  transférés  résulte  d'un  acte  autre  que  l'acte 
translatif  de  propriété,  il  n'est  plus  nécessaire  que  ce  der- 
nier acte  ait  été  enregistré  à  la  cour,  pourvu  que  l'autre 
l'ait  été  dans  les  six  mois  delà  passation  du  premier  (§  2). 

Une  autre  loi,  de  1864  (St.  27  et  28,  Vict.,  c.  13),  décide 
que  si  une  aliénation  à  destination  charitable  a  été  faite  de 
bonne  foi,  moyennant  un  juste  équivalent,  donné  au  mo- 
ment de  la  passation  de  l'acte  ou  auparavant,  ou  réservé 
sous  la  forme  d'une  rente  à  payer  au  disposant,  cette  aliéna- 
tion ne  tombera  pas  sous  le  coup  de  la  prohibition  du  Mort- 
main  act,  pourvu  qu'elle  doive  produire  immédiatement 
ses  effets  charitables,  qu'elle  soil  irrévocable,  et  qulelle 
ait  été  enregistrée  en  la  cour  de  Chancellerie  antérieure- 
ment an  17  mai  1866  (§  1").  Une  loi  postérieure  (St.  35  et 
36,  Vict.,  c.  24,  §  13)  permet  môme  de  ne  pas  considé- 
rer cette  dernière  condition  comme  essentielle,  si  l'enre- 
gistrement a  été  omis  par  pure  ignorance,  sans  fraude  ni 
collusion. 

234.  —  Plusieurs  lois  ont,  en  particulier,  dérogé  au 
Mortrnain  ad  en  vue  de  favoriser  l'affectation  d'immeu- 


1*  Le  Parlement  est  revenu  sur  la  acts   qui   sont  intervenus,  renver- 

question  un  nombre  considérable  de  sant  pierre    après    pierre   l'ancien 

fois.   On   trouvera  dans  Williams,  édifice.  Nous  nous  contenterons  de 

i\eal  property,  19»    édit.,    p.    77,  mentionner  quelques-uns  des  plus 

note  Ml,   l'énuraération  des  divers  importants. 


DU   FIEF    SLVIPLE  159 

bles  à  des  écoles,  spécialement  aux  écoles  destinées  aux 
enfants  pauvres.  Il  suffit  aujourd'hui^  pour  les  actes  ayant 
cetobjet,  qu'ils  aient  été  passés  en  présence  d'un  seul  témoin; 
et  le  décès  du  disposant  dans  les  douze  mois  qui  en  sui- 
vent la  passation  n'en  enlraîne  plus  la  nullité".  D'après 
la  loi  du  13  juillet  1868  (St.  31  et  32,  Vict.,  c.  44),  toute 
aliénation  d'immeuble  entre  vifs,  faite  de  bonne  foi  au 
profit  d'une  société  ou  corporation  ayant  pour  but  le  pro- 
grès de  la  religion,  de  l'instruction,  des  arts,  des  lettres 
ou  des  sciences,  est  valable,  encore  qu'elle  ne  satisfasse 
pas  aux  conditions  fixées  par  le  Mortmain  acf.  et  par  la 
loi  du  17  mai  1851,  §2,  pourvu  :  1°  que  l'aliénation  ait 
lieu  moyennant  un  juste  équivalent  (/?///  andvaluable 
considération),  donné  au  moment  de  la  passation  de  l'acte 
ou  auparavant,  ou  réservé  sous  la  forme  d'une  rente  à 
payer  au  disposant;  2°  que  chaque  pièce  de  terre  ainsi 
aliénée  n'ait  pas,  dans  chaque  cas  donné,  plus  de  deux 
acres  (80*,  934)  de  superficie  ;  l'acte  peut  être  enregistré  en 
tout  temps  en  la  division  de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour. 
Enfin,  d'après  une  loi  de  1871  (St.  34  et  35,  Vict.,  c.  13, 
§4),  tout  don  ou  affectation  d'immeuble,  par  acte  entre 
vifs  ou  par  acte  de  dernière  volonté,  en  vue  de  la  créa- 
tion d'un  parc  public,  d'une  maison  d'école  élémentaire 
ou  d'un  musée,  est  valable  nonobstant  les  lois  sur  la  main- 
morte. Seulement,  si  l'aliénation  n'est  pas  consentie  moyen- 
nant un  juste  équivalent,  il  faut  que  l'acte  ait  été  passé 
au  moins  douze  mois  avant  le  décès  du  disposant  et  enre- 
gistré  par  les  charily  commissioners  "  dans  les  six  mois  à 

'*  St.  4  et  5,  Vict.,  c.   38,  §  10,  les  libéralités  à    destination  chari- 

St,  7  et  8,  c.  Vict.,  37,  §  3.  table  et  au  profildes  écoles  (St.  H), 

'5  Ces  fonctionnaires,  créés   par  et  17,  Vict.,    c.  137;  St.  37  et  38, 

une  série  d'asti  du  règne  de  Victoria  Vict.,  c.  87;  etc.). 
sont  chargés  du  contrôle  de  toates 


160  -DU   FIEF    SIMPLE 

partir  du  jour  où  il  doit  produire  ses  effets  (§  5).  De  plus, 
s'il  s'agit  d'un  acte  testamentaire,  l'immeuble  ne  doit  pas 
mesurer  plus  de  vingt  acres  (8  09  ^i"^)  pour  un  parc,  plus 
de  deux  acres  pour  un  musée,  et  plus  d'un  acre  (40^,467) 
pour  une  maison  d'école  (§  6). 

235.  —  A  un  autre  point  de  vue,  une  corporation  ne 
peut  acquérir  un  immeuble  que  moyennant  une  autorisa- 
tion de  la  couronne.  Autrefois,  le  tenant  in  fee  shnple 
avait  besoin,  lui  aussi,  d'une  autorisation  de  son  seigneur 
pour  transférer  son  domaine  à  une  corporation  ;  car,  les 
personnes  morales  ayant  une  existence  perpétuelle,  une 
semblable  aliénation  était  de  nature  à  léser  les  droits  éven- 
tuels du  seigneur.  De  nos  jours,  où  les  droits  féodaux  ont 
peu  à  peu  disparu,  l'autorisation  de  la  couronne  suffit '^ 
Jl  est  de  règle  à  présent  que  toute  corporation  charitable 
peut,  avec  le  consentement  des  charity  coînmissioners, 
employer  à  un  achat  d'immeubles  le  prix  de  vente  de 
terres  lui  appartenant  ou  les  sommes  qu'elle  reçoit  à  titre 
de  soulteou  par  voie  d'échange  ou  de  partage,  et  qu'elle 
n''a besoin  de  nulle  autorisation  pour  posséder  l'immeuble 
ainsi  acheté  ou  tout  autre  acquis  par  voie  d'échange  ou  de 
partage  (St.  18  et  19,  Vict.,  c.  124,  §  33)  (cpr.  n"'  12  et 
suiv.). 

236.  —  Les  sociétés  anonymes  dûment  enregistrées  ont 
le  droit  de  posséder  des  immeubles  '^  Les  sociétés  formées 
dans  un  but  rehgieux,  scientifique,  artistique,  etc.,  exclu- 
sif de  tout  gain  par  la  société  ou  par  ses  membres,  ne  peu- 
vent sans  l'autorisation  du  Board  of  trade  posséder  plus 
de  deux  acres  de  terres  (env.  81  ares)  ;  mais  le  Board  est 
libre  de  donner  telle  autorisation  que  bon  lui  semble  ". 

16    st.  7  et  8,  Guil.  III,  c.  37.  §  18;    St.    30  ef  31,  Vict,   c.  131. 

"    St.    25    et  26,   Vict.,  c.   89,  i»  St.  25  et  26,  Vict.,  c.89,  §  21. 


DU  fii-:f  SIMPLI-:  igi 

237.  —  Les  aliénations  d'immeubles  ou  d'auties  biens 
faites  en  fraude  des  créanciers  ne  leur  sont  pas  opposables, 
à  moins  que  l'acquéreur  ne  soit  de  bonne  foi  et  n'ait 
donné  au  vendeur  une  jusle  compensation".  D'autre  part, 
toute  cession  d'immeubles  volontaire  et  toute  cession  sous 
clause  de  révocation  sont  nulles  à  l'égard  de  ceux  qui 
achètent  subséquemment  le  même  bien  pour  de  l'argent 
ou  pour  telle  autre  vabiable  considération  ^°.  Par  suite, 
une  personne  peut,  après  avoir  fait  une  constitution  volon- 
taire d'immeubles,  par  exemple  au  profit  d'un  de  ses 
enfants,  vendre  plus  tard  les  mêmes  immeubles;  et  l'ac- 
quéreur en  aura  la  paisible  possession,  encore  qu'il  ait  eu 
■connaissance  de  ladite  constitution.  Mais  la  première  trans- 
mission ne  serait  pas  annulée  par  la  vente  postérieure, 
si  elle  s'appuyait  elle-même  sur  une  «  considération  vala- 
ble »,  par  exemple  un  mariage  projeté"-'. 

238.  —  Sous  les  réserves  qui  viennent  d'être  indi- 
quées, le  possesseur  d'un  fief  simple  jouit  aujourd'hui  d'un 
droit  d'aliénation  absolu.  11  peut  aliéner  le  fief  sans  nulle 
autorisation  ni  intervention,  entre  vifs  ou  par  testament, 
■en  tout  ou  pour  partie,  à  perpétuité  ou  à  terme.  Si  le 
domaine  a  été  vendu  tout  entier  et  définitivement,  le  con- 
trat de  vente  constitue  pour  l'acquéreur  un  titre  suffisant, 
en  vertu  duquel  il  possède  désormais  le  domaine  comme 
vassal  non  de  son  vendeur,  mais  directement  de  la  cou- 
ronne ou  du  seigneur  médiat,  s'il  y  en  a  un. 


'*  St.  1.3,  Eliz.,  5.  technique    de  taluable  considcra- 

£ion,  les  n"'  691  et  suiv. 
2"  St.   28,   Eliz.,  c.  4,  et  St.  3'.>,  -'  Cpr.  Blackstone.  Cohu».,  éd. 

Eliz.,c.  18.  Cpr.,  sur  l'expression       fr,.  III,  161' et  170,  et  les  notes. 


LtCHII.  It 


162  DU    FIEF   SIMPLE 

2.  —  Autres  droits  du  tenancier  et  limites  de  ces  droits. 

239.  —  Si  le  tenancier  jouit  aujourd'hui  d'un  droit  de 
disposition  et  d'aliénation  absolu,  il  jouit  à  fortiori  de  la 
faculté  d'exploiter  son  fief  comme  il  l'entend,  sans  avoir 
de  comptes  à  rendre  à  personne.  Il  est  libre  d'ouvrir  des 
mines,  de  couper  des  arbres,  de  commettre  des  dégrada- 
tions [ivastes)  de  toute  espèce,  de  consentir  des  baTux  de 
toute  longueur  et  de  grever  le  bien  de  telles  charges  que 
bon  lui  semble. 

11  a,  en  outre,  le  droit  de  s'opposer  atout  trespasa,  nui- 
sance ou  disturbance  de  la  part  des  tiers  et  notamment  de 
ses  voisins;  droit  réciproque  en  ce  qui  concerne  ces  der- 
niers, et  qui,  comme  tous  les  droits  de  voisinage,  se  dou- 
ble d'un  devoir  égal  :  chaque  propriétaire  a  le  droit  d'exi- 
ger qu'à  ces  divers  égards  son  fonds  soit  respecté  par  ses 
voisins,  mais  il  a,  en  revanche,  le  devoir  vis-à-vis  d'eux 
de  s'abstenir  des  mêmes  faits  et  de  subir  une  égale  limita- 
tion de  sa  propre  liberté. 

240. >-^^-,  On  appelle /res;?a^s  le  fait  de  pénétrer  sans 
autorisation  sur  le  fonds  d'autrui  [trespass  qiiare  clausum 
fregit).  Le  droit  pour  le  propriétaire  de  s'opposer  d.\i  tres- 
pass est  la  conséquence  naturelle  du  caractère  exclusif  de 
son  droit  sur  le  domaine  qui  lui  appartient.  En  droit  ro- 
main, pour  qu'il  y  eût  violation  du  droit  du  propriétaire, 
il  fallait  qu'on  fut  entré  chez  lui  au  mépris  d'une  défense 
expresse".  La  loi  anglaise,  partant  de  l'idée  qu'un  sem- 
blable envahissement  peut  avoir  eu  de  grands  inconvé- 
nients avant  que  le  propriétaire  ait  eu  le  moyen  de  s'y 
opposer   formellement,  considère  le  droit  de  ce  dernier 

22  §  12,  Inst.,  II,  1. 


DC    FIEF   SIMPLK  163 

comme  violé  par  le  seul  fait  qu'une  autre  personne  pénètre 
chez  lui  sans  son  autorisation,  et  lui  donne  le  droit  d'intro- 
duire contre  celte  personne  une  action  en  dommages  et 
intérêts  à  fixer  par  un  jury.  Il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  y 
ait  eu  bris  matériel  de  clôture  :  à  défaut  même  de  haie  ou 
de  mur,  tout  fonds  de  terre  est  réputé,  à  ce  point  de  vue, 
ceint  d'une  clôture  «  idéale  et  existant  tout  au  moins  aux 
yeux  de  la  loi  »,  par  cela  seul  qu'il  confine  à  la  propriété 
d'un  voisin-'.  11  n'est  permis  de  se  passer  de  l'autorisation 
préalable  du  propriétaire  que  dans  des  cas  tout  à  fait  ex- 
ceptionnels; par  exemple,  quand  on  a  à  lui  réclamer  ou  à 
lui  porter  de  l'argent  payable  dans  sa  maison  ;  quand  on 
est  chargé  d'un  mandat  légal  ;  quand  il  exerce  une  profes-, 
sion  qui  présuppose,  comme  celle  d'aubergiste,  une  auto- 
risation tacite  pour  les  clients,  ou  encore  quand  il  s'agit 
de  poursuivre  un  animal  dangereux  et  dont  la  destruction 
est  utile  au  public^'. 

241.  —  L'expression  générique  de  nuisance  comprend 
tous  les  faits  de  nature  à  causer  une  lésion,  une  incommo- 
dité grave  ou  un  dommage.  Les  nuisances  privées,  les 
seules  dont  nous  ayons  à  nous  occuper  ici,  sont  les  faits 
nuisibles  ou  incommodes  à  l'héritage  d'autrui. 

Les  nuisances  à  la  maison  du  voisin  peuvent  se  ramener 
à  trois  chefs;  elles  consistent  en  le  fait  :  1°  de  bùtir  de  fa- 
çon à  surplomber  sur  la  maison  du  voisin  et  à  y  envoyer 
ses  propres  eaux  pluviales;  2°  d'intercepter  les  jours  an- 
ciens du  voisin,  c'est-à-dire  les  jours  établis  depuis  vingt 
ans  au  moins"  sans  nulle  interruption  de  jouissance;  3"  de 
corrompre  l'air  par  des  émanations  malsaines  ;  4°  de  creu- 

23  Blackstone,  Comm.,  éd.  fr.,  ii'Vi;  Comte  d'Essrx  c.  Capet,  cité 
IV    352.  dans  Chifty,  Game  Law,  p.  31. 

■*    Blackstone,    l.    cit.,    p.    367. 
ï4  Gundrv  c.  Feltham,  1  T.  R.,       note  1. 


164  DU    FIEF  SIMPLE 

ser  des  excavations  sur  son  propre  terrain  avec  assez  peu 
de  soin  pour  endommager  ou  faire  écrouler  la  maison  du 
voisin  -®. 

Parmi  les  faits  positifs  ou  négatifs  qui  constituent  des 
nuisances  aux  terres  du  voisin,  on  peut  citer  celui  d'éta- 
blir sur  son  propre  terrain  une  usine  dont  les  vapeurs  font 
périr  les  blés  ou  l'herbe  du  voisin  ou  portent  préjudice  à 
son  bétail  '\  ou  le  fait  de  négliger  l'entretien  d'un  fossé  de 
façon  à  inonder  la  propriété  du  voisin^*.  En  général,  doit 
être  considéré  comme  une  nuisance  tout  acte  qui,  bien  que 
licite  en  lui-même,  a  pour  conséquence  nécessaire,  à  rai- 
son des  circonstances  où  il  se  produit,  de  causer  un  dom- 
mage à  la  propriété  du  voisin  ;  c'est  à  chaque  propriétaire 
à  s'arranger  de  manière  à  user  de  ses  droits  sans  faire  tort 
à  autrui.  Mais  le  simple  fait  de  priver  le  voisin  d'un  agré- 
ment, par  exemple  en  lui  masquant  une  jolie  vue  ou  en 
perçant  une  fenêtre  qui  permette  de  voir  ce  qui  se  passe 
chez  lui,  ne  constitue  pas  une  nuisance  susceptible  d'en- 
gendrer une  action,  pour  autant  qu'il  ne  lui  enlève  pas 
une  chose  nécessaire  et  à  laquelle  chacun  peut  de  plein 
droit  prétendre  sur  son  propre  domaine-'.  Il  a  été  jugé 
également  qu'on  ne  peut  réclamer  en  justice  contre  les  in- 
convénients résultant  de  l'exploitation  d'un  chemin  de  fer 
ou  de  telle  autre  entreprise  autorisée  par  une  loi^". 

Le  principe  est  le  même  relativement  aux  héritages  in- 
corporels. On    commet  une  nuisance  lorsqu'on  détourne 


26  Dodrf  c.  7/oZ/ne,  1  Ad.  et  El.,  "    9    Rep.,    58;     Chandler    c. 

493;  IVyatt  c.  Harrison,  3B.e',  Thompson,  Z  Camp.,  82;    Tapling 

Adol.,S76;  Smith  c.  Fletcher.  L.  c.  Jones,  H  H.    of  L..  290;    Potts 

R.,  Exch.,  305,  et  2  App.  Ca.,  7Sl.  c.  Smith,  L.  R.,  6  Eq.  Ca.,  311. 

i'  1  RoUe,  Abridg.,  89.  s»  Hammersmith  Railvay   Co. 

28  Wilsonc.  yewbernj,L.  Rep.  c.  Brand,  L.  R.,  4  H.    of.   L.   C, 

7,  Q.  B.,  ai;  Huinphries   c.  Cou-  171;  Haivley    e.  Steele,  L.    R.,  6 

sins.  L.  R.,  2  G.  W  D.,  239.  Ch.  D.,  521. 


DL"    KIEF    SIMPLE  Ifô 

l'eau  qui  fait  tourner  le  moulin  du  voisin,  ou  qu'on  en- 
combre un  chemin  sur  lequel  le  voisin  a  un  droit  de 
passage.  Mais,  ici  encore,  la  nuisance  présuppose  la  vio- 
lation d'un  droit  exprès  ou  implicite  et  ne  résulterait  pas 
d'une  simple  atteinte  à  un  intérêt  [damnum  absque  in- 
juria). 

Toutes  les  fois  qu'il  y  a  nuisance,  la  partie  lésée  peut 
réclamer  en  justice  des  dommages  et  intérêts  et  obtenir  du 
tribunal  un  ordre  qui  enjoigne  à  l'auteur  du  préjudice 
de  supprimer  ce  qui  lui  fait  grief. 

242.  —  La  disturbance^  qui  touche  souvent  de  très 
près  à  la  nuisance,  est  l'acte  en  vertu  duquel  le  possesseur 
d'un  héritage  incorporel  est  entravé  à  tort  dans  l'exercice 
Qu  la  jouissance  de  son  droit.  Le  trouble  peut  s'appliquer 
à  une  franchise,  à  un  common^  à  un  droit  de  passage,  à 
une  tenure  ou  à  un  droit  de  patj'onage.  Nous  traiterons 
plus  loin  des  franchises  (n°  588),  des  commons  (n°  592)  et 
du  droit  de  patronage  (n°  572),  et  il  ne  nous  paraît  pas  né- 
cessaire d'examiner  ici  en  détail  les  obstacles  qui  peuvent 
être  mis  à  leur  libre  exercice.  Nous  nous  bornerons  à  dire, 
qusint.  ii  la.  disturbance  of  way s,  que  les  entraves  mises  à 
l'exercice  d'un  droit  de  passage  constituent  une  nuisance, 
lorsque  ce  droit  est  une  servitude  au  profit  de  l'héritage 
dominant  et  que  l'obstacle  e^^t  apporté  par  le  possesseur 
du  fonds  servant;  elles  constituent,  au  contraire,  une  sim- 
ple disturbance,  lorsque  le  droit  est  purement  personnel 
(m  gross)  ou  que,  étant  réel,  il  est  gêné  non  par  le  posses- 
seur du  fonds  servant,  mais  par  un  étranger;  dans  ce  cas, 
la  partie  lésée  n'a  pas  une  action  réelle,  mais  une  simple 
action  07i  the  ca,se^'- .  Il  y  a  disturbance  of  tenure  dans  le 

»'  Blacksfone,  Comm.,  éd.  fr.,  IV,  p.  i07. 


166  DU   FIEF   SIMPLE 

fait  de  détruire,  par  des  menaces,  par  des  saisies  illégales, 
ou  par  des  manœuvres  frauduleuses,  la  connexion  qui 
existe  entre  le  seigneur  et  son  tenancier  :  la  loi  considère 
un  semblable  fait  comme  fort  préjudiciable  au  seigneur  et 
lui  donne,  en  conséquence,  la  faculté  de  poursuivre  en 
dommages  et  intérêts  le  tiers  qui,  par  son  intrusion,  lui 
a  fait  tort  ^-. 

3.  —  Droits  des  créanciers  sur  le  fief. 

243.  —  Tout  fief  simple  sert,  entre  les  mains  de  l'hé- 
ritier, de  garantie  aux  créanciers  pour  toutes  les  dettes 
contractées  par  son  auteur;  on  considère  cette  liability 
comme  une  sorte  d'aliénation  involontaire,  qui  n'est  du 
reste  entrée  dans  le  droit  commun  que  par  une  lente  gra- 
dation, de  même  que  l'aliénation  volontaire  elle-même.  A 
l'origine,  l'héritier  du  fief  n'était  tenu  que  jusqu'à  concur- 
rence de  sa  part  héréditaire  de  celles  des  dettes  de  son  au- 
teur que  l'avoir  mobilier  de  ce  dernier  ne  suffisait  pas  à 
rembourser".  Plus  lard,  on  soutint  que  l'héritier  n'est 
tenu  que  des  dettes  de  son  auteur  envers  la  couronne,  à 
moins  d'avoir  été  expressément  chargé  par  ledit  auteur 
d'acquitter  les  autres^*.  Ce  fut  là  pendant  longtemps  le 
système  de  la  loi  anglaise  :  toute  personne  pouvait,  par 
un  acte  scellé  ou  «  spécial  »  [deed,  writing  under  seal,  spe- 
cially)^  imposer  à  ses  héritiers  l'obligation  de  payer  une 
dette  ou  de  .satisfaire  à  un  engagement  contractuel;  l'hé- 
ritier était  alors  tenu  jusqu'à  concurrence  de  la  valeur  des 
immeubles  qu'il  recueillait  dans  la  succession,  mais  non  au 
delà.  Les  immeubles  en  question  portaient  le  nom  de  assets 

32  1  Rolle,  Abridg.,  102.  3i  Britton,  64  b. 

33  GlanviUe,  lib.  VII,  c.  8;  Brac- 
ton,  OJ  a. 


DL"    FIEF  SIMPLE  167 

by  descente  du  mot  français  assez^  parce  que  l'héritier 
n'était  tenu  que  dans  la  mesure  où  il  y  avait  assez  desdits 
biens  pour  remplir  les  engagements  du  défunt^^  L'héritier 
non  expressément  mentionné  dans  l'acte  n'était  nullement 
tenu  au  payement.  Lorsque  les  possesseurs  de  fiefs  acqui- 
rent le  droit  de  disposer  du  domaine  par  testament,  le  dé- 
biteur qui  avait  imposé  à  son  héritier  l'obligation  de  payer 
la  dette  pouvait  frustrer  ses  créanciers  par  un  moyen  bien 
simple  :  c'était  de  léguer  le  bien  à  une  autre  personne  que 
l'héritier  ainsi  lié;  auquel  cas  ni  l'héritier,  ni  le  légataire 
ne  répondaient  de  la  dette.  Toutefois  certains  débiteurs, 
mus  par  un  sentiment  de  justice  envers  leurs  créanciers, 
laissaient  leurs  biens  à  des  trustées,  avec  mission  de  les 
vendre  au  profit  desdils  créanciers,  ou,  ce  qui  revenait  au 
même,  grevaient  par  testament  leurs  biens  du  montant  de 
leurs  dettes.  Les  créanciers  obtenaient  alors  payement 
grâce  à  la  «  bonté  »  {bounty)  de  leur  débiteur;  et  la  cour 
de  Chancellerie  appelée  à  distribuer  les  fonds,  estimant 
que  eqiiaiity  was  equity,  c'est-à-dire  qu'il  était  équitable  de 
placer  tous  les  créanciers  sur  le  même  pied,  admettait  en 
général  ceux  dont  le  titre  ne  consistait  qu'en  un  simple  con- 
tract  (contrat  non  scellé)  à  concourir  avec  ceux  qui  avaient 
obtenu  un  ôonc/ liant  les  héritiers  du  débiteur^^  Dans  ce 
cas,  on  connaissait  les  biens  sous  le  nom  de  équitable 
assets". 

244.  —  En  1692,  un  act  de  Guillaume  et  Marie 
(St.  3,  Guil.  et  Mar.,  c.  14)  déclara  tout  legs  de  fief  nul 
à  l'égard  des  créanciers  munis  d'un  titre  spécial  [crediton 


»«  Blarkstone,  Comm.,   Il,  244;  201;  liailey  c.  Ekins,  7  Ves.,  319; 

Bacon,    Abridg.,    lit.    Hcir    and  Jarman,  Wills,  3«  éd.,  H,  554. 

Ancestor.  ^'  Cpi-.  Blackstone,  trad.  fr.,  III, 

36   Parker  c.  Dee,  2  Cha.  Cas.,  575,  n.  1. 


168  DU  FIEF  SIMPLE 

by  speciaUij)  envers  qui  les  héritiers  se  trouvaient  liés^ 
hormis  le  cas  où  le  legs  aurait  été  fait  pour  assurer  le  paye- 
ment d'une  dette  «  réelle  et  juste  »  (§§  2  et  4).  Quant  aux 
créanciers  dépourvus  d'un  titre  spécial  liant  les  héritiers 
envers  eux,  ils  restaient  désarmés  vis-à-vis  des  héritiers 
et  des  légataires,  pour  peu  que  le  débiteur  eût  négligé  de 
grever  l'un  de  ses  biens  à  leur  profit.  De  sorte  que^  j  usqu'au 
siècle  dernier,  un  propriétaire  d'immeubles  pouvait  con- 
tracter autant  de  dettes  que  bon  lui  semblait  et  laisser 
après  lui  son  fief  franc  et  quitte  de  toute  charge,  à  moins 
que  ses  créanciers  ne  l'eussent  actionné  de  son  vivant  ou 
n'eussent  obtenu  de  lui  un  bond  ow  specialty  opposable  à 
ses  héritiers. 

245.  —  En  1807,  une  loi  de  George  III  (St.  47,  Geo.  III, 
G.  74)  statua  que  les  fîefs  simples  des  commerçants  servi- 
raient de  gage  à  leurs  créanciers,  que  les  dettes  fussent 
de  celles  dont  les  héritiers  sont  tenus  ou  bien  de  simples 
dettes  commerciales  ou  par  simple  cotitract.  Un  statut  ul- 
térieur de  1830^*  confirma  les  dispositions  antérieures, 
et  facihta  la  vente  au  profit  des  créanciers  des  biens  ayant 
appartenu  au  défunt  débiteur  et  affectés  au  payement  de 
ses  dettes  soit  par  la  loi,  soit  par  son  testament.  Mais,  jus- 
qu'en 1833,  les  immeubles  des  défunts  non  commerçants 
restèrent  soustraits  aux  prétentions  des  créanciers  n'ayant 
d'aulre  titre  qu'un  simple  contract.  Cet  état  de  choses 
inique  a  été  modifié  par  le  statut  3  et  4,  Guil.  IV,  c.  104. 
Tous  les  fiefs  simples  que  leur  possesseur  n'a  pas  expres- 
sément affectés  par  testament  au  payement  d'une  de  ses 
dettes  ont  été  placés  sous  l'administration  de  la  cour  de 
Chancellerie,  pour  servir  au  remboursement  de  toutes  les 

38  st.  11,  Geo.  IV,  et  1,  Guiil.  IV,  c.  47. 


Dr    FIEK  SIMPLE  ir,9 

«  justes  »  dettes  du  défunt,  qu'elles  soient  constatées  par 
shnple  contract  ou  par  specialty.  Le  statut  se  contenta, 
par  respect  pour  l'ancienne  loi,  de  spécifier  que  les  créan- 
ciers par  contrat  spécial  opposable  aux  héritiers  seraient 
remboursés  intégralement  avant  les  autres.  Toutefois,  si, 
par  acte  de  dernière  volonté,  le  débiteur  avait  affecté  ses 
immeubles  au  payement  de  ses  dettes,  celle  affectation 
était  valable;  et  les  divers  créanciers  avaient  alors,  quelle 
que  fût  la  nature  de  leur  titre,  un  droit  égal  sur  le  prix 
de  vente.  D'où  il  résultait  qu'une  personne  ayant  contracté 
des  dettes  tout  à  la  fois  par  simple  contract  et  par  voie 
de  specialty  opposable  à  ses  héritiers,  pouvait,  rien  qu'en 
grevant  ses  immeubles  du  payement  de  ses  dettes,  placer, 
par  rapport  auxdits  immeubles,  tous  ses  créanciers  sur  la 
même  ligne  et,  par  conséquent,  priver  ceux  qui  avaient 
obtenu  une  specialty  de  la  priorité  à  laquelle  ils  eussent  eu 
droit  sans  cela. 

Celte  anomalie  a  été  corrigée  par  le  statut  32  et  33, 
Vict,,  c.  46.  D'après  celte  nouvelle  loi,  dans  l'administra- 
tion des  biens  de  toute  personne  venant  à  mourir  après  le 
l*''janvier  1870,  nulle  dette  ne  jouit  d'une  cause  de  préfé- 
rence par  cela  seul  qu'elle  découle  d'un  hond,  deed  ou  autre 
instrument  under  seal ^  ou  qu'elle  a  pris  de  quelque  façon  que 
ce  soit,  le  caractère  d'une  dette  by  specialty  :  tous  les  créan- 
ciers, au  contraire,  sont  placés  sur  la  même  ligne,  qu'ils 
soient  créanciers  par  simple  contract  ou  by  specialty,  et 
doivent  être  payés  par  contribution  sur  tous  les  biens  dé- 
laissés par  le  débiteur  défunt,  assets  légaux  ou  assets  équi- 
tables; sans  préjudice,  au  surplus,  des  autres  causes  de 
préférence  pouvant  être  invoquées  par  l'un  ou  l'autre  d'en- 
tre eux. 

Enfin,   la   nouvelle  loi  sur  l'organisation  judiciaire  de 


170  DU  FIEF  SIMPLE 

1875  (St.  38  el  39,  Vict.,  c.  77),  complétant  par  son  §  10 
le  §  23,  al.  1",  de  la  première  loi  sur  la  même  matière  (St.  36 
et  37,  Vict.,  c.  66),  statue  que,  dans  la  distribution  des 
asseAs  d'une  personne  décédée  après  le  1"  novembre  1873 
en  état  d'insolvabilité,  ainsi  que  dans  la  liquidation  des 
sociétés  dont  l'actif  se  trouvera  insuffisant,  la  Haute-Cour 
de  justice  observera  les  mêmes  règles  qu'en  matière  de 
faillite  pour  le  classement  et  la  vérification  des  créances, 
pour  le  calcul  des  intérêts  et  pour  l'évaluation  des  créances 
à  terme  ou  conditionnelles. 

246.  —  Le  créancier  qui  avait  actionné  son  débiteur 
entre  vifs  et  obtenu  jugement  contre  lui  a  eu  longtemps 
un  grand  avantage  sur  ceux  qui  avaient  laissé  arriver  le 
décès  du  débiteur.  Le  deuxième  statut  de  Westminster 
(St.  13,  Éd.  I,  c.  18)  décide  déjà  que,  quand  une  dette  a 
été  reconnue  devant  la  Cour  du  roi  ou  quand  des  dom- 
mages et  intérêts  ont  été  alloués,  le  créancier  poursui- 
vant a  le  droit  d'obtenir,  à  son  choix,  soit  un  writ  de  fieri 
facias  enjoignant  au  shérif  de  lever  sur  les  biens  person- 
nels et  sur  le  produit  des  terres  du  débiteur  le  montant  de 
la  créance,  soit  un  writ  d'elegit  en  vertu  duquel  le  shérif 
livre  au  créancier  les  biens  meubles  du  débiteur,  au  prix 
d'estimation,  et,  si  cela  ne  suffit  pas  à  le  désintéresser,  le 
met  en  possession  de  la  moitié  des  immeubles  du  débiteur 
pour  en  jouir  directement  jusqu'à  parfait  remboursement 
de  la  créance  en  principal  et  accessoires ^^  Par  la  suite,  on 
interpréta  lalégislation  sur  le  writ  d'e/e^^zV  en  ce  sens  que,  si, 
après  avoir  contracté  son  obligation,  le  débiteur  vend  ses 
immeubles,  le  créancier  pouvait  en  saisir  la  moitié  entre 
les  mains  de  l'acquéreur;  celui-ci  n'était  donc  sûr  d'échap- 

33  Blackstone,  trad.  fr.,  II,  573;  V,  129  et  suiv. 


DU  FIKF   SIMl'LE  171 

per  à  une  recherche  ultérieure  qu'autant  qu'il  avait  la 
certitude  qu'il  n'y  avait  point  eu  de  jugement  rendu  contre 
son  auteur,  antérieurement  à  la  vente.  Pour  faciliter  aux 
acquéreurs  le  moyen  d'obtenir  cette  certitude,  une  loi  de 
1693*°  institua  dans  chaque  cour  un  répertoire  alphabéti- 
que [docket)  des  jugements  emportant  reconnaissance  de 
dette.  Une  loi  de  1839  (St.  2  et  3,  Vict.,  c.  11)  a  ordonné 
la  clôture  de  ces  répertoires  et,  par  là  même,  abrogé  vir- 
tuellement à  l'égard  des  tiers  acquéreurs  l'ancienne  légis- 
lation. Mais,  l'année  précédente,  une  loi  spéciale  avait  déjà 
réglementé  à  nouveau,  de  façon  à  les  élargir  et  à  les  con- 
solider, les  droits  des  créanciers  ayant  obtenu  jugement 
sur  les  biens  que  le  débiteur  avait  ultérieurement  aliénés  *'. 
Tandis  que,  d'après  l'ancienne  législation,  les  créanciers 
ne  pouvaient  exercer  leurs  droits  que  sur  la  moitié  des 
biens-fonds  de  leur  débiteur,  ils  eurent  pour  gage  l'en- 
semble de  ces  immeubles,  soit  qu'il  les  possédât  déjà  au 
moment  du  jugement  rendu  contre  lui  et  les  ait  aliénés 
ensuite  en  tout  ou  en  partie,  soit  qu'il  en  fût  devenu  pos- 
sesseur postérieurement  au  jugement.  Pour  que  le  juge- 
ment fût  opposable  aux  tiers  acquéreurs,  il  fallait  seulement 
qu'il  eût  été  inscrit  antérieurement  à  la  vente.  Après  de 
nombreux  remaniements  partiels  de  ce  système,  il  a  été 
abrogé  à  son  tour.  La  loi  du  29  juillet  18G4  (St.  27  et  28, 
Vict.,  c.  112)  supprime  ce  que  nous  pourrions  appeler 
l'hypothèque  judiciaire  reconnue  par  la  législation  anté- 
rieure. D'après  celte  loi,  un  immeuble,  quelle  qu'en  soit 
la  tenure,  ne  peut  être  affecté  à  la  sûreté  des  créanciers 
qu'après  avoir  été,  en  suite  du  jugement  reconnaissant  la 

toSt.  4  eto,  Guil.  et  Mar..  c.  20,  par   les  St.  2  et  3,  c.  11  ;  3    et  'i, 

rendu  perpétuel  parle  St.  7  et  8,  c.  82;  18   et  19,   c.   15;  2.3  et  2i, 

Guil.  ni,  c.  36.  c.  .38,   tous  du  règne  de   la   reine 

"  St.  1  et2,  Vict.,  c.  110;  amendé  Victoria. 


172  DU   FIEF   SIMPLE 

dette,  «  delivered  in  exécution  »,  délivré  aux  créanciers  à 
fin  d'exécution  en  vertu  d'un  writ  à'elegit  (§§  1  et  2).  Tout 
writ  de  cette  nature  doit  être  inscrit  sur  un  registre  ad  hoCy 
tenu  d'après  l'ordre  alphabétique  des  noms  des  débiteurs 
saisis  (§  3).  Le  créancier  à  qui  l'immeuble  a  été  ainsi  délivré 
à  fin  d'exécution,  peut  alors  se  pourvoir  auprès  de  la  divi- 
sion de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour  à  l'effet  d'obtenir  un 
ordre  de  vente  {order  for  sale)  (§  4).  Cet  ordre  est  signifié 
aux  autres  créanciers  ayant  obtenu  jugement  contre  le  dé- 
biteur, s'il  y  en  a,  et  le  prix  de  vente  se  répartit  entre  les 
ayants-droit  en  raison  de  leur  rang  respectif  (§  o).  L'or- 
dre de  vente,  et  tout  ce  qui  s'en  est  suivi,  est  opposable  à 
toute  personne  prétendant  à  un  droit  sur  l'immeuble,  du 
chef  du  débiteur,  postérieurement  à  la  «  délivrance  à  fin 
d'exécution  »  (§  6). 

247.  , —  Jusqu'à  une  époque  récente,  les  dettes  con- 
tractées envers  la  couronne  par  des  comptables  et  les 
dettes  contractées  envers  elle  par  d'autres  personnes 
par  voie  de  créance  enregistrée  [debt  of  record)^  de 
bond  ou  de  specialty,  demeuraient  garanties  pur  les 
fiefs  simples  des  débiteurs  en  cas  de  vente  tout  comme 
en  cas  de  legs  ou  de  transmission  à  l'héritier.  Depuis 
le  statut  28  et  29,  Vict.,  c.  104,  nulle  dette  envers  la 
couronne  postérieure  au  1"  novembre  1865  n'est  plus 
opposable  à  celui  qui  a  acheté  le  fief  de  bonne  foi  et  pour 
une  valiiable  considération,  ni  aux  créanciers  hypothé- 
caires, qu'ils  aient  eu  connaissance  ou  non  de  l'existence  de 
la  dette,  à  moins  qu'un  writ  à  fin  d'exécution  n'ait  été  lancé 
et  enregistré  avant  que  l'aliénation  ou  la  constitution  d'hy- 
pothèque soit  devenue  parfaite  et  que  l'emprunteur  ou 
l'acquéreur  ait  versé  les  fonds  (§  48). 

248.  —  Les  actions  immobilières  intentées  devant  les 


DU    FIEF  SIMPLE  173 

tribunaux  ordinaires  {at  laiv)  ou  devant  les  cours  d'équité 
produisent  leur  effet  à  l'égard  des  tiers  acquéreurs,  comme 
à  l'égard  des  héritiers  ou  légataires  :  ils  sont  obligés  d'en 
subir  les  conséquences  encore  qu'ils  ignorassent,  au  mo- 
ment de  l'acquisition,  qu'un  semblable  procès  éiait  pendant. 
Seulement  il  est  tenu  registre  des  procès  pendants  de  cette 
nature,  et  les  acquéreurs  ou  créanciers  hypothécaires  ne 
sont  passibles  des  suites  qu'autant  que  le  procès  concer- 
oant  leur  immeuble  a  été  dûment  inscrit  et  l'inscription 
renouvelée,  s'il  y  a  lieu,  tous  les  cinq  ans*'. 

249.  —  Un  autre  cas  d'aliénation  involontaire  pour  le 
paiement  de  dettes  se  produit  lors  de  la  faillite  :  la  mise  en 
faillite  a  pour  conséquence  de  faire  passer  l'ensemble  de 
l'avoir  mobilier  et  immobilier  du  failli  entre  les  mains  du 
trustée  chargé  de  la  représentation  collective  des  créan- 
ciers**. En  Angleterre,  toute  personne  commerçante  ou 
non  peut  être  mise  en  faillite. 

250.  —  Le  droit  d'aliéner  un  fief  simple  est  tellement 
inhérent  à  la  qualité  de  tenant  qu'il  est  impossible  au  te- 
nancier de  s'en  dépouiller  ou  d'empêcher  que  son  bien  ne 
serve  de  gage  à  ses  créanciers  et,  par  conséquent,  ne  soit 
aliénable  à  leur  profit.  Tant  qu'un  bien  appartient  à  une 
personne,  il  demeure  aliénable  soit  au  ^ré  de  cette  per- 
sonne, soit  à  la  requête  de  ses  créanciers.  Toutefois  le  do- 
nateur d'un  immeuble  est  libre  de  limiter  à  une  certaine 
période  l'effet  de  sa  libéralité  ou,  en  d'autres  termes,  de 
faire  la  donation  à  temps  ou  sous  condition  résolutoire,  et, 
par  conséquent,  de  ne  pas  conférer  au  donataire  un  droit 
de  disposition,  volontaire  ou  involontaire,  absolu.  Ainsi, 
l'immeuble  peut  être  confié  à  des  trustées  pour  le  compte 

*2  St.  2  el  .i,  Vict.,  c.  Il,  SjT.  ^^  i5l.  :{2  et.S:},  Vict.,  c.  71  et  83. 


174  DU  FIEF  SUBSTITUÉ 

de  A,  jusqu'à  ce  qu'il  en  dispose  ou  qu'il  tombe  en  faillite, 
ou  que  tel  événement  se  produise  en  suite  duquel  la  pro- 
priété devra  être  dévolue  à  un  tiers  :  si  A  tombe  en  fail- 
lite on  cherche  à  aliéner  l'immeuble,  son  droit  prend  fin. 
251.  —  Lorsque  le  possesseur  d'un  fief  simple  n'en  a 
pas  disposé  entre  vifs  ou  par  testament,  le  fief  passe  de 
plein  droit  à  son  héritier  universel  [heir  in  /at<;),  "sauf  les 
droits  éventuels  de  l'épouse  survivante.  Cet  héritier  en  est 
saisi  même  contre  son  gré;  il  ne  peut  pas  répudier  le  bien 
qui  lui  échoit  ainsi.  L'ordre  des  héritiers  est  réglé  aujour- 
d'hui par  VAcl  for  the  amendment  of  the  law  of  inheri- 
tance  de  1833  (St.  3  et  4,  Guil.  IV,  106),  amendé  par  le 
statut  22  et  23,  Vict.,  c.  35,  §§  19  et  20  ;  nous  l'exposerons 
dans  le  quatrième  livre  de  cet  ouvrage. 

Il 
Du  fief  substitué  [Estate  tail). 

Sommaire  :  252.  Définition.  —  253.  Diverses  espèces  de  fiefs  substitués. 
—  254.  Condition  de  l'e.xistence  d'un  fief  substitué.  —  255.  Estâtes  tail 
spéciaux.  —  256.  Frank  mariage.  —  257.  Inconvénients  d'une  alié- 
nation au  point  de  vue  des  appelés  et  du  donateur.  —  258.  Situation 
des  appelés,  en  cas  d'aliénalion.  —  259.  Situation  du  donateur.  —  260. 
Période  de  liberté.  —  261.  Restrictions;  statut  de  donis.  —  262.  Pé- 
riode des  fictions  judiciaires.  —  263.  Loi  de  1833  sur  l'aliénation  par 
deed.  —  264.  Cas  où  le  tenant  ne  peut  annuler  la  substitution.  —  265. 
Transmission  du  fief  aux  appelés.  —  266.  Aliénation  du  bien  sans  an- 
nulation de  la  substitution;  bas-fief.  —  267.  Arrangements  de  famille 
usités  en  Angleterre  en  matière  de  fiefs  substitués.  —  268.  Restrictions 
au  droit  d'annuler  la  substitution  tant  que  Vestate  tail  n'est  pas  in 
possession.  —  269.  Cas  de  treason  et  de  felony.  —  270.  Faillite.  — 

271.  Droit  des  créanciers  avant  et  après  le  décès  de  leur  débiteur.  — 

272.  Droits  du  tenant  sur  le  fief.  —  273.  Mode  de  création  d'un  estate 
tail. 

252.  —  On  désigne  sous  le  nom  de  estate Jaii,  fief  sub- 
stitué, un  domaine  donné  à  un  homme  et  à  ses  descendants 


DU  FIEF  SIBSTITUE  175 

{the  heirs  ofhis  body),  de  sorte  qu'il  passe  successivement 
du  premier  titulaire  à  ses  enfants,  petits-enfants  et  descen- 
dants légitimes  à  Tinfini,  sans  pouvoir  passer  de  son  chef 
à  l'un  de  ses  ascendants  ou  collatéraux.  On  l'appelle  eslale 
tail  ou  estate  in  fee  tail  [feodum  talliatum),  fief  taillé  ou 
mutilé,  précisément  parce  que,  à  la  différence  des  fiefs 
simples,  il  est  réservé  à  une  seule  classe  d'héritiers  à  l'ex- 
clusion des  autres. 

Le  titulaire  ou  possesseur  actuel  de  Vestate  /aeV  porte  le 
nom  de  donataire  grevé  de  substitution  [donee  in  tait);  la 
personne  de  qui  il  le  tient,  celui  de  donateur  [donor,  gran- 
tor).  Le  donataire  s'appelle  aussi  tenant  in  tail.  Il  rentre 
dans  la  classe  des  freeholders,  comme  les  possesseurs  de 
fiefs  simples  ;  seulement  sa  possession  est  conditionnelle 
en  ce  sens  qu'après  son  décès  elle  ne  passe  à  ses  héritiers 
qu'autant  qu'il  en  laisse  de  la  catégorie  prévue  par  l'acte 
constitutif. 

253.  —  Il  existe  plusieurs  espèces  de  fiefs  substitués, 
suivant  les  caractères  particuliers  et  l'étendue  de  la  sub- 
stitution. 

Le  fief  substitué  e=>\.i\\\.  général,  lorsque  tous  les  descen- 
dants légitimes  du  grevé  y  sont  appelés  à  leur  tour  et  dans 
leur  ordre  normal,  sans  nulle  exception  ni  restriction;  tel 
est  le  cas  où  la  libéralité  est  faite  au  profit  <<  de  A  et  de 
ses  descendants  »  [A  and  the  heirs  of  his  bodij).  Le  fief 
est  spécial,  lorsqu'il  ne  peut  être  recueilli  que  par  certains 
des  descendants  légitimes,  à  l'exclusion  des  autres;  par 
exemple,  une  substitution  faite  au  profit  «  de  A  et  des  en- 
fants ou  descendants  issus  de  son  mariage  avec  B  »  (.4 
and  the  heirs  of  his  bodij  by  his  icife  B). 

Le  fief  est  mâle  ou  féminin  [tail  maie,  tail  female), 
suivant  qu'il  ne  passe  qu'aux  descendants  mâl»6  et  par  les 


176  DU   FIEF   SUBSTITUE 

mâles,  —  à  ceux  qui  continuent  à  porter  le  nom  de  fam'jlle 
de  leur  auteur,  —  ou  qu'il  ne  passe  qu'aux  femmes  et  aux 
descendantes  par  les  femmes"  {A  and  the  heîrs-male  of 
his  bodrj;  A  and  the  heirs-femaleof  hisbody). 

254.  —  De  même  que,  pour  qu'il  y  ait  création  d'un 
fief  simple,  il  faut  que  l'acte  contienne  une  substitution 
auprofitdes  «héritiers»  (directs  et  collatéraux),  de  même, 
pour  consliluer  un  fec  tait,  il  est  nécessaire  de  réserver 
expressément  le  droit  de  succession  aux  descendants  [heirs 
of  his  bodij).  Une  concession  qui  serait  accordée  «  à  A  et  à 
ses  enfants  »  constituerait  une  simple  concession  viagère 
au  profit  de  ces  personnes  conjointement,  sans  que  les  des- 
cendants à  un  degré  ultérieurpuissent  y  prétendre  ni,  par 
cor>séquent,  qu'il  y  ait  un/e<?  tail,  au  sens  exact  de  ce  mot. 
Telle  est  du  moins  la  règle  entre  vifs  :  il  en  serait  autre- 
ment d'une  substitution  faite  en  ces  termes  par  testament  *^ 
Il  esttoulefoisà  remarquerque,  depuis  le  Conveyancing  and 
law  of  property  ad  àe  1881  {St.  44et45,  Vict.,  c.  41),  §51, 
les  mots  heirsof  hisbody^  etc.,  n'ont  plus  le  caractère  sa- 
cramentel qu'ils  avaient  auparavant;  les  expressions  in 
tail,  in  tail  maie  ou  in  tail  female  sont  considérées  au- 
jourd'hui comme  définissant  suffisamment  la  tenure  et  pou- 
vant les  remplacer. 

255.  —  Les  estâtes  tail  spéciaux,  c'est-à-dire  réservés 
aux  descendants  issus  du  mariage  du  grevé  avec  une 
femme  spécialement  désignée,  sont  aujourd'hui  peu  com- 
muns ;  il  en  est  de  même  des  substitutions  féminines.  Les 
substitutions  les  plus  usitées  sont  les  substitutions  géné- 
rales et  les  fiefs  mâles. 


•i   LiUleton,  §§  13  à  16  et  21;  ***  .larman,  Wilh,  II,  327. 

Blackstone.  II,  113, 114  ;  trad.  fr., 
n,  p.  491. 


DU  FIEF  SUBSTITUE  177 

256.  —  11  esl  encore  une  autre  variété,  assez  rare  d'ail- 
leurs, de  fee  tail^  con  nue  sous  le  nom  de  tènement  en  franc 
mariage:  ce  sont  les  biens  donnés  par  un  homme,  lors  du 
mariage  de  sa  fille  ou  d'une  autre  parente,  à  son  futur  gen- 
dre ou  au  futur  époux  de  cette  parente  conjointement 
avec  la  future  épouse.  Dans  ce  cas,  le  mot  de  frayilc 
marriage^  même  énoncé  seul  et  sans  mention  des  héritiers, 
assure  aux  donataires  le  bien  pour  eux  et  pour  leurs  des- 
cendants légitimes,  à  l'exclusion  seulement  des  héritiers 
d'autres  classes. 

257.  —  La  constitution  d'un  fee  tail  intéresse,  à  part 
le  donataire  lui-même,  d'un  côté  ceux  de  ses  héritiers  qui 
lui  sont  substitués,  de  l'autre  le  donateur  et  ses  ayants- 
cause,  qui,  par  la  nature  même  de  cette  sorte  de  libéra- 
lité, ont  droit  non  seulement  aux  services  et  redevances 
stipulées  pour  le  temps  où  elle  subsistera,  mais  encore  à 
la  reprise  du  bien  à  défaut  d'héritiers  de  la  catégorie  des 
bénéficiaires  de  la  substitution. 

L'aliénation  du  bien  par  le  tenant  est  donc  de  nature 
à  porter  atteinte  aux  droits  de  ces  deux  classes  d'inléres- 
sés,  et  l'on  n'est  arrivé  que  lentement  à  reconnaître  au 
tenant  la  faculté  d'y  procéder. 

258.  —  i°  En  ce  qui  concerne  les  héritiers  présomp- 
tifs^les  appelés,  on  admettait,  du  temps  de  Henri  II,  que 
celui  qui  possédait  une  terre  «  pour  lui  et  pour  ses  héri- 
tiers »  pouvait  en  frustrer  ses  collatéraux,  mais  non  ses 
descendants,  si  ce  n'est  pour  partie  et  dans  certains  cas 
spéciaux;  par  exemple,  pour  doter  sa  fille  ou  bien  ad  pias 
causas''^. 

En  dehors  de  ces  cas,  le  possesseur  qui  voulait  aliéner 

'«  Glaavillo,  lib.  Vil,  c.  1. 

Leur.  12 


i78  DU    FIEF   SUBSTITUE 

procédait  le  plus  souvent  par  voie  desous-inféodation:  il 
transmettait  le  bien  à  un  tiers,  moyennant  que  celui-ci  et 
ses  héritiers  s'acquittassent  envers  lui  et  ses  propres  des- 
cendants de  services  et  redevances  analogues  à  ses  pro- 
pres charges  envers  le  seigneur  supérieur.  A  une  époque 
où  les  charges  féodales  étaient  fort  lourdes  pour  le  posses- 
seur d'un  fief,  l'aliénation  du  bien  n'était  pas  toujours 
aussi  désavantageuse  pour  les  héritiers  qu'on  pourrait  le 
supposer;  s'ils  étaient  privés  de  la  jouissance  du  fief,  ils 
étaient  en  revanche  affranchis  des  services  corrélatifs  ;  et, 
d'ailleurs,  le  plus  souvent  l'aliénation  n'était  pas  faite  à 
titre  gratuit,  de  sorte  que  les  héritiers  retrouvaient  dans  le 
patrimoine  de  leur  auteur  tout  au  moins  la  contre-valeur 
que  celui-ci  avait  stipulée  à  son  profit  au  moment  de  l'a- 
liénation. 

C'est  ce  qui  explique  comment,  en  fait,  les  tenants  ont 
pu  acquérir  assez  promptement  le  pouvoir  d'anéantir  les 
droits  d'expectative  de  leurs  descendants;  dès  le  règne  de 
Henri  111,  l'héritier  dépendit  complètement  à  cet  égard  du 
bon  plaisir  de  son  auteur. 

259.  —  2°  Le  do?ior,  le  propriétaire  direct,  avait, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  un  double  droit:  un 
droit  à  des  services  ou  redevances  et  un  droit  éventuel  de 
retour.  C'est  le  premier  de  ces  deux  droits  qu'atteignit  tout 
d'abord  le  do?iee  ou  son  successeur  en  aliénant  le  bien  ; 
car,  en  sous-inféodant  une  partie  du  bien  à  son  propre 
profit,  il  diminuait  la  sécurité  du  propriétaire  direct  quant 
à  l'accompUssement  exact  des  services  primitivement  sti- 
pulés pour  l'ensemble  des  biens.  Aussi  la  Grande  Charte 
défendit-elle  déjà  toute  ahénation  partielle,  à  moins  que 
la  partie  du  fief  demeurée  entre  les  mains  du  tenant  ne 
suffît  à  assurer  l'acquittement  de  ses   charges  envers  son 


DU    FIEF  SUBSTITUE  179 

seigneur  (ch.  32).  Plus  tard,  le  second  des  droits  du  do7îor , 
le  droit  de  retour,  fut  également  compromis.  Lorsque  l'on 
comprit  qu'il  y  avait  avantage  à  ne  pas  priver  le  tenant  de 
la  faculté  de  disposer,  on  inséra  habituellement  dans  l'acte 
constitutif  une  clause  d'après  laquelle  le  bien  était  con- 
féré non  plus  seulement  à  lui  et  à  ses  descendants,  mais 
encore  à  toute  personne  à  qui  il  lui  plairait  le  donner  ou 
le  transmettre;  de  telle  sorte  qu'après  l'extinction  du  grevé 
et  des  appelés,  le  tiers  acquéreur  devenait,  à  son  tour, 
tenant  direct  du  seigneur,  lequel  prenait  vis-à-vis  de  lui 
la  position  du  vendeur.  Si  le  tenant  primitif,  au  lieu  de 
ne  vendre  qu'une  portion  du  fief,  jugeait  à  propos  de  l'a- 
liéner en  bloc,  il  était  libre  de  le  faire  en  s'y  substituant 
une  autre  personne  (St.  4,  Éd.  I,  c.  6). 

260.  —  La  concession  de  fiefs  avec  liberté  d'aliéna- 
tion devient  peu  à  peu  la  règle  générale.  Dès  le  règne 
d'Edouard  1", il  paraîtavoirétéadmisen  principeque,quelle 
que  fût  la  forme  de  la  concession,  le  tenant  avait  le  droit 
d'aliéner,  du  moment  où  il  avait  un  héritier  présomptif; 
ainsi,  quand  la  concession  était  faite  «  à  lui  et  à  ses  des- 
cendants »,  tout  comme  quand  elle  était  «  à  lui  el  à  ses 
héritiers  »;  et  ce,  par  rapport,  soit  aux  appelés,  soit  au 
seigneur.  L'acquéreur  et  ses  ayants-cause  conservaient  le 
bien  même  après  l'extinction  du  do?iee^el  de  sa  prospé- 
rité". 

261.  —  L'existence  d'un  héritier  présomplit  suffisant 
pour  conférer  au  dofieele  droit  d'aliéner  le  fief,  les  barons 
du  temps  du  roi  Edouard  I"  comprirent  qu'ils  n'auraient 
plus  que  bien  rarement  l'occasion  d'exercer  leur  droit  de 
retour  sur  les  terres  qu'ils  avaient]  conférées,  sous  cette 

'■^  FWzAerheT.,  Abridg.,  iil.  For-       Co.  Lilt.,  19  «. 
niedon,  62,65;  Biitton,93  b,  04  a; 


180  DU    FIEF  SUBSTITUE 

condition,  à  leurs  tenants  et  à  la  descendance  directe  de 
ceux-ci.  Voulant  maintenir  debout  le  régime  féodal  et 
conserver  cette  importante  prérogative  qui  en  découlait, 
ils  obtinrent  du  roi  le  fameux  statut  de  donis  conditiona- 
libus,  connu  aussi  sous  le  nom  de  Second  statut  de  West- 
minster (St.  13,  Ed.  1,  c.  1). 

En  vertu  de  cet  acte,  lorsque  le  donateur  avait  eu  soin 
de  préciser  les  modalités  de  la  concession  et,  notamment, 
de  la  limiter  au  profit  du  donataire  et  de  ses  descendants, 
ses  intentions  devaient  faire  loi;  et  le  bien  retournait,  en 
cas  d'extinction,  à  lui  ou  à  ses  ayants-cause,  sans  qu'il 
pût  dépendre  du  tenant  d'annihiler  ce  droit  de  retour  en 
aliénant  le  bien. 

262.  —  Néanmoins  on  ne  tarda  pas  à  constater  les  in- 
convénients inhérents  à  une  application  trop  stricte  du 
statut  de  donis.  Le  père  était  désarmé  vis-à-vis  d'enfants 
désobéissants,  qu'il  ne  dépendait  plus  de  lui  de  déshériter; 
au  moment  de  l'extinction  de  la  famille  du  tenant,  les  fer- 
miers étaient  expulsés,  les  créanciers  perdaient  le  recours 
sur  lequel  ils  avaient  compté.  Les  Communes  réclamèrent 
énergiquement  un  changement  de  la  loi,  mais  la  noblesse 
s'y  opposa  non  moins  obstinément.  Enfin,  le  roi  Edouard  IV 
ayant  eu  dans  la  lutte  entre  les  York  et  les  Lancaslre  l'oc- 
casion de  constater  le  peu  d'effet  que  les  condamnations 
pour  trahison  produisaient  sur  les  familles  dont  les  pro- 
priétés étaient  protégées  par  des  substitutions,  le  pouvoir 
d'aliénation  reprit  naissance,  grâce  à  un  artifice,  en  vertu 
d'un  arrêt  rendu  en  1473,  la  douzième  année  de  son 
règne,  dans  une  aff'aire  connue  sous  le  nom  de  Tal- 
tariimscase  [Ycar  Booh,  12,  Ed.  IV,  19)  :  les  juges  déci- 
dèrent qu'une  substitution  était  mise  à  néant  par  le  fait 
qu'un  procès,  réel  ou  fictif,  en  recouvrement  des  biens 


DU   FIEF   SUBSTITUÉ  181 

substitués  [common  recovery)  était  jugé  contre  le  tenant 
m  tail.  Nous  nous  contenterons  d'indiquer  le  principe 
sans  examiner  de  plus  près  le  mécanisme  assez  compliqué 
de  cette  procédure*'.  On  imagina,  d'autre  part,  un  second 
artiRce  à  l'eiïet  d'annuler  les  substitutions  ou,  ce  qui  re- 
vient au  même,  de  rendre  possible  l'aliénation  d'un  fief 
substitué  ;  cet  artifice  consistait  en  un  accommodement  ju- 
diciaire {fine)^  intervenant  avec  l'autorisation  du  juge  au 
cours  d'un  procès  réel  ou  fictif  et  en  vertu  duquel  le  bien 
en  question  était  reconnu  appartenir  régulièrement  à  l'une 
des  deux  parties,  c'est-à-dire,  en  tant  qu'il  s'agissait  d'é- 
luder la  loi  interdisant  les  aliénations,  à  celui  qui  se  mon- 
trait prêt  à  acquérir  le  fief*'. 

263.  —  Ces  artifices,  après  avoir  été  employés  pen- 
dant des  siècles  pour  rendre  possibles  en  fait  des  actes 
de  disposition  prohibés  en  droit,  sont  devenus  inutiles  et 
ont  été  supprimés  à  une  époque  récente  :  en  vertu  d'une 
loi  de  1833,  rendue  sur  la  proposition  des  Commissioners 
on  the  law  of  recd  property,  le  possesseur  d'un  fief 
substitué  aaujourd'hui  le  droit  d'aliéner  le  bien,  moyennant 
un  simple  acte  [deed)  enregistré  dans  les  six  mois  à  la 
division  de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour,  sans  que  l'alié- 
nation puisse  être  attaquée  ni  par  les  appelés,  frustrés 
dans  leur  droit  d'expectative,  ni  par  les  ayants-cause  du 
seigneur  direct,  privés  de  leur  droit  de  retour  éventuel 
(St.  3  et  4,  Guil.  iV,  c.  74).  Au  surplus,  ce  disentailing 
deed  est  le  seul  moyen  dont  dispose  le  tenant  pour  annuler 
la  substitution;  il  ne  pourrait  y  suppléer  ni  par  une  clause 
expresse  de  son  testament,  ni  même  par  contrat  (/6.,  §§  40 


•8  Cpr.  Blackstone,  trad.  fr.,  lil,  •'  Cpr.  Blakstone,  trad   fi-.,  III, 

273:  Williams,  Real  propcrty,  19»       258  et  suiv. 
édiL,  04  et  suiv. 


182  DU   FIEF  SUBSTITUE 

et  41);  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  deux  manifestations  de  sa 
volonté  ne  serait  opposable  soit  aux  héritiers  substitués, 
soit  aux  remaindermen  et  reversioners^^ . 

264.  —  Il  y  a  trois  cas  dans  lesquels  le  tenant  est 
privé  du  droit  d'annuler  la  substitution  [bar  the  entail)  : 
i°  celui  où,  tenant  un  fief  substitué  en  faveur  des  enfants 
à  naître  de  son  mariage  avec  B,  il  n'est  plus  en  situation 
d'avoir  d'enfants  dudit  mariage,  parce  que  sa  femme  B  est 
morte  sans  lui  en  avoir  donné  [16.,  §  18);  —  2°  celui,  où, 
par  un  don  ou  une  constitution  antérieurs  à  1834,  une 
femme  est  investie  d'un  fee  tail  provenant  de  son  mari 
ou  des  ancêtres  de  son  mari  [ex  prnvisione  viri);  après  le 
décès  du  mari,  la  femme  ne  peut  annuler  la  substitution 
que  moyennant  le  consentement  des  plus  proches  héri- 
tiers^'; —  3°  celui  où  le  fief  substitué  a  été  conféré  par 
la  couronne  en  récompense  de  services  publics,  ou  créé 
par  acte  du  parlement^*. 

265.  —  Lorsque  le  tenant  in  tail  n'use  pas  du  droit 
qu'il  a  d'annuler  la  substitution,  le  bien  passe,  per  for- 
mam  doni,  aux  personnes  qui  sont  appelées  à  le  posséder 
en  vertu  de  l'acte  constitutif,  chacune  d'elles  ayant  à  son 
tour  le  droit  d'annulaiion  tout  comme  l'avait  le  grevé.  Une 
fois  un  estale  tail  constitué,  il  ne  dépend  pas  du  donateur 
d'entraver  le  droit  de  disposition  qui  en  découle  en  faveur 
des  bénéficiaires;  ainsi,  il  ne  pourrait  pas  interdire  au 
tenant  de  contracter  des  dettes  afin  d'empêcher  que  le  bien 
ne  fût  éventuellement  saisi  par  les  créanciers,  ni  lui  dé- 

50  Les  remaindermen  sont  ceus  viagers      ou      héréditaires.      Cpr. 

qui  ont  l'expectative  ou  la  survi-  n»»  451  et  suiv. 

vance  du  fief  après  le  décès  d'un  5i  St.  11,  Henr,  "VIII,  c.  20;  St. 

premier  tenant  for  life.  Les  rêver-  32,  Henr.  VIII,  c.  36,  §  29. 

sioners   sont  ceux  qui  ont  sur   le  b2  st.  34  et  85,  Henr.  VIII,  c.  20; 

bien    un    droit    de    retour    après  3  et'4,  Guil.  IV,  c.  74,  §  18;  40  et 

l'extinction  des  divers  ayants-droit  41,  Vict.,  c.  18,  §  -55. 


DU  FIEF  SUBSTITUÉ  183 

fendre  à  lui-même  d'annuler  la  substitution  ou  d'aliéner  le 
bien.  S'il  tient  à  prévenir  l'aliénation  volontaire  ou  invo- 
lontaire du  bien,  le  donor  n'a  qu'un  moyen  :  c'est  de  ne 
concéder  au  donee  qu'un  droit  viager  annulable  en  cas 
d'aliénation,  de  faillite  ou  de  déconfiture". 

266.  —  Quand  le  tenant  aliène  le  bien  sans  annuler  en 
même  temps  la  substitution,  l'acquéreur  ace  qu'on  nomme 
un  bas- fief  °'"  ou  fief  qualifié,  c'est-à-dire  qu'il  n'a  le  droit, 
par  lui-même  ou  par  ses  ayants-cause,  de  conserver  le 
bien  que  jusqu'à  l'extinction  du  grevé  et  des  divers  appe- 
lés; à  moins  qu'ultérieurement  le  tenant  n'e'/ar^w^e  le  bas- 
fief  en  faisant  au  profit  de  l'acquéreur  un  disentailincj 
deed'"^. 

267.  —  Dans  les  familles  où  les  estâtes  se  conservent 
de  génération  en  génération,  on  fait  toutes  les  quelques 
années  des  arrangements  spéciaux  à  cet  effet.  Ainsi,  en 
cas  de  mariage,  on  donne  un  bien  au  mari  à  titre  pure- 
ment viager  [life  estate),  la  femme  ayant  droit,  pendant 
le  mariage,  à  une  certaine  somme  pour  ses  besoins  per- 
sonnels et,  après  le  décès  du  mari,  à  une  rente  viagère 
(rent-charrje  ou  annmtrj).  L'acte  porte,  en  môme  temps, 
que  le  fils  aîné  à  naître  du  mariage  sera  tenant  in  lail 
du  même  bien,  à  condition  d'acquitter  les  charges  dont 
ce  bien  est  grevé  soit  au  profit  de  la  veuve,  soit  au  profit 
de  ses  sœurs  ou  frères  cadets;  que,  si  cet  aîné  meurt 
sans  postérité,  le  bien  passera,  au  même  titre,,  au  se- 
cond fils,  puis  au  troisième  et  ainsi  de  suite,  et,  enfin, 

83  Lear  c.  Leyall,  2  Sim.,  479;  ficalion,  c'est-à-dire   à  la   persis- 

Wilhinson  c.   V^ilkinson,   S  S\v.,  tance    d'une    circonstance  de   t'ait 

^Ih;  Goddenc.Crowhurst,lOS'\m.,  indiquée  dans   l'acte.   Gpr.  Black- 

612.  stone,  trad.  fr.,  H,  4&"^. 

6»  Le  bas-fiof  [base-fee)   ou   fief  '•^  Burton,  Comp.,^  715;  Pater- 
qualifié  est  tout  fief  dont  la  conces-  son,  p.  23,  a. 
sion  est  subordonnée  à  une  quali- 


184  DU    FIEF    SUBSTITUE 

à  défaut  de  fils,  aux  filles.  De  celte  façon,  le  bien  demeure 
affecté  jusqu'à  ce  que  l'un  de  ceux  à  qui  il  est  dévolu  in 
tail  atteigne  l'âge  de  vingt  et  un  ans,  c'est-à-dire  l'âge  où 
il  est  capable,  avec  le  consentement  de  son  père,  tenant  à 
vie  de  l'immeuble,  d'annuler  la  substitution  au  regard  de 
tous  les  remaindernien.  La  propriété  se  retrouve  ainsi  libé- 
rée, et  l'on  peut  procéder  à  une  nouvelle  constitution  de 
XeslatcîiM  profit  delà  génération  suivante,  de  façon  à  s'as- 
surer que  le  bien  ne  sortira  pas  de  la  famille. 

268.  —  Toutes  les  fois  que  Vestate  tail  n'est  pas  en- 
core un  estate  in  possession,  —  pour  nous  servir  de  l'ex- 
pression technique  anglaise,  —  c'est-à-dire,  tant  que  le 
bien  est  entre  les  mains  d'un  possesseur  à  vie,  auquel 
le  tenant  substitué  est  seulement  appelé  à  succéder  éven- 
tuellement, la  faculté  pour  ce  tenant  in  tail  de  conver- 
tir son  droit  éventuel  en  un  estate  in  fee  simple  est 
soumise  à  diverses  restrictions.  A  l'époque  où  un  estate 
tail,  au  point  de  vue  du  droit  de  retour,  ne  pouvait  être 
annulé  que  par  voie  de  recovery,  il  fallait  que  le  pre- 
mier tenant,  tenant  for  life,  qui  détenait  le  bien,  fût 
partie  au  procès,  l'action  fictive  en  revendication  devant 
être  tout  naturellement  dirigée  contre  le  possesseur  féo- 
dal du  bien  revendiqué.  Lors  de  l'abolition  de  la  procé- 
dure en  recovery  en  1833,  la  loi  a  institué  un  curateur 
(protector),  chargé  de  donner  son  consentement  préa- 
lable à  l'annulation  de  la  substitution  et  sans  l'autorisa- 
tion de  qui  cette  annulation  ne  serait  pas  opposable 
aux  rpmaindermen  et  reversioners'^^ .  Le  curateur  est  le 
plus  souvent  le  tenant  for  life  lui-même;  sauf  le  droit 
du  grantor   de   désigner  pour  cet  office   d'autres   per- 

tf'  St.  3  et  4,  Guil    IV,  c.  74,  §§  34  et  35. 


DU  FIEF  SUBSTITUE  185 

sonnes,  si  bon  lui  semble^\  Le  curateur  est  entièrement 
libre  de  consentir  à  l'annulation  ou  de  s'y  opposer;  nul 
n'a  le  droit  de  lui  demander  compte  de  sa  décision"'. 
S'il  s'y  oppose,  l'héritier  substitué  peut  bien  exclure  sa 
propre  descendance,  mais  non  porter  atteinte  au  droit 
de  retour;  en  d'autres  termes,  il  a  le  droit  de  dispo- 
ser du  bien  pour  tout  le  temps  où  il  aura  des  descen- 
dants en  vie,  mais  sans  préjudice  du  droit  de  retour  au 
(jrantor  ou  à  ses  ayants-cause  après  l'extinction  des  ap- 
pelés. Le  fief  prend  le  caractère  d'un  bas-fief. 

Lors,  au  contraire,  que  Xcstale  taxi  est  in  possession, 
c'est-à-dire  entre  les  mains  non  plus  d'un  premier  pos- 
sesseur simplement  viager,  mais  d'un  tenant  in  tail,  il 
est  assez  rare  qu'il  y  ait  un  protector  :  le  tenaiit  in  tail 
peut  en  tout  temps  annuler  la  substitution,  au  double 
point  de  vue  des  droits  d^expectative  et  de  retour,  par  un 
acte  [disentailing  deed)  dûment  enregistré. 

Au  reste,  même  quand  Yeslate  in  tail  est  précédé 
d'un  estate  for  life,  l'office  de  protector  n'existe  qu'au-r 
tant  que  ces  deux  estâtes  destinés  à  se  succéder  ont  été 
créés  par  un  seul  et  mùme  acte.  Si  Vestate  for  life  s'ap- 
puie sur  un  acte  antérieur,  celui  qui  a  l'expectative  du 
bien  est  libre  d'annuler  la  substitution,  sans  le  consen- 
tement de  l'usufruitier  viager  qui  le  précède  dans  la  jouis- 
sance°^ 

269.  —  En  cas  de  haute  trahison  d'un  tenant  in  tail, 
le  bien,  depuis  Henri  Vlll,  était  confisqué  au  profit  de 
la  couronne,  qui  en  jouissait,  au  lieu  et  place  des  héri- 
tiers substitués,  jusqu'à   leur  extinction;   après  quoi  le 


"'  Ibid..  ij.^î  22  el  :i2.  •■>  Williams,  Rcalprop.,  19'édit., 

»«  §§  36  et  37.  p.  93  et  lUS,  note  g. 


186  DU   FIEF   SUBSTITUE 

bien  faisait  retour  à  qui  de  droit^".  En  cas  de  simple 
felony  (crime  capital),  le  bien  ne  passait  à  la  couronne 
que  pour  le  reste  de  la  vie  du  condamné  et  était  ensuite 
dévolu  aux  héritiers  substitués".  D'après  la  loi  du 
4  juillet  1870  (St.  33  et  34,  Yict.,  c.  23),  la  confiscation 
au  profit  de  la  couronne  a  été  abolie  dans  les  deux 
cas. 

270.  —  Lorsque  le  tenant  tombe  en  faillite,  la  faillite 
annule  la  substitution  au  profit  des  créanciers,  dans  la 
mesure  où  il  aurait  dépendu  du  failli  lui-même  de  l'an- 
nuler, et  le  bien  est  affecté  au  remboursement  des  dettes 
aussi  complètement  que  s'il  s'agissait  d'un  fief  simple  ^^. 

271.  —  Du  vivant  de  leur  débiteur,  les  créanciers 
peuvent  au  moyen  d'un  elegit  exercer  de  son  chef  tous 
les  droits  qui  lui  compétent  sur  le  bien.  Mais,  après  son 
décès,  sa  postérité  substituée  n'est  pas  liée  par  les  con- 
trats qu'il  peut  avoir  passés  touchant  la  propriété,  à 
moins  qu'elle  ne  les  confirme  ou  ne  consente  expressé- 
ment à  accepter  la  responsabilité  des  actes  de  son  au- 
teur. D'autre  part,  le  tenant  in  tail  n'est  tenu  des  dettes 
de  son  défunt  prédécesseur  qu'autant  qu'un  jugement, 
arrêt  ou  ordonnance  a  été  obtenu  contre  ce  dernier  et 
enregistré  de  son  vivant;  dans  ce  cas  spécial,  la  pro- 
priété est  grevée  de  ce  chef,  entre  les  mains  de  tout  suc- 
cesseur du  débiteur  condamné".  Elle  l'est  toujours, 
entre  les  mains  soit  du  donataire,  soit  de  ses  héritiers 
substitués,  à  raison  des  dettes  du  donateur^*. 

272.  —  Le  tenant  iii  tail  a,  sur  le  fief,  des  droits  de 


se  St.  26,  Henr.  VIII,  c.  13,'§  5.  §  208  ;  82  et  33,  Vict.,  c.  71,  §  25,  4». 

«1  Cruise,  on  Tilles,  I,  c.  2,  §)?  36  «^  St.  1  et  2,  Vict..  c.  110,  §§  13 

el  suiv.  et  18. 

•Î2  St.  3  et  4,   Guil.   IV,  c.  74,  «^  Ibid.,  St.  3   et   4,    Guil.  IV, 

§§56-73;  12  et  13,  Vict.,   c.  106,  c.  104. 


DES    FRANCS-TENEMENTS  NON  HEREDITAIRES  187 

jouissance  fort  étendus  et  qu'il  peut  exercer  sans  avoir 
besoin  de  commencer  par  annuler  la  substitution.  Il  peut 
abattre  du  bois  de  charpente  pour  son  propre  usage, 
commettre  tels  ivastes  (dégâts)  que  bon  lui  semble,  dé- 
molir des  bâtiments,  exploiter  les  mines,  etc.".  D'autre 
part,  il  a  le  droit  de  faire  par  deed  des  baux  opposables 
à  ses  successeurs  [remaijulermen  et  7'eversioners),  à 
la  seule  condition  qu'ils  n'excèdent  pas  le  terme  de  vingt 
et  un  ans^^  à  dater  du  contrat  ou  d'une  époque  com- 
prise dans  le  délai  de  douze  mois  à  partir  de  la  confec- 
tion du  contrat. 

273.  —  Généralement,  un  cslale  tail  est  créé  par  tes- 
tament ou  par  contrat  de  mariage  ;  mais  il  peut  l'être 
aussi  par  tout  autre  acte. 


CHAPITRE  II 
Des  francs-tènements  non  héréditaires. 

INTRODUCTION. 

274.  —  Les  francs-tènements  non  héréditaires  sont 
temporaires  ou  viagers.  Les  francs-tènements  temporaires 
sont  constitués  soit  pour  un  nombre  déterminé  d'années, 
soit  pour  aussi  longtemps  qu'un  événement  déterminé  ne 
se  produira  pas;  par  exemple,  pour  aussi  longtemps  que 
la  veuve  investie  du  bien  ne  se  remariera  pas,  ou  jusqu'à 
ce  que  le  tenant  obtienne  un  bénéfice.  Les  francs-tènements 
viagers  peuvent  être  constitués  soit  pour  la  durée  de  la 


66  Second  statut  de  Westminster;  «6  St.  3et  4,  Guil.  IV,  c.74,  §§  15, 

Co.  LiU.,2-24  a;  Blackstone,  trad.      40,  41. 
fr.,  II,  493. 


188  DE   LESTATE  PUB    ALTBE   VIE 

vie  du  tenant,  soit  pour  celle  de  la  vie  d'un  tiers  [eslate 
pur  autre  vie). 

Les  francs-tènements  viagers  sont  de  nature  féodale 
comme  les  francs-tènements  héréditaires,  à  telles  ensei- 
gnes que,  pendant  une  période  assez  longue  de  l'histoire 
d'Angleterre,  tous  les  fiefs  furent  exclusivement  viagers 
et  que  le  principe  de  l'hérédité  ne  prévalut  que  peu  à  peu. 
Il  s'ensuit  qu'ils  sont  conférés  à  charge  des  mêmes  servi- 
ces féodaux,  sous  les  mêmes  solennités,  sous  le  môme 
mode  d'investiture  ou  de  mise  en  possession  que  les  fiefs 
simples  :  le  tenant  en  est  réputé  saisi  ou  investi,  exacte- 
ment comme  s'il  s'agissait  d'un  freehold  héréditaire,  et 
peut  transférer,  s'il  le  juge  à  propos,  ses  droits  sur  l'im- 
meuble à  un  tiers  acquéreur. 

I 

De  VEstate  pur  autre  lie. 

Sommaire  :  275.  Notion  et  définition.  —  276.  Cas  où  le  tenant  meurt 
avant  le  cestuy  que  vie.  —  277.  Quasi  extate  tail.  —  278.  Justification 
de  l'existence  du  cestuy  que  vie. 

275.  —  Comme  on  l'a  vu  plus  haut,  Vestate  pur  autre 
vie  est  un  tènement  subordonné  non  à  la  durée  de  la  vie 
du  tenant,  mais  à  celle  de  la  vie  d'une  autre  personne, 
qu'on  nomme  le  cesluy  que  vie.  A,  investi  d'un  tènement 
viager,  peut  en  disposer  au  profit  de  B,  ou  de  B  et  de  ses 
héritiers  :  la  concession  est  forcément  limitée,  au  maxi- 
mum, à  la  durée  de  la  vie  de  A,  qui  ne  peut  transférer  à 
autrui  des  droits  plus  étendus  que  ceux  dont  il  est  person- 
nellement investi. 

276.  —  Mais  il  peut  arriver  que  B,  le  cessionnaire, 
meure  avant  A.  Autrefois,  si  B  avait  seul  obtenu  la  con- 
cession, à  l'exclusion  de  ses  héritiers,  le  bien  à  sa  mort 


DE   L'ESTATE  PUR    Ai'THE    VIE  18'.) 

devenait  en  quelque  sorte  vacant,  et  la  première  personne 
venue  pouvait  s'en  mettre  en  possession  et  le  conserver 
jusqu'au  décès  de  A  ;  on  la  désignait  sous  le  nom  de 
gênerai  occupant.  Si  la  concession  s'étendait  aux  héri- 
tiers de  B,  te  plus  proche  d'entre  eux  prenait  possession 
du  bien  dès  la  mort  de  son  auteur;  on  l'appelait  spécial 
occupant.  Aujourd'hui,  le  cessionnaire  B  a  le  droit  de 
disposer  par  testament  de  Vestate  pur  autre  t'/e*;  lors- 
qu'il n'use  pas  de  ce  droit,  le  bien  passe,  à  défaut  de  spé- 
cial occupant,  à  ses  exécuteurs  et  peut  être  affecté  par 
eux  au  paiement  de  ses  dettes,  le  solde  actif,  s'il  en  reste 
un,  devant  être  remis  à  son  plus  proche  héritier ^ 

277;  —  Lorsque  Xeslate  pur  autre  vie  a  été  constitué 
au  profit  de  B  et  de  ses  descendants  [the  heirs  of  his 
bodtj),  B  est  dit  avoir  un  qiiasi  estate  tail,  un  quasi-fief 
sulîstitué;  et,  tant  que  A  reste  en  vie,  le  bien  se  transmet 
aux  descendants  de  B,  absolument  comme  s'il  s'agissait 
d'un  fee  tail  ordinaire,  sauf  le  droit  qu'a  B,  comme  dans 
ce  dernier  cas,  d'exclure  sa  postérité  en  aliénant  son  droit. 

278.  —  L'intérêt  de  B  ou  de  ses  ayants-cause  étant 
que  la  vie  de  A  se  prolonge  le  plus  longtemps  possible,  on 
a  dû  prévoir  le  cas  où  B  commettrait  une  fraude  pour 
faire  croire  que  A  n'est  pas  encore  décédé.  Si  celui  à  qui 
le  bien  doit  faire  retour  après  ce  décès  a  de  justes  motifs 
de  croire  que  A  n^est  plus  en  vie,  il  peut,  par  un  affidavit, 
solliciter  du  chancelier  un  ordre  pour  B  de  produire  A 
d'après  la  méthode  décrite  dans  la  loi;  faute  de  quoi  A 
doit  être  tenu  pour  décédé,  et  B  pour  nn  violateur  du  droit 
de  propriété  [trespasserY . 


•  st.  29,  Car.    II,  c.  .i,  Sj  12;  1,  3  St.  6.  Anne,  c.   18;    Ex  parte 

Vicl.,  c.  2à,  §  3.  Grant,  Vesey's  Reports.  VI,  512. 

2  /6.;  St.  14,  Geo.  H,  c.  20,  §9. 


190  DU   TEXEMENT    VIAGER 

II 
Du  tènement  viager  {Estatc  for  life). 

Sommaire  :  279.  Rapports  et  ditïérences  avec  rusufruit  ;  durée  de  la 
jouissance.  —  280.  Cas  où  le  tènement  est  réputé  héréditaire  ou  sim- 
plement viager. —  281.  Cas  où  le  possesseur  d'un  fief,  en  Taliénant, 
s'en  réserve  l'usufruit  viager.  —  282.  Sett'emenls,  scttled  lands.  — 
283.  Légal  estâtes  for  life.  —  284.  Droits  du  tenant  à  vie  sur  le  bien. 
—  285.  Drainage;  améliorations;  droits  et  obligations  du  tenant.  — 
286.  Embiavures  ;  récoltes.  —  287.  Baux  consentis  par  le  tenant.  — 
288.  Le  tenant  n'a  pas  à  fournir  caution.  —  289.  Limites  de  son  droit 
de  disposition;  Settled  Land  Acts  de  1877  et  1882.  —  289  bis.  Small 
holdings  act  de  1892.  —  289  ter.  Extension  des  pouvoirs  d'administra- 
tion des  tenants  à  vie;  lois  de  1882,  1889,  1890.  —  290.  Règlement  du 
fermage  en  cas  de  décès  du  bailleur,  tenant  à  vie.  —  291.  Devoirs  du 
tenant  envers  le  reversioner  ou  7~e mander man. 

279.  —  Le  tènement  viager  n'est  pas  sans  analogie, 
quant  à  ses  effets,  avec  l'usufruit  viager  du  droit  romain 
ou  français.  Mais  il  s'en  distingue  par  un  caractère  essen- 
tiel :  il  confère  à  la  personne  qui  en  est  investie,  non  pas 
un  simple  démembrement  de  la  propriété,  le  droit  d'user 
et  de  jouir  de  la  chose,  mais  bien,  à  titre  temporaire,  la 
pleine  propriété  de  la  chose  ;  notre  expression  de  nue  pro- 
priété n'a  donc  pas  d'équivalent  en  anglais.  Quant  à  l'u- 
sufruit proprement  dit,  avec  ses  caractères  techniques,  et 
à  ses  diminutifs,  l'usage  et  l'habitation,  ils  n'existent  pas 
plus  dans  le  droit  anglais  que  notre  hypothèque  française*. 

Le  tènement  viager  se  prolonge  jusqu'à  la  moTi  natu- 
relle du  tenant.  Autrefois,  l'entrée  dans  les  ordres  sacrés 
et  la  mort  civile  y  mettaient  également  un  terme;  mais  il 
n'y  a  plus  aujourd'hui,  en  Angleterre,  de  couvent  où  l'on 
puisse  faire  légalement  profession,  et  la  loi  anglaise  ne 


*  Étude  de  M.  Albert  Payen  sur  la  propriété  iinmobiliLre  en  Angle- 
terre. Bull.,  VII,  263. 


DU    TENEMENT    VIAGER  l'JÎ 

lient  nul  compte  d'une  profession  faite  à  l'étranger;  d'au- 
tre part,  la  mort  civile  a  été  abolie*. 

280.  —  Lorsqu'un  immeuble  est  transféré  à  une  per- 
sonne par  acte  entre  viXs,  sans  qu'aucune  expression  n'in- 
dique que  ses  héritiers  devront  le  posséder  après  elle, 
l'acquéreur  n'a  sur  l'immeuble  qu'un  droit  viager.  11  en 
est  autrement  lorsque  l'immeuble  a  fait  l'objet  d'un  legs. 
On  a  reconnu  de  bonne  heure  que  des  testateurs  peu  in- 
struits pouvaient  ne  pas  se  rendre  compte  de  la  différence 
résultant,  quant  à  la  durée  des  droits  des  légataires,  du 
caractère  mobilier  ou  immobilier  de  l'objet  légué  et  s'ima- 
giner à  bon  droit  que,  si  un  cheval  ou  un  bijou  par  eux 
légué  appartient  au  légataire  et,  après  lui,  de  plein  droit, 
à  ses  ayants-cause,  il  devait  en  être  de  même  d'un  fonds 
déterre  :  pour  tenir  compte  de  la  différence  au  point  de 
vue  de  l'hérédité,  il  fallait  avoir,  sur  Torigine  féodale  de 
la  propriété  foncière,  des  notions  qu'on  ne  pouvait  raison- 
nablement exiger  du  premier  venu.  On  en  vint  donc  à 
admettre,  en  pratique,  que  le  legs  d'un  immeuble  impli- 
quait une  concession  héréditaire  toutes  les  fois  que  l'in- 
tention contraire  du  testateur  ne  résultait  pas  nettement 
du  texte  de  ses  dispositions®.  La  question  a  été  tranchée 
législativement  dans  ce  sens  en  1837". 

281.  —  A  l'époque  où  le  possesseur  d'un  fief  ne  pou- 
vait pas  en  disposer  par  testament,  il  arrivait  fréquemment 
qu'il  l'aliénât  entre  vifs  en  s'en  réservant  l'usufruit  viager. 
Ce  genre  de  dispositions  est  devenu  beaucoup  plus  rare 
maintenant  que,  par  une  disposition  testamentaire,  le  pos- 

5  Blackstone,!,  132;  St.  .SI,  Geo.  ''    Lord    Mansfield,     IJoyun    c. 

II.  c.  :i2,  §  17:  10.  Geo.  IV,  c.  7.  Jackxon,  Ce  vper,  Reports,  :3<J6. 
§â  28-37;  2  .;i  3,  Guill.  IV,  c.  115; 

§4.—  St.  33  et  3'»,   Vict.,  c.  2:5;  ^    St.   7,    Gui!.    IV,  et  1,   Vicl., 

42  et  43,  Vicl.,  c.  50,  §  3.  c.  20,  §  28. 


192  DU    TENEMENT   VIAGER 

sesseur  arrive,  quant  à  lai-même,  au  même  résultat  sans 
enchaîner  d'avance  sa  liberté.  Toutefois,  en  matière  de 
contrat  de  mariage,  le  cas  se  présente  encore  :  le  posses- 
seur remet  le  bien  à  des  trustées,  sous  réserve  de  jouis- 
sance viagère  à  son  profit,  son  fils  aîné  étant  constitué 
tenant  in  tail,  et,  s'il  devait  succomber  sans  laisser  de 
postérité,  le  second  fils  étant  constitué  subsidiairement  en 
la  même  qualité  [tenant  in  tail  in  remainder),  et  ainsi  de 
suite. 

282.  —  On  désigne,  en  Angleterre,  sous  l'expression 
technique  de  settled  lands  les  terres,  dont,  en  vertu  d'un 
acte  exprès,  entre  vifs  ou  testamentaire,  la  transmission 
après  décès  est  Umitée  à  certaines  personnes  ou  réservée 
au  profit  de  certaines  personnes  déterminées;  de  telle  sorte 
que,  comme  dans  les  majorais  du  droit  français,  celui  qui 
s'en  trouve  actuellement  investi  n'a  qu'un  droit  tout  viager 
et  par  conséquent  limité,  la  fondation  devant  passer  in- 
tacte à  d'autres  après  lui  et  étant,  dans  ce  cas,  et  le  plus 
souvent,  placée  sous  la  garde  de  trustées.  Les  settlements, 
pour  lesquels  le  vocabulaire  juridique  français  ne  nous 
offre  aucun  équivalent  exact,  sont  l'une  des  clauses  les 
plus  fréquentes  dans  les  contrats  de  mariage;  mais  ils 
peuvent  aussi  être  créés  en  dehors  de  ce  cas  spécial,  no- 
tamment par  testament. 

283.  —  Indépendamment  des  tènements  viagers  pro- 
venant d'une  concession  volontaire,  il  y  en  a  de  légaux 
{légal  estâtes  for  life),  qui  découlent  d'une  disposition 
expresse  de  la  loi,  notamment  au  profit  de  l'époux  survivant. 
Le  mari  survivant  est  tenant  by  the  curtesy  of  England 
des  immeubles  délaissés  par  sa  femme  (cpr.  n°  182).  A 
l'inverse,  la  femme  survivante  a  un  estate  in  dower  sur 
les  biens  de  son  mari  (cpr.  n°'  174-178). 


DU  TENEMENT  VIAGER  193 

284.  —  Le  tenant  à  vie  a,  sauf  convention  ou  pres- 
cription contraire,  le  droit  de  couper  le  bois  de  chauffage 
ou  de  construction  dont  il  a  besoin,  ainsi  que  le  bois  néces- 
saire à  l'entretien  des  haies  et  clôtures  ;  le  bois  ou  les  pou- 
trages  abattus  par  le  vent  lui  appartiennent.  Mais  il  ne 
peut  pas  commettre  de  wastes,  de  dégâts  positifs  ou  néga- 
tifs, c'est-à-dire,  dégrader  lui-môme  l'immeuble  volontai- 
rement ou  par  incurie,  ou  le  laisser  se  dégrader  faute  des 
réparations  voulues.  Il  faut  ranger  sous  la  rubrique  des 
wastes  qui  lui  sont  interdits,  le  fait  d'abattre  des  arbres  de 
haute  futaie  (en  dehors  des  hypothèses  prévues  plus  haut), 
de  démolir  des  bâtiments,  d'ouvrir  des  mines  ougravières, 
de  modifier  les  cultures  ou  les  assolements,  de  détruire 
les  dépendances  du  bien,  pigeonniers,  garennes,  etc.  Si 
des  mines  ou  gravières  sont  déjà  ouvertes  sur  le  domaine, 
il  peut  continuer  à  les  exploiter.  Quant  aux  arbres  de  haute 
futaie,  lorsqu'il  s'en  trouve  qui  périraient  ou  se  détériore- 
raient si  on  les  laissait  debout,  la  cour  de  Chancellerie 
peut  en  autoriser  la  vente,  le  prix  appartenant,  en  nue 
propriété,  au  reversioner  ou  au  remainderman  et,  en  usu- 
fruit, au  tenant  à  vie^  Une  loi  récente  lui  donne  même  la 
faculté  d'autoriser  une  semblable  vente  en  dehors  de  ce 
cas  spécial,  pourvu  qu'il  ne  s'agisse  pas  d'arbres  d'orne- 
jnent  [ornemental  timber)^.  Au  reste,  il  arrive  souvent 
qu'un  bien  soit  donné  en  usufruit  viager  «  sans  nulle  ré- 
serve quant  aux  dégâts  »  [ivithout  impeachment  ofwaste). 
Dans  ce  cas,  le  tenant  a  le  droit  de  faire  les  diverses  opé- 
rations susmentionnées,  qui  lui  sont  interdites  au  cas  con- 
traire; demeurent  exceptées,  néanmoins,  celles  qui  ren- 


»  Co.  Litt.,  41,  sv.  ;  Blackstone,  »  Setlled  estâtes  act  de  1877   St. 

tr.  fr.,  Ili,  141,  sv.;   St.  19  et  20,  40  et  H,  Vict.,  c.  18,  §  16i. 
Vict.,  c.  12U,  §§  2  etll. 

Lehr.  1;j 


194  DU   TÈNEMENT   VIAGER 

treDt  dans  ce  qu'on  appelle  équitable  wastes  parce  que  les 
cours  d'équité  ne  manqueraient  pas  de  les  réprimer,  sa- 
voir :  le  fait  de  démolir  ou  de  défigurer  la  maison  de  la  fa- 
mille [the  familij  house)^  d'abattre  les  arbres  d'ornement, 
et  autres  injuries  analogues.  La  loi  sur  l'organisation  ju- 
diciaire de  1873,  §  25,  3°,  confirme  cette  prohibition  :  le 
tenant,  à  moins  d'y  être  formellement  autorisé,  ne  peut  se 
permettre  aucun  des  équitable  wastes  précédemment  in- 
terdits par  la  jurisprudence  des  cours  d'équité. 

285.  —  En  vertu  du  statut  8  et  9,  Vict.,  c.  56,  le  te- 
nant à  vie  et,  en  général,  toute  personne  ayant  sur  une 
terre  des  droits  limités  pouvaient  déjà  se  faire  autoriser 
par  la  cour  de  Chancellerie  à  exécuter  sur  le  fonds  des 
travaux  de  drainage;  si  la  cour  jugeait  les  travaux  avan- 
tageux pour  tous  les  intéressés,  le  fonds  était  grevé  du 
prix  capital  qu'ils  devaient  coûter,  à  charge  d'amortisse- 
ment par  annuités  et  de  bonification  d'un  intérêt  de 
5  0/0  au  plus,  payable  par  semestre.  Les  Public  mo- 
ney  drainage  acts^°  prévirent  pour  les  mêmes  personnes 
la  possibilité  d'obtenir,  en  vue  de  travaux  de  drainage, 
des  avances  du  gouvernement,  remboursables  en  vingt- 
deux  ans  sous  la  forme  d'une  rente  foncière  de  6  1/2  0/0 
l'an.  Aujourd'hui,  le  Impruvement  of  land  act  da  1864 
(St.  27  et  28,  Vict.,  c.  114)  facilite,  en  général,  non 
plus  seulement  le  drainage  des  terres,  mais  tous  les  tra- 
vaux destinés  à  les  améliorer,  en  permettant  de  les  grever, 
pour  sûreté  des  capitaux  nécessaires,  de  rentes  foncières 
calculées  sur  le  pied  de  o  0/0  au  plus  et  devant  être  rache- 
tées dans  un  délai  maximum  de  vingt-cinq  ans  (§  26);  ces 
prêts  hypothécaires  sont  placés  sous  ka  surveillance  des 

>o  St.  9  et  10,  c.   101  :  10  et  il,         c.  31  ;  19  et  20.  c.  9,  tous  du  règne 
c.  il;  11  et  12,  c.  119;   1-3  et  14,        de  Victoria  I. 


DU    TliNEMKNT   VfAGEH  195 

Inchsure  commissioners  for  Engla7id  and  Wales^  et, 
en  Irlande,  sous  celle  de  la  Commission  des  travaux  pu- 
blics. La  loi  connue  sous  le  nom  de  Limited  owner's  résiden- 
ces act  1870  amendment  act  1871  (34  et  35,  Vict.,  c.  84) 
range  parmi  les  améliorations  auxquelles  se  réfère  la  loi 
de  1864  la  construction  ou  l'agrandissement  d'une  maison 
d'habitation  ou  d'autres  bâtiments  ou  dépendances  néces- 
saires; seulement  la  somme  dont  le  bien  serait  grevé  pour 
cet  objet  ne  doit  pas  dépasser  deux  annuités  nettes  du  revenu 
totaldel'e5/a/e(§§3et4). 

Enfin,  deux  lois  de  1864  et  1877"  permettent  de  gre- 
ver un  estate  for  life  :  1"  en  vue  de  concourir  à  la  con- 
struction de  chemins  de  fer  ou  de  canaux  sur  le  domaine 
ou  dans  le  voisinage,  si  ces  travaux  doivent  avoir  pour 
effet  d'augmenter  la  valeur  du  domaine;  ,2°  dans  le  but 
d'établir  des  réservoirs  ou  autres  ouvrages  permanents 
pour  avoir  de  l'eau  dans  la  propriété. 

Les  autres  améliorations  projetées  par  un  tenant  à  vie 
doivent  être  exécutées  exclusivement  à  ses  frais '^  Cette 
règle  de  droit  civil  offre,  au  point  de  vue  économique,  les 
plus  graves  inconvénients.  Elle  aboutit  à  un  réel  divorce 
entre  le  capital  et  la  terre.  L'agriculture  réaliserait  de 
grands  progrès,  pense-t-on,  si  les  tenants  à  vie  n'étaient 
pas  retenus  par  la  crainte  de  ne  pouvoir  se  faire  rem- 
bourser leurs  dépenses  utiles. 

286.  —  Si  le  tenant  qui  a  ensemencé  le  bien  meurt 
avant  la  moisson,  ses  héritiers  ont  droit  aux  fruits.  Il  en 
est  ainsi  toutes  les  fois  que  sa  jouissance  prend  fin  en 
vertu  des  décrets  de  la  Providence  ou  de  par  la  loi,  mais 


>'  st.  27  et  28,  Vict.,  c.  114;  40       p.   124.  Cfr.  Sir  F.  Pollock,  Land 
et  41,  Vict.,  c.  31.  Lawt,  p.  188. 

>2W'illiam.s,  healprop.,\^' éàil.. 


196  DU  TENEMENT   VIAGER 

non  lorsqu'elle  cesse  à  raison  d'un  acte  volontaire  de  sa 
part;  par  exemple,  parce  qu'une  veuve  usufruitière  se  re- 
marie nonobstant  la  clause  de  l'acte  constitutif  qui  limitait 
sa  jouissance  à  la  durée  de  son  veuvage.  Néanmoins,  dans 
ce  dernier  cas,  le  fermier  du  tenant  aurait  droit  à  la  récolte 
due  à  ses  soins'^ 

287.  —  Lorsque  le  tenant  a  affermé  le  domaine  et  vient 
à  mourir  avant  l'expiration  du  bail,  le  fermier  a  le  droit  de 
rester  sur  le  bien  jusqu'à  la  fin  de  l'année  courante,  et  le 
fermage  se  partage  proportionnellement  entre  les  héritiers 
du  tenant  et  ceux  à  qui  le  bien  échoit  en  suite  de  son  décès  '*. 

288.  —  Le  tenant  à  vie  n'est  pas  tenu  de  fournir  cau- 
tion ou  de  donner  des  sûretés  à  raison  desivastes  qui  pour- 
raient être  commis  pendant  la  durée  de  sa  jouissance;  et 
l'on  n'a  pas  le  droit  de  l'expulser  sous  prétexte  qu'il  n'en  a 
point  donné.  Mais,  lorsqu'il  est  sur  le  point  de  commettre 
Tun  des  actes  qui  lui  sont  interdits,  on  peut  presque  toujours 
obtenir  de  la  cour  de  Chancellerie  une  injonction^  à  laquelle 
se  rattache  l'obligation  pour  lui  de  fournir  des  sûretés;  on 
peut  aussi  diriger  contre  lui  une  action  en  dommages  et 
intérêts  (au  lieu  et  place  de  l'ancien  writ  of  ivaste,  au- 
jourd'hui aboli)  *\ 

289.  —  Le  tenant  à  vie  ne  peut  disposer  du  bien  que 
dans  la  mesure  de  son  propre  droit  de  jouissance  ou  de 
la  liberté  qui  lui  a  été  expressément  accordée  à  cet  effet 
par  l'acte  constitutif.  Autrefois,  quand  il  outrepassait  son 
droit,  par  exemple  en  transmettant  le  bien  à  titre  de  fief 
simple,  il  était  immédiatement  dépouillé  de  son  estate  au 
profit  de  la  personne  appelée  aie  recueillir  après  lui;  mais 

"  Cro.  Eliz.,  461;  1  Roll,.  Abr.,  II,   c.  19,  §  15;    14  et  15,  Vict.,  c. 

727.  25,  §  1. 

'*  A'pportion nient  of  rent   act 

St.  4  et  5,  Guil.  IV,  c.22;  11,  Geo.  is  St.  3  et  4,  Cuil.  IV,  c.  27. 


DU    TENE.MENT   VIAGER  197 

il  n'en  est  plus  ainsi  depuis  le  statut  8  et  9,  Viol.,  c.  106, 
§  4.  De  même,  autrefois,  le  tenant  ne  pouvait  consentir  un 
bail  pour  une  durée  excédant  sa  propre  vie  à  moins  d'y 
avoir  été  expressément  autorisé  par  une  disposition  entre 
vifs  ou  testamentaire;  mais  une  loi  de  1836  (St.  19  et  20, 
Vict.,  c.  120),  rendue  pour  faciliter  la  location  ou  l'aliéna- 
tion des  biens  grevés  de  substitution,  a  permis  au  tenant 
à  vie  de  consentir  valablement,  moyennant  une  simple 
autorisation  de  la  cour  de  Chancellerie  et  pourvu  que  la 
faculté  ne  lui  en  eût  pas  été  formellement  enlevée  by  deed 
or  by  vÀll,  tous  baux  n'excédant  pas  vingt  et  un  ans 
(§32)*^ 

Cette  faculté  a  été  expressément  confirmée  en  faveur  du 
tenant  à  vie  par  \eSettled estâtes  act  de  1877'",  à  la  con- 
dition que  le  bail  soit  fait  par  écrit,  qu'il  ne  porte  pas  sur 
la  maison  d'habitation  principale  et  sur  ses  dépendances 
immédiates,  que  le  contrat  stipule  un  loyer  raisonnable, 
n'autorise  pas  le  fermier  à  commettre  aucun  ivaste,  et  pré- 
cise qu'il  pourra  être  résolu,  au  gré  des  personnes  qui  re- 
cueilleront le  bien  après  le  décès  du  tenant  à  vie,  si  le  fer- 
mier ne  paye  pas  le  loyer  dans  les  vingt-huit  jours  à  par- 
tir de  l'échéance  ou  viole  quelque  autre  des  clauses  du 
bail  (§§  46,  48).  Moyennant  ces  conditions,  tout  bail  passé 
par  un  tenant  à  vie  postérieurement  au  1"  novembre  1856 
et  pour  un  terme  n'excédant  pas  vingt  et  un  ans  en  Angle- 
terre et  trente-cinq  ans  en  Irlande  est  opposable  à  ceux  à 
qui  le  bien  fait  retour  après  lui.  La  cour  de  Chancellerie 
peut,  du  reste,  autoriser,  indépendamment  des  baux  de 
ladite  durée  pour  les  terres  arables,  des  baux  de  quarante 
ans  pour  l'exploitation   de  mines,  l'usage  de  cours  d'eau, 

«s  Cpr.  21  et  22,  Vict.,  c.  77.  n  St.  40  et  41,  Vict.,  c.  18. 


198  DU   TENEMENT    VIAGER 

des  permissions  de  prise  d'eau:  ou  de  passage  ;  —  des  baux 
de  soixante  ans,  pour  un  repairing  lease\  —  des  baux  de 
quatre-vingt-dix-neuf  ans,  pour  des  terrains  à  surbâtir; 
—  et  même  des  baux  plus  longs,  excepté  pour  les  terres 
arables,  si  elle  estime  que  le  contrat  est  avantageux  au  do- 
maine (§  4). 

Le  régime  introduit  par  le  Settled  Land  act  de  1877, 
afin  d'obvier  aux  inconvénients   découlant  forcément  de 
Tinaliénabilité  des   terres  grevées  de  substitution,  a  été 
consolidé  et  élargi  par  une  nouvelle  loi  sur  la  même  ma- 
tière, du  10  août  1882  (St.  45  et  46,  Vict.,  c.  38).  D'a- 
près la  loi  de  1877,  la  cour  pouvait  permettre  aux  trus- 
tées d'aliéner  tout  ou  partie   des  biens  sous  la  condition 
que  le  prix  en  servît  soit  à  acquitter  les  charges  dont  ils 
étaientgrevés,  soit  à  un  remploi  immobilier.  La  loi  de  1882 
accorde  de    plein  droit  cette  faculté    au  tenant  à  vie  lui- 
même,  le  consentement  des  trustées  ou  de  la  cour  n'étant 
réservé  que  dans  deux  ou  trois  cas  exceptionnels.  D'après 
le  §  3,  le  tenant  à  vie  peut  aujourd'hui  :  1°  aliéner  le  settled 
land  en  tout  ou  en  partie,  et  le  grever  de  toute  servitude  ou 
autre  droit  réel;  2''  si  le  settlement  comprend  un  manoir, 
vendre  la  seignory  de  tout  franc-tènement  en  dépendant, 
ou  ioulcopyhold,  de  façon  à  affranchir  les  terres;  3°  échan- 
ger les  terres  avec  ou  sans  soulte;  le  tout,  aux  meilleures 
conditions  possibles  (§  4),  et  à  charge  soit  de  placer  les 
fonds  provenant  de  l'opération  en  l'une  ou  l'autre  des  va- 
leurs prévues  par  la  loi  (§  21),  soit  de  les  employer  aux 
améhorations  également  prévues  par  elle  (§  25)  ;   ce  qui 
revient  à  dire,  en  somme,  qu'il  lui  est  seulement  interdit 
de  se  les  approprier  pour  son  usage  personnel.    D'autre 
part,  le  tenant  a,  d'après  le  §  6,  la  faculté  d'accorder  lui- 
même  les  baux  de  diverses  longueurs,  énumérés  plus  haut 


DU   TKNE.MKNT   VIAGER  199 

et  pour  lesquels  la  loi  de  1877  (§  4)  exigeait  ane  autori- 
sation de  justice;  le  nouvel  article  exige  seulement  qu'ils 
soient  faits  par  deed  et  contiennent  une  clause  résolutoire 
en  cas  de  non-payement  du  fermage  (§7)". 

289  bis.  —  Le  Small  Holdings  act  de  1892  a  introduit 
dans  la  législation  un  nouveau  cas  où  la  vente  d'un  tène- 
ment  viager  est  possible.  Cette  loi  permet,  en  effet,  au  tenant 
à  vie  de  céder  sa  propriété  viagère  à  un  Conseil  de  comté, 
en  échange  d'une  rente  perpétuelle  dont  le  bien  ainsi  aliéné 
restera  la  garantie".  Le  but  de  celte  disposition  a  mani- 
festement été  de  faciliter  aux  Conseils  de  comté  l'acquisi- 
tion des  terrains  à  répartir  par  voie  de  lotissements  enlre 
les  membres  de  la  classe  ouvrière.  Dans  les  régions  où  le 
système  des  substitutions  embrasse  la  totalité  du  territoire, 
les  Conseils  de  comté  eussent  pu  se  trouver  dans  l'impos- 
sibilité de  faire  les  achats  voulus  en  vue  d'assignations 
plébéiennes. 

Malheureusement  ce  texte  nouveau,  qui  devait  contri- 
buer à  battre  en  brèche  l'inaliénabilité  des  biens  immobi- 
liers, rétablit  dans  une  certaine  mesure  un  des  pires  incon- 
vénients du  régime  féodal,  en  créant  des  rentes  foncières 
à  la  charge  des  Conseils  de  comté. 

289  ter.  —  Tandis  que  les  pouvoirs  de  disposition  des 
tenants  à  vie  restent  encore  très  restreints,  leurs  pouvoirs 
d'administration  s'étendent  et  se  généralisent  chaque  jour. 
La  différence  devient  toujours  plus  considérable  entre  la 
situation  d'un  tenant  à  vie  et  celle  d'un  simple  usufruitier. 
Tandis  que  l'un  n'a  que  les  bénéfices  de  la  possession, 
l'autre  est  un  vrai  propriétaire,  dont  le  droit  n'est  limité 

18  Wolstenholme  et  Turner.  The  étrnng.,  XII,  63.  Etude  de  .M.  Gi- 

Se.Uled  Land  .Ict   1882,    Londres,  got,  liull.,  IX,  326. 
1883.  Notice   ol  analyse  de  la  loi, 

par    M.   Nicolas,    .4nn.    de     lég.  "  St.  jô  et  56,  Vict.,  c.  31. 


200  DU   TENEMENT   VIAGER 

qu'au  point  de  vue  de  sa  durée.  C'est  ainsi  que,  dès  1882^°^ 
on  a  supprimé  la  nécessité  d'une  autorisation  de  justice 
pour  la  validité  des  baux  de  longue  durée  consentis  par  le 
tenant  à  vie^'.  En  1889,  un  nouveau  Settled  land  act-^  a 
autorisé  le  tenant  à  vie  à  donner  à  son  preneur  à  bail  le 
droit  d'acheter  dans  le  délai  de  dix  ans,  et  pour  un  prix 
déterminé  lors  de  l'entrée  en  jouissance,  la  pleine  propriété 
de  l'immeuble.  Cette  clause  sera  opposable  au  propriétaire 
en  expectative;  mais,  si  le  preneur  à  bail  s'en  prévaut,  il 
est  évident  que  le  prix  par  lui  payé  devra  être  employé 
en  conformité  de  la  loi  de  1882. 

Plus  récemment  encore  une  loi  de  1890"^  a  supprimé  la 
nécessité  d'un  acte  authentique  pour  les  baux  de  moins 
de  3  ans  consentis  par  les  tenants  à  vie,  et  c'est  là  un  véri- 
table hommage  du  législateur  à  l'indépendance  des  pro- 
priétaires nominalement  grevés  de  substitution. 

La  loi  qui  vient  d'être  citée  a  réalisé  une  innovation 
plus  radicale  encore,  en  décidant  que  l'inaliénàbilité  con- 
ventionnelle ne  frapperait  plus  l'habitation  principale  du 
domaine,  à  moins  que  celle-ci  ne  représentât,  avec  son  parc 
et  ses  dépendances,  une  surface  de  plus  de  23  acres  (en- 
viron 12  hectares).  Ainsi  conçue,  l'inaliénabihté  de  la  mai- 
son du  maître  forme  un  assez  plaisant  contraste  avec 
l'institution  du  Bomestead.  Au  lieu  d'être  une  sauve- 
garde pour  les  petits^  elle  n'est  qu'une  entrave  pour  les 
grands. 

Si,  à  la  suite  de  ces  réformes  successives,  on  cherche  à 


20  St.  45  et  46,  Yict.,  c.  38,  §  6.  pour  une  concession  minière,  et  de 

2»  Les  baux  de  longue  durée  que  21  ans  dans  tous  les  autres  cas. 

peut    consentir    un  tenant    à     vie  22  gf.  52  et  53,  Vict.,  c.  36. 

sont    cependant    assujettis    à    un  23  st.  53  et  54  Vict.,  c.  69.  Cfr. 

maximum  qui  est  de  *J9  ans  pour  Dixon,  Law  of  the  Farm,  pp.  409, 

un  bail  emphytéotique,   de  60  ans  410. 


DU    TENEMENT    VIAGER  201 

se  rendre  compte  de  ce  qui  subsiste  de  Tinaliénabilité  tra- 
ditionnelle des  tènements  viagers,  on  constate  la  survi- 
vance tenace  de  six  vestiges  féodaux  : 

1**  Persistance  de  la  condition  d'emploi  ou  de  remploi  en 
cas  d'aliénation  entre  vifs; 

2°  Nécessité  d'un  acte  solennel  pour  tout  bail  de  plus  de 
3  ans  que  consent  le  tenant  à  vie  ; 

3°  Absence  pour  le  tenant  à  vie  de  tout  moyen  de  se 
faire  indemniser  des  améliorations  par  lui  apportées  à  l'im- 
meuble, alors  même  qu'il  s'agit  d'améliorations  pour  les- 
quelles un  preneur  à  bail  aurait  droit  à  une  compensation; 

4°  Persistance  de  l'impossibilité  de  vendre  ou  même 
louer  l'habitation  personnelle  et  ses  dépendances  lorsque 
la  surface  en  dépasse  25  acres  ; 

5°  Faveurs  spéciales  des  lois  fiscales  pour  les  constitu- 
tions de  tènements  viagers; 

6"  Interdiction  au  tenant  à  vie  de  commettre  aucun 
waste,  c'est-à-dire  de  modifier  aucunement  l'état  origi- 
naire du  fonds,  fût-ce  dans  l'intérêt  de  l'exploitation. 

290.  —  Pendant  longtemps,  lorsqu'un  tenant  à  vie, 
avait  loué  le  bien  moyennant  une  rente  trimestrielle  ou 
semestrielle,  le  preneur  ne  devait  rien  à  personne  pour  le 
temps  écoulé  entre  le  dernier  terme  et  le  jour  du  décès. 
Lorsque  le  tenant  avait  fait  une  location  opposable  à  ses 
successeurs  dans  la  possession  du  bien,  c'étaient  ceux-ci 
qui  percevaient  tout  le  terme  échu  postérieurement  au  jour 
du  décès,  sans  que,  dans  ce  cas,  les  héritiers  et  ayants- 
cause  du  défunt  pussent,  plus  que  dans  le  cas  précédent, 
prétendre  aucune  part  proportionnelle  pour  le  nombre  de 
jours  ou  de  mois  écoulés  antérieurement  au  décès.  Après 
plusieurs  essais  partiels  faits  par  le  législateur  pour  obvier 


202  DU    TÈNEMENT   VIAGER 

à  celte  double  injustice-*,  il  y  a  été  définitivement  re- 
médié par  VApporlionment  ad  du  l"  août  1870  (St.  33  et 
34,  Vict.,  c.  33),  en  vertu  duquel  toute  rente  et  tout  re- 
venu périodique  quelconque  sont  réputés,  comme  les  inté- 
rêts de  capitaux,  s'acquérir  jour  par  jour  et  se  répartissent 
entre  les  ayants-droit  en  raison  de  la  durée  de  leurs  droits 
respectifs. 

291.  —  Le  tenant  à  vie  n'est  pas  tenu  de  fournir  des 
aliments  au  reversioner  ou  au  remainderman  qui  se  trouve 
dans  le  besoin,  à  moins  que  cette  charge  ne  lui  ait  été  ex- 
pressément imposée  par  une  convention  entre  vifs  ou  par 
une  disposition  testamentaire-^. 


2*  st.  11,  Geo.  II,  c.  19,  §  15;  3  23  Paterson,  Gomp.,  n»  72. 

et  4,  Guil.  IV,  c.  22,  §  2. 


SECTION  TROISIÈME 

DES   DROITS  IMMOBILIERS  INFÉRIEURS  ^ 
AUX    FRANGS-TÈNEMENTS. 

(Estâtes  less  than  freeholds).  .- 

INTRODUCTION. 

Sommaire  :  292.  Énumération.  —  293.  Caractères  de  la  tenure  for  years 
comparée  aux  freeholds. 

292.  —  On  comprend  sous  celte  rubrique  trois  lenures 
différentes  :  1°  les  possessions  à  temps  {estâtes  for  years); 
2°  les  possessions  à  wohnié  {estâtes  at  luill),  et  3°  les  pos- 
sessions par  simple  tolérance  {estâtes  hy  sufferance). 

293.  —  La  possession  à  temps  ou  pour  un  nombre 
•déterminé  d'années,  c'est-à-dire  le  droit  pour  un  individu 
d'user  et  de  jouir  d'une  lerre  pendant  un  certain  temps, 
moyennant  certaines  conditions  et  notamment  le  payement 
d'un  fermage,  est  d'une  importance  capitale;  c'est  le  bail 
à  ferme,  avec  les  diverses  modifications  qu'il  comporte. 
Nous  en  ferons  l'objet  d'une  étude  approfondie.  Qu'il  nous 
suffise  de  dire,  dans  ce  moment,  que  les  tenures  à  terme 
sont  placées  par  la  loi  anglaise  au-dessous  des  tenures  ù 
vie  et,  à  plus  forte  raison,  des  estâtes  of  inheritance. 
Tandis  que  la  simple  tenure  à  vie  constitue  un  franc-tène- 
ment,  c'est-à-dire  un  droit  réel  immobilier,  la  tenure  for 
Tjears  rentre  dans  la  catégorie  des  chattels  ou  biens  per- 


204  DES    POSSESSIONS  A  VOLONTE 

sonnels.  11  en  résulte  que  la  possession  à  terme  peut  être 
stipulée  à  partir  d'une  date  plus  ou  moins  éloignée,  in 
fiititro,  parce  qu'elle  n'exige  pas  comme  \e  freehold^  pour 
être  valable,  l'investiture  effective  et  immédiate  du  tenant. 
La  concession  d'une  semblable  possession  ne  confère,  par 
elle-même,  au  preneur  que  le  droit  de  s'installer  sur  le  bien 
à  l'époque  fixée  par  le  contrat,  ce  qu'on  appelle  son  inté- 
rêt dans  le  «  terme  »  [interesse  termini).  Ce  n'est  que 
quand  il  s'y  est  effectivement  installé  qu'il  est  réputé  pos- 
sesseur du  «  terme  »  ;  possesseur  du  droit  spécial  décou- 
lant pour  lui  sur  l'immeuble  de  son  mode  de  tenure,  et 
non  pas,  qu'on  le  remarque,  possesseur  de  la  terre  elle- 
même,  car  cette  possession-là  ne  cesse  pas  de  reposer  sur 
la  tête  du  freeholder,  bailleur. 


CHAPITRE  I 
Des  possessions  à  volonté  et  par  simple  tolérance. 

I 
Des  possessions  à  volonté. 

Sommaire  :   294.  Définition  de  la  possession  à  volonté.  —  295.  Droits 
du  tenant.  —  296.  Règles  sur  le  congé. 

294.  —  La  tenure  à  volonté  [at  will)  est  celle  d'a- 
près laquelle  la  durée  de  la  possession  n'est  pas  fixée 
d'avance,  mais  dépend  du  bon  plaisir  de  chacune  des 
deux  parties.  11  est  pourtant  admis,  sauf  disposition 
contraire,  que  les  parties  sont  réciproquement  liées  d'an- 
née en  Jannée'. 

1  st.  t9.  Car.  II,  c.  2. 


DES   POSSESSIONS  A  VOLONTE  2(J5 

295.  —  Le  tenant  ne  pouvant  savoir  d'avance  quand 
il  conviendra  au  propriétaire  de  l'expulser,  ni,  par  con- 
séquent, s'arranger  de  façon  à  ne  pas  souffrir  d'une 
expulsion  à  contre-temps,  s'il  a  ensemencé  la  terre  et  que 
le  propriétaire  le  force  à  déguerpir  avant  la  récolte,  il 
n'en  a  pas  moins  le  droit  de  venir  la  faire  à  son  propre 
profit.  Mais  il  n'aurait  pas  ce  droit  si  c'est  lui  qui  a 
donné  congé  :  la  récolte  appartiendrait,  dans  ce  cas,  au 
propriétaire  *. 

296.  —  Le  congé  est  réputé  donné  non  seulement  par 
une  notification  expresse,  mais  encore  par  tout  acte  du 
propriétaire  incompatible  avec  les  droits  du  tenancier, 
tel  que  le  fait  d'entrer  dans  le  domaine,  d'y  couper 
du  bois,  de  le  saisir  pour  une  rente,  de  le  grever  d'une 
rente,  de  le  louer  pour  un  certain  nombre  d'années  avec 
droit  de  jouissance  immédiate  pour  le  preneur;  ou  par 
tout  acte  du  tenancier  outrepassant  son  droit  ou  en 
impliquant  l'abandon;  ou,  enfin,  par  la  mort  ou  la  mise 
hors  la  loi  de  l'une  des  deux  parties ^  Au  reste,  la  loi 
veille  à  ce  qu'aucune  d'elles  ne  subisse  un  préjudice  à 
raison  d'une  résiliation  trop  brusque  du  contrat.  Ainsi, 
à  part  la  règle  indiquée  plus  haut  relativement  aux  em- 
blavures,  le  propriétaire  doit  toujours  laisser  au  tenan- 
cier congédié  la  faculté  d'accès  et  le  temps  nécessaires 

"  pour  déménager  ses  efTels  ^  D'un  autre  coté,  si  le  tenan- 
cier avait  une  rente  trimestrielle  à  payer,  il  n'en  doit 
pas  moins,  lorsqu'il  renonce  à  sa  tenure,  tout  le  quartier 
courant  au  moment  où  il  se  retire".  Enfin,  pour  les  te- 
nures  réputées  consenties   d'année  en   année,  le  congé 

2  Co.   Litt.,  55,    56;  Blackstone,        Abridg.,  860  ;ô  Rep.,   llG;Black- 
trad.  fr.,  II,  5i4.  stone,  trad.  Ir.,  II,  54 i, 

*  Go.  LilL,  59. 

3  Co.    Litt.,  55  et  suiv.;  1  HoIIe,  ^  Salkeld's  lîeporta,  il4. 


206  DES   POSSESSIONS    PAH    SIMPLE  TOLERANCE 

doit  être  donné  de  part  et  d'autre  six  mois  à  l'avance; 
si  le  propriétaire  meurt  avant  d'avoir  révoqué  la  con- 
cession, son  héritier  ne  peut  également  évincer  le  tenan- 
cier que  moyennant  un  avertissement  préalable  de  six 
mois®. 

II 
Des  possessions  par  simple  tolérance. 

Sommaire  :  297.  Tenure  par  simple  tolérance.  —  298.  lademnité  éven- 
tuelle. —  299.  Cas  où  cette  tenure  se  convertit  en  tenure  annuelle. 

297.  —  La  tenure  par  simple  tolérance  [tenancy  on 
sufferance)  est  celle  qui,  fondée  dans  le  principe  sur  un 
titre  légal,  se  prolonge  au  delà  du  terme  résultant  de  ce 
titre;  par  exemple,  celle  du  fermier  qui  reste  en  pos- 
session du  bien  après  l'expiration  de  son  bail.  Personne 
ne  peut  se  prévaloir  d'une  semblable  tenure  contre  la 
couronne,  à  qui  la  loi  n'impute  jamais  aucune  négligence 
pour  n'avoir  pas  immédiatement  repris  possession  du 
bien  :  le  tenancier  de  la  couronne  qui  resterait  au  delà 
de  l'échéance,  serait  regardé  comme  étant  installé  sans 
droit  sur  la  propriété  d'autrui.  Quant  au  tenancier  d'un 
simple  particulier,  il  n'est  réputé  en  contravention  que 
lorsque  le  propriétaire  est  entré,  de  fait,  sur  la  propriété 
et  l'a  expressément  renvoyé  ;  jusqu'à  ce  moment,  le  pro- 
priétaire ne  peut  pas  actionner  le  tenant  comme  le  trou- 
blant dans  ses  droits,  ainsi  qu'il  aurait  le  droit  de  le 
faire  à  l'égard  d'un  tiers''. 

298.  —  D'après  le  statut  4,  Geo.  II,  c.  24,  lorsqu'un 
tenant  à  vie  ou  à  terme  (ou  ses  ayants-cause)  dépasse  le 


6  Term  Reports,  II,  159;  Black-  "  Co.  Lilt.,  57. 

stone,  trad.  fr.,  il,  552,  note  1. 


DES   POSSESSIONS   A    TEMPS  207 

terme  qui  lui  a  élé  fixé,  sans  tenir  compte  de  la  récla- 
mation de  ceux  à  qui  le  bien  doit  passer  après  lui,  il  est 
passible,  pour  le  temps  pendant  lequel  il  sera  resté  indû- 
ment en  possession,  d'une  indemnité  proportionnelle,  cal- 
culée sur  le  pied  de  deux  fois  le  revenu  annuel.  Une  indem- 
nité analogue  est  due  par  le  tenancier  qui,  ayant  donné 
régulièrement  congé,  ne  déguerpit  pas  pour  l'époque  par 
lui  fixée*. 

299.  — Lorsqu'untenantayant  un  bail  pour  une  durée 
déterminée  reste  en  possession  au  delà  du  terme,  et  que 
le  propriétaire,  au  lieu  de  l'évincer,  accepte  au  contraire 
de  lui  le  payement  du  canon  primitivement  stipulé  ou 
témoigne  par  tout  autre  acte  analogue  que  la  tenure  con- 
tinue de  son  plein  gré,  la  tenure  n'est  plus  réputée  être 
de  simple  tolérance,  mais  d'une  année  à  l'autre  '. 

CHAPITRE  II 
Des  possessions  à  temps. 

INTRODUCTION. 

Sommaire  ;  300.  Diverses  espèces  de  possessions  à  temps.  —  301.  Signifi- 
cation des  mots  année  et  )nois, 

300.  —  Il  y  a  plusieurs  espèces  de  possessions  concé- 
dées pour  un  temps  plus  ou  moins  long  fixé  d'avance.  Les 
unes  sont  concédées  d'année  en  année  [lease  from  year  to 
year),  les  autres  le  sont  à  long  terme  et  se  subdivisent 
elles-mêmes  en  deux  classes,  suivant  qu'il  s'agit  de  baux 
ordinaires,    ne   dépassant  pas  quatre-vingt-dix-neuf  ans 


«  st.  11.  Geo.  II.  c.  19.  9  Blackstone,  trad.   fr.,  II,   55^., 

note  1. 


208  LtU  BAIL   D'ANNEE    EX  ANNEE 

et  comportant  un  fermage  annuel,  ou  de  possessions 
concédées  pour  un  temps  fort  long,  —  mille  ans  ou  davan- 
tage, —  par  contrat  de  mariage,  testament  ou  acte  de 
mort-gage.  Ces  dernières  possessions  ne  comportent  en 
général  aucun  fermage,  reposent  sur  la  tête  de  trustées 
et  ont  habituellement  pour  but  de  garantir  le  rembour- 
sement d'une  somme  due  par  le  propriétaire  du  fonds. 
Les  deux  classes  sont,'  d'ailleurs,  de  nature  analogue 
et  ne  se  distinguent,  en  droit,  par  aucun  caractère  es- 
sentiel. 

301. —  Lorsqu'il  est  question  d'années  en  droit  anglais, 
il  s'agit  toujours  d'une  année  de  trois  cent  soixante-cinq 
jours;  dans  les  années  bissextiles,  le  trois  cent  soixante- 
sixième  ne  compte  que  pour  un  avec  le  trois  cent  soixante- 
cinquième.  Le  mois,  sauf  convention  contraire  et  sauf  les 
règles  spéciales  en  matière  de  lettre  de  change,  s'entend 
du  mois  lunaire  de'vingt-huit  jours  et  correspond  à  quatre 
semaines.  Toutefois  l'expression  «  douze  mois  »  [a  twelve- 
month)  correspond  à  une  année  solaire  '. 

I 
Du   bail   d'année   en  année. 

Sommaire  :  302.  Caractères  de  ce  bail;  délais  pour  donner  congé.  —  30^. 
Conditions  de  forme. 

302.  —  Ce  genre  de  bail  est  fort  commun.  Il  est  plus 
avantageux  aux  deux  parties  qu'un  bail  à  volonté,  en  ce 
qu'en  cas  de  congé  elles  ont  réciproquement  droit  à  un 
avertissement  préalable  donné  une  demi-année  avant  l'ex- 
piration de  l'année  courante  :  le  fermier  a  le  droit  absolu 

'  Blackstone,  éd.  fr.,  II,  535. 


DU    BAIL    D'ANNEE    EN    ANNEE  2(X> 

de  rester  en  jouissance  du  bien  par  années  entières,  de 
quantième  à  quantième.  Si,  à  la  fin  du  premier  semestre, 
il  n'a  pas  reçu  congé  pour  la  fin  de  l'année,  son  bail  dure 
de  plein  droit  jusqu'à  la  fin  de  Tannée  suivante.  L'Agj'i- 
cnltural  Holdings  [England]  ad  du  13  août  1875'  a  même 
élevé  le  délai  d'avertissement  de  six  mois  à  une  année,  hor- 
mis le  cas  où  le  fermier  tomberait  en  faillite  ou  en  déconfi- 
ture, ou  ferait  cession  de  biens.  Si  le  bailleur  veut  entre- 
prendre sur  l'immeiiBle  certains  travaux  d'amélioration 
prévus  par  ledit  act^  il  peut,  à  la  condition  de  les  mention- 
ner expressément  dans  son  avertissement,  donner  congé 
pour  la  partie  seulement  du  domaine  où  il  compte  les 
exécuter,  moyennant  réduction  proportionnelle  du  fer- 
mage; mais,  de  son  côté,  le  fermier  a  le  droit  de  lui  noti- 
fier, dans  les  vingt-huit  jours,  qu'il  n'accepte  le  congé  que 
comme  devant  porter  sur  le  domaine  tout  entier  et  pour  la 
fin  de  Tannée  courante  (§  o2).  Vact  de  1875  ne  s'applique 
qu'aux  domaines  exclusivement  consacrés  à  la  culture  ou  à 
l'élève  du  bétail  et  d'une  étendue  de  plus  de  deux  acres 
(80^9340)  (§  58),  et  il  n'empêche  pas  les  parties  de  pren- 
dre des  arrangements  différents  si  elles  le  jugent  à  pro- 
pos (§  54). 

303.  —  Le  bail  d'année  en  année  peut  être  fait  de 
vive  voix  si  la  rente  réservée  s'élève  aux  deux  tiers  au 
moins  du  revenu  du  bien  exploité;  sinon,  un  bail  verbal  ne 
vaudrait,  d'après  le  Slatute  of  fi-auds^,  que  comme  bail 
à  volonté  :  tout  bail  d'année  en  année  comportant  une 
rente  inférieure  doit  être  fait  par  deed^. 


■^  St.  .38  et  39,  Vict.,  c.  92,  §  51:  3  st.  29,  Car.  II.  c.  3,  §§  1  et  2. 

cpr.  Ann.de  lérj.  étrang.,  V,  p.  196,  '  St.  8  et  9,  Vict.,  c.  lM6,  §  3. 

trad.  et  notes  de  M.  H.  Du  Buit. 


Lehh.  14 


210  DES  BAUX    A   LONG  TERME 

II 
Des  baux  à  long  terme. 

Sommaire  :  304.  Conditions  de  forme.  —  305.  Durée  admise  par  la  loi. 
—  306.  Nécessité  d'une  installation  sur  le  bien.  —  1.  Des  baux  ordi- 
naires :  307.  Persistance  de  leurs  clauses  quant  aux  ayants-cause  du 
fermier  et  du  bailleur.  —  308.  Proviso  for  re-entry.  —  309.  Assurance 
contre  l'incendie.  —  310.  Legs  dun  leasehold.  —  311.  Droit  des  créan- 
ciers sur  les  leasehold  estâtes.  —  312.  Droit  de  sous-affermage.  —  313. 
Droits  respectifs  des  époux  en  matière  de  leaseholds  de  la  femme.  — 
314.  Renouvellement  des  baux.  —  315.  Améliorations  effectuées  parle 
fermier:  indemnité  due.  —  315  bis.  Amélioration  de  la  condition  des 
preneurs;  lois  de  18S.S,  1887,  1890.  —  315  ter.  Small  dwellings  acqui- 
sition act  de  1899.  —  316.  Drait  d'estovers  ;  emblavures.  —  2.  Bauar 
à  très  long  terme:  317.  Leur  but.  —  318.  Dégrèvement  du  fonds;  pro- 
viso  for  cesser.  —  319.  Consolidation  [merger).  —  320.  Moyen  de 
l'empêcher. 

304.  —  Un  bail  pour  un  nombre  déterminé  d'années 
[lease  for  a  iiumher  of  years)  peut  être  verbal,  d'après  le 
Slatute  of  frmids,  s'il  n'est  pas  conclu  pour  plus  de  trois 
années  à  partir  du  contrat  et  si  la  rente  réservée  s'élève 
aux  deux  tiers  au  moins  du  revenu  du  bien  exploité^  Les 
baux  à  plus  long  terme  ou  comportant  une  rente  moindre 
doivent  être  écrits  et  revêtus  de  la  signature  des  deux 
parties  ou  de  leurs  fondés  de  procuration  [Ib.,  §  1").  VAct 
lo  amendthe  law  of  real  property^  exige  de  plus,  à  peine 
de  nullité,  que  les  baux,  —  ou  cessions  de  bail,  —  pour 
lesquels  la  loi  exige  un  écrit,  fassent  l'objet  d'un  deed; 
mais  il  n'y  a  pas  d'expression  sacramentelle  à  employer; 
la  formule  usitée  est  :  demi.se,  lease.,  and  to  farmelet. 
D'après  la  loi  sur  le  timbre  de  1870,  les  baux  sont  sou- 
rais  à  un  droit  proportionnel  tout  à  la  fois  à  leur  durée  et 
au  taux  du  fermage  \ 

^  st.  29,  Car.  II,  c.  3.  §  2.  t  St.  33  et  .34,  Vict.,  c.  97. 

6  St.  8  et  9,  VicL,c.  106,  §3. 


DES   BAUX  A  LONG   TERME  211 

305.  —  La  loi  ne  limite  pas  le  nombre  d'années  pour 
lequel  un  bail  peut  être  fait.  Il  est  loisible  aux  parties  de 
le  faire  pour  dix,  cent  ou  mille  ans,  ou,  en  général  pour 
tel  nombre  d'années  qu'il  leur  convient,  pourvu  qu'il  y  ait 
une  période  fixée,  au  bout  de  laquelle  le  bail  prenne  fin  : 
c'est  ce  qui  distingue  un  simple  term  d'un  franc-tènement. 
Ainsi,  une  concession  à  vie  confère  au  titulaire  un  franc- 
tènement  et  exige  l'accomplissement  des  formalités  re- 
quises pour  la  transmission  de  la  saisine  légale,  tandis 
qu'une  concession  faite  à  la  même  personne  pour  quatre- 
vingt-dix-neuf  ans,  «  si  elle  vit  aussi  longtemps  »,  lui 
confère  seulement  un  term,  un  droit  de  bail  d'une  durée 
limitée,  parce  que,  dans  ce  second  cas,  la  longueur  de  la 
concession  est  absolument  fixée  d'avance.  Le  bail  doit  pré- 
ciser non  seulement  le  moment  exact  où  la  concession 
prendra  fin,  mais  encore  son  point  de  départ,  pour  lequel 
les  parties  sont' libres  de  fixer  une  date  ultérieure.  Peu 
importe,  en  matière  de  bail,  qu'il  s'écoule  une  période  plus 
ou  moins  longue  entre  la  passation  du  contrat  et  l'époque 
de  l'entrée  en  jouissance ^ 

306.  —  Une  fois  le  contrat  passé,  le  preneur  ne  devient 
complètement  le  fermier  du  bailleur  que  quand  il  s'est 
installé  sur  le  bien  loué.  Jusqu'à  ce  moment,  il  n'a  pas 
encore  d'nstate,  mais  seulement  un  intéresse  termini, 
c'est-à-dire  le  droit  d'exiger  que  le  bien  lui  soit  remis  en 
location  pour  le  nombre  d'années  convenu  '. 

1.  —  Des  baux  ordinaires. 

307.  —  Nous  traitons  sous  ce  titre  des  baux  ne  dépas- 
sant pas  quatre-vingt-dix-neuf  ans  et  comportant,  à  part 

«  Blackstone,  Cotnm..  II,  143.  »  Co.    Lilt.,   'i6  //,  et    Litlleton. 

Tcnures,  58. 


212  DES  BAUX  A  LONG  TERME 

diverses  autres  clauses  et  conditions,  le  payement  d'un 
fermage  périodique. 

Les  diverses  clauses  stipulées  au  moment  de  la  passation 
du  contrat  produisent  leur  effet  pendant  toute  la  durée  du 
bail  et  à  Tégard  de  tous  les  tenanciers  qui  s'en  prévalent. 
Si  le  fermier  se  substitue  quelqu'un  dans  l'exploitation  du 
bien,  le  cessionnaire  est  tenu  de  s'engager  à  le  garantir 
contre  toute  réclamation  formulée  par  le  bailleur  en  vertu 
des  clauses  du  contrat,  tout  en  étant  personnellement  res- 
ponsable envers  ledit  bailleur  du  paiement  exact  du  fer- 
mage et  de  l'inobservation  desdiles  clauses;  il  n'est  dé- 
chargé de  cette  responsabilité  que  quand,  à  son  tour,  il  a 
transmis  le  bien  à  une  autre  personne.  Les  clauses  et  con- 
ditions qui  lient  les  ayants-cause  du  preneur  primitif 
comme  ce  preneur  lui-même  sont  dites  «  courir  avec  le 
bien  »  {run  ivith  the  land).  A  l'inverse,  les  ayants-cause 
du  preneur  sont  au  bénéfice  de  tous  les  avantages  stipulés 
à  son  profit  par  le  bail. 

308.  —  Le  payement  du  fermage  et  l'accomplissement 
des  autres  clauses  du  contrat  sont  habituellement  garantis 
par  un  pacte  connu  sous  le  nom  cleproviso  or  condition 
forre-entry^  qui  donne  au  bailleur  et  à  ses  héritiers  ou 
ayants-cause  le  droit,  en  cas  de  non-payement  ou  de  vio- 
lation des  conditions  du  contrat,  de  «  rentrer  »  dans  le 
bien  loué  et  d'en  reprendre  possession  comme  s'il  n'y  avait 
point  eu  de  bail.  Pour  que  le  bailleur  puisse  se  prévaloir 
de  ce  proviso  en  cas  de  non-payement  du  fermage,  il  faut 
qu'une  demi-année  de  fermage  soit  en  souffrance  et  qu'il 
ne  trouve  pas  à  saisir  sur  le  bien  des  objets  de  valeur  suf- 
fisante pour  se  couvrir;  il  a,  dans  cette  double  hypothèse, 
la  faculté  d'exercer  son  droit  à  l'expiration  du  délai  prévu 
par  \e proviso  même,  et  moyennant  une  action  en  eject- 


DES    BAUX    A    LONG   TERME  213 

77ieni,  sans  aucune  demande  ou  prise  de  possession  for- 
melle; sauf  le  droit  du  fermier  d'arrêter  les  poursuites  en 
se  libérant  ou,  s'il  a  déjà  été  expulsé,  d'obtenir  dans  les 
six  mois  sa  réintégration  en  payant  l'arriéré  et  les  frais'". 
Le  provîso  for  re-eiitry,  lorsqull  s'applique  à  la  viola- 
tion des  clauses  du  bail,  avait  fait  jusqu'à  une  époque  ré- 
cente l'objet  d'une  doctrine  assez  curieuse.  Si  le  proprié- 
taire avait  autorisé  une  fois  une  dérogation  auxdites 
clauses  ou  si,  le  contrat  défendant  de  faire  une  chose  sans 
autorisation,  le  propriétaire  avait  permis  une  fois  qu'elle 
fût  faite,  le  droit  de  rentrée  était  réputé  perdu  à  jamais  "; 
le  proviso  était  considéré  comme  indivisible  et,  par  consé- 
quent, comme  mis  à  néant  du  moment  qu'une  seule  brè- 
che avait  été  consentie  par  le  propriétaire.  Cette  doctrine 
était  aussi  contraire  aux  intérêts  du  preneur  qu'à  ceux  du 
bailleur.  Aussi  a-t-elle  été  formellement  abrogée,  d'abord 
pour  les  fermiers  de  la  couronne,  par  le  statut  8  et  9,  Vict., 
c.  99,  §  o,  puis  d'une  façon  générale,  par  le  statut  22  et  23, 
c.  35.  En  vertu  de  ce  dernier  statut,  toute  autorisation 
donnée  par  le  propriétaire  se  limite  de  plein  droit  à  l'acte 
qu'elle  concerne,  sans  préjudice  du  droit  de  rentrée  en 
cas  d'infractions  ultérieures  (§  1).  L'autorisation  donnée  à 
l'un  des  cofermiers,  ou  relativement  à  une  portion  seule- 
ment du  bien  loué,  ne  détruit  pas  le  droit  de  rentrée  par 
rapport  aux  autres  tenanciers  et  au  reste  du  domaine  (§  2). 
Enfin,  lorsque  le  bien  loué  se  partage  entre  plusieurs  pro- 
priétaires ayant  droit  chacun  à  une  portion  du  fermage, 
chacun  d'eux  personnellement  est,  quant  à  sa  part,  au 
bénéfice  des  diverses  conditions  et  notamment  de  la  clause 


if»    St.    15   et    10,    Vict.,  c.    7G,  "«    Dumporn  case,  i  Rep..  119; 

g§   210   et  212;    23  et    24.    Vict.,       Bruvimcl  c.  Macpherson,  U,\\>s., 
c.  1-26,  §  1.  173. 


214  DES    BAUX    A  LONG    TERME 

de  re-entry  for  7ion  payment,  stipulées  en  cas  de  non- 
payement  da  fermage  total  originaire  (§  3). 

309-  —  Le  fermier  qui,  s'étant  engagé  à  assurer  l'im- 
meuble contre  l'incendie,  néglige  de  payer  la  prime  d'as- 
surance annuelle,  encourt  la  résiliation  du  bail.  Toutefois 
la  cour  a  aujourd'hui  la  faculté  de  le  relever  de  cette  peine 
si,  en  fait,  il  n'y  a  pas  eu  d'incendie  ni,  par  suite,  de  pré- 
judice causé  au  propriétaire  pendant  le  temps  où  l'assu- 
rance est  restée  en  souffrance,  et  si,  dans  l'opinion  du 
juge,  le  non-payement  est  le  résultat  non  d'une  fraude  ou 
d'une  faute  lourde,  mais  simplement  d'une  erreur  ou  d'un 
accident;  la  cour  ne  peut,  d'ailleurs,  accorder  ce  relief 
qu'une  seule  fois  à  une  même  personne  et  pour  la  même 
infraction'^  D'un  autre  côté,  si  le  tenancier  obligé  d'as- 
surer l'immeuble  ne  s'est  pas  conformé  à  cette  clause,  mais 
a  contracté  une  autre  assurance  pour  garantir  ses  pro- 
pres intérêts,  le  propriétaire  et  ses  ayants-cause  ont,  en 
cas  de  sinistre,  le  droit  de  se  faire  mettre  par  lui  au  béné- 
fice de  ladite  assurance'^ 

310.  —  Un  droit  de  tenure  par  bail  [leasehold]  peut 
faire  l'objet  d'un  legs.  Il  est  dévolu,  dans  ce  cas,  aux 
exécuteurs  testamentaires  du  défunt  avec  ses  autres  biens 
meubles.  Si  ce  droit  figure  dans  sa  succession  ab  intestat, 
il  passe  à  l'administrateur  de  ladite  succession. 

11  était  de  règle  autrefois  que,  quand  un  homme  possé- 
dant tout  à  la  fois  des  biens  en  fief  simple  et  des  biens  en 
leasehold  disposait  par  testament  «  de  tous  ses  immeu- 
bles et  tènements  »,  le  testament  fût  réputé  s'appliquer 
aux  seuls  fiefs,  à  l'exclusion  des  terres  simplement  affer- 
mées. Lors,  au  contraire,  qu'il  ne  possédait  que  des  terres 

12  Loi  du  13  août  1859  (St.  22  et  et  24,  Vict.,  c.  126,  §§  2  et  3. 
23,   Vift.,   c.  35),  §§  4-6;    St.    23  t3  St.  de  1859,  §  1. 


DES    BAUX    A   LONG   TERME  215 

en  leasehold^  le  testament  était  considéré  comme  s'y  ap- 
pliquant; sinon,  il  aurait  été  caduc.  La  loi  sur  les  testa- 
ments de  1837*'  porte  que  le  legs  des  divers  immeubles 
appartenant  au  testateur  ou  des  immeubles  que  le  testa- 
teur possède  dans  telle  localité,  ou,  en  général,  tout  legs 
pouvant,  par  la  largeur  des  expressions  employées,  s'ap- 
pliquer à  des  terres  affermées,  alors  que  le  testateur  ne 
possédait  pas  de  francs-tènements  auxquels  ces  expres- 
sions dussent  se  rapporter  de  préférence,  doit  effective- 
ment être  considéré  comme  s'étendant  aux  leaseholds, 
toutes  les  fois  que  le  testateur  n'a  pas  manifesté  une  in- 
tention contraire. 

311.  —  Les  créanciers  du  tenancier  ont  le  droit  de 
poursuivre  sur  son  leasehold  estate  l'accomplissement  de 
ses  obligations  envers  eux.  D'après  la  loi  de  1838  sur  le 
recouvrement  des  créances '%  il  suffisait,  comme  en  ma- 
tière de  freeholds^  qu'ils  eussent  obtenu  un  jugement  et, 
de  plus,  qu'un  writ  d'exécution  fût  entre  les  mains  du 
shérif;  toutefois  le  jugement  n'était  pas  opposable  au  tiers 
acquéreur  qui  avait  acheté  le  leasehold  de  bonne  foi,  si  le 
writ  d'exécution  n'avait  pas  été  émis  antérieurement  à  la 
vente.  Aujourd'hui,  nul  jugement  postérieur  au  29  juillet 
1864  ne  peut  affecter  un  fonds  de  terre  quelle  qu'en  soit 
la  tenure,  tant  que  ce  fonds  n'a  pas  été  delivered  in  exé- 
cution en  vertu  d'un  writ  à'elegit  ou  de  telle  autre  auto- 
risation analogue'". 

312.  —  Le  tenant  for  a  term  of  years  a  le  droit,  si 
celte  faculté  ne  lui  a  pas  été  interdite,  de  sous-affermer 
le  bien.  Pour  qu'il  y  ait  sous-affermage,  il  faut  que  le  term 
cédé  soit  moins  étendu  que  le  term  primitif;  si  le  contrat 

»*  st.  7.   Guill.  IV,  et   1,  Vict..  «s  st.  1  et 2,  Vict.,  c.  110. 

c.  26,  §  26.  '6  St.  27  et  28,  Vict.,  c.  112. 


216  DES   BAUX  A   LOx\G   TERME 

portait  sur  le  tei^m  complet,  il  comporterait  une  cession  de 
bail  et  non  plus  un  simple  sous-affermage. 

Le  sous-fermier  est  le  tenant  du  preneur  qui  lui  loue 
le  bien,  et  non  du  bailleur  dont  ce  preneur  le  tient  lui- 
même  :  il  n'y  a  aucun  lien  de  droit  entre  ce  bailleur  et  le 
sous-fermier.  Par  conséquent,  ce  bailleur  ne  peut  action- 
ner directement  le  sous-fermier  en  cas  de  violation  de 
l'une  des  clauses  du  bail  primitif;  il  n'a  de  droit  que  contre 
le  fermier  lui-même  ou  contre  un  cessionnaire  du  bail. 
Le  sous-bail  vient  simplement  se  greffer  sur  le  bail  pri- 
mitif, à  l'existence  duquel  il  demeure  subordonné. 

313.  — Le  mari  dont  la  femme  possède  un  term  of 
years^  peut  pendant  le  mariage  l'aliéner  ou  le  mortgager 
comme  il  Tentend.  S'il  survit  à  sa  femme,  il  a  droit  au  tertn 
en  sa  qualité  même  de  mari''.  S'il  meurt  avant  elle,  sa 
femme  conserve  le  bien,  sans  qu'il  dépende  de  lui  de  l'en 
dépouiller  par  testament'\  D'après  \q  Married  Wojiien'a 
Property  Act  de  1870,  lorsqu'une  femme  mariée  posté- 
rieurement au  9  août  1870  acquérait  pendant  le  mariage 
des  droits  mobiliers,  —  ce  qui  englobe  les  leaseholds, 
—  comme  héritière  d'un  intestat,  ces  droits  lui  apparte- 
naient en  propre,  et  elle  les  exerçait  à  son  profit  person- 
nel*^  Ce  droit  a  été  confirmé  et  élargi  par  le  Womens 
Property  act  de  1882,  §  5  (cpr.  n°'  152  et  suiv.). 

314.  —  Les  propriétaires,  surtout  quand  ce  sont  des 
corporations,  ont  souvent  coutume  d'accorder  des  baux 
nouveaux  à  leurs  tenanciers  avant  l'expiration  ou  au  mo- 
ment même  de  l'expiration  des  anciens.  D'autres  fois,  les 
baux  contiennent  une  clause  de  renouvellement  tacite  à 
charge  par  le  fermier  de  payer  une  certaine  somme  pour 

n  Co.  Litt.,  46  b,  351  a.  '9  St.  33  et  34,  Vict.,  c.  93,  §  7. 

18  Blackstone,    6'omm.,  II,  434. 


DES  BAUX  A   LONG   TElîME  217 

ce  renouvellement  ;  la  clause  peut  être  libellée  de  telle 
sorte  que  le  preneur  soit  indéfiniment  en  droit  de  s'en  pré- 
valoir à  l'expiration  de  chaque  période.  Dans  tous  ces  cas, 
l'acceptation  par  le  tenant  d'un  nouveau  bail  emporte  de 
sa  part  renonciation  à  la  portion  de  l'ancien  term  non 
encore  écoulé;  car,  en  acceptant  le  nouveau  bail,  le 
tenant  reconnaît  implicitement  que  le  propriétaire  avait 
le  droit  de  le  lui  concéder,  droit  qu'il  n'aurait  pas  eu  tant 
que  l'ancien  term  était  encore  en  vigueur.  Mais,  si  le 
nouveau  bail  est  nul,  son  annulation  entraîne  celle  de 
ladite  renonciation. 

Diverses  dispositions  législatives  ont  été  édictées  en  vue 
de  faciliter  les  renouvellements  de  baux  lorsque  l'une  des 
parties  est  mineure  ou  atteinte  d'aliénation  mentale-". 

315. —  V Agricullural  Holdings  [England]  act  du  13 
août  1875  (St.  38  et  39,  Vict.,  c.  92)-'  contient  des  règles 
destinées  à  provoquer  et  à  faciliter  les  améliorations  dans 
la  culture,  en  assurant  au  fermier  une  indemnité  propor- 
tionnée à  ses  sacrifices. 

Ces  améliorations  se  divisent  en  trois  classes,  suivant 
leur  importance.  Si  le  fermier  est  contraint  de  déguerpir 
avant  d'en  avoir  lui-même  tiré  profit  pendant  un  certain 
temps,  il  a  droit  à  une  indemnité  calculée  d'après  la 
dépense,  mais  d'autant  moindre  qu'il  en  aura  joui  lui- 
même  plus  longtemps. 

Le  bénéfice  qui  découle  des  améliorations  faites  a  été, 
dans  le  premier  état  de  la  lof,  considéré  comme  épuisé  au 
bout  de  vingt  ans  pour  la  première  classe,  de  sept  pour 
la  seconde,  et  de  trois  pour  la  troisième,  de  telle  sorte 


20  st.  11,  Geo.  IV,  et  1,  Cuil.  IV,  ^i  Tiad.  et  notes  parM.  Du  Buit, 

c.  65,  §^12  et  suiv.;16  et  17,  Vict.,        Ann.  de  législ.  étrunj.,  V,  196. 
c.  70,  §§  113-5,  133-5. 


218  DES  BAUX  A  LONG  TERME 

qu'à  l'expiration  des  mêmes  périodes,  le  fermier  cessait 
de  pouvoir  réclamer  aucune  indemnité;  s'il  déguerpissait 
avant  la  fin  de  la  période,  il  avait  droit  à  une  indemnité 
réduite  d'un  vingtième,  d'un  septième  ou  d'un  tiers  pour 
chaque  année  écoulée.  La  première  classe  comprend  les 
travaux  de  drainage,  de  construction,  de  clôture,  l'éta- 
blissement de  routes,  de  prairies,  de  vergers,  de  houblon- 
nières,  etc.;  la  seconde  comprend  la  fumure  à  l'aide  d'en- 
grais minéraux  (os,  chaux,  marne,  etc.);  la  troisième,  la 
fumure  à  l'aide  d'autres  engrais  achetés  par  le  fermier, 
et  Tentretien  de  bétail  au  moyen  de  denrées  non  produites 
par  la  ferme  (§§  3,  6,  7).  La  loi  avait  pris,  d'ailleurs,  des 
précautions  pour  que  les  améliorations  importantes  ne 
soient  pas  faites  à  l'insu  ou  contre  la  volonté  du  bailleur 
(§§10,  12);  pour  que  le  droit  à  une  indemnité  ne  serve 
pas  de  prétexte  à  des  spéculations  (§§  U,  13,  15),  et  pour 
que  le  fermier  subisse  les  déductions,  retenues  ou  com- 
pensations équitables  (§§  16,  17,  19).  En  cas  de  désaccord 
sur  l'indemnité,  l'arbitrage  forcé  est  imposé  aux  deux 
parties,  sauf  appel  à  la  Cour  du  comté  quand  la  demande 
excède  50  livres  (§§  20  à  41).  Le  propriétaire  qui  paye  au 
tenancier  l'indemnité  qu'il  lui  doit  d'après  la  loi  en  ques- 
tion, peut  obtenir  de  la  Cour  du  comté  un  ordre  grevant  le 
domaine  du  remboursement  de  tout  ou  partie  de  la  somme 
par  tels  acomptes  et  sous  telles  conditions  qu'il  plaît  à  la 
cour  de  fixer;  lorsque  le  propriétaire  astreint  au  rembour- 
sement n'a  pas  sur  le  bien  un  droit  absolu,  les  termes  de 
payements  d'acompte  ou  d'intérêts  doivent  être  fixés  de 
façon  à  ne  pas  dépasser  l'époque  où,  d'après  la  loi,  l'amé- 
lioration à  laquelle  ils  se  rapportent  est  réputée  épuisée 
(§42). 

Si  le  fermier   ne   fait  pas  sur  le  bien  les  améliorations 


DES  BAUX  A  LONG  TERME  219 

que  le  bailleur  jugerait  nécessaires,  celui-ci  a  la  faculté 
de  les  faire  lui-même  et  pour  cela  de  reprendre  une  par- 
tie des  terres  affermées,  moyennant  réduction  du  fermage 
(§  52). 

Autrefois,  pour  les  baux  d'année  en  année,  congé  pou- 
vait être  donné  six  mois  à  l'avance  pourvu  que  l'expira- 
tion de  ce  délai  coïncidât  avec  la  fin  de  l'année  de  bail. 
D'après  le  §  ol  de  Vaci  de  1873,  le  fermier  ne  peut  plus 
être  ainsi  surpris  au  milieu  de  l'année  de  culture:  le 
congé  doit  être  donné  un  an  à  l'avance,  hormis  les  cas  de 
faillite,  de  déconfiture  ou  de  cession  de  biens. 

Lorsque  le  fermier  a  installé  sur  le  bien  certains  meu- 
bles à  demeure  [fixtures),  par  exemple  des  machines,  il  a 
la  faculté  de  les  enlever,  à  moins  qu'il  ne  soit  en  retard 
pour  le  fermage,  que  l'enlèvement  ne  soit  de  nature  à  en- 
dommager gravement  le  fonds,  ou  que  le  propriétaire  ne 
veuille  les  lui  racheter.  Sont  exceptées  les  machines  à 
vapeur  posées  par  le  fermier  à  Tinsu  ou  contre  le  gré  du 
propriétaire  (§  o3). 

Au  surplus,  ces  diverses  dispositions  n'ont  rien  d'impé- 
ratif, et  il  demeure  loisible  aux  parties  d'y  déroger  comme 
elles  l'entendent  (§§  54  à  60). 

315  bis.  —  C'était  certes  quelque  chose,  dans  l'intérêt 
de  l'équité  aussi  bien  que  de  l'agriculture,  que  d'avoir 
assuré  aux  fermiers,  en  cas  de  résiliation  de  bail,  une  com- 
pensation pour  les  améliorations  par  eux  apportées  à  l'im- 
meuble. Mais  le  système  de  l'indemnité  imaginé  par  la  loi 
de  1873"  présentait  des  inconvénients  dont  on  se  rendit 
bientôt  compte,  et  qu'on  a  peu  à  peu  corrigés. 

Tout  d'abord  l'évaluation  mathématique  de  la  compen- 
salion  exigible  était  des  plus  arbitraires.  Sur  quoi  s'ap- 

22  St.  3.S  et  30.  Vict.,  c.  92. 


220  DES  BAUX  A  LONG  TERME 

puyait-on  pour  présumer  que  le  bénéfice  des  divers  tra- 
vaux agricoles  serait  épuisé,  selon  les  cas,  en  vingt,  en  sept 
ou  en  trois  années?  Et,  dans  le  même  sens,  pourquoi  dé- 
cider que  chaque  année  écoulée  depuis  l'amélioration  en 
réduirait  la  valeur  d'une  quote-part  proportionnelle  à  sa 
durée  présumée? 

Si  un  fermier  a  planté  un  verger  ou  une  houblonnière,  il 
est  probable  qu'au  bout  de  dix  ans  le  rendement  en  sera 
plus  considérable  que  la  première  année.  Pourquoi  donc 
décider  qu'en  cas  de  déguerpissement  au  bout  de  la  pre- 
mière année,  le  fermier  aura  droit  au  remboursement  inté- 
gral de  sa  dépense,  tandis  que,  s'il  déguerpit  au  bout  de 
dix  ans,  l'indemnité  sera  réduite  de  10  vingtièmes,  c'est- 
à-dire  de  moitié?  Et,  si  l'amélioration  résulte  de  l'établisse- 
ment d'une  route,  c'est-à-dire  de  la  plus  durable  des  amé- 
liorations, quoi  de  plus  contraire  à  la  réalité  que  d'en  pré- 
sumer le  bénéflce  amorti  en  un  certain  nombre  d'années? 

C'est  ce  qu'a  compris  le  législateur,  et  une  loi  de  1883^* 
est  venue,  dans  ce  but,  substituer  à  l'évaluation  mathé- 
matique de  la  loi  de  187o,  une  évaluation  économique  des 
améliorations  réalisées  par  le  preneur.  Au  moment  de  la 
résiliation  du  bail,  il  n'y  a  dès  lors  plus  lieu  qu'à  apprécier 
quelle  plus-value  Timmeuble  a  retirée  des  travaux  du 
fermier,  et  ce  calcul  reste  confié,  en  cas  de  désaccord,  à  des 
arbitres  nommés  soit  par  les  parties,  soit  par  la  Cour  du 
comté. 

Cette  heureuse  innovation  en  a  permis  une  autre.  Sous 
le  régime  de  la  loi  de  187o,  les  travaux  de  drainage  avaient 
été  compris  dans  les  améliorations  de  la  plus  grande  durée, 
c'est-à-dire  dans  la  première  classe;  mais  en  même  temps 
ces  travaux,  comme  tous  ceux  de  la  même  classe,  ne  pou- 

■^3  St.  46  et  47,  Vict.,  c.  61. 


DES   BAUX   A    LONG   TERME  221 

vaient  être  entrepris  qu'avec  l'autorisation  expresse  du 
bailleur,  ce  qui  nuisait  souvent  à  l'exploitation  rurale. 
Depuis  la  suppression  des  fictions  d'amortissement,  il  a  été 
possible  de  faire  entrer  le  drainage  parmi  les  travaux  de 
la  deuxième  classe,  pour  lesquels  aucune  autorisation  n'est 
nécessaire,  et  qui  peuvent  être  entrepris  après  une  simple 
notification  faite  au  bailleur,  dans  un  délai  de  deux  mois 
au  moins  et  de  trois  mois  au  plus,  avant  le  commencement 
des  travaux'^'. 

D'autres  lois  ont  repris  et  développé  le  principe  de  la 
loi  de  1883  en  l'appliquant  à  des  cas  nouveaux.  L'Allot- 
ment  and  cottage  gardcns  act  de  1887"%  spécial  aux 
lotissements  de  deux  hectares  et  aux  jardins  potagers^*, 
accorde  compensation  au  tenancier,  en  fin  de  bail  et 
malgré  toute  convention  contraire  :  1°  pour  les  récoltes 
pendantes,  y  compris  celles  des  arbres  fruitiers  plantés 
avec  l'autorisation  du  bailleur;  2"  pour  les  travaux  exé- 
cutés et  les  fumures  faites  depuis  la  dernière  récolle  et  en 
vue  de  la  récolte  suivante  ;  3°  pour  les  travaux  de  drainage 
et  les  constructions  édifiées.  Enfin,  le  Tenants  compensa- 
tion act  de  1890 ■'  étend  au  créancier  hypothécaire,  qui 
évincerait  le  fermier  occupant,  toutes  les  obligations  d'in- 
demnité mjses  à  la  charge  du  propriétaire.  L'éviction  elle- 
même  n'est  possible  qu'à  six  mois  de  date,  et  après  signi- 
fication régulière  de  congé. 

L'énumération  des  améliorations  pouvant  autoriser  le 
preneur  à  réclamer  une  indemnité  en  fin  de  bail  a  été 
quelque  peu  allongée  par  la  cédule  1  de  la  loi  du  8  août 


'-î»    Première    cédule;    douxii-me  l>lc  qu'aux  grandes   exploitations, 

partie.  voir  son  i;  54. 
2-  St.  50  et51,  Vict.,  c.  2(1. 

-''  La  loi  de  1883  n'était  applica-  '^'  St.  5:3  et  54.  Vict.,  c.  57. 


222  DES  BAUX  A  LONG  TERME 

1900^",  qui  se  substitue,  tant  pour  l'Ecosse  que  pour  l'An- 
gleterre, aux  cédules  annexées  aux  deux  lois  distinctes 
promulguées  en  1883  pour  l'Angleterre  d'une  part  et  pour 
l'Ecosse  de  l'autre.  Dans  le  cas  où  le  propriétaire  et  le  pre- 
neur ne  se  mettent  pas  eux-mêmes  d'accord  sur  le  mon- 
tant et  le  mode'de  payement  de  l'indemnité  exigible,  le  rè- 
glement du  litige  continue  à  être  opéré  par  un  arbitrage; 
mais,  à  moins  de  convention  contraire  des  parties,  il  n'est 
plus  nommé  qu'un  seul  arbitre.  Au  cas  où  une  difficulté 
de  droit  est  soulevée  devant  l'arbitre,  celui-ci  renvoie  les 
parties  devant  la  Cour  de  comté  pour  faire  trancher  le 
principe.  Et  si,  en  fin  de  compte,  l'arbitre  alloue  au  pre- 
neur une  indemnité  dont  le  payement  doit  être  garanti  par 
l'inscription  d'un  droit  réel,  l'attribution  de  ce  droit  réel 
est  faite  non  par  l'autorité  judiciaire,  mais  par  le  Ministère 
de  l'Agriculture  qu'une  loi  de  1889  a  institué  pour  tout  le 
Royaume-Uni. 

Malgré  tous  ces  progrès,  il  faut  reconnaître  que  le  droit 
anglais  n'est  pas  encore  parvenu  aune  théorie  parfaite  sur 
cette  question.  D'une  part,  c'est  bien  un  procédé  dé  légis- 
lation primitive  que  celui  qui  consiste  à  énumérer  les  di- 
verses améliorations  pour  lesquelles  une  indemnité  pourra 
être  due,  au  lieu  de  poser  une  règle  de  principe,  en  édic- 
tant  par  exemple  que  toutes  les  plus-values  résultant  d'une 
dépense  du  preneur  donneront  lieu  à  une  compensation 
et  échapperont  en  tout  cas  à  la  vieille  fiction  de  Y  accession 
qui  les  incorporait  arbitrairement  dans  le  domaine  du  bail- 
leur. 

Et,  d'autre  part,  même  pour  les  cas  particuliers  dans 


-*  An  act  to  amend  the  Lau'  re-  duction  et  notice  de  M.  P.  Bail- 
lating  to  AgHcultural  holdings,  lière  dans  Y  Annuaire  de  légis- 
(63  et  64,  Vict.,  ch.  50).  Voir  tra-       lation  étrangère,   t.  XXX,  p.   32. 


DES   BAUX  A   LONG   TERME  223 

]'exaraen  desquels  le  législateur  s'est  limitativement  can- 
tonné, on  ne  peut  dire  que  la  situation  du  fermier  ait  été 
rendue  complètement  satisfaisante;  elle  reste  inférieure, 
notamment,  à  celle  que  la  jurisprudence  française  recon- 
naît aux  preneurs  à  bail.  En  effet,  d'après  la  loi  anglaise, 
le  ferpiier  n'a  droit  qu'au  remboursement  de  ses  impenses 
si  le  propriétaire  s'attribue  les  améliorations  réalisées  en 
cours  de  bail.  En  France,  au  contraire,  le  preneur  a  tou- 
jours le  droit  de  reprendre,  s'il  y  tient,  le  matériel  de  ses 
constructions  ou  installations  et  ne  peut  être  contraint  à  un 
simple  remboursement.  L'avantage  du  fermier  anglais  est 
de  ne  pouvoir,  en  tout  cas,  lorsque  le  propriétaire  répudie 
les  installations  effectuées,  être  tenu  de  dommages  et  in- 
térêts pour  les  travaux  faits  sans  droit^'. 

Cette  matière  est  de  celles  sur  lesquelles  la  législation 
actuelle  ne  peut  être  considérée  comme  définitive,  et  il 
faut  s'attendre,  sinon  à  une  loi  de  principe  posant  pour  le 
preneur  un  droit  absolu  à  reprendre  tout  ce  qui  peut  être 
repris,  et  à  être  indemnisé  pour  le  reste,  du  moins  à  une 
série  d'amendements  qui  multiplieront  les  cas  de  compen- 
sation, et  supprimeront  pour  le  preneur  les  obligations 
actuelles  d'autorisation  ou  de  notification.  Que  le  preneur 
respecte  la  destination  du  fonds  loué  et  les  clauses  de  son 
contrat,  c'est  tout  ce  qu'on  peut  lui  demander.  Sous  cette 
réserve,  on  doit  lui  permettre  toutes  les  améliorations  et 
lui  promettre  toutes  les  indemnités;  car,  d'une  part,  la 
salva  rerum  substantia  qui  est  une  règle  de  l'usufruit  ne 
saurait  être  un  élément  du  louage;  et,  d'autre  part,  en  fin 
de  bail,  un  preneur  ne  saurait  être  tenu  à  restituer  plus 
que  ce  qu'il  avait  pris  en  charge,  et  il  y  a  lieu  de  lui  tenir 

•29   Voir,  sur   tous  les  points  qui       Farm,  et  Foa,  The  relalionship  of 
précèdent,    Dixon,     Law    of    the       landlord  and  tenant. 


2>4  DES    BAUX    A    LONG    TERME 

compte  de  ce  dont  il  a  enrichi  Fimmeuble.  La  fortune  des 
propriétaires  y  est  intéressée  dans  la  même  mesure  que  la 
fortune  publique^". 

En  ce  qui  concerne  les  significations  de  congé,  Notice 
to  qiiit^  il  y  a  lieu  de  remarquer  que  le  délai  d'un  an  pres- 
crit par  le  §  SI  de  la  loi  de  1875  échappe  à  la  sanction  de 
l'art.  55  de  la  loi  de  1883,  qui  considère  comme  non  ave- 
nues les  clauses  contraires  qu'un  bailleur  aurait  stipulées 
de  son  fermier. 

Ajoutons  aussi  que  le  §  52  de  la  loi  de  1874,  confirmé 
par  la  loi  de  1883,  donne  aux  propriétaires  le  droit  de 
faire  des  significations  de  congé  partielles,  c'est-à-dire  de 
faire  déguerpir  le  preneur  d'une  partie  seulement  des  lieux 
loués.  Pour  l'exercice  de  ce  droit  deux  conditions  doivent 
cependant  être  réunies.  Il  faut  que  le  caractère  partiel  du 
congé  soit  justifié  par  un  des  motifs  que  la  loi  de  1875 
déclare  légitimes,  par  exemple,  par  les  besoins  d'une  con- 
struction ou  d'un  aménagement  utile.  Il  faut,  en  outre, 
que  le  prix  du  bail  soit  réduit  en  conséquence;  il  ne  suffit 
pas  d'une  réduction  proportionnelle  à  la  valeur  de  la  partie 
d'immeuble  reprise,  il  faut  une  réduction  qui  tienne  compte 
du  préjudice  que  la  reprise  partielle  peut  causer  au  fer- 
mier. 

315  ter.  —  L'effort  social  et  législatif  qui  lend  au  déve- 
loppement de  la  petite  propriété  s'est  encoreaccusé,  en  1899, 
par  le  vote  du  Small  dweUings  acquisition  act  (St.  62  et 
63,  Vict.,  c.  44)  ^*  qui  permet  aux  autorités  locales  de  con- 


30  Voir,  sur  ce  point.  Baudrillart,  blême  foncier  en  Angleterre,  p.  208 

Journal  des  Economistes,  15  août  et  suiv.,  262  et  suiv. 

1889,  p.  IGl  et  suiv.;  Cuénot,   Les  ^i  Voir    la  traduction  de    M.  G. 

constructions  élevées  par  un  loca-  Cheuvreux  dans  l'Annuaire  de  lé- 

taire  sur   les  lieux  loués,  p.   164  gislation étrangère,  i.\^)\,T^. 26. 
et  suiv.;  Jacques  Dumas,  Le  pro- 


DES    BAUX    A    LOXn    TERME  225 

sentir  des  prêts  d'argent  aux  ouvriers  en  vue  de  l'acquisi- 
tion de  l'immeuble  qu'ils  habitent.  Ces  prêts,  purement 
facultatifs,  ne  peuvent  être  consentis  qu'à  un  ouvrier  habi- 
tant d'une  manière  continue  la  même  maison,  et  celte 
maison  ne  doit  elle-même  représenter  qu'une  valeur  de 
10.000  francs  au  maximum.  On  espère  que  cette  loi  aug- 
mentera sensiblement  le  nombre  des  habitations  ouvrières 
appartenante  ceux  qui  les  occupent  et  facilitera  ainsi  la 
solution  d'un  des  problèmes  sociaux  les  plus  angoissants 
par  le  développement  de  la  propriété  privée. 

316.  —  Sauf  convention  contraire,  le  tenant  for  years 
a,  comme  le  tenant  for  life^  le  droit  d'estovers,  c'est-à- 
dire  le  droit  de  prendre  sur  le  domaine  le  bois  de  chauf- 
fage, de  charronnage  ou  de  construction  dont  il  a  besoin. 
Quant  aux  emblavures  ou  récoltes,  il  y  a  entre  eux  cette 
différence  que  le  tenant  à  terme  n'a  droit  qu'aux  récoltes 
qui  mûrissent  pendant  la  durée  de  sa  jouissance;  ainsi, 
si  sa  jouissance  prend  fin  à  la  Saint-Jean  et  qu'il  ait  ense- 
coencé  les  terres  la  dernière  année,  la  récolle  n'eu  appar- 
tient pas  moins  au  propriétaire;  il  en  serait  de  même  si  le 
preneur  était  expulsé  par  sa  faute,  avant  la  fin  normale 
du  bail  et  la  perception  des  fruits  sur  lesquels  il  comptait. 

2.  —  Baux  à  très  long  terme. 

317.  —  Les  baux  à  très  long  terme,  auxquels  nous 
arrivons  maintenant,  ont  généralement  pour  objet  de  ga- 
rantir, en  principal  et  intérêts,  les  droits  de  créanciers. 
Il  faut  donc  qu'ils  assurent  auxdits  créanciers  le  moyen  de 
se  faire  payer  aisément  ce  qui  leur  est  dû,  tout  en  gênant 
le  moins  possible  le  propriétaire  du  fonds.  On  atteint  ce 
but  à  l'aide  de  baux  d'un  millier  d'années  concédés  à  des 

Lehh.  15 


220  DES    BAUX    A    LONG    TERME 

trustées  avec  mission  de  consacrer  les  fruits  du  fonds  au 
payement  des  intérêts  et  de  pourvoir  au  remboursement 
du  capital  en  aliénant  ou  en  mortgageant  tout  ou  partie  du 
fonds,  le  propriétaire  conservant  la  libre  jouissance  de 
l'excédent,  dans  la  mesure  fixée  par  les  trustées.  Ceux-ci, 
bien  qu'ils  aient  pendant  la  très  longue  durée  du  bail  la 
disposition  presque  absolue  du  fonds,  sont  néanmoins 
réputés  n'avoir  sur  ce  fonds  qu'un  droit  mobilier  [chattet 
interest)  ;  le  droit  réel  de  propriété  continue  à  reposer  sur 
la  tête  du  propriétaire  primitif,  ou  de  ses  hériîiers  et  autres 
ayants-cause.  Le  propriétaire  conserve  lafaculté  dedisposer 
du  fonds  entre  vifs  ou  par  testament;  seulement,  sous  laré- 
serve  expresse  du  term  qui  le  grève  tant  que  la  dette  n'a 
pas  été  remboursée. 

318.  —  Lorsque  la  dette  a  été  remboursée  ou  n'est 
finalement  plus  réclamée,  il  y  a  plusieurs  moyens  dedégre- 
verle  fonds  et  démettre  un  terme  aux  pouvoirs  des  trustées. 
Le  plus  usuel  est  d'insérer  dans  le  deed  constitutif  du  bail 
une  clause  résolutoire  {proviso  for  cesser),  non  seulement 
pour  le  moment  de  l'échéance  prévue,  mais  encore  pour 
le  cas  où  l'objet  du  bail  se  trouverait  réalisé  ou  irréalisa- 
ble. Lorsqu'une  semblable  clause  a  été  insérée  dans  l'acte,^ 
le  bail  prend  fin,  le  cas  échéant,  sans  autre  formalité  et  de 
plein  droit. 

319.  —  A  défaut  de  clause  résolutoire,  le  bail  peut 
s'éteindre  par  consolidation  [merger).  Lors  de  la  consti- 
tution de  baux  à  long  terme,  il  arrive  souvent  que  le  fonds 
n'appartient  pas  en  fief  simple  au  bailleur.  Ces  baux  sont 
stipulés  notamment  par  contrat  de  mariage,  dans  le  but  de 
garantir  les  parts  éventuelles  des  enfants  cadets,  le  do- 
maine lui-même  étant  substitué  comme  fief /az7  en  faveur 
du  fils  aîné.  Lorsque  ce  fils  atteint  sa  majorité  ou  se  marie. 


DES   BAUX   A    LON{;   TERME  227 

les  terres  sont  reconstituées  sur  sa  tète  en  tènement  viager 
avec  substitution  en  faveur  de  son  propre  fîls  aîné  à  naître. 
Dans  ces  diverses  hypothèses,  le  propriétaire  du  domaine 
sera,  comme  on  le  voit,  non  pas  un  tenant  en  fief  simple, 
mais  un  tenant  à  vie  ou  un  tenant  intail.  Mais,  que  ïes- 
tate  soit  de  l'une  ou  de  Tantre  de  ces  trois  espèces,  il  est 
toujours  un  franc-tènement,  par  conséquent  plus  large, 
aux  yeux  de  la  loi,  que  n'importe  quelle  possession  àterme, 
si  longue  qu'elle  doive  être.  Par  conséquent,  si  l'un 
de  ces  estâtes  se  trouve  appartenir  à  une  personne  jouis- 
sant en  même  temps  d'un  bail  à  terme  sur  le  même  bien, 
cet  estate  absorbe  le  bail:  le  bail  se  fond  [is  merged)  dans 
le  franc-lènement.  Supposons  que  A  et  B  soient  tenants 
pour  un  term  de  mille  ans  et  que  C  soit  tenant  à  vie  du  bien 
grevé  de  ce  term;  si  A  et  B  cèdent  leur  droit  à  C,  C  de- 
meurera simple  tenant  à  vie  comme  devant,  et  le  term 
aura  disparu  pour  toujours;  C  aura,  sa  vie  durant,  tout  à 
la  fois  la  saisine  légale  et  la  possession  actuelle  du  fonds, 
tandis  que  A  et  B  auront  perdu  tout  droit  sur  ledit  fonds; 
en  conséquence,  si  A  et  B  étaient  investis  du  term  en  qua- 
lité de  trustées,  la  cession  consentie  par  eux  en  faveur  du 
propriétaire  légal  du  bien  ramènerait  la  propriété  au 
même  point  que  si  elle  n'avait  jamais  été  grevée  d''aucun 
term.  D'après  VAct  to  amena  the  law  ofrealproperty,  une 
semblable  cession  doit  faire  l'objet  dun  deed,  à  peine  de 
nullité  ^^ 

Parfois  la  consolidation  {merger)  est  le  résultat  d'une 
circonstance  fortuite,  telle  que  le  fait  par  le  possesseur 
du  term  d'hériter  du  freehold.  Elle  peut  aussi  n'être  que 
partielle  ;  par  exemple,  dans  le  cas  où   le  possesseur  du 

32  St.  8  et  9,  Vict.,  c.  1()6,  §  3. 


228  DES  BAUX  A  LONG  TERME 

term,  au  lieu  d'acquérir  le  freehold  tout  entier,  n'en  ac- 
querrait qu'une  portion. 

320.  —  II  y  avait,  jusqu'à  une  époque  récente,  un 
moyen  spécial  d'empêcher  la  consolidation,  lorsqu'elle 
était  de  nature  à  porter  préjudice  au  possesseur  actuel  du 
bien  et  qu'il  avait,  au  contraire,  intérêt  à  ce  que  le  bail 
subsistât.  C'est  ce  qui  arrivait,  par  exemple,  quand  le  pro- 
priétaire, après  avoir  concédé  un  bail  à  long  terme,  gre- 
vait le  bien  d'une  charge  foncière  ou  autre  incumhrance. 
Le  titulaire  du  bail  ayant  pour  toute  la  durée  de  sa  con- 
cession la  jouissance  pleine  et  entière  du  bien,  la  personne 
au  profit  de  qui  cette  charge  avait  été  créée  postérieu- 
rement ne  pouvait,  pendant  la  même  période,  faire  valoir 
son  droit  d'aucune  façon.  Supposons  que  le  preneur  ache- 
tât la  nue  propriété  du  domaine,  ou  qu.'un  tiers  de  bonne 
foi,  ayant  connaissance  du  term^  mais  non  de  Xincum- 
brance,  achetât  la  pleine  propriété  du  domaine:  si  Immer- 
ger s'opérait,  le  term  qui  faisait  obstacle  à  l'exercice  de 
la  charge  foncière  disparaissait,  et  l'acquéreur,  en  tant  que 
propriétaire  du  fonds,  était  tenu  d'acquitter  une  charge 
dont  il  ignorait  l'existence  au  moment  de  son  acquisition 
et  dont  l'exigibilité  se  trouvait  ainsi  «  accélérée  »,  —  c'est 
le  terme  technique,  —  à  son  propre  détriment  et  au  profit 
du  créancier  de  la  charge.  Pour  prévenir  ce  résultat  et 
maintenir  debout  le  term  qui  faisait  obstacle  à  la  réclama- 
tion de  ce  créancier,  on  avait  imaginé  de  permettre  à  l'ac- 
quéreur delà  propriété  de  faire  céder  le  term  of  years^  par 
le  trustée  sur  la  tête  de  qui  il  reposait,  à  un  autre  trus- 
tée, que  l'acquéreur  désignait  lui-même  et  qui  conservait 
le  term  pour  lui,  acquéreur,  ses  héritiers  et  ayants-cause  : 
ce  trustée,  investi  pour  mille  ans,  était  tenu  de  lais- 
ser l'acquéreur  libre  de   percevoir  tous  les  fruits  du  do- 


DES  BAUX  A  LONG  TERME  229 

maine  et,  en  général,  de  faire  lel  acte  de  propriété  que  bon 
lui  semblait;  mais,  en  cas  de  réclamation  du  chef  du 
créancier  de  la  charge,  il  avait  mission  de  répondre  que  la 
charge,  ayant  été  constituée  postérieurement  au  term^  ne 
pouvait  produire  d'effet  qu'après  l'expiration  de  ce  term^  ce 
qui  équivalait  à  un  ajournement  indéfini.  L'acquéreur  se 
trouvait  donc,  grâce  à  la  persistance  du  bail,  efficacement 
protégé,  pourvu,  encore  une  fois,  qu'il  ignorât  l'existence 
de  Vinciimbrance  au  moment  où  il  achetait  le  domaine;  s'il 
en  avait  eu  connaissance  et  n'en  avait  pas  moins  constitué 
un  trustée  pour  se  soustraire  à  l'acquittement  de  la  charge, 
la  cour  de  Chancellerie  aurait  fait  défense  au  trustée  d'op- 
poser \e  term  aux  réclamations  du  créancier;  car^  il  y 
aurait  eu  fraude  évidente". 

Depuis,  une  loi  de  1845  (St.  8  et  9,  Vict.,  c.  112)  a  décidé 
qu'en  pareil  cas  la  consolidation  serait  réputée  opérée  et 
par  suite  le  bail  annulé;  qu'en  conséquence  il  n'y  avait 
plus  lieu  à  nomination  d'un  trustée  pour  faire  échec  aux 
incumbrances ,  mais  que  l'acquéreur  n'en  pourrait  pas 
moins  se  prévaloir  du  bail  ainsi  annulé  pour  se  soustraire 
aux  charges  dont  il  aurait  été  affranchi  à  défaut  de  conso- 
hdation~(§ri  et  2). 

"  Willoughby  c.  WUloughby,  1  T.  Rep.,  763. 


SECTION   QUATRIEME 

DES  GOPYHOLDS. 


INTRODUCTION. 

Sommaire  :  321.  Notion  et  définitioa.  —  322.  Historique;  Court  baron; 
cour  coutumitre.  —  323.  Copyholds viagers  et  héréditaires.  —  324.  Mode 
d'aliénation  dans  les  temps  anciens.  —  325.  Customary  freeholds. 

321.  —  Les  copyholds  sont  des  terres  tenues  en  vertu 
d'une  copie  du  registre  d'une  cour  seigneuriale  [court 
rolls)\  en  d'autres  termes,  le  titre  du  possesseur  consiste 
en  une  copie  du  registre  sur  lequel  on  inscrit  toutes  les 
opérations  coacernant  le  manoir  dont  relève  le  bien;  car 
tout  copyhold  dépend  d'un  manoir  ou  en  est  une  par- 
celle. Celui  qui  possède  à  ce  titre,  le  copyholder,  n'a  pas 
un  franc-tènement,  mais  une  simple  possession  précaire, 
al  will,  au  gré  du  seigneur  du  manoir.  On  dit  aussi  des 
copyholds  qu'ils  sont  tenus  conformément  à  la  coutume  du 
manoir dontils  relèvent;  car,  selon  l'adage,  custom  is  the 
life  of  copyholds  ' . 

322.  —  Dans  les  temps  anciens,  quand  un  grand  sei- 
gneur devenait  possesseur  d'un  territoire,  il  en  octroyait 
une  partie  à  des  hommes  libres  en  fief  simple,  s'en  réser- 
vait une  autre  partie  qui  formait  le  domaine  propre  [demes- 
nes)  du  manoir,  et  concédait  le  reste,  généralement  les  por- 

'  Coke,  Complète  Copyholder,  §  32. 


DES    COPYHOLDS  231 

lions  les  moins  productives,  à  des  serfs  ou  vilains  {viliei?is), 
à  titre  de  pure  grâce  et  moyennant  certaines  corvées  au 
profit  de  ses  demesnes.  Du  manoir  dépendaient  donc  deux 
classes  de  tenanciers  :  les  francs-tenanciers  et  les  vilains, 
pour  chacune  desquelles  il  y  avait  une  cour  seigneuriale 
spéciale.  Celle  pour  les  francs-tenanciers  s'appelait  Court 
Baron;  celle  pour  les  vilains,  cour  coutûmière",  La  pre- 
mière était  composée  d'une  sorte  de  jury,  formé  par  les 
tenanciers  eux-mêmes,  sous  la  présidence  du  seigneur  ou 
baron  lui-même;  dans  la  seconde,  le  seigneur  ou,  plus  sou- 
vent encore,  l'intendant  du  manoir  (^/<?«^'arc^)  siégeait  seuP. 

323.  —  Dans  certains  manoirs,  les  vilains  jouissaient 
de  concessions  purement  viagères  [copyholds  for  life). 
Dans  d'autres,  les  seigneurs  s'étaient  montrés  plus  larges 
et  permettaient  qu'à  la  mort  du  tenancier  son  fils  aîné,  ou 
tous  les  fils,  ou  le  fils  cadet,  ou  même  d'autres  proches  pa- 
rents succédassent  au  défunt,  moyennant  le  payementd'une 
redevance  spéciale  (/î;ie);  ce  mode  de  succession  variait 
suivant  la  coutume  locale.  Les  copyholds  qui  comportaient 
un  droit  de  succession  étaient  dits  héréditaires  (0/  inhe- 
ritaiice). 

324.  —  Lorsque  le  vilain  voulait  céder  sa  terre  à  l'un 
de  ses  compagnons  de  servage,  le  seigneur  lui  permettait 
habituellement  de  la  lui  ré^trocéder  à  lui-même  (surrender) 
et,  ensuite,  admettait  [admit]  l'acquéreur  au  lieu  et  place 
du  précédent  copijhoider,  moyennant  le  payement  d'un 
droit  de  mutation.  De  là  est  né  le  mode,  encore  actuelle- 
ment en  vigueur,  de  translation  des  copyholds  by  sur- 
render and  admittance.  Seulement,  ce  qui,  dans  le  prin- 


"■'  Walkias,  on  Copyholds,  II,  4,  ^  Coke,  op.  cit.,  58  a. 

5;  Scriven,  on  Copyholdi,!»  édit., 
p.  4  et  422. 


232  DES  COPYHOLDS 

cipe,  était  une  pure  grâce  du  seigneur  est  devenu,  pour  les 
copyholders,  un  droit  absolu  à  l'exercice  duquel  le  sei- 
gneur ne  peut  plus  s'opposer,  de  sorte  que  le  bon  plaisir 
du  seigneur  après  avoir  engendré  la  coutume,  a  fini  par 
lui  être  subordonnée 

C'est  graduellement  que  les  copyholders  ont  acquis  une 
lenure  aussi  stable  et  aussi  sûre  que  celle  des  francs-tenan- 
ciers. Ils  sont  arrivés  à  ce  résultat  important  sous  le  règne 
d'Edouard  IV,  où  les  juges  leur  ont  reconnu  une  action 
of  trespass  pour  le  cas  où  le  seigneur  les  expulserait  sans 
juste  causée  Depuis  lors,  le  titre  de  copyholder  n'est 
guère  moins  avantageux  que  celui  de  franc-tenancier,  et 
il  l'est  même  plus  en  ce  sens  que  tous  les  actes  translatifs 
de  copyholda  sont  inscrits  sur  les  Court  rolls  el,  par  con- 
séquent, dûment  conservés. 

325.  —  Il  existe  dans  le  nord  de  l'Angleterre  une  es- 
pèce particulière  de  copyholds  connue  sous  le  nom  de 
francs-tènements  coutumiers  {customary  freeholds).  Ces 
tènements  ne  diffèrent  guère  des  autres  qu'en  ce  que  la 
copy  qui  constitue  le  titre  du  possesseur  ne  mentionne 
pas  qu'ils  sont  simplement  à  volonté  {at  will).  Autrement 
les  caractères  sont  les  mêmes  et  le  tenancier  ne  jouit  pas 
de  prérogatives  plus  étendues  que  le  copyholderovàmoxTe^. 


'  Blackstone,  Comm.,   II,  93  et  ^  Scriven,    II,  665;   Stephenson 

suiv.,  147;  Scriven,  op.  cit.,  7e  c. //z7Z,  3  Burr.,  1277  ;  Z)oec.  Z)an- 
édit.,  p.  122  et  suiv.  L\rs,  7  East,  320. 

6  Co.  Lilt.,  61  a. 


DES    COPYHOLDS  232 


CHAPITRE  I 


Des  droits  inhérents  à  la  possession  d'un  copyhold 
{Estâtes  in  copyhold). 

SoMMAiBE  :  326.  Principe  général  ;  droits  appartenant  au  seigneur.  — 
327.  Situation  des  copyholds  par  rapport  aux  tiers.  —  328.  Formes 
diverses  de  Vestate  du  copyholder.  —  329.  Estate  tail.  —  330.  Estate  en 
fief  simple  ;  droits  des  créanciers.  —  331.  Transmission  d'un  copyhold 
par  succession;  droits  de  l'époux  servant;  free-bench.  —  332.  Rede- 
vancesduesau  seigneur;  heriot.  —  333.  Tenure  conjointe  ou  en  com- 
mun. —  334.  Conversion  des  divers  droits  du  seigneur  en  une  rente 
foncière.  —  335.  Mode  d'affranchissement  d'un  copyhold.  —  335  bis. 
Lois  de  1887  et  1894. 

326.  —  Le  droit  que  confère  la  possession  d'un  copij- 
hold  est,  à  parler  rigoureusement,  un  droit  purement 
précaire,  un  droit  qui  prend  fin  au  gré  de  chacune  des 
parties,  le  plus  mince  des  droits  immobiliers  reconnus  par 
la  loi  anglaise.  Car  si,  dans  le  cours  des  siècles,  la  cou- 
tume a  rendu  les  copyholders  indépendants  du  caprice 
de  leur  seigneur,  ils  n'en  demeurent  pas  moins  inscrits  sur 
les  rôles  du  manoir  comme  de  simples  tenanciers  at  wiil, 
et  leursdroils  sont  soumis  aux  mêmes  règles  que  tout  autre 
estate  at  wiil.  C'est  le  seigneur  qui  est  saisi  et  officielle- 
ment propriétaire  des  biens  occupés  par  ses  tenanciers; 
il  ne  jouit  pas,  comme  sur  les  francs-tenanciers  mouvants 
de  lui,  d'une  simple  suprématie  incorporelle  :  il  est  le  pos- 
sesseur féodal  des  biens  et  jouit  des  avantages  et  préroga- 
tives découlant  de  cette  qualité,  sous  la  seule  réserve  de 
la  coutume  établie  dans  son  manoir  et  qui  constitue  vis-à- 
vis  de  lui  la  sauvegarde  de  ses  copyholder.  Ainsi,  il  a 
droit  à  toutes  les  mines  et  aux  minéraux  utilisables  que 
recèle  la  terre  donnée  en  copyhold^  et  aux  arbres  de  haute 
futaie  qui  croissent  à  sa  surface,  même  lorsqu'ils  ont  été 


234  DES    COPYHOLDS 

plantés  par  le  tenancier*  ;  seulement  la  coutume  lui  inter- 
dit ordinairement  d'exploiter  les  mines  ou  d'aller  abattre 
des  arbres  sans  le  consentement  àxicopyholder.  C'est  pour 
cela,  soit  dit  en  passant,  qu'on  voit  si  rarement  de  grands 
arbres  sur  les  terres  en  copyhoUi  ^  Ainsi  encore,  si  le 
copyholder  consent  de  son  propre  chef  un  bail  de  plus  d'une 
année,  il  encourt  la  déchéance  de  son  droit,  à  moins  qu'il 
n'y  ait  été  spécialement  autorisé^  ;  et  il  s'expose  à  la  même 
peine  à  raison  de  icastes  positifs  ou  négatifs,  c'est-à-dire, 
s'il  exploite  des  minerais  ou  coupe  des  arbres  auxquels  il 
n'a  pas  droit,  ou  s'il  omet  de  faire  les  réparations  néces- 
saires*. 

327.  —  Si,  par  rapport  à  son  seigneur,  le  copyholder 
est  toujours  en  réahté  un  simple  tenancier  à  volonté,  il  est, 
par  rapport  aux  tiers,  dans  la  même  situation  qu'un  franc- 
tenancier  dûment  saisi  :  il  a,  comme  ce  dernier,  le  légal 
estate  sur  les  terres  qu'il  possède. 

328.  —  D'autre  pari,  Vestate  du  copyholder ,  tel  que 
le  reconnaît  la  coutume,  se  présente  sous  les  mêmes  for- 
mes, d'étendue  différente,  que  Xesiale  des  francs-tenan- 
ciers: il  peut  être  viager,  ou  substitué  [estate  tail)^  ou  en 
fief  simple,  suivant  qu'il  est  conféré  au  tenancier  seul,  ou 
au  tenancier  et  à  ses  descendants,  ou  au  tenancier  et  à 
ses  héritiers.  Il  n'est,  du  reste,  pas  absolument  nécessaire, 
dans  cette  dernière  hypothèse,  que  le  mot  heirs  figure 
dans  l'acte  constitutif;  on  se  contente  d'un  équivalent, 
tel  que  and  his,  ou  and  his  assigns,  ou  and  his  sequels  in 
right  ^. 

1  Watkias,  I,  332,333;  Scriven,  3    Watkins,    1,327;    Scriven,  7e 
7e  édit.,  ch.  VIII.                                     édit.,  208;  cpr.  St.  40  et  41,  Vict., 

2  «  The  oak  scorns  to  grow  ex-       c.  18,  §  9. 

cept  on  free  land,    »  dit  le  pro-  ^Walkins, I, -331  ;  Scriven,  ch. XI. 

verbe.  s  Watkins,  1,  109. 


DES  COPYHOLDS  235 

Arrêtons-nous  un  instant  à  Vestale  tail  et  à  Vestate  en 
fief  simple. 

329.  —  On  a  vu  plus  haut,  n°'  257  et  suiv.,  qu'en  ma- 
tière de  francs-tènements  les  biens  grevés  de  substitution 
au  profit  des  descendants  du  gratifié  avaient  commencé 
par  être  inaliénables  :  le  tenancier  ne  pouvait  en  disposer 
au  détriment  de  sa  postérité.  Mais,  plus  lard,  on  lui  re- 
connut ce  droit  à  partir  du  moment  où  un  enfant  lui  était 
né;  et  le  Statut  de  donis  (St.  13,  Ed.  I,  c.  1)  se  contenta 
de  restreindre  sa  liberté  à  cet  égard,  tant  dans  l'intérêt 
de  ses  descendants  que  dans  celui  du  droit  de  retour  éven- 
tuel compétant  au  donateur.  Pendant  toute  cette  période, 
les  copyholders  furent  sur  un  tout  autre  pied  que  les 
francs-tenanciers.  Serfs  pour  la  plupart  et  ne  possédant 
que  selon  le  bon  plaisir  de  leur  maître,  ils  n'eurent  jamais 
la  faculté  d'imposer  une  charge  à  leur  héritier,  faculté 
qui,  pour  les  hommes  libres,  conduisit  par  degrés  au  droit 
d'aliéner.  Jusqu'en  1833,  les  copyhold  lands  en  fief  simple 
passèrent  à  l'hérilier  désigné  par  la  coutume,  sans  être 
aucunement  affectés  par  les  obligations  de  son  auteur  qui 
eussent  pesé  sur  l'héritier  d'un  franc-tènement®.  A  plus 
forte  raison  ces  biens  étaient-ils  inaliénables.  Quant  aux 
copyhold  lands  conférés  uniquement  à  un  individu  et  à  ses 
descendants  [estate  tail),  les  seigneurs  des  divers  manoirs 
paraissent  avoir  suivi  des  règles  différentes,  les  uns  per- 
mettant l'aliénation  aussitôt  que  \e  copyholder  aivaiiieui  un 
«nfant,  les  autres  la  prohibant;  ce  qui  fit  diviser  les  ma- 
noirs en  deux  classes  :  ceux  où  il  n'y  avait  point  de  règle 
imposant  la  substitution  {custom  to  entail)  et  ceux  où  une 
semblable  règle  existait.  Dans  les  premiers,  le  copyholder 

6  4Rép.,22  a. 


236  DES  COPYHOLDS 

était  placé  dans  les  mêmes  conditions  qu'un  franc-lenan- 
cier  avant  le  Statut  de  donis  :  tant  qu'il  n'avait  pas  de 
postérité,  il  ne  pouvait  pas  aliéner;  dès  qu'il  en  avait,  il 
jouissait  d'un  droit  d'aliénation  absolu.  Dans  les  seconds, 
où  l'aliénation  n'était  pas  permise,  le  bien  passait  de  père 
en  fils  suivant  les  règles  de  succession  posées  par  la  cou- 
tume, et  ce,  à  l'infini.  On  finit  par  reconnaître  que  ces 
substitutions  perpétuelles  présentaient,  en  matière  de  co- 
pyholds,  les  mêmes  inconvénients  que  pour  les  francs- 
tènements,  et  l'on  imagina  divers  moyens  de  les  annuler. 
Tantôt  on  admit  comme  devant  produire  cet  effet  un  pro- 
cès fictif  en  recouvrement  des  biens  [customary  recovery)^ 
analogue  au  common  recovery  qui  annulait  les  substitu- 
tions de  francs-tènements.  Tantôt  le  tenancier  était  fictive- 
ment dépouillé  de  son  droit  par  le  seigneur,  puis  remis  par 
lui  en  possession  du  bien  en  fief  simple.  Tantôt,  enfiji,  une 
simple  cession  suffisait;  elle  était  présumée  annuler  la 
substitution  pour  autant  qu'on  ne  justifiait  pas  d'une  règle 
coulumière  contraires  II  arriva  ainsi  que,  dans  les  ma- 
noirs où  la  substitution  était  de  règle,  le  tenancier  eut  un 
moyen  ou  un  autre  d'éluder  la  coutume  et  se  trouva  même 
dans  une  meilleure  situation  que  ses  collègues  des  ma- 
noirs où  l'aliénation  avait  été  permise  dès  le  principe  ;  car 
son  droit  n'était  pas  subordonné  à  la  naissance  d'un  en- 
fant. 

Le  St.  3  et  4,  Guil.  IV,  c.  74,  qui  a  aboli  les  fines  and 
Lomraon  recoveries  pour  les  francs-tènements,  renferme 
aussi  des  dispositions  applicables  aux  substitutions  de 
copyholds.  Au  lieu  des  longues  formalités  d'un  procès  fic- 
tif {customary  recovery)  ou  d'une  déchéance  fictive  suivie 

■"  Goold  c.  White,  Kay,  683. 


DES    COPYHOLDS  237 

d'une  nouvelle  concession,  ce  statut  déclare  (§  50)  que 
les  substitutions  de  copi/holds  peuvent  être  mises  à  néant 
par  une  simple  aliénation  suivant  le  mode  ordinaire  admis 
pour  cette  sorte  de  biens  et  dont  nous  traiterons  un  peu 
plus  bas  {conveyance  hy  surrender).  Quand  il  y  a  non 
seulement  substitution,  mais  encore  droit  de  réversibilité 
en  faveur  d'une  personne  déterminée,  il  faut  que  le  consen- 
tement de  cette  personne  à  l'aliénation  soit  constaté  par 
deed,  ou  par  une  inscription  sur  les  rôles  du  manoir,  ou 
par  Tintervenlion  même  de  l'ayant-droit  à  l'aliénation 
(§§  51,  52). 

330.  —  Le  possesseur  en  fief  simple  de  copyhold  lands 
a  le  droit  absolu  d'en  disposer,  comme  s'il  s'agissait  d'an 
fraoc-tèneraent;  du  moins  il  en  est  ainsi,  depuis  fort  long- 
temps, pour  les  dispositions  entre  vifs  ou  par  testament. 

Quant  aux  aliénations  forcées,  jusqu'en  1833  les  copy- 
holds  lands  d'un  débiteur  défunt  n'étaient  pas  le  gage  de 
ses  créanciers,  encore  que  ses  héritiers  fussent  personnel- 
lement tenus  envers  eux'  ;  et  la  couronne  n'était  pas  à 
€et  égard  dans  une  situation  plus  privilégiée  que  les  autres 
créanciers.  Il  en  est  autrement  depuis  le  St.  3  et  4, 
Guil.  IV,  c.  104  :  aujourd'hui,  tout  estate  en  fief  simple, 
qu'il  s'agisse  d'un  copyhold  ou  d'un  franc-tènement, 
peut  être  réalisé  pour  le  payement  de  toute  juste  dette 
contractée  par  le  défunt  tenancier.  De  môme,  les  créan- 
ciers par  jugement  ont  obtenu  en  1838  (St.  1  et  2,  Vict.,  c, 
110,  §  H)  la  faculté  de  saisir  des  copyholds  tout  comme 
des  francs-tènements,  et  les  tiers  acquéreurs  de  biens  de 
celte  espèce  sont  liés  par  tout  jugement  opposable  à  leur 
vendeur,  à  moins  qu'ils  n'en  aient  pas  eu  connaissance  au 

8  4  Rep.,  22  a  ;  Walkins,  I,  14U. 


238  DES    COPYHOLDS 

moment  de  l'acquisilion  et  que,  dès  lors,  ils  ne  soient 
couverts  par  le  St.  2  et  3,  Vict.,  c.  il,  §  5,  d'après  lequel 
les  tiers  ne  peuvent  être  recherchés  dans  ce  cas.  Enfin,  en 
cas  de  faillite  du  tenancier,  le  trustée  for  the  creditors  d, 
sur  les  copyholds  les  mêmes  droits  que  sur  les  francs- 
tènements*. 

331.  —  La  transmission  par  succession  d'un  copyhold 
en  fîef  simple  est  réglée  par  la  coutume  du  manoir  dont  il 
relève.  Mais,  sous  cette  réserve,  on  y  applique  les  principes 
posés  par  YAct  for  the  amendment  of  the  law  of  inheri- 
tance  (St.  3  et  4,  Guil.  IV,  c.  106),  quel  que  soit  l'ordre  de 
succession  déterminé  par  ladite  coutame.  De  même  qu'en 
matière  de  francs-tènements,  l'héritier  d'an  copyholder 
décédé  intestat  devient,  immédiatement  à  partir  de  la 
mort  de  son  auteur,  tenancier  du  bien  et  peut  faire  acte 
de  possession  même  avant  d'avoir  été  régulièrement 
admis  par  le  seigneur'".  Toutefois,  vis-à-vis  de  ce  dernier, 
l'admission  lui  donne  seule  définitivement  la  qualité  de 
tenancier;  elle  peut  être  subordonnée  au  payement  d'un 
droit  de  relief  dont  le  montant  est  fixé  par  la  coutume  du 
manoir,  sans  pouvoir  excéder  deux  années  du  revenu  net 
du  bien*'. 

A  défaut  d'héritiers,  le  bien  fait  retour  au  seigneur  par 
droit  d'échette'". 

Il  est  à  remarquer  que  le  mari  survivant  ne  jouit  d'au- 
cun droit  [curtesy]  sur  les  copyholds  de  sa  femme,  et  qu'à 
l'inverse  la  femme  survivante  n'en  a  point  sur  les  co- 
pyholds du  mari  [doiver),  si  ce  n'est  en  vertu  d'une  cou- 


9  st.  32  et  33,  Vict.,  c.  71,  §§22,  n  Scriveo,  7'  édiU,  p,  243  ;  Bla- 

2^^-  ckstone,  Comm.,  II,  98. 

1"  «criven,  7e  édit.,  p.  167;  Zin^ 

c.  Turner,  1  My.  et  K.,  45G.  ^"^  Ib.,  522;  Watkins,  I,  .S40. 


DES    COPYHOLDS  239 

tume  spéciale;  auquel  cas  le  droit  de  la  femme  se  nomme 
frec-bench  '\ 

332.  —  Dans  certains  manoirs,  le  seigneur  a  droit  à 
une  redevance  annuelle,  en  cas  de  non-payement  de  la- 
quelle il  peut  opérer  une  saisie  chez  le  tenancier  ou  in- 
tenter contre  lui,  dans  les  six  ans,  une  action  pour  dette'*. 

Dans  d'autres  manoirs,  il  jouit,  an  décès  de  son  tenancier, 
du  droit  àe meilleur  catel [heriot  \  en  allemand,  besthaupt)^ 
c'est-à-dire  du  droit  de  se  faire  délivrer  la  meilleure  tête  du 
bétail  ou  la  plus  belle  pièce  de  l'avoir  mobilier  délaissé 
par  le  défunt''.  L'usage  était  même,  dans  les  anciens  temps, 
que  le  tenancier  le  lui  attribuât  par  le  premier  article  de 
son  testament '^  ;  sauf  au  seigneur  à  prendre  lui-même 
l'objet  si  le  tenancier  mourait  intestat  et  pour  autant  que 
le  seigneur  n'avait  pas,  dans  ce  cas,  droit  à  l'intégralité 
de  l'avoir  délaissé  par  son  serf  ^\  Le  droit  de  meilleur 
•  catel  subsiste  encore  dans  beaucoup  de  manoirs;  mais 
la  nature  et  la  valeur  de  l'objet  dû  au  seigneur  sont  très 
variables  :  le  plus  souvent  le  droit  se  traduit,  de  nos  jours, 
en  une  redevance  pécuniaire.  Le  seigneur  jouit,  pour  le 
faire  valoir,  d'une  action  en  restitution  [lrover,detmue),  et 
toute  disposition  faite  en  fraude  de  ses  droits,  entre  vifs  ou 
par  testament,  serait  entachée  de  nullité.  Toutefois  le 
droit  de  meilleur  catel  ne  constitue  pas  une  charge  du 
fonds  môme.  Nous  dirons,  en  passant,  que  parfois  leheriot 
est  dû  même  à  la  mort  d'un  franc-tenancier,  lorsqu'il 
existe  un  seigneur  du   domaine;  mais,  aujourd'hui,  tout 


"Scriven,7<^  édit.,p.  09  etsuiv.-  "■<  Bractf>n,  60,  a  et  6  ;  Fleta,  I. 

Walkins,  II,  73.                               '  II.  c.  57. 

'*  Scriven,  7"  édit.,  p.  240;    St.  '^  Artic.  observanda per  provi- 

4,  Geo.  Il,  c.  28,  §  5.  sionem  episcoporum  Anglix,  §25, 

1*   Bracton,   de   Legibus,86   a;  Matth.     Paris,     951;      Addilam., 

Blackstone,  Cooiin.,  II,  42:î.  p.  201,  éd.  de  Wats,  Londres,  1()4U; 


240  DES   COPYHOLDS 

franc-tenancier  assujetti  à  celte  obligation  peut  s'en  faire 
relever  ''. 

333.  —  Les  copijholds^  comme  les  francs-tènements, 
peuvent  être  tenus  soit  conjointement,  soit  en  commun 
(cpr.  n°'  483  et  suiv.).  Lorsqu'il  y  atenure  conjointe,  l'ad- 
missioQ  de  l'un  des  tenanciers  sur  les  rôles  du  manoir  vaut 
pour  les  autres,  et,  au  décès  de  l'un,  les  autres  n'ont  pas 
besoin  de  se  faire  admettre  à  nouveau  ".  Dans  le  principe 
la  cour  de  Chancellerie  n'était  pas  compétente  pour  homo- 
loguer les  partages  entre  tenanciers  conjoints  ou  cotenan- 
ciers  de  copi/hold  lands  ^''•,  elle  l'est  devenue  en  vertu  du 
St.  4etr),  Vict.,c.  33,  §85. 

334.  —  Les  divers  droits  compélant  au  seigneur,  le 
droit  de  meilleur  calel,  le  droit  de  relief,  le  droit  à  des  rede- 
vances ou  corvées,  le  droit  aux  arbres  de  haute  futaie,  etc., 
ont  paru,  par  la  suite  des  temps,  singulièrement  onéreux 
pour  les  tenanciers,  en  comparaison  des  avantages  en 
somme  assez  minces  qu'en  retire  le  seigneur.  Le  statut 
que  nous  venons  d'indiquer  (4  et  5,  Vict. ,  c.  35)  a  cherché, 
en  conséquence,  à  faciliter  la  transformation  de  ces  droits 
par  un  procédé  analogue  à  celui  qui  avait  été  prescrit  pour 
celle  des  dîmes.  Les  droits  du  seigneur  se  convertissent 
en  une  rente  foncière,  dont  le  taux,  selon  les  convenances 
des  parties,  est  fixe  ou  proportionnel  au  prix  du  blé,  sans 
préjudice  d'un  droit  fixe  à  payer  en  cas  de  décès  ou  d'alié- 
nation et  qui  ne  saurait  excéder  cinq  shillings  (6  fr.  25) 
(§  14). 

335.  —  La  même  loi  a  facilité  l'affranchissement  [en- 
franchisement)  complet  du  wpyholdland.dM  moyen  d'une 

>8  Damerellc.  Prolheroe,  10  Q.  '»  Watkins,  F,  272,277. 

B.,  20;  St.  21  et  22,   Vict.,   c.   94,  ^i' Jopec.Morshead,6Bcav.,2l3. 

§  6. 


DES   COPYHOLDS  2il 

renie  foncière  ou  d'un  prix  de  raciial  à  payer  par  le  tenan- 
cier :  ce  prix  n'est  pas  nécessairement  payable  comptant; 
il  peut  être  stipulé  payable  à  terme  ou  par  annuités  et, 
dans  ce  cas,  rester  hypothéqué  sur  le  bien  (§§  36,  59,  70 
et  75).  Cette  mesure  libérale,  qui  a  pour  effet  de  convertir 
\es  copyhoids  en  francs-ténemenls,  a  été  complétée  par  les 
St.  15  et  16,  Vict.,  c.  51,  et  21  et  22  Vict.,  c.  94.  Jus- 
qu'alors, l'affranchissement  du  copijhold  était  subordonné 
au  consentement  réciproque  des  deux  parties.  Aujourd'hui, 
chacune  d'elles  peut  contraindre  l'autre  à  s'y  prêter.  Le 
Copyhold  act  de  1852  (c.  51  ci-dessus)  exigeait  encore 
un  deed  of  enfrancïmemenl;  celui  de  1858  (c.  94,  §  10)  y 
a  substitué  en  principe  une  sentence  arbitrale  [award), 
confirmée  par  ]es  copyholds  comnmsioners  qu'il  institue  : 
si  les  parties  ne  s'entendent  pas  sur  les  conditions  du  ra- 
chat, ces  conditions  sont  fixées,  sous  le  contrôle  desdils 
commissaires,  soit  par  un  expert  nommé  d'un  commun  ac- 
cord, soil  par  deux  experts  désignés  l'un  par  le  seigneur, 
l'autre  par  le  tenancier,  et  qui  s'adjoignent  un  sur-arbitre. 
Il  est  de  règle,  sauf  convention  contraire,  que,  si  l'affran- 
chissement est  réclamé  par  le  seigneur,  la  compensation 
qui  lui  est  due  consiste  en  une  rente  foncière  a^■sise  sur 
l'immeuble  (c.  51,  §  7;  c.  94,  §  21). 

L'affranchissement  n'éteint  ou  ne  modifie  les  droits  des 
parties  sur  les  mines  ou  minerais  que  renferme  le  sol 
qu'autant  qu'elles  font  à  cet  égard  un  arrangement  écrit 
et  formel  (c.  51,  §48;  c.  94,  §14). 

335  bis.  —  Malgré  l'impulsion  donnée  par  le  copyhold 
act  de  18."j2,  la  transformation  de  ces  vieilles  censives  en 
tenuresfranchesnes'estpasachevéeaussi  rapidement  qu'on 
eùl  pu  l'espérer.  Une  loi  de  1887  -'  a  voulu  rendre  leur 

2'  St.  50  et  51,  Vicl.,c.  73. 

f^EHH  IG 


242  DE  L'ALIÉNATION  DES  COPYHOLDS 

affranchissement  encore  plus  facile  que  précédemment.  Dans 
ce  but,  il  a  été  décidé  que  le  rachat  pourrait  se  réaliser,  non 
plus  seulement  par  un  payement  unique  entre  les  mains  du 
seigneur,  mais  aussi  par  une  promesse  d'annuités  échelon- 
nées sur  une  période  de  25  ans.  En  outre,  on  a  donné  aux 
tenanciers  d'un  même  manoir  le  droit  d'exiger  le  rachat 
de  tous  les  copyholds  qui  en  dépendent.  Il  suffit  que  ce  ra- 
chat soit  demandé  par  les  deux  tiers  des  copyholders  pour 
qu'il  devienne  obligatoire  à  l'égard  des  autres.  Afin  que 
les  droits  ainsi  conférés  aux  tenanciers  soient  plus  sûre- 
ment exercés,  la  loi  exige  que  le  seigneur  informe  chacun 
de  ses  copyholders  de  la  faculté  qui  leur  appartient. 

Ces  dispositions  ont  été  encore  généralisées  par  une  loi 
plus  récente  de  4894^^ 

Il  subsiste  néanmoins  beaucoup  de  copyholds,  et  il  est  à 
présumer  qu'on  ne  les  verra  disparaître  que  si  un  texte 
nouveau  en  déclare  le  rachat  obligatoire. 

CHAPITRE  II 

De  l'aliénation  des  copyholds. 

Sommaire  :  336.  Mode  d'aliénation  actuels  entre  vifs.  —  337.  Surrender. 
—  338.  Admittance.  —  339.  Situation  des  parties  entre  la  rétrocession 
et  l'admission.  —  340.  Aliénation  par  testament.  —  341.  Cas  où  nul 
héritier  ni  légataire  ne  se  présente  au  décès  du  copyholder.  —  S42. 
Mort-gage  d'un  copyhold.  —  343.  Fidéicommis  portant  sur  un  copy- 
hold.  —  344.  Remaindcr.  —  345.  Sous-inféodation  inierdite  au  copy- 
holder. 

336.  —  L'aliénation  entre  vifs  des  copyholds  se  fait 
encore  à  peu  près  suivant  le  même  mode  qu'au  moyen 
âge  :  le  copijholder  rétrocède  ses  terres  au  seigneur  [sur- 

22  St.  57  et  58,  Vict.,  c.  46. 


DE  L'ALIENATION  DES  COPYHOLDS  243 

render),  lequel  admet  ensuite  l'acquéreur  en  son  lieu  et 
place  [admittance).  Tout  autre  mode  est  nul'. 

Autrefois,  pour  donner  à  ces  admissions  toute  la  publi- 
cité désirable,  la  cour  coutumière  du  manoir,  à  laquelle 
tous  les  copyholders  étaient  obligés  d'assister,  s'assem- 
blait de  temps  en  temps,  et  c'est  devant  elle  que  les  nou- 
veaux admis  prêtaient  hommage;  la  cour  n'était  valable- 
ment constituée  que  si  deux  copyholders  au  moins  étaient 
présents^ 

Dans  les  temps  modernes,  la  tenue  de  ces  cours  a  paru 
une  formalité  superflue.  Le  St.  4  et  5,  Vict.,  c.  35,  §  86, 
a  décidé  que  la  cour  pourrait  fonctionner  sans  la  présence 
d'aucun  copyholder,  ce  qui  revenait  à  dire  que  le  seigneur 
seul  ou  son  intendant  agirait  valablement  au  lieu  et  place 
de  l'ancienne  cour.  La  loi  a  seulement  ajouté  que,  hormis 
le  cas  où,  d'après  un  usage  immémorial^  une  cour  com- 
mune à  plusieurs  manoirs  serait  tenue  dans  l'un  d'eux,  la 
cour  ne  pourrait  jamais  siéger  hors  du  manoir^;  et,  d'au- 
tre part,  nulle  proclamation  faite  en  séance  n'est  opposa- 
ble à  un  copyholder  qui  n'y  aurait  pas  assisté,  à  moins 
qu'il  n'en  ait  été  dûment  avisé  dans  le  mois.  Les  actes 
de  la  cour  sont  inscrits  sur  un  registre  spécial  [court  rolls), 
par  les  soins  de  l'intendant  [steward);  les  tenanciers  ont 
toujours  le  droit  de  consulter  le  registre*. 

337.  —  Lorsqu'un  copyholder  désire  aliéner  ses  terres 
entre  vifs,  il  se  présente  devant  le  seigneur  ou  le  ste- 
ward, à  l'effet  de  les  rétrocéder  au  profit  [to  thc  use  of) 
de  l'acquéreur,  ou  de  l'acquéreur  et  de  ses  descendants,  ou 
de  l'acquéreur  et  de  ses  héritiers.  Cette  rétrocession,  qui 
constitue  le  premier  acte  de  la  cérémonie,  se  [fait  habi- 

1  Watkins,  I,  326.  ■-  Scriven,  V  édit.,  6. 

2  Scriven,  7<=  édit.,  ch.  XII.  i  Ib.,  p.  K2\. 


244  DE  L'ALIÉNATION   DES   COPYUOLDS 

tuellement  sous  la  forme  symbolique  de  la  remise  par  le 
tenancier  au  seigneur  d'une  baguette  ou  d'un  épi.  Si  elle 
a  lieu  en  séance  de  la  cour  coulumière,  inscription  en 
est  immédiatement  prise  sur  le  registre  du  manoir,  et 
une  copie  de  l'inscription,  dûment  timbrée  et  signée  du 
steward,  est  remise  à  l'acquéreur,  dont  elle  constitue  le 
titre.  Si  elle  n'a  pas  lieu  en  séance  de  la  cour,  un  mé- 
morandum de  l'opération  est  rédigé  par  écrit,  timbré  et 
signé  tant  par  les  parties  que  par  le  stevjard^  et  in- 
scription de  la  rétrocession  est  prise  sur  le  registre  du 
manoir  sans  qu'il  faille,  comme  autrefois,  que  le  mé- 
morandum ait  été  préalablement  «  présenté  »  en  la  plus 
prochaine  séance  de  la  cour^ 

338.  —  L'admission  [admittance]  de  l'acquéreur,  qui 
constitue  le  second  acte  d'une  aliénation,  peut  avoir  lieu 
en  tout  temps,  à  la  requête  de  celui  au  profit  de  qai  la 
rétrocession  avait  eu  lieu.  Elle  est  subordonnée  au  paye- 
ment d'un  droit  {/ine),  dont  le  montant  est  fixé  par  la 
coutume  du  manoir,  mais  ne  doit  pas  dépasser  en  gé- 
néral deux  années  du  revenu  du  bien,  déduction  faite 
des  quit-rents  qui  le  grèvent  %  si  ce  droit  n'est  pas 
payé  aux  termes  convenus,  le  seigneur  a  six  ans  pour 
poursuivre  le  débiteur,  et  il  peut  même,  dans  certains 
cas,  l'évincer''.  Parfois,  un  droit  analogue  est  dd  en  cas 
de  changement,  non  plus  de  tenancier,  mais  bien  de  sei- 
gneur, pourvu  que  le  changement  s'opère  par  suite  de 
décès  et  non  par  un  fait  de  ^homme^ 

Le  plus  souvent,  l'admission  a  lieu  séance  tenante, 
immédiatement   après    la  rétrocession   et    en   la    même 


5  St.  4  et  5.  Vict.,  c.  35,  §  89.  i  Ib.,  454,  462;  St.  3  et  4,  Guil. 

IV,  c  42.  §  3. 
fi  Scriven,  p.  239,  3.33.  »  Watkins,  I,  285. 


DE   L'ALIÉNATION   DLS    COPÏIIOLDS  245 

forme  symbolique  :  le  seigneur  remet  entre  les  mains 
de  l'acquéreur  la  baguette  ou  l'épi  qu'il  avait  reçu  du 
précédent  copijholder  et  l'institue  ainsi  son  tenancier. 
Si  l'admission  n'a  pas  lieu  séance  tenante,  elle  rétroagit 
au  jour  du  surrender ;  par  conséquent,  si  un  copyholder^ 
après  une  première  rétrocession,  en  faisait  une  seconde 
au  profit  d'une  autre  personne  et  que  celle-ci  se  fit  ad- 
mettre la  première,  l'admission  postérieure  du  premier 
cessionnaire  priverait  le  second,  même  admis,  de  tout 
droit  sur  le  bien'.  Depuis  le  St.  4  et  5,  Vict.,  c.  3o, 
§§  88  et  90,  l'admission  ne  se  fait  plus  nécessairement 
dans  le  manoir  même;  le  seigneur,  ou  son  intendant,  ou 
le  vice-intendant,  peut  admettre  en  tout  temps  et  en 
tout  lieu,  dans  le  manoir  ou  ailleurs,  sans  tenir  de  cour 
et  sans  qu'il  faille  aucune  «  présentation  »  préalable  en  la 
cour  coutumière  de  l'acte  de  rétrocession  correspon- 
dant. On  se  contente  d'un  mémorandum,  qui  est  inscrit 
à  son  tour  sur  le  registre  du  manoir  et  dont  copie  est 
remise,  s'il  y  a  lieu,  à  l'acquéreur,  en  môme  temps  que 
du  surrender  fait  antérieurement  à  son  profit. 

339.  —  Entre  la  rétrocession  et  l'admission,  l'acqué- 
reur n'a  encore  qu'un  commencement  de  droit  [ùichoate 
right);  il  n'est  pas  encore  réputé  tenancier.  Aux  yeux  du 
seigneur,  le  cédant  a  encore  seul  ce  caractère,  mais  il  ne 
l'a  plus  que  sub  modo;  en  réalité,  il  est  un  trustée  pour 
le  compte  de  l'acquéreur'".  Quant  au  cessionnaire,  il 
ne  peut  disposer  du  bien  entre  vifs;  il  ne  possède  en- 
core aucun  estate.  Il  n'a  d'autre  droit  que  de  disposer  des 
terres  par  testament  ou  de  les  donner  à  ferme  au  cé- 
dant". Au   surplus,  il  lui  est  loisible  de  contraindre  le 

'J  Walkins,  I,  103.  n  Co.  Lift  ,  6()a  ;  St.  7,  Guil.  IV, 

'"  Ib  ,  102.  et  1,  Vict.,  c.  26,  §§  2-5,  9. 


^/ 


246  DE  L'ALIENATION  DES   COPYHOLDS 

seigneur  à  Tad mettre,  soit  par  un  mmidamus,  soit  au 
moyen  d'un  bill  en  chancellerie^-.  Le  seigneur  n'est,  en 
matière  d'admission,  qu'un  simple  intermédiaire  néces- 
saire [ministerial  officer)  entre  les  deux  parties". 

340.  —  L'aliénation  des  copyholds  par  testament  était 
autrefois  soumise  aux  mêmes  formes  que  l'aliénation 
entre  vifs.  Le  tenancier  rétrocédait  les  terres  de  son 
vivant  to  the  use  of  his  ivUl^  au  profit  de  la  personne 
désignée  dans  son  testament.  Le  testament  était  réputé, 
en  quelque  sorte,  partie  à  l'acte.  Après  le  décès  du  tes- 
tateur, le  légataire  se  trouvait  jusqu'à  son  admission 
dans  la  même  situation  qu'un  acquéreur  entre  vifs  non 
encore  admis.  Une  loi  de  1815  (St.  55,  Geo.  III,  c.  192) 
a  reconnu  la  validité  des  legs  de  copijhold&  sans  cette 
formalité  préalable  d'une  rétrocession  entre  vifs.  Le  léga- 
taire, dès  avant  son  adriiission,  peut  disposer  par  testa- 
ment du  bien  qui  lui  a  été  légué '\  Autrefois,  le  léga- 
taire était  astreint  à  venir  présenter  le  testament  en  cour 
coutumière,  aussitôt  après  le  décès  du  testateur,  et  son 
admission  avait  lieu  séance  tenante.  Aujourd'hui,  il  suffit, 
pour  qu'on  l'inscrive  sur  le  registre  du  manoir,  qu'il  pré- 
sente une  copie  de  la  pièce  au  seigneur  ou  au  steward, 
hors  séance '^ 

341.  —  Parfois,  au  décès  du  tenancier,  personne  ne 
se  présente  pour  être  admis  en  son  lieu  et  place  à  titre 
d'héritier  ou  de  légataire.  Dans  ce  cas,-  le  seigneur, 
après  publication  faite  dans  trois  séances  consécutives 
de  la  cour  coutumière,  a  le  droit  de  reprendre  les  biens, 
tantôt  qiiousque,  c'est-à-dire  jusqu'à  ce  que  quelqu'un 

'2   Blackstone,   Comm.,  II,  369.  i^  4  Rgp.,  27,  1  Rep.,  140. 

Doec.  Harrison,&Q.  B.,531;  Rex  !'•   St.  7,   Guil.  IV,  et   1,    Vict., 

c.    Manor-  of  Bonsall,  3  B  et  G.,  c.  26,  §  3. 

175.  15  St.  4  et  5,  Vict..  c.  35,  §§88-90. 


DE   L'ALIE.XATIOX  DES  COPYHOLDS  247 

se  présente  pour  les  réclamer  *%  tantôt  définilivement, 
si  la  coutume  du  manoir  l'y  autorise.  Comme  ce  droit 
peut  porter  préjudice  à  des  incapables  (mineurs, 
femmes  mariées,  aliénés,  etc.),  des  lois  spéciales  ont 
pourvu  aux  intérêts  de  ceux  qui  ne  sont  pas  légalement 
en  situation  de  les  faire  valoir  eux-mêmes  :  les  incapa- 
bles sont  autorisés  à  se  présenter  en  personne  ou  par 
l'intermédiaire  de  leurs  représentants  légaux,  et,  à  dé- 
faut, le  seigneur  peut  leur  nommer  un  tuteur  ad  hoc  et 
les  admettre  en  la  personne  de  ce  curateur,  moyennant 
payement  de  la  redevance  usuelle  en  cas  de  mutation. 
Si  cette  redevance  n'est  pas  acquittée,  le  seigneur  per- 
çoit les  revenus  du  bien  jusqu'à  due  concurrence  ;  le 
tuteur  ou  curateur  qui  en  a  fait  l'avance  jouit  du  même 
droit.  Mais  le  fait  par  un  incapable  de  négliger  ou  de 
refuser  de  se  faire  admettre  ou  de  ne  pas  payer  le  droit 
de  mutation  n'entraîne  pas  déchéance  absolue  de  ses 
droits  sur  le  bien'\ 

342.  —  Le  mode  usuel  d'aliénation  ôy  siirrender  and 
admittance  s'emploie  également  dans  le  cas  où  le  co- 
pyholder  veut  mortgager  ses  terres  :  il  en  fait  une  rétro- 
cession pour  l'hypothèse  où  il  ne  rembourserait  pas  sa 
dette  à  l'échéance.  Seulement,  avant  que  cette  hypothèse 
ne  se  présente,  il  n'y  a  pas  lieu  de  procéder  à  l'admission 
du  créancier  ;  et^  si  le  remboursement  s'effectue  à  l'époque 
voulue,  la  rétrocession  devient  caduque  de  plein  droit. 
Même  lorsque  le  remboursement  reste  en  souffrance,  le 
créancier  mortgagé  n'est  habituellement  admis  qu'autant 
qu'il  demande  expressément  à  entrer  en   possession  des 


■G  Walkins,  I,   234;  Scriveo,    I,       c.  ÔJ,  §§  3-9;  St.   16  et  17.  Vict., 
355.  c.  70,  §§  108-112. 

'"  St.  11,  Geo   IV,  etl,  Guil.  IV, 


248  DE    L'ALIÉNATION  DES    COPYHOLDS 

terres.  Une  fois  l'obligation  éteinte  par  le  payement,  on  fait 
sur  le  registre  du  manoir  une  mention  qui  restitue  au  titre 
du  débiteur  mort  gageant  toute  son  efficacité  première". 

343.  —  De  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  que  la 
rétrocession  se  fait  au  profit  [to  the  use)  de  l'acquéreur,  il 
ne  faudrait  pas  conclure  que  le  Statute  of  uses  s'applique 
aux  copyholds  :  il  n'en  est  rien.  Sans  doute,  le  copyholder 
a  la  jouissance  du  bien;  mais  la  saisine,  la  possession 
féodale  des  terres  repose  exclusivement  sur  la  tête  du  sei- 
gneur, de  sorte  que  le  tenancier  ne  saurait,  au  moyen 
d'une  simple  rétrocession  faite  «  à  son  profit  »  par  son  pré- 
décesseur, acquérir,  selon  les  termes  du  statut,  la  saisine 
légale  de  Yestate  dont  il  a  la  jouissance;  car,  les  droits  du 
cédant  étant  purement  coutumiers,  lecessionnaire  ne  peut 
en  tenir  de  lui  de  plus  étendus.  Mais,  si  une  rétrocession 
était  faite  par  A ,  copyholder,  to  the  use  of  B,  upon  trust 
for  C,  la  division  de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour  exer- 
cerait sur  B,  devenu  tenancier  du  copyhold^  et  pour  l'o- 
bliger à  accomphr  le  fîdéicommis  qui  lui  est  imposé  en  fa- 
veur de  C,  la  même  juridiction  que  s'il  s'agissait  d'un 
franc-lènement. 

Un  équitable  estate  tait  in  copyholds  peut  être  annulé 
par  deed^  tout  comme  en  matière  de  francs-tènements  ; 
seulement  le  deed,  au  lieud'être  inscrit  en  cour  de  Chan- 
cellerie, Test  sur  le  registre  du  manoir '^ 

Le  possesseur  C  d'un  équitable  estate,  n'ayant  d'après 
la  nature  même  de  son  estate  aucun  droit  légal  sur  les  ter- 
res, n'est  pas  lui-même  un  copyholder  :  ce  n'est  pas  lui  qui 
est  le  tenancier  du  seigneur,  c'est  son  trustée  B.  Par  suite, 
c'est  le  trustée  qui  est  admis  et  qui  peut  rétrocéder.  Sauf 

'8  Watkins,  I,  116.  117.  i»  St.  3  et  4,   Guill.   IV,  c.  74, 

§  53,  54. 


DE  L'ALIÉNATION  DES  COPYIIOLDS  249 

une  OU  deux  exceptions,  le  cestui  que  trust  ne  saurait  dis- 
poser par  ce  moyen  de  son  équitable  interest^'^. 

344.  —  Les  copyhold  estâtes  comportent  des  droits 
d'expectative  {remainder)  analogues  à  ceux  admis  pour 
les  francs-lènements.  Quand  un  bien  est  aliéné  entre  vifs 
ou  par  testament  au  profit  d'une  personne  pour  toute  sa 
vie,  mais  avec  droit  d'expectative  en  faveur  d'une  autre, 
l'admission  du  tenancier  à  vie  emporte  celle  des  remain- 
dermen,  sauf  règle  coutumière  contraire''. 

345.  —  Le  copyholder,  qui,  dans  les  conditions  qui 
viennent  d'être  indiquées,  a  le  droit  d'aliéner  son  estate  et 
de  se  substituer  un  autre  tenancier,  n'a  pas  celui  de  sous- 
inféoder  le  bien  et  de  créer  entre  lui  et  un  tiers  une 
tenure  analogue  à  celle  qui  existe  entre  lui  et  le  sei- 
gneur'^. 


20   Scriven,  T'' édit.,  p.  48;   Wil-  Randftehl,    1    Drew.   et   S.,    310; 

liams,    Real  property,   19'=   édit.,  Reg.  c.  Manor    of    DalHngham, 

p.  476  à  479;  St.  3  el  4,  GuiL  IV,  8  Ad.  et  E.,  858. 

c.  74,  §§  50,  77.  22  Paterson,    Compendium,  n» 

2«  Watkins,  I,  276;  Randfield  c.  198. 


SECTION  CINQUIÈME 

DE    L'ACQUISITION    ET   DE    LA    TRANSMISSION 
DES  IMMEUBLES. 

INTRODUCTION. 

Sommaire  :  346.  Principe  général.  —  347.  Escheat.  —  348.  Occupation. 
—  349.  Accession  immobilière.  —  350.  Confiscation.  —  351.  Modes  en- 
core en  vigueur. 

346.  —  D'après  les  jurisconsultes  anglais*,  on  devient 
propriétaire  d'un  immeuble  de  deux  façons  différentes  : 
6i/  descendance^  à  titre  héréditaire,  ou  by  purchase,  à 
titre  d'acquéreur.  Nous  réservons  pour  la  partie  de  notre 
ouvrage  relative  aux  successions  l'examen  des  modes  de 
transmission  après  décès.  Entre  vifs,  la  propriété  s'acqué- 
rait autrefois  :  1°  par  escheat^  2°  par  occupation,  3°  par 
prescriplion,  4°  par  confiscation,  5"  par  aliénation.  Trois 
de  ces  modes,  Vescheat,  l'occupation  et  la  confiscation, 
sont  aujourd'hui  ou  tombés  en  désuétude  ou  expressément 
abolis. 

347.  —  V escheat  est  une  sorte  de  droit  de  réversion 
en  vertu  duquel  un  bien  fait  retour  au  donateur  originaire 
ou  au  seigneur  du  fief,  à  défaut  de  tous  héritiers  ou  suc- 
cesseurs du  tenancier  aptes  à  le  recueillir".  Aujourd'hui 

1  Blackstone,  Comm.,  III,    8  et  2  Co.  Litt.,  13. 


DE  L'ACQUISITION   DES   IMMEUBLES  251 

que  les  tenanciers  en  fief  simple  jouissent  d'un  droit  de 
disposition  absolu  entre  vifs  ou  par  testament,  il  est  fort 
rare  que  le  seigneur  dont  le  fîef  relève  nominalement  ait 
l'occasion  de  se  prévaloir  du  droit  d'escheat.  Il  est  deux 
seuls  cas  où  l'application  s'en  présente  encore  parfois,  à 
savoir  :  celui  où  le  possesseur  du  fîef  ne  laisse,  à  défaut 
de  tous  héritiers  légitimes  ou  testamentaires,  qu'un  enfant 
naturel,  et  celui  où  un  enfant  naturel  qui  possède  un  im- 
meuble meurt  sans  postérité  et  intestat.  Comme,  at  laiv, 
l'enfant  naturel  n'a  ni  père,  ni  mère,  qu'il  esl  ?iulims  films, 
il  est  privé  de  tout  droit  sur  les  biens  provenant  des  au- 
teurs de  ses  jours;  et,  d'autre  part,  il  ne  peut  avoir  lui- 
même  comme  héritiers  ni  des  ascendants,  ni  des  collaté- 
raux, de  sorte  que  les  biens  qu'il  laisse  sans  en  avoir  disposé 
par  testament  font  retour  au  seigneur  dont  ils  relèvent*. 
Depuis  ['Intestates  Estate  Act  de  1884*,  Vescheat  s'étend 
aux  trust  estâtes. 

348.  —  L'occupation,  c'est-à-dire  le  droit  de  s'empa- 
rer des  terres  sans  maître,  a  toujours  été  restreinte,  en 
Angleterre,  dans  les  plus  étroites  limites.  Elle  n'était  ad- 
mise autrefois  que  dans  un  seul  cas  :  lorsqu'un  homme 
était  tenancier  pur  autre  vie,  c'est-à-dire,  avait  la  jouis- 
sance personnelle  d'un  bien  pour  la  durée  de  la  vie  d'une 
autre  personne,  et  qu'il  venait  à  mourir  avant  cette  der- 
nière, celui  qui  prenait  alors  le  premier  possession  dudit 
bien  pouvait  le  conserver  par  droit  d'occupation  jusqu'au 
décès  du  cestui  que  vie.  En  effet,  le  bien  ne  pouvait  faire 
retour  ni  au  concédant,  puisqu'il  avait  renoncé  à  tout 
droit  pendant  la  vie  du  cestui  que  vie,  ni  au  seigneur,  par 


3    Williams,    Real    prop.,     19«  >  St.  47  et  48,  Vict..  c.  71,  §  4. 

édit.,    p.    56  et   187;    Blackstone, 
op.  cit.,  85. 


252  DE  L'ACQUISITION  DES  IMMEUBLES 

droit  d'escheat,  parce  que  ce  droit  doit  porter  sur  le  fief  tout 
entier  et  noa  sur  un  simple  état  de  possession  particulier, 
détaché  du  fief.  Il  n'appartenait  donc,  pour  ces  quelques 
années,  à  personne,  et  le  premier  occupant  s'y  installait 
légitimement. 

Ce  droit  d'occupation  dite  commune  a  été,  pour  ainsi 
dire,  supprimé  par  deux  statuts  déjà  anciens  :  l'un  (St.  29, 
Car.  II,  c.  3)  donne  au  tenant /?w;'  autre  vie  la  faculté  de 
disposer  de  son  droit  par  testament  et,  à  défaut,  attribue 
le  bien  soit  à  ses  exécuteurs  testamentaires,  soit  aux  admi- 
nistrateurs de  sa  succession  ab  intestat,  en  vue  du  paye- 
ment de  ses  dettes.  L'autre  statut  (14,  Geo.  II,  c.  20) 
porte  que  ce  qui  restera  des  revenus  de  la  possession  pur 
autre  vie,  après  payement  des  dettes,  sera  réparti  de  la 
même  façon  que  les  biens  meubles  délaissés  par  le  dé- 
funt\ 

349.  —  Dans  les  autres  cas  d'occupation  ou,  si  l'on 
veut,  d'accession  immobilière  reconnus  par  les  législations 
du  continent,  les  lois  anglaises  assignent  immédiatement 
un  propriétaire  aux  terres  sans  maître  connu  ou  de  nou- 
velle formation.  Les  îles  nouvelles  qui  surgissent  dans  la 
mer  appartiennent  au  roi*.  Les  îlots  qui  se  forment  dans 
les  rivières  sont  dévolus  aux  riverains,  suivant  la  règle 
romaine";  il  en  est  de  même  des  alterrissemenls  et  allu- 
vions.  Mais,  lorsqu'une  rivière  change  complètement  de 
lit,  Blackstone  paraît  admettre,  contrairement  à  la  théorie 
romaine  et  conformément  à  la  règle  française,  que  le  lit 
abandonné  doit  être  adjugé  à  titre  de  compensation  aux 
propriétaires  des  fonds  nouvellement  occupés*. 


5  Blackstone,   op.    cit.,    101    et  ~  Inst.,  II,  i,  §  22. 

suiv.  8  Blackstone,  op.  cit.,  107-109; 

6  Bracton,  I.  il,  c.  2.  cpr.  Inst.,  h.  L,  §23;  C.  civ.,  563. 


DE   LA    PRESCRIPTION  253 

350.  —  LacooQscation,  qui  était  autrefois  le  corollaire 
de  tout  arrêt  de  condamnation  pour  crimes  graves  [trea- 
son,  felony,  felo  de  se)  et  qui  mettait  à  néant,  au  profil  de 
la  couronne,  les  droits  non  seulement  du  condamné,  mais 
encore  de  ses  héritiers  innocents,  a  été  abolie  par  le  sta- 
tut 33  et  34,  Vict.,  c.  23. 

351.  —  Il  nous  reste  donc  à  nous  occuper  de  la  pres- 
cription et  des  modes  d'aliénation  entre  vifs,  à  propos 
desquels  nous  étudierons  successivement  :  1"  les  modes 
usités  dans  Tancien  droit;  2°  les  deeds,  en  général;  3"  les 
deeds  of  grant,  en  particulier;  hP  les  moyens  de  donner 
sécurité  aux  acquéreurs  d'immeubles. 


CHAPITRE  I 

De    la     prescription. 

INTRODUCTION. 

352.  —  La  prescription  est,  en  droit  anglais,  un  des 
modes  réguliers  d'acquisition  tant  de  la  propriété  que  des 
autres  droits  réels.  On  l'y  rencontre  sous  deux  noms  ; 
lÀmitation  et  pi'escrijj/ion.  La  limitation  est,  à  vrai  dire, 
l'extinction  par  prescription  de  l'action  en  revendication 
du  propriétaire  dépossédé,  extinction  qui  a  pour  consé- 
quence de  rendre  désormais  le  possesseur  propriétaire 
incontesté.  La  j9/v'.sr;7///?'o;#,  au  contraire,  qui  correspond 
à  l'usucapion  romaine,  est  le  moyen  d'acquérir  définitive- 
ment et  directement  les  .servitudes  ou  autres  droits  qu'on  a 
exercés  sans  interruption  pendant  un  temps  donné. 


254  DE   LA   LIMITATION 

I 
De  la  limitation. 

Sommaire  :  353.  Raison  d'être  de  la  prescription  extinctive.  —  354.  Dé- 
lai pour  les  droits  de  la  couronne.  —  355.  Délai  de  droit  commun  ; 
législation  antérieure  à  1879.  —  356.  Incapables.  —  357.  Trustées.  — 
358.  Fraude.  —  359.  Mort-gage.  —  360  Droits  incorporels.  —  361. 
Législation  en  vigueur  depuis  1879. 

353.  —  On  verra  plus  bas  (n°  39o)  que,  avant  de  procé- 
der à  une  acquisition  d'immeubles,  l'acquéreur  est  mis  à 
même  de  s'assurer  que  le  vendeur  a  qualité  pour  lui  céder 
les  biens  dont  il  s'agit.  Il  peut  arriver  néanmoins  que,  soit 
par  négligence  dans  l'examen  des  titres  de  son  auteur,  soit 
pour  toute  autre  cause,  une  personne  détienne  des  biens 
appartenant  en  réalité  à  autrui;  et  autant  il  est  juste  que 
le  légitime  propriétaire  ait  un  délai  raisonnable  pour  reven- 
diquer ce  qui  est  à  lui,  autant  il  est  désirable  que  cette 
période  d'incertitude  ne  soit  pas  indéterminée  et  qu'il 
arrive  un  moment  où  le  possesseur  soit  à  l'abri  de  toute 
revendication.  Plusieurs  lois  ont  eu  pour  but  de  fixer  ce 
moment. 

354.  —  En  vertu  du  St.  9,  Geo.  III,  c.  46,  amendé 
par  le  St.  24  et  25,  Vict.,  c.  62^  les  droits  immobiliers  de 
la  couronne  se  prescrivent  par  soixante  ans. 

355.  —  Pour  toutes  autres  personnes,  la  loi  en  vigueur 
jusqu'au  l*"- janvier  1879  était  le  St.  3  et  4,  Guil.  IV,  c.  27, 
rendu  à  la  requête  des  Real  property  commissioners . 
D'après  cette  loi,  l'action  en  revendication  d'un  immeuble 
ne  pouvait  être  intentée  que  pendant  vingt  années;  le  dé- 
lai courait  soit  du  jour  de  la  dépossession  (§  2),  soit,  si  le 
demandeur  avait  une  rente  ou  des  fruits  à  percevoir, 
du  jour  où  il  les  avait  perçus  pour  la  dernière  fois,  soit, 


DE   LA   LIMITATION  255 

s'il  s'agissait  d'une  propriété  purement  éventuelle  {rever- 
61071  ou  remainder),  du  jour  où  le  future  estate  était 
devenu  un  eî<tale  in  possession  (§  3).  En  cas  de  reconnais- 
sance écrite  délivrée  par  le  possesseur  au  vrai  propriétaire, 
la  prescription  ne  courait  que  de  la  date  de  la  reconnais- 
sance (§  14). 

356.  —  Si,  au  moment  où  le  droit  de  revendication 
prenait  naissance,  la  personne  à  qui  il  compétait  était  en 
état  d'incapacité  légale  (mineurs,  femmes  mariées,  idiots, 
déments,  etc.),  ou  absente  au  delà  des  mers,  c'est-à-dire, 
absente  du  Royaume-Uni  et  des  îles  adjacentes,  cette  per- 
sonne jouissait  d'un  délai  supplémentaire  de  dix  ans  à 
partir  de  son  retour  ou  de  la  cessation  de  son  incapacité; 
et,  à  sa  mort,  ses  ayants-cause  avaient  également,  et  à 
leur  choix,  soit  vingt  ans  à  compter  de  l'origine  du  droit; 
soit  dix  ans  à  compter  du  décès  (§  16).  Mais,  d'une  part, 
le  délai,  quelles  que  fussent  les  causes  d'incapacité  invo- 
quées, ne  pouvait  jamais  excéder  une  période  totale  de 
quarante  ans  (§  17),  et,  d'autre  part,  la  loi  n'accordait 
aucun  supplément  de  délai  à  raison  des  incapacités  ou 
empêchements  survenant  plus  tard,  soit  chez  une  per- 
sonne qui  était  capable  au  moment  où  le  droit  de  reven- 
dication a  pris  naissance  en  sa  faveur,  soit  chez  tel  de 
ses  successeurs  (§  18);  en  d'autres  termes,  les  incapacités 
survenues  après  coup  ne  suspendaient  pas  le  cours  de  la 
prescription'. 

357.  —  Quand  un  trustée  était  investi  de  rentes  ou 
d'immeubles  en  vertu  d'un  trust  exprès,  le  droit  du  cestui 
que  trust  ou  de  ses  ayants-cause  d'actionner  le  trustée 
en   recouvrement  de  ces  biens  était  réputé   n'avoir  pris 

«  11  en  était  autrement  en  Ecosse,       mandeur  doit  toujours  être  déduit, 
où  le  temps  de  la  minorité  du  de-       Paterson,    Comp.,  p.  102,  note  4. 


256  DE  LA  L IMITATION 

naissance  qu'au  moment  où  les  renies  ou  les  immeubles 
avaient  été  vendus  moyennant  valuable  considération,  et 
c'est  contre  Tacheteur  ou  ses  ayants-cause  qu'il  devait 
s'exercer  dans  le  délai  de  droit  commun  (§  23).  D'autre 
part,  la  loi  de  1873  sur  l'organisation  judiciaire  (St.  36 
et  37,  Vict.,  c.  66,  §  25,  al.  2)  a  déclaré  formellement 
qu'en  matière  de  fidéicommis  exprès,  l'action  du  cestui 
que  trust  était  imprescriptible  quant  au  trustée. 

358.  —  En  cas  de  fraude,  la  loi  de  Guillaume  IV  portait 
que  le  délai  de  prescription  ne  courait  que  du  jour  où  la 
fraude  avait  été  découverte  ou  aurait  pu  l'être  avec  une 
attention  ordinaire  [reasonable  diligence)  ;  mais  cette  dis- 
position n'était  pas  opposable  à  un  acquéreur  de  bonne  foi 
et /or  valuable  considération  qui  justifiait  être  resté  com- 
plètement étranger  à  la  fraude  (§  26)^. 

359.  —  Quand  un  créancier  mortgagiste  avait  été  mis 
en  possession  des  terres  sur  lesquelles  portait  son  droit,  le 
débiteur  n'avait,  pour  les  récupérer,  que  vingt  ans  à 
partir  soit  de  la  mise  en  possession,  soit  de  la  reconnais- 
sance écrite  de  son  droit  par  le  créancier  (§  28).  De  même, 
nulle  action  ne  pouvait  être  intentée  pour  recouvrer  soit 
un  legs,  soit  une  somme  garantie  par  un  immeuble  en 
vertu  d'un  mort-gage,  d'un  jugement,  d'un  privilège  ou 
autrement,  plus  de  vingt  ans  à  partir  du  jour  où  l'on  avait 
le  droit  d'exiger  le  payement,  à  moins  qu'il  n'y  eût  eu, 
dans  l'intervalle,  un  payement  partiel  ou  une  reconnais- 
sance de  dette,  auquel  cas  les  vingt  ans  couraient  de  la 
date  du  payement  ou  de  la  reconnaissance  (§  40). 

360.  —  Un  droit  de  patronage  ne  pouvait  être  reven- 
diqué que  s'il  n'avait  pas  été  méconnu  plus  de  trois  fois 
de  suite,  ou  pendant  soixante  ans,  si  le  bénéfice  avait  été 

•i  Vane  c.  Vane,  L.  R.,   8  Ch.,  383. 


DE   LA   UHITATION  257 

occupé  moins  longtemps  en  vertu  des  trois  collations  pré- 
tendues irrégulières,  ou  tout  au  plus  pendant  cent  ans, 
quelle  que  fût  la  durée  de  l'occupation:  le  délai  courait, 
dans  les  trois  hypothèses,  du  jour  où  le  demandeur  aurait 
dû  exercer  le  droit  (§  33). 

Le  droit  à  des  rentes  [rents  service  ou  renls  charge)  et 
le  droit  à  des  dîmes  dues  à  des  laïques'  se  prescrivaient 
par  le  même  laps  de  temps  que  les  immeubles  (§  1). 

Au  bout  des  périodes  que  nous  venons  d'indiquer,  les 
terres,  rentes,  droit  de  patronage,  etc.,  étaient  définitive- 
ment perdus  pour  leur  précédent  possesseur  ou  bénéfi- 
ciaire (§  34). 

361.  — Une  nouvelle  loi  intitulée,  Real property  limi- 
tation act  1874,  en  vigueur  depuis  le  1®''  janvier  1879 
{St.  37  et  38,  Vict.,  c.  57),  remplace  aujourd'hui  la  loi  de 
Guillaume  IV,  et  son  but  principal  a  été  de  raccourcir  tous 
les  délais  indiqués  plus  haut. 

Elle  ramène  uniformément  à  douze  ans  tous  les  délais 
qui  étaient  précédemment  de  vingt  (§§  1,6,  7,  8). 

Elle  abrège  aussi  les  délais  relatifs  à  la  prescription  de 
biens  soumis  à  un  droit  de  retour  ou  de  réversibilité,  dans 
le  cas  où  cette  prescription  a  commencé  à  courir  contre  la 
personne  qui  avait  sur  lesdits  biens  un  droit  temporaire  ou 
viager  [particular  estate)  ;  elle  accorde  douze  ans  seule- 
ment depuis  ce  dernier  moment,  ou  six  ans,  depuis  l'en- 
trée en  possession.  Toute  prescription  opposable  au  parti- 
cular tenant  l'est  également  au  reversioner  qui  intente 
son  action  en  vertu  d'un  deed  ou  d'un  testament  devenu 
efficace  postérieurement  à  l'époque  où  le  droit  àw particu- 
lar tenant  a  pris  naissance  (§  2)*. 

'  Dean  of  Ely  c.  Blisx,  2  DeGex,  ner,  particular  estate,  cpr.  ci-des- 
M.  et  G.,  459.  sus,  no  22i;. 

*  Sur  le  sens  des  mois  reversio- 

Lehr.  17 


258  1»E   LA   PRESCRIPTIOS 

La  période  supplémenlaire  de  dix  ans  accordée  par 
l'ancienne  loi,  en  cas  d'incapacité  du  demandeur,  est  ré- 
duite à  six  ans  (§  3),  et  l'absence  au  delà  des  mers  n'est 
plus  considérée  comme  justifiant  une  prolongation  du  dé- 
lai normal  (§  4). 

Le  délai  total,  qui  ne  peut  être  dépassé  en  aucun  cas, 
est  ramené  de  quarante  ans  à  trente  (§  5). 

Enfin,  en  ce  qui  concerne  les  fidéicommis  exprès,  nulle 
action  tendant  au  recouvrement  d'une  somme  dont  un  im- 
meuble est  grevé  et  que  garantit  un  fidéicommis  exprès, 
n'est  recevable  que  dans  les  délais  où  elle  le  serait  s'il  n'y 
avait  point  de  fidéicommis  (§  10). 

II 

De  la  prescription. 

Sommaire  :  362.  Usage  immémorial.  —  363.Usucapion  desrigrAts  ofcom- 
mon,  etc.  —  364.  Supputation  des  délais  ;  actes  interruptifs  ;  incapacité. 
—  365.   Droits    de  passage.  —  366.  Renonciation  à  un    droit    acquis. 

362.  —  Pour  exercer  des  droits  sur  la  propriété  im- 
mobilière d'autrui,  on  peut  se  prévaloir  d'un  usage  immé- 
morial. Autrefois  l'usage  était  réputé  immémorial  quand 
il  remontait  au  moins  à  vingt  ans%  sauf  la  preuve  qu'il 
avait  en  réalité  commencé  postérieurement  au  règne  de  Ri- 
chard I",  c'est-à-dire  pendant  la  période  de  legahnemory , 
auquel  cas  l'usage  même  séculaire  ne  produisait  aucun 
effet  juridique  *. 

Aujourd'hui,  celui  qui  prétend  des  droits  de  cette  nature 
peut,  s'il  le  préfère,  se  réclamer  du  St.  2  et  3,  Guil.  IV, 


s  iîea;c.yoZj;fe,2Barn.etCress.,  «  1"  S  (.de  "Westminster,  3  Ed.  I, 

54.  c.  39. 


DE    LA    PnESCHlPTIOy  259 

c.  71,  qui  règle  les  conditions  de  l'usucapion  des  servi- 
tudes et  autres  droits  analogues. 

363.  —  Nul  droit  sur  l'immeuble  d'autrui  de  la  nature 
desrights  of  common,  «  profits  à  prendre  »,  etc.  ',  àl'ex- 
ception  des  dîmes  et  rentes,  ne  peut  être  contesté  à  celui 
qui  l'exerce  depuis  trente  ans  sans  interruption,  par  le 
seul  motif  que  le  demandeur  en  jouissait  antérieurement. 
Si  la  jouissance  du  droit  s'est  prolongée  pendant  soixante 
ans,  le  droit  devient  absolu  et  irréfragable,  à  moins  qu'elle 
n'ait  eu  lieu  qu'en  vertu  d'une  permission  ou  convention 
expresse  constatée  par  un  deed  ou  un  autre  écrit  (St.  2 
et  3,  Guil.  IV,  c.  71 ,  §  1).  Pour  les  droits  de  passage,  les 
conduites  d'eau,  l'usage  d'une  eau  appartenant  à  autrui, 
les  délais  sont  respectivement  de  vingt  el  de  quarante  ans 
(§  2).  Quand  une  construction  a  pris  jour  pendant  vingt 
ans  sur  la  propriété  du  voisin,  le  droit  de  maintenir  les 
jours  est  absolu,  sauf  coutume  locale  contraire  et  à  moins 
qu'ils  n'aient  été  ouverts  qu'en  vertu  d'une  permission  ou 
convention  dûment  constatée  (§  3). 

364.  —  Les  périodes  dont  il  s'agit  s'entendent  du  temps 
écoulé  immédiatement  avant  l'introduction  de  la  demande 
en  suppression  du  droit  prétendu;  nul  acte  n'est  réputé 
interruptif  s'il  n'a  pas  été  subi  ou  accepté  depuis  une  an- 
née au  moins  par  celui  qui  prétendait  au  droit  et  de  la 
part  de  la  personne  qui  le  lui  conteste  (§  4).  Le  temps  du- 
rant lequel  la  personne  fondée  à  contester  le  droit  se 
trouve  dans  un  état  d'incapacité  légale  (minorité,  aliéna- 
tion mentale,  etc.)  et  le  temps  écoulé  entre  le  moment  oii 
l'action  a  été  introduite  et  celui  où  la  mort  de  l'une  des 
parties  y  a  mis  fin,  ne  comptent  pas  dans  la  supputation 

1  Cpr.  n»"  592  et  suiv. 


260  DE  LA.   PRESCR^l>TIO^ 

des  périodes  indiquées  plus  haut,  à  moins  que  le  droit  n'ait 
été  exercé  assez  longtemps  pour  être  devenu  absolu  et 
irréfragable  (§7). 

Si  la  terre  sur  laquelle  on  prétend  avoir  un  droit  de 
passage  était  tenue  par  un  tenancier  à  vie  ou  pour  un 
nombre  d'années  supérieur  à  trois,  le  temps  pendant  le- 
quel a  duré  cette  tenure  n'entre  pas  en  ligne  de  compte, 
pourvu  que  la  personne  appelée  ensuite  à  recueillir  l'im- 
meuble servant  conteste  le  droit  prétendu  dans  les  trois 
années  qui  suivent  l'expiration  de  ladite  tenure  (§  8).  La 
même  règle  s'applique  aux  droits  d'usage  sur  les  cours 
d'eau  (fb.). 

365.  —  Les  droits  de  passage  peuvent  aussi  s'étayer 
sur  le  fait,  dûment  constaté,  que  le  propriétaire  du  ter- 
rain l'a  laissé  à  la  disposition  du  public  et  s^est  abstenu 
par  exemple,  d'y  poser  aucune  clôture  ni  barrière  ;  il  suffît, 
pour  créer  une  présomption  dans  ce  sens,  d'un  petit 
nombre  d'années  :  six  ans  dans  les  villes\ 

Un  passage  peut  n'être  concédé  que  pour  un  objet 
déterminé,  soit  pour  les  voitures,  soit  pour  les  chevaux, 
soit  seulement  pour  des  piétons.  Mais  il  ne  saurait  être 
accordé  limitativement  à  une  certaine  catégorie  de  per- 
sonnes, par  exemple  aux  habitants  de  tel  village  à  l'ex- 
clusion de  tous  autres ^  Rien  ne  s'opposerait,  toutefois,  à 
ce  que  les  habitants  d'une  paroisse  déterminée  se  pré- 
valussent d'un  vieil  usage  pour  passer  sur  une  propriété 
particulière  en  se  rendant  à  l'église  ou  au  marché'"  (cpr. 
n°  600). 

366.  —  Les  divers  droits  sur  la  propriété  d'autrui  dont 

*  Barraclough  c.  Johnson,  8  A.  s  Staffordc.  Goyney,  7  B.  et  C, 

et  E..   99;    Poole   c.   Huskisson,  257. 
11  M.   et   AV.,  827;   hateman    c. 

Bluck,  18  Q.  B.,870.  >o  6  Rep.,  60  6  ;  2  H.   El.,  393. 


ALIÉNATION   DES   IMMEUBLES   DANS  L'ANCIEN   DROIT      261 

il  est  ici  question  se  perdent  par  l'effet  d'une  renoncia- 
tion, laquelle  se  présume  au  bout  de  vingt  ans  de  non- 
usage,  mais  peuts'induire  d'autres  circonstances  encore". 


CHAPITRE  II 

Des  modes  d'aliénation  des   immeubles  usilés 
dans  l'ancien  droit. 

Sommaire:  367.  Utilité  de  l'étude  des  modes  anciens.  —  368.  Feoffment 
with  livery  ofs'isin.  — 369.  Règles  antérieures  au  Statuti:  ofuses.  — 
370.  Inutilité  d'un  acte  écrit;  actes  scellés  ou  non  scellés.  —  371. 
Règles  déduites  du  Statute  ofuses;  lease  and  rclease  ;  bargain  and 
sale.  —  372.  Mode  de  constatation  ;  double  deed.  —  373.  Simplifica- 
tion édictée  en  1845.  —  374.  Les  anciens  modes  restés  licites. 

367.  —  Plusieurs  lois  contemporaines  ont  rendu  pour 
l'avenir  l'aliénation  des  immeubles  indépendante  des  for- 
mes anciennes  et  traditionnelles.  Toutefois,  comme  plu- 
sieurs de  ces  formes  ne  sont  pas  expressément  abolies  et 
comme  les  principes  sur  lesquels  elles  s'appuient  continuent 
à  influer  sur  l'ensemble  du  système  de  la  propriété  immo- 
bilière, il  n'est  pas  inutile  de  les  passer  rapidement  en 
revue. 

La  forme  la  plus  ancienne  est  une  investiture,  avec  déli- 
vrance de  la  saisine  ou  mise  en  possession  effective 
[feoffment  with  livery  of  seisin). 

368.  —  Ainsi  que  nous  avons  eu  maintes  fois  l'occa- 
sion de  le  dire,  dans  le  système  féodal,  qui  n'a  jamais 
cessé  de  régir  la  propriété  foncière  de  l'autre  côté  de  la 
Manche,  tout  domaine  relève  d'un  seigneur  et  se  trouve  en 
la  possession  d'un  vassal  ou  tenancier,  qui  en  a  la  saisine 
et  en  jouit  exclusivement  tant  qu'il  demeure  saisi. 

11   Moore   c.   Itaicson,  3   Barn.        c.    Liyhtoioler,    L.     R.,    3     Eq., 
et    Cres.,     332,      339;      Crossley       279. 


262        ALIÉNATION  DES  IMMEUBLES  DANS  L'ANCIEN  DROIT 

L'investiture  avec  délivrance  de  la  saisine  consistait  en 
la  concession  d'un  droit  héréditaire  ou  viager  [estate)  sur 
l'immeuble,  accompagnée  delà  mise  en  possession  féodale 
du  tenancier, 

La  livery  of  seisin  s'opérait  de  deux  façons  différentes  : 
en  fait  [in  deed)  ou  en  droit  (m  law).  Pour  la  délivrance 
en  fait,  —  le  seigneur  et  son  représentant,  d'une  part,  le 
tenancier,  de  l'autre,  posant  chacun  la  main  tout  à  la  fois 
sur  l'acte  d'investiture  et  sur  l'anneau  ou  lemoraillon  de 
la  porte,  sur  une  baguette  ou  une  motte  de  terre,  emblè- 
mes du  domaine  dont  il  s'agissait,  —  le  seigneur  pronon- 
çait les  paroles  d'investiture  sacramentelles;  après  quoi, 
s'il  s'agissait  d'une  maison,  le  tenancier  y  entrait  seul, 
fermait  la  porte,  puis  la  rouvrait  et  faisait  entrer  l'assis- 
tance. 11  fallait  autant  d'actes  d'investiture  distincts 
qu'il  y  avait  de  comtés  dont  dépendaient  les  immeubles 
transmis  '. 

LB.liveryinlaw,en  droit,  ne  se  faisait  pas  sur  l'immeuble 
même,  mais  seulement  en  vue  de  l'immeuble,  le  seigneur 
le  montrant  de  la  main  au  tenancier  et  l'invitant  à  en  aller 
prendre  possession.  Il  fallait  que  les  deux  parties  fus- 
.sent  présentes  en  personne  et  que  la  prise  de  possession 
eût  lieu  sinon  immédiatement,  du  moins  avant  le  décès  du 
seigneur  qui  avait  fait  l'investiture  et  celui  du  tenancier 
qui  l'avait  acceptée.  Mais  peu  importait  que  le  bien  fût  situé 
dans  un  autre  comté. 

Dans  les  deux  cas,  Vestate  conféré  au  tenancier  devait 
être  nettement  déterminé  {limited)\  il  fallait  qu'on  pré- 
cisât s'il  lui  était  conféré  à  vie,  ou  en  fief  substitué,  ou  en 
fief  simple,  ou  autrement. 

i  Co.  Lilt.,48a,  50. 


ALIÉNATION    DES   IMMEUBLES  DANS  L'ANCIEN  DROIT      263 

369.  —  Jusqu'au  règne  de  Henri  VIII,  la  validité  d'une 
investiture  ne  fut  subordonnée  à  aucune  autre  condition 
que  celles  qui  viennent  d'être  rappelées.  En  vertu  du  Sta- 
tute  of  uses  (St.  27,  Henri  VIII,  c.  10),  la  concession  dut 
avoir  une  juste  cause  [considération)  et  être  faite  expres- 
sément non  pas  seulement  au  tenancier,  mais  bien  à  son 
profit  [lo  the  use  of  the  feoffee). 

370.  —  Dans  les  temps  anciens,  lorsque  l'investiture 
était  donnée  en  la  forme  sacramentelle  et  en  présence  de 
témoins,  il  n'était  pas  de  rigueur  qu'elle  fût  constatée  par 
écrit"-.  Mais,  lorsqu'elle  l'avait  été,  l'existence  d'un  acte 
écrit  et  scellé  faisait  présumer  celle  d'une  juste  cause.  La 
coutume  de  sceller  toute  pièce  qui  devait  avoir  une  valeur 
probante  particulière  se  perpétua  même  après  que  l'art 
d'écrire  se  fut  répandu  :  l'écrit  scellé  et  dûment  parachevé 
prenait,  par  excellence,  le  nom  de  deed  factum,  chose 
définitivement  faite.  Pendant  longtemps  un  écrit  non  scellé 
fut  considéré  en  droit  comme  ne  valant  pas  plus  qu'un 
simple  engagement  verbal  ;  il  n'était  qualifié  writing  qu'à 
la  condition  d'être  scellé  ^  et  ce  n'est  même  qu'à  partir  du 
Statute  of  frauds  que  l'on  consigna  généralement  dans 
des  actes  écrits  mais  non  scellés  toute  une  série  de  tran- 
sactions pour  lesquelles  la  forme  orale  suffisait  auparavant, 
notamment  les  baux. 

371.  —  Dans  les  temps  modernes,  on  substitua  d'ordi- 
naire à  l'ancien  mode  féodal  de  l'investiture  un  mode  plus 
simple,  connu  sous  le  nom  de  lease  and  release^  bail  et 
abandon  de  droits. 

Le  vendeur  consentait  à  la  personne  qui  se  proposait 
d'acheter  le  bien  un   bail  d'un   an.   Le  preneur  entrait 

2  Bracton,  liv.  Il,  foL  11  b,  par.  »  Litlelon,  Tenures,  §§  365-7. 

.3,  fol.  33  b,  par.  1  ;  Go.  Litt.,  i8  b. 


264        ALIÉNATION  LES  IMMEUBLES  DANS  L'ANCIEN  DROIT 

immédiatement  en  possession  du  bien  loué;  celte  prise  de 
possession  était  autrefois  la  condition  essentielle  de  l'effi- 
cacité du  bail*.  Il  se  trouvait  alors  en  mesure  d'acquérir 
la  possession  féodale  ou,  si  l'on  veut,  la  propriété  même 
du  bien,  sans  nulle  livery  of  seisin  ultérieure  :  il  suffi- 
sait que  le  bailleur  sur  la  tête  de  qui  reposait  encore  cette 
propriété  lui  fît  l'abandon  de  son  droit  légal.  L'abandon 
[release),  qui  se  faisait  par  deecl,  transférait  le  frauc-tène- 
meot  au  prepeur  aussi  complètement  qu'eût  pu  le  faire  une 
investiture^  Toutefois  ce  mode  ne  serait  jamais  devenu 
aussi  usuel  qu'il  l'a  été  pendant  des  siècles  si  l'on  n'avait 
trouvé  un  moyen  de  faire  un  bail  valable  sans  qu'il  fallût 
une  prise  de  possession  immédiate  de  la  part  du  preneur. 
C'est  le  Slatute  of  uses  (St.  27,  Henr.  YIII,  c.  10)  qui 
procura  ce  moyen.  On  sait  que,  d'après  ce  statut,  quand 
une  personne  est  saisie  d'un  bien  au  profit  d'une  autre, 
celle-ci  est  réputée  légalement  investie  du  bien.  Or,  à 
côté  de  l'investiture  d'une  personne  au  profit  d'une  autre, 
il  y  avait,  avant  le  statut,  d'autres  modes  suivant  lesquels 
un  lise  pouvait  prendre  naissance  et  une  personne  être 
saisie  d'un  immeuble  au  profit  d'une  autre.  Ainsi,  quand 
un  marché  [bargain)  était  fait  pour  la  vente  [sale]  d'un 
immeuble  et  le  prix  d'achat  payé,   sans   d'ailleurs  que 
l'acquéreur  eût  été  régulièrement  investi  du  bien,  la  cour 
de  Chancellerie  estimait  qu'en   conscience  Vestale  n'en 
appartenait  pas  moins  tout  de  suite  à  celui  qui  en  avait 
payé  le  prix,  et  elle  considérait  le  vendeur  comme  saisi  du 
bien  au  profit  de  ^acquéreur^  Cette  doctrine  fort  équitable 
produisit  un  curieux  effet  après  l'entrée   en  vigueur  du 


*  Littleton,  Tenures,%  459;  Co.       74;     Sheppard,    Touchstone,   320. 
LitL.  270 «.  6  Sanders,  op.  cit.,  53;  Gilbeit, 

s   Sanders,  on  Uses,  5»  éd.,  II,        Uses  and  Trusts,  3*  éd.,  94. 


ALIENATION  DES  IMMEUBLES   DANS  L'ANCIEN  DROIT       265 

Statute  of  uses  :  l'acquéreur,  étant  reconnu  par  la'  cour 
avoir  Vuse  du  bien,  se  trouva  investi,  à  ce  titre,  de  la  pos- 
session légale  elle-nnême,  et  ce,  en  définitive,  par  le  seul 
fait  du  payement  du  prix  d'achat.  En  d'autres  termes,  la 
possession  légale  d'un  immeuble  fut  désormais  transférée 
d'une  personne  à  une  autre  par  l'effet  d'une  simple  con- 
vention verbale,  suivie  du  payement  du  prix,  ùt/  a  mère 
«  bargain  and  sale  »,  selon  l'expression  technique,  indé- 
pendamment de  toute  investiture  et  même  de  tout  deed'^ . 

372.  —  Le  danger  de  ces  transmissions  dépourvues 
de  publicité  était  si  évident  que,  dès  la  même  année,  le 
législateur  chercha  à  y  obvier.  Le  St.  27,  Henr.  VIII, 
c.  16,  exigea  que  tout  bargain  and  sale  d'immeuble  fût 
constaté  par  un  deed  et  enregistré,  dans  un  délai  de  six 
mois  [lunaires),  dans  l'une  des  cours  de  record  de  West- 
minster ou  dans  l'un  des  tribunaux  de  comté  qu^il  dési- 
gnait à  cet  effet.  Mais  on  ne  tarda  pas  à  découvrir  un 
moyen  d'éluder  ces  dispositions:  la  loi  parlait  des  ventes 
de  francs-tènements  héréditaires;  elle  était  muette  sur  les 
bargains  and  sales  de  simples  terms  of  gears^  des  jouis- 
sances à  temps,  qui  ne  constituent  pas  des  francs-tène- 
ments. On  put  donc,  après  comme  avant  le  c.  16,  opérer, 
moyennant  une  simple  convention  verbale  suivie  de  paye- 
ment du  prix,  un  bargain  and  sale  d'immeubles  pour  une 
année.  La  prise  de  possession  du  tenancier  exigée  par  la 
loi  était  suppléée  par  le  Statute  of  uses,  qui  le  mettait  de 
plein  droit  en  possession  légale  pour  le  terme  stipulé*. 
Cela  fait,  l'acquéreur  se  trouvait  définitivement  investi 
de  Vestate  en  fief  simple  pourvu  que  le  vendeur   lui  fît 


">  Gilbert,  op.  cit.,  197,  475;  Co-  «  Gilbert,  op.  cit.,  223. 

myns,   Digest,  lit.    Bargain   and 
Sale  (B.  1,  4). 


266        ALIÉNATION  DES  IMMEUBLES  DANS  L'ANCIEN  DROIT 

abandon  {release)  des  droits  qui  lui  appartenaient  encore 
sur  l'iramenble.  Ce  bargain  and  sale  pour  un  an,  suivi 
d'un  acte  d'abandon,  est  devenu  le  mode  moderne  d'alié- 
nation des  immeub[es  by  lease  and  release^  par  bail  et 
abandon.  Le  Statuts  of  frauds  exigea  seulement  que  le 
bargain  and  sale  fût  constaté  par  écrit,  et  l'usage  pré- 
valut d'en  faire  l'objet  d'un  deed,  que  l'on  datait  de  la 
veille  de  l'abandon,  mais  qu'on  «  exécutait»  le  même  jour, 
immédiatement  avant  d'exécuter  le  deed  of  release. 

373.  —  Ce  double  deed  pour  une  môme  vente,  avec 
tous  les  frais  qu'il  entraînait,  resta  obligatoire  jusqu'en 
1841,  où  le  législateur,  dans  un  but  de  simplification, 
décida  qu'il  suffirait  désormais  d'un  deed  of  release  (St.  4 
et  5,  Vict.,  c.  21).  Quelques  années  après,  une  nouvelle 
loi  (St.  7  et  8,  Vict.,  c.  76,  §§  2  et  13)  permit  de  renoncer 
à  toute  livery  of  seisin  et  à  tout  bail  préalable  au  release^ 
pourvu  qu'on  acquittât  les  divers  droits  du  timbre  dus 
d'après  l'ancienne  méthode;  mais  elle  ne  resta  en  vigueur 
que  neuf  mois.  En  vertu  de  VAct  to  amendthe  law  of  real 
property  de  1845  (St.  8  et  9,  Vict.,  c.  106),  §  2,  il  suffit, 
à  partir  du  1"  octobre  de  ladite  année,  d'un  simple  acte 
de  concession  [deed  of  grant)  pour  transmettre  à  autrui 
le  franc-tènement  ou  la  possession  féodale  d'un  immeuble. 
C'est  ce  dernier  mode  que  nous  aurons  donc  à  étudier  en 
détail. 

374.  —  Toutefois  il  convient  d'ajouter  que  l'ancien 
mode  de  transmission  d'un  fîefsimple  par  voie  de /eo^me;^/ 
ou  d'investiture  n'a  pas  cessé  d'être  licite.  Il  consiste,  de 
nos  jours,  en  deux  opérations  dislinctes:  1°  en  une  mise  en 
possession  effective  [livery  of  seisin);  2"  depuis  le  Sla- 
tute  of  frauds,  en  un  acte  écrit  émané  du  vendeur,  acte 
écrit  auquel  le  St.  8  et  9,  Vict.,  c.   106,  §  3,  a  expressé- 


DES  DEEDS  EN  GENERAL  267 

ment  substitué  un  deed  en  bonne  forme.  De  même,  on 
recourt  encore  parfois  à  un  deed  ofbargain  and  sale,  enre- 
gistré conformément  au  St.  27,  Henr.  VIII,  c.  16,  dont  il  a 
été  question  plus  haut.  Ce  mode  présente  l'avantage  qu'une 
copie  du  registre  fait  preuve  à  l'égal  du  deed  original  '. 
Mais,  en  somme,  ces  vieux  modes  sont  à  peu  près  tombés 
en  désuétude. 

CHAPITRE  III 
Des  deeds  en  général. 

Sommaire:  375.  Importance  des  deeds.  — 376.  Défiaition  et  divisions. — 
377.  Conditions  de  validité  d'un  deed.  —  378.  Capacité  des  parties.  — 
379.  Cause  de  l'acte.  —  3S0.  Forme  extérieure.  — 381.  Contexte.  — 
382.  Lecture  de  l'acte.  —  383.  Scellement  et  signature.  —  384.  Déli- 
vrance et  exécution.  —  385.  Attestation.  —  386.  Altérations  ou  sur- 
charges ;  destruction.  —  387.  Sous  quelles  conditions  un  deed  fait  foi. 
—  388.  Honoraires  des  solicitors  qui  rédigent  les  deeds. 

375.  —  Les  deeds,  auxquels,  pour  éviter  toute  confu- 
sion, nous  conservons  leur  nom  anglais  au  lieu  de  nous 
servir  du  mot  acte  qui  y  correspondrait  grammaticale- 
ment, les  deeds  ont  conservé  en  Angleterre  à  travers  les 
siècles  une  importance  capitale,  car  ils  y  jouent  le  rôle 
réservé  ailleurs  aux  actes  notariés  :  un  deed  régulier  en  la 
forme  a  la  valeur  d'un  acte  authentique. 

376.  —  Au  sens  actuel  du  mot,  le  deed  est  un  écrit  sur 
papierou  sur  parchemin  diiment  scellé  et  délivré,  et  destiné 
à  prouverque  la  personne  dont  il  émane  a  donné  son  con- 
sentement aux  diverses  énonciations  qu'il  contient  '. 

Les  deeds  se  divisent  en  deeds  poil  et  en  indentures. 
Le  deed  poil  est  un  acte  unilatéral;  \' indenture  est  un 
acte  passé  entre  deux  ou  plusieurs  personnes.  Autrefois, 

'•»  St.  lu,  Ann.,  c.  18,  §  :{.  •  Blackstone,  Comm.,  il,  295. 


268  DES    DEEDS   EN    GÉNÉRAL 

quand  les  actes  étaient  plus  concis  que  de  nos  jours,  il 
était  d'usage,  pour  ceux  qui  intéressaient  deux  personnes, 
d'en  écrire  deux  copies  sur  une  même  feuille  de  parche- 
min avec  quelques  mots  ou  lettres  brochant  de  l'une  sur 
l'autre,  puis  de  couper  au  travers  en  dentelant,  de  sorte 
que  les  deux  moitiés  de  l'acte  pussent  se  reconnaître  à 
l'aide  d'un  simple  rapprochement.  Plus  tard,  on  se  dis- 
pensa de  couper  par  le  milieu  des  lettres  ou  des  mots,  et 
l'on  se  contenta,  par  respect  pour  la  tradition  et  aussi,  dit 
Blackslone  ^,  afin  de  pouvoir  conserver  à  ces  sortes  de 
pièces  leur  vieux  nom  à.' indenture ,  de  découper  le  haut  de 
l'acte  en  dents  de  scie.  Aujourd'hui,  cette  dentelure  maté- 
rielle n'est  même  plus  indispensable  pour  qu'un  deed, 
réguher  d'ailleurs,  vaille  comme  indenture  ^  Quant  aux 
actes  unilatéraux,  la  tête  en  est,  au  contraire,  coupée  droit 
ou  rognée  [polled)  ;  d'où  leur  nom  de  deed  poil. 

371.  —  Un  deed,  pour  être  régulier  et  complet,  doit 
satisfaire  à  huit  conditions,  relatives  :  1°  à  la  capacité  des 
parties;  2°  à  la  cause  de  l'acte;  3°  à  sa  forme  extérieure; 
i°  à  son  contexte  et  aux  énonciations  diverses  dont  il  se 
compose  ;  5°  à  la  lecture  de  l'acte  ;  6°  au  scellement  et  à  la 
signature;  7°  à  la  délivrance  de  l'acte;  S"  à  l'attestation  de 
l'acte. 

378.  —  1°  Capacité.  —  Il  faut,  d'une  part,  que  les  par- 
ties aient  la  capacité  voulue  pour  procéder  à  l'acte  projeté; 
d'autre  part,  qu'il  y  ait  matière  à  contrat.  Tous  ces  points 
doivent  être  clairement  spécifiés.  Ainsi,  dans  une  vente, 
il  doit  y  avoir  un  vendeur  capable  d'aliéner,  un  acheteur 
capable  d'acquérir,  et  un  objet  à  vendre. 

379.  —  2°  Cause.  —  La  cause  [considération)  peut,  en 

2  76.,  éd.  fr.,  111,168.  3  st.  8  et  9,  Vict.,  c.  106,  §5. 


DES    DËEDS    EN    (GÉNÉRAL  269 

matière  de  deeds,  èlre  valable  ou  simplement  bonne  (cpr. 
n"  691  et  suiv.).  Les  deeds  dépourvus  de  toute  cause  ou 
fe'appuyant  seulement  sur  une  bonne  cause,  sont  dits  volon- 
taires. En  vertu  du  St.  27,  Eliz,,  c.  4,  rendu  perpéluel  par 
le  St.  39,  Eliz.,  c.  18,  §  31,  les  deeds  volontaires  relatifs  à 
des  immeubles  étaient  nuls  par  rapport  à  un  acquéreur  one- 
mcm/j?«  du  donateur;  et,  d'après  le  St.  13,  Eliz.,  c.  .5,  qu'ils 
portent  sur  des  immeubles  ou  sur  des  meubles,  ils  sont  nuls 
par  rapport  aux  créanciers  antérieurs  du  souscripteur.  Le 
Vohintanj  conveyances  act  de  1893*  a  mis  à  l'abri  de  cette 
nullité  le  donataire  primitif  de  bonne  foi.  L'acquéreur  one- 
ris  causa  subséquent  pourra  chercher  d'autres  armes  et 
en  trouver  peut-être,  depuis  les  nouvelles  lois  sur  l'imma- 
triculation des  actes,  dans  le  défaut  de   publicité;  il  ne 
pourra  plus  se  prévaloir  du  seul   fait  qu'il  n'y    a   pas 
eu  de   valuable  considération.   Mais,   en  général,  l'ab- 
sence de  cause  dans  un  deed  n'ôle  rien  de  leur  efficacité 
aux  engagements  contraclés  par  les  parties.   C'est  même 
l'une  des  différences  les  plus  sensibles  entre  les  contrats 
scellés  (ou  by  deed)ei  les  contrats  non  scellés  [simple  co7i- 
tracts):  ces  derniers  ne  valent  qu'autant  qu'en  réalité  ils 
s'appuient  sur  une  considération;  les  deeds,  au  contraire, 
sont  toujours  présumés  avoir  une  cause  suffisante  et  expri- 
mer la  ferme  intention  de  celui  qui  les  a  souscrits,  d'où  il 
résulte  qu'il  est  tenu  d'exécuter  le  contrat  encore  qu'en  fait 
il  n'y  ait  peut-être  aucune  considération  justifiant  l'engage- 
ment pris  par  lui  (n"  681).  Il  va  sans  dire  qu'il  en  serait 
autrement  si,  pour  se  faire  relever  de  ses  promesses,  le 
signataire  faisait  valoir,  non  plus  VdJaiQU.cQ  déconsidération, 
mais  la  fraude,  la  violence,  l'abus  d'influence,  etc.,  de  la 

«  st.  Ô6  et  57,  Vict.,  c.  21. 


270  DES   DEEDS  KN  GÉNÉRAL 

partie  adverse  (cpr.  n'"724el  suiv.)'.  Les  dettes  constatées 
par  deed  ont  été  longtemps  préférées  aux  dettes  par  simple 
contract]  mais  elles  ont  perdu  ce  privilège  depuis  187Q 
(cpr.  n°245). 

380.  —  3°  Forme  extérieure.  —  Un  deed  peut  être  in- 
diiïéremment  écrit  à  la  main,  par  une  ou  plusieurs  person- 
nes, ou  imprimé  en  tout  ou  en  partie.  Il  doit  être  sur  pa- 
pier, vélin  ou  parchemin  ;  un  acte  sur  pierre,  sur  bois, 
sur  toile,  etc.,  ne  serait  pas  un  deed  ®.  Il  doit  de  plus  être 
timbré'.  Mais  il  n'est  pas  indispensable  qu'il  soit  coté  et 
paraphé  sur  chaque  page. 

381 .  —  4°  Contexte.  —  Sans  qu'il  y  ait  pour  les  deeds 
des  formules  absolument  sacramentelles,  il  est  certaines 
indications  qu'ils  doivent  contenir,  et  d'autres  qu'ils  ren- 
ferment habituellement: 

a.  Un  préambule  ou  intitulé.^  contenant  les  noms,  qua- 
lités et  professions  des  parties,  et  s'il  y  a  lieu,  l'exposé  des 
faits  dont  la  connaissance  est  nécessaire  pour  expliquer 
l'acte,  puis  \d.  considération  ;  en  d'autres  termes,  indiquant 
les  parties,  l'objet  et  la  cause  de  l'acte. 

b.  L'Aaôe;îrfMm^  c'est-à-dire,  l'espèce  (m^ere*/)  et  la  durée 
du  droit  concédé  par  l'acte. 

c.  Le  tenendum,  c'est-à-dire,  l'indication  de  la  lenure 
sous  laquelle  est  faite  la  concession.  Cette  partie-là  n'est 
plus  conservée  que  par  habitude  et  peut  être  omise  au- 
jourd'hui sans  inconvénient  majeur. 

d.  Le  reddendum,  c'est-à-dire,  les  clauses  et  réserves 
sous  lesquelles  la  concession  est  faite;  par  exemple, 
l'indication  de  la  redevance  annuelle  imposée  au  ces- 
sion n  aire. 

»  Cpr.  Stephen,  6"om/n.,  l'i"  éd.,  ^  Stamp  act,  1870,  St.  33  et  34, 

1.  2'^.  Vict.,  c.  97. 

6  Co.  Litt.,  229. 


DES  DEEDS   EN    GÉNÉRAL  271 

e.  Les  conditions  accessoires  ou  éventuelles,  s'il  y  en  a; 
par  exemple,  s'il  s'agit  d'une  terre  donnée  en  mort-gage, 
la  clause  que  la  concession  deviendra  caduque  si,  tel 
jour,  le  mortgageant  rembourse  telle  somme  au  mortgagé. 

/".  Une  clause  de  garantie,  pour  autant  que  le  cession- 
naire  l'a  obtenue  du  cédant*. 

g.  Les  clauses  et  conventions  particulières  qu'il  plaît 
aux  parties  d'insérer  dans  l'acle. 

h.  La  co?ichisio?i,  c'est-à-dire,  la  date  de  la  rédaction 
de  l'acte  ou  de  sa  délivrance.  Un  acte  n'est  pourtant  pas 
nul  par  cela  seul  qu'il  n'est  pas  daté  ou  qu'il  porte  une 
date  impossible  ou  fausse,  pourvu  que  la  date  véritable 
puisse  être  établie  ^  Il  produit  son  effet  du  jour  de  la  déli- 
vrance, et  non  de  celui  de  la  rédaction.  La  date  peut  être 
placée,  soit  en  tête  de  l'acte,  soit  à  la  fin  ;  l'usage  est  de  Ja 
mettre  en  tête  pour  les  indentures  et  à  la  fin  pour  les  deech 
poil. 

C'est  aux  tribunaux  qu'il  appartient  de  décider  lesquel- 
les de  ces  diverses  énonciations  sont  essentielles  dans  cha- 
que cas  donné  et,  par  conséquent,  de  prononcer  la  nullité 
d'un  acte  où  les  unes  ou  les  autres  feraient  défaut"*. 

382.  —  5°  Lecture.  —  L'acte  doit  être  lu  sur  la  requête 
de  l'une  quelconque  des  parties;  il  serait  nul  en  ce  qui  la 
concerne  si  l'on  ne  déférait  pas  à  sa  demande.  Si  la  partie 
est  en  étal  de  lire,  elle  peut  en  prendre  lecture  elle-même. 
En  cas  d'altération  de  l'acte  pendant  la  lecture,  l'acte  est 
nul  quant  aux  passages  altérés,  à  moins  que  l'altération 
n'ait  eu  lieu  avec  intention  et  précisément  pour  introduire 
une  cause  de  nullité,  auquel  cas  l'acte  lierait  la  partie  qui 
a  usé  de  fraude". 

'  Cpr.,  sur  ce  point,  Blackstone,  '"  76.,  225. 

Comm.,  éd.  fr.,  III,  175  et  suiv.  M  2  Rpp     311  Rep     27 

»  Co.  LiU.,  46.  ,...,. 


9 


272  •    DES    DEEDS  EX    GÉNÉRAL 

383.  —  6°  Scellemeiit .  —  On  n'est  pas  d'accord  sur  la 
question  de  savoir  s'il  est  essentiel  qu'un  deed  soit  signé 
par  les  parties  :  la  loi  n'exige  pas  en  général,  à  peine  de 
nullité,  l'accomplissement  de  cette  formalité.  Mais,  en  re- 
vanche, il  est  indispensable  qu'il  soit  scellé  ;  peu  importe, 
d'ailleurs,  que  le  sceau  soit  apposé  sur  un  pain  à  cacheter 
ou  sur  de  la  cire,  par  la  partie  elle-même  ou  par  un  tiers  en 
son  nom,  pourvu,  dans  ce  dernier  cas,  qu'elle  s'approprie 
le  sceau  en  posant  son  doigt  dessus  *^ 

Dans  le  doute,  il  peut  être  prudent  de  ne  pas  se  con- 
tenter de  sceller  l'acte  et  d'y  apposer,  en  outre,  sa  signa- 
ture'\ 

384.  —  7°  Délivrance.  —  Un  acte,  pour  être  valable, 
doit  être  délivré  par  la  partie  ou  son  fondé  de  pouvoirs. 
La  délivrance  est  réputée  avoir  eu  lieu  lorsque  la  partie  a 
prononcé  les  paroles  sacramentelles  :  «  Je  délivre  ceci 
comme  mon  acte  [as  my  net  and  deed)  »,  encore  qu'elle 
ne  se  dessaisisse  pas  immédiatement  delà  pièce  ^*.  Le  fait 
de  sceller  et  de  délivrer  un  deed  constitue  ce  qu'on  appelle 
y  exécution  de  cet  acte. 

Lorsque,  au  lieu  d'être  délivré  à  l'autre  partie,  un  deed 
est  confié  à  un  tiers  pour  être  remis  par  lui  à  cette  dernière, 
il  n'est  jusqu'à  la  remise  qu'un  escrow,  un  simple  écrit  ne 
produisant  pas  encore  les  effets  d'un  deed  parfait;  mais  le 
fait  de  laremise  lui  donne  rétroactivement  cette  efficacité  à 
partir  du  moment  de  l'exécution  ^^ 

385.  —  8°  Attestation.  —  Cette  formalité,  nécessaire 
plutôt  au  point  de  vue  de  la  i)reuve  qu'à  celui  de  la  validité 
intrinsèque  de  l'acte,  consiste  en  ce  qu'un  ou  plusieurs 

'- Sheppaid,  Touchstonc,hl.  Cress.,671;  Grugeon  c.  Gerrard, 

13  Cpr.   Blackstone,  éd.  IV.,  III,  4  You.  et  Coll.,  H9,  1.30;  Hall  c. 

183,  186.  Bainbridge,  12  Q.  B.,  699. 

1*  Doe   c.    Knight,    5   Barn.   et  '  'S  Co.  Lit.,  .36. 


DES  DEEDS  EN    GÉNÉRAL  273 

témoins  certifient  l'exécution  de  l'acte,  c'est-à-dire  le 
double  fait  du  scellement  et  de  la  délivrance.  Générale- 
ment on  tâche  d'avoir  deux  témoins. 

Les  témoins  doivent  voir  la  partie  sceller  et  délivrer 
l'acte.  Ils  signent  leur  attestation  au  dos  ou  au  pied  du 
deed,  et  ajoutent  à  leur  signature  leurs  qualités  et  domicile. 

386.  —  Une  fois  qu'il  a  été  délivré,  un  deed  ne  doit 
plus  subir  aucune  modification  ;  mais,  tant  qu'il  ne  l'a  pas 
-été,  une  modification  par  rature,  surcharge  ou  interlinéa- 
tion  n'en  n'entraîne  pas  la  nullité,  quel  que  soit  l'auteur  de 
cet  acte'*.  En  pratique,  on  mentionne  habituellement 
dans  l'attestation  toutes  les  modifications  apportées  au 
deed  3i\(inl  la  délivrance;  dans  le  doute,  les  modifications 
sont  présumées  antérieures  à  la  délivrance.  Autrefois, 
toute  modification  postérieure  entraînait  la  nulUiédn  deed; 
aujourd'hui,  il  n'en  est  plus  nécessairement  ainsi  :  par 
exemple,  le  fait  de  remplir  après  coup  la  date  ou  les  noms 
des  personnes  qui  occupent  l'immeuble  aliéné,  ne  porte- 
rait aucune  atteinte  à  la  validité  du  deed^'';  de  même,  une 
altération  faite  par  un  étranger  à  l'insu  de  la  partie  avan- 
tagée n'annulerait  pas  nécessairement  le  deed;  mais  une 
altération  faite  dans  ces  conditions  parla  partie  elle-même 
dégagerait  vis-à-vis  d'elle  la  partie  adverse,  tout  en  lais- 
sant intacts  ses  propres  engagements  envers  celle-ci''. 

Quand  un  estate  a  été  aliéné  en  vertu  d'un  deed,  l'al- 
tération ou  la  destruction  de  l'acte  n'entraîne  pas  la  ré- 
trocession de  cet  estate.  Mais,  quand  un  deed  a  été  annulé, 
aucune  action  ne  peut  s'appuyer  sur  une  des  clauses  qu'il 
renfermait.  On  se  rend  aujourd'hui  coupable  de  felony, 

«"  Patcrson,  Comp.,  348.  >«   Paterson,  To^ip.,  348,  et  les 

!■'  Pigots'n  case,  11    Rep.  27  a;       autorités  qu'il  cite. 

Aldous c.  Cornwell,  L.  R  ,3Q.  B., 

573. 

LKHn.  18 


274  DES   DEEDS  EN    GÉNÉRAL 

non  seulement  en  dérobant  un  deed  constituant  un  titre  de 
propriété  immobilière,  mais  encore  en  le  détruisant,  en. 
l'oblitérant,  en  le  celant  ou  en  l'altérant  dans  un  but  frau- 
duleux*'. 

387.  —  Lorsqu'uD  deed  est  produit  en  justice  à  l'ap- 
pui d'une  allégation,  bien  qu'il  paraisse  extérieurement 
avoir  été  dûment  exécuté,  il  ne  suffit  pas  de  le  produire 
pour  qu'il  fasse  preuve;  il  faut  en  outre  citer  le  témoin, 
s'il  est  en  vie,  et  lui  faire  prêter  serment  qu'il  y  a  eu  exé- 
cution. En  cas  de  décès  du  témoin,  il  faut  vérifier  son  attes- 
tation écrite.  Un  deed  ne  fait  preuve  par  lui-même  que  s'il 
a  trente  ans  de  date  et  ne  présente  nulle  trace  d'altéra  - 
tion'°. 

388.  —  Pendant  fort  longtemps,  les  hommes  de  loi  qui 
libellaient  les  deeds  étaient  payés  d'après  la  longueur  de 
l'acte,  à  raison  de  1  shilling (1  fr.  25)  par  page  de  soixante- 
douze  mots,  sans  nul  égard  au  plus  ou  moins  de  difficultés 
que  présentait  la  rédaction  de  la  pièce.  De  là,  tout  natu- 
rellement, les  fatigantes  répétitions  et  redondances  que  l'on 
remarque  dans  tous  les  vieux  actes  anglais.  Depuis  la  loi 
du  14  juillet  1870  (St.  33  et  34,  Vict.,  c.  28),  un  système 
plus  raisonnable  a  prévalu  :  les  honoraires  sont  débattus 
de  gré  à  gré  (§§  4  à  15),  et,  s'il  y  a  lieu  à  taxation  offi- 
cielle, il  est  tenu  un  juste  compte  des  recherches  imposées 
au  rédacteur,  du  temps  qu'il  a  dû  mettre  à  sa  besogne,  de 
la  responsabilité  plus  ou  moins  lourde  qu'il  encourt  (§  18). 
Le  Solicitors  rémunération  act  du  22  août  1881  (St.  44 
et  45,  Vict.,  c.  44)  a  confirmé  cette  réforme  importante  : 
sauf  convention  écrite  contraire,  les  honoraires,  tantôt 
fixes,  tantôt  proportionnels,   se  règlent  d'après  un   tarif 

'5  Sl.24  et  25,  Vict.,  c.  9G,  §  28.  20  Taylor,  on  Evidence,   §   74, 

§§  1641  et  suiv. 


DES   ACTES  TRANSLATIFS   DE   PROPRIÉTÉ  IMMOBILIERE      275 

[gênerai  orde?'),  dont  Vact  a  confié  la  rédaction  à  un  comité 
spécial,  sous  la  présidence  du  lord  chancelier,  et  qui  est 
en  vigueur  depuis  le  ("janvier  1883"'. 

CHAPITRE  IV 

Des  actes  translatifs  de  propriété  immobilière 

{Deeds  of  grant) 

Sommaire  :  389.  Effet  du  deed  of  grant.  —  390.  Formulaire  usuel.  — 
391.  Reçu  du  prix  de  vente.  —392.  Timbre;  loi  de  1870.  —  392  bis. 
Loi  de  1891.  —  393.  Toute  investiture  superflue  quant  à  Tacqucreur 
muni  d'un  deed. 

389.  —  Le  deed  of  grant,  qui  est  le  mode  actuel  de 
translation  des  immeubles,  se  distingue  essentiellement 
des  modes  antérieurs  en  ce  qu'il  confère  à  l'acquéreur, 
directement,  sans  détour  ni  fiction  juridique,  la  propriété 
plus  ou  moins  absolue  des  biens-fonds  auxquels  il  se  rap- 
porte. Il  ne  faut  plus  ni  investiture  solennelle,  ni  bail  préa- 
lable fictif  :  A,  le  vendeur.  «  dolh  by  the  présents  grant 
unto  B  and  his  heirs^  »  l'acquéreur  et  ses  héritiers,  tels 
et  tels  immeubles,  et  celte  cession  en  bonne  forme  suffit. 

390.  —  Tous  les  deeds  de  l'espèce  se  rédigent,  en 
Angleterre,  d'après  un  formulaire  à  peu  près  identique  ; 
la  charpente  en  est  toujours  la  même,  de  sorte  qu'on  met 
très  rapidement  la  main  sur  les  parties  de  l'acte  qu'on 
peut  avoir  à  consulter.  La  disposition  graphique  elle- 
même  concourt  à  faciliter  les  recherches  ou  comparai- 
sons :  les  parties  essentielles  sont  séparées  par  certaines 
formules  en  grosses  lettres  ou  marquées  par  des  initiales 
bien  visibles. 

2'  Voir  la  trad.  de  cette  loi  par  YAnn.  de  législ.  êtrang.,  XI,  p.  41  ; 
MM.    Barclay    et    Dainville  dans        Stephen,  Comm.,  9'^  èdil.,  111,220. 


276      DES  ACTES  TRANSLATIFS  DE  PROPRIETE  IMMOBILIÈRE 

Voici,  dans  leur  ordre  habituel,  les  parties  dont  se  com- 
pose un  acte  de  vente  ordinaire  : 

1°  La  date  de  Y  indenture. 

2°  Les  parties,  c'est-à-dire,  les  noms,  qualités  et  domi- 
cile des  parties. 

3°  Les  récitals,  c'est-à-dire,  l'indication  de  la  façon 
dont  le  vendeur  a  acquis  le  droit  qu'il  se  propose  de  céder, 
ainsi  que  du  contrat  projeté  entre  les  parties. 

4°  Le  testaium;  cette  partie,  qui  se  reconnaît  à  la  for- 
mule :  Now  THis  INDENTURE  wiTNESSETH,  inscrite  en  gros 
caractères,  renferme  ce  qu'on  appelle  les  operative  words 
de  l'acte,  les  paroles  opérantes  ou  essentielles,  c'est-à- 
dire,  la  constatation  que  la  vente  est  faite  moyennant  un 
prix  de...,  que  ce  prix  a  été  soldé,  et  qu''en  conséquence 
le  vendeur  cède  [grant]  à  l'acquéreur  les  immeubles  qui 
font  l'objet  du  contrat. 

5°  Les  parceis,  c'est-à-dire,  la  description  détaillée  des- 
dits immeubles  avec  leurs  appartenances  et  dépendances, 
et,  s'il  y  a  lieu,  l'indication  de  ce  qui  n'est  pas  compris 
dans  la  vente. 

Ces  cinq  premières  parties  constituent  ce  qu'on  appelle 
les  premises  de  l'acte.  Viennent  ensuite  : 

6°  h'habendum^  c'est-à-dire,  le  paragraphe  où  l'on  pré- 
cise la  nature  et  l'étendue  du  droit  cédé  à  l'aquéreur  sur 
les  immeubles  vendus.  Ainsi,  si  c'est  la  possession  en  fief 
simple  qui  en  est  transférée,  Vhabendiim  spécifie  que  les 
immeubles  sont  cédés  «  unto  and  to  the  use  of  B  (l'acqué- 
reur), his  heirs  and  assigns  for  ever  ».  On  remarquera 
que  l'acte  ne  se  borne  pas  à  dire  que  les  biens  sont  cédés 
à  B  {u7ito  B),  mais  ajoute  qu'ils  le  sont  à  sonprofit  [to  the 
use  of  B).  On  sait  qu'avant  le  Statute  of  uses  toute  aliéna- 
tion d'immeubles  faite  sans  une  juste  cause  et  sans  décla- 


DES  ACTES  TRANSLATIFS  DE  PROPRIÉTÉ  IMMOBILIÈRE      277 

ration  de  use  était  réputée  faite  au  profit  {to  the  use)  du 
cédant  lui-même;  le  Slatute  of  uses  ayant  converti  ce 
simple  profit  en  un  droit  de  propriété  pour  celui  qui 
avait  le  use,  il  en  serait  résulté  que  ce  -statut  aurait, 
dans  certains  cas,  et  à  défaut  de  considération  suffisante, 
annihiléimmédiatement  latransmission  concertée  entre  les 
parties  et  effectuée  en  apparence  par  le  deed  of  grant. 
Pour  prévenir  ce  résultat,  il  est  de  règle  d'insérer  dans 
tout  acte  translatif  une  déclaration  de  use  au  profit  de 
l'acquéreur  et  de  ses  ayants-cause;  tel  est  le  but  delà  for- 
mule ci-dessus  transcrite  et  qui,  au  premier  abord,  semble 
inutilement  redondante  *. 

7°  Les  covenants,  c'est-à-dire,  les  déclarations  faites 
par  le  vendeur  à  l'acheteur  et  qui  sont  habituellement  au 
nombre  de  cinq,  savoir  :  1°  que  le  vendeur  tenait  lui-même 
le  bien  en  fief  simple;  2°  qu'il  avait  le  droit  de  l'aliéner  ; 
'6°  que  l'acquéreur  et  ses  ayants-cause  doivent  en  jouir  pai- 
siblement ;  4°  que  le  bien  est  libre  de  toutes  charges  (m- 
cwnbrances)  ;  5°  que  le  vendeur  et  ses  ayants-cause  seront 
toujours  prêts  à  faire  tel  acte  supplémentaire  qui  serait 
nécessaire  pour  assurer  l'effet  du  deed.  Aujourd'hui,  le 
premier  de  ces  covenanls  est  souvent  supprimé  comme 
se  trouvant  impliquédans  le  second;  on  peut,  du  reste,  en 
ajouter  d'autres,  s'il  y  a  lieu. 

8°  Le  testimonium  [conclusion,  attestation  clause),  qui 
indique  le  ou  les  témoins,  mais  ne  fait  pas  partie  inté- 
grante du  deed. 

9°  Les  signatures  et  sceaux  des  parties. 

11  y  a,  pour  les  diverses  parties  qui  viennent  d'être 
énumérées,  des   phrases   et   expressions   consacrées  par 

'  Sanders,  on   Uses,  5*  éd.,  II,  77-84. 


278     DES   ACTES    TRANSLATIFS    DE   PROPRIÉTÉ  IMMOBILIERE 

l'usage;  mais  il  n'y  a  pas  de  terme  sacramentel,  —  même 
le  mot  si  important  de  grant,  —  en  ce  sens  que,  s'il  fai- 
sait défaut,  l'acte  serait  entaché  de  nullité;  pourvu  que 
la  portée  de  la  disposition  soit  claire,  peu  importe  quels 
mots  on  a  employé  pour  la  fixer  ^ 

Au  reste,  une  loi  du  22  août  1881  [Conveyancing  and 
Laiv  of  Propertij  act^'&L  44  et  4o,  Vict.,  c.  41),  en  vigueur 
depuis  le  1"  janvier  1882,  a  singulièrement  simplifié  la 
rédaction  des  deeds  of  grant  en  déclarant  que  désormais 
une  série  des  clauses  usitées  jusqu'alors  seraient  considé- 
rées comme  tacite,  sauf  le  droit  des  parties  de  les  exclure 
formellement.  La  simplification  porte  tout  à  la  fois  sur  les 
récitals  (§  3),  sur  les  parcels  (§  6)  et  sur  les  covenants 
(§  7),  qui  sont  ou  réduits  au  strict  nécessaire,  ou  com- 
plètement supprimés  comme  allant  de  soi  ^ 

391.  —  Généralement  le  reçu  du  prix  est  inscrit  au 
dos  de  l'acte,  bien  qu'il  figure  déjà  très  souvent  dans  les 
récitals.  Il  n'était  pas  tout  à  fait  indifférent  qu'il  fût  à 
l'une  ou  à  l'autre  place:  le  reçu  inséré  dans  Pacte  donnait 
at  law  une  exception  à  l'acquéreur  contre  le  vendeur, 
tandis  que  le  reçu  au  dos  n'emportait  qu'une  simple  pré- 
somption. Toutefois  les  cours  d'équité  admettaient,  dans 
un  cas  comme  dans  l'autre,  la  preuve  qu'en  réalité  le  paye- 
ment n'avait  pas  eu  lieu^  ;  et  cette  distinction  subtile  a  été 
complètement  effacée  par  le  Conveyancing  act  de  1881, 
cité  plus  haut  :  en  vertu  des  §§  54  et  suivants,  toute  quit- 
tance ou  décharge  énoncée  dans  le  corps  de  l'acte  vaut  li- 
bération pour  le  débiteur  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  la 
répéter  au  dos;  quelle  qu'en  soit  la  place,  elle  fait  preuve 

2  Sheppard,    Touchstone,   229  ;  3  Voir  la  trad.  de  la  loi  par  MM. 

Shoive  c.  Pincke,   5   T.  R.,  124;  Barclay  et  Daiavilie  dans  ÏAnn. 

Haggerstone  c.  Hanbury,  5  B.  et  de  lég.  étrang.,  XI,  p.  39  et  suiv. 

C.  101.  t  West  c.  Heid,  2  Hare,  249. 


DES  ACTES  TRANSLATIFS   DE   PROPRIETE  IMMOBILIERE    279 

du  payement  vis-à-vis  de  tout  acquéreur  ultérieur,  et,  si- 
gnée du  créancier,  elle  confère  a.\isolicitor  à  qui  il  a  remis 
la  pièce  pouvoir  de  toucher  les  fonds  sans  autre  j  usti  fication. 

392.  —  Les  deeds  of  grant  doivent  être  timbrés.  Au- 
trefois, l'omission  de  cette  formalité  enlevait  à  l'acte  sa 
valeur  probante  en  justice.  Aujourd'hui,  elle  expose  seule- 
ment les  contrevenants  à  certaines  pénalités  pécuniaires. 
D'après  le  Stamp  act  de  1870  (St.  33  et  34,  Vict.,  c.  97), 
§  16,  le  timbre  est  proportionnel  :  un  demi  pour  cent  du 
prix  d'achat  ^ 

392  bis.  —  Les  règles  en  matière  de  timbre  ont  été 
modifiées  en  1891  par  un  nouveau  5^am;?  ac/ %  qui  déter- 
mine strictement  sous  quelles  conditions  un  acle  non  tim- 
bré peut  être  produit  en  justice.  Une  distinction  s'impose 
entre  les  actes  sujets  à  un  droit  fixe  et  ceux  pour  lesquels 
n'est  dû  qu'un  droit  proportionnel.  Ces  derniers  doivent 
de  toute  nécessité  être  timbrés  dans  les  30  jours  de 
leur  exécution,  sous  peine  d'une  amende  de  10  livres 
sterling,  et  de  l'obligation  du  double  droit.  L'autorité  ju- 
diciaire devant  laquelle  un  tel  acte  est  produit  peut  ad- 
mettre cependant  certains  cas  d'excuse  pour  le  retard  de 
cette  formalité  fiscale.  Quant  aux  actes  susceptibles  d'un 
droit  fixe,  on  peut  les  produire  en  justice  avant  de  les 
faire  timbrer,  s'ils  appartiennent  à  la  catégorie  des  actes 
qu'on  ne  timbre  qu'après  exécution.  Mais,  dans  le  cas  con- 
traire, il  est  impossible  de  les  produire  d'aucune  manière, 
môme  à  charge  de  pénalité.  Echappent  au  droit  de  timbre 
les  actes  suivants  :  1°  les  contrats  dont  l'objet  représente 
une  valeur  inférieure  à  S  livres  sterling; 2°  les  contrats  de 


5  Cpr.,  sur  lout  ce  qui  concerne       liams,  lieal  prop.,  19»  édit.,  |i.  153 
la     forme    des    deeds,    Paterson,       et  suiv. 
Comp.,    n"»  361  et  suiv.,  et   Wil-  6  St.  54  et  55,  Vict.,  c.  39. 


280       SÉCURITÉ  DONNEE  AUX   ACQUEREURS   D'LMMEUBLES 

louage  de  services  pour  les  travailleurs  manuels  ;  3°  les 
contrats  passés  pour  les  ventes  de  meubles  corporels;  4°  les 
engagements  réciproques  des  patrons  de  barques  et  de 
leurs  hommes  d'équipage,  en  ce  qui  concerne  la  navigation 
côtière  autour  du  Royaume-Uni. 

393.  —  L'acquéreur,  nanti  d\in  deed  en  bonne  forme, 
n'a,  de  nos  jours,  aucune  démarche  à  faire  auprès  du  sei- 
gneur dont  relève  la  propriété  acquise  par  lui,  à  l'effet 
d'obtenir  une  homiOlogalion  ou  investiture  complémen- 
taire. Il  n'a  à  se  pourvoir  auprès  du  seigneur  que  s'il 
s'agit  d'un  copyhoid. 


CHAPITRE  V 

Des  moyeas  de  donner  sécurité  aux  acquéreurs 
d'immeubles   et,   notamment,   de    la   transcription. 

Sommaire  :  394.  Absence  de  toute  organisation  générale;  remise  des  litres 
de  propriété;  insuffisance  de  garanties.  —  395.  Véiificaiiondes  litres  du 
vendeur;  abstract  a  remettre  à  l'acquéreur.  — 396.  Actes  exception- 
nellemenl  soumis  à  inscription.  —  397.  Comtés  où  l'inscription  est  de 
règle.  —  398.  Tentatives  faites  pour  généraliser  l'applicalion  du  prin- 
cipe de  la  publicité.  —  399.  Loi  de  1875.  —  400.  iMesures  quant  aux 
deeds  et  aux  testaments.  —  400  bis.  Eliets  à  peu  près  nuls  de  la  loi 
de  1875;  loi  de  1897. 

394.  —  Jusqu'à  présent,  il  n'existe  en  Angleterre 
aucune  organisation  générale  pour  porter  à  la  connais- 
sance du  public  les  actes  translatifs  de  propriété  immo- 
bilière :  ces  actes  ne  sont  soumis  en  principe  à  aucune 
inscription,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  de  copyholds.  La 
seule  garantie  qu'ait  l'acquéreur,  c'est  qu'immédiatement 
après  la  vente,  tous  les  titres  de  propriété  doivent  lui  être 
remis  par  le  vendeur.  Lorsqu'il  les  détient,  il  est  sûr  que 
nulle  aliénation  ne  pourra  être  faite  ultérieurement  à  son 


SÉCURITÉ  DONNÉE   AUX    ACQUÉREURS  DIMMEURLES      281 

préjudice.  Mais,  s'il  négligeait  de  se  les  faire  délivrer, 
rien  n'empêcherait  l'ancien  propriétaire  de  vendre  ou  de 
mortgager  le  même  immeuble  à  une  aulre  personne.  L'ac- 
quéreur nanti  des  titres  peut  être  à  peu  près  certain  qu'il 
n'existe  pas  sur  l'immeuble  de  mortgage  qui  lui  ait  été  celé, 
car  un  créancier  morlgagiste  a  généralement  soin  de  se 
faire  remettre  lesdits  titres  en  garantie  (cpr.  n°  o28)  ;  mais 
la  détention  même  des  titres  ne  lui  garantit  pas  que  l'im- 
meuble n'est  pas  grevé  de  rentes  foncières  ou  que  le  ven- 
deur n'a  pas,  par  contrat  de  mariage,  réduit  son  interest  à 
un  droit  purement  viager.  La  propriété  foncière  est  donc 
loin,  quant  à  présent,  de  présenter  la  sécurité  absolue 
qu'elle  offre  dans  les  pays  où  nul  acte  intéressant  un  im- 
meuble ne  vaut  qu'après  avoir  été  inscrit  sur  le  registre 
foncier  au  folio  concernant  l'immeuble,  ni  même  la  sécu- 
rité relative  qu'elle  offre  en  France  depuis  la  loi  sur  la 
transcription  de  185o. 

395.  —  Autrefois,  lorsqu'il  s'agissait,  avant  de  pro- 
céder à  une  acquisition  d'immeubles,  de  vérifier  les  titres 
du  vendeur,  on  remonlaitjusqu'à  soixante  ans  en  arrièreV 
Le  vendeur  était  tenu  de  fournir,  à  ses  frais,  à  l'acheteur 
UQ  résumé  [abstract)  de  tous  les  litres  translatifs  de  pro- 
priété concernant  les  biens  à  vendre  et  rentrant  dans  cette 
période;  il  devait,  en  outre,  le  mettre  en  mesure  de  colla- 
tionner  au  besoin  ce  résumé  avec  les  originaux.  LeVendor 
and  Pw'chaser  Act  de  1874  (St.  37  et  38,  Vict.,  c.  78)  a 
modifié  cet  état  de  choses  en  ce  que,  sauf  convention  con- 
traire, le  résumé  ne  porte  plus  que  sur  les  titres  des  qua- 
rante dernières  années  (§  1).  Le  résumé  doit  indiquer  les 
noms  de  toutes  les  personnes  qui,  à  côté  du  vendeur,  peu- 

'  Sugden,  on  l'endors  and  Purchaseï  s,  13*  éd.,  464. 


282        SÉCURITÉ  DONNÉE  AUX  ACQUÉREURS  D'IMMEUBLES 

vent  avoir  un  interest  sur  les  biens  à  vendre,  et  le  con- 
cours de  ces  personnes  doit  être  obtenu  par  le  vendeur  de 
façon  que  les  biens  soient  transmis  à  l'acquéreur  francs  et 
quittes  de  toutes  charges.  Ainsi,  si  les  terres  font  l'objet 
d'un  mort-gage,  le  créancier  doit  être  remboursé  sur  le  prix 
de  vente  et  intervenir  à  Pacte  pour  renoncer  à  ses  droits 
sur  les  terres  et  pour  en  transférer  le  légal  estate  à  l'acqué- 
reur. Le  Conveyancing  and  Lato  of  Properly  act  de  1881 
(St.  44  et  45,  Vlct.,  c.  41),  §  5,  autorise,  dans  ce  cas,  la 
cour  à  se  faire  remettre  la  somme  qu'elle  juge  nécessaire 
pour  désintéresser  les  créanciers,  et  à  libérer  ensuite,  d'of- 
fice, l'immeuble  des  charges  qui  le  grèvent". 

396.  —  Ce  n'est  pas  à  dire  qu'un  acquéreur  soit  hors 
d'état  de  se  renseigner  sur  tous  les  actes,  indistinctement, 
qui  peuvent  affecter  l'immeuble.  Certains  de  ces  actes 
reçoivent  une  publicité  relative,  sont  inscrits  sur  des 
registres  et  peuvent  y  être  retrouvés.  Ainsi  les  actes  abo- 
litifs  de  substitution  [disentailing  deeds)  devaient,  avant 
1833,  être  inscrits  en  la  cour  des  Plaids  communs,  et  le 
sont,  depuis  1833,  en  la  cour  de  Chancellerie  ^  Les  actes 
reconnus  par  des  femmes  mariées  font  Tobjet  de  certifi- 
cats conservés  en  la  première  de  ces  course  Sont  égale- 
ment inscrites  en  la  cour  des  Plaids  communs  :  les  dettes 
reconnues  par  jugement^,  les  dettes  de  la  couronne,  les 
lites  pendentes^,  les  rentes  foncières  constituées  autrement 
que  par  contrat  de  mariage  \  Enfin,  on  peut  avoir  connais- 
sance de  la  faillite  ou  de  la  déconfiture  du  vendeur  en  com- 


2  Notice  et  trad.  par  MM.   Bar-  18  et  19,  Vict.,  c.  15;  28et24,  Vict., 
clay  et    DainviUe,    Ann.    de   lég.  c.  38  ;  27  et  28,  Vict.,  c.  112. 
étrang.,  XI,  39.  c  st.   2    et  3,    Vict.,  c.  il,  §§  7 

3  St.  3  et  i,  Guii.  IV,  c.  74,  §  41.  et  8. 

i  Ib.,  §§  74,  87,  88.  ^  St.  53,  Geo.  III,  c.  141  ;  3,  Geo. 

5  St.  1  et  2,  Vict.,  c.  110;  2  et  3,  IV,  c.  94;  7,  Geo.   IV,  c.  75;  17  et 

Vict..  c.  11;  3  et  4,  Vict.,   c.  82;  18,  Vict.,  c.  90;  18  et  19, Vict.,  c.  15. 


SECURITE  DONNEE  AUX  ACQUEREURS  D'IMMEUBLES         283 

puisant  les  registres  des  cours  des  Faillites  et  des  Insol- 
vables '. 

397.  —  Si  les  biens  sont  situés  dans  les  conrités  de 
Middlesex,  York  ou  Kingston-upon-Hull,  un  résumé  du 
deed  translatif  de  propriété  doit  être  inscrit  sur  le  registre 
foncier  local,  sous  peine  de  nullité  à  l'égard  des  acqué- 
reurs ou  créanciers  mortgagés  ultérieurs;  mention  de  l'in- 
scription est  faite  au  dos  de  l'acte'.  De  même,  les  actes 
concernant  des  terres  comprises  dans  le  Bedford  level 
doivent  être  inscrits  au  Bedford  level  office'^^\  mais  la 
priorité  d'inscription  ne  confère  aucune  supériorité  de 
droit''. 

398.  —  Les  jurisconsultes,  et  surtout  les  praticiens,  se 
sont  toujours  montrés  hostiles  à  l'extension  du  principe  de 
l'inscription  au  reste  de  l'Angleterre.  Cependant,  dès  qu'on 
s'occupa  de  la  réforme  des  lois,  la  question  de  la  publicité 
des  actes  translatifs  de  propriété  immobilière  s'imposa  à 
l'attention  des  chambres.  De  1830  à  1834,  cinq  bills  furent 
soumis  sans  succès  aux  Communes.  Sir  John  Campbell  fît, 
en  1835,  jne  tentative,  qui  n'eût  pas  un  meilleur  sort.  En 
1853,  le  ministère  présenta  une  proposition  à  la  chambre 
des  Lords  pour  assurer  une  publicité  restreinte  et  faculta- 
tive; combattu  par  l'opposition,  le  bill  échoua. 

Toutefois,  neuf  ans  après,  lord  Westbury  parvint  à  faire 
voter  et  promulguer  deux  lois  qui  constituaient  un  pre- 
mier pas  dans  la  voie  de  la  publicité  :  le  St.  25  et  26, 
Vict.,  c.  53,  tendant  à  faciliter,  par  l'établissement  d'un 

*  La  cour  des  Insolvables  a  été  C.-F.  Brickdale,  Laiw  and  practtce 

supprimée  par  le  St.  32  et  33,  Vict.,  respecting  the  registration  of  deeds 

c.  83.  in  county  of  Middlesex,  et  R.-J. 

9  St.  2  et  3.  Ann.,  c.  4  ;  5  Anu.,  Smith,    The    Yorkshire  registries 

c.   18;    6,   Ann.,  c.   35;    7,    Ann.,  Acts  1881  and  1885. 

c.  20;  St.  8,  Geo.  II,  c.  6.  Cfr.  Sir  ^  St.  15,  Car.  Il,  c.  17,  §  8. 

F.    PoUock,    Land   laïcs,   p.   172;  •'   U'illis  c.   Brown,  Sim.,   127. 


284        SÉCURITÉ  DONNEE  AUX  ACQUEREURS  D'IMMEUBLES 

Landregistry,  chargé  de  vérifier  et  d'enregistrer  les  titres, 
la  preuve  de  la  propriété  foncière,  ainsi  que  son  transfert, 
et  le  St.  25  et  26,  Vict.,  c.  67,  qui  permettait  aux  inté- 
ressés d'obtenir,  sous  certaines  conditions,  une  déclara- 
tion judiciaire  relativement  à  leurs  droits  de  propriété.  Ces 
lois  avaient  de  graves  défauts;  elles  ne  prescrivaient  l'en- 
registrement que  d'extraits  des  actes  relatifs  à  la  propriété, 
permettaient  à  celui  qui  requérait  rinscription  de  sollici- 
ter à  son  gré  un  titre  inattaquable  ou  non  [indefeasible  or 
not  indefeasible  title),  instituaient  une  série  compliquée 
de  registres.  Les  hommes  d'affaires  reçurent  fort  mal  ces 
lois,  qui  ne  réalisaient  même  qu'imparfaitement  les  inten- 
tions de  leur  auteur.  Elles  restèrent  sans  aucune  applica- 
tion pratique. 

399.  —  Une  commission  extra-parlementaire  étudia 
de  nouveau  la  question  en  1868.  En  187.3,  le  chancelier, 
lord  Selborne,  élabora  un  projet  que  son  successeur,  lord 
Cairns,  ne  modifia  qu'en  quelques  points  de  détails  et  qui 
devint  le  Land  Transfer  act  de  187.3  (St.  38  et  39,  Vict., 
c.  87)  *^  Cette  nouvelle  loi,  de  crainte  de  troubler  la  pos- 
session des  propriétaires  fonciers,  n'a  pas  été  rendue  obli- 
gatoire; elle  ne  fait  que  créer  une  faculté  avantageuse  à 
ceux  qui  sauront  et  voudront  en  profiter.  Le  bureau  du 
registrar  à&w'ieui  un  véritable  tribunal  statuant  en  premier 
ressort  sur  la  validité  des  titres  de  propriété.  L'inscription 
peut  être  requise  par  toute  personne  qui  a  fait  un  contrat 
pour  acheter  un  estate  i?i  fee  simple^  ou  qui  a  droit,  at 
law  ou  in  equity^  à  un  semblable  estate^  ou  qui  est  capa- 

12  Notice  et  trad.  par  MM.  Hel-  la  propriété  foncière,  en  Angle- 

bronner  et  Duval,  Ann.  de  législ.  terre  (1882),  p.  117,  et  Jacques  Du- 

étrang.,  V,  178;  cpr,  G.  F.  Brick-  mas,  Le  problème  foncier  en  An- 

dale,  Hegislralion  of  title  to  land,  gleterre,  p.  189  et  suiv. 
-p.  15  et  s.;  G.   Lebret,  Étude  sur 


SECURITE   DONNEE  AUX  ACQUEf-iEURS  D'IMMEUBLES         285 

ble  de  le  vendre  à  son  bénéfice,  sauf,  dans  le  premier  de 
ces  trois  cas,  le  consentement  préalable  du  vendeur  (§  5). 
Elle  peut  s'appliquer  :  i°  aux  titres  translatifs  de  propriété 
pleine  et  entière  (freehold)  (§§  7  à  10);  2°  aux  tenures  à 
bail  [leasehold  lands)  (§§  11  et  suiv.);  3°  aux  constitutions 
d'hypothèque  (§  22).  En  principe,  le  propriétaire  inscrit 
a  seul  le  droit  de  transférer  ou  de  grever  la  terre  par  voie 
d'enregistrement;  mais  toute  personne  ayant  un  titre  suf- 
fisant [a  sufficient  estate  in  the  land)  peut  constituer  des 
droits  sur  celte  même  terre,  comme  s'il  n'y  avait  pas  eu 
d'enregistrement  de  la  part  du  propriétaire,  et  les  garantir 
contre  tout  acte  émanant  même  de  ce  dernier,  en  faisant 
inscrire  sur  le  registre  telle  notice,  défense  ou  restriction 
que  de  raison  (§  49).  D'autre  part,  toute  personne  ayant 
ou  prétendant  des  droits  sur  une  terre  non  encore  enre- 
gistrée peut  faire  au  refjistrar  une  défense  aux  fins  qu'elle 
entend  réserver  (§  60),  et  nulle  inscription  ne  doit  ensuite 
être  effectuée  qu'après  qu'elle  a  été  entendue  par  le  juge 
compétent  (§  62). 

400.  —  De  même  qu'il  n'y  a  pas  encore  de  système 
général  et  obligatoire  d'enregistrement  pour  les  actes 
translatifs  de  propriété  immobilière,  il  n'y  a  pas  non  plus 
en  Angleterre,  comme  en  Ecosse,  de  registre  général  où 
tous  les  deeda,  quel  qu'en  soit  l'objet,  puissent  être  con- 
servés''. Mais  la  cour  des  Testaments  (co^^r/  of  Probate) 
reçoit  en  dépôt  dans  ce  but  les  testaments  de  personnes 
vivantes'*. 

400  bis.  —  Lft  Land  Tramfer  act  de  1875  n'avait 
guère  été  qu'un  hommage  théorique  au  principe  de  la  pu- 
blicité réelle,  car  son  caractère  facultatif  permettait  aux 

»î    Paterson,     Comp  ,    n"    370,  >*  St.  20  et  21,   Vict.,  c.  77,  §  91. 

note  2. 


286        SÉCURITÉ  DONNEE  AUX  ACQUEREURS  D'IMMEUBLES 

propriétaires  d'en  éluder  l'application.  Le  législateur  avait 
espéré  que  la  simple  indication  des  avantages  de  l'imma- 
triculation suffirait  à  les  faire  rechercher  par  les  intéres- 
sés; mais  il  n'en  a  pas  été  ainsi,  et,  en  22  ans  d'exercice, 
la  loi  de  187o  n'a  donné  lieu  qu'à  4.000  transcriptions  de 
titres.  C'est-à-dire  que,  sur  toute  la  surface  de  l'Angle- 
terre, il  ne  s'est  pas  trouvé  une  moyenne  de  200  proprié- 
taires par  an  pour  apprécier  le  bénéfice  de  la  réforme.  En 
y  réfléchissant,  on  a  réussi  à  comprendre  les  motifs  de  cet 
insuccès.  Que  disait,  en  effet,  aux  propriétaires  la  loi  de 
187o?  Elle  leur  faisait  comprendre  que,  dans  l'état  actuel, 
les  qualités  actives  et  passives  de  leurs  immeubles  étant 
absolument  occultes,  et  aucun  moyen  ne  s'offrant  à  eux  pour 
purger  les  droits  réels  qui  pouvaient  être  préférables  aux 
leurs,  ils  restaient  constamment  sous  le  coup  d'une  double 
menace  :  d'une  part,  leur  propre  risqued'éviction  et,  d'autre 
part,  leur  impuissance  à  garantir  un  droit  de  priorité  aux 
tiers  en  faveur  desquels  ils  voudraient  consentir  une  alié- 
nation ou  un  démembrement  de  leur  domaine.  Pour  parer 
à  ce  danger,  la  loi  proposait  simplement  aux  propriétaires 
de  présenter  aux  bureaux  du  Reghtrar  gênerai  établi  à 
Londres  leurs  titres  et  leurs  plans,  et  si,  après  examen,  ces 
titres  paraissaient  réguliers,  le  Registrar  en  constaterait 
judiciairement  la  vérification  en  les  immatriculant.  De  là, 
pour  les  propriétaires,  un  avantage  juridique  et  un  avan- 
tage économique,  puisqu'ils  devenaient  capables  de  prou- 
ver à  tout  acquéreur  que  leurs  droits  avaient  été  vérifiés 
par  une  juridiction  compétente  et  qu'en  outre  ils  écono- 
misaient, sur  l'acte  de  transfert,  tous  les  frais  jusqu'alors 
exigés  par  les  hommes  de  loi  pour  l'établissement  des  ori- 
gines de  propriété. 

Mais  les  propriétaires  ne  manquaient  pas  d'objections  à 


SÉCURITÉ  DONNÉE  AUX  ACQUÉREURS  D'IMMEUBLES       287 

faire  à  ces  offres  si  séduisantes.  «  Vous  vous  préoccupez, 
«  pouvaient-ils  dire  au  législateur,  de  nos  risques  d'évic- 
((  lion,  mais  nous  ne  nous  en  préoccupons  pas  du  tout,  et 
«  nous  nous  préoccupons  encore  moins  delà  difficulté  de 
«  vendre  ou  de  démembrer  notre  immeuble  ».  En  effet, 
l'immense  majorité  des  terres  anglaises  se  trouvant  dé- 
tenue, grâce  au  seul  droit  de  naissance,  par  des  fils  de 
famille  qui  savent  que  leurs  ancêtres  se  les  sont  transmises 
de  même,  de  génération  en  génération,  suivant  l'ordre  de 
naissance  et  de  masculinité,  il  n'y  a  pas  de  doute  à  avoir 
sur  l'authenticité  de  leurs  titres  d'acquisition.  La  seule 
cause  d'éviction  pourrait  provenir  d'une  cession  de  droits 
consentie  par  l'un  des  dévolutaires  successifs,  mais  ce 
risque  est  purement  théorique  en  présence  du  régime 
des  substitutions  qui  assure  l'inaliénabilité  de  la  plupart 
des  patrimoines.  Qu'importe  la  difficulté  de  vendre  à  celui 
qui  ne  peut  pas  vendre? 

Et,  en  ce  qui  concerne  les  terres  librement  aliénables, 
l'indifférence  des  propriétaires  n'était  pas  moindre.  Le  cas 
était  assez  rare  pour  que  l'économie  offerte  par  la  loi  de 
1875  sur  les  frais  de  transport  ne  fût  pas  appréciable.  La 
grande  majorité  des  seigneurs  fonciers  étaient,  d'ailleurs, 
assez  riches  pour  ne  pas  marchander  la  rémunération  de 
leurs  hommes  de  loi,  qui  s'imposaient  souvent  à  eux  par 
leur  qualité  de  cadets  de  famille,  réclamant,  à  rai.-;on  de 
leurs  aptitudes  de  praticiens,  une  part  dans  la  gestion  du 
domaine  dont  ils  n'avaient  pu  hériter.  Si  même  de  tels 
propriétaires  avaient  recours  à  l'immatriculation,  la  véri- 
fication judiciaire  de  leurs  droits  ne  leur  assurait  qu'une 
probabilité  et  non  pas  une  certitude  d'authenticité;  car  la 
loi  de  i875  ne  permettait  pas  au  propriétaire  immatriculé 
de  triompher  d'un  adversaire  qui  se  prévaudrait  d'un  titre 


288         SÉCURITÉ  DONNÉE  AUX  ACQUEREURS  D'IMMEUBLES 

antérieur  ou  préférable.  N'était-ce  pas  suffisant  pour  que 
la  réforme  n'ait  pas  eu  plus  de  succès? 

De  nouvelles  raisons  devaient  cependant  rendre  indis- 
pensable le  fonctionnement  effectif  de  l'immatriculation;  et 
elles  se  sont  suffîsimment  imposées  à  l'esprit  du  législa- 
teur pour  amener,  en  1897,  le  vote  d'une  loi  nouvelle  *% 
mise  à  exécution  le  1"  janvier  1898,  et  dont  on  peut  at- 
tendre les  plus  heureux  effets. 

La  question  de  la  sécurité  des  titres  de  propriété 
devait  prendre  une  importance  capitale  en  ces  dernières 
années,  où  les  transactions  sur  les  immeubles  sont  deve- 
nues beaucoup  plus  nombreuses.  La  crise  agricole,  qui 
a  sévi  en  Angleterre  avec  une  telle  intensité,  a  mis 
beaucoup  de  propriétaires  dans  l'obligation  de  vendre 
ou  de  morceler  leurs  immeubles;  et,  pour  le  faire  sans 
trop  de  perte,  il  fallait  bien  qu'ils  pussent  garantir  le  main- 
tien en  possession  de  leur  acquéreur.  Convenait-il  pour  cela 
que  l'immatriculation  devînt  un  moyen  non  seulement  de 
révéler  les  droits  et  les  charges  d'un  propriétaire,  mais 
aussi  àepurge?'ious  les  droits  antérieurs  qui  n'auraient  pas 
été  révélés  parleurs  titulaires?  Si  ce  dernier  effet  avait 
été  conféré  à  l'immatriculation  par  la  loi  de  1897,  il  en 
serait  résulté  une  véritable  révolution  juridique  pour  le 
peuple  anglais,  qui  n'a  jamais  encore  pu  admettre  que 
l'accomplissement  d'une  formalité  quelconque  entraînât  la 
déchéance  de  tous  les  droits  contraires  '^  Mais  la  loi  nou- 
velle a  réussi  à  garantir  la  situation  de  l'acquéreur  imma- 
triculé sans  prononcer  aucune  déchéance  à  l'encontre  des 
droits  non  révélés.  Elle  déclare,  en  effet,  que  le  résultat  de 

**  St.  (50  et  61,  Vict.,  c.  65.  pas  vraie  pour  les  colonies  où  VAct 

Torrens  assure  la  priorité  des  droits 
»«  Celle  observation  ne   s'appli-         transcrits    à    l'encontre    de   toute 
que  qu'à  Ja  Métropole.  Elle  n'est        autre  prétention. 


SÉCURITÉ  DONNEE  AUX  ACQUEREURS  D'IMMEUBLES       289 

l'immatriculalion  sera  de  donner  au  propriétaire  un  droit 
absolu  à  un  équivalent  pécuniaire  que  devra  lui  payer 
l'État,  s'il  se  trouve  évincé  par  un  tiers.  Celle  obligation 
de  rÉtat  n'est  quejuste,  puisque  rimnaalriculation  n'a  lieu 
qu'après  la  vérification  que  doit  faire  le  registrar;  et  l'in- 
demnité ainsi  promise  constitue  pour  les  acquéreurs  un 
tel  élément  de  sécurité  que  la  circulation  des  immeubles 
n'offre  plus  de  difficultés. 

Pour  faire  face  au  paiement  de  ces  indemnités  éven- 
tuelles, on  doit  prélever  à  la  fin  de  chaque  exercice  finan- 
cier,  sur  les  recettes  du  Bureau  d'immatriculation,  une 
somme  variable  dont  le  quantum  est  fixé  chaque  année 
par  le  Lord  Chancelier  et  la  Trésorerie.  En  cas  d'insuffi- 
sance de  celte  somme,  le  trésor  fait  l'avance  des  indem- 
nités exigibles  et  se  récupère  ensuite  sur  les  excédents 
ultérieurs  du  Bureau'". 

La  loi  de  1897  n'a  pas  osé  déclarer  l'immatriculation 
obligatoire^  malgré  les  avantages  qu'elle  assurait  aux  par- 
ties. Son  fonctionnement  présentait  pourtant  un  caractère 
d'utilité  publique  trop  important  pour  qu'on  abandonnât 
aux  propriétaires  la  faculté  de  déprécier  la  valeur  du  sol 
en  négligeant  d'assurer  à  leur  litre  les  garanties  de  la  pu- 
blicité. Le  Parlement  a  donc  admis  que  l'immatriculation, 
tout  en  restant  facultative  en  principe,  pourrait  être  rendue 
obligatoire,  mais  en  cas  de  vente  seulement,  dans  les  com- 
tés dont  le  conseil  en  aurait  exprimé  le  vœu.  C'est  une 
nouvelle  application  du  système  de  l'option  locale  dont  les 


'■J  Dans  les  colonies  régies  par  l'cxiiropiiation  au  profit  du  proprié- 

YAct    Torrens,    il   y    a    aussi  un  taire  iinmatiiculé,  qui  est  toujoais 

fonds   d'imlomnité.   Mais  il  sert  à  maintenu  en  possession  s'il  est  do 

indemniser  les  titulaires  des  droits  bonne  foi. 
clandestins  dont   la  loi    prononce 

Leur.  19 


290        SÉCCRITÉ  DONNÉE  AUX  ACQUEREURS  D'IMMEUBLES 

pays  anglo-saxons  ont  déjà  fourni  plusieurs  exemples'*, 
A  l'heure  actuelle  (en  1905),  le  conseil  du  Comté  de 
Londres  est  le  seul  à  avoir  demandé  l'applicalion  de  la  loi 
dans  son  ressort  administratif.  Mais,  ainsi  localisée,  l'im- 
matriculation des  immeubles  a  déjà  fait  ses  preuves,  puis- 
que le  Land  Registrar  de  Londres  reçoit  60  demandes 
par  jour,  et  qu'une  grande  partie  de  la  propriété  bâtie  de 
la  capitale  figure  dès  à  présent  sur  les  registres  fonciers. 

18  Pour  plus  de  détails,  voir l'ar-       cette   loi    de    1897   dans   la  i?eu- 
ticle    de   M.   Jacques   Dumas   sur       •polit,  et  parlement.,  sept.  1898. 


SECTION  SIXIEME 

DES  BIENS  POSSÉDÉS  AU  PROFIT  D'AUTRUI 

(Timts,  fidéicommis). 

CHAPITRE  I 

Caractères  et  développement  historique 
de  l'institution. 

Sommaire:  401.  Notion  et  définition.  —  402.  Réserves  mises  parles  cours 
d'eguity  aux  droits  de  propriété  reconnus  at  law.  — 403.  Libéralités  aux 
églises;  moyen  imaginé  pour  éluder  les  lois  de  mainmorte.  — 404.  Ex- 
tensfon  des  i«v^A-  en  dehors  de  ce  cas;  la  juridiction  d'equity  les  prend 
sous  sa  protection.  —  405.  Abus  des  lises  ;  Statute  ofuses  de  Henri  VIII. 
—  406.  Conséquences  imprévues  de  ce  statut.—  407.  Interprétation  qui 
modifie  l'efl'et  du  statut.  —  408.  Doctrine  moderne  ùesuseS  and  trusts; 
légal  estate;  équitable  estate.  —  409.  Terminologie  moderne.  —  410. 
Biens  auxquels  ne  s'applique  pas  le  StaliUe  of  uses.  —  411.  Uses  actifs  ; 
uses  passifs. 

401.  —  L'institution  dont  nous  abordons  maintenant 
l'étude  tient,  dans  le  droit  anglais,  une  place  considérable 
et  n'a  pas  d'équivalent  exact  dans  notre  législation.  La 
langue  juridique  française  n'a  même  pas,  à  vrai  dire, 
de  terme  qui  corresponde  au  mot  anglais  trust.  On  tra- 
duit souvent  ce  mot  par  celui  de  fidéicommis,  qui,  pris 
dans  son  sens  étymologique,  en  donne  une  idée  assez 
nette  :1e  trust  est,  en  effet,  un  bien  confié  aux  soins  etàla 
bonne  foi  d'une  personne,  au  profit  et  pour  l'usage  d'une 
autre.  Mais  le  mot  fidéicommis  a  généralement,  en  fran- 
çais,   une  acception  'plus   étroite  :    il    désigne    un    bien 


292  CARACTÈRES  ET   HISTORIQUE  DES  TRUSTS 

dont  le  grevé  ne  jouit  que  pendant  un  temps  donné  et  à 
charge  de  Je  transmettre  intact  au  substitué  appelé  à  en 
jouir  après  lui.  Or  ce  n'est  pas  là  le  caractère  du  trust; 
jamais  celui  qui  en  a  la  garde  et  l'administration,  jamais 
le  trustée  ne  peut  tirer  du  bien  aucun  bénéfice  ni  profit 
personnel;  il  n'en  est  investi,  dès  le  début,  que  dans 
l'intérêt  exclusif  de  la  personne  qu'on  désigne  encore 
sous  la  vieille  expression  normande  de  cestui  que  trust. 
Le  trustée  tient  donc,  suivant  la  nature  et  l'objet  spé- 
cial du  trust,  du  dépositaire,  du  mandataire,  du  commis- 
sionnaire, de  l'administrateur  comptable  de  la  fortune 
d'autrui,  bien  plus  que  du  grevé  en  matière  de  substi- 
tution. Quant  au  cestui  que  trust,  dans  l'intérêt  exclusif 
et  absolu  duquel  le  trustée  détient  le  bien,  il  a  les  pré- 
rogatives d'un  usufruitier  ou  d'un  propriétaire  utile,  sans 
que  néanmoins  il  y  ait  identité  entre  ces  situations  et 
la  sienne.  Dans  ces  circonstances,  il  nous  paraît  préfé- 
rable de  ne  pas  déguiser  des  situations  sut  generis  sous 
des  dénominations  empruntées  àod'autres  droits  et  mé- 
diocrement exactes.  Nous  traduirons  souvent  trust  par 
fidéicommis.  en  prenant  ce  mot  dans  son  sens  gram- 
matical et  non  dans  le  sens  technique  qu'il  a  en  droit 
français;  mais  nous  conserverons  à  la  personne  investie 
du  trust  et  à  celle  pour  qui  elle  le  possède  leurs  noms 
originaux  de  trustée  et  de  cestui  que  trust. 

402.  —  Antérieurement  au  roi  Henri  VllI,  lorsqu'une 
terre  avait  été  donnée  à  une  personne  et  à  ses  héritiers 
et  que  le  donataire  avait  été  «  saisi  »  du  bien,  —  qu'il  y 
avait  eu  livery  of  seisin,  —  il  possédait  ce  bien  en  fief 
simple,  sans  autre  formalité.  Les  cours  de  justice  n'exi- 
geaient de  lui  la  preuve  d'aucune  considération,  d'au- 
cune  circonstance  expliquant  ou  justifiant  l'acte  dont  il 


CARACTERES  ET  HISTORIQUE  DES  T!WSTS  293 

bénéficiait,  proche  parenté,  contre-prestation,  payement 
d'un  prix  ou  d'une  rente,  etc.  Du  moment  qu'un  proprié- 
taire donnait  volontairement  sa  chose  et  en  investissait 
le  donataire,  la  libéralité  était  réputée  parfaite  et  irré- 
vocable; a(  law,  le  donataire  était  désormais  le  véritable 
propriétaire  du  bien.  Il  n'en  était  pas  nécessairement  de 
même  en  equity.  la  cour  de  Chancellerie  admettait,  dans 
certains  cas,  que  le  donataire,  même  mis  en  possession, 
n'eût  pas  le  droit  de  jouir  pour  lui-m^me  du  bien  dont  il 
avait  été  investi,  et,  en  conséquence,  le  forçait  à  n'user 
de  son  titre  légal  de  propriétaire  qu'au  profit  d'une 
autre  personne,  réputée  avoir  aux  fruits  du  bien  des 
droits  supérieurs  aux  siens. 

403.  —  Dès  la  fin  du  règne  d'Edouard  111  ',  eneffet,  avait 
surgi  une  nouvelle  espèce  de  droit  immobilier,  inconnue 
en  droit  commun.  Les  lois  de  mainmorte  prohibant  les 
donations  d'immeubles  aux  couvents  et  à  l'Église,  les 
jurisconsultes  du  clergé  s'étaient  avisés,  pour  les  éluder, 
du  moyen  suivant  :  le  bien,  au  lieu  de  faire  l'objet  d'une 
libéralité  directe  qui  se  serait  brisée  contre  le  texte  for- 
mel des  statuts,  était  donné  à  un  tiers,  mais  au  profit  [to 
the  use)  de  l'établissement  religieux  qu'on  entendait  gra- 
tifier. Les  chanceliers  de  l'époque,  qui,  eux  aussi,  étaient 
généralement  des  clercs,  déclarèrent  ces  fideicommisua 
obligatoires  pour  la  conscience  et  ordonnèrent,  en  cour 
de  Chancellerie,  qu'ils  fussent  exécutés.  Dès  lors,  on  posa 
en  principe  que,  bien  qu'en  vertu  des  statuts  les  terres 
De  pussent  faire  l'objet  d'un  legs  ad  pias  causas,  un  tes- 
tateur qui  avait  inféodé  des  terres  à  son  propre  usage 
et   profit    pouvait   valablement    disposer  de    cet    usage 

«  St.  50,  Ed.  III.  c.  6;  I,  Rich.  II,  c.  9;  1  Rep.,  139. 


294  CARACTERES  ET   HISTORIQUE  DES    TRUSTS 

{use)  dans  l'intérêt  des  établissements  incapables  de  re- 
cevoir la  propriété  même. 

404.  —  Dans  la  suite  des  temps,  ces  libéralités  faites 
avec  personnes  interposées  devinrent  très  fréquentes, 
même  en  dehors  des  cas  où  il  s'agissait  d'éluder  les  lois 
de  mainmorte.  A  l'époque  surtout  des  longues  guerres  en 
France  et  de  la  querelle  des  York  et  des  Lancastre,  les 
familles  trouvèrent  dans  ce  procédé  un  moyen  commode 
de  pourvoir  les  enfants  par  testament  et  de  mettre  leurs 
propriétés  à  l'abri  des  confiscations,  le  propriétaire  inves- 
tissant de  ses  terres  un  homme  de  confiance,  mais  à  son 
propre  profit  à  lui  fieiïant.  D'autre  part,  ce  fut  pendant 
longtemps  le  seul  moyen  de  disposer  par  testament,  sinon 
de  la  terre  elle-même,  ce  qui  était  interdit,  du  moins  de 
l'usufruit  de  la  terre.  La  cour  de  Chancellerie,  qui  ne 
voyait  pas  les  uses  de  mauvais  œil,  s'appliqua  à  en  fixer 
la  doctrine,  et  l'institution,  bien  qu'étrangère  au  droit 
commun,,  ne  tarda  pas  à  prendre  une  importance  tout  à 
fait  prépondérante.  Il  arriva  alors  qu'<2^  law,  devant  les 
tribunaux  ordinaires,  celui-là  seul  était  considéré  comme 
propriétaire  du  bien  qui  en  avait  été  directement  investi 
et  saisi,  tandis  qu'en  equity  il  pouvait  arriver  qu'on  ne  lui 
reconnût  aucun  droit  aux  fruits  et  bénéfices  découlant  du 
bien.  La  cour  de  Chancellerie,  qui  ne  se  permet  jamais  de 
mettre  la  loi  de  côté,  ne  lui  contestait  pas  son  titre  légal, 
mais,  dans  l'exercice  de  sa  juridiction  sur  les  consciences, 
l'obligeait  à  n'user  de  ce  titre  qu'au  profit  de  ceux  qu'on 
avait  entendu  réellement  gratifier  par  son  entremise. 
Ainsi,  lorsque  A  donnait  un  bien  à  B  au  profit  de  C,  ces 
termes  «  au  profit  de...  »  {to  the  use  of)  obligeaient  B  en 
conscience;  s'il  omettait  de  faire  état  à  C  des  fruits  du  do- 
maine, il  se  rendait  coupable  d'un  abus  de  confiance,  dont 


CARACTERES  ET  HISTORIQUE  DES  TRUSTS  295 

il  n'était  pas  justiciable  devant  les  tribunaux  ordinaires, 
—  pour  ceux-là,  il  avait  seul  toutes  les  prérogatives  et  toutes 
les  charges  de  la  propriété,  —  mais  que  la  cour  de  Chan- 
cellerie ne  manquait  pas  de  réprimer  :  le  roi,  en  cour  de 
Chancellerie,  extorquait  à  B,  sous  serment,  l'aveu  des  con- 
ditions sous  lesquelles  le  bien  lui  avait  été  confié  et  le  con- 
traignait à  s'y  soumettre.  De  là  naquit  la  juridiction  en 
equittj.  Du  jour  où  C  trouva  auprès  de  la  cour  de  Chan- 
cellerie la  protection  que  lui  refusaient  forcément  les  tri- 
bunaux ordinaires,  il  devint  le  propriétaire  tout  au  moins 
en  equitij  :  il  eut  le  domaine  équitable,  le  domaine  utile, 
B  ne  conservant  qu'une  propriété  légale,  dont  aucun  profit 
ne  compensait  les  charges. 

405.  —  Ce  genre  d'opération,  d'investissement  de  pro- 
priétés immobilières  au  profit  soit  du  propriétaire  lui- 
même,  soit  de  tierces  personnes,  devint  peu  à  peu  si  fré- 
quent que  la  plupart  des  terres  du  royaume  finirent  par 
être  aliénées  de  cette  façon,  «  pour  le  plus  complet  ren- 
versement des  vieilles  lois  communes  de  la  monarchie^  ». 
Le  législateur  se  décida  à  couper  court  à  une  pratique  qui 
étaitdevenue  abusive,  et,  après  plusieurs  tentatives  d'amen- 
dement, la  supprima  par  le  fameux  Statute  of  uses  (St.  27, 
Henri  VIII,  c.  10).  En  vertu  de  celte  loi.  lorsqu'une  per- 
sonne se  trouva  saisie  d'un  héritage  au  profit  d'une  autre, 
quel  que  fût  le  terme  employé  pour  marquer  qu'elle  avait 
un  simple  fidéicommis  [use,  confidence,  trust),  c'est  la 
personne  appelée  à  recueillir  les  fruits  et  avantages  de 
l'héritage  qui  fut  réputée  légalement  saisie  et  possession- 
née  dudit  héritage,  dans  la  mesure  où  auparavant  elle 
n'en  avait  que  la  jouissance.  Selon  l'expression  technique, 

2  Préambule  du  Stalutr  o  fuses  [Si.  27,  H.)nr.  VIII,  c.  10). 


2%  CARACTERES  ET  HISTORUjUE  DES    THiSTS 

the  usebecame  converted  inlo  theland^  le  droit  de  jouis- 
sance fut  converti  en  propriété.  Ainsi,  supposons  que  A 
et  ses  héritiers  fussent  investis  d'un  bien  au  profit  de  B  et 
de  ses  héritiers;  avant  le  Statute  of  uses,  A  aurait  eu,  en 
droit  commun,  le  bien  en  fief  simple;  depuis  lors,  il  ne 
servit  plus  que  d'intermédiaire  pour  faire  parvenir  le  bien 
à  B  en  la  même  qualité,  et  celui-ci  se  trouva  non  plus 
seulement  bénéficiaire  mais  propriétaire  du  fief,  même  at 
latv.  Supposons,  en  second  lieu,  qu'un  bien  ait  été  cédé  par 
N  à  A  et  à  ses  héritiers,  sans  aucune  cause  qui  expliquât  ou 
justifiât  celte  aliénation  [without  any  considération)  ;  avant 
le  Statute  of  uses,  N,  le  disposant,  aurait  été  réputé,  dans 
ce  cas,  avoir  fait  la  cession  à  son  profit  ou,  en  d'autres  ter- 
mes, s'être  réservé  les  fruits  et  avantages  du  bien  et 
n'avoir,  en  fait,  transmis  à  A  et  à  ses  héritiers  que  le  do- 
maine légal,  la  nue  propriété;  depuis  le  Statute,  N,  ayant 
conservé  le  use,  fut  réputé  avoir  aussi  conservé  par  là 
même  la  saisine  et  la  possession  légales  du  bien  et  n'avoir, 
en  réalité,  rien  transmis  du  tout  à  A,  nonobstant  l'appa- 
rente livery  of  seisin  qu'il  lui  avait  faite  :  il  reprend  immé- 
diatement ce  qu'il  avait  donné. 

406.  —  Le  Statute  of  uses  avait  pour  but  d'extirper 
complètement  le  système  des  uses,  de  supprimer  ce  par- 
tage de  la  propriété  entre  un  propriétaire  apparent,  privé 
de  tout  bénéfice  personnel,  et  un  propriétaire  utile,  qui 
recueillait  tous  les  fruits.  Il  devait  abolir  la  juridiction 
de  la  cour  de  Ctiancellerie  en  matière  de  droits  réels  im- 
mobihers,  puisqu'il  conférait  immédiatement  la  propriété 
en  droit  commun,  à  toute  personne  ayant,  en  equity,  un 
titre  à  la  jouissance  du  bien. 

Ce  double  but  ne  fut  pas  atteint.  L'institution  des  uses 
sembla,  au  contraire,  prendre,  après  le  Statute,  un  regain 


CARACTERES   ET   HISTORIQUE   DES  TRUSTS  297 

de  vitalité,  et  la  cour  de  Chancellerie  retrouva  très  vile  à 
l'aide  d'un  détour  sa  précédente  importance.  De  sorte  que 
le  seul  résultat  final  de  la  loi  de  Henri  VIII  fut  d'intro- 
duire dans  les  règles  du  droit  commun  quelques-uns  des 
principes  appliqués  dans  les  cours  d'équité;  ces  principes 
n'ont  d'ailleurs  jamais  cessé  de  gagner  du  terrain  en  Angle- 
terre, et  la  loi  de  1873  sur  l'organisation  judiciaire,  qui  a 
transféré  à  la  Haute-Cour  de  justice  les  attributions  des 
tribunaux  des  deux  ordres,  dit  expressément  qu'en  cas  de 
conflit  entre  les  règles  de  droit  commun  et  les  règles  d'é- 
quité, ce  sont,  sauf  exception  formelle,  ces  dernières  qui 
doivent  prévaloir'. 

407.  —  Voici  comment  la  cour  de  Chancellerie  put 
regagner  son  influence.  Les  cours  de  justice,  ayant  à 
interpréter  le  Statute,  décidèrent  que  si  A,  investi  de  la 
propriété  légale  d'un  domaine,  devait  le  posséder  au  profil 
de  B,  et  B  à  son  tour  au  profil  de  C,  le  statut  transférait 
bien  la  propriété  légale  à  B,  mais  non  au  delà.  Malgré 
^évidente  intention  de  celui  qui  avait  aliéné  le  domaine, 
d'en  assurer  en  réalité  les  bénéfices  à  C,  le  second  use 
stipulé  en  faveur  de  C  constituait  ce  qu'on  appelait  un 
usufruit  grefîé  sur  un  autre,  a  use  iipon  a  use  ;  et  les  juges 
estimaient  que  le  statut,  après  avoir  déployé  ses  effets 
en  faveur  du  premier  usufruitier,  n'avait  plus  assez  de 
vigueur  pour  faire  bénéficier  le  second  de  ses  disposi- 
tions. Cette  interprétation  peu  logique,  mais  littérale- 
ment correcte,  fut  consacrée  par  une  jurisprudence 
constante.  Alors  même  que  le  premier  use  était  concédé  à 
la  personne  investie  de  la  propriété  légale  et  que  le  bien 
était  transmis  à  A  et  à  ses  héritiers,  au  profil  de  A  et  de  ses 

3  St.  36  et  37,  Vicl.,  c.  6<3,  §  25,  n--  II. 


298  CARACTERES  ET   HISTORIQUE  DES  T.'iUSTS 

héritiers,  nulle  concession  d'usufruit  au  profit  d'une  autre 
personne  ne  pouvait  sortir  d'effet.  Ainsi,  lorsqu'un  bien 
avait  été  transmis  à  A  et  à  ses  héritiers,  to  ihe  use  of  A 
and  his  heirs^  to  the  use  of  C  and  his  heirs,  les  cours  de 
justice  ordinaires  refusaient  de  reconnaître  aucun  droit  à  C  ; 
car  l'usufruit  dont  il  se  préyalait  aurait  été  grefTé  sur  celai 
de  A,  «  use  upon  the  use  of  A . 

408.  —  C'est  là  que  la  cour  de  Chancellerie  trouva 
l'occasion  d'intervenir,  il  était  contraire  à  Vequity  que  C 
fût  frustré  de  tout  droit  sur  un  bien  dont  le  disposant  avait 
eu  certainement,  en  le  nommant,  l'intention  de  le  faire 
jouir.  La  cour  obligea,  en  conséquence,  A  ou  B,  qui  pre- 
nait l'immeuble  at  laiL\  d'après  les  exemples  donnés  plus 
haut^  à  ne  se  considérer  que  comme  le  tenant  pour  le 
compte  et  au  profit  de  C.  De  là  naquit  la  doctrine  moderne 
des  usesatid  trusts.  Aujourd'hui,  pour  constituer  un  équi- 
table eslate  au  profit  d'une  personne,  pour  lui  assurer, 
sous  la  protection  des  cours  d'équité,  la  jouissance  d'un 
bien  conféré,  at  law,  à  une  autre  personne,  il  suffît  de 
transmettre  le  bien  à  celle-ci,  à  son  propre  profit,  au  profit 
{in  trust)  de  la  première.  La  propriété  légale  en  fief  simple 
appartient  alors,  en  vertu  du  Statute  of  uses,  à  la  personne 
appelée  en  première  ligne  to  use,  et  le  bénéfice  réel  de  la 
disposition  est  réservé  à  la  personne  appelée  en  seconde 
ligne,  au  cestui  que  trust,  en  vertu  de  la  doctrine  de  la  cour 
de  Chancellerie. 

Vestate  en  fief  simple  dont  est  investi  le  trustée  porte  le 
nom  de  légal  estate,  parce  qu'il  n'a  de  valeur  qu'aux  yeux 
des  tribunaux  de  droit  commun  et  n'en  a  aucune  pour  les 
cours  d'équité.  A  l'inverse,  le  droit  de  jouissance  du  cestui 
que  trust  se  nomme  équitable  estate,  parce  qu'il  n'est  re- 
connu et  protégé  que  par  les  cours  d'équjtq.  Aujourd'hui  que 


CARACTÈRES  ET  HISTORIQUE  DES   TRUSTS  299 

!a  division  de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour  est  chargée  de 
veillera  l'exécution  des  fidéicommis  publics  et  privés*,  la 
doctrine  n'a  pas  changé  :  le  trustée  continue,  en  vertu  de  son 
légal  estate,  à  percevoir  les  fruits  du  bien,  mais  le  cestui 
que  trust  a  le  droit  de  le  contraindre  à  lui  en  faire  état. 

409.  —  Il  est  à  remarquer,  au  point  de  vue  de  la  ter- 
minologie, qu'aujourd'hui,  dans  les  actes  translatifs  de 
propriété,  on  se  sert  du  vieux  terme  use  lorsque  l'on 
entend  que  le  cessionnaire  ait  tout  à  la  fois  la  jouissance 
et  la  propriété  légales  conformément  au  principe  posé  par 
le  Statuts  of  lises  :  le  bien  est  transmis  à  A  et  ses  héri- 
tiers, to  t/ie  use  of  A  and  his  heirs.  Quand  il  s'agit  au 
contraire,  de  constituer  un  équitable  estate  au  profit  d'une 
autre  personne  que  l'acquéreur  apparent,  on  se  sert  du 
mot  trust,  qui  se  trouve  avoir  ainsi  le  sens  donné  à  use 
antérieurement  à  la  loi  de  Henri  VIII. 

410.  —  Le  Statute  of  uses  ayant  été  expressément 
promulgué  en  vue  de  supprimer  la  subdivision  du  droit 
de  propriété  en  matière  de  tènemenls  et  d'héritages,  il 
s'ensuit  qu'il  ne  s'applique  pas  aux  uses  concernant  toute 
autre  espèce  de  biens.  En  outre,  comme  le  Statute  par- 
lait uniquement,  à  propos  de  tènements  et  d'héritages, 
des  personnes  qui  en  étaient  saisies  au  profit  d'autrui 
et  que,  au  sens  propre  du  mot,  il  ne  peut  être  question 
de  saisine  qu'en  matière  de  francs-tènements,  à  l'exclu- 
sion des  possessions  emphytéotiques  et  des  copyJiolds, 
on  admit  que  la  loi  de  Henri  VIII  était  étrangère  à  tout 
bien  n'ayant  pas  le  caractère  d'un  franc-tènement.  Les 
biens  auxquels  elle  est  réputée  ne  pas  s'appliquer  sont  : 

1"  Tous  les  biens  meubles,  en  général; 

'  St.  36  et  37,  Vict.,  c.  66,  §34. 


3(X)  DES    EQUITABLE    ESTATES 

2°  Les  biens  de  nature  mixte  [impure  personal  pro- 
perty),  les  chaltels  real  et  les  terres  louées  à  long  terme 
[leasehold  lands)  ; 

^^  Les  copyhold  lands^. 

Ainsi,  après  comme  avant  le  Statute  of  uses,  si  A  est 
investi  de  biens  d'une  de  ces  trois  espèces  au  profit  de 
B,  B  n'acquiert  point  de  légal  interest  sur  ces  biens; 
c'est  A  qui  conserve  cet  interest  al  law.  Le  seul  change- 
ment survenu  depuis,  c'est  que,  conformément  à  la  ter- 
minologie adoptée  pour  les  francs-tènements,  on  a  donné 
désormais  à  ces  uses  le  nom  de  trusts^.  En  principe,  les 
trusts  de  ces  trois  sortes  de  biens  sont  restés  régis  par  les 
mêmes  règles  qu'auparavant. 

411.  —  Au  surplus,  même  pour  les  francs-tènements, 
le  Statute  ne  s'appliquait  qu'aux  uses  passifs.  Il  ne  con- 
cernait point  les  lises  actifs,  c'est-à-dire,  imposant  à  la 
personne  investie  du  bien  certaines  obligations  actives, 
comme  de  vendre  ledit  bien  et  d'en  répartir  le  prix  d'une 
certaine  façon,  de  payer  ses  dettes,  etc.''. 

CHAPITRE  II 

Des  fidéicommis  ou  équitable  estâtes. 


1 

Détermination,  création  et  aliénation 

des  équitable  estâtes. 

Sommaire  :  412.  Détermination  du  caractère  propre  de  ï équitable  cs'ate. — 
413.   —  Mode  de  création  ou  de  cession  d'un  équitable  estate  ;  Statute 

'•  Sanders,  On  Uses  and  Trusts,  '  Hayes,  Introduction  to  conve- 

5*  éd.,  I.  249.  yancing,ôi. 

•■■  Gilbert,  Treatise  on  Uses,  79. 


DES  EQUITABLE  ESTATES  3Cil 

of  frauds.  —  414.  Biens  auxquels  s'applique  ce  statut.  —  415.  Cas  où 
le  cestui  que  trust  meurt  iulestat.  —  416.  Cas  où  il  est  élranger  ou 
condamné.  —  417.  Aliénation  volontaire  ou  forcée  de  Vestate.  —  418. 
Divisions  des  trusts. 

412.  —  Lorsqu'il  s'agit  d'interpréter  et  de  réglementer 
un  fidéicomniis,  le  principe  général  est  que  equity  fol- 
lows  the  law,  l'équité  suit  la  loi,  c'est-à-dire,  que  la 
cour  de  Chancellerie  a  adopté  autant  que  possible  pour 
les  équitable  estâtes  les  règles  appliquées  en  droit  com- 
mun aux  /égal  estâtes.  Ainsi,  un  fidéicommis  en  fa- 
veur de  A  sa  vie  durant,  ou  bien  en  faveur  de  A  et  de 
ses  descendants,  ou  de  A  et  de  ses  héritiers,  est  con- 
sidéré comme  conférant  à  A  un  equUabe  estate  viager, 
ou  substitué,  ou  en  fief  simple.  Mais  le  principe  ne  s'ap- 
plique pas  d'une  façon  pédante;  les  cours  d'équité  pro- 
cèdent, s'il  y  a  lieu,  suivant  les  règles  libérales  en 
harmonie  avec  les  idées  modernes.  Elles  ne  tiennent 
plus,  par  exemple,  pour  déclarer  qu'un  équitable  es- 
tate constitue  un  fief  substitué  ou  un  Oef  simple,  à  ce 
qu'on  se  soit  servi  de  certaines  expressions  sacramen- 
telle.s,  si  l'intention  du  disposant  résulte  clairement 
des  termes  qu'il  a  employés;  elles  s'attachent  plutôt 
à  ce  que  les  parties  se  proposaient  de  faire  qu'à  ce 
qu'elles  ont  fait  en  réalité,  et  considèrent  même  vo- 
lontiers comme  déjà  accompli  un  projet  définitivement 
arrêté  dans  l'esprit  des  intéressés  et  qui  n'e^t  plus  su- 
bordonné, pour  être  également  définitif  en  droit  com- 
mun, qu'à  certaines  formalités  extrinsèques  ou  à  certains 
délais.  Ainsi,  un  équitable  estate  en  fief  simple  appartient 
à  l'acquéreur  d'un  fonds  dés  qu'il  a  signé  le  contrat  d'a- 
chat, pourvu  que  le  vendeur  ait  eu  le  droit  d'aliéner;  par 
conséquent,  si  cet  acquéreur  venait  à  mourir  intestat 
après  la    signature   du  contrat,   Vestate  passerait  à  son 


302  DES    EQUITABLE   ESTATES 

héritier  légilime,  et  le  vendeur  serait  un  trustée  pour  le 
compte  dudit  héritier  jusqu'à  ce  qu'il  lui  ait  régulière- 
ment transnais  le  légal estate\ 

413.  —  En  principe,  un  équitable  estate  ipeul  être  créé 
ou  cédé  indépendamment  de  toutes  formes  ou  paroles 
sacramentelles.  On  ne  tarda  pas  toutefois  à  reconnaître 
le  danger  de  ne  confier  qu'à  la  mémoire  des  disposi- 
tions aussi  compliquées  que  le  sont  souvent  les  fidéi- 
commis,  et  les  risques  de  fraude  inhérents  à  la  forme 
purement  orale.  En  conséquence,  le  Statuts  of  frauds 
(St.  29,  Car.  II,  c.  3)  exigea  pour  certains  fidéicommis 
une  constatation  par  écrit.  D'après  le  §  7,  toute  con- 
stitution de  fidéicommis  portant  sur  un  immeuble,  tène- 
ment  ou  héritage,  doit  être  constatée  par  un  testament 
ou  tel  autre  écrit  signé  de  la  personne  qualifiée  en  droit 
commun  pour  faire  le  trusta  c'est-à-dire,  du  bénéficiai 
owner,  de  celui  à  qui  appartient  la  jouissance  du  bien; 
il  n'y  a  d'exception  à  la  règle  que  pour  les  fidéicommis 
découlant  d'une  disposition  de  la  loi  ou  transmis  en 
vertu  d'une  semblable  disposition  (§  8).  De  même,  tout 
octroi  ou  toute  cession  d'un  fidéicommis  quelconque  doit 
faire  l'objet  d'un  écrit  entre  vifs  ou  d'un  testament  signé 
par  le  disposant  ou  cédant  (§  9).  En  pratique,  on  se  sert 
habituellement  pour  transférer  un  fidéicommis  des  formes 
usitées  en  matière  de  légal  estate  ;  mais  ce  n'est  pas  de 
rigueur,  pourvu  qu'il  y  ait  un  écrit ^. 

414.  —  La  règle  posée  par  le  Statule  of  frauds  s'ap- 
plique non  seulement  aux  francs-tènemenls,  mais  encore 
aux  copyhold  lands,  aux  domaines  loués  à  long  terme  et 
aux  chattels  reaP.  Elle  ne  s'applique  pas  aux  biens  meu- 

»  Sugden  (lord St.  Léonard),  On  -  Sanders.  Uses,  5e  éd.,  1,377. 

V endors  and  Purchasers,  iS'  éd.,  ^  Forster  c.    Haie,  3  Ves,  696; 

162.  Uiddle  c.   E.nerson,  \  Vern.,  108. 


DES  EQUITABLE  ESTATES  303 

bles  proprement  dits*;  du  moins  il  a  été  jugé  qu'ils  ne 
tombent  pas  sous  le  coup  du  §  7,  mais  Snell  enseigne  que 
le  §  9,  vu  la  généralité  de  ses  termes,  fait  loi  pour  les 
meubles  comme  pour  les  immeubles  ^ 

415.  —  Lorsque  le  cestîti  que  trust  meurt  intestat,  son 
équitable  estate  passe  à  ses  héritiers  suivant  les  mêmes 
règles  qu'un  légal  estate.  Si,  dans  la  même  hypothèse, 
il  ne  laisse  point  d'héritiers,  Vestate  en  fief  simple  ne  fait 
pas  retour  au  seigneur,  par  droit  d'échette,  comme  ce 
serait  le  cas  d'un  légal  estate;  car  un  fîdéinommis  est  une 
simple  création  à'equity  et  non  un  sujet  de  tenure.  En 
pareil  cas,  le  trustée  conserve  le  bien,  déchargé  du  fidéi- 
commis  qui  le  grevait;  il  en  perçoit  les  fruits  sans  avoir 
désormais  à  eu  faire  état  à  personne  ;  en  d'autres  termes, 
il  en  devient  l'unique  et  véritable  possesseur^. 

416.  —  Antérieurement  au  Naturalisation  act  de  1870 
(St.  33  et  34,  Vict.,  c.  14),  il  était  de  règle  que,  quand  un 
Anglais  achetait  un  bien  in  trust  pour  un  étranger,  la  cou- 
ronne pouvait  réclamer  le  bénéfice  de  l'acquisition,  bien 
qu'elle  n'eût  aucun  droit  si  les  terres  avaient  été  données 
pour  être  vendues  au  profit  d'un  étranger  \  La  loi  de  1870 
a  mis,  depuis,  les  étrangers  sur  le  même  pied  que  les  An- 
glais pour  l'acquisition,  la  possession  et  la  disposition  des 
biens-fonds. 

En  cas  de  haute  trahison  commise  par  le  cestui  que 
trust  d'un  fief  simple,  son  équitable  estate  était  autrefois 


'  M'  Fadden  c.  Jenkins,  1  Ph.,  21.3;  Beale  c.  Synionds,  16  Beav., 

157;  Benbow  c.  Townsend,  1  My.  i06. 

et  K.,  506.  7  Barroïc  c.  Wadkin,  24  Beav., 

5  Principles  of  equity,  58.  l  ;    Sharp  c.    St.  Sauveur,  L.  R.. 

6  Sanders,    Uses,   5»  éd.,  I,3U2;  7  Ch.  Ap.,  343;  Du  IJourmelinr. 
Burgess  c.  Wheate,  1  Wm.  Black.,  Shfldon,  1  Beav.,  10. 


304  DES    EQUITABLE  ESTATES 

confisqué  par  la  couronne;  mais  la  confiscation  est  au- 
jourd'hui abolie  dans  ce  cas  *. 

417.  —  Le  propriétaire  d'un  équitable  estate  a  le  droit 
de  l'aliéner  si  bon  lui  semble.  Uestate  peut  également  être 
vendu  à  la  requête  de  ses  créanciers,  exactement  comme 
un  esfate  m  laiv^ ;  c'est  notamment  le  cas  en  matière  de 
faillite  du  ceslui  que  trust.  Mais  la  faillite  du  trustée  ne 
produit  point  d'effet  analogue  quant  à  lui  :  il  demeure 
investi  de  son  légal  estate,  et  cet  estate  ne  passe  point  au 
trustée  qui  représente  ses  créanciers*". 

418.  —  Les  fidéicommis  ou  trusts  se  divisent  en  trusts 
simples  et  en  trusts  spéciaux  ".  Il  y  a  trois  espèces  de 
fidéicommis  simples,  c'est-à-dire  dans  lesquels  le  trustée 
a  !e  leqal  estate  sous  réserve  des  charges  dont  il  est  tenu 

/  en  equity  :  les  fidéicommis  exprès,  les  fidéicommis  impli- 
\  I  cites,  et  les  fidéicommis  par  induction  [constructive).  Les 
premiers  se  subdivisent,  suivant  leur  objet,  en  fidéicommis 
d'intérêt  privé  [priva(e)  et  fidéicommis  d'intérêt  public 
(public  or  charitable).  Les  deux  dernières  espèces  présen- 
tent de  grandes  analogies  et  sont  souvent  malaisées  à  dis- 
tinguer l'une  de  l'autre.  Les  ^rws/s  spéciaux  sont  ceux  qui  im- 
posent au  trustée  une  mission  spéciale  à  remplir  :  trust  for 
sale,  trust  for  payment  of  debts,  etc.,  sans  l'investir  d'au- 
cun estate  par  rapport  aux  biens  que  le  trust  concerne,  ou 
du  moins  en  ne  lui  conférant  queVestate  strictement  néces- 
saire pour  qu'il  puisse  s'acquitter  de  son  mandat '^ 

Nous  allons  successivement  passer  en  revue  les  diverses 
variétés  que  nous  venons  d'énumérer. 

"  1   Haie,    Pleas  of  the  Croivn,  lo  St.  H2  et  33.  Vict.,  c.  71,  §  15, 

249;  St.  33  et  34,  Vict.,  c.  23.  al.  1. 

9  St.  29,  Car.  II.  c.   3,  §  tO;  St.  ,,,      .       _      „      ,      a,,  aa; 

m   f^r.   m   -   -7/     c-t   o    *  r    n   M  ''Lewin.    On    Trusts.    \V  édit., 

47,  Geo.  111,  c.  74;  St.  3  et  4,  Guil.  4a    f      ■ 

IV,  c.  104  :  St.  32  et.33,  Vict.,  c.  46;       P"  ^^  ^^  ^^^''• 

St.  38  et  39,  Vict.,  c.  77,  §  10.  '2  Ib  ,  246,   256. 


DES  FIDEICOMMIS  EXPRES  305 

II 
Des  fidéicommis  exprès. 

Sommaire  :  1.  Fidéicommis  exprès  d'intérêt  privé  :  419.  Définition.  — 
420.  Fidéicommis  exécutés  ou  simplement  éventuels.  —  421.  Fidéicom- 
mis à  titre  gratuit  ou  à  titre  onéreux.  —  422.  Fidéicommis  frauduleux 
ou  de  bonne  foi.  —  423.  Conditions  requises  pour  la  constitution  d"un 
fidéicommis.  —  424.  Fidéicommis  secret.  —  425.  Fidéicommis  contrai- 
res à  la  loi.  —  426.  Un  fidéicommis  ne  peut  être  créé  inaliénable  et  in- 
.saisissable.  —  2.  Fidéicommis  exprès  d'intérêt  public  [charitable 
trusts  :  427.  Faveur  dont  ils  jouissent.  —  428.  Droit  d'inspection  ré- 
servé au  créateur  du  trust  et  à  ses  héritiers.  —  429.  Entraves  appor- 
tées à  la  création  et  à  l'aliénation  de  trusta  au  profit  de  corporations. 

1-  —  Fidéicommis  exprès  d'intérêt  privé. 

419.  —  Un  fidéicommis  est  dit  exprès,  lorsque  son 
auteur  a  clairement  fait  connaître,  par  écrit  ou  de  vive 
voix,  sa  volonté  de  conférer  un  bien  à  une  personne  en  vue 
d'assurer  à  une  autre  tous  les  fruits  et  avantages  prove- 
hant  de  ce  bien  ou,  en  d'autres  termes,  de  lui  en  assurer 
le  domaine  utile  {a  bénéficiai  interest  in...  or  the  bénéfi- 
ciai owjiership  of...). 

Les  fidéicommis  exprès  d'intérêt  privé  peuvent  être  de 
diverses"  sortes  :  1"  exécutés  ou  simplement  éventuels;  2°  à 
titre  gratuit  ou  à  titre  onéreux;  3° frauduleux  ou  de  bonne 
foi. 

420.  —  Le  fidéicommis  exécuté  est  celui  qui,  après 
avoir  été  définitivement  «  déclaré  »,  c'est  le  terme  techni- 
que, par  l'acte  constitutif,  n'exige,  pour  produire  tous  ses 
effets,  aucun  acte  ultérieur.  Tel  est  le  cas  où  l'acte  consti- 
tutif porte  qu'un  estate  est  transféré  à  A  in  trust  for  B  et 
où  la  transmission  effective  a  lieu  tout  de  suite  après. 

Un  fidéicommis  est  simplement  éventuel  [executori/), 
lorsqu'il  y  a  seulement  des  instructions  données  en  vue  de 

Lkiih.  20 


306  DES   FIDEICOMMIS   EXPRES 

la  transmission  du  bien  upon  trust  et  que  l'acte  qui  les 
renferme  n'opère  pas  par  lui-même  la  transmission  qu'il 
ordonne.  «  Tout  fidéicommis,  a  dit  lord  Saint-Laurent,  est, 
dans  un  certain  sens^  simplem.ent  éventuel,  car  il  reste 
toujours  quelque  chose  à  faire  après  que  l'acte  constitutif 
à  été  parachevé.  Mais  ce  n'est  pas  ce  sens  littéral  que  les 
cours  d'équité  donnent  au  mot  executory  :  elles  considèrent 
un  fidéicommis  comme  exécuté  lorsque  le  disposant  a  si 
nettement  précisé  ses  intentions  qu'il  ne  reste  plus  qu'à  les 
réaliser  en  fait;  le  fidéicommis  est  simplement  éventuel 
dans  toute  autre  circonstance,  notamment  lorsque  le  dis- 
posant n'a  fait  connaître  ses  intentions  qu'enfermes  géné- 
raux et  que  les  cours  d'équité  sont  appelées  à  les  interpré- 
ter afin  de  les  rendre  exécutables^^  ». 

421.  —  Les  fidéicommis  peuvent  être  tout  à  fait  béné- 
voles [voluntary),  constituer  un  acte  de  libéralité,  ou  bien 
être  créés  moyennant  une  juste  compensation,  pour  une 
juste  cause  [for  value,  for  valuable  considération). 

La  question  de  l'existence  ou  de  la  non-existence  d'une 
valuable  considération  est  importante  en  Angleterre.  Un 
fidéicommis  peut  être  constitué  à  titre  gratuit  without  con- 
sidération; si  la  constitution  en  est  correcte,  il  sortira  son 
plein  etentiereffet  nonobstant  cette  circonstance.  Mais,  lors- 
que l'acte  constitutif  ou  translatif  contient  un  vice,  il  lie  les 
parties,  en  equity,  s'il  est  fait /or  valuable  considération;  il 
ne  les  lie  pas  s'il  est  absolument  gratuit  et  bénévole.  L'ex- 
pression de  considération  Qsi^  du  reste,  passablement  élas- 
tique. Anciennement,  la  règle  était,  même  en  equity,  que 
la  plus  minime  justification  ou  contre-prestation  suffisait 
pour  autoriser  l'investi  à  retenir  à  son  profit  le  bien  qui 

13  Egerton  c.  Brownlow,  4  H.  of  L.  Ga.,  210. 


DES  F1DE4C0MMÎS  EXPRES  307 

lui  avait  élé  conféré**;  pour  que  le  use  fût  réputé  faire 
retour  et  demeurer  au  constituant,  il  fallait  que  la  transmis- 
sion ait  eu  Xxewivithout  anij  considération,  en  l'absence  de 
toute  cotisideration  quelconque.  Aujourd'hui,  la  cour  de 
Chancellerie  ne  s'astreint  plus  à  cette  règle  :  elle  n'accorde 
ou  ne  refuse  pas  son  assistance,  simplement  suivant  qu'il 
y  a,  ou  non,  une  considération  illusoire  ou  nominale  ;par 
exemple,  la  traditionnelle  five  shillings  considération,  le 
versement  parl'investi  d'un  prix  dérisoire  de  cinq  shillings. 
Il  faut,  quand  la  considération  ne  paraît  pas  suffisante, 
que  le  gratifié  soit  en  mesure  d'établir  que  le  disposant 
entendait  lui  faire  une  libéralité;  s'il  ne  fournit  pas  cette 
preuve,  le  disposant  conserve  les  fruits  du  bien,  encore 
que  l'acquéreur  reste  investi  de  Vestatc  légal  qui  lui  avait 
été  conféré  '°. 

422.  —  Une  constitution  de  fidéicommis  peut  être  enta- 
chée de  fraude  ou  faite  de  bonne  foi,  et,  par  conséquent, 
frappée  ou  non  d'inefficacité.  Serait  nulle,  d'après  le  St. 
13,Eliz.,  c.  0,  une  aliénation  collusoire  faisant  fraude  aux 
droits  des  créanciers  ;  mais  ne  serait  pas  considérée  comme 
collusoire  et  frauduleuse  une  aliénation  faite  moyen- 
nant une  good  cojisideratioîi,  et  de  bonne  foi,  en  faveur 
d'une  personne  ignorant,  elle  aussi,  que  l'opération  est 
préjudiciable  à  des  créanciers.  Le  statut  ne  déclare  pas 
nulle  toute  aliénation  îipon  trust,  uniquement  parce  qu'elle 
serait  gratuite  et  encore  que  le  disposant  eût  des  dettes 
au  moment  où  il  la  fait  ;  il  ne  frappe  que  les  actes  frau- 
duleux, et,  ceux-là,  il  les  frappe  même  au  cas  où  le  dispo-. 
sant    ne  serait  pas  par  là  devenu  insolvable.  C'est  une 


1*  Sanders,  On  Uses,  I,  59,  62.  cpr.,surles  diverses  sortes  de  con- 

i^SneW,  Frinciplesofcquiti/,b'^:       siderations,  infrà,  n<>*  69[  et  suiv. 


308  DES   FIDEICOMMIS  EXPRES 

question  de  fait,  que  le  juge  est  appelé  à  résoudre  dans 
chaque  hypothèse  donnée  '®. 

Un  autre  statut  du  même  règne  (St.  27,  Eliz.,  c.  4) 
déclare  également  nuls  et  de  nul  effet  les  actes  qui  seraient 
faits  en  fraude  des  tiers  acquéreurs  ou  créanciers  mort- 
gagistes  ". 

423.  —  Ainsi  qu'on  l'a  déjà  vu  plus  haut,  la  constitu- 
tion d'un  fldéicomrais  n'est  subordonnée  aujourd'hui  à 
aucune  forme  sacramentelle:  il  suffît  que  de  l'ensemble  des 
circonstances  il  résulte  que  les  parties  avaient  réellement 
l'intention  d'en  créer  un.  Il  est  parfois  assez  difficile,  spé- 
cialement lorsqu'il  s'agit  d'interpréter  un  testament,  de 
déterminer  si  cette  intention  existe  ou  non.  D'après  lord 
Langdale  '*,  lorsque  la  propriété  d'un  bien  est  donnée  à 
quelqu'un  sans  réserve  et  que  le  donateur  formule  en 
même  temps  à  l'adresse  du  donataire  la  recommandation, 
l'invitation  ou  le  souhait  qu'il  dispose  de  cette  propriété 
au  profit  d'une  autre  personne,  on  estime,  en  principe, 
que  cette  expression  de  ses  désirs  implique  création  d'un 
fidéicommis:  1°  si  les  termes  dont  il  s'est  servi  ont,  malgré 
leur  apparence  de  simple  prière,  un  caractère  impératif, 
au  fond,  et  certain,  vu  la  manière  dont  il  lésa  employés; 
2°  si  l'objet  sur  lequel  porte  la  recommandation  est  cer- 
tain ;  3°  si  les  personnes  appelées  à  recueillir  le  bénéfice  de 
la  recommandation  sont  certaines  aussi.  Ces  trois  condi- 
tions constituent  ce  que  les  jurisconsultes  anglais  appellent 
les  trois  ceriitudes  [the  three  certainties).  Supposons,  par 
exemple,  que  N  donne  mille  livres  à  A,  en  exprimant  le 
désir  ou  la  recommandation  qu^à  son  tour  A  donne,  à  sa 


^''SlOTy,  Equity  Jurisprudence,  '^    Cpr.,    sur    tous   ces    points, 

362;    May,  On    volontary    conve-       Snelï^  Princ.  of  eguity,  SO  et  suiv. 
yances,  11.  i8  cité  parSnell,  103. 


DES  FIDÉICO.M.MIS  EXPRES  309 

mort,  la  même  somme  ou  une  somme  moindre  à  B;  on 
considérera  B  comme  appelé  cà  recevoir  une  libéralité  de 
la  part  de  N,  et  A  comme  trustée  pour  B  ;  dans  ce  cas,  il 
n'y  a  d'incertitude  ni  sur  l'intention  réelle  de  N,  ni  sur  la 
somme  grevée  de  fidéicommis  ni  sur  la  personne  gratifiée. 
Lors,  au  contraire,  que  l'une  des  trois  certitudes  hil 
défaut,  il  n'y  a  pas  de  fidéicommis.  Tel  serait  le  cas  où 
des  termes  employés  il  ne  résulle  pas  qu'en  réalité 
le  testateur  a  entendu  imposer  la  charge  au  premier 
légataire;  où  le  chiffre  du  fidéicommis  ne  serait  pas  précisé 
ou  serait  laissé  au  pouvoir  discrétionnaire  du  légataire; 
ou  bien  où  les  personnes  substituées  ne  sont  pas  désignées 
avec  une  netteté  suffisante.  Cette  doctrine  a  été  confirmée 
par  de  nombreux  arrêts  ''. 

424.  —  Lorqu'un  testateur  confie  des  biens  meubles 
ou  immeubles  à  un  trustée,  ou  lègue  des  effets  mobiliers 
à  son  exécuteur  testamentaire,  sans  en  octroyer  expressé- 
ment la  jouissance  à  cet  exécuteur  ou  trustée,  ou  en  décla- 
rant nettement  qu'il  entend  ne  pas  la  lui  abandonner,  le 
bénéficiai  interest  se  trouve  sans  destinataire,  et  il  est 
indispensable  que  le  testateur  co/npléle  ses  dispositions  à 
cet  égard  par  un  acte  ultérieur,  valable  comme  testament. 
En  d'autres  termes,  un  fidéicommis  secret  [secret  trust), 
déclaré  seulement  de  vive  voix  ou  dans  un  écrit  ne  réunis- 
sant pas  les  conditions  de  validité  d'un  testament,  serait 
entaché  de  nullité,  et  les  biens  dont  le  testateur  entendait 
en  faire  l'objet  passeraient  tout  simplement  à  l'héritier  ou 
au  légataire  universel  sans  nulle  charge^". 

425.  —  Biôn  qu'en  général  les  cours  d'équité  s'effor- 


>9   Même  ouv.,    p.    105  et  suiv.,       \.M;  Mucklestonc.  Broion,Ç)\GS., 
notes.  52. 

2"  Adlington  c.   Cann,  3  Atk., 


310  DES  FIDÉICOMMIS  EXPRÈS 

cent  d'assurer  l'accomplissement  des  intentions  du  dispo- 
sant, encore  faut-il  que  l'objet  du  fidéicommis  ne  soit  pas 
contraire  à  la  loi.  Ainsi,  un  tmst  qui  serait  arrangé  de 
façon  à  être  perpétuel  ne  serait  pas  plus  validé  par  elles 
que  s'il  s'agissait  d'un  légal  estate'^K  Ainsi  encore,  un 
fidéicommis  subordonné  à  la  condition  que  tous  les  reve- 
nus du  bien  fussent  accumulés  pendant  un  temps  plus  ou 
moins  long  [trust  for  accumulation  of  rents)  ne  serait 
maintenu  que  pour  la  durée  de  la  vie  de  personnes  actuel- 
lement existantes,  et  vingt  et  un  ans  en  sus;  si  l'accumu- 
lation était  prescrite  pour  une  période  plus  longue,  \e  trust 
serait  nul  in  toto  et  non  pas  seulement /?ro  tanto'^'^.  Le 
Thellusson  act  a  encore  raccourci  la  période  d'accumula- 
tion permise;  mais,  si  elle  est  dépassée,  l'acte  vaut, 
depuis  cette  loi,  jusqu'à  concurrence  de  la  période  auto- 
risée'^^ 

426.  —  En  général,  il  n'est  pas  permis  de  subordon- 
ner la  création  d'un  fidéicommis  à  la  condition  que  le 
cestui  que  trust  n'aUénera  pas  le  fonds  et  que  ses  créan- 
ciers ne  pourront  le  saisir.  Cet  eslate,  du  moment  que  le 
cestui  que  trust  en  est  investi,  ne  peut  pas,  le  cas  échéant, 
échapper  aux  légitimes  revendications  de  ses  créanciers ■^^ 
Mais  le  fidéicommis  peut  être  constitué  sous  la  condition 
d'être  dévolu  à  un  tiers,  au  moment  même  où  le  premier 
bénéficiaire  voudrait  s'en  défaire  ou  tomberait  en  faillite 
ou  en  déconfiture. 


2'  Duke  ofXorfolk's  case,  3  Ch.  ^3  St.  39  et  40,  Geo.  III,  c.  98  ; 

^^^■,  20.  Craicley  c.  Crawley,  7  Sim.,  427; 

22  Marshall  c.  Holloway,  2  Sw.,  Att.-gen.  c.  Poulden,  3  Hare,  555. 

i92;  Broughton   c.    James,  l  U.  ^i^  Snotvdon    c.    Ualcs.  6   Sim., 

of  L.  Cas.,  406.  524;  Graves  c.  Dolphin,  1  Sim . ,  66. 


DES  FIDEICOMMIS    EXPRES  311 

2.  —  Fidéicommis  exprès  d'intérêt  public 

{Charitable  trusts). 

427.  —  Les  établissements  de  bienfaisance  ou  d'uti- 
lité publique  sont  de  la  part  du  législateur  anglais  Tobjet 
d'une  faveur  méritée,  et  les  libéralités  qui  leur  sont  des- 
tinées jouissent,  à  ce  litre,  de  certaines  facilités  refusées 
aux  donations  à  des  particuliers. 

Ainsi,  1°  si  un  testateur,  tout  en  exprimant  très  nette- 
ment son  intention  de  Faire  un  legs  à  destination  chari- 
table, omet  de  préciser  la  manière  dont  il  entend  réaliser 
cette  intention,  la  cour  de  Chancellerie  peut  suppléer  à 
cette  omission,  de  façon  à  donner  effet  à  sa  libéralité 
projetée";  dans  un  cas  semblable,  un  particulier  perdrait 
le  bénéfice  de  la  disposition,  faute  d'un  objet  certain. 
Mais,  pour  qu'il  en  soit  ainsi,  il  faut  que  l'objet  de  ladite 
libéralité  soit  nettement  charilable  :  il  ne  suffirait  pas  que 
le  legs  fût  fait  vaguement  en  faveur  d'un  objet  d'intérêt 
général  ou  d'utilité  publique,  ou  même  d'un  objet  soit 
charitable,  soit  autrement  utile  :  le  legs  doit  avoir  une 
destination  exclusivement  charitable  et  assez  définie  pour 
que  la  cour  soit  en  mesure  d'en  assurer  l'exécution  selon 
les  vues  probables  du  disposant.  Serait  nul  un  legs  fait  à 
des  trustées  pour  être  aiïecté  par  eux  à  telles  œuvres  pies 
ou  charitables  qu'il  leur  plairait  désigne^'^ 

2°  Lorsque  le  donateur  jouit  de  la  capacité  de  dis- 
poser et  possède  réellement  un  estalc,  la  cour  supplée 
aux  défectuosités  que  peut  présenter  l'acte  constitutif 
du  trust,  pourvu  qu'il  ne  présente  rien  de  positivement 
contraire  à  la  loi.   Si  l'acte  était  au   profit  d'un    particu- 

25  Pocock  c.  Att.-gen.,  L.  R.,  3       119,  et   les  nombreux  arrêts  cités 
Ch.  Div.,342.  par  lui,  note  b. 

26  Cpr.  Snell,  Princ.  of  equity, 


312  DES  FIDRICOMMIS   EXPRES 

lier,  les  mêmes  défectuosités  empêcheraient  la  constitu- 
tion du  fidéicommis,  spécialement  d'un  fidéicommis  à 
litre  gratuit^\ 

3°  Lorsqu'une  personne  fait,  entre  vifs  ou  par  testa- 
ment, une  libéralité  valable  en  elle-même  et  exprime  en 
termes  généraux  l'intention  que  cette  libéralité  reçoive 
une  destination  charitable,  mais  sans  spécifier  sous 
quelle  forme  et  au  profit  de  quelle  œuvre,  la  cour  prend 
sur  elle  d'accomplir  l'intention  du  donateur  en  désignant 
à  quel  objet  la  libéralité  doit  être  affectée.  Dans  toute 
aulre  circonstance,  si  le  bénéficiaire  du  trust  était  in- 
suffisamment désigné,  le  donateur  serait  réputé  avoir 
entendu  réserver  à  lui-même  et  à  ses  ayants-cause 
les  profils  et  avantages  du  bien  aliéné^*  {resulting  trust)^ 

D'autre  part,  lorsqu'une  personne  constitue  un  bien 
ou  les  revenus  d'un  bien  à  des  objets  qui,  à  ce  moment- 
là,  absorbent  tout  le  bénéfice  dudit  bien  et  que,  plus 
tard,  il  se  produit  un  excédent  de  revenus,  la  cour,  s'il 
s'agit  d'un  charitable  trust,  alloue  cet  excédent  à  l'oeuvre 
qui  bénéficiait  déjà  du  montant  originaire,  alors  qu'entre 
particuliers  cet  excédent  appartiendrait  [resuit)  au  dona- 
teur ou  à  ses  ayants-cause".  Il  n^  a  d'exception  à  cette 
règle  qu'autant  que  le  donateur  a  pris  soin  de  limiter 
expressément  le  montant  de  sa  libéralité:  dans  ce  cas, 
l'excédent,  s'il  s'en  produit  un,  appartient,  suivant  les 
circonstances,  aux  ayants-cause  du  donateur  ou  au 
donataire  grevé  de  la  charge. 

428.  —  La  personne  qui  fonde  un   établissement  de 

2'     Story,    Eq.    jurisprudence,  2»   Thetford   school  case,  Rep., 

1171  ;  ^ayer  c.  Sayer,  7  Hare,  377.  1.30  b;  Beverley  c.  Att.-gen.,  5  H. 

2»  Att.-gen.  c.  Henrick,  Amb.,  of  L.  Cas.,  310;  Att.-gen.  c.  Mar- 

712;   Att.-gen.   c.  Tonna,  2   Ves.  chant,  L.  R.,3  Eq.,  424. 
jr.,  1. 


DES  FIDÉICOMMIS  IMPLICITES  313 

charité  et  ses  héritiers  en  sont  de  droit  les  inspecteurs, 
quand  il  n'y  en  a  pas  d'autres  nommés,  et  ils  ont  à 
ce  titre  la  haute  main  sur  le  régime  intérieur  de  la 
maison^".  A  défaut  d'héritiers  du  fondateur,  l'inspec- 
tion passe  à  la  couronne,  représentée  pour  les  corpora- 
tions civiles,  par  le  Banc  du  Roi  et,  pour  les  eleemo- 
sijnary  corporations,  par  le  ChanceHer^'.  Mais  la  cour 
de  Chancellerie  a  toujours  le  droit  d'intervenir  en  cas  de 
mauvaise  gestion,  ou  pour  veiller  à  ce  que  le  but  de  la 
fondation  soit  atteint  et  les  fonds  dûment  appliqués  à 
leur  destination;  c'est  elle  au?si,  lorsqu'il  y  a  plusieurs 
trustées,  qui  fixe  le  nombre  auquel  ils  peuvent  délibérer 
valablement^-'. 

429.  —  Un  fidéicommis  immobilier  ne  peut  être 
déclaré  au  profit  d'une  corporation  que  moyennant  une 
autorisation  de  la  couronne  ^^  De  même,  des  corporations 
civiles  ne  peuvent  aliéner  leur  propriété  in  trust  sans  le 
consentement  des  lords  de  la  Trésorerie,  car  elles  sont 
elles-mêmes  trustées  de  leurs  biens  dans  un  intérêt  public  '', 

m 

Des    fidéicommis    implicites 

{Implied  and  resultin;/  trusts). 

Sommaire  :  430.  Définition.  —  431.  Exemples. 

430.  —  Un  fidéicommis  est  dit  implicite,  lorsqu'il  se 
fonde  sur  l'intention  simplement  présumée  de  son  auteur. 
Une  variété  de  fidéicommis  implicites  porte   le  nom   de 


30  All.-gen.  c.  Gaunt,  3  Sw.,  148  ;  School,  18  Beav.,  256  ;  Lewin.  299. 
Att.-gen.  c.  Hall,  Jac,  392.  ^3  gheppard,  Touchstone,  509. 

3«  Lewin,  On  Trusts,  495.  3*   St.   5  et  6,  Guill.  IV,  c.  76, 

32     Att.  -  yen.     c.     Sherborne  §  94. 


314  DES   F[ DE  1  COMMIS   IMPLICITES 

fîdéicommis  sous  réserve  [resultiny J,nists)  ;  mais  tous  leS 
fidéicommis  implicites  n'ont  pas  ce  caractère  spécial. 

431.  — Voici  quelques  exemples  de  fîdéicommis  im- 
plicites : 

l"!!  est,  en  droit  commun,  une  règle  d'après  laquelle, 
quand  une  personne  est  investie  d'un  bien  without  any 
considération,  la  personne  qui  l'en  a  investie  est  réputée 
avoir  entendu  se  réserver  les  fruits,  le  use^  dudit  bien'.  De 
même  en  equity^  lorsqu'une  personne  avance  des  fonds 
pour  l'achat  d'une  propriété  destinée  à  être  transmise  et 
cédée  à  une  ou  plusieurs  autres,  elle  jouit  d'un  resulting 
/rM5/ sur  ladite  propriété  '^'\  Toutefois,  si  l'achat  a  été  fait 
par  un  père  au  nom  de  sonenfanl,la  présomption  est  qu'il 
entendait  le  pourvoir  ;  et  un  resullinq  trust  ne  prend  nais- 
sance en  sa  propre  faveur  qu'autant  qu'en  fait  l'enfant  se 
trouvait  déjàintégralement  pourvu  ^^  La  même  règle  s'ap- 
pliquerait à  un  achat  fait  au  nom  de  la  femme  ou  du  petit- 
fils  de  l'acheteur,  mais  non  dans  le  cas  d'un  simple 
neveu  '". 

2°  Lorsqu'une  personne  dispose  d'une  propriété  entre 
vifs  ou  par  testament  et  crée  un  fidéicommis  pour  une 
partie  des  revenus  de  cette  propriété,  elle  est  réputée  s'être 
réservé,  pour  elle  et  ses  ayants-cause,  la  jouissance  de 
l'excédent  desdils  revenus;  il  existe,  en  sa  fav^eur,  un 
resulting  trust  dans  la  mesure  de  cet  excédent. 

3°  En  vertu  de  la  maxime:  equity  follows  the  laiL\  les 
dispositions  qui  confèrent  at  laio  un  bien  en  tenure  con- 
jointe, ont,  en  principe,  le  même  effet  en  equity;  de  sorte 
que,  quand  deux  ou  plusieurs  personnes  achètent  ensemble 

33  i)î/er  c.    Dyer,    1  L.  C,    223.  ^"^  Kingdomec.  Bridges,  2Vern., 

^^ Sidûiouthc.Sidmouth, ZBeaw,  67,    683;    Langfield    c.    Hodges, 

454  :     Grey    c.    Grey,   2  Swanst.,  Lofft,  230. 

600. 


DES   FIDEICOMMIS   IMPLICITES  315 

des  terres,  avancent  le  prix  par  portions  égales  et  se  font 
transférer  le  bien  à  elles-mêmes  et  à  leurs  héritiers,  elles 
sont  tenancières  conjointes  en  eç'wzVy  comme  a/ /«<o,  et,  l'une 
d'elles  venant  à  mourir,  W^state  passe  aux  autres,  par  droit 
de  survivance  ^^  Mais  Vequitij,  se  fondant  sur  le  principe 
que  c'est  l'égalité  qui  constitue  la  véritable  équité  [equality 
is  equity),  n'est  pas  favorable'aux  tenures  conjointes,  l'éga- 
lité étant  bien  mieux  observée  si  chacun  reçoit  définitive- 
ment, pour  lui  et  les  siens,  une  part  proportionnelle  à  sa 
mise  que  s'il  a  simplement,  en  cas  de  survie,  la  chance  de 
prendre  le  tout,  compensée,  en  cas  de  prédécès,  par  la 
chance  de  perdre  le  tout.  Aussi  les  cours  d'équité  s'empa- 
rent-elles de  toute  circonstance  permettant  d'induire  que 
les  communistes  entendaient  simplement  posséder  la  chose 
m  commoji,  et  elles  considèrent  celui  ou  ceux  d'entre  eux 
qui  exercent  sur  la  chose  leur  droit  de  survivance  comme 
des  trustées  pour  le  compte  des  représentants  légaux  de 
leurs  consorts  prédécédés.  C'est  notamment  ce  qui  arrive 
quand  les  personnes  qui  achètent  ensemble  un  bien  four- 
nissent le  prix  d'achat  par  portions  inégales",  ou  lorsque 
plusieurs  personnes  avancent  simultanément  de  Pargent 
sur  un  même  mort-gage  *°,  ou  quand  l'achat  commun 
constitue  un  acte  de  commerce  :  jus  accrescendi  inler 
mercatores  pro  hnieficio  conuncrcii  locufu  non  hahel  ^'. 


38  Littleton,  Tenures,  280;  cpi-.  ftobinson   c.  Preston,  ^   K.  et   J. 

o"»  484  et  suiv.,  et  491  et  suiv.  505. 

^^Lakec.  Gibson,  J  L.  C,  198.  •'  J<-ff-ere  s  c.    Small,  1  Veni., 

10  Morley  c.  Bivd.  ?,  Ves.,  631  ;  217. 


316  DES  FIDÉICOMMIS  PAR  INTERPRETATION 

IV 

Des  fidéicommis  par  interprétation 
ou   par   induction 

(  Constnictive  trusts). 

Sommaire  :  432.  Définition.  —  433.  Exemples  :  équitable  lien. 

432.  —  Le  fidéicommis  par  interprétation  ou  par  in- 
duction est,  à  la  différence  des  fidéicommis  exprès  ou 
implicites,  celui  qui  naît  d'une  simple  interprétation 
d'equity,  sans  s'appuyer  sur  la  volonté  ni  expresse  ni  pré- 
sumée des  parties. 

433.  —  En  voici  les  principaux  exemples  : 

1°  Equitable  liens.  —  Un  lien  n'est  pas,  à  proprement 
parler,  un  jus  in  re,  un  droit  réel  sur  la  chose  d'autrui,  et 
pourtant,  c'est  plus  qu'un  jus  ad  rem,  un  simple  droit  per- 
sonnel à  propos  de  la  chose  :  c'est  un  droit  [charge]  qui 
grève  la  chose,  aux  yeux  des  cours  d'équité  seulement; 
inférieur  à  ce  point  de  vue  aux  rent-charges  légales,  qui 
constituent  un  véritable  démembrement  de  la  propriété. 
Nous  passerons  en  revue,  aux  n°^  562  et  suivants,  les  cas  où 
il  y  a  un  lien. 

2°  Lorsqu'un  trustée  renouvelle  un  bail  en  son  propre 
nom  et,  en  apparence,  pour  son  propre  compte,  ce  bail, 
même  sur  le  refus  formel  du  bailleur  de  consentir  un  nou- 
veau bail  au  cestuique  trust,  est  réputé  tenu  par  le  trustée 
à  titre  de  fidéicommis  au  profit  de  la  personne  qui  était  au 
bénéfice  du  bail  antérieur'^  De  même,  lorsqu'un  associé 
renouvelle  en  son  propre  nom  un  bail  concédé  antérieure- 
ment à  la  société  dont  il  fait  partie,   il  est  réputé  trustée 

''-Keech  c.  Sandford,i  I..  C.,46. 


DES    FIDEICOMMIS    SPÉCIAUX  317 

du  bail  pour  ladite  société  *^  La  même  règle  s'applique, 
en  général,  à  toute  personne  se  trouvant  vis-à-vis  d'autres 
dans  des  relations  «  fiduciaires  ou  quasi-fiduciaires**  », 
c'est-à-dire,  investie  d'un  mandat  de  confiance,  exprès  ou 
tacite. 

3°  Lorsqu'un  copropriétaire  répare  le  bien  commun,  un 
lien  ou  un  trust  par  induction  naît  en  sa  faveur  à  raison 
de  ses  impenses'*;  il  en  est  (ie  même  pour  le  tenancier  à 
vie  ou  à  volonté  qui  termine  à  ses  frais  des  travaux  d'une 
utilité  permanente  commencés  par  son  auteur  sur  le  do- 
maine**. 

4°  En  cas  de  décès  ab  intestat  d'un  créancier  investi 
d'un  mort-gage,  \e  légal  estate^SiSse  à  son  héritier;  mais, 
Veslate  mortgagé  n'étant,  en  eqiiity ,  qu'une  sûreté  pour 
l'argent  prêté  au  débiteur,  l'héritier  en  est  réputé  simple 
trustée  "^onv  le  compte  de  ceux  qui  sont  appelés  à  recueil- 
lir la  créance  dans  la  succession  du  défunt *\ 

V 
Des  fidéicoramis  spéciaux 

Sommaire:  434.  Trv.st  for  mie.  —  435.  Tmst  foy^  paymcnt  of  debts. 

434.  — 1°  Trust  for  sale.  —  Le  trustée  à  qui  un  bien 
est  confié  pour  être  vendu  est  tenu  d'accomphr  son  man- 
dat dans  un  délai  raitfonnable  et  en  ayant  égard  aux  di- 
vers intérêts  de  ses  mandants.  Ce  timst  n'implique  pas 
le  droit  de  louer  ou  de  mortgager  le  bien'*;  mais  le  trus- 


'•^Cleggc.  Fishicick,i'S{ac.e\G.,  Stu.,  552;  30  Beay.,  Reports, -iGS. 

294  :  Bell  c.  Barn,'U,2l\y.R.,ii9.  "  Thornbrough  c.  Baker,  2  L. 

»*  Snell,  Princ.  ofeq.,  142.  G.,  1046. 

*5  Lake  c.  Gibson,  1  L.  C,  198.  ^^  Keaiing  c.  Keating,  LI.  et  G., 

*B  Hibbert  c.  Cooke,  1    Sim.  et  1.33. 


318  DES  FIDÉICOMMIS  SPECIAUX 

tee  a  tous  pouvoirs  de  vendre  en  bloc  ou  par  lois,  aux  en- 
chères ou  de  gré  à  gré  (Si.  44  el  43,  Vict.,  c.  41,  §  35).  A 
l'inverse,  le  pouvoir  de  mortgager  n'implique  pas  celui 
de  vendre*^  En  général,  le  cesUii  que  trust  doit  signer 
avec  le  trustée  le  reçu  à  donner  à  l'acquéreur"". 

Le  trustée  for  sale  n'a  pas  le  droit  de  se  porter  acqué- 
reur des  biens  qu'il  est  chargé  de  vendre,  de  peur  que 
son  devoir  ne  se  trouve  en  conflit  avec  ses  intérêts^'.  S'il 
raéconbaît  cette  règle,  le  cestui  que  trust  a  la  faculté  de 
reprendre  le  bien,  à  moins  qu'il  n'ait  confirmé  l'opération; 
seulement  il  est  tenu  de  se  pourvoir  à  cet  effet  devant 
une  cour  d'équité  dans  un  délai  raisonnable^-. 

435.  —  2°  Trust  for  payment  of  debts.  —  Dans  les 
fidéicommis  au  profit  des  créanciers,  il  y  a  lieu  de  distin- 
guer entre  les  commerçants  et  les  non-commerçants.  Un 
non-commerçant  peut  constituer  tout  ou  partie  de  ses 
biens  en  fidéicommis  au  profit  de  tous  ses  créanciers  ou 
de  quelques-uns  d'entre  eux,  sous  la  double  condition  de 
ne  pas  agir  d'une  façon  frauduleuse  et  de  n'être  pas  déclaré 
insolvable  et  mis  en  prison  dans  les  trois  mois  après  la 
constitution  ". 

Lorsque  le  constituant  est  commerçant,  toute  aliénation 
faite  en  fraude  des  droits  de  ses  créanciers  ou  de  quelques- 
uns  d'entre  eux  est  un  acte  de  banqueroute.  iMais  un  com- 
merçant aurait  le  droit  de  transmettre  à  des  trustées  l'en- 
semble de  ses  biens  au  profit  de  l'ensemble  de  ses  créan- 
ciers, pourvu  qu'il  ne  soit  pas  mis  en  faillite  dans  les  trois 


'9  Drake  c.    Whitmore,  6  de  G.  "^  Campbell  c.    Walker,  6  \es., 

et  Sm.,  <;i9.  681  ;  Baker  c.  Ueid,  18  Beav.,  398. 

6"  Fortes  c.  Peacock,  12  Sim.,  5:!  Estwick  c.  Cailland,  5  T.  R.. 


521 


420  ;  St.  1  et  2,  Vict. ,  c.  110,  §  59  : 


«»  Lewin.    On  Trusts,    11^   éd.,       Jackson  c.  Garnett,  2  Q.  B.,  881: 
p.  551.  Dullen  c.  Morrlson,  17  Ves.,  167. 


DES   rnUSTEES  ET  DES  CESTUIS  QUE  TRUST  319 

mois  qui  suivent  et  que  les  trustées  signent  tous  le  deed 
dans  la  quinzaine  en  présence  d'un  attorney^''. 

Un  t7mst  for  creditors,  s'il  n'est  fait  que  pour  la  conve- 
nance du  constituant  et  n'a  encore  été  communiqué  à  aucun 
des  créanciers,  est  révocable  à  volonté  ;  il  cesse  de  l'être 
dès  que  les  créanciers  en  ont  été  informés  par  le  consti- 
tuantou  par  \Qt7mstee'^.  Le //7^5^ fait  à  l'insu  des  créanciers 
n'a  d'autre  objet  que  d'indiquer  aux  trustées  commeui  le 
constituant  entend  qu'ils  appliquent  les  revenus  du  bien 
dont  il  lésa  avestis  à  son  propre  proût"^. 

CHAPITRE  111 

Des  trustées  et  des  cestuis  que  trust. 

Sommaire  :  436.  Capacité  requise  pour  être  trustée.  —  437.  Désignation 
d'un  trustée  par  la  cour  ;  pleins  pouvoirs  de  la  cour  à  cet  efl'et.  —  438. 
Obli;.^ation  pour  le  trustée  de  remplir  les  fonctions  qu'il  a  acceptées  ; 
difficulté  de  s'en  faire  relevier;  loi  de  1881.  —  439.  Interdiction  de  délé- 
guer ses  fonctions;  exceptions  à  la  règle. — 440.  Charges  et  prérogatives 
du  trustée.  — 441.  Manière  dont  il  doit  remplir  ses  fonctions  ;  responsa- 
bilité. —  442.  Il  n'a  droit  à  aucune  rémunération.  — 443.  Il  ne  peut 
retirer  aucun  avantage  personnel  du  fonds  qu'il  administre.  — 
444.  Règles  analogues  pour  les  constructive  trustées.  —  445.  Cotrus- 
tees,  coexécuteuf.  —  446.  Devoirs  des  trustées  en  matière  de  place- 
ments. —  447.  Recours  du  cestui  que  trust  contre  le  trustée.  —  448. 
Hesponsabilité  subsidiaire  de  l'acquéreur  en  cas  de  trust  for  sale, 
abrogée  par  les  lois  récentes.  —  449.  Nature  des  droits  du  cestui  que 
trust.  —  450.  Droit  des  créanciers  du  cestui  que  trust. 

436.  —  Il  est  utile  qu'un  trustée  ait  la  capacité  requise 
pour  prendre  et  tenir  le  légal  cstate  et  pour  exécuter 
le  fidéicommis.  Toutefois,  si  une  femme  mariée  ou  un 
mineur  est  peu  qualifié  à  cet  égard,  il  n'y  a  pas  d'obsta- 

8v  st.  12  et  13,  Vict.,  c.  lOG,  §§       655;  Nicholson  c.  Tutin,  2  K.  et 
67  et  68.  J.,  18. 

es      May,    On    voluntary    con- 
65  Wilding  c.  Richards,  1  Coll.,       veyances,  397. 


320  DES  TliUSTEES  ET  DES  CESTl'lS  QUE  TRUST 

cle  légal  à  ce  que  ces  fondions  lui  soient  confiées.  Lors- 
qu'un trustée  est  atteint  de  démence,  le  lord  chancelier 
ou  la  division  de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour  a  le  droit 
de  confier  à  d'autres  personnes  la  gestion  du  fidéicom- 
mis  '. 

Naguère  les  étrangers  ne  pouvaient  être  trustées  en 
Angleterre;  le  Naiuralisatio7i  actde  1870  (Si.  33  et  34, 
Vicl.,  c.  14),  §2,  les  a  mis,  à  ce  point  de  vue,  sur  le 
même  pied  que  les  nationaux. 

437.  —  Il  est  de  principe  dans  les  cours  d'équité  que, 
lorsqu'un  fîdéicommis  existe,  exprès  ou  légal,  et  qu'il 
n'y  a  personne  pour  l'exécuter,  Vequily  «  suit  le  légal 
eslate  »  :  la  personne  investie  de  cet  estate  esl  chargée  par 
la  cour  de  l'exécution  du  fidéicommis.  Jamais  une  cour 
d'équité  ne  reste  en  échec  faute  d'un  trustée:  quand  il 
n'y  en  a  point  ou  plus,  elle  en  nomme  un  ou  pourvoit 
elle-même  au  nécessaire,  qu'il  s'agisse  d'un  private  ou 
d'un     charitable   trust  ^;    elle   a  pleins  pouvoirs  à    cet 

égard. 

A  vrai  dire,  les  trustées  sont  de  simples  machines  agis- 
sant suivant  l'impulsion  des  cours  d'équité,  et  ils  ne  s'é- 
cartent qu'à  leurs  risques  et  périls  des  instructions 
qu'elles  leur  donnent.  En  même  temps,  ils  sont  subor- 
donnés au  cestui  que  trusta  qui  peut  les  contraindre  en 
justice  à  accomplir  les  divers  devoirs  de  leur  charge  ou 
leur  faire  interdire  tel  acte  qu'il  jugerait  abusif  *. 

438.  —  Le  trustée  qui  a  accepté  ses  fonctions  ne  peut 
ensuite  les  répudier.  Il  a  simplement  la  faculté  de  s'en 
faire  relever  ou  par  une  cour  d'équité,   ou  conformément 


»  St.  13  et  14.  Vict.,c.  60:  15  et  2  Cpr.    Williams,   Real  prop., 

16,  Vict.,  c.  55;  .36  et  .37,  Vict..  c.       19^  édit.,  p.  178,  notes  o  a  r. 
6  ;  .38  et  39,  Vict.,  c.  77,  §  7.  s  Lewin,   On  Trusts,  613. 


DES   TliiSTEES  ET    DES   CESTUlS   QUE   TliUST  321 

■aux  dispositions  de  Vaole  constitutif,  ou  du  consentement 
de  /0W5  les  intéressés  qui  soni  sut  jiiris^.  S'il  s'adresse,  à  cet 
effet,  à  une  cour  d'équité,  elle  ne  le  relèvera  pas  de  ses  fonc- 
tions uniquement  parce  qu'il  en  aura  exprimé  le  désir. 
Quant  au  troisième  moyen  d'obtenir  sa  libération,  il  soulève 
<ie  grandes  difficultés  ;  car  le  trustée  arrivera  rarement  à 
prouver  que  tous  les  cestuis  que  trust  sont  sui  juris  ou 
même  en  vie,  et,  par  conséquent,  à  justifier  de  leurconsen- 
tement  unanime. 

Le  trustée  est  réputé  avoir  accepté  ses  fonctions,  soit 
lorsqu'il  a  posé  sa  signature  au  bas  de  l'acte  constitutif 
du  fidéicommis,  soit  Jorsqu^à  défaut  d'une  acceptation 
expresse  il  a  fait  certains  actes  qu'il  ne  pouvait  accom- 
plir qu'en  celte  qualité. 

Le  Coïiveya7icing  and  law  of  properttj  act  de  1881  (St. 
44  et  45,  Vict. ,  c.  41),  §  31,  a  apporté  quelques  tempéra- 
ments à  ces  règles  rigoureuses.  Aujourd'hui,  lorsqu'il  y 
a  plusieurs  trustées  et  que  l'un  d'eux  meurt,  ou  s'absente 
du  Royaume-Uni  pendant  plus  d'un  an,  ou,  tout  simple- 
ment, désire  être  relevé  de  ses  fonctions,  les  trustées  res- 
tants peuvent,  s'ils  le  jugent  opportun,  nommer  pour 
prendre  sa  place  une  ou  plusieurs  autres  personnes;  par 
conséquent,  augmenter  à  cette  occasion,  s'il  y  a  lieu,  le 
nombre  des  trustées.  Toutefois,  hormis  le  cas  où  il  n'y  a 
eu  qu'un  seul  trustée  à  l'origine,  un  trustée  ne  peut  se 
faire  relever  de  ses  fonctions  qu'autant  qu'il  en  reste  en- 
core deux  pour  exécuter  le  fidéicommis. 

439.  —  L'office  de  trustée  étant  tout  de  confiance  per- 
sonnelle, il  s'ensuit  qu'il  ne  saurait  être  délégué.  Le 
trustée  qui  assume  la  gestion  d'une  propriété  pour  le 
compte  d'autrui,  n'a  nullement  le  droit  de  s'en  décharger. 

♦  76.,  204. 

Lkhr.  21 


322  DES  TRUSTEES  ET  DES  CESTUIS  QUE  TRUST 

sur  d'autres,  et,  s'il  le  fait,  c'est  à  ses  risques  et  périls". 

S'il  a  été  expressément  autorisé  à  se  substituer  un  rem- 
plaçant, il  est  clair  qu'en  usant  de  cette  faculté  il  n"en- 
coart  aucune  responsabilité.  D'un  autre  côté,  le  trustée  est 
en  droit  de  déléguer  ses  fonctions  lorsque,  suivant  la  mar- 
che ordinaire  des  affaires,  il  y  est  moralement  contraint; 
ainsi,  un  exécuteur  testamentaire  qui,  demeurant  à  Lon- 
dres, a  des  dettes  à  acquitter  dans  le  Suffolk  et  envoie 
dans  ce  but  des  fonds  à  son  coexécuteur,  est  réputé  recou- 
rir à  l'entremise  de  ce  dernier  par  nécessité  et  faute  de 
pouvoir  procéder  différemment;  il  ne  pourrait,  dès  lors, 
être  recherché  de  ce  chef  si  la  personne  qu'il  a  chargée 
de  la  commission  est  de  celles  auxquelles,  dans  un  cas 
semblable,  il  n'aurait  pas  hésité  à  confier  de  l'argent  pour 
son  propre  comple^ 

440.  —  En  principe,  le  trustée  a  toutes  les  préroga- 
tives et  toutes  les  charges  du  légal  estais  ;  il  peut  aliéner 
le  bien  entre  vifs  ou  par  testament  comme  tout  autre  pro- 
priétaire. Toutefois,  ce  n'est  pas  lui  qui  vote  pour  les  élec- 
tions au  Parlement;  c'est  le  cestui  que  truU'' .  S'il  est  en 
faillite  ou  insolvable,  le  bien  ne  tombe  pas  dans  la  masse^ 
Le  real  estate  appartenant  au  trustée  peut  être  saisi  par 
voie  d'elegit  en  suite  d'un  jugement  rendu  par  une  cour 
de  droit  commun  ;  mais  le  cestui  que  trust  n'a  qu'à  s'adres- 
ser à  une  cour  d'équité  pour  mettre  le  bien  à  l'abri  des 
poursuites*. 

Un  fîdéicommis  n'est  pas  sujet  à  échette  ni  à  confîsca- 


B  Turner  c.Corney,  5  Beav.,  517;  57  ;  5  et  6,  Vict.,  c.  116,  §  1;  7  et  8, 

Eaves  c.   Hickson,  30  Beav.,  136.  Vict.,  c.  96,  §§  4,  17;  12  et  13,  Vict., 

B  Joyc.  Campbell,  1  Sch.  et  Lef.,  c.  1C6,  §§  141,  142. 

311  ;  ex  parteBelchier,  Amb.,  219.  ^ Finch  c.  Winchelsea,  1  P.  Wms, 

7  St.  6,  Vict.,  c.  18,  §  74.  277;  Langton  c.  Hor'.on,  1    Rare, 

>  St.  1  et  2,  Vict.,  c.  110,  §§  37,  560. 


DES  TRUSTEES  ET  DES  CESTCIS   QUE  TRUST  323 

tion  à  raison  de  la  mort  sans  héritiers  ou  de  la  condam- 
nalion  du  trustée.  La  cour  de  Chancellerie,  dans  ces  cas, 
se  contente  de  nommer  un  nouveau  trustée  Qn  son  lieu  et 
place*". 

441.  —  Les  trustées^  qu''ils  soient,  en  outre,  exécu- 
teurs testamentaires  ou  qu'ils  ne  le  soient  pas,  sont  tenus 
d'apporter  à  leur  gestion  les  soins  qu'un  homme  d'une 
prudence  ordinaire  donne  à  ses  propres  affaires.  Lors- 
qu'ils ont  satisfait  à  ce  devoir,  ils  ne  sont  pas  responsa- 
bles de  pertes  accidentelles;  par  exemple,  d'une  sous- 
traction frauduleuse'*. 

Au  reste,  la  cour  appelée  à  décider  dans  quelle  mesure 
un  trustée  est  responsable  de  la  perte  ou  de  la  détériora- 
tion du  fonds  fait  toujours  une  distinction  entre  les  devoirs 
qui  incombent  au  trustée  et  les  facultés  dont  il  est  investi. 
En  tant  qu'il  s'agit  d'un  devoir,  il  est  tenu  d'une  exacte 
diligence,  sous  peine  de  répondre  de  tout  dommage.  Quand 
il  ne  s'agit,  au  contraire,  que  d'un  pouvoir  discrétionnaire, 
il  doit  seulement  la  diligence  qu'il  apporte  d'ordinaire  à 
ses  propres  affaires. 

Ainsi,  d'une  part,  si,  sans  nécessité  on  contrairement  à 
son  devoir,  il  laisse  entre  les  mains  d'un  tiers  les  fonds 
dont  il  est  responsable,  s'il  laisse,  par  exemple,  des  fonds 
héréditaires  chez  un  banquier,  pendant  plus  d'une  année 
après  la  mort  du  défunt  et  postérieurement  au  payement 
des  dettes  '^;  ou  s'il  confond  les  deniers  dont  il  est  comp- 
table avec  son  propre  patrimoine  '^;  ou  s'il  partage  indû- 
ment avec  des  tiers  le  contrôle  dont  il  est  seul  investi**; 
ou  si,  ayant  un  cotrustee,  il  lui  abandonne  entièrement  ce 

*o  st.  1.3  et  li,  Vict.,  c.  60,  §§  15,  12  Darkec,  Martyn,  1  Beav.,  525. 

19,  46.  i;i  Lupton  c.  White,  15  Ves.,  432. 

*1  Morley  c.  Morley,  2  Ch.  Ca.,  >^  Salway  c.  Sahcay,  2  Russ.  et 

2;  Jones  c.  Lewis,  2  Ves.,  240.  My.,  512. 


324  DES  Tlii'STEES  ET  DES  CESTUIS  QUE  ThUST 

contrôle '^  il  manque  à  des  devoirs  positifs  de  sa  charge 
et  le  fait  à  ses  risques  et  périls*®. 

D'autre  part,  lorsqu'une  clause  expresse  l'autorise  à  in- 
vestir de  certains  biens  un  tiers  de  son  choix  ou  bien  à 
faire  certaines  espèces  de  placements,  il  n'encourt  de  res- 
ponsabilité qu'autant  que  l'opération  qui  a  mal  tourné  est 
de  celles  qu'il  n'aurait  certainement  pas  faites  pour  son 
propre  compte  '^ 

442.  —  En  principe,  les  trustées,  exécuteurs  testa- 
mentaires, administrateurs  de  successions  et  autres  per- 
sonnes remplissant  des  fonctions  analogues,  n'ont  droit  à 
aucune  rémunération  :  il  est  de  règle,  en  equity,  que  le 
trustée  ne  doit  retirer  aucun  avantage  du  fîdéicommis, 
quelque  temps  qu'il  ait  dû  consacrer  à  sa  mission  **.  Ainsi, 
un  solicitor,  investi  de  l'office  de  trustée,  ne  peut  que  se 
faire  rembourser  ses  frais  matériels,  à  moins  que  l'acte 
constitutif  ne  lui  alloue  formellement  des  honoraires,  au- 
quel cas  il  n'est  même  admis  à  porter  en  compte  que  ses 
travaux  professionnels  à  l'exclusion  de  ceux  qu'un  trustée 
non  solicitor  aurait  pu  exécuter  aussi  bien  que  lui  ". 

Rien  ne  s'oppose,  d'ailleurs,  à  ce  que  le  trustée  con- 
vienne d'une  rémunération  avec  !e  cestui  que  trust.  Mais 
les  cours  d'équité  examineraient  de  près  de  semblables 
conventions  et  les  annuleraient  si  l'arrangement  intervenu 
ne  leur  paraissait  pas  parfaitement  délicat  et  modéré^**. 

443.  —  De  ce  que  le  trustée  ne  doit  retirer  du  fidéi- 


1-'  Clough  c.  Bond,  3  My.  et  Cr.,  i»  Robinson  c.  Pett,  2  L.  C,  207; 

490.  Hamilton  c.   Wright,  9  Cl.  et  F., 

i<5  Cast/e  c.  PFarZand,  32  Beav.,  111;    Brocksopp    c.     Barnes,     5 

660;  Matthfws  c.  Brixe,  8  Beav.,  Madd.,  90. 

239;  St.  22  et  23,  Vict.  c.  35,  §  31.  l'J  Broughtonc.  Broughton,  5  de 

1"  Taborc.  Brooks,  10  Gh.  Div.,  G.,  M.  et  G.,  160;  Harbinc.  Dar- 

273;  In  re  Norrington,  Bilndley  hy,  28  Beav.,  825. 

c.  Partridge,  W.  N.,  1879,  37.  2"  Ayliffc  c.  Murray,  2  Atk.,  58. 


DES   TRUSTEES  ET  DES  CESTUIS  QUE  TBUST  325 

commis  aucun  avantage  personnel,  il  résulte  encore  qu'il 
ne  peut  user  de  sa  situation  pour  se  procurer,  relativement 
au  fonds  dont  il  a  la  gestion,  un  profit  qui  lui  aurait 
échappé  s'il  n'avait  pas  été  trustée.  Ainsi^  s'il  rachète  au- 
dessous  de  sa  valeur  primitive  une  dette  ou  charge  gre- 
vant le  fonds,  il  est  tenu  de  faire  état  au  cestui  que  trust 
(lu  bénéfice  ainsi  réalisé"'.  S'il  se  sert  des  fonds  du  trust 
pour  se  hvrer  à  des  spéculations  ou  au  négoce,  le  cestui 
que  trust  peut  exiger  de  lui  soit  le  replacemenl  immédiat 
desdils  fonds  à  intérêt,  soit  les  sommes  qu'ils  ont  fait  ga- 
gner au  trustée  ■-.  De  même,  le  trustée  ne  peut  acheter  du 
cestui  que  trust  un  bien  compris  dans  le  fîdéicommis,  à 
moins  :  1°  qu'il  ne  le  paye  un  prix  supérieur  à  celui  qu'offri- 
rait tout  autre  acheleur;  2°  que  le  cestui  que  trust  lui- 
même  ne  l'en  ait  prié;  ou  3**  que  la  vente  ne  se  fasse  aux 
enchères  et  que  la  cour  ne  l'ait  autorisé  à  enchérir  ■\ 

444.  —  Ces  principes  s'appliquent  à  toute  personne 
ayant  une  mission  de  confiance,  lors  même  qu'elle  ne  por- 
terait pas  expressément  le  titre  de  trustée]  ainsi,  à  tous 
agents,  gardiens,  associés,  directeurs  ou  promoteurs  de 
sociétés,  etc.  Toutes  ces  personnes  [constructive  trustées) 
doivent  récompense  au  fonds  qui  leur  est  confié  pour  les 
bénéfices  faits  indûment  par  elles  à  ses  dépens,  et,  d'autre 
part,  elles  ne  peuvent  réclamer  en  général  aucune  indem- 
nité pour  leurs  peines^*.  Mais,  à  d'autres  égards,  elles 
n'encourent  pas  une  responsabilité  aussi  étendue  que  les 
trustées  en  titre  ;  il  n'y  a,  en  définitive,  que  quasi-contrat, 


21  Fosbrooke  c.  Balguy,  \  My.  -^  IHckley  c.  Ilickleij,  L.  R., 
et  K.,  226.                                               2  Ch.   Div.,  19(J. 

2>  Fostfr  c.  M"^  Kinnon,  5  Gr., 

22  Docker  c.  Somes,  2  My.  et  K.,  310;  Imp.  Mercantile  Crédit  Asxo- 
655;  Willett  c.  filanford,  1  Hare,  dation  c.  Coleman,  L.  R.,  ('>  H. 
253.  of  L.,  189. 


326  DES  TRUSTEES   ET  DES  CESTUIS  QUE  TRUST 

et  rien  ne  les  empêcherait,  par  exemple,  d'invoquer  la 
prescription  dans  des  cas  où  un  express  trustée  n'en 
aurait  pas  le  droit,  ou  bien  de  stipuler  une  indemnité  pour 
le  temps  et  les  soins  consacrés  par  elles  à  leur  man- 
dat-\ 

445.  —  Lorsque  deux  ou  plusieurs  personnes  sont 
chargées  ensemble  des  fonctions  de  trustées  et  qu'une 
d'elles  a  reçu  certains  des  revenus  du  fonds  en  l'ab- 
sence des  autres,  celles-ci  ne  sont  responsables  desdits 
revenus  qu'autant  qu'il  y  a  eu  de  leur  part  fraude  ou 
manquement  professionnel^*.  Si  les  reçus  ont  été  si- 
gnés par  les  divers  cotrustees  conjointement,  mais  que 
les  uns  ou  les  autres  n'aient  rien  touché  personnelle- 
ment, le  fait  qu'ils  ont  apposé  leur  signature  sur  le 
reçu  n'engage  pas  leur  responsabilité,  car  ils  n'avaient 
pas  le  droit  de  la  refuser:  les  cotrustees  forment  un  corps 
collectif,  dont,  en  général,  les  divers  membres  sont  tenus 
d'intervenir  à  tout  acte  intéressant  leur  gestion.  Au  cas 
particulier,  ils  ne  pourraient  être  recherchés  que  s'il  était 
prouvé,  en  outre,  qu'ils  ont  négligé  de  veiller  à  ce  que  les 
fonds  fussent  dûment  placés  par  celui  d'entre  ceux  qui  les 
a  perçus  et  laissé  perdre". 

Quant  aux  coexécuteurs  testamentaires,  ils  ne  sont, 
en  général,  responsables  que  de  leurs  propres  actes  et 
non  de  ceux  de  leurs  collègues"^*.  Ils  ne  sont  pas  tenus 
comme  les  cotrustees,  de  signer  ensemble  les  reçus  relatifs 
aux  fonds  qui  leur  sont  confiés  ;  chacun  d'eux  a  qualité 
pour  donner  seul  bonne  et  valable  quittance.  Lors,  néan- 
moins, qu'ils  ont  signé  à  plusieurs,  il  faut  distinguer  :  si 

25^roi';nc.  Litton,  l  P.W.,140;  27  Lewin,  on  Trus's,  215;  Brice 

Brown  c.  De  Tastet,  Jac,  284.  c.  Stokcs,  2  L.  C,  877. 

26  Townley  c.  Sherbome,  2   L.  28  Williams  c.  Nixon,  2  Beav., 

C,  870.  472. 


DES   TRUSTEES  ET  DES  CESTUIS  QUE  TfiUST  327 

cette  signature  collective  a  été  de  pure  forme,  elle  n'en- 
gage pas  la  responsabilité  personnelle  de  ceux  des  exécu- 
-teurs  qui  justifient  n'avoir  rien  louché  par  eux-mêmes  ; 
mais  ils  pourraient  être  recherchés  s'il  est  avéré  qu'ils 
avaient  tous  le  devoir  de  contrôler  l'emploi  des  fonds  et 
qu'ils  ne  l'ont  pas  exactement  rempli-'. 

En  pratique,  on  insère  habituellement  dans  les  actes 
constitutifs  de  ûdéicommis  une  clause  qui  affranchit  chaque 
trustée  de  toute  responsabilité  à  raison  des  reçus,  actes  ou 
manquements  de  ses  collègues  et  limite  sa  responsabilité 
aux  faits  qui  lui  sont  personnellement  imputables.  Au 
besoin,  les  cours  d'équité  suppléent  à  cette  clause  lors- 
qu'elle n'a  pas  été  expressément  énoncée". 

Les  trustées,  quand  ils  sont  deux  ou  plusieurs,  sont 
des  tenanciers  conjoints;  il  en  résulte  que,  l'un  d'eux 
venant  à  mourir,  lestate  passe  aux  autres  par  droit  de 
survivance. 

446. —  Les  trustées  onideux  devoirs  primordiaux  :  l°de 
se  conformer  scrupuleusement  aux  instructions  données 
par  l'auteur  du  fidéicommis  ;  2°  de  placer  le  fonds  dont  ils 
ont  la  gestion  à  l'abri  de  tout  risque.  Ainsi,  à  moins  d'au- 
torisation expresse,  ils  ne  peuvent  placer  ce  fonds  sur 
simples  obligations  personnelles,  si  solvables  que  leur  pa- 
raissent les  débiteurs  ^'  ;  ils  ne  doivent  même  consen- 
tir des  placements  hypothécaires  que  si  les  immeubles 
offerts  en  garantie  sont  situés  en  Angleterre  et  valent 
au  moins  moitié  plus  que   le  montant  de  la  créance'-. 


2»  Lord  Redesdale,  dans  Joy  c.  M.  et  G.,  291  ;  Paddon  c.  Richard- 

Campbell.  I  Sch.  et  Lef.,  341;  Ho-  son,  7  De  G.  M.  et  G.,  563. 
vey  c.  Blackman,  i  Ves.,  6CW. 

30  Daivson   c.  Clurhe,    18    Ves.,  ^-     Droseer     c.     Brereton,     15 

254.  Beav.,  221  ;  Macleod  c.  Annesley, 

"    Geaves  c.   Straltan,  8  de  G.  16  Beav.,  tiiX). 


328  DES  TRUSTEES  ET  DES   CESTUIS  QUE  TRUST 

En  général,  les  fonds  doivent  être  placés  en  rentes  sur 
l'État,  en  Consolidated  Bank  annuities,  ou  en  l'une  des 
valeurs  successivement  autorisées  à  cet  effet  par  les  Sta- 
It^ts  de  Victoria  22  et  23,  c.  35,  §  32;  23  et  24,  c.  145, 
§25;  30  et  31,  c.  131,  §  2;  34  et  35,  c.  27. 

Les  trustées  peuvent  aussi  verser  les  fonds  qu'ils  ont 
entre  les  mains,  soit  à  la  Banque  d'Angleterre,  au  compte 
de  ÏAccoîmta?ît  gênerai  de  la  cour  de  Chancellerie,  soit 
directement  à  ce  fonctionnaire,  pour  attendre  les  direc- 
tions de  la  cour;  le  reçu  qui  leur  est  délivré  dans  ces  con- 
ditions vaut  pour  eux  décharge^^ 

S'ils  tardent  à  placer  les  fonds,  ils  en  doivent  de  plein 
droit  l'intérêt  à  quatre  pour  cent  ;  et,  s'ils  les  ont  placés 
dans  le  commerce,  ils  doivent,  soit  les  bénéfices  qu'ils 
en  ont  tirés,  soit  l'intérêt  à  cinq  pour  cent,  et  parfois  les 
intérêts  composés**. 

En  revanche,  ils  ont  le  droit  d'exiger  que  leurs  comptes 
de  gestion  soient  examinés  et  apurés,  et  qu'on  leur  en 
donne  décharge  s'ils  sont  justes. 

447.  —  11  nous  reste  à  indiquer  quels  sont  les  recours 
du  cestui  que  trust  dans  le  cas  où  le  trustée  manquerait 
à  ses  devoirs  [breach  of  trust). 

1°  Lorsque  le  trustée  aliène  à  titre  gratuit  le  fonds  dont 
il  a  la  gestion,  le  cestui  que  trust  peut  poursuivre  ce 
fonds  entre  les  mains  du  tiers  acquéreur,  que  celui-ci  ait 
su  ou  ignoré  que  le  bien  dépendait  d'un  fideicommis;  si 
l'aliénation  a  eu  lieu  pour  une  valuable,  considération ^ 
le  cestui  que  trust  ne  peut  revendiquer  le  bien  que  si  le 


33  st.  10  et  il,  Vict.,  c   96;Gen.  ^  Jones    c.    Foxall,    15  Beav., 

Orders  of  C.  of  Chaac;   St.  12  et       392. 
13,    Vict..  c.    74;  18    et  19,   Vict., 
c.  124,  §  22. 


DES    TliUbTEES   ET   DES    CESTUIS  QUE  TRUST  329 

tiers  acquéreur  en  connaissait  la  provenance'^'.  La  dette 
encourue  par  le  trustée  coupable  d'abus  de  confiance  est 
une  simple  conlract  debt,  at  law  comme  en  equity,  tant 
qu'il  ne  l'a  pas  reconnue  under  seal  *^ 

2°  Si  le  trustée  a  disposé  du  fonds  d"nne  façon  dom- 
mageable, le  cesiui  que  trust  peut  s'emparer  de  la  pro- 
priété qui  a  pris  la  place  du  fonds  primitif,  tant  qu'elle 
est  reconnaissable^' ;  ainsi,  il  peut  s'emparer  de  billets 
tant  qu'ils  n'ont  pas  été  mis  en  circulation  ou  négociés. 
Le  trustée  ayant  le  devoir  strict  de  ne  pas  confondre 
les  objets  compris  dans  le  fidéicommis  avec  son  propre 
patrimoine,,  le  cestui  que  trust  aurait,  en  pareil  cas,  le 
droit  de  saisir  entre  les  mains  du  trustée  toute  valeur 
dont  celui-ci  ne  justifierait  pas  être  le  légitime  pro- 
priétaire^*. 

Le  cestui  que  trust  perd  son  recours  quand  il  a  parti- 
cipé ou  acquiescé  à  l'acte  dont  il  se  plaint,  ou  renoncé  à 
son  recours  ^'.  Toutefois  les  incapables  qui  ont  participé  à 
la  violation  du  fidéicommis  conservent  leur  recours  contre 
le  trustée,  à  moins  qu'ils  ne  l'aient  entraîné  eux-mêmes 
par  dol  à  s'écarter  de  son  devoir  *°. 

En  principe,  le  cestui  que  trust  ne  peut  actionner  le 
trustée  que  devant  une  cour  d'équité.  D'après  le  Real pro- 
perti/  limitation  act  de  1874,  qui  a  réduit  les  délais  fixés 
jusqu'au  l*""  janvier  1879  par  le  St.  3  et  4,  Guil.  IV,  c.  2, 
son  action  se  prescrit  par  douze  ans  à  partir  du  jour  où 
il  avait  le  droit  de  l'introduire.  Il  convient  toutefois  de  rap- 

3»  Spurgeon  c.  Collier,  1  Edea,  471,  475;  Fox  c.  Backlei/,L.B..,  ii 

55;   Wigg  c.   Wigg,  1  Atk.,  382;  Ch.  Div.,  508. 

DanieUc.  Davidson,  61  Ves.,  249  "  B>nre  c.  Stohes,  2  L.  C,  877; 

36  Spence,  Eywtt?/,  11,93»).  Ilarden   c.    Parsons,  Eden,   145  ; 

^"t  l.cw'm,  On  Trusts,   G45:  Burroios  c.   Walls.   5 de  G.,  M.  et 

38  Lupion    c.     While.  15  Vos..  G..  2.33. 

432  ;    Mason  c.  MorUy,  34  Beav  ,  *•»  Snell,  Princ.  of  eq.,  168. 


330  DES   TliUSTEES  ET  DES  CESTUIS  QUE   TliUST 

peler  ici  que  la  loi  de  1873  sur  l'organisation  judiciaire 
(§  25,  al.  2)  a  formellement  déclaré  que,  en  matière  d'ex- 
press trusts,  le  trustée  ne  peut  se  prévaloir  d'aucune  pres- 
cription contre  le  cestiiique  trust;  cette  disposition  n'a  été 
abrogée  par  le  §  10  de  la  loi  de  1874  susmentionnée  que 
dans  une  ou  deux  hypothèses  toutes  spéciales**  (cpr. 
n"^  357  et  361). 

448.  —  Les  cours  d'équité,  très  favorables  au  cestui 
que  trust,  ont  cherché  à  le  protéger  par  les  règles  les  plus 
strictes  contre  la  mauvaise  foi  ou  la  négligence  du  trus- 
tée. De  là  le  principe  que,  si  un  trustes  for  sale  avait  à 
répartir  le  prix  de  la  vente  entre  un  certain  nombre  de  bé- 
néficiaires, l'acheteur  avait  à  s'assurer  que  le  trustée  s'ac- 
quittait fidèlement  de  ce  devoir,  toutes  les  fois  que  l'acte 
constitutif  du  fidéicommis  ne  conférait  pas  expressément 
à  ce  dernier  le  pouvoir  de  lui  donner  bonne  et  valable 
décharge.  A  défaut  d'une  semblable  clause,  le  trustée 
était  réputé  n'avoir  pas  ce  pouvoir;  et,  s'il  ne  donnait  pas 
au  fonds  Temploi  voulu,  l'acquéreur  qui  avait  négligé  de 
s'en  assurer  était  responsable  envers  le  cestui  que  trust. 

Cette  règle  étant  fort  lourde  pour  les  acquéreurs  et  créan- 
ciers mortgagistes,  plusieurs  lois  sont  intervenues  depuis 
pour  les  en  libérer.  Le  Lord  Cramoorth  act,  notamment, 
du  28  août  1860  (St.  23  et  24,  Vict.,  c.  145),  §  29,  porte 
que  le  reçu  écrit,  délivré  par  un  trustée  pour  des  sommes 
qu'il  avait  mission  de  percevoir  à  ce  titre,  emporte  décharge 
pleine  et  entière  au  profit  de  ceux  qui  les  ont  versées  et 
les  exonère  de  l'obligation  d'en  surveiller  l'emploi  et  de 
répondre  de  ce  qui  en  serait  ultérieurement  perdu,  dissipé 
ou  mal  appliqué.  Et  le  Conveyancing  act  de  1881  (St.  4i 

♦1  Lewin,  On   Trusts,   732;  Ste-       Snell,   ouvr.  cit.,  166  et  n.  y;  St. 
phen,    Comm.,  III,   489   et  n.  u  ;       36  et  37,  Vict.,  c.  66,  §  25,  al.  2. 


DES   TRUSTEES  ET   DES    CESTVIS    QUE   TRUST  331 

6t  45,  Vict.,  c.  41),  §  36,  reproduit  et  confirme  expressé- 
ment cette  disposition. 

449.  —  Le  droit  du  cestui  que  trust  sur  les  terres  com- 
prises dans  le  fidéicommis  constitue  un  équitable  estate. 
Lorsque  le  fidéicommis  consiste  en  biens-fonds,  \e,  cestui 
que  trust  peut,  en  général,  obliger  le  trustée  à  le  mettre 
en  possession  desdits  biens,  celui-ci  n'en  gardant  par 
devers  lai  que  les  titres  de  propriété  *^  D'autre  part,  il  a 
le  droit  de  disposer  du  légal  estate  et  de  contraindre  le 
trustée  à  le  transférer  selon  ses  instructions;  le  ces- 
sionnaire  jouirait  envers  le  trustée  du  même  droit  de 
contrainte  *^ 

450.  —  Lorsqu'un  créancier  a  obtenu  jugement  contre 
le  cestui  que  trust,  il  peut  requérir  un  /ieri  facias;  mais 
d'ordinaire,  il  est  nécessaire  de  faire  intervenir  la  cour  de 
Chancellerie**.  De  même  qu'en  matière  de  real  estate,  le 
créancier  par  jugement  peut,  après  avoir  demandé  ua 
eleyit^  se  pourvoir  devant  ladite  cour;  aujourd'hui,  en 
vertu,  des  règles  sur  les  jugements  enregistrés,  il  a  même 
la  faculté  de  le  faire  avant  d'avoir  demandé  Veler/it*'. 


*i  Brown  c.  Hoio,   Barn.    354;  4' S/it)-/<'î/  c.  Pratfs,  3  Atk..  200; 

Duncombe  c.  Mayer,  8  Ves.,  320;  Lewin,  CiG;  St.  1  et  2,  Vict.,  c.  110, 

Lewin.  On  Trusts,  586.  §  14. 

*'  Penfold   c.    Kouch,    4  Hare,  '»  Neate  c.  D.  of  Marlborough, 

271;  Goodsar  c.  Ellison,  8  Muss.,  3  My.  et  C.  407;  Yescomhe  c.  Lan- 

583.  dor,  M.  R.,  30  mai  1859. 


SECTION  SEPTIEME 

DE   LA   PROPRIÉTÉ    IMMOBILIÈRE 

EN     EXPECTATIVE,     ÉVENTUELLE 

OU   INDIVISE. 

INTRODUCTION. 

451.  —  On  a  VU  plus  haut  (n°  222)  que  les  proprié- 
tés immobilières  sont  dites  in  possession  ou  in  expectajicy, 
suivant  que  la  personne  à  qui  elles  appartiennent  les 
détient  actuellement  ou  n'a  qu'un  simple  droit  d'expecta- 
tive. 

Nous  avons  à  examiner  ici  de  plus  près  les  deux  formes 
que  revêt  le  droit  d'expectative,  c'est-à-dire,  le  droit  de 
retour  et  le  droit  de  réversibilité,  puis  les  droits  immobi- 
liers dont  l'entrée  en  jouissance  est  ajournée  [executory 
interests). 

Nous  étudierons  ensuite  les  cas  où  un  fonds  appartient 
simultanément  à  deux  ou  plusieurs  personnes;  en  d'autres 
termes,  les  diverses  formes  de  la  copropriété  indivise. 

CHAPITRE  1 

Du   droit   de   retour 

{Heversion). 

Sommaire  :  452.  .Xotion   du  droit   de  retour.  —  453.  Particular  estate 
conféré  soit  à  terme,  soit  à  vie.  —  454.  Devoirs  du  preneur;  rent-ser- 


DU   DROIT  DE  RETOUR  333 

vice.  —  455.  Cession  du  di-oit  de  retour  ;  attornment.  —   56.  Eflets  de 
la  consolidation  du  droit  de  retour  sur  le  service  de  la  rente. 

452.  —  Lorsque  celai  qui  tient  un  immeuble  en  fief 
simple,  c'est-à-dire,  qui  jouit  sur  un  immeuble  du  droit 
le  plus  absolu  et  le  plus  étendu  que  reconnaisse  la  légis- 
lation anglaise,  concède  cet  immeuble  à  un  tiers,  soit 
pour  un  certain  nombre  d'années  soit  à  vie,  soit  même 
pour  lui  et  ses  descendants  [estate  tail),  il  est  évident 
qu'il  ne  se  dépouille  pas  de  son  droit  tout  entier;  car 
Vestate  qu'il  a  concédé  est  inférieur  à  celui  qui  lui  com- 
pète  à  lui-même.  Par  conséquent,  à  l'expiration  du  bail, 
au  décès  de  l'usufruitier,  ou  au  décès  soit  du  donataire 
in  tail  sans  postérité,  soit  du  dernier  descendant  de  ce 
donataire,  la  portion  de  son  droit  dont  il  s'était  dessaisi 
fait  retour  à  lui  ou  à  ses  héritiers  de  façon  à  reconsti- 
tuer en  leur  faveur,  comme  auparavant,  un  fief  simple 
iii  possession. 

Vestate  moins  étendu  concédé  par  le  tenant  en  fief 
simple  s'appelle,  on  l'a  déjà  vu,  particular  estate^  parce 
qu'il  ne  porte  que  sur  une  fraction  {particula)  de  son 
propre  droit.  Tant  que  cet  estate  subsiste,  le  droit  qui 
continue  à  reposer  sur  la  tête  du  disposant  et  qui  consiste 
essentiellement  en  la  faculté  de  rentrer  en  possession 
du  bien  quand  le  moment  en  sera  venu,  se  nomme  re- 
version ou  droit  de  retour'. 

453.  —  Lorsque  le  propriétaire  du  fief  n'a  concédé,  à 
titre  de  particular  estate,  qu'un  simple  bail  à  terme 
[term  of  years)^  son  droit  de  retour  est  considéré,  at  iaw, 
par  rapport  à  lui-même,  à  ses  ayants-cause  et,  en  géné- 
ral, à  tous  les  tiers  autres  que  le  preneur,  comme  n'étant 

i  Co.  Litt..  22  6,  li>  6. 


334  DU   PROIT    DE    HETOUR 

autre  chose  que  la  continuation  de  son  ancien  droit.  Le 
bailleur  est  censé  avoir  placé  sur  son  bien  un  simple  man- 
dataire [bailiff),  de  sorte  que,  sauf  les  droits  par  lui  re- 
connus au  preneur,  il  conserve  intact  son  droit  de  dis- 
poser du  bien  :  il  ne  cesse  pas  d'en  avoir  la  saisine 
féodale.  Il  peut,  par  conséquent,  transférer  à  autrui  son 
droit  de  retour  par  voie  d'investiture  [feoffmenl  with 
livery  of  seisin),  moyennant  le  consentement  du  loca- 
taire ^  et,  dans  tous  les  cas,  par  voie  de  concession 
[by  deed)^. 

Lors,  au  contraire,  que  le  propriétaire  concède  un 
droit  viager,  qui  est  un  droit  de  franc-tènement,  la  sai- 
sine passe  au  tenant  /or  life,  pour  sa  vie  durant*,  de 
sorte  que  le  propriétaire  ne  peut  plus  faire  d'investiturp. 
Son  droit  de  retour  n'est  plus  qu'Hun  fragment  de  son 
ancien  droit;  il  reste  purement  incorporel  jusqu'au  décès 
du  tenant  for  life,  et,  tant  qu'il  n'est  point  redevenu  un 
estate  in  possession,  il  ne  peut  être  cédé  que  par  le 
moyen  d'un  acte  solennel  de  concession  {deed  of  granty. 

454.  —  Que  la  concession  ait  été  faite  à  vie  ou  seule- 
ment pour  quelques  années,  le  preneur  devient  le  tenan- 
cier féodal  du  bailleur  et  lui  doit,  en  cette  qualité,  le 
serment  de  fidélité  et  une  redevance  annuelle.  Le  ser- 
ment est  tombé  depuis  longtemps  en  désuétude.  Mais 
la  redevance  a  conservé  toute  son  importance  pratique; 
on  la  désigne  sous  le  nom  de  rent-^ervice  pour  la  dis- 
tinguer des  diverses  autres  redevances  analogues^ 

La  rente  est,  d'ordinaire^  payable  en  argent;  mais 
elle  peut  aussi  être   stipulée   en    grains   ou   en  d'autres 


2  Co.  Lilt.,  48  6,  n.  8.  *  Watkins,o/ii)e5cents,48éd.,H4. 

3  Doe  d.  Vere  c.Cole,!  Barn.  et  »  Sheppard,  Touchstone,  230. 
Cress..  243,  248.  6  Co.  Litt.,  142  a. 


DU    DROIT   DI-:    RETOUR  335 

denrées.  Parfois  elle  consiste  en  un  simple  grain  de 
poivre  {peppercorn),  livrable  à  première  réquisition, 
alors  que  le  bailleur  veut  bien  se  contenter  d'un  revenu 
purement  nominal,  mais  entend  pouvoir  en  tout  temps 
forcer  le  preneur  à  se  reconnaître  son  tenancier. 

Pour  constituer  un  rent-service  au  profit  du  bailleur, 
un  deed  n'était  pas  indispensable  autrefois  \  11  l'est 
aujourd'hui  dans  tous  les  cas  où,  d'après  le  Statute  of 
frauds,  les  baux  doivent  être  consignés  par  écrit ^;  à 
.moins  qu'il  ne  s'agisse  d'un  bail  de  trois  ans  au  plus  et 
d'une  redevance  n'excédant  pas  les  deux  tiers  du  revenu 
total  du  bien,  auquel  cas  une  convention  by  paroi  suffit 
(§  2),  La  redevance  grève  le  bien  tout  entier  et  chacune 
de  ses  parties.  Celui  qui  y  a  droit  jouit,  ipso  jure ^  pour 
se  la  faire  payer,  de  la  faculté  de  saisir  et  de  vendre  les 
biens,  appartenant  au  débiteur  ou  à  un  tiers,  qu'il  trouve 
sur  le  fonds  '.  D'habitude,  il  insère  aussi,  au  même  effet, 
dans  le  bail,  une  clause  de  re-entrij,  qui  l'autorise  éven- 
tuellement à  reprendre  possession  de  l'immeuble;  du 
moment  qu'il  y  a  six  mois  de  retard  dans  le  service  des 
arrérages,  il  suffit  qu'il  intente  contre  lepreneur  une  action 
of  ejectment^  pour  pouvoir  l'expulser  dans  le  délai  prévu, 
sauf  au  tenant  à  prévenir  celte  conséquence  en  payant 
avant  le  jugement  l'arriéré  et  les  frais  '". 

455.  —  Le  rent-service,  étant  un  corollaire  du  droit 
de  retour,  passe  de  plein  droit  au  cessionnaire  de  la  rever- 
sion ".  Autrefois,  un  droit  de  retour  ne  pouvait  être  cédé 
qu'avec  le  consentement  du  \.eudLÏ\i[attornment)  '^  Depuis, 

f  Litt.,   §  214  ;  Co.  Litt.,  143  a.  §§  .37-38  ;  14  et  15,  Vict.,  c.  25,  §  2. 

8   St.   29,  Car.   II,  c.  3;  8  et  9,  lo  St.  15  et  16,  Vict.,  c.  76,  §§ 

Vict..  c.  I(j6,  §  3.  210  et  212. 

»  Litt.,   §§   213-4;  Co.    Lilf.,  47  «'  Litt.,  §§  228-9,  572. 

*,  n.  7;  3  et   4,  Guil.  IV,   c.    42,  «^  Litt.,  §§  551,567-9. 


3:3G  DU    DROIT    DE    HETOUH 

V attornment  b.  été  aboli;  mais  la  loi  déclare,   ce  qui    est 
d'ailleurs  parfailement  correct,  que  la  cession  n'est  oppo- 
sable au  tenant  qu'après  avoir  été  portée  à  sa  connais- 
sance par  le  cessionnaire  '\  Pour  transmettre  le  droit  à  la 
redevance,  il  suffit  donc  de  transmettre  par  un  deed  le 
droit  de  retour  dont  elle  dépend.  Quand  c'est  le  tenant  lui- 
même  qui  substitue  un  tiers,  l'acte  porte  le  nom  àerelease. 
456.  —  De  ce  que  la  rente  est  un  corollaire  du  droit 
de  retour,  on  concluait  autrefois  que,  ce  droit  venant  à 
s'éteindre  de  quelque  façon  que  ce  fût,  la  rente  cessait 
d'être  due.  Ainsi,  dans  le  cas  où  A,  tenancier  d'un  immeu- 
ble  pour  un   certain   nombre  d'années,  aurait  cédé   son 
droit  à  B  pour  un  nombre  d'années  moindre,  moyennant 
une    redevance     annuelle,   et  acquis   ensuite   le    même 
immeuble  en  fief  simple,  satenureà  terme  et  soireversion 
se  trouvaient  absorbées  par  la  lenure  plus  large  qui  lui 
était  échue;  on  soutenait  autrefois  que,  la  consolidation 
{merger)  ayant  fait  disparaître  le  droit  de  retour  avec  tous 
ses  corollaires,  A  cessait  de  pouvoir  réclamer,  en  sa  nou- 
velle qualité,  la  redevance  qu'il  avait  stipulée  en  l'an- 
cienne '*.  Cette  conclusion,    si  elle  était  rigoureusement 
juridique, avait  le  tort  d'être  absurbe  ;  aussi,  après  deux 
ou  trois  tentatives   d'amendement,  le  St.  8  et  9,  Vict., 
c.  106,  §  9,  a-t-il  expressément  décidé  que,  quand  un  droit 
de  retour  sur  des  biens  donnés  à  bail  est  éteint  par  conso- 
lidation, le  preneur  ne  reste  pas  moins  tenu,  envers  le 
bailleur  revêtu   désormais    d'un  titre  plus  élevé  ou   ses 
ayants-cause,  de  toutes  les  obligations  qui  découlaient  de 
son  bail. 


13    st.  4   et  5.   Ann.,  c.  16,  §§  9  i'  Webb  c.  Russel,  3T.  R.,393. 

et  10. 


DL"  DROIT   DE   RÉVERSIBILITÉ  337 


CHAPITRE  II 


Du  droit    de    réversibilité 

{Remainder). 


Notions  et  divisions. 


Sommaire  :  457.  Notion  du  droit  de  réversibilité.  —  458.  Vested  remain- 
der ;  contingent  remainder.  —  459.  Ditïérences  entre  les  droits  de 
retour  et  de  réversibilité. 

457.  —  Lorsque  le  possesseur  d'un  estate  a  créé  un 
partie u la?'  es tate  diU  profit  d'une  personne  (cpr.  n"  432),  il 
peut,  au  lien  de  se  réserver  à  lui-même  et  à  ses  ayants- 
cause  le  droit  de  retour,  en  disposer  au  profit  d'un  tiers  et 
établir  ainsi  une  sorte  de  substitution  fidéicommissaire,  ou 
de  droit  de  réversibilité,  qui  porte  en  anglais  le  nom  de 
remainder.  Ce  droit  n'est  pas  nécessairement  limité  à  un 
seul  individu;  le  propriétaire  peut,  sous  certaines  condi- 
tions, l'accorder  à  une  série  de  personnes  qu'il  appelle  à 
recueillir  le  fonds  l'une  de  l'autre. 

Ainsi,  il  est  libre  de  donner  le  fonds  à  A  pour  toute  la 
durée  de  sa  vie,  puis  à  B  pour  en  jouir  sa  vie  durant  après 
le  décès  de  A,  puisa  C  dans  les  mêmes  termes,  et  finale- 
nient,  après  eux  tous,  à  Z  et  a  ses  héritiers,  en  fief  simple. 
Dans  cette  hypothèse,  bien  que  A  puisse  survivre  à  B  et  à 
C,  appelés  en  seconde  et  en  troisième  ligne,  et  que  parsuite, 
B  et  C  doivent  peut-être,  en  fait,  ne  jamais  posséder  le 
fonds,  ils  n'en  sont  pas  moins  investis,  dès  la  confection  de 
l'acte,  d'un  droit  éventuel  [estate  for  life  in  remainder). 

458.  —  Si,  au  moment  où  celui  qui  détenait  effective- 
ment le   bien  vient  à  mourir,   son  successeur  désigné  se 

Lehr.  22 


338  DU  DROIT   DE  RÉVERSIBILITÉ 

trouve  apte  à  faire  immédiatement  valoir  son  droit  de  ré- 
versibilité, ce  successeur  éventuel  est  dit  avoir  un  vested 
remainder,  une  expectative  dévolue;  il  faut,  pour  cela, 
qu'il  existe  personnellement  et  que  son  droit  soit  déterminé 
avant  que  n'ait  pris  fin  le  droit  de  la  personne  à  laquelle 
il  est  appelé  à  succéder.  Lors,  au  contraire,  que  la  réver- 
sibilité est  stipulée  au  profit  d'une  personne  incertaine  ou 
non  encore  née,  ou  pour  le  cas  où  tel  événement  douteux 
s'accomplirait,  la  réversibilité  est  dite  contingente  {contin- 
gent remainder).  Mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que, 
s'il  est  simplement  incertain  que  le  substitué  puisse  entrer 
effectivement  en  possession  du  bien,  ce  doute-là  ne  suffit 
pas  pour  donner  à  la  réversibilité  le  caractère  contingent; 
dans  une  réversibilité  même  dévolue,  au  profit  d'une  per- 
sonne certaine  et  vivante,  il  y  a  toujours  un  point  douteux  : 
si  elle  meurt  avant  la  cessation  du  particiiiar  estate,  il  est 
évident  que  sa  réversibilité  deviendra  caduque,  et  pourtant 
elle  était  dévolue  et  non  contingente.  Williams'  explique 
clairement  par  un  exemple  la  différence  qui  existe  entre  les 
deux  expèces  de  remainder.  Un  immeuble  est  donné  à  un 
célibataire  A  pour  toute  sa  vie,  le  donateur  stipulant  que, 
si  ce  particular  estate  cessait  avant  le  décès  de  A  par 
suite  de  confiscation  ou  autrement,  l'immeuble  passerait  à 
B  et  à  ses  héritiers  pour  le  reste  de  la  vie  de  A  et,  après  le 
décès  de  A,  à  son  fils  aîné  et  à  ses  descendants.  Le  dispo- 
sant a  ainsi  constitué  deux  droits  de  réversibilité,  l'un  au 
profit  de  B  et  ses  héritiers,  l'autre  à  celui  du  fils,  non 
encore  né,  de  A.  Le  premier  est  un  droit  dévolu  [vested)^ 
puisque,  malgré  son  peu  d'étendue  et  bien  qu'il  y  ait  peu 
de  chance  pour  que  A  se  voie  frustré  du  bien  de  son  vivant, 
B  et  ses  héritiers  sont  tout  prêts  à  recueillir  l'immeuble  si 

1  Real'prop.,  !9e  édit,,  p.  334  in  fine. 


DU  DROIT  DE   REVERSIBILITl::  339 

le  droit  de  A  s'éteint  à  une  époque  quelconque  entre  le 
jour  de  la  confection  de  l'acte  et  celui  du  décès  de  A. 
Au  contraire,  Vestate  tail  conféré  au  fils  aîné  de  A  est 
purement  contingent  ;  car  A,  étant  célibataire  au  moment 
de  la  confection  de  l'acte,  n'a  point  de  fils,  et,  s'il  meurt 
sans  en  avoir,  Vestate  tail  en  expectative  ne  pourra  être 
appréhendé  immédiatement  après  la  cessation  des  parti- 
cular  estâtes  de  A  et  de  B;  ou,  pour  mieux  dire,  dans  ce 
cas,  il  n'y  aura  pas  d'estate  tail  du  tout.  Qu'au  contraire 
A  se  marie  et  ait  un  fils,  Vestate  tail^  de  contingent  qu'il 
était,  deviendra  du  coup  dévolu;  car,  tant  que  ce  fils  ou 
ses  descendants  seront  en  vie,  il  y  aura  quelqu'un  de 
fondé  à  entrer  immédiatement  en  possession  de  cet  estate 
soit  au  décès  de  A,  soit  après  épuisement  du  droit  de  B.  Au 
moment  de  la  confection  de  l'acte,  cet  estate  est  futur  et 
éventuel  non  seulement  in  possession^  mais  encore  in  in- 
terest;  on  ignore  tout  à  la  fois  si  la  personne  à  qui  il  est 
destiné  pourra  l'appréhender  effectivement  et  si  même 
elle  existera  jamais. 

Jusqu'à  la  naissance  ou  plutôt  jusqu'à  la  majorité  du 
fils  de  A,  les  biens  qui  lui  sont  éventuellement  destinés 
sont  inaliénables;  et  le  propriétaire  du  fief,  en  faisant  des 
dispositions  de  cette  nature,  use  de  son  pouvoir  d'aliéna- 
tion en  quelque  sorte  pour  l'annihiler.  En  effet,  quand  un 
immeuble  est  grevé  d'une  substitution  dévolue,  il  ne  peut 
être  vendu  qu'avec  les  incumbranccs  qu'y  a  attachées  le 
propriétaire;  mais  il  peut  l'être  moyennant  l'intervention 
et  la  renonciation  expresse  de  toutes  les  personnes  aux- 
quelles un  droit  de  réversibilité  a  été  reconnu.  Si  le  re- 
mai?ider  esl  purement  contingent,  si  ces  personnes  ne  sont 
pas  nées,  elles  ne  peuvent  consentira  un  dégrèvement; 
et,  par  conséquent,  le  bien  est,  quant  à  elles,  inaliénable. 


340  DUN  CAS  OU  IL  N'Y  A  POINT  DE  REVERSIBILITE 

459.  —  n  y  a  entre  le  droit  de  retour  {reversion)  et 
les  deux  sortes  de  remainder  cette  différence  essentielle 
qu'il  n'existe  aucun  lien  de  droit,  aucune  tenure  entre  le 
possesseur  du  particular  eslate  et  le  titulaire  du  droit  de 
réversibilité  [remainderman)  ;  ayant  reçu  tous  deux  leur 
titre  de  la  même  personne,  ils  ne  sont  nullement  tenants 
l'un  de  l'autre,  comme  le  possesseur  à\i  particular  estate 
l'est  du  propriétaire.  Il  s'ensuit  que  le  droit  de  réversibi- 
lité ne  comporte  aucun  rent-service. 

Une  autre  différence  consiste  en  ce  que  la  concession 
d'un  particular  estate  emporte  nécessairement  création 
d'un  droit  de  retour  puisque  ce  droit  n'est  que  la  part 
à' estate  réservée  par  le  disposant;  tandis  qu'un  droit  de 
réversibilité  ne  prend  naissance  qu'autant  qu'il  a  été  ex- 
pressément concédé. 

Il 

D'un  cas  où  il  n'y  a  point  de  réversibilité 

{Rule  in  Shelley's  case). 

460.  —  En  général,  chacune  des  personnes  successi- 
ves à  qui  le  disposant  concède  un  estate  sur  son  bien, 
n'en  a  qu'un  seul  :  estate  for  life^  terni  for  years.,  etc.  ; 
la  dernière  a  un  fee  tail  ou  même  un  fief  simple;  mais 
aucune  d'elles  ne  cumule  deux  estâtes  sur  le  même  bien, 
par  exemple  un  estate  for  life  avec  le  fief  tail  ou  le  fief 
simple.  Il  est  pourtant  un  cas  où  ce  cumul  se  produit,  en 
vertu  d'une  règle  de  droit  déjà  ancienne  connue  sous  le 
nom  de  rule  in  Shelley's  case.,  —  procès  plaidé  du  temps 
de  lord  Coke^  Cette  règle  se  formule  de  la  façon  suivante: 
lorsqu'un  homme  est  investi  d'un   estate  de  franc-tène- 

2  1  Rep.,  94,  104  ;  cpr.  Fearne,  9^  éd.,  28-208. 


D'UN  CAS  OU  IL  NY  A  POINT   DE   liÉVERSlBILITÉ  341 

ment  (cpr.  n"  223)  et  que,  par  le  même  acte,  cet  estate 
est  affecté  à  ses  héritiers,  soit  in  fee,  soit  in  iail,  le  mot 
«  héritiers  »  est  réputé  mis  comme  loorcl  of  limitation  et 
non  comme  Word  of  -purchase,  c'est-à-dire,  qu'il  est 
réputé  avoir  été  inséré  dans  l'acte  uniquement  pour  préci- 
ser la  nalure  du  droit  (Qef  simple  ou  fief  ^azV)  conféré  à 
l'acquéreur  originaire,  et  nullement  pour  créer  un  estate 
distinct  en  faveur  de  ses  ayants-cause.  Les  traités  anglais 
consacrent  de  longues  pages  à  l'explication  el  à  la  justifi- 
cation de  cette  règle  ;  nous  nous  bornerons  à  quelques  mots 
d'éclaircissement.  Quand  un  bien  est  transmis  purement 
et  simplement  «  à  A  et  à  ses  héritiers  »,  ou  «  à  A  et  à  ses 
descendants  »,  aucun  doute  ne  peut  surgir  sur  la  nalure 
ài%\  estate  transmis:  c'est  un  fief  simple,  dans  le  premier 
cas,  et  un  fief /az7,  dans  le  second  (cpr.  n°^  225,232).  Mais,  si 
l'on  transmet  à  A  un  estate  for  life  en  spécifiant  qu'après 
sa  mort  le  bien  devra  passer  «  à  ses  héritiers  »  ou  «  à  ses 
descendants  »,  on  peut  se  demander,  à  première  vue,  si 
le  disposant  n'a  pas  entendu  créer  en  faveur  de  ces  der- 
niers un  droit  de  réversibilité,  un  estate  in  remainder  dis- 
tinct, ce  qui  serait  incontestablement  le  cas  si  V estate  for 
life,  au  lieu  d'être  conféré  à  leur  auteur  A.,  l'avait  été  à 
un  étranger.  La  règle  in  Skelleys  case  a  pour  but  de 
trancher  la  question  négativement  :  les  héritiers  n'ont 
point  d'estate  en  expectative;  c'est  A  qui,  au  lieu  d'un 
simple  estate  for  life,  a,  en  plus  et  lui-môme,  un  remain- 
der (en  fief  ou  iîi  iail,  suivant  les  cas)  ;  et  comme,  d'après 
les  principes  de  la  consolidation  [merger],  cet  estate  en  fief 
ou  in  tail  absorbe  Vestate  simplement  viager,  le  résultat 
final  est  que  A  possède,  en  réalité,  un  estate  en  fief  ou  in 
tail  «  in  possession  »;  il  devient  immédiatement  proprié- 
taire du  fief  tout  entier  et  peut,  par  conséquent,  l'aliéner  à 


342  DE  LA  REVERSIBILITE   CONTINGENTE 

son  gré,  comme  tout  autre -fief  simple  ou  fief  tail,  tandis 
que,  s'il  ne  possédait  qu'un  estate  for  life,  soumis  à  réver- 
sibilité au  profit  de  ses  héritiers,  il  ne  pourrait  disposer  du 
bien  que  pour  la  durée  de  sa  vie  et  serait  privé  de  tout 
droit  d'ingérance  quanta  la  transmission  du  bien  après  son 
décès. 

111 
Delà  réversibilité  contingente,  en  particulier. 

Sommaire:  461.  Coaditions  de  TaliiJilé  d'un  droit  de  réversibilité.  —  462. 
Tout  eslate  en  expectative  doit  être  supporté  par  un  particular  estate 
subsistant;  cas  d'un  enfant  posthume.  —  463.  Tout  remainder  contin- 
gent doit  être  dévolu  avant  que  le  particular  estate  ait  pris  fin; 
springinguse,  execvAory  devise.  — 464.  Conditions  illicites  ou  immo- 
rales. —  465.  Cas  où  un  estate  for  life  est  constitué  au  profit  d'une 
personne  non  encore  née,  avec  réversibilité  au  profit  deses  descendants; 
cy  près  doctrine.  —  466.  Droit  d'aliéner  une  possibility.  —  467.  Extinc- 
tion d'un  droit  de  réversibilic  contingent;  moyen  de  la  prévenir. 

461.  —  En  principe,  pour  qu'un  droit  de  réversibilité 
soit  valablement  constitué,  il  faut: 

1°  Que  Y  estate  en  expectative  ait  devant  lui  un  parti- 
cular estate  de  franc-tènement  pour  le  supporter,  selon 
l'expression  technique; 

2"  Que  le  droit  de  réversibilité  soit  créé  par  le  disposant 
au  moment  même  où  il  crée  le  particular  estate  ; 

3"  Qu'il  puisse  produire  son  effet  in  possession  ou,  en 
d'autres  termes,  que  le  titulaire  du  droit  soit  en  mesure  de 
prendre  possession  du  bien,  immédiatement  après  la  cas- 
sation du  particular  estate,  sans  aucune  lacune,  fût-elle 
d'un  seul  jour. 

462.  —  La  saisine  ou  possession  féodale  doit  toujours 
reposer  sur  la  tête  de  quelqu'un.  L'ancien  droit  n'admet- 
tait pas  qu'elle  pût  se  transmettre  d'une  manière  occulte, 
et  interdisait,  en  conséquence,  l'aliénation  d'un  freehold 


DE  LA  RÉVERSIBILITÉ  CONTINGENTE  343 

par  tout  autre  mode  que  la  mise  en  possession  immédiate 
{deiioert/  of  seisin).  Si,  au  moment  d'une  aliénation,  l'ac- 
quéreur n'était  pas  mis  aussitôt  en  possession,  le  bien 
restait  pour  toujours  entre  les  mains  du  vendeur.  Ainsi, 
une  investiture  faile  aujourd'hui  au  profit  de  A  pour  qu'il 
tînt  le  bien  à  partir  de  demain,  était  nulle  comme  impli- 
quant contradiction.  De  même,  si  la  possession  féodale 
était  accordée  à  l'appui  de  la  concession  d'un  eslate  moin- 
dre qu'un  estate  en  fief  simple,  elle  retournait  au  fieffant, 
en  vertu  de  son  droit  antérieur,  dès  que  cet  estate  avait 
pris  fin  ;  et  il  ne  pouvait  s'en  dépouiller  que  moyennant  une 
nouvelle  aliénation  du  franc-tènement.  Par  suite,  si  une 
investiture  féodale  était  accordée  d'abord  à  A  pour  la  vie 
puis,  après  soq  décès  et  un  jour,  à  B  et  à  ses  héritiers, 
la  possession  féodale  faisait  retour  au  fieffant  lors  du  décès 
de  A,  et  V estate  qu'il  avait  l'intention  de  conférer  à  A  était 
considéré  comme  nul  et  non  avenu;  car,  si  on  l'avait  re- 
gardé comme  valable,  la  possession  féodale  n'aurait  reposé 
pendant  un  jour  sur  la  tête  de  personne,  ou,  en  d'autres 
termes,  il  y  aurait  eu  un  prétendu  droit  de  réversibilité 
relatif  à  un  estate  de  franc-tènement,  sans  un  particular 
estate  pour  le  supporter.  Dans  l'exemple  cité  plus  haut 
{n°  458)  d'un  estate  donné  à  un  célibataire  A,  pour  la  vie, 
avec  droit  de  réversibilité  au  profit  de  son  fils  aîné  in  tail^ 
il  faut  donc,  en  vertu  des  vieilles  règles  féodales  qui  vien- 
nent d'être  rappelées,  que,  au  moment  même  du  décès  de 
A,  il  ait  un  fils  prêt  à  prendre  possession  àeVestate. 

Il  est  un  seul  cas  où,  dans  cette  hypothèse,  le  fief  pour- 
rait rester  momentanément  sans  possesseur  effectif,  c'est 
celui  où  A  mourrait  sans  avoir  de  Qls  en  vie,  mais  laisse- 
rait sa  femme  enceinte.  Pendant  longtemps,  on  a  appliqué 
à  cette  espèce  l'ancienne  loi  dans  toute  sa  rigueur,  et  le 


344  DE  LA  RÉVERSIBILITÉ  CONTINGENTE 

fils  posthume  se  trouvait  privé  de  tout  droit  à  Vestate. 
Mais,  depuis  le  St.  10  et  11,  Guill.  III,  c.  16,  il  a  été  mis 
au  bénéfice  de  la  maxime  romaine  :  infans  conceptus  pro 
nato  AaÂe/2/?\..;  il  est  réputé,  s'il  naît  vivant  et  viable,  apte 
à  recueillir  Vestate  comme  s'il  avait  vu  le  jour  du  vivant  de 
son  père,  et  la  possession  féodale  reste  en  suspens  jusqu'à 
sa  naissance, 

463.  —  Un  corollaire  de  la  règle  qu'une  réversibilité 
ne  vaut  que  s'il  y  a  un  particular  estate  pour  la  supporter, 
c'est  que  tout  remaîWer  contingent  doit  devenir  un  estate 
actuel  et  dévolu  tandis  que  subsiste  ce  particular  estate  ou 
à  l'instant  même  où  il  prend  fin.  Ainsi,  si  un  bien  est 
donné  à  A  pour  la  vie  et,  après  sa  mort  à  celui  de  ses  fils 
qui  aura  le  premier  atteint  sa  vingt-quatrième  année,  la 
réversibilité  contingente  est  régulièrement  constituée;  car 
rien  ne*  prouve,  à  priori,  que,  au  décès  de  A,  personne 
n'aura  qualité  pour  recueillir  Vestate.  Mais,  en  fait,  si  A 
ne  laisse  pas  de  fils  ayant  l'âge  voulu,  le  droit  d'expecta- 
tive se  trouvera  annulé:  lors  même  que  A  laisserait  un 
fils  plus  jeune,  le  droit  ne  serait  pas  devenu  dévolu  (vested) 
pendant  l'existence  du  particular  estate  auquel  il  était 
subordonné,  et  le  bien  ferait  retour  au  donateur. 

Toutefois,  par  exception,  et  en  vertu  du  St.  40  et  41, 
Vicl.,  c.  33,  du  2  août  1877,  toute  réversibilité  contingente 
créée  par  un  acte  postérieur  à  cette  date,  qui,  à  défaut 
d'un  particular  estate  suffisant  pour  la  supporter  comme 
telle,  serait  néanmoins  valable  comme  springing  or  shifting 
use  ou  comme  executory  devise^,  doit,  dans  le  cas  où  le 
particular  estate  '^vQ'nàvQ.xi  fin  avant  que  la  réversibilité  ne 
fût  dévolue,  produire  les  mêmes  effets  que  si  le  disposant, 
au  lieu  de  donner  à  sa  disposition  le  caractère  d'un  con- 

3  Cpr.,  sur  le  sens  de  ces  mots,  les  n^s  470  et  477. 


DE  LA  REVLRSIBILITÉ   CONTINGENTE  345 

tingent  remamder,  lui  avait  donné  dès  l'origiae  celui  d'un 
springing  or  shifting  use  ou  d'un  executory  devise. 

464.  —  Un  droit  de  réversibilité  contingent  ne  peut 
être  subordonné  à  une  condition  illicite  ou  immorale:  ainsi 
on  ne  saurait  en  accorder  un  à  l'enfant  qu'une  femme  met- 
trait ultérieurement  au  monde  hors  mariage.  Il  faut,  d'au- 
tre part,  que  la  condition  ne  soit  pas  impossible*. 

465.  —  Une  autre  règle,  en  matière  de  remainder  est 
que  Vestate  ne  soit  pas  conféré  à  vie  à  une  personne  non  en- 
core née  et,  après  elle,  à  un  de  ses  enfants.  Si  un  acte  con- 
sacrait de  semblables  dispositions,  la  seconde  serait  nulle^ 
Les  tribunaux  ont  toutefois  apporté  un  tempérament  à 
cette  règle  lorsque  le  remainder  a  été  constitué  par  testa- 
ment; ils  ont  admis,  par  égard  pour  l'ignorance  présumée 
du  testateur,  que  la  personne  non  encore  née,  à  qui  était 
légué  un  estate  for  life  d^xec  réversibilité  au  profit  de  ses 
descendants,  devait  être  réputée  avoir  été  gratifiée  d'un 
estate  tail,  ce  qui,  en  fait,  produirait,  si  elle  laissait  de 
la  postérité,  le  résultat  que  le  testateur  paraissait  avoir 
voulu  amener  par  la  disposition  incorrecte  qu'il  avait  libel- 
lée. Celte  jurisprudence,  qui  tend  à  se  rapprocher  des  in- 
tentions présumées  du  défunt  autant  qu'il  est  possible  de 
le  faire  sans  enfreindre  directement  la  loi,  est  connue  sous 
le  nom  de  cy  près  doctrine^;  mais  elle  ne  s'applique  qu'au 
cas  où  Vestate  attribué  aux  enfants  d'un  nascitiirus  a  le  ca- 
ractère d'un  estate  tail,  à  l'exclusion  des  cas  où  ce  serait 
un  fief  simple  ou  un  estate  for  life'' . 

*  Cpr.,  sur  les  conditions  possi-  6  Fearne,  204,  5<>2,  565;  Jarman, 

blés  ou  impossibles, Williams, /ifi?ai  Wills^lio  édit.,  278:  Vanderplank 

prop.,  19«édit.,  p.  354;  cpr.  Coke,  c.  King,  3  Ilare,    1;   Huinpton  c. 

up.  Litlleton,   préface,  p.  37.  Ilolman,  L.  R.,   5    Ch.  Div.,  18.3, 

6     Ilay  c.    comte   de  Coventry, 

3  T.  Rep.,  86;  Hurdenell  c.  Elives,  '•  Seaward  c.  Willcock.  5  East, 

1  East  452;    Cole  c.  Seifen,2  H.  \'.iS:  liristoiv  c.  >rardc,  2  Ves.jun., 

of  L.  cas  ,  186.  336. 


346  DE  LA  BEVERSIBILITÉ   CONTINGENTE 

466.  —  La  chance  qu'a  un  individu  d'entrer  en  posses- 
sion d'un  estate  réversible  en  sa  faveur  s'appelle,  en  an- 
glais, possibilité.  Autrefois,  une  semblable  possibilité  pou- 
vait faire  l'objet  d'un  legs  ',  mais  non  d'une  aliénation 
entre  vifs  parle  moyen  d'un  deed  ofgrant;  la  cession  n'en 
était  autorisée  qu'en  equiiy,  s'il  y  avait  une  valuable 
cojisideration.  Le  Wills  act  de  1837  (St.  7,  Guil.  IV,  et 
1,  Vict.,  c.  26),  §  3,  a  confirmé  le  droit  de  disposer  d'une 
possibilité  par  testament,  et  VAct  to  amend  the  law  of 
real property  (St.  8  et  9,  Vict.,  c.  106),  §  6,  en  a  égale- 
ment autorisé  l'aliénation  par  deed. 

467.  —  Autrefois,  un  droit  de  réversibilité  contingent 
était  exposé  à  s'éteindre  si  Vestate  particulier  qui  le  sup- 
portait venait  à  prendre  fin  subitement.  Supposons  un 
domaine  conféré  à  vie  à  un  célibataire  A,  avec  réversibi- 
lité, après  sa  mort,  au  profit  de  son  fils  aîné  et  de  ses 
descendants  et,  à  défaut  de  postérité  de  A,  au  profit 
de  B  el  de  ses  héritiers.  Dans  celte  hypothèse,  A  jouit 
d'un  estate  for  life  in  possession,  son  fils  a  un  contin- 
gent  remainder  in  tail,  destiné  à  se  convertir,  à  partir  de 
sa  conception,  en  un  vested  remainder  in  tail;  B  a  un 
vested  remainder  en  fief  simple.  Si  ['estate  de  A  venait  à 
s'éteindre  brusquement  de  son  vivant  avant  qu'il  eût 
un  fils,  B  acquérait  immédiatement  un  estate  en  fief  sim- 
ple in  possession  et  excluait  définitivement  toute  préten- 
tion de  la  part  du  fils  qui  pouvait  naître  plus  tard  à  A  ;  car 
ce  fils,  pour  user  de  son  droit,  devait,  d'après  l'acte  de 
donation,  se  trouver  en  mesure  de  Texercer  avant  B.  Le 
contingent  remaiiider  du  fils  de  A  se  trouvait  donc  éteint 
par  suite  de  la  cessation  du  particular  estate  de  son  père, 
et  ce,  contrairement  aux  inlenlions  probables  du  dispo- 

«  Roe  d.  Pei-ry  c.   Jones,  1  H.  Black.,  30. 


NOTION  DE  L'EXECUTORY    INTEREST  347 

sant.  On  avait  imaginé  de  prévenir  ce  résultat  en  interpo- 
sant un  vested  estate  entre  ceux  de  A  et  de  B  :  on  conférait 
cet  estate  à  des  trustées,  chargés  de  représenter  et  de  ga- 
rantir les  bénéficiaires  éventuels  d'un  droit  de  réversibilité, 
pendant  toute  la  durée  de  la  vie  de  A.  Par  suite,  X estate 
de  A  venant  à  cesser  avant  son  décès,  V estate  àQS  trustées, 
empêchait  B  de  prendre  immédiatement  possession  du  bien 
et  permettait  au  fils  de  A,  né  après  coup,  de  faire  valoir 
utilement  le  droit  créé  en  sa  faveur  par  l'acte  constitutif. 
Aujourd'hui,  en  vertu  de  VAct  to  amend  the  law  of  real 
property  (St.  8  et  9,  Vict.,  c.  106),  §  8,  un  droit  de  réver- 
sibilité contingent  demeure  efficace  encore  que  Vestate  qui 
le  supporte  ait  pris  fin  avant  l'époque  prévue,  par  suite  de 
confiscation,  de  surrender,  ou  de  consolidation. 


CHAPITRE  m 

Des  droits  dont  l'entrée  en  jouissance  est  ajournée 

yExecutory  interests). 

{ 
Notion  de  l'executory  interest. 

468.  —  Indépendamment  des  droits  de  réversibilité 
contingents  dont  il  vient  d'être  parlé,  la  loi  anglaise  auto- 
rise un  propriétaire  d'immeubles  à  constituer  sur  son  fonds 
une  autre  espèce  de  droits  futurs  [future  estâtes),  connue 
sous  le  nom  de  executoi'y  interests. Ces  droiis,  non  pas  exé- 
cutoires au  sens  français  du  mot,  mais  destinés  à  devenir 
efficaces  à  une  époque  ultérieure,  diffèrent  précisément  de 
la  réversibilité  contingente  en  ce  que,  une  fois  constitués, 
ils  sont  indestructibles  et  prennent  naissance,  au  moment 


348  NP/</AG/.\G  OR  SHIFTiyG   USES 

voulu,  par  leur  seule  force;  bien  loin  d'être  subordonnés  à 
la  cessation  à'onestale  antérieur,  ils  peuvent,  au  contraire, 
quand  le  temps  est  venu,  mettre  fin  à  un  autre  estate,  qui, 
sans  cela,  aurait  continuée  subsister.  Ce  sont  donc  moins 
des  droits  éventuels  que  des  droits  dont,  par  la  volonté  du 
constituant,  l'entrée  en  vigneur  est  ajournée  à  une  époque 
par  lui  fixée.  Faute  d'une  expression  française  courte  et 
précise,  nous  les  désignerons  sous  leur  nom  anglais. 

lî 

Des  manières  dont  un  executory  interest  peut  être  créé, 
et  de  ses  diverses  espèces. 

Sommaire  :  469.  Deux  modes  de  création.  —  1.  Springing  or  shifting 
uses  :  470.  —  2.  Pouvoirs  (poioers)  généraux  :  471.  Paver  of  appoint- 
nient. — 472.  Obligations  de  celui  qui  en  est  investi.  — 3.  Pouvoirs  spé- 
ciaux :  473.  Power  of  lease.  —  474.  Pover  of  sale.  —  475.  Autres 
pouvoirs  spéciaux.  —  476.  Comment  les  pouvoirs  prennent  fin.  — 
4.  Executory  devise:  477.  Définition.  —  478.  Différences  entre  un  execu- 
tory devise  et  un  droit  de  réversibilité  contingent.  —  5.  Règles  com- 
munes à  tous  les  executory  interests  :  479.  Aliénation  par  deed.  — 
480.  Règles  en  faveur  des  créanciers. 

469.  —  Tandis  qu'un  droit  de  réversibilité  peut  être 
ronstitué  par  n'importe  quel  mode  régulier  d'aliénation 
d'immeuble,  un  executory  ijiterest  ne  peut  être  créé  que 
de  deux  façons  :  1°  d'après  le  Statute  of  uses  (27,  Henr. 
VIll,  c.  10);  2°  par  testament. 

1.  —  Springing  or  shifting  uses. 

470.  —  Les  executory  interests  créés  d'après  le  Sta- 
tute of  uses  se  nommeui  springirig  or  shifting  uses. 

Au  moyen  d'un  use,  on  peut  transporter  [shift]  d'une 
personne  à  une  autre,  de  diverses  manières,  la  saisine  ou 
possession  légale  d'un  fonds.  Nous  disons  plus  haut  que, 


SPHIlSGliSG  .  OR  SHIFTING  USES  349 

si  la  réversibilité  était  accordée  à  une  personne  à  partir  du 
lendemain  de  la  cessalion  du  particular  estate,  elle  serait 
nulle  (n°  462);  mais  le  but  pourrait  être  atteint  au  moyen 
d'un  shifting  use  :  il  suffirait  de  transmettre  Vestaie  à 
un  tiers  et  à  ses  héritiers  au  profit  {to  the  use)  du  dispo- 
sant et  de  ses  héritiers  jusqu'au  lendemain  et,  ensuite,  au 
profit  du  véritable  destinataire  et  de  ses  héritiers.  Ces 
shifting  uses  sont  fort  usités  en  matière  de  constitution 
de  dot.  A  constitue  une  dot  quelques  jours  avant  le 
mariage,  entre  les  mains  de  trustées,  à  son  propre  profit 
€t  à  celui  de  ses  héritiers,  jusqu'au  jour  de  la  célébration, 
mais,  à  partir  de  ce  jour,  au  profit  du  nouvel  époux  ou  de 
telle  autre  personne,  du  chef  de  cet  époux  :  jusqu'au  mo- 
ment du  mariage,  A  reste  tenant  des  biens  en  fief  simple 
comme  auparavant;  si  le  mariage  ne  se  réalise  pas,  son 
estate  reste  intact  entre  ses  mains;  si,  au  contraire,  le 
mariage  a  lieu,  la  saisine  des  biens  passe  (shifts)  de  plein 
droit  sur  la  tête  du  nouvel  époux  conformément  aux  clau- 
ses du  contrat  de  mariage.  Entre  le  moment  de  la  confec- 
tion du  contrat  et  celui  du  mariage,  les  droits  de  toutes 
les  parties,  hormis  ceux  du  disposant,  sont  purement 
futurs  et  éventuels.  Mais  le  droit  stipulé  en  faveur  du  futur 
époux  n'est  pas  un  droit  de  réversibilité  contingent;  car 
Vestale  qui  le  précède  est,  non  un  particular  estate,  mais 
un  estate  en  fief  simple,  qui  ne  comporte  pas  après  lui  de 
réversibiUlé.  Le  use  au  profit  du  nouvel  époux  prend  nais- 
sance (^/^rm^s  r^/?)  dès  la  célébration  du  mariage  et  anéantit 
pour  jamais  V estate  en  fief  simple  qui  appartenait  au  dispo- 
sant A.  Il  y  a  donc  ici  destruction  d'un  estate  et  substi- 
tution d'un  autre  estate  à  Vestate  anéanti.  A  est  dépouillé 
de  son  droit  par  le  use  du  nouvel  époux,  au  lieu  que  celui- 
ci  ait  à  attendre  patiemment  que  ce  droit  prenne  fin  pour 


350  POUVOIRS    GÉNÉRAUX 

pouvoir  commencer  à  exercer  le  sien,  comme  il  aurait  été 
obligé  de  le  faire  s'il  n'eût  été  qu'au  bénéfice  d'une  réver- 
sibilité. 

En  résumé,  on  peut  donc,  au  moyen  d'un  use,  s'arran- 
ger de  façon  qu'un  estaie  futur  prenne  naissance  d'une 
façon  absolument  certaine  à  un  moment  donné. 

2.  —  Pouvoirs  [poivers)  généraux. 

471.  —  L'une  des  applications  les  plus  usuelles  des 
springing  uses  se  présente  dans  le  cas  où  une  personne 
crée,  au  moyen  d'un"  pouvoir  qu'elle  confère  à  une  autre, 
un  îise,  —  avec  Vestate  correspondant,  —  destiné  à  pro- 
duire son  effet  à  la  volonté  de  cette  dernière'.  Telle  serait 
une  cession  de  terre  faite  à  A  et  à  ses  héritiers,  au  profit 
[to  the  use)  de  telles  personnes  qu'il  plaira  à  B  désigner 
[appoint)  à  cet  effet  par  acte  entre  vifs  ou  testamentaire, 
et,  à  défaut  de  désignation,  au  profit  de  C  et  de  ses  héritiers  ; 
C,  dans  cette  hypothèse,  est  investi  d'un  estate  dévolu, 
mais  sujet  à  être  à  tout  moment  anéanti  [divested)  par 
l'usage  que  ferait  B  de  son  power  of  appointment ; 
d'autre  part,  B,  bien  que  n'étant  pas  propriétaire  du  bien, 
a,  en  tout  temps,  la  faculté  d'en  disposer,  soit  en  faveur 
d'un  tiers,  soit  tout  simplement  à  son  propre  profit  et  à 
celui  de  ses  héritiers,  par  acte  entre  vifs  ou  par  testament. 
Ce  power  of  appointment  équivaut  donc  en  quelque  ma- 
nière à  une  donation  au  profit  de  celui  qui  en  est  investi, 
et  il  compte  dans  son  avoir  à  telles  enseignes  que,  d'après 
le  Bankruptcij  act  de  1869,  le  syndic  de  sa  faillite  peut 
l'exercer  en  son  lieu  et  place  au  profit  de  la  masse ^ 

»  Go.  Litt.,  271  6,  n.  1.  2  St.  .32  et  33,  Vict.,  c.  71,  §  15, 

al.  4,  §  25,  al.  5. 


POUVOIRS    SPECIAUX  351 

472.  —  La  personne  investie  d'un  power  est  tenue,  en 
l'exerçant,  de  se  conformer  strictement  aux  règles  posées 
soit  par  le  disposant,  soit  par  la  loi.  Ainsi,  si  le  power  lui 
donne  le  droit  de  disposer  du  bien  entre  vifs,  elle  ne  peut 
le  faire  par  testament,  et  vice  versa;  s'il  exige  la  présence 
de  deux  témoins  lors  de  la  confection  d'un  deed,  il  ne 
suffît  pas  qu'elle  en  appelle  un  seul.  Toutefois,  à  ce  dernier 
point  de  vue,  le  St.  22  et  23,  Vict.,  c.  33,  §  12,  a  apporté 
quelques  tempéraments  à  la  rigueur  minutieuse  de  l'an- 
cienne jurisprudence  et  décidé,  notamment  en  matière  de 
deeds,  que  l'omission  de  l'une  des  formalités  spéciales  im- 
posées par  le  constituant  n'est  point  opposable  au  fondé  de 
pouvoirs,  s'il  a  observé  toutes  celles  auxquelles  la  loi  su- 
bordonne aujourd'hui  la  validité  d'un  deed.  Le  Wills  art 
de  1837  (§  10)  avait  déjà  posé  la  même  règle  quant  aux 
pouvoirs  à  exercer  par  testament,  tout  en  décidant,  d'autre 
part,  que  le  pouvoir  ne  serait  réputé  régulièrement  exercé, 
—  encore  que  le  fondé  de  pouvoirs  se  fût  conformé  à  tou- 
tes les  exigences  personnelles  du  disposant,  —  qu'autant 
que  son  testament  répondrait  aux  diverses  prescriptions  de 
la  loi  elle-même. 

3.  —  Pouvoirs  spéciaux. 

473.  —  A  côté  des  poicers  of  appointment  généraux, 
dont  il  vient  d'être  question,  il  existe  aussi  des  pouvoirs 
spéciaux,  à  l'effet  de  louer  une  propriété  ou  de  la  vendre 
{poiver  of  iease,poiver  of  sale). 

On  a  vu  plus  haut  (n"  289)  que,  jusqu'à  une  époque  ré- 
cente, un  tenancier  à  vie  n'avait  pas  le  droit  de  faire  rela- 
tivement à  l'immeuble  aucun  acte  susceptible  d'étendre 
ses  effets  au  delà  de  son  décès;  il  ne  pouvait  donc  le  louer 


352  POUVOIRS   SPÉCIAL" X 

pour  un  nombre  déterminé  d'années,  mais  seulement,  au 
maximum,  pour  Ja  durée  de  sa  propre  jouissance.  Mais, 
quand  un  estate  for  life  est  créé  par  voie  de  use,  comme 
c'est  aujourd'hui  l'iiabitude,  le  tenancier  peut  recevoir 
expressément  l'autorisation  de  louer  l'immeuble  pour  tel 
nombre  d'années  ou  sous  telles  conditions  spéciales.  En  suite 
de  l'exercice  que  le  tenancier  fait  de  ce  pouvoir,  un  use 
prend  naissance  au  profit  du  preneur  pour  toute  la  durée 
du  terme  fixé,  et,  en  même  temps,  un  estate  de  même  du- 
rée, complètement  indépendant  de  la  continuation  de  la  vie 
du  bailleur.  Si,  en  cas  &q power,  le  bail  excède  les  bornes 
du  pouvoir  conféré,  il  est  radicalement  nul  et  peut  au  décès 
du  tenancier  à  vie,  être  mis  à  néant  par  toute  personne 
ayant  sur  le  bien  un  droit  de  retour  et  de  réversibilité. 
Toutefois,  d'après  deux  lois  récentes,  si  ce  bail  avait  été  fait 
de  bonne  foi  et  que  le  preneur  fût  entré  en  jouissance,  le  bail 
est  considéré,  inequity^  comme  un  contrat  tendant  tout  au 
moins  à  donner  au  preneur  le  droit  d'obtenir  à  première 
réquisition  un  bail  valable,  dans  les  limites  du  power,  et 
sous  des  conditions  identiques  d'ailleurs;  les  mêmes  lois 
prévoient,  en  outre,  divers  cas  de  confirmation  du  bail  en- 
taché d'irrégularité,  de  façon  à  garantir  autant  que  possi- 
ble les  intérêts  du  preneur  de  bonne  foi  '\ 

474.  —  Le  pouvoir  de  vente  ou  d'échange  inséré  dans 
un  settlement  d'immeubles  donne  aux  trustées  chargés 
de  veiller  sur  le  settlement  la  faculté,  —  avec  le  consen- 
tement du  tenancier  à  viequi  possède  le  bien  en  vertu  du 
settlement^  et  parfois  aussi  de  leur  autorité  privée,  si  ce 
tenancier  est  mineur,  —  de  vendre  ou  d'échanger  les  ter- 
res comprises  dans  le  fidéicommis  et  par  suite  de  révoque 
les  uses   établis  quant  à  ces  terres  par  l'acte  constitutif  et 

3  St.  12  et  13,   Vict.,   c.  26,  §  3;  13  et  14,  Vict.,  c.  17,  §§  2  et  3. 


POUVOIRS  SPECIAUX  353 

de  les  remplacer  par  d'autres.  Seulement  le  prix  de  la 
vente  ou  la  soulte  de  l'échange  doit  toujours  être  consa- 
cré à  l'achat  d'autres  terres,  et  ces  terres  doivent  être  affec- 
tées par  les  trustees^ûe  même  que  celles  reçues  en  échange, 
aux  z^^e^  encore  subsistants  d'après  Tacte  constitutif  primi- 
tif; provisoirement  les  deniers  peuvent  être  placés  en  fonds 
publics  ou  sur  un  mort-gage,  à  condition  que  le  revenu 
en  soit  remis  à  la  personne  qui  aurait  droit  à  celui  des  ter- 
res comprises  dans  le  fîdéicommis;  enequity,  ces  deniers 
non  encore  remployés  ont  le  caractère  immobilier  des 
terres  qu'ils  représentent  *. 

475.  —  Parfois  un  pouvoir  est  aussi  qualifié  de  spécial, 
non  parce  qu'il  a  un  objet  limité,  mais  parce  que  les  per- 
sonnes en  faveur  de  qui  il  est  permis  d'en  user  sont  d'une 
catégorie  particulière.  Tels  sont  les  pouvoirs  donnés  à  l'ef- 
fet d'assigner  un  douaire  à  une  femme  mariée  ou  de  pro- 
céder au  partage  des  biens  du  mandant  entre  ses  enfants. 
Les  estâtes  constitués  en  exécution  d'un  pouvoir  sont  ré- 
putés l'avoir  été  directement  par  le  disposant;  et,  s'ils 
avaient  été  entachés  de  nullité  dans  celte  dernière  hypo- 
thèse, ils  ne  le  seraient  pas  moins  pour  avoir  été  créés  par 
le  fondé  de  pouvoirs  ^ 

476.  —  En  général,  les  pouvoirs  peuvent  prendre  fin 
par  suite  d'un  acte  d'abandon  {deed  of  relcase)  fait  par 
celui  qui  les  a  reçus  au  profit  du  possesseur  d'un  estate 
de  franc-tènement  sur  le  bien  ^  Il  n'y  a  d'exception  que 
pour  le  cas  où  la  personne  investie  des  pouvoirs  a  le 
devoir  précis  de  les  exercer  à  une  époque  ultérieure. 


*Cpr.  .St.  23  ot  24,  Vict.,c.  145.  «  Albatii/'s  case,  1  Rep.,  IIU  b, 

B  Co.   Litt.,  271   h,  n.  1,  VII.  2.       113  a. 


Lehr.  23 


354  EXECUTORY   DEVISE 

Jk.  —  Executory  devise. 

477.  —  On  appelle  executory  devisé  un  legs  qui  confère 
au  légataire  la  propriété  des  terres,  non  pas  à  la  mort  du 
testateur,  mais  seulement  au  cas  où  telle  circonstance  con- 
tingente viendrait  à  se  réaliser.  Ainsi,  N  lègue  une  terre 
à  son  fils  mineur  A  et  à  ses  héritiers,  et,  pour  le  cas  où  A 
mourrait  avant  l'âge  de  vingt  et  un  ans,  àB  et  à  ses  héri- 
tiers. A  a  un  estate  en  fief  simple  in  possession^  grevé  d'un 
executory  interesten  faveur  de  B.  Si  Ane  meurt  pas  avant 
l'âge  de  vingt  et  un  ans,  son  estaie  lui  appartient  franc  et 
quiiie  de  iouieificinn brafîce .  Mais,  s'il  meurt  avant  cet  âge, 
rien  ne  saurait  empêcher  Vestate  de  B  de  prendre  immé- 
diatement naissance,  de  devenir  un  es/a^e  in  possession  ei 
d'anéantir  à  jamais  Vestate  qui  avait  été  conféré  en  pre- 
mière ligne  à  A  et  à  ses  héritiers. 

478.  —  Vexecutory  devise  diffère  d'un  droit  de  réver- 
sibilité contingent  :  1°  en  ce  qu'il  n'a  pas  besoin  d'être 
supporté  par  un  particular  estate  in  possessioji;  2°  en  ce 
que,  par  ce  moyen,  un  bien  possédé  en  fief  simple  peut 
être  transmis,  soit  au  même  titre,  soit  à  un  titre  inférieur, 
par  exemple  à  titre  d'estate  tail ou  d'estate  for  life.  Suppo- 
sons que  N  lègue  des  terres  à  A  pour  la  vie,  avec  droit  de 
réversibilité  en  fief  simple  en  faveur  de  celui  des  fils  de  B 
qui  aura  le  premier  vingt  et  un  ans  accomplis  :  la  disposition 
au  profit  du  fils  de  B  sera,  un  cotiiingent  remainder  ou  un 
executory  devise,  selon  que  A  mourra  après  ou  avant  le 
testateur.  Si  A  survit  au  testateur,  il  est  investi  d'un  estate 
de  franc-tènement  à  l'expiration  duquel  est  subordonnée 
l'entrée  enpossession  du  fils  de  B  ;  par  conséquent,  le  fils  de 
B  a  un  droit  de  réversibilité,  et  comme  ce  droit  ne  devien- 


EXECUTORY  DEVISE  355 

dra  effeclif  que  dans  le  cas,  encore  douteux,  où  B  aurait 
un  fils  et  où  ce  fils  atteindrait  sa  vingt  et  unième  année, 
il  est  simplement  contingent.  Au  contraire,  si  A  meurt 
avant  le  testateur,  le  testament  se  réduira,  lors  de  l'ouver- 
ture de  la  succession,  à  une  simple  disposition  en  faveur 
du  fils  de  B  qui  atteindra  le  premier  l'âge  de  la  majorité. 
Cette  disposition  n'est  pas  subordonnée  à  l'expiration  d'un 
€statc  de  franc-lènemenl  antérieur;  elle  produit  son  effet 
de  plein  droit  dès  qu'un  fils  de  B  atteint  l'âge  voulu  et,  à  ce 
moment,  elle  détruit  Vestate  en  fief  simple  qui,  à  défaut 
d'autres  dispositions  testamentaires,  avait  passé,  égale- 
ment de  plein  droit,  au  heir  at  law  de  N,  lors  du  décès  de 
celui-ci.  Il  y  a  donc  dans  ce  cas,  non  plus  un  droit  de 
réversibilité,  mais  un  executory  devise. 

Sous  la  législation  antérieure  à  YAct  to  amend  thelaw  as 
to  contingent  remaindcrs  (St.  40  et  41,  Vict.,  c.  33),  si  A 
survivait  au  testateur,  mais  mourait  avant  qu'aucun  fils 
de  B  eût  atteint  sa  vingt  et  unième  année,  l'affectation  au 
profit  de  ce  fils  devenait  caduque,  faute  d'un  estate  de 
franc-tènement  pour  la  supporter  plus  longtemps,  tandis 
qu'elle  était  valable  si  A  mourait  du  vivant  du  testateur. 
Cet  act  a  eu  pour  but  de  remédier  à  ce  que  cette  règle 
avait  de  trop  rigoureux  ;  aujourd'hui,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut  (n°  463),  dans  le  cas  où  le  particular  estate 
prendrait  fin  avant  la  dévolution  du  contingent  remainder  ^ 
la  réversibilité  n'en  aurait  pas  moins  lieu  au  profit  du 
titulaire,  tout  comme  si  le  disposant,  au  lieu  de  créer  en 
sa  faveur  un  droit  de  réversibilité  contingent,  avait  donné 
à  sa  libéralité  la  forme  d'un  springing  or  shifting  useovi 
celle  d'un  executory  devise. 


356    RÈGLES   COMMUNES  A  TOUS  LES    EXECUTORY  INTEliESTS 

5.  —  Règles  communes  à  tous  les  execiitory  interests. 

479.  —  Tout  executonj  inleresl  peut  être  aliéné  par 
deecV. 

480.  —  En  vue  de  faciliter  le  payement  des  dettes  au 
moyen  du  real  estate  du  débiteur,  plusieurs  lois  modernes 
portent  que,  quand  les  biens  ont  été  affectés  par  la  loi  ou 
par  disposition  testamentaire  audit  payement  et  quand  une 
personne  a  été  investie  de  ces  biens  par  le  testateur  moyen- 
nant un  executory  devise^  le  premier  des  légataires  futurs 
peut,  encore  qu'il  soit  mineur,  aliéner  tout  le  fief  simple 
de  façon  que  les  créanciers  soient  désintéressés  au  moyen 
de  la  vente  des  biens  ou  delà  constitution  d'un  mort- gage: 
règle  qui  a  été  étendue  au  cas  où  l'héritier  ab  intestat  a 
provisoirement  recueilli  les  biens  sauf  à  devoir,  à  raison 
d'un  executory  devise,  les  restituer  ultérieurement  à  des 
personnes  incertaines  ou  non  encore  existantes*. 

m 

Du  délai  dans  lequel  un  executory  interest  doit  produire 
son  effet. 

Sommaire:  481.   Règles  générales.  -^  482.  Règles  relatives  à  raccumu- 
lation  des  revenus  ;   Thellussons  case 

481.  —  Tout  en  laissant  une  grande  latitude  aux  pro- 
priétaires d'immeubles  pour  la  création  de  fiilitre  estâtes^ 
la  loi  n'a  cependant  pu  leur  accorder  à  cet  égard  une  fa- 
culté illimitée.  Alors  surtout  qu'il  s'agit  à." executory  inte- 
rests, c'est-à-dire  de  droits  futurs  qui  doivent,  quoi  qu'il 


7  st.  8  et  9,  Vict.,  c.    106,  §  6.       c.  47,  S  ^2;  2  et  3,  Vict.,  c.  60;  11 

8  St.  11,  Geo.  IV.  et  1,  Guil.  IV.       et  12,  Vict.,  c.  87. 


DANS  QUEL  DÉLAI  UN  EXECUTORY  ISTEREST  PRODUIT  EFFET    357 

arrive,  s'exercer  à  leur  heure  [indestructible  estâtes),  il 
fallait  empêcher  qu'un  trop  grand  nombre  d'immeubles 
ne  se  trouvassent  frappés  d'inaliéaabilité  pendant  un  temps 
trop  long.  Une  limite  a  donc  été  posée  pour  la  création  des 
executory  interests^  et  tout  droit  de  cette  nature  qui  la  dé- 
passerait serait  considéré  comme  nul  et  non  avenu. 

En  ce  qui  regarde  les  droits  de  réversibiUté  contingents, 
on  a  vu  plus  haut  qu'un  remainder  ne  peut  être  accordé, 
pour  sa  vie  durant,  à  l'enfant  non  encore  né  d'une  personne 
vivante,  avec  réversibilité  en  faveur  de  la  postérité  de  cet 
enfant^  (n°  465);  cette  seconde  réversibilité  est  déclarée 
nulle.rCette  règle  revient  à  défendre  dégrever  des  immeu- 
bles pour  une  période  plus  longue  que  celle  qui  peut  s'écou- 
ler jusqu'à  la  majorité  de  l'enfant  non  encore  né  d'une  per- 
sonne vivante  ou,  en  d'autres  termes,  pour  plus  que  la  vie 
d'une  personne,  augmentée  de  vingt  et  un  ans,  plus  quel- 
ques mois  pour  la  durée  de  la  gestation,  s'il  s'agit  d'un 
enfant  posthume  ^   | 

Par  analogie  avec  cette  règle,  la  loi  considère  un  exe- 
cutory interest  comme  valable  à  la  condition  qu'il  entre  en 
vigueur  dans  un  laps  de  temps  comprenant  la  durée  de 
la  vie  de  personnes  actuellement  existantes,  augmentée  de 
vingt  et  un  ans  et,  s'il  y  a  lieu,  de  la  période  normale  de 
gestation;  le  terme  de  vingt  et  un  ans  est  indépendant  de 
la  question  de  savoir  si,  en  fait,  l'ayant-droit  est  mineur 
ou  non;  s'il  n'y  a  pas  de  personnes  vivantes  indiquées,  le 
laps  de  temps  autorisé  ne  comporte  que  ces  vingt  et 
un  ans'".  Pour  peu  que,  dans  une  hypothèse  quelconque, 
l'entrée  en  jouissance  de  Vinterest  puisse  se  trouver  re- 
portée à  une  époque  plus  reculée  que  celle-là,  Vinterest 

9  Lord  Kenvnn,  dans    I.ong   c.  >"  Jarman,  Ti^f/As-,  3<:  éd . ,  229 . 

Blackall,  7,  T.  Rep.,  102. 


358   DANS  QUEL  DÉLAI  UN  EXECUTORY  IMEREST  PRODUIT  EFFET 

est  radicalement  nul  dès  le  principe.  Tel  serait  le  cas  d'une 
libéralilé  en  faveur  du  premier  fils  de  A,  —  personne  en 
vie,  —  qui  atteindrait  sa  vingt-quatrième  année'';  car, 
si  A  mourait  ne  laissant  qu'un  fils  âgé  de  quelques  mois. 
Vestale  de  ce  fils  ne  prendrait  naissance  qu'au  bout  d'un 
laps  de  temps  excédant  les  vingt  et  un  ans  à  dater  du  dé- 
cès de  A,  qui  sont  le  délai  maximum  admis  par  la  loi. 

482.  —  D'autre  part,  d'après  le  St.  39  et  40,  Geo.  III, 
G.  98,  une  restriction  a  été  apportée  aux  dispositions  qui 
tendraient  à  accumuler  les  revenus  d'une  propriété  au 
profit  d'un  possesseur  futur.  Cette  loi  a  été  provoquée  par 
le  bizarre  testament  d'un  M.  Thellusson,  qui  avait  prescrit 
d'accumuler  les  revenus  de  ses  biens  pendant  la  vie  de 
tous  ses  enfants,  petits-enfants  et  arrière-petits-enfants  vi- 
vants au  moment  de  son  décès,  au  profit  de  ceux  de  ses 
descendants  qui  seraient  en  vie  au  décès  de  la  dernière  de 
ces  personnes.  M.  Thellusson  s'était,  comme  on  le  voit, 
strictement  conformé  à  la  règle  qui  permet  de  subor- 
donner l'entrée  en  vigueur  d'un  executory  intere^t  au 
décès  d'un  nombre  quelconque  d'individus  actuellement 
en  vie. 

Pour  prévenir  l'usage  abusif  qu'on  pourrait  être  tenté 
de  faire  de  cette  facilité,  la  loi  a  défendu  l'accumulation 
pour  une  période  plus  longue  que  la  vie  du  disposant,  ou 
que  vingt  et  un  ans  à  partir  de  son  décès,  ou  que  la  mi- 
norité d'une  personne  actuellement  en  vie  ou  conçue  à 
l'époque  de  son  décès,  ou  que  la  minorité  de  lapersonneà 
qui  l'accumulation  doit  profiter'^  Toute  disposition  qui 
excéderait  la  période  permise  est  valable  jusqu'à  concur- 


11  iVei^wan  c.  A'eiojnan,  lÛSim.,  ^-  Wihonc.  Wilson,i  Sim.,  N. 

61  \Griffith  c.  Blunt,  4  Beav.,  24.       S.,  228. 


DES  BIENS  POSSÉDÉS    P\\\   INDIVIS  359 

rence  de  cette  période,  mais  nulle  au  delà '\  Si  la  disposi- 
tion qui  prescrit  l'accumulation  dépasse  même  les  limites 
fixées  pour  les  executory  interests,  elle  est  radicalement 
nulle,  indépendamment  du  statut  de  George  III  ^'\ 

CHAPITRE  IV 
Des  biens  possédés  par  indivis. 

INTRODUCTION. 

483.  —  Quand  un  bien  appartient  à  une  seule  per- 
sonne et  à  ses  héritiers,  il  constitue  un  estate  in  severalty; 
c'est  le  cas  ordinaire  de  la  propriété  individuelle.  Mais  il 
arrive  souvent  qu'un  bien  appartienne  simultanément  à 
deux  ou  plusieurs  personnes.  La  copropriété  indivise  se 
présente  en  Angleterre  sous  trois  formes  :  la  tenure  con- 
jointe [joint  tenancy),  à  laquelle  se  rattache  la  tenure  by 
tf/î/m/i'e^;  la  tenure  en  commun  [tenancy  in  coinmon)^  et 
la  tenure  par  cohéritage  [coparcenary] . 

I 

De  la  nature  conjointe. 

Sommaire  :  484.  Définilion.  —  485.  Les  quatre  unités  requises.  —  486. 
Condition  sous  laquelle  une  tenure  est  réputée  conjointe.  —  487.  Des 
diverses  espèces  de  tenures  conjointes.  —  488.  Tenure  conjointe  par 
des  trustées.  —489.  Ellels  de  la  tenure  conjointe.  —490.  Fin  de  la  tenure 
conjointe;  droit  d'accroissement.  —  491.  Partage  amiable  ou  judi- 
ciaire; Inclosurc  commissionem. 

484.  —  La  tenure  est  dite  conjointe  lorsque  deux  ou 
plusieurs  personnes  acquièrent  un  même  bien  en  même 

>»  Jarman,  iVills,  3'=  éd.,  286  ;  in       et  War.,  509;  Curtù  c.  Lukin,  5. 
reladyRosslynsirust,\(')S'\TCi.,'^i.        Beav.,  147;  Turwin  c.  NeiocomCy 
i'  Kerc.  lord  Dunyannon,lDr.       3  Kay  et  J.,  16. 


360  DE  LA   TENL'RE    CONJOINTE 

temps,  au  même  titre  et  par  le  même  acte,  pour  le  posséder 
ensemble  leur  vie  durant  et  recueillir  successivement^  par 
droit  de  survivance,  la  part  de  droits  des  prémourants.  A 
l'égard  des  tiers,  les  tenanciers  conjoints  sont  réputés  ne 
former  qu'une  seule  personne.  Entre  eux,  ils  ont  des  droits 
distincts  mais  respectivement  égaux. 

485.  —  Pour  qu'une  tenure  soit  conjointe,  il  faut  que 
selon  l'expression  technique,  elle  présente  les  quatre  uni- 
tés :  1"  unité  de  possession,  2°  unité  de  durée  {interest), 
3°  unité  de  titre,  4°  unité  de  point  de  départ. 
.  1°  L'unité  de  possession  consiste  en  ce  que  les  divers 
tenanciers  ont  la  possession  entière  tant  de  chaque  partie 
que  du  tout  :  ils  n'ont  pas  la  saisine,  l'un,  d'une  fraction  du 
bien,  l'autre,  d'une  autre;  chacun  d'eux  a  une  fraction  in- 
divise de  la  totalité  et  non  la  totalité  d'une  fraction  indivise  ; 
quilibettotum  tenet  et  nihil  tenet:  scilicet,  totum  in  com- 
muni  et  nihil  separatim  per  se^ .  Ils  possèdent,  selon  la 
vieille  formule  coutumière,  j)er  my  et  per  tout,  ce  en  quoi 
la  tenure  conjointe  proprement  dite  diffère  de  la  tenure 
hy  enlerities.  Cette  dernière  tenure  est  celle  de  deux  époux 
à  qui  un  bien  a  été  donné  conjointement.  Or,  aux  yeux  de 
la  loi  anglaise,  les  deux  époux  ne  forment  qu'une  seule  per- 
sonne juridique;  ils  ne  peuvent,  par  conséquent,  posséder 
une  part,  une  moitié  distincte  du  bien  ;  ils  sont  saisis  de  la 
totalité,  per  tout  et  non  per  my;  d'où  il  suit  que  le  mari  ne 
peut  disposer  d'aucune  partie  du  bien  sans  le  consente- 
ment de  sa  femme'. 

2°  Les  tenanciers  conjoints  doivent  avoir  un  seul  et 
même  interest,  un  droit  d'une  égale  durée  quant  à  sa  na- 
ture intime;  ils  ne  peuvent  pas  être,  l'un,  tenancier  à  vie, 

^  Bracton,  1.  V,  tr.  5,  c.  26.  2  Co.  Litt.,  187. 


DE   LA  TENURE  CO;SîJOINTE  361 

l'autre  tenancier  pour  un  nombre  déterminé  d'années,  ou 
l'un  en  fief  simple  et  l'autre  en  fief  substitué. 

3°  Il  y  a  unité  de  titre  lorsque  les  droits  des  divers  tenan- 
ciers découlent  d'un  seul  et  même  acte.  Une  tenure  con- 
jointe nepeutdériver  ni  d'un  testament,  ni  d'une  disposition 
de  la  loi,  mais  exclusivement  d'un  achat  ou  d'une  cession 
au  profit  de  tous  les  tenants  à  la  fois. 

4°  Enfin,  l'unité  de  temps  consiste  en  ce  que  tous  les  te- 
nants sont  investis  de  la  propriété  à  une  seule  et  même 
époque.  Ainsi,  il  y  aura  unité  de  temps  et,  par  conséquent, 
tenure  conjointe  si  A  et  B  reçoivent  en  môme  temps  l'in- 
vestiture soit  d'un  bien,  soit  de  l'expectative  d'un  bien. 
Mais,  si  l'expectative  d'un  bien  actuellement  loué  à  vie  à 
un  tiers  est  conférée  aux  héritiers  de  A  et  de  B,  et  qu'a- 
vant l'expiration  du  bail  A  vienne  à  mourir,  puis  plus  tard 
B,  leurs  héritiers  seront  non  des  tenanciers  conjoints,  mais 
de  simples  tenanciers  en  commun;  car  la  moitié  du  bien  a 
été  dévolue  aux  uns  dans  un  temps,  et  la  seconde  moitié 
aux  autres  dans  un  autre  temps^ 

486.  —  Une  tenure  est  conjointe  par  cela  seul  que 
l'acte  constitutif,  fait  simultanément  au  profit  de  deux  ou 
plusieurs  personnes,  ne  contient  aucune  fixation  de  part 
individuelle.  Elle  est  présumée  telle,  at  law,  pour  peu  qu'il 
y  ait  deux  ou  plusieurs  personnes  investies  ensemble;  il 
n'en  est  pas  de  même  en  equity^  où  l'on  admet,  au  con- 
traire, que,  sauf  indication  précise,  il  y  a  simple  tenure  en 
commun.  Au  surplus,  \e  joint  tenant  \i&\iiiQ\i]0[xv?,,  pen- 
dant sa  vie,  convertir  sa  tenure  conjointe  en  une  tenure  en 
commun, 

487.  — Tout  immeuble  peut  faire  l'objet  d'une  tenure 
conjointe.  Lorsqu'un  immeuble  est  donné  àA  et  B  conjoin- 

3  Co.  Litt.,  188. 


362  DE   LA  TENURE   CONJOINTE 

tement,  sans  autre  indication,  ils  en  deviennent  tenanciers 
conjoints  à  vie.  Comme,  à  l'égard  des  tiers,  les  droits 
constitués  au  profit  de  chacun  d'eux  sont  réputés  se  con- 
fondre, ils  durent  nécessairement  jusqu'au  décès  du  der- 
nier survivant.  Tant  qu'ils  sont  tous  deux  en  vie,  ils 
prennent  chacun  une  moitié  des  fruits;  mais,  au  décès  de 
l'un,  l'autre  a  droit  à  la  totalité  pour  le  reste  de  ses 
jours. 

L'immeuble  peut  aussi  être  constitué,  non  plus  à  vie, 
mais  en  fief  substitué,  au  profit  de  A  et  B  et  «  des  héri- 
tiers de  leurs  deux  corps  ».  Dans  ce  cas,  deux  hypothèses 
se  présentent  :oubienAetB  sont  des  personnes  susceptibles 
de  se  marier  ensemble,  ou  bien  ils  ne  le  sont  pas  (un  frère 
et  une  sœur,  ou  deux  hommes,  ou  deux  femmes).  Dans  la 
première  hypothèse,  A  et  B  ont  un  estate  in  spécial tail,  un 
fief  substitué  spécial,  que  ne  peuvent  recueillir  après  eux 
que  les  héritiers  issus  de  leur  mariage*;  tant  qu'ils  sont 
tous  deux  en  vie,  ils  ont  droit  aux  fruits  par  portions  éga- 
les; au  décès  de  l'un  d'eux,  le  survivant  en  perçoit  la  tota- 
lité, et,  à  la  mort  de  ce  dernier,  l'héritier  issu  du  mariage 
recueille  le  bien  tout  comme  si  A  et  B  n'avaient  constitué 
qu'une  seule  et  même  personne.  Dans laseconde  hypothèse, 
tant  que  l'unité  de  durée  subsiste,  la  loi  la  respecte:  A  et 
B  sont  considérés  comme  ne  formant  qu'une  seule  per- 
sonne et,  pendant  toute  leur  vie,  jouissent  du  bien  en 
commun  ;  au  décès  de  l'un,  l'autre  prend  le  bien  tout  entier 
pour  le  reste  de  ses  jours;  mais,  comme  ils  ne  sont  pas 
susceptibles  de  se  marier  ensemble,  il  n'est  pas  possible 
qu'une  seule  et  même  personne  descende  et  hérite  d'eux; 
au  décès  du  dernier  survivant,  le  bien  se  disjoint  et  se 
partage  par  moitié  entre  l'héritier  de  A  et  l'héritier  de  B; 

*  Co.  Litt.,  20  6,  25  b;  Bac  n,  Neiv  Abridgment,  lit.  Joint  Te.nanls  [G). 


DE  LA  TENL'RK  CONJOINTE  :363 

mais  ceux-ci  ne  sont  plus  tenanciers  conjoints,  ils  sont  de 
simples  cotenanciers;  au  lieu  de  deux  personnes  possé- 
dant collectivement  le  bien  tout  entier,  comme  l'étaient 
A  et  B,  il  y  a  deux  tenanciers  possédant  chacun  une  moi- 
tié indivise,  sans  nul  droit  de  survivance  sur  la  part  du 
prémourant. 

Enfin,  il  se  peut  qu'un  bien  soit  donné  à  titre  de  fief 
simple  à  deux  ou  plusieurs  personnes  conjointement.  Tel 
estle  cas  où  unbien  estdonnéwàA  et  Betà  leurs  héritiers  », 
ou  bien  «à  A  et  B  et  à  leurs  héritiers  ou  cessionnaires  ». 
En  réalité,  le  bien  ne  passe,  nonobstant  les  termes  appa- 
rents de  cette  formule,  qu'aux  représentants  de  A  ou  de 
B.  En  effet,  tant  que  A  et  B  sont  en  vie,  ils  possèdent  le 
bien  conjointement;  au  décès  de  l'un  d'eux,  le  survivant 
recueille  la  totalité,  et  c'est  l'héritier  de  ce  dernier  qui  lui 
succède  dans  la  possession  du  bien,  à  l'exclusion  des  héri- 
tiers du  codonataire  prédécédé ^ 

488.  —  Les  tenures  conjointes  en  fief  simple  sont 
beaucoup  plus  usitées  que  celles  en  fief  substitué  ou  à  vie. 
Lorsqu'un  bien  doit  être  confié  à  des  trustées^  ces  trustées 
sont,  en  général,  constitués  à  l'état  de  tenanciers  conjoints, 
de  telle  sorte  que,  l'un  d'eux  venant  à  mourir,  le  bien  passe 
de  plein  droit  aux  survivants,  à  l'exclusion  des  héritiers  ou 
légataires  des  prémouranls;ce  n'est  qu'au  décès  du  dernier 
survivant  que  le  bien  estrecueilli  par  son  héritier  ou  léga- 
taire et  conservé  par  lui  en  fidéicommis  jusqu'à  ce  qu'un 
nouveau  trustée  ait  été  régulièrement  constitué. 

489.  —  De  ce  que  les  tenanciers  conjoints  ne  forment 
qu'une  seule  personne  à  l'égard  des  tiers,  il  résulte,  d'une 
part,  que  leurs  droits  respectifs  doivent  prendre  naissance 
en  même  temps  ;  sauf  une  exception  pour  le  cas  où  l'im- 

î  Littlclon,  Tenures,  §  280. 


364  DE   LA    TENURE    CONJOINTE 

meuble  est  cédé  en  vertu  du  Slatute  of  uses  «  et  pour  celui 
où,  le  droit  des  tenanciers  découlant  d'un  testament,  les 
légataires  peuvent  prendre  leurs  parts  à  des  époques  diffé- 
rentes ".  Il  en  résulte,  d'autre  part,  que,  si  l'un  des  te- 
nanciers conjoints  veut  disposer  de  son  droit  en  faveur 
d'un  des  autres,  il  ne  peut  le  faire  par  l'un  des  modes  trans- 
latifs de  propriété  entre  étrangers,  chacun  des  tenanciers 
étant  réputé  d'ores  et  déjà  investi  de  la  chose  tout  entière  ; 
la  cession  doit  prendre  la  forme  d'un  acte  de  renonciation 
(release)  ^ 

490.  —  La  tenure  conjointe  ne  produit  ses  effets  que 
tant  qu'elle  subsiste.  11  est  au  pouvoir  de  chacun  des  in- 
téressés d'y  mettre  fin  [sève?-],  notamment  en  aliénant  sa 
part  de  droits.  Cette  aliénation  et,  par  conséquent,  la  dis- 
jonction peuvent  se  faire  par  tel  mode  de  disposition  qu'il 
plaît  au  tenancier  de  choisir,  hormis  par  testament:  le  legs 
d'une  part  dans  la  tenure  conjointe  serait  sans  effet,  attendu 
qu'un  testament  n'a  d'effet  qu'après  la  mort  du  testa- 
teur et  que  cette  mort  ouvre  immédiatement,  au  profit  des 
tenanciers  survivants,  un  jus  accrescendi  découlant  du 
titre  constitutif  même  de  la  tenure  et,  par  conséquent,  an- 
térieur et  supérieur  au  legs  ^ 

Si  le  tenancier  n'use  pas  de  son  droit  de  disposition  en- 
tre vifs,  sa  part  accroît,  comme  nous  venons  de  le  dire,  à 
ses  cotenanciers  survivants,  en  vertu  du  droit  d'accroisse- 
ment et  de  survivance  qui  est  de  l'essence  de  ce  genre  de 
tenure. 

S'il  en  use,  la  disjonction  produite  par  l'aliénation  brise 
tout  à  la  fois  l'unité  de  titre,  de  durée  et  de  point  de  àé- 

^  B&con,  New  Abridg, i\i.  Joint  «    Bacon,  op.  cit.  (I),   3,  2;   Co. 

Tenants  (D);  Gilbert,  Treatise  on  Litt.,  169  a. 
Uses,  71. 

■>  Jarmaa,   Wills,  3e  éd.,  p.  235.  9  Littletoa,  Tenures,  §  287. 


DE    LA    TENURE    CONJOINTE  365 

pari;  l'unité  de  possession  subsiste  seule,  tant  qu'on  ne 
procède  pas  à  un  partage.  La  part  aliénée  cesse  de  faire 
partie  de  la  tenure  conjointe  et  forme  dorénavant  l'objet 
d'une  simple  tenure  en  commun:  le  tiers  acquéreur  tient 
sa  part  indivise  en  qualité  de  tenancier  en  commun,  avec 
les  autres  tenanciers  conjoints  primitifs,  lesquels  conservent 
d'ailleurs,  ce  caractère  tant  qu'il  n'y  a  pas  une  nouvelle 
disjonction  entre  eux-mêmes. 

491.  —  Les  tenanciers  conjoints  peuvent  aussi  opérer 
la  disjonction  par  un  partage  amiable  ou  judiciaire.  Jus- 
qu'au règne  de  Henri  VIII,  le  partage  n'était  possible 
qu'autant  que  tous  les  intéressés  étaient  d'accord  pour  y 
procéder.  Divers  statuts  remontant  à  ce  règne  admirent  la 
possibilité  d'un  partage  judiciaire,  en  vertu  d'un  icrit  of 
partition  obtenu  du  tribunal  compétent  '".  Plus  tard,  c'est 
la  cour  de  Chancellerie  qui  fut  spécialement  chargée  de 
connaître  des  actions  en  partage,  et  le  statut  3  et  4,  Guill. 
IV,  c.  27_,  §  36,  abolit  l'ancien  icrit  of  partition,  qui  était 
d'ailleurs,  tombé  en  désuétude.  La  loi  sur  l'organisation 
judiciaire  de  1873  (St.  36  et  37,  Vict.,  c.  66)  a  transféré 
l'examen  deces  questions  à  la  Haute-Courdejustice  (§§  16 
et  17).  Que  le  partage  soit  amiable  ou  judiciaire,  les  co  • 
tenanciers  ont  à  se  céder  mutuellement  leurs  parts  ou,  pour 
mieux  dire,  en  tant  qu'il  s'agit  de  tenanciers  conjoints,  à 
renoncer  réciproquement  à  leurs  droits  sur  les  parts  échues 
à  leurs  consorts;  pour  les  simples  tenants  en  commun  qui 
veulent  sortir  d'indivision,  il  faut  des  actes  de  cession  mu- 
tuels, comme  entre  étrangers.  Le  partage  est  nul  at  laio,  s'il 
n'est  pas  fait  ^phr  deed  (St.  8  et  9,  Vict.,  c.  106,  §  3).  S'il 
y  a  parmi  les  copartageants  des  incapables,  —  mineurs  ou 
aliénés,  —  la  cour  a  qualité  pour  assurer  l'effet  du  partage 

»o  St.  31,  Henr.  VHI,  c.  1,  et  St.  32,  Henr.  VIII,  c.  32. 


366  DE  LA   TENL'RE   EN   COMMUN 

réglé  par  elle,  en  investissant  de  la  part  de  ces  incapables 
les  personnes  qu'elle  juge  à  propos  de  choisir  (St.  13  et  14, 
Vict.,  c,  60,  §§  3,  7  et  30).  Un  autre  moyen  commode  de 
faire  le  partage  est  de  recourir  aux  Inclosiire  coinmissio- 
ne}'s,  lesquels  sont  compétents,  en  Angleterre  et  dans  le 
pays  de  Galles,  pour  procéder  sous  leur  sceau  à  des  par- 
tages et  échanges  d'immeubles,  sans  qu'il  faille  aucun  acte 
ni  de  cession  ni  de  renonciation^'. 

D'après  des  lois  récentes,  la  cour,  saisie  d'une  de- 
mande en  partage,  peut,  si  elle  le  juge  à  propos,  ordonner 
la  vente  du  bien  el  la  répartition  du  prix  entre  les  inté- 
ressés. Lorsque  la  vente  du  bien  commun  est  requise  par 
les  personnes  ayant  droit  à  une  moitié  au  moins  dudit 
bien,  la  cour  est  tenue  de  l'ordonner,  à  moins  de  raisons 
graves.  Mais,  même  en  dehors  de  ce  cas,  il  est  loisible  à 
la  cour  d'ordonner  la  vente  requise  par  l'un  des  intéressés, 
encore  que  les  autres  offrissent  de  racheter  sa  part'^. 

Il 
De  latenure  en  commun. 

Sommaire:  492.  Définition  ;  droit  de  chaque  tenant.  —  493.  Partage. 

492.  —  Les  tenants  in  common  sont  de  simples 
cotenanciers  par  indivis,  qui  possèdent  ensemble  la  même 
chose  (unité  de  possession),  mais  chacun  en  vertu  d'un 
titre  distinct  pour  sa  part.  Dans  ce  cas,  les  parts  des  com- 
munistes peuvent  n'être  pas  égales  et  leurs  droits  avoir 

11    Cette  matière  est  réglée  par  11  ;  15et  16,  c.  79,  §§  31-32;  17etl8, 

une  dizaine    de   lois  du   règne  de  c.  97,  §  5;  20  et  21,  c.  31,  §§  1-li, 

Victoria  I"  :  St.  8  et    9,    c.   118,  21   et   22,  c.    53,  22  et   23,  c.  43, 

§§147,  150;  9  et  10.  c.  70,  5§  9-11 ,  §§  10-11  :  39  et  40,  c.  56,  §  33. 
10  et  11,  c.  111,  §§  4  et  6;  11  et  12;  12  St. 31  et  32,  Vict.,  c.  40,  amendé 

c.  99,  §  13  ;  12  et  13,  c.  83,  §§  7  et  par  St.  39  el40,  Vict.,  c.  17,  §§  3-5. 


DE    L'INDIVISION   ENTRE    COHERITIERS  367 

une  flurée  différente,  les  uns  tenant  en  flef,  les  autres  à 
vie  seulement. 

Dans  l'état  de  communauté,  quelques-uns  des  commu- 
nistes peuvent  être  entre  eux  des  tenanciers  conjoints  et, 
par  rapport  aux  autres,  de  simples  cotenants  par  indivis. 
Entre  les  deux  genres  de  tenures,  il  n'y  a  qu'une  similitude  : 
<(  l'unité  de  possession  ». 

Par  rapport  à  sa  part,  le  tenant  in  common  est 
exactement  dans  la  position  d'un  propriétaire  d'estate 
séparé.  C'est  dire  qu'il  ne  jouit  d'aucun  droit  de  survivance 
éventuel  sur  la  part  des  autres  colenanciers,  mais,  d'un 
autre  côté,  qu'il  n'est  pas  exposé,  en  cas  de  prédécès,  à  ce 
que  sa  propre  part  soit  absorbée  par  eux  au  préjudice  de 
ses  héritiers  naturels  ou  de  ses  légataires. 

493.  —  Il  n'est,  pas  plus  que  \e  joint  tenant^  contraint, 
de  rester  dans  l'indivision;  il  a  toujours  le  droit  de  con- 
traindre ses  cotenanciers  au  partage,  en  s'adressant  à  une 
cour  d'équité.  II  peut  de  même  aliéner  sa  part  quand  bon 
lui  semble.  Les  partages  extrajudiciaires  doivent  être  faits 
par  deed  (St.  8  et  9,  Vict.,  c.  106,  §  3). 

m 

De  l'indivision  entre  cohéritiers  {coparcenary). 

S0.MMAIRE  :  494.  Définition.  —  495.  Rapports  et  différences  avec  la  tenure 
conjointe.  —  496.   Effets  du  partage. 

494.  —  Les  possessions  en  copai^cenanj  sont  les  biens 
d'héritage  indivis  entre  deux  et  plusieurs  cohéritiers.  Ce 
mode  de  tenure  se  fonde  soit  sur  la  loi  commune,  soit  sur 
une  coutume  particulière.  D'après  la  loi  commune,  lors- 
qu'un fief  simple  ou  substitué  échoit,  au  décès  de  son  pos- 
sesseur, à  des  héritiers  du  sexe  féminin  tels  que  ses  filles. 


368  DE    L'INDIVISION    ENTRE   COHÉRITIERS 

ses  sœurs,  ses  tantes,  ses  cousines  ou  leurs  représentants^ 
ces  héritiers  arrivent  tous  simultanément  à  la  succession 
sans  que  l'aîné  jouisse  d'aucune  espèce  de  prérogative,  et 
on  les  désigne  sous  le  nom  de  coparceners  ou  de  par- 
ceners  '^  Il  y  a  des  parcejiers,  d'après  certaines  coutumes 
particulières,  lorsque  les  biens  successoraux  passent,  par 
exception,  à  tous  les  mâles  placés  au  même  degré,  comme 
c'est  le  cas  dans  la  coutume  du  goMelkinrf* .  Dans  ces  di- 
verses hypothèses,  les  cohéritiers  ne  forment  ensemble 
qu'une  seule  personne  et  n'ont  entre  eux  qu'une  seule  pro- 
priété indivise'". 

495.  —  La  tenure  des  coparceners  a  cela  de  commun 
avec  la  tenure  conjointe  qu'elle  présente  les  trois  unités  de 
durée  ou  d'm^eres^,;de  titre  et  de  possession.  Mais  elle  en 
diffère  :  1°  en  ce  qu'en  tout  temps  les  cohéritiers  ont  pu 
réclamer  le  partage  en  justice,  même  à  l'époque  où  les 
joint  tencints  ne  le  pouvaient  pas  ;  ils  ont,  cela  va  sans  dire, 
le  droit  de  procéder  à  un  partage  amiable,  lorsqu'ils  s'en-  . 
tendent  à  cet  effet;  —  2°  en  ce  que  l'unité  de  temps  n'est 
pas  nécessaire  entre  coparceners;  ainsi,  si  un  homme 
laisse  deux  filles  comme  cohéritières  indivises  et  que  l'une 
d'elles  meure  avant  l'autre,  la  survivante  et  l'héritier  de 
la  fille  prédécédée  n'en  demeurent  pas  moins  copar- 
ceners; —  3°  en  ce  que  le  droit  des  coparceners  ne  porte 
pas  sur  la  totalité  de  la  chose  commune  :  ils  ont  droit  à  une 
part  de  la  chose  ;  ils  n'ont  pas  un  droit  collectif  sur  la  chose 
tout  entière,  d^où  il  résulte  qu'ils  n^ont  aucun  droit  de 
survivance  ou  d'accroissement;  la  part  de  chacun  d'eux 
passe,  lors  de  son  décès,  à  ses  propres  héritiers '\ 

496.  —  Aussi  longtemps  que  les  biens  continuent  de  se 

1'  Litlleton,  Tenures,  §  241,  242.  is  Co.  Litt.,  163. 

il  76.,  §  265.  16  Co.  Litt.,  163,  164,  174. 


DE   L'INDIVISION    KNTRE   COHÉRITIERS        ,  369 

transmettre  par  succession  et  demeurent  indivis,  les  tenan- 
ciers restent  des  copavccncrs.  Une  fois  le  partage  opéré, 
tout  lien  est  rompu  entre  eux.  Si,  bien  qu'il  n'y  ait  pas 
eu  de  partage,  l'un  d'entre  eux  aliène  sa  part,  l'acquéreur 
et  les  cohéritiers  restants  ne  sont  plus  entre  eux  des  copar- 
ceners,  mais  des  tenants  in  common,  de  simples  colenan- 
ciers  par  indivis. 


Lniit 


SECTION  HUITIEME 

DES  POSSESSIONS  CONDITIONNELLES  ET,  EN 
PARTICULIER,  DES  MORTS-GAGES. 

INTRODUCTION. 

497.  —  Les  tenures  sous  conditionne  constituent  pas, 
à  vrai  dire,  une  espèce  particulière  de  tenures  ;  car  la 
condition  n'est  qu'une  modalité  de  la  tenure  à  laquelle 
elle  se  reporte.  L'une  des  tenures  sous  condition  les  plus 
importantes  porte  le  nom  de  mort-gage,  légal  ou  équitable, 
et  correspond  à  ce  que,  dans  le  droit  du  continent,  on 
range  sous  la  rubrique  du  privilège  immobilier,  de  l'anti- 
chrèse  ou  de  l'hypothèque. 

Avant  d'étudier  celle  matière  avec  les  développements 
qu'elle  comporte,  nous  tenons  à  dire  quelques  mots  des 
restrictions  qui  peuvent  être  apportées  aux  droits  des  ac- 
quéreurs ou  donataires  d'immeubles. 

CHAPITRE  I 

Des  restrictions  apportées  aux  droits  des  acquéreurs 
d'immeubles. 

Sommaire  :  498.  Conditions  imposées  par  testament  ou  par  contrat  de 
mariage  :  covenants;  leur  efficacité  à  l'égard  des  successeurs  de  celui 
qui  les  a  souscrits.  —  499.  Conditions  suspensives  ou  résolutoires;  im- 
possibles, illicites  ou  immorales.  —  500.  Conditions  répugnantes.  — 
501.  Conditions  expresses  ou  implicites. 

498.  —  Les  conditions  auxquelles  est  subordonnée  la 
jouissance  d'un  immeuble  découlent  le  plus  souvent  des 


RESTRICTIONS  AUX  DROITS  DES  ACQUÉREURS  DTMMEUBLES     371 

clauses  d'un  testament  ou  d'un  contrat  de  mariage.  Il 
est  assez  rare  qu'on  en  insère  dans  un  contrat  de  vente, 
hormis  le  cas  où  la  possession  de  l'immeuble  n'est  trans- 
mise qu'à  terme  ou  à  vie.  En  cas  de  vente  d'un  fief 
simple,  le  vendeur  qui  entend  limiter  en  quelque  ma- 
nière les  droits  de  l'acquéreur  lui  fait  signer  un  enga- 
gement [covenant).  Cet  engagement  lie  toujours  l'acqué- 
reur qui  l'a  souscrit;  mais  il  est  souvent  difficile  de 
déterminer  s'il  lie  également  ses  successeurs  et  ayants- 
cause,  alors  qu'ils  n'en  ont  pas  eu  connaissance^  et  s'il 
suit  ou  non  l'immeuble  en  quelques  mains  qu'il  passe. 
Ainsi,  il  est  douteux  qu'à  raison  des  engagements  ac- 
ceptés par  son  auteur,  un  tiers  acquéreur  puisse  être 
contraint  de  payer  une  rente  ou  de  conserver  un  che- 
min au  travers  du  domaine.  Si,  au  contraire,  la  convention 
qu'on  prétend  lui  opposer  a  pour  but  de  régler  ou  de  li- 
miter le  mode  même  de  jouissance  de  l'immeuble,  ou  de 
préciser  le  mode  de  conservation  et  de  production  des 
titres  de  propriété  concernant  le  domaine,  il  est  possible 
qu'un  tiers  acquéreur,  non  averti  de  l'existence  de  la  con- 
vention, ne  puisse  pas  être  recherché  en  droit  strict;  mais 
les  cours  d'équité  le  tiendraient  incontestablement  pour 
obligé  et  le  contraindraient  à  respecter  la  condition  sous- 
crite par  son  auteur'. 

Il  va  sans  dire  qu'en  tout  étal  de  cause  le  signataire  du 
covenant  oblige  non  seulement  sa  propre  personne,  mais 
encore  ses  héritiers  et  exécuteurs,  pourvu  que,  selon  l'u- 
sage, les  héritiers  aient  été  mentionnés  ;  il  serait  passible 
de  dommages  et  intérêts  si,  pour  une  raison   quelconque. 


'   Whatman  c.  Gibson,9  Sim.,       571;  Manne,  iitephens,  15  Sim. 
i%;Tulk   c.    Moxhay,   11  Beav.,       377;  Sugden,  F.  and  P.,  47'i. 


372     RESTRICTIONS  AUX  DROITS  DES  ACQUEREURS  DTMMEUBLES 

l'engagement  devenait  caduc,  par  exemple  à  l'égard  d'un 
tiers  acquéreur  non  prévenu. 

499.  —  Lorsque  les  biens  sont  tenus  sous  des  con- 
ditions expresses,  les  conditions  sont  suspensives  ou  ré- 
solutoires. Les  conditions  impossibles,  immorales,  ou 
contraires  à  l'ordre  public,  empêchent,  si  elles  sont  sus- 
pensives, la  transmission  de  l'immeuble;  si  elles  sont  ré- 
solutoires, elles  sont  elles-mêmes  entachées  de  nullité  et 
ne  portent  aucune  atteinte  à  la  transmission  qui  a  été 
effectuée. 

500.  —  On  désigne  sous  le  nom  de  conditions  répu- 
gnantes celles  qui  sont  contraires  à  l'essence  même  de  la 
possession  qu'on  entendrait  y  subordonner;  par  exemple, 
lorsqu'un  fief  simple  est  vendu  ou  donné  à  une  personne 
et  à  ses  héritiers,  la  condition  qui  serait  faite  à  cette  per- 
sonne de  ne  pas  aliéner  le  bien.  Les  conditions  répugnan- 
tes sont  réputées  non  écrites. 

501.  —  Enfin,  il  y  a  des  conditions  expresses  ou  im- 
plicites. Les  conditions  implicite^  sont  celles  qui  ne  sont 
pas  formellement  énoncées.  Ainsi,  dans  le  cas  où  un  im- 
meuble serait  donné  à  vie  moyennant  le  payement  d'une 
certaine  redevance,  il  est  bien  entendu  que  le  donataire 
serait  passible  d'expulsion  s'il  ne  s'acquittait  pas  réguliè- 
rement :  la  condition  produirait  ses  effets  bien  que  non 
formulée  dans  l'acte. 


CARACTERES   ET  DÉVELOPPEMENT  DE    L'INSTITUTIU.N      373 

CHAPITRE  II 
Des  morts-gages. 

I 

Caractères  et  développement  historique 
de  l'institution. 

Sommaire  :  502.  Gage  vivant,  mort-gage.  —  503.  Définition  du  gage  vi- 
vant. —  504.  Définition  du  mort-gage.  —  505.  Différences  entre  l'in- 
terprétalion  donnée  du  mort-gage  par  les  tribunaux  ordinaires  et  par 
les  cours  d'équité;  faculté  de  rachat.  — 506.  Lois  de  1736,  1852  et  1873. 
—  507.  Règle  onr.e  a  mortgage,  aUcays  a  mortgage.  —  508.  Cas  où  il 
y  a  eu  vente  sous  clause  de  réméré.  —  509.  Législation  moderne;  ca- 
ractère qu'elle  a  donné  au  mort-gage. 

502.  —  En  fait  de  possessions  tenues  par  un  créancier 
à  litre  purement  conditionnel  et  pour  sûreté  de  sa  créance, 
on  distinguait,  dans  l'ancien  droit  anglais,  le  gage  vivant 
(vivum  vadium,  living  pledge)  et  le  gage  mort  ou  mort- 
gage  [mortimm  vadiwn,  dead pledge)^. 

503.  —  Le  gage  vivant  était  celui  dont  le  créancier 
n'était  nanti  que  pendant  le  temps  qu'il  fallait  pour  amor- 
tir la  créance,  en  principal  et  intérêts,  au  moyen  des  re- 
venus annuels  du  bien.  On  l'appelait  vivant,  parce  qu'il 
survivait  à  la  dette  et  faisait  retour  au  débiteur,  son  pro- 
priétaire, aussitôt  que  la  dette  avait  été  remboursée;  ou, 
suivant  d'autres,  parce  que  le  gage,  travaillant  lui-même 
par  ses  fruits  à  l'extinction  de  la  dette,  semblait  posséder 
une  sorte  de  vitalité-.  Ce  genre  de  sûreté  paraît  avoir 
complètement  disparu. 


«  Cpr.  Stephen,Comm.,14eédit.,  "^  Snell,  Eq.,  299;  Co.  Litt.,  205. 

p.  175  et  suiv. 


374      CARACTERES   ET   DEVELOPPEMENT    DE   L'INSTITUTION 

504.  —  Le  mort-gage,  beaucoup  plus  commun,  était 
celui  dont  le  créancier  était  définitivement  nanti,  sous  la 
seule  réserve  de  le  restituer  si  le  débiteur  était  en  mesure 
de  se  libérer  à  l'échéance;  si  le  débiteur  laissait  passer 
l'échéance  sans  s'acquitter,  le  droit  du  créancier  sur  l'im- 
meuble devenait  absolu  et  irrév^ocable.  Le  créancier  ne 
tenait  le  bien  en  mort-gage  que  pendant  la  période  où  le 
débiteur  avait  la  faculté  de  se  libérer  et  de  se  faire  rétro- 
céder Timmeuble^  En  d'autres  termes,  le  mort-gage  était 
une  sûreté  en  vertu  de  laquelle  le  créancier  devenait  pro- 
priétaire d'un  immeuble  appartenant  à  son  débiteur,  à 
charge  de  le  lui  restituer  si  la  dette  était  remboursée  à 
l'échéance.  Les  cours  de  justice  ne  considéraient  pas  le 
mort-gage  comme  une  simple  garantie,  analogue  à  l'hypo- 
thèque du  droit  français  :  at  law,  le  créancier  acquérait 
sur  l'immeuble  un  estate  in  fee  shnple;  il  en  était  réputé 
propriétaire.  Seulement,  en  vertu  d'une  convention  acces- 
soire, il  était  le  plus  souvent  stipulé  que  le  débiteur  con- 
serverait la  jouissance  du  bien  jusqu'à  l'échéance. 

505.  —  Au  reste,  il  y  a  eu  de  très  vieille  date  une  dif- 
férence sensible  entre  la  manière  dont  l'institution  du  mort- 
gage  était  comprise  soit  par  les  tribunaux  ordinaires,  soit 
par  les  cours  d'équité.  Les  premiers  s'en  tenaient  rigou- 
reusement à  la  théorie  que  nous  venons  d'exposer;  par 
suite,  dès  le  moment  de  la  constitution  du  mort-gage,  le 
débiteur  cessait  de  pouvoir  concéder  valablement  sur  l'im- 
meuble aucun  droit,  fût-ce  un  simple  bail  à  terme;  et,  dès 
qu'il  laissait  passer  le  jour  de  l'échéance  sans  s'acquitter, 
le  créancier  pouvait  provoquer  son  expulsion  et  se  mettre 
définitivement  en  son  lieu  et  place  :  le  moindre  défaut  de 

3  Blackstone,  éd.  fr.,  II,  564. 


CAKACTÈKES  ET  DÉVELOPPEMENT  DE  L'INSTITUTION        375 

ponctualité  privait  à  jamais  le  débiteur  de  l'immeuble  mort- 
gagé. 

Pendant  longtemps  les  relations  du  débiteur  mortgageur 
{mortgafjer)  avec  le  créancier  mortgagiste  [mortgagee) 
restèrent  sur  le  pied  que  nous  venons  d'indiquer.  Sous 
Jacques  I",  la  cour  de  Chancellerie  commença  à  s'interpo- 
ser entre  eux  de  façon  à  mitiger  l'extrême  rigueur  du  droit 
commun.  Sans  enlever  à  l'expropriation  découlant  du  mort- 
gage  ses  effets  légaux  traditionnels,  les  cours  d'équité 
cherchèrent  à  agir  sur  la  conscience  du  créancier;  elles 
déclarèrent  qu'il  serait  abusif  de  le  considérer  sans  une 
nécessité  absolue  comme  propriétaire  d.'un  immeuble  qui, 
dans  la  commune  intention  des  parties,  ne  devait  être  en- 
tre ses  mains  que  le  gage  du  remboursementde  sa  créance; 
et  elles  admirent  que  les  conséquences  strictes  du  non- 
payement  à  l'échéance  étaient  susceptibles  de  relief  ou,  en 
d'autres  termes,  que  le  débiteur,  même  après  avoir  en- 
couru la  dépossession  en  droit  strict,  jouirait,  en  équité, 
d'une  faculté  de  rachat  [equity  to  redeein)^  s'il  s'acquit- 
tait après  coup  dans  un  délai  raisonnable. 

506.  —  Les  juges  de  droit  commun  réagirent  tant 
qu'ils  purent  contre  cette  nouvelle  doctrine,  ce  qui  eut 
pour  résultat  pratique  de  faire  peu  à  peu  tomber  toutes  les 
affaires  demortgage  dans  la  juridiction  des  cours  d'équité. 
Toutefois  le  législateur  lui-même  se  décida,  dès  le  siècle 
suivant,  à  sanctionner  la  jurisprudence  plus  humaine  de 
ces  cours  :  d'après  un  statut  de  George  II  (St.  9,  Geo.  II, 
c.  20),  le  débiteur  fut  admis  à  éviter  le  déguerpissement  en 
payant,  pendant  le  cours  même  de  l'instance  ouverte  con- 
tre lui,  la  dette  en  principal  et  accessoires.  Le  statut  45  et 
16,  Vict.,  c.  70,  §^  219  et  220,  est  venu  depuis  confirmer 
cette  règle  :  lorsque,  le  débiteur  étant  resté  en  possession 


376      CARACTÈRES   ET  DEVELOPPEMENT  DE  L'INSTITUTION 

de  rimmeuble  mortgagé,  lecréancier  intente  contre  lui  son 
action  en  ejectment,  il  est  loisible  au  débiteur  d'arrêter  les 
poursuites,  et,  par  conséquent,  de  neutraliser  l'effet  da 
mort-gage,  en  payant  ce  qu'il  doit  en  principal  et  acces- 
soires. Enfin,  la  loi  sur  l'organisation  judiciaire  de  1873 
(§  2S,  al.  5)  statue  que,  si  le  débiteur  est  resté  en  posses- 
sion de  l'immeuble  et  si  le  créancier  n'a  pas  manifesté 
l'intention  de  s'y  installer  lui-même  et  d'en  percevoir  les 
fruits,  le  débiteur,  bien  que  réputé  en  droit  strict  n'être 
plus  propriétaire  de  l'immeuble,  a  néanmoins  la  faculté 
d'intenter  en  son  propre  nom  les  actions  possessoires  et 
les  actions  tendant  à  obtenir  soit  le  payement  des  fruits  et 
revenus  de  l'immeuble,  soit  des  dommages  et  intérêts  à 
raison  de  quasi-délits  commis  par  les  tiers. 

507.  —  A  peine  le  principe  à'equity  eut-il  été  opposé 
à  l'ancienne  règle  légale  que  les  créanciers  cherchèrent, à 
en  éluder  les  conséquences  au  moyen  d'une  convention 
expresse;  et  il  fallut  que  les  cours  d'équité  déclarassent 
qu'elles  tiendraient  pour  non  avenue  la  renonciation  faite 
par  le  débiteur  à  la  faculté  de  rachat  lors  de  la  passation 
du  contrat,  pourvu  qu'il  offrît  le  remboursement  dans  un 
délai  raisonnable.  C'est  ce  qu'a  exprimé  l'adage  :  once  a 
mortfjage^  ahvays  a  mo7'lgage ;  lorsqu'un  bien  avait  le  ca- 
ractère d'un  mort-gage,  il  devait  le  conserver  et  ne  pou- 
vait passer  au  créancier  sous  un  autre  titre,  en  vertu  du 
même  contrat,  quelle  que  fût  la  clause  insérée  dans  l'acte 
ou  la  forme  donnée  à  la  transmission  de  l'immeuble  pour 
neutraliser  la  faculté  de  rachat  inhérente  au  mort-gage. 
Au  reste,  le  créancier  resta  libre  de  stipuler  en  sa  faveur 
un  droit  de  préférence  ou  de  préemption,  en  cas  de  vente 
de  l'immeuble,  ou  de  s'engager  à  ne  pas  réclamer  son  ca- 
pital tant  que  l'intérêt  en  serait  payé  exactement.   En  gé- 


CAHA(.TÈRES  ET   DÉVELOPPEMENT   DE  LINSTITLTION       377 

néral,  toute  convention  entre  les  deux  parties  demeure  va- 
lable pourvu  qu'elle  n'ait  pas  pour  effet  direct  ou  indirect 
de  priver  le  déh'deur  de  Vequily  lo  redeem. 

508.  — Le  principe  d'équité  qui  a  prévalu  en  matière 
de  mort-gage  ne  s'applique  pas  au  cas  où  il  y  a  eu  dès 
le  début  entre  les  parties  un  contrat  de  vente  sous  clause 
de  réméré  :  un  semblable  contrat  est  parfaitement  va- 
lable, si  telle  a  été  réellement  la  commune  intention  des 
parties.  Mais  il  serait  toujours  permis  de  prouver  qu'il 
ne  constitue  qu'un  mort-gage  déguisé  et  doit  être  traité 
en  conséquence.  Telle  serait  une  vente  apparente  moyen- 
nant un  prix  dérisoire,  à  la  suite  de  laquelle  l'acquéreur 
n'aurait  pas  été  mis  en  possession  du  bien  vendu  ;  ou 
d'après  laquelle  l'acquéreur,  mis  en  possession,  serait 
tenu  de  rendre  compte  des  fruits  au  vendeur  sauf  prélève- 
ment d'une  portion  équivalant  à  des  intérêts;  ou,  enfin, 
dont  les  frais  d'acte  seraient  à  la  charge  du  vendeur.  La 
question  desavoir  si  un  contrat  est  un  mort-gage  ou  une 
vente  à  réméré  est  fort  importante  au  point  de  vue  de  ses 
effets:  tandis  que,  dans  un  mort-gage,  même  après  avoir 
perdu  la  propriété  en  droit  strict  [forfeilure  ai  law),  le 
mortgageur  jouit  de  son  droit  de  rachat  "  équitable  »,  en 
matière  de  vente  à  réméré,  au  contraire,  le  vendeur  ne  peut 
exercer  le  rachat  qu'en  s'en  tenant  très  exactement  au  délai 
stipulé,  sous  peine  d'une  déchéance  dont  nul  tribunal  n'a 
le  pouvoir  de  le  relever.  D'un  autre  côté,  si  l'acheteur  sous 
clause  de  réméré  meurt  avant  quele  vendeurait  usé  de  son 
droit,  et  que  levendeurusede  ce  droit  immédiatement  après 
le  décès,  le  prix  de  rachat  appartient  aux  rcal  représen- 
tatives de  l'acquéreur,  c'esl-à-dire,  aux  héritiers  appelés 
à  recueillir  ses  immeubles;  tandis  que,  s'il  s'agit  d'un 
mort-gage,  le  capital  remboursé  appartient  aux  pcrsonal 


378      CARACTERES  ET   DÉVELOPPEMENT   DE   LTXSTITUTIO.X 

representatwes  du  créancier,  c'esl-à-dire  aux  héritiers  ap- 
pelés à  recueillir  sa  fortune  mobilière. 

509.  —  La  loi  sur  l'organisation  judiciaire  de  1873  a 
expressément  ciiargé  la  division  de  Chancellerie  de  la 
Haute-Cour  de  toutes  les  alîaires  relatives  au  rachat  et 
à  la  forclusion  des  morls-gages  (§  34).  En  conséquence, 
si,  après  l'échéance,  le  créancier  entre  en  possession  du 
bien,  la  division  de  Chancellerie  ne  l'en  contraint  pas 
moins  à  tenir  un  compte  exact  des  fruits  et  revenus;  et, 
du  moment  qu'il  a  touché  une  somme  suffisante  pour 
éteindre  sa  créance  en  principal  et  accessoires,  elle  l'o- 
blige à  rétrocéder  l'immeuble.  A  vrai  dire,  en  equity, 
le  mortgagiste  est  considéré  comme  n'ayant  de  droit  sur 
l'immeuble  que  jusqu'à  concurrence  de  ce  qui  est  néces- 
saire pour  assurer  le  remboursement  intégral  de  sa 
créance.  Vequity  of  rédemption,  assurée  au  débiteur, 
modifie  complètement  la  nature  du  droit  du  créancier  : 
le  mort-gage  n'est  plus,  comme  notre  hypothèque,  qu'une 
garantie  de  l'argent  par  lui  prêté.  At  laio ,  il  a  un  droit 
absolu  sur  l'immeuble,  il  peut  en  disposer  par  testament, 
et,  s'il  meurt  intestat,  le  bien  passe  à  ses  héritiers  univer- 
sels; en  equity,  il  a  tout  simplement  une  sûreté  pour  le 
remboursement  de  son  argent,  sûreté  qui  passe  avec  ses 
autres  biens  meubles  à  ses  exécuteurs  testamentaires  ou 
aux  administrateurs  de  sa  succession,  dont  le  légataire  ou 
l'héritier  n'est  à  cet  égard  que  le  trustée  :  une  fois  la  dette 
remboursée  entre  les  mains  de  ses  exécuteurs  ou  adminis- 
trateurs, la  Cour  enjoint  au  légataire  ou  à  l'héritier  de  rétro- 
céder l'immeuble  au  débiteur,  bien  qu'il  n'ait  pas  reçu  un 
centime  pour  lui-même.  Bien  plus,  lesexécuteurset  adminis- 
trateurs on  t  aujourd'hui  le  pou  voir  de  rétrocéder  eux-mêmes 
l'immeuble  après  payement  intégral  delà  dette  qu'il  garantit. 


CONSTITUTION   ET  EFFETS  GÉNÉHAUX    DU   MORT-GAGE      379 

II 

Constitution  et  effets  généraux  du  mort-gage. 

SoM.MAiRi;  :  510.  Forme  de  l'acte  constitutif;  covenant  aujourd'hui  su- 
perflu. —  511.  Droit  d'iustallatioQ  purement  nominal  pour  le  créancier. 
—  512.  Absence  de  mesures  de  publicité,  hormis  certains  comtés.  — 
513.  Effet  du  mort-gage  quant  aux  intérêts  arriérés  et  aux  avances 
ultérieures  du  créancier.  —  514.  Frais  à  la  charge  du  débiteur. 

510.  —  Au  point  de  vue  de  la  forme,  l'acte  constitutif 
d'un  mort-gage  consiste  habituellement  en  une  cession  du 
bien  au  profit  du  créancier  et  de  ses  héritiers  à  perpétuité, 
sous  la  condition  que,  si  telle  somme  lui  est  payée  tel 
jour  par  le  cédant,  le  cessionnaire  devra  lui  rétrocéder 
l'immeuble,  mais  qu'il  en  restera  propriétaire  tant  que 
cette  somme  ne  lui  aura  pas  été  payée,  et  pourra  le  faire 
vendre  à  l'échéance  pour  se  récupérer  sur  le  prix  du 
montant  de  sa  créance  en  principal  et  accessoires,  l'excé- 
dent du  prix  devant  être  remis  au  cédant.  A  l'acte  s'ajou- 
tait autrefois  un  engagement  [covenant]^  par  lequel  le 
cédant  et  ses  ayants-cause  s'obligeaient  à  rembourser  an 
cessionnaire  la  somme  due;  cet  engagement  est  aujour- 
d'hui superflu;  car,  en  vertu  du  Conveijancing  and  law  of 
property  act  1881  (St.  44  et  4.5,  Vict.,  c.  41),  §  26,  le  morl- 
gageurest  implicitement  obligé  au  payement,  à  l'échéance, 
du  capital  et  des  intérêts,  tout  comme  le  créancier  est 
tenu,  sans  qu'il  faille  aucune  clause  expresse,  de  lui  ré- 
trocéder le  bien  aussitôt  après  avoir  été  désintéressé. 

511.  —  Le  créancier,  en  vertu  de  l'acte,  a  le  droit  de 
s'installer  sur  l'immeuble;  mais  il  n'y  est  pas  obligé  el, 
en  fait,  depuis  que  les  règles  â'eguili/  ont  prévalu  sur 
celles  du  droit  strict,  il  ne  s'y  installe  plus  en  général. 

512.  —  Il  n'a,  d'ailleurs,  aucune  mesure  depublirité  à 


380    CONSTITUTION   ET   EFFETS   GÉNÉRAUX    DU  MORT-GAGE 

prendre  à  l'égard  des  tiers.  Il  n'y  a,  en  Angleterre,  de 
registres  pour  l'inscription  des  morts-gages  que  dans  les 
contrées  connues  sous  le  nom  de  register  couniies,  c'est- 
à-dire  :  xMiddlesex,  les  trois  Wû^m^s  d'York  et  Kingston- 
sur-HuU,  où,  faute  d'inscription^  l'acte  serait  nul  par 
rapport  aux  acquéreurs  et  mortgagistes  ultérieurs.  Toute- 
fois, dans  tous  les  cas  où  une  propriété  vient  à  être  imma- 
triculée, conformément  à  la  loi  de  1897  (voir  plus  haut  le 
n°400  bis),  les  mortgages  se  trouvent  inscrits,  comme  tous 
les  autres  droits  réels,  sur  le  feuillet  constitué  parle  Lajid 
Registrar. 

513.  —  Lorsqu'à  l'acte  constitutif  du  mort-gage  on  a 
ajouté  un  engagement  de  rembouser  la  dette  {covenant 
lo  pay),  le  créancier  peut  réclamer,  en  sus  du  capital, 
vingt  années  d'intérêts  arriérés  ^  A  défaut  de  covenant, 
il  ne  lui  est  pas  permis  d'en  réclamer  plus  de  six.  Mais  il 
a,  en  tout  état  de  cause,  le  droit  d'ajouter  au  principal 
de  sa  créance  le  montant  des  frais  de  perception  et  des 
réparations  nécessaires. 

En  principe,  le  mort-gage  légal  ne  couvre  pas  les 
avances  que  le  créancier  consentirait  ultérieurement  en 
faveur  du  débiteur,  encore  qu'elles  aient  été  faites  en 
vertu  d'une  convention  verbale  à  cet  effet.  Il  en  est 
autrement  du  mort-gage  équitable,  lequel  peut  s'appli- 
quer même  à  des  versements  ultérieurs,  s'ils  ont  été  faits 
sous  cette  condition. 

514.  —  Sauf  convention  contraire,  les  frais  du  mort- 
gage  sont  à  la  charge  du  débiteur,  le  solicitor  du  créan- 
cier examinant  les  pièces  et  préparant  la  minute  de  l'acte 
aux  frais  du  débiteur. 

♦  St.  3  et  4,  Guil.  IV,  c.  27,  §  42;  c.  42,  §  3. 


DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  DEBITEUR  MORTOAGEUR    381 

Lorsqu'un  acte  de  mort-gage  est  entaché  de  nullité,  les 
cours  d'équité  enjoignent  au  déliiteur  de  faire  un  nou- 
vel acte  régulier.  Toutefois  ce  second  acte  serait  natu- 
rellement primé  par  un  mort-gage  régulier  consenti,  dans 
l'intervalle,  à  un  tiers  de  bonne  foi. 

#  111 

Des  droits  et  obligations  du  débiteur  mortgageur. 

Sommaire  :  515.  Situation  respective  des  deux  parties.  —  516.  Faculté 
de  rachat  compétanl  au  débiteur.  —  517.  De  l'adage  :  redeem  up,  fore- 
dose  doicn.  —  518.  Epoque  où  le  rachat  peut  être  opéré.  —  519. 
Péremption  du  droit  de  rachat.  —  520.  Caractère  du  droit  de  racliat; 
obligation  de  l'héritier  quant  au  payement  de  la  dette  mortgagée  :  lois 
de  1854,  18G7  et  1877.  —  521.  Le  droit  de  rachat  peut  être  donné  en 
mort-gage.  —  522.  Droit  du  mortgageur  sur  le  bien  dont  il  est  resté 
nanti;  limitations  à  ces  droits.  —  523.  Concession  de  baux.  —  524.  Taux 
de  l'intérêt. 

515.  —  Des  développements  qui  précèdent  il  résulte 
que  le  débiteur  qui  constitue  un  mort-gage  est  considéré, 
€0  droit  strict,  comme  ayant  cessé  d'être  propriétaire 
de  l'immeuble  mortgagé,  mais  qu'en  equity  il  conserve, 
au  contraire,  provisoirement  sa  propriété  et  n'en  est 
dépouillé  que  si,  faute  de  payer  ce  qu'il  doit,  il  met  le 
créancier  dans  la  nécessité  de  faire  valoir  la  securily  à 
laquelle  se  réduit  aujourd'hui,  en  fait,  le  mort-gage. 

516.  —  De  toutes  les  prérogatives  du  débiteur  mort- 
gageur la  plus  importante  est  assurément  la  faculté  de 
rachat. 

Autrefois  cette  faculté  constituait  en  sa  faveur  un  sim- 
ple droit  personnel;  mais  lord  Hardwicke,  dans  le  procès 
Casborne  c.  Scarfe  {\  Atk.,  603)  a  démontré  qu'elle  est  un 
véritable  droit  réel  [estate  in  flir  la/td),  compétant  au 
mortgageur  en  sa  qualité  de  véritable  propriétaire  du  do- 


382     DES   DROITS   ET  OBLIGATIONS  DU   DÉBITEUR   MORTGAGEUR 

maine,  puisque,  d'après  les  principes  ^equittj  qui  ont 
prévalu,  le  domaine  n'est  pour  le  créancier  mortgagiste 
qu'une  security^  une  garantie  du  remboursement  de  sa 
créance.  Il  suit  de  là  :  1°  que  le  mortgageur,  en  tant  que 
véritable  propriétaire  en  eqiiity,  conserve  sur  l'immeuble 
tous  les  droits  d'administration  et  de  disposition  compati- 
bles avec  les  intérêts  du  créancier  mortgagiste  ;  2°  que  la 
faculté  de  rachat,  étant  un  droit  réel,  est  régie^  comme  le 
domaine  sur  lequel  elle  porte,  par  la  loi  générale  ou  par  la 
lex  loci^. 

La  faculté  de  rachat  n'appartient  pas  exclusivement  au 
débiteur  qui  a  constitué  le  mort-gage.  Elle  peut  être  égale- 
ment exercée  par  ses-ayants-cause,  c'est-à-dire  par  son 
héritier,  par  la  personne  à  qui  il  la  lègue,  par  une  per- 
sonne jouissant  d'un  droit  de  réversibilité  ou  d'expecta- 
tive, par  un  cessionnaire  ou  donataire,  ou  par  un  créancier 
mortgagiste  postérieur. 

517.  —  Toute  personne  qui  a  qualité  pour  racheter  le 
mort-gage  peut  aussi  racheter  les  créances  qui  priment  son 
propre  droit,  en  les  remboursant  en  principal  et  accessoi- 
res, sauf  à  voir  ledit  droit  racheté  par  les  créanciers  pos- 
térieurs en  rang  et,  en  dernière  analyse,  par  le  mortga- 
geur. Dans  une  action  en  forclusion,  l'habitude  est  d'offrir 
de  racheter  toutes  les  créances  qui  priment  celle  du  de- 
mandeur et  de  réclamer,  s'il  y  a  lieu,  la  forclusion  de 
celles  qui  viennent  après,  sauf  aux  titulaires  de  ces  der- 
nières à  racheter  à  leur  tour  le  demandeur.  C'est  ce  qu'ex- 
prime l'adage  vulgaire  :  redeem  up,  foreclosedown  :  «  Ra- 
chète en  remontant,  forclos  en  descendant  ». 

518.  — Le  rachat  ne  peut  pas  être  opéré  avant  l'époque 
prévue  par  l'acte,  encore  que  le  débiteur  offre  de  payer 

B  Cpr.  Snell,  Eq.,  p.  300. 


DES  DROITS   ET   OBLIGATIONS  DU  DÉBITKUR   .MORTfiA(;EUR     383 

rintérêl  jusqu'à  ladite  époque.  Si  le  créancier  mortgagiste 
consent  à  un  remboursement  anticipé,  il  a  droit,  en  tout 
étal  de  cause,  à  l'intérêt  jusqu^à  l'échéance  primitivement 
stipulée.  D'un  autre  côté,  si,  après  avoir  laissé  passer 
l'échéance,  le  mortgageur  veut  se  libérer,  il  doit  en  aviser 
le  créancier  six  mois  à  l'avance  et  par  écrit;  puis  lui  pré- 
senter les  fonds  ponctuellement  au  jour  indiqué,  sous 
peine  d'avoir  à  subir  un  nouveau  délai  de  six  mois,  le  créan- 
cier devant  toujours  avoir  un  laps  de  temps  raisonnable 
pour  trouver  un  nouveau  placement  sûr.  Dans  ces  divers 
cas,  si  le  créancier  accepte  par  complaisance  le  rembourse- 
ment avant  l'expiration  des  six  mois,  il  a  droit  à  rintérêl 
pour  la  période  semestrielle  complète. 

519.  — Antérieurement  au  Statute  of  limitations [^ei 
4,  Guil.  IV,  c.  27),  il  était  de  règle  qu'après  avoir  possédé 
Firameuble  pendant  vingt  ans,  le  créancier  mortgagiste 
ne  pouvait  plus  être  troublé  dans  sa  possession  par  l'exer- 
cice du  droit  de  rachat,  à  moins  que  le  retard  apporté  par 
le  débiteur  dans  l'introduction  de  son  action  en  rétrocession 
ne  provînt  d'une  cause  majeure,  telle  qu'un  emprisonne- 
ment, son  état  de  minorité,  etc.,  auquel  cas  il  jouissait,  en 
equity,  d'un  délai  supplémentaire  de  dix  ans  à  partir  delà 
disparition  de  l'empêchement.  Le  statut  sus-indiqué,  ex- 
pliqué par  le  St.  7,  Guil.  IV,  et  1,  Vict.,  c.  28,  décida  ex- 
pressément que,  quand  un  mortgagiste  aurait  été  mis  en 
possession  du  bien  affecté  à  sa  sûreté,  le  mortgageur 
n'aurait,  pour  exercer  l'action  en  rachat,  qu'un  délai  de 
vingt  ans  (sans  préjudice  des  dix  années  supplémentaires 
en  cas  d'incapacité)  à  partir  soit  de  l'entrée  en  possession, 
soit  d'une  reconnaissance  écrite  de  son  droit  par  le  mort- 
gagiste.  D'après  le  Real  property  limitation  act  de  1874 
(St.  37  et  38,  Vict.,  c.  .-)7),  le  laps  de  vingt  ans  a   été  ra- 


384     DES  DROITS   ET  OBLIGATIONS   DU   DEBITEUR   .MOBTGAGIiUR 

mené,  à  partir  du  r''  janvier  1879,  à  douze  ans,  et  celui 
de  dix  (pour  cause  d'incapacité)  à  six  ans. 

520.  —  Pendant  Ja  durée  du  mort-gage,  la  faculté  de 
rachat  constitue,  au  profit  du  mortgageur,  un  eî^tate  qu'il 
peut  aliéner  et  transmettre  à  ses  héritiers,  de  même  que 
tout  autre  cstate  in  equity.  Lorsqu'il  meurt,  l'immeuble 
mortgagé  passe  soit  à  ses  légataires,  s'il  a  fait  un  testament, 
soit  à  ses  héritiers  ab  intestat.  La  dette  garantie  par  cet 
immeuble  était  autrefois,  comme  toute  autre  dette,  paya- 
ble en  première  ligne  sur  les  biens  meubles  du  défunt. 
Comme,  en  equity,  l'immeuble  mortgagé  constitue  seule- 
ment pour  le  créancier  une  sûreté  éventuelle,  il  n'en  était 
pas  moins  dévolu  selon  les  mêmes  règles  que  le  reste  de  la 
fortune  immobilière  du  mortgageur,  sauf  à  être  repris  pour 
le  payement  de  la  dette  si  la  fortune  mobilière  n'y  suffisait 
pas.  D'après  une  loi  de  1834''',  si  le  débiteur  mortgageur 
mourait  sans  avoir  laissé  d'instructions  contraires,  l'héri- 
tier ou  légataire  à  qui  passait  l'immeuble  n'avait  pas  le 
droit  d'exiger  que  la  dette  fût  payée  sur  l'avoir  mobilier  du 
défunt;  l'immeuble  mortgagé  devait  rester  affecté  en  pre- 
mière ligne  au  payement  de  la  dette  qu'il  garantissait.  Une 
loi  de  1867  (St.  30  et  31,  Vict.,c.  69)  vint  préciser  le  sens 
de  la  précédente,  en  statuant  que,  si  une  personne  mourant 
après  le  31  décembre  1867  ordonnait  en  termes  généraux, 
dans  son  testament,  que  toutes  ses  dettes  fussent  payées 
sur  son  avoir  mobilier,  cette  disposition  ne  serait  pascon- 
sidérée  comme  impliquant  une  dérogation  au  principe 
posé  par  la  loi  de  1854  :  il  faut  que  l'intention  contraire 
du  testateur  soit  énoncée  en  termes  exprès,  ou,  tout  au 
moins,  qu'il  ait  pris  soin  de  préciser  qu'il  parle  même  de 
celles  de  ses  dettes  qui  sont  garanties  par  nn  mort-gage. 

«  St.  17  et  18,  Vict.,  c.  113,  Locke  King's  Act. 


DES  DROITS  ET   OBLIGATIONS  DU   DÉBITEUR  MORTGAGEUR    385 

Les  deux  lois  de  1854  et  de  1867  ne  s'appliquaient  pas 
aux  terres  tenues  par  baux  à  long  terme;  et  la  seconde, 
si  elle  étendait  les  dispositions  sur  le  mort-gage  au 
privilège  {lien)  ^ouv  ce  qui  reste  dû  sur  le  prix  d'un  im- 
meuble acquis  par  un  testateur,  ne  les  étendait  pas  au  privi- 
lège relatif  au  prix  encore  impayé  d'un  immeuble  acquis 
par  une  personne  mourant  intestat.  Une  troisième  loi  (St. 
40  et  41,  Vict.,  c.  34)  est  venue,  en  1877,  amender  et 
compléter  les  deux  premières.  Elleporte  que  ces  deux  lois, 
lorsqu'il  s'agit  d'une  personne  mourant  après  le  31  décem- 
bre 1877,  s'appliquent  indifféremment,  d'une  part,  à  toute 
espèce  de  terres  ou  d'héritages,  quelle  qu'en  soit  la  te- 
nure, — par  conséquent,  aux  leaseholdi  ,  comme  a,\\xfree 
holdseta.ux  copi/holds,  —  d'autre  part,  à  toute  personne 
ayant  des  droits  à  faire  valoir  [seised  or  possessedofor  en- 
titkdto)  sur  un  immeuble  grevé,  au  jour  de  son  décès, 
d'un  mort-gage,  de  telle  autre  équitable  charge  ou  d'un 
privilège  pour  prix  d'achat  encore  impayé,  que  cette  per- 
sonne laisse  un  testament  ou  qu'elle  n'en  laisse  point. 
L'héritier  ou  légataire  de  l'immeuble  ne  peut  exiger  que  la 
somme  due  soit  payée  sur  d'autres  biens  du  défunt  qu'au- 
tant que  ce  dernier  l'a  expressément  et  spécialement  or- 
donné. 

521.  —  Le  débiteur  a  le  droit  de  mortgager  pour  sû- 
reté d'une  autre  créance  le  droit  de  rachat  qui  lui  compète. 
Seulement  une  loi  de  1693  (St.  4  et  5,  Guill.  III  et  Mar., 
c.  16,  §  3),  porte  qu'il  encourt  la  perte  de  ce  droit,  s'il 
mortgage  deux  fois  le  même  immeuble  sans  aviser  le  se- 
cond créancier  de  l'existence  du  premier  mort-gage. 

522.  —  Le  mortgageur,  tant  qu'il  reste  en  possession 
de  l'immeuble  mortgage,  n'a  aucun  compte  à  rendre  des 
fruits  et  accroissements,  encore  que  le  créancier  prouvât 

Leur.  25 


386     DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  DEBITEUR  MOHTGAGEUH 

que  ses  sûretés  sont  insuffisantes;  il  n'est  à  aucun  degré 
l'agent  ou  «  bailiff  »  du  créancier. 

Néanmoins,  et  bien  qu'en  equity  le  débiteur  conserve 
la  propriété  du  bien  tant  qu'il  n'a  pas  encouru  la  forclu- 
sion, l'exercice  de  ce  droit  est  soumis  à  certaines  restric- 
tions, afin  qu'il  n'en  use  pas  au  préjudice  ou  en  fraude 
des  droits  du  créancier.  Ainsi,  à  la  requête  de  ce  dernier, 
les  cours  d'équité  feront  défense  au  mortgageur  de  com- 
mettre sur  les  biens  des  wastes  de  nature  à  en  diminuer 
la  valeur,  par  exemple  d'y  abattre  du  bois  de  haute  fu- 
taie, du  moment  que  le  créancier  justifie  que  ces  wastes 
compromettraient  ses  sûretés \  Le  créancier  pourra  aussi, 
dans  la  même  hypothèse,  évincer,  s'il  y  a  lieu,  le  mort- 
gageur, que  les  cours  d'équité  regardent,  à  ce  point  de 
vue,  comme  un  simple  tenant  at  will.  Parfois  le  créan- 
cier rétrocède  expressément  l'immeuble  au  mortgageur; 
mais,  le  plus  souvent,  celui-ci  déclare  simplement  qu'il  se 
considère  comme  le  tenant  du  mortgagiste  et  comme  obligé 
envers  lui  au  payement  d'une  redevance  déterminée. 

523.  —  De  ce  que  le  mortgageur  n'est  qu'un  tenant 
at  will,  il  résulte  qu'il  ne  peut  conclure  un  bail  opposa- 
ble au  mortgagiste,  et  que  celui-ci  aurait  la  faculté  d'ex- 
pulser le  preneur  sans  nul  avertissement  préalable.  Par 
conséquent,  il  est  nécessaire,  en  pratique,  que  le  créan- 
cier et  le  débiteur  s'entendent  au  sujet  de  la  location,  pour 
peu  que  le  preneur  ait  des  dépenses  à  faire  sur  le  bien  et 
doive  redouter  de  s'en  voir  brusquement  expulsé. 

524.  —  La  cour  de  Chancellerie,  pour  prévenir  toute 
aggravation  au  préjudice  du  débiteur,  a  posé  en  principe 
que,  quand  une  créance  est  productive  d'intérêts,  est  nulle 

7  FaTrantt.  Lovell,  3  Atk.,  723;  Kina  c.  Smith,  2  Hare,  239;  Russe. 
Mills,  7  Gr.,  145. 


dA  ^^ 


DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  CREANCIER  MORTGAGISTE    387 

la  clause  par  laquelle  les  parties  conviendraient  d'une 
élévation  du  taux  de  l'intérêt  dans  le  cas  où  les  termes 
n'en  seraient  pas  payés  exactement.  Elle  admet,  au  con- 
traire, ce  qui  en  pratique  revient  au  même,  que  les  par- 
ties peuvent  valablement  convenir  d'un  taux  élevé,  sous 
la  condition  quele  créancier  se  contentera  d'un  taux  moin- 
dre en  cas  de  payement  ponctuel*.  Autrefois,  le  taux  le 
plus  élevé  qu'il  fût  licite  de  stipuler  en  matière  de  morts- 
gages  immobiliers,  était  celui  de  cinq  pour  cent.  Mais  une 
loi  du  10  août  1854  (St.  17  et  18,  Vicl.,  c.  90)  a  abrogé 
sans  réserve  toutes  les  règles  sur  la  limitation  du  taux 
de  l'intérêt. 

lY 
Des  droits   et  obligations   du  créancier  mortgagiste. 

Sommaire  :  525.  Situation  légale  du  créancier.  —  526.  Réparations  néces- 
saires. —  527.  En  equity,  le  créancier  est  le  bailiffàn  débiteur;  limites 
de  sa  responsabiliié.  —  528.  Droit  de  conserver  les  tilres,  tant  qu'il 
n'a  pas  été  remboursé.  —  529.  Le  mortgagiste  peut-il  être  fermier  du 
morlgageur?  —  530.  Aflermement  du  domaine  mortgagé.  —  531.  Morl- 
gige  dun  leasehold    ou  d'un  droit  de  patronage.  —  532.  Anatocisme. 

—  533.  Question  des  loastes.  —  534.  Droit  des  créanciers  du  mortga- 
giste sur  le  mort-gage.  —  535.  Droit  du  créancier  mortgagiste  dans  le 
cas  où  le  débiteur  ne  s'acquitte  pas  à  l'échéance;  action  en  forclusion. 

—  536.  Power  of  sale  inséré  dans  l'acte  constitutif;  loi  de  1881.  — 
537.  Emploi  du  prix  de  vente.  —  538.  Le  créancier  peut  user  de  ses 
divers  droits  cumulativement.  —  539.  Subrogation  d'ua  tiers  au.K  droits 
du  créancier;  payement  avec  subrogation.  —  540.  E.\linction  de  la 
dette  et  rétrocession  du  mort-gage. 

525.  —  Le  créancier  devient,  en  vertu  du  mort-gage, 
le  propriétaire  légal  du  domaine.  Par  conséquent,  en 
droit  strict  {at  law),  il  peut  en  prendre  immédiatement 
possession  ou,  si  le  domaine  est  loué,  en  percevoir  les 

8  Burr.,  1374;  1  Fonb.,  £:y.,398. 


388     DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  CREANCIER  MORTGAGISTE 

fruits.  Les  frais  de  perception  nécessaires  doivent  s'im- 
puter sur  les  fruits  du  domaine.  Le  créancier  a  même  la 
faculté  d'exiger  que  le  débiteur  paye  un  receveur  spécial, 
si  l'acte  constitutif  ne  l'en  dispense  pas  expressément  '. 
Mais  les  cours  d'équité,  pour  prévenir  des  abus,  refusent 
d'accorder  au  créancier  aucune  indemnité  pour  ses  peines 
personnelles  ou  pour  les  gages  d'un  receveur  qu'il  aurait 
installé  lui-même  sur  le  bien  sans  entente  préalable  avec 
le  mortgageur;  car  elles  n'admettent  pas  qu'il  puisse  tirer 
de  l'immeuble  un  bénéfice  quelconque  en  dehors  du  capi- 
tal, des  intérêts  et  des  frais  *". 

526.  —  Lorsque  le  créancier  est  en  possession  du  bien, 
il  est  tenu  d'y  faire  les  réparations  nécessaires  jusqu'à 
concurrence  de  l'excédent  des  revenus  ;  il  ne  peut  être 
contraint  à  des  avances  au  delà  de  cet  excédent  ni  à  des 
dépenses  pour  des  travaux  simplement  utiles.  Il  a  le 
droit  de  se  faire  rembourser  les  frais  qu'il  a  eu  à  sup- 
porter pour  le  renouvellement  des  baux  ou  la  conserva- 
tion de  son  titre;  mais  il  ne  peut  obliger  le  débiteur  à 
avancer  contre  son  gré  de  l'argent  en  vue  du  renouvelle- 
ment des  baux. 

527.  —  En  equily,  le  créancier  mortgagiste  qui  est  en 
possession  du  bien  est  considéré,  dans  une  certaine  me- 
sure, comme  un  représentant  ou  hailiff  du  débiteur,  et 
il  est  comptable  des  revenus  qu'il  tire  du  domaine.  Par 
suite,  s'il  transfère  le  mort-gage  à  un  tiers  sans  le  con- 
sentement du  débiteur,  il  est  comptable  des  fruits  perçus 
même  postérieurement  à  la  cession;  aussi,  en  pratique, 
le  débiteur  est-il  toujours  invité  à  intervenir,  lorsque  le 
créancier  projette  de  faire  cession  de  son  droit. 

9  St.  23  et  24,  Vict.,  c.  145.  «"  Goifrey  c.    Watson,  3   Atk., 

518;  French  c.  Baron,  2  Atk.,  120. 


DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  CREANCIER  MOliTGAGISTE    389 

Mais,  dans  ce  décompte  des  revenus,  le  mortgagiste  n'a 
pas  à  se  préoccuper  du  chiffre  qu'ils  pourraient  atteindre 
d'après  la  valeur  actuelle  du  bien,  à  moins  que  le  mort- 
gageur  ne  puisse  prouver  qu'en  fait  le  mortgagiste  a  tiré 
du  bien  un  bénéfice  supérieur  à  celui  qu'il  accuse,  ou 
qu'il  l'eût  retiré  s'il  n'y  avait  mis  obstacle  volontaire- 
ment et  par  sa  faute,  par  exemple  en  expulsant  sans 
motifs  un  fermier  qui  payait  un  loyer  plus  élevé,  ou  en 
refusant  par  caprice  d'en  accepter  un  qui  offrait  un 
loyer  plus  avantageux.  En  d'autres  termes,  le  mortgagiste 
ne  doit  compte  que  des  revenus  qu'il  perçoit  actuelle- 
ment, à  moins  qu'il  ne  soit  en  faute  :  on  ne  saurait  exiger 
de  lui  qu'il  se  donne  de  la  peine  pour  tirer  de  la  pro- 
priété d'aulrui  le  meilleur  parti  possible  ".  La  règle  qui 
limite  la  responsabilité  du  mortgagiste  nanti  s'applique 
également  au  mortgagiste  qui  vend  le  bien  en  vertu  d'un 
poioer  of  sale  '^ 

528.  — Tant  qu'on  ne  lui  rembourse  pas  la  dette  en 
principal  et  accessoires,  le  mortgagiste  ne  peut  être  con- 
traint de  produire  les  titres  de  propriété  du  domaine,  en- 
core que  la  production  en  soit  demandée  par  le  mortga- 
geur  en  vue  de  contracter  un  emprunt  pour  éteindre  la 
première  obligation.  Toutefois  le  débiteur  jouit  aujourd'hui 
du  droit  d'en  prendre  à  ses  frais  des  extraits  ou  des  co- 
pies et,  par  conséquent,  de  se  les  faire  communiquer  à  cet 
effet''.  D'antre  part,  au  moment  du  rachat,  le  créancierdoit 
être  en  mesure  de  restituer  tous  les  titres,  sous  peine  de 
dommages  et  intérêts  s'il  en  estqu'il  a  perdusou  détournés '^ 

"  Coole,  on  Mortgar/es,  7"  édit.,  '*  Damer  c.  lord  Pontarlingtotif 

t.  II,  pp.  1151  et  suiv.  15  Sim.,   .3K):  Sheffield  c.   Eden, 

'*  Jiayerc.  ^/urrai/,  8  Ch.  Dît.,  10  Ch.  Div.,  291;    James  c.  Rum- 

424.  ««y,  11  Ch.  Div.,  398. 
.    >3  St.  44  et  45,  Vict.,  c.  il,  §  16. 


390    DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  CREAN'CIER  MORTGAGISTE 

529.  —  On  s'est  demandé  si  le  mortgagisle  peut  vala- 
blement prendre  à  bail  du  mortgageur  le  bien  qui  lui 
sert  de  garantie.  Pour  la  négative,  on  fait  valoir  que  le 
mortgageur  est  plus  ou  moins  sous  la  coupe  du  mort- 
gagiste  et  ne  saurait  être  considéré  comme  ayant  l'indé- 
pendance voulue  pour  débattre  avec  lui  les  clauses  d'un 
bail.  Il  est  de  règle,  en  conséquence,  qu'un  semblable  bail 
soit  annulé  pour  peu  qu'il  fasse  l'objet  d'une  contestation 
entre  les  parties '^ 

530.  —  D'un  autre  côté,  bien  que,  en  droit  strict,  le 
mortgagiste  fût  censé  être  le  propriétaire  actuel  du  do- 
maine et  jouît,  par  là  même,  à  l'exclusion  de  toute  autre 
personne,  de  la  capacité  requise  pour  l'affermer,  la  vieille 
règle  (ïeqintT/.  étdii  qu'il  ne  pouvait  faire  le  bail  sans  le 
concours  du  mortgageur  que  s'il  y  avait  péril  en  la  de- 
meure '*.  Hormis  ce  cas  spécial,  il  fallait  que  les  deux  par- 
ties intervinssent  à  l'acte  toutes  les  fois  qu'il  devait  survi- 
vre au  mort-gage. 

Aujourd'hui,  cette  question  des  baux  est  expressément 
résolue  par  la  loi  de  la  façon  suivante  '\ 

Le  mortgageur,  tant  qu'il  demeure  en  possession  du 
bien,  jouit  expressément,  sauf  convention  contraire,  de  la 
faculté  de  l'affermer,  sous  la  seule  condition  de  remettre 
aux  divers  créanciers  mortgagistes  une  expédition  du  bail 
dans  le  mois  à  partir  de  sa  date;  le  preneur  n'est,  du  reste, 
pas  responsable  de  l'accomplissement  de  cette  formalité. 

Le  créancier  mortgagiste  qui  est  en  possession  du  bien 
a,  de  son  côté,  la  faculté  de  l'affermer,  sauf  convention 
contraire. 


^^Webbc.  Borhe,  2  Sch.  et  Lef.,  i^  st.  44  et  45,  Vict.,  c.  41,  §  1«; 

661  ;  Coote,  on  Mortgages,  364.  cpr.trad.  de  MM.  Barclaj  et  Dain- 

'6  Hungerford  c.  C/ay,  9 Mod.,  1.        ville,  A  nn.  delég.  étrang.,  XI, p. 51. 


DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  CREANCIER  MORTGAGISTE    391 

Les  baux  ainsi  autorisés  par  la  loi  du  22  août  1881  sont  : 
1°  les  baux  à  ferme  pour  une  durée  de  vingt  et  un  ans  au 
plus  ;  2°  les  baux  pour  construire  [building  leases)  ne  dé- 
passant pas  quatre-vingt-dix-neuf  ans.  Les  premiers  doi- 
vent prendre  effet,  au  plus  tard,  dans  le  délai  d'une  an- 
née à  partir  de  la  passation  ;  les  seconds,  dans  le  délai  de 
cinq  ans.  Ils  doivent  stipuler,  les  uns  et  les  autres,  un  loyer 
convenable,  proportionné  aux  circonstances,  et  contenir 
une  cause  de  résiliation  du  bail  en  cas  de  non-payement 
du  loyer  dans  les  trente  jours  après  l'échéance. 

531.  — Lorsque  le  mort-gage  porte  sur  une  tenure  par 
bail  {ieasehold}  et  que  le  créancier  renouvelle  le  bail,  le 
nouveau  bail  demeure,  par  rapport  à  lui,  subordonné 
aux  mêmes  conditions  à'eqidty  que  le  précédent'*.  De 
même,  lorsque  le  mort-gage  porte  sur  un  droit  de  patro- 
nage et  que  le  bénéfice  devient  vacant,  la  présentation 
appartient  au  raorlgageur  et  non  au  mortgagiste;  il  n'est 
môme  pas  permis,  en  equity^  de  stipuler  le  contraire,  par 
la  raison,  déjà  énoncée  plus  haut,  que  le  mortgagiste  ne 
peut  prétendre  à  aucun  avantage  ou  prérogative  en  dehors 
du  remboursement  de  sa  créance  en  principal,  intérêts  et 
frais". 

532.  —  Par  la  même  raison,  on  a  longtemps  considéré 
comme  nulle  la  clause  en  vertu  de  laquelle  les  intérêts  im- 
payés devaient  s'ajouter  d'office  au  capital  primitif  et  por- 
ter intérêt  à  leur  tour.  Mais  elle  est  licite  aujourd'hui  que 
les  lois  sur  l'usure  sont  abrogées"-". 

533.  —  Enfin,  le  mortgagiste  n'a  le  droit  de  commettre 
sur  l'immeuble  aucun  waste.  S'il  y  coupe  du  bois  de  haute 


18  Ilok  c.  Holt,  1  Ch.  Ca.,  190.  ^  Spence,  Eq.  Ji«r.,  II,  628,  656. 

19  Mackensie     c.      Robinson, 
Atk.,  559. 


392    DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  CRÉANCIER  MORTGAGISTE 

futaie,  on  doit  ouvrir  un  compte  pour  cet  objet,  et  imputer 
la  valeur  du  bois  d'abord  sur  les  intérêts  de  la  créance, 
puis,  s'il  y  a  lieu,  sur  le  capital.  La  cour  d'équité  peut,  sur 
la  requête  du  mortgageur,  faire  au  raortgagiste  défense  ex- 
presse de  couper  du  bois  à  moins  qu'il  n'en  ait  besoin  pour 
réparer  l'immeuble  ou  pour  tel  autre  travail  reconnu  néces- 
saire''. D'après  le  Conveyancing  and  law  of  properly  act 
de  1881,  §  19,  le  mortgagiste  est  réputé  avoiv  ipso  jure,  et 
sauf  convention  contraire,  le  droit  de  couper  et  de  vendre 
les  arbres  d'âge  à  être  coupés  [ripe  for  cidting),  à  l'excep- 
tion de  ceux  qui  servent  d'abri  ou  d'ornement;  il  peut 
aussi  faire  à  cet  effet  un  contrat  avec  un  tiers,  pourvu  que 
ce  contrat  soit  exécuté  dans  l'année  à  partir  de  sa  date. 

On  applique  au  cas  d'ouverture  d'une  nouvelle  mine  ou 
carrière  par  le  mortgagiste  des  principes  analogues  à  ceux 
qui  régissent  l'exploitation  du  bois  de  haute  futaie". 

De  même,  si  le  mortgagiste  abat  sans  nécessité  des  bâ- 
timents existants,  ou  s'il  en  élève  d'autres  sans  le  consen- 
tement du  mortgageur,  il  répond  de  toute  diminution  de 
revenu  provenant  de  ce  fait^\ 

534.  —  Le  mort-gage  constitue  dans  le  patrimoine  du 
mortgagiste  un  droit  dont  ses  propres  créanciers  pouvaient 
se  prévaloir  dans  une  certaine  mesure  :  les  dettes  du  mort- 
gagiste  reconnues  par  jugement  ont  été  longtemps  consi- 
dérées comme  une  charge  grevant  son  propre  droit  sur  les 
immeubles  mortgagés  en  sa  faveur.  Toutefois  le  St.  18  et 
19,  Vict.,  c.  lo,  §  11,  porte  que,  si  le  mort-gage  a  été  ra- 
cheté en  temps  utile,  les  immeubles  doivent  être  réputés 
francs  et  quittes  de  toute  charge  du  chef  du  mortgagiste; 

21  Withrinrjton  c.  Bankes,  Sel.,  23   Sandon  c.  Hooper,  6  Beav. 

Ch.  Ca.,  30.  346. 

'^^Hanson  c.  Derby,  2  Vern . ,  392. 


DES  DROITS   ET  OBLIGATIONS  DU  CRÉANCIER  MORTGACISTE    393 

et  une  loi  postérieure  (St.  27  et  28,  Vict.,  c.  112)  a  statué 
qu'ils  ne  pourraient  plus  être  grevés  à  raison  d'aucun  ju- 
gement postérieur  au  29  juillet  1864. 

535.  —  Lorsque  le  débiteur  ne  rembourse  pas  la  dette 
à  l'échéance,  le  créancier,  qui,  at  law,  était  déjà  consi- 
déré comme  propriétaire  de  l'immeuble  en  vertu  du  morl- 
gage  même,  obtient  également  des  cours  d'équité  le  droit 
de  s'en  emparer,  si  indulgentes  qu'elles  soient,  en  général, 
pour  le  mortgageur.  Il  a,  dans  ce  but,  à  introduire  devant 
la  division  de  Chancellerie  de  la  Haute-Cour  une  action  en 
forclusion  :  le  débiteur  est  mis  en  demeure  de  s'acquitter 
dans  un  délai  donné;  s'il  ne  s'exécute  pas  au  jour  dit,  il  est 
déclaré  déchu  de  son  droit  de  rachat,  sauf  à  la  cour  la  fa- 
culté de  lui  accorder  un  délai  de  grâce,  s'il  y  a  lieu.  Une 
fois  la  forclusion  prononcée,  le  mortgagiste  reçoit  de  la 
cour  l'autorisation  de  conserver  déQnitiveraent  l'immeuble 
dont  l'acte  de  mort-gage  lui  avait  déjà  transféré  la  pro- 
priété at  law.  La  cour  peut  aussi,  si  elle  le  juge  convena- 
ble, et  en  vertu  du  St.  15  et  16,  Vict.,  c.  86,  §  48,  au  heu 
de  prononcer  la  forclusion,  ordonner  la  vente  de  l'immeu- 
ble; ce  §  48  a  été  abrogé,  mais  le  principe  en  a  été  con- 
firmé par  le  Converjancing  ad  de  1881  (§  2.5),  que  nous 
avons  déjà  souvent  cité  et  qui  a  réglementé  à  nouveau  la 
matière  de  la  vente  des  immeubles  mortgagés. 

La  juridiction  équitable  de  la  cour  de  Chancellerie  a 
été  étendue,  en  1865,  aux  cours  de  comté  pour  toutes  les 
sommes  n'excédant  pas  500  livres  -*. 

536.  —  Dans  les  temps  modernes,  on  a  fréquemment 
suppléé  à  ce  moyen  de  la  forclusion,  qui  nécessite,  comme 
on  vient  de  le  voir,  une  action  en  cour  de  Chancellerie,  par 

2v  Si.  28  et  29,  Vict.,  c.  99;  3<J  et  .31,  Vict.,  c.  142. 


394    DliS  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  CREANCIER  MORTGAGISTE 

une  clause  nommée  poioer  o/sa/e,  pouvoir  de  vente,  insé- 
rée dans  l'acte  constitutif  du  mort-gage  et  qui  autorisait  les 
créanciers  à  vendrel'immeublesans  autre  forme  de  procès, 
si  le  débiteur  ne  se  libérait  pas  à  l'échéance.  Le  créancier 
mortgagiste,  qui,  at  law,  possédait  déjà  l'immeuble  en 
fief  simple,  pouvait  le  transférer  au  même  titre  à  un  tiers 
acquéreur,  sans  qu'il  fallût  le  consentement  ni  l'interven- 
tion du  mortgageur  ^°. 

En  vertu  du  St.  23  et  24,  Vict.,  c.  US,  part.  2,  le 
pouvoir  de  vendre,  le  droit  d'assurer  les  immeubles  con- 
tre l'incendie,  et  celui  de  réclamer  la  nomination  d'un  re- 
ceveur ou,  à  défaut,  d'en  nommer  un  soi-même  ont  été 
déclarés  résulter  implicitement  de  tout  acte  constitutif  d'un 
mort-gage  ou  d'une  charge  réelle.  Seulement,  ils  ne  pre- 
naient naissance  qu'un  an  après  l'échéance  de  la  dette 
principale,  ou  après  six  mois  de  retard  dans  le  payement 
d'un  terme  d'intérêt  ou  d'une  prime  d'assurance  (§  11). 
Nulle  vente  ne  pouvait,  d'ailleurs,  être  effectuée  qu'après 
un  avertissement  donné  parécritsix  mois  à  l'avance  (§13). 

La  question  a  été  réglée  depuis  d'une  façon  complète  par 
le  Conveyancing  and  law  of  property  act  de  1881  ^^ 
D'après  le  §  19,1e  créancier  mortgagisle  jouit,  en  vertu 
même  du  deed  constitutif  et  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  les 
mentionner  expressément,  des  trois  droits  suivants: 

1°  Du  droit  de  vendre,  dès  que  le  remboursement  est 
devenu  exigible,  tout  ou  partie  de  l'immeuble  mortgagé, 
soit  aux  enchères  publiques,  soit  de  gré  à  gré  ; 

2°  Du  droit  d'assurer,  quand  bon  lui  semble,  l'immeuble 
contre  l'incendie,  les  primes  grevant  le  fonds  au  même  rang 
et  au  même  taux  d'i  ntérêt  que  le  capital  primitif;  en  principe, 

25  Corder  c.   Morgan,  18  Ves.,  26  st.  44et45,  Vict.,  c.  il;  Ann. 

344.  delég.  étrang.,X\,i>.b3. 


DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  CRÉANXIER   MORTHAGISTE    395 

le  montant  de  l'assurance  ne  doitpas  dépasserles  deux  tiers 
de  !a  somme  nécessaire  pour  reconstruire  les  bâtiments  in- 
cendiés (§  23); 

3°  Du  droit  de  nommer,  aussitôt  après  réchéance  de 
l'emprunt,  un  receveur  des  revenus  de  l'immeuble  mort- 
gagé;  sans  préjudice  de  la  faculté  qu'ont  les  parties  d'é- 
tendre, de  restreindre,  ou  de  supprimer  ces  divers  pouvoirs 
implicites  par  une  clause  expresse  de  l'acte. 

Le  créancier  ne  peut  user  de  son  droit  de  vente  qu'a- 
près un  avertissement  préalable,  et  infructueux,  de  trois 
mois  au  moins,  s'il  s'agit  du  remboursement  du  capital,  ou, 
s'il  s'agit  d'intérêts  ou  arrérages,  après  deux  mois  de  retard  ; 
mais  il  a  ce  moyen  de  coercition  non  seulementen  cas  de 
non-payement,  maisencoreà'raison  detouteautre infraction 
aux  dispositions  soit  de  la  loi,  soit  de  l'acte  de  mort-gage 
(§  20).  La  vente  a  pour  effet  de  transférer  le  bien  à  l'ac- 
quéreur, franc  et  quitte  de  toute  charge  postérieure  en 
rang  au  mort-gage  du  vendeur,  mais  dûment  grevé  de 
toutes  les  charges  antérieures.  Au  reste,  la  circonstance 
que  la  vente  aété  faite  irrégulièrement  ou  prématurément 
n'est  pas  opposable  à  l'acquéreur;  ceux  dont  la  vente  lèse 
les  droits  ont  seulement  un  recours  en  dommages  et  inté- 
rêts contre  le  créancier  qui  l'a  indûment  ordonnée  (§  21 , 
al.  1  et  2). 

537.  —  Le  prix  de  vente  doit  être  affecté,  tout  d'abord, 
à  l'extinction  des  créances  qui  priment  celle  du  vendeur. 
Le  solde  est  appliqué  :  1°  au  payement  des  frais  de  la 
vente,  2°  au  remboursement  de  la  créance  du  vendeur 
en  principal,  intérêts  et  frais.  L'excédent,  s'il  y  en  a  un, 
appartient  au  débiteur  mortgageur  (§  21,  al.  3)  ;  mais 
la  loi  dit  expressément  que  le  créancier  ou  ses  ayants- 
cause  ne  sont  pas  responsables  du  préjudice  involontaire 


396     DES  DROITS  ET  OBLIGATIONS  DU  CREANCIER  MORTGAGISTE 

qu'ils  lui  auront  causé  en  usant  du  droit  de  vente  (al.  6). 

538.  —  Le  mortgagiste  peut,  si  bon  lui  semble,  exercer 
à  la  fois  tous  les  recours  dont  il  dispose;  ainsi  :  introduire 
en  Chancellerie  une  action  en  forclusion  ;  procéder  à  la 
vente  en  vertu  du  poiver  of  sale  ;  si  le  débiteur  a  signé 
un  engagement  de  payer,  le  pour)suivre  personnellement 
devant  une  cour  de  justice;  et,  enfin,  prendre  possession 
de  l'immeuble.  Mais  les  cours  d'équité  ont  soin  de  limiter 
l'effet  des  uns  ou  des  autres  de  ces  remédies^  lorsque  les 
premiers  employés  ont  suffi  en  tout  ou  en  partie". 

539.  —  Le  créancier  qui  désire  rentrer  dans  ses  fonds 
avant  l'échéance  a  la  faculté  de  subroger  à  ses  droits  le  tiers 
qui  lui  offre  le  remboursement  de  la  créance,  et  de  lui 
transférer  le  mort-gage,  sans  préjudice  du  droit  de  rachat 
coœpétant  au  débiteur,  mais  sans  qu'il  soit  nécessaire  de 
le  prévenir.  Le  cessionnaire  est  substitué  purement  et 
simplement  au  cédant  dans  tous  ses  droits  et  obliga- 
tions. 

De  son  côté,  le  débiteur,  tant  qu'il  a  le  droit  de  rachat, 
peut  contraindre  le  créancier  non  encore  nanti  de  l'im- 
meuble  d'accepter  un  payement  par  subrogation  et  de 
céder  à  la  personne  qui  fait  les  fonds  tout  à  la  fois  sa 
créance  et  le  bien  mortgagé-".  Mais  si,  après  avoir  laissé 
passer  l'échéance,  il  entend  se  libérer,  il  est  tenu  de  donner 
avis  de  ses  intentions  au  créancier  six  mois  à  l'avance  et  de 
payer  exactement  au  jour  par  lui  fixé,  sous  peine  d'encou- 
rir un  nouveau  délai  de  six  mois  pleins. 

540.  —  La  dette  garantie  par  un  mort-gage  peut  être 
éteinte  par  la  renonciation  volontaire  du  créancier.  Mais  il 
est  nécessaire  qu'il  rétrocède,  en  outre,  au  ci-devant  débi- 

27  Spence.  Eq.  Jur.,  II,  G3i,682.  '^^ Conveyancing actà&imi,%if). 


DES  RIENS  QUI  PEUVENT  ÊTRE  MORTGAGÉS  397 

teur  le  droit  réel  qui  lui  compétait  sur  l'immeuble  mort- 
gagé". 

Il  en  est  de  même  en  cas  de  payement  de  la  créance;  la 
dette  est  éteinte  par  le  fait  du  payement;  mais  l'immeuble 
mortgagé  doit  être  rétrocédé  au  débiteur,  et  le  créancier 
peut,  au  besoin,  y  être  contraint  judiciairement. 

V 

Des  biens  qui  peuvent  être  mortgagés. 

Sommaire  :  541.  Principe  général.  —  542.  Mort-gage  dun  copj/hold.  — 
543.  Mort-gage  dun  leasehold.  —  544.  Constitution  d'un  mort-gage 
équitable,  au  moyen  d'un  dépôt  des  titres.  —  545.  Droits  qui  en  décou- 
lent. 

541.  —  En  général,  ce  sont  des  francs-tènemenls  qui 
font  de  la  part  du  débiteur  l'objet  du  mort-gage.  Mais  la  loi 
n'interdit  pas  d'en  constituer  un  sur  des  tènements  d'autre 
nature,  tels  qu'un  copyhold  ou  un  leasehold. 

542.  —  On  sait  que  l'aliénation  d'un  copyhold  s'opère 
par  la  remise  que  le  vendeur  fait  du  bien  entre  les  mains 
du  seigneur  du  manoir  au  proflt  de  l'acquéreur,  suivie  de 
l'admission  de  ce  dernier  par  le  seigneur  en  qualité  de  te- 
nancier. Le  mort-gage  se  constitue  par  la  même  procédure, 
mais  sous  la  condition  que,  si  le  débiteur  se  libère  à 
l'échéance,  la  remise  ou  cession  sera  annulée  et  que  le 
mortgageur  restera  purement  et  simplement  en  jouis- 
sance de  ses  droits  antérieurs.  Lorsque  le  débiteur  ne 
se  libère  pas  à  l'échéance,  le  mortgagiste  a,  at  law,  le 
droit  absolu  de  se  faire  mettre  en  possession  du  bien;  mais, 
en  equity,  le  mortgageur  conserve  celui  de  l'en  empêcher 
et  même,  s'il  y  a  lieu,  de  se  faire  rétrocéder  le  bien  par  lui, 

29  st.  8  et  9,  Vict.,  c.  106,  §  1;  13  et  14,  Vict.,  c.  60.  §§  19  et  20. 


398  DES  BIE.NS  QUI   PEUVENT  ETRE  MORTGAGÉS 

en  remboursant  la  dette  dans  un  délai  raisonnable,  en  prin- 
cipal et  accessoires. 

543.  —  Les  baux  à  long  terme  sont  souvent  constitués 
en  mort-gage:  le  fermier  délègue  au  créancier  son  droit  à 
la  jouissance  du  bien  pendant  le  nombre  d'années  qui  reste 
à  courir,  sous  réserve  de  rétrocession  en  cas  de  payement 
à  l'échéance  et  sous  condition  de  rester  en  paisible  posses- 
sion du  leasehold  jusqu'à  ce  qu'il  soit  en  demeure.  Les 
règles  (ïequity  qui  sont  en  vigueur  pour  le  mort-gage  de 
francs-tènements  s'appliquent  égalementaucas  particulier  ; 
seulement,  comme  le  créancier  n'a  pour  garantie  qu'un 
droit  temporaire  sujet  à  s'évanouir,  le  payement  ne  peut 
être  différé  aussi  longtemps. 

On  introduit  fréquemment  dans  ces  morts-gages-là  un 
power  of  sale,  qui  produit  les  divers  effets  exposés  ci- 
dessus  (n°  536). 

Le  mortgagisle,  en  sa  qualité  d'assignataire  du  term, 
est  tenu  envers  le  bailleur,  pendant  la  durée  du  mort-gage, 
du  payement  du  canon  et,  en  général,  de  l'exacte  observa- 
tion des  clauses  du  bail,  sauf  son  recours  contre  le  mort- 
gageur.  Afin  de  soustraire  le  mortgagiste  à  cette  responsa- 
bilité, qui  peut  être  parfois  assez  lourde,  on  donne 
fréquemment  aux  morts-gages  de  leasehoids  \a.  forme  d'un 
sous-affermage,  de  telle  sorte  que  le  mortgagiste  ne  soit  le 
tenant  que  du  mortgageur  sans  avoir  aucun  rapport  person- 
nel avec  le  bailleur.  Dans  ce  cas,  ses  sûretés  durent,  non 
pas  aussi  longtemps  que  le  bail  primitif,  mais  seulement 
pendant  le  temps  prévu  par  le  contrat  de  sous-affermage. 

544.  —  Parfois,  les  circonstances  ne  permettant  pas  de 
constituer  immédiatement  un  mort-gage  régulier,  on  y 
supplée  en  déposant  entre  les  mains  du  créancier  les  titres 
de  propriété  de  Vimme\jb\e{deposit  of  title  deeds).  Lacour 


DES  BIENS  QUI  PEUVENT  ÊTRE  MORTGAGÉS  399 

de  Chancellerie  a  toujours  jugé  qu'un  semblable  dépôt  crée 
sur  l'immeuble  un  mort-gage  équitable,  encore  qu'il  n'ait 
pas  été  constaté  par  écrit^".  Il  en  serait  de  même  du  dépôt 
de  copies  du  rôle  relatives  à  des  terres  tenues  en  copyhold, 
ces  copies  constituant  le  titre  du  tenancier".  Mais,  pour 
que  le  dépôt  produise  les  effets  d'un  mort-gage,  il  ne  suffit 
pas  que  les  parties  soient  convenues  verbalement  de  l'o- 
pérer; il  faut  ou  qu'elles  l'aient  réellement  effectué,  ou  que 
leur  convention  ait  été  consignée  par  écrit  ^-. 

Le  dépôt  de  titres  étant  considéré  comme  équivalant 
à  la  constitution  régulière  d'un  mort-gage  sur  l'immeuble 
qu'il  concerne,  il  s'ensuit  que  le  créancier  peut,  à  la 
faveur  de  ce  dépôt,  intenter  une  action  en  forclusion  ou 
poursuivre  la  vente  de  l'immeuble  sous  les  conditions 
exposées  ci-dessus  en  matière  de  mort-gage  normal  ^^ 

Dans  le  principe,  le  dépôt  de  titres  n'était  réputé  ga- 
rantir que  la  somme  avancée  au  moment  du  dépôt.  Mais 
il  est  admis,  aujourd'hui,  qu'il  couvre  également  les  prêts 
ultérieurs  du  créancier,  si  l'on  en  est  convenu  au  moment 
de  la  première  avance  de  fonds  ou  s'il  est  prouvé  que  les 
prêts  ultérieurs  ont  été  faits  sous  cette  condition  expresse 
ou  tacite^*.  Le  mort-gage  équitable  rapporte  un  intérêt  de 
quatre  pour  cent  l'an". 

Un  créancier  qui,  jouissant  d'un  équitable  mortgaqe 
by  deposit,  commet  l'imprudence  de  se  dessaisir  des 
titres  qui  lui  servent  de  garantie  et  donne,  par  là  môme, 
au  débiteur  le  moyen  de  constituer  au  profit  d'urt  tiers 

^0   Russel  c.  liussel,    1   Bro.    G.  ^'  Keys  c.   Williams,  3  You.  et 

C.,  209.  Coll.  Exch.  Ca.,  55,  61. 

3"  WhiUreadc   Jordan    1  You  '*  Ex  parle  Kensinyton,  2  Ves. 

.  r-  11     oAo     T               T  1       t  r  et  b.,  v>6;Ldec.  Knowles,i  You. 

et  Coll.,  ivi;  Lewis  c.  John,  IL.  ,  r.  i,    o    ^     ^-ro 

p   p,           j,  et  Coll.  C.  C,  172. 

f.  ooop.,  8.  35  ^jg    /tVrr's  Policy,    L.  R.,  8 

32£:a?j)ar(eCoom6e,  4Mad.,  249.  Eq.,  331. 


400  DU  RANG  DES  CREANCIERS  MOHTGAGISTES  ENTRE  EUX 

un  autre  mort-gage  de  même  nature,  s'expose  à  être 
primé  par  ce  nouveau  dépositaire  s'il  n'arrive  pas  à  se 
faire  restituer  à  temps  les  titres;  on  lui  applique  ce 
principe  que,  entre  deux  personnes  innocentes,  celle-là 
doit  pâtir  par  l'imprudence  de  qui  la  fraude  a  pu  être  com- 
mise'\ 

545.  —  Le  créancier  qui  est  garanti  par  un  mort-gage 
équitable  prime  même  un  créancier  postérieur  jouissant 
d'un  mort-gage  légal,  lorsque  celui-ci,  au  moment  où  il  a 
versé  les  fonds,  avait  connaissance  du  dépôt  des  titres  en- 
tre les  mains  du  premier,  ou  qu'il  a  commis  la  faute  [gross 
ajid  icilful  négligence)  de  ne  pas  s'enquérir  des  titres.  Il 
en  serait  autrement  s'il  s'en  était  enquis  et  qu'une  excuse 
raisonnable  lui  eût  été  donnée  pour  ne  pas  les  lui  déli- 
vrer; dans  ce  cas,  on  ne  saurait  le  considérer  fictivement 
comme  ayant  agi  en  pleine  connaissance  du  dépôt  préexis- 
tant; mais  c'est  à  lui  à  prouver  que  les  raisons  dont  il  s'est 
contenté  de  la  part  du  débiteur  étaient  suffisantes  pour 
qu'il  versât  les  fonds  sans  recevoir  les  titres  en  échange '^ 

VI 
Du  rang  des  créanciers  mortgagistes  entre  eux. 

Sommaire  :  546.  Principe  général.  —  547.  Théorie  de  la  soudure  des  morts- 
gages  [tacking).  — 548.  Consolidation  des  morts-gages. —  549.  Ses  ia- 
convénienls  ;  loi  de  1881.  —  550.  Influence  du  dol  sur  la  priorité.  — 
551.  Négligence  du  créancier. 

546.  —  En  principe,  les  créanciers  mortgagistes  pren- 
nent rang  entre  eux  d'après  la  date  de  leurs  morts-gages 


'6  Waldron  c.  Sloper,  1  Drew.,        Heivittc.  Looso/iore,  9  Hâre,  458; 
^93.  Spencer   c.    Clarke,  9   Ch.   Div., 

"  Hiern  c.   Mill,  13  Ves.,  114  ;        137. 


DU  RANG  DES  CREANCIEBS  MORTGAGISTES  ENTRE  EUX    401 

respectifs.  En  Angleterre,  ce  n'est  pas  l'inscription  du 
droit  qui  en  détermine  le  rang.  Mais  diverses  circon- 
stances peuvent  modifier  le  classement  résultant  de  la 
date  des  morts-gages.  On  a  déjà  vu,  au  n°  544,  le  résultat 
que  peut  avoir  pour  un  créancier  mortgagiste  le  fait  de 
se  dessaisir  imprudemment  des  titres  de  propriété  et  de 
mettre  le  débiteur  en  mesure  de  constituer  à  son  détri- 
ment un  mort-gage  équitable  par  dépôt  de  ces  titres. 
Il  nous  reste  à  parler  ici  de  deux  autres  circonstances 
qui  ont  également  pour  effet  de  changer  le  rang  des  créan- 
ciers :  d'une  part,  ce  qu'on  nomme  the  tacking,  la  sou- 
dure des  morts-gages;  d'autre  part,  la  consolidation  [con- 
solidation) des  morts-gages. 

547.  —  La  théorie  de  la  soudure  des  morts-gages 
peut  se  résumer  ainsi  :  lorsqu'un  premier  créancier  mort- 
gagiste,  jouissant  seul  à  ce  titre  du  légal  estate,  prête 
ultérieurement  de  l'argent  au  même  débiteur,  sans  avoir 
été  averti  que  dans  l'intervalle  ce  débiteur  avait  consti- 
tué sur  l'immeuble  un  second  mort-gage  au  profit  d'un 
tiers,  il  prime  pour  sa  nouvelle  créance  ce  mortgagiste 
intermédiaire  ;  et  si,  par  analogie,  un  troisième  mortga- 
giste, qui  a  prêté  de  l'argent  au  débiteur  sans  avoir  eu  con- 
naissance de  l'existence  d'un  second  mort-gage,  parvient 
à  se  faire  transférer  le  premier,  par  exemple  en  rache- 
tant la  créance,  il  a  le  droit  de  souder,  de  coudre  [tack) 
son  propre  mort-gage,  troisième  en  rang,  au  premier 
dont  il  est  devenu  possesseur  et  de  donner  ainsi  à  sa 
créance  le  pas  sur  celle  qui  était  seconde  en  rang.  On 
admet  que,  dans  une  contestation  entre  personnes  de 
bonne  foi  ayant  toutes  un  titre  égala  l'assistance  du  juge, 
celle  qui  a  la  bonne  fortune  de  s'être  procuré  le  légal 
estate  doit  être  préférée  aux  autres,  la  loi  devant  préva- 

Leh».  26 


402    DU  RAiXG  DES  CREANCIERS  MORTGAGISTFS  ENTRE  EUX 

loir  là  où  l'équité  est  égale  de  pari  et  d'autre,  et  celui 
qui  n'a  un  titre  qu'en  equity  devant  céder  le  pas  à  celui 
qui   en  a  un   tout  à  la  fois  en  equity  et  en  droit  strict. 

Cette  théorie  de  la  soudure  des  morts-gages  fut  tempo- 
rairement mise  à  néant  par  la  loi  du  7  août  1874  ^*.  Mais 
on  critiqua  cette  loi  en  se  fondant  sur  l'absence  de  tout 
registre  général  des  actes  constitutifs  ou  translatiis  de 
droits  réels  immobiliers;  et,  par  le  Land  transfer  act  de 
1875,  en  vigueur  depuis  le  1"  janvier  1876  ^®,  on  en  re- 
vint purement  et  simplement  à  l'état  de  choses  antérieur, 
sous  réserve  des  droits  acquis  entre  le  7  août  1874  et  le 
1"  janvier  1876. 

548.  —  Quant  à  la  consolidation,  elle  se  fonde  sur  un 
autre  principe  que  la  doctrine  of  tacking.  D'après  celle- 
ci,  la  soudure  s'opère  entre  deux  dettes  garanties  par 
le  même  estate,  de  façon  à  les  mettre  tous  deux  au 
bénéfice  de  la  priorité  appartenant  de  droit  à  l'une 
d'elles.  Par  la  consolidation,  au  contraire,  la  soudure 
s'opère  entre  plusieurs  dettes  garanties  par  des  immeu- 
bles différents,  de  telle  sorte  que,  si  le  même  créancier 
prête  plusieurs  fois  de  suite  de  l'argent  au  débiteur  en 
échange  de  divers  morts-gages,  il  est  placé  dans  la  même 
situation  favorable  que  si  l'ensemble  des  immeubles  sur 
lesquels  il  a  des  droits  lui  avaient  été  mortgagés  pour  la 
totalité  de  ses  avances.  Le  débiteur  ne  peut  pas  racheter 
l'un  des  morts-gages  sans  racheter  en  même  temps  les 
autres,  et  le  créancier  peut  poursuivre  sur  les  divers 
immeubles  mortgagés  le  payement  de  ce  qui  lui  est  dû, 
en  principal  et  accessoires,  soit  pour  le  premier  de  ses 
prêts,  soit  pour  le  second.  Cette  règle  a  été  étendue  au 

38  Vendor  and  Purchaser  Act;  39  st.  38  et  39,  Yict.,  c.  87,  S  129. 

St.  37  et  38,  Vict.,  c.  78.  §  7. 


DU  RANG  DES  CREANCffiRS  MORTGAGISTES  ENTRE  EUX    403 

cas  OÙ  différentes  terres  sont  originairement  morlgagées 
par  le  débiteur  au  profit  de  créanciers  différents  et  ar- 
rivent, par  suite  de  cession  ou  autrement,  à  se  trouver 
grevées  en  faveur  d'un  seul  et  même  créancier. 

549.  —  La  consolidation  avait  pour  résultat,  en  droit 
anglais,  d'ôter  toute  sécurité  aux  personnes  qui  prêtaient 
de  l'argent  sur  un  second  mort-gage.  Car,  à  part  le  ris- 
que qu'un  créancier  troisième  en  rang  acquît  le  premier 
mort-gage  et  le  soudât  [tack)  au  sien,  elles  couraient  le 
danger  que,  si  le  débiteur  avait  mortagé  à  des  tiers  d'au- 
tres de  ses  biens  pour  une  somme  supérieure  à  leur  va- 
leur réelle,  celui  d'entre  ces  tiers  dont  la  garantie  se 
trouvait  insuffisante  ne  parvînt  à  acquérir  le  mort-gage 
premier  en  rang  et,  «  consolidant  »  ainsi  ses  propres  sû- 
retés, n'exclût  le  créancier  intermédiaire*".  L'acquéreur 
d'un  droit  de  rachat  courait  le  même  risque.  Aussi  la  con- 
solidation of  secw'ities  a-t-elle  été  battue  en  brèche  par  le 
Conveijancing  and  laiu  ofpropertyacl  de  1881,  en  vigueur 
depuis  le  1"  janvier  1882  (St.  44  et  45,  Vict.,  c.  41); 
en  vertu  du  §  17  de  cette  loi,  le  débiteur  peut,  sauf  conven- 
tion contraire,  éteindre  une  seule  de  ses  dettes  et  libérer 
l'immeuble  qui  la  garantit,  encore  que  le  créancier  ait  con- 
tre lui  d'autres  créances  garanties  par  des  immeubles  dif- 
férents**. 

550.  —  Indépendamment  des  circonstances  spéciales 
qui  viennent  d'être  exposées,  le  morlgagisle  peut  perdre 
son  droit  de  priorité  en  cas  de  dol,  c'est-à-dire  lorsqu'il 
dissimule  un  fait  qu'il  avait  le  devoir  de  révéler,  ou  qu'il 
fait  croire  des  choses  mensongères  ;  s'il  cause  par  là  un 


*o  Vint.  c.  Padget,  1  De  Gex  et  "  Cpr.  la  traduct.  de  la  loi  par 

Jones,  611  ;   Bâcher  c.   Gray,  L.       MM.  Barclay  et  Dainville,  Ann.  de 
R.,  1  Ch.  Div.,  491.  lég.  étrany.,  XI,  p.  51  et  note  2. 


404  AUTRES   DROITS   ANALOGUES  AUX  MORTS-GAGES 

préjudice  à  une  personne  qui  avait  le  droit  d'être  exacte- 
ment renseignée  par  lui,  il  est  équitable  qu'elle  ait  le  pas 
su^lui^^ 

551.  —  Il  peut  également  perdre  son  rang  par  négli- 
gence. Ainsi  A,  ayant  en  mort-gage  une  terre  louée  à  long 
terme  [leasehold  property)^  consent  à  prêter  au  débiteur 
le  bail  dont  il  est  nanti,  afin  de  lui  faciliter  le  moyen  de 
contracter  un  nouvel  emprunt  au  second  rang;  il  lui  re- 
commande expressément  d'avertir  le  prêteur  de  l'existence 
du  premier  mort-gage  ;  mais  le  débiteur,  en  déposant  le 
titre  chez  son  banquier,  néglige  de  donner  cet  avis.  Sur 
une  demande  en  forclusion  introduite  par  A,  il  a  été  jugé 
que,  comm.e  il  avait,  par  son  imprudence,  mis  le  débiteur 
en  mesure  de  commettre  sa  fraude,  il  devait  céder  le  pas 
au  second  prêteur*^ 

CHAPITRE  III 

De  quelques  autres  droits  immobiliers  et  mobiliers 
analogues  aux  morts-gages  ofrealty. 

INTRODUCTION. 

552.  —  Indépendam  ment  des  morts-gages  dont  il  vient 
d'être  traité,  la  loi  anglaise  reconnaît  un  certain  nombre 
de  droits  immobiliers  et  mobiliers  qui  ont  de  l'analogie 
avec  les  morts-gages  of  realty  proprement  dits,  et  dont  il 
convient  de  dire  ici  quelques  mots. 

Nous  parlerons,  d'abord,  des  statutory  mortgages^  des 
estâtes  by  elegit^  et  des  registered  judgments;  puis  des 

4i  Fonblanque,  On  Equity,  64;        Eq.,   92;  Credland  c.    Potter,  L. 
Coote,  on  Mortgages,  415.  R.,  10  Gh.  App. 

*'    Briggs  c.    Jones,   L.    R.,  10 


STATUTORY  MORTGAGES  405 

mortgages  ofpersonnaltij  et  du  gage;  et,  enfin,  des  liens, 
qui  sont  une  espèce  de  privilège. 

I 

Statiitory  mortgages ;  estâtes  by  elcgit;  registered  judgments. 

Sommaire  :  553.  Estate  by  statute  staple;  estate  by  statute  merchant: 
recognisance;  ivarrant  of  attorney .  —  554.  Elcgit.  —  555.  Jugements 
enregistrés. 

553.  —  Le  débiteur  peut  créer,  par  un  bond  signé  de 
lui,  ce  qu'on  a  appelé  un  estate  by  statute  staple,  posses- 
sion par  statut  forain,  ou  un  estate  by  statute  merchant, 
possession  par  statut  marchand.  La  première  de  ces 
deux  garanties  se  stipule,  conformément  au  St.  27, 
Ed.  III,  c.  9,  «  en  foire  »,  devant  ]e  magistrat  de  l'étape 
ou  de  la  foire;  la  seconde,  conformément  au  St.  d3, 
Ed.  I,  de  mercatoribus,  se  stipule  devant  le  principal  ma- 
gistrat d'une  ville  de  commerce  *.  Toutes  deux  ont  une 
grande  analogie  avec  le  vivum  vadium  :  si  le  débiteur 
qui  les  a  consenties  ne  se  libère  pas  à  l'échéance,  le 
shérif  délivre  ses  biens  meubles  et  immeubles  au  créan- 
cier pour  les  garder  jusqu'à  parfait  payement.  Un  effet 
analogue  était  attaché  à  ce  qu'on  appelait  autrefois  une 
reconnaissance  de  dette  [recognisance). 

Ces  diverses  espèces  de  sûretés  sont  aujourd'hui 
tombées  en  désuétude^;  on  y  a  suppléé,  jusqu'en  1860, 
par  le  procédé  connu  sous  le  nom  de  vmrrant  of  attorney. 
Ce  procédé,  qui  rappelle  l'ancienne  cessio  in  jure,  consis- 
tait, pour  un  débiteur,  à  donner  pouvoir  à  son  attorney 

1  Cpr.  Blackstone,  éd.  fr.,  11,  5,       perty,  15'  édit.,  pp.  19'.»  et  20O  et 
71  note  z\  Stephen,  Comm.,  III,  589 

2  Cpr.  Williams,  Personal  pro-       et  note  r. 


40G  STATUTOliY  MOHTGAGES 

de  laisser  prendre  contre  lui  soit  un  jugement  d'expédient, 
soit  un  jugement  par  défaut  qui  devenait  définitif  après 
les  délais  de  la  loi,  et  qui  impliquait  alors,  au  profit  de 
l'adversaire,  la  constitution  ipso  jure  du  droit  réel  occulte 
qui  résultait  de  toute  décision  judiciaire.  Mais,  lorsque  les 
acts  de  1860  et  de  1864^  sont  venus  décider  que  les  ar- 
rêts de  justice  ne  conféreraient  plus  de  droits  réels  oppo- 
sables aux  tiers  de  bonne  foi,  ce  procédé  n'a  plus  permis 
aux  débiteurs  d'accorder  des  privilèges  à  un  créancier 
particulier  aux  dépens  des  autres.  Tous  les  ivarrants  of 
attorney  que  l'on  constitue  encore  doivent  être  rendus 
publics  par  leur  inscription  sur  un  registre  spécial  du 
Bureau  central  de  la  Cour  suprême*,  dans  un  délai  de 
21  jours,  sous  peine  de  nullité. 

554.  —  Uneautre  espèce  de  mort-gage  découle  de  \ele- 
git^  exécutoire  du  droit  commun,  par  lequel  un  créancier 
dont  les  titres  ont  été  reconnus  par  jugement  {judgment 
creditor)  acquiert  directementles  immeubles  du  débiteur. 
Immédiatement  après  la  signature  du  jugement,  le  shérif 
est  nanti  d'un  exécutoire  en  vertu  duquel  il  entre  en 
possession  desdits  immeubles  et  les  délivre  au  créancier 
pour  être  tenus  par  lui  jusqu'à  parfait  payement.  Le 
créancier,  qui  devient  par  là  tenant  by  elegit  et  acquiert 
sur  les  biens  le  même  droit  de  disposition  que  le  débi- 
teur, est  en  réalité  dans  une  situation  identique  à  celle 
d'un  créancier  mortgagiste.  Seulement  il  ne  peut  agir 
comme  ce  dernier  qu'au  bout  d'une  année  révolue  ^ 

^^^  {nouveau).  —  Enfin,  un  mort-gage  analogue  résulte 
de  l'enregistrement  de  tout  jugement  {judgment,  decree, 

3  Voir,  infrà,  no  555.  s  st.  1  et  2,  Vict.,  c.  110,  §§  U  et 

»  St.  32  et  33,  Vict.,  c.  62,  §§  26-       13. 
28,  et  42  et  43,  Vict.,  c.  78,  §5. 


STATUTOliY  MORTGAGES  407 

rule,  order)^  émanant  d'ane  cour  de  justice  ou  d'équité 
et  reconnaissant  l'existence  d'une  dette.  Ce  mort-gage  a 
constitué  pendant  longtemps  une  sorte  d'hypothèque  ju- 
diciaire occulte,  aussi  dangereuse  pour  le  crédit  public 
que  pour  les  tiers  de  bonne  foi.  Le  mouvement  récent  en 
faveur  de  la  publicité  des  droits  réels  s'est  accusé  en  An- 
gleterre par  une  série  à'acts  qui  ont  exigé  l'inscription 
des  droits  réels  résultant  d'une  décision  judiciaire.  Tout 
d'abord,  en  1860^  et  en  1864'',  on  avait  songé  à  une 
pubhcité  purement  matérielle  résultant  de  l'entrée  en  pos- 
session du  créancier  comme  tenant  bij  elegit^.  On  esti- 
mait que  le  caractère  apparent  de  cette  possession  serait 
de  nature  à  fixer  les  tiers  sur  la  restriction  des  droits  du 
débiteur  contre  lequel  jugement  avait  été  pris,  et  jusqu'au 
moment  de  l'entrée  en  possession  le  jugement  ne  consti- 
tuait aucun  privilège  au  profit  du  créancier.  Mais  un  fait 
matériel  tel  que  la  possession  par  elegit  n'est  susceptible 
d'être  vérifié  que  par  ceux  qui  vivent  sur  les  biens  grevés, 
et  non  par  le  bailleur  de  fonds  vivant  dans  une  ville  peut- 
être  lointaine.  Aussi  a-t-on  senti  la  nécessité  d'un  registre 
spécial  sur  lequel  les  mortgages  judiciaires  devraient  être 
inscrits  pour  pouvoir  être  opposables  aux  tiers,  et  l'orga- 
nisation de  ce  registre  a  été  le  fait  des  deux  Land  char- 
ges acts  de  1888'  et  de  1890  '°.  D'après  la  première  de 
ces  lois,  le  défaut  d'inscription  ne  pouvait  être  opposé 
que  par  l'acquéreur  oneris  causa  "  ;  mais,  d'après  la  der- 
nière loi,  le  droit  réel  qui  n'a  pas  été  inscrit  reste  sans 
effet  {shall  not  operate  as  a  charge  on  land)  contre  les 

6  St.  23  et  24,  Vict.,  c.  38,  §  1.  hama,  Law  o f  Executors, iO'^édit., 

T  St.  27  et  28,  Vict.,  c.   112,  §  1-  VM)b,  t.  1,  p.  VS. 

8  Cpr.  J.  Williams,  Laïc  of  Real  '•' >«t.5ict52,  Vict.,c.51.  §§4,  5,6. 

property,  19'  edit.,  lOOi,   pp.  2(30  i"  St.63  et  64,  Vict.,  c.  26,  §  2. 

et  267.  Voir  aussi  Sir  G.-V.  Wil-  »«  St.  51  et  52,  Vi.L.  c.  51,  §  6. 


408         DES  MORTS-GAGES  ET  NANTISSEMENTS  MOBILIERS 

tiers'^  L'inscription  vaut  pour  cinq  ans  à  compter  de  sa 
date,  mais  peut  être  indéfiniment  renouvelée*'. 

II 
Des  morts-gages  et  nantissements  mobiliers. 

Sommaire  :  556.  Mort-gage  mobilier;  bill  of  sale;  lois  récentes.  —  557. 
Gage  ipleclge).  —  558.  Rapports  et  dififérences  entre  le  mort-gage 
mobilier  et  le  mort-gage  immobilier.  —  559.  Doctrine  of  tacking.  — 
560.  Mort-gage  de  navires.  —  561.  Prescription. 

556.  —  De  même  qu'un  propriétaire  d'immeubles, 
désireux  de  donner  des  sûretés  à  son  créancier,  lui  cède 
conditionnellement  la  propriété  de  son  fonds  et  crée 
ainsi  un  mort- gage  immobilier  [mortgage  of  realty)^ 
de  même  le  possesseur  d'effets  mobiliers  peut  les  céder 
à  ses  créanciers,  en  garantie  de  leurs  prêts  [mortgage 
of  personalty),  sous  la  condition  d'en  rester  nanti  jus- 
qu'au jour  où,  tenu  de  rembourser  la  dette,  il  manquera 
à  cette  obligation.  Cette  cession  conditionnelle  constitue 
un  mort-gage  mobilier,  analogue  à  l'autre.  At  law^  bien 
que  les  effets  raortgagés  restent  entre  les  mains  du  dé- 
biteur, ils  n'en  deviennent  pas  moins,  par  l'effet  da  contrat, 
la  propriété  du  créancier;  mais  c'est  le  débiteur  nanti  qui 
conserve  le  droit  de  les  revendiquer,  s'il  y  a  lieu,  contre 
les  tiers,  et  ce  droit  ne  passe  au  créancier  qu'à  partir  du 
moment  où  le  débiteur  est  en  demeure. 

Le  mort-gage  mobilier  présente  ce  grave  inconvénient 
que,  comme  les  objets  affectés  à  la  sûreté  du  créancier 
restent  entre  les  mains  du  débiteur,  ils  deviennent,  en  cas 
de  faillite  de  ce  dernier,  le  gage  de  tous  ses  créanciers, 

12  st.  63  et  64,  Vict.,  c.  26,  §  3.        ihe    laiv  of  mortgages,   7^  édit., 

13  R.-H.  Cootes,  A  treatise  on       1904,  t.  II,  p.  1374. 


DES   MORTS-GAGES  ET  NANTISSEMENTS    MOBILIERS        409 

nonobstant  le  droit  constitué  au  profit  du  mortgagiste,  et 
sont  vendus  au  profit  de  la  masse'*.  Des  lois  récentes'^  ont 
ordonné  que  tout  acte  de  vente  pignorative  [bill  of  sale) 
de  biens  meubles,  qui  donne  à  l'acquéreur  pouvoir  de 
prendre  possession  de  tout  ou  partie  desdits  biens,  soit 
enregistré  dans  le  délai  de  sept  jours  francs  au  greffe  de 
la  cour  du  Banc  du  roi,  à  peine  de  nullité  du  bill,  — 
quant  aux  biens  restés  en  la  possession  apparente  du  ven- 
deur, —  soit  à  l'égard  du  trustée  de  ses  créanciers,  en  cas  de 
faillite,  soit  à  l'égard  des  shérifs  on  autres  personnes  ayant 
qualité  pour  saisir  les  biens  du  vendeur,  soit  enfin  à  l'égard 
des  assignées,  en  cas  de  cession  des  biens  au  profit  des 
créanciers '^  D'après  le  Bills  of  sale  Act  de  1866,  l'in- 
scription des  bills  en  question  doit  être  renouvelée  tous  les 
cinq  ans  sous  peine  de  péremption.  D'après  celui  de  1878, 
tout  bill  passé  dans  les  sept  jours  d'un  bill  précédent,  non 
encore  enregistré  et  s'appliquant  aux  mêmes  biens,  est  ra- 
dicalement nul  (§  9).  D'après  celui  de  1882,  la  signature 
du  vendeur  [grantor]  n'a  plus  besoin,  comme  autrefois, 
d'être  certifiée  par  un  solicitoi\  mais  doit  l'être  par  un 
ou  plusieurs  témoins  dignes  de  foi,  étrangers  à  l'acte  (§  10)  ; 
l'acquéreur  [grantee]^  —  le  créancier,  —  ne  peut  saisir 
ou  enlever  les  meubles  que  dans  certains  cas  déterminés, 
dont  voici  les  principaux  :  1"  si  le  débiteur  ne  s'acquitte 
pas  à  l'échéance  ;  2°  s'il  tombe  en  faillite  ou  encourt  une 
saisie  faute  de  payer  les  rentes,  impôts  ou  intérêts  par  lui 
dus;  3°  s'il  enlève  ou  laisse  frauduleusement  enlever  de 

«*  Ryall  c.  Tiolle,    1   Atk.,  165,  45  et  46,  Vict.,  c.  43;  cpr.  pour  les 

170  ;  St.  32  et  33,  Vict.,  c.  71,  §  15,  deux  derniers,  notice  et  trad.  par 

al.  5;  Freshney  c.  Carrick,  1.  H.  M.  L.  Oudin,  Ann.  de  lég.  étrang., 

et  N.,  653;  Ilomsby  c.  Miller.  1  VIII,  50,  et  XII,  80. 
Eli.  et  Eli.  102. 

•5  St.  17  et  18,  Vict.,  c.  36;  2'Jet  ''"■  Richard  c.  James,  L.  Rep.,'2 

30,Vict.,c.96;4iet42,Vict.,c.31;  Q.  B.,  2«5. 


410        DES  MOf^TS-GAGES  ET   NANTISSEMENTS  MOBILIERS 

ses  magasins  tout  ou  partie  de  ses  marchandises  (§  7).  Tout 
bill  of  sale  accepté  ou  consenti  pour  une  somme  inférieure 
à  trente  livres  est  nul  (§  12). 

557.  —  A  côté  du  mort-gage  mobilier,  la  loi  anglaise 
reconnaît  le  gage  ordinaire,  c'est-à-dire  le  contrat  en  vertu 
duquel  le  débiteur  remet  un  objet  mobilier  entre  les  mains 
de  son  créancier  pour  être  conservé  par  lui  jusqu'à  parfait 
payement  [pledge],  hepledge  diffère  du  mortgageof  per- 
sonaltg  non  seulement  quant  à  sa  nature  propre,  que  nous 
venons  d'indiquer,  mais  encore  quant  à  ses  effets. 

En  matière  de  gage,  si  un  délai  a  été  fixé  pour  la  libéra- 
tion du  gage,  le  débiteur  qui  laisse  passer  ce  délai  n'en 
peut  pas  moins  recouvrer  son  gage  à  la  condition  de 
s'acquilter  dans  un  délai  raisonnable;  s'il  n'y  a  pas  de 
délai  fixé  pour  le  remboursement,  il  a  sa  vie  entière  pour 
se  libérer,  à  moins  qu'il  n'ait  été  mis  en  demeure  de  le 
faire;  et,  après  sa  mort,  le  droit  de  recouvrer  le  gage  en 
payant  la  dette  passe  à  ses  représentants'''.  Ce  droit  peut 
être  exercé  devant  les  tribunaux  ordinaires;  le  débiteur  ou 
ses  représentants  n'ont  pas,  en  général,  à  s'adresser  pour 
cela  aux  cours  d'équité.  C'est,  au  contraire,  devant  ces 
cours  que  se  pourvoit  le  créancier  pour  obtenir,  en  cas  de 
non-payement,  l'autorisation  de  faire  vendre  le  gage  ;  on 
admet  même  que,  si  le  débiteur  laisse  passer  l'échéance 
sans  se  libérer,  le  créancier  peut,  après  un  avertissement 
préalable,  vendre  le  gage  sans  avoir  besoin  de  s'y  faire 
autoriser  par  un  jugement  spéciaP^ 

D'un  autre  côté,  le  créancier  gagiste  (pledgee),  par  cela 
même  qu'il  est  nanti  de  la  chose,  a  le  droit,  si  elle  lui  échappe, 

1"  Vanderzee  c.  Willis,SBro.C.  606;    Fisher,    on     Mortgages,    2» 

Ç..,2i\Kemp  c.  Westbrook,  1  Ves.  édit.,  p,  498,  note  t;  Lookwood  c. 

sea.,278.  Ewer,  19  Mod.,  278;  Pothonier  c. 

'8  Ex  parte  Mountfort,ii  Ves.,  Dawson,  Holt's  N.  P.,  385. 


DES    MORTS-GAGES   ET   NANTISSEMENTS  MOBILIERS       411 

d'intenter  lui-même  contre  le  détenteur  l'action  of  trovcr; 
on  a  vu  plus  haut  qu'en  matière  de  mort-gage  mobilier  ce 
droit  continue  à  appartenir  au  mortgageur. 

558.  —  Le  mort-gage  mobilier  a  de  grandes  analogies 
avec  le  mort-gage  immobilier;  mais  il  présente  aussi  des 
différences  assez  sensibles.  Pour  l'un  comme  pour  l'autre, 
il  existe,  en  faveur  du  mortgageur  qui  a  laissé  défaillir  la 
condition,  une  equity  of  rédemption,  qu'il  lui  est  loisible 
défaire  valoir  dans  un  délai  raisonnable.  Toutefois,  en  ma- 
tière de  mort-gage  mobilier  ou  de  gage,  le  créancier  n'est 
pas  obligé,  comme  en  matière  immobilière,  de  commencer 
par  introduire  une  action  en  forclusion;  il  peut,  après  un 
simple  avertissement,  faire  vendre  l'objet  qui  lui  sert  de 
garantie.  Sauf  convention  contraire,  le  créancier  gagiste 
[pledgee]  a  même,  avant  que  le  débiteur  soit  en  faute,  la 
faculté  de  vendre  ou  de  sous-engager  la  chose;  lorsque 
le  gage  est  négociable  de  sa  nature,  la  vente  ou  le  sous- 
engagement  lie  le  débiteur  originaire;  lorsque  le  gage  n'est 
pas  négociable  de  sa  nature,  le  débiteur  n'est  lié  que  dans 
la  mesure  stricte  des  droits  compélantau  créancier  gagiste 
personnellement;  par  suite,  s'il  offre'  à  l'acquéreur  ou  au 
sous-gagiste  le  remboursement  de  la  dette  originaire  et 
qîïè^elui-ci  refuse  de  lui  restituer  la  chose,  il  a  le  droit  de 
la  revendiquer  contre  lui  [action  of  detinueY^. 

559.  —  La  doctrine  of  tachiny,  le  droit  de  mettre 
une  créance  postérieure  au  bénéfice  des  sûretés  concédées 
pour  une  créance  antérieure  (cpr.  n°  r547),  s'applique  plus 
largement  encore  en  matière  mobilière  qu'en  matière  im- 
mobilière; on  présume  que,  si  le  créancier  a  consenti  à 
faire  de  nouvelles  avances,  le  débiteur  était  d'accord  avec 

>»  Fisher,  op.  cit.,  p.  71. 


412         LES   MORTS-GAGES    ET   iNAiNTISSEMEÎs'TS   MOBILIEKS 

lui  pour  lui  reconnaître  le  même  droit  sur  la  chose  pour 
la  créance  subséquente  que  pour  les  premières;  et  l'on 
n'exige  pas  du  créancier,  comme  en  matière  immobilière, 
la  justification  d'une  convention  expresse^".  Ainsi,  si  A, 
titulaire  d'une  police  d'assurance  sur  la  vie,  la  transfère  à 
titre  de  mort-gage  à  B  pour  sûreté  d'un  prêt  d'argent,  il 
a  été  jugé  que  B  peut  tack,  et  retenir  les  sommes  versées 
par  la  compagnie,  à  raison  d'une  dette  subséquente  de  A 
reconnue  par  jugement^'.  La  même  décision  avait  été 
rendue  dans  le  cas  de  dettes  subséquentes  par  sitnple 
contract;  mais  un  arrêt  plus  récent  n'a  pas  maintenu  cette 
doctrine  ^^. 

560.  —  Le  mort-gage  de  navires  doit  être  fait  en  la 
forme  prescrite  par  le  Merchaiit  shipping  act  de  1854 
(St.  17  et  18,  Vict.,  c.  104),  §  66,  et,  sur  le  vu  du  contrat, 
être  inscrit  sur  le  register  book  du  port  où  le  navire  est 
immatriculé.  Les  inscriptions  se  font  dans  l'ordre  de  la 
production  des  pièces,  et  l'employé  préposé  au  registre 
mentionne  sur  le  contrat  même  qu'il  l'a  enregistré  tel  jour 
et  à  telle  heure  (§  67).  Si  le  même  navire  est  affecté  à  la 
sûreté  de  plusieurs  créanciers,  ils  se  classent  entre  eux  dans 
l'ordre  des  inscriptions,  quelle  que  soit  la  date  respective 
des  contrats  (§  69).  Au  reste,  le  mortgageur  n'en  continue 
pas  moins  à  être  réputé  propriétaire  du  navire,  sauf 
les  droits  découlant  du  mort-gage  au  profit  des  créanciers 
(§  70).  Chaque  créancier  inscrit  a  le  droit  de  poursuivre, 
le  cas  échéant,  la  vente  du  navire  et  de  donner  quittance 
du  prix;  seulement  les  créanciers  postérieurs  en  rang 
ne  peuvent  le  faire  qu'avec  le  concours  des  créanciers 

20  Demainbray  c.  Metealfe,   2  22    jn    re    Haselfoot's    Estate, 

Vera.,  691.  L.  R.,  13Eq.,  327:  Talbot  c.  Frère, 

2»   Spalding  c.  Thompson,  26,       9  Ch.  Div.,  568. 
Beav.,  637. 


DES   PRIVILEGES  MOBILIERS  ET  IMMOBILIERS  413 

antérieurs,  à  moins  d'une  autorisation  expresse  donnée 
par  le  juge  compétent  (§  71).  Les  mort-gages  de  navires 
régulièrement  constitués  ne  sont  nullement  affectés  par  la 
faillite  du  mortgageur  (§  72).  Lorsque  la  dette  garantie 
est  remboursée  et  que  le  créancier  donne  main-levée  du 
mort-gage,  mention  de  la  main-levée  est  faite  sur  le  regis- 
ter  book,  et  les  choses  se  trouvent  remises  au  même  point 
que  s'il  n'y  avait  point  eu  de  constitution  de  mort-gage 
{§  68). 

561.  — D'après  le  Real  property  Limitation  act  de 
1874,  en  vigueur  depuis  le  1"  janvier  1879,  on  ne  peut 
faire  valoir  un  mort-gage  que  dans  les  douze  ans  à  partir 
soit  du  moment  où  une  personne  maîtresse  de  ses  droits 
était  en  droit  de  s'en  prévaloir,  soit  du  dernier  payement 
partiel  ou  acte  récognitif  fait  par  le  débiteur". 

III 

Des  privilèges  mobiliers  et  immobiliers 

{Liens,  quasi-Heus.) 

SoM-MAïuE  :  562.  —  Définitioa  et  divisions.  —  563.  Privilèges  spéciaux.  — 
564.  Privilèges  généraux.  —  565.  Liens  in  equity.  —  566.  Ditférence 
entre  les  privilèges  mobiliers  et  immobiliers.  —  567.  EUets  du  privi- 
lège. —  568.  Quasi-liens. 

562.  —  Le  lien  est  le  droit  en  vertu  duquel  une  personne 
retient  un  ou  plusieurs  objets  appartenant  à  une  autre, 
jusqu'à  ce  que  celle-ci  lui  ait  remboursé  ce  qu'elle  lui  doit. 
Il  y  a  des  privilèges  mobiliers  généraux  ou  spéciaux.  Le 
particular  lien  est  le  privilège  corn  pétant  à  une  personne 
sur  une  chose  à  raison  de  laquelle  elle  a  une  somme  à 
recevoir  du  propriétaire.  Le  gênerai  lien  est  le  droit  de 

•-•'  St.  37  et  38,  Vict.,  c.  57,  §8;  cpr.  Williams,  Personal piopert;/,  15«éd., 
p.  526  et  527. 


414  DES   PRIVILÈGES  MOBILIERS   ET  IMMOBILIERS 

retenir  certains  biens  du  débiteur  à  raison  d'une  balance 
de  compte  générale.  • 

563.  —  La  loi  accorde  un  privilège  spécial  : 

1°  Aux  voituriers  et  aubergistes,  sur  les  objets  qui  leur 
sont  confiés;  le  privilège  des  aubergistes  est  réglé  au- 
jourd'hui par  le  St.  26  et  27,  Vict.,  c.  41  ; 

2°  A  toute  personne  qui  a  été  chargée  de  transformer  ou 
de  réparer  un  objet  mobilier,  pour  le  prix  de  ses  soins  ou  de 
son  travail;  par  exemple,  à  un  meunier,  sur  la  farine  qu'il 
a  moulue,  pour  le  montant  des  frais  de  mouture,  ou  à  un 
écuyer,  sur  le  cheval  qu'il  a  dressé,  pour  le  prix  du  dres- 
sage, mais  non  à  celui  qui,  n'étant  pas  aubergiste,  aurait 
simplement  gardé  un  cheval  chez  lui  sans  y  être  obUgé'^*. 

Le  privilège  ne  confère  pas,  par  lui-même,  le  droit  de 
faire  vendre  la  chose  ou  de  réclamer  une  indemnité  pour 
le  seul  fait  que  la  chose  est  restée  entre  les  mains  du  dé- 
tenteur. 

564.  —  Les  privilèges  généraux,  quand  ils  ne  résul- 
tent pas  d'une  convention  expresse  ou  de  la  nature  même 
des  relations  existant  entre  les  parties,  découlent  des  usa- 
ges propres  à  certains  commerces  ou  industries,  et  ils  peu- 
vent être  locaux,  c'est-à-dire  confinés  à  certaines  places 
spéciales.  Il  en  existe  notamment  dans  les  commerces  et 
industries  suivantes  :  propriétaires  de  quais  de  débarque- 
ment, teinturiers,  imprimeurs  sur  toile,  facteurs,  courtiers 
d'assurance,  banquiers  et  voituriers.  LessolicitorsiouisseQt 
aussi  d'un  droit  de  rétention  sur.  les  pièces  qui  leur  sont 
remises  par  leurs  clients,  pour  le  montant  de  leurs  frais  ". 

565.  —  En  matière  d'usages  commerciaux  ou  en  ma- 


-'' Wallacec.  Woodgate,l'Ry.et      Principles    of  equily^    p.    334  et 
Moo.,  193.  suiv.  ;Williams,  PersoMaZjjrojserty, 

25  Cpr.,  sur  cepoint spécial,  Snell,      15'  éd.,  p.  60. 


DES   PRIVILEGES  MOBILIERS  ET  IMMOBILIERS  415 

tière  maritime,  en  cas  de  sauvetage  ou  d'avaries,  Vequity 
reconnaît  souvent  un  privilège  alors  même  qu'il  n'existe- 
rait pas  at  law.  Ainsi,  lorsque  le  prix  de  vente  d'un  im- 
meuble n'est  pas  intégralement  soldé,  le  vendeur  con- 
serve sur  l'immeuble  un  lien  in  equity^  pour  ce  qu'il  lui 
reste  à  recevoir  en  capital,  plus  l'intérêt  à  quatre  pour  cent, 
—  taux  ordinaire  en  eqiiity  -^.  —  Le  fait  qu'il  a  reçu  de 
l'acquéreur  un  bond  ou  un  billet  pour  ces  sommes  ne  le 
prive  pas  de  son  privilège  ;  il  en  serait  autrement  s'il  s'était 
fait  donner  une  partie  de  l'immeuble  en  mort-gage  ou  telle 
autre  sûreté  spéciale.  Si  la  vente  a  été  faite  moyennant 
le  payement  d'annuités,  ces  annuités  sont  également  garan- 
ties par  le  privilège,  sauf  convention  contraire  expresse, 
ou  présumée  d'après  la  nature  du  contrat  ^'. 

566.  —  Les  privilèges  sur  les  immeubles  diffèrent  de 
ceux  sur  les  meubles,  en  ce  que  les  premiers  ne  prennent 
naissance  que  lorsque  l'immeuble  affecté  a  été  livré  à  l'ac- 
quéreur, tandis  que  les  seconds  ne  subsistent  qu'autant  que 
la  chose  affectée  reste  entre  les  mains  d  u  vendeur  et  cessent 
dès  qu'elle  se  trouve  en  la  possession  de  l'acquéreur. 

567.  —  Le  privilège,  quelle  qu'en  soit  l'espèce,  laisse 
subsister  la  propriété  sur  la  tête  de  la  personne  à  qui  elle 
compétait  antérieurement.  Les  droits  du  créancier  qui  jouit 
d'un  privilège  mobilier  sont  :  1"  de  retenir  la  chose  en 
sa  possession;  2°  de  la  poursuivre  entre  les  mains  d'un 
tiers  détenteur.  Si  le  créancier  se  dessaisit  de  la  chose,  son 
privilège  s'éteint  ^\  et  c'est  le  propriétaire  qui  reconquiert 
le  droit  de  la  revendiquer  contre  les  tiers  -'.  D'un  autre 

26  Chapman  c.  Tanner,  l  Vem.,  496;  DÙKon  c.  Qayfere,  21  Beav., 

267;  Pollexfen  c.  Moore,  3  Atk.,  118. 

272.  28  Legg  c.  Evans,  6  Mce.  et  Wels. , 

"  Matthew  c.  Bowler,  6  Hare,  .36;  Kruges  c.   Vilcox,  Ami).,  25'». 

10;  Buckland  c.  Pocknell,  1.3  Siin.,  2»  Sweet  c.  Pi/m.  1  Easl,  4. 


416  DES   PRIVILÈGES  MOBILIERS  ET  IMMOBILIERS 

côté,  le  créancier  perd  son  privilège  lorsque  sa  créance 
n'est  stipulée  payable  qu'à  une  époque  ultérieure  et 
qu'il  a  obtenu  des  sûretés^". 

568.  —  Il  est  divers  cas  dans  lesquels  Veqidty  admet 
des  droits  équivalents  aux  privilèges  [quasi-liens).  Ainsi, 
une  propriété  mobilière  ou  iinmobilière  peut  être  grevée  en 
vertu  d'une  convention  expresse  ou  tacite  qui  crée  un 
fidéicommis,  ou  en  vertu  d'un  legs  garanti  sur  un  immeu- 
ble. 

Il  a  été  jugé  que,  si  un  homme  convient  de  vendre  son 
bien  et  de  prêter  de  l'argent  à  l'acheteur  pour  y  faire  des 
travaux  d'amélioration,  il  a  un  privilège  pour  ces  avances 
tout  comme  pour  le  prix  de  vente  ^*. 

Si  Tun  des  cofermiers  renouvelle  le  bail  dans  l'intérêt 
commun  des  divers  tenanciers,  il  a  un  privilège  sur  leurs 
parts  du  bien  pour  une  portion  proportionnelle  des  rede- 
vances à  payer  et  les  dépenses  à  faire  •^^ 

Mais_,  quand  deux  ou  plusieurs  personnes  s'unissent 
pour  acheter  un  bien,  si  l'une  paye  le  prix  et  que  le  bien 
soit  transféré  à  toutes  ensemble,  celle  qui  a  fait  l'avance 
des  fonds  n'a,  sauf  convention  expresse,  ni  privilège  ni 
mort-gage  :  elle  n'a  qu'une  simple  action  en  payemenl^\ 
De  même,  si  un  colocataire  fait,  de  son  chef,  des  frais  de 
décoration  dans  l'immeuble  loué  en  commun,  il  n'a  aucun 
privilège  à  faire  valoir  contre  ses  consorts  et  peut  même 
n'avoir  sur  eux  aucune  espèce  de  recours^*. 

30  Cowell  c.    Simpson,  16  Ves.,  32  Ej.  pa/,-te   Grâce,  1  B.  et  P., 

275.  376. 

^>  Ex  parte  Linclen,  1  Mont.  D.  "'^  Spence,  Equity,  11,  803. 

et  D.,  435.  34  Kay  c.  ■7o/insow,21Beav.,  536, 

FIN  DU  TOME  PREMIER 


Ce  volume  doit  être  rendu  à  la  derrière 
date  indiquée  ci-dessous. 


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