Prcscttteb ta
ai iUe
bu
The Estate of the late
G. Percîval Best, Esq.
Digitized by the Internet Archive
in 2010 witli funding from
University of Ottawa
http://www.arcliive.org/details/logedemontaignOObour
ÉLOGE
D E
MONTAIGNE.
'Cel ouvrage se trouve chez les lilraira
suivons :
EASLE , J. Decker.
BRESLAW , G- T. Kotn.
GENÈVE , Paschoud ; - Mangct.
HAMBOURG , P. F. Fauche et C.i«
LUCERNE , Balthazar Meyer et C.»«
LYON , Tournachon Molin.
STOKOLM , G. Sylverstolpe.
STRASBOURG , Levrault.
ELOGE
D E
MONTAIGNE;^
Par Henriette BOURDIC-VIOT.
lis se sont servi de lui
comme d'un maître parfait
en la connoissance de tou-
tes choses , et de ses livres
comme d'une pépinière de
toute espèce de suffisance.
JUIontaigne , sur Homère.
Chap. 41 4-
A
P ARIS^^
Chez Cff^itES POUGENS f imprimeur-
libraire , quai Voltaire , N." 10.
AN Y III.
604 850
i: L O G E
D E
MONTAIGNE.
HiN lisant le philosophe au-
quel plusieurs académies ont
déjà payé un tribut d'éloges ,
j'ai cru reconnoître que la
plupart de nos moralistes ont
puisé dans ses écrits les traits
saillans et les principes lumi-
neux qui prêtent tant d'éclat
H leurs ouvrages. Sans doute
6 r L 0 G E
on ne sera point étonné que
tant d'idées sublimes prodi-
guées dans les Essais de Mon-
taigne , se soient gravées dans
leur mémoire ; il n'est pas du.
nombre de ces écrivains dont
les pensées glissent sur l'es-
prit des lecteurs ; il les im-
prime dans leur amo , et ,
pour me servir d'une de ses
expressions , il les y buj:ine
en traits ineffaçables : mais
peut-on n'être pas surpris
que ceux qui lui doivent une
partie de leur célébrité, aient
cherché à ternir sa gloire ?
C'est de lui que plusieurs de
DE MONTAIGNE. 7
nos philosophes ont emprun-
té leurs maximes ; et par une
injustice inconcevable , ils
Oiit osé dire que ses Essais,
surchargésde répétitions fas-
tidieuses , coupés par des di-
gressions déplacées , écrits
d'un style trivial et incor-
rect , n'étaient pas moins
opposés au vrai goût qu'à la
saine morale : tel on voit
dans nos jardins l'insecte at-
taquer la tige de la plante
salutaire qui la nourrit.
Ces traits d'ingratitude
m'ont révoltée ; et si l'indi'
qnation créoit des orateurs
s ELOGE
comme elle a créé des poètes,
je pourrois , en prononçant
l'éloge de ce grand homme,
faire passer dans vos âmes
les sentimens dont la mienne
est pénétrée.
C'est dans la lecture des
îécrits do Montaigne que j'ai
cherché la connoissance de
mes devoirs , et c'est à l'his-
toire de ses actions que j'ai
dû cet enthousiasme qui rend
l'homme capable de tout en-
trej)rendre , parce qu'il lui
cache l'intervalle immense
qui le sépare de son modèle.
Je parlerai donc de ses ou-
DE MONTAIGNE. r»
vrages et de ses vertus : puis-
sé-je , en le présentant sous
ce double point de vue , for-
cer ses détracteurs de sous-
crire à son apologie ,. et mes
juges d'applaudir à mes ef-
forts.
PREMIERE PARTIE.
iViiCHEL de Montaigne na-
quit le 23 février i533 , au
château dont il porta le nom.
Je ne dirai rien de ses aïeux ;
il fut grand par lui-même,
et ses écrits l'honorent plus
que n'auroient pu le faire
ses titres, dans un temps oti
on les comptoit pour qviel-
que chose. Personne n'a plus
de droit que lui au nom de
Philosophe , puisqu'aucun
î2 ELOGE
«crivain n'a montré un désir
plus vif d'éclairer ses sem-
blables , et n'a contribué plus
que lui , à l'anéantissement:
de leurs préjugés , source
trop féconde de nos vices eC
de nos erreurs.
11 est des hommes créés
par leur siècle ; Montaigne
étoit destiné à former le sien.
Les savans exilés de la Grèce
par le despotisme , avoienC
trouvé un asile dans les Etats
de Médicis , et de la protec-
tion à la cour de François I.er:
la munificence de ce prince
avoit tiré le génie de son as-
soupissement;"
DE MONTAIGNE. i3
soupissemenr, :'l avoit révélé
à ses peuples , le secret de
leurs talens ; mais l'on n'a-
voit encore vu que des sa-
vans : l'art de subtiliser sur
des équivoques , de paroître
approfondir d'abstraites chi-
mères , et de commenter ce
que l'on ne pouvoit com-
prendre, usurpoit et profa-
noit le nom de Philosophie ;
on ne rougissoic pas de ren-
dre hommage aux insipides
scolastiques , qui , après
avoir étudié péniblement les
questions obscures d'une on-
tologie puérile , et ime phy-
«4 ELOGE
sique moins appuyée sur des
expériences que sur des sup-
positions , travailloient à
communiquer la vénération
superstitieuse qu'on leur
avoit inspirée pour le dogme
des Péripatéticiens ; sectai-
res enthousiastes du précep-
teur d'Alexandre , ils ne sa-
voient pas admirer son Art
poétique , son Histoire na-
turelle , et les autres produc-
tions de ce vaste génie , tan-
dis qu'ils cherchoient l'in-
faillibilité du raisonnement
dans sa Métaphysique.
Montaigne a osé appeler
DE MONTAIGNE. i5
(le la doctrine d'Aiistote au
tribunal de la raison , subs-
tituer la clarté et la préci-
sion des idées au langage
inintelligible introduit dans
les écoles , et renverser les
autels que le pédantisme
avoit élevés au chef des Pé-
ripatéticiens.
Il mérita le titre de Philo-
sophe, non en égarant les es-
prits , mais en les éclairant ;
non en amusant la curiosité
des hommes , mais en les
prémunissant contre l'er-
reur. Né avec un esprit ob-
servateur , il aurcit pu sô
16 L L O G E
frayer une route à la célé-
brité , en mesurant la mar-
elle des globes semés dans le
vague des cieux , en soumet-
tant à son calcul les lois du.
mouvement et de la gravi-
tation, en perfectionnant la
science de maîtriser les élé-
mens et de les plier à notre
industrie , en dirigeant la
m^arcbe des navigateurs té-
méraires qui ont jeté un pont
de communication entre les
mondes que sépare l'immen-
sité des mers ; sans doute il
eût alors mérité de voir son
nom inscrit parmi ceux des
DE MONTAIGNE. 17
savans qui ont soulevé une
partie du voile derrière le-
quel la nature se plaît à se
cacher : mais la science d'é-
tudier l'homme pour le per-
fectionner, paroit à Mon-
taigne , comme à Platon et
;\ Socrate , la science la plus
digne de l'homme. « Le gain
3) de notre étude , disoit-il ,
» c'est en être devenus meil-
î) leurs et plus sages : avez-
î> vous su composer vos
'3 mœurs ; vous avez plus
y> fait que celui qui a corn-
* posé des livres ».
A peine sorti de renfance>
:y E L 0 C r:
Monlaigne gémissoît déjà en
voyant le joug des préjugés
s'appesantir sur nos têtes, et
captiver en nous cette li-
berté sans laquelle nous per-
dons et l'enthousiasme qui
entreprend les grandes cho-
ses , et la force qui les fait
exécuter.
Pour nous soustraire à
cette servitude , il nous dé-
montre que nous ne devons
rien admirer sur parole , ne
jamais décider qu'après l'exa-
men , ne prononcer qu'avec
circonspection , douter lors-
que la vérité n'est pas suffi-
DE MONTAIGNE. \J
samment connue ; nous met-
tre en garde contre nos sens,
si faciles à tromper , contre
notre imagination , vrai mi-
croscope de l'esprit, qui gros-
sit tous les objets; contre les
passions, qui les voient moins
comme ils sont que comme
elles désirent qu'ils soient;
contre l'ascendant qu'exer-
cent sur nos âmes l'éloquence
persuasive du génie et la voix
ii7ipérieuse de l'exemple :
tels sont les principes philo-
sophiques de Montaigne.
Il s'en sert pour examiner
l'ordre immuable qui près-
ao ELOGE
crit à chaque être la placer
qu'il doit occuper dans la
chaîne du grand tout: pour
approfondir les causes qui
font de l'homme un assem-
blage étonnant de pusillani-
mité et de courage , de foi-
blesse et de force , de bas-
sesse et d'élévation , de vices
et de vertus ; pour calculer
l'influence de nos sens sur
nos jugemcns, et de nos lois
sur nos mœurs. Voyez avec
quelle sagacité , à travers le
nuage que forment autour
de nous les usages qui nous
asservissent, les opinions qui
DE MONTAIGNE. 21
nous tyrannisent et les pas-
sions qui nous subjuguent ,
il distingue l'homme dégra-
dé ou perfectionné par les
institutions sociales. Après
nous avoir appris à nous
connoître , il nous fait en-
A isager nos dévoilas ; et nous
]3rouvant que notre fidélité à
les remplir, est la mesure de
notre félicité , il nous mène
par l'amour de nous-mêmes
à l'amour de la vertu. Qu'elle
est intéressante sous son pin-
ceau ! Une pente douce et
fleurie nous conduit à son
sanctuaire ; là , placée sur
32 ÏL L O G E
un trône simple et modeste ,
elle attire ses adorateurs ,
leur communique la paix qui
règne dans son ame , et la
gaieté touchante qui rayonne
dans ses yeux. Des nœuds de
fleurs sont la chaîne qu'elle
leur présente ; ils préfèrent
son esclavage à la liberté :
les moralistes qui nous ont
montré la vertu sous de pa-
reilles images , en ont pris
le modèle dans Montaigne.
ce La vertu , dit-il , n'est
)) pas , comme veulent le
55 faire croire ceux qui ne
>» l'ont pas hantée, plantée
DE MONTAIGNE. aô
» à la tête d'un mont raba-
5) teux ; mais au rebours ,
» logée dans une plaine dont
» les routes sont gazonnées
» et fleurantes : elle a pour
« guide nature, et pour com-
5) pagne l'innocence. Ceux
« qui ne peuvent l'aborder
5) en ont fait une image tris-
5) te , mineuse et quinteuse.
» Socrate fut la chercher
55 au ciel où elle perdoit son
3) tems, pour la ramener chez
5) les hommes , qui avoient
» grand besoin de sa pré-
» sence «.
C'est donc à Montaigne
q4 ELOGE
que nous devons en partie
i'amour que les moralistes
nous ont inspiré pour la
vertu : nous lui devons aussi
presque tout ce que nous ad-
mirons dans leurs traités sur
l'éducation ; ce qu'ils ont
écrit de raisonnable sur cette
matière n'est qu'un commen-
taire oij. ses idées sont sou-
vent affoiblies par leurs dé-
veloppemens ; et ce qu'ils
ont ajouté à ses principes an-
nonce peut-être plus de sin-
gularité que de profondeur ,
et moins la passion d'ins-
DE MONTAIGNE. aS
traire que celle de se distin-
guer.
O vous à qui la patrie a
confié le soin de lui préparer
des citoyens , lisez et relise^
le chapitre dans lequel Mon-
taigne vous engage à aug-
menter , dans vos élèves , la
force du corps qui influe
tant sur celle de l'ame , à les
occuper moins des mots que
du sens des auteurs , à per-
fectionner leur jugement eu
les accoutumant à penser et
à juger les pensées des au-
tres, àfortifier par des exem-
ples les heureuses disposi-
iS ELOGE
tiens qu'ils doivent à leur
constitution naturelle , et à
les préniun'r contre la su-
perstition , qui n'est que la
religion des âmes foibles.
Ecrivains supérieurs que
la nature a destinés pour
êire les guides des autres
lioniraes , n'oubliez jamais
qu'un principe faux en mo-
rale peut faire le malheur de
votre siècle et préparer celui
des générations futures; sou-
■s enez - vous qu'on ne jjeut
affoiblir le respect du à la
divinité , sans diminuer celui
que réclament les lois , sans
DE MONTATGN'E. 07
relâcher le lien social : la
raison ne veut ni miracles
ni victimes, mais le cœur de
i'iiomme veut un Dieu.
Si Montaigne eût abusé de
son génie pour prêchar le
matérialisme , je rougirois de
célébrer ses talens ; mais lors-
que Je le vois s'élever contre
l'audace des écrivains sacri-
lèges qui , voulant deviner
Dieu par leurs analogies et
leurs conjectures , l'abaissent
jusqu'à eux dans l'impuis-
sance de s'élever jusqu'à lui ,
puis-je souscrire aux accu-
sations intentées contre co
aS ÉLOGE
philosophe ? La probîlé et la
franchise sont deux qualités
qu'on ne peut refuser à
Montaigne : ses doutes sur
d'autres objets percent dans
ses écrits; s'il en eût eu sur la
divinité , eùt-il craint de les
avovier dans un temps où les
opinions de Luther , adop-
tées par l'Allemagne , trou-
voient des apologistes en
France ; dans un temps où
plusieurs provinces , rebel-
les aux ordonnances de Hen-
ri II , accueilloient les sec-
tateurs de Calvin ; dans un
temps où la fermentation deg>
DE MONTAIGNE. a«
esprits les disposoit à rece-
voir tous les systèmes mar-
ques au coin de la nouveauté
ou de l'audace ? Montaigne
a dit, il est vrai , que pliilo-
sopher c'est douter ; niais en
s'élevant contre la précipi-
tation qui enfante les er-
reurs, et contre la crédulité
qui les éternise, il a prouvé
seulement qu'il étoit philo-
sophe : cette suspension de
jugement, ce doute métbo-
dique, est, dans la recherche
de la vérité , ce qu'est la pru-
dence dans la conduite de la
vie ; c'est la boussole sans la*
3o i L O G E
quelle le navigateur ne peut
ni prévoir les écueils , ni me-
surer les distances ; c'est le
guide sans lequel le voyageur
s'égare dans des régions in-
connues. Qu'on cesse donc
d'écouter les calomnies des
écrivains qui ont intérêt de
faire soupçonner ses opi-
nions , et de se rendre aux
accusations de ces échos de
la littérature , qui aiment
mieux le condamner que
d'apprendre à le lire ; ses
ouvrages seront toujours son
apologie. On lui reproche de
n'avoir pas mis assez de dif-
DE MONTAIGNE. 3»
férence entre l'Iiomme et la
brute (i). L'homme , placé au
milieu des miracles de l'uni-
vers pour en jouir avec les au-
tres animaux , mais seul capa-
ble de réfléchir sur ses jouis-
sances , de rapporter les ef-
fets aux causes , les consé-
(i) Le privilège que l'homme
s'attribue d'être seul, en ce grautl
bâtiment , qui ait la suffisance d'ea
reconnoître la beauté et les pièces,
seul qui puisse en rendre grâces à
l'arcbitecte et tenir compte de la
recette et mise du inonde, qui lui a
cédé ce privilège? qu'il me montre
lettres de cette belle charge 1 etc^
Sa ÉLOGE
qiiénces aux princi23es , ne
doit pas , il est vrai , leur être
comparé ; ïnais Montaigne
ne peut s'accoutumer à re-
garder comme de purs auto-
mates , ce castor qui nous a
donné les premières leçons
d'architecture, , cette répu-
blique d'abeilles qui nous
offre l'exemple de la police
la plus sage , ces fourmis
dont nous ne pouvons trop
imiter la prévoyante écono-
mie , cet animal domestique,
symbole de la fidélité, modèle
de la reconnoissance , qui
étudie les regards de son mai-
DE MONTAIGNE. 33
tre pour prévenir ses volon-
tés, et qui sollicite des cares-
ses pour prix de son attache^
ment.Trop sensible pour croi-
re que les bêtes ne soient que
des machines , il lui en au-
roit trop coûté d'attribuer à
je ne sais quelle faculté que
l'on appelle instinct, des ou-
vrages qui rivalisent les nô-
tres : de là naît sa préven-
tion pour ces animaux in-
dustrieux qui nous offrent
souvent des modèles des ver-
tus sociales et des leçons dans
les arts.
Parlons de ce philosophe
54 ELOGE
d'une manière digne de lin>
sans prévention et sans par-
tialité: avouons qu'il n'a pas
assez saisi la différence (jui
distingue le seul être raison-
nable des autres animaux ;
qu'il n'a po.'nt vu assez clai-
rement que l'homme, qui
peut leur être comparé par
l'organisation et le senti-
ment , diffère entièrement
d'eux par l'intelligence. Mais
quelques erreurs dont il faut
moins accuser INîontaigne
que son siècle , ne peuvent
nous dispenser de tout ce
que nous lui devons pouç
, DE MONTAIGNE. 55
Rvoir agrandi la sphère de
nos connoissances ; c'est un
arbre chargé de fruits dont
il faut respecter le tronc en
élaguant quelques branches
qui le déparent : bien diffé-
rent de nos prétendus phi-
losophes modernes , qui dé-
clament contre une érudi-
tion qu'il est plus facile de
décrier que d'acquérir , il
enrichit sa philosophie d'une
littérature variée.
ce Le savoir , dit-il , est le
5) plus noble acquêt des liom-
5> mes ; mais ceux-là seide-
» ment qui se rapportent de
5S ELOGE
w leur entendement à leur
n mémoire et ne voient que
■i^ par livres , je les hais plus
» que la bêtise. Il vaut mieux,
» disoit-il encore , forger son
» esprit que de le meubler ,
» et s'accoutumer à penser ,
5) que charger sa mémoire
» des pensées d' autrui >>.
Mais il sait néanmoins que
l'imagination s'étend par la
vue d'un grand nombre d'ob-
jets , que notre jugement se
fortifie par la comparaison
de nos idées avec celles des
autres hommes , que le pays
le plus favorisé de Ja nature
s'embellil
DE MONTAIGNE. 5;
s'embellit encore lorsqu'on
ajoute aux productions indi-
t^ènes , celles des autres con-
trées : il pense que rien ne
contribue plus à former la
raison , que la mémoire , ap-
pelée par Cicéron le trésor
universel de toutes les scien-
ces , nommée par Platon la
nourrice de l'esprit , et re-
gardée par les mythologues
comme la mère des neuf
Muses. « C'est , dit Montai-
» gne , un outil d'un mer-
•» veilleux service que la mé-
w moire, et sans lequel le
3s ELOGE
5> jugement a de la peine à
» faire son office «.
Ce qui est un travail pour
les hommes ordinaires , est
un jeu pour notre philoso-
phe; il semble plutôt devine»
qu'apprendre les langues ,
gui sont les clefs des scien-
ces. Son père avoit adopté
pour son instruction une
méthode qui fait la censure
de la nôtre : l'instituteur et
les domestiques du jeune
Montaigne avoient ordre de
ne parler que latin devant
lui. L'élève apprit la langue
des Romains comme nous
DE MONTAIGNE. 3ç)
apprenons la nôtre , avec
succès et sans efforts : dans
un à"e destiné à enrichir la
mémoire , il faut ménager le
jugement ; un exercice pré-
maturé détend ses ressorls.
La ville ( i ) qui a développé
le germe du génie philoso-
phique de Montaigne , ac-
cueilloit déjà les gens de let-
tres ; il eut l'avantage d'y
recevoir les leçons des Bucha-
nan et des Muret. Dès l'au-
rore de sa vie , il ravissoit au
(i) Bordeaux.
4o ELOGE
sommeil un temps qui lui est
clesliné, pour lire L s auteurs
anciens qui ont; surpris à la
nature les règles de l'art , et
pour dérober à l'histoire
cette sagesse anticipée qui
supplée à la lenteur de l'ex-
périence.
Eclairé du flambeau de la
critique , il ne voit qu'un,
roman dans Hérodote , lors.»
que celui-ci raconte ce qu'il
n'a pas vu ; il aperçoit la pré-
vention de Dion pour César,
de Tite-Live pour Pompée,
de Patercule pour Tibère, de
Quinte-Curce pour Alexaii-
DE MONTAIGNE. ^r
dre. Persuadé que les histo-
riens sont susceptibles d'^adu-
lation ou de haine lorsqu'ils
sont contemporains , et de
crédulité lorsqu'ils ne le sont
plus , il mesure la confiance
qu'il leur accorde , sur les
divers intérêts qui ont con-
duit leur plume. A travers
le récit des événemens , il
pénètre les causes qui les
ont produits , les change-
mens qu'ils annoncent, l'in-
fluence qu'ils ont eue ou
qu'ils auront sur les mœurs;
il trouve dans cette immense
42 ELOGE
lecture , la connoissance des
Iiommes qu'il veut éclairer ,
et les exemples propres à
étayer les instructions qu'il
leur destine. Dans les voya-
ges qu'il fit en Allemagne ,
en Suisse et en Italie , il n'ob-
serva pas moins les procédés
des arts que les mœurs et la
législation; mais Rome, celte
ville superbe que la nature
entoura de ses miracles , que
l'art enrichit de ses prodiges,
fut le principal motif de ses
voyages : avec quel enthou-
siasme il visitoit tantôt les
ateliers où le génie donne du
DE M O N T A 1 G N E. 0
relief à la toile et de la flexi-
bilité au marbre ; tantôt ces
édifices où l'élégance, unie
à la majesté , étonne l'esprit
et charme les yeux ; tantôt
ces monumens que la recon-
noissance fit élever au pa-
triotisme : il fut sur - tout
frappé de la grande correc-
tion de dessin , des attitudes
extraordinaires , de la har-
diesse des traits qui caracté-
risent les ouvrages de Michel
Ange. L'écrivain qui ressem-
ble le plus à ce grand pein-
tre devoit l'admirer ; Mon-
taigne en a souvent l'éléva-
44 ELOGE
tion, quelquefo's la rudessev
et toujours l'énergie. En mê-
me temps qu'il puisoit dans
les chefs - d'œuvre des arts-
iine foule d'idées , de méta-
phores et de comparaisons ,
ilalloitdansles bibliothèques
des savans , et dans les cabi-
nets des antiquaires , enri-
chir son esprit d'une littéra-
ture choisie , qui lui sert à
embellir la morale, à préve-
nir le dégoût des préceptes ,
et à donner, par des citations
et des autorités , plus de
poids à ses raisonneniens. De
là cette heureuse fiicilité qui
DE MONTA IGNK. 45
est au Style ce que l'aisance
est aux mani(';res ; les expres-
sions , les allusions , les ima-
ges semblent se disputer son
choix.
Ainsi im fleuve auquel
plusieurs rivières paient le
tribut de leurs ondes , n'en
coule qu'avec plus de rapi-
dité ; sa majesté s'accroît de
l'abondance de ses eaux :
ainsi la science prête de la
vigueur aux preuves , et de
l'éclat aux pensées. N'en-
vions point à la paresse , la
consolation d'accuser l'éru-
dition de pédantisjue , et de
'4* ELOGE
répéter qu'un homme qui
pense n'a pas besoin d'étu-
dier les pensées des autres ;
mais avouons que dans les
Essais de Montaigne , la lit-
térature dont il déploie tou-
tes les richesses est au profit
des vérités qu'il a l'art de
persuader. Il mérite donc
nos éloges autant comme lit-
térateur que comme philo-
sophe ; il les mérite sur-tout
à titre d'écrivain de génie.
Un des traits distinctifs du
génie , est de présenter les
objets sous un jour nouveau,
de créer des images , et de
DE MONTAIGNE. ij;
donner aux preuves un air
tl'invention. Eh ! qui niera
qu'en plaçant des idées et
des faits dans sa mémoire ,
Montaigne ne sut se les ap-
proprier par un tour origi-
nal , par le talent de saisir les
rapports qui avoient échappé
à la plupart des lecteurs , et
encore plus par une manière
singulière et énergique de
les exprimer ? Trouve -t-on
dans les écrivains qu'il a imi-
tés , ou dans ceux qui se sont
efforcés de l'imiter lui-même,
cette vigueur d'expressions
43 ELOGE
toujours neuves , toujours
pittoresques ?
11 n'est point du nombre
de ces auteurs sans physiono-
mie qui ressemblent à tous
les autres ; Montaigne ne
ressemble qu'à lui-même.
Quel écrivain a su mieux
maîtriser sa langue , hasar-
der des termes dont on ne
songe pas à condamner l'au-
dace , enrichir notre gram-
maire , même en violant ses
lois.
L'élégance que nous affec-
tons depuis plus d'un siècle
est le tombeau de l'énergie; la
lime
DE MONTAIGNE. 4g
limetLm'nuc le poids du mé-
tal qu'elle polit. Que les puris-
tes froids et pusillanimes, si
communs dans un siècle où
les esprits sont énervés , s'élè-
vent contre ces heureuses
témérités ; Montaigne sera
vengé par l'admiration des
hommes de génie; ils applau-
diront sur-tout à cette acti-
vité de style qui transporte
sous nos yeux les objets que
l'auteur veut représenter à
notre esprit , qui transforme
les expressions en images ,
et les pensées en senti-
rnens.
5
Sa ii L O G E
Loin de lui les circonlo-
cutions pesantes ; elles an-
noncent moins l'indigence de
la langue que la foiblesse de
l'écrivain ; il va au rabais
des mots , et cherche l'har-
monie moins dans l'abon-
dance que dans la force des
expressions : loin de lui les
tours ingénieusement symé-
triques ; ils décèlent un au-
teur plus occupé des mots
que des choses. Le philoso-
phe subordonne toujours à
la pensée la manière de. la
rendre. Montaigne ressem-
ble à ces grands peintres qui
DE MONTAIGNE. 5i
dédaignent de finir leurs ou-
vrage* , qui jettent par grou-
pes les figures et les drape-
ries , dont la manière est
forte et les contours bien
prononcés. Son élocution ,
frappante par l'énergie , in :
téresse encore par sa can-
deur. Passez-moi ce terme,
il me paroit propre à rendre
la persuasion qu'il commu-
nique à son lecteur : on croit
le voir en le lisant. Tout ce
qu'il dit , il le sent ; sa plume
semble plus obéir à son cœur
qu'à son esprit ; ses réflexions
partent de son caractère; ses
52 ELOGE
2>ensées sont un secret qui
lui échappe.
Cette naïveté qui est un.
(les traits caractéristiques du
génie, cetre analogie de l'es-
prit avec le caracière , sont
peut-être la première source
de l'intérêt qu'inspirent ses
ouvrages ; elles font naître
un sentiment plus flatteur
que celui de l'admiration :
on aime Montaigne , on re-
grette de ne l'avoir pas
connu.
A la passion pour la vérité,
qui annonce le vrai philoso-
phe ;, aux connoissances va-
DE MONTAIGNE. 5>
liées qui forment le profond
littérateur , il sait associer
l'invention , l'activité , l'a-
bandon, qui décèlent l'hom-
me de génie. Il doit princi-
palement la célébrité Je son
nom à l'usage qu'il a fait de
son jugement , de sa mé-
moire et de son imagination.
Ces trois facultés de l'esprit
sont rarement réunies , et
leurréunion forme l'écrivain
supérieur. Mais si nous de-
vons de l'admiration à ses
talens , nous devons aussi des
éloges à ses vertus. L'esprit
n'est qu'un cadre ; c'est le
54 ELOGE
cœur qui est le fond du ta-
bleau ; et ce tableau fut si
parfait chez Montaigne, que
je ne puis me dispenser d'en
offrir une esguisse.
SECONDE PARTIE.
J_jA postérité assigne à Mon-
taigne le premier rang parmi
les philosophes. Ce jugement
se compose du souvenir de
ses talens et de celui de ses
vertus ; car la philosophie
n'est que la sagesse éclairée
par le génie. On ne peut se
rappeler les travaux littérai-
res de Montaigne sans admi-
ration , et ses vertus sans at-
tendrissernent. Si, pour es-
56 ÉLOGE
fjuisser les conceptions har-
dies de son imagination , il
eût fallu emprunter le pin^
ceau de Raphaël, il faudroit
avoir celui de l'Albane pour
peindre le philosophe le plus
aimable de son siècle , dans
l'abandon de la société. Quel
charme dans ses discours !
quelle tendresse dans ses af-
fections ! Il est si plein de la
jouissance délicieuse qu'il
éprouve à méditer et à faire
le bien , qu'il semble répan-
dre autour de lui ime atmos-
phère de bonheur dont tout
06 qui l'environne est péné-
D E M O N T A I G N E. 5/
tré. L'homme social ne peut
être heureux sans la félicité
de ses semblables : l'égoïste
s'isole en vain des autres
hommes ; il ne peut rompre
la chaîne des besoins qui le
lie à tout ce qui l'entoure ,
et cette chaîne s'étend beau-
coup au-delà de ce qu'il peut
ayiercevoir. Il faut donc se
faire une habitude de mériter
la reconnoissance par des
services , et l'amitié par des
soins.
Tel est le principal pivot
sur lequel roule la morale de
Montaigne ; et sa conduite'
5S ELOGE
n'est jamais en contradiction,
avec sa morale.
L'amour des arts guide ses
pas vers Piome ; une imagi-
na rion aussi ardente que la
sienne ne pouvoit trouver
d'aliment que dans leur sanc-
tua're. Il monte au capitole ;
son ame s'embrase à l'aspect
des monuniens de la gran-
deur <le ce peuple qui sut
conquérir et gouverner l'u-
ni veis : ma s de tous les tro-
phées , celui qu'il préfère est
la couronne civique ; le ci-
toyen qui la mérita pour
avoir sauvé la vie à un hom
DE MONTAIGNE. 5^
me, estle modèle qu'il brûle
d'imiter. Ses vœux seront
bientôt remplis : il est appelé
au parlement de Bordeaux.
Combien les peuples durent
se féliciter en voyant le dé-
pôt des lois entre les mains
d'un philosophe ! Conserva-
teur des droits de l'homme
libre , le magistrat exerce la
partie la plus précieuse de
l'autorité : l'étude doit être
son élément , la méditation
son habitude ; car pour dis-
tinguer le trouble de l'inno-
cence intimidée , des varia-
tions du crime déconcerté ,
fro ELOGE
il faut une profonde con-
noissance du cœur de l'hom-
me ; et qui mieux que Mon-
taigne a su lire dans ce livre
dont l'erreur remplit tant
de pages , et dont quelques
lignes sont à peine consa-
crées à la vérité ? quelle sa-
gacité ne faut-il pas pour
saisir le sens d'une loi sou-
vent obscure ! quelle fermeté
de caractère ne doit pas
montrer celui qui poursuit
le coupable et qui craint de
le rencontrer !
O Montaigne ! combien,
dans ces honorables mais
pénibles
DE MONTAIGNE. 6f
pénibles fonctions , ton ame
a dû souffrir ! combien de
fois n'as -tu pas gémi sur
l'abus d'une législation qui
accorde aux probabilités une
certitude qui n'est due qu'à
la seule évidence , et sur la
coutume barbare de soumet-
tre les accusés aux tortures
de la question , dont les pré-
paratifs effrayans peuvent
arracher à l'homme un men-
songe qui lui coûtera l'hon-
neur et la vie !
ce li advient , dit-il , que le
» Juge le fait souffrir pour
3j le faire mourir innocent
6
6i ELOGE
w et géhenne : il est horrible
î> de tourmenter et rompre
•>-> un homme de la faute du-
» quel vous êtes en doute ;
5) que peut-il mais de votre
5> ignorance ? »
L'imagination de Montai-
gne lui représente sans cesse
ce Théodoric qui, poursuivi
par l'image ensanglantée de
Simmaque , vécut déchiré de
remords et mourut leur vic-
time. S'il désira jamais de
partager l'autorité judiciai-
re , ce fut pour y porter ces
vues profondes et philanthro-
piques qu'a développées avec
DE :\I O N T A I G N E. 6>
tant de succès l'éloquence
des Beccaria et des Servan ;
mais son siècle n'étoit pas
encore mûr pour des idées
si simples et si grandes. Fati-
gué de gémir sur tant d'abus
«ans pouvoir les réformer ,
et ne pouvant supporter le
contraste continuel de ses
jugemens avec son opinion ,
il quitte la toge pour repren-
dre le manteau du philoso-
phe, et vole, pour la seconde
fois, dans la patrie des arts.
Rome sut apprécier Mon-
taigne, et s'honora de comp-
ter le premier génie de la
64 ELOGE
France au nombre de ses
citoyens.
Le pontife gui siégeoit
alors sur les débris du trône
des premiers Césars , veut
le fixer près de lui ; mais
la ville de Bordeaux le ré-
clame pour lui confier les
rênes de son administration
municipale. C'est ici que sa
sagesse et sa bienfaisance
vont tout embrasser et tout
prévoir ; il conduira cette
immense famille avec l'af-
fection d'un père; occupé à
augînenter l'opulence des ci-
toyens en vivifiant leur com^
DE MONTAIGNE. 6Ï
merce , à rendre les deux
mondes tributaires de leur
industrie , à suppléer , par
des provisions, à ce que l'in-
clémence du ciel peut refu-
ser à la fécondité de la terre ;
il obtient cette confiance qui
fait quelquefois plus que l'au-
torité, et qui en est le plus
ferme appui.
La réputation d'un homme
en place dépend peut-être
autant des circonstances que
de ses talens. Lorsque le cal-
me règne sur les mers , le
pilote ne peut déployer son
adresse et sa force ; Mon-
G *
66 l; L O G E
ta'gne n'eut aucune occasion
de développer la profondeur
de son génie dans le cours
de son administration. Voici
comme il s'en explique lui-
même : « Si l'occasion s'en
?3 fût ^irésentée, il n'est rien
5) que je n'eusse employé
>j pour servir le peuple ; je
« me serois ému pour lui
3) co2nme je fais pour moi ;
» c'est un peuple guerrier ,
» généreux , capable <]e ser-
■>> vir à bon usage , s'il étoit
» bien guidé : ils disent aussi
« la mienne vacation s'être
5) passée sans traces ; ce n'est
i) pas ma faute w.
DE MONTAIGNE. 67
Je ne parlerai point de la
part que prit Montaigne dans
les guerres civiles qui agitè-
rent sa patrie. Ses détrac-
teurs lui reprocheront peut-
être de ne s'être prononcé
pour aucun parti : ce repro-
che seroit fondé , si la liberté
du peuple eût été la cause
ou l'objet de ces troubles ;
mais il nes'agissoit alors que
de changer de maître.
Le philosophe contemple
les grands phénomènes poli-
tiques qui ébranlent les em-
pires , les régénèrent ou les
renversent , comme le na-
S3 li L 0 G R
turallste observe l'éruption
(.l'un volcan ; l'un et l'autre
calculent les variations de
l'atmosphère , la force de
projection , le soulèvement
des nasses , les effets de cha-
que commotion : ils suivent
la direction de la lave; mais
ils ne se précipitent pas dans
le cratère , parce que le fruit
de leurs méditations seroit
perdu pour leur siècle et
jiour les siècles à venir.
Archimède , qui résout un
problème pendant le sac de
Syracuse , laisse à la pos-
térité la réputation d'un
DE M 0 N T A I G N E. Gg
sage , tandis qu'iiinpédocle
n'a gravé sur le sommet de
l'Etna, que le souvenir d'une
témérité inutile au bonheur
des hommes.
Montaigneseborneàmet-
îre en pratique ces vertus
simples auxquelles l'orgueil
de l'iiomme n'a point érigé
de trophées, mais qui ont des
autels dans tous les cœurs.
Sa probité lui donne des par-
tisans , sa bienfaisance des
amis, ses talens des panégy-
ristes; puisse son désintéres-
sement avoir beaucoup d'i-
mitateurs ! Député à la couï»
70 ELOGE
par les Bordelais , il défend
leurs intérêts avec toute l'é-
nergie d'un homme libre ,
sans sortir des bornes de la
prudence ; il sollicite des
grâces pour le peuple dont il
est le représentant, et il n'en
demande aucune pour lui-
même. Convaincu que l'on
est méprisable à la cour
lorsqu'on en approuve les
mœurs , coupable lorsqu'on
les imite , et persécuté lors-
qu'on les fronde ; incapable
de feindre ou de ramper , il
demande à retourner dans
ses foyers : sa générosité re-
DE MONTAIGNE. 7I
coït la récompense la plus
flatteuse ; il est continué
maire Je Bordeaux , et les
îiabi tans de cette ville croient
augmenter leur sûreté, en lui
confiant , pour la seconde
fois , le soin d'y veiller. Dira-
t-on encore que la philoso-
phie refroidit l'ame , et qu'en
accoutumant ses sectateurs
à se regarder comme le cen-
tre auquel tout doit aboutir,
elle leur fait envisager les
autres hommes avec l'œil de
l'inHifférence et sou vent avec
celui du dédain ? Montaigne
immole aux intérêts du peu-
73 ELOGE
pie son repos , ses jouissan-
ces , et Jusqu'au penchant qui
l'entraîne àl'étude.C'estdans
cette enceinte (i) que l'on,
peut mieux connoitre le prix
de ce dernier sacrifice. Mais
sans de grands sacrifices , il
n'est point de vertus ; et le
philosophe que nous célé-
brons les réunit toutes.
Son urbanité , sa douceur,
le firent chérir des sociétés
dans lesquelles il répandoit
tour-à-tour le feu des saillies
(i) Cet éloge a été lu dans les
Lycées de Paris.
ï) E ]M O N T A I G N E. 73
et les grâces de l'enjouement.
Une de ses plus précieuses
qualités étoit la déférence
qu'il montroit pour les avis
des autres : il airaoit à faire
briller ceux qui débutoient
dans la carrière des sciences ,
oii l'on a tant besoin d'en-
couragement ; il oublioit sou-
vent ses succès pour ne s'oc-
cuper que des leurs. Les dé'
tracteurs de Montaigne di-
ront peut - être ces éloges
ne s'accordent pas avec l'é-
goïsme qu'on lui suppose et
qui devoit percer dans sa
conversation , comme il se
74 ELOGE
montre dans ses écrits. Sans
doute il n'eut pas cette mo-
destie feinte qui sert d'en-
veloppe à la vanité présomp-
tueuse ; il fut un moment
sensible à l'accueil distingué
qu'il reçut à la cour : mais
il n'y porta jamais cette am-
bition qui ne permet pas le
repos et qui décompose le
plaisir. Il parut flatté du titre
de bourgeois de Rome que
les conservateurs de celte
ville lai accordèrent , des
marques de considération
que lui donnèrent le pape et
les souverains , et sur-touS
DE AI O N T A I G N E. 7?
tle rentliousicisme avec le-
quel les Bordelais parloient
de ses tulens : une ame in-
sensible à la gloire est rare-
ment propre à lu mériter. Le
ton avec lequel Montaigne
parle des honneurs qui ont
récompensé ses services ,
annonce plus de sensibilité
que de vanité.
L'homme de génie ignore
quelquefois combien il est
redevable à la nature , et
jouit de ses bienfaits à son
insçu ; mais celui qui aug-
mente tous les jours ses fa-
cultés morales et intellec-'
^S ELOGE
tuclles par de nouvelles con-
no:ssances , est averti de ce
qu'il vaut par le souvenir
des peines que lui ont coûté
ses études , et quelquefois
par l'ignorance de ceux qui
l'environnent.
Montaigne avoit ce té-
moignage intime de ses pro-
pres forces ; et comme son
ame lui échappoit sans cesse,
il laissoit quelquefois entre-
voir la juste idée qu'il avoit
de lui - même. Mais cette
franchise se concilioit en lui
avec la modestie : le titre
d^Essais qu'il donne à sou
D F, M O N T A I G N E. 77
traité , le soin qu'il prend
de citer les écrivains dont il
emprunte des idées et des
images , le doute si opposé
au ton tranchant , l'aveu
qu'il fait de son ignorance ,
de ses fautes et de sa foi-
blesse , ce mot si sublime et
si mal interprété , que sais-
je ? tout doit l'absoudre de
l'accusation d'égoïsme et
d'orgueil dont le soupçon
n'auroit pas dû l'atteindre.
11 étoit trop aii-dessus de son
siècle pour n'être pas égale-
ment indifférent à l'adula-
tion qui prodigue les louan-
7 *
rS i L O G E
c^es, , et à l'envie qui les re-
fuse.
Montaigne , il est vrai , n6
plia jamais sous le joug de
ces tyrans delà soc'été, qui
commandent pour airisi dire
leurs opinions, et qui, du
haut d'un tribunal élevé par
l'amour - propre , disposent
souverainement des réputa-
tions , exigent des éioges
comme une dette , et des
hommages comme un tri-
but : il n'hypothéqua jamais
( pour me servir d'une de
ses expressions favorites), il
n'hypothéqua jamais sa li-
DE MONTAIGNE. 75
berté que dans les occasions
justes. Il se prêta quelquefois
à autrui ; il ne se donna ja-
mais qu'à lui - même : mais
cette noble indépendance
annonce de l'élévation et
non de l'orgueil , sur - tout
lorsqu'elle est accompagnée
du soin d'épargner , à ceux
qui nous écoutent, des véri-
tés désobligeantes , et de pré-
senter, sous le jour le plus
favorable , les qualités qui
peuvent leur attirer de la
considération. 11 croyoit s'o-
blger en obligeant les autres:
il jouissoiî de leur prospérité;
So ELOGE
il essuyoit les pleurs des mal-
heureux ; il sentoit le contre-
coup de leurs maux. Il est
beaucoup d'hommes assez
sensibles pour être touchés
du malheur d'autrui. H en
est peu qui en soient péné-
trés; avec un degré de sen-
sibilité ordinaire, on plaint
l'infortune , avec celle de
Montaigne, on la soulage.
Ce genre de commisération
tient à l'énergie de l'ame ,
et non à la foiblesse des or-
ganes. ■
Ceux qui l'approch oient
de plus près , ses domesti-
DE MONTAIGNE. Si
ques , en éprouvoient les pre-
miers effets.
Bien différent de Platon ,
qui veut qu'on leur parle
1 ou jours dun ton impérieux,
jNIontaigne pensait que la
familiarité du maître doit
réparer à leur égard les torts
de la fortune , et les consoler
de leur dépendance. « Il est,
33 disoit-il, injuste et inhu-
5) main de faire tant valoir
« cette telle quelle qualité de
i) fortune ; et les polices où
5^ il se trouve moins de dis-
« parité entre les valets et
82 ELOGE
» les maîtres , me semLlenl
» j^lus équitables ».
De toutes les vertus de la
vie privée , la première est
la piété filiale ; c'est celle
que la nature grava dans le
cœur de l'homme. A cet âge
où il n'a encore de senti-
ment que celui de ses be-
soins , une autorité douce ,
mais prévoyante , lui ap-
prend à chérir l'obéissance ;
et lorsque la réflexion le
conduit à en décomposer lo
principe , il y retrouve le
snême charme , parce que
SCS affections ont grandi
DE MONTAIGNE. fil
avec lui , et se sont identi-
fiées avec son être. Nul
homme n'a porté plus loin,
que Montaigne , ces vertus
primitives qui sont la base de
l'ordre social. Avec quelle
énergie il parle de l'auteur
de ses jours ! quelle vénéra-
tion pour sa mémoire ! En
conservant soigneusement
les meubles qui avoient servi
à son usage , il oroyoit rap-
peler autour de lui une par-
tie de l'existence de ce père
adoré.
Il portoit, lorsqu'il mon-
?.i ELOGE
toit à cheval , un manteau
qui lui avoit appartenu.
« Ce n'est point , disoit-il ,
» ])ar commodité, mais par
>j délices ; il me semble m'en-
» velopper de lui w.
Quelle touchante et su-
blime expression ! s'en-
velopper de son père ?
Heureuse l'école qui pour-
roit former des hommes sur
ce modèle. Ce mot, échappé
du cœur de Montaigne , est
un traité d'éducation
Celui qui chérit ainsi son
père, étoit né ayec le besoin
d'aimer.
DE MONTAIGNE. SS
d'aimer. Si l'histoire nous
transmet les amours des phi-
losophes , elle nous les re-
trace presque toujours com-
me des monumens de leur
foi blesse : mais elle rappelle
avec un saint respect , les
souvenirs de l'amitié , de ce
sentiment moins vif peut-
être que l'amour qui n'est
pas, comme lui, sujet à l'in-
constance , et ne redoute
pas l'infidélité.
[Montaigne , à qui la na-
ture avoit donné une ame
forte et un cœur sensible ,
dut se livrer avec abandon
s
8G E L O G î
à toutes les affections senti-
mentales , et leur imprimer
ce double caractère qui les
rend capables des plus grands
efforts ; il nous présente
deux modèles différens de
cette amitié si sublime dans
son principe, et si touchante
dans ses effets. La Boétie et
M."« de Gournay furent les
deux amis dont il immor-
talisa les noms en les pla-
çant à côté du sien (i).
(i) Marie - Catherine le Jars ds
Gournay naquit à Paris en i566.
Elle s'applitjua de bonne heure à
DE MONTAIGNE. S7
On s'élonnera, peut-être,
que les relations intimes de
Montaigne avec ces deux
personnages , aient existé à
la même époque (1), et qu'il
l'étude des belles-lettres , et se ren-
dit familières les langues savantes.
Elle dut à son érudition un com-
mencement de célébrité, et des re-
lations avec les hommes les plus
savans de son siècle , tels que les
cardinaux Duperron , Eentivoglio,
et de Richelieu, François de vSales,
Balzac , Heinsius , etc.
(1) La réputation de Montaigne ,
ce qui transpiroir déjà de ses Essais,
inspirèrent à Mlle, de Gournay un
tel degré d'enthousiasme , qu'en
S8 ELOGE
ait pu partager ce sentiment,
si peu suscep'àblô de partage,
lorsqu'il e-A porté à ce degré
d'énergie. Nisus , nous dira-
t-on, n'eut pour ami qu'Em-
riale , Oreste que Pilade :
mais la Boétie n'a jamais pu
l588 , lorsque Montaigne fit un
voyage à Paris , elle quitta sa terre
de Goiirnay pour venir, avec sa
mère , rendre hommage à ce philo-
sophe. Les plaisirs dont cette ville
immense fut toujours le centie ,
n'obtinrent pas un seul de ses mo-
mens : elle ne vit , ne suivit , n'é-
tudia , n'entendit que Montaigne,
qu'elle emmena ensuite à Gournay ,
où il passa trois mois.
DE MONTAIGNE. S5
voir un rival dans MJ'e Je
Gournay ; il n'a pas craint
non plus qu'elle devînt l'ob-
jet de cette passion impé-
lieuse et exclusive qui dé-
fend à l'iimitié de paroi tre
tant qu'elle existe, et qui lui
permet à peine de lui sur-
vivre.
Montaigne (1) donne à la
(1) Montaigne avoit plus de cin-
quante-cinq ans lorsqu'il connut
jNllIe. de Gournay ; et sa moralité
l'auroit mis au-dessus de la critique,
même dans un âge plus rapproclii
du sien.
fîO ÉLOGE
Boétie le titre de son frère ,
et à M.lle de Gournay celui
de sa fille d'alliance. C'est
ainsi qu'en n'élevant qu'un
temple à l'amitié, il lui con-
sacra deux autels : l'un, d'un
style antique et d'une ordon-
nance sévère , fut celui sur
lequel il plaça la Boétie ;
l'autre , d'une forme légère
et gracieuse , nous présente
M."'' de Gournay soutenue
par la tendresse paternelle ,
et couverte du vo'le de l'a-
doption , pour la soustraire
aux regards de la satire et
de l'enyie. Montaigne , dans
DE MONTAIGNE. gi
ses Essais , parle rarement
<]e M.lle de Gournay (i). Les
auteurs contemporains nous
en ont plus appris que lui-
(i) Montaigne donna à Mile, de
Gournay la plus grande preuve d'es-
time et d'attacliement , en lui lé-
guant ses manuscrits. Voici ce que
raj)porte Pa^quier à ce sujet : Cette
vertueuse demoiselle , avertie de la
mort du seigneur de Montaigne ,
traversa prescj'ae toute la France ,
tant par son propre vœu que par
celui de la veuve de Montaigne et
de madame d'Ettissac sa fille , qui
la convièrent d'aller mèfer ses pleurs
et ses regrets , qui fureat infinis ^
avec les leurs.
53 ÉLOGE
même sur ses liaisons avec
elle (i).
« Il faut , dit-il , craindre
>j d'éyeiller la malignité ,
V) toujours en quête aviprès
« des femmes n.
(i) L'éditeur des ouvrages de
Montaigne a incontestablement des
droits à notre reconnoissance. Mlle,
de Gournay a fait trois éditions des
ouvrages de ce grand homme : la
première, publiée en i5g6, parut
après la mort du Philosophe ; la
seconde en 1602 , et la troisième
en i635. Cette dernière , corrigée
sur les manuscrits de l'auteur, fut
dédiée au cardinal de Richelieu ,
«iui en fit les frais.
DE MONTAIGNE. gj
11 savoit que leur réputa-
tion littéraire gagne clifBci-
lement à leurs liaisons avec
les gens de lettres , dont
elles obtiennent plus soixvent
des applaudissemens super-
ficiels que des conseils sages.
II savoit encore qu'il faut res-
pecter cette espèce de mys-
tère dont la nature semble
envelopper leurs pensées ,
leurs penclians , leurs goûts
et leurs affections (i). Mais ,
(i) Montaigne a cependant fait
lin très-grand éloge de Mlle, de
Gournay , à la fin du dix septième
chapitre du livre deuxième.
n-i L L O G E
S! nous avons à regretter
quelques réticences de Mon-
taigne sniraniitié qu'il avoit
pour M."e (Je Gournay, avec
quelle abondance ne nous
en dédommage-t-il pas en
parlant de la Boétie ! quelle
richesse d'expressions, même
en accusant notre langue de
manquer de vigueur , lors-
qu'il veut décrire à son ami
les mouvemens d'une ame
qui se confon 1 dans la sien-
ne ! Laissons-le s'exprimer
lui-même; il ne peut être ni
traduit ni suppléé.
a La vraie amitié dont je
DE MONTAIGNE. f)5
î) suis expert , me donne à
» mon ami plus que je ne le
5> tire à moi ; je n'aime pas
« mieux lui faire du bien
îj qu'à moi , mais encore qu'il
» s'en fasse qu'à moi. Mon-
» sjeur de la Boétie et moi
5) ne noi:s réservions rien
î) qui nous fût propre , ;,ii qui
» fût ou sien ou mien; nous
5) nous cherchions avant de
» nous être vus, et par les
>j rapports que nous oyons
» l'un de Tautre , oui fai-
i) soient en notre affection.
» plus d'efforts que ne porte
» la raison des rapports ; nous
rG ELOGE
» nous embrassions par nos
w noms : à notre première
» rencontre nous nous trou-
» vâmes si près, si connus,
5> si obligés entre nous , que
« rien dès-lors ne nous fuC
« si proclîc que l'un à l'au-
« tre. Quand nous étions sé-
« parés , il vivoit , il jouis-
w soit , il voyoit pour moi, et
» moi pour lui , autant plei-
» nement que s'il y eût été ;
» l'une partie demeuroit oi-
» sive quand nous étions en-
» semble ; nous nous con-
» fondions ; la séparation du
» lien rendoit la conjonctioa
DE MONTAIGNE. 97
3) de nos volontés plus riche ;
» cette faim insatiable de la
» présence corporelle accuse
5> la foiblesse de nos âmes ;
» les nôtres se sont considé-
5> rées d'une si ardente affec-
3:> tion, découvertes jusqu'au
5) fin fond des entrailles l'un
» de l'autre : elles ont charié
» si uniment ensemble « !
Arrêtons-nous Ce tor-
rent d'expressions plus brû-
lantes les unes que les au-
tres , fatigueroit peut-être :
s'il est des têtes trop légères
pour porter la pensée , n'y
a-t-il pas des âmes trop foi-
9
»)8 ELOGE
bles pour soutenir une telle
explosion de sentiment ?
O divine amitié , que ton
langage est pénétrant dans
la bouche de Montaigne ! que
les soupirs de l'amour sont
loin de cette passion sublime
que si peu d'hommes ont été
dignes d'éprouver ! mille vo-
lumes sont remplis des fau-
tes , des délires et des mal-
heurs de l'amour ; à peine
quelques lignes sont consa-
crées aux jouissances pures
de l'amitié : la plume de l'his-
toire ne lui reproche ni cri-
mes , ni erreurs , ni foibles-
DE !\I O N T A I G N E. QO
s^s ; mais elle est aviire du
titre d'anù , et ne compte
qu'un très-petit nombre de
modèles de cette amitié que
l'infortune fortifie , tandis
qu'elle a souvent affoibli
l'amour.
Celui que poursuit le cha-
grin souffre moins s'il a un
ami ; l'amitié couvre de roses
les épines qui croissent sous
ses pas : mais pour en méri-
ter les bienfaits , il faut en
remplir les devoirs. La dou-
ceur qui console sans flat-
ter, qui corrige sans rudesse,
la franchise qui reproche les
loo ELOGE
fauLes sans humilier , l'In-
dulgence qui pardonne ce
qu'elle blâme .; ce ne sont là
qu'une partie des qualités
qu'elle suppose : Montaigne
eut toutes celles qu'elle exi-
ge. Tendre amitié, falloit-il
qu'il goûtât si peu de temps
tes char/aes ! quatre années
ont rempli cet intervalle si in-
téressant de sa vie. «■ Je com-
« pare , dit- il , tout le reste
x> de mon existence aux qua-
5j tre années qu'il m'a été
3) accordé de jouir de la
5) compagnie de ce person-
V nage ; le reste n'est qu'une
DE MONTAIGNE, loi
») fumée ; ce n'est qu'une
>j nuit obscure '^.
Que le sort lui enlève ses
richesses , que la gloire le
dépouille des lauriers dont
elle a ceint sa tête; mais que
le ciel , désarmé par ses vœux,
prolonge des jours auxquels
est attachée la félicité des
siens! vœux superflus; son
ami expire : il ne lui reste
plus qu'à porter sur son tom-
beau le tribut de ses larmes.
Son ame est flétrie , sa raison
s'égare , son imagination ne
lui présente que des objets
lugubres ; la mort , qui fut
9 *
;o2 ELOGE
si souvent l'objet de ses mé-
ditations , devient: celui de
ses désirs ; pouvoit - il la
craindre , celui qui avoit dit
que philosopher c'est ap-
prendre à iTiOurir?
O combien les derniers
instans de l'homme vertueux
^ont embellis par la phdo-
«ophie ! le cœur de Mon-
taigne est attendri par la
douleur d'une famille éplo-
rée ; son courage n'est point
ébranlé. L'homme qui n'est
que bienfaisant peut regret-
ter la vie ; sa bienfaisance
meurt avec lui , et le souve-
DE MONTAIGXE. loS
nir du b'eii qu'il a fait est en
quelque sorte eniposonne-
par le chagrin qu'il a de n'en
plus faire. L'homme de gé-
nie , au contraire , se survi-
vant à lui-même et ai^issant
toujours par ses écrits, pres-
sent son immortalité, et jouit
d'avance, dans ses derniers
momens , de tout le b-en
qu'il doitfa're dans l'av^enir.
Montaigne voit arriver d'un
ceil serein l'i'nstant oii il va
rendre à la nature la forme
passagère qu'il en a reçu ;
à l'Etre suprême, cet esprit
dont il n'a jamais abusé , et
io4 ELOGE
cette ame que les passions
n'ont point défigurée. Que
îi'ai-je une partie de l'élo-
quence avec laquelle le cé-
]»^bre panég3^risre de Descar-
tes déchira le voile des pré-
jugés qui couvroit la répu-
tation de ce grand homme î
aussi sublime que le sujet
qu'il traite , le feu qui l'agite
se communique et porte la
conviction dans tous les es-
prits ; la plume , dans ses
mains , devient une baguette
magique qui transforme les
censeurs de Descartes en
(idmirateurs. Je résoudrois
DE MONTAIGNE. io5
alors les doutes qu'on a osé
élever sur le septicisme de
Montaigne : je présenterois
ce sage aux prises avec la
mort .; la philosophie , la vé-
rité et la gloire , groupées
autour de lui; la première
le conduisant au lieu du re-
pos ; la seconde , qu'il a ren-
due triomphante de l'erreur,
posant sur son front une
couronne immortelle ; et la
gloire marquantla place qu'il
doit occuper dans la pos-
térité.
FIN,
ERRATA.
Page 7 , ligne 14 , qui la
nourrit; Usez, qui
le nourrit.
fjZ , lig. 12 , diront
peut-être les élo-
ges ; lisez , diront
peut-être que ces
éloges.
96 , lig. dernière, lien;
Usez , lieu.
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