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LOUVAIN... REIMS
Nous publierons incessamment sous le même titre,
an second fascicule, recueil de tous les documents
que nous avons pu rassembler sur le même sujet :
communiqués officiels y récits de témoins oculaires
parus dans divers journaux, rapports d* architectes,
protestations d'Europe et d'Amérique, vues photo-
graphiques.
Nous mettons ce fascicule hors série : comme il ne
contiendra rien d^ inédit, nous ne voulons pas le faire
compter parmi nos cahiers originaux. Toutefois
nous t offrirons comme prime à tous ceux de nos
abonnés qui nous resteront fidèles au /•' mars
prochain y terme de notre premier exercice.
(ÉDITION DZS C4HÏER5 V/lUDOlvS
LOUK4T]Sr...
REIM^S..
à Laujanne chez^ C, Thr/n.
I9I4
LA PLAINTE DE RHEIMS
1
Elle était trop belle : c'est ce qui Fa perdue.
Quand on n'est pas digne de Paimer, la beauté est
ce qu'on hait le plus.
Notre-Dame de Rheims était la Reine de France,
dans la fleur de sa majesté et sa candeur première.
Elle avait la grandeur, le sourire et la pureté. Elle
était plus parfaite qu'une autre : du moins le sem-
blait-elle : parce qu'elle était heureuse. Elle avait la
lumière délicieuse de la félicité. Elle était une source
de joie, étant le miracle le plus rare parmi la dure
TÎe des hommes : la beauté qui mérite son bonheur,
et qui a tout le bonheur mérité.
— 8 —
II
La royauté était en elle.
Quand on Faimait plus tendrement, on pensait
d'elle : Votre Douceur porte la couronne.
Et : Votre Majesté est ceinte de bienveillance sou-
verainef quand on Fadmirait avec plus de respect.
111
Rheims était notre Parthénon.
Le sourire de Rheims, il fallait être de France
pour en goûter la divine et ravissante ivresse. Le
sourire de Rheims, il fallait être de France pour
en entendre la musique. Les rayons du soleil sur la
plaine, la tristesse et la joie des horizons^ non moins
que la forêt, la mer et toutes les grandes orgues de la
terre, ont un chant que Foreille commune ne perçoit
pas. 0 peuple de Rheims, assemblée des reines et des
rois, des saints, des chevaliers, des fleurs, des herbes
et des jeunes filles, votre sourire et votre suave gra-
vité faisaient une musique exquise, que toute âme
française a surprise, et dont elle s'est enchantée.
Les Barbares sourds ont massacré le triple chœur
des porches et des tours. Ils ont bien fait voir qu'ils
De sont pas de France et n'en seront jamais. A
mesure qu'ils foulent cette terre sacrée, elle en a
le frisson qui préfère la mort à la souillure, et les
rejette. Car une vie merveilleuse l'agite, et son fré-
miasement fait cicatrice à toutes set blessures.
— 9 -
IV
C'était le Parthënon de l'Occident, mais plus
sible que l'autre et bien plus près de nous.
Que ces corps étaient donc pleins d'âme ! Ils
volaient. Ils venaient du paradis, ou ils y allaient.
L'amuur et la douceur de France gonflaient leurs
voiles : à les belles nefs de vie humaine ! 11 a fallu la
méchanceté des démons, et leur affreuse ignorance,
pour les jeter sur un océan de feu et les tremper
dans l'incendie. Mais l'enfer n'est pas pour elles ni
pour leurs larmes.
Les six cents statues de Rheims étaient plus belles
que la Grèce : elles parlaient à notre cœur. Chartres
exceptée, jamais la sculpture n'a été aussi haut. La
flore des chapiteaux, adorable merveille de Tamour
pour le sol natal, voulait chanter la nature et la terre
de France pour tous les siècles. Ne pouvant voler la
France à elle-même, c'est son poème et son visage
que les Barbares ont défiguré, et qu'ils ont voulu
effacer sous le ciel.
Ils croient que la puissance a la destruction pour
premier signe. Et ils s'en font un droit. Les malheu-
reux ! Ils se flattent de régner sur tout l'univers, et
ils n'ont pas la moindre idée du véritable règne.
La puissance est toujours ascétique. Elle consiste
toujours à se vaincre, même sur le champ de bataille,
même dans la victoire. Ce qui détruit est à jamais
indigne de ce qui fut édifié. L'œuvre de beauté, il
- in —
fiol moarir pour elle: qui vil pour la détruire est
marqué d'indignité. Tous les canons de la terre n'y
dMDferont rien. Contre Notre-Dame, les plus lourds
obiuners sont les plus vils et les plus grossiers. La
▼raie grandeur tient en éternel mépris la brutalité et
la violence. Qui fait la guerre aux œuvres immor-
telles de l'esprit sera toujours vaincu, et vaincu par
sa propre barbarie. La vraie force n'en doute pas.
S'agit-il des requins, des gorilles ou des hommes?
La force n'est pas de Thomme, tant qu'il y a de la
brutalité dans la force : parce que dans la brutalité, la
brute est toujours là.
Les Allemands nient tout ce qui les gène. Brutalité
de IVsprit, et non moins brute que l'autre.
Ils croient qu'un seul de leurs soldats vaut mieux
que toutes les cathédrales. Qui nous empêche de
répondre : « Un seul des nôtres est plus précieux
que tous vos soldats. Et pourtant, c'est à Notre-
Dame que nous immolons nos soldats et qu'ils
s'immolent. »
Comme si ce n'était pas pour Rheims et Notre-
Dame que ces pauvres enfants acceptent de mourir !
Nous ne combattons pas pour un sol nu, mais
pour un sol sanctifié.
Et même si nous pouvons mourir pour notre terre,
UNlIe nue dans le suaire d'attentats que vous lui avez
tîai^, c'est parce qu'elle est cent et cent fois sancti-
— 11 —
fiée par tout Tamour, toute la douleur, toute la peine
et toute la beauté que lui ont données cent généra-
tions d'hommes qui furent nos pères. La niatie^re
vous étouffe, à Allemands !
VI
Il y a deux mille ans que les Allemands aspirent à
faire partie de TOccident. Il y en a cinquante qu'ils
prétendent y régner en maîtres. Ils n'en ont jamais été
jugés dignes. Ils peuvent brûler la maison et la ruiner
de fond en comble : ils n'en passeront pas le seuil. Ils
viennent de s'en exclure pour des siècles.
Rheims était le lieu saint de FOccident. Notre
cathédrale n'est pas seulement de meulières et de
moellons. Notre maison est en esprit.
11 ne fallait pas chercher à tuer Notre-Dame. Alle-
mands, vous deviez garder vos obus pour vos pro-
fesseurs, vos gares, vos brasseries et vos doctrines.
Rheims, les bras levés, brûlés jusqu'aux épaules,
vous barre la route. C'est à Rheims que la France
avait mis sa plus pure majesté, sur un socle de
prières, de beauté et de libre génie. A présent que
vous l'avez outragée, cette majesté est invincible.
Les Barbares n'ont ni respect ni considération
d'une beauté qui leur est étrangère. Ils l'ignorent,
puisqu'ils la détruisent. Ils ne sauraient entrer dans
ce divin domaine : et c'est sa vengeance, à elle, la
très noble et la très belle.
— 12 —
VIII
La haine éteint toute conscience dans ceux qui
hâlttent ; et rien ne demeure en eux que l'affreux
bonheor de nuire. Les armées de l'Allemagne sont
Im armées de la haine. Le crime de Rheims est un
crime de la haine. I/Allemagne est l'empire de la
haine. L'esprit du mal les possède et ils ne savent
plus que haïr.
La science sans cœur, Torgueil malade qui se
nourrit de mépriser les autres, la menace perpétuelle
du poing et du fer, routrecuidante certitude d'avoir
toujours raison, l'aveuglement sur soi-même, la justi-
fication de toutes les violences par l'intérêt des vio-
lents, voilà les obus de Rheims, voilà ce qui est du
démon comme le peuple appelle tout ce qui vient de
la haine. On ne conquiert pas ce que l'on tue. On ne
gagne pas le cœur qu'on assassine. Encore moins,
quand on manque son coup, qu'on blesse sans tuer
et qu'on meurtrit une grandeur victorieuse. Alle-
mands, qui l'avez outragée, craignez dans la France
silencieuse et peut-être invincible, craignez celle qui
fut un jour votre victime : elle ne peut plus vous
pardonner.
Le crime de Rheims est le crime d'une race,
André Suàkès.
PRO ARIS
Parmi tant de crimes de cette guerre infâme, qui
nous sont tous odieux, pourquoi avons-nous choisi,
pour protester contre eux, les crimes contre les choses
et non contre les hommes, la destruction des œuvres
et non pas celle des vies ? Plusieurs s'en sont étonnés,
nous Tout même reproché, — comme si nous n'avions
pas autant de pitié qu'eux pour les corps et les coeurs
des milliers de victimes qui sont crucifiées ! Mais de
même qu'au-dessus de ces armées qui tombent plane
la vision de leur amour, de la Patrie, à qui elles se
sacrifient, — au-dessus de ces vies qui passent passe
sur leurs épaules l'Arche sainte de l'art et de la
pensée des siècles. Les porteurs peuvent changer.
Que TArche soit sauvée ! A l'élite du monde en
incombe la garde. Et puisque le trésor commun est
menacé, qu'elle se lève pour le protéger !
J'aime à voir que, d'ailleurs, ce n'est pas dans les
pays latins que ce devoir sacré a pu jamais
— 14 —
d'être tenu pour le premier de tous. Notre France,
qui saigne de tant d'autres blessures, n'a rien souf-
fert de plus cruel que de l'attentat contre son Par-
thénon, la cathédrale de Reims, Notre-Dame de
France. Les lettres que j'ai reçues de familles ëprou-
▼éea, de soldats qui, depuis deux mois, supportent
toutes les peines, me montrent (et j'en suis fier, pour
eux et pour mon peuple) qu'aucun deuil ne leur fut
plus lourd. — C'est que nous mettons l'esprit au-
dessus de la chair. Bien différents en cela de ces
intellectuels allemands qui, tous, à mes reproches pour
les actes sacrilèges de leurs armées dévastatrices,
m'ont répondu, d'une voix : « Périssent tous les
chefs-d'œuvre, plutôt qu'un soldat allemand!... »
Une œuvre comme Reims est beaucoup plus qu'une
vie: elle est un peuple, elle est ses siècles qui frémis-
sent comme une symphonie dans cet orgue de pierre ;
elle est ses souvenirs de joie, de gloire et de douleur,
ses méditations, ses ironies, ses rêves; elle est
l'arbre de la race, dont les racines plongent au plus
profond de sa terre et qui, d'un élan sublime, tend
ses bras vers le ciel. Elle est bien plus encore : sa
beauté qui domine les luttes des nations, est l'har-
monieuse réponse faite par le genre humain à l'énigme
du monde, — cette lumière de l'esprit, plus néces-
saire aux âmes que celle du soleil.
Qui tue cette œuvre assassine plus qu'un homme,
il assassine l'âme la plus pure d'une race. Son crime
est inexpiable, et Dante l'eût puni d'une agonie ëter-
— ir» —
ncllc de sa race, — élernellemeiil renouvelée. Nou»
qui répudions l'esprit vindicatif de ce cruel génie,
nous ne rendons pas un peuple responsable des
actes de quelques-uns. Il nous suffit du drame qui
.se déroule sous nos yeux, et dont le dénouement
presque infaillible doit être l'écroulement de
l'hégémonie allemande. Ce qui le rend surtout
poiiB^-nant, c'est que pas un de ceux qui constituent
l'élite intellectuelle et morale de l'Allemag^nc, —
cette centaine de hauts esprits et ces milliers de
braves cceurs, dont aucune grande nation ne fut
jamais dépourvue, — pas un ne se doute vraiment
des crimes de son gouvernement; pas un, des atro-
cités commises en Wallonie, dans le Nord et dans
l'Est français, pendant les deux ou trois premières
semaines de la guerre; pas un (cela semble une
gageure 1), de la dévastation volontaire des villes de
Belgique et de la ruine de Reims. S'ils venaient à
envisager la réalité, je sais que beaucoup d'entre etix
pleureraient de douleur et de honte; et de tous les
forfaits de l'impérialisme prussien, le pire, le plus
vil, est certainement d'avoir dissimulé ses forfaits à
son peuple: car, en le privant des moyens de protester
contre eux, il l'en a rendu solidaire pour des siècles;
il a abusé de son magnifique dévouement.
Certes, les intellectuels sont coupables, eux aussi.
Car si l'on peut admettre que les braves gens qui,
dans tous les pays, acceptent docilement les nouvelles
que leur donnent en pâture leurs journaux et leurs
— 16 —
chefs, M soient laissés duper, on ne le pardonne pas
à ceux dont c'est le métier de chercher la vérité au
milieu de Terreur et de savoir ce que valent les
témoignasses de l'intérêt ou de la passion hallucinée;
leur devoir élémentaire (devoir de loyauté autant que
de bon sens), avant de trancher dans ce débat affreux,
dont l'enjeu était la destruction de peuples et de
trésors de l'esprit, eût été de s'entourer des enquêtes
des deux partis. Par loyalisme aveugle, par coupable
conBance, ils se sont jetés tête baissée dans les filets
que leur tendait leur impérialisme. Ils ont cru que
le premier devoir pour eux était, les yeux fermés, de
défendre l'honneur de leur Etat contre toute accusa-
tion. Ils n'ont pas vu que le plus noble moyen de le
défendre était de réprouver ses fautes et d'en laver
leur patrie...
J'ai attendu des plus fiers esprits de l'Allemagne
ce viril désaveu qui aurait pu la grandir, au lieu de
l'humilier. La lettre que j'écrivis à l'un d'eux, au
lendemain du jour où la voix brutale de l'Agence
Wolff proclama pompeusement qu'il ne restait plus
de Louvain qu'un monceau de cendres, — l'élite
entière d'Allemagne l'a reçue en ennemie. Elle n'a pas
compris que je lui offrais l'occasion de dégager l'Alle-
magne de l'étreinte des forfaits que commettait en
•on nom son Empire. Que lui demandais-je? Que
TOUS demandais-je à tous, artistes d'Allemagne? —
D'exprimer tout au moins un regret courageux des
exoèfl accomplis et d'oser rappeler à un pouvoir sans
— 17 -
frein que la patrie elle-même ne peut se sauver par
des crimes et qu'au-dessus de ses droits sont ceux
de l'esprit humain. Je ne demandais q\ï*tine voix,
une seule qui fût libre... Aucune voix n'a parlé. Et
je n'ai entendu que la clameur des troupeaux, les
meutes d'intellectuels aboyant sur la piste où le
chasseur les lance, cette insolente Adresse où, sans
le moindre essai pour justifier ses crimes, vous avez,
unanimement, déclaré qu'ils nVxistaient point. Et
vos théologiens, vos pasteurs, vos prédicateurs de
cour, ont attesté de plus que vous étiez très justes et
que vous bénissiez Dieu de vous avoir faits ainsi...
Race de pharisiens! Quel châtiment d'en haut flag^el-
lera votre org^ueil sacrilège!... Ah! vous ne vous
doutez pas du mal que vous aurez fait aux vôtres !
La mégalomanie, menaçante pour le monde, d'un
Ostwald ou d'un H.-S. Chamberlain S l'entêtement
> Quand j'ai écrit ceci, je ne connaissais pas encore l'article
traeux de Thomas Mann (dans la Neue Rundschau de novembre 1914),
s'achamant, dans an accès de foreur d'orgueil blessé, à revendiquer
oomme on titre de gloire pour l'Allema^e tout ce dont l'accusent aee
adTersaires, — osant écrire que la guerre actuelle était la guerre de In
Kultur allemande c contre la civilisation », proclamant que la pensée
allemande n'avait pas d'autre idéal que le militarisme, et se faisant enfla
un étendard de ces rers qui sont l'apologie de la force opprimant la
faiblesse :
4er Mensch uerkûmmert im Frieden,
Mênige Ruh itt dos Grab de* Mut*.
Doê Oetett Ut dêr Frtund de* Schwachen,
Aile» will e» nmr eben maehen.
Môchte gern die Wett verflachem,
Aber der Krieg tûsit die Kraft ênehêimm...
{m L'homme dépérit dont la paix. Le rtpoe oisif est le
RUMS... LOUTAOI
— 18 —
criminel des quatre-vingt-treize intellectuels à ne pas
vouloir voir la vérité, auront coûté plus cher à l'Alle-
magne que dix défaites.
Que vous êtes maladroits ! Je crois que de tous vos
défauts, la maladresse est la pire. Vous n'avez pas
dit un mot, depuis le commencement de cette guerre,
qui n'ait été plus funeste pour vous que toutes les
paroles de vos adversaires. Les pires accusations
qu'on ait portées contre vous, c'est vous qui en avez
fourni, de gaieté de cœur, la preuve ou largument.
De même que ce sont vos Agences officielles qui,
dans l'illusion stupide de nous terroriser, ont lancé,
les premières, les récits emphatiques de vos plus
sinistres dévastations, — c'est vous qui, lorsque les
plus impartiaux de vos adversaires s'efforçaient, par
justice, de limiter à quelques-uns de vos chefs et de
vos armées la responsabilité de ces actes, en avez
rageusement réclamé votre part. C'est vous qui, au
lendemain de cette ruine de Reims, qui, dans le fond
du cœur, devait aussi consterner les meilleurs d'en-
tre vous, au lieu de vous excuser, vous en êtes,
par orgueil imbécile, vantés ^ C'est vous, malheu-
eaur. La loi mI ramie du faible; elle veut toai aplanir; ii elle poth-
vmiittlleaplaiiraii le momU; mais la guerre fait surgir la force,.,»)
Aiati, dans une arène, an Uoretu, fou de rage, se lance lêle baiaaée
•v Véféê que lui tend le matador, et s'enferre.
rëcrit un de oea jeunes « pMants de barbarie > (ainsi les
Il MifUtl de Unaoïuno) « on a le droit de détruire qnsBd
OU • la feree dt créer» (Wer stark ist tu schajfen, der darfauck ter-
fMrM). — Priedr. Oomiolf .* Tal umd Wort im Kriêg, publié dans la
— 19 —
reux, vous, représentants de Fespht, qui n'avez point
cessé de célébrer la force cl de mépriser les faibles,
comme si vous ne saviez pas que la roue de la for-
tune tourne, que cette force un jour pèsera de nou-
veau sur vous, ainsi qu'aux siècles passés, où da
moins vos grands hommes conservaient la ressource
de n'avoir pas abdiqué devant elle la souveraineté de
Tesprit et les droits sacrés du droit !... Quels repro-
ches, quels remords vous vous préparez pour l'avenir,
6 conducteurs hallucinés, qui menez vers le fossé
votre nation qui vous suit, ainsi que les aveugles
trébuchants de Brueghel!
Les tristes arguments que vous nous avez opposés,
depuis deux ou trois mois !
1° La guerre est la guerre, dites-vous, c'est-à-dire
sans mesure commune avec le reste des choses, au
delà de la morale, de la raison, de toutes les limites
de la \ie ordinaire, une sorte d'état surnaturel,
devant quoi il ne reste qu'à s'incliner sans discuter;
29 L'Allemagne est l'Allemagne, c'est-à-dire sans
mesure commune avec le reste des peuples ; les lois
qui s'appliquent aux autres ne s'appliquent pas à
elle, et les droits qu'elle s'arroge de violer le droit
n'appartiennent qu'à elle. C'est ainsi qu'elle peut,
sans crime, déchirer ses promesses écrites, trahir ses
serments donnés, violer la neutralité des peuples
qu'elle a juré de défendre. Mais elle prétend, en
Frank/. Zeit. du 11 octobre. — Cf. Tartide do rieoz Hans Tboma,
dans la Leipziger Itlastrierte Zeitung, du 1*' octobre.
— 20 —
retour, trouver dans les peuples qu'elle outrage «de
cheralcresques adversaires» ; et que cela ne soit
pas et qu'ils osent se défendre, par tous les moyens
et les armes qui leur restent, elle le proclame un
crime!...
On reconnaît bien là les enseignements intéressés
de vos maîtres prussiens ! Artistes d'Allemagne, je
ne mets pas en doute votre sincérité ; mais vous
n'êtes plus capables de voir la vérité; Timpérialisme
de Prusse vous a enfoncé sur les yeux et jusque sur
la conscience, son casque à pointe.
« Nécessité ne connaît pas de loi. » ...C'est le
Onzième Commandement, le message que vous appor-
tez aujourd'hui à l'univers, fils de Kant!... Nous
Pavons entendu plus d'une fois, dans l'histoire :
c'est la fameuse doctrine du Salut Public, mère des
héroïsmes et des crimes. Chaque peuple y a recours,
à l'heure du danger; mais les plus grands sont ceux
qui défendent contre elle leur âme immortelle. Il y a
quelque quinze ans, lors de ce fameux procès où l'on vit
opposé un seul homme innocent à la force de l'Etat,
nous l'avons, nous Français, affrontée et brisée,
l'idole du Salut Public, quand elle menaçait, comme
disait notre Péguy, « le salut éternel de la France».
Ecoutez-le, celui que vous venez de tuer, écoutez
un héros de la conscience française, écrivains qui
avez la garde de la conscience de l'Allemagne !
• € Nos adversaires d'alors, écrit Charles Péguy,
parlaient le langage de la raison d'Etat, du salut
— 21 —
temporel du peuple et de la race. Et nous^ par un
moiwement chrétien profond y par une poussée révO'
lutionnaire et ensemble traditionnelle de christia^
nismcj nous n allions pas à moins qu'à nous élever
à la passion y au souci du salut éternel de ce peuple.
Nous ne voulions pas que la France fût constituée
en état de péché mortel, *
Ce n'est pas votre souci, penseurs de rAllemagne.
Vous donnez votre sang bravement, pour sauver sa
vie mortelle. Mais de sa vie éternelle vous ne vous
inquiétez pas... Certes, l'heure est terrible. Voire
patrie, comme la nôtre, lutte pour l'existence ; et
je comprends et j'admire l'ivresse de sacrifice qui
pousse votre jeunesse, comme la nôtre, à lui faire
an rempart de son corps contre la mort. « Etre ou
ne pas être...», dites-vous? — Non, ce n'est pas
assez ! « Etre la grande Allemagne, être la grande
France, dignes de leur passé, et sachant se respec-
ter soi-même et Tune l'autre, même en se combat-
tant » : voilà ce que je veux. Je rougirais de la vic-
toire, si ma France l'achetait au prix dont vous
payez vos succès sans lendemain. En même temps
que les batailles sur les plaines de Belgique et les
coteaux crayeux de Champagne se livrent, une autre
guerre a lieu dans les champs de l'esprit ; et parfois
une victoire d'en bas est une défaite, en haut. La
conquête de la Belgique, Malines, Louvain et Reims,
les carillons de Flandre, le bourdon de Notre-Dame,
sonneront dans votre histoire un plus lugubre glas
- 22 —
que les cloches de léna ; et les Beljçes vaincus vous
ont ravi la gloire. Vous le savez. Votre fureur vient
de ce qae vous le savez. A quoi bon essayer vaine-
ment de vous tromper ? La vérité finira par se faire
jour en vous. Vous avez beau rélouffer. Un jour,
elle parlera. Elle parlera par vous, par la bouche
d'un des vôtres, en qui se sera réveillée la conscience
de votre race... Ah ! qu'il paraisse enfin, qu'on Ten-
iende, le génie libérateur et pur, qui vous rachète!
Celui qui a vécu dans l'intimité de votre vieille Alle-
magne, qui l'a tenue par la main dans les ruelles
tortueuses de son passé héroïque et sordide, qui a
respiré ses siècles d'épreuves et de hontes, se sou-
vient et attend : car il sait que si jamais elle ne fut
assez forte pour supporter la victoire sans trébucher,
c'est à ses pires heures qu'elle se régénère ; et ses
plus hauts génies sont fils de la douleur.
Septembre 1914.
Romain Rolland.
Depuis que ces lignes furent écrites, j'ai vu nattre
l'inquiétude, qui peu à peu chemine dans les cons-
ciences des braves gens d'Allemagne. D'abord, un
doute secret, refoulé par l'effort têtu pour croire aux
mauvaises raisons, ramassées dans le ruisseau par
leur goavernement : — documents fabriqués pour
— 23 —
prouver que la Beljçique avait renoncé elle-même
à sa neutralité, fausses allégations — (en vain
démenties, quatre fois, par le gouvernement fran-
çais, par le généralissime, par Tarchiprétre et l'ar-
chevêque, par le maire de Heims) — accusant les
Français d'avoir usé de la cathédrale de Reims pour
un objet militaire. A défaut d'arguments, leur système
de défense est parfois d'une naïveté déconcertante :
« Est-il possible, disent-ils, qu'on accuse d'avoir
voulu détruire des monuments artistiques le peuple
le plus respectueux de l'art, celui auquel on inculque
ce respect dès l'enfance, celui qui a le plus de ma-
nuels et de collections d'histoire de l'art, le plus de
cours d'esthétique ? Est-il possible qu'on accuse des
actes les plus barbares le peuple le plus humain, le
plus affectueux, le plus familial ! »
Il ne leur vient pas à l'idée que l'Allemagne
n'est pas faite d'une seule race d'hommes, et qu'à
c^té de la masse docile, qui est née pour obéir, pour
respecter la loi, toutes les lois, il y a la race qui com-
mande, qui se croit au-dessus des lois, qui les fait et
défait, parce qu'elle se dit la force et la nécessité
{Noth...) — C'est ce mauvais mariage de l'idéalisme
et de la force allemande qui mène à ces désastres.
L'idéalisme est femme, femme éprise, qui, comme
tant de ces braves épouses allemandes, est en ado-
ration devant son seigneur et maître, et se refuse à
supposer même qu'il puisse avoir jamais tort.
Il faudra bien pourtant, pour le salut de l'Aile-
— 24 —
magne, qu'elle en arrive un jour à la pensée du
divorce, ou que la femme ait le courage de faire
entendre sa voix dans le ménage. Je sais déjà quel-
qaes esprits qui commencent à réclamer les droits de
Tesprit contre la force. Dans ces derniers temps,
maintes voix d'Allemagne sont venues jusqu'à nous,
par lettres, protestant contre la guerre et déplorant
avec nous les mêmes injustices. (Je ne les nommerai
point, pour ne pas les compromettre.) — Il n'y a pas
très longtemps, je disais à la Foire sur la Place, qui
encombrait Paris, qu'elle n'était pas la France. Je le
dis aujourd'hui à la Foire allemande : « Vous n'êtes
pas la vraie Allemagne. » Il en existe une autre, plus
juste et plus humaine, dont l'ambition n'est pas de
dominer le monde par la force et la ruse, mais d'ab-
sorber pacifiquement tout ce qu'il y a de grand dans
les pensées des autres races et d'en rayonner en re-
tour l'harmonie. Celle-là n'est pas en cause. Nous ne
sommes pas ses ennemis. Nous sommes les ennemis
de ceux qui ont presque réussi à faire oublier au
monde qu'elle vivait encore.
Octobre 19U.
R. R.
LE DROIT A LA RÉSISTANCK
Louvain, Malines, Dinant, Reims, Arras, Yprcs,
voilà les étapes, voilà les victoires. L'Allemagne a ja-
lonné son passage par ces tas de pierres. Telles sont
les stations du calvaire qu'elle a fait §^ravir à la civi-
lisation sous ses obusiers. On ne sait s'il faut y voir
l'effet de cette barbarie ou de cette culture dont elle
est également fière.
Malgré les démentis et les excuses, les ruines sont
là. On a beau essayer de justifier ces dévastations,
ces ruines parlent. Elles sont comme les caractères
gigantesques d'un acte d'accusation écrit sur la vieille
terre d'Europe.
Quel devait être leur langage, puisque ces actes
ayaient un but?
Intimidation,
Les états-majors admettent que la guerre doit uti-
liser toutes les armes pour frapper l'ennemi aussi
bien dans son âme que dans son corps. Ils parlent
beaucoup de l'élément moral, aussi nécessaire pour
— 26 —
la discipline et le courage de la troupe que pour le
désordre et la panique de l'ennemi. Ils ont institué
le culte de la force, qui demande une dévotion mi-
nutieuse et ingénue. Ils opposent des axiomes pra-
tiques aux rêveries humanitaires. Et des rites aussi
répondent à ces dogmes.
L'idéal d'une race a été pendant un temps d'écraser
et d'assenrir les autres. Le pangermanisme, cette
doctrine vaguement historique et scientifique, s'était
rois à la solde de ceux dont le métier est de tuer et
de détruire. Le vieil esprit de la Prusse, celui des
chevaliers teutoniques et de Frédéric, s'est imposé à
toute une nation pour lui faire accepter l'orgueil et
la folie du culte à la violence. Elle a fait approuver
des maximes dangereuses comme : nécessité est loi, —
la guerre est une fatalité, — et ces affirmations hypo-
crites qui révoltaient déjà le colonel Picquart * : « Cer-
taines rigueurs sont inhérentes à la guerre, et c'estdans
l'emploi impitoyable des violences nécessaires que
réside souvent la seule et vraie humanité. »
La preuve aujourd'hui est faite. On voit comment
la seule et vraie humanité s'accorde avec les vio-
lences nécessaires. Il est difficile de parler du droit
des gens dans une guerre qui a commencé par l'aveu
éclatant de la violation de ce droit. La convention
de La Haye est aussi un chiffon de papier.
* UMtoaanA-oolaiMl OtorgM Pioquart : De la siioation faite à la dé
fenae militaire de la France. Cahierê <fa ta Quintainêt li mara 1906,
M.
— 27 —
Il y a toujours eu des lois de la guerre. Le droit
et la force sont deux puissances alliées ou ennemies.
A toute époque, on chercha à fixer le droit des gens.
Le Convenant de Sempachy en 1393, montre com-
ment les huit cantons de la Suisse comprenaient
leurs devoirs humanitaires :
« Enfin puisqu'il a plu au Dieu Tout-puissant de
déclarer les églises ses demeures et de faire servir
une femme au salut du genre humain, nous voulons
qu'aucun des nôtres ne force, dévaste ou incendie
couvent, église ou chapelle, ni outrage ou blesse
femme ou fille. »
Du Guesclin mourant, à la même époque, recom-
mandait à ses compagnons de se souvenir « qu'en
quehjue part qu'ils fussent en guerre, les gens d'église,
les femmes, les enfants et le pauvre peuple n'étaient
pas leurs ennemis. »
Telle était la barbarie du moyen âge. Aujourd'hui,
les règles sont plus précises. Le sinistre pédantisme
des belligérants n'admet plus un adversaire sans uni-
forme. Un des dangers les plus graves pour l'enva-
hisseur est le soulèvement de la population civile.
C'est un ennemi multiple, insaissable. 11 faut par
tous les moyens l'immuniser, et le meilleur est de
disproportionner le châtiment à la faute. On détruit
un village ou une ville pour un coup de fusil tiré
d'une fenêtre ou d'une cave.
C'est l'excuse que l'on a donnée pour la destruc-
tion de Louvain, ville religieuse et universitaire, ville
— 28 —
où le haut savoir et le pieux travail s'épanouis-
saient dans une châsse précieuse. On a brûlé une
université, une cathédrale, une bibliothèque, une ville
entière pour venger des morts dont on n'a jamais su
le nombre. Rien ne prouve mieux la monstrueuse
aberration des théoriciens de la violence nécessaire.
Le sac de Louvain restera dans Fhistoire comme
celui de Liège par un autre Téméraire.
Dans ce code singulier, écrit par le vainqueur, une
population civile n'aurait pas le droit de résister à
l'envahisseur. Par contre l'envahisseur aura le droit
de massacrer une population désarmée, des vieillards,
des enfants. Il bombardera une ville, sans demander
s'il y a une population civile protégée ou non. Les
dirigeables et les avions pourront attaquer des hôpi-
taux, des écoles, des passants dans une rue, les dor-
meurs dans leur lit. Ce sont les risques de la guerre.
La Suisse, un pays neutre comme la Belgique, a
toujours vu dans la levée en masse un bel acte de
guerre. Elle lui doit les pages les plus héroïques de
son histoire. Elle n'a pas d'autre origine, et Tell le
franc-tireur est resté son héros. Au Grauholz, les
les femmes, les adolescents, les vieillards ont marché
contre les troupes de la République, et Brune ne
brûla pas la ville de Berne. Le Nidwald sut aussi se
défendre à Stanz, comme l'Espagne et le Tyrol contre
Napoléon. La Suisse attaquée n'eût pas agi autre-
ment que la Bel^çique pour défendre le passage, et
garantir son indépendance. Le spectacle de celte
— 29 —
vaillante infortune la touche, comme l'image de ce
qu'eût été la sienne.
La Suisse a protesté contre la Convention de
La Haye, dont l'article 2 disait :
« La population d'un territoire non occupé qui,
à l'approche de l'ennemi, prend spontanément les
armes pour combattre les troupes d'invasion sans
avoir eu le temps de s'organiser conformément à Par-
licle !•', sera considérée comme bellig^érante, si elle
porte les armes ouvertement, et si elle respecte les
lois et les coutumes de la guerre. »
Cet article empêcha la Suisse de signer la Conven-
tion en 1889 et en 1907 elle s'éleva encore contre cette
restriction au droit d'une population à la résistance.
Toute son existence, qui repose sur la foi des traités,
lui interdisait de consentir à une signature qu'elle
n'aurait pu respecter ^
La force brutale voudrait réglementer ce qui échappe
aux règles, selon son propre aveu. Le bon sens n'ac-
ceptera jamais les sophismes de ceux qui veulent
livrer aux fureurs d'une armée une population sans
uniforme ou sans armes. L'abus de la force n'appa-
raîtra jamais comme l'exercice naturel de la force.
La coutume féroce de l'assassinat, du viol, du pillage,
qui a toujours cherché à se faire accepter comme
nécessité de la guerre, ne sera jamais admise par le
> MMMfe do GoomU fédéral à l'AMemblée fédérale coooemul 1m
résolUto Ab U daQ¥ième ooofémoe de la paix réunie à La llaj« eo
1007. p. 35.
— 30 —
jugement de l'histoire. II n'y a pas une morale de paix
el une morale de guerre. Il y a une morale, comme
il y a une justice, ou il n'y en a point du tout.
Une certaine presse poursuit de ses accusations ou
de ses insultes les francs-tireurs.
Un artiste, un solitaire, a par une mort héroïque
affirmé le droit de Thomme libre. Albéric Magnard,
Tauteur de Guercœur et de Bérénice, a défendu seul
sa maison, son foyer, le sanctuaire d'un art austère,
hautain et probe. Tant d'autres sont restés obscurs
dans leur sacrifice.
Le troisième rapport de la Commission d'enquête
en Belgique a déclaré que les habitants de Louvain
n'ont provoqué par aucun acte d'hostilité l'impla-
cable châtiment des Allemands. M. Georges Lorand,
membre de la Chambre des représentants avait donné
la même assurance ^ Les Belges auraient-ils défen-
du leurs foyers envahis, que la rigueur des repré-
sailles ne pouvait être approuvée par aucune nation
civilisée. On peut négliger dans la passion de la lutte
les avertissements de la raison. On ne berne pas im-
punément la conscience universelle. A l'heure où les
adversaires épuisés feront leurs comptes, la voix
publique rappellera les attentats de Louvain et de
Reims. Le succès immédiat n'est pas tout dans la
guerre. La prudence des chefs doit prévoir au delà
du lendemain.
* Voir Journal de Genève du 4 «eptembre iVi4.
- 31 —
Ces actes de répression barbare |ont révolté les
spectateurs de la lutte ; ils ont aliéné les sympathies
qui hésitaient encore. Ils ne semblent pas avoir
donné les résultats pratiques qu'en attendaient les
écrivains militaires. Les destructions des cités wal-
lonnes ou flamandes n'ont exercé leur pouvoir d'in-
timidation que sur la population civile de la Bel§^que.
Elle a quitté en masse le territoire. L'Europe entière
a suivi comme un reproche l'excès de celte infor-
tune. Ces dévastations ont animé les combattants
d'une fureur plus âpre et plus obstinée. C'est au cri
de Louvain et de Termonde que l'armée belge, avec
une infatigable énergie, continue à donner l'assaut
de ses villes en ruines. Et la haine qui a soudé con-
tre l'envahisseur Flamands et Wallons, ne sera pas
facile à éteindre sur une terre ravagée et reconquise.
Il n'y a aujourd'hui qu'une Belgique, et une Belgique
qui a résisté.
Malgré les explications et les excuses, malgré les
discours et les messages impériaux, le matérialisme
militaire ne réparera pas le tort fait à la pensée alle-
mande. Elle a approuvé des théories sauvages et
leur application. C'est en vain qu'elle invoque la ci-
vilisation et la liberté pour offrir à l'Europe une
paix dont l'Europe ne veut pas. Car l'opinion ne se
laisse ni intimider, ni lasser, ni acheter. Elle garde
intact le grand sentiment de la justice même dans le
fracas de la bataille. Elle réunit et commente les
faits et les documents officiels, plus éloquents que
— 32 —
toutes les inventions des agences. Elle n'enregistre
pas seulement : elle juge. Pour elle, Louvain, Ma-
tines, Dinant, Senlis, Soissons, Reims, Arras et
Ypres sont les défaites.
René Morax.
DEUX MOTS SUR LES RAISONS
PSYCHO- PHYSIOLOGIQUES DE
LA GUERRE ACTUELLE
Mon ami, M. René Morax, me prie de traiter, en
« quelques lignes », le sujet ci-dessus. C'est impos-
sible. 11 faudrait un volume et des connaissances
dont beaucoup me manquent. Je ne puis donner ici
qu'un faible canevas de la question, à Taide du peu
que je sais, n'étant pas de ceux qui « savent tout » *.
L'âme étant l'activité du cerveau, la psycholo^c
humaine est la physiologie de cet organe, vue dans
le miroir de notre introspection ou de notre cons-
cience de nous-mêmes. L'âme sociale, comme l'âme
historique du passé, n'est donc qu'une /o/ic//o/i collec-
tive des âmes individuelles, groupées en familles, vil-
les, nations, etc. De quoi se compose l'âme, c'est-à-
dire la complexité de notre intellect, de nos senti-
1 Je renvoie, du reste, à mou petit livre sur Vàm» et tê $y»timê
lurveax (Paris. G. Steinheil, 1906. et Lausanne, chez Prankfurter, li-
braire), pour tout ce qui ooooenie la psycho-physiologie.
— 34 —
ments, de notre imagination et de notre volonté ?
Elle comprend deux immenses faisceaux :
1. L'hérédité, innée, provenant à Torigine de l'in-
dividu, reproduit par son espèce, de deux cellules
germinatrices combinées, qui se sont développées
pendant neuf mois dans Terabryon et dont le cer-
veau du nouveau-né, prêt à fonctionner, est Tun des
produits différenciés par les lois dites phylogéniques
de cette même hérédité.
2. UacquiSy ou tout ce que nos sens inscrivent dans
ce même cerveau, de la naissance à la mort, et sur-
tout la façon dont ses dispositions, c'est-à-dire son
génie héréditaire individuel, travaille et combine les
inscriptions (engraphies) ainsi reçues. Chaque ins-
tant de notre vie représente une immense combi-
naison de notre hérédité avec notre acquis. Nos
actes, que nous croyons à tort être absolument
libres, découlent donc, comme résultante finale, des
énergies héritées de nos ancêtres et acquises par
nous-mêmes, avec leurs nuances combinées à Tin-
fini et qui ne nous sont pas ou ne nous sont plus
conscientes.
Lamarck, Darwin et leurs successeurs, en particu-
lier Semon, ont donné les preuves irréfutables de
l'évolution organique très lente des êtres pendant
des milliers et des millions d'années. Une espèce
compliquée un peu stable ne peut dériver d'autres
espèces distinctes d'elle qu'après de nombreux mil-
lions d'années. Ce qu'on nomme chez l'homme la
— 35 —
perfectibilité ou civilisation, est tout antre chose que
la lente hérédité de caractères acquis ^. Dans sod
g^rand cerveau, bien plus adaptable et modifiable
que celui même des g^nds singes, s'est développ<'*
peu à peu par hérédité un lane^ac^c social de com-
préhension mutuelle beaucoup plus compliqué que
chez eux, avec une faculté d'imiter et de combiner
bien plus grande. De pareilles facultés sont résultés
en outre des objets façonnés, des inscriptions et des
monuments; puis, plus tard, un langage écrit; plus tard
encore, l'imprimerie et, dans les temps dits modernes,
mille moyens de communications et de transport. Ces
faits ont permis à chaque génération d'enregistrer
de mieux en mieux et de plus en plus vite les
combinaisons et les inventions des générations pré-
cédentes. Il s'en suit, comme je l'ai dit et écrit sou-
vent, que de nos jours un imbécile peut enregistrer
dans son cerveau inférieur une foule de connaissances
que même les génies antiques n'avaient pas. En en
tirant parti, il use donc du capital de savoir accu-
mulé dans les livres et enseigné à l'école par les idées
du génie de ses ancêtres et nullement de ses propres
qualités héréditaires. Trompés par les apparences, des
modernes ignorants, confondant l'évolution naturelle
des êtres vivants avec la perfectibilité ainsi surajoutée
de notre civilisation, s'imaginent souvent que notre
1 Voir PoRSL : Hamann Perfectibility in ihe light of evotatiom,
The International Monthiy, Vol. IV, N« S, Buriiofton, U. S. A. Aodt
1901.
— 3tf —
qualité héréditaire elle-même, et la leur, a fait des
progrès sérieux depuis disons 2000 ans. On ne peut
pas assez protester contre pareille absurdité. Bien au
contraire, la guerre moderne détruisant les plus
forts et les meilleurs, tandis que Thygiène médicale
fait vivre les faibles et les dégénérés, les laissant se
reproduire, et que Talcool empoisonne de plus en
plus nos germes par blaslophthorie, la valeur psycho-
physiologique héréditaire de notre cerveau tend actuel-
lement bien plus à baisser qu'à s'élever.
Cela dit, qu'est l'espèce humaine par hérédité?
Provenant de quelque pithécanthrope descendu des
arbres et aujourd'hui éteint, elle a dû devenir de plus
en plus féroce pour se défendre contre les ours, les
litières et les lions ; l'histoire et l'ethnographie, dès
l'homme des cavernes, le prouvent à l'envi. Elle a
vécu de carnage et de guerre, mangeant ses sembla-
bles ou faisant d'eux des esclaves. L'homme mâle a
même soumis sa femme et ses enfants à un travail
forcé en les privant de leurs droits naturels. Néan-
moins, à côté de sa férocité héréditaire, obligé pour
sa défense à une vie sociale, au début en petits grou-
pes, plus tard en tribus et nations, il a, d'autre part,
laissé irradier ses sentiments de sympathie familiale
sur les membres de son clan, faisant ainsi preuve de
vertus sociales, c'est-à-dire de dévouement, d'abné-
gation et d'héroïsme. Les sentiments et les passions,
ce qu'on appelle le tempérament, reposent essentiel-
lement sur des dispositions héréditaires. Ce sont eux
— 37 —
avant tout qui déterminent nos actes, bien plus que
rinteliect. Ceux de la béte féroce existe sont, entre
autres, Torgueil, la vanité, la colère, la haine, la
jalousie, Tamour de la victoire, du sang et de la
domination, le tout combiné à la faim et aux appétits
sexuels. Ajoutons-y la ruse et Thypocrisie.
En deux moLs la t^rande tragédie de Thumanité
est due au fait que sa nature héréditaire de béte fé-
roce est obligée par la force des choses et surtout
par les progrès de la science et de la civilisation, de
vivre en sociétés, jusqu'ici plus ou moins ennemies les
unes des autres, mais de plus en plus grandes et de
mieux en mieux organisées. Son amour naturel de la
domination, de la jouissance, de la liberté — disons de
la licence — aux dépens des « autres», et surtout des
plus faibles, se trouve ainsi perpétuellement contre-
carré par les obligations sociales multiples qui Tobli-
gent au travail et au respect du droit de ses sem-
blables. Il s'insurge alors, ce qui finit par l'obliger
à élaborer des lois artificielles . rlv :i«-s et pénales,
contre lui-même.
Voilà la cause psychologique fondamentale de la
guerre actuelle comme de toutes les guerres. Les inté-
rêts pécuniaires collectifs des nations (conquêtes,
colonies, péages, trusts, etc.) ne constituent, comme
ceux des individus, qu'une modification raffinée des
instincts de la béte féroce, instincts par lesquels elles
cherchent à exploiter les autres nations.
Mais les individus sont personnellement très divers
— 38 —
et rinfluence de ceux d'entr'eux qui dirigent et
gouvernent peut être immense. II n est pas indiffé-
rent d'être gouverné par un homme bon, social et
dévoué au bien de tous ou par un apache, genre
Bonnot ou Garnier. L'influence d*un Néron, d'un
Napoléon, d'un Bismark ou d'un Gladstone a été
grande sur l'humanité, car elle a suggéré et dominé
les masses, c'est-à-dire une partie de l'ensemble social.
Je cite un exemple actuel :
Ayant reconnu dernièrement, grâce au mouvement
social de l'abstinence totale, le mal immense que fai-
sait l'alcool en Russie, le gouvernement russe a déjà,
au commencement de 1914, pris des mesures restric-
tives très sévères contre son propre monopole. Puis
il a, dès le début de la guerre actuelle, fermé tous
ses débits d'eau-de-vie, et à peu près interdit l'usage
du vin et de la bière dans les cafés pour presque
tout le peuple et l'armée russes. L'effet immédiat a
été que depuis bientôt deux mois, les crimes ont
diminué du 65 au 95^0 et que la justice n'a presque
plus rien à faire! Je le tiens de source très sûre.
11 faut diviser les causes psychologiques de la
guerre actuelle en plusieurs catégories :
1. Tout ce qui tient à l'hérédité naturelle de la
bête féroce humaine et avant tout de ses passions égoïs-
tes, soit d'une façon collective, soit plus spécialement
chez les individus influents qui nous gouvernent.
Dans ce domaine l'orgueil et la passion de dominer
revêtent les formes chauvines qui exaltent ce qu'on
— 39 —
appelle le patriotisme de « race », comme le panie^er-
roanisme, le panslavisme, etc., accompagné d'idées
méî^alomanes de çloire, de revanche et de vengeance
qui existent chez tous les peuples.
2, La suggestion générale qui contamine les masses
et qui, par le moyen de la presse et de ses tendances,
excite les passions au plus haut degré en faussant
les opinions dans un certain sens. C'est inimaginable
à quel point les gouvernements autocratiques, à Taide
de leur censure plus ou moins occulte, peuvent faus-
ser par la presse Topinion de tout un peuple. Ils
rhypnotisenl en excitant son patriotisme dans le
sens qui leur convient. Malgré les preuves scientifi-
ques claires de l'inextricable métissage mutuel de
toutes nos races européennes, on trouve encore
moyen de faire croire à chaque nation qu'elle est
très supérieure à ses voisines et à l'exciter ainsi contre
elles. En outre les plaies et les exaltations qu'ont lais-
sées chez les individus les souffrances morales ou
l'orgueil du passé s'enkystent dans le sous-conscient
de chacun en y laissant des « complexus » qui exci-
tent ses passions dans un sens spécial, sans qu'il
s'en rende compte ; la psychanalyse le démontre
(défaite des Français en 1870, avec l'idée de revanche
pour l'Alsace- Lorraine; pangermanisme orgueilleux
chez les Allemands comme résultat de leurs victoires
d'alors, etc.). La suggestion des masses par la presse
vendue ou dominée est un des instruments les plus
dangereux de la guerre.
— 40 —
3. Les traditions, les préventions de race, de lanj^ue
et de relis^ion, qui sont des effets accumulés par la
civilisation (voir ci-dessus). Chaque nation s'imagine
que « son Dieu » est avec elle et elle Tiovoque pour
vaincre ses ennemis ; on en voit actuellement des
exemples écœurants. Le c Dieu des armées > vit tou-
jours et plus même que jamais. Il trahit par là son
origine humaine d'une façon, hélas, par trop écla-
tante.
4. Une des causes les plus grandes de la guerre
actuelle sont simplement les armements toujours
plus énormes de la bête féroce humaine, armements
que chaque nation prétend être nécessaires pour se
défendre contre les autres. Plus même; on voit des
hommes comme Dostoïewski, Ruskin et autres,
exalter la guerre comme source de grands sentiments,
d'héroisme, etc., puis railler la paix générale comme
risquant d'avachir l'humanité ! Il est aisé de leur
prouver le contraire. Une paix de cent ans n'a pas
plus abaissé la Suisse que des guerres perpétuelles
n'ont élevé la Turquie. C'est à la suite de nombreuses
guerres que les Suisses se sont au contraire abaissés
autrefois en devenant mercenaires.
5. Les intérêts, dits nationaux, jouent un grand
rôle dans le déchaînement de la guerre actuelle. Il
serait pourtant si simple, à l'aide du libre échange,
d'arriver peu à peu à un accord international.
Venons-en aux causes apparentes dont la presse
des belligérants accuse naturellement l'autre parti
— 41 —
d'être le perfide instigateur. Ce serait vraiment co-
mique, si ce n'était pas si tragique, d'assister à tout
ee tissu plus ou moins inconscient de mensonges et
de sophismes hypocrites qu on se jette mutuellement
à la face et par lesquels les masses de l'Europe sont
actuellement sugeférées en sens contraire comme si
elles étaient en délire. On voit même des personnes
reporter par suggestion leur haine nationale actuelle
sur leurs propres parents et amis d'il y a deux mois!
Ah, oui, certes! la passion aveugle.
Qui a commencé ? Est-ce la France après 1870 avec
ses idées de revanche, pourtant bien pâlies aujour-
d'hui? Est-ce l'Allemagne rêvant de la domination
du monde à l'aide du pangermanisme féodal outré
et arrogant de son état-major et de ses princes, joint
à ses armements formidables? Sont-ce les Balcani-
ques avec leurs guerres ? Est-ce l'Italie qui a profité
de ces dernières pour prendre Tripoli ? Sont-ce les
intrigues de l'Autriche, furieuse des victoires serbes,
et fondant par vindicte l'Albanie, sous le prétexte de
la libérer, avec la complicité de l'Italie ? Est-ce la
Serbie, parce que quelques Serbes criminels et exaltés
ont assassiné François-Ferdinand ? Est-ce l'Autriche,
déclarant la première la guerre à la Serbie? Est-ce la
Russie, convoitant depuis longtemps les provinces
slaves de l'Autriche, et mobilisant pour ne pas aban-
donner la Serbie à son sort? Est-ce l'Angleterre,
depuis longtemps jalouse de l'Allemagne ? Qui peut
le dire? Tout y a contribué, mais surtout l'opposi-
— 42 —
lion de la Triple-Alliance à la Triple-Entente comme
préparation évidente à une guerre future, guerre de
la c nécessité » de laquelle chaque parti s'était de plus
en plus suggéré. Quelle folie pour laquelle on cherche
après coup des « raisons » ; les sophismes sont ici
transparents comme du cristal !
Deux tristes choses sont à constater. La première
est que de toutes les causes de la guerre, aucune
n'est raisonnablement valable; mais les responsabi-
lités sont tellement complexes que chacun, même le
plus véreux, s'en lave les mains, si sales soient-elles.
L'étincelle qui a mis le feu aux bombes, chargées
partout, était en elle-même une vétille. lia seconde
est qu'on peut allumer la lanterne de Diogène^ même
à la lumière électrique, et la promener partout sans
découvrir actuellement une personnalité vraiment su-
périeure, mue par un idéal social élevé, qui veuille et
puisse ramener impartialement la paix en Europe et
la rendre définitive. Surgira-t-elle? Si oui, où et
quand ?
Si les diplomates de chaque nation, au lieu de s'es-
crimer à tromper et à saigner l'humanité, s'escri-
maient à préparer les Etats-Unis internationaux selon
la « Sainte-Alliance des peuples » de Béranger, ils
feraient certainement un meilleur ouvrage. On ne
peut sans doute pas changer la férocité héréditaire
de l'homme, tout au plus la modifier petit à petit par
une bonne sélection, mais il faudrait avant tout ces-
ser de prêcher la guerre comme moyen de rénova-
— 43 —
(ion des peuples. La science nous montre la Toie à
suivre, consullons-là.
Il ne faut être ni trop pessimiste, ni trop opti-
miste. « On apprivoise bien les tigres, les lions et les
panthères, mais on n'apprivoise pas les huîtres, » di-
sait l'ancien conseiller d'Etat M. Camperio, à Genève.
Grâce à sa haute intelligence, on pourra donc aussi
apprivoiser même l'homme, si féroce qu'il soit. Mieux :
l'expérience sociale, aujourd'hui mondiale, y par-
viendra d'elle-même par des leçons de choses. Le
tout est de bien savoir s'y prendre, comme le roi
Ménélik d'Abyssinie l'avait fait pour les lions qui
se promenaient librement devant son palais. Il est
évident que si l'on veut sérieusement combattre des
causes aussi complexes que celles de la guerre ac-
tuelle, il faut s'attaquer à chacune d'elles. Il n'existe
pas de panacée générale qui guérisse tout.
Les hommes seraient atteints de folie incurable s'ils
n'aspiraient pas de plus en plus à une paix interna-
tionale définitive*. Dès qu'une volonté haut placée, à
la fois puissante et persévérante, voudra réellement
cette paix, elle la fera triompher. A elle appartiendra
alors la plus grandiose des statues, une statue dressée
par l'humanité toute entière.
Yvome, 29 novembre 1914. Aug. Forel.
> A c« sujet je renvoie le lecteur à une férié d'articles iaiitolés : Les
KUUt'Unit de la Terre et publiés dès le numéro du ti norembre 1914
«Uns le journal La Libr$ Pensée internationale à Lausanne (en lan^e
allemande dans Dte Mentchheitt même éditeur, 4, me de la Louve).
L'OPINION DE DOSTOIEVSKY
SUR L'ALLEMAGNE
ET LES ALLEMANDS
Les idées de Dostoïevsky sur les questions de
nationalité et de politique sont extrêmement com-
plexes. Les routes par lesquelles il conseillait de se
dirijçer vers « la grande harmonie universelle » sont
obscures, tortueuses, enchevêtrées, mais son idéal
final est clair. « Oh ! les peuples de FEurope ne savent
pas combien ils nous sont chers ! dit-il dans son dis-
cours célèbre sur Pouchkine ; et c'est pourquoi j'ai
la certitude que les hommes à venir comprendront
tous, jusqu'au dernier, qu'être un vrai Russe signi-
fiera toujours plus : s'efforcer d'amener un apaise-
ment définitif dans les disputes européennes ; mon-
trer aux inquiétudes de l'Europe une issue en l'Ame
russe, universellement humaine et universellement
conciliante ; accueillir en elle, avec un fraternel
amour, tous nos frères ; et, à la fin des fins, pro-
noncer peut-être la parole finale de grande harmonie
— 45 -
universelle... » En assignant un but aussi grandiose
à la « douce » Russie, Dostoïevsky condamnait l'Occi-
dent pour son arrogance antichrëticnne, pour le déve-
loppement démesuré de l'individualité.
Ceci est Tesquisse fondamentale de ses vues sur
tous les peuples de TOccident, de toutes ses obser-
vations, de ses réflexions et de ses prévisions parfois
profondes.
Le Journal d*iin écrivain^ cette confession histo-
rico-philosophique, fait voir avec quel intérêt soutenu
Dostoïevsky étudiait la vie politique occidentale. Son
séjour à rétranger, pendant les années 1867 à 1871,
lui donna la possibilité de poser, pour ainsi dire, le
doigt sur les plaies de l'Occident. Vivant en Alle-
magne, à Dresde, il suivit, en particulier, avec une
sympathie ardente, les événements de la guerre
franco-prussienne.
La religion de la souffrance, que Dostoïevsky por-
tait dans son cœur, n'excluait pas la guerre. Il voit
en elle une épreuve spirituelle pénible, mais néces-
saire. « Sans la guerre, écrivait-il à une amie le
17 août 1870, l'homme s'engourdit dans le confort
et dans la richesse, perd absolument la faculté des
pensées élevées et des grands sentiments et, à une
allure imperceptible, redevient sauvage et retombe
dans la barbarie... Qui n'a pas souffert ne comprend
pas le bonheur. L'idéal passe par la souffrance, comme
l'or par le feu. Le royaume des cieux se conquiert par
la violence. La France s'était trop racornie et râpe-
— 46 —
tissée. La douleur présente ne signifie rien ; elle la
supportera et ressuscitera à une vie nouvelle et à une
nouvelle pensée. Tout n'était-il pas jusqu'ici, d'un
côté : parlage vieillot, et de Tautre : pusillanimité et
jouissance charnelles ? »
Il y avait déjà longtemps que Dostoïevsky avait
donné, dans les Remarques d^ hiver sur des impres-
sions d'été, une caractéristique pittoresque et acerbe
de cette bourgeoisie bonapartiste de France.
Maintenant, il se réjouissait de la chute prochaine
de l'ancien régime : « La famille de Napoléon s'est
rendue impossible. Cette nouvelle vie future et cette
régénération sont si importantes que la souffrance,
quelque pénible qu'elle soit, n'est rien, à côté. N'y
discernez-vous donc pas la main de Dieu ? » Et il
continue par des déductions encore plus pénétrantes :
« Notre politique russe, européenne, allemande de
soixante-dix ans, va être forcée de se transformer
elle-même. Ces mêmes Allemands nous révéleront,
enfin, ce qu'ils sont en réalité... » Dostoïevsky n'at-
tendait rien de bon des Allemands, et, dans le tableau
qu'il traçait de l'histoire, ils apparaissaient, tout au
plus, comme une arme entre les mains de Dieu pour
corriger la France. c< J'aurais beaucoup de choses à
vous écrire, dit-il à sa correspondante, en ma qualité
d'observateur personnel des mœurs allemandes dans
la minute présente, mais je n'en ai pas le temps... »
Il livra, dans la suite, une partie de ces impressions
au Journal d'un écrivain. Les Allemands d'avant la
- 47 —
guerre l'avaient frappt^ par « leur étonnante prépa-
ration militaire, leur pas méthodique, leur discipline
exacte et sévère, mais en même temps par une cer-
taine liberté peu habituelle, que je n'avais encore
jamais vue chez le soldat, par une résolution cons-
ciente, qui s'exprimait dans chaque geste, dans cha-
que pas de ces braves. Il était évident qu'on ne les
poussait pas, qu'ils avançaient d'eux-mêmes. Rien
de raide, pas de caporalisme superflu, et cela chez
des Allemands, chez ces mêmes Allemands à qui
nous avions emprunté, dès Pierre-le-Grand, pour
créer notre armée, le caporal et la bajs^uette. Eh bien,
non! ces Allemands marchaient sans baguette, comme
un seul homme, avec une résolution parfaite et une
pleine confiance dans la victoire. La guerre était
populaire, dans chaque soldat brillait un citoyen, et,
je Tavoue, les Français alors me firent pitié... »
Mais bientôt les Allemands montrèrent au monde
qu'ils ne valaient pas mieux que dans la guerre ac-
tuelle. M N'est - il pas un grand enfant , écrivait
Dostoîevsky à A.-N. MaïkofF, le 30 décembre, ce
Russe (et ils le sont presque tous) qui croit que le
Prussien a remporté la victoire grâce à l'école ? Ne
faut-il pas de l'impudence pour oser soutenir que
l'école est bonne, qui enseigne à piller et à torturer
comme une horde d'Attila (pour ne pas dire plus)? »
Même à cette période de la guerre, le peuple alle-
mand continuait à inspirer de la sympathie à
Dostoîevsky ; quant à la bourgeoisie, elle le révoltait
— 48 —
jusqu'au fond de l'âme. « J'ai lu moi-même plusieurs
lettres de troupiers allemands en France, sous Paris,
adressées ici à leurs pères et mères (des boutiquiers,
des revendeuses). Seigneur! ce qu'ils écrivent!
Comme ils sont malades et affamés!... Du reste, une
observation : dans les premiers temps la Wacht am
Rhein^ entonnée par la foule, retentissait fréquem-
ment dans les rues ; maintenant, plus du tout. Ceux
qui s'échauffent et s'enorgueillissent le plus, ce sont
les professeurs, les docteurs, les étudiants, mais le
peuple, guère. Même pas du tout. Mais les profes-
seurs triomphent. J'en rencontre chaque soir, à la
Lese-Bibliothek. Un de ces savants, chenu comme
un cygne, et influent, criait au bout de trois jours :
Paris muss bombardirt sein ! Voilà les résultats
de leur science. A côté de la science, rien que de la
bêtise. Ils peuvent être des érudits, mais ils sont de
terribles imbéciles! Encore une observation : tout le
peuple ici est instruit, mais incroyablement rustre,
sot, obtus, voué aux intérêts les plus terre à terre. »
Peu après, le 26 janvier 1871, dans une des lettres
suivantes à Maïkoff, DostoTevsky, à la nouvelle que
les Allemands « veulent rétablir Napoléon par le
glaive, comptant avoir en lui et en sa descendance
des esclaves per[)étuels et lui garantissant, à ce prix,
l'avenir de sa dynastie n, donnait libre cours à son
mécontentement :
i Souvenez-vous du texte de FEvangile : « Celui
qai se servira de Tépée, périra par l'épée. » Non, ce
— 49 —
qui est fondé par le glaive n'est pas durable ! Et
après cela, ils crient : « Jeune Allemagne ! » Bien au
contraire, c'est le fait d'un peuple qui a survécu à
ses forces, après avoir possédé un tel esprit et une
telle science, que de se confier à l'idée du sahre, du
sang, de la violence, de ne pas soupçonner même la
force de l'esprit et de l'enthousiasme, et de rire de
ces choses avec une grossièreté de caporal ! Non,
c'est un peuple mort et sans avenir. Et s'il est en-
core vivant, croyez bien qu'après la première ivresse
il trouvera en soi une protestation au nom du Bien,
et que le sabre tombera de lui-même. Il y a encore
ceci : l'épuisement matériel de rAllemagne est main-
tenant si grand qu'elle pourrait difficilement suppor-
ter encore quatre mois de résistance. Oh ! en revenant
de France, ils vont nous flatter pendant les deux pre-
mières années! Mais il se pourrait que, pour une
raison ou pour une autre, leur ton tournât à la gros-
sièreté avant l'expiration de ce délai. »
C'est justement ce qui se produisit. Les Allemands
regagnèrent leurs foyers, enivrés par leurs victoires.
« Ajoutez-y, dit Dosloïevsky dans le Journal d'un
écrivain, la présomption habituelle des Allemands,
et d'ailleurs de toutes les nations, qui les porte à se
louer démesurément à propos d'un succès quelconque,
présomption mesquine jusqu'à l'enfantillage et qui,
chez l'Allemand, tourne toujours à l'effronterie... Ils
exultaient alors au point de commencer à offenser
les Russes. Ceux-ci étaient^ dans ce temps-là, très
— 50 —
nombreux à Dresde, el beaucoup d'entre eux racon-
tèrent dans la suite comment chaque Allemand, jus-
qu'au petit boutiquier, en s'entretenant avec des
Russes, ceux-ci fussent-ils même des clients qui en-
traient faire une emplette dans son magasin, s'em-
pressait de leur adresser cette phrase : « A présent
que nous sommes venus à bout des Français, nous
allons nous en prendre à vous. »
« Cette méchanceté à Fégard des Russes fermentait
alors spontanément dans le peuple, indépendamment
de tout ce que publiaient les journaux de l'époque,
qui expliquaient la politique de la Russie au moment
de la guerre, poHtique sans laquelle les Allemands
n'auraient probablement pas pu moissonner autant
de lauriers. Vrai, c'était là la première fougue résul-
tant d'un succès militaire inespéré, mais il faut retenir
ce fait que dans leur ardeur belliqueuse ils songèrent
aussitôt aux Russes. Cette exaspération, qui se mani-
festait presque involontairement contre les Russes, ne
laissa pas de m'étonner au premier abord, bien que
j'aie su pendant toute ma vie que l'Allemand, tou-
jours et partout, même en plein quartier allemand
de Moscou, n'éprouve point de bienveillance pour le
Russe. »
Vers 1876, selon l'observation de Dostoïevsky,
la politique antirusse de l'Allemagne se manifesta
ouvertement, et en 1876 l'écrivain russe eut l'occa-
sion d'entendre et de lire en Allemagne les déclara-
tions les plus hostiles à l'adresse de la Russie. « Avec
— 51 —
un calme triomphant, et même hautain, on se com-
muniquait, les uns les autres, que jamais encore la
Russie n'avait été dans une situation aussi précaire
au point de vue militaire, etc. »
Les propos de Dostoîevsky sur nos antagonistes
d'alors et ennemis d'aujourd'hui sont d'autant plus
justes qu'il n'était pas aveuglé par la haine. « La
trop grande suffisance, le caractère national trop
entêté, trop hautain, même, » des Allemands lui
étaient insuppotables, mais il appréciait fort les bons
côtés de la nature allemande : l'énergie et l'amour du
travail.
Toutes ces remarques se lisent à l'heure où nous
sommes avec un intérêt plus grand encore qu'il y a
une quarantaine d'années. Les faits ont vérifié plu-
sieurs des prédictions de Dostoîevsky. « Les Alle-
mands nous ont révélé ce qu'ils sont réellement. » A
la suite de la « première ivresse » de 1871, pendant
des dizaines d'années le glaive a régné sur tous, en
Allemagne, et la gangrène du militarisme asservis-
sant a fait de grands progrès. N. L.
Extrait du journal le Hetch. Trad. du russe, par A. Langib.
Les lettres que nous publions ci-après ont été
presque toutes adressées à MM, Romain Rolland et
René Morax, qui ont bien voulu nous les confier.
Nous avons retranché ce qui était trop personnel.
Ces lettres sont des réponses à une enquête.
Nous ne donnons ici que quelques témoignages
caractéristiques y nous réservant de fournir ailleurs
la somme. Ce sont les opinions impartiales de
quelques éminents contemporains réduits au rôle de
spectateurs dans la grande tragédie d'Europe,
Quelques amis personnels de Belgique et de France
ont uni leur cri d'indignation et de douleur à cette
orotestation.
PAUL CLAUDEL
Bordeaux, 29 sept. 1014.
Je m'associe de tout cœur à votre protestation
contre les abominables crimes de Louvain et de
Rheims, qui déshonorent à jamais la nation alle-
mande.
JACQUES COPEAU
directeur de la JVouoelie Revue Française.
7 octobre 1914.
Je joins mon nom à la protestation internationale
contre la dévastation de Reims et de Louvain. Mais,
combien il me paraît dérisoire de «protester» contre
la barbarie!... C*esl avec un fusil que j'aimerais pro-
tester. Le plus grand crime des Allemands est peut-
être de nous inspirer cette implacable haine et ce
besoin de vengeance...
!> AFFONSO COSTA
ancien président du Conseil.
Lisbonne, 9 octobre 1914.
Son Excellence M. le docteur Affonso Costa me
charge de vous faire savoir, en réponse à votre
aimable lettre du 29 septembre, qu'elle s'associe.
— 54 —
de tout cœur, à toutes les manifestations de protes-
tation contre le caractère barbare de la guerre, telle
que les Allemands la font, et contre la destruction
des monuments et des œuvres qui sont le patrimoine
de l'humanité civilisée.
Urbano Rodrigues, secrétaire.
LOUIS DUMUR
Nietzsche avait raison. Les Allemands n'ont pas de
culture. Les sauvages destructions de Louvain, de
Malines, de Senlis, de Reims, de tant de petites villes
précieuses de Belgique ou de France, — quels que
soient les motifs qu'essayent d'invoquer ces brutes
pour justifier leur vandalisme, — ces actes d'épou-
vantable barbarie en sont la criante démonstration.
Mais selon la profonde distinction de leur plus perspi-
cace philosophe, si les Allemands n'ont pas de Kultur,
ils ont une Bildung^ une « formation ». Ces rettres
ont tout appris, et ils « savent » parfaitement ce qui
est beau. C'est ce qui les différencie des grands Bar-
bares du moyen âge auxquels on leur fait volontiers
l'honneur de les comparer. Ceux-ci, ces rudes des-
tructeurs de la civilisation gréco-romaine, ignoraient
la valeur de ce qu'ils détruisaient. Forts de leur BiU
dun(/y nos modernes barbares, eux, la connaissent.
Mais leur défaut de Kultur leur interdit en même
temps de la «sentir». Aussi n'hésitent-ils pas, dans
l'étalage stupide de leur force, à s'attaquer précisé-
— 56 —
ment à ce qu'ils «savent» ôtre beau, afin de mieux
frapper riinaginatiou et compléter par l'anéantisse-
ment des chefs-d'œuvre leur vaste entreprise de
terrorisation, que ne leur paraît pas encore suffi-
samment assurer leurs actes d'abjecte cruauté sur
les personnes. C'est la barbarie consciente et voulue,
la barbarie savante, la barbarie germanique. Voilà
ce qui rend l'Allemagne particulièrement odieuse et
infâme, voilà ce qui fait reculer d'horreur à la pensée de
son hégémonie possible, voilà ce qui détourne d'elle,
les uns après les autres, tous les peuples de la terre
et les fait souhaiter sa ruine, si bien qu'il ne reste
plus, aujourd'hui, pour embrasser sa cause et l'ad-
mirer, que les Turcs et quelques Suisses allemands.
GUGLIELMO FERRERO
Torre Pellice, 8 septembre 1914.
Je vous envoie mon adhésion contre les exploits
des Huns du xx* siècle... Je ne crois pas qu'il soit
juste d'opposer, comme on le fait si souvent, l'Alle-
magne de la pensée et celle de l'action. Il y a, à mon
avis, un lien étroit entre l'une et l'autre. Malgré
les apparences, la barbarie dont les Allemands font
preuve dans Faction dérive de leur culture. Dans la
philosophie, comme dans l'art et dans la littérature,
ce qui leur manque, c'est le sens des limites, et pour
cela l'harmonie. Ils veulent toujours, dans la re-
cherche de la vérité et de la beauté, aller par propos
— 56 —
dëlibëré au delà de toul ce qui a été dit, pense,
admiré jusqu'à ce moment. On peut parfois créer
des chefs-d'œuvre, à côté de folies absurdes, avec ce
système ; mais transportez cette tendance dans l'ac-
lion, admettez qu'avec un elFort de volonté on peut
tout faire, et vous avez la guerre dont nous sommes
les témoins effarés. Pour moi, la culture allemande,
malgré ses qualités, n*a pas été un fléau moins dan-
gereux pour le monde que sa politique...
JOSÉ DE FIGUEIREDO
Directeur du Musée national d'art ancien.
Membre de rAcadcmie des Sciences et du Conseil supérieur
d'art et d'archéologie de Lisbonne.
Lisbonne, 23 octobre 1914.
... J'ai aimé et j'aime toujours la grande Allemagne
de Beethoven et de Goethe, celle que Romain Rolland
a exaltée dans ses ouvrages, TAllemagne de Juste et
des consciencieux historiens d'art, le pays des magni-
fiques bibliothèques et des beaux musées, où, comme
dans le Kaiser Friederich de Berlin, — vrai chef-
d'œuvre d'organisation et de présentation, — fai-
saient à peine tache les restaurations vandaliques des
Hauser... Mais cette Allemagne, hélas ! je ne la recon-
nais plus dans celle d'aujourd'hui, souillée, comme
elle l'est maintenant, par la fumée qui monte chaque
jour de vos merveilleux h()tels de ville et cathédrales.
Malgré la RfMKnssance, Leibnitz et, après lui, tout un
— 57 —
beau siècle de penseurs et d'artistes, il semble qu a tra-
vers l'esprit des casernes « la puissance des ténèbres »
des Germains d'avant Tan mille dure encore 1
Je viens de recevoir, envoyé de Berlin, V Appel aux
nations civilisées, protestation des artistes et intellec-
tuels allemands. Sans oublier Tbonneur que me font
ainsi ses signataires, et malgré la connaissance que
j'en avais déjà par quelques extraits publiés dans les
journaux, je le lis avec stupeur, et, après l'avoir lu,
j'en souffre, voyant au bas de ce document, désormais
historique, les noms de tant d'hommes illustres que
nous étions habitués à admirer et respecter.
Je vais faire publier ma lettre dans un des plus
grands journaux d'ici^ et j'inviterai nos artistes et
intellectuels à adhérer à la protestation contre la
ruine de Reims.
PAUL FORT
4 octobre 1914.
« Oh ! cet assassinat de ma Cathédrale par ces
chefs allemands I... Ma Cathédrale!... Je suis né en
face d'elle, près du Lion d'Or. Tout petit, les yeux
encore brouillés de paradis, je la rêvais... je la devi-
nais. Et puis, elle naquit pour moi. Elle fut ma pre-
mière vision. N'est-ce pas à cause de mes jeux d'en-
fant sur son parvis, n'est-ce point pour avoir tant
aimé, adolescent, cette française forêt de pierres
habitée de saints, de rois, de héros, d'anges à demi-
— 58 —
envolés, tout comme un arbre d'oiseaux, ajourée de
roses, éclaircie de vitraux qui font des miracles pris-
matiques, toute cette « élévation » céleste et terrestre,
solide et légère, et quoique lyrique imprégnée de bon
sens gaulois, n'est-ce point pour avoir vu tout cela
dans mon enfance que plus tard j'ai chanté des
chants français, des chants dans le goût de ma
race?... Enfin! je pense que c'est assez pour me
donner le droit de vouloir la venger...
ADA NEGRI
Zurich, 22 septembre 1914.
Si i sono con voi. Una vita d'uomo non ha chc i
limiti d*una vita ; ma i monumenli sono eterni, e la
loro belezza è gioia per tutte le generazioni. La fero-
cia inaudita delPattuaie guerra dovrebbe almeno ris-
pettare i monumenti e le cattedrali, inviolabile patri-
monio del mondo. Quale crimine puo essere
paragontoalladistruzione délia Cattedraledi Reims?...
— Ma noi non siamo che atomi impotenti, quando
le forze elementari si scatenano. Che altro non è
questa guerra, se non una catastrofa elementare ?
E se a tanto è giunta, sappiamo noi fino a quai punie
di parossismo distruttore essa giungerà ?... E chi
potrà vantarsi di slabilire serenamente tutte le respon-
sabilità?... — È la guerra, la guerra in massima, che
bisognerebbe sopprimere, togliere per sempre dalla
faccia del mondo. Oh 1 che almeno questa, combatluta
— 50 —
ora con tanto furore ed accanimento barbaro su tutti
i campi d'Europa, possa esser Tullima !...
Invio col pensiero una fronda di lauro al tumalo
;rlorioso de! vostro Eroe-Poela, Charles Péçuy.
GIUSEPPE PREZZOLINI
Il bombardamento di Reims non è tanto da rim-
proverare ai tedeschi per la distruzione di un'opera
d'arte che più o meno tardi il tempo avrebbe consu-
mato e distrutto, quanto per la solita mancanza di
latto e di accortezza che indica il loro accecamento.
Era meglio lasciare amroa/are mille tedeschi che
procurare una cosi bella occasione ai Francesi di far
passare per barbari i loro avversari. La çuerra è la
^erra e se la cattedrale era un ostacolo bisognava
Tatterrarla ; ma Timbecillità romincia quando non si
calcolano gli effetti morali di quella distruzione.
{La Voce, Florence) 13 octobre 1914.
TEIXEIRA DE QUEIROZ
de l'Académie des sciences.
LisboDoe, Avenida Fontes, 18.
S5 octobre 1914.
Je suis absolument contraire, par instinct et par édu-
cation philosophique, à la barbarie de la guerre ac-
tuelle et je déplore qu'on ait profité des merveil-
leuses découvertes de la science moderne pour la
fabrication de machines de guerre qui donnent la
mort à tant d'hommes et qui détruisent tant de
chefs-d'œuvre.
A propos de la « destruction de monuments et
d'œuvres qui sont le patrimoine de Thumanité civi-
lisée » mon sentiment de réprobation est également
fort et énergique. Je n'aurais jamais cru que pen-
dant ma vie, j'aurais pu assister à une telle calamité
et voir des hommes représentant une des nations
qui marchent en tête de la civisation, raser des villes
non fortifiées et détruire des monuments qui repré-
sentent Fâme héroïque du passé, dans la religion et
dans Tart. C'est incroyable. Hobbes avait raison
quand il nous disait que l'homme est un loup pour
l'homme. Malgré les admirables conquêtes de l'art
et de la science, nous conservons les féroces instincts
des ancêtres habitants des cavernes. Notre intelli-
gence a progressé, mais le sentiment qui rend l'hu-
manité heureuse s'est arrêté d'une manière lamen-
table, ou encore mieux, les bons instincts ont été
vaincus par les mauvais, et l'intelligence victorieuse
par ses découvertes a aidé ceux-ci, inventant des
machines pour se détruire ellp-m(^me.
— 61 —
AUGUSTE RODIN
Je suis heureux de m'associer avec vous pour cette
protestation. Ce qui se passe est comme un châtiment
qui tombe sur tout le monde ; dorénavant, on dira
la chute de Reims, comme on dit la chute de Constan-
tinople, et Thistoire repartira de là. Cette cathédrale
qui avait vu tant de siècles la respecter!... Mais le
courag^e des bons surmontera tout...
Quant à moi, mon cher ami, je n'ai pas voulu le
croire. Dire que je suis un des derniers qui Tai vue !
qui ait étudié ce résumé de Thistoire de la France...
Comme Ton s'endort, et quels coups vous réveillent !
L'histoire entière s'écroule avec Malines, Reims...
Quelle douleur !
l»" octobre 1914, Chellenham.
Il y a plus qu'une guerre. Ce fléau de Dieu est une
catastrophe de l'humanité qui sépare les époques. Le
sybaritisme de Tintclligence est producteur de ces
cataclysmes : suicide en massse.
L'ignorance est telle partout que l'on croit que l'on
peut réparer et refaire une cathédrale '.
Sans cela le mal ne serait pas si grand. On refe-
* C'est U biblioUièqoe d'Alexandrie brûlée, le temple de Jérusalem
brûlé.
rait avec un prix ces cathédrales comme on refait un
cuirassé. — Mais la douleur c'est qu'on ne les com-
prend plus du tout.
NICOLAS KOLBAKINE
Dans des tourbillons de fumée noircissent les
ruines de villes et de villages naguère florissants,
les bibliothèques incendiées, les universités bombar-
dées, les pans de murs des cathédrales éventrées.
Devant ce spectacle horrible, Guillaume II, en des
poses de cinématographe, relève ses moustaches.
Autour de lui des tombes et des cadavres, beau-
coup de tombes et de cadavres. Vision qui étreint
nos âmes et offense nos sentiments les plus sa-
crés ! Quel effluve mortel monte de ces dépouilles
empestées ! A Louvain, à Malines, à Reims, près
des cathédrales en ruines, ils sont morts, eux aussi,
les prétendus maîtres de l'esprit humain, les Hœckel,
les Wundt, les Hauptmann, les Eucken, etc., amis
des Junker et des Huns. Au nom de la science
exclusivement germanique, ils bombardent de leurs
écrits et de leurs discours les temples de la science
universelle. C'est un suicide.
Et nous ? Ne sommes-nous pas un peu, au tréfond
de nos âmes, des Huns et des Vandales? Ne nous
arriv&-t-il pas parfois de traiter la personne humaine
comme le font les Junker quand ils s'arrogent le droit
d'allumer la guerre générale ? Il faut parler clair.
— Ô3 —
Qui n'est pas contre eux est pour eux. Quiconque
reconnaît à l'homme le droit de violenter, de dominer
son prochain est avec eux. Quiconque, dans les fumées
de la gloire, dans le tumulte des hoch et des hourrah,
oublie les larmes et le sang répandus, est avec eux.
Quiconque, par les harangues, le journal, la prédi-
cation, l'enseignement, les jeux belliqueux des en-
fants, développe ou propage la haine, la rancune,
rinimilié, le goût de la violence, est avec eux.
L'homme cultivé peut se croire équitable et sincère ;
mais il ne saurait Tètre quand il voue la science, la
technique et Tart, conquêtes de Thumanité entière,
et non d'une nation, au service de la violation guer-
rière, de la contrainte familiale, sociale, économique,
politique et religieuse. Cet homme est Tami du Jun-
ker si détesté du monde entier.
Toute racine fructifie et la récolte vaut la semence.
Nous souffrons du nationalisme et du militarisme ce
que le prochain souffre de nous. Indignons-nous,
rien de mieux ; ayons peur, protestons, déplorons !
Mais ne nous tenons pas pour innocents. Ce qui
importe, c'est d'éteindre dans nos âmes la haine du
prochain, en attendant le jour où grondera l'indigna-
tion des multitudes. Alors la conscience universelle
balaiera les régimes barbares et les tyrannies en
Allemagne, en Russie et ailleurs, et contraindra cha-
cun au respect des droits de l'homme comme au res-
pect du droit des gens.
— Ô4 —
COMTE W. VAN DEN STEEN de JEHAY
envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. le roi
de8 Belges près S. M. le roi d'Italie.
Rome, 5 sept. 1914.
...Il faudra que le malheur dessille les yeux du
peuple allemand, pour le faire rentrer en lui-même
et lui montrer Tinanité du péril contre lequel ses diri-
geants Tout armé. Toute une génération a été empoi-
sonnée par un système d'éducation, peut-être issu des
enseignements de Goethe, mais faussé par l'orgueil
et l'égoïsme incommensurable d'une caste. Aussi
longtemps qu'en Allemagne ne sera pas détruit l'ins-
trument (le militarisme), l'esprit de domination sub-
sistera. Hauptmann, comme tout le monde là-bas, y
compris les socialistes, a subi l'influence d'une
savante préparation à la guerre. Maintenant qu'il
s'est livré, il est impuissant... Seul, l'épuisement des
forces changera le courant des réflexions chez tous
ces désabusés et leur fera discerner les responsabi-
lités. D'ici là, que de ruines auront été amoncelées!...
IGOR STRAWINSKY
Glarens, 26 septembre 1914.
Je me hflle de répondre à votre noble appel de
protestation contre la barbarie sans précédents des
hordes allemandes. Barbarie ! Est-ce vraiment le
mot? qu'est-ce que le barbare? Il me semble qoe
— (r» —
celui qu'on nomme ainsi est le porteur d'une autre
conception de culture que la n<^t^e. Et bien qu'elle soit
tout autre, il n'est point exclu (|u'elle comporte une
aussi jB^rande valeur que la nôtre. Mais l'Allemafi^oe
actuelle ne peut pas être considéri'e comme porteuse
d'une nouvelle culture... Sa culture est aussi ancienne
que celle des autres peuples de l'Europe occidentale.
J'ose affirmer qu'une nation qui, en temps de paix,
(*lève toute une série de monuments pareils à la Sie"
ge»aUee de Berlin, et qui, en temps de guerre, envoie
des hordes qui détruisent des villes comme Louvain
et des monuments comme la cathédrale de Reims, est
une nation qui ne se ranjçc ni parmi les barbares, ni
parmi les peuples civilisés. (Car il est difficile de
supposer que c'est de cette façon que l'Allemagne
cherche à se renouveler, — si elle le cherche ! mieux
vaudrait commencer par les monuments de Berlin !)
Il est donc du plus haut intérêt commun de toutes
les nations qui sentent encore le besoin de respirer
l'air de leur saine et ancienne culture de s'allier contre
l'Allemaf^ne et de se soustraire une fois pour toutes
à l'intolérable esprit de cette « colossale » el obèse
«Germania», qui est menacée de funestes symp-
tômes de décomposition morale...
•-- 66 -^
D" ROUX ET METCHNIKOFF
Institut Pasteur.
15, rue Dutot.
Paris, le 25 septembre 1944.
Nous recevons aujourd'hui votre lettre au sujet de
la dévastation de Louvain et de Malines et du carac-
tère barbare que les Allemands ont donné à la guerre
actuelle.
Comment ne protesterions-nous pas de toutes nos
forces devant de semblables attentats contre la civi-
lisation et rhumanité, attentats systématiques ainsi
que le prouve la destruction de la cathédrale de
Reims ! Nous nous joignons à vous et à tous ceux
qui ne peuvent assister û de telles horreurs sans dire
leur douleur et leur indignation.
MIGUEL DE UNAMUNO
ex-recteur de rUniveraité de Saiamanquc.
Salamanque, 9 octobre 1914.
La destruction de Reims, de Louvain, de Malines,
est TefTet, je crois, de la pédanterie de brutalité plus
que de la simple, spontanée et naturelle brutalité, sans
pédanterie ; Teffct d'une brutalité voulue et cherchée,
ÔMêt, par position, plus que d'une brutalité ipuasiy par
nature. C'est le jeune Werther, dont la pédanterie sen-
timentale s'est changée en pédanterie brutale et qui,
— «7 —
par discipline — ou mieux, par profession — a obéi
à ses professeurs de science militaire, lui disant que
la guerre doit être brutale (c'est le mot d'ordre des
livres professionnels) et non aux maîtres de Tart de
la guerre, qui sont toujours des artistes, malgré tout
et quand môme. C'est le Kathedermilitarismus de
l'aigle prussienne, qui, coifTée du bonnet doctoral,
faisait semblant de croire que le soleil de la victoire
se levait à son chant, et qui a jeté au public plus
d'exemplaires de bouquins prophélifjues sur la guerre
que de projectiles.
n Der Krieg ist die Politik xar' sçoxrjv n, a dit le
professeur H. von Treitschke, l'apôtre de l'impéria-
lisme, le même qui appelait l'Allemand ein geborener
Heldy der glaubt, er iverde sich schon durchs Leben
schlagen. Et il faut se rappeler le pauvre Nietzsche,
fou de faiblesse, — le lion ne rit que pour cacher ses
larmes et se tromper soi-même en rêvant le Retour
éternel), — qui n'a fait qu'outrer Darwin le parcimo-
nieux en faisant le struggle for life^ et rêver VUeber^
menschy la négation de l'homme dont parlait saint
Paul, du chrétien. Et le pauvre fauve Uebermensch
— (au fond, un professeur d'énergie... littéraire !) —
invoque non le nom de Dieu des hommes chrétiens,
mais TElohim Sabaoth, le dieu saducéen et matéria-
liste qui n'aime que la fumée et la poussière.
La vieille culture, d'origine gréco-latine, la culture
avec un c minuscule, modeste, rond et de deux pointes
seulement, est la culture d'un Luther, d'un Leibnitz,
— 68 —
d'un Goethe, la noble culture de la Réforme et de la
Slurm and Drang, La Kuitur avec un K majuscule,
rectiligne et de quatre pointes, comme un cheval de
frise, la Kuitur qui, selon les professeurs prussiens,
a besoin de Pappui des canons, n'est que technicisme,
statistique, quantitativisme, antispiritualité, pédan-
terie d'énergie et de brutalité voulues, — au fond,
négation de l'esprit et de l'espoir éternel de Tâme
humaine qui veut être immortelle. — Et la pédan-
terie n'est que mensonge, manque de vrai courage,
du courage de vouloir se connaître... « Qui» sibi
uerum dicere ausus est ? » se demandait un autre
Espagnol, Seneca.
Et moi. Espagnol aussi, de la patrie de Don Qui-
chotte, le héros de la déroute, le maître de la sagesse
la plus haute et difficile, celle de savoir être pauvre
et vaincu, le Chevalier de la Triste Figure, celui qui
avait les moustaches, grandes, noires et tombantes —
/os bigotes grandes^ negros y caidoSy — je me crois
obligé en protestant contre la destruction de Reims,
Louvain et Malines, de renier une Kuitur qui aboutit
à la négation de l'humanité au nom d'une prétendue
surhumanité, et à la négation de la « culture » qui
nous a faits hommes, rien que des hommes, c'est-à-
dire rien de moins que des hommes, chacun dans sa
patrie, tous en Dieu, l'Homme éternel et infini et
absolu.
- w -
EMILE VERHiCBEN
24 octobre 1914.
Jamais rien irexcusera ratlental allemand contre
les chefs-d'œuvre. Que cet attentat fut volontaire,
cent témoins Taffirment. Tout ce qu'on inventa de-
puis, à Berlin et à Vienne, pour l'expliquer ne fera
qu'ajouter le mensonge à l'horreur. L'incendie de
Louvain et de Reims sont des crimes historiques.
Le sacrilège fut patent et contrôlé.
La guerre moderne est devenue féroce et sauvage ;
elle a perdu toute fierté et toute grandeur. Elle fut
fourbe, avant d'être violente. Et c'est l'AIh'maîTnc ffui
la voulut telle.
Aussi, ceux qui ont aimé et admiré les artistes
allemands, s'indignent-ils de leur silence ou de leurs
excuses. Ils se demandent avec anxiété où est leur
conscience et leur raison.
LES CAHIERS VAUDOIS
ont publié jusqu'à ce jour :
en mars, dans la série blanche :
C.-/*. Ramuiy Raison d'être, un cahier de
64 pag^s mis en vente à 3 francs. (Epuisé.)
en avril, dans la série verte :
Opinions et rubriques, un cahier de 112 pages
mis en vente à *Z francs.
en mai, dans la série blanche :
Hené Morax^ Tell, drame avec chœurs, uo
cahier de léô pages, mis en vente à 3 francs.
•a Juin, hors série :
Quatre images, gravées sar bois par Henry
Bischoff, dans un cartonnage spécial, en
vente à 20 francs.
en juillet, dans la série blanche :
Alexandre Cingria, La République de Oe-
nève, un cahier de 130 pages, mis en
vente à 3 francs.
en Ittlllet, hors série :
C.'F. Ramuz, Adieu à beaucoup de person-
nages, un volume de 140 pages, mis en
vente à 3 francs.
en Juillet, dans la série verte :
Par le pays, un cahier de 104 pages, mis en
vente à 2 francs.
•n septembre, dans la série blanche :
Pierre-Louis Matthey, Seize à vingt, poé-
sies, un cahier de 90 pages, mis en vente à
3 francs.
•n octobre, dans la série verte {Pendant la guerre) :
Chansons, vers de C.-F, Raniuz ; bois de
Henry Bischoff, un cahier de 48 pages,
mis en vente à 1 fr.
en novembre, dans la série verte
D'avant la guerre, un cahier de 92 pages,
mis eu vente à 2 fr.
Le5 Cahiers Yaudois
ReTue mensuelle de littératore et d'art
publient annuellement :
En abonnement :
Six Cahiers blancs de (îO à 100 passes, attribués cha-
que fois à un auteur pour une œuvre originale.
Six Cahiers verts — essais, opinions et morceaux di*
vers — de «X) à 100 pages.
Hors série :
Des ouvrages artistiques : estampes, dessins, musique
et dos ouvrages littéraires.
Les Cahiers Vaudois publient des œuvres et des articles
de : Ernest Ansermet, René Auberjonois, Maurice
Baud, Daniel Baud-Bovv, Henry Bischofp, Alexandre
Blanchet, Ernest Bloch, Adrien Bovy, Paul Budry,
Fernand Ghavannes, Alexandre Cingria, Charles-
Albert CiNGRIA, F. ROGER-GORNAZ, LoUIS DUMUR, ED-
MOND GiLLiARD, Frédéric Gilliard, Pierre Godet, Vic-
tor Gottofrey, Benjamin Grivel. Pierre-Louis Mat-
tiiey, Jean Morax, René Morax, C.-F. Ramuz, Gonzague
de Reynold, Henri Roorda, Henry Spiess, etc.
PRIX D'ABONNEMENT aux 12 cahiew. îonnal in-lî carré :
sur papier verjBfC anglais : Fr. 18. — . Etransrer Fr. 25. —
» » Hollande ; » 38.— - » 45.—
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Adresser : tout ce qui concerne la rédaction à
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tout ce qui concerne l'administration et la publicité à
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à Lausanne : Librairie Tarin, Petit-Chéne ;
à Paris : Librairie G. CRès ^K- < ^ '»' *^t-Gfrmain. 11).
LOUVAIN... REIMS
II
ÉDITION DES CAHIERS VAUDOIS
LOUJ^IN'...
REIM6:...
jr
DOCUMENTA
à Laujanne chez^ C. Tarin,
I9I5
LOrVAÏN
COMMLMgLhï> hl KAin^JlVi^
LOUVAIN EN RUINES
(Havas.) On mande de Londres :
Paris, '^J août.
Un communiqué du ministère des affaires étrangères de
Belg-ique annonce que, mardi, un corps allemand ayant
éprouvé un échec, se relira en désordre sur Louvaiu. Les
Allemands, qui gardaient l'entrée du village, s'imaginant
que c'étaient des Beltres qui arrivaient, firent feu sur leurs
compatriotes qui venaient.
Ensuite, les Allemands, pour couvrir leur erreur, préten-
dirent que c'étaient les habitants qui avaient tiré, alors que
les habitants et la police elle-même avaient été désarmés
depuis plus d'une semaine. Sans faire une enquête, ni même
écouter les protestations, le commandant allemand déclara
que la ville serait détruite sur le cliamp.
Ordre fut donné au.x habitants de quitter leurs habita-
tions. Une partie des hommes furent faits prisonniers et les
femmes et les enfants furent . tnl.i.i-jii.x .|..i.< .îo<: tiRifis
pour une destination inconniK
Les soldats, au moyen de js^ renades incendiaires, mirent
le feu à tuus les quartiers de la ville. Plusieurs notables
furent fusillés.
La ville de Louvaiii, qui comptait 45 (XX) habitants, et qui
était la métropole intellectuelle des Pays-Bas depuis le
XV« siècle, n'est plus aujourd'hui qu'un monceau de cendres.
L'HORRIBLE DESTRUCTION DE LOUVAIN
D'APRÈS L'AGENCE WOLFF
Sp. Berlin, '^J août.
Wolff. Au sujet de la destruction de Louvain, le corres-
pondant de guerre de la Gazette de Voss écrit que, tout
à coup, les habitants de la ville, qui, jusque-là, s'étaient
montrés pacifiques, commencèrent de tirer des coups de
revolver et de fusil des fenêtres, des caves et des toits, sur
les postes allemands et les colonnes de troupes qui traver-
saient la ville sans méfiance.
Une terrible mêlée s'engaçea, à laquelle prirent part
toute la population civile de la ville et de nombreux soldats.
L'attitude de la population méritait des représailles inexo-
rables.
C'est ainsi que l'ancienne ville de Louvain, riche en
œuvres d'art, n'existe plus aujourd'hui. Sans aucun doute,
l'attaque de la population avait été orjjnfanisée par les auto-
rités. Elle était destinée à .soutenir la sortie des troupes
belges d'Anvers, qui s'est produite exactement au môme
moment.
{Gazette de Lausanne^ samedi, 29 août 1914. ")
— 7 —
LA DESTRUCTION DE I mI \mn
Les excuses aile mai ni es.
Berlin, \M). (Source officielle.) La ville de Louvain a été
remise aux Allemands par les autorités le lundi 24 aoilt ;
ils ont commencé à Ix>uvain le débarquement des troupes ;
les relations avec les habitants se développaient amica-
lement.
Mardi, 25 août, dans l'après-midi, les troupes ayant reçu
la nouvelle d'une sortie de l'armée belge d'Anvers, partirent
de Louvain et le g-énéral commandant se rendit en automo-
bile au devant des colonnes ennemies. Seules quelques
troupes restèrent pour la garde des lignes de chemins de
fer ainsi que le bataillon de landsturm de Neuss.
Lorsque le deuxième échelon du commandement général
voulut suivre le général commandant avec ses chevaux, il
essuja sur la place du marché le feu de toutes les maisons
avoisiuantes. Tous les chevaux furent tués et cinq officiers
blessés, dont un grièvement. A la même heure, le feu fut
ouvert sur dix autres points de la ville, ainsi que sur les
troupes qui venaient d'arriver à la gare.
Un plan convenu d'avance avec les troupes d'Anvers
(levait avoir été préparé soigneusement; deux prêtres qui
ont été surpris en flagrant délit, lorsqu'ils distribuaient des
cartouches, ont été fusillés sur la place de la gare
Le combat dans les rues a duré jusqu'au 26 auui, tians
l'après-midi, lorsque des renforts réussirent à maîtriser la
révolte. La ville et le faubourg nord ont pris feu en plu-
.;o.,rc .."/Iroits et ont probablement été incendiés.
(Tribune de Lausanne du 31 août 1914.)
— 8 —
LES HORREURS DE LOUVAIN
(De source allemande. )
Berlin '.il. — On continuée recevoir des nouvelles sur
la destruction de Louvain. Les journaux disent que la
population se souleva à l'improviste i\ huit heures du soir.
D'abord on ne comprit pas d'où partaient les coups et l'on
criait : « V^oil.^ les Anglais ! » puis on découvrit que les
tirailleurs s'étaient portés sur les toits, derrière les chemi-
nées et aux fenêtres des étaj^es supérieurs. Les soldats
ripostèrent.
Un témoin oculaire raconte, dans la Kœlnische Zeitung^
s'être sauvé eo criant aux soldats qui déjà le visaient :
«Vous allez tuer quelqu'un de Cologne ! » Alors, ils le lais-
saient libre. Le nombre des victimes du côté allemand n'est
pas encore établi. Les représailles durèrent toute la nuit :
tous ceux qui furent trouvés en possession d'armes furent
fusillés, et les maisons d'où ou avait tiré furent incendiées.
« Le spectacle était terrible, dit-il, la ville flambait de
tous côté. Sous nos yeux, on fusillait continuellement ; deci,
delà, des tonneaux d'alcool faisaient explosion. C'était un
vacarfnc assourdissant. Le jour d'après nous apparut un
horrible spectiicle. Les fusillés jonchaient les rues et l'on
amenait toujours de nouveaux coupables pour être fusillés.
On voyait des femmes en pleurs et des enfants qui implo-
raient et, malgré toute la colère pour l'assaut que nous
avions subi, aucun cœur allemand ne pouvait s'empêcher
d'un mouvement de compassion pour ces victimes inno-
( Tribune de Lausanne du !•' septembre.
VEHSIUN COMML'MCJUÉK A LA PRESSE
LE :n aoi:t
PAR LE CONSULAT D'ALLEMAGNE A GENÈVE
« La ville de Louvaiu a été remise aux Allemands par les auto-
rités, le i4 août. Ils ont commencé à Louvain le débarquement
«les trou|)e.s ; les relations avec les habitants se développaient ami-
ralnnent.
I* [^ mardi i5 août, dans raprés-midi, les troupes ayant reçu
la nouvelle d'une sortie de l'arnice belge d'Anvers, partirent de
Louvain, et le général commandant se rendit en automobile au
devant des troupes ennemies. Seules quelques troupes restèrent
pour la garde des ligues de chemin de fer, ainsi que le bataillon
de landsturm de Neuss. Lorsque le deuxième échelon du com-
mandement général voulut suivre le commandant avec ses che-
vaux, il essuya, sur la place du Marché, le feu de toutes les mai-
s .Mv avoisinantes. Tous les chevaux furent tués et cinq officiers
rirshcs, dont un grièvement. A la même heure, le feu fut ouvert
Mir dix autres points de la ville, ainsi que sur les troupes qui
venaient d'arriver à la gare. Un plan convenu d'avance avec les
troujws d'Anvers devait avoir été préparé soigneusement. Deux
prêtres, surpris en flagrant délit lorsqu'ils distribuaient des car-
touches, ont été fusillés sur la place de la gare. Le combat dans
les rues a duré jusque dans l'après-midi du i6 août. Alors, des
renforts réussirent à maîtriser la révolte. La ville et le faubouri;-
nord ont pris feu en plusieurs endroits et ont probablement été
incendiés.
» Du côté du gouvernement belge, un soulèvement général du
peuple contre l'ennemi était organisé depuis longtemps. Des
• If'pôts d'armes étaient installés, où chaque fusil portait le nom
• lu bourgeois auquel il était destiné. Il est vrai que la Conférence
(le I^ Haye, sur la proposition des petits t)tats, a reconnu con-
forme au droit des gens un soulèvement spontané de la popula-
tion, à condition que les armes soient portées ouvertement et que
les lois de la guerre soient observées. Un te! soulèvement n'est
cependant admissible que pour combattre l'ennemi menaçant.
Dans le cas de Louvain, la ville s'était déjà rendue et de ce fait
la population avait renoncé k toute résistance, l^a ville était occu-
- 10 —
pée par nos troupes. Néanmoins, lu population n attaque les
trou{>es d'occupation et celles qui suivaient et qui, vu l'attitude
jusque-là paciKque de la population, arrivaient par chemin de fer
et en autos. La population a assailli ces troupes de tous côtes et
les a exposées à une Fusillade meurtrière.
» Il ne s'agissait donc plus d'un moyen de défense admissible
MU [)oint de vue du droit des s<ens, pas plus que d'une ruse de
guerre permise, mais' d'un inf/line t^uet-apens de la population
civile. Ce i^uet-apens est d'autant plus grave qu'il était projeté
évidemment d'avance, et qu'il a, de fait, coïncidé avec une sortie
d'Anvers. l-*s armes n'étaient pas portées ouvertement. Des
Femmes et des jeunes filles ont pris part au combat et ont crevé
les yeux aux blessés.
» La conduite barbare de la {)opulation belge, dans presque
toutes les parties du |>ays occupées par nous, nous a donné non
seulement le droit de prendre les mesures de répression les plus
sévères, mais nous en a imposé la nécessité, dans l'intérêt de la
conservation de nos troupes. L'intensité de la résistance de la
part de la population résulte du fait qu'il a fallu plus de vingt-
quatre heures ponr vaincre ces attaques. Que ces luttes aient
pour conséquence la destruction, en grande partie, de la ville de
Louvain, cela nous touche douloureusement. De telles circons-
tances n'étaient pas, naturellement, dans nos intentions, mais elles
étaient inévitables en raison de l'iniâme guerre de francs-tireurs
entreprise contre nous. Celui qui connaît le bon caractère de nos
troupes ne saurait sérieusement prétendre (]u'elles puissent avoir
un penchant aux destructions inutiles ou même malveillantes.
C'est à la population belge elle-même, qui s'est placée en dehors
du droit et de la loi, qu'incombe la pleine res|)onsabilité des évé-
nements, ainsi qu'au gouvernement l)elge <jui, avec une légèreté
criminelle, a donné h la population des instructions contraires au
droit des gens en l'incitant h la résistance et qui, malgré nos
avertissements répétés, n'a rien fait après la chute de Liège pour
engager la |>opulation à une conduite pacifique.
» Le gouvernement impérial a protesté de la façon la plus caté-
gorique auprès du (k)nseil fédéral suisse aussi, contre la manière
contraire au droit avec laquelle la Bcli^ique fait la guerre. »
DES RÈGLES DU DROIT DES GENS
DES LOIS ET DES COUTIMES DE LA GUERHE '
Ativrrs, le .'il août i'jii.
A Monsieur Carton de Wiart, Ministre de la Justice.
Monsieur le Ministre,
l^ Commission d'enquête a l'honneur de vous faire le rap|K>rt
suiYaol sur dea faits duut la ville de Louvaiu, les localités avoi-
aioantes et la rég-ion de Malines ont été le théâtre :
L'armée allemande pénétra dans Louvain le mercredi 19 août,
«près avoir incendié les villai^es par lesquels elle avait passé.
Dès leur entrée dans la ville de Louvain, les Allemands réqui-
sitionnèrent des loi^emcnts et des vivres pour leurs troupes. Ils
se rendirent dans toutes les banques de la ville et s'y firent re-
mettre l'encaisse. Les soldats allemands fracturèrent les portes
des maisons abandonnées par leurs habitants, les pillèrent et s'y
livrèrent à des orgies.
L'autorité allemande prit des otages : le bourgmestre de la
ville, le sénateur Van der Kelcn, le vice-recteur de l'Université
catholique, le curé-doyen de la ville, des magistrats et des éche-
vins furent aussi retenu». Toutes les armes détenues par les ha-
bitants, jusqu'aux fleurets d'escrime, avaient été remises à l'ad-
> La Commission est composée comme suit : préaidrnt . M. Coo*
reman, ministre d'Etat; membres: M.M. le comte Goblel d'.\lviella, mi-
nistre d'Elat, vice-président du Scnat; Ryckmans, sénateur; Strauss,
échevin de la ville d'Anvers; van Cutaem, président honoraire du Tri-
bunal de i'* instance d'.\nvers; secrétaires : M.M. le chevalier Erost
de Bunswyck, chef du cabinet du ministre de la Justice: Oris. con-
seiller de léf^tion de S. M. le roi des fielges.
— i'd —
ministration communale et déposées par ses soins • la ns 1 Lt^^lise
de Saiiit-Picrre.
Dans un villniçf avoisinant, Corbeck-Loo, une jeune feuime.
Agée de îî ans, dont le mari se trouvait à l'armée, fut surprise
le mercredi 19 août, avec divers de ses parents, par une bande
de soldaU allemands. Les personnes qui l'accorapas^naienl furent
enfermées dans une maison abandonnée, tandis qu'elle-même
fut entraînée dans une autre habitation où elle fut successive-
ment violée par cinq soldats.
Dans le même villaçe, le jeudi 20 août, des soldats allemands
cherchèrent dans leur demeure une jeune fille de seize ans en-
viron et ses parents. Us les conduisirent dans une propriété aban-
donnée et, pendant que quelques-uns d'entre eux tenaient en res-
pect le père et la mère, les autres pénétraient dans l'habitation
dont la cave avait été ouverte et forçaient la jeune fille à boire.
Puis ils la menèrent sur une pelouse devant l'habitation et la
violèrent successivement. Comme elle continuait à opposer de la
résistance, ils lui percèrent la poitrine à coups de b<ayonnette. La
jeune fille, abandonnée par eux après ces actes abominables, fut
reconduite chez ses parents et le lendemain, à raison de la gra-
vité de son état, administrée par le curé de la paroisse et conduite
è l'hôpital de Louvain. Elle était h ce moment en danger de mort.
Les S4 et 25 août, les troupes belges, sortant du camp re-
tranché d'Anvers, attaquèrent l'armée allemande qui se trouvait
devant Malines.
Les troupes allemandes furent refoulées jusqu'à Louvain et Vîl-
vorde.
Pénétrant dans les villages qui avaient été occupés par Ten-
nemi, l'armée belge trouva tout le pays dévasté. Les Allemands
en se retirant avaient ravagé et incendié les villages, emmenant
les habitants mAles qu'ils poussaient devant eux.
Entrant dans llofstxde le 25 août, les soldats belges trouvèrent
le cadavre d'une vieille femme qui avait été tuée h coups de bayon-
netle; elle avait encore en mains l'aiguille avec laquelle elle cou-
sait lonM]u'clle fut frappée ; une femme et son fils, Agé de quinze
ou seize ans environ, gisaient, trans|>ercés de coups de bay""*""
un homme avait été (lendu.
— l:{ —
A Sempst, village voisin, se trouvaient les cadavres de deux
lu>iiiin(>s pHitiellemcnt carbonisés. L'un d'eux avait les jambes
coupcrs .1 II hatiteur dos genoux; l'autre avait les bras et les
janil). s ( iij . s Tri ouvrier, dont plusieurs témoins ont vu le ca-
davre rai. in.', avait été rrnp|>é à cou|>8 de bayonnclte. Encore vi-
vant, les Allemands l'avaient enduit de pétrole et jeté dans la
maisr>D à la(|uelle ils mirent le feu.
Une femme sortant de sa maison, avait été abattue de la même
fafon.
Un témoin, dont la déclaration a été reçue par M. Edward
Hertsiet. fils de sir Oeil llerlslet, consul général de la Grande-
Bretagne, À Anvers, déclare avoir vu, non loin de Matines, le
ÎO août, lors de la dernière attaque des troupes belges, un vieil-
lard attaché par les bras à une poutre du plafond de su ferme.
Le corps était complètement carbonisé ; la tète, les bras et les
pieds étaient intacts. Plus loin, un enfant d'environ quinze ans
était attaché les mains derrière le dos, le corps complètement
lardé de coups de bayonnette. De nombreux cadavres de paysans
gisaient dans des positions de pardon, les bras levés ou les mains
jointes.
Le consul de Belgique dans l'Uganda, engagé volontaire dans
l'armée belge, rapporte que partout où les Allemands ont passé
le pays est dévasté. Les quelques habitants qui sont restés dans
les villages racontent des horreurs commises par l'ennemi. C'est
ainsi qu'à Wackerzeel, sept Allemands auraient violé consécuti-
vement une femme et l'ont ensuite tuée. Dans le même village,
ils ont déshabillé jusqu'à la taille un jeune garçon, l'ont menacé
de mort en plaçant un revolver sur sa poitrine, l'ont piqué avec
des lances, l'ont ensuite chassé dans un champ et ont tiré sur
lui sans l'atteindre.
Partout, ce ne sont que ruines et dévastations. A Buecken, de
nombreux habitants, dont le curé, âgé de plus de 8U ans, ont
été tués.
Entre InqnJe et Wolverthcm, deux soldats belges blessés étaient
couchés près d'une maison qui brûlait. Des Allemands ont jeté
ces deux malheureux dans le brasier.
Les troupes allemandes, repoussées par nus soldats, entrèrent
- 14 —
en pleine panique dans Louvain, le 26 août, à la tombée du jour.
Divers témoins nous affirment qu'à ce moment la garnison aile-
inande qui occupait Louvain fui prévenue erronément que l'eo-
nemi |)énélrait dans la ville. Elle se dirij^ea immédiatement en
firailianl vers In station où elle se rencontra avec les troupes
allemandes refoulées par les Bels^es (|ui venaient de cesser la
poursuite. Tout semble démontrer (ju'un contact se produisit entre
les régiments allemands.
Dès ce moment, prétendant que des civils avaient tiré sur leurs
soldats, ce qui est contredit par tous les témoins et ce qui n'eût
guère été possible, puis(]ue les habitants de Louvain, depuis plu-
sieurs jour-}, avaient dû remettre leurs armes aux autorités com-
munales, les Allemands commencèrent à bombarder la ville. Le
bombardement dura jusque vers 10 heures du soir. Puis les Al-
lemands mirent le feu .-'i la ville. Là où Tincendie n'avait pas pris,
les soldats allemands pénétraient dans les habitations et jetaient
des grenades incendiaires dont certains semblent pourvus. La
plus grande partie de la ville de Louvain, spécialement les quar-
tiers de la ville haute, comprenant les bâtiments modernes, la
cathédrale de Saint-Pierre, les Halles Universitaires, avec toute U
Bibliothèque de l'Université, ses manuscrits, ses collections, U
plufiart des instituts scientifiques de l'L'niversité, le Théâtre com-
munal, étaient dès ce moment la proie des flammes.
La Commission croit devoir insister, au milieu de toutes ces
horreurs, sur le crime de lèse-civilis^ilion que constitue l'anéan-
tissrment délibéré d'une bibliothèque académique qui était un des
trésors de notre temps.
De nombreux cadavres de civils jonchaient les rues et les
|)lnces. Sur la seule roule de Tirlemont h Louvain, un témoin en
a compté plus de KO. Sur le seuil des habitalions se trouvaient
des cadavres carbonisés d'habitants qui, surpris dans leurs caves
par l'incendie, avaient voulu s'échapper et étaient tombés dans le
i)rasicr. Les faubourgs de louvain ont subi le même sorl. On
peut affirmer que toute la région située entre Louvain et Malines
et la plupart des faubourgs de Louvain sont presque anéantis.
Un gruu|>e de plus de 75 personnes, qui comprenait diverses
personnalités de la ville et |)armi lequel se trouvaient le Père
— ir. —
Coloboet cl un autre prêtre espagnol, ainsi qu'un prêtre araéri-
cain, a été conduit dans la matinée du mercredi 16 août sur la
place de la Station ; les hommes ont ëté brutalement Kêparés de
leurs reinmes et de leurs enfants et après avoir subi les traitements
les pluH abominables et été menacés & diverses reprises d'élrtt
fusilU's, ont été conduits devant le front des trou|>eM allemandes
jusqu'au village de Cain|>enhout. Ils ont été enfermés dans l'église
du village où ils ont passé la nuit. Le lendemain, vers quatre
heures, un oflicier allemand les prévint de ce qu'ils pouvaient se
confesser et de ce qu'ils seraient fusillés une demi heure plus
tard. Vers quatre heures et demie, on les mit en liberté. Peu
après, ils furent arrêtés de nouveau par une brigade allemande,
qui les força à marcher devant elle dans la direction de .Matines.
Répondant à une question d'un des prisonniers, un officier alle-
mand déclara qu'on allait leur faire goûter de la mitraille belge
devant Anvers. Ils furent enfin relà.Iu's, le jeudi après-midi, aux
portes de Malines.
Il résulte d'autres témoi«(iiui;r> que plusieurs milliers d'habi-
tants mâles de Louvain, qui avaient échappé aux fusillades et à
l'incendie, ont été dirigés sur l'Allemagne dans un but que nous
ignorons.
L'incendie a continué pendant plusieurs jours. Un témoin ocu-
laire, qui, le 30 août dernier, a (jiiitté LcMivain. expose l'état de
la ville à ce moment :
• A partir de VVeert-Saint-(i. _ . |. ..... ir.-.Mn.,, .iit il,
. (|ue des villages brûlés et des j. <> i^ affolés, levant à chaque
u rencontre les bras en signe de soumission. Toutes les maisons
» {>ortaieot un drapeau blanc, même celles qui avaient été incen-
» diées, et on en voyait des lambeaux (>endant sur les ruines.
') A NVeert-Saint-Georges, j'ai interrogé les habitants sur les
» causes des représailles allemandes, et ils m'ont affirmé de U
» façon la plus absolue qu'aucun habitant n'avait tiré, que les
■ arnifs avaient, d'ailleurs, été préalablement déposées, mais que
> les Allemands s'étaient vengés sur la population de ce qu'un
- militaire l)clge, appartenant au corps de la gendarmerie, avait
> tué un uhian.
• La population restée à Lourain est réfugiée dans le fauboorf
— 10 —
» de Héverlé, où elle est entassée, la population ayant d'ailleurs
» été chnssée de la ville par les troupes et l'incendie.
» Un peu au-delà du Collège Américain, l'incendie a commencé
» et la ville est entièrement détruite, à l'exception de l'Hôtel de
a Ville et de la gare. Aujourd'hui, d'ailleurs, l'incendie continuait,
» et les Allemands, loin de prendre des mesures pour l'arrêter,
» paraissaient entretenir le feu en y jetant de la paille, comme je
» l'ai constaté dans la rue joignant l'Hôtel de Ville. La Cathc-
» dralc, le théAtre sont détruits et effondrés, de même que la
» Bibliothèque ; la ville présente, en somme, l'aspect d'une vieille
» cité en ruines, au milieu de laquelle circulent seulement des
» soldats ivres, portant des bouteilles de vin et de liqueurs, les
M officiers eux-mêmes étant installés dans des fauteuils autour de
o tables et buvant comme leurs hommes.
» Dans les rues pourrissent au soleil des chevaux tués, déjà
>) complètement enflés, et l'odeur de l'incendie et de la pourriture
» est telle que celte odt»ur m'a poursuivi longtemps »
La Commission n'est pas parvenue jusqu'ici à recueillir des
renseignements sur le sort du Bourgmestre de Louvain, ni sur
celui des notables retenus en otage.
Des faits qui lui ont été signalés jusqu'à présent, la Coromission
croit pouvoir tirer les conclusions suivantes :
Dims cette guerre, l'occupation est suivie systématiquement,
parfois même précédée et accompagnée de violences contre la
population civile qui sont également contraires aux lois conven-
tionnelles de la guerre et aux principes les plus élémeotairea de
l'humanité.
La façon de procéder des .Mlemands est partout la même. Ils
s'avancent le long des routes en fusillant les passants inoffcnsifs,
particulièrement les cyclistes, et même les paysjins occupés sur
leur passage aux travaux des champs.
Dans les agglomérations où ils s'arrêtent, ils commencent par
réquisitionner le» aliments et les boissons, qu'ils consomment
ensuite jus<|u'à l'ivresse.
Parfois, de l'intérieur des maisons inoccupées, ils tirent des
coups de fusils au hasard et déclarent que ce sont des habitants
«jui ont tiré. Alors commencent les scènes d'incendie, de meurtre
et surtout de pillage, accompafpt^ d*act«8 de froide cruautë qui
ne re»{)oc(ent ni le sexe, oi l'Age. LA m^me où ils prétendent
connaître le coupable des faitji qu'ils allèguent, ils ne He bornent
pas à Texëcuter sommairement, mais en profitent pour décimer
la population, piller toutes les habitations, puis y mettre le feu.
Aprt^s un premier massacre exécuté un peu au hasard, ils
enferment les hommes dans l'église de la localité, puis ordon-
nent aux femmes de rentrer chez elles et de tenir ouverte, pendant
la nuit, la |M)rle de leurs demeures.
Dans plusieurs localités, la population mâle a été dirigée sur
I Allemagne, pour y être contrainte, paratt-il, à exécuter les
travaux de la moisson, comme aux jours de l'esclavage antique.
Les cas sont nombreux où l'on force les habitants à servir de
guide, à exécuter des tranchées et des retranchements pour les
Allemands. De nombreuses dépositions attestent que dans leurs
marches, ou même leurs attaques, les Allemands mettent au
premier rang des civils, hommes et femmes, aHn d'empêcher nos
soldats de tirer. D'autres témoignages d'officiers et de soldats
belges attestent que des détachements allemands ne se gênent
point pour arborer, soit le drapeau blanc, soit le drapeau de la
Croix-Rouge, afin d'approcher nos troupes sans défiance. Par
contre, ils tirent sur nos ambulances et maltraitent nos ambulan-
ciers. Ils maltraitent, même achèvent nos blessés. Les membres
du clergé semblent devoir être spécialement l'objet de leurs atten-
tats. Enfin, nous avons en notre possession des balles expansives
abandonnées par l'ennemi à Werchter et nous possédons des
certificats médicaux attestant que des blessures ont dû être
infligées par des balles de ce genre.
Les documents et dépositions sur lesquels s'appuient ces consta-
tations seront publiés.
Le Président y
(S.) COOREMAN.
Les SecrétaireSy
(S.) Ch. Ernst de Bu.nswick ;
Ours.
DE L'AGENCE WOLFF
Berlio, ô septembre.
( Woljf). On mande de source officielle :
La Belg'iqiie publie officiellement de faux rensei^çnements
sur les événements qui ont eu pour conséquence la destruc-
tion de la ville de Louvain, prétendant que les troupes alle-
mandes, repoussées à la suite d'une sortie des forces d'An-
vers, ont essuyé par erreur le feu de la g-arnison allemande
de Louvain, ce qui aurait donné lieu à la bataille de Lou-
vain. Or, il est incontestable que les Allemands avaient
repoussé l'attaque bel/çe ; pendant le combat d'Anvers, il se
produisit à Louvain une attaque, sans doute org-anisée,
contre les Allemands restés dans celte ville, bien que, depuis
ving-t-quatre heures, ces derniers eussent noué des rapports
amicaux avec les habitants.
L'attaque fut dirig-éc principalement contre un bataillon
de landsturm, composé de g'ens tranquilles, de pères de
famille, ainsi que contre une partie restée en arrière de
l'élat-major d'un commandement g-énéral ; les Allemands
eurent de nombreux morts et blessés. Ils eurent cependant
l'avantafs^e, g^râce à de nouvelles forces amenées par le che-
min de fer. Os «Ici tiiAns furent reçues A la iran» par fh»-;
coups de feu
Au sujet des iK'tails do l'affaire, une inslruclion est en
cours, et ses résultats seront publiés, mais la véracité de ce
qui précède est hors de doute.
L'IlAtel de Ville a été préservé des Haiinu' -. 1.^ iiiii.>
tentatives de limiter l'incendie sont restées sans nMiiiai.
(Journal de Genève^ (i septembre 1914.)
— 19 —
COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA VIOLATION
DES RÈGLES DU DROIT DES GENS
DES LOIS FT i)i:s rorTi\Mr:s de la gi:erre
Anvers, le 10 septembre I9U.
Afin de compléter son rapport du 31 août, la Commission croit
((♦•voir sii^oaler qu'il est confirmé que dans les journées qui ont
>uivi l'incendie de Louvain, les maisons demeurées deliout, dont
les hal»it;»nts avaient été chassés par l'envahisseur, ont été livrées
au piliai^e sous les yeux des officiers allemands. Le i septembre,
un témoin a encore vu les Allemands mettre le feu à quatre
maisons.
Un autre fait qui soulic^ne le caractère implacable du traitement
infligé à la population paisible de Louvain, a été également éta-
bli : le i8 aoiU, une foule de 6 à HOOO personnes, honmies, fem-
mes et enfants, de tout âge et de toutes conditions, a été conduite
sous escorte d'un détachement du i6i' régiment d'infanterie
allemande, au manège de la ville, où ces infortunés ont passé
toute la nuit. L'exiguïté du local était telle, eu égard au nombre
des occupants, que ceux-ci ont dû demeurer debout, endurant de
si grandes souffrances, qu'au cours de celte nuit tragi(|ue plu-
sieurs femmes ont été frappées de folie et que des enfants en bas
Age sont morts dans les bras de leur mère.
Un communiqué du grand état-major allemand, dont la Garette
'/<«• Cologne du iO août nous a apporté le texte, affirme que le
•< chAtiment » infligé à Louvain se justifiait par le fait qu'un
bataillon de I>and\vehr, laissé seul dans la ville pour garder les
tonununications, aurait été attaqué par la population civile, agis-
sant sous l'impression qae le g^ros de l'armée allemande s'était
retiré définitivement.
Le même journal a publié le récit d'un prétendu témoin de l'évé-
nement.
L'enquête a établi que cette affirmation doit être considérée
— ?0
conmie fausse. Il est acquis, eu effet, que la bourgeoisie de Lou-
▼ain, d'ailleurs prëaiubiemcnt désarmée par rautorité coramunale,
n'a provoqué les Allemands par aucun acte d'hostilité.
Les Secrétaires : Le Président :
W) C.H Fhnst de Bunswygk, Orts. (s) CooacMAN.
KXTRAIT DU ôœe |\APPOHT
Le jeudi 27 aoiil, à 8 heures, ordre fut donné à tous les habi-
tants de quitter Louvain, la ville devant être bombardée.
Vieillards, femmes, enfants, malades, aliénés colloques, rcli-
ipeux, religieuses, furent chassés brutalement sur toutes leu
routes comme un troupeau. Ce que furent l'exode des habitants,
les atrocités commises, on commence seulement à le savoir ; ils
furent chassés au loin, sous la direction de soldats brutaux, dans
des directions diverses, forcés de s'agenouiller et de lever les bras
à chaque passa^'c d'ofHciers et de soldats allemands, sans nour-
riture et la nuit sans abri.
Plusieurs moururent en route ; d'autres, parmi lesquels des
femmes et des enfants qui ne pouvaient suivre, ainsi que des
ecclésiastiques furent fusillés. Plus de lOOOU habitants furent
poussés jusqu'à Tirlernonl, ville située à près de 20 kilomètres
de Louvain. Ce (|ue dut «^Ire leur calvaire, on ne peut le décrire.
Beaucoup d'entre eux furent encore repoussés le lendemain, de
Tirlemont juscju'à Saint-Trond et llasselt.
Pour ne citer qu'un exemple, il nous suffira de dire qu'un
groupe de treize ecclésiastiques, comprenant le curé de Saint-
Joseph, M. Noël, professeur à l'Université, le Père recteur de
Scheut, a été arrêté, en cours de route, dans la commune de
I^venjoul. Ils ont été injuriés de toutes les façons, enfermés dans
une porcherie dont les Allemands avaient, sous leurs yeux, fait
sortir les porcs, puis certains d'entre eux ont été forcés d'enlever
tous leurs vêtements ; tous ont été fouillés, dépouillés de toutes
les valeurs et de tous les objets précieux qu'ils emportaient, bru-
Uliaés el frappés.
L'expulsion des habitants semble avoir eu pour mobile de laci-
— 'J\ —
liter le pillage, Les tioKiats étaient si prcNHés de voler iHic pluNJeurs
témoins afKrmeul avoir vu commencer le pillage de Imrs h.ihi-
lations au moment même où ils devaient les quitter.
1^ pillai^e, commencé le jeudi i7 août, dura huitjnuf*. i'ar
bandes de six ou huit, les soldats cnfonraient les portes ou bri-
saient les fenêtres, |>énélraicnt dans les caves, se grisaient de vin,
saccageaient les meubles, éventraient les coffres- fort s, volaient
l'ari^^ent, les tableaux, les ceuvres d'art, Targenterie, le linge, les
vt^tenients, le vin, les provisions.
Les carnets de campat^ne trouvés sur les soldats allemands faits
prisonniers à Aerschot contiennent des aveux irrécusables :
Klein, (iaston, appartenant à la le* compagnie du I^ndsturm,
écrit sous la date du iO août :
« A partir de Moo8l>eek nous commencions à avoir un a|>crçu
de la guerre ; maisons incendiées, murs troués par des balles,
cadran de la tour enlevé pnr un obus, etc. (Quelques croix isolées
indiquaient la tombe des victimes. Nous arrivons à Louvain, (|ui
était une véritable fourmilière militaire. Le bataillon de la Land-
starm de Halle arrive, traînant après lui toutes sortes de choses,
surtout des bouteilles de vin et, parmi eux, il y en avait beau-
coup qui étaient ivres. Un peloton de dix cyclistes ix)ulaienl à
travers la ville pour chercher un logement, et en montrait une
image de dévastation telle qu'il est impossible de s'en faire une
idée pire. Des niaisons brûlant et s'effondrant, entouraient les
rues ; quelques rares maisons demeuraient debout. I^ course se
poursuivait sur des débris de verre ; des morceaux de bois brû-
laient, etc. Ijts fils conducteurs du tram pt ■'*••* '" • •' -phon •
traînaient dans les rues et les obstruaient.
« Les stations encore debout étaient remplies tie *i«>i;;cs ». l»e
retour à la gare, personne ne savait ce qui devait se faire.
D'abord quelques troupes seulement se seraient rendues en ville,
mais alors le bataillon allait en rangs serrés en ville pour entrer
par effraction dans les premières maisons, pour marauder du vin
et autre chose aussi, pardon, réquisitionner. Ressemblant à une
meute en débandade, chacun y alla à sa fantaisie. Les officiers
précédaient et donnaient le bon exemple .
» Une nuit, dans une caserne, de nombreux ivrognes, ce tut
fini.
» Cette journée m'inspim un mépris f/iie Je ne saurais
décrire. »
Sans compter les Halles universitaires et le Palais de Justice,
894 maisons ont été incendiées sur le territoire de la ville de
Louvaio, 800 environ sur celui du faubourg de Kessel-Loo. Le
faubourg de Herent, la commune de Corbeek-Loo ont été presque
entièrement détruits.
Il serait impossible de déterminer actuellement le nombre àt-a
victimes. A la date du 8 septembre, quarante-deux cadavres
avaient élé retirés des décombres.
Pour justifier les atrocités qu'ils ont commises, les Allemands
prétendent que des civils ont tiré sur leurs troupes. Nos rapports
précédents ont déjà rencontré celte allégation mensongère.
La vérité est que partout le meurtre de citoyens paisibles, le
pillage, le vol, semblent avoir élé méthodiquement organisés.
Un témoin de nationalité étrangère nous a rapporté avoir
entendu, le ift août, devant l'Hôtel de Ville de Louvain, un offi-
cier allemand dire à ses troupes que jusqu'à ce moment les Alle-
mands n'avaient incendié <|ue des villages ou des localités d'im-
portance secondaire, ({ue pour la première fois on allait assister
À l'embrasement d'une grande ville.
L'incendie suit presque toujours le pillage ; il parait n'avoir
souvent d'autre but que d'en faire disparaître les traces. Fréquem-
ment, les maisons sont incendiées au moyen de fusées ; d'autres
fois elles sont arrosées de pétrole ou de iiaphte, au moyen de
pompes ; d'autres fois, enfin, pour activer l'incendie, les soldats
allemands se servent de pastilles dont nous possédons des échan-
tillons. L'analyse k laquelle nous avons fait procéder nous a
révélé <|ue ces pastilles soni fal»ii(|ii»'»'s iivcc de la nitioirlliilosi»
gélatinée.
Le pillage, l'incendie, .se toni »ut iiuiiti u< i.iui<iiti< r>iii>i-
rieure. Une partie du butin, la plus im|K>rtante, semble-t-il, est
expédiée en .MIemagne.
La Ludiini I M (loil devoir, â ce propos, vous jùgnaler uoe
dépositioQ iu;. i .-. ..ni»».
La Siijiérieurf il'un < il lissement rclifpcux «ilué dans unr
localité rurale souiuisc m {illaiçe, est venue déclarer qu'après le
sac de la commune, un soldat allemand lui a remis une somme
de i franc 8 centimes, lui disant que si le pillage lui était imposé
il ne voulait pas en profiter, n'étant pas un roleur. Un sous-
ofKcier allemand l'a priée de remettre à M'i« V. I). une montre,
une chaîne et un bracelet en or qu'il avait enlevés ehez elle.
Il n'est dans les ravages dont la Belgique a été l'objet, qu'un
seul motif: le désir de terroriser les populations, la volonté de
se venger d'une résistance à laquelle l'Empire allemand ne pou-
vu ît «;*;iff#>nilrt'.
Le Secrétaire- — Le Président.
LV.^ KXUUM Allons DK LUL\A1N
Au moment des massacres de Louvain, un correspondant hol-
landais avait signalé que plusieurs personnes fusillées avaient été
enterrées sur la place de la Gare, au terre-plein qui entoure la
statue de Sylvain Van der \N*eyer.
La Gazette de Cologne publia aussitôt un démenti de l'autorité
allemande à Bruxelles.
Des recherches faites à l'endroit indiqué ont fait découvrir les
cadavres et le correspondant du journal hollandais le Tijd a as-
sisté à l'exhumation, qui eut lieu en présence du professeur
Nerinex, faisant fonctions de bourgmestre ; du docteur Mslda-
iTue, processeur à l'université, du juge d'instruction Simons, du
colonel allemand Lubbert, commandant militaire de Louvain, et
lie son aide de camp.
1^ correspondant du Tijd en fait ce récit :
« Vingt corps furent exhumés après un travail épouvantable,
vingt corps entassés dans un trou qui ne mesurait pas plus de
quatre mètres carrés ! Il fallut prendre d'infinies précautioa^
pour ne pas ramener des jambes ou des bras appartenant À d'au-
tres corps, tant les membres étaient mêlés.
— ?l —
t> L'émotion élrei|y^Dait tout le raoode. Même le colonel allemand
LublxTl ne put 8'em|)écher de dire au l>ourj^mcstre : « Aboutir k
un tel résultat, c'est incompréhensible lorsqu'on sait combien
notre peuple est instruit, cultivé ! » Et l'aide de camp d'ajouter :
« Je suis heureux de ne m'élre pas trouvé à Louvain en ces mo-
ments traiçi<|ucs. » Paroles qui ont leur prix et montrent bien
que les honnêtes g^ens d'Allemagne regrettent à présent l'acte
inquallHahlc que les dirigeants ont ordonné, au mépris des lois
de l'humanité la plus élémentaire.
» Le professeur Maldague, qui s'était trouvé parmi les pauvres
prisonniers qu'on choisissait l'un après l'autre, froidement, pour
les massacrer, et qui avait miraculeusement échappé à la mort,
ne put maîtriser l'émotiun profonde qui l'étreignait. En ce jour
fatal, il était défendu au troupeau humain de regarder les cruau-
tés commises par les soldats, mais une femme (jui se trouvait à
côté du professeur Maldague se risqua quand même et vit que
les victimes choisies en expiation devaient se coucher à plat ven-
tre sur les pavés. On les tuait alors d'uD coup de feu dans la nu-
que, le dos ou la tête.
» L41 plupart des victimes gisaient donc le crâne fracassé, non
seulement par suite de coups de feu, mais de coups de crosse !
Et cela ne suffisait pas. Tous les corps retrouvés — les rapports
médicaux en font foi — ont été transpercés de coups de baïon-
nette. Certains avaient les bras et les jambes brisés. Seuls, deux
corps ne portaient aucune blessure. Une autopsie sera faite afio
de se rendre compte des causes de la mort.
» M>"« Van Ertrijck reconnut ainsi, au bord de la fosse, son mari
Agé de soixante ans, fabricant de cigares, et sou fils Agé de
vingt-sept ans, puis apparurent le corps d'un soldat belge qu'on
n'a pu identifier, enfin celui d'un petit garçon qui n'avait pas
quinze ans.
» Les victimes furent ensuite reconnues : (iharles Munkemer,
époux d'Amélie Maranl, né en 1885; Edgard Uicquct, brasseur A
Boort-Meerbeck, et dont la famille, connue de tout louvain, ha-
bite rue de la Station ; le major pensionné belge Eickhorn, Agé
de soixante ans (inventeur de cartouches |)Our le tir réduit) ;
A. Van de (îaer, 0. Candriès, Mm» A. Bruyninckx, née Au^.
Marien ; .Mme Périlleux, Agée de soixante ans environ.
M Eo reniuant la terre, on découvrit une seconde tombe qui con-
lit «i«M>t .iiifr-f^ ra. Livres (l!ssiiiml«'s sons ttrnic mitirnrlrrs «If
terre
• I^' iriKÎriiuiiii. i<i îiiin-|»ir iii-«nit;iii- irjMii. i>uin- imm- jiiiile
fo&He, OD mil encore h jour deux cadavres : celui de Henri
Decorte, ouvrier h Kessel-l,.oo, celui de M. Van Bladel, curé de
lièrent. Pas un bruit (]uand on exhuma le tj^rnnd corps de riofor"
tuné prêtre. Seul le I\. \*. Cla>fl laissa tomber ces mots : « Ijc
curé de Hérent. » I>e pauvre homme était âgé de soixante et
onze ans.
« Onz^*'*' de Lausanne du ^ r.\r;..r ^'u*; ^
REIMS
COMMUNIQUÉS — RAPPORTS
RÉCITS
EXTRAITS DES COMMUNIQUÉS OFFICIELS
FRANÇAIS
L'ennemi a vainement essayé de prendre l'offensive contre
Reims. (18 septembre.)
Les Allemands, qui, malgré des attaques d uue violence
extrême, n'ont pu g^ag-ner le moindre terrain devant Reims,
ont bombardé tout le jour la cathédrale. (S50 septembre,
7 heures.)
Les Allemands se sont acharnés, sans raison militaire, à
tirer sur la cathédrale de Reims, qui est en flammes.
<!?0 Hrpli'iiilii»' ir. Il ITv)
NOTKS ALLEMANDES
Pans, '/l. Ou mande d'Amslerdam à ilavas :
Un commuuiquê de l'état-major allemaûd explique ainsi
la destruction de la cathédrale de Reims :
Nous avons progressé sur quelques points dans notre
attaque contre les forces anglaises et françaises. Reims se
trouve dans la zone du combat et les Français nous ont
obligés à répondre à leur feu. Nous regrettons que la ville
ait été endommagée. Des ordres avaient été donnés pour
]u'on épargne autant que possible la cathédrale.
La presse allemande.
Berlin, 22. (WolfF.) Les journaux font remarquer que
les dommages l'ont été par la faute des Français, qui avaient
posté leurs canons aux abords de la cathédrale et avaient
commencé le feu. Il va de soi, dès lors, que le feu de l'artil-
lerie allemande devait être dirigé contre la cathedra l^- r^l^
n'a pas besoin de justification.
Le Berliner Lokal Anzeiger relève que la ville de Reims,
lorsque les troupes allemandes la traversèrent dans leur
poussée vers la Marne, resta absolument indemne.
Les Français étaient libres de laisser la ville en dehors
.le la ligne de feu. Au surplus, certaines parties de la cathé-
Irale seulement ont été endommagées.
Tribune de Lausanne y du 23 septembre.
PROTESTATION DE M. LANDRIEUX,
ARCHIPRÊTHE, VICAIRE GÉNÉRAL DE LA
r'ATlIÉDRALE DE REIMS
On se rap|>ellc que M. de Bethmann-Hollweg a adresse^
le 30 octobre, au ministre de Prusse auprès du Saint-Siège,
une note accusant rétat-major français de s'être servi de la
cath(^drale comme d'un poste d'observation.
M. Landrieux, archiprètre, vicaire g-énéral de la cathé-
drale de Reims, a rétabli la vérité dans une protestation
qu'il importe de reproduire tout au long* :
« L'auteur de cette note a été induit en erreur par des
informateurs ; et l'erreur est trop i;çrosse de conséquences
pour n'être pas relevée, étant donné surtout qu'on laisse
entendre que la cathédrale déjà dévastée pourrait encore
être maltraitée de ce chef.
» Témoin, heure par heure, de ce qui se passe dans mon
église, je suis en mesure de rétablir les faits en parfaite
connaissance de cause et j'ai le devoir de le faire.
)► La note affirme que de nouveau, c'est-à-dire depuis l'in-
cendie du 19 septembre, on a placé une batterie devant la
cathédrale et installé sur une des tours un poste d'observa-
tion. Au nom de S. E. le cardinal-archevêque de Reims et
au mien, j'atteste qu'à aucun moment il n'a été établi de
batterie sur le parvis, ni de poste d'observation sur les tours,
et qu'il n'y a jamais eu ni cantonnement, ni stationnement
quelconque de troupes à proximité de la cathédrale. »
Berlin, 16 novembre.
iWolff). Contrairement aux déclarations de M. Lan-
drl*""^ ' fnpr<^fri' ot virnire général de Reims, qui a
— 29 -
afÉiriné que jamais une batterie n'avait été placée sur le
parvis de la cathédrale, que jamais il n*y a eu de posta
d'observation sur les tours et que jamais il n'y a eu de sta-
tionnement de troupes quelconques dans le voisinage de la
cathédrale, l'agence VVolflFest chargée de déclarer officiel-
lement que la présence d'artillerie vers la cathédrale de
Reims et un poste d'observulion sur les tours ont été cons-
tatés à plusieurs reprises et que ces faits ne subsistent pas
moins en dépit de toutes les dénégations intéressées.
LES JOURNÉES DU 4 SEPTEMBRE AU 12 OCTOBRE
A REIMS
M. le professeur J.Keverdin veut bien nous* commuDiquer les
extraits suivants d'une lettre que lui adresse son ami, M. le D'
Langlet, maire de Keims, dont il est absolument impossible de
suspecter les afHrmations. En autorisant son correspondant de
Genève à donner son nom et sa qualité de maire, M. I^ançlet
ajoutait : « Je crois, en effet, important de rectifier les assertions
absolument fausses de nos ennemis; on m'a communiqué, entre
autres, un article d'un Bulletin envoyé aux commerçiinls suisses
(Bureau des deutschcn Handelslaiçers) qui fourmille d'erreurs
(le dates qui rendent leur arg^umentation inadmissible. La note
que je vous ai envoyée y répond du reste par avance. »>
Cette lettre est datée du i4 octobre.
Pour revenir sur une question dont vous m'avez parlé
dans votre lettre relative aux motifs du bombardement, il
est impossible de prendre au sérieux l'affirmation (ju'il y
avait des batteries dans les environs de la catliédrale ou
qu'elle ait servi sous une forme ou sous une autre de poste
de défense. Jamais il n'y a eu de batteries dans la ville et
' Extrait (hi Journal de flenèrf du 19 ruivcinhrç.
— m ~
dans les environs de l'église qui puissent servir d*excuse à
une agression aussi caractérisée.
Je crois d'ailleurs pouvoir vous donner une preuve du
contraire.
Tout d'ahonl, il l'aut savon (|u il v a eu plusieurs séances
de Iwmbardement, dans lesquelles la cathédrale a été parti-
culièrement visée. La première avait lieu le 4 septembre,
jour de l'entrée des Allemands à Reims. Nous étions dans
mon cabinet en conversation avec un intendant du corps
d'armée saxon, qui venait poser les bases d'une réquisition
importante pour caution de l'exécution de laquelle elle exi-
geait le versement de la somme d'un million. La conversa-
tion, d'ailleurs courtoise, ponctuée de temps en temps,
comme excuse de leurs exigences, d'un C'est la guerre!
sans réplique, se continuait, quand éclata comme un coup
de tonnerre le bruit de la première bombe tombant sur
Keims
Je n'oublierai jamais la physionomie effarée, empreinte à
la fois d'étonnement et de colère, de cet officier, qui venait
de nous dire qu'ils n'étaient pas des barbares, mais un
peuple de haute culture, et qui constatait lui-même que
le premier attentat sur la cathédrale venait de l'armée alle-
mande. Car c'était bien dès ce jour-là la cathédrale qui était,
sinon atteinte, du moins visée, les bombes pleuvant à droite
d'elle, à gauche, en avant, en arrière, démolissant déjà les
vitraux sans valeur du rez-de-chaussée de ce monument.
11 y avait donc si peu à s'y tromper que l'officier général qui
se trouvait là s'empres.sa d'envoyer aux batteries qui tiraient
sur Hcims et qui appartenaient à un autre corps un avis
d'arrêter ce bombardement, et qu'il conseilla, qu'il pressa
même la fabrication d'un drapeau blanc fait d'une perche
et d'un drap destiné à être hissé au haut de la tour nord de
— 31 —
notre basilique, où il flottait un quart d'heure après ao mo-
ment où le tir cessait.
L'émotion calmée, les officiers présents conclurent à une
erreur, erreur qu'ils regrettaient profondément^ dont
nous ne chercherons pas à expliquer la psycholon^ie, mais
où l'on pourrait j)cut-étre entrevoir une espèce d'anta/^o-
iiisme ou plutôt de rivalité entre deux races, dont Tune a
plus de prétention à la civilisation et se contentait de frap-
per à la caisse, et l'autre, plus brutale et plus rude, sans
(Hre peut-être moins avide, voulait frapper notre cité au
* «i*ur et l'atteindre dans sa gloire et dans sa beauté.
Huit jours durant, parmi les Allemands qui passèrent à
Reims, nombreux furent ceux qui eurent l'occasion de
manifester ieui*s sentiments d'admiration pour la cathé-
drale sans prévoir ce qu'elle deviendrait quinze jours plus
tard.
Le 1:^ septembre, les Allemands quittaient Reims en hâte,
mais en prenant la précaution d'annoncer qu'il allait y
avoir une g-rande bataille, qu'il fallait mettre dans la cathé-
drale les blessés nombreux, deux ou trois mille, qui allaient
arriver, et, sur leur réquisition et leurs soins, on emplit
<\c paille et de couvertures le sol des nefs pour servir de lits
qu'allait protéger la Croix-Rouge placée sur les deux tours
du monument. Et il n'y eut pas (ce jour-là) de bataille et il
ne vint pas de blessés, et la Croix-Rouge et le drapeau
lilanc flottaient *Jiir l«^s totirs (|iiand les Kranrais re-'»-H"*"t
• lans la ville.
Nos ennemis insistaient eux-mêmes sur le rôle prolecteur
que pouvait avoir pour la cathédrale elle-même sa trans-
formation en hôpital. 11 n'était pas question d'une forte-
resse ou d'un observatoire, mais d'un asile doublement
— 32 —
Deux jours après, le bombardement de Reims commen-
çait. Pendant trois quarts d'heure, l'Hôtel de Ville fut le
pointde mire de rarlillerie allemande, ainsi que le centre de
la ville, mais la cathédrale ne parut pas souffrir d'une façon
spt^ciale. Néanmoins on commençait à craindre pour elle.
Le 10 septembre, utilisant les installations faites à la
demande des Allemands eux-mêmes, et les abritant sous le
drapeau de lo Croix-Rou|5Ç'e, le service français de santé fil
placer dans la i;^rande nef de la cathédrale les blessés alle-
mands qui ne tenaient plus dans les hôpitaux trop pleins.
C'est vers trois heures de l'après-midi, au milieu d'un
bombardement incessant, que s'allumèrent les échafau-
dages servant aux réparations du monument, puis d'autres
foyers d'incendie dans la charpente, puis de multiples incen-
dies dans les quartiers environnants. Le clerg-é de la cathé-
drale a [)u compter sur les pierres elles-mêmes du monu-
ment plus de trente-cinq obus tomliés et éclatés, sans
compter ceux tombés dans la charpente. Et il ne faut pas
croire qu'une fois la charpente écroulée, vers cinq heures cl
demie du soir, au milieu de sinistres lueurs, la rage du
bombardement fût apaisée. Vue de loin et dans son en-
semble, la silhouette presque intacte de toutes les parties où
il n'y avait pas de bois conservait comme une couronne la
galerie de pierre qui entourait la base du toit. Or, les jours
suivants, les obus continuèrent à pleuvoir sur elle et le
12 octobre dernier une partie de ce monument do pierre
s'écroula sous la chute de nouveaux obus.
Voilà, mon cher ami, des détails qui vous intércssoronl
peut-être. Du reste la démonstration n'est plus i\ faire,
Arras après Heims vient do subir le même outrage.
— ;« —
LE UHAPEAU BLANC
SUR LES TOURS DR LA CATHÉDRALE »
Ayant appris (|ue le drapeau blanc avait été hissé sur la toar
«le la Cathédrale par M. L. Ronné, membre de la Compagnie des
Sauveteurs, el par M. l'abbé l^iuin l^ndrieux, vicaire de la Cathé-
(irait*, nous sommes allés demander à ce dernier de nous racooler
ni «loiail sa dauscereuse expédition :
Vendredi^ vers oeuf heures un quart, je passais place
l\oyale; je rentrais chez moi, rue du Préau. Une première
délonation rplonlit.
« Les Allemands tirent à blanc, disait-on, pour célébrer
leur entrée à Reims. > D'autres afBrmaient qu'on faisait
sauter les forts, etc., etc.
Les détonations éclatent de plus en plus rapprochées, un
vitfloment sinistre sillonne dans l'espace. C'est un obus qui
^.asse en grondant. La foule s'enfuit. Tous courent se airhei
dans les caves pour échapper à la mort.
Les jours précédents, quand on parlait d'un combat sous
les murs de Reims et d'un bombardement possible, j'avais
pensé me réfugier dans la Cathédrale. Je courus chez moi,
rue du Préau, pour y prendre mes papiers. En un instant,
j'étais redescendu dans la rue. Les obus passaient dans le
ciel en sifflant. Je courus d'un trait, en rasant les murs,
jusqu'à l'aniçle de la rue du Préau et de la rue Rot>ert-de-
(^oucy. J'entendis passer la bombe qui éclata dans la
la maison de VEclaireur de l'Est, après avoir percé le
tableau d'afBchage du journal. D'un bond, je traversai la
rue Rolicrt-de-Coucy. J'étais arrivé à la Cathédrale.
Le refuge sous le Petit-Portail n'était plus sûr. Le pignon
' Le Courrier de la Champagne du 3 septembre.
LOUVAIN... RKIMS M 3
- ;m —
de «l'Annonciation» qui surmonte la galerie des Prophètes,
venait d'Atre écorné par des éclats d'obus. Des pierres tom-
baient sur la chaussée. J'entrai alors dans l'escalier de
pierre <]ui proiitl sous l'horlo^-e et qui conduit au trrand
orgue.
Déjà les verres des vitraux commençaient à pleuvoir.
J'avais appelé dans mon refug-e une femme et deux hommes,
qui se cachaient derrière un pilier du transept. J'ignore
leurs noms. Le chaisier de la Cathédrale, M. Humbert, vint
nous rejoindre.
Nous nous tenions debout sur les marches de l'escalier,
sans mot dire. Au dehors, le bombardement faisait raç;'e. On
entendait, par les créneaux de l'escalier, le sifflement des
projectiles. A l'oreille, nous nous rendions parfaitement
compte du trajet suivi par les obus. «En voilà encore un,
disait de temps en temps le chaisier, qui n'est pas pour ici.»
Une explosion formidable retentit. L'escalier, oti nous
sommes à l'abri, est rempli d'une fumée acre qui nous
prend à la gorge. On ne se voit plus à cause de la poussière.
Une violente poussée d'air, qui descend l'escalier comme un
ouragan, nous jette tous à terre, à genoux ou assis, sur les
marches de pierre, pendant que la porte de l'escalier claque
contre la paroi du mur. C'est la bombe qui vient de tomber,
à quelques mètres de là, au milieu de la rue Hnh.rt-ihv
Coucy, qui cause tout ce fracas.
M. le Curé de la Cathédrale vient d'entrer dans i'éi^lise
par le grand portail. Sous les obus, il était venu de la rue
Ponsardin pour être dans son église et pourvoira la sécurité
du Saint-Sacrement.
A cau.Ho de la fumée et de la poussière, nous ne le vtmes
pas passer. Il se réfugia à la Réserve, auprès du Saint-
Sacrement.
— .{T» —
A ce moment, le coup d'œil dans la Cathédrale était sinis-
tre. L'é/B^lise était pleine do fumée. La poussière montait
jusqu'aux voiltcs en tourbillous opaques, comme il arrive
k certains jours d'oraji^, sur les géodes routes et dans 1&
campa trne.
On entendait les éclats d'obus frapper les murailles.
Quelques barres d'appui des vitraux (des barres de fer larges
de trois centimètres), volèrent môme en éclats et allèrent
rebondir sur le pavé de marbre jusqu'au milieu du chœur.
Nous entendions le bruit de ces éclats de fer tombant sur
les dalles. Nous crilmes tous à ce moment que la bombe
était entrée par la g-rande rosace et qu'elle venait d'éclater
au milieu de la g>rande nef.
D'un bout de l'édifice à l'autre, le bruit des explosions se
répercutait, en allant et en revenant, amplifié par les puis-
santes sonorités du vaisseau. Je crois bien que tous ceux
qui ont entendu ce bruit de tempête dans la Cathédrale ne
l'oublieront jamais.
Dans un intervalle de silence, nous entendîmes la porte
du petit portail qui s'ouvrait. Un homme conduisant de la
main une bicyclette entrait effaré. Nous l'appelâmes pour
'|u'il vtnt se réfugier auprès de nous dans l'escalier. C'était
un membre de la Compagnie des Sauveteurs, M. L. Ronn('.
« J'arrive de Tilôtel de Ville. Voici le drapeau blanc. Il
faut le hisser sur la tour de la Cathédrale, pour que le feu
cesst^. Mais je ne sais pas trop où est la porte de la tour. Je
n'ai pas la clef. Comment faire?
» — Je vais vous conduire. »
Et nous voilà partis. La canonnade faisau i I '"^
Ncrres des vitraux continuaient h s'écraser sur les
la basse nef.
En un ir'-'-"« !-i ■ ■"'- '■• i^ • ■!■ .-st alU-itile tl .-..,. .. .
— :i6 ~
Nous nous engageons dans l'escalier. Nous grimpons à
perdre haleine, jusqu'à la plate-forme en cirncrit nrmc^ qui
est au-dessus de la |(i^rande rosace.
Là se trouve la porte de l'escalier à jour qui conduit au
sommet de la tour. Cette porte est fermée. Nous n'avons
pas la clef. Nous uni.ssons nosefTorts pour soulever la porte
hors de ses gonds. Le passa^^e enfin est ouvert. Nous arri-
vons au sommet, et tout émus nous brandissons le drapeau
blanc, qui a été improvisé avec l'un des draps de lit qui a
servi à coucher l'un des officiers allemands arrivés la veille.
Pendant la montée, surtout dans l'escalier à jour, le spec-
tacle était unique. Des flots de fumée et de pou.ssière mar-
quaient les endroits touchés. Deux obus tombèrent alors sur
la maison de M. Glignet, rue du Trésor. On voyait les
flammes jaillir de la maison de M. Jules Matot, au coin de
la rue de la Salle et de la place du Palais-de-Justice. Un
tourbillon de fumée marquait un commencement d'incendie
dans un pâté d'usines, du côté de la rue Houzeau-Muiron.
Enfin, l'ouragi-an de fer et de feu s'arrêta. Un aéroplane
allemand vint planer un instant au-dessus de la tour de la
Cathédrale, fit volte-face et repartit à toute vitesse.
La Cathédrale n'avait pas été touchée directement. Mais
que de ruines amoncelées en trois quarts d'heure autour
d'elle, place du Parvis et rue Uobert-de-Coucj !
Les vitraux blancs de la basse-nef sont en miettes ; les
vitraux anciens de la /(grande nef sont percés de mille trous.
La rosace inférieure du j^rand portail est abîmée. Ia>s vitraux
qui ornent la galerie placée au-dessous de la grande rosace
ont été disloqués par la poussée de l'air, quelques-uns môme
sont brisas. Certaines parties de la toiture, surtout les parties
couvertes en ardoises, sotit criblées de projectiles. Ëntio,
plusieurs contrefiirts ont été éraflés par des éclats d'obus. »
— :n -
I. A VÉRITÉ SUR L'INCENDIE DE LA C ATIIKOHALE »
L'incendie de la cathédrale de Reiais esi ..«w cho^
qu'un simple incident dv jç^uerre. C'est un événement de
premier plan qui a eu sa répercussion en colère et en indi-
gtiation dans le monde entier et doiii îl irnM<.i t»» iK» «onNoi-
ver la physionomie exacte.
Or les récils trop précipités et mal docuiiunl > de la
Presse sont forcément incomplets et quelquefois fantaisistes ;
ils ne concordent pas toujours et souvent se contredisent.
Comme il n'y avait dans la cathédrale, au moment du
désastre, d'autres témoins avec les Allemands, que le curé
et deux de ses vicaires, nous avons demandé à M. l'abhé
f^andrieux, vicaire général, archiprétre, des précisions dont
voici le résumé :
— Où étiez-vous quand la catastrophe est arrivée ?
— Dans la cathédrale. Je ne l'ai guère quittée que la
nuit, pendant toute celte semaine.
Le samedi, à huit heures, j'ai dit la dernière messe ; le
bombardement commençait. La cathédrale a été, non pas
l'unique, mais un des principaux points de mire des canons
allemands, ce jour-là comme la veille. Et cependant, ven-
dredi matin, dès que nous vîmes l'église menacée, nous
avons arboré deux drapeaux de la Croix-Rouge sur les
tours. Ils y sont encore.
— Les Prussiens avaienl-ils ini^ '!•"' h!'»^'^'*-^ ,lii.« la
cathédrale ?
— Ils n'ont pas eu le temps. Ils n'y ont mis que la paille.
C'est l'autorité militaire française qui nous a envoyé des
1 L« Courrier de la Champagne, lundi, 5 octobiv 1914.
— .38 —
l.M».^ .lâiriii.iii.i-, lins l'intf^nfion (\o prf''*<f»rver le mo-
Dumcot.
— Que s'cst-il passé dans celle matinée du samedi 19 ?
— Pour la troisième fois, nous avons dû opérer le labo-
rieux et douloureux transbordement des blessés dans l'esca-
lier de la tour des cloches; car l'avant-veille un g'endarme
français et deux blessés allemands avaient été tués par des
blocs de pierre qui tombaient des fenêtres éventrées.
Nous nous sommes retirés ensuite près du Saint-Sacre-
ment, dans « la réserve», comptant toutes les bombes qui
s'acharnaient à la destruction de l'édifice. Les ravages de la
veille avaient été considérables; le samedi, ce fut pire
encore.
— Vous étes-vous rendu compte de l'incendie dès le
début?
— De temps en temps, nous sortions pour voir oîi avaient
porté ces coups formidables qui ébranlaient l'édifice. Vers
deux heures, nous avons remarqué un peu de fumée dans
les échafaudag-es du grand portail. Mais, comme le vent
ramenait jusque-là la fumée de l'incendie qui venait de se
déclarer au Poste des Pompiers, rue Tronsson-Ducoudra^-,
nous fûmes rassurés.
Cependant nous sommes revenus une demi-heure après
pour examiner de plus près, et cette fois, il n'y avait plus à
douter, l'échafaudage s'enflamtnait, à mi-hauteur environ.
En temps ordinaire, les pompiers, dont le dévouement,
en ces jours sinistres, a été admirable, auraient eu vite
raison de ce commencement d'incendie, mais il n'y avait
alors ni pompes, ni hommes et l'eau manquait, car le
centre de la ville était en feu.
Dans l'espoir que peut-être nous y pourrions quelque
chose, nous avons voulu monter. M. l'abbé Thinot et moi ;
:i9 —
uu soldai nous accompa^uait. Trois étages au moins flam-
baient par le milieu ; trois brasiers superposés qui avaient
dâ s'allumer vraisemblablement de haut eu bas. Nous
avons essayé d'arracher ces lourds madriers, mais sans y
réussir. Nous avons appelé, sans nous faire entendre, dans
ces rues désertes.
Je pensais que Téchafaudai^ brûlé s'effondrerait et que
tout se bornerait là. Si la cathédrale n'avait pas été remplie
de paille, je n'aurais pas redouté une catastrophe. Mais il
suffisait d'une étincelle.
Nous redescendîmes alors pour conjurer, s'il était pos-
sible, l'embrasement de la paille. Les vitraux sûrement
allaient éclater et les blessés brûleraient avec la paille.
On se mit à la besogne pour rejeter la paille dehors,
dans le chantier. Les Allemands qui pouvaient .se tenir
debout nous y aidèrent. Chaque flammèche fut surveillée,
saisie au vol, étouffée sur place. Mais bientôt l'échafau-
dag^e s'écroula avec fracas sur le parvis ; la moitié de la
grande rosace éclata, et, en face du danger imminent, il
fallut songer au sauvetage des blessés.
M. l'abbé Landrieux. qui parle allemand, dirigea cette
lugubre mobilisation. Ce fut un spectable lamentable.
Talonnées par la peur, à cloche-pied, à quatre pattes, en
gémissant, les malheureux se hâtaient vers le transept
nord. On porta les uns; on tratna les autres...
Une fois les hommes hors du champ de paille, et, sans
juger encore la cathédrale menacée, je crus prudent de
mettre le Saint-Sacrement h l'abri. Sans rien dire, je l'em-
portai chez les religieuses de l'Adoration Réparatrice, d'où
une demi-heure plus tard il fallut Tenlever, parce que le
couvent brûlait.
A peine rentré dans la cathédrale, je vis tout à coup
— 40 —
avec stupeur des lueurs d'incendie à l'abside. J'eus l'im-
pression que le feu avait pris dans les combles et que tout
était perdu. C'est alors que je criai à M. Landrieux et A
M. Thinot : «Sauvons le Trésor!»
Pendant que l'on forçait les portes des armoires, je cou-
rus dehors pour trouver des bras. Quelques braves ouvriers,
dont je voudrais pouvoir dire les noms, répondirent à mon
appel, et tout le Trésor fut rapidement mis en lieu sûr...
Déjà, dans les nefs, le plomb fondu des toits, qui filtrait
h travers les fissures des voûtes, tombait en pluie fine sur
les dalles. Au dehors, il rejaillissait en menue poussière
sur les pierres des contreforts et des galeries inférieures ;
et ces éclaboussures brûlantes, mêlées aux flammèches qui
volaient partout en tourbillons, nous picotaient la fig'ure et
les mains, pendant que nous traversions la cour d'arrière
avec nos précieux fardeaux.
J'estime qu'entre notre ascension dans les échafaudaK|pe.s
et le moment où la charpente prit feu dans les combles
pendant que la paille flambait en bas, il ne s'est pas passé
plus dune heuro.
— Vous «1 ■^'•' 1 nr «jn'il v eut j)liisi(»nrs Çny^^-i -''«n-
cendie ?
— Gela me paruîl tWident. D'abord parce qu'il est bien
difficile d'admettre que le feu des échafaudages du portail
ait pu embraser si vite et si simultanément toute la char-
pente jusqu'à l'abside; car, si je ne me trompe, c*esl le
clocher à l'angle qui s'est eft'ondré le premier.
D'ailleurs, deux témoins qui observaient l'incendie, de
points difl'érents, avec une forte lunette, ont affirmé avoir
vu tomlter deux nouvelles bombes sur les plombs de l'ab-
side et du transept, pendant que les échafaudages brûlaient.
- Il —
ËnHn« nous avons une preuve irrécusable : Des photo-
^jniphies prises (tendant l'incenilie attestent le fait avec la
brutalité du document.
Voilà, autant que j'ai pu on jug^r, l'orig'ine et les phases
de la catastrophe. Ce fut une heure d'inexprimable angoisse
où la colère et l'indignation nous étrei|8^naient le ccear.
Je ne saurais trop dire combien M. l'abbé Landrieux et
M. l'abW Thinot.qui se trouvaient avec moi dans la (m V
drale, jn'ont aidé dans cette douloureuse et inoubli i
lournée.
PROCÈS -VERBAL
DE L'ÉTAT DE LA CATHÉDRALE DE REIMS \
dressé par le maire de Reims
et l'architecte local des monuments historiques
(après le premier bombardement).
Partout, ici, des décombres qui fument, une odeur de feu
nojé qui s'éteint. Le quartier des laines est détruit, l'inté-
rieur du théâtre brille encore. De la place Royale et de la
rue Colbert, dont la noble et sévère ordonnance remonte à
Louis XV, il ne reste plus que des pans de murs. A l'hôtel
de ville, dont la pierre a pris avec le temps des tons roux
et chauds de vieil or, les vitres ont volé eo éclats, et la
façade est criblée de taches blanchâtres, qui produisent
l'effet d'écorchures. Hôpitaux et casernes, usines et mu.sées,
veufs de toits, sont hachés de trous, mais ce lamentable
spectacle me laisse froid. Ces dommages sont de ceux qui
90 réparent : c'est l'irréparable que je veux voir, et l'irrépa-
rable est ailleurs.
Qu'est devenu le merveilleux édihct' (|uo le génie d'un
• f.r Trmpx. il srptnnltn* 19! V.
maître d'œuvrc inconnu a créé, il y a sept siècles et plus,
et dont le plan était si parfait, les proportions si harmonieu-
sement éléjçantes et si nobles, qu'en dépit des deux siècles
employés à la construction et à l'embellissement de la mer-
veille, aucun des successeurs du premier architecte n'a osé
se substituer à lui et dénaturer ou modifier sa pensée V
Qu'est devenu le triple portail, orfèvre comme les parois
d'un reliquaire, où les imag-iers du quatorzième siècle ont
taillé, en statuettes isolées ou en groupes, sur les pieds-
droits des murailles et dans la voussure profonde des
oticives, sur le linteau des portes ou dans l'encadrement
triang-ulaire des frontons, des centaines et des centaines de
fijE;:ures attachantes comme les chefs-d'œuvre de l'art grrec,
et d'une beauté et d'une grâce émouvante? Qu'est devenue
la grande rose du centre, où d'éblouissantes verrières s'en-
châssaient? Qu'est devenue la n^alerie des Rois, avec son
Baptême de Clovis?
Que sont devenues les tours octogonales, si sveltes, et les
tourelles ajourées qui les flanquent ? Les transepts du Midi
et du Nord, avec leurs galeries peuplées de figures de saints
ou de prophètes, avec leurs porches et leui*s gables histo-
riés? Qu'est-il advenu enfin de la nef et de ses croisées
d'ogives supportées par d'admirables piliers aux chapiteaux
si élégamment rcfouillés, contre-butées au dehors par de
nerveux arcs-boutants reliés à do |)iiissants contreforts
surmontés de statues et de pinacles
De tout cela, maintenant, que reslc-l-ilV
El j'arrive sur la place du Parvis, encombrée de poiiut -
grésillantes. Ce sont les débris de l'échafaudage qui se
dressait, il y a quelques jours encore, le long de la tour de
gauche, et qui a flambé |)endant le bombanlement.
Les trois porches, devant moi, sont béants. Celui dt
— V3 —
fauche, sur lequel l'incendie a fait rage, a été porté au
roupie par le feu et totalement t?"rill<'*. Sur les surfaces nues
lies deux iHag^es inférieurs de la tour, sur les guirlandes de
statues des voussures, sur les saints et les saintes des pieds-
droits, sur les sept personnages du Crucijiement dont le
triangle du fronton se décore, les flammes ont soulevé
partout des écailles, comme sur des briques mal cuites, et
res écailles, se détachant une à une, tombent sur le parvis
en im|)erceplibles poussières ou en menus fragments char-
bonneux. Il ne reste déjà plus, de certaines, que d'informes
moig-nons, et ces admirables Hgures, respectées par le temps,
éparpillées par les iconoclastes de la Kévolutiou qui partout,
en Champagne, eurent la main si lourde, mourront toutes.
Avant trois mois, il n'en subsistera plus une seule, et
i'reuvre des Vandales sera complète.
De ce que le portail de gauche soit le seul entièrement
calciné, il n'en faut pas conclure que le portail central soit
intact. Toute sa partie gauche est atteinte, et bon nombre
déjà de ses figures sont rongées de la môme lèpre que celles
du porche calciné. Elles ont été frisées pendant de si longues
heures par la flamme qu'elles ne résisteront ni aux pluies
persistantes de l'automne, ni aux alternatives si terribles
pour les pierres dont un accident a épidermé la surface, du
gel et du dégel. Le fronton du Couronnement de la Vierge
est perdu comme celui du Crucifiement, et le brasier l'a
entamé à l'arrière plus encore qu'à l'avant. Le réseau de
pierre dont la grande rose est formée ne semble pas, du
parvis, avoir .subi de grands dommages, bien que ses vitraux
aient volé en éclats, comme ceux de l'abside et de la nef,
mais je me suis malheureusement assuré, en pénétrant dans
l'église et en passant par l'étroite galerie qui sépare la
rosace du fronton, que les nervures de celle-là sont rom-
- M —
pues et qu'elles ne lanleront pas plus à se d^'litor ou a tom-
ber en morceaux que les statues (grillées du portail.
On sauvera, par contre, la plus jurande partie des scul{)-
lures du portail de droite. Comme celles du porche central,
elles n'ont subi que des retours de flammes, mais la fumée
les a passées au noir ou plombées.
A voir encore debout les deux tours et tout autour de
l'édiHce la balustrade, d'un si beau modèle et si riche, qui
couronne les murailles de l'abside et de la nef, on ne se
rend compte qu'imparfaitement du désastre. Pour le mesurer
dans toute son étendue, il faut monter jusqu'à l'étaçe des
combles, et plus haut encore, à l'avant-dernier étag^e des
tours. Là seulement, quand on trouve, dans le befl"roi, des
cloches entièrement liquéfiées, ou aplaties comme des cri-
nolines dont la cag-e serait rompue, on apprécie la formi-
dable puissance du brasier qui a dévoré l'édifice. A partir
du moment où les portes de bois du portail et des deux clo-
chers ont été consumées, l'activité du feu a redoublé, grâce
au g-iisç^antesque appel d'air que l'escalier des tours a créé.
Ainsi s'explique qu'il ne reste plus aucune trace de la char-
pente des combles, vieille de quatre cents ans, et demeurée
intacte jusqu'ici, charpente formée de poutres longues de
douze mètres, et d'une épaisseur de quarante à cinquante
centimètres. Quand aux grosses lames de plomb dont se
revêtait la toiture, elles se sont volatilisées. Du haut des
tours, on n'en distingue pas la moindre parcelle, pas plus
d'ailleurs qu'on ne retrouve le moindre vestige du campa-
nile, haut de dix-huit mètres, en charpente et en plomb,
qui s'élevait au croisement des transepts et de l'abside, et
qui renfermait un si joli carillon.
A ce brasier, dont les flammes, pendant dix-huit heures,
M sont déchatnées sur les combles, las voûtes ont résisté
- 46 —
l>ar miracle. Dans quel état sont-elles? Dieu le sait, mais il
est inévitable (|uVIles croulent si la j^uerre se prolonge et si
les pluies li automne s'y inHltrent.
Quant à la nef, elle n'a pas souflfert, semble-t-il, de Tio-
cendie qui s'y est allumé, l^es milliers de hottes de paille que
le prince Auguste-Ci uiilau me, troisième HIs de l'empereur,
\ avait fait amonceler pour servir A d'innombrables blessés
tie sa race, ont pris feu au contact des flammèches que le
vent avait apportées de l'extérieur, et ces milliers de i>ottes
de paille ont flambé, en môme temps que les taml>onrs des
portes, ornés de merveilleuses boiseries Louis XIV ; mais la
flamme n'a laissé à l'intérieur d'autres traces que de rares
charbons, seuls restes qui subsistent de la chaire et des con-
fessionnaux.
Tel est le procès-verbal qu'en compagnie du docteur
Lan^-let, maire de Reims, et de M. Margottin, architede
local des monuments historiques, j'ai dressé, du sacrilège
commis par les Allemands, qui huit jours auparavant, par
la bouche du fils de l'empereur, déclaraient à la municipa-
lité : «La meilleure preuve que je puisse vous donner de
mon désir de préserver l'édifice, c'est que je liens à y faire
instciller mes blessés. Le détruire est un crime que je ne
vr-ux pour rien au monde commettre. »
TlIIKBAL'LT-SlSSON.
RAPPORT DE M. WHITNEY WARRKN
membre de f Institut.
Lu dans la séance du 3 octobre 1014.
Messieurs,
Nous arrivAmos à Kfims le vendredi .iï) septembre à
quatre heures et demie de l'après-midi, et nous rendîmes
— 4(3 —
directement à la cathédrale, où je restai jus(|u à la nuit,
visitant le monunnent, tout en conversant avec le curé
Landrieux et l'abbé Thinot, entre les mains desquels la
garde de la cathédrale était restée depuis le début.
Le jour suivant, je me rendis à la cathédrale, où je restai
depuis sept heures et demie du matin jusqu'à quatre heures
et demie du soir, visitant le monument dans ses moindres
recoins, essayant de me rendre compte de l'étendue des
dommages causés, soit intentionnellement ou non. Je donne
ci-après les diverses phases du horuhnrdcnifnt. ;>"»îm>» que
j'ai pu les reconstituer.
Le 4 septembre, lorsque les Allemands ont fait leur pre-
mière entrée dans Reims, il y a eu un premier bombarde-
ment de leurs batteries, considéré par les Allemands eux-
mêmes comme une erreur, ou le résultat de la jalousie d'un
corps d'armée moins favorisé. Quatre bombes tombèrent
sur la cathédrale, dont l'une sur le transept nord, mais ne
firent que peu de déj^^Ats.
Le 14 et le 15 septembre, quand les Allemands eurent
évacué la ville et que les Français y firent leur entrée, le
l>ombardement recommença, mais la cathédrale ne fut pas
touchée.
Le 17, le monument fut atteint par deux projectiles :
l'un tomba sur l'abside, l'autre sur le transept nord.
Le 18, la cathédrale fut à nouveau touchée, sur les arcs-
boutants de la façade sud et sur le toit, et il y eut un gen-
darme et plusieurs blessés allemands tués.
Le 19, la cathédrale fut criblée de projectiles pendant
toute la journée, et, i\ quatre heures moins le quart, l'écha-
faudage qui entourait la tour nord prit feu. Cet incendie
dura environ une heure, au cours de laquelle deux nouvelles
bombes atteignirent le toit, qui prit feu à son tour. Le curé
- 17 —
Mt convaincu (]ue l'une do ces boml>es était une bombe
incendiaire, car il ne peut expliquer autrement la rapidité
extraordinaire avec laquelle le feu s'est propaji^é parmi la
charpente en l>ois de la toiture.
L'incendie de réchafaudage se propagea jusqu'à la porte
nord de la façade principale, cette porte prit feu rapide-
ment, et une fois qu'elle fut consumée, l'incendie se com-
muniqua h la paille qui couvrait le sol de la cathédrale.
Cette jxaille avait été réquisitionnée le 12 par le comman-
dant des troupes allemandes dans le but de préparer la
oalhétirale pour la réception de trois mille blessés, mais
l'évacuation de la ville par les Allemands rendit ces prépa-
ratifs inutiles. Lors de la réoccupation de la ville par les
Français, la paille fut rassemblée pour être transportée
ailleurs, mais le 17, sur les ordres du général commandant
les troupes françaises, la paille fut à nouveau étendue sur
le sol. On y coucha les blessés allemands, et l'on hissa le
drapeau de la Croix-Rouge sur la tour Nord, espérant que
ces me.sures pourraient sauver la cath»'drale.
Comme je l'ai dit plus haut, le 19, le feu, qui avait pris
dans les échafaudaj^es, avait, après avoir détruit les portes,
gagné la paille couvrant le sol, détruisant au passage les
tambours ou vestibules intérieurs des dites portes, et calci-
nant également les merveilleuses sculptures en pierre déco-
rant la totalité du mur situé à l'Ouest. Ces sculptures
étaient spéciales à Reims, étant en haut et plein relief.
Cette destructiion est une de celles qui resteront irrépa-
rables.
Les vitraux de la nef ont été complètement détraits,
ceux de l'abside existent encore, bien que grandement
endommagés.
L'incendie a calciné à l'extérieur la plus grande partie
_ 48 —
de la façade el des sculptures qui la décoraient, la tour du
Nord et le haut de la nef dans son entier avec les arcs-bou-
tants et les tourelles qui les surplombaient. La pierre, tout
au moins en surface, est endommagée d'une façon irrépa-
rable : partout où les flammes ont passé la surface se
détache sous le doi^^t et conséquemment tous les motifs
décorallFs sont absolument perdus.
Le trésor fut sauvé au commencement de l'incendie par
les prôtres, et les tapisseries si renommées avaient déjà été
enlevées précédemment. La moitié des stalles ont été
détruites; l'org-ue est intact et plusieurs crucitix et tableaux
dans l'abside n'ont pas été touchés.
S'il reste quelque chose du monument, cela est dû à la
construction solide de ce que j'appellerai la carcas.se de la
cathédrale, et non, j'en suis fermement convaincu, à un
désir de la part des Allemands d'éparg-ner le monument.
I^s murs et les voiltcs soîit d'une solidité qui déKe même
les engins modernes de destruction, car le 21, lorsque le
bombardement fut repris, trois bombes tombèrent sur la
cathédrale, mais les voiîtes résistèrent merveilleusemeot et
ne furent pas perforées. -
Si la cathédrale d'Amiens avait subi le môme sort, les
voûtes auraient sans aucun doute cédé par suite de la légè-
reté de leur construction, les arcs-boutanls se seraient
écroulés entratnant la destruction des murailles et il ne
serait resté qu'une masse de pierres informes, à l'exception
peut-être des ruines des tours. Si donc il reste quelque
chose de la cathédrale de Reims, je considère que cela est
dû uniquement h la soliilité de la construction et non au
désir de l'eniirmi de .sauver le monument d'une destruction
totale, qui était voulue. La cathédrale domine le reste de la
ville ; et il aurait été facile d'en éviter la destruction, étant
— 49 —
donnée l'inutilité de semblable mesare contre un monu-
ment servant en outre d'hôpital. Le quartier qui se trooTe
entre la cathédrale et le front ennemi est détruit, y com-
pris le palais épiscopal, qui renfermait le musée archéolo-
g-ique, la chapelle épiscopale et ce qui était connu sous le
nom d'appartements des Hois. Dans ce quartier détruit se
trouvaient les principales maisons de commerce.
La seule explication que Ton puisse donner de cotte pro-
fanation &st une ra^^e de destruction qui semble avoir
frappé une partie de l'armée assiégeante.
Il y a encore au monde deux monuments d'une impor-
tance pre-sque aussi g^rande qui courent le risque de subir
un sort semblable : ce sont les cathédrales de Noyon et de
Laon. Espérons cependant qu'elles seront respectées, mal-
gré l'attentat mi.sérable qui a mis le glorieux monument
de Reims en ruines.
Le vendredi 25 .septembre, les Allemands ont en outre
bombardé l'abbaye de Saint-Remi à Reims, une bombe
explosant à l'intérieur et détruisant une grande quantité de
vitraux. L'hôpital civil, qui occupe le cloître de Saint-
Remi, reçut pour sa part neuf bombes, dont l'une tua
quatre malades dans leurs lits, et une autre l'un des infir-
miers. 11 est inutile de faire remarquer que ce bâtiment
était également protégé par le drapeau de la Croix-Rouge.
Le dimanche 27, j'ai passé environ deux heures au som-
met de la tour Nord de la cathédrale, derrière les parapets
et j'ai a.ssisté là au bombardement des troupes françaises
qui se trouvaient aux alentours de la ville à environ deux
kilomètres de mon point d'observation. Il était intére.ssant
de voir avec quelle précision les obus allemands arrivaient
par groupe de six à des intervalles d'environ trois à cinq
minutes. Les troupes françaises étaient admirablement
LOUVAIN... RSIMS 11 4
— .V) —
cachées ; il était presque impossible de les découvrir, leurs
caaoDs étant dissimulés sous de la paille ou des feuilles de
betterave suivant la nature du terrain où ils se trouvaient
et ne projetant aucune fumée, et cependant les Allemands
semblaient avoir repéré exactement l'endroit où ils se trou-
vaient, continuant un bombardement ininterrompu, tous
leurs projectiles tombant l'un après l'autre dans les mêmes
parages, sans, m'a-t-il semblé, aucune déviation appa-
rente, ce qui m'a confirmé que la destruction de la cathé-
drale était absolument préméditée et voulue.
Si la partie commerciale de la ville est entièrement
détruite, dans d'autres endroits on trouve aussi de grands
dégâts, produits par des projectiles perdus. Et cela ne fait
qu'ajouter à l'impression de destruction inutile. Le curé de
la cathédrale m'a raconté que, pendant leur occupation, les
Allemands avaient établi au sommet de la tour Nord un
poste d'observation muni d'un projecteur électrique, qu'ils
emportèrent avec eux. Pendant les premiers jours de la
réoccupation de la ville, quelques officiers français mon-
tèrent parfois au haut de la tour pour examiner les envi-
rons, mais le curé s'y opposa fortement et ils s'abstinrent
par la suite. Pendant les deux jours que j'ai passés à Reims,
personne autre que moi n'est monté sur la plate-forme de
la tour.
REIMS
{Lettre de France.)
Le 8 novembre.
Je l'ai vue!... car c'est à elle que d'abord mon esprit me
ramène, devant elle qu'il me replace toujours, elle dont il
me faut recommencer le tour, et je pense qu'on comprend
— 51 —
que c'est de la cath(Mralo que je veux parler ; mais il faut
poortaul raconter par ordre.
D'abord l'eotrée dans la ville ; et il convient de dire que
pour entrer dans la ville on descend, du moins du câté de
l'est; de l'autre aussi, si j'ai bien vu. En sorte que la ville
est dans une sorte de cuvette plate.
C'est d'abord un quartier populaire que je vois, très plein
de monde ; une foule ouvrière, qui est désœuvrée, ce qui
fait qu'elle est beaucoup dans la rue. L'animation d'un fau-
boui^ de Paris ; un marché, des échopes, une longue rue
commerçante dont les trottoirs sont noirs de monde ; mais
quoi de lug^ubre sur celte foule? Quelles fig-ures hâves de
décavés, de gens sortant des caves; je ne l'oublierai jamais!
Puis k mesure qu'elles deviennent plus riches, les rues
deviennent aussi plus vides. Voici une grande place allongée
qui est complètement solitaire ; c'est la place de la gare.
Derrière des grilles fermées un long bâtiment dont le toit
est percé à jour de mille trous, et la couverture de verre des
voies également criblée de trous comme par une grosse
grêle. 11 fallait qu'elle fiît forte cette grêle, car les maisons
d'en face ont leurs façades mouchetées de blanc et toutes
leurs vitres cassées. L'impression d'un terrible phénomène
de la nature. C'est il y a trois jours que cela est arrivé.
Et j'entre maintenant dans les beaux quartiers de la ville.
Ils sont très beaux, une ville riche et neuve, de ce côté-là,
des maisons élégantes dans des jardins ; — tout à coup j'en
vois une qui a un angle emporté, puis une autre qui a un
trou d'un mètre de diamètre dans sa façade, puis une autre
qui a un coin de toit abattu. Et cela continue ainsi. On a
placé quelques planches ou tendu une bâche sur la blessure.
Je suis plutôt étonné par le peu d'effet des obus.
~ 52 —
Voici pourtant des maisons, moins solides sans doute,
qui se sont en partie effondrées ; ces rues sout bordées de
tas de débris, pierres et plâtres, comme devant une maison
en construction; mais ce sont des maisons en destruction!
On voit très bien les points où les obus sont tombés sur le
pavé et d'où ils ont rejailli en js^crbe, faisant ces mouchetu-
res blanches sur les façades grises, des éraflures de deux
doigUs peut-être de profondeur clans la piorro ; cà doit taper
dur !
Mais ce sont là des blessures franches ; les murs mon-
trent une cassure vive, en quelque sorte la chair saine ;
c'est beau, c'est héroïque ; ce n'est pas triste.
* *
Mais l'aspect chanfîi^d soudain ; j'approche du centre de la
ville; belles rues anciennes formées de maisons d'architec-
ture rés^ulière, et en voici une qui montre des murs sans toit,
des fenêtres vides, noircies; c'est une maison brûlée. Elles
se suivent maintenant ; c'est une file entière, une rue, un
quartier où il ne reste que les murs noirs, un tas de débris
au milieu et le ciel dans les fenêtres. Et c'est le plus noble
quartier de l'antique cité ; voici l'admirable place Royale
avec sa belle architecture uniforme ; deux de ses côtés sont
brûlés.
Cela, ce n'est plus beau, c'est noir, gangrené, lamentable.
Puis pourquoi ? Pourquoi ce beau quartier au centre
<)'une grande ville? On ne comprend pas.
Le désastre ici est très grand; il faudrait s'arrêter pour
le mesurer; mais je cherche autre chose ; sans même voir
ses tours, de ces rues étroites, je sens que je suis près de la
cathédrale; je tourne et retourne entre les ruines ; brusque-
ment à un tournant de rue je suis devant elle.
Devant sa façade, droit devant sa façade I...
J'ai besoin de dire ici une chose, dans quelles dispo-
sitions j'étais à ce moment. J'avais vu déjà ailleurs, les
jours précédents, bien des ruines ; j'étais pénétré du
caractère terrible de la guerre, de ses nécessités terribles;
d'autre part, je venais do m'avancer, le jour même, jusque
très près du champ de Imtaille, et j'en remportais cette
espèce d'indifférence blasée qu'il donne pour tout le reste;
j'avais fait encore de lon^i^ues heures d'automobile sous un
ciel monotone. Voilà dans quelles dispositions j'étais. Il
faut bien tenir compte de ces petites choses, puisqu'elles
influent sur nos impresions. Je le dis: j'étais fait à l'épreuve,
j'étais blasé et un peu fatigué, peu disposé à m'exagérer les
choses : j'ai été frappé d'une stupeur incomparable !
Pendant un long* moment je suis resté là, stupide.
Ça dépassait tellement ce que j'attendais !
J'avais vu des photographies; elles ne donnent aucune
idée de la réalité.
Elles ne donnent aucune idée de la réalité, surtout parce
(|u'elles ne font pas voir la couleur.
Voici ce qu'il faut se représenter: d'abord des parties
grises, du ton naturel de la pierre, qui est d'un gris doux,
très joli ; puis des parties — les trois portails, le devant de
la nef — noires ! Noires comme la suie, à cause sans
doute de la fumée de la paille qui est sortie par ces énormes
soupiraux, aspirée par eux. Les trois immenses portails
avec leurs voussures profondes, et les trous béants des ver-
rières, des roses, dans lesquelles se tordent quelques fers —
noirs! Et alors la tour de gauche — c'est cela qui est le
plus terrible — toute la tour de gauche ju-squ'aux trois
quarts de sa hauteur, rou§|[e I J'ai vu une fois une cheminée
qui avait brâlé; c'est cela: une g-ig'antesque cheminée qui
a brâlé et qui est restée calcinée, rou^!
Ce qui a fait cela c'est ce malheureux échafaudag-e. Il a
dû briller sans aucune fumée, dans une seule flamme claire,
formidable ; il n'y a pas une trace de noir sur tout ce cAté-
là ; la pierre est calcinée au vif, grillée comme dans uo
chaufour, sur toute cette tour de g-auche et le côté qui la
suit.
Ce côté aussi — car je fais maintenant le tour — a souffert;
moins pourtant; les verrières sont comme des passoires,
mais la pierre est à peu près intacte. C'est là, décote, qu'on
voit que le toit manque ; comme on n'aperçoit pas la voûte,
plus basse, les murs hérissés de leurs pignons qui se décou-
pent sur le ciel donnent l'affreuse impression d'être vides. Le
chœur semble n'avoir pas été touché. L'autre flanc est atteint
ée nouveau, gravement, séparé seulement comme il est par
une rue et une sorte d'étroit jardin de l'archevêché dont il
ne reste rien que les murs. Huine déplorable, avec toutes
les richesses qu'il contenait! Mais je reviens encore devant
la façade ; je ne peux pas m'en détacher et réaliser le spec-
tacle qu'elle offre.
Devant, on a hâtivement élevé une clôture de planches, à
claire-voie, qui enferme les débris; par-dessus, à travers le
grand portail sans porte et qui semble une bouche de four,
on aperçoit les vitraux bleus et sombrement magnifiques
du chœur, qui ont, hélas! eux aussi, quoique les moins
endommagés, bien des trous de lumière — comme une
belle tenture percée de part en part, rongée aux mites,
déchiquetée.
De tieaucoup évidemment c'est l'incendie qui a causé le
plus de mal. Le choc des obus, on reste surpris du peu
d'effet qu'ils ont eu ; c'est comme si on avait tiré du canon
«.\...v. •-'^-her, tellemoat cette église est bâtie solidement
dans té. Pourtant, deux des grands gables qui sur-
montaient ont tombas; des colonncttes, fendues
comme uu ... ,.„.v. ..- d'une Iwille, tiennent encore debout;
les statues des porches sont comme martelées par les éclats
des obus qui sont tombés devant et ont rejailli ; mais tout
le haut des deux tours se dessino. iiita<-t. «'{«''iraiit. furt et
léger, sur le ciel.
Encore une fois, c'est surtout 1 inu;ucljc. 1 ouïes los
sculptures, les colonnes, les statues, hélas ! de la moitié de
ii^auche sont calcinées; il en est tombé déjà une couche
jK»ut-étre de l'épaisseur d'un travers de main, et ce qui
reste a un aspect friable, semble prêt à se défaire à la pluie
et au Teot, â tomber comme une chair bnllée. I>es belles
statues, voilà, elles sont brûlées jusqu'à l'os.
Et l'ensemble? Pourra-t-on jamais le restaurer, le refaire ?
Pour ma part, je ne le crois pas, du moins d'une façon un
peu totale, je pense que le mal est trop grand, trop pro-
ft)nd. Une belle ruine alors? Peut-être un jour; pour le
moment, non !
Je n'avais jamais vu Reims, et une fois le premier émoi
passé, j'ai essayé très sincèrement, j'ai fait un grand
effort pour saisir sa beauté ; cela ne m'a pas été possible
C'est une chose très frappante, l'impression d'art, de
beauté a complètement disparu. Sans doute il faut à l'art
une harmonie, une unité, une paix que retrouvent peut-
^tre plus tard les ruines, que n'a plus à présent cette façade
grise, noire et rouge, qui semble encore fumante, encore
brillante, encore pantelante. Ce n'est plus une cathédrale,
une vivante œuvre d'art ; c'est un corps, c'est un cadavre
— 5(i —
déformé de cathédrale. L'impression qu'on ressent devant
UD cadavre encore contracté par une mort violente, on la
ressent seule ici : l'horreur.
L'horreur, et la tristesse. Sur cette petite place abandon-
née nous sommes seuls, mon chauffeur et moi, avec un
agent de police enfoncé dans Tang^le de deux maisons. Hier
encore des obus sont tombés sur ce coin de rue, et voici
venir l'heure de l'après-midi où le bombardement a cou-
tume de recommencer. (On a beau faire, on y pense tout
de môme.) Nous sommes tout seuls, et devant nous, dans
cet abandon trag-ique, est ce grand cadavre. C'est d'une
tristesse infinie. Et dans cet accablement que je cherche à
analyser, le sentiment qu'on a avec force de l'inutile et de
l'irréparable entre pour beaucoup.
Les maisons des villages que j'ai vus, les maisons de
cette ville, même les belles maisons anciennes, on pourra
les relever ; mais cette cathédrale jamais personne ne pourra
la refaire. Alors il semble qu'on n'y devrait pas toucher,
qu'il soit défendu par dessus tout d'y toucher !
Et pourquoi? je me le demande ici encore bien plus
que tout à l'heure. Des batteries dans ces rues étroites
ou sur les pavés de cette petite place, c'est un écrasant
non-sens. Un poste d'observation dans cette tour en
somme peu haute, au centre de cette grande ville en*
tourée de collines (d'ailleurs comment l'aurait-on aperçu de
cette distance ?) Mais il n'y a pas même à chercher, telle-
meut la vue des lieux impose avec évidence cette impres-
sion de l'inutile. Et ce sentiment s'ajoute, pesamment triste,
à celui de l'horreur pour faire de ce spectacle une des plus
accablantes choses que j'aie .sans doute jamais vues.
Comme nous roulions de nouveau dans la campagne, j ai
demandé au chauft'eur, qui était Champenois, si ça l'avait
inléressé dt* revoir Uiiins qu il ii avait pas vue depuis \c
bomhanlement ; il a secoué la lôte et m'a répondu :
— Le mal, on n'aime jamais à le voir.
C'est bien cela : le mal. F. Chavann» >.
A REIMS '
i6 novembre.
Nous sommes arrivés à Reims peu après-midi par la
i-DUte de Soissons qui suit la rive gauche de la Vesle. On
traverse un faubourg- populeux et animé, on passe sur la
rive droite de la rivière et on lon?e le Iar2;-e boulevard de
la République.
Ici pas un passant. Les maisons soni closes. Beaucoup
ont leurs fenêtres revêtues de planches pour les préserver
des éclats d'obus. On tourne à droite dans cette large rue à
arcades qui porte le nom de place Drouet d'Erlon. Un pre-
mier hôtel à droite, l'hôtel Continental est complètement
éventré par les projectiles. Deux pas plus loin est l'hôtel du
Nord, où nous nous arrêtons. Le second étage a été ravagé.
Le rez-de-chaussée est intact. L'hôtelier, sa famille et son
personnel couchent dans la cave.
Tandis qu'on commande le repas, je vais errer sous les
arcades. Tous les magasins sont fermés. Un silence de
mort, un deuil immense pèsent sur la ville. Une boutique,
dont le store métallique est abaissé, garde sa porte ouverte.
J'entre. On y vend des cartes postales illustrées. Je félicite
la jeune vendeuse de rester à son poste. «Il faut bien, me
répond-elle, gagner quelques sous, mais vous savez voilà
trois mois que cela dure, on perd patience... » — Aujour-
> Pré* de la Gaerrt. A. JuUien, Miteur, Genève, 1915.
— 58 -
d'hui, lui dis-je, on ne tire pas. — « Attendez, c'est tou-
jours l'après-midi. »
A l'hôtel du Nord, le repas est fort animé. Un officier
trouve le moyen de nous faire rire aux larmes, avec des
histoires de tranchées. Deux heures sonnent. On apporte le
café noir. A ce moment, un bruit terrible ébranle toute la
maison et nous fait .sauter sur nos chaises. Un obus vient
d'éclater dans la rue Ghâtivesle, rue transversale qui
débouche dans la place Drouet, à quelques pas de notre
hôtel. Notre chauffeur vient nous raconter qu'il a vu s'écrou-
ler tout un mur. « Ça y est, dit l'hôtesse ; ils commencent
toujours à ces heures-ci. » Et tranquillement, de la même
voix, elle nous demande si nous voulons des liqueurs.
Une seconde explosion, puis une troisième, à deux minu-
tes d'intervalle, font trembler les vitres et la vaisselle. Un
officier de gendarmerie entre dans la salle, apportant un
petit éclat d'obus qui est tombé dans sa voiture.
Nous nous levons pour aller voir la cathédrale. « A vos
risques et périls », nous dit l'officier, qui nous accompag^ne.
Les batteries allemandes se trouvant à l'est de la ville,
les façades des maisons qui regardent l'ouest, sont moins
exposées au bombardement. Pour traverser la place Drouet,
où nous nous trouvons, en allant de l'est A l'ouest, on voit
les gens courir et s'arrêter sous l'arcade pour regarder.
Puis la rue reste déserte. Sous l'arcade une dizaine de per-
sonnes attendent. Les figures expriment la colère, la dou-
leur et l'angoisse... Seuls des gamins, inconscients du dan-
ger, nous courent après et nous offrent en plaisantant des
éclats d'obus. L'un d'eux, qui porte un pot à lait et une
tasso sur un petit plateau, s'arrête après une soudaine et
terrible détonation et dit gravement : « Un peu plus et mon
lait était firlm »
— r/j —
Depuis trois muis les habitants de Reims voient leur
ville, leurs maisons anciennes, leurs monuments admira-
bles, s'écrouler pierre après pierre ; ils assistent impuissants
à ce lont^ martyre, vivant au milieu de ces ruines, sous la
perpétuelle menace d'être tués dans la rue par un obus,
ou écrasés sous les décombres de leur propre demeure.
Nous allons par des détours du côté de la cathédrale. Je
ne m'arrête pas à vous décrire, après tant d'autres, les bâti-
ments publics et privés, dévastés ou détruits par le bombar-
dement : le palais de l'archevêché, le théâtre, les hôpitaux
et les casernes, les usines et les musées, les vieux hôtels
dont le toit est arraché, dont les murs s'écroulent, criblés
de trous énormes... Des quartiers entiers, par le fait de
leur orientation, sont intacts, on y voit quelques magasins
et cafés ouverts. Mais la plupart des maisons restent closes,
les fenêtres fermées souvent cuirassées de planches. On
avance dans les rues désertes, où tout est silence et deuil.
De temps à autre, à intervalles toujours plus lonjçs, un
coup de canon, l'explosion terrible d'un obus quelque part
sur la ville. Puis le silence... On n'entend plus que le bruit
de nos pas sur le trottoir.
Nous arrivons à la cathédrale par la rue étroite où se
trouve l'hôtel du Lion d'Or. Devant l'hôtel un obus vient
de tomber. Il a creusé un trou dans le pavé et ses éclats ont
fait une large plaie dans le mur de la maison. Un homme
qui se trouvait sur le pas de la porte a reçu un éclat en
pleine figure. Il s'est abattu en avant sur le trottoir, où son
sang dessine une grande place rouge au milieu des plâtres.
On vient de le transporter dans le vestibule de l'hôtel. Un
de mes compagnons, qui est médecin, l'examine ; il a la
tempe enfoncée. Etendu sur le dos, le malheureux crie
et râle en agitant d'un geste convulsif ses deux mains
— 60 -
qu'il a portées à sa blessure et qui sont toutes rouges de
sao^
Deux <iuinîs obus — énormes à en jujçer par les frag^-
ments d'éclats — sont tombés, peu d'instants avant notre
arrivée, autour de la cathédrale. L'un sur le café Saint-
Hémy, à l'angle de la rue Liberj^ier. Le propriétaire était
parti le matin même. L'explosion a fracassé toutes les
fenêtres et projeté très loin dans la rue les volets qui recou-
vraient la devanture. Tout le sol est semé de verre brisé et
de planches. L'autre obus est tombé au pied de la statue
équestre de Jeanne d'Arc, creusant un trou dans le pavé.
La statue est intacte. L'héroïne, le bras tendu, le regard en
haut, semble en appeler au ciel contre le supplice affreux
infligé à la bonne ville où elle mena couronner son roi.
On a prétendu que les Français avaient placé des canons
sur la place de la cathédrale et que c'est pour détruire cette
artillerie que le bombardement a été ordonné au milieu de
septembre *. Or la cathédrale est entourée de trois côtés de
maisons hautes dont elle n'est séparée que par des rues
étroites. Il serait donc impossible d'organiser un tir d'artil-
lerie aux abords de l'église, de ces côtés-là, à moins d'abat-
tre les maisons sur un très vaste espace. Devant la cathé-
drale, en revanche, il j a place pour une batterie qui tire-
rait dans le sens de la large rue Libergier. Mais cette rue
est orientée vers le sud-ouest, c'est-à-dire du côté des posi-
tions occupées à l'époque du bombardement et à cette
heure-ci, par les Français.
Du reste, deux mois et demi se sont écoulés. Il n'y a plus
d'armée à Reim.*;. Et le bombardement continue. Kt aujour-
d'hui 2(5 novembre, six obus sont tombés sur la ville peu-
* Cette accuMlion est encore reproduite par la Oatette de Cologne.
danK an numéro de d^mbre.
daDt que oous j étions, et trois sur la place de la cathé-
drale, à quelques mètres de l'édifice sacn-.
La merveilleuse église avec son triple porUiil, ^^arni de
sculptures admirables, n'est pas détruite comme on l'avait
annoncé le premier jour; sa toiture s'est effondrée, beau-
coup de ces inestimables vitraux sont brisés. Néanmoins,
vue de la rue, à quelques trois cents mètres on pourrait la
croire intacte.
De près, le malheur paraît irréparable.
L'incendie de l'échafaudasç-e qui entourait une partie de
l'édifice, a soulevé partout, sur les surfaces nues des deux
étages inférieurs de la tour de gauche, des écailles qui se
détachent et tombent en poussière ; le mal atteint les guir-
landes de statues, les groupes de saints et de saintes qui
ornent les voussures. Toute une partie de la façade semble
avoir été raclée par une main sauvage ; ces longues plaies
de couleur claire sont comme une lèpre qui aurait attaqué
une partie de l'édifice et qui continuerait à le ronger.
Le portail de gauche est ravagé par les flammes. Le por-
tail central est mutilé en plusieurs endroits. Celui de droite
paraît intact. Le groupe admirable du Crucijiement com-
posé de sept statues, qui décorent le fronton du portail de
gfauche, est gravement atteint. Les sculptures de pierre
s'écaillent. Le soldat romain qui tient la lance a perdu ses
bras et sa tête.
Jamais l'image du Christ cruciHé, iiiiiim- «l'héroïsme
sublime et de douleur, ne m'a paru plus lu ronjuc et plus
douloureuse que sur cette façade meurtrie, devant cette
place abandonnée, où flotte une odeur de poudre et d'incen-
die, au milieu de cette ville torturée, qui semble elle-même
un être agonisant, pantelant, perdant son sang par vin^
blessures.
- 62 -
La canonnade s'est arrêtée. Dans la rue Libergier, den
g^ns sortent des maisons. Une laitière pousse bravement
sa charrette sur les plâtras et les débris, en agitant une
sonnette. On vient nous dire qu'un homme a encore été
tué tout près d'ici... Mais il faut partir, quitter Reims,
s'enfoncer dans le brouillard, dans la nuit, dans la paix,
au milieu des champs et des bois.
Georges Wagnières.
PROTESTATIONS
SUiï^SE
FXTR Al 1 Ul DISCOURS DE M. 11. I AZY »,doycnd'â|çe
à l'ouverture de la première session
de la i3m« législature des Chambres fédérales, Berne.
Oui, messieurs, tout eu restant neutres, nous conservons
le droit d'apprécier les événements contemporains et de les
apprécier en nous plaçant sur le terrain de la justice, qui
est éternelle et universelle et qui est la g^rande loi de l'his-
toire. Aussi n'hésitons-nous pas à déplorer avec une pro-
fonde douleur l'atteinte que la guerre actuelle a portée au
principe de la neutralité. Puissent l'indépendance et la
neutralité de la Belgique et du Luxembourg sortir victo-
rieuses de la douloureuse épreuve que ces deux pajs sup-
portent avec tant d'héroïsme. En émettant ce vœu, je reste
dans la grande ligne de notre glorieuse histoire et je suis
certain que mes paroles ne seraient pas désavouées par les
braves qui combattirent pour la liberté à Morgarten et à
> Les premières déclarations qui suivent ne concernent pas, à vrai
dire, spécialement Louvain et Heims. Mais et sont déclarations de
principe qui ont, à nos yeux, une grande valeur. Elles établissent quasi
oflBcieilement le point de vue où s'est placée la saine opinion suisse pour
juger les crimes de Louvain et de Heims.
Cela nous dispense de publier (leur nombre du reste s'y oppose)
tous les articles de protestation qui ont paru dans les journaux de la
Suisse romande à la nouvelle de ces odieux attentats. Nous ne donnons
que les articles du professeur Velter de Berne.
— (54 —
Sempach, à Saint-Jacques et à Morat, à l'Escalade et à
Neuenegg.
EXTRAIT DU DISCOURS
DE M. LE CONSEILLER FÉDÉRAL MULLER
(proooDcé à rassemblée de VHeloetia).
Nos amis romands appréhendaient un peu l'expansion des
idées pang'ermanistes. Dans la Suisse allemande, nous n'a-
vions pas cette crainte. Nous nous sentions assez forts pour
résister à une expansion de ce genre. Ce n'est pas que nous
approuvions tout ce qui se passe de l'autre côté du Rhin,
mais nous n'étions pas aussi sensibles parce que, grâce à la
communauté de langue et de race, nous pouvions compren-
dre ces choses mieux que la Suisse romande. Mais nous
comprenions et nous comprenons encore aujourd'hui fort
bien les appréhensions de la Suisse romande.
Vint la violation de la neutralité belge par l'Allemagne.
Nous l'avons tous ressentie comme une chose qui n'aurait
pas dû être. Nous avons tous éprouvé une profonde sympa-
thie pour le peuple belge. Mais ce sentiment s'est traduit
d'une façon différente, suivant le tempérament de chacan :
d'un côté avec vivacité, presque avec de la passion, d'une
façon démonstrative ; de l'autre, avec plus de calme et de
réserve. Mais je crois qu'on a déjà compris qu'au fond il n'y
a pas de profondes divergences entre nos conceptions.
La rédaction de La Revue de Lausanne, à laquelle nous em-
pruDtonH ces lignes, a fait suivre ces réflexions de la déclaration
suivante :
Nous sommes certains de notre côté que les paroles de
M. le conseiller fédéral MuUer auront un écho heureux dans
toute la Suisse romande. Avec toute la réserve que lui im-
— 05 —
posait sa situation d'homme d'Etat, M. Muller a prononcé,
en particulier k V6gan\ de la Belg^iquc, des paroles qui ren-
dent un hommage éclatant aux sentiments (jr" ' • ^-r-- •
romande tout entière a fièrement manifestés.
KXTRAIT DU DISCOURS DE M. HENRI CALAME
Président du Conseil d'Etal du canton de NeuchAtel
à l'ouverture de la session du Grand Conseil Neuchâlelois.
Nous croirions faillir au devoir, si, au moment où nous
nous réjouissons que nos frontières soient demeurées in-
violées et que les g^randes tristesses de l'invasion nous aient
été éparg-nées, nous manquions l'occasion, pour des consi-
dérations d'une neutralité égoïste et peureuse, d'envoyer à
la Belgique vaillante et martyre l'hommage de l'admiration,
du respect et de la sympathie de notre peuple neuchâlelois.
EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL
de la séance d'ouverture
de la session du Grand Conseil genevois.
Il a été procédé à l'élection du Bureau, qui a été composé
comme suit :
Président: M. Boveyron, par r»i vui.\ mu <»< \utants.
M. Boveyron remercie le Grand Conseil pour cette nou-
velle marque de confiance. « Je compte, dit-il, sur le patrio-
tisme de tous pour faciliter la tâche difficile des autorités
dans les circonstances actuelles et espère que les lois votées
par le Grand Conseil ne seront pas de vulgaires chiffons de
papier déchirés par une force brutale sans scrupule »
( npp ta u dissent e n ts) .
LOUVAIN... HBIMS U 5
— (iO —
EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL
d'une néance (Si déc.) du Conseil municipal genevois.
Ed levant la séance, M. Jaccoud a adressé aux soldaU
acluellemeut sous les drapeaux les salutations de la ville de
Geoève à l'occasion des fêtes de fin d année et a émis le
vœu, aux applaudissements de l'assemblée, que Tannée 1915
voie le triomphe définitif du droit et de la justice sur la bru-
Ulité.
EXTRAIT D'UN DISCOURS DE M. COMTESSE,
ancien président de la Confédération suisse.
A la cérémonie du l«''mars à laChaux-de-Fonds, M. Com-
tesse a prononcé ces paroles :
« Nous ne pouvions pas rester indifférents et muets devant
la violation de la neutralité de la Belg-ique. C'est là un atten-
tat irréparable qui révolte la conscience de tous les peuples. >►
EXTRAIT DU DISCOURS
DE M. ERNEST CHAVANNES
président du Conseil communal de Lausanne.
M. Ernest Chavannes, président, constate que l'année
1915 sera probablement la plus difficile de notre époque.
«Nous aurons des tâches délicates; nous accomplirons notre
devoir dans un esprit de fraternité, avec énerccie et sans fai-
blesse, ni récriminations. Soyons un peuple de frères et de
disciplinés, ayant la maîtrise de soi-même, ayant ^pour but
autre chose qu'une culture qui ne sert qu'au triomphe de la
force et à l'oubli d'eng'a^ements solennels. » Il proteste contre
les crimes de lésc-humanité et de lèse-nations que nous
voyons se dérouler devant nous, souhaite le retour à l'esprit
d'amour et de charité. « Dans un pays voisin vei-s lequel vont
— 07 —
toutes nos sympathies, au creuset de l'épreuve tous les
cceurs se sont unis, sans distinction de partis et d'intérêts :
la France reste pour nous le pays dont le triomphe sig^nifie
l'affranchissement du culte de la force, le progrès de la
vraie civilisation. » {Bravos.)
CARL SPITTELER
Extrait de la conféreoce doonëe le 14 décembre à Zurich
sous les auspices de la Douvelle Société helvétique.
...Son sort (de la Belgique) nous regarde tout particuliè-
rement. Ses envahisseurs ont de prime abord reconnu eux-
mêmes leurs torts envers ce pays. Après coup, pour se blan-
chir, Caïn jugea bon de noircir Abel. Fouiller les poches de
la victime pantelante pour trouver des documents me paraît
une aberration de sens moral. Egorger la victime était plus
que suffisant. La vilipender ensuite, c'était trop. Mais si un
Suisse s'avisait de s'associer aux injures contre la malheu-
reuse Belgique, il commettrait une impudence compliquée
d'une idiotie.
{\otre point de vue misse; traduit par Catherine Guilland.
Rascher À Cie, éditeurs, Zurich.)
CHARLES VUILLE
Après Reims, Paris !
Après le sac de Ix>uvain, — cette Sienne des Flandres, —
c'est l'adorable petite cité de Dinant, dont les quais, laissant
crouler dans la Meuse sous les coups des obusiers leurs mai-
sons séculaires, apparaissent aujourd'hui, — avec les pans
noircis de leurs murailles, — comme un lamentable cada-
— 08 -
vrc lendaiil, — 6 Dryander ! — ses bras décliiquelés et
suppliants vers le ciel d'acier de ton Wotan implacable!
C'est Liège et c'est Malines, dont les chefs-d'œuvre de
pierre disparus aujourd'hui empruntaient aux denteliëres la
grâce exquise et menue de leur art !
...Et l'on voudrait que devant tant d'iniquités ; — devant
cette cynique violation des traités conclus ; — de la foi
jurée, — du droit des gens ; — devant ce coup de sabre
déchirant de fayon préméditée et méthodique l'œuvre des
congrès de La Haye, nous ne frémissions pas d'horreur et
de dégoût, nous autres Suisses romands? et l'on nous inter-
dirait de clamer notre indignation sous un prétexte hypo-
crite de neutralité?...
(Extrait de la plaquette Les réprobations nécessaires publiée à
Genève par M* Vuille, avocat du barreau de Genève, aocieo bâ-
tonnier, ancien député.)
PROTESTATION DU PROFESSEUR VETTER
DE BERNE, CONTRE LA DESTRUCTION DE LOUVAIN
Le plus germanophile de tous les Suisses, le professeur Vellcr
lui-même, qui, il y a quelques années, disait à Nuremberg que,
au point de vue intellectuel, la Suisse était une province alle-
mande, sent qu'il est de son devoir de protester contre la viola-
lion de la neutralité hc\y;c et la destruction de Louvain. En ré-
ponse à l'appel pangermnniste du professeur Kurt Breysig, il
publie dans la Tagwacht^ organe des socialistes bernois, une lettre
ouverte où on Ht entre autres ce qui suit :
Nous autres Suisses allemands, nous no (loinaiidorions
pas mieux que de répondre joyeusement à votre t'*K)quente
exhortation, de faire savoir aux Allemands que noire coeur
n'est pas avec leurs ennemis et que nous souhaitons que la
force de l'empire allemand ne soit pas ébranl''"
Après avoir eocore donné longuement essor à >c-> »i niuiients
u'«'rruanophiles, le professeur Vetter continue comme suit :
Mais vous autres, frères d'Allemagne, vous ne nous faci-
litez pas notre affection et notre admiration. Peu d'heures
après votre appel à notre sympathie, nous arrive la nou-
velle d'un acte d'un de vos ^néraux qui, s'il se confirme,
«iépasse la fureur de destruction de la Commune, les incen-
dies de villes de la g^uerre de Trente Ans d'autant (|ue notre
temps se croit supérieur aux siècles passés en civilisation,
en science et en morale.
Parce qu'une .subdivision allemande a été attaquée par
derrière par quelques habitants désespérés ou sans cons-
« ience, toute la ville de Louvain a été incendiée par le s^t'-
néral allemand. Elle a été transformée en monceaux de
cendres et de ruines.
Notre sang se figea l'ouïe de semblables faits. Nous avons
été douloureusement indignés à la nouvelle que dès le début
de la guerre, pour répondre à une intention semblable de
l'ennemi (?), vous avez porté la guerre en Belgique, pavs
neutre comme le nôtre, pays à moitié germanique comme
le nôtre. Pour ce méfait, les Flamands, qui sont pourtant
de fidèles Germains, ont crié : Viue la France ! dans les
rues de Bruxelles et ont arraché de leurs maisons les ensei-
trncs flamandes. Nous pensions alors que vous auriez dil
leur épargner cela, vous épargner cela à vous-même.
Mais aujourd'hui que yotre invasion de la Belgique a
fourni à vos frères de race, les Anc^lais. le motif peut-être
désiré de faire la guerre, aujourd'hui que votre vaillante
armée a trouvé dans les troupes t>elges des adversaires
— 70 —
dignw d'estime et désormais acharnés, aujourd'hui vous
laissez Tuo quelconque de vos g-énéraux saccaj^er une ville
non forllHée, comme Tiily a autrefois saccagé Mag-dehourg,
et détruire des valeurs historiques et artistiques telles que
la (guerre n'en avait pas détruit depuis les incendies des
Français sur le Haut-Rhin au XVII« siècle.
Est-ce que la Halle des Drapiers, autrefois célèbre dans
le monde entier, aujourd'hui université, est-ce que les
ég'lises de Sl-Pierre et de Ste-Gertrude ne sont pas des mo-
numents irremplaçables de la fierté de l'esprit civique,
d'une haute culture artistique, scientifique et relijsrieuse ?
Nulle part comme dans les villes de la Flandre et de la
Hollande, l'amour de la liberté ne s'est allié à l'amour de
l'art, l'esprit civique allemand ne s'est allié avec l'esprit de
la dernière époque de la gothique française. Que nous don-
nerez-vous en échange, si vous détruisez Tuo de ses plus
fiers monuments?
La guerre doit tuer des hommes. De nouveaux hommes
naissent et g-randissent. Mais détruire les œuvres de l'esprit
humain est un sacrilège plus impardonnable encore. Les
créations de la poésie et de la musique sont indestructibles.
Celles de l'art plastique, en particulier de l'architecture,
vivent une seule fois, comme les grands hommes, et ne
ressuscitent pas.
Voulez-vous donc continuer ainsi ? Voulez-vous, à Paris,
détruire avec des schrapnels allemands Notre-Dame, le
Louvre, que la Commune elle-même a respectés, si d'un
soupirail ou d'un premier de la capitale partent quelques
coups de feu qui tuent quelques uhlans ? Dans ce cas, que
les dieux aient pitié de toi, Italie, si tu devais te laisser
aller h prendre les armes contre l'Allemagne et l'Autriche !
Dans ce cas, fais-toi détruire la place St-.Marc à Venise, le
*.nifipn Snntit (ir t^se, !«• ^;itii«ii et le Capitole et en
<^chan^e va chercher le Trenlin et Trieste !
{Tagwacht, 4 Mptembre, traduction du Journal de Genève du
H septembre.)
II
La torche incendiaire de Louvain, alors même qu'elle m
serait arrêtée devant les sanctuaires sacrés de Tart, conti-
nuera à briller dans les mains des combattants et des enne-
mis désormais irréconciliables. Elle peut transformer les
champs de bataille de Ikig-ique, de France, et qui sait ?
(>eut-étre aussi d'Allemagne, en un immense champ de dé-
combres, en un acte d'accusation éternel contre le peuple
allemand.
Qui est coupable de cette destruction monstrueuse ou —
nous voulons encore l'espérer — de cette menace inouïe
contre les biens les plus hauts de l'humanité, laquelle, si
celte g-uerre mondiale se prolonge, sera suivie d'autres actes
plus douloureux encore ? La postérité vous attribuera sans
autres cette faute à vous Allemands. Elle nommera votre
nom, notre nom, à côté de celui des Huns et des Vandales.
C'est là ce qui nous fait tant de peine à nous Suisses alle-
mands, pour vous et pour nous. C'est là ce qui nous rend
impossible à nous neutres de nous reconnaître sans réserve
comme étant avec vous, avec vous qui n'avez pas respecté
la neutralité et l'indépendance de la Belgique et qui avez
été poussés à cet acte de vengeance.
La postérité aura tort dans son jugement. Nous vous
connaissons, nous nous connaissons mieux. Nous savons
que c'est seulement sous la pression la plus douloureuse de
la nécessité que vous avez cru devoir agir ainsi. Mais est-ce
que cette obligation n'a pas été la conséquence d'une trans-
formation fatale de votre politique, la conséquence d'un art
politique anlig^ermanique qui vous a été imposé par vos en-
nemis !
Le professeur Vetter, avec une vision singulièrement claire et
la connaissance approfondie qu'il possède de rAlieraa^ne contem-
poraine, met ici le doijçt sur le nœud même du débat. Ses obser-
vations ont une si grande importance historique et politique que
le lecteur ne nous en voudra pas de les citer textuellement malgré
leur ampleur.
Est-ce que, reprend M. Vetter, le grand organisme admi-
rablement ordonné de votre caste de fonctionnaires et de
guerriers n'a pas éveillé chez beaucoup de ses représentants
un sentiment de force et de puissance absolue qui ne peut
que trop facilement conduire à un acte de violence trop ra-
pide? Est-ce que la politique des alliances défensives inau-
gurée par votre grand Bismarck n*a pas éveillé en vous la
foi en la puissance invincible des trois Etats alliés de l'Eu-
rope centrale? N'a-t-elle pas poussé ses adversaires et ses
rivaux à une contre-alliance, de telle sorte que les princi-
pales nations de l'Europe marchaient comme sur une arête
glissante de neige, attachés trois par trois à la corde qui
les retenait ensemble, mais qui, au premier faux pas, au
premier accès de vertige, devait les entraîner tous trois dans
l'abtmc et entraînera peut-être aussi dans le même gouffre
la cordée qui les suivait?
Sans doute jusqu'à présent votre Triple Alliance a suivi
Hérement et sûrement son chemin, et maintenant encore,
vous. Allemands, avec le seul allié qui vous soit resté
Hdèle, vous marchez de victoire en victoire. Mais vos enne-
mis sont nombreux. Ils sont pui.ssants et opiniâtres. Ils
vengeront vos nouvelles actions de guerre par des actions
plus graves encore. Et si vous les vainquez tous, vous de-
vrez prendre d'autant plus g^arde à l'ennemi intcTÎeur de
tout vainqueur, la folie des grand- K' * ^'mssstaats-
li^ahn).
C'est cette folie qui (^tend la main pour saisir le patri-
moine ancien ou le territoire honnêtement acquis des vain-
cus, ainsi que le sol des petits Etats paciHques. C'est elle
qui, à l'intérieur, accroît jusqu'à l'intini la puissance des
trouvernants et de leurs instruments. Car la puissance est
mauvaise et engendre le mal. A côté de quelques encoura-
^-ements (grandioses à la science, l'art et la technique, elle
favorise l'oppression des doctrines et des convictions qui ne
plaisent pas en haut lieu, des idées dissidentes et des opi-
nions indépendantes. La guerre favorise cette oppression,
cette adaptation obligatoire de l'individu aux idées rétro-
g^rades des puissants et des dirigeants.
Après ce réquisitoire sévère, le professeur Vetter en arrive à la
conclusion :
Voilà pourquoi, nous Suisses allemands, après les fruits
de cette guerre qui est la vôtre, si brillants qu'ils puissent
paraître à l'extérieur, nous ne pouvons pas nous placer sans
réserve à votre côté. Quant à ce que dans votre appel vous
vantez comme démocratie : l'union de toutes les classes et
de tous les partis en vue de la défense commune contre
l'ennemi extérieur, nous pouvons bien l'admirer ; mais
nous ne pouvons lui accorder notre sympathie que si ces
efforts et ces .sacrifices immenses profitent au peuple et à
son émancipation spirituelle.
Vous avez, monsieur et cher collègue, invoqué notre ger-
manisme. Et nous, Suisses allemands, nous le confessons
volontiers. Vous voulez en même temps respecter notre
neutralité, tant que nous pouvons la conserver vis-à-vis de
— 74 —
notre conscience g^ermanique. Mais cette neutralité ne nous
inspire pas seulement une sincérité absolue vis-à-vis de
vous comme vis-à-vis d*amis. Elle nous impose aussi U
justice vis-à-vis de vos ennemis, quand leurs droits sonl
foulés aux pieds, et la justice vis-à-vis de nos Confédérés
dont les sympathies vont tout naturellement en partie à vos
ennemis.
Nous avons besoin de l'appui de ces Confédérés pour ré-
soudre notre tâche commune. Celte tâche consiste à oppo-
ser, m^me pendant cette guerre, à l'Europe monarchique et
chauvine, divisée par les oppositions de races et de religions,
la pensée du libre développement de l'esprit libre dans de
petites communautés indépendantes, la pensée des Etats-
Unis d'Europe. Et cette neutralité-là, nous pouvons et de-
vons la conserver non seulement devant notre conscience
germanique, mais devant notre conscience humaine, qui
élève la voix chaque fois que les biens les plus nobles de
notre race sont en jeu, lorsqu'une grande nation défend sa
force contre l'envie et le mépris des adversaires, comme
lorsqu'un petit peuple lutte pour ses droits et y perd les
biens sacrés du passé ; là où les partis ennemis s'unissent
au service de la patrie et là où la pensée libre opprimée se
révolte contre l'arbitraire et contre la convention...
Prof. F. Vetter.
[Tagwacht du 6 septembre, traduction du Journal de Genèoe
du II septembre.)
PHOK. FERDINAND VETTKH
de Berne.
La cathédrale de Reims.
Le g^ve dommage et la menace plus grave encore cau-
sés à la cathédrale de Reims, qui n'est pas seulement chère
à tout Français, mais à tout ami de l'art, n'ont vraisem-
blablement pas été voulus par l'état-major allemand ; la
faute immédiate en est aux échafaudages de la façade nord-
ouest, qui, atteints par le feu, l'ont communique' à la char-
pente des toits. Mais que c'ait été là « un accident qu'on ne
pouvait g"uère prévoir», est une explication qu'on ne peut
g-uère accepter comme excuse. Le général allemand devait
voir le massif échafaudage et mesurer le danger de l'incen-
die pour le monument. Il ne devait pas se poser la question
de Theobald Ziegler (dans le Bund du 8 octobre) : « Les
monuments ou les hommes?»; mais il devait se dire: «Je
suis tenu d'épargner les monuments comme les hommes
sans défense : je ne tire pas sur eux, même si cela doit me
coûter d'autres vies : carj 'accomplis ainsi mon devoir envers
ce sanctuaire artistique, national, international ». La des-
truction d'un grand chef-d'œuvre de l'art représente l'anéan-
tissement d'une telle somme de bonheur pour le présent et
l'avenir le plus lointain que le salut de quelques vies
humaines ne peut balancer une telle perte. La vie n*a de
prix que par ce qui élève au dessus de la vie. Les monu-
ments sont donc sous la protection de la Croix-Rouge,
comme les hôpitaux, même s'ils abritent une armée et doi-
vent occasionner des sacrifices. Quand même une telle con.s-
truction serait fautivement employée comme poste d'obser-
vation, ainsi qu'on l'a prétendu pour Reims, l'assaillant
— 70 —
i]ui a souii ilu renom de son peuple, doil d'autant plus
montrer au présent et à la postérité qu'en éparii^nant une
«euvre irréparable, son peuple est le plus grand, le plus
cultivé, le plus humain. Ainsi, il lui rend un service plus
inoubliable qu'en se préservant, lui et ses troupes, qui ont
déjA par le sacrifice de leur vie à la patrie, d'une mort glo-
rieuse, par l'incendie des sanctuaires de l'ennemi, qui pro-
voquera plus lard d'innombrables vengeances...
Suit le procès-verbal officiel des dégâts causés à la
cathédrale de Reims par le bombardement et l'incendie
des iS-iQ septembre *.
...Le dommage moral causé à l'Allemagne par des faits
comme ceux de Reims et de Louvain, nous semble avoir
été évalué trop faiblement par les générau.x allemands, en
comparaison des avantages stratégiques momentanés. Ce
nous semble le devoir des neutres, qui entendent les voix
des deux parties, d'élever eux-mêmes la voix pour dire :
«Prends garde!» même si personne ne veut les écouter.
Dans le même journal de Paris, qui représente les ruines
de Louvain avec un groupe d'officiers allemands qui les
contemplent avec satisfaction, un témoin qualifie la dévas-
tation de la cathédrale de Reims d*un des plus grands
attentats de l'histoire du monde, et en nomme les auteurs
les Vandales moderneSy les Gildod Huns. Quand a-t-on
jamais entendu parler de tels actes allemands, en 1813, ou
en 1870? Et ils porteront leurs fruits I Les statues décapi-
• Voir p. 41, le procès-rerbal du maire de Reims et de l'anhi* '
l<x:al des monuments histori(|U(*s, 2.) septembre 191i. .M. Ferd. '
renvoie, pour plus de dëlails, aux photo^aphies reproduites par 1 inu*-
n du i6 septembre, la Guerre mondiale du 8 octobre, et la
riter lllusirirrie Zeitung, du 10 octobrc.
iées lie la reine de Saba, de saint Rémy, qui baptisa en
celte place le premier roi de France, la ruine de l'éjoi^lige
du couronnement de ses successeurs, où la I^ucelle porta
devant son roi la bannière de la victoire — tout cela parle
au peuple français une lanti^ue émouvante, qui ne sera pas
étouffée, ni^mc (|uand on aura remédi(^ aux dc^gàts du bom-
bardement, comme d'un tremblement de terre, et que les
autres blessures de cette (guerre seront cicatrisées. Qui se
sent appartenir, d'esprit, à la race allemande, qui souhaite
de tout son cœur la victoire à fesprit allemand, doit former
l'ardent espoir qu'une destruction de Louvain, un l)ombar-
dement de Reims, seront à l'avenir évités à tout prix. On a
plaisir à entendre dire à W. von Boda (Neue Z archer Zei-
tungt 8 octobre) que «la protection des monuments doit
s'exercer en pays ennemi, comme en son pays propre», on
respire, quand on lit que la cathédrale d'Anvers n'a pas été
bombardée. Mais les trésors de l'humanité ne seront en
silrelé que sous la protection internationale d'une Croix-
Rouge pour l'art et pour la science, dont la bannière flot-
tant au dessus d'eux j^arantira aux œuvres (h' IV-^prit 1»*
respect qui leur est dû par le monde entier.
Prof. Ferdinand Vetter.
{Z Archer Posl, 15 octobre 1914, traduction du Journal de
Genève.)
- 78 —
PROTESTATION DE LA SOCIÉTÉ VAUDOISE DES
INGÉNIEURS ET DES ARCHITECTES
On nous communique la protestation suivante :
« La Société vaudoise des ing"énieurs et des architectes,
dans sa séance du 14 novembre 1914, a décidé d'exprimer
publiquement le sentiment d'indig'nation que lui a causé la
destruction sacrilège, au cours de la {guerre actuelle, de
chefs-d'œuvre dont la perte est irréparable.
» Etrang"ère à tout parti pris politique, elle ne veut consi-
dérer que la cause de l'art et de la civilisation et tient à libérer
sa conscience en faisant entendre sa protestation.
» Elle souhaite ardemment qu'un mouvement d'opinion
se déclare dans tous les peuples pour prévenir le retour de
dévastations inutiles et imposer à chacun le respect des mer-
veilles que tous les âg-es ont entourées de leur vénération.
Le Comité, y^
PROTESTATION DES PEINTRES, SCULPTEURS
ET ARCHITECTES GENEVOIS
Le sculpteur James Vibert, président de la section de
Genève de la Société des peintres, sculpteurs et architectes
suisses, a adressé au président de la République française
et au président du gouvernement belge, le texte de la motion
suivante votée par la section de Genève :
« A l'unanimité, la section de Genève de la Société des
peintres, sculpteurs et architectes suisses, s'appujant sur
des documents irréfutables, envoie aux artistes belges et
français sa protestation émue contre la destruction systé-
matique par les Allemands des œuvres d'art en Belgique et
en France. »
(Suivent une trentaite de signatures.)
— 70 —
PROTESTATION SUISSE
CONTRE LE BOMBAUDEMEiNT DE REIMS
Les soussignés, citoyens suisses, violemment émus par
lattentat injustifié contre la cathédrale de Reims, surve-
nant après l'incendie volontaire des richesses historiques et
scientifiques de Louvain, réprouvent de toutes leurs forces un
acte de barbarie qui atteint l'humanité entière dans un des
plus nobles témoins de sa g-randeur morale et artistique :
Mme Ch. Achard. Adaisbourg. Louis-G. Ador. W. Andrist,
journaliste. Cari An^t, sculpteur. Ernest Aosermet, musicien.
Alexis Arg^enton, Terrilet. M. et Mme J. Arlaud, Chéne-Bourg.
A. Arzani. Blanche Aubert, Cécile Auberl, Jean Aubert, Jules
Aubert, Lucien Aubert, à Vevey. Paul Aubert, Henri Aubert, à
Clarens.
Fritz Bach, compositeur de musique, Nyon. J. Bachelin. Louis
Badan, néiçociant. Louis Badan, restaurateur, Versoix. Alice
Bailly, peintre. Adrien Bally, voyageur, Genève. Ch. Banquis.
Marie Barbé, Landeron. F. Barth. Ant. Bastard. Auguste Bas-
tard, peintre. VV. Bastard, organiste. Dr E. Batault. Mme E.
Batault. G. Batault, homme de lettres. A. Battand. Mme G.
Battand. Maurice Baud, homme de lettres, peintre. Daniel Baud-
Bovy, directeur de l'Ecole des Beaux-Arts de Genève. H. Baud.
Jean Bauler, publiciste, Berne. J. Baumgartner-Pourrat. Ed.
Bauty, rédacteur en chef de la Tribune de Genève. François
Beauverd, architecte, Lausanne. Maurice Bedot, directeur du
Musée d'Histoire naturelle de Genève. F. Benner, photographe.
E. Benoit. Béranger. Hélène Béranger. Alphonse Bernard. Wil.
liam Bernard, homme de lettres. Armand Berny, Genève. Sacha
Bemhard. L. Berthod, ingénieur. Edouard Bertrand, jardinier.
G. Bertrand. Aug. Berthier, ingénieur, ConHgnon. J. Bcsse-
Junod, Ste-Croix. Dr Besson. A. Bettex. Alice Bcttex. M. Bettex.
G. Betz. M. Beiz. C. Beyelcr, Neuchâtel. L, Bicherraz. Jean
Biedermann, libraire-éditeur, Lausanne. Bieler. D. Bieler, (>as-
ttur. Dr C. Biermann, professeur au Collège classique de Lau-
— W) —
sADoe. Adçc BigogDO, entrepreneur. Henry BischofF, peintre.
Charles Blanc, Lausanne. A. Blanchet, peintre. Krnest Bloch,
compositeur. Blondin, professeur à l'Kcole des Arts industriels.
Bochud, instituteur, Vevey. Bocquet, professeur à l'Ecole des
Bcaux-Arts de Genève. Louis Bogey, conservateur des Biblio*
tbèques de la Ville. Albert Hohy, architecte, Genève. Paul
Boillat, Deicmont. L. Boillet. Jacques Bois, ingénieur-adjoint
de la Ville. Fréd. Boissonnas, photographe-éditeur. P. Boittat,
caissier 'Comptable, Deléniont. Ernest Bolomey. IL Bolle. Emile
Bonjour, conservateur du Musée de peinture, Lausanne. Dr Bon-
jour, professeur. F. Bonnet. Georiçes Bunnard, professeur au
Collèfi^e et au Gymnase classiques de Lausanne. F. Boo, employé.
Frédéric Borel, Pressy. L.-H. Boreljing-énieur, Peseux-Neuchâtel.
r.harles Borgeaud, professeur d'histoire. Léon Bory, banquier,
I^usanne. Bossux. Maurice Boubier, Drès-sciences, professeur à
rKcole secondaire déjeunes filles de Genève. IL Bouët, organiste.
Df Bourcart. Mme Bourgeois. A. Bouvier. Ginette Bouvier, Col-
longes-Bcllerive. Jean Bouvier, secrétaire du service municipal des
Musées et Collections. Paul Bouvier, architecte, Neuchâtel. Bou-
vier, professeur àl'Ecole des Arts industriels. Adrien Bovy, conser-
vateurdu .Musée des Beau.x-.\rts deGenève. Fernand Bovy, peintre.
Léon Bovy, architecte. Paul Bratschi. F. Brazzola, ingénieur.
L. Brazzola, architecte. Robert Bridel. E. Briod, président de la
Société pédagogique de la Suisse romande. Aug. Bron. Alfred
Bruderli. A. Brun, Dr ès-sciences (volcanologue). Lucien Brunel.
Louis Brutsch, licencié ès-lettres. Edwin Bûcher, sculpteur,
Lucerne. André Bûcher, ciseleur, Lucerne. Gustave Buchet,
peintre. Paul Budry, professeur, co-directeur des Cahiers Vau-
tiois. Dr Ed. Bugnion, professeur à l'Université de Lausanne.
.Mme Bugnion-de Lagouarde, Blonay. Hené Bugnion. C. Bujaud.
Henri Bulliot, président de la Fédération montagnarde g^ene-
V .ise. E. Burnand, peintre. H. Burnand, professeur. Jean Bumat.
J Burford. Fernand Buttin, avoait, Yverdon. L. Buttin.
A. Cacheux, professeur à l'Ecole des Arts industriels. IL Cailler,
bibliothécaire de la Société suisse de numismatique. Calame.
Alexandre Camoictti, architecte, professeur à l'Ecole des Beaux-
Arts de (îenère. J. Caod, Yverdon. Caniery, professeur k l'Ecole
> —
lies Arta industriels. Raoul Capt de la Falconnière. D' Campart.
C. Clarlcrct, professeur à TKroie des Beaux- Arts de Genève.
Alfred (lartier, directeur général du .Musée d'art et d'histoire de
lienéve. Mari^uerite Cartier, Vevey. Félix Cardinaux, l^usanne.
A. Cavin. Ch. Caviu, nèf^ociant. D' K. de Cérenville, profe-sseur
honoraire à rUuiversité de l^usanne. Kniile Cbaix. Félix CbaflPet,
au Menuet, (jenéve. Ami Chanlro. Marc Chantre. Louis Chamay,
technicien. Philippe Chanal, représentant de commerce, Genève.
Clutppuis. ilenri-J. (^happuis, administrateur de la Soi i
r;ile (i'iiujtriinerie. PauMî. Chappuis, étudiant en ;
jniis, prnfevseur à l'Kcolc des Arts industriels. E. t^hapui»,
iiis. Mme Charles Chapuis, l^usannt*. Mme Charles Chapuis,
Genève. I^uis Châtillon, artiste |>einlre. Gustave Chaudet. Mar-
guerite Chautems-Demont, violoniste. F. Chavannes, homme de
lettres. Chavanne. F. Chédel, horloger, 1^ Chaux-de-Fonds. Jac-
ques Chenevière, homme de lettres. Dr Chéridjian. Ed. Chevallaz,
architecte. Ed. Cherix, rédacteur du Journal deXijon. G. Chessex,
architecte. Charles Chessex. Pietro Chiesa. A. Chiocca. Philippe
Chuit, I)r ès-siriences, l*etit-Lancy. Jules Chollex. Alexandre
Cingria, homme de lettres, peintre. Ed. Claparède, professeur à
l'Université de Genève. M. .Vuguste Chivel, Genève. .Mme Marie
(Uavel. E. Clément. Charles Cless, géomètre, Genève. François
Cloux, Lausanne. Ed. Combe, rédacteur à la Gazette de Lau-
sanne. Jacques Combe. Charles Comte, I^uis Comte et Marcel
'•', Genève. Emile Constantin. J. Copponex. (^h. Cornaz, ins-
>ir du matériel scolaire, NeuchAtel. Ernest Correvon, avocat.
Alfred Cossy. Mlle Cottier. L. Court, représentant, Genève.
Louis-J. Courtois, privat-doccnt à l'Université. Léon Coutureaux.
Haoul Coutureaux. Crépieux. A. Crombac. Jules Crosnier, pro-
fesseur à l'Ecole des Beaux-Arts de Genève. H. Cuendet. Em.
Cuénod, entrepreneur. L. Curtat, peintre.
Daïon, Df en médecine. .Vndré Dardel. Henri Darel. Mme Th.
Darel. J. E' David, rédacteur  ïaGaret/ede Lausanne. L. Debarge,
ilirrcleur de la Semaine littéraire. Horace Decoppet, Yverdon.
Alfred Decombaz, Lausanne. J. Dclachnux. Alfred Delafontaine.
Jean Dclapierre, Berthoud. P. Déléamont, architecte. André
Delhorbe, homme de lettres. F'*'" i»..i..^ ««rr,;»^;,... ,u i. iv-l,:.
IX>UVAIN... REIMS II
— H'J -
ration internationale pour le repos du dimanche. Joseph Dema-
gistri, entrepreneur de peinture. Dr Paul Demiévillc, professeur
à l'Université de Lausanne. Dr E, Demiéville, V^illars-sur-OUon.
Eugène Deniole, conservateur du Cabinet de numismatique, Ge-
nève. E. Démolis. Julia Demont, cantatrice. Charles Denizot,
artiste lyrique, Genève. G. Dériaz, professeur à l'Ecole des
Beaux-Arts de Genève. H. DesauUes, Montreux. H. Dessemontet.
V. Dessemontet. Lucien Désert, secrétaire au Département des
Finances. Camille Devegnez. M.Divorne. Charles Dœlker. G. Dol-
der. Ed. Doit. C. Dombola. J. Dompmartin. Félix Dovat, direc-
teur du chantier d'assistance. Donzallaz. Gustave Doret, compo-
siteur. A. van Dorsser, architecte, I^usanne. Jules Dubois,
professeur. C. Duboux, Genève. Arthur Ducrel-Wertheimer,
sculpteur. E. Dufour, typographe. Théophile Dufour, directeur
honoraire des Archives et de la Bibliothèque de Genève, ancien
président de la Cour de justice. F. Dumas, architecte, Romont.
Emile Dumont, professeur de dessin à l'Ecole des Arts et Métiers.
Ernest Dumont, architecte. Louis Dumur, homme de lettres.
L* Dunki, professeur à l'Ecole des Brau.x-Arts de Genève. Charles
Du{)errex. J. Duplain, directeur de la Suisse lihérale, Neuchàtcl.
Jean Duren, Gryon. Louis Duret. Albert Duruz (Solandieu) Sion.
Emile Dusseiller, ancien professeur, curé de Notre-Dame. Euif.
Duvoisin.
Charles Eberbach. Henri Eggimann, dessinateur-architecte,
Lausanne. A. Et^li, professeur. Charles Egli. Jean Ellenberger.
Henri Emmel. Dr d'Esternod, professeur. D. Estoppey, professeur
à l'Ecole des Beaux-Arts de Genève. H. Eternoil, Mlle Eteriiod
Yverdon. Marcelle Eyris, femme de lettres, Genève,
Alfred Faes, Carouge. Henri Faes. Mme Maria Fae>. J iu>.ii-
ger, ingénieur. Hené Favey, Lausanne. Charles Favez, professeur
au Collège de Montreux. M. Favez, homme de lettres. Victor
Favral, rédacteur à /m lievue de I^usanne. E. Favre, entrepre-
neur. Mlle Marguerite Favre. Philippe Favre. masseur. S. Ferricr,
Genève. Mme Anna Ferrini-Kevilliod. (.olonel F. Feyier, profes-
seur k l'Ecole polytechni(jue fédérale, directeur de la lienue mili-
taire tuisse. Edouard Fivaz, industriel. G. Fleuty. L. Florentin.
D. Pôel. Vincent Foiçliasso, artiste musicien. Joseph Fontana, nr-
— 83 —
chitecte, Genève. M. Alexis Forel, peintre et graveur. Mme Alexis
Forel. L. Forestier. Fr. Praisot. René Francillon, peintre. G.-C.
Fuisen, Berthoud.
J. Gati^liartlini, entrepreneur. Armand (iaille, pharmacien,
St-Aubin (.NeucbAtel). Gustave Gaillard, négociant, Chilien. Sam.
Gaillard. H. Gallay, professeur à l'Ecole des Beaux-ArUde Genève.
Léon Galley, Fribourg, ex-prof, de gymnastique k Keims, mem-
bre d'honneur de la Gauloise. A. Gamboni, avocat. Ganty, ingé-
nieur. Henri Garcin, architecte. Frédéric Gardy, directeur de la
Bibliothèque de la Ville de Genève. Ed. Gasser, architecte.
Mlle Louise Gaud, artiste peintre, professeur. Emile Gautier.
Dr Gay, Gaspard Gay. Ferdinand-Godefroid Gentil. Paul-Victor
(ierber, docteur ès-scienccs, Homainmotier. M. Gerbcr, Berthoud.
Louis Gianoli, artiste peintre. Edmond Gilliard, professeur,
codirecteur des Cahiers Vuudois, Eug. Gilliard, professeur à
l'Ecole des Beaux-Arts de Genève. Frédéric Gilliard, architecte.
Louis Gindroz. Jean Giovanna, architecte, .Monlreux. D' A. Gi-
rardet, Lausanne. A. Girgensen, Berthoud. Gabrielle Girod,
peintre. Giuliatorres. Frédéric Godet, architecte. Ph. Godet,
homme de lettres. jEgmond Gœgg, président de la Société de
Géographie de Genève. Dr E. Gœtz. Prof. Charles-E. Gogler,
St-Imier. Georges Golay, homme de lettres. J. Feréol-Golay.
P. Golaz, ingénieur. Henry Goudet, étudiant, Genève. G. Goncet,
Yverdon. P. Grandchamp. Baron de Graffenried-Villars, Château
de Villars par Morat. Henri Grandgcorge, banquier. Dr Grand-
jean. .Marguerite Grandjean. C. Grandjean. Dr Ed. Grandjean.
Edm. Grandjean, Bis. Louise Grandjean. Louis Gra'ser, profes-
seur au Collège classique de Lausanne. L. Greiner. Pierre Grellet^
journaliste. Gricshaber. Mme Grimardias, coiffeuse, Genève.
Louis Grisel, La Chaux-de-Fonds. Benjamin Grivel, professeur
au Collège classique de Lausanne. J. Grobet, directeur de l'Office
commercial. .Mme Gros. Mlle Lucy Gros. Julien Gruaz. Guibentif,
professeur à TEcole des Arts industriels. A. Guigon. Antoine
Guilland. A. Guillot, pasteur. M. de Gumoêns, Dr en droit.
Mme et .Mlle de Gumoëns, Lausanne. Louis-S. Gunzburger,
« ienève. A. Gûpfert, architecte. D' P. Guisan. H. Guisan. Eve
(îuisan ('. Guisa" F <;.i;co,.
J. Iv. lial)«Tj;«lin, peintr»*, i vimtMi. ilecim liabitrli, Icclinicien.
Edouard lia^iiimerli, arch., Lausanne. Blanche Hahn, Veytaux.
Albert de Haller, pasteur, (jeoriçes ilantz, directeur du Musé«
des arts décoratifs. Amcdée de la Harpe. Charles Hébert, artiste
peintre. Henri Hébert, professeur à l'Ecole des Beau.x-Arts de
Genève. Jos. Heizrnaiin K. Henchoz, .Montreu.x. L. Heony.
C. Hentsch. .Alfred Hcrmann. H. Hermenjat. A. Heydel, archi-
tecte. Alexandre Hirsch. Jules Hirsch, fabricant d'horloi^erie,
Cbau.x-de-Fonds. Samuel Hirsch. Ferdinand Hodier, peintre.
Alfred Hœchner, Morcote près Lug-ano. Louis Hollz, correspon-
dant aux Revues étrangères. A. Hu^ifuenin, directeur du Lausanne
Artistique. Rose Hus^uenin-Hlanc, Lausanne. F. Hu^uenin,
architecte, Montrcux, Ilu^uenin-Boudry, décorateur-imagier,
Louis Hu^^ucnin, photographe. Dr Numa llui^uenin, député.
Ponts-de-.Martel. H. Huguenin, Bcrthou 1. Dr C. Hunibert, méde-
cin-adjoint de THApital cantonal, privat-doceot à TUniversité de
Genève. Charles Humbert, technicien. Mme Charles Hutter, La
Chaux-de-Fonds.
Louis InihofP. K, Inderbitz, typoîç'raphe.
E. Jaccard, professeur. René Jaccard, médecin-dentiste. Sa-
muel Jaccottet, protesscur au Collège classique de Lausanne.
Jacot-Guillarmod, professeur h l'Ecole des Arts industriels. Jac-
quenoud. Jaques-Dalcroze, musicien. F. Jaquet, négociant.
Ja(}uet. François Jaquet, rédacteur à VKcho Montagnardy Genève.
E. Jaquiéry. .M. Jaquiéry. John Jaquier, Genève. Jean Jasselin,
architecte, Berne. M. de Jassinsky. J.-G. Jassoulaitis, Seestrasse,
Zurich. Fr. Jaunin. Léon-.\. Jeanneret, président de l'Association
de."i Intérêts .Mail-Jonclion-Coulouvrenière. Prof. .Maurice Jean-
neret, Neuchâtel. A. Jeanrenaud, Motiers. H. Jeanrenaud, Paris.
Mme Rachcl Jeaimin-Le Coultre, Villeneuve. \. Jobin, éditeur
de musique. H. Joray, conseiller municipal. Eug. Jost, architecte.
F. Julien. Anne Jumeau, journaliste, Yvonand. .\. Juvet. Ed. Jul-
liard, journaliste.
C. KalbfuBs et Th. Kalbfuss, architectes, Lausanne. L. Kalb>
fusN, peintre, Lausanne. .Mlles Kayser, pianistes. G. Kernen,
iogéuieur. .Maurice Kluuge, pasteur. Ch.-A. Kœlla, |>eintre.
André Knhler, professeur au Collège classique de Lausanne.
— 8a —
(f. Kohler, artiste p« Dtre. J. Krelz-liettcmano, imprimeur-
éditeur. Moudun. Mme et Mlle Kretz. Rmmanuel Kuhne, rédac-
teur eu chef de la Patrie Suisse. [)' L. Kumnier, professeur à
ri'niveniité. Alex. Kuo/., professeur au Conservatoire. E. Kuoz.
Henri Kunz.
John Lachavanne, avocat. Nathalie I>achenal, artiste peintre.
Mme .Marie I^cour, femme de lettres. D*^ P.-L. Ladame. H. Lador,
professeur à TUniversité de Lausanne. Robert I^dermann. Henri
Lœser, journaliste. Robert Lag'naz. A. -II. Lag'otala. K. Latr- --
(ih. Uindry. Vve E. I^ndry. John Landry, archilecte. S. Lu
Jeanne l^urent. F. Laurent. L. Uiverrière, architecte. I
l^ya. Gaston Le Cerf, architecte. Cienève. Antoine l^clerc, ;i[
lecle. L. I^clcrc. .Mlles .Méry et l^uist; Le Coultre, Villeneuve.
.V. Lciçeret, professeur. Ph. Le Grand Roy. Jacques van Leisen,
architecte. .\. Le .Monnier, professeur. P. Leroy. A. Lescaze.
.Mme J. Levaillant. .Mathilde Levaillant. David Lévy, Chaux-tle-
Fonds. Léon L'Huillier. .Maurice Liengme, antiquaire. V. Lien-
liard. -Mme S. IJvache. J. Ix>cher. Dr I^ng^, privat-docent à
l'Université de Genève. J. Loth_, professeur. G. Loumyes, Berne.
L. l^up. .M. Lucas, professeur. M. Lus^eon, professeur à l'Uni-
versité de Lausanne.
Arthur Maccagni. Louis .Maçon, publiciste. Alexandre Mairet,
professeur d'histoire d'art, j)eintre. Dr IL .Mallet, médecin-adjoint
à la Clinique enfantine, privat-docent à l'Université de Genève.
Albert MaLsch, directeur de l'Enseignement primaire, professeur
lie pédago^^ie à l'Université de (îenève. .Mme de .Mandrot. Alfred
Manuel, nén^ociant. Ch.-Gabriel Margot, rédacteur au Messager
'le Montreuœ. H. .Marguerat, professeur au Collège classique de
l^usanne. Henri .Margueron, employé. Ed. Marrauld. Marschall,
architecte, Genève. Ed. .Martin, président de la Société pédago-
tpque genevoise, F. Martin. Jean .Martin, professeur à l'Ecole des
heaux-Arts de Genève. Charles .Martinet, directeur du journal
hi Suisse. A.-.M. Marullaz. J. Massaz. Paul .Massetti, Louis
.Mattei, ciseleur, Chaux-de-Fonds. J. .Massy. Jules .Mathey,
artiste peintre. Marc .Mathey-de-l'Etang, ingénieur. .Mme C.-Ed.
Matile. Dr Masson. Professeur Henri Matter. A. Matthex .
<iustave Maunoir, peintre. H. .Mauri. Léopold .Maurice, ingénieur.
— Hr, —
Alcxitt Mayur. It. Mu>or, professeur à rUoiversité de Lausanne.
Jules Mayor, pasteur, Môtier-Vully. Mayrjani, professeur k l'E-
cole des Arts industriels. Charles Méiçard, instituteur. Joseph
Méti^ard, peintre. I)"" A. Méfçevand. Mme L« Mégevand. Gustave
Méiî^evaDd, secrétaire de la Chambre de commerce de Genève.
Julien Mellel, professeur. Alfred Mercier, privat-docent à l'Uni-
versilé. Ernest .Méroz, jj^raveur, Bionne. E. Meier-Waridel. Oscar
Messerly, géomètre. J.-.\. .Meslral, Lavey-les-Bains. .\lbert Meyer,
ingénieur, Lausanne. Georges Meyer, ingéoieur, Lausanne.
Ch.-A. Meyer, architecte. P. Meyer de Stadelhofen, président de
la Ligue d'Esthéti<]ue, liermance. Paul Meylan, instituteur,
Cologny. B.-L. Michoud-I-^ndry. de Miéville de Rossens. Veuve
Fréd. Millict. Maurice Millioud. professeur à l'Université de
Lausanne. H. .Mobbs, professeur, correspondant du Studio.
Gustave Mœkly, éditeur, Genève. .Mme Charlotte Mohor, artiste
peintre, Genève. B. Monaslier, pasteur, Belmont-sur-Yverdoo.
Alfred Monnier, professeur à l'Université. John Monachon, j>eintrf.
L. .Molina, {)eintre. Jules Monard, peintre. Haoul Moutandon,
architecte. !\.-Aloys Mooser, rédacteur à La Suisse. Jean .Morax,
artiste peintre. Heuè .Morax, homme de lettres. Adrien .Morcl,
directeur du .Magazine, Lausanne. Camille Morel, rédacteur de
IS Epicier suisse. P. .Morel, ingénieur, Zurich. Ed. Morerod,
peintre. Eug. .Moriaud, notaire. Ch. Moser. Paul Moulet, sculp-
teur. Gaston .Mullegg, Montreux. A. Mùller. Constant Muller,
pharmacien. E. Muller. H. MuUer, artiste peintre, Winzenberg
(St-Gall). Paul Muller, médecin-dentiste, Chéne-Bouiiferies, Wil-
liam .Muller, peintre. Paul Miinch, ingénieur. Charles Mundinger,
dessinateur, Genève. .\. .Muret, artiste peintre. Ernest Muret, pro-
fesseur à l'L'niversilé. .Maurice Muret, homme de lettres, rédacteur
à la Gazette de Lausanne. Don Arnold van .Muyden, Barcelone.
V. Nallet, gérant de l'Association des commis de Genève.
Mlle Narjoud. E.-A. Naville, Mauterive-Cologny. Ch. Neuhaus,
rédacteur au Jura Bernois^ St-Imier. Elie Neury, conseiller
municipal. L. Nicole, géomètre ofKciel. Fréd. Nicolel, étudiant,
Aigle. O. Nicollier, Vcvcy. Carlo Novelti.
J. Oberhansli. Henri Oberthur, l^iusanne. Pierre Oechslin.
John Orterdingor, industriel. Alfred Olivet, architecte. Olivet,
(>asU*ur, C^lit^ny. F). Olivier, méciinicieo. Dr Oltramnre, professeur
à rUniversilê de (Jenève. Jacques OItramare, licencié en droit. Ch.
Orgiazzi, négociant. A. Ormond, lianquier. J. Ormond, banquier.
Mme l*ache. E. Pache. Henri Pache-Dclesscrt. Alf. Pasche.
Mme et M. Henri Pasche. S. Pahnke, peintre. A. Palaz, ingé-
nieur. C. Panchoud. A. Paris, ingénieur. (îuatave Parmentier,
professeur. .M. Paschoud. C.li. ï'alois. Albert Pauchard. Emile
Paul. .Mme E. Paul, .\lice Payot, Vevey. Edouard Payot, direc-
teur. Gustave Payol, éditeur. .Mme I\. Payot-.Martinct, Lausanne.
Samuel Payot, éditeur. Emm. !*éclard, |)aslcur. Marie Péclard,
Villeneuve. (îeorges Peloux, architecte. A. Peneveyre. J. Perey.
Dr Perrenoud. Adolphe Perret. Ch. Perret. J. Perret. M. Perret.
P. Perret. |L. Perret-.Musy. H. ï*erret. Jean Perret, fabricant.
Les Brenets. Paul Perret, rédacteur à la Tribune de Lausanne.
Dr Charles Perrier, chirurgien-adjoint de l'Hôpital cantonal, pri-
vat-docent à TUniversilé de Genève. .M. Perrin, professeur. Marius
Perrin, insj>ecleur. Germaine Perrin, Lausanne. J. Perrochon,
instituteur. Ed. de Perrot, pasteur. C.-A. I*errot, instituteur.
Mme .Marie Perrot. François Perroux, président de l'Association
catholique ouvrière de Genève. Mme Petitbrachard. IL Petitmaitre.
L. Petitmaitre. Louis Petitpierre, négociant, Genève. Louis Pezet,
coiffeur pour dames, Genève. ^Claire Pfeiffer, La Tour-de-Peilz.
Oscar Philip|>e, San Francisco. E. Piagel. Ed. Piaget. M. Piaget.
.Mme F. Picard. Adrien Piccioni, géomètre agréé. Ch. Piguet-
Fages, conservateur du .Musée de l'Ariana, à Genève. Ernest
Pilet, ))asteur, Romainmotier. Henri Pilet. .Mathilde Pilicier.
Mme Piquerez. John Pisleur, curé national. Eug. Pittard, con-
servateur du Musée ethnographique de Genève. Planque. Plojou.x,
professeur à l'Ecole des .\rts indu.striels. I... Plumettaz, libraire-
imprimeur, Payerne. Antony Pochon. Henry Poggi. Paul Pomel.
E. Poncet, Boulevard du Théâtre, Genève. J.-B. Pons, secrétaire
du Conseil municipal de Genève. Jean-Pierre Porret, profes-
seur, Neucbâtel. Francis Portier. Camille Pourrat, fabricant.
L.-L. Pricam, photograpfi»- Dr Vhl-iI^m- Pnim»! \(in^ A P^-
Frommcr, Vevey.
L. Quillet, architecte, l^usamie.
Frédéric de Babours, avocst et députe Iules de
— 88 —
RâbourA, Genève, Madeleine Halim, Veylaux. Léon Haisin,
archit<*cle. Fritz Flamseyer, architecte. I^éon Hamiin, membre
(le la Presse saisse. L)' O. Hapin, avocat, Lausanne. Ferdinand
Rail, directeur de THôpital ophtalmique. Fd. Ravel, professeur à
l'Kcole des Beaux-Arts de Genève. F. Req^amey. Fdouard Rej^el,
his. J.-I... Reichlen, pubiiciste. Ernest Renard. Jules Renevey.
l\everchon. IJr Rcverdin. Eufjène Revuz, professeur. G. Revilliod,
architecte. Gustave F\eymann, instituteur. D»" Reymond, avocat.
J. Rev'non«l-Cheuovièrc. Ch. de Rham. Louis Rheinez, artiste
peintre. Louis Richard, étudiant^ Genève. .\nna Riederer, Wur-
tcmbcrgeoiftc. Ch. Rittcr, artiste peintre. Eugène Ritter, profes-
seur honoraire. G. Ritter et B. Ru|^g-ia, à -Morcote-Lut^ano.
F. Ritzchel, avocat, Genève. Mme L. Ritzenthaler, saî:fe-femme,
(ienève. Rertoli Rizière, (ieorçfes Rizzi, dessinateur, St-Imier.
Jules Rohbaz, Carouuje. .Viberl Robichon. (ilotilde Roch, artiste
sculpteur. M. et .MmcAlfr. Rocliat-I*hilip[H'. J. Rochat. .N. Rochat.
.Mme Rochat-Uurdin. Léopold Rochat. E. f\oche, de l'Association
dc« littérateurs indépendants. Tonny Roche, rédacteur en chef
du (tftnetmis. Henri Rochly, médecin-dentiste, Nyon. Edouard
Rœhrich, pasteur. Antoine Roiçeat, industriel. Noëlle Roger.
I/Ouis Rolando. .Mme Alphonsine Rollard. Eugène Rollard. Mme
veuve Rollard, Genève. G. Rolli, Rerthoud. D' (^h. -Albert Rossé,
fJerne. Dr Ed. Rosselet, médecin-chirurgien, Interlaken. Edmond
Rossier, professeur à l'Université de Lausanne. A. Rotaz, archi-
tecte, Lausanne. D' Aug. Roud, professeur à l'L'niversitè de Lau-
sanne. Marcel Rouff, historien. Francis Rouge, éditeur, Lau-
sanne. Alfred Roulet. F. Roulet. Mme Roulet. Ernest-Emile
f\oulin, archéologue. I)r VV. Roulier, Baulmes. I.,ouis Roussy.
.Mme Rueg, inspectrice des écoles. M. Ruegger.
Charles Saillen. Pierre Salvotti. Paul Sarasin. I). Sarkissof,
professeur à I'EcoUmIcs Beaux-Arts de Genève. .Maurice Sarkissof.
statuaire. Alliert Sauter, régent secondaire, Satigny. Horace
de Saussure, artiste peintre. Alite Savary, Genève. F. Savary.
M. Scbenker. Ed. Schlutlcr, graveur. V. Schlûtter, Traveni.
Charles Schumann, Echallens. Albert Schmidt, artiste peintre.
Aug. Schneegan.H, professeur de diction. Alliert Schneider, dessi-
nateur-architecte, l^ausanne. Schnell, architecte. L. Schopfer,
— 89 -
Yverdon. LouU Scosna-lloiçgi. Fréd. Schwab. F. Seidenradeii,
pharmacien, BcrthoiuJ. I)"" A. de Seis^neux, profcuscur. Pau!
Seippcl, homme de lettres. Ilobert Serex. Amélie Serment.
J. .Serrai Mon, employé. Jcaii S'it^v^, député au (Conseil national.
A. Silvrslrf, professeur à l'Kcole clés Beiiux-Arts de Genève.
Au^.'Ls. Simon, propriétaire dr 1'» llôt«'l Suisse n de Ste-Croix.
Fréd.-\V. Simond. Abhé Kaoul Snell, rédacteur en chef du
Courrier de (ienéoe. Société de Belles-lettres. Société genevoise
de l'Instruction mutuelle. Bené Soïni. Paul SokolofT, Chêne-
Boui^eries. Noémi Soutter, élève de TElcole de Londres. A. Soutter.
F. Spielmann, médecin. Henr}- Spicss, Cîryon. Henri Steiner.
Dr H. Stœcklin, Herlhoud. M. Stœssel. Kodolfo Slœssel. Jane
Strohl. Bâie. Seriçe-Baymond Strohl, Bâie. Victor Slrohl, Bâie.
(ieoriifes Sumraerniattcr, ini^^énieur, I^usanne. A. Sûss, direc-
teur de rilôpital cantonal de (îenéve.
Jean Taillens, architecte, I^usanne. Mme Taniiniau, Genève.
Constant Tarin, libraire-éditenr. A. Taverncy, professeur au
rollèsre classique de Lausanne. Vidal Terracina, membre des
Amis de Paris. Teulet, industriel, Vich (Vaud), H. Thélin, pas-
leur. Thévenaz, architecte. E. Thévenaz. Paul Thévenaz. Frank
Thomas, pasteur, Genève. C. Thuïs. Charles Tierque. K. Time-
novitch, pharmacien-chimiste. Félicien Ting-uely. D' Tissot, doc-
teur en médecine, (i. Tissot. Mme Tornblad. Touring-Club Suisse.
Georges de Traz, peintre. Fréd. Treulhardt, étudiant en méde-
cine, Lausanne. Dr de Trey. G. Trcyvaud. Jules Trcyvaud, mar-
brier-sculpteur. Tschanze. G. Tuetey, professeur, N'errières-
> Dr A. Turian.
re L'hlmann, nég-ociant, Genève.
Edouard Vallet, artiste peintre, V>rcorin-sur-Sierre. A. Val-
lotton. Paul Vallolt^)n, pasteur, Lausanne. Adèle Vanat-Favre.
Louis V^anat-Favre. J. Vaney, directeur, Genève. Robert Vannay,
dessinateur, Lausanne. Robert Vaucher, correspondant romain
de V Illustrât iorty Rome. F.-J. Vernay, professeur à l'Ecole des
Beaux-Arts de Genève. James Vibert, professeur à l'Ecole des
Beaux-.\rts de Genève. Dr Veyrassat, professeur à la Faculté de
.Médecine. Mme et M. -A. Vial-Piccard. J -H. Verrey, architecte.
Lausanne. André Vierne, rédacteur en chef de la Tribune de
— 90 —
Lausanne. E. Vincent, peintre. Antony Vincent, pasteur. Georges
Viollirr, homme de lettres. J. Viret, Lausanne. Henri Vollen-
weider. Louis Vuaj^nat, notaire et député. A. Vulliemln, r.'.ln.--
teur. Dr Henri VuIIiet.
G. VVagnière, directeur du Journal de Genève, A. ^.^ i.nnci .
C. Waridel. J. Waridel. L. W aride! . Mme WeilL Lcontine
Weiss. Dr A. Wellauer, professeur. André Welti. Dr Welti.
Paul-Ernest Wen^^er, correspondant de journaux suisses, Bâlc,
Albert Welter, Fleurier. Maria Welter, Fleurier. Jeanne Widmer,
institutrice, Môtier-Vully. Ferdinand Wiesand. Albert Willemin,
horloger, Bicnne. Laure Willemin, Bienne. Emile Wilmot.
Emile Yung. Louis Yung, professeur.
Ch. Zaut, ingénieur. Marc Zbinden^ conservateur du Grand»
Théâtre de Genève. II. de Ziegler. H. Zimmermann. Jules Zum-
thor, architecte. Paul Zutter, chef de bureau C, F. F., Lausanne.
Louis Zwahlen, industriel, Lausanne. Zweigart.
ETATS-UNIS
Liste de protestation des éi:ri vains des Etats-Unis^ contre
« the destruction by the Germans of monuments and worlu
of art which are the patrimony of civilized humanity.»
J. MowBRAY Clark
William Pean Howells
Robert Underwood Johnson
Edwin Markiiam
Upton Sinclair
Lincoln Steffens
William English Walling
UiN APPEL A L ALADhMlL A.MLIULALNK
DES ARTS ET DES LETTRES
M. Whitncy Warren, l'émioent architecte américain dont on
connaît les énergiques protestations contre le bombardement de
la cathédrale de Reims, adresse au président et aux membres de
riustitut américain des arts et des lettres, à New-York, un appel
dont voici les principaux passages :
Avant qu'il soit trop tard, j'attire, par votre entr»!
l'attention du peuple américain sur ce que j'ai pu coosi
afin, s'il est possible, de sauver quelque chose de sacré et
de beau dans les pays encore occupés par les Allemands.
La destruction d'Ypres était d'une inutilité absolue. La
ville n'avait aucune importance militaire. La seule raison
qu'on puisse attribuer à ci-i «n ir »!♦* vainlaliMue, c V.sl la
rage des Allemands de n'être pas parvenus à s'v établir. Les
vastes quartiers des résidences ont été détruits, et cette mer-
veille, les Halles des drapiers, un des trésors de l'art g'othi-
que flamand, un monument g-randiose par ses proportions
et par ses souvenirs artistiques et historiques, est une ruine
qui déHe}^ jamais tout espoir de restauration. La cathédrale,
d'une no})lesse si majestueuse, est dans les mêmes condi-
tions. Le musée, avec tous ses trésors, a été éj^alement
brûlé.
Il n'y avait pas, je le répète, d'excuse stralég^ique à ces
destructions. Le général Foch, de l'armée française, et le
Hi^énéral Douglas-Haig, de l'armée anglaise, sont absolument
dans l'impossibilité de trouver une raison pour comprendre
la bassesse misérable de cet acte.
Arras est dans les mêmes conditions malheureuso^
nemi avait occupé la ville pendant quatre jours, et c'est en
s'en allant qu'il l'a détruite. La place charmante construite
pendant l'occupation espag-nole et l'hôtel de ville, avec son
beffroi, incomparable de beauté et d'harmonie, ne sont plus
(jue des ruines /l'-loricuses. Ce travail des ^générations, ins-
piré par l'amour et g^ardé par les traditions de ses citoyens
de tout temps, est annihilé. J'ai constaté personnellement
que les troupes françaises n'occupent pas la ville. Néan-
moins, le jour où j'étais là, les Allemands ont encore bom-
bardé la cathédrale.
Vous êtes au courant du l>ombardement de Ueims vi liu
.sort de maints villa|^-es, inoffensifs, dans l'Argfonne, la
.Nfeurthe, l'Aisne et les Vo.sg-es, derrière lesquels les Alle-
mands ont été cha.ssés et qu'ils ont dévastés au de)'« ■^"
toutfi description et de toute imag-ination.
Le code pratiqué par les Allemands est absolument dt-
— 93 —
pourvu d'honneur, de décence ou de pitié. Je ne dis pa.s
i-»!ci contre le peuple allemand. Tous les i^néraux avec qui
]e me suis entretenu sont d'avis que probablement le Holdat
allemand est de la même mentalité que celle des alliés.
(i'est ù la tête, c'est aux chefs du despotisme militaire alle-
mand que je répète ceci : les Allemands ont un code systé-
matique de destruction, de terreur, et des instruments fabri-
qués pour le mettre en vigueur et par ordrCy ceci contrai-
1 einent à tous les traités, conventions, concernant les lois
le la guerre, signés par nous, Américains, aussi bien que
par eux, aux conventions de In îîr"»- *-• -'^ (^w.a... f.* sirir-
(oment suivis par les alliés.
Comment les alliés se conduiront-ils en arrivant en Alle-
magne, au moment des représailles ? Sur ceci, je suis con-
vaincu qu'ils se comporteront comme des hommes, comme
^les soldats. Galliéni, Casteinau, Foch et autres avec qui
Tai causé, sont absolument catégoriques et se portent ga-
rants pour leurs hommes : « Il n'est pas dans nos idées de
faire la guerre de cette façon ; nos hommes se conduiront
;omme ils le doivent.» Ces généraux sont des guerriers et
les généraux sont des guerriers et des gentilshommes; il
faut ajouter foi à ce qu'ils disent.
N'esl-il pas possible, pour notre peuple, de s'organiser et
• le protester par notre président, auprès de celui qui inspire
toute cette dévastation misérable? Le général Douglas Haig
m'a dit, il y a trois jours : : « Il est trop tard pour protes-
ter, le malheur est déjà accompli. »Oui, mais il reste Gand
el Bruges, Bruxelles et Anvers, Laon, Noyon et Saint-
Oucntin, qui contiennent des trésors innombrables et pré-
cieux, peut-être surtout pour nous, qui avons tant besoin
l'inspirations et de traditions.
Pour l'amour de tout ce que nous avons de beau en nous,
-- 94 —
pour rhonneur de notre signature, n'est-il pas possible
d'insister pour que les conventions et les traités auxquels
nous sommes liés soient observés? Ou alors n'avons-nous
donc plus de sang- dans les veines?
Croyez-moi votre très obéissant.
Whitney Warren.
{Le Temps du 20 décembre.)
ITALIE
APRÈS LA DESTRrrTîr>N IM II \ \IN
Les soussit^nés, journalistes italiens, douloureusement
(^mus par la nouvelle de la destruction de la ville de Lou-
vain, expriment leur protestation ; et, sans prétendre d'au-
cune façon manquer aux devoirs moraux et politiques que
la neutralité déclarée de l'Italie impose à chaque citoyen
italien, ils invitent tous ceux qui se sentent d'accord avec
eux à envoyer, avec leur protestation, leur carte de visite à
la lég^ation de Bel|ii^ique à Home.
D. Baldacchini
F. Ciccotti
L. Coen
A. Gherardelli
G. Lignori
G. Marini
A. Novaga
R. Olivi
F. Paoloiii
A. ProHli
M. Ravasini
F. Rehulia
B. Rinaldi
C. Scarfog-lio
E. Tedeschi
G. Volpe
G. Zambelli
G. Amendola
G. I. Falbo
A. Cianca
L. Bottazzi
G. Civinini
T. Valenli
R. Garinei
N. Quirici
A. Cippico
V. Guajda
G. Cassola
G. Quadrotta
F. Franchi
G. Mammoli
A. Berg-amini
A. Bacchiani
G. de Nava
A. Russo
G. DioUllevi
B. Bonaretti
N. Battistone
V. Enrico.
R. Guerra
— 96 —
APRÈS LA DESTRUCTION DE LA CATHEDRALE
DE REIMS
Le 26 septembre, sur l'initiative de VAssociazione artis-
tica internazionale de Rome, eut lieu dans les salles de
l'Association, une réunion solennelle de protestation contre
la destruction de la cathédrale de Reims. Avaient donné
leur adhésion, toutes les Sociétés artistiques et les Univer-
sités populaires italieimes, un nombre considérable de litté-
rateurs, d'artistes et d'hommes politiques, parmi lesquels
les honorables Bissolati, Gelli, Lucifero, Ciappi, Oallong-a,
Barzilaï, les sénateurs Pasquale Villari, Monteyerde, Vol-
terra, Pompeo Molmenli. Après des discours applaudis du
prince de Cassano, de l'ing-. Lanino, de l'avocat Serrao, de
Arduino Colasanti, de Cesare Bazznni, l'ordre du jour sui-
vant a été voté, avec acclamations :
Les représentants des Universités^ des Académies^ des
Instituts d'arts des Musées^ des Pinacothèques y des Con-
servatoires musicaux du royaume, des Associations d'art
et dp culture, et beaucoup d'autres — sénateurs, députés,
/lomme de science^ artistes — réunis en assemblée solen-
nelle, sur l'initiafirr de C Association Artistique Inter-
nationale ;
Considérant que déjà dans les Conventions interna-
tionales a été solennellement reconnue^ ainsi que l'inté-
grité sacrée des hôpitaux et de la Croio/iouge, celle
des monuments artistiques ;
Protestent hautement pour la violation de tels prin-
cipes et du culte de la beauté consacrée depuis des
siècles t par te bombardement d'un des plus grands
chefs'd'(puvre de l'architecture et de la sculpture gofhi-
— \>7 —
ques du mondes et /ont appel non seulement à toutes
les puissances neutres, ajin qu'elles cherchent par tous
les moyens à /aire respecter les consentions internatio^
nales, mais à la nation allemande elle-même, afin quelle
respecte ces monuments qui n'appartiennent pas à un
pfin>Ip nini< il toute r fiiiiiinitilé.
I.ETTERATI ED ARTISTI ITALIANI
CONTRO LA BARBARIE TEDESCA A REIMS
L'eco che la distruzione dclla caltcdrale di Reims ha
avuto in tutto il mondo civile si traducc in vibratc proleste
di letterati ed artisti d Europa e d'America. La ^uerra è di
per se stessa atroce ed è j^ià uno sperpero énorme di vite, di
richezze, di béni perché si debba a^^g-iung^re al suo triste
bilancio anche l'annientamento di opère di bellezza come la
antichissima cattedrale di Reims, gloria dell'arte francese,
g-ioia di tutti i cultori dell arte.
Id Italia, dove il culto délie cose artistiche è, qualunque
cosa si vojçlia affermare in contrario, vivissimo e g^loso,
dove per rispettare una casa del quattrocento o del cinque-
ceoto si lasciano interi quartieri cittadini in uno stato di
abbandonodeplorevole, dove intorno ad un affresco d'i^noto
autore si versano — ed è Tesagerazione — tiumi d'inchiostro
e si accendono polemiche appasionate, in Italia, diciamo, il
nuovo vandalismo tedesco ha destatosdegno, orrore, commo-
zione. E non possiamo esimerci dal pensare con raccapriccio
a ciô che polrebbe accadere nel nostro paese, cosi ricco di
monumenti d'ogni età e d'og^ni stile, se un*invasione stra>
niera, stile germanico, traboccasse dalle Alpi per le piaaure
e le colHoe nostre !
LOUVAIN... RBIMS 11 7
— 98 —
Le prote.sit i^iiiio lu distruzione délia cattedralegotica di
Reims sono, corne abbiamo detto, moite e vibrate. La GaZ'
leita del popolo di Torino, mentre le accademie e g^li isli-
tuti d arte protestano per conto loro, ha interrogato i mag-
g^iori artisti e letterati italiani e pubblica nel suo numéro
d'ieri le risposte che le sono parvenute. Ne riproduciamo
alcune :
Di Luca Bellrami:
La distruzione délia cattodrale di Reims fa traboccare
dairintimo dell'animo Taug-urio : Dio concéda la vittoria
alla Francia !
Di Davide Calendra :
Che ('X)sa posso dirle ? Ogm g-iorno loggiamo fatti di una
enormità inconcepibile, quasi realtà di sogni d'incubo. La
triste celebriti'i di Attila è ormai ofTuscata nel la storia. Egli
nacque in tempi barbari senza conforto di esplosivi. Quio-
dici secoli di progresso ranno la superioritii alTEmulo.
Rallegriamoci almeno che gli artiglieri d'Italia sanno
troncar le antenne dei pennoni sulle navi nemiche, e ris-
parmiar le moschee. Il gran popolo tedesco, per dimos-
trare la sua potenza, ha bisogno di bersagli più ampi e più
preziosi. Vorrei sapere che cosa ne peusano gli artisti pro-
tetti dal Kaiser. Udremo la loro voce nel coro d'idigna-
zione che si sollevu in tutto il mondo civile? Speriamolo,
per Tamore, per Tonore di quell'arte, che non ha frontière.
Di Alessandro D*Ancona .
La distruzione dei venerandi inoiiumtMiti tieHarte e délia
storia équivale ad una sconHtta clamorosa sui campi di bat-
taglia, ed è tanto più grave perche chi la commette è popolo
benemerito délia riviltà e deirli ^tndl.
— 99 -
Di Piêtro Canonica :
Fui a Reims parecchio tempo ed ogoi ora libéra la passayo
iD quel tempio meravig-lioso chenonè più ! Nessuna fotojj^-
fia, nessuna descrizione potrà mai dare neanche una pallida
idea del profondo misticismo in cui l'anima era obbligata a
rinchiudersi, varcandola soglia di quel tempio. Chi non ha
veduto la ^randiositÀ délie sue navale, l'eleganza ed impo-
nenza dei suoi archi, la sua luce misteriosa, quasi tragica,
non saprà immaginare mai quanta potenza d'espressione e di
mistero Tin^egnoumanoe la fedeabbianopotuto concentrare
in una forma architettonica. Nulla puô scusare l'odieroo
vandalismo, e chi ne fu Tautore deve essere maledetto da
Dio e dagli uomini, perché è necessario che la civiltâ, se
veramente è degna di tanto nome, usi la spada a difesa
délia giustizia, ma non Timpug'ni per la brutalità e la
distruzione del bello. Per la conoscenza che ho di molti
tedeschi délia loro alta coltura e profonda adoriazone per
Tarte sono certo che qucsta usurpazione di ogni diritto
troverà un'eco di biasimo e di dolore nci loro cuori, perché
il militarismo imperante délia Germaniadi oggi non devesi
confondere col sentimento di una nazione che fu quella di
Goethe, di Beethoven e di Wagner.
Di G. Cesareo:
Dopo l'eccidio di Liegi, la distruzione di Lovanio e il
bombardamento di Reims, capisco perché Heine si vergo-
g'nasse di con fessa rsi tedesco.
Di Diego A ngeli :
Quello che sem brava inconcepibilead una mente italiana
♦• stato compiuto. La cattedrale di Reims é stata distrutta
dai tt>deschi. E dico deliberatamcnte tedeschi e non barl>ari.
— 100 —
perché oessun barbaro mai avrebbe osato un simile mi»-
fatto. Teodorico entrato io Homa conquistata promulg[^ô un
edittc sulla conservazione dei monumenti ; Maometto II,
espug-natta Costantinopoli rispettô la basilica di SaoU
SoHa... E non vog'liono essere chiamati barbari, e i loro
professori, i loro uomini politici, i loro ^iornalisti scrivoQo
ai nostri professori, ai nostri uomini politici, ai nostri
g'ioroalisti per dimostrare che sono civili e che vanno alla
g-uerra portando nello zaino i poemi di Omero e di Goethe.
Ma dopo Louvain, dopo Malines, dopo Senlis hanno di-
strutto Reims, hanno annientato cioè una délie più fulg^ide
piètre miliari délia civiltà umana e raso al suolo non gïk
una chiesa di pietra e di marmo, ma un cimelio vcnerabile
che meritava tanto più grande rispettô in quanto tutte le
genii civili avevano attitinto di là un poco délia loro gloria.
La statue di Reims non erano soltanto franecsi, ma erano
tedesche, erano italiane, perché la Germania e l'Italia ave-
vano verduto in esse il primo bagliore délia loro rinascita.
Ora di fronte a questo atto mostruosa compiuto da ufHciali
riparati nelle loro casematte e non g-ià da soldati ebbri di
slrag'e, dinanzi a questo rivoltante Ag'ire da bruti, gli
uomini civili del mondo hanno il dovere di trattare costoro
corne bruti.
E Pompeo Molmenti, Lodovico Pogliag-hi et Guido Cirilti
hanno risposto collettivamente con questo g'rido :
Al confronto i Vandali erano mansueti e civili.
{Secolo, i4 septembre.)
HOLLANDE
FRFnFniK VAN EEDCN
W'aldeo, BuMum (Holbnde)
.4 mes chers Flamands.
Si ma voix peut encore arriver jusqu'à vous dans votre
angoisse, je veux vous adresser un salut. Il est encore
proche de ma mémoire, le temps où j'étais parmi vous, où
je parlais dans vos conférences, où je jouissais de votre
hospitalité. Et maintenant!... Voici que ces belles villes, ce
peuple pacifique, ce pays délicieux, ont été attaqués, violés
delà manière la plus cruelle, sans justice, sans nécessité...
Voici qu'ils ont subi l'offense de l'ennemi et ont été réduits
à la dernière extrémité !
Je ne puis vous aider par des actes. Je sens mon impuis-
sance; mais la pensée des maux qui vous affli((ipent ne me
quitte ni le jour ni la nuit et trouble mon sommeil. Cepen-
dant, voici quelques mots pour vous ouvrir mon cœur et
pour vous offrir quelque consolation dans votre lourde
détresse.
Ceci est ma ferme opinion : Vous, la Belgique, c'est vous
qui avez vaincu, dans le sens le plus haut, et nulle victoire
matérielle de l'usurpateur ne saurait annuler votre victoire.
Qu'a dit le gouvernement allemand (car le grand peuple
allemand n'est pas responsable de ce langan^i'e) pourjastifier
son acte de violence? Que l'Allemagne était dans l'absolue
— 10? —
nécessité d'ag^ir comme elle la lait, et que Nécesmté ne
connaît pas de loi ! L'existence de rAllëmag-ue était en jeu ;
il s'agissait de se défendre contre l'agression de la tyrannie
russe, et devant cette n/'rossité, l'intérêt minime de la Bel-
gique devait céder...
Les faits des mois pa.ssés ont montré la fausseté de ces
paroles. Ce n'était pas l'Allemagne, c'était la Belgique qui
était en cas d'absolue nécessité. Il ne s'agissait pas, en effet,
de l'existence de rAllemap;-ne. Qui pourrait jamais exter-
miner une nation de 70 millions d'hommes? Quelle sottise!
Il y va, au contraire, de l'existence de la Belgique. Et pour-
tant, malgré cet immense danger, la Belgique n'a jamais
manqué à son devoir (Gebot) de loyauté et d'honneur. Ainsi,
la petite Belgique a fait ce que l'Allemagne puissante avouait
ne pas pouvoir faire : elle a maintenu la loi et la justice,
étant in hochsier Not. Par cela, la Belgique a prouvé
qu'elle maintient, au prix de souffrances inouïes, une
morale sociale plus haute que celle de l'Allemagne. Et c'est
pour cette raison que moi, Hollandais, j'aimerais mieux
appartenir à la nation belge foulée aux pieds qu'à l'Alle-
magne arrogante et puissante.
Tous les peuples implorent l'aide de Dieu, maintenant ;
mais aucun peuple n'en a plus le droit que le peuple belge.
Le Dieu des plus gros bataillons et de la meilleure artillerie
aidera votre adversaire. Mais je crois en un Dieu de Justice
et d'Amour. Celui-là se fait souvent attendre, et il ne nous
ménage pas les souffrances. Mais, à la longue, c'est lui qui
nous donne la vraie vie spirituelle ; et qu'importe alors que
ce soit au prix de tous nos biens matériels !
De cette guerre, vous, les Belges, vous sortirez meilleurs
et plus forts. Que votre ennemi gagne des biens et de l'or,
vous avez gagné des avantages moins éphémères et d'un
— 103 -
plus noble aloi. Soyez tranquilles, confiants et forta dans
votre détteaae. Sojei pour nous, qui avons été épargnés,
l'exemple de la patience virile, et crojei à moo admiration
ardente et à ma sympathie.
Fredbrik van Ebdbn.
(Publié dans le HandeU-Blctd uon Ànloerpen et dans
tous les journaux hollandais; trad. française de M. Tf^^nri
Borel.)
PORTUGAL
LA PROTESTATION DU PORTUGAL
CONTRE LES V.VNDALISMES TEUTONIQUES
présentée à MM. tes ministres de Belgique et de France,
devant un très important cortège
des principales corporations nationales et du peuple de Lisboiuie,
le 4 octobre.
Excellences :
Parmi les symptômes que la science criminolo(»"ique
sig-nale, on ne doit pas prendre seulement les cas isolés de
folie morale ing'uérissables : il y a aussi des cas morbides
collectifs où cette folie, par les diverses phases dont le
malade est atteint, conduit aux résultats les plus funestes
et les plus désastreux.
L'Allemagne constitue un cas typique de folie morale,
caractérisé par la mégalomanie et par les tendances crimi-
nelles, aggravées par un manque de scrupules exagéré.
Tacite disait que les Germains se poignardaient sans motif.
Et, en effet, ils ont toujours manifesté des instincts per-
vers, mis au service d'une ambition démesurée. Les consé-
quences ont été constatées par les invasions qui ont ensan-
glanté et fait reculer l'Europe Occidentale. La plus terrible
a été celle qui a amené la ruine de la civilisation romaine
et l'anarchie du moyen Age féodal.
Et, comme .si ce n'était pas suffisant la poussée d'ata-
visme pour considérer l'Allemagne un péril permanent
international, il y a encore quelques-uns de ses philosophes
qui proclament l'immorale doctrine que le «Succès fait
— 105 —
Loi»; quelques-ont de sai pécUgo|pies inculquent par l'é-
ducation les principea égoTstas de la subordination du monde
entier à ce néfaste empire ; beaucoup de ses hommes politi-
ques préconisent la devise dissolvante « La force prime le
droit»; plusieurs de ses écrivains militaires soutiennent,
sans la moindre base, la raison d'être de l'anéantissement
complet des pajs ennemis.
Les résultats de cette orientation et les manifestations de
cette infériorité se découvrent maintenant, une fois de plus,
constatées par les atrocités monstrueuses commises par le
vandalisme allemand, avec une audace systématique et un
mépris cvniquc du droit et des Conventions Internationales,
dans ce qu'elles ont de plus noblement humain, ainsi que
des principes d'honneur. Les hôpitaux, les blessés, les
existences des vieillards, des femmes et des enfants, la pro-
priété privée, les richesses artistiques et bibliographiques
précieuses ont été, avec férocité et lâcheté, sacrifiées à un
vilain idéal de destruction, d'assassinat et de pillag^e.
Et, pour s'assimiler en tout aux barbares conquérants,
les Teutons ont réduit à un triste esclavage les citoyens
pacifiques qu'ils ont arrachés des villes, détruites par eux,
sans gloire.
L'âme portugaise a été profondément émue par ces
étranges et monstrueux attentats à la civilisation moderne.
Notre âme vibre aussi dans une race de héros, mais des
héros qui arrachèrent des mystères de la légende et de
rinconnu les rég-ions du globe les plus étendues, sans avoir
jamais fait de la guerre une ressource économique, ni de la
noblesse des armes s'en être servi pour écraser par des con-
tributions des villes vaincues, ni avoir transformé la vail-
lance en brigandage, en destruction et assassinats. Au
contraire, notre âme s'est dévouée au saint apostolat d'attirer
— \m —
à cette civili^uiion les peuples <|ui coiitribuérent beaucoup à
sa grandeur et à son développement.
Pour cela, Monsieur le Ministre, les Acadénnies des
Sciences, les Ecoles Supérieures, les associations scientifi-
ques, littéraires et artistiques, la Maçonnerie, la Presse, la
Lig-ue Anti-Oermanique, les g-roupes agricoles, industriels,
commerciaux, ouvriers, et d'autres collectivités dédiées à la
défense et au progrès du Portugal, réunis, par une vibra-
tion unanime de révolte, viennent offrir à Votre Excellence
sa plus indignée, chaleureuse et solennelle protestation
contre les crimes horribles dont ont été le théâtre la Bel-
gique et la France, spécialement pour la destruction de la
Bibliothèque de l'Université Catholique de Louvain et de
la Cathédrale de Reims, crimes qui, pour toujours, souil-
leront le prussianisme devant le tribunal incorruptible de
l'histoire.
Le Président du Comité Exécutif:
Theophilo Braga.
Les Vice-Présidents :
Magaliiâes Lima,
Alfrrdo Schiahpa Monteiro,
Antonio Cabreira.
Les Secrétaires :
Mariniia de Campos,
Augusto Antonio Pedro dos Santos.
Les Membres :
José da Costa Pina, Nogueira de Brito,
JoRGB Saaysdra, Mattos Sequeira,
J. Çardoso Gonçalves, JoAo Carlos Marques,
Kaul db Almbida, Armando Simôes,
Eduardo Santos.
RUSSIE
LA CATHÉDRALE DE REIMS
A propos deê oers de Hostand,
Les vers dans lesquels Rostand a chanté la destruction
de la cathédrale de Reims, nonobstant leur éclat extérieur,
sacrifient à la phraséolojtno qui caractérise l'auteur de la
Princesse lointaine. Toutefois, il paraît bien que l'heure
actuelle est favorable même aux « Rostand » qui ont à
exprimer des pensées d'une orig-inale beauté. L'air est si
saturé d'orag-e mystique que les éclairs de l'esprit de vie
frappent même les rhéteurs et obscurcissent les idées des
esthètes les plus échevelés. Le fait ^eul qu'il s'est trouvé un
Rostand pour bénir la destruction de la cathédrale de Reims
est, à mes yeux, un phénomène surprenant et mag'nifique.
Et si la France, dans son ensemble, s'associe ardemment à
cette «bénédiction», nous serons en présence de la plus
grande révolution de la psycholog-ie de l'art, dans les rap-
ports de l'homme avec l'art. Car, vraiment, à la question
s'il convient de déplorer la destruction de la cathédrale de
Reims ou de s'en réjouir, on ne peut répondre qu'en mon-
trant les antiques martyrs chrétiens, dont la mort est consi-
dérée comme une g'randc joie, comme la manifestation
suprême de la §^râce divine. Et plus les hommes marty-
risés furent beaux, plus leur fia fat belle et leur sacrifice
fécond.
— 108 —
Il est de fait que les Allemands, en détruisani in « athé-
drale de Reims (et combien d'autres monuments moins ce'
lèbres, dont l'énumération ici est impossible), ont signé par
cela même l'arrêt le plus cruel pour la condamnation de
leur fameuse culture. Après ces exploits, personne au monde
ne peut conserver une illusion quelconque sur le compte de
cette civilisation que le régime militariste prussien «porte
dans son sein», qui est sa substance même et qui, hélas!
est devenue pendant ces dernières années, la caractéristique
de l'Allemagne entière. Personne non plus ne voudra plus
croire à la culture personnelle de Guillaume et de son reje-
ton. Une fois la guerre terminée, la Germanie de Guillaume
s'effondrera et l'Allemagne véritable, dessaoulée, rentrera
en soi-même et sera saisie d'épouvante devant les atrocités
que ses fils ont commises sur des innocents; sa terreur aug-
mentera encore en pré.sence du vandalisme exercé sur ce
qui était le patrimoine sacré de l'univers, sur ce qui, non
seulement ne pouvait nuire, mais contribuait à enlever les
âmes, par la prière, vers le Père de tous. La vue des ruines
de Reims percera le cœur de l'Allemagne d'une honte brû-
lante, qui la fera redevenir noble et la purifiera par les
tourments du repentir.
Et nous tous, bien que nous ne sovons pour rien dans
cet acte de brutes, les ruines de la cathédrale de Reims
donneront à nos âmes une haute leçon.
N'est-ce pas, en effet, un miracle tangible que la dévas-
tation d'un édifice, quelque part, dans la province française,
d'un temple affecté à une religion spéciale et étrangère à
une ma.sse de gens, d'une cathédrale du sacre où l'on ne
verra plus s'accomplir le m^^slère d'un couronnement royal,
que la destruction de ce bâtiment éveille dans les cœurs da
monde entier un écho profond, réunisse dans un mêmecha-
- 109 —
grin les hommes aux crojances les plus différentes et des
races les plus opposées? Nous sommes émus non parce
qu'un vieux monument, rare et exquis, a été détruit ; la
science n'y subit pas une perle énorme, car il j a long«-
temps qu'elle avait pénétré tous les secrets enfermés dans
les pierres de la cathédrale de Reims. Nous sommes émus,
et le monde entier avec nous, par la perte d'un organisme
en quelque sorte vivant, qui cristallisait les prièrea et las
portait au ciel. Dans la cathédrale de Reims le mojen âge
s'élevait au dessus de l'art des anciens et le christianisme
remportait la victoire finale sur le paganisme. Rostand ne
voit qu'à présent un «Farthénon» dans la cathédrale de
Reims. Mais elle était un véritable Parthénon chrétien
avant de tomber en ruine, elle le fut dès l'époque de sa
construction. L'harmonie de ses formes, les motifs archi-
tecturaux qui se développaient sous ses voûtes, l'extase
qu'inspirait la vue de ses rang-écs de statues, tout cela con-
tribuait à faire un véritable plain-chant, une sorte de mu-
sique qui saisissait puissamment l'âme la plus sceptique,
qui courbait les hommes les plus obstinément hautains, une
langue compréhensible à Tâme la plus sage, ainsi qu'à la
plus fruste.
Les esthètes et les archéologues, en disséquant à l'aide
(lu scalpel scientifique, le cadavre de l'art antique, se sont
mis k nous enseigner l'anatomie et à le réduire en formules
mathématiques, en deux fois deux font quatre. A leurs
yeux, l'art gothique était quelque chose de semblable à un
recueil de problèmes ingénieux, publiés par des professeurs
supérieurs d'arithmétique. En particulier, les archéoloffiies
démolissaient d'un cœur léger ce qu'avait respecté le temps,
à seule fin de satisfaire leur curiosité, portant sur «ce qui
avait existé antérieurement». Plus dangereux encore se
— 110 -
révëléreni les restaurateurs qui, s'appuyant sur les esthètes
et les archéologues, s'essayaient à «recréer», ajoutaient
leur maturité savante, « puisée dans les manuels», à ce qui
exigeait en premier lieu la communion avec Dieu, la prière.
Les esthètes gâtèrent beaucoup de choses, dans cette
même France, à commencer par ces hommes «dégoût»
qui, au siècle de Louis XIV, se mirent à corriger «les mo-
numents de l'architecture barbare», empressés qu'ils étaient
de mettre de l'ordre dans un chaos génial, créé par les prières
et les ferveurs amassées par les siècles. La manie d'ordre
de cette époque fit disparaître, par exemple, le labyrinthe
de la cathédrale de Reims et tout ce qui dans Notre-Dame
de Paris en faisait un musée sacré de l'histoire de France.
Toutefois, ils nuisireut encore plus ces gens qui, étouffant
en soi les éléments mêmes de l'art, se vouèrent au raccom-
modage des vieux monuments, exclusivement d'après des
données scientifiques. Oh! ces vandales! ces «artistes»!
grâce à qui le mot d'architecte est devenu le synonyme de
quelque chose de tout à fait contraire à l'art, ces vandales
ont détruit, certes, plus d'oeuvres merveilleuses que le sac-
cage actuel et ils n'ont absolument rien produit de nature à
provoquer la plus petite admiration véritable.
On .se propose maintenant de reconstruire la cathédrale de
Reims. Pour décider, en connaissance de cause, jusqu'à quel
|)oint on doit réagir contre ce projet, il faudrait savoir préci-
sément dans quel état se trouvent aujourd'hui les ruines. Il
va sans dire si la destruction se réduit n ce que les voûtes
.se sont écroulées dans la nef, que quelques colonnes et
quelques pinacles se sont détachés des tours, qu'une partie
des statues dressées sur les côtés des principaux portails, et
qui réservaient au visiteur un «accueil » si amène, ont été
privées de leur tête, il faut procéder à la restauration.
— in —
Tout ce qui est important est demeuré ÎDlaci et il n'est
pas difficile de réparer le reste. On ne peut exiger pour ce
travail que la technique que possèdent une escouade d'ou-
vriers choisis, dirinçés par uo intelligent «maître- ta il leur de
pierre )#. Mais si la destruction a atteint les « ors^anes vitaux »
(le rétlIHce, si, par exemple, les portails en question n'of*
frent plus à la vue qu'un monceau de décombres et qu'il
faille les reconstruire, qu'on renonce plutôt à ce projet chi-
mérique, qui renferme d'ailleurs une part de sacrilège. Il
est impossible d'ériger à nouveau, au nom de l'esthétique,
du goilt et de l'orgueil national (et les artistes qui travaille-
raient dans ces conditions ne sont pas encore nés), ce qui a
été créé et nourri par la prière. Les ruines de la cathédrale
de Reims resteront pleines de beauté et de poésie, et, par
conséquent, de vie; «une nouvelle cathédrale de Reims» ne
serait autre chose qu'une contrefaçon inanimée et dépour-
vue d'idéal, quand bien même chaque détail répéterait ser-
vilement le détail disparu '. Et s'il n'y avait que cette leçon
à tirer de la destruction de la cathédrale de Reims qu'avec
l'unique secours de l'asthétique et de l'archéologie on est
loin d'atteindre à l'art, quelque grand que soit le sacrifice,
il faudrait le considérer comme « fécond». Mais, eu vérité,
ce terrible sacrifice doit enseigner autre chose encore. Le
coup a été trop violent ; aussi les sentiments et les pensées
qui sommeillaient au tréfonds de l'àme, enterrés sous l'ac-
cumulation des soucis et des labeurs pour le pain quoti-
dien, se sont réveillés et ont rouvert les yeux à la lumière.
' Oo peut faire une exception en faveur du campanile de Venice,
roDStruction purement décorative ; mais si Saint-Marc allait (^tre d/tniil,
tic serait-ce pas commettre une monstrueuse profanation que de 1«
rf^onstniirr, et en badiç^eonnant encore d'une patine artificielle ce qui ne
serait plus qu'un dt-cor de théAtre *?
- 11:^ -
Aucuii SOI mon, aucun pélerÎDag'e n'auraient pu faire pour
la France ce qu'a fait la « mort de martyre » de ce beau
monument, la cathédrale de Reims. Il n'est pas question ici
uniquement d'art, ou plus exactement il n'est pas question
particulièrement d'art, mais de toute «l'économie de l'âme».
Tout à coup, tout a changée. Ce qui semblait précieux s'est
révélé être sans valeur aucune, et ce qui paraissait mort,
jusqu'à la fin des siècles, s'est réveillé plein de forces vives.
Du reste, cette g-uerre monstrueuse et atroce enfante un
monde nouveau et magniHque ; et tous en reconnaissent
déjà la physionomie. Quelle beauté, par exemple, ne re»-
sort-il pas de chaque récit des blessés ! En particulier, la
guerre doit produire un art nouveau, non pas (le ciel nous
en préserve !) cet art nouveau qui a été préconisé jusqu'ici
par les futuristes, art sauvag-e, éjsç-oïste, qui se montre à la
fois trivial et désespérément vide, mais cet art dont nous
lisons les éloquents hiérog-lyphes dans les contours, décou-
pés par les bombes, de la cathédrale de Reims, cet art qui,
des blessures faites aux pierres sacrées et d'où maintenant
s'écoule le sang des prières du passé, répandra au loin le
parfum des antiques légendes. Moi, qui aime la France
comme ma véritable aïeule, je désire de toutes les forces de
mon âme qu'elle prête l'oreille à ces prières, qu elle les
reçoive dans son cœur et que, se les étant appropriées, elle
guérisse radicalement. Alors, elle n'aura plus à redouter
les machinations les plus ingénieuses de Krupp. Ce que
cette renaissance de l'âme française peut et doit produire,
nous en avons l'avant-goût dans la littérature française la
plus récente. Cette renaissance s'est manifestée daus toute
sa beauté au moment de la mobilisation française, à
laquelle il m'a été donné d'assister. Qui aurait maintenant
le front de jeter la pierre à la femme française calomniée,
— 113 —
lorsqu'elle s'est montrée capable de si grande sacrifice,
d'un si grand héroTsme et d'une si grande sérénité?
Les femmes françaises, j'en ai la conviction, prouverout
qu'elles sont à même de nourrir dans leurs copurs la vraie
réponse à toutes les profanations des Allemands et d'oppo-
ser à leur joie du mal la beauté salutaire d'une âme régénérée.
Alexandre Bbnoit.
{La Retch du 3 (16) octobre 1914.) Trad. par A. Uogie.
LOUVAIM.M
ANGLETERRE
BRITAIN'S DESTINY AND DUTY
DECLARATION BY AUTHORS
A Righteous War.
We hâve received the followinjj!^ statemcot : —
The undersi|;2;-aed writers, comprising- among^t them men
and women of the most divergent political and social views,
some of them having' been for years ardent champions of
gt)od will towards Germany, and many of them extrême
advocates of peace, are nevertheless agreed that Great
Britain could not without dishonour hâve refused to take
part in the présent war.
No one can read the full diplomatie correspondence pub-
lished in the White Paper without seeing that the British
représentatives were throug-hout labouring- whole-heartedly
to préserve the peace of Europe, and that their couciliatory
efforts were cordially received by both France and Russia.
When thèse efforts failcd, Great Britain had still no
direct quarrel with any Power. She was eventually
compelled to take up arms because, tog^ther with France,
Germany, and Austria, she had solcmnly pledg^ herself
to maintain the neutrality of Bel|^ium. As soon as danger
to that neutrality arose she questioned both France and
Germany as to their intentions. France immediately renewed
her pledg« not to violate Belg'ian neutrality; Germany
refused lo answer, and soon made ail answer needless bj
— li:. —
her actions. Without even the pretence of a çricvaiici-
agaiost Bel^um, she made war on the weak and unofTend-
ing- country she had undertaken to protcct, and lias since
carried oui her invasion with a calculated and inn^enious
ferocity which has raised questions other and no le&s nçnve
than that of the wilful disregard of treaties.
Wheu tk'lgium in her dire need appealed to Great
Britain to carry out her pledge this country's course was
clear. She had either to break faith, letting- the sanctity
of treaties and the rij^fhts of smali nations count for nothing
before the threat of naked force, or she had to Hgbt.
She did not hesitate, and we trust she wil! net lay down
arms till Holgium's integrity is restored and her wrongs
redressed.
The treaty wilh Belgium made ourduty clear, but many
of us feel that, even if Belgium had not been involved, it
would bave been impossible for Great Britain to stand aside
while France was drag-ged into war and destroyed. To
permit the ruin of France would be a crime against liberty
and civilization. Even those of us who question the wisdom
of a policy of Continental Ententes or Alliances refuse to
see France slruck down by a foui blow dealt in violation of
a treaty.
We observe that varions German apologists, officiai and
semi-official, admit that their country has been false to ils
pledged word, and dwell almost with pride on the ** fri^ht-
fulness" of the examples by which it has sought to spread
lerror in Belgium, but they excuse ail thèse proceedings hj
a strange and novel plea. German culture and civilization
are so superior to those of other nations that ail steps takrB
to assert them are more than justified; and the destinj of
Germany to be the dominating force in Europe and the
— UÔ —
world is so maiiifest that ordinary rules of moraiity do not
hold in hcr case, but actions are g^ood or bad sinriplj as
ihey help or hinder the accomplishment of that destiny.
Thèse views, inculcated upon the présent génération of
Germaos by inany celebrated historians and teachers, seem
to us both dangerous and insane. Many of us hâve dear
friends in Germany, many of us rejçard German culture
with the highest respect and gratitude; but we canuot
admit that any nation has the right by brute force to impose
its culture upon other nations, nor that the iron military
bureaucracy of Prussia represenls a higher form of human
Society than the free constitutions of Western Europe.
Whatever the world-destiny of Germany may be. we in
Great Britain are oui*selves conscious of a destiny and a
duty. That destiny and duty, alike for us and for ail the
Ënglish-speaking race, call upon us to uphold the rule of
common justice between civilized peoples, to défend the
rights of small nations, and to maintain the free and law-
abiding ideals of Western Europe against the rule of " Blood
and iron " and the domination of the whole Continent by a
military caste.
For thèse reasons and others the undersigned feel bound
to support the cause of the Allies with ail their strenglh,
with a full conviction of its righteousncss, and with a deep
sensé of its vital import to the future of the world.
William Arciikr Laurence Binyon
H. Granville Barkrr A. G. Bradlby
J. M. Barris Robert Bridqbs
Arnold Bennett Hall Gaine
A. G. Benson R. C. Garton
Edward Benson G. Haddon Ghamhbrs
Robert Huoh Benson G. K. Ghbsterton
- 11
Hubert Henry Davibs
Arthur Conan Doyel
H. A. L. FlHHKH
John Galsworihy
Anstey Guthrie (F.
Anstey).
H. Rider Hagoard
Thomas Hardy
Jane Ellen Harrison
Anthony Hope Hawkins
Maurice Hewlett
Robert Hichkns
Jérôme K. Jérôme
Henry Arthur Jones
Rudyard Kipling
\V. J. Locke
E. V. Lucas
J. W. Mackail
Frédéric John Masefield
A. E. W. Mason
September, 1914.
Gilbert Murray
Hbnry Nrwbolt
Rarry Pain
Gilbert Parker
ËDBN PhILLPOTTS
Arthur Pinero
Arthur Quillbr-Cough
Owbn Seaman
George R. Sims
May Sinclair
Flora Annie Steel
Alfred Sutro
George Macaulay
Trevelyan
George Otto Trevelyan
Humphry Ward
Mary A. Ward
H. G. Wells
Margaret L. Woods
Israël Zangwill
PROTESTATION DES ARTISTES
écrivains et penseurs anglais
contre la ruine de Louvain et de Reims.
Eo dépit de l'horreur soulevée dans l'univers par la dévas-
tation de Malines et de Louvain, les armées allemandes
viennent de ravaG;-er la cathédrale de Reims. Ce forfait, ac-
compli de propas délibéré, n'atteint pas seulement ans
nation, mais l'humanité entière dont un tel monument
— 118 —
était l'honneur. A cet assassinat contre le g'énie humain,
l'élite de tous les pays doit répondre par un cri de révolte
qui flétrisse les destructeurs sacrilèges. Sans rendre le pt^uple
allemand tout entier responsable des crimes de ses chefs,
nous déplorons, pour son honneur, que pas une voix ne se
soit élevée de son sein pour prolester contre eux. En atten-
dant que les auteurs de ces attentats soient châtiés, nous en
appelons contre eux au jugement du monde.
Adam, P. W.
Adams, Henry.
Alexander, Sir Georg-e
Amidi de Rio Branco.
Auderson, Sir Robert.
Anderson, Sir R. Rowand.
Armstrong*, Sir Walter.
Aahby, Th.
Ban/;^or, Bishop of.
Bantock, Granville.
Barclay, Mrs. F. L.
Bateman, Sir Alfred.
Bayes, Gilbert.
Beaumont, P. H.
Beddard, F. E.
Beorbohm, Max.
Bell, Sir Huffh, Bart.
lielloc-Lowndes, Mrs.
Bennett, Arnold.
Benson, Ë. F.
Beresford, J. D.
Berwick, Lord.
Binyon, Laurence.
Birmingham, Bishop of.
Black, Adam.
BlomHeld, Reginal.
Boot, W. H. J.
Boryex, I^uis.
Braddon, Miss M. E.
Bradley, A. C.
Bramiey, Frank.
Brock, Sir Thomas.
Bromley, Bishop Suff. of.
Brown, A. K.
Burne-Jones, Sir Phil., Bart.
Burnet, John James.
Burridge, F. V.
Cadenhead, James.
(Jaine, Hall.
Gameron, David, Y.
Canton, William.
Carr, J. W. Comyns.
Chambcrs, C. Hadden.
Chirol, Sir Valentine.
— 119 —
Chelmoadeley, Miss Mary.
Clauseo, Georg'c.
Clifford, Mrs. VV. K.
Clodd, Edward.
(loUes, W. Morris.
(Collier, Hon. John.
(^)lquhoun, Archibald R.
(ionwa^, Sir W. Martin.
Copc, Arthur.
Corelli, Miss Marie
Courtney, W. L.
Cowen, Sir Frederick.
Cowper, Frank Cadog'an.
Crâne, Commend. Walter.
Cuneo, C^rus.
Davies. H. H.
De Morgan, Evelyn.
De Morg^an, Wm.
Derby, Bishop of.
Dickens-Lewis, Geo.
Dicksee, Frank.
Dodgson, Campbell.
Doyle, Sir A. Conan.
Drury, Alfred.
Dudeney, Mrs Henry.
Elgar, Sir Edward.
Exeter, Bishop of.
Eyre, John.
Fildes, Sir Luke.
Fisher, Mark.
Fitton, Hedley.
Flint, W. Russell.
Frampton, Sir George.
Frazer, W. M.
Freshfield, Douglas.
Gallatin, Count.
Galsworthy, John.
Gardiner, A. G.
Gardner, Edmund G.
Garvice, Charles.
Garvin, J. L.
Gascoyne, G.
George, Sir Ernest.
Gibb, Robert.
Gill, Harry.
Ginnett, Louis.
Gosse, Edmund, C. B.
Gould, Sir Francis.
Gould, S. Baring.
Graham, Peler.
Grand, Sarah.
Grantham, Bishop Suff. of.
Gulhrie, Austej.
Gwinne, H. A.
Hacker, Arthur.
Haggard, Sir Rider.
Haig, Axel H.
Hamilton, Cicely.
Hamilton, Edwin J.
Hamilton, J. Whitelaw.
— 120
Harrison, Ausleu.
Harrison, Frédéric.
HarrisoD, Gilbert A.
Hassall. John.
Hathcrell, William.
HeiDemann. Wm.
Hemy, Charles N.
Herdmann, l\. D.
Hewlett, Maurice.
Hinkson, H. A.
HintoD, Arthur.
Hole, W.
Holroyd, Sir Charles.
Hornung, E. W.
Hu.ston, G.
Howard, Francis.
Hudson, William Henry.
Huges-^Stanton, H.
Hunt, William.
Hutchinson, R. Gemmell.
Hutton, Edward.
Jackson Charles E.
Jackson, Sir Thomas G.
Jacobs, W. W.
James, Hon. W^alter J.
Jonkins, F. Lynn.
John, Sir W. Goscombe.
Kelly, J. Fitzmaurice.
Kelly, William.
Kerr, Henry W .
Keri^Lawson, J.
Kinsloy, Albert.
Kipliiiti^, Rudyard.
Knoblauch, E.
Killmann, O.
Lankester, Sir Ray.
Laazlc de Lombos, Phil. A.
La Than^ue, Henry H.
Leader, Benjamin W.
Leathes, Stanley.
Lee, Sir Sidney.
Leicester, Bishop of
Lewis, Sir GeorL"^" ^^^r
Lilly, W. S.
Linton, Sir Jame>.
Llandaff, Bishop of.
Liewellyn, William.
Locke, W.J.
Lodg-e, Sir Oliver.
Longman, Charles James.
Lorimer, J. H.
Lorimer, Sir R. S.
Lovell, R. Goulburn.
Low, Sidney.
Lucas, Seymour.
Lugard, Lady.
Macgillivray, Pittendri^h.
Macgregor, W. Y.
Mackennal, Bertram.
Mackcnzie, Alexander H.
Mackie, Charles H.
121 -
Mackioder, H. J .
Macmillan, Sir Frederick,
Marsland, Elli».
Mason, A. E. VV.
McCarthy, Justin Huntly.
McCormick, A. D.
McGill, D.
McCirt»«for, Robert.
McKa), W. D.
Meredith, W.
Michie, J. CoutU.
Middielon, G. A. T.
Milford, U. S.
Millais, J.G.
MoQsoo, E. G. P.
Moore, George
Moore, Thomas Sturge.
Morrison, VV. D.
Murray, Charles 0.
*Murray, David (R. A.).
Murray, David (LL. D.)
Murray, G. Gilbert.
Newbolt, Henry
NicbolsoD, William.
Nisbet, Robert.
Noble, Robert.
Northcliffe, Lord.
Noyés, Alfred.
Olsson, Julius.
Orpen, William.
Osborne, Malcolm
Page. T. E.
Paine, George H.
Palin. W.M.
Parker, Sir Gilbert.
Partridge, Bernard.
Patersoo, A. N.
Palerson, James.
Pinero, Sir Arthur Wiog.
Pirie, George.
Plender, Sir William.
Plunkett, The Rt. Hoo. Sir
Horace.
PoUock, The Ht. Hoo. Sir
Frederick, Bart.
Pomeroy, Frederick W.
Portsmouth, Percy H.
Poynter, Sir E. J., Bart.
Prichard, Hesketh.
Quiller-Couch, Sir Arthur.
Rackham, Arthur
Ramsay, Sir William, Bart.
Read, Sir Charles Hercules.
Reid, R. Payton.
Reynolds-Stephens, W.
Richmoud, Sir Wm Blake.
Riddell, Sir George
Rol>ertson, David.
Robins, Miss Elisabeth.
Roche, AlexaDder.
Roe, Fred.
Russell. Sir Edward.
— IV
SadgTove, Edwin J.
Sodor & Man, liishop of.
St. Hclier, I-ady.
St. Pau's, The Dean of.
Sandys, Sir John Edwin.
Sant, James.
Scott, W. Gillbee.
Severn, Arthur.
Shannon, Charles.
Shannon, James J.
Shaw, Byam.
Sheffield, Bishop of.
Shorler, Clément K.
Sichel, Walter.
Sims, Charles.
Sims, G. R.
Smith, Reginald J.
Solomon, Solomon J.
Somervell, Arthur.
Spalding, Percy.
Spielmann, H. H.
Stanford, Sir Ch. Villiers.
Steel, Mrs. F. A
Sleell, David G.
Slorey, Georg-e Adolphus.
Strany, Wm.
Stronjiç, Mrs.
Sutro, Alfred.
.-^ » .iii.-^tN
•a, Bishop Suff. of
Swinstead, G. Hillyard.
Taylor, Lukc.
Tedder, Henry K.
Tennyson-Jesse, Miss.
Tennyson, Lord.
Thornycroft, Hamo.
Three, Sir Herb. Beerbohm.
Tweedie, Mrs. Alec.
Walker, Emery.
Wallace, William.
Wallis, Thos.
Walls, William.
Wallon, Frank.
Walson, William.
Webb, Sir Aston.
Wedmore, Sir Frederick.
Wells, H. G.
Wilkinson, Norman.
Williams, Terri ck.
Wood, Francis Derwent.
Workman, Herbert B.
Wriiçht, C. Ha^ber§f.
Wyllie, Willinin Lionel.
Yeats, W. B.
Yoxall, Sir James.
LETTRE DE ROMAIN ROLLAND
A GERHART HAUPTMANN
Je ne suis pas, Gerhart Hauptmann, de ces Français qui
traitent rAllemagne de barbare. Je connais la g-randeur in-
tellectuelle et morale de votre puissante race. Je sais tout
ce que je dois aux penseurs de la vieille Allemagne ; et en-
core, à l'heure présente, je me souviens de l'exemple et des
paroles de notre Goethe — il est à l'humanité entière —
répudiant toute haine nationale et maintenant son âme
calme, à ces hauteurs « où l'on ressent le bonheur ou le
malheur des autres peuples comme le sien propre ». J*ai
travaillé, toute ma vie, à rapprocher les esprits de nos
deux nations ; et les atrocités de la g-uerre impie qui les
met aux prises, pour la ruine de la civilisation européenne,
ne m'amèneront jamais à souiller de haine mon esprit.
Quelques raisons que j'aie donc de souffrir aujourd'hui
par votre AUemag^ne et de jug^er criminelle la politique
allemande et les moyens qu'elle emploie, je n'en rends
point responsable le peuple qui la subit et s'en fait l'aveu-
gle instrument. Ce n'est pas que je re^rde, ainsi que
vous, la guerre comme une fatalité. Un Français ne croit
- 124 —
pas A la fatalité. La fatalité, c'est l'excuse des âmes sans
volonté. La g-uerre est le fruit de la faibles.se des peuples
et de leur stupidité. On ne peut que les plaindre, on ne peut
leur en vouloir. Je ne vous reproche pas nos deuils ; les
vôtres ne seront pas moindres. Si la France est ruinée,
l'Allemag-ne le sera aussi. Je n'ai même pas élevé la voix,
quand j'ai vu vos armées violer la neutralité de la noble
Belgique. Ce forfait contre l'honneur, qui .soulève le mé-
pris dans toute con.science droite, est trop dans la tradition
politique de vos rois de Prusse ; il ne m'a pas surpris.
Mais la fureur avec laquelle vous traitez cette nation
magnanime, dont le seul crime est de défendre jusqu'au
dése.spoir son indépendance et la justice, comme vous-mê-
mes. Allemands, vous l'avez fait en 1813... c'en est trop!
L'indig'nation du monde .se révolte. Réservez-nous ces vio-
lences à nous, Français, vos vrais ennemis ! Mais vous
acharner contre vos victimes, contre ce petit peuple belge,
infortuné et innocent !... quelle honte !
Et non contents de vous en prendre à la Belgique vi-
vante, vous faites la g'uerre aux morts, à la gloire des siè-
cles. Vous bombardez Malines, vous incendiez Rubens,
Louvain n'est plus qu'un monceau de cendres — Louvain
avec ses travaux d'art, de science, la ville sainte ! — Mais
qui donc ôtes-vous? et de quel nom voulez-vous qu'on vous
appelle à présent, Hauptmann, qui repoussez le titre de
barbares? Etes-vous les petits-fils de Goethe ou ceux d'At-
tila? Est-ce aux armées que vous faites la guerre ou bien
à l'esprit humain! Tuez les hommes, mais respectez les œu-
vres I C'est le patrimoine du genre humain. Vous en êtes,
comme nous tous, les dépositaires. En le .saccagant, comme
vous faites, vous vous montrez indignes de ce grand héri-
tage, indignes de prendre rang- dans la petite armée eu-
— 125 —
ropéenne qui est la garde d'honneur de la civilisation.
Ce n'est pas à l'opinion du reste de l'univers que je m'a-
dresse contre vous. C'est à vous-même, HauptmaDO. Au
nom de notre Europe, dont vous avec été jusqu'à cette
heure un des plus illustres champions, — au nom de cette
civilisation pour laquelle les plus fi^rands des hommes lut-
tent depuis des siècles, — an nom de l'honneur même de
votre race germanique, Gcrhart Mauptmann, je vous ad-
jure, je vous somme, vous et l'élite intellectuelle allemande
où je compte tant d'amis, de protester avec la dernière
énergie contre ce crime qui rejaillit sur vous.
Si vous ne le faites point, vous montrez de deux choses
l'une, — ou bien que vous l'approuvez (et alors que l'opi-
nion du monde vous écrase !) — ou bien que vous êtes
impuissants à élever la voix contre les Huns qui vous com-
mandent. Et alors, de quel droit pouvez-vous encore pré-
tendre, comme vous l'avez écrit, que vous combattez pour
la cause de la liberté et du prog-rès humains? V^ous donnez
au monde la preuve qu'incapables de défendre la liberté du
monde vous l'êtes même de défendre la vôtre, et que l'élite
allemande est asservie au pire despotisme, à celui qui mu-
tile les chefs-d'œuvre et assassine l'Esprit humain.
J'attends de vous une réponse, Hauptmann, une réponse
qui soit un acte. L'opinion européenne l'attend, comme
moi. Songez-y : en un pareil moment, le silence même est
un acte.
Romain Rolland.
— V>() —
RÉPONSE DE GERHART HAUPTMANN
A ROMAIN ROLLAND
Vous m'adressez, monsieur Rolland, publiquement des
paroles qui expriment la douleur au sujet de la g'uerre
(g-uerre imposée par la Russie, l'Angleterre et la France),
douleur au sujet des dang-ers que court la culture euro-
péenne et de l'anéantissement des monuments vénérables
de l'art ancien. Je partage cette douleur en ce qu'elle a de
général. Toutefois je ne consens pas à vous donner une ré-
ponse, que vous me dictez en quelque sorte A l'avance, et
dont vous dites à tort que toute l'Europe l'attend. Je sais
que du sang allemand coule dans vos veines. Votre beau
Jean-Christophe demeurera toujours vivant pour nous,
Allemands, à côté de Wilhelm Meister et de ilenri-le-
Vert. La France est devenue votre pays d'adoption ; c'est
pourquoi votre cœur est aujourd'hui déchiré, pourquoi vo-
tre jug-ement n'est plus clair. Vous avez travaillé avec ar-
deur à la réconciliation des deux peuples. Et malg'ré cela,
vous voyez, — aujourd'hui que la rupture sanglante anéan-
tit votre belle vision de paix tout comme elle a anéanti bien
d'autres choses, — notre pays et notre peuple avec des
yeux français, de sorte que tout effort serait vain de cher-
cher à vous les faire envisager avec des yeux allemands et
tels qu'ils sont.
Naturellement, tout ce que vous dites de notre gouverne-
ment, de notre armée, de notre peuple, est déformé et fon-
cièrement faux ; tout cela est faux à ce point que votre let-
tre ouverte est pour moi comme une plaine noire et vide.
La goerre est la §pierre. Vous pouvez déplorer la guerre.
— 127 —
mais non vous plaindre de faits qui sont la conaéqneoee io-
séparable de ce fait élémentaire. Certainement il est fâcheux
que dans le tourbillon d'un combat, un irremplaçable ta-
bleau de Rubens soit anéanti, mais — honneur â Rubeot
— je suis de ceux pour qui la poitrine transpercée d'uo
homme est une beaucoup plus grande douleur. Et puis,
monsieur Rolland, je ne puis admettre que vous me parliez
comme si vos compatriotes, les Français, venaient à noua
des palmes à la main, alors que, en vérité, ils sont ample-
ment pourvus de canons, de cartouches, et même de balles
dum-dum. Bien entendu, nos héroïques armées vous appa-
raissent terribles. C'est la gloire d'une force invincible
par la justice de sa cause. Mais le soldat allemand n'a
absolument rien de commun avec les dégoûtantes
\ekelkaft] et niaises histoires de loups-garous que votre
presse française mensongère répand avec tant de zèle,
et à laquelle le peuple français et le peuple belge
sont redevables de leur malheur. Qu'un Anglais dé-
sœuvré nous traite de « Huns » ; que, pour l'amour de
moi, vous appeliez les guerriers de notre magnifique land-
wehr les « fils d'Attila » ; il nous suffit que cette landwehr
brise le cercle impitoyable de nos ennemis. Il vaut infini-
ment mieux que vous nous traitiez de « fils d'Attila », que
vous fassiez trois croix sur nous en restant en dehors de
nos frontières, plutôt que de venir placer une inscription
sentimentale sur la tombe du nom allemand en nous appe-
lant les «fils de Goethe». Il est des gens, Huns eux-mêmes,
qui traitent les autres de Huns, parce qu'ils voient leurs
criminelles attaques contre un peuple sain et valeureux dé-
jouées, et qu'à leur violence une violence encore plus pais-
sante répond. A celui qui est frappé d'impuissance, il reste
l'outrage.
— 128 -
Je no dis rien contre le peuple belg'e. Le passat^e paisi-
ble (les armées allemandes par son territoire, question de
vie pour TAllemag^ne, ne fut pas accordé, parce que le gou-
vernement de la Belg-ique était devenu l'instrument de l'An-
gleterre et de la France. Ce gouvernement, pour se main-
tenir, a alors organisé une ja^uerre de partisans sans exemple,
et de cette façon — monsieur Rolland, vous êtes musicien !
— il a donné le ton à la conduite de la guerre, un ton ter-
rible, ma foi. Si vous voulez tenter de percer l'amoncel-
lement gigantes^^ue de mensonges que les ennemis de l'Al-
lemagne ont accumulé, lisez le compte rendu adressé par
notre chancelier le? septembre à l'Amérique; prenez cou-
naissance aussi du télégramme que, le 8 septembre, l'em-
pereur lui-même adressait au président Wilson. Vous ap-
prendrez alors des choses qu'il est indispensable de savoir
pour comprendre le malheur de Louvain.
Gbrhart Hauptmann.
RÉPONSE DE ROMAIN ROLLAND
M. Romain Rolland écrit au Journal de Genève^ en ré-
ponse à la lettre de Hauptmann qu'on vient de lire :
Monsieur le directeur du Journal de Genèoe^
Cher monsieur,
Gerhart Hauptmann m'annexe à l'Allemagne, tout comme
si j'étais une simple Belgique. Mais ni pjlo. ni moi. nous
De nous lai.sserons faire.
Je n'ai pas une goutte de sang allemand, — à moins que
l'on ne remonte peut-être aux grandes Invasions, dont « la
splendide landwehr », comme dit Hauptmann, reproduit
avec succès les procédés de guerre.
— rjy —
Hauptmann ne peut comprendre qu'un Françain soit plu»
tidèle que lui au vieil idéalisme allemand, qu'écrase l'impé-
rialisme prussien. Tandis que je me réfute à reodre respon-
sable l'ensemble de l'Allemagne des crimet de too maître,
Ifauptmann préfère se solidariser avec eux. Il prosterne le
droit aux pieds de la force. La guerre est la guerre, dit-
il... .Vo/ kennt kein Gebot. — Il ne voit pas que ses pe-
roles se retourneront contre son pays et contre lui. Que
dira-t-il, si les .Vlliés, vainqueurs, envahis.saiit r.Vllemagne,
lui opposent sa loi d'airain? Il aime mieux qu'on appelle «/?^
(i'Attiia » les Allemands vainqueurs, que d'écrire : « fiU
de Gœthe -» sur la tombe des Allemands vaincus. Que dira-
t-il si sur cette tombe, on inscrit : <njils d'Attila »? Kt
que reste-l-il à la défaite, si ses mains sont souillées?
Pauvre .Vllemag-ne! Trahie par tes maîtres de la pensée,
comme par ceux de l'action ! Faudra-t-il donc la pire
épreuve, pour briser le joug qui t'opprime et arracher à sa
létharsrie ta vieille grande âme éprise de justice et de foi!
HoMAiN Rolland.
.NAI'(»LE().N AL LKNDEMAi.N D iKNA.
« JE NK KAIS PAS LA (iUEHRP: AUX AKTS. >►
M. Babelou, l'éniinent membre de l'institut (Académie
des inscriptions et belles-lettres), professeur au Collègue de
France, adresse à Maurice Barrés Téloquente lettre qui
suit :
« Mon cher confrère et ami,
>► Tandis que le haut commandement des armées alle-
mandes donne l'ordre monstrueux de détruire — sous des
prétextes souvent mensong^ers — les monuments et les
œuvres d'art des pays ({u'elles occupent, voulez-vous me
permettre de vous rappeler un épisode des g"uerres du Pnv
mier Empire, qui met en relief la manière française de faire
la g-uerre?
» C'était au lendemain d'Iéna ; la Prusse était écrasée.
Napoléon se trouvant à Berlin reçut, le 4 novembre 1800,
les députés des Universités allemandes, qui tremblaient
pour le sort des richesses artistiques et des monuments de
l'Allemag-ne, ainsi que pour les études des savants de ce
pays. L'Empereur les rassura sur-le-champ : « Je ne fais
pas ia (/lierre <in.v «W.v, » dit-il aux délégués, et il leur
garantit l'indépendance et la lil)orté de leurs études avec la
protection des monuments et des collections. Il alla plus
loin : il accorda aux Universités allemandes une Inrire sub-
vention.
» L'Académie des inscriptions et liclie.s-leUio Uii .uors
chargée de commémorer cette noble attitude du vainqueur
par une médaille. C'est cette médaille, projetée et dessinée
- l:U ^
par Lemot, pour l'Académie, dont je vous envoie la pbo-
to^aphie. Elle représente, d'un côté, l'effijo^ie de Napoléon
empereur ; de l'autre, on voit une Femme qui personnifie la
Science et les Arts, assise dans l'attitude et avec l'exprea-
sion de l'abattement. Devant elle, l'Empereur est deboat,
en costume héroïque, et lui tend la main droite eo sîgoe de
protection. La lêc^cnde contient le mot célèbre de Démétrius
Poliorcète faisant le sièg^e de Khodes : Non bella cum arti"
bus, «Je ne fais point la g^ucrre aux arts.» A l'exergue, on
lit: Academiis Germaniie servatts. iSoG. «Protection
accordée aux Universités d'Allemag^ne. »
» Ainsi, le conquérant Français sut, au milieu du bruit
des canons, écouler la voix des Muses, protéger les monu-
ments, les arts et la science. Certes ! il y eut, au cours de
nos marches victorieuses à l'étrang-er, des monuments dé-
truits ; une guerre pourrait-elle exister sans entraîner ces
désastres? Nous savons aussi que Napoléon opéra des pré-
lèvements dans les collections artistiques des pays étrangers,
pour remplacer les indemnités pécuniaires et enrichir les
mu.sées français. Je me plais à espérer, à présent, que la
destruction de la bibliothèque de Louvain et de la cathé-
drale de Reims sera payée avec des œuvres d'art choisies
dans les musées et bibliothèques d'Allemagne. Mais ces
mesures, justifiées par le droit de la guerre, ne sauraient
être mises en parallèle avec le brigandage allemand. Dé-
truire par haine est un acte de barbare; incendier par rage
une cathédrale, un musée, une bibliothèque, c'est porter
une atteinte sauvage au patrimoine intellectuel de l'huma-
nité.
» Veuillez agréer, je vous prie, mon cher confrère el
ami, l'expression de mes plus dévoués sentiments.
» Babblon.»
LA CATHÉDRALE DE REIMS
Qui parcourait les plaines d'or de la Champa|g;iie
En ces midis d'automne où le pampre reluit
La reg-ardait venir à lui
Comme une impérieuse et tranquille montagne.
Depuis le matin clair jusqu'au tomber du jour
Elle avançait et s'approchait
De celui qui marchait ;
Et sitôt qu'il sentait l'ombre des g-randes tours
Qui barraient la contrée
Le ff;agner à leur tour,
Il entrait dans la pierre
Creusée immensément et pénétrée
Par mille ans de beauté et mille ans de prière.
0 vieux temple français, g-ardé par tes cent rois.
Dont l'imag-e apaisée illustre tes murailles.
Dis-moi quel chant de gloire, ou quel cri de bataille
Victorieusement n'a retenti en toi !
Tu as connu Clovis le Franc et sa compagne
Dont la main a guidé la main de saint Hémy,
Et peut-être un écho sous ta voûte endormi
Jadis, a entendu la voix de Charlemagne.
Tu frissonnas pendant des siècles, pour ton Dieu
Quand le monde connut les nouvelles croyances,
Mais tu restas debout sous le ciel large et bleu,
Grâce au respect que te voua toute la France.
— 133 —
Temple, tu es sacré, de ton faite à tes pieds ;
Au soir tombant, se joue à travers tes verrières
Comme un soleil inHnimcnt multiplié;
Sur tes g^ranils murs, les ténèbres et les lumières •
Joie et deuil — font leur voj'a^ silencieux,
Autour de tes piliers qui fusent jusqu'aux cieux.
Les petits cierges blancs, de leurs clartés pointues,
Illuminent le fmnt penché de tes statues
Kt dressent leurs buissons de flammes dan« t^ "nît.
Une immense ferveur se dégage sans bruit
Des foules à /yenoux, qui contiennent leurs larmes.
Mais qui savent pourtant qu'au long du Rhin, là-bas -
Canons, chevaux, drapeaux, soldats —
Se meut et se rassemble un immense bruit d*armes,
Soudain, chacun prend peur ;
Le monde entend passer de volantes rumeurs,
Les drapeaux belliqueux blasonnent les façades,
Le peuple crie et rage autour des ambassades.
Bient()t, l'immense guerre envahit les pays.
Les bataillons teutons descendus vers Paris
Sont rejetés et poursuivis jusqu'en Champagne ;
Et puisqu'il fait accueil à tout homme lassé,
Le grand temple de gloire et d'amour traversé
S'en vient aussi vers eux du fond de la campagne.
l/u canon tout à coup est braqué contre lui :
11 n'est pignon, il n'est muraille
Qui ne souffre, le jour, la nuit.
Du brusque éclatement des blocs de la mitraille;
Le tocsin saccadé, halète au creux des tours ;
La triple nef, l'abside et le chœur solitaire
— 134 —
Sont entoures la nuit, le jour,
D'une ceinture de tonnerres
El le crime rôdeur guette et répand la mort.
•Alors.
Ce qui fut la splendeur des choses baptisées :
Ogives vers leurs voûtes immobiles élancées.
Verrières d'ombre et d'or, transepts, piliers géants.
Orgues faisant un bruit d'orage et d'océan,
Cryptes dont les grands morts heurtaient les labyrinthes,
Douces mains de la Vierge, et regards purs des saintes.
Tout, jusqu'aux bras du Christ, immense et pardonnant,
Fut jeté et broyé sous le piétinement
Du plus rageur des sacrilèj5!;-es.
0 merveille tuée, 0 beauté prise au piège !
Murs de force et de foi atrocement fendus !
Ainsi qu'un rampement de luisantes couleuvres,
Le feu mordait la chair divine des chefs-d'œuvre :
On entendait souffrir de beaux gestes tendus
— Depuis quel temps — vers la pitié et la justice.
De pauvres voix sortaient du marbre et du granit,
I^es ostensoirs d'argent par les pages bénis.
Les chandeliers, et les crosses, et les calices
Etaient mordus par les tlammes et s'y tordaient ;
L'horreur était partout propagée et brandie,
Les vieux saints du portail choyaient dans l'incendie.
Et leurs pleurs et leurs cris dans la mort se perdaient.
Autour du grand brasier se battaient les armées,
Le sol retentissait oncor sous leur effort
Que soudain les Teutons rallièrent au nord
Leur gauche effrayamment foulée et décimée;
— l.V> —
Pourtant, avant de fuir,
Les aigles impériales
Certes, ont dil voir
Là-bas, au fond du soir.
Avec ses bras brilles, lu vieille cathédrale
Tendi*c leur honte à l'avenir.
Emile Verhaiiudc.
(Publié daos The yation, ii o.iot.r,. i«»H »
TABLE DES MATIERES
LOUVAIN
Commnnif/nès el liappnrls.
Louvnin en ruines (Havas) 5
L'horrible destruction de Louvain, d'après l'As^ence Woltt' 6
Les excuses allemandes (source officielle) 7
Les horreurs de Louvain (de source allemande) ... 6
Version communiquée par le Consulat d'AUemag^ne à
Genève 9
Deuxième rapport de la Commission d'enquête belge . 4 i
Réponse de l'Agence Wolff' 18
K.xirait du troisième rapport .19
Kxtrait du cinquième rapport ... . iO
Les exhumations de Louvain . .23
REIMS
Communiqués. — Rapports. — Récils.
Extraits des communiqués officiels français .... 16
Notes allemandes "17
Protestation de M. Landricux. — Réponse de l'Agcn.
Wolff i^
Les journées du 4 septembre au 12 octobre (lettre de
M. Langlet, maire de Reims) i9
I^* Drapeau blanc sur les tours de la cathédrale (récit
de M. Landrieux l»
Ui vérité sur l'incendie de \.i raihrdrali' Irvc'ii de M, I^-in-
drieux) .
Procès-verbal de l'éUtl ili- lu riiilniliiili: ^(itr>sr p.ir n
maire de Reims et l'architecte des monuments hislo
riques) ... M
- i.n —
Rapport (le M. Whilney VV'arrcri . . kK
Ht'ims (lettre de France), P. Chuvanoes .0
l'KU 1 tb 1 ATlONii
Suisse.
fcixtrail du discours de M. II. Fazy .1
Id. de M. le conAeiller fédéral .Mull
Id. de M. Henri Calainc ...
Kx Irait du procès- verbal de la séance du Grand Conseil
genevois 05
Kx trait du procès- verbal de la séance du Conseil muni-
cipal genevois 60
tixtrait du discours de M. Ernest Chavannes, à I^unanne M
Id. de M. Comtesse ... M
Extrait de la conférence de M. Cari Spitteler . 67
Extrait de la brochure de M. Charles Vuille . '«T
Proii'slalion du professeur Velter (Louvain) . • ^
Id. (Reims) :>
l'iDk'slation de la Société vaudoise des iniçénieursj
chitectes >*
Protestation des peintres, sculpteurs et architectes gene-
vois 7M
IVotestation suisse contre le bombardement de Heiiiis . 79
Etats-L'nis.
Protestation des écrivains des Etats-Unis 91
( n appel à l'Académie américaine des arts et des lettres 91
Italie
Après la destruction de Louvain '.».'>
Après la destruction de la cathédrale de Heims ... 96
Letterati eil Artisti it.iliani '•if-' '•' I' "h-'-i*' twiesca a
Keims . . ... 97
IrcciiTick van ticdcii : A mes cliris i-i«iiiiiiti(iH !♦>!
- 138 —
PagM
Portugal.
La protestation du Portugal contre les vandalisraes teu-
toniques i04
liussie.
A propos des vers de Rostand (Alexandre Benoit) . 107
Angleterre.
Rritain's destiny and duty (Declarationby Authors). . 114
Protestation des artistes, écrivains et penseurs anglais . 117
Divers.
Lettre de Romain Rolland à Gerhart Hauptmanii 123
Réponse de Gerhnrt Hauptmann à Romain Rolland. 125
Réponse de Romain Rolland 128
Napoléon au lendemain de Jéna : « Je ne fais pas la guerre
aux arts » 130
La Cathédrale de Reims, poème d'Emile Verhaeren. 135
TABLE DES GRAVURES
1. En Belgique: Intérieur de l'église de Penryse après le
boml)ardement.
2. Les tours de la cathédrale de Reiras.
3. Arras. L'IiAtel de Ville.
i. Les restes de la grande cloche de la cathédrale de Louv«in.
5. Reims. Intérieur de la cathédrale.
6. L'incendie de la cathédrale de Reims (seconde phase).
7. Arras. Le coin de l'Hôtel de Ville.
8. Ypres. \^ tour des Malles.
9. Reims. Intérieur de la cathédrale.
10. Arras. L'IlAtel de Ville.
11. Reims. L'Archevêché.
12. Eglise de Heit2-le-Maurupt.
13. Louvain après l'incendie.
14. Plaquette Angst (recto).
18. Id. (verso).
lO"'^ Cahier vaudoh
LOUVAIN...
REIMS...
ARTIGLKS DE :
André Suarès : La Plainte de Rheims.
Romain Rolland : Pro Aris.
René Morax : F.e droit à la résistance.
Dr Auguste Forki Deux mots sur l'oriçine ps^cho-
physiolog-ique de la {guerre ac-
tuelle.
N. L. (traduit du russe L'opinion de Dostoïevskv sur TAlle-
par A. LanTiIk) : masç^ne et les Allemands.
LETTHKS DK :
i*Ai L Claui>ki., Jacques Copeau, Dr Alkonso Costa,
Louis Dumur, Gugglielmo Ferrero, Josk di Figubreoo,
Paul Fort, Ada Negri, Oiuseppe Prezzoli.m, Tkixeira de
QuiEROz, Auguste Rodin, Nicolas Roubakinb, I)r« Roux
et Metchnikoff, Comte W. van dex Steen i»e Jeiiay. Igor.
Strawlnsky, Micuel de Unamuno, K.mile Vkrii.krkx.
(CUché MeoriMe. ParUi
En Belgique.
Inlérieur de l'église de Perryie «prè» le bombArdement.
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iClIché dû à l'obligeance de M. Withnay Warrwi.)
Arras. — L'Hôtel de Vitle.
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yCLiché MvuriMe. Paris
Rbims. — Intérieur de la Cathédrale,
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(Cllchêdù à rohilgr.iiu.- <l. M Wiilm.v \N rrcll}
AnnAS. — Le coin tie l'Ilûtrl de Ville.
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(Cliché Ch. Bcrtliclomier. Paris.)
YiMiES. — La Tour ilrx Hnllfu.
(Uiché MeurikM. Paris.)
Rkims. - Intérieur de la Cathédrale,
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(CUché dû A l'obligeance de M.NVithnoy Warren.)
Ahras. - /.7/d/e/ </« Ki7/e.
(Cliché dû à l'obligeince d« M Wilhney Warren.)
Kg t lie de HeUtt'le-MaurupL
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