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li
Presented ta the
UNIVERSITY OF TORONTO
LIBRARY
by the
ONTARIO LEGISLATIVE
LIBRARY
1980
MADAME DE LA FAYETTE
/
CAMBRIDGE UNIVERSITY PRESS
C. F. CLAY, Manager
LONDON : FETTER LANE, E.C. 4
NEW YORK : THE MACMILLAN CO.
BOMBAY 'j
CALCUTTA i MACMILLAN AND CO., Ltd.
MADRAS j
TORONTO : THE MACMILLAN CO. OF
CANADA, Ltd.
TOKYO : MARUZEN-KABUSHIKI-KAISHA
ALL RIGHTS RESERVED
1
MARIE MADELEINE PIOCHE DE LA VERGNE
COMTESSE DE LA FAYETTE ( 1634 1693)
D'APRES UN PORTRAIT CONSERVÉ AU
CHÂTEAU DE CHAMBORD
57555
MADAME DE LA FAYETTE
SA VIE ET SES ŒUVRES
PAR
H. ASHTON
MAÎTRE ES ARTS DE l'uNIVERSITÉ DE CAMBRIDGE
DOCTEUR ÈS LETTRES (BIRMINGHAM)
DOCTEUR DE l'uNIVERSITÉ DE PARIS
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
K 7 !?;■ r ,^
CAMBRIDGE
AT THE UNIVERSITY PRESS
1922
TO THE PRESIDENT AND GOVERNORS OF THE UNIVERSITY
OF BRITISH COLUMBIA THIS BOOK IS DEDICATED IN THE
HOPE THAT IT WILL PROVE TO BE ONE OF A SERIES OF
CONTRIBUTIONS TO KNOWLEDGE PUBLISHED UNDER THEIR
AUSPICES. WERE IT NOT FOR THEIR BROAD-MINDED POLICY
IT COULD NOT HAVE BEEN PUBLISHED IN THESE TIMES OF
STRESS
TO THE MEMORY OF DR FRANK FAIRCHILD WESBROOK
FIRST PRESIDENT OF THE UNIVERSITY OF BRITISH COLUMBIA
\Î05
As s
PRINTED IN ENGLAND
PREMIÈRE PRÉFACE
Cette modeste étude ne prétend pas être un ouvrage sur la vie
et les œuvres de Madame de La Fayette. Si elle porte ce titre
c'est pour annoncer ce que Fauteur avait l'intention de faire
plutôt que pour désigner ce qu'il a fait.
La biographie, essentielle pour la compréhension de l'œuvre
de notre auteur, était à faire, ou à refaire. Ce travail fut plus
pénible que nous le croyions, au début. Il existe, il est vrai, un
petit hvre de M. d'Haussonville qui nous servit de guide tout au
commencement de nos recherches, mais les sources n'en furent
pas moins difficiles à retrouver.
La bibhographie, bien que réléguée à la fin du livre, n'en est
pas la partie la moins importante. Elle nous a coûté de longues
et patientes recherches, car, en ce domaine, tout était à faire.
Nous osons croire qu'elle rendra des services à nos confrères.
Dans l'étude détaillée des œuvres nous avons essayé de
montrer l'évolution du talent de Mme de La Fayette et, en
cours de route, nous avons réfuté diverses opinions à propos de
la place qu'elle occupe dans l'histoire du roman.
Nous tenons à remercier Mme V^ Jagerschmidt^ et MUe
Feuillet de Conches de l'obligeance avec laquelle elles nous
communiquèrent des documents importants. Nous espérons
pouvoir dater ces lettres et les pubher ensuite dans un recueil.
Nous regrettons de n'avoir pu fondre tous nos documents
dans une étude vraiment littéraire et digne des vieilles uni-
versités où nous avons fait de si utiles et de si agréables séjours.
Nous osons croire, cependant, que ces matériaux, sans embel-
hssements Uttéraires, seront plus appréciés que des embeUisse-
ments Uttéraires ne reposant sur aucun document.
H. A.
ViLLETTE (Seine et Oise).
Avril 1914.
1 Mme V^ Jagerschmidt est décédée le 10 avril, 1915.
ONDE PRÉFACE
Ce travail, terminé en 1913, était sous presse en Belgique en
1914. La préface a déjà porté les mentions Villette, Paris,
Cambridge, Birmingham, et c'est à l'autre bout du monde, sur
les bords de l'Océan Pacifique, que j'écris cette seconde préface
sans avoir jamais eu à ma disposition une bibliothèque assez
riche pour me permettre de refaire l'ouvrage. Quelques notes
seulement ont été ajoutées et des articles de revue viendront
bientôt compléter mes conclusions.
Je remercie le Maître et les Fellows du Collège Gonville et
Caius à Cambridge et le Conseil d'Administration de l'Uni-
versité de la Colombie Britannique de leur contribution aux
frais d'impression.
H. A.
Vancouvee, C.B., Canada.
Septembre 1922.
I
TABLE DES MATIERES
CHAPITRE PAGE
I L'ENFANT. 1634-1649 1
II LA JEUNE FILLE. 1650-1655 17
III L'ÉPOUSE. 1655-1659 . 44
IV LA DÉBUTANTE. 1659-1662 66
V LA PARISIENNE ET SES AMIS 85
VI LA DAME D'HONNEUR. 1660-1670 .... 114
VII LE ROMANCIER,— Z^/Z)^ . .... 127
VIII LA MÈRE . . 140
IX LE PSYCHOLOGUE— L^ PRINCESSE DE C LÈVES . 154
X LE DIPLOMATE 180
XI L'HISTORIEN ET SES DERNIÈRES ANNÉES. 1683-
1693 193
XII L'ÉPISTOLIÈRE— L'ÉCRIVAIN— LE PHILOSOPHE . 213
BIBLIOGRAPHIE DES ŒUVRES DE MADAME DE LA
FAYETTE ... 225
ICONOGRAPHIE 240
APPENDICE
I LE CARDINAL DE RETZ ET MLLE DE LA VERONE 241
n LE CONTRAT DE MARIAGE DE MME DE LA FAYETTE 244
III (a) LA RECONNAISSANCE DONNÉE PAR M. DE LA
FAYETTE 249
(b) LA DOTATION RÉCIPROQUE 251
IV UNE GÉNÉALOGIE DE LA MAISON MOTTIER DE
LA FAYETTE 254
viii Tahle des Matières
APPENDICE PAGE
V DES RENSEIGNEMENTS SUR LES TERRES DE LA
FAMILLE LA FAYETTE 257
VI MADAME DE LA FAYETTE ET LES AFFAIRES DE
SAVOIE 258
VII LES SENTIMENTS DU SIEUR ROSTEAU . . .262
VIII QUELQUES OPINIONS SUR LA PRINCESSE DE
CLÈVES 263
IX LE TESTAMENT DE MADAME DE LA FAYETTE . 266
X L'AVEU DANS LE ROMAN: LES DÉSORDRES DE
UAMOUR 268
LISTE DES OUVRAGES CONSULTÉS 270
INDEX DES NOMS PROPRES 281
PORTRAIT
MADAME DE LA FAYETTE en regard du titre
CHAPITRE PREMIER
LENFANT. 1634-1649
Madame de La Fayette, née Marie-Madeleine Pioche de La
Vergne, était parisienne. Elle naquit et elle habita pendant la
plus grande partie de sa vie dans un faubourg de la capitale, qui
paraît avoir été le " Passy " du XVIIe siècle. Elle vint au monde
au bon moment — en 1634, et au bel endroit — dans le quartier
Saint-Germain.
Pour qui connaît le quartier actuel avec ses maisons de
rapport, ses magasins, ses autobus et son " métropoUtain," il est
assez difficile de se le représenter tel qu'il était à l'époque où
Madame de La Fayette y vécut. Bien que ce fût un faubourg, il
était plus rapproché du centre qu'il ne l'est de nos jours, car la
Seine avait alors beaucoup d'importance et "les grands boule-
vards" n'en avaient point, pour la bonne raison qu'ils n'exis-
taient pas. C'était un quartier qui grandissait. A la fin du
XVIe siècle, le bourg Saint-Germain avait pour hmite la tranchée
qu'on creusa dans tout son périmètre en vue de sa défense ; mais
le premier quart du XYII^ siècle ne s'était pas écoulé, que déjà les
maisons du faubourg, ayant franchi la tranchée, se pressaient
le long de la rue du Bac et des autres grandes artères de la
plaine 1.
De nouvelles égUses^, de nouveaux étabhssements religieux
se bâtissaient, ou, même, depuis quelque temps, se dressaient
orgueilleux parmi les bâtiments neufs. Les quatre anciennes
portes, qui disparaîtront du vivant de Madame de La Fayette,
sont encore debout et le quartier est séparé de la ville. "La
demeure en a de tout temps paru si agréable aux gens de bon
1 Berty et Tisserand, Topographie historique du vieux Paris, Paris
1876, Fo. T. I. p. 11.
2 Entre d'autres, l'église Saint-Sulpice où la petite La Vergne sera
baptisée; "Cette égKse," écrit Sauvai {Antiquités de Paris, T. ii. p. 435),
" après avoir été rebâtie en plusieurs tems fut construite tout de nouveau
en 1645, où Gaston de France, Duc d'Orléans mit et posa sa première
pierre; mais ce bâtiment se trouvant encore trop petit, on en recommença
vin autre en 1655, dont la Reine Anne d'Autriche posa la première pierre,
qui est le même que l'on voit aujourd'hui, qui n'est pas achevé de bâtir."
A. 1
2 Madame de La Fayette [ch.
goût," nous dit Germain Bricei, " qu'elle a toujours été préférée
aux autres de la ville pour plusieurs bonnes raisons, puisque
toutes sortes de commodités s'y trouvent sans peine et que l'air
est infiniment plus pur et plus sain qu'ailleurs, la plupart des
maisons étant séparées par des jardins qui les rendent agréables
et bâties presque toutes sur un terrain neuf." C'est pourquoi
ce quartier fut aimé des étrangers qui visitaient Paris. La plu-
part des hôtels qui figurent dans le Livre commode des adresses
de Paris^ étaient dans le faubourg Saint-Germain et nous lisons
dans les Annales de la Cour et de la Ville pour les années 1697-
1698^ que "depuis que la paix était faite il y avait eu dans Paris
un si grand abord d'étrangers que l'on en comptait quinze à
seize mille dans le Faubourg Saint Germain seulement." Un
d'entre eux — l'Anglais John Evelyn — écrit dans son journal à la
date du 24 décembre 1643 : "The suburbs are those of St Denys,
Honoré, St Marcel, Jacques, St Michel, St Victoire et St Ger-
main which last is the largest and where the nobiUty and persons
of quahty are seated*." Ainsi, c'était un quartier fort bien fré-
quenté; c'est là que se trouvaient les "académies" où les jeunes
gentilshommes recevaient leur éducation mondaine.
Comme en font foi les copies de registres conservés à la
BibHothèque Nationale, c'est le 18 mars 1634 qu'eut heu en
l'église Saint-Sulpice le baptême de "Marie Madeleine fille de
Marc Pioche, Ecr sieur de la Vergne et de Délie Ehsabeth Péna^.
P : Me Urbain de Maillé Marquis de Brezé Chler des Ordres du
Roy, c, en s. c. Mal de France et gouverneur des villes et cita-
delles de Saumur, Calais pais reconquis. M: D. Marie Madeleine
de Vignerod de Combalet^."
1 Description de la Ville de Paris, 6e édit. 12», Paris, 1713, T. m.
p. 3 et smv.
2 Par du Pradel, Édit. Elzév. Paris (Plon-Nourrit), 2 vols.
3 T. II. p. 135.
* Édit. W. Bray, Londres, 1906, 4 vols. 8°, T. i. p. 47.
^ On lit lin peu partout que Madame de La Fayette était fille d'Aymar
de La Vergne. Nous n'avons trouvé ce nom dans aucun acte authentique.
La source de cette erreur, comme de beaucoup d'autres au sujet de
Mme de La Fayette, est probablement la notice du Père Anselme
(T. VII. p. 62). Le Père Anselme confond la mère (qu'il appelle Marie de
Pêne) et la fille; il fait épouser cette dernière par le Chevalier de Sévigné.
D'Hozier la dit fiUe de Jean Pioche, précepteiu:- de César duc de Vendôme
et de Jeanne Miron.
« Mss. fr. 32593, p. 178. "Ce fut le dix-huitième jour du mois de
mars 1634 disent les registres de la paroisse Saint-Siilpice," écrit M. le
Comte d'Haussonville dans son étude sur Mme de La Fayette (Paris,
i] U Enfant 3
Ce document ne nous renseigne guère sur les parents de
l'enfant. Nous voyons d'après les titres d'Ecuyer et de Demoi-
selle qu'ils étaient nobles; si nous les croyons tous les deux de
très petite noblesse, c'est plutôt parce que nous ne trouvons
aucune preuve du contraire que grâce à des renseignements
précis. Ce titre d'Écuyer ne signifie rien en lui-même. Jusque
sous Louis XIII, c'était la seule qualité que les seigneurs ordi-
naires ajoutaient à leur nom. "On voit même," dit d'AveneP,
"des descendants de très illustres maisons qui n'en prennent
jamais d'autres : ils n'avaient droit qu'à celle-ci d'ailleurs, à moins
d'être pourvus de quelque charge considérable qui leur donnât
le titre de chevalier." Se dire Écuijer c'était donc se dire de
race noble. Mais d'Avenel continue: "Louis XIII permet
cependant pour quelques écus, à ses valets de chambre, huissiers
de chaînbre, portemanteaux et valets de garde-robe, de se qualifier
et user du titre d'écuyer: il donne le même droit aux chevahers
du guet et à leurs lieutenants — simples agents de police — aux
gardes du corps français et étrangers, aux commissaires des
guerres, enfin à peu près à tous ceux qui peuvent le désirer."
Hachette, 2^ édition, 1896, 1 vol. in 12°, p. 8). Nous n'avons pas pu
voir les registres de la paroisse Saint-Sulpice car ils ont disparu dans l'in-
cendie du 24 mai 1871, qui, en consiunant à la fois les Archives de la
Seine et le Greffe du Palais de Justice, a anéanti les deux exemplaires
de ces registres qui existaient encore. Il nous reste heureusement quelques
extraits des registres de baptême de la paroisse Saint-Sulpice, d'après
lesquels nous établissons la date du baptême. Jusqu'en 1846 on croyait
que Mme de La Fayette était née au Havre. C'est cette erreur qui fait
dire à Casimir Delavigne dans son Discours d'inauguration de la Salle
de Spectacle du Havre (au Havre, chez Chapelle, 1823) :
Oui, vous deviez \in temple aux filles d'Apollon:
Elles ont eu des sœurs dans ce riant vallon,
C'est toi que j'en atteste, aimable Lafayette,
De Clèves et de Nemoiirs muse tendre et discrète,
Qm dérobas ta vie à la célébrité
En illustrant le nom que Segrais t'a prêté.
Mais pendant l'année 1846, A. T. Barbin, en feuilletant, dans les
archives de l'Hôtel de Ville, les registres qui ont été détruits depuis,
trouva le passage dont noios venons de donner la copie {Journal des
Débats, 22 nov. 1846). Malgré cette découverte, l'erreur traîne dans
beaucoup de livres (p. e. Dict. de Jal, 2"^ édit. 1872 ; Prof. Hector
Ferettini, Étude sur Mme de la Fayette, Milan, 1901 ; R. Doumic, Hist.
de la Litt. fr. Paris, 19*= édit. p. 293 — où, soit dit en passant, on peut lire
également que M. de La Fayette a survécu à sa femme !).
^ D'Avenel, La noblesse française sous Richelieu, p. 307.
1—2
4 Madame de La Fayette [CH.
D'autre part Tallemanti raconte l'histoire suivante qui nous
montre que La Vergne fut connu du roi, "Au commencement,
le Roy estoit assez gay....Le filz de Sebastien Zamet qui mourut
mareschal de camp à Montauban....avoit avec lui La Vergne,
depuis gouverneur du Duc de Brezé, qui estoit curieux d'archi-
tecture et y entendoit un peu. Or ce Zamet estoit un homme
fort grave et qui faisoit des révérences bien compassées : le Roy
disoit qu'il lui sembloit, quand Zamet faisoit ces révérences, que
La Vergne estoit derrière pour les mesurer avec sa toise."
Guillard^ ne dit pas que La Vergne était simplement "cu-
rieux d'architecture," mais bien qu'il était "masson ou archi-
tecte" et qu'il "quitta ce mestier pour être gouverneur du duc
de Fronsac ou de Brezé." Marc Pioche portait-il donc le patrony-
mique d'une famille de maçons-architectes, qui, s'étant enrichis,
avaient fait entrer ]eur fils dans la carrière des armes, après avoir
transformé leur nom en Pioche de La Vergne ? Nous ne pouvons
rien affirmer sur la famille du père de Madame de La Fayette et
nous ne devons pas ajouter trop de foi à ce que dit Guillard, car,
bien qu'il ait écrit du vivant de Madame de La Fayette, il ne
paraît pas avoir cherché très loin le souci de la généalogie. Après
nous avoir ainsi renseignés sur Marc Pioche de La Vergne, il
continue: "sa femme estoit fille du médecin Akakias^. " Mais
nous savons qu'en réahté eUe se nommait Élizabeth ou Isabel*
Péna et nous avons sur sa famille quelques renseignements.
Auger^ nous apprend qu'au XIII^ siècle, un ancêtre de la
mère de Madame de La Fayette " Hugues de Péna, secrétaire du
roi de Naples, Charles I^r, et auteur de tragédies, avoit reçu
^ Tallemant des Réaux, Historiettes, Éd. Monmerqué, T. ii. p. 242.
"Historiette sur Louis XIII."
2 Généalogies, Remarques du Sr. Guillard, Bibl. Nat. ms. fr. 25187, P 30.
* Peut-être s'agit-il de sa première femme. Voir à la page 6.
Un Akakia, le grand, ou du moins le premier du nom, mourut en
1551, son fils en 1588. La race s'éteignit avec le dernier médecin Akakia
en 1677. Celui-là aurait été un cousin de Mme de La Fayette. On en
aurait parlé, croyons-nous.
^ Bien qu'il y ait Élizabeth sur la copie de l'acte de baptême, les
mêmes registres portent Isabel à la page 160, à l'occasion du mariage de
Pierre le Roy auquel Marc Pioche de La Vergne et sa femme Isabel Péna
ont assisté, et encore à la page 191, à l'occasion de son mariage avec le
chevalier de Sévigné. Dans le contrat de mariage de son frère Gabriel
elle fut appelée tantôt Élizabeth, tantôt Isabel (Bibl. Nat. Cab. Titres,
Pièces orig. 2229). Enfin, elle signe elle-même Isabelle im reçu conservé
à la Bibl. Nat. Cab. Titres, Pièces orig. 2287).
^ Édition des œuvres de Mme de La Fayette. Voir bibliographie.
i] • L'Enfant 5
le laurier du poëte des mains de la reine Béatrix. " Jay^ rap-
porte aussi ce fait et ajoute que "dans le seizième siècle Jean de
Péna se rendit illustre par de profondes connaissances dans les
mathématiques et les enseigna même avec distinction au Collège
de France^." Si, comme le désire M. d'Haussonville^, "ceux qui
sont curieux des phénomènes de Vhérédité''' doivent lui savoir
gré ''de leur rappeler ce premier faif^ et aussi que la famille Péna
eut toujours en Provence renom de littérature et d'érudition,^''
d'autres, en lisant le renseignement donné par Jay, trembleront
à la pensée que Madame de La Fayette, de par sa mère, aurait
pu devenir professeur de mathématiques au Collège de France !
Madame de La Vergne avait un frère, Gabriel Péna, écuyer,
sieur de Saint-Pons, qui fut capitaine au régiment du marquis
de Brézé^, un autre frère dont nous ne savons pas le nom^, et un
oncle Lazare Péna, écuyer, sieur de Moustier et de Montargis'.
Voilà tout ce que nous avons pu glaner sur la famille^ et cela
suffit. Nous savons dès maintenant qu'elle était de petite
noblesse^ comme celle de La Vergne.
Le mariage fut célébré probablement à l'église Saint-
Sulpice; c'est là qu'au mois de février 1633 avaient lieu les
fiançailles^". La Vergne était probablement plus âgé que sa
^ Édition des œuvres de Mme de La Fayette, de Tencin et de Fon-
taines. Voir bibliographie
^ Guillaume du Val, Histoire des professeurs du Collège Royal, 1644
(Bibl. Nat. R. 7347). "Jean Pena. II fut professeur du Roy, peu de
temps, et ce environ l'an 1556. Il décéda l'an 1560 et est croyable que
la chaire fut établie povtr lui, n'ayant succédé à personne et n'ayant eu
successeur que je sçache." De Thou en fait également mention et dit
qu'il est mort en 1558. ^ D'Haussonville, op. cit. p. 10.
* La célébrité littéraire de Hugues de Péna.
^ Bibl. Nat. Cabinet des Titres, Pièces originales 2229.
* D'après les copies de registres de Saint-Sulpice déjà citées, p. 132,
19 déc. 1641. Mariage d'Estienne de Pardieu et de Delle Anne Péna,
présents Gabriel Péna, oncle de la dite, capitaine, etc.
' Contrat de mariage de Madame de La Fayette (voir à l'appendice) ;
copies des registres de Saint-SuJpice le 30 mai 1645. Mariage de Pierre
le Roy, Présents — Éléonor Merlin femme de Me. Péna, etc.
^ Ajoutons par acquit de conscience — Arnaud Gaufridi,G. d'Aix, 1580,
donne les armes de Péna: d'arg. à l'estoile d'or en chef. Bibl. Nat. Cab.
Titres, Pièces orig. 2229.
^ Gabriel épouse Marie Bricard, veuve de Jehan Bordier, argentier de
la petite escurie du Roy. Anne épouse Estienne de Pardieu tout coxirt.
1° Nous n'avons pas pu retrouver l'extrait de mariage mais le ms.
32839 Bibl. Nat. (registres de St-Sulpice) nous donne p. 82, "1633, le
5 fév. fiançailles de Marc Pioche, écuyer, sieur de La Vergne."
i
6 Madame de La Fayette [ch.
femme, car il était veuf et, en 1619, il est déjà question de lui
et de sa première épouse, Claude Bérard, dans un acte notarié
fait à Saint-Denys par le baron dudit lieui.
De ce précédent mariage étaient nées au moins deux filles
dont l'une est morte en 1671. L'autre qui a survécu à Mme de
La Fayette est mentionnée dans son testament. Elles étaient
toutes les deux religieuses, mais nous ne savons pas la date de
leur entrée en religion. Il est à supposer que la petite Marie -
Madeleine les a connues et a eu le temps de les aimer avant leur
entrée au couvent, puisque la mort de la première la toucha vive-
ment^ et qu'elle prit soin de la survivante.
C'est fort probablement après la mort de leur père qu'elles
ont pris le voile, car, dans le passage de la Reconnaissance des
biens de Mme de La Fayette où il est question du contrat de
partage fait à la mort de La Vergne, on lit : "les dites damoiselles
ses sœurs depuis professes^."
Un seul enfant naquit du second mariage: ce fut Marie -
Madeleine*. Comme on l'a pu voir d'après l'extrait de baptême,
ses parents surent lui trouver des parrains illustres : Urbain de
Maillé, marquis de Brézé, était le beau -frère du cardinal de
Richelieu. Et ce n'est pas de cette parenté seule que venait sa
puissance: le roi Louis XIII avait "quelque sorte d'inclination
pour lui," nous dit le cardinal de Retz^ qui ne l'aimait guère^,
et cette inclination paraît avoir donné au maréchal tant d'in-
fluence que RicheUeu lui-même en avait peur et le ménageait
le plus possible'''. La correspondance inédite du maréchal
conservée au British Muséum montre quel rôle important il
jouait dans les affaires du temps ^. Il nous semblerait étonnant
1 Bibl. Nat. Cabinet des Titres, Pièces originales 2229.
2 Madame de Se vigne, 6 fév. 1671. Éd. Grands Écrivains, T. n.
p. 46: "J'allai ensuite chez Madame de La Fayette qvii redoubla
mes dovileurs par la part qu'elle y prit. Elle était seule et malade et
triste de la mort d'une sœur religieuse; elle était comme je la pouvais
désirer." ^ Voir l'appendice m.
* Bibl. Nat. Cabinet des Titres, Pièces originales 2287, Pioche, f° 16:
"Me François de La Fayette dame Marie Mag"^ -Pioche de la Vergne son
espouse fille vinique seulle héritière — "
6 Œuvres, Éd. Alphonse Feillet, Paris, 1870, 8", T. i. p. 154.
® Ibid. I. p. 39: "Le maréchal de Brézé homme de très petit mérite"
etc ; p. 104: "Il était pourtant fort extravagant."
7 Tbid. I. p. 104.
^ Cette correspondance fut signalée dans un article intitvilé Les amis
du Maréchal de Brézé — supplément à un article de Bayle dans le Cabinet
Historique (Éd. Louis Paris), T. xv. Paris, 1869, 8°, l^re partie, p. 32.
i] UEnfant 7
que l'obscur La Vergnc ait pu obtenir d'un homme aussi puis-
sant qu'il assistât en qualité de parrain au baptême de sa fille,
si nous ne savions déjà par Tallemant que La Vergne était au
service du maréchal en quaUté de gouverneur^.
Quant à la marraine, Madame de Combalet, plus tard
duchesse d'Aiguillon, elle était la nièce favorite du Cardinal —
et s'il faut en croire les récits médisants de l'époque — des liens
particuHèrement étroits les unissaient. Si elle assista à ce
baptême ce ne fut pas uniquement pour montrer qu'elle était
une personne religieuse et charitable mais bien parce que la
mère de la petite fille était une de ses dames d'honneur.
Ce parrainage ne paraît pas avoir été très utile à Marie-
Madeleine. Le marquis mourut peu après La Vergne^, au moment
précis où il aurait pu, sans doute, rendre des services à sa filleule
qui rentrait alors à Paris. La marraine, il est vrai, employa
La Vergne au Havre, mais sa filleule ne comptait pas parmi ses
amies, soit à cause de la différence d'âge qui les séparait, soit
parce que leur condition sociale n'était pas la même.... Toujours
est-il que son nom ne figure point parmi ceux des vingt-neuf
personnes qui se partagèrent la fortune de la duchesse.
Il ne faut peut-être pas regretter cette absence de relations.
Bien que dernièrement on nous ait présenté Mme de Combalet
comme une sainte 3, les documents du temps donnent une triste
opinion de sa moraUté. L'impression qui se dégage des témoi-
gnages contemporains, même lorsqu'on a fait une large part aux
haines pohtiques, est que Mme de Combalet n'était pas de ces
femmes dont on aime à souhaiter l'amitié pour une jeune fille*.
Elle fait partie de l'Egerton Collection N^^ 1687 à 1692 et va de l'année
1627 à l'année 1649.
^ L'exemplaire du Segraisiana qui se trouve à la Bibliothèque de
l'Université de Paris porte en marge de la page 9 où il est question de la
Princesse de Clèves la note suivante de la main de Turgot: "Marie de la
Vergne C^ de La Fayette a aussy écrit Vie de Mad. Henriette d'ang. f. de
Mr m. en 1670 impr^ à Amdam, 1720. Elle étoit d'une naissance très
médiocre son p. étoit chès Mr de Valeneey, sa mère étoit chès la Duché
d'Aiguillon — " etc. Nous n'avons pu vérifier ce fait. Notons poiu-tant,
en passant, qu'une des sœurs de Madame de La Fayette (du premier lit)
était religieuse ursuline à Valeneey (Testament).
2 Le 13 fév. 1650, âgé de 53 ans, au château de Milly dans l'Anjou.
3 Bonneau- Avenant (Cte de), La Duchesse d'Aiguillon, 2<^ édit.
Paris, 12°.
* M. Emile Magne résume ces documents avec une franchise que nous
n'osons pas imiter ici. Voir Le plaisant abbé de Boisrobert, Paris, 1 vol.
12°, 1909, pp. 263-265 et les notes à ces pages.
8
Madame de La Fayette
[CH.
Après le baptême, le premier renseignement que nous
trouvons sur la vie de La Vergne nous est fourni par un poème
manuscrit "Z)e Monsieur le Pailleur^ étant à la campagne avec
Mme la maréchale de Thémines à Mr de la Vergne gouverneur de
Mr le Marquis de Brézé"
Je suis ctirieux de nouvelles
Autant de laides que de belles.
Un soldat m'apprit l'autre jour
Que Pontoise estoit ton séjour.
Il me dit tes soins et tes veilles,
Il me raconta des merveilles
De tes fortifications.
Il me parla fort du Marquis.
Il me dit que ta chère femme
Est une bonne et belle Dame
(Oyseau rare en cette saison !),
Qu'elle garde bien la maison,
Entretient bien la Compagnie
Avec sa petite Ménie,
Qui de son côté vaut beaucoup.
Surtout quand elle fait le loup
Son devanteau dessus sa tête.
Ainsi le Cavalier parla.
But deux coups et puis s'en alla^.
On remarquera que Le Pailleur donne à La Vergne le titre
de "Gouverneur de Mr le Marquis de Brézé" et nous apprend
qu'il est à Pontoise. Aussitôt M. d'Haussonville^ écrit "Un
obscur poète, du nom de Le Pailleur, nous apprend que son
père" (c'est à dire le père de Marie-Madeleine) "y commando! t
au nom du marquis de Brézé" et à la même page "Pioche de
la Vergne sera gouverneur de Pontoise pour le compte du
marquis de Brézé."
D'après des recherches faites à Pontoise, il ne ressort pas que
ce soit la conclusion qu'il faudrait tirer de ces vers. Le régiment
^ Povir des renseignements sixr ce poète voir l'historiette de Talle-
mant des Réaux, Éd. Monnierqué, T. m. p. 237 et les Œuvres poétiques
de Dalibray, Édit. Van Bever, 1906, passim. Le Pailleur était un goinfre
assez drôle. Il était allé visiter le maréchal de Thémines, gouverneur de
la Bretagne, qui mourut en 1627. Le Paillevir devint le commensal de
sa veuve.
2 Bibl. Arsenal mss. Conrart, T. xxix. P 307, N» 4127.
^ Op. cit. p. 9.
i] UEnfant 9
du marquis de Brézé était à Pontoise en 1636-1637 car le 27 mai
1643 le corps de ville examine les comptes "des feas sieurs
Chartin et Soret pour le faict des deniers qu'ils ont touchés et
déboursés aussy pendant les années mil six cent trente-six et
trente-sept que les régiments des gens d'armes de la TrémouiUe
et de Breizé ont logé en cette ville^." La première mention du
régiment se trouve sous la date l^r décembre 1636, quand les
échevins sont autorisés à recevoir des collecteurs des tailles une
somme de 3000 livres tournois, pour satisfaire à une réquisition
du marquis de Brézé tenant garnison à Pontoise, et à prendre
des mesures utiles pour répartir cet impôt entre les habitants de
la ville. Le 26 janvier 1637 il est impossible de continuer à
payer la subsistance du régiment de M, de Brézé. Les collecteurs
n'ont plus de fonds et il y a peu d'espoir d'obtenir des paroisses
voisines le paiement de leurs participations. Le régiment quitte
la ville entre cette délibération et la suivante, qui est de février
1638, mais longtemps encore on s'occupe des dettes qu'il a fallu
contracter à cause de son séjour. Les déHbérations ne disent
pas que de Brézé lui-même fut gouverneur de la ville. Ce titre
a existé, mais ce n'était qu'un titre honorifique et on l'attribuait
à de très grands seigneurs. A coup sûr, de La Vergne n'a pas
été gouverneur de Pontoise 2; M. MaUet, maire de la ville et
éditeur des délibérations citées ci-dessus, écrit dans une lettre
à l'auteur de ce travail (11 août 1911) "Dans les archives com-
munales....nuUe part je n'ai vu le nom de Marc Pioche de La
Vergne."
Tout nous porte à croire qu'ici (comme plus tard au Havre)
La Vergne ne fut que major de la citadelle. Étant donné que
La Vergne fut "masson et architecte," ce que dit Le Pailleur
sur "les merveilles de ses fortifications" pourrait faire croire
qu'il fut envoyé à Pontoise pour exercer son métier d'architecte ;
mais ici encore les faits ne supportent pas l'hjrpothèse. En 1634,
Richeheu avait supprimé les remises accordées aux villes sur
les ventes de leurs greniers à sel et destinées exclusivement,
disaient les papiers royaux, à l'entretien de leurs fortifications.
1 Ernest Mallet, Registre des délibérations municipales de la Ville de
Pontoise, 1643-1660, 2"^ fascicule — Règne de Louis XIV — Pontoise,
1911. Dans le registre imprimé on trouve "de la TrémouiUe et de fereize
(?)": M. Mallet lit maintenant de Breizé et les autres citations confir-
ment cette leçon.
- Communiqué par M. J. Depoix, secrétaire général de la Société
historique et archéologique de l'arrondissement de Pontoise.
10
Madame de La Fayette
[CH.
Il y a fort peu de chances qu'un officier royal quelconque ait
été désigné pour aller travailler aux fortifications de Pontoise,
qui étaient encore considérées comme l'une des charges de la
ville; de plus, la situation financière n'étant pas bonne, le
pouvoir central n'aurait pas consenti à fournir les fonds. Enfin,
il existe des documents qui prouvent que vers 1652 pour les
réparations urgentes on opéra par voie de souscription pubhque,
souscription qui n'eut rien de spontané et de volontaire : l'église
St Martin dut même fournir sa part d'argent^.
S'il ne faut pas exagérer l'importance de ces fonctions, il ne
faut pas non plus en exagérer la durée. Le séjour à Pontoise de
La Vergne et de sa famille (si toutefois sa famille demeura con-
stamment avec lui, ce qui n'est pas prouvé) fut certainement
court, car en 1638 la peste, à l'état latent depuis quelques années,
devint d'une violence inouïe. Quinze cents personnes en mou-
rurent, paraît-il, et la ville fut abandonnée par ceux des habitants
que la maladie n'avait pas atteints^. Quand M. d'Haussonville
ajoute en guise de commentaire aux vers de Le Pailleur "La
petite Ménie avait quatre ans quand elle faisait ainsi le loup^"
il doit se tromper, car ce calcul nous mènerait à l'année de la
peste. Il n'est pas probable que La Vergne, fixé à une aussi petite
distance de Paris, ait accepté d'exposer sa femme et son enfant
aux dangers de ce fléau. Au mois d'août de cette année 1638,
La Vergne n'était plus à Pontoise, car parmi les lettres du mar-
quis de Brézé déjà citées, il y en a une "A M. de Picolomini par
un gentilhomme qui l'a portée à M. de la Vergne dans l'armée
de M. de la force enpaquetée avec une lettre adressante à luy*."
Au mois de septembre, il se trouvait au château de Richelieu
comme en fait foi un document que nous citerons plus loin.
On serait tenté de croire que Madame de La Vergne et son
enfant restaient pour la plupart du temps à Paris, oii La Vergne
venait souvent les voir, ne faisant que de très courts séjours a
Pontoise. En effet, au mois d'avril 1637, Bertaut lui écrit:
"J'ai reçu celle que vous estes donné le soin de m'escrire tou-
chant la conférence que vous avez eue avec Monseigneur le Cardi-
nal. . . .etc. Je m'oubliois de vous dire que si par hasard le Cardina
vous raparloit de moy que vous prissiez la peine de luy répondre
dans le sens de cette lettre que je vous prie de monstrer à Mad.
^'2 Communiqué par M. Chennevières, conseiller municipal de Pon-
toise (7 août 1911), d'après ses fiches, rédigées à la suite de longues années
de recherches dans les archives de la ville.
3 Op. cit. p. 10. * British Musevim mss. Egerton, 1692.
i] L'Enfant 11
de Combalet....!" Chapelain, de son côté, écrivant de Paris le
27 nov. 1637, à M. de Silhon, à Paris, dit (en rentrant de chez
le marquis de Brézé) '"J'eus hier entretien avec Mr de La Vergne
et Mme sa femme qui me ramena chez moy^."
À partir de ce moment, et jusqu'au départ de sa famille pour
le Havre, il y a une période très obscure dans la vie de Marie -
Madeleine^. Nous savons que La Vergne était à Pontoise vers
1637, et au Havre en 1648. Où passa-t-il cet intervalle de dix
années ? À Paris, croyons-nous, car en 1640 il acheta un jardin^ —
celui-là même que Madame de Sévigné trouvera plus tard "le plus
joli petit lieu du monde pour respirer à Paris^."
Dans ce jardin, situé rue de Vaugirard, No. 16, au coin de la
rue Férou, s'élevait la maison où Marie-Madeleine passa la plus
grande partie de sa vie, avant et après son mariage; c'est là
qu'elle mourut en 1693^.
Pendant le séjour qu'elle y fit avant son départ pour le
Havre, elle dut commencer son éducation sous la direction de
son père' qui paraît avoir eu une certaine culture. Nous avons
déjà vu qu'il s'intéressait à l'architecture et "s'y connaissait
un peu^." Bien qu'on se soit servi de ce fait pour dénigrer La
Vergne^ il plaide plutôt en sa faveur, à une époque où l'instruc-
1 Brit. Mus. MSS. fr. Egerton, 1692, f°s 34, 35.
2 Jean Chapelain, Lettres, publiées par Ph. Tamizey de Larroque,
Paris, 1880 (Documents inédits siir l'histoire de France), T. i. p. 175.
^ M. d'Haussonville (op. cit. p. 10) escamote la difficulté dans la
phrase "De Pontoise elle devait sui^Te son père au Ha\Te."
* Berty et Tisserand, Topographie historique du vieux Paris, Paris,
1876, F», T. — Région du Bourg Saint-Germain — p. 328. "Grand jardin
faisant le coin occidental de la Rue Férou. Il contenait environ iin arpent
et un tiers.... Par sentence du II Oct. 1630 ce jardin fut divisé entre les
religieuses du Calvaire.... et Fiacre Bollard.... Suivant le partage effectué
le 14 Août 1631, la moitié orientale échut aux religieuses desquelles elle
fut achetée le 28 Août 1640 par le sieiar de La Vergne...."
^ Madame de Sévàgné, Lettres, Éd. Monmerqué, Paris, Hachette, 1862,
T. IV. p. 542.
* Po\ir une carte de ce quartier avec la nie Férou marquée voir Piga-
niol de laForce, Description de la Ville de Paris, 1765, 8 vols. T. vu. p. 160.
^ Ménage a dû commencer ses leçons plus tard d'après nous. Voir
plus loin la discussion de la correspondance entre Ménage et Mme de La
Fayette. ^ Tallemant des Réaux. Le passage est cité plus haut.
8 Généalogies. Remarques du Sieur Guillard, Bibl. Nat. MSS. fr. 25187
(Gaigmère 1025), f» 30. "EUe (Madame de La Fayette) n'est pas d'une
grande naissance. Son père avoit esté masson ou architecte qui quitta
ce mestier pour estre gouverneur du duc de Fronsac ou de Brézé et û
s'appeloit l'Avergne."
12
Madame de La Fayette
[CH.
tion des hommes ne laissait pas une très grande part aux beaux
arts. Chapelain, dans la lettre déjà citée, recherche l'amitié de
La Vergne et de sa femme, et il voudrait qu'ils aient bonne
opinion de lui. "Je connois mieux encore leur mérite que je
n'avois fait jusqu'à cette heure," écrit-il, "et souhaite qu'ils ayent
bonne opinion de moy afin qu'ils me puissent un peu aymer. Si
vous les voyes l'un ou l'autre ou tous deux vous me ferez faveur
de descouvrir leurs derniers sentiments de mes faiblesses, car
je ne prens pas les civilités qu'on témoigne aux personnes
présentes pour un jugement sur quoy on se puisse fonder." Or,
bien que Chapelain ait pu paraître ridicule à l'Hôtel de Ram-
bouillet par suite de sa tenue bizarre^, il n'était pas homme à se
plaire dans la compagnie des ignorants.
Mademoiselle de Scudéry était aussi des amis de La Vergne ;
elle eut même recours à lui pour qu'il la recommandât auprès de
Madame d'Aiguillon 2. Il était également en relations avec d'au-
tres habituées de l'Hôtel de Rambouillet, Mademoiselle Paulet
et Madame de Sablé^. On peut même supposer qu'il fréquentait
l'hôtel puisqu'il était au nombre des hôtes du château de Ram-
bouillet en 1637. Bien plus, lorsque la Compagnie alla visiter les
possédées de Loudun, La Vergne fut du voyage, et c'est même
son témoignage qu'invoque l'abbé d'Aubignac de préférence à
ceux de Madame de Combalet, de JuUe d'Angennes, de de Brézé
et de Voiture, comme le témoignage d'un honnête homme "dont
^ Voir Emile Magne, Voiture et les origines de VHôtel de Rambouillet,
1597-1635, Paris, 2-= édit. 1911, pp. 125-7 et passim.
2 II paraît qu'en 1647 Mademoiselle de Scudéry se trouvait fort
ennuyée d'être sous la main tyrannique de son frère, et que, servitude
pour servitude, elle en souhaitait luie autre plus favorable au moins à ses
intérêts et à son avenir. La Vergne sollicita pour elle la place de gou-
vernante ou de dame de compagnie dans une très grande maison.
D'autres personnes avaient proposé poiir cet emploi une amie de Mlle
de Scudéry — Mlle de Chalais. La première, apprenant cette nouvelle,
retire aussitôt sa candidature. Voir V. Cousin, La Soc. fr. au XV IP
siècle, T. 11. p. 431 Mlle de Scudéry écrit à Mlle Paulet: "Vous me
ferez aussi la faveur de remercier M. de La Vergne de ses soins et de ses
bons offices. Vous savez Melle ce que je vous ai dit de lui en plusieurs
rencontres, c'est potu-quoi je ne vous dirai pas à quel point je suis sa
servante." Bibl. Arsenal ms. Conrart, 4°, T. xi. et Cousin, op. cit.
appendice, T. 11, Et dans une lettre de Mlle de Chalais à Mlle de
Scudéry, "Car lorsque M. de La Vergne pria Mme la Marquise de Sablé
de s'employer pour vous auprès de Mme d'Aiguillon...." Arsenal ms s.
Conrart, 4", T. ix. p. 131.
^ Voir la note précédente.
I] L'Enfant 13
la foi ne sera pas suspecte à quiconque le connaît^." On peut
donc supposer que cet "honnête homme" dirigea les premières
études de sa fille, et que c'est de lui, autant que des ancêtres de
la mère, que vint à l'enfant son goût pour les lettres. S'il en
avait été autrement, on ne concevrait pas comment, plus tard,
Ménage put trouver en elle une élève aussi apte à apprendre le
latin et à goûter la httérature latine. Nous croyons donc que
c'est à une époque postérieure que Marie -Madeleine commença
à étudier sous la direction de Ménage, bien qu'aucune des lettres
dont il sera question plus loin ne porte de date 2. Elle dut entrer
en relations plus suivies avec lui par l'intermédiaire de sa parente
la marquise de Sévigné — c'est à dire lorsque La Vergne fut mort
et que sa veuve se fut remariée.
Après cette période, qui est assez obscure, nous retrouvons
La Vergne au Havre vers 1 648^ ; il est au service de la duchesse
d'Aiguillon. Ici encore on a exagéré son rôle. Il n'y a jamais
été gouverneur ni même lieutenant-gouverneur. En 1648-9
cette dernière fonction fut exercée par René de Ste Maure,
seigneur de Beaurepaire*. L'emploi qu'a tenu La Vergne fut
celui de commandant de la citadelle pour la duchesse d'Aiguil-
lon. Le jeune duc Armand de Richeheu et sa tante retenaient
le gouvernement du Havre ; le duc de Brézé, neveu du cardinal
de Richeheu, conserva l'amirauté.
Ici, les événements durent contribuer à l'éducation de la
petite Marie -Madeleine ; eUe tomba en effet en pleine intrigue
^ Relation de tout ce que fay vu à Loudun en neuf jours que f ai visité
les possédés par l'abbé d'Aubignac. Datée septembre 1637. Tallemant
raconte cette visite dans l'histoire du Père Joseph {Historiettes, Éd. Mon-
merqué, T. ii. pp. 12-14). Le ms. de d'Aubignac (19 pages) se trouve à
a Bibl. Nat. ms. fr. 12801, ancien 540 du supp. fr.
2 Voir plus loin cette correspondance de Mme de La Fayette et de
Ménage. Nous sommes maintenant à peu près sûr que presque toutes
ces lettres ftirent écrites après le mariage de Mme de La Fayette. Mais,
dans une lettre citée dans notre chapitre sur La Princesse de Clèves,
Ménage dit qu'il connaît Mme de La Fayette depuis la naissance de cette
dernière.
3 Martin Alphonse, Madame de La Fayette, est-elle Havraise ? Le Havre ,
s. d. 8", 8 pages. Nous n'avons pas trouvé cette brochtire à Paris. C'est
M. le Conservateur de la Bibl. du Ha\-re qui a eu l'obUgeance de nous
faire savoir les conclusions de l'auteur.
* Lorsque la duchesse d'Aiguillon devint gouverneur du Havre, elle
avait sous ses ordres d'Aplemont, commandant du Havre. Voir Bonneau-
Avenant (Cte de), La Duchesse d' Aiguillon, Paris, 1 vol. in 12, où il n'est
pas question de La Vergne.
14
Madame de La Fayette
[CH.
et en pleine guerre. Elle se trouve au Havre au moment de la
Fronde, et bien qu'aujourd'hui nous soyons trop enclins à
regarder la Fronde comme une "guerre pour rire," il ne faudrait
pas croire que notre scepticisme un peu méprisant ressemblât
au sentiment des contemporains mêlés à cette agitation politique.
Les jeunes gens, surtout, ne pouvaient voir les événements sous
leur jour exact, historique: les aventures qu'ils lurent plus tard
dans les romans de la Scudéry ont dû leur paraître romanesques
par certains côtés, mais en même temps très réelles. L'opinion
pubhque déchaînée par le Parlement, manifeste son aversion
et sa haine avec une violence extrême. Mazarin, la reine, sont
insultés et bafoués dans une multitude de chansons et de pam-
phlets d'une grossièreté inouïe; de Paris, la révolte gagne la
province; le Parlement de Rouen se joint bientôt à celui de
Paris ; le duc de Longue ville, gouverneur de la Normandie, mené
par sa femme, prend parti pour la Fronde et y entraîne la
province entière. Le Havre seul résiste et reste fidèle à la cause
royale.
La duchesse d'Aiguillon avait confié son pupille aux soins
d'une jeune veuve, Madame de Pons ; elle intriguait pour l'épou-
ser. Condé et son beau-frère, le duc de Longue ville, favorisèrent
sa passion; ils complotèrent pour qu'après le mariage Armand
de Richeheu leur ouvrît le Havre^. Le duc de Longue ville
s'empara donc de Honfleur^ et menaça le Havre. À ces nouvelles
la duchesse d'Aiguillon envoya dans cette dernière ville le
brave capitaine de La Vergne, et avec lui l'ordre à Ste Maure de
chasser d'Harfleur les gens du duc de Longueville et d'occuper
sohdement cette ville. La Vergne chargé de cette mission s'en
acquitta avec succès : il se porta à Harfleur avec 300 hommes,
en expulsa les officiers du duc, et, soutenu par les habitants,
repoussa toutes les attaques des troupes qui avaient été laissées
dans les environs de la ville^.
La mort a dû enlever La Vergne peu de temps après cet
exploit. Nous n'avons pas de renseignements sur la fin du père
de Marie -Madeleine et nous croyons même que jusqu'ici on
1 A. E. Borély, Histoire de la Ville du Havre, au Havre, 1880-1 881, T. ii.
2 Voir Relations véritables de ce qui s'est passé à la prise de la ville
d'Honfleur, près le Havre, par V armée de Monseigneur le duc de Longueville,
Paris, Nicolas de la Vigne, près St Hilaire, 1649.
3 Borély, op. cit. T. ii. p. 477, et Dmnont et Léger, Histoire de la ville
d'Harfleur, au Havre, 1868, p. 48, où La Vergne est quaUfié de "comman-
dant la citadelle du Havre pour la duchesse d'Aiguillon."
I] L'Enfant 15
n'avait su fixer la date de cette fin qu'à quelques années près.
Dans une " reconnaissance donnée par François de la Fayette à
dame Marie -Magdeleine Pioche de la Vergne, sa femme, des
bijoux, objets mobiliers et autres valeurs apportés par celle-ci,
le 17 Février 1655^," il est fait mention d'nn inventaire "fait à
la requête de la dite dame de Sévigné après le décès du dit feu
Sieur la Vergne par Quarré et Marreau....le cinquième Janvier
et autres jours suivants de l'année mil six cent cinquante^."
Il s'ensuit que La Vergne est mort à la fin de l'année 1649 ou
aux premiers jours de 1650. Sa fille aUait bientôt avoir seize ans.
Sur ces seize premières années de la vie de Marie -Madeleine
nous n'avons, on l'a vu, que peu de renseignements. Pour nous,
elle a dû les passer presque entièrement à Paris. Le séjour à
Pontoise fut certainement très court; le séjour au Havre ne le
fut pas moins — si toutefois elle y accomyagna son ^ère, car, bien
que jusqu'ici, nous ayons suivi le récit de nos devanciers, nous
considérons que les preuves manquent pour étabKr d'une façon
sûre ce séjour de la mère et de la fille. Parmi les quelques docu-
ments qui sont venus jusqu'à nous, il existe un reçu rédigé à
Paris devant Marreau par Elysabeth Péna, qui a^ait une pro-
curation générale de son mari depuis le 2 avril 1647. Ce reçu
est du 5 mars 1648. Ne croira-t-on pas, avec nous, qu'avant de
partir pour le Havre La Vergne avait fait, en avril 1647, cette
procuration, pour que sa femme restant à Paris pût gérer sa
fortune et tenir sa maison de la rue de Vaugirard? Ce n'est
qu'une hypothèse, mais du moins elle est appuyée sur un docu-
ment. Jusqu'ici nous n'avons rien vu qui fût susceptible de
prouver que la famiUe La Vergne tout entière ait résidé au Havre^.
^ Archives de l'Allier. Voir l'appendice.
2 L'étude Quarré et Marreau est aujourd'hui celle de M. Baudrier qui
a bien voulu nous permettre de faire des recherches dans les documents
qu'il conserve. Nous avons trouvé mention de cet inventaire sur l'index
de ses minutes mais dans la liasse de documents de janvier 1650 cette
pièce manque. L'a-t-on extraite de l'étude ? Est-elle mal classée? On ne
peut le dire; d'ailleurs, pour fixer la date de la mort de La Vergne, il
suffit de savoir que le document a bien existé et quelle en est la date.
Au moment de mettre cette étude sous presse, nous recevons La Corres-
pondance du Chevalier de Sévigné publiée par Messieurs Lemoine et
Saulnier. "M. de La Vergne, maréchal des camps et armées du Roi,
capitaine de la Marine et lieutenant de M. le Duc de Richelieu au
gouvernement du Havre" a été inhumé le 20 décembre 1649 (op. cit.
p. xix, d'après Bibl. Nat. Mss. fr. N° 32594).
^ Outre les deux livres de Diimont et Léger et de Borély déjà cités,
nous avons consiilté avec l'espoir d'ajouter quelques détails à ce pré-
16
Madame de La Fayette
[CH. I
jour en province au milieu des garnisons, séjour continu
à Paris, d'abord dans le calme de son faubourg, ensuite au milieu
des intrigues de la Fronde, séjour au Havre oti son père se dé-
vouait pour le roi sur le théâtre même de la guerre, saura- t-on
jamais comment et en quels lieux la jeune La Vergne passa sa
jeunesse^? Nous nous sommes contenté d'offrir au lecteur tout
ce que nous avons pu rencontrer d'intéressant. Nous passerons
maintenant, sans nous perdre en d'inutiles hypothèses, à une
période plus éclairée de la vie de Madame de La Fayette.
tendu séjour au Ha\Te, mais toujours sans résultats, les ouvrages smvants :
Albums de dessins et de gravures de la commission des antiquités de la
Seine Inférieure. Beaucamp (de) et Le Trix, Petite Histoire du Havre.
Beaurepaire (Ch. de), Mélanges historiques; Nouveaux mélanges; Derniers
mélanges. Frère (Edmond), Manuel du bibliographe normand, etc.
Rouen, 1858-60. Guilmeth, Histoire du Havre et des environs. Letellier,
Recherches historiques sur la ville d'Honfleur, 1786. Loriol, La France
descriptive, etc. T. ii. par Viel, Seine Inf. Morlent, Le Havre ancien et
moderne et ses environs, Paris, Le Havre, 1826. Motte (de la). Antiquités de
la ville d'Harfleur, Le Havre de Grâce, 1676-80. Vesque (Ch.), Histoire
des rues du Havre, Le Havre, 1876.
^ De 1650 à 1655 Mlle de La Vergne fut Demoiselle d'honneur de la
Reine, Voir Corr. du Chev. de Sévigné, p. xxi, note 3.
CHAPITRE II
LA JEUNE FILLE. 1650-1655
Madame de La Vergne ne fut pas longue à se consoler de la
mort de son mari car au mois de décembre 1650 elle épousa le
chevalier Renaud de Sévigné^. Le premier janvier 1651, le
gazetier Loret annonçait ainsi le mariage :
Madame, dit-on de la Vergne,
De Paris et non pas d'Auvergne,
Voyant un front assez uny
Au Chevalier de Sévigny,
Galant homme et de bonne taille
Poiir bien aller à la bataille.
D'elle seule prenant aveu,
L'a réduit à rompre son vœu ;
Si bien qu'au lieu d'aller à Malte^,
Auprez d'icelle il a fait halte
En quaUté de son mary,
Qui n'en est nullement marry,
Cette affaire lui semblant bonne:
Mais cette charmante mignonne
Qu'elle a de son premier époux
En témoigne un peu de courroiix,
Ayant cru po\ir être belle
Que la feste seroit poiu* elle,
Que l'amour ne trempe ses dards
Que dans ses aymables regards.
Que les filles fraîches et neuves
Se doivent préférer aux veuves
Et qu'un de ces tendrons charmans
Vaut mieux que quarante mamans^.
La charmante mignonne dont il s'agit est évidemment la
future Madame de La Fayette et, bien qu'elle n'ait en ce moment
^ Le mariage eut lieu le 21 décembre à l'église Saint-Sulpice. Voir
Bibl. Nat. ms. 32839 (extraits copiés des registres de Saint-Sulpice, 1650,
p, 191): "Mariage de M^ Renaud de Sévigné, seigneur de Champiré,
Mal. de Camp des armées du Roy avec D^ Isabel Péna veuve de M^ de
la Vergne."
2 Renaud de Sévigné était chevalier de Malte; il dut renoncer à ses
vœiix pour épouser Mme de La Vergne.
3 Loret, Muse hist. 1857, T. i. p. 77.
A. 2
18 Madame de La Fayette [ch.
que seize ans, il ne faudrait pas attribuer tout ce que dit Loret
à sa seule malice de gazetier. Nous pouvons admettre que voyant
le chevalier de Sévigné bien reçu chez sa mère, elle ait pu se
tromper pendant un instant et croire qu'on pensait à son établis-
sement. La différence d'âge n'avait aucune importance, si le
mari était un bon parti, et l'on ne saurait alléguer l'extrême
jeunesse de Marie-Madeleine pour révoquer en doute les dires
de Loret ^.
Sous Louis XIV, en effet, le mariage se conclut généralement
lorsque la jeune fille a douze ans. Dans la petite noblesse et
dans la bourgeoisie on patientait un peu plus et l'on voulait bien
attendre, tout au moins, que la fillette eût treize ans sonnés.
Mais cet âge minimum de douze ans ne doit pas être considéré
comme une Hmite extrême, rarement atteinte; les mariées de
douze ans sont nombreuses dans la société de l'époque. Cathe-
rine de Vivonne n'avait pas encore cet âge quand elle épousa
le marquis de Rambouillet. À douze ans, on maria Mademoiselle
du Plessis-Cliivray à M. de Serrant, fils de Bautru, l'académi-
cien. Mademoiselle de la Guiche, fille du maréchal de Saint-
Géran épousa au même âge le baron de Chazeron, gouverneur
du Bourbonnais. Tallemant des Réaux s'unit à Efisabeth
Rambouillet, fille d'un secrétaire du Roi, qui n'avait pas plus
de onze ans et demi. Quand Rohan épousa Mademoiselle de
Sully, elle était si petite "qu'on la prit au col pour la faire
passer plus doucement." Le ministre à Charenton, du Moulin,
ne put s'empêcher de demander " Présentez -vous cette enfant
pour être baptisée 2? "
L'âge de Marie -Madeleine n'offre donc aucun démenti aux
vers de Loret, et à partir de ce moment, sinon depuis quelque
temps déjà, elle est rangée parmi les jeunes filles à marier. Loret
y pense de temps à autre — chaque fois qu'il a besoin d'une rime
à ''Auvergne,'''' dirait-on. Le duc de Caudale se plaint parce que
le cardinal lui ayant promis de le nommer maréchal de France
ne tient pas sa promesse.
Si bien, que jugeant nécessaire
De r'engager dans le filet
Ce courtisan à poil folet,
Quelqu'un des siens alla luy dire
^ Pourquoi M. d'Haussonville veut-il qu'iine jeune fille née en mars
1634 n'ait pas encore seize ans en janvier 1651 ?
2 Voir le Vicomte d'Avenel, La Noblesse sous Richelieu^ pp. 119-
120.
Il] La Jeune Fille 19
Apaisez-vous, ne fumetis:
Tenez, on vous donne gratis.
Non pas Mamoizelle Lavergne,
Mais le gouvernement d'Auvergne^.
Loret revient à la charge cette même année, au mois de juillet
après avoir annoncé la mort de Madame l'Hospital:
Il (le veuf) se doit tenir très heureux,
Car s'il veut encore une femme.
Mainte mignonne et mainte dame.
Et de grande condition,
Sont à sa disposition.
Et La Vergne mord à la grape,
Quand on luy donne pour mary
Ce maréchal au poil fleury^.
Il ressort de ces citations que quelques mois après le mariage
de sa mère on ne lui trouve pas, dans les papotages de la ville,
un mari plus jeune que ne l'est son beau-père.
Ce chevalier de Se vigne, avare, mais aimant la bonne chère,
coléreux, intraitable et impérieux (s'il faut en croire le Nécro-
logue de Port-Royal^ qui exagère les imperfections anciennes du
défunt pour mettre en rehef les quahtés de sa vie "hors du
siècle")*, savait au besoin être doux et généreux. On peut citer
à l'appui de ces qualités une anecdote qu'on retrouve dans tous
les livres oîi il est question du chevaUer et qui est ainsi racontée
par un historien de Port-Royal : "On vit en lui, au miheu des
emportements tumultueux d'un guerrier, une semence de cette
charité qui a été portée ensuite au plus haut degré. S 'étant
trouvé à la prise d'une ville il rencontra après l'action une petite
fille de 3 à 4 ans que ses parents, ou morts ou fugitifs, avaient
abandonnée sur un fumier. Il fut touché de compassion, il prit
l'enfant dans son manteau et résolut d'en prendre soin toute sa
vie: ce qu'il a fidèlement exécuté, et cette fille s'étant faite
religieuse depuis, il a toujours payé sa pension au monastère
oii elle est entrée^."
1 Loret, op. cit. i. p. 90. 2 i^ij. p. 137.
3 Dom Rivet de la Grange, Nécrologue de Port-Royal.
* La publication de La Correspondance du Chevalier de Sévigné vient
confirmer notre opinion à ce sujet. Voir la préface de Messieurs Jean
Lemoine et Frédéric Saulnier (Paris, Renouard, 1911).
^ Jérôme-Besogne, Histoire de Port-Royal, iv. p. 291. Voir aussi
Sainte-Beuve, Port-Royal, T. rv. Appen., et T. v. pp. 94-99. C'est toujours
le même article du Moniteur (l»^"" mars 1858) qm revient.
2—2
20 Madame de La Fayette [CH.
D'après ce même historien, Madame de La Vergne était pour
lui "un parti très avantageux." Il arriva ainsi au terme d'une
année qui avait été assez mouvementée, même pour un guerrier.
Son frère aîné, Charles de Se vigne, était par alliance cousin -
germain de Retz, et Renaud eut, en 1649, le commandement du
régiment que le coadjuteur avait levé à ses frais pour défendre
Paris. Ce régiment de l'archevêque de Corinthe se fit battre à
Longjumeau. La troupe de Renaud de Sévigné, inférieure en
nombre aux royaUstes, avait fui à la première décharge. Le
cheval de Renaud s'étant abattu, toute la cavalerie lui avait
passé sur le corps. Il en fut quitte pour des meurtrissures. Un
bon mot des royalistes rendit cette défaite ridicule: ce fut la
première aux Corinthiens^. Au Havre ou à Paris, d'un côté ou
de l'autre, la petite La Vergne est toujours mêlée à la Fronde.
Le nouveau ménage s'installa dans la maison sise au No. 16
de la rue de Vaugirard, et aussitôt la jeune Marie-Madeleine se
Ha d'amitié avec une voisine — Catherine -Henriette d'Angennes
de La Loupe. Cette voisine devint plus tard comtesse d'Olonne,
par son mariage avec Louis de la Trémoille, comte d'Olonne, et
sous ce nom elle est célèbre dans les annales de la débauche 2.
EUe avait une sœur presque aussi belle et tout aussi légère
qu'elle-même; Saint-Simon dit en parlant des deux sœurs: "Leur
débauche les avait rendues aussi célèbres que leur beauté et les
avait séparées de toutes les femmes^." Cela suffit pour que les
biographes modernes blâment le manque de prévoyance de la
mère de Madame de La Fayette, qui, au lieu de veiller à ce que
les deux jeunes filles, rapprochées par le hasard, ne se fréquentent
point, fit tout le contraire, et poussa l'imprudence jusqu'à faire
percer une porte de communication entre les deux maisons^.
M. d'Haussonville ne manque pas de signaler cette lamentable
1 Voir Mme de Sévigné, Éd. Gr. Écriv. i. p. 43; Loret, Muse hist. i.
p. 323; Retz, Éd. Gr. Écriv. 11. p. 211; Dubuisson-Aubenay, cité dans
Retz; D'Ormesson, Journal, i. pp. 645-6. Il est question dans Retz, m.
p. 14, de donner à Sévigné une récompense de 22,000 livres.
2 Voir Bussy-Rabutin, Hist. Amoureuse des Gaules, Histoire d'ArdeUse,
et Corrard de Bréban, Souvenir d'une visite aux ruines d'Alise et au
château de Bussy-Rabîitln, Troyes, 1833, 8°, pour l'inscription que Bussy
fit mettre sous son portrait.
3 Journ. de Dangeau, xv. p. 166, note. Saint-Simon écrit ailleurs
(Œ^Mvres, Hachette, XI. p. 55), "Leur beauté et le débordement de leur
vie fit grand bruit. Aucune femme, même des plus décriées pour la
galanterie, n'osoit les voir ni paraître nulle part avec elles."
* Voir l'appendice i.
Il] La Jeune Fille 21
incurie de la part d'une mère^ Tant il est facile de prévoir
l'avenir quand on n'a qu'à tourner les pages d'une bonne histoire
de France pour le découvrir tout au long ! Au moment où l'on
perça la porte entre les deux maisons Mademoiselle de La Loupe
avait encore devant elle la page blanche de sa vie. Personne, à
ce que je sache, n'avait rien dit contre la jeune fille qui, étant
du même âge que la jeune La Vergne^, pouvait être pour elle une
compagne charmante. C'est Madame d'Olonne, et non Made-
moiselle de La Loupe, qui se rendit coupable de débordements
impardonnables ; on ne commence à jaser sur son compte qu'en
1656. Madame de La Fayette était alors mariée, et pour le
moment absente de Paris. Elle se devait de ne plus fréquenter
cette femme, devenue de mauvaise compagnie, et eUe ne manqua
point de s'en abstenir^. On a fait remarquer qu'à cette époque
se place une histoire un peu louche oîi il est question du cardinal
de Retz, de Mlle de La Loupe, de Madame de La Vergne et de
sa fille. Ainsi qu'on s'en rendra compte en Usant notre appen-
dice I., il n'y a là que de malveillants racontages. Mlle de La
Vergne n'eut aucune intrigue avec de Retz, puisqu'il est à
peu près certain qu'à cette époque elle ne le rencontrait
jamais.
De cet incident nous ne tirerons qu'un profit : il nous fera
connaître, en passant, l'opinion du cardinal de Retz sur Madame
de La Vergne. Dans ses mémoires il nous la montre "hon-
nête femme dans le fond, mais intéressée et aimant l'intrigue*."
Ne pouvant contrôler ses dires, nous sommes bien forcés de les
accepter pour vrais et pourtant il ne faudrait pas oublier que
Mme de La Vergne a dû paraître suspecte au frondeur de Retz
pour des raisons purement poUtiques. Elle a été au service de
la duchesse d'Aiguillon, elle est veuve depuis quelques années
1 Op. cit. p. 23.
2 Mlle de La Loupe naquit le 8 juin 1634 (Registres de Nogent-le-
Rotrou). Elle épousa Louis de La Trémoïlle en 1652.
2 Elle demanda, une fois, des nouvelles de son ancienne amie, dans une
lettre à Ménage: "Il me semble," écrit-elle, " qu'en vous priant de faire
mes compliments au cadet Barillon ie vous avois prié aiissi de me mander
si Me d'Olonne est à Paris vous m'aves fait response a lun et ne m'aves
rien dit de lautre vous me feres plaisir de me mander ou est cette belle
comme ie n'ay point eu de ses nouvelles depuis que ie suis partie de Paris
ie me s\xis imaginée qu'elle n'y estoit pas revenu de crainte d'avoir ordre
d'en sortir aussi bien que Me de Choisi car s'il vous souvient le bruit
courut pendant la maladie du roi qu'elles avoient écrit toutes detix a
Monsieur." (Inédite.) * Voir l'appendice.
22 Madame de La Fayette [CH.
seulement d'un royaliste convaincu, qui avait été au service du
maréchal de Brézé, et bien qu'elle ait épousé en secondes noces
un Heutenant du coadjuteur, elle garde de bonnes relations avec
des personnes de l'autre camp. Elle use de ses relations pour
faire bien recevoir ses amis auprès du cardinal comme la lettre
suivante de Costar en fait foi : " On me mande, Madame," écrit-il,
"que Monsieur.... a tâché de me rendre de bons offices auprès
de son Éminence. Il est de vos plus grands et de vos plus pré-
cieux amis. Aidez-moi, madame, je vous en suppHe, à recon-
naître sa générosité: et mettez sur votre compte tout ce qu'il
fera pour moi. Il ne vous en coûtera que quelques témoignages
d'estime; et vous ne plaindrez point cette dépense. Vous n'en
sçauriez faire qui vous acquierre plus d'honneur: quand vous
rCy trouverez pas votre intérêt, j'oserais meflater que la considéra-
tion du mien suffirait pour vous obliger de ni'accorder la grâce que l
je vous demande avec respect''' etc....i. Costar, du moins, ne
jugeait pas Madame de La Vergne intéressée au point de ne pas
venir en aide à un ami, même si ses démarches devaient faire
tort à son intérêt propre. Et Costar n'était pas seul à avoir
recours aux bons offices de Mme de La Vergne. Nous avons
également une lettre de Scarron où il lui demande une lettre
pour le gouverneur du Havre "afin qu'il favorise et facilite
notre gouvernement 2."
Au reste, les documents font défaut pour bien établir le
caractère de cette femme qui dut avoir beaucoup d'influence
sur sa fille, mais nous ne pouvons souscrire aux accusations de
légèreté portées contre elle et fondées uniquement sur les dires
du cardinal de Retz et sur les relations d'amicale courtoisie avec
MUe de La Loupe.
S'il faut absolument juger la mère d'après les amies de la
fille, pourquoi passer sous silence cette autre amitié bien plus
profonde et plus durable qui commença à cette même époque
entre Marie -Madeleine de La Vergne et Marie de Rabutin de
Chantai, marquise de Sévigné? Les lettres de la marquise
montrent que cette amitié s'est beaucoup resserrée après le
mariage de Mlle de La Vergne, mais déjà avant 1652 les deux
femmes se connaissaient, étant devenues parentes par le second
^ Richelet, Les plus belles lettres fr. 11. p. 515. Voir aussi Walcke-
naer, Mém. Sév. i. 226; Sév. (G. É.), i. 371, note 1.
2 Scarron, Œuvres, i. 1786, p. 174. La lettre est adressée à la mar-
quise d'après cette édition. Nous croyons, d'après le texte, qu'elle
s'adresse à l'autre Mme de Sévigné.
Il] La Jeune Fille 23
mariage de Mme de La Vergne. Toutes les deux furent élèves
de Gilles Ménage et même l'amitié particulière du maître pour
l'une des deux élèves paraît avoir fait naître un peu de jalousie
dans le cœur de l'autre. Après un silence un peu trop long,
Ménage écrit à Madame la Marquise ce qui lui vaut cette réponse :
" ....Pour moi, j'ai bien de l'avantage sur vous, car j'ai toujours
continué à vous aimer, quoi que vous en ayez voulu dire, et vous
ne me faites cette querelle d'Allemand que pour vous donner
tout entier à Mlle de La Vergne. Mais enfin, quoiqu'elle soit
mille fois plus aimable que moi, vous avez eu honte de votre
injustice, et votre conscience vous a donné de si grands remords,
que vous avez été contraint de vous partager plus également
que vous n'aviez fait d'abord. Je loue Dieu de ce bon sentiment
et vous promets de m'accorder si bien avec cette aimable rivale,
que vous n'entendrez aucune plainte ni d'elle ni de moi, étant
résolue en mon particulier d'être toute ma vie la plus véritable
amie que vous ayez^."
Heureusement pour son élève préférée. Ménage ne passait
pas tout son temps à lui faire la cour ; sur cette amitié comme sur
les autres, dont nous venons de parler, il y a des précisions à
apporter. Il est de coutume, quand on parle des rapports entre
Ménage et ses élèves, de représenter le maître comme un abbé
pédant, dameret, amoureux de toutes les femmes qu'il rencon-
trait et poursuivant Mesdames de La Fayette et de Sévigné de
ses attentions au point d'être importun et ridicule. Sur quels
documents appuie-t-on ces accusations? Est-ce sur le mot que
Tallemant met dans la bouche de Madame de La Fayette " Cet
importun de Ménage viendra tantôt?" Si Mme de La Fayette
a dit cela, on peut lui accorder le bénéfice des "circonstances
atténuantes" et ne pas prendre sa parole au sérieux, car d'après
Tallemant lui-même ce jour-là "elle avait pris une médecine^."
Dans ces conditions la plupart des amis d'une dame seraient
"importuns" — même sans vouloir l'être. Faut-il accorder plu3
d'importance au quatrain trouvé dans les papiers du chanoine
Favart à la bibhothèque de Reims?
Laissez là comtesse et marquise,
Ménage, vous n'êtes pas fin,
Au lieu de gagner leur franchise,
Vous y perdrez votre latin.
Mais comment résister à la tentation de faire ce trait d'esprit
quand on ne voit les choses que du dehors? Avait-on la pré-
1 Lettres, G. É. i. p. 374. 2 Tallemant des Réaux, Historiettes ,v . 226.
24 Madame de La Fayette [ch.
tention, en écrivant cette bagatelle, de fournir un document à
la postérité? La vérité nous paraît tout autre. Il y a des
preuves incontestables que les deux jeunes fiUes faisaient de
grands efforts pour retenir Ménage comme ami et sans aller
jusqu'à dire que ce sont elles qui furent importunes, nous
pouvons admettre qu'elles taquinaient le petit abbé pour
avoir de ses lettres et de ses visites. La lettre suivante de
la marquise de Sévigné est-elle faite pour décourager un im-
portun?
*'Je vous dis encore une fois que nous ne nous entendons
point, et vous êtes bien heureux d'être éloquent, car sans cela
tout ce que vous m'avez mandé ne vaudroit guère. Quoique
cela soit merveilleusement bien arrangé, je n'en suis pourtant
pas effrayée et je sens ma conscience si nette de ce que vous me
dites, que je ne perds pas espérance de vous faire connoître sa
pureté. C'est pourtant une chose impossible, si vous ne m'ac-
cordez une visite d'une demi-heure : et je ne comprends pas par
quel motif vous me la refusez si opiniâtrement. Je vous con-
jure encore une fois de venir ici, et puisque vous ne voulez pas
que ce soit aujourd'hui, je vous supplie que ce soit demain.
Si vous n'y venez pas, peut-être ne me fermerez-vous pas votre
porte, et je vous poursuivrai de si près que vous serez contraint
d'avouer que vous avez un peu de tort" etc.
Nous avons déjà vu que Ménage délaisse un peu Mme de
Sévigné pour importuner de son attention Mlle de La Vergne.
Voyons donc quel ton prend celle-ci pour éloigner d'elle les
attentions du galant abbé.
" Ce jeudi au soir.
" J'aurais raison d'être en colère de ce que vous me mandez
que vous ne m'importunerez de votre amitié. Je ne crois pas
vous avoir donné sujet de croire qu'elle m'importune. Je l'ai
cultivée avec assez de soin pour que vous n'ayez pas cette pensée.
Vous ne la pouvez avoir non plus de vos visites que j'ai toujours
souhaitées et reçues avec plaisir. Mais vous voulez être en colère
à quelque prix que ce soit. J'espère que le bon sens vous re-
viendra et que vous reviendrez à moi qui serai toujours disposée
à vous recevoir fort volontiers."
Il semble pourtant que Mme de La Fayette elle-même devait
savoir mieux que personne si vraiment Ménage l'importunait.
Or, la lettre que nous venons de citer est loin d'être une
exception. Dans la correspondance que nous avons devant
n] La Jeune Fille 25
nous^ et qui s'étend longtemps après la mort de M. de La Fayette
et peut-être jusqu'à la mort de Ménage, il y en a bien d'autres
du même genre. Nous en détacherons les passages suivants,
tirés de lettres séparées par des intervalles de plusieurs années.
" Je ne vous puis asses dire la joye que j'ay que vous ayes receu
avec plaisir les asseurances que je vous ay données de mon amitié.
Je mourois de peur que vous ne les recussies avec une certaine
froideur que je vous ay veue quelquefois pour des choses que je
vous ay dittes, et il n'y a rien de plus rude que de voir prendre
avec cette froideur la des témoignages d'amitié que l'on donne
sincèrement, et du meilleur de son cœur. Vous aures pu voir
par ma seconde lettre que, quoyque j'eusse lieu de me plaindre
de ce que vous ne me faissies pas response, ne sachant pas que
vous esties a la campagne, je n'ai pas laisse de vous escrire une
seconde fois, et j'aurois continue a vous escrire quand mesme
vous auries eu la dureté de ne me pas faire response. Ce que je
vous dis la vous doit persuader que je suis bien esloignee d'avoir
pour vous l'indiference dont vous m'accuses. Je vous asseure
que je n'en auray jamais pour vous, et que vous trouvères tou-
jours en moi toute l'amitié que vous en pouvez attendre "
"Il y a lomtemps (sic) que je ne vous ay veu il fait beau
venes un peu jusques icy. Jay aussi bien grand besoin de vostre
secours ou du moins de vos ad vis..,."
"....je suis persuadée que la seule envie de ne pas continuer
un commerce qui vous parait ennuyeux par les longs voyages
que ie fais dans la province vous a fait manquer a mescrire ie
vous dis en amie que cela est le plus vilain du monde et qu'il y
va de votre honneur reparer cela par quatre lettres toutes les
semaine 2 au lieu de deux que vous m'avez écrites ie vous en
1 M. Feioillet de Conches possédait une collection de lettres de Madame
de La Fayette adressées pour la plupart à Ménage, en même temps que
des copies d'autres lettres de ces deux personnes. Lorsqu'il est mort,
en 1887, il en préparait la publication et avait même écrit une biographie
de Mme de La Fayette pour mettre en tête de cette édition. Il en sera
question plus tard quand nous parlerons de la mort de M. de La Fayette .
Ces lettres et copies sont restées fort heureusement dans la famille au
moment de la dispersion de la plus grande partie de la collection, et
nous tenons à remercier ici encore une fois Mlle Feuillet de Conches,
sa fille, qui a mis à notre disposition toutes ces lettres et qui nous a reçu
chez elle, pour les consulter, avec une courtoisie digne des vieilles tra-
ditions françaises.
2 Le mot "par" a été bifïé et les mots "toutes les" ajoutés en s\a-
charge.
26 Madame de La Fayette [ch.
qui te pourtant a une pendant un voyage que je vais faire a
Limoges qui sera assez long."
D'après la correspondance dont nous avons extrait ces quel-
ques citations il nous semble juste de compter l'importunité de
Ménage parmi ces légendes mal fondées qui pullulent dans l'his-
toire littéraire. Voici, selon nous, sous quel aspect dut se pré-
senter la réalité: Madame de Sévigné était alors une dame
comme les autres et non pas encore l'épistolière renommée
que nous connaissons; Madame de La Fayette n'est que Mlle
de La Vergne ; elle sera bientôt la femme isolée et malade d'un
obscur soldat, et beaucoup plus tard seulement l'auteur de
cette Princesse de Clèves qui fait date dans l'histoire de la lit-
térature. Ménage, de son côté, n'est pas pour elles l'abbé pédant
et ridicule que nous voyons aujourd'hui à travers le Vadius de
Molière. C'est un professeur qui, au début de son enseignement,
amuse les deux jeunes femmes par ses galanteries dans le goût
du temps, qui aime à tirer de sa mémoire remarquable une foule
de connaissances et d'anecdotes intéressantes; c'est de plus un
bon causeur, qui fait honneur à deux dames, ses élèves, en les
fréquentant et en faisant rejaillir sur elles un peu de son savoir
et de sa renommée^. Les élèves ont pu exagérer la valeur du
maître, soit. Elles lui étaient bien supérieures et devaient toutes
les deux rester célèbres, alors que le petit abbé allait se perdre
sous le fatras de son érudition et le ridicule de ses galanteries.
C'est vrai. Mais il ne faut pas tourner, nous non plus les pages
de l'histoire qui furent celées à tous les trois et pour bien com-
prendre ce qui se passait entre eux il faudrait essayer de voir
comme eux et d'oubher les jugements postérieurs.
Cependant, si nous n'admettons pas volontiers que Ménage
fut importun par son amitié, nous savons qu'il avait besoin
parfois d'être rappelé à l'ordre à cause de sa galanterie. Mais
ici encore on a exagéré. C'est friser le ridicule que d'examiner
sérieusement, comme on l'a fait, la nature exacte de cette galan-
terie et d'analyser les sentiments qui ont pu exister entre le
maître et ses élèves 2.
^ Tallemant, parlant de Mme de Sévigné et de Mlle de La Vergne, dit
"Le Pailleiir m'a juré qu'il leur avoit ouy dire qu'elles aimoient mieux
Giraut que luy, et qu'elles le trouvoit plus honneste homme..,. mais la
vanité fait qu'elles lui font caresse.'" Hist. v. 226.
2 Remarquons en passant que Mme de Sévigné regardait Ménage
tellement comme un galant sans conséquence qu'elle liii parlait dans ses
lettres des infidélités de son mari. Voir la lettre xviii. p. 370, T. i.
Il] La Jeune Fille 27
La connaissance que nous avons de la vie et des habitudes
des poètes romantiques nous pousse à chercher leurs passions et
leurs "ulcères " dans leurs œuvres qui sont trop souvent en effet
des confidences. De plus, une certaine critique se plaît autour
de nous à exploiter les "fonds de tiroir" et à faire dire parfois
aux vieux papiers beaucoup plus qu'ils ne disent en réalité. Il
faut ici abandonner, oublier ces méthodes. Nous nous trouvons
en face de gens qui n'ont pas coutume de dissimuler leurs amours
sous le couvert de l'amitié ; n'essayons pas de bâtir une intrigue
quand l'histoire nous met en présence d'un professeur, plus
galant dans ses lettres que dans sa conversation, et d'une élève
naturellement froide et douée d'une "divine raison." Aucun
mystère ne se cache là-dessous. Les galanteries épistolaires ne
tirent généralement pas à conséquence; tout ce que l'on peut
dire dans le cas présent c'est que les badinages de Ménage ont
pu flatter la jeune Mlle de La Vergne. Il est agréable d'entendre
son savoir, sa beauté, même sa froideur et sa cruauté, chantés en
vers et en plusieurs langues par un homme aussi en vue que
Ménage, mais de temps à autre les billets galants détonnaient
un peu, trouvaient l'élève occupée à des pensées plus sérieuses.
Alors on faisait sentir à l'abbé qu'il est des moments où la
galanterie, admise comme un jeu, peut être déplacée: "Il n'y a
rien de plus galant que vostre billet," écrit Mme de La Fayette,
"si la pensée de faire vostre examen de consience (sic) vous
inspire de telles choses, je doute que la contrition soit forte. Je
vous asseure que je fais tout le cas de votre amitié qu'elle mérite
que l'on en fasse et je crois toat dire en disant cela. Adieu
jusques a tantost je ne vous promets qu'une heure de conver-
sation car il faut retrancher de ses divertissements ces jours
icy."
Dans un autre billet, elle dit à Ménage: "....vos lettres sont
bien galantes. Savez -vous que vous y parlez de. .. .et de victime ?
Ces mots la font peur a nous autres qui sortons si fraîchement
de la semaine sainte i."
^ M. d'Haussonville a eu comim.mication avant nous des lettres de la
collection Feuillet de Couches et il en a tiré un article: Madame de la
Fayette et Ménage, publié d'abord dans la Revue des deux mondes (1890),
et plus tard dans son livre sur Mme de La Fayette (Hachette). Si l'on
remarque des divergences entre son texte et le nôtre elles sont dues au
fait que nous reproduisons les manuscrits tels quels. Pour en faciliter
la lecture nous nous permettons, parfois, de séparer les phrases
par des points et de faire imprimer Von pour Ion, qu'elle pour quelle
etc.
28 Madame de La Fayette [CH.
Chacun de son côté a, pour ainsi dire, prévu le mauvais usage
qu'on pourrait faire de cette correspondance et l'interprétation
fâcheuse que l'on ferait de leur amitié. Aussi, au moment de son
mariage, Mme de La Fayette réclama, semble-t-il, ses lettres^
et Ménage, pour sa part, répondit aux calomniateurs par une
ballade. Nous la citons tout au long, car elle montre bien les
sentiments qui unissaient les deux personnes ; elle fait voir aussi
que Ménage ne se faisait pas d'illusions sur la nature de ces
sentiments. Pour un pédant galant et ridicule, l'envoi de cette
ballade renferme une pointe d'esprit malicieux que les biographes
ont peut-être négligée à tort.
Pour Mademoiselle de La Vergne
Balade
Rien n'est si beau que la jeune Doris,
Son port hautain n'est pas d'une mortelle.
Ses doux regards ; ses amoureux souris ;
Ses traits divins; sa grâce naturelle;
De son beau teint la fraischeur éternelle;
De son beau sein la blancheixr immortelle;
Et ses beaux yeux plus brillants que le jour,
Svir mille cœurs exercent leur puissance,
le l'aime aussi de toute mon amoitr
Mais honni soit qui mal y pense.
l'aime d'amour ses aimables écrits;
Ses doux accents, qui charment PhUomèle;
Et son esprit, délices des esprits;
Et sa vertu des vertus le modèle,
l'aime son cœur et constant et fidelle;
Qui des vieux temps la bonté renouvelle;
Chose si rare en l'empire d'amour;
Et de ses mœurs l'adorable innocence;
Chose si rare aux Beautés de la Cour
Mais honni soit qui mal y pense.
1 Ménage écrit dans Poemata, 1673:
Vattene piu-, crudele, vattene, ingrata;
Da si degno amatore
Si degnamenta amata
Va; prendi le tue carte,
Rendimi pur, crudel: rendimi il core,
Rendimi, ingrata, rendimi il mio amore.
Elle pouvait les réclamer pour une tout autre raison. Voir le chapitre
sur la correspondance où il est question de la pubhcation des lettres
échangées par Ménage et Mme de La Fayette. Peut-être voulait-elle
simplement faire un choix parmi ces lettres ?
Il] La Jeune Fille 29
Elle qui fait de mon amour le prix ;
Qui voit ma flame et si pure et si belle;
Qui voit mon cœiu' si saintement épris;
Qui reconnoist la grandeur de mon Zèle,
M'honore avissi qu'une absence cruelle
Ronge mon cœur, comme un cruel vautour;
Sa belle main, consolant ma souffrance.
Par ses écrits me promet son retour
Mais honni soit qui mal y pense.
Envoy
Jeunes Blondins, qui soupirez pour elle.
Et qui souffrez ses rigoiireux mépris;
Pour estre ainaés, comme moy, de la Belle
Il faudroit estre amans à cheveux gris.
Et ne l'aimer que d'amour fraternelle.
De vous alors on diroit dans Paris:
Elle a pour eux beaucoup de bienveillance,
Comme Ménalque Us sont ses favoris
Mais honni soit qui mal y pense^.
Mais avant d'être l'amie de Ménage, la jeune de La Vergne
en fut l'élève, et le maître n'a pas été trop mauvais si l'on en
juge d'après les progrès remarquables de l'élève. Il est difficile
de fixer la date oii Ménage a commencé ses leçons. Walckenaer^
dit que Ménage avait trente-trois ans lorsqu'il entreprit l'ins-
truction de Marie de Rabutin-Chantal et que les premières
leçons données à Mlle de La Vergne dateraient de cette époque.
Ceci nous fait remonter à 1646. Les leçons commencées furent-
elles interrompues par le départ pour Le Havre? La jeune fille
resta-t-elle à Paris pour les continuer? Nous ne pouvons rien
affirmer. Mais il nous semble plus probable que c'est vers 1650
que Marie -Madeleine commença à travailler sous la direction de
Ménage ; cette date s'accorderait bien avec la lettre de Madame
de Sévigné écrite pour reprocher à Ménage sa partialité en
faveur de la nouvelle élève. Toujours est-il, selon les dires des
contemporains, qu'après trois mois de leçons de latin l'élève fut
aussi forte que le maître: "Trois mois après que Madame de La
Fayette eut commencé d'apprendre le latin, " fit-on dans ^Se-
graisiana, "elle en savait déjà plus que Monsieur Ménage et que
1 Ménage lui adresse dans ce même recueil des idylles, élégies, épi-
grammes, madrigaux, ballades, en français, des élégies et des épigrammes
en latin, des madrigaux en italien, etc.
2 Mém. Sév.
30 Madame de La Fayette [CH.
le Père Rapin^, ses maîtres : en la faisant expliquer, ils eurent
dispute ensemble touchant l'explication d'un passage et ni l'un
ni l'autre ne vouloit se rendre au sentiment de son compagnon :
Madame de La Fayette leur dit, vous n'y entendes rien ni l'un
ni l'autre ; en effet elle leur dit la véritable explication de ce pas-
sage, ils tombèrent d'accord qu'elle avait raison. C'était un
poète qu'elle expliquoit, car elle n'aimoit pas la prose, et elle n'a
pas lu Cicéron: mais comme elle se plaisoit fort à la poésie, elle
Usoit particulièrement Virgile et Horace et comme elle avoit
l'esprit poétique et qu'elle savoit tout ce qui convenoit à cet art,
elle pénétroit sans peine le sens de ces auteurs."
Outre le latin et l'italien. Madame de La Fayette, a fait un peu
d'hébreu. Une instruction aussi sohde, frisant même la pédan-
terie, était une exception à l'époque, car on craignait fort que
ces connaissances ne vinssent à gâter l'éducation d'une femme
du monde. Madame de La Fayette elle-même disait "qu'elle
n'avoit pas connu de gens plus malhonetes (sic) que les savans^."
Or il s'agissait au XVIIe siècle d'éviter tout ce qui était mal-
honnête. La femme était destinée à briller dans la société, non
pas à pâUr dans le cabinet de travail. Pas instruites, incapables
de bien mettre l'orthographe dans une lettre, voilà les jugements
qu'on porte sur les femmes de la cour de Louis XIV. Cet état
lamentable était dû, paraît-il, à un manque d'instruction sohde.
Et bien qu'il ne manquât pas alors de gens éclairés pour réclamer
plus de méthode dans l'instruction des jeunes filles^, la plupart
des parents se contentaient de leur laisser acquérir dans la
fréquentation du monde l'éducation qui devait les guider dans
la société.
Madame de La Fayette a profité des deux méthodes. L'une,
appliquée par Ménage, a peut-ttre développé en elle cette
"divine raison" qu'on loue — sans toutefois mettre son ortho-
graphe à l'abri de la critique; l'autre l'a empêchée de devenir
^ Le Père Rapin ne dit pas qu'elle ait été son élève. Il n'en fait pas
mention dans ses Mémoires sauf pour lui reprocher la fréquentation des
milieux Jansénistes, i. 403. ^ Segraisiana, p. 89.
^ P.e. : Mlle de Goumay, De l'égalité des hommes et des femmss, 8°,
1662; Mlle de Schurman, Dissertatio de muliebris ingenii ad doctrinam
et melioris Utteras aptittiaine, Lyon, 8°, 1641; Poiillain de la Barre,
De V égalité des deux sexes, 1673; Jacques du Bosc, Uhonneste femme,
4°, 1635 (3« éd.). Enfin, et mieux connus: Fénelon, U Éducation des
Filles, 1687; Fleury, Traité des études, 1686; Molière, Mme de Sévigné,
La Bruyère, passim; Le Grand Cyrus, x, p. 550. Sur tout ce vaste sujet
voir Rousselot, Éducation des Femmes, p. 280 et suiv.
n] La Jeune Fille 31
une "femme savante," une Philaminte ou une Armande, et a
donné à ses romans ce ton de conversation entre gens bien
élevés, qui en fait le charme.
Il nous est difficile aujourd'hui de pénétrer bien avant dans
son travail avec Ménage, mais il nous est heureusement permis
de jeter un rapide coup d'œil sur la société où elle a fait son
éducation.
Pour la majorité des jeunes filles du temps et pour beaucoup
de jeunes gens la fréquentation du monde poli était l'école où
on acquérait, à force d'écouter et d'imiter, toute l'instruction et
toute l'éducation nécessaires pour faire bonne figure à la Cour.
Au début, on savait que l'on était là pour apprendre, et plus
tard on servait de modèle. N'imaginons pas cependant une
société aussi guindée qu'on la représente parfois, et surtout ne
lui attribuons pas une déhcatesse outrée en prenant à la lettre
les railleries de Molière. En faussant le vrai caractère de la
société dans laquelle elle vivait, on fausse également celui de
Madame de La Fayette. Quand on aimait à montrer l'influence
de Brantôme sur la Princesse de Clèves, il s'est trouvé un critique
pour répondre "Elle a dû faire lire Brantôme par le duc de la
Rochefoucauld car il est par trop grossier pour qu'elle ait pu le
lire elle-même." Certes, Brantôme appelle les choses par leur
nom, mais Madame de La Fayette y était habituée car on
faisait de même dans la conversation autour d'elle. On n'en
était pas encore arrivé à éviter le mot propre et précis qui ex-
prime ce qui est naturel, on ne savait pas désigner ce qui n'est
ni naturel ni avouable à l'aide de ces périphrases qui remplacent
le terme considéré comme blessant et qui permettent à l'imagi-
nation surchauffée de se représenter les réalités avec trop de
netteté.
"Il y a deux siècles de Louis XIV, " dit Sainte-Beuve, "l'un
noble, majestueux, magnifique, sage et réglé jusqu'à la rigueur,
décent jusqu'à la solennité, représenté par le roi en personne, par
ses orateurs et ses poètes en titre, par Bossuet, Bourdaloue,
Racine, Despréaux — et puis un autre siècle qui coule dessous
pour ainsi dire, comme un large fleuve coulerait sous un large
pont et qui va de l'ime à l'autre régence, de celle d'Anne
d'Autriche à celle de Philippe d'Orléans^." Personne aujourd'hui
ne discute ce fait connu, et pourtant la façon dont on appUque
cette certitude à l'étude de la Uttérature est parfois des plus
bizarres. Tel auteur est sur le pont — jamais ailleurs, tel autre
^ Et voir Victor du Bled, La Société française, é'^ série, p. 156.
32 Madame de La Fayette [ch.
est dans le fleuve et n'en veut point sortir. Bref les deux aspects
du siècle restent aussi distincts que l'eau et le pont.
Au début du XVIIe siècle on s'affranchit de la sauvagerie
du siècle précédent; on atteindra l'apogée à la fleur d'âge du
roi Louis XIV, puis on déclinera rapidement ; le contraste entre
les pères et les fils ira grandissant. "L'on parle d'une région," dit
La Bruyère^ à propos de la Com", "où les vieillards sont galants
polis et civils, les jeunes gens au contraire durs, féroces, sans
mœurs ni politesse." Madame de La Fayette a été formée au
moment où l'on cherchait à secouer le joug du XVIe siècle, et à
former une société plus pohe, plus raffinée, où la femme méri-
terait et exigerait le respect de l'homme. Plus tard, quand les
femmes abuseront du tabac et du vin^ Madame de La Fayette ne
fréquentera plus le monde ; elle vivra retirée dans sa maison de
la rue de Vaugirard et répondra quand on voudra lui présenter
une personne, même de son âge, "Je suis trop vieille pour com-
mencer des connaissances^." Mais du moment qu'on faisait effort
pour raffiner la conversation et épurer les mœurs, c'est que l'état
général laissait à désirer et les femmes qui voulaient se hausser
au-dessus du niveau commun ne pouvaient pas ignorer la bru-
talité et la vulgarité qui les entouraient, ni arriver à leur idéal
sans passer par des étapes qui sont peut-être ignorées des jeunes
filles de nos jours. Et tout en s'observant, elles ne bannissaient
pas la gaieté assaisonnée parfois de gros sel; l'esprit gaulois
abusait des droits qu'on lui laissait. Le soldat revenait à la cour
au début de l'hiver avec les manières des camps et à voir com-
ment on faisait la guerre à cette époque* on ne peut pas imaginer
un soldat, de quelque rang qu'il fût, membre d'une société poHe.
Cependant l'atmosphère créée par les réunions féminines réus-
sit à apprivoiser ces guerriers et à faire de chacun d'eux un
"honnête homme."
Cette réaction, plus involontaire que l'on ne croit d'habi-
tude, contre les manières des camps, est généralement considérée
comme l'œuvre de l'Hôtel de Rambouillet; aussi, puisque, au
1 De la Cour, Ch. vni.
2 Voir Saint-Simon; La Palatine; LeDécalogue de la Femme de Cour;
Mme de Maintenon, Conseils aux Demoiselles, i. pp. 46, 166; Boileau,
Satires sur les femmes, etc.
^ Lettre à Ménage.
* Voir Alphonse Feillet, La misère au temps de la Fronde, 5^ éd.
pp. 33, 127, 190, 498 ; State Papers, France, vol. ccxxi. ; Retz, La Ij
véritable harangue faite au Roy. ...1652; John lEvelyn, Diary, 1906, ii. *!
p. 19.
Il] La Jeune Fille 33
dire de certains biographes^, cet Hôtel a beaucoup contribué
à l'éducation de la future Madame de La Fayette, il faut en
dire quelques mots.
École de moralité, réunion de précieuses, monde où l'on
s'ennuie pour garder sa réputation de bel esprit — voilà quelques-
uns des aspects de l'Hôtel de Rambouillet. Le souvenir de
Molière est pour beaucoup dans notre fausse conception de
l'Hôtel — et c'est notre faute car rien ne nous autorise à prendre
à la lettre et comme s'appliquant directement à cette réunion,
tout ce que Molière a dit des précieuses. Mais Walckenaer et
Victor Cousin ont aussi leur part de responsabilité et ici nous
ne sommes guère à blâmer, car les études de l'un et de l'autre
nous inspirent du respect pour leurs opinions. L'intelligence de
Cousin fut malheureusement égarée par ses sentiments; peu à
peu il devint amoiureux, tout bonnement, des belles femmes du
XVII^ siècle. Sa passion ne fit plus de distinctions entre elles;
elles étaient joHes, donc elles étaient saintes. Les belles péche-
resses devinrent des doctoresses graves ou de valeureuses ama-
zones. Les universitaires suivirent Victor Cousin et voici à peu
près en quels termes ils s'habituèrent à représenter l'Hôtel:
"Madame de Rambouillet, outrée de la brutaHté de la cour de
Henri IV, se retira dans une maison qu'elle avait fait construire
tout exprès et se consacra à reformer la langue française et à
codifier la poHtesse." Cette maison devenait dans l'enseigne-
ment ordinaire une sorte de temple où des lévites vêtus de ratine
sombre, s'occupèrent à regratter des syllabes, à peser les mots
au trébuchet, à les faire sonner sur des tables de marbre pour
en vérifier l'aloi, à rejeter les mauvais dans des corbeilles, à
poinçonner les autres pour la circulation. Au fond du temple,
une chapelle uniformément tendue de bleu : là, vêtue de je ne
sais quelle robe mi-laïque, mi-sacerdotale, étendue sur un Ut
de repos, la marquise souriait, figée dans une pose prétentieuse
et hiératique; de temps en temps elle convoquait les menus
officiants à lui venir rendre compte de leurs grammaticales
liturgies; devant de grands seigneurs spécialement appelés à
ces fêtes pédantes, poètes, philologues, prosateurs, faisaient le
cercle sur les tabourets de chêne mal équarris, chacun à son tour
se levant poiu- débiter une interminable et bien pédantesque
^ D'après Petitot. qui donne Segraisiana comme source, "elle sut se
concilier l'amitié de Mme de Rambouillet et apprit beaucoup d'elle."
D'après Emile Magne, Voiture et les années de gloire de VHôtel de Ramb.
p. 326, la marquise ne semble pas avoir encouragé ses visites.
A. 3
34 Madame de La Fayette [ch.
harangue: après quoi la marquise prononçait des arrêts, et
tous, avec une révérence, se départaient jusqu'au prochain
office^.
Le tableau présenté dernièrement par M. Emile Magne^
nous semble plus vraisemblable. D'après lui, Madame de Ram-
bouillet ne rompit jamais avec le monde, mais, épuisée par
plusieurs maternités, elle en supportait mal les fêtes; comme elle
ne voulait pas pour cela s'imposer de claustration, eUe s'efforça
d'attirer dans son hôtel l'éhte de la cour et de la bourgeoisie;
elle y réussit lentement à force de douceur charmante, d'at-
tachante bienveillance, de diplomatie attentive et de largeur
d'esprit ; pourvu que les gens fussent honorables, favorablement
cautionnés et qu'ils gardassent dans leurs propos cette décence
qui n'empêche pas les allusions gaillardes d'être hasardées et
comprises, elle ne s'enquérait point de leur façon de vivre, ni
de leurs haisons galantes; même elle ne répugnait pas à goûter
le plaisir délicieux de l'indulgence ; eUe recevait, en même temps
que Voiture, Madame de Sainctot son "amie" déclarée, et eUe
avait depuis longtemps renoncé à faire le compte des amants
de Mlle Paulet ; elle ne demandait pas davantage à des Yveteaux
si la renommée le calomniait en prétendant qu'il reconstituait
les fêtes de la Rome païenne dans sa maison soUtaire du fau-
bourg Saint-Grermain. Madame de Rambouillet était malade
et ne cherchait que la distraction. "Elle n'a de santé que de
l'esprit," écrit Chapelain, "....les galanteriesde l'Hôtel ne se font
toujours que pour divertir Arthénice, qui en a grand besoin."
Les galanteries que l'on trouve pour distraire la marquise sont
pour nous étonner un peu. On y amène un bateher de foire
comme on y amènera des gens de lettres assez peu habitués aux
costumes et aux habitudes de la cour pour que l'on puisse se
moquer ouvertement d'eux. La raillerie est quelquefois crueUe
et les tours que l'on joue sont méchants et ressemblent fort à
du "horse play." Certes les conversations littéraires ne furent
pas exclues de l'Hôtel, mais on causait librement au Ueu de
faire académie. En fin de compte nous croyons que l'influence
de l'Hôtel, tant httéraire que morale, a été bonne.
^ Nous avons pris cette description presque mot à mot d'un article de
M. Henri Kermor à propos des livres de M. Magne dont il sera question
plus loin. Cet article, publié dans le supp. du Figaro, le 6 jan. 1912, résume
mieux que nous aurions pu le'faire ce que nous avions à dire sur ce sujet.
2 Voiture et les origines de V Hôtel de Rambouillet. Voiture et les années
de gloire de VHôtel de Rambouillet, 2 vols, in 16, 1911, 1912 (Mercure).
Il] La Jeune Fille 35
Mesdames de Sévigné et de La Fayette paraissent avoir peu
fréquenté l'Hôtel; elles n'y ont paru qu'assez tard, mais elles
connaissaient la plupart des gens qui y étaient reçus et ont dû
en subir l'influence. On s'est évertué à nous expliquer pourquoi
le goût de ces deux femmes n'a pas été faussé par leur fré-
quentation de l'HôteP. Inutile de répéter les arguments mis en
avant. Leur passage fut court et ceci, joint à ce que nous venons
de dire sur la nature des réunions, offre une explication suffisante.
Madame de La Fayette fréquenta un autre salon — celui de
Fresnes — et il ressortira de sa correspondance que là encore on
s'occupait autant de jeux bruyants que de discussions pré-
cieuses. Madame de La Fayette figure souvent parmi les pré-
cieuses, car elle a tenu salon^ mais elle fut parmi les premières à
se moquer de la préciosité^ telle que Molière nous la fait connaître.
L'appeler précieuse, en donnant au mot le sens que Scarron lui
donne dans une lettre à Madame de La Vergne "Je baise
humblement les mains à Monseigneur de Sévigny à Melle de la
Vergne, toute lumineuse, toute précieuse, etc....^," c'est lui
faire un grand compliment ; l'appeler précieuse dans le sens que
le mot a pris depuis, ce serait encore vrai à une certaine époque
de sa vie, mais on ne peut pas lui appliquer l'étiquette sans tenir
compte de l'évolution de son caractère. Nous en reparlerons
ailleurs. La plus grande erreur des historiens de la littérature
consiste à prêter à tous, et surtout aux femmes, une délicatesse
exagérée qu'elles étaient loin de posséder. La déhcatesse se
retrouvera dans les œuvres de Madame de La Fayette comme
dans la plupart des chefs-d'œuvre du siècle, mais il faut lui en
faire un mérite, au lieu de trouver que cette délicatesse découle
tout naturellement de la vie raffinée de l'époque.
Nous avons déjà fait allusion, dans une note, à la brutalité
en temps de guerre ; ce n'est pas seulement dans les camps qu'on
est cruel. De Retz nous parle, tout naturellement, d'un certain
Montandré, méchant écrivain, à qui Vardes avait fait couper le
nez "pour je ne sais quel libelle qu'il avait fait contre Mme la
Maréchale de Guébriant, sa sœur." À Paris, des monstres de
1 Petitot, Intro. aux Mém. de Mme de La Fayette, lxiv. p. 338, et
Walckenaer, Mém. Sév. i. pp. 24 et siiiv.
2 Voir Somaize, Dict. des Précietises (Articles (1) Féliciane et (2
Rédiiits).
^ "On a vu une lettre d'elle qu'elle a donné au public pour se moquer
de ce qu'on appelle les mots à la mode et dont l'usage ne vaut rien "
Biissy-Rabutin, Gorr. i. 262. * Scarron, Œuvres, 1786, i. p. 174.
36 Madame de La Fayette [ch.
perversité coudoient de véritables saints et l'affaire des poisons,
bien connue aujourd'hui par la divulgation des documents de la
Bastille, révèle dans la société de cour des abîmes de super-
stition et de crimes insoupçonnés de Saint-Simon lui-même^.
Une exécution capitale est un spectacle public qui attire tou-
jours une foule nombreuse. Les gens de qualité ne craignaient
pas d'assister à ces sinistres exhibitions, tandis que, seuls de nos
jours, assistent aux exécutions capitales des gens tarés ou de
moralité douteuse, à quelque classe d'ailleurs qu'ils appartien-
nent. Madame de Sévigné s'en vient tout exprès de la Place
Royale pour voir mourir la Brinvilliers.
La langue était aussi brutale que les mœurs ; si l'on ne peut
aller aux documents, qu'on parcoure les livres de M. Magne;
on y trouvera souvent des mots, là où des étoiles auraient suffi.
Un exemple, et des plus connus, suffira pour donner une idée de
la Uberté de langage. "Madame de Rambouillet," écrit Talle-
mant, "est un peu trop comphmenteuse pour certaines gens qui
n'en valent pas trop la peine; mais c'est un défaut que peu de
personnes ont aujourd'hui, car il n'y a plus guère de civilités.
Elle est un peu trop délicate, et le mot de teigneux dans un
satire ou dans un épigramme, lui donne, dit-elle, une vilaine idée.
On n'oserait devant elle prononcer le mot de cul. Cela va dans
Vexcès^ surtout quand on est en liberté.''''
La plupart des amis de Tallemant étaient probablement de
son opinion puisque Madame de Sévigné n'hésite pas à employer
le même mot^. Bien d'autres mots, que les journaux eux-mêmes
n'osent plus imprimer en toutes lettres, revenaient souvent sur
les lèvres et sous la plume.
Dans ce mélange disparate d'extrême raffinement et d'ex-
trême grossièreté qui caractérise l'époque où vivait Madame de
La Fayette, ce ne sont pas les propos seuls qui sont malpropres ;
les personnes ne l'étaient pas moins. Au Louvre "le flot montant
et descendant des courtisans, des gens d'affaires, des soldats, des
provinciaux, des fournisseurs et de la valetaiUe considérait les
escahers, les balcons, les corridors, le derrière des portes, comme
des endroits propices au soulagement de la nature. C'était une
^ Voir Victor du Bled, La Société fr. 3^ série, p. 28, et Fiinck-Brentano,
'L'affaire, des poisons.
2 Pour la grossièreté de l'époque voir les Mém. de Conrart, à propos
de la Grande Mademoiselle ; La Gazette de Loret, 13 août 1651 ; Tallemant,
à propos du Marquis de La Case; d'Avenel, Richelieu et la monarchie
absolue. ^ Lettre du 26 août 1671. ii. 337.
Il] La Jeune Fille 37
servitude immémoriale, qui existait aussi bien à Vincennes et
à Fontainebleau, et qu'on n'abolit point sans peine : il est encore
parlé dans un document postérieur à 1670 des "mille ordures"
et des "mille puanteurs insupportables " qui faisaient du Louvre
un foyer d'infection très dangereux en temps d'épidémie. Les
grands de la terre acceptaient ces choses comme des fatalités
et se contentaient de faire donner un coup de balai^." Si les
grands se contentaient si facilement de cet état de choses, c'est
qu'ils n'étaient guère supérieurs à la "valetaille." Saint-Simon
raconte que le duc de Vendôme donnait ses audiences sur la
chaise percée, qu'on se servait de ce meuble intime comme d'un
fauteuil, que des princes et princesses admettaient leurs fami-
liers pendant la séance. On passera sous silence ce que faisait
la Dauphine dans le cabinet du roi, d'après la Palatine; ce fait,
espérons-le, fut exceptionnel. Madame de Sévigné, quand elle
va aux eaux, entre dans des détails un peu surprenants pour
nous autres et personne ne s'étonnait à l'Hôtel de Rambouillet
lorsque, une dame ayant pris médecine. Voiture écrit des vers
sur les résultats de l'opération.
Les grands ne sont pas plus propres sur leurs personnes. Un
manuel de savoir-vivre de 1 673, qui eut un grand succès, conseille
aux personnes de la cour de "se tenir la tête nette, les yeux et
les dents, les mains aussi et même les pieds, particuHèrement en
été, pour ne pas faire mal aux gens avec qui nous causons."
Faret^ avait déjà conseillé au courtisan de penser un peu à ses
voisins: "Qu'il tienne sa barbe ajustée avec soin, à cause de
l'incommodité qu'autrement il en recevroit à parler et à manger ;
et particuHèrement qu'il ait tousiours les dents et la bouche si
nettes, que jamais il ne puisse incommoder de son haleine ceux
qu'il entretient."
Un autre manuel de bon ton, publié en 1640 à l'usage des
petits maîtres, recommandait de se laver les mains tous les jours
et le visage presque aussi souvent. La méthode employée par les
gens soigneux c'était de passer sur leur visage un petit tampon
de coton imbibé d'alcool aromatisé.
Ces petits manuels de savoir-vivre sont fort intéressants, car
ils nous permettent de prendre les contemporains sur le vif.
Voulez-vous voir la tenue d'un courtisan "en audience d'un
grand"? "Il faut avoir," dit de Courtin, "sesgands aux mains
et se tenir tranquille sur son siège : ne point croiser les genoux,
^ Voir Arvède Barine, La jeunesse de la Or. Mlle, p. 11.
* Uhonneste homme ou Vart de plaire à la Court, 1630.
38 Madame de La Fayette [CH.
ne point badiner avec ses glands, son chapeau, ses gands, etc....
ny se fouiller dans le nez, ou se grater autre part. Il faut éviter
de bâiller, de se moucher et de cracher, et si on y est obligé là,
et en d'autres heux que l'on tient proprement, il faut le faire dans
son mouchoir.... et ne pas regarder après dans le mouchoir....
Si on est assis auprès du feu, il faut bien se donner de garde de
cracher dans le feu, sur les tisons, ni contre la cheminée."
Et pourtant, en même temps que ces préceptes de propreté
élémentaires, nous avons le raffinement suivant: "Que si elle
(la personne visitée) éternuoit il ne faut pas lui dire tout haut
Dieu vous assiste, mais il faut seulement se découvrir et faire
une profonde révérence, faisant un souhait intérieurement^."
Voilà bien le dix-septième siècle avec ses extrêmes de poli-
tesse raffinée et de grossièreté. Et partout on trouve des con-
tradictions frappantes. On voit la piété se concilier comme par
un accord naturel avec une pente marquée à la dissipation, aux
plaisirs, et même au relâchement des mœurs. L'étiquette a
caché sous la régularité extérieure bien des choses qui semblent
singuhères, inexplicables même. Mais au miUeu de cette diversité
des mœurs on notera surtout l'influence d'un principe que l'Hôtel
de Rambouillet mit bien en évidence. La déhcatesse, mot mis
dans le courant de tous les écrits du siècle, se rencontre parmi
les jeux grossiers de l'Hôtel, parmi les désordres de la galanterie,
de la sensuahté et du "libertinage." Après avoir vu, d'une part,
les malheurs des paysans et, d'autre part, le luxe des bourgeois,
tels que les graveurs du temps les représentent, après avoir
fouillé dans les coins mal-odorants de l'époque et trouvé sous
les dentelles des gentilshommes l'homme qui triche au jeu^ et
se plonge dans la basse débauche 3, on est forcé d'admettre que
^ (Ant. de Cotirtin), Nouveau traité de civilité.... 2^ éd. 1675.
2 Le beau-frère de Grammont, par exemple, raconte le plus tranquille-
ment du monde avec quel cynisme il fait des dupes en tout Ueu. Rien
de plus fréquent que ces piperies, ces fraudes, même à Versailles sous les
yeux du roi. Voir Mém. de Grammont, Tallemant des Réaux, etc. Pour
lafureurdu jeu voir Amedée Renée, Les mècesdeMa2arm,App. B,p. 411.
^ Voir Fo\xmier, Var. Hist. ii. vm. passim (textes contemporains).
Le Nouveau Théophile dans V Éventail satyrique, 1628, écrit ainsi:
Si le grave censeur de Rome
Vivoit en ce temps où nous sommes.
On ne verroit tant d'hôpitaux.
Tant de gueux, tant de covirtisanes,
Tant d'abus, tant de mœurs profanes.
Tant de cocus et maquereaiix.
Il] La Jeune Fille 39
c'est après tout les œuvres de Lebrun et Lenôtre, les plafonds,
les jardins et les bassins de Versailles qui représentent, non pas
la vie du siècle (c'est là l'erreur que l'on a faite), mais bien les
aspirations du siècle. Pour en comprendre la vie, il faut voir,
en même temps que les gravures de la Cour en toute sa splendeur,
celles qui représentent le peuple ruiné par la guerre: Chauveau,
Le Clerc, de Poilly, Bonnart, Guérard, nous feront donc voir la
Cour, la campagne et la villei. Mais pour comprendre l'idéal de
cette vie les peintres de la cour suffiront.
Attribuer ce règne de la délicatesse uniquement aux con-
ventions du temps et aux règles de l'étiquette n'est point aller
jusqu'au fond des choses. Il y eut là un penchant dominant qu'il
faut reconnaître — c'est un principe d'idéalisme dont on a les
témoignages dans la constance de certaines passions qui tiennent
aux événements de l'histoire, dans les savantes peintures des
mouvements de l'âme, qui ont été l'art des plus grands poètes,
dans le règne presque absolu des femmes, dans la pente de
quelques grands esprits au mysticisme, et dans tant d'autres
faits que l'on pourrait marquer^. On découvrira dans le carac-
tère de Madame de La Fayette les influences de ce monde facile
à critiquer à cause de ses faiblesses, mais imbu du désir d'idéal. Si
nous nous sommes un peu attardé à examiner cette société,
c'est que l'influence en fut grande sur notre auteur : nous pour-
rions même dire que la vie de Madame de La Fayette c'est la vie
de son temps, et que son œuvre en est l'idéal. C'est dans les
contradictions de son époque que nous trouvons l'explication des
contradictions de son caractère et nous croyons fermement que
si l'on avait examiné d'un peu plus près la société où elle a fait
son éducation^ on n'aurait pas cru nécessaire de "reviser"
plusieurs fois l'opinion qu'il faut avoir d'elle; on aurait évité
d'abord un extrême, puis l'autre, pour rencontrer la vérité.
Mais Marie -Madeleine allait bientôt être privée pendant
quelque temps de cette société. Son beau-père subit le contre-
coup de l'emprisonnement du cardinal de Retz à Vincennes, et
fut en même temps exilé de Paris. Il se retira en Anjou et il y a
^ Voir Emile Bourgeois, Le siècle de Louis XIV, Ses arts, ses idées, 4P.
2 Voir Frémy, Essai sur les var. du style fr 1843.
3 "Il règne en effet sior le XVII^ siècle plus d'idées fausses que l'on ne
pense et potu- cette raison bien simple que ce que nous croyons le mieux
connaître étant ce que noios étudions le moins, est aussi ce que très
souvent nous connaissons le plus mal." Brvinetière, La soc. préc. au XVII*
siècle. Études crit. 2^ série, p. 3.
40 Madame de La Fayette [ch.
lieu de croire que sa femme et sa belle-fille l'accompagnèrent car
deux lettres de Costar, sans date il est vrai, mais écrites avant le
mariage, parlent de l'isolement de Marie -Madeleine à la cam-
pagne^. Dans la première il demande "comment vous vous
accommodez des nobles de vostre voisinage ; s'ils ne vous trou-
vent point plus aimable qu'il ne seroit nécessaire pour vostre
repos ; si vous avez trouvé l'invention d'attirer leur estime et leur
bienveillance sans attirer leurs importunités et leurs visites trop
assidues, et enfin si vous avez pu sauver et mettre à couvert de
leurs persécutions assez de loisir pour l'employer à lire de belles
choses, à cultiver vostre esprit, et à prendre autant de soin de
luy, qu'il en a pris de vous rendre la plus sage et la plus heureuse
fille qui vive? 2"
Dans la seconde Costar estime que la jeune fille lui accorde
trop de louanges dans une lettre qu'elle lui a adressée : "Autre-
ment, Mademoiselle," dit-il, "j'appréhenderois que ceux qui
ne trouvent rien à dire en vous, sinon que vous avez la bouche
trop petite et que vous écrivez aux Beaux Esprits, n'y remar-
quent des défauts bien plus importants. Et certes il seroit fort
étrange qu'une personne que l'on appelle Incomparable, qui dans
la première fleur d'une excellente beauté se passe si aisément de
Paris et n'est point enchantée de la Cour, eust découvert en mon
petit ouvrage quelque chose capable de la surprendre" etc.^
Mademoiselle de La Vergne se passait donc de la vie de cour
sans trop se plaindre et continuait, par la lecture et la corres-
pondance avec les beaux esprits, l'instruction qu'avait com-
mencée Ménage. Ce dernier joue pour le moment le rôle d'un
ami. Le 8 août 1654, le cardinal de Retz, avec l'aide de Renaud
de Sévigné, s'évade de Vincennes et trouve nécessaire de s'ex-
cuser auprès de son gardien le maréchal de la Meilleraye. C'est
Ménage qui est chargé de lui faire parvenir la lettre du cardinal
par l'intermédiaire de Madame de Sévigné*.
^ Ce ne fut pas le seul inconvénient qu'elle eut, à entrer dans la famille
Sé\'igné. Le marquis lui joue vers cette époque un tour assez désagréable.
Voir Tallemant, v. 475. Et, de plus, l'exil ne paraît pas avoir calmé
l'humeur belliqueuse de son beau-père. Au mois de jmn 1652 il demande
raison au duc de Rohan de sa conduite envers la marquise, sa parente.
Tous deux se rendaient hors de la ville: xm exempt du duc d'Orléans,
par ordre de Son Altesse Royale, vint arrêter Rohan au moment où les
deux combattants venaient de mettre bas leiirs pourpoints et de tirer
eurs épées. Voir Loret, Mvse hist. m. 85, 87.
- Lettres de Costar, 1658, i. p. 545. ^ Ibid. p. 547.
* Sévigné (Mme de), Lettres, i. pp. 387-8.
Il] La Jeune Fille 41
Il arriva à ce pauvre Ménage, un peu avant cette date, une
histoire assez désagréable. Boileau lui apporta une élégie latine
pour demander son opinion ; Halle, poète royal, était présent et
Ménage trouva bon de "traiter Boileau fort de petit garçon^."
"Nous lirons cela une autre fois," a-t-il dit, "mais lisez mon
élégie latine à la reine de Suède, vous en apprendrez plus là que
chez tous les anciens." Boileau, fâché par ce procédé, riposta par
VAvis à Ménage; Le Bailleur n'eut rien de mieux à faire que
d'en donner une copie à Mlle de La Vergne ; Ménage l'apprit et,
au dire de Tallemant, il en fut "furieusement piqué." Le Bail-
leur était vraiment une mauvaise langue ; ne raconta-t-il pas à
Tallemant que Mlle de La Vergne trouvait Ménage importun et
moins "honnête homme" que Giraut?
Marie-Madeleine a atteint sa majorité; sa vie de jeune fille
va bientôt se terminer. Avant de dire adieu à Mademoiselle de
La Vergne et de saluer Marie -Madeleine de La Vergne, comtesse
de La Fayette, arrêtons -nous un instant pour voir la jeune femme
que l'instruction et l'éducation ont formée.
Bossédant un bagage scientifique peu commun à l'époque,
qui lui permet de correspondre avec les savants, elle n'a pourtant
rien elle-même de la femme savante. Elle croyait, comme
Fénelon, qu'il fallait avoir "une pudeur sur la science 2." En
dépit de l'opinion commune qu'il ne faut pas que les filles soient
savantes, la curiosité les rendant vaines et précieuses^, Marie-
Madeleine, loin d'être vaine, était d'opinion que " celui qui se met
au-dessus des autres, quelque esprit qu'il ait, se met au-dessus
de son esprit*." Son instruction, au Heu de la rendre vaine et
pédante, lui avait donné le goût des lectures — et des lectures
solides aussi bien que des romans, car elle ne méprisait pas ces
derniers. EUe Usait Montaigne et trouva "qu'il y avoit plaisir
d'avoir un voisin comme lui^."
Ces lectures avaient pour résultat d'en faire une femme qui
n'était ni pédante, ni coquette, mais éminemment sage et raison-
nable. Or, comme " les dames qui ont quelque science ou quelque
1 Tallemant, op. cit. v. 236 (3<= édit. T. iv. p. 214).
2 Fénelon dit qu'une jeune fille ne doit pas même parler des choses
qui sont au-dessus de la portée commiine des filles, quoiqu'elle en soit
instrmte {Éduc. des Filles, Ch. rx.).
^ Voir Fénelon, op. cit. p. 2.
* Segraisiana, p. 58. Une autre femme savante, Mme de Staël,
développera les mêmes idées bien plus tard. Le rapprochement est in-
téressant à faire. Voir De la litt ii. {Des femmes qui cultivent les lettres).
Londres, 1813. ^ Segraisiana, p. 143.
42 Madame de La Fayette [CH.
lecture, donnent beaucoup de plaisir dans la conversation^,"
elle brillait dans la conversation et attirait autour d'elle un
groupe qui était déjà un "salon." C'est dans la fréquentation
du monde qu'elle avait appris à bien parler, mais Ménage aurait
pu revendiquer l'honneur de lui avoir donné des leçons, car il
parlait bien^. Du Bosq dit aussi, en parlant des femmes instruites,
que "leur idée a de quoi se contenter, pendant que les ignorantes
sont sujettes aux mauvaises pensées, parce que, ne sachant rien
de louable pour occuper leur esprit, comme leur entretien est
ennuyeux aussi leur rêverie ne peut être qu'extravagante."
Nous croyons volontiers que Marie -Madeleine n'avait pas de
"mauvaises pensées," du moins sa conduite paraît avoir été
digne de son éducation. Nous ne saurions attribuer cette sagesse
à l'influence de l'Hôtel de Rambouillet, ainsi que fait Walcke-
naer pour Madame de Sévigné^, mais nous pouvons admettre
que Mlle de La Vergne n'y a rien appris de bien mauvais, et,
qu'appliqué à elle, le titre de précieuse n'a rien de désobhgeant.
De plus elle était belle* et, à cette époque encore, d'une
humeur gaie, et même un peu railleuse^. Elle ressemblait à
Mme de Lesdiguières^.
Instruite, mais non pédante, sage mais nullement prude,
appréciant les ouvrages romanesques, éminemment raisonnable,
tout en étant d'humeur gaie mais railleuse, belle avec la taille
^ L'honneste femme, 4P, 1635, 3^ éd.
^ La Monnoye (Avertissement de Ménagiana, 1715).
3 Mém. Sév. i. 24.
* Malgré M. d'Haussonville qiii termine ainsi son ovivrage: " — je
dois ajouter poxir ma justification qu'excepté le cardinal de Retz, qui,
à la vérité, s'y connaissait, personne n'a jamais dit que Mme de la Fayette
fut jolie." Et Costar, et Loret, et Scarron, et Ménage, et Huet? Et
Mme de La Fayette elle-même au moment où elle constate la perte de
cette beauté et ajoute tristement: "Vous ne pourriez me peindre que
telle que j'aie été car pour telle que ie suis il n'y auroit pas moyen d'y
penser; et il n'y a plus personne en vie qui m'ait vu jeune. L'on ne pour-
roit croire ce que vous diries de moy et en me voyant on le croiroit encore
moins le temps a trop détruit les matériaux" (pour en faire un por-
trait). " J'ay encore de la taille des dents et des cheveus mais ie vous
asseiire que ie suis une fort vieille femme." Comment expliquer donc
l'horrible gravvire d'après Ferdinand que l'on met encore en tête de toute
édition de La Princesse de Clèves ? C'est Mme de La Fayette elle-même
qui le fait dans un billet à Ménage: "Je me fais peindre," écrit-elle, ''par
un très meschant peintre que M. des Brosses m'a enseigné "
* Somaize, Dict. des Pré.c. i. p. 96.
« Tallemant, v. 362.
Il] La Jeune Fille 43
bien prise, de jolies dents, de beaux cheveux, mais la bouche,
dit-on, un peu trop petite, saine encore de corps et d'âme, c'est
ainsi que nous aimons la voir à la fin de sa vie de jeune fille.
Bientôt elle sera épouse et mère, la beauté s'en ira vite, et la
tristesse, la maladie, l'isolement, s'abattront sur elle. Quittons-
la, donc, illuminée par ses quafités de jeunesse et insoucieuse
des nuages qui s'amoncellent à l'horizon de sa vie.
CHAPITRE III
L'ÉPOUSE. 1655-1659
De retour à Paris, les parents de Mademoiselle de La Vergne
s'occupèrent sérieusement de son établissement. Il se présenta
bientôt un très bon parti en la personne de François Motier,
comte de La Fayette, gentilhomme issu d'une des plus anciennes
maisons d'Auvergne. C'était un soldat qui, après avoir servi
en Hollande, devint enseigne de la compagnie du maréchal
d'Albret, puis lieutenant au régiment des gardes françaises^.
S'il faut en croire une chanson de l'époque il devait se sentir
plus à l'aise sur le champ de bataille que dans un salon, car il
fit piteuse mine la première fois qu'on le présenta à Mademoi-
selle de La Vergne. Voici quelle fut l'entrevue, d'après le chan-
sonnier :
Chantons de La Fayette
Le galant compliment
Qu'il fit à sa Povilette
En qualité d'amant.
Chantons son avanture
Et sa noble posture ;
Pas un jamais ne s'est mieux présenté
Pour être marié.
Dedans une assemblée
D'amis et de Parens,
La Lisette parée
Attendoit son amant ;
1 Le Père Anselme, vu. p. 62. Nous n'avons pas trouvé d'autres
détails sur sa carrière militaire car les Mstoires ne donnent que les noms
des officiers supérieurs. La Gazette fait mention en 1649 d'un sieur de La
Fayette blessé à ThionvUle. Est-ce lui? Voici l'histoire de la compagnie
d'Albret: Levée sous le titre Saintonge 1639. Siège de Turin, 1640,
d'Elne, 1641. Bataille de Lérida, 1642. Siège, Bataille de Llorens, 1645.
Siège de Lérida, 1646-7. Donnée au chev. d'Albret, 1647. Siège, 1648.
Réformée cette année. Rétablie en 1652 sous le nom d'Albret. Licenciée
en 1654. Pour l'histoire des Gardes voir Suzanne (Le Général), Histoire
de V Ancienne Infanterie française.
CH. m] U Épouse 45
II pâlit à sa vue,
Tremble, rougit et sue,
Et, ne sachant s'il devoit saluer,
Il s'assit sans parler.
Là, d'humevir inquiète,
II regarde à ses pieds.
Il se frotte la tête,
Il s'écorche le nez.
D'une grande tendresse
Il se gratte la fesse.
Et, voulant faire un complunent nouveau.
Fit tomber son chapeau.
Son conducteur fidèle
En est tout en courroux ;
Il lui dit à l'oreille,
À quoi donc pensez-vous?
Hélas ! Cousi, j'enrage,
Nargue du mariage.
J'avois pensé mais je viens d'oublier,
Je ne puis plus parler.
Après reprit courage
Notre digne héros,
Qui crut que c'est dommage
De ne pas dire deux mots.
D'vme humble contenance
Il fit la révérence
Et puis sortit plus rouge embarrassé
Que quand U est entré.
Après cette sortie,
On le tint sur les fonds.
Toute la compagnie
Cria d'iin même ton,
La sotte contenance !
Ah ! quelle heiireuse chance
D'avoir un sot et béat de Mari
Et tel que celui-ci.
La belle, consultée
Sur son futur époux,
Dit, dans cette assemblée
Qu'il lui paraissoit doux
Et d'un air fort honnête —
Quoique peut-être bête ;
Mais qu'après tout povir elle iin sot Mari
Était un bon parti.
46 Madame de La Fayette [CH.
De la jeune Lisette
On approuva l'avis ;
Une dame discrète
Aussitôt repartit :
Il vivra dans sa terre,
Comme Monsieur son Père,
Et vous ferez des romans à Paris
Avec les beaux esprits^.
Il est probable qu'il y avait d'autres raisons pour faire
agréer ce mari. Quoi qu'il en soit, le contrat du mariage fut
dressé, le 14 février 1655, en présence de "Jacques de Bayard....
procureur de Messire François de La Fayette, évesque de Limo-
ges.,..Claude de La Fayette, bachelier en théologie, frère du....
comte de La Fayette, Gabriel Pénha, chevaUer, seigneur de
Saint Pons, oncle maternel de ladite Damoiselle; dame Léonore
Merlin, veufve de feu Lazare Pénha.... grand-oncle de ladite
Damoiselle; très haute et très puissante dame, dame Marie-
Magdelaine de Vuignerot, duchesse d'Aiguillon, amie et marrine
d'icelle damoiselle et dame Marie de Rabutin de Chantai, veufve
de feu haut et puissant seigneur et marquis de Se vigne.... aUiés
d'icelle damoiselle." Le lendemain les gazettes annoncèrent le
mariage avec une grossièreté qui nous étonne, mais qui ne
rompait pas avec les habitudes du temps. Nous donnons les
deux "annonces" sans en atténuer la sotte grivoiserie.
La Vergne, cette Damoizelle
À qui la qualité de belle
Convient si légitimement,
Se joignant par le Sacrement
À son cher Amant La Fayette,
A fini l'austère diette
(Qu'en dût-elle cent fois crever
Toute fille doit observer).
Ce fut lundy qu'ils s'épouzèrent
Et que leurs feux ils apaisèrent.
Ainsi, cette jeune beauté
Peut dire aveques vérité
Que quand la carême commence
Elle finit son abstinence.
Ma Muze arrêtez-vous, tout beau,
Ce discours n'est que bon et beau,
1 Ms. fr. 12667, p. 61, Bibl. Nat. Noiis supprimons la dernière
strophe qui, selon la coutume, contient une poUissonnerie, et qui n'est pas
utile au point de vue documentaire.
m] U Épouse 47
Mais on ne peut être trop sage
Quand on parle du mariage^.
Ces jours gras légitimement.
Sans doute à leur contentement,
La belle Vergne et La Fayette
Postérité se seront faitte:
Au moins obmis n'auront-ils pas
Ce que l'on fait en pareil cas ^
On pourrait s'étonner, non seulement de la hâte avec laquelle
ce mariage fut conclu, mais aussi du fait même qu'il y eut mariage,
étant donnés les sentiments que Mademoiselle de La Vergne
aurait témoignés au sujet de son futur mari. Au dix -septième
siècle, pourtant, rien n'était plus fréquent que des alliances de
ce genre; il s'agissait à cette époque d'unir deux maisons, ou
encore une famille et une fortune. On consultait donc fort peu
les époux du lendemain, les intérêts des deux familles passant
avant tout. Après le mariage l'union entre les personnes et entre
les biens n'était pas, non plus, aussi complète que chez nous.
Chacun gardait sa propre personnaHté: la femme continuait à
signer de son nom de jeune fille — (la duchesse de Chevreuse
signe Marie de Rohan, la duchesse d'Epemon, Marie du Cambout,
la comtesse de La Fayette, De La Vergne). En somme, la loi
paraissait s'occuper beaucoup plus de soutenir le pouvoir d'un
chef de maison que d'assurer aux enfants la Uberté de fonder
de nouvelles familles. Un fils, jusqu'à l'âge de trente ans, une
fille jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, avaient besoin du consente-
ment de leurs parents pour que leur mariage fût vahde^. Les
pères choisissaient leurs belle-filles et ne permettaient que rare-
ment à leurs fils d'émettre une opinion quelconque sur leurs
sentiments intimes. Le prince de Ligne ne décrit pas un cas
exceptionnel lorsqu'il raconte ainsi son mariage: "Mon père
me fait monter en voiture ; il me mène à Vienne, J'arrive dans
une maison où il y avait quantité de jolies figures. On me dit de
me placer à côté de la plus jeiuie. Huit jours après, j'épousai.
1 Loret, op. cit. ii. 21, fév. 1655.
2 Scarron (Paul), Recueil des épîtres en vers burlesques de M. Scarron
et d'autres auteurs sur ce qui s'est passé de remarquable en Vannée 1655.
Paris, Alex. Hesselin, 1656, 4°, rare. Voir Tallemant, Éd. Monmerqué,
Notes, où ce passage est cité.
^ G. d'Avenel, La Noblesse Française sous Richelieu, Chap. vi.
passim.
48 Madame de La Fayette [CH.
Nous ne nous étions rien dit." L'histoire du fils du Président
au parlement de Dijon est aussi caractéristique. Ce fils était
à marier et il questionnait :
" — Est-il vrai, mon père, que vous me voulez marier à Mlle une
teUe?
— Mon fils, mêlez-vous de vos affaires."
Selon l'opinion du temps, ce père répondait sagement^.
Il arriva qu'au moment du mariage de Mlle de La Vergne,
Scarron entendit parler d'un mariage qui par sa rapidité éton-
nante, même à cette époque, sembla fort plaisant. Aussitôt il
en redit aux lecteurs de sa gazette l'histoire, assaisonnée, bien
entendu, de gros sel :
Autre histoire: un homme sans nom
Arrive à Paris de Bourbon
Vendredy, samedy s'habille
Chez un fripier, voit une fille
Dimanche et l'espouze lundy.
Il peut dire: veni, vidi,
Et vici; si l'on l'en veut croire.
L'on doute si cette victoire
Est victoire sanglante ou non.
L'historiette tout de bon
N'est pas à plaisir inventée^.
On voulut voir aussitôt dans ces vers une allusion au mariage
du comte de La Fayette, mais Scarron s'empressa d'annoncer
le mariage dans la gazette, déjà citée plus haut, et ajouta:
Lasches corrupteurs d'une histoire
Vous avez voiilu faire croire
Qu'un homme qui n'a point de nom,
Originaire de Bourbon,
Qui s'habille à la friperie,
(Voyez, quel rapport je vous prie?)
Soit d'Auvergne et de qualité —
Une demoiselle très chère,
Dont j'aime et j'honore la mère,
Un homme dont l'oncle me fut
Intime tant qu'il vescut,
Seroit l'objet de ma satire !
Va-t-on ainsy des gens mesdire?
Va-t-on de gaieté de cœur
Choquer des personnes d'honneur?
1 Corneille qui, comme dit quelque part M. Lanson, "pense le passé
dans les formes et les conditions du présent" prêche l'obéissance aux |?
parents quand il s'agit de mariage. ^ Scarron, op. cit.
m] U Epouse 49
Cette histoire non controuvée
Est dans le Marais arrivée.
De la donzelle, sage ou non,
Je ne sçay pas mesme le nom:
Tout de mesme de cette Aiirore,
Du Céphale le nom j'ignore.
Et quand bien le nom je sçaurois
Tout de mesme le cacherois^.
Persuadé que ce démenti n'était pas suffisant, Scarron
écrivit une longue lettre à Ménage pour se disculper et celui-ci
la communiqua aussitôt à Mme de La Fayette qui fut ainsi mise
au courant des médisances, car elle n'avait vu ni les premiers
vers, ni la mise au point de Scarron^.
Elle pourrait accepter d'être quelque peu calomniée^ puis-
qu'elle venait de faire un "beau mariage " vu son peu de fortune
et le peu de renommée de sa maison. François de La Fayette
n'était pas seulement "comte dudit lieu" mais aussi de "Médat,
Goutevantouze et Forests et deppendans : baron de Chauvlgny,
Espinasse, Nades, seigneur de Haulte-Serre, Hautefeuille et
autres places*." "Entre toutes les grandes maisons dont la
province d'Auvergne est remplie," écrit-on dans le Mercure
Galant de 1695^, "celle du Mottier de La Fayette tient un des
premiers rangs" et Madame de La Fayette elle-même, travail-
lant à l'histoire de la famille, après la mort de son mari, fait
mention d'un cartulaire "du siècle 1000" où les ancêtres de
son mari sont qualifiés miles.
1 Scarron, op. cit. ^ Tallemant, op. cit. vn. 39, Hist. Scarron.
■'' On profita de l'occasion po\ir médire d'une autre façon. Nous
trouvons dans les mss. fr. Bibl. Nat. 12667, p. 61, les couplets suivants:
Il court un bruit à la cour.
Que Vievixbourg
Se lamente nmt et jour.
De voir sa chère Poulette
Dans les bras de La Fayette.
Rohan aiissi son amant,
En mourant,
A dit dans son testament,
Qu'il consent que La Fayette
Ait sa part de la Poulette.
* Contrat de mariage. Voir ce contrat à l'appendice il. Pour des
renseignements sur les fiefs de Chauvigny, Espinasse et Nades voir l'ap-
pendice v.
5 Fév. 1695, à l'occasion de la mort du Colonel-Brigadier La Fayette.
A. 4
50 Madame de La Fayette • [ch.
Nous n'essayerons pas de remonter aussi loin, car déjà pour
ce qui concerne le quatorzième siècle les généalogues se contre-
disent et, malheureusement, l'arbre généalogique dressé par
Mme de La Fayette n'est pas venu jusqu'à nous^. Il suffit de
faire remarquer que le comte était d'une maison de soldats
illustres. Gilbert de La Fayette alla à la croisade en 1095 et,
au siècle suivant, Gilbert III partit également en Terre Sainte 2,
Un autre Gilbert fut tué, en 1356, à la bataille de Poitiers, en
voulant arracher son roi d'entre les mains des Anglais. En 1421,
lorsque "Messire Garin de Fontaine et autres preux angevins
firent la grosse deffaicte sur les Angloys à Baugé en Anjou^" il
y avait encore un ancêtre du comte parmi les chefs. Grand
Maître de l'Artillerie sous Louis XII^ un Mottier de Haute-
feuille partagea le commandement contre les Huguenots avec
l'évêque du Puy^. Il mourut à la bataille de Cognât et les
Huguenots victorieux rasèrent le château de La Fayette et
l'éghse de Cognât. Nous en passons, et des plus courageux.
On serait heureux, après avoir parlé des faits d'armes de ses
ancêtres, de pouvoir raconter tout au long la carrière brillante
du comte François. Nous n'avons malheureusement que peu de
renseignements sur lui — et c'est un peu sa faute car il ne fit
jamais rien pour se distinguer. On dirait même que l'acte le
plus "glorieux" de sa vie fut son mariage avec Madeleine de
La Vergne, puisque les seules mentions de lui que l'on trouve
dans l'histoire de sa famille sont ainsi conçues: "François de
La Fayette épousa Magdeleine Pioche de la Vergne, si célèbre
par son esprit rare et cultivé et par ses ouvrages^." "François,
comte de La Fayette, qui laissa de la célèbre Madeleine Pioche
de la Vergne, René-Armand".... etc. '^ "François, comte de La
Fayette, épousa en 1655Marie-Magdeleine Pioche de La Vergne....
qui a ci-après un article particulier et dont il eut Louis.,.. et
René-Armand^.' ' Guillard, qui écrivit du vivant de Mme de La
Fayette, sans toutefois publier son manuscrit, est plus catégori-
1 À moins d'avoir fourni les matériaux pour l'article nécrologique
mentionné à la page 49. Voir à l'appendice iv. la généalogie que nous
avons dressée à l'aide de cet article et des quelques pièces que nous avons
eues entre les mains. 2 Mercure, Art. cité.
^ Jehan de Bourdigné, Chron. d'Anjou et du Maine, 11. 143.
« Audigier, Hist. d'Auvergne, mss. fr. 1 1479, Bibl. Nat., T. 11. f'^^ 7, 8, 9.
^ A. Imberdis, Hist. gén. d'Auvergne, 11. pp. 68, 69.
* Aigueperse, P. G., Biog. ou dict. hist. des personnages d'Auvergne.
"^ Audigier, op. cit.
* Voilà tout ce que Moreri trouve à dire sur M. de La Fayette.
in] U Épouse 51
que encore: "Madame de La Fayette d'à présent estoit un
esprit beaucoup supérieur à celuy de son mary, elle l'avoit
relégué en sa province parce qu'elle ne pouvoit soufrir qu'il fust
icy ou à la cour^."
Évidemment, François de La Fayette n'était pas un bel esprit ;
ce n'était pas non plus un courtisan ; il ne brillait guère dans la
société de son époque ; mais il ne faudrait pas en conclure que
c'était une brute — ni même un bien mauvais mari. Nous nous
le représentons plutôt comme un gentilhomme campagnard, un
peu soldatesque, comme dirait Montaigne, mais pas méchant
homme. Par suite de la manie qu'ils ont de reproduire les
affirmations de leurs devanciers et de dédaigner les documents,
les biographes de Madame de La Fayette se sont plu pendant
longtemps à faire mourir ce mari anodin quelques années après
le mariage. On s'aperçut plus tard qu'il avait survécu à La
Rochefoucauld et aussitôt on imagina quelque drame mysté-
rieux 2. La vérité est peut-être plus simple, et nous en reparlerons
plus tard ; pour le moment, contentons-nous de suivre la vie de
Madame de La Fayette pendant les premières années de son
mariage.
Le comte de La Fayette accompagna sa femme dans le
monde et Madame de Sévigné, au heu de partir pour la Bretagne,
selon son habitude, resta à Paris pour accompagner, elle aussi,
sa jeune amie^. Mais le mari n'accomphssait là qu'un devoir et
bientôt sa province l'attirait. Madame de La Fayette dut dire
adieu à ses amis et partir avec lui en Auvergne*. EUe habita le
château d'Espinasse, près Gannat, sur lequel nous ne pouvons
1 Remarques, Bibl. Xat. MS. fr. 25187.
2 On continue pourtant, malgré l'évidence déjà publiée, d'assurer
que M. de La Fayette est mort quelques années après le mariage. Voir
Julia Cartwright, Madame, A Life oj Henrietta, Duchess of Orléans, p. 91,
etc. M. Maxime Formont dans la préface d'une édition de la Princesse
de Clèves publiée chez Lemerre en 1909, écrit, à la page vi, à propos de
M. de La Fayette: "Aussi bien l'esprit vulgaire eut-il le bon goût de ne
point s'éterniser dans un rôle qui n'était pas beaucoup son fait. Madame
de La Fayette fut bientôt veuve." M. Formont aurait mieux fait de
consulter des travaux plus récents sur l'auteur qu'il présentait au
public. Le petit Livre de M. d'Hausson ville l'aurait renseigné sur ce
sujet.
^ Walckenaer, op. cit. ii. 25.
* Au mois de décembre 1655 elle était sûrement en Auvergne car
une quittance de janvier 1679, conservée à la Bibl. Nat. (Cab. des Titres,
Pièces orig. 2287, Pioche), fait mention d'une procviration faite à
Ébreuil le 5 déc. 1655.
4—2
52 Madame de La Fayette [ch.
donner aucun renseignement car, bien qu'il existe à Espinasse-
Vozelle une vieille maison appelée vieux château, le nom même
des La Fayette est oublié dans le village^.
Il ne faudrait pas exagérer l'ennui qu'éprouva, sans doute.
Madame de La Fayette exilée dans une campagne; elle avait
déjà fait de longs séjours loin des villes et de plus elle resta en
rapports avec ses amis de Paris. Parmi ceux-ci Costar lui écrit une
lettre de félicitations des plus flatteuses : "Il y a de la seureté,"
dit-il, "de se réjouir avec vous de vostre heureux mariage: car
on doit estre également persuadé qu'il est de vostre choix et
que vous ne sauriez faire que de bonnes élections...," etc.^
Ménage envoie le dizain suivant:
Petit disain allez viste en Auvergne
Le long des bords du sablonneux Aller,
Trouver la jeiuie et brillante La Vergne,
Qui dans ses fers tient mon cœur prisonnier,
Vous luy direz que malgré son absence,
Ses fiers dédains, son rigoureux silence.
J'aime toujours ses aimables apas;
Et que ses yeux ont embrasé mon âme
De cette noble et précieiise flame
Qui vit encore au delà du trépas.
C'est Ménage qui tient son ancienne élève au courant de ce
qui se passe dans le monde des beaux esprits et qui lui procure
des livres. Elle réclame des romans, la Clélie, les œuvres de
Sarasin, le hvre de M. Costar (les Lettres, semble- t-il), le
Virgile de M. de Marolles. Elle écrit beaucoup^, voyage* et
s'occupe des procès de son mari. Ce dernier paraît avoir engagé
des procès comme on pratique un sport ; il n'en tirait pas grand
profit et même, d'après les lettres de sa femme, l'issue de certains
d'entre eux lui causait de grandes inquiétudes. Cette manie de
1 "La maison, qui me paraît ancienne," nous écrit M. Chanudet, curé
d'Espinasse-Vozelle, "est occupée par des métayers. Est-ce là qu'habi-
tait la famille La Fayette? Je ne puis vous le dire et même j'ajoute que
deux au trois personnes que j'ai questionnées à ce sujet m'ont répondu
qu'elles ne le croyaient pas." L'oubli d'une grande famille ne pourrait
être plus complet et plus étonnant.
2 Tout ce que nous disons de cette époque de sa vie est glané dans sa
correspondance inédite (Coll. F. de C).
3 " J'ay tant écrit aujourdhuy que ie nen puis plus," Lettre de Mme
de La Fayette.
* Lettres d'Angers, de Langeron, etc. "J'arrive d'vin petit voyage
que j'ai fait et ie parts poiu* en aUer en commencer un autre."
iTi] U Épouse. 53
faire des procès allait de pair, à cette époque, avec la passion du
jeu; Racine est resté au-dessous de la vérité quand il composa
ses Plaideurs et il y a beaucoup de vrai dans le tableau que
trace Furetière dans le Roman bourgeois. Pour voir à quels
extrêmes allait cette passion on n'a qu'à feuilleter les mémoires
et les correspondances. À chaque page il y est question de
procès. "On conteste des héritages inattaquables, revendique
des domaines pour lesquels on a des droits illusoires," écrit
M. Gérard-GaiUyi, "on fait des voyages, on change même de
résidence, on interjette appel, on injurie, on menace, on intéresse
souvent le roi à ses querelles et cela dure deux, dix, vingt ans."
Cela s'applique très bien au ménage des La Fayette; à partir
du mariage du comte François, il n'est question que de procès ; et
plus tard, quand Mme de La Fayette ne sera plus obUgée de
prêter secours à son mari, elle entreprendra les affaires de son
ami La Rochefoucauld.
À cette époque, comme plus tard, Madame de La Fayette
nous paraît fort énergique, malgré sa mauvaise santé.
Il est difficile de fixer la date de la première lettre où elle
se plaint de ses souffrances, mais sa santé semble s'être altérée
peu après son mariage^. La première mention que j'en trouve
dans sa correspondance est dans la lettre suivante :
"Depinasse ce 16™*' août.
"Vous me quitates avec si peu de chagrin lorsque vous me
dittes adieu que ie pense que si ie ne vous escriuois vous ne son-
geries de lomtemps a mescrire pour vous consoler de mon ab-
sence mais ie ne suis pas résolue de vous laisser le plaisir de
m'oubher si tranquilement ie veux vous faire souuenir de moy
maigre que vous ayes et auoir de lamitié pour vous quoy que
vous nen ayes plus pour moy j 'auray au moins le plaisir de vous
mettre dans vostre tort et ie m'en vais vous escrire toutes les
sepmaines avec la mesme régularité que j'aurois pu faire du
temps de cette belle amitié que vous m'auies jurée quy deuoit
surpasser les siècles en durée ie ne scay pas dequoy vous vous
estes aduise de cesser de m'aimer vous n'aures pas encore loing
a pousser vostre constance ie suis si malade et si languissante que
^ Bussy-Rahutin pp. 120, 121.
2 Après avoir écrit ce chapitre nous avons pu examiner plus méthodi-
quement les lettres de Mme de La Fa3^ette et nous sommes d'avis qu'une
lettre où il est déjà question de sa mauvaise santé et de son " mal de
côté" est de 1654 — c. à d. de l'année avant son mariage.
54 Madame de La Fayette [ch.
quand vous voudries maimer toute ma vie vous n'auries plus
guère a m'aimer sérieusement encore ie vous asseure que vous
aves tort de ne me plus aimer car il est fort véritable que jay pour
vous beaucoup d'amitié et que vous aues si fort este de mes amis
que vous le seres toujours quoique vous ne le voulies pas^."
Dans une autre lettre à Ménage, déjà imprimée en partie par
M. d'Haussonville, et qui paraît être de l'année 1656, elle parle
de sa vie à la campagne :
"Depuis que je vous ay escrit j'ay toujours esté hors de
chés moy a faire des vissites. M. de Bayard^ en a esté une et
quand je vous dirois les autres vous nen séries pas plus savant
ce sont gens que vous aues le bonheur de ne pas cognoistre et
que j'ay le malheur d'auoir pour voisins. Cependant, ie dois
auouer a la honte de ma dehcatesse que ie ne menuye pas avec
ces gens-la quoy que ie ne m'y diuertisse guère; mais j'ay pris
un certain chemin de leur parler des choses qu'ils scavent qui
menpesche de menuyer. Il est vrai aussi que nous auons des
hommes icy du tour qui ont bien de lesprit pour des gens de
prouince. Les fammes ny sont pas a beaucoup près si raisson-
nables mais aussi elles ne font guère de vissites et ainsi Ion n'en
est pas incommode. Pour moi j'ayme bien mieux ne voir gueres
de gens que d'en voir de fâcheux et la sohtude que je trouve
icy m'est plutost agréable qu'ennuyeuse. Le soing que je prens
de ma maison m'occupe et me diuertit fort et comme d'ailleurs
ie nay point de chagrin, que mon espoux m'adore que ie l'ayme
fort, que je suis maitresse absolue, ie vous asseure que la vie que
ie fais m'est fort heureuse et que ie ne demande a Dieu que la
continuation. Quand on croit estre heureux vous scauez que
cela suffit pour lestre et comme je suis persuadée que ie le suis
ie vis plus contente que ne font peut-estre toutes les reines de
leurope. J'ay bien envie de scavoir comme vous aurés gouverné
celle des Ghots ie ne doute point que vous ne Payes veue et
qu'elle ne vous ait fait mille civihtes...." etc.^
Son mari l'adorait et, à la fin de la première année de mariage,
les époux modifiaient les termes du contrat pour se faire une
donation mutuelle de leurs biens, car ils n'avaient encore aucun
enfant. Comme La Fayette était beaucoup plus riche que sa
^ Cette lettre est à rapprocher de celles que nous avons citées au
sujet des importun! tés de Ménage.
2 Le parent mentionné dans le contrat de mariage.
^ Il n'y a pas de ponctuation dans la lettre. Nous y avons introduit
quelques points pour en faciliter la lecture.
m] U Épouse 55
femme et que, de plus, il était de dix-huit ans son a né^ cette dona-
tion ne pouvait être un avantage que pour Mme de La Fayette.
Et pourtant on a cherché dans l'expression de Mme de La
Fayette "je l'aime fort," une preuve que l'adoration de son mari
n'était pas payée de retour. "C'est beaucoup d'ttre adorée
d'un époux, lors même qu'on ne ferait que l'aimer fort," écrit
M. d'Hausson ville. C'est peut-être dénaturer un peu la pensée
de Mme de La Fayette, Il faudrait citer à côté de cette lettre,
où elle a peut-être été amenée à s'exprimer ainsi par la cons-
truction de la phrase, et sans doute aussi par une sorte de pudeur
qui ne croit pas utile de tout dire, cette autre où elle écrit " J'ay
recours a vous pr toutes choses iay besoing d'une devise jolie
pour une femme qui aime passionnément son mary et qui ne vit
que pour luy. Il sen trouve peu de cette espèce je ne prétends pas
une devise noeufve ie me serviray volontiers dune qui aura
desja servy^."
Il est vrai qu'elle ne dit pas que la devise soit pour elle, mais
elle le laisse entendre.
Quelques mois après la donation mutuelle, dont nous avons
parlé, Madame de La Fayette devint enceinte. Au mois d'oc-
tobre elle annonce ainsi la nouvelle à Ménage "Nous partirons
dicy sans faute au commencement du mois de décembre il faut
que je parte dicy dans ce mois quy sera le septième de ma gros-
sesse car ie suis grosse de quatre mois et ie vous dis cela comme
une nouvelle ne layant point mande jusques a cette heure."
Même dans cette lettre il est question d'affaires. Elle voudrait
avoir un "commontimus." Elle sait "que ceux que l'on obtient
en vertu des anciennes lettres de conseilleurs destat ne servent
de rien" mais elle est assurée "que cettuy la (me) servira parce-
que cest pr envoyer au fonds de la Picardie a des gens quy ne
chercheront pas tant de chicaneries et que la peur de venir a
Paris fera trembler^."
Cependant, sa santé est profondément altérée par cette
première grossesse; elle écrit au mois de novembre "Tous les
maux dont ie suis tourmentes ne sont point causes par ma gros-
sesse car ie les avais avant que d'estre grosse mais les médecins
disent pourtant qu'après mes couches ie ne m'en sentiray plus
dieu le veille (sic) ie ne me fie guère a ce que disent ces Mrs la*."
^ M. de La Fayette naquit en 1616. ^ inédite. ^ Inédite.
* Nous datons cette lettre nov. 1657, pxiisque Mme de La Fayette y
réclame les lettres de Costar qui "devraient estre en vante." Ces lettres
furent imprimées en mars 1657.
56 Madame de La Fayette [ch.
La vérité est que Madame de La Fayette souffrit tellement
entre les mains de "ces messieurs là" ; qu'on lui pardonne de ne
pas les avoir en grande estime^. Ils l'envoyèrent aux eaux de
Vichy, à quelques lieues de chez elle. Elle le fit savoir à Ménage
de la façon suivante:
"De Vichy ce 19 — (sept. ?).
"Je suis icy aux eaux ou ie boy tous les matins quatorse
grands verres du plus meschant et du plus chaud breuvage du
monde j espère que ie recevray du soulagement a mes maux de
ce remède la vous scaues que c'est ou les médecins envoyé les
gens quand ils ne scavent plus qu'en faire. ...2."
À l'occasion d'une autre visite elle écrit "Je suis icy dans
les eaux jusques à la gorge mais ie m'en porte si mal que ie croy
que ie les quiteray demain ie n'oserais pourtant le faire sans les
ordres de M. de Lorme et iay envoyé aujourdhuy le luy deman-
der....3."
Mais ni la grossesse, ni la maladie, ni même les deux acci-
dents ensemble ne l'empêchent de s'intéresser aux affaires de sa
nouvelle maison et aux événements Uttéraires. Dans la lettre
que nous venons de citer elle accuse réception d'une œuvre de
Voiture et réclame avec impatience la Clélie^. EUe termine
pourtant sur la phrase: "Le manque de santé est le seul véri-
table malheur de la vie." Le mauvais état de sa santé n'était
pourtant pas son seul malheur. Peu de temps après son mariage,
très probablement avant la naissance de son enfant, elle perdit
sa mère^. Aussitôt son beau-père partit pour Champiré et
^ Et poiirtant elle avale, avec une patience digne d'un meilleiir succès,
tout ce qu'ils lui ordonnent: eaux de Vichy, lait d'ânesse, jusqu'au
bouillon de vipères. Voir Sévigné, vi. 58; La Rochefoucauld, in. 155, 156.
^ Inédite.
^ À M. de St Pons, rue Guénégaud. L'autorisation demandée fut
refusée, soit dit en passant, et Mme de La Fayette resta à Vichy. Les
médecins étaient parfois tyranniques.
* Mme de La Fayette fut tou j ours grande liseuse de romans, tout comme
ses amis Mme de Sévigné et La Rochefoucauld. Voir Sév. Lett., 1689.
^ La date n'est pas certaine et M. d'Haussonville escamote la diiïiculté
en écrivant (p. 31): "Cinq ans après son mariage elle avait perdu sa
mère." Nous établissons la date entre 1655 (date du mariage) et 1657
(date de l'édition qui contient la lettre de condoléance de Costar).
Les lettres du chevalier de Sévigné viennent encore confirmer cette date.
L'acte d'inhvimation de Mme de Sévigné porte la date "3 février 1656"
(Registres de la paroisse Saint-Maurille d'Angers, Arch. Communales de
la ville d'Angers, EE 118, f" 156). L'acte est reproduit dansZ,a Corres-
pondance du Chevalier de Sévigné, Paris, 1911 (Soc. de l'hist. de Fr.), p. 274.
m] U Épouse 57
quelques années plus tard se retira à Port-Royal. À partir de
ce moment-là Madame de La Fayette, semble-t-il, le regarda
avec froideur. Peut-être lui reprochait-elle de prodiguer l'argent
de l'ancienne Mme de La Vergne à construire, comme il le faisait,
de nombreux bâtiments dans l'enclos de l'abbaye. À plusieurs
reprises, il est question de lui et de son testament dans la corres-
pondance avec Ménage. Mme de La Fayette se dit peu émue par
la manière dont il dispose de ses biens et conclut: "Quand il
moura le bien qui m'en reviendra sera asses considérable pour
me consoler de la perte des meubles...."
En cette même année, 1657, Mme de La Fayette subit une
épreuve terrible pour une jeune femme. Elle constate que sa
maladie transforme complètement sa figure et que sa beauté se
perd. On a beau être bel esprit et philosophe, on n'en est pas
moins femme, et les lettres de Mme de La Fayette à ce sujet
inspirent de la tristesse. En voici une que nous citons presque
tout entière parce qu'elle nous donne, en même temps que des
éclaircissements sur ce sujet, de nouveaux détails sur l'amitié
qu'eut Mme de La Fayette pour Ménage, sur sa santé, et sur
le voyage qu'elle allait faire à Paris.
"ce 13 "6 novembre.
"Me voila donc asseuree que ie ne perdray point vostre
amitié pour avoir perdu le peu de beauté que j'avois ie perdrois
trop a la fois si ie perdois lune et lautre il est vray pourtant que
si vostre amitié ne tenoit qu'a ma beauté ce ne seroit pas une
grande perte que celle dune amitié quy tiendroit a si peu de chose
tout le malheur de mon changement ira sur loiseleur^ pour moi ie
suis d'advis que vous le datties de l'année passée jestois asses
jolie en ce temps -la et cela suffit de lavoir este pour estre traittee
de belle car enfin les beautés ne sont pas immortelles comme les
louanges que Ion leurs (sic) donne ie vous prie lorsque Me de
Brissac vous parlera de moy de luy témoigner que ie vous ay
toujours parle délie depuis que j'ay l'honneur de la cognoistre
comme d'une personne que j'honorois infiniment "....etc....
"Nous ne partirons dicy que le lendemain de la feste de Noël
ie suis en peine davoir une litière pour me venir quérir a Briare
ou je descendray par eau ie voudrois trouver une de quelque
personne de qualité parce que pour l'ordinaire celles que Ion loue
sont tre« incomode et les mulets en sont si meschants que les
fammes en lestât que ie suis y courent plus de risque qu'en
1 Poème de Ménage, adressé à Mme de La Fayette et qu'il semble
lui avoir communiqué avant l'impression. Il en est souvent question
dans la correspondance.
58 Madame de La Fayette [CH.
carosse....Nous avons absolument areste la maison de Mme de
Seivgne^ en attendant que nous layons meublée nous logerons
ches Mr de St Pons^ qui demeure proche Ihostel de nevers. Nous
serons asses vos voisins en cet endroit la adieu ie vous escris
des aujourdhuy quy n'est pas le jour de lordinaire parce que
jauray demain céans une foule de monde horible parmi laquelle
ie n'aurais pas eu le temps de vous dire un mot^."
Malgré "la foule de monde horible" et ses nombreuses
occupations, Mme de La Fayette lit et écrit beaucoup — car la
légende qui veut qu'elle n'ait écrit que peu de lettres est aussi
fausse que la plupart des légendes fabriquées sur son compte.
Elle ne se contente pas de lire U Oiseleur de Ménage, qui lui
est dédié, elle trouve encore le temps d'en faire la critique:
"J'ay releu vint fois loiseleur," écrit-elle, "mais plus ie lay leu
et plus ie me suis fortifiée a estre de son party ie trouve cjue ce
que vous y aves adjouste lors que la belle est touchée de lamour
d'Eurilas y fait fort bien et ie ayme fort quelle se souvienne de
ce que luy a dit le Peroquet comme dune chose quy vient peut-
estre des dieux il y a un vers dont ie vous demande raison quoy
que ie sois persuadée qu'il n'y a point de faute mais cest que la
manière dont il est tourne est nouvelle pr moy.
si bien tost linsensible esloignait ses beaux lieux
il me semble qu'il faudroit seloigner de ces lieux car Eurilas
peut bien seloigner de chipre mais il ne peut pas esloigner chipre
de luy et il y a grande diference dans la commune façon de
parler des hommes (ie ne scay pas si cest la même chose dans le
langage des Dieux) a seloigner dune personne ou a esloigner une
personne de soy faittes moy responce la dessus ie vous en prie
il y a encore deux vers quoyque beaux quy ne me plaisent pas
cest dans la description d'Eurilas il ne men souvient pas bien
vous vous les cognoistres par ce que ie men vais vous en dire.
et le premier coton a peine ombragoit (sic) son menton*
^ Le beau-père de Mme de La Fayette voulait lui louer sa maison que
la jeune femme trouvait fort incommode — loin de ses amis et du Palais
de Justice.
2 Son oncle maternel Gabriel Péna, Sieur de St Pons, mort en mars
1659 (Lettre de faire part. Cab. des Titres, Pièces orig. 2229). Cette
lettre de Mme de La Fayette ne peut être donc postérieure à 1658).
^ Inédite.
* Ménage avait écrit:
Il sortoit de l'enfance et le premier coton
À peine sevilement ombrageoit son menton.
Poemata, Quarta editio, 1663.
in] U Épouse 59
ie trouve quelque chose de plus bas a cela qu'au reste de la des-
cription. Voila les seules choses que jay remarquées quy ne me
plaisent pas tant que le reste. A dieu ne plaise que ie croye ponr
cela quelles ne soient pas bien car sans vanité ie nay pas celle
de me croire capable de juger de tels ouvrages. J'emmène une
litière de ce pays icy avec moy dans nos batteaux afin de pouvoir
prendre terre si le vent nous est contraire en quelque endroit
que nous soyons cest pourquoy ne prenes plus la peine de men
chercher adieu ^."
D'après certaines lettres, Ménage aurait communiqué le
manuscrit de son poème à Mme de La Fayette. À ce sujet elle
lui disait : "Je prétends vous y avoir aidé quoy que vous puissies
dire."
Après la naissance de son fils Louis, en 1658, Mme de La
Fayette revint en Auvergne et nous la voyons tantôt à Espinasse,
tantôt à Nades, tantôt à Vichy. Elle aime la campagne et écrit
à Ménage: "....J'ay bien envie de vous scavoir a Meudon il fait
si beau a la campagne que jay pitié de tous ceux quy sont pré-
sentement a Paris peutestre leur fais je pitié a mon tour destre
a la campagne mais comme ie ne m'en fais pas a moymesme ie
m'en console facilement mandes moy des nouvelles de Mlle
de Scudery."
Elle fait aussi de fréquents voyages à Paris, quelques fois
seule, quelques fois avec son mari, et certains de ces séjours sont
assez longs à cause des procès. De son côté, son mari fait de
longs voyages qui durent parfois plusieurs mois. Au mois de
février 1659 elle donne naissance à un second fils, René- Armand.
Peu à peu son mari rentre dans l'ombre et vers 1660 Madame de
La Fayette est le plus souvent à Paris. C'est cette séparation
qui a fait croire à tort que M. de La Fayette était mort quelques
années après le mariage. Lorsque M. le comte d'Hausson ville
Cf. Voltaire, Les trois manières où Téone dit:
Vous connaissez tous Gathon,
Il est plus charmant que Nirée;
À peine d'un naissant coton
Sa ronde joue était parée.
^ Noxis donnons in extenso cette lettre inédite car nous croyons que
jusqu'ici on n'a imprimé aucune critique littéraire émanant de Mme
de La Fayette, à part une courte appréciation des Maximes de La
Rochefoucauld, et quelques observations adressées à Lescheraine.
Dans ces deux ca« les critiques portent plutôt sur le fond que sur
la forme.
60 Madame de La Fayette [CH.
découvrit la date exacte de sa mort il écrivit: "Une chose est
certaine ; c'est qu'il faut renoncer désormais à considérer Mme de
La Fayette comme une jeune veuve.... et je suis certain que plus
d'un parmi mes prédécesseurs en biographie fayettiste enviera
cette trouvaille^." Il y avait de quoi, et pourtant si les prédé-
cesseurs de M. d'Haussonville avaient été un peu plus conscien-
cieux ils auraient pu. sans avoir accès aux documents qui n'ont
été communiqués qu'à l'illustre biographe fayettiste, arriver
à peu près au même résultat. Il aurait suffi, par exemple, de
remarquer en Usant le contrat de mariage entre Mlle de Sévigné
et le comte de Grignan, signé le 28 janvier 1669, que parmi les
personnes qui furent témoins il y eurent Marguerite de Rostaing,
veuve de Henri de Beaumanoir, Marie Madeleine de La Vergne,
épouse du Marquis de La Fayette, Dame Françoise de Montalais,
veuve du Comte Marans, etc.... Le Comte de La Fayette était
donc encore vivant en 1669. Quant à fixer la date exacte de sa
mort c'était plus difficile et pourtant, bien avant M. d'Hausson-
ville, M. le Sénateur de La Fayette avait découvert cette date
inscrite sur un vieux missel où se trouvait également l'état-civil
de la famille. Il avait communiqué à M. Feuillet de Couches
cette trouvaille et dans son étude sur la comtesse, écrite avant
1887 (date de sa mort), ce dernier l'avait annoncée avec la mo-
destie qui lui était habituelle. Malheureusement la mort enleva
M. de Couches quelques mois plus tard et son travail resta inédit.
Sa fille, Mlle Feuillet de Couches, a eu l'obhgeance de nous com-
muniquer le manuscrit où on ht à propos de M. de La Fayette :
"Jusqu'à ce jour on avait ignoré la date de sa naissance et
celle de sa mort. Le Sénateur de nos jours, M. Edmond de La
Fayette a retrouvé la trace de ce mari de notre comtesse. Il
naquit le 18 Sept. 1616 à 4 heures du matin, au château de son
père en Auvergne. Il décéda le 26 Juin 1683, à 4 heures du matin,
dans ce même château et fut inhumé dans celui de Nades.
M. Edmond de La Fayette a retrouvé cet état-civil dans un
vieux missel à la suite duquel sont inscrites les notes de l'état-
civil des membres de la famille de La Fayette." (Note en marge.)
" Le nom du château du père est iUisible dans le volume^."
1 Op. cit. p. 31.
^ Ce livre d'heiires appartient aujourd'hui à M. G. de Pusy qui a eu
l'obligeance de le mettre à ma disposition. Je remercie M. de Pusy de sa
délicate bienveillance. Les notes sur l'ancienne famille de La Fayette
sont aujourd'hm complètement illisibles mais plusieurs mains ont tenu
à jour l'état-civil de la famille. Il y a parfois des erreiors (p. e. le mariage
m] U Épouse 61
Quel est donc le fait ou le sentiment qui, pendant vingt ans,
contraignit le mari à ne figurer que peu ou pas du tout dans la
vie de sa femme? On ne manque pas de nous faire remarquer
aujourd'hui que la séparation a dû être complète et pour des
raisons fort graves, puisque les contemporains ne prononcent
jamais le nom du mari. Ce raisonnement est basé sur une erreur.
Les contemporains en parlaient. Nous avons déjà vu que
Guillard expliquait la séparation à sa façon. Et il n'est pas seul
à faire mention de M. de La Fayette ; Madame de Sévigné en
parle. Mais il n'y a rien de plus difficile que de ressusciter un
homme tué par ses biographes — les annotateurs s'obstinent à
expliquer aux lecteurs que le M. de La Fayette des lettres de
la Marquise n'est pas celui qui nous intéresse mais son frère ou
son fils, et ceci malgré des difficultés de date à peu près insur-
montables.
La première fois que nous rencontrons le nom de M. de La
Fayette^ dans les lettres de Mme de Sévigné il ne s'agit que d'une
mention sans importance à propos d'un domestique. Au mois
de février 1673 Mme de La Fayette écrit à son amie : "Monsieur
de Bayard et M. de La Fayette arrivent dans ce moment^."
En 1676, Madame de Sévigné écrit de Vichy à sa fille: "Mme de
Brissac avec le Chanoine, Mme de Saint-Hérem et deux ou trois
autres me vinrent recevoir aux bords de la johe rivière de l'Allier.
...M. de Saint-Hérem, M. de La Fayette, l'abbé Dorât, Plancy
et d'autres encores, suivoient dans un second carosse ou à
chevaP." Et quelques jours plus tard, elle écrit de nouveau*:
"Il y a trois hommes qui ne sont occupés que de me rendre
service: Bayard, Saint-Hérem, et La Fayette."
De ces citations il ressort deux faits : d'abord, que M. de La
Fayette allait voir sa femme à Paris longtemps après l'étabhsse-
de Mme de La Fayette 1654 au lieu de 1655) qui font croire que les ins-
criptions ont été faites par d'autres que les chefs de famille mais il y a
là des détails que l'on ne pourrait trouver ailleurs. Le passage que M. Ed-
mond de La Fayette communiqua à M. Feuillet de Couches est ainsi
conçu, "François de la faïette nasquist 18 jour de Septembre 1616 à
4 he;ares du matin au chastel d'Epinasse et fut baptisé à la paroisse ses
parine et marjme Claude et Anne de Bourbon oncle et tante maternels.
Led. franc, est décédé le 26 jviin 1683 à 4 heures du matin en la viUe
d'Ebreuil (?) et a esté inhiuné à Nades le même jour."
^ II. 462. En note: "Dans l'édition de la Haye, la seule qm donne
cette phrase, il y a M. de La Fayette." Dans le texte on a imprimé Mme de
La Fayette. 2 ibij. m. 316.
3 Ibid. Vichy, le 19 mai 1676. " Ibid. le 24 mai.
62 Madame de La Fayette [ch. \
ment de celle-ci dans la capitale, en 1673, ensuite, qu'il n'était |
pas aussi ennemi de toute société que l'on voudrait le faire
croire puisqu'il a pu mériter la reconnaissance de l'amie de sa :
femme, lors de sa visite en Bourbonnais. ;|
Cette séparation, peut-être moins complète qu'on ne l'ima- |
ginait, a besoin toutefois d'être expliquée. Ici, tout est con- |
jecture, car les documents font complètement défaut. Mais il
ne s'ensuit pas qu'il soit nécessaire de bâtir tout un roman pour ,
combler la lacune. Au contraire, ce manque de documents, à I
notre avis, motive une explication simple, car si vraiment il y t
avait eu un drame, certaines médisances seraient parvenues
jusqu'à nous. Nous écarterons pour le moment la question de
la liaison avec de La Rochefoucauld^ dont nous parlerons à sa
place. Voici notre hypothèse, basée en partie sur la correspon-
dance inédite de la comtesse ; mais, reconnaissons-le sans tarder,
elle ne s'appuie sur aucun document précis.
Nous avons déjà vu, d'après la correspondance de Mme de
La Fayette, que ses procès se succédaient et s'éternisaient au
Palais de Justice de Paris. Ces procès rendaient sa présence
nécessaire, et, de plus, sa santé exigeait des soins que l'on ne
trouvait que dans la capitale. Elle faisait donc le voyage de
temps en temps — parfois dans un état de santé si mauvais que
seuls le bateau et la litière lui étaient supportables. Ces voyages
coûteux, douloureux, dangereux même pour la malade, devaient
être évités autant que possible, mais quand on plaidait il fallait
être à Paris, sans quoi l'on risquait de perdre gros. Madame de
La Fayette y j&t donc des séjours de plus en plus prolongés^ ; son
mari, qui ne se trouvait pas à son aise dans les milieux qu'elle
fréquentait, se consolait tant bien que mal chez lui. Peu à peu
Mme de La Fayette fut ressaisie par la vie de Paris, elle reprit
sa place dans le cercle de ses amis, dans les salons qui se for-
maient ; elle entra à la cour de Madame Henriette, encouragée par
cette pensée qu'abandonner Paris menaçait de nuire non seule-
^ Nous traitons ailleurs de la date de cette liaison, date qu'il est peut-
être nécessaire d'avancer. Il faudrait alors en considérer l'influence ici
même — mais les preuves ne sont pas suffîsanunent probantes pour
bouleverser ainsi l'opinion commiine.
2 On n'a pas remarqué ces longs séjours à Paris dvi ménage La Fayette.
On fait faire à la jeune femme un séjour ininterrompu en Auvergne de
trois ou quatre ans. Mais elle écrit elle-même à cette époque: "Comme
nos affaires sont tournées a nous tenir longtemps a Paris cela fait que
ie ne veux pas une maison de si grand prix que si ie ne la devais tenir que
six mois'" (inédit).
iir] U Épouse 63
ment à elle-même, mais en outre à l'avenir de ses enfants. C'est
là qu'était la cour, et il ne se faisait rien en province, dans les
états, dans les gouvernements, dans les armées que la Cour ne
sût, ne surveillât. C'est de Paris, de la Cour, que partaient les
seigneurs qui allaient dans leurs gouvernements, les hommes de
guerre, les généraux, les diplomates. Les fils de M. de La
Fayette ne pouvaient arriver sans influence car, bien entendu,
il n'y avait que deux carrières d'ouvertes à un La Fayette,
l'armée ou l'église. Pour avoir cette influence il fallait des rela-
tions et ce n'est qu'à Paris qu'on en trouvait d'utiles. Mais
toutes ces considérations n'expliquent que le séjour à Paris et
non pas l'absence du mari. Il n'était pas homme du monde, il
est vrai, il aimait la campagne, mais d'autre part il adorait sa
femme — en tout cas pendant la lune de miel. Peut-être, lors-
qu'il se vit hé à une femme continuellement malade, qui perdait
rapidement sa beauté, son amour se refroidit-il un peu. Peut-
être encore fut-il forcé, un peu malgré lui, de cesser ses relations
avec sa femme pour ménager la santé de celle-ci'-. Dans ce cas
la séparation à peu près complète était ce qu'il y avait de moins
pénible pour tous les deux. Elle permettait au mari de visiter
de temps à autre la maison de la rue de Vaugirard^ et d'y ren-
contrer, comme il dût le faire, le duc de La Rochefoucauld — et
avec un esprit tranquille. Si l'on admet certaines autres hypo-
thèses on risque d'accuser M. de La Fayette d'avoir été un mari
singulièrement complaisant.
Très peu de temps après le mariage et avant que Mme de La
Fayette ne fût venue s'étabhr à Paris, nous voyons la femme à
Livry, et le mari en Auvergne, sans qu'il y ait eu de querelle. Au
contraire, Mme de La Fayette est inquiète et demande des
nouvelles de son mari. "le vous prie," écrit-elle de Livry, "de
^ Une lettre à Huet jette iin peu de lumière sur ses souSrances à la
naissance du second ( ? ) enfant. ' ' Quoique je sois accouchée très heureiise-
ment contres toutes les apparences et que l'on travaille a me guérir avec
assez de soin, l'on avance si peu que je n'espère pas mieiix de ma santé
que lorsque vous étiez ici. Je crois que ma destinée est de n'en point
avoir et je m'y soumets avec une patience qui adoucit mes maux, au
lieu que l'inqmetude les aigrirait " Mss. fr. Bibl. Nat. Voir bibliog.
(Correspondance ).
2 "M. de la Fayette est a Paris et fort votre serviteur /' écrit-eUe
à Huet le 15 mai 1663. M. Lemoine, à la p. 68 (note) de son article sur
Louvois {Rev. de Paris, \^^ sept. 1907), affirme que M. de La Fayette est
mort dans l'Hôtel de la rue de Vaugirard. Ceci est inexact d'après le
missel de la famille. Voir la note à la p. 60.
64 Madame de La Fayette [ch.
scavoir de Mr Verjus s'il escrivit mardi a M. de La Fayette et
s'il ne luy a point escrit pries le de ma part de luy escrire demain
comme ie suis icy ie ne scay aucune nouvelle et ne puis luy en
escrire."
Un peu plus tard, elle écrit à Ménage que M. de La Fayette
est très content des soins de l'abbé, et, plusieurs années après le
mariage, elle écrit encore: "Je vous suplie denvoyer au logis
de Mr Fournier, quy est le précepteur de mes anfans, la lettre pr
Mr de Novion et il l'envoira (?) a Mr de La Fayette ce seroit
du temps perdu de me l'envoyer icy adieu jusqu'à Fresnes...."
Ménage paraît avoir été chargé non seulement de faire des
démarches pour les procès, mais aussi de fournir à M. de La
Fayette une espèce de gazette des nouvelles de Paris. Lorsqu'il
est absent, c'est Mme de La Fayette qui s'en acquitte: "Je suis
tout seule a Paris," écrit-eUe, " sérieusement ie n'y vois personne
et ie passe céans des journées entières sans estre inte rompue
d'aucune visite jay escrit aujourdhuy en Auvergne mais j'ay
bien mal acomply vostre place pr les nouvelles."
À d'autres moments le mari est à Paris — la femme en Au-
vergne. "A moins que Mr de La Fayette me manda que ie suis
absolument nécessaire a Paris," écrit-elle, "ie ne m'en iray que
d'aujourdhuy en huit jours ie vous diray lors que ie seray a Paris
ce qui me retient icy."
Dans une autre lettre encore elle écrit : " Jenvoy a Paris pour
scavoir des nouvelles de Mr de La Fayette dont ie suis en peine . . , . "
Malgré cette attitude pleine d'égards de Mme de La Fayette,
il est certain qu'après quelques années de mariage le mari ne
compte plus guère dans la vie de sa femme. C'est elle qui paraît
avoir tout organisé, tout dirigé, pour l'avenir de ses fils ; c'est elle
qui s'occupe des biens de la famille ; après la mort de son mari
elle affirme son autorité de chef de famille, dressant l'arbre
généalogique de la maison des La Fayette. C'est à propos de ces
dernières recherches que je trouve la seule critique qu'elle ait
émise à l'adresse de son mari, dans sa correspondance avec
Ménage. "Je songe a faire les cartiers de feu Mr de La Fayette,"
écrit-elle, "il n'a jamais songe a s'instruire de sa maison ie ne
veux pas laisser mes enfants dans cette mesme negHge."
Nous pouvons donc prendre congé du mari à cette époque
de sa vie, mais avant de le faire il faut se demander quelle in-
fluence ce mariage a pu avoir sur la vie de Mme de La Fayette.
Comme futur auteur de la Princesse de Clèves, elle n'a certes pas
à regretter son mariage — on ne conçoit pas ce roman écrit par
-^ j
m] U Épouse 65
une vieille fille — ; nous pouvons donc oublier ici les déceptions
de la femme pour ne parler que des profits de l'écrivain.
Son séjour en province agrandit un peu son horizon. Il lui
permit de rencontrer des étrangers, des provinciaux. Certes,
elle en avait déjà rencontré, étant jeune fille, mais elle n'avait
jamais eu une aussi bonne occasion de les étudier. Mariée, elle
connaissait les rapports du mari et de la femme dans la vie
sociale — elle en appréciait les avantages et les inconvénients.
Elle goûtait la liberté d'action — et peut-être de parole — de
l'épouse; elle jouissait de la joie d'être comtesse, de porter un
nom ancien, mais elle était peut-être attristée par Féloignement
de ses amis et le changement de miheu, et elle souffrait cruelle-
ment d'avoir ajouté à une maladie déjà douloureuse les affres
de la maternité. Enfin elle pouvait étudier la psychologie de
l'homme amoureux, nous n'osons pas ajouter, puisque les
preuves manquent, et de l'homme jaloux.
Si le mariage fut pour elle une source de déceptions — qu'il
y ait eu drame ou non — la situation d'épouse dut l'amener à faire
de fréquentes réflexions et elle put comprendre mieux que per-
sonne combien la question du mariage soulève de graves pro-
blèmes qui lui sont particuhers. Nous ne voulons pas rechercher
ici jusqu'à quel point la Princesse de Clèves est une autobio-
graphie. Nous en parlerons plus loin, mais on ne peut s'empêcher,
en étudiant la vie d'épouse de Mme de La Fayette, et plus tard
son amitié avec La Rochefoucauld, de se dire "Il y a ici les
éléments de la Princesse de Clèves," les personnages y sont — peut-
être leurs relations n'existent-elles que dans l'imagination de
l'auteur. Toujours est-il que les propres expériences de Mme
de La Fayette, épouse, ont dû lui être utiles pour la préparation
de son chef-d'œuvre.
CHAPITRE IV
LA DÉBUTANTE. 1659-1662
Lorsque le mariage eut exilé Madame de La Fayette en pro-
vince elle eut recours à Ménage pour qu'il la tînt au courant
de ce qui paraissait chez les libraires de Paris; entre d'autres
livres il lui fit parvenir, comme nous l'avons déjà dit, la Clélie.
À ce sujet Madame de La Fayette lui écrit : "Je suis fort offencee
que vous ne m'ayez point mande que vous esties dans Clelie
vous avez voulu voir sans doute si ie vous recognoistrois he
bien Monsieur ie vous ay recogneu au portrait et ie trouve votre
pinture (sic) fort resemblante jay recogneu aussi Me du Plessis
Mr de Mauleurier et le Port Royal du reste ie ny cognois quy
que soit la Princesse d'Erice nest pas dépeinte tout a fait comme
ie voudrois mandes moy ie vous prie quy est Merigene asseure-
ment il n'y a rien de plus spirituel que ce livre la pour moi ie ne
cesse de ladmirer....^." Madame de La Fayette, qui aimait à
découvrir les originaux des portraits, put se livrer à cet amuse-
ment dès le sixième tome du Grand Cyrus et avant d'arriver
à la fin de ce roman elle dut exercer son ingéniosité sur les por-
traits d'Angélique Paulet, de Mme de Rambouillet, de Julie
d'Angennes, d'Angélique d'Angennes, du marquis de Montausier,
de Godeau, de Conrart, de Chapelain, de Mlle de Scudéry, de
Mme de Buisson et d'autres encore dont les modèles lui étaient
peut-être connus, mais qui sont plus difficiles à identifier de nos
jours. Si l'honneur d'avoir "lancé''' cette mode des portraits
revient à Mlle de Scudéry, la grande Mademoiselle peut reven-
diquer, à bon droit fort probablement, celui d'avoir séparé le
portrait du roman pour en faire un genre Kttéraire à part. Elle
écrit dans ses Mémoires (automne 1657) : "Dès que je sus la cour
à Paris, j'y envoyai un gentilhomme pour lui faire mes excuses
de ne m'y être pas rendue aussitôt, mais que mes affaires m'ob-
ligeoient de demeurer encore à Champigny. Madame la princesse
de Tarente et Mademoiselle de la TrémoïUe y vinrent deux ou
trois fois, et y furent longtemps à chacune. Elles me montrèrent
1 Corr. inéd. Coll. F. de C.
CH. iv] La Débutante 67
leurs portraits qu'elles avaient fait faire en Hollande. Je n'en
avois jamais vu; je trouvai cette manière d'écrire fort galante
et je fis le mien. Mademoiselle de la Trémoïlle m'envoya le sien
de Thouars."
"On dit à son Altesse Royale," lisons nous ailleurs, "que
j 'avois fait mon portrait à Champigny ; il me demanda à le voir
et me dit qu'il le trouvoit bien fait ; qu'il me conseilloit de ne le
montrer à personne, de crainte que cette mode ne vînt et que
l'on n'en fît de médisans et que l'on ne dît : C'est Mademoiselle
qui en a donné l'invention. J'assurai son Altesse Royale que
personne ne le verroit. J'avoue que je crus ce conseil un peu
intéressé et qu'il craignoit que l'on ne fît le sien^,"
La promesse ainsi donnée n'a pas été tenue, semble-t-il, car
il est certain que la mode des portraits s'imposa et qu'on fit des
portraits médisants^. La vogue de ce nouveau genre littéraire
fut tellement grande que le cardinal de Retz en est réduit à
s'excuser ainsi, au début de ses mémoires: "Je sais que vous
aimez les portraits et j'ai été fâché par cette raison de n'avoir
pu vous en faire voir jusqu'ici aucun qui n'ait été de profil et
qui n'ait été par conséquent fort imparfait." Il explique ensuite
qu'il vient de sortir "du vestibule de son sujet" et aussitôt
donne une série de dix -sept portraits.
La mode ainsi lancée se répandit assez vite à travers la
France et non seulement dans la haute société, mais aussi dans
la bourgeoisie. Ainsi à côté des Portraits de la Cour (voir le
tome vni. de la collection Dan j ou) nous trouvons Les Portraits
des plus belles dames de la Ville de Montpellier^ et Les Portraits
de Messieurs du Parlement^. Bussy-Rabutin en parsème ses
^ Mém. de Mlle Chéruel, ir. 181. Nous ne connaissons qu'une mono-
graphie sur les portraits: Arthur Franz, Das l'derarische Portrdl in Frank-
reich im Zeitalter Richelieus und Mazarins. Berlin, 1906. C'est \ine
thèse très allemande sur xna genre très français. Comme le sujet ne
nous intéresse qu'en ce qui concerne Mme de La Fayette no\is n'en
donnerons pas la bibliog. détaillée. Voir Lanson, Man. de Bibliog., et
Uart de la Prose. Emile Magne, Mme de la Suze, pp. 232, 233, notes.
M. Magne donne, en passant, plus de renseignements bibliographiques en
deux notes que M. Franz n'en donne dans toute sa thèse. Lachèvre,
Bibliog. des recueils.... A. Barine, Louis XIV et la Grande Mlle, pp. 131
et suiv. Richelet, Les plus belles lettres.... Sorel, Ch., Descr, de Visle de
portraicture..., 1659. Cousin, La Soc.fr. d'après le Gr. Cyrus.
2 II }• a des portraits satiriques dans Sorel, op. cit., et il existe des
Portraits de la Cour en contrevérité, 1659, que nous n'avons pas \'tis.
3 Rosset, 1660. * Bibl. Arsenal, Fonds de VHist. de Fr. N" 420, in 4».
5—2
68 Madame de La Fayette [ch.
mémoires et on en rencontre dans les écrits diplomatiques et
politiques^. Ils encombrent les romans^ et leur attirent les
railleries de Boileau qui fait dire à Sapho dans Les héros de
roman: "Qui? Tisiphone? Je la connais, et vous ne serez peut-
être pas fâché que je vous en fasse voir le portrait, que j'ai déjà
composé par précaution, dans le dessein où je suis de l'insérer
dans quelqu'une des histoires que nous autres faiseurs et fai-
seuses de romans sommes chargés de raconter à chaque livre de
notre roman." Les portraits envahissent les comédies et trou-
vent place jusque dans les sermons de Bourdaloue. D'abord
jeux de précieuses, avant de tomber dans le mépris ils ont
atteint la perfection dans les Caractères de La Bruyère.
C'est Segrais qui fut chargé par Mademoiselle de préparer
une édition des portraits qu'elle avait collectionnés. Cette
édition fut imprimée à Caen en 1659 in 4P, et Huet qui s'y
trouvait à cette époque surveilla particulièrement l'impression.
Segrais, d'après le Segraisiana, dit : "J'ai aussi fait imprimer avec
M. . . . (Huet) un recueil de cent portraits de différentes personnes^.
Il y en a bien quarante de la composition de Mademoiselle ; on
n'en a tiré que trente exemplaires*." C'est dans ce recueil que
parut le Portrait de Madame de Sévigné par Madame la
comtesse de La Fayette sous le nom d'un inconnu — première
œuvre httéraire pubhée par elle^. Il est intéressant de noter, en
^ Voir De Boislisle, Les portraits dans les écrits dip. et pol. Bull.
Soc. Hist. Fr. 1896, T. xxxiii.
2 II y a dans la Clélie non seulement des portraits mais aussi une
discussion sur le genre (ix. 284) et d'autres remarques sur le même sujet
(X. 1035).
^ La pe éd. renfermait 59 port, dont 16 de la main de Mademoiselle.
* Brédif {Segrais, etc.) aurait vu à la Bibl. Nat. 60 exemplaires de
cette première éd. Malheureusement notre patience s'étant mainte fois
fatiguée à attendre la communication d'van seul exemplaire d'un ouvrage
publié au XVII'' siècle et qui n'était pas encore porté sur le cat. gén.,
nous n'avons pas osé demander la communication de 60 ex. du même
ouvrage, mais nous croyons que Brédif se trompe à son tour et qu'il a
pris une des nombreuses réimp. (voir bibliog.) pour l'éd. orig. Les
chiffres donnés par le Segraisiana sont, cependant, peut-être un peu
au-dessous de la vérité. Nous trouvons, en effet, sur la feuille de garde
de l'ex. L 37 b 187 de la Bibl. Nat. la note MS. suiv "Il n'en a esté
tiré que 60 exemplaires. On sçait cette particularité de M, Huet luy-
même qui l'a dit en 1718 à un de ses amis."
^ Il est bien question dans la Corr. de Bussy (i. 262) d'tme lettre pour
se moquer des mots à la mode "qu'elle a donnée au public" — ^nous ne
savons pas à quelle date. Était-ce avant ou après 1659? En tout cas
ce n'est qu'une bagatelle sans visée littéraire — bien que spirituelle.
IV ] La Débutante 69
passant, que cet ouvrage inspiré par le caractère de sa meilleure
amie, Madame de Sévigné, fut publié sous la direction de Huet,
à qui elle communiqua plus tard les feuilles de Zàide au fur et
à mesure de leur achèvement^, et de Segrais qui sera son col-
laborateur dans la préparation de ce même roman, qui le pré-
sentera au public sous son nom, et aura, en outre, l'honneur de
se voir attribuer la Princesse de Clèves.
Il ne faudrait pas négHger la part d'influence qui revient à
cette mode dans l'éducation littéraire de Madame de La Fayette.
Avant d'écrire ce portrait et bien longtemps après sa publication
elle dut lire et entendre discuter, louer et critiquer, un grand
nombre d'ouvrages de ce genre. C'était un excellent apprentis-
sage qui la préparait à peindre comme elle le fera plus tard
"l'intérieur des gens^." Il ne faut pas en effet se méprendre sur
le véritable but des portraits. Bien que leurs auteurs aient com-
mencé d'ordinaire par dépeindre la figure et l'extérieur d'une per-
sonne, puis les talents qui dépendent des avantages physiques :
armes, danse, chant, et n'aient songé que plus tard à l'esprit
et au cœur, ils n'avaient nullement l'intention de "faire voir"
la personne à la façon de nos modernes réalistes. Il leur suffisait
d'appeler l'attention des lecteurs sur diverses particularités, de
faire naître de ces particularités des idées ingénieuses, de les
rassembler en rapports piquants, en un mot "de mêler si inti-
mement l'exercice de l'esprit du peintre à la description des
caractères du modèle que l'on ne sache pas ce qui intéresse ou
amuse le plus, le modèle étudié ou le tour donné à cette étude^."
C'est l'étude de l'esprit et du cœur qui fut le meilleur exercice
pour les écrivains et c'est ce qui, chez eux, nous intéresse le plus
aujourd'hui; là seulement se trouve l'intérêt durable des Por-
traits. La même franchise était de règle en parlant et du corps
et de l'esprit, mais si nous n'avons qu'un intérêt médiocre à
savoir, sous la plume de la duchesse de Châtillon elle-même,
qu'on ne peut avoir la jambe ni les cuisses mieux faites qu'elle
ne les avait, nous ne pouvons pas être indifférents à l'amour de
liberté et d'indépendance, et aux opinions sur la loyauté et
l'honneur que plusieurs portraitistes découvrent chez leurs
modèles. Madame de La Fayette paraît se rendre bien compte
1 Voir notre chapitre sur Zaïde.
2 Ce joli mot, relevé par A. Barine (Louis XIV et la Gr. Mlle, p. 137),
est de la marqmse de Maixny, qui écrit dans son portrait {Gai. port. Éd
Barthélémy, p. 75), "Je connais assez l'intérieur des gens."
^ Lanson, L'Art de la Prose, p. 128.
70 Madame de La Fayette [CH.
de l'importance de la "partie morale" du portrait. Pour
suivre la règle établie, elle nous parle des attraits physiques de
la marquise, ou plutôt par un tour ingénieux, elle nous dit qu'elle
n'en parlera pas, ce qui est la meilleure façon de nous en informer.
"Je ne veux point vous accorder de louanges," écrit-elle, "et
m'amuser à vous dire que votre taille est admirable, que votre
teint a une beauté et une fleur qui assurent que vous n'avez que
vingt ans, que votre bouche, vos dents et vos cheveux sont in-
comparables; je ne veux point vous dire toutes ces choses, votre
miroir vous le dit assez." Est-elle grande, est-elle petite, forte
ou maigre, brune ou blonde ? N'importe ! Madame de La Fayette
a été spirituelle et l'expression est bien tournée en même temps
que flatteuse. Après dix Ugnes de portrait physique nous aurons
deux pages de portrait moral.
Mais le portrait n'est pas nécessairement tout d'éloges et
même dans la partie morale on peut dire un mot sur la figure.
On peut glisser sur les défauts, mais non les taire. Il faut être
sincère, non seulement pour l'amour de la vérité, mais aussi
pour montrer qu'on a de la clairvoyance. Madame de La Fayette
écrira donc: "Lorsqu'on vous écoute, l'on ne voit plus qu'il
manque quelque chose à la régularité de vos traits, et l'on vous
croit la beauté du monde la plus achevée." Pour ce qui concerne
le caractère en général, il faut trouver une phrase pour le résu-
mer et Madame de La Fayette y réussit à merveille : "Enfin la
joie est l'état véritable de votre âme, et le chagrin vous est plus
contraire qu'à personne du monde." C'est ainsi que nous voyons
la marquise à travers sa correspondance. Et pourtant elle avait
bien des causes de chagrin, et Madame de La Fayette effleure
aussitôt la plus grande d'entre eUes. Ce n'est qu'une insinuation,
bien cachée sous le ton galant et badin de la phrase, mais elle
a dû être remarquée et appréciée par les contemporains et sur-
tout par les contemporaines. "Vous êtes naturellement tendre
et passionnée," écrit-elle, "mais, à la honte de notre sexe, cette
tendresse vous a été inutile, et vous l'avez renfermée dans le
vôtre, en la donnant à Madame de La Fayette. Ha ! Madame,
s'il y avoit quelqu'un au monde assez heureux pour que vous
ne l'eussiez pas trouvé indigne de ce trésor dont elle jouit, et
qu'il n'eût pas tout mis en usage pour le posséder, il mériteroit
toutes les disgrâces dont l'amour peut accabler ceux qui vivent
sous son empire." Le marquis de Sévigné était encore en vie
en 1650 et " il aima partout," dit Bussy dans son Histoire Généalo-
gique, "et n'aima jamais rien de si aimable que sa femme," Du
iv] La Débutante 71
coup Madame de La Fayette flétrit le mari et atteste l'honnêteté
de la femme, car dès cette époque la femme délaissée ne manquait
pas d'admirateurs, mais "elle n'aima jamais que son mari," dit
Bussy, "bien que milles honnêtes gens" (le bon apôtre était du
nombre) "eussent fait des tentatives auprès d'elle^."
Bien qu'en général la langue du dix-septième siècle soit plus
propre à l'analyse morale qu'à la peinture, on pourrait croire
quand il s'agit d'un portrait, qu'il y aurait une étude intéres-
sante à faire sur le style, sa couleur, ses images. On se rappelle
qu'avec cette même langue La Fontaine a pu nous faire des
eaux-fortes d'une finesse incomparable et parfois d'un réalisme
saisissant. Mais il ne faut chercher ni réalisme ni éclat du
style dans les portraits. Bussy nous dit que Madame de Sévigné
a les cheveux blonds ; Madame de La Fayette nous dit qu'ils
sont admirables. Et ici c'est Bussy qui, pour une fois, n'est pas
dans le goût général de son siècle: la plupart des "portraitistes"
donnent aux portraits qu'ils peignent des cheveux "incom-
parables" ou même d'une "couleur admirable qui sied à toutes
sortes de teints," la taille "belle," les yeux "brillants et doux,"
une bouche qui a "toutes les grâces." Madame de La Fayette
ne procède pas de façon différente. Comme M. Lanson l'a si
bien fait remarquer, son style est "de très haute qualité in-
tellectuelle, sans puissance artistique^." Dès le début elle nous
habitue à ce style net, sobre, un peu sec mais d'une mesure et
d'un bon goût exquis. C'est ce que les contemporains admirent
et Racine lui-même n'écrira pas autrement sa prose^.
II
Il est d'usage avant de parler des romans de Madame de
La Fayette de donner un court résumé de l'histoire du genre
pour aider le lecteur à mettre l'œuvre de Mme de La Fayette
à la place qu'elle doit occuper dans l'évolution du roman. La
situation, d'après ces résumés, est fort simple. Il eut d'abord des
Astrée, des Cléopâtre, des Polexandre, des Grand Cyrus, des Clélie.
1 Costar trouve que l'inconnu ne connaît pas assez Mme de Sévigné
et ajoute: "Je ne stiis pas trop mal satisfait de ce qu'il dit de votre visage
et de votre taille; Mais bon Dieu! s'il était entré bien avant dans votre
âme il y aurait bien découvert d'autres trésors que ceux dont il parle."
Sév. Lett. I. pp. 426, 428.
2 L'Art de la Prose, p. 13. Ce jugement s'applique mieux aux œuvres
de début qu'à la Princesse de Clèves.
^ Voir p. e. VHistoire de Port-Royal.
I
72
Madame de La Fayette
[CH.
On ne manque pas de montrer la longueur et la complexité
de ces romans interminables, on cite le nombre des volumes, on
compte les pages ; et leur longueur n'est pas leur seul défaut,
paraît-il, ils sont romanesques, fantastiques, sans vérité dans la
peinture des mœurs, complètement éloignés de la vie de ce
monde et préoccupés d'une autre vie imaginaire, sans contact
avec la réalité. D'autre part, l'esprit gaulois menait une ré-
action sourde contre cette littérature artificielle ; il la parodiait
dans le Berger extravagant, et tournait lui-même au réalisme
grossier dans V Histoire comique de Francion. Nous ne parlerons
pas du Roman bourgeois, comme ont fait la plupart de nos de-
vanciers, puisqu'il est de 1666. Entre ces deux genres il n'y
aurait eu rien au début du XVIIe siècle. Enfin Madame de La
Fayette vint. Encouragée qu'elle était par les succès de son
portrait de Madame de Se vigne "l'envie dut naturellement lui
venir de mettre à profit ce don de peindre les personnes et les
caractères qu'on semblait lui reconnaître. Mais un autre senti-
ment dut lui mettre également la plume à la main. Ce fut la
réaction de son bon goût et de sa sobriété contre le langage
ampoulé que les romans d'alors prêtaient aux amants et contre
la longueur des développements donnés à leurs aventures. Dans
l'histoire du roman français, ce ne serait pas en effet faire une
place suffisante à Mme de La Fayette que de ne pas reconnaître
qu'elle a inauguré un art nouveau^."
Il y a du vrai dans cette façon commune d'envisager le rôle
de Mme de La Fayette mais on y trouve aussi une grande part
d'erreur. Nous n'avons nullement l'intention de diminuer
l'importance de ce rôle mais la vérité nous défend de fausser,
tant peu qu'il soit, l'histoire littéraire pour grossir l'importance
et l'originahté des innovations qu'on doit à l'auteur de la
Princesse de Montpensier.
Parler d'abord des "romans interminables" pour présenter
subitement, en vrai coup de théâtre, le petit in 12» de Mme de
La Fayette, c'est tout simplement mystifier le lecteur. Après
avoir étudié les romans du temps, il faudrait leur comparer le
premier roman de Madame de La Fayette — Zaïde — dont le
caractère assez complexe et assez romanesque fait songer à une
évolution plus qu'à une révolution. Et, d'autre part, si l'on
tient à démontrer que la Princesse de Montpensier fut un événe-
ment littéraire, l'entrée en matière de cette démonstration
devrait être un résumé de l'histoire, non pas du roman, mais de
^ D'Haussonville, op. cit. p. 158.
rv] La Débutante 73
la nouvelle. Si l'on estime qu'il faut faire un mérite à Madame de
La Fayette, non seulement des dimensions de son livre, mais
aussi de la façon dont elle en traita le sujet, et de la vraisem-
blance, de la vérité même qu'elle mit dans la peinture des per-
sonnages, il ne faudrait pourtant pas aller jusqu'à lui attribuer
le monopole du bon goût et jusqu'à faire de sa première nouvelle
un fait de révolution littéraire. La Princesse de Montpensier est
peut-être la première nouvelle psychologique que nous lisons
encore aujourd'hui; nos connaissances littéraires semblent ne
pas remonter plus haut ; au lieu de nous indiquer que certaines
nouvelles antérieures peuvent avoir quelques points communs
avec la Princesse de Montpensier, elles se contentent de nous
signaler l'existence d'énormes romans, le Grand Cyrus, la Clélie
et d'autres, que personne ne lit. L'opposition est trop facile.
En réalité, si Mme de La Fayette a le mérite d'avoir fait la
première œuvre de ce genre, digne de venir jusqu'à nous,
n'oubUons pas qu'il y eut des antécédents ignorés du grand
public, mais dont l'importance littéraire est grande.
Nous remettons à notre chapitre sur la Princesse de Clèves
l'étude détaillée du roman psychologique avant Madame de La
Fayette, mais nous allons essayer de montrer dès maintenant
quelle place occupe la Princesse de Montpensier dans l'histoire
du roman. Nous nous étonnons un peu de voir présenter cette
nouvelle comme la contrepartie des romans de Mlle de Scudéry.
Pour nous, elle n'en est qu'un développement logique et, vu le
caractère de Madame de La Fayette, presque inévitable.
Les romans romanesques s'occupaient surtout d'amour et
même au milieu de leur fatras et de leur invraisemblance ils
contenaient un semblant d'étude psychologique. Mlle de Scu-
déry reprit cette étude psychologique et l'appliqua aux amours
de personnages réels, cachés sous des noms fantaisistes ou
historiques. Voilà donc une étape franchie et c'est une étape
importante. Ces personnages dont les modèles étaient réels
n'étaient pas très près de la vérité, à notre avis, mais ils étaient
suffisamment ressemblants pour être reconnus par les contem-
porains sans l'intervention des on-dit ou des clés, puisque Mme
de La Fayette, éloignée de Paris, parvenait à les reconnaître.
Victor Cousin, entraîné par la thèse qui lui est chère, et ne
pouvant, comme les contemporains, séparer le vrai du roma-
nesque, s'accusa de naïveté pour avoir pris ces portraits trop à
la lettre. Nous nous garderons bien de prétendre qu'ils étaient
d'une exactitude et d'un réalisme achevés, et nous n'oubherons
74 Madame de La Fayette [CH.
pas ce que nous dit Richelet^ à ce sujet : " Il ne faut pourtant pas
peindre si fort d'après nature qu'on n'aille un peu au delà ; mais
sans choquer la vraisemblance. Les grands peintres le pratiquent
de la sorte; et on doit les imiter." Il n'en reste pas moins vrai
que Mlle de Scudéry avait à étudier ses contemporains et qu'elle
arrivait à en faire des portraits ressemblants bien qu'idéalisés.
La seconde étape de cette évolution de l'étude psychologique,
c'est le portrait tel que Mademoiselle l'a pratiqué. Nous n'en
avons qu'un de la plume de Madame de La Fayette mais, dans
une société où tout le monde s'y appliquait, il n'est pas trop osé
de dire qu'elle dut en écrire plusieurs et en discuter bien da-
vantage. Elle s'exerçait à dépeindre ses contemporains. Oui,
nous dira-t-on, mais de là à la nouvelle "réaUste" si j'ose em-
ployer ce mot appliqué à la Princesse de Montpensier, il y a
l'étape peut-être la plus importante dans le progrès du roman.
Il fallait avoir deux choses en vue, d'abord faire une peinture
vivante d'un personnage sans faire connaître le modèle et le
nommer par son nom. Ensuite, il fallait, en s'y appliquant avec
talent, donner à ce nouveau genre une place à côté de la Nouvelle
pour arriver, en reliant une succession de portraits par une in-
trigue, aussi menue qu'elle soit, à obtenir la Nouvelle psycholo-
gique. Évidemment, mais ici encore les obstacles à franchir
n'étaient pas insurmontables.
Plusieurs années avant la publication de la Princesse de
Montpensier, on discutait sur les romans à la mode, et dans le
monde que fréquentait Mme de La Fayette, on croyait à la
possibihté d'un roman plus vraisemblable, sinon plus vrai.
En 1656, Segrais nous représente six personnes, dont Mademoi-
selle, rassemblées au château de Saint-Fargeau^ et racontant
des histoires à l'imitation de la reine de Navarre. Quand un
conte était terminé, les personnes présentes le critiquaient; leurs
observations sont fort intéressantes, car elles donnent le pour
et le contre sur les questions httéraires du moment. On vient
à parler des romans où figurent des personnages à noms grecs
et romains. L'un les attaque, l'autre les défend et enfin Aplanice
(Mme de Valençay) dit: "Et combien est-il venu d'avantures
à nostre connaissance qui ne seroient point désagréables si
^ Les plus belles lettres françaises. Réflexions star le portrait, p. 118. |
^ Appelé, Le château des six tours. Les personnes présentes étaient: **
Aurélie (Mademoiselle), Fronténie (Mme de Frontenac), Aplanice (Mme
de Valençay), Gélonide (La comtesse de Fiesque), Silérite (La marquise
de Mauny), et Uralie (Mme de Choisy).
iv] La Débutante 75
elles étoient écrites? Sçait-on toutes les actions particulières?
Je ne voudrois pas faire donner une Bataille où il ne s'en est
point donné. Mais a-t-on publié tous les accidents qui sont ar-
rivé dans celles qu'on a données? A-t-on divulgué toutes les
galanteries qui se sont faites dans la vieille cour et sçaura-t-on
toutes celles qui se font aujourdhuy^ ? "
En attendant que Madame de La Fayette divulgue de main
de maître les galanteries de la vieille cour, ces dames, d'après
Segrais, racontent des histoires qui font voir "les choses comme
elles sont et non pas comme elles doivent être^." On va même
plus loin, puisqu'on essaie de définir la nouvelle et de la dis-
tinguer du roman. Après la phrase que nous venons de citer,
Segrais continue : "Au reste il me semble que c'est la différence
qu'il y a entre le Roman et la Nouvelle que le Roman écrit les
choses comme la bien-sçéance le veut et à la manière du Poète :
mais que la Nouvelle doit un peu davantage tenir de l'histoire
et s'attacher plustost à donner des images des choses comme
d'ordinaire nous les voyons arriver que comme nostre imagina-
tion se les figure."
On ne peut pas dire que Segrais ait appliqué, dans le recueil,
les principes qu'il énonce dans la préface et au cours des con-
versations critiques qui séparent les nouvelles. L'essai est
pourtant fort intéressant, car il marque un pas en avant et
montre que l'évolution fut graduelle — Segrais, pas plus que
Madame de La Fayette, n'ayant d'un seul coup transformé le
genre. On pourrait en juger d'après ce résumé de la première
nouvelle du recueil. Le comte d'Arenberg, un Allemand, est
attaqué par des brigands en Italie; malgré son courage il va
succomber quand le comte d'Almont, un Français, se jette dans
la mêlée et met les brigands en fuite. Les deux voyageurs se
lient d'amitié et voyagent ensemble jusqu'au moment où le
comte d'Almont est rappelé en France. Plus tard, de passage
à Paris, le comte d'Arenberg désire vivement revoir son ami.
Il entre dans une éghse, assiste, par un pur hasard, au mariage
de cet ami et, pendant la cérémonie devient amoureux de la
jeune mariée. Naturellement, il lutte contre les sentiments qui
le poussent à trahir celui à qui il doit la vie. Sa résistance n'est
pas assez forte et il cède au désir d'être auprès de celle qu'il
aime. Déguisé en fiUe, il se fait appeler Eugénie, et entre, par
^ Les Nouvelles Françoises, ou les divertissements de la Princesse
Aurélie (sans nom d'auteur). L'épître est signée: Segrais.
2 Critique de la première nouvelle.
76 Madame de La Fayette [ch.
l'intermédiaire de sa logeuse, au service de la comtesse. Il gagne
la confiance de celle-ci et veut la pousser à avouer ses vrais
sentiments à l'égard de son mari. La confidence qu'il reçoit est
loin d'être conforme à ses désirs car il apprend que la comtesse
aima, avant son mariage, le chevalier de Florençal. Mal-
heureusement, ce dernier qui était cadet de grande maison,
était trop pauvre pour l'épouser ; il la respectait tout en l'aimant
passionnément et la traitait "comme une sœur." Le mariage
de la comtesse l'a mis au désespoir et, précisément au moment
où elle fait ses confidences à "Eugénie," il vient de lui demander
un rendez-vous d'adieu. Après avoir longuement hésité, la
comtesse lui accorde une entrevue dans les jardins du Palais
Royal. Sur ces entrefaites, elle apprend que son mari revient
de Saint-Germain ce jour-là. Aussitôt elle charge la fausse
Eugénie de porter une lettre au chevalier pour lui donner
rendez -vous dans son jardin, mais elle ordonne de ne remettre
cette lettre que si le destinataire est "bien opiniâtre." Non
seulement elle prie sa "femme" de confiance de persuader à
Florençal de ne pas chercher à la voir mais elle conclut: "ce soir
la porte du jardin qui regarde sur la petite rue sera ouverte mais
qu'il songe bien à ce que je fais pour lui." Arenberg souffre
beaucoup en apprenant qu'il a un rival aimé et il ne sait s'il
faut remettre la lettre ou appeler Florençal en duel. Après une
longue promenade, il se décide à remplacer le chevaUer au
rendez-vous et, au moment où il traverse les Tuileries, il déchire
et jette la lettre. Le mari, en revenant, voit l'écriture de
sa femme sur les morceaux de papier jetés par terre, il les ra-
masse. De retour chez lui, il les rassemble et lit le billet fixant
le rendez-vous. Il cherche dans les cassettes de sa femme, mais
ne trouve rien, la comtesse ayant brûlé les lettres de Florençal
après avoir confié son secret à "Eugénie." Un examen des
cassettes de cette dernière met à jour des lettres écrites par le
comte à Arenberg. Le comte est, naturellement, complètement
dérouté. Pour être renseigné sur l'amant de sa femme, il attend
derrière la petite porte. La comtesse, prévenue des recherches
de son mari, se garde bien d'y aller et pour empêcher Florençal
de pénétrer dans le jardin elle fait pousser les verrous avant
l'arrivéede son mari. Arenberg essaie d'ouvrir la porte et la trouve
fermée. Le comte le voit faire les cent pas dans la rue, sans
pouvoir le reconnaître. À la fin, exaspéré, il fond sur lui, l'épée
à la main. Arenberg se défend et bat en retraite, mais le comte,
furieux, se jette sur son épée et s'enferre. On le rapporte à la
I
iv] La Débutante 77
maison et la comtesse est au désespoir. "Elle s'imaginoit que
toute innocente qu'elle estoit elle estoit coupable d'un si grand
crime." Malgré le récit de son mari elle est convaincue que c'est
Florençal qui l'a frappé. Après la mort de son mari qui, au
dernier moment, apprend la vérité par la bouche de certains
moines et pardonne à son ami meurtrier, la comtesse poursuit
Arenberg, mais sans succès, puisqu'il s'est fait religieux en Italie.
Enfin, deux années après la mort du mari, étant maintenant
riche de ses biens, elle épouse le chevalier de Florençal.
Certes, ce récit est assez romanesque et les coïncidences
heureuses pour la marche de l'action jouent encore un trop
grand rôle, mais il faut remarquer que les incidents se produisent
en France, qu'il s'agit d'un Français et d'un Allemand con-
temporains, et que l'époque est bien moderne puisqu'il est fait
mention de la bataille de Lens^ et du départ du roi pour Saint-
Germain avant le siège de Paris. Nous relevons, parmi les criti-
ques qui suivent la nouvelle, celle-ci : au lieu de faire retirer l'Alle-
mand dans un couvent on aurait mieux fait de le faire périr à la
bataille de Cambrai qui eut heu la même année. On remarquera
ce souci d'actuaUté et de vraisemblance.
Réduire un peu l'élément romanesque, sans toutefois éliminer
toutes les coïncidences, châtier un peu le style, sans le débar-
rasser complètement de sa préciosité, développer l'étude psy-
chologique, donner des noms historiques aux personnages et
punir l'épouse, bien qu'elle n'ait péché qu'à moitié, voilà ce
que semble s'être proposé Mme de La Fayette en écrivant la
Princesse de Montpensier, qui dès lors apparaît, non plus comme
un miracle surgi on ne sait comment ni pourquoi, mais comme
le corollaire des œuvres qui l'ont précédée, et comme la mise
en œuvre des opinions ambiantes^.
Notre intention n'est pourtant pas de laisser croire que le
progrès accompli ne fut pas grand. Il faut hre et relire cette
nouvelle pour en apprécier toutes les quaUtés, mais le résumé
suivant (venant aussitôt après celui que nous avons donné d'une
nouvelle de Segrais) en fera ressortir quelques-unes.
Mademoiselle de Mézières est fiancée au duc du Maine, mais
1 1648.
2 L'abbé d'Aubignac dans sa Macarise, 1663, réagit également contre
les romans du genre Scudéry. "'Quant aux romans d'imagination," dit-il,
"les sages se contentent de les mépriser sans les blâmer." Voir au sujet
d'Aubignac: Charles Arnaud, Les théories dramatiques au XV II" siècle.
Paris, 1881.
78 Madame de La Fayette [ch.
le frère de son fiancé, le duc de Guise, l'aime et en est aimé.
Pour des raisons politiques on désire unir Mlle de Mézières au
prince de Montpensier et elle accepte d'autant plus facilement
le revirement de ses parents qu'elle comprend combien il serait
dangereux pour elle d'avoir un beau-frère qu'elle aimerait. Le
prince son mari a un ami dévoué, le comte de Chabannes. Resté
auprès de la princesse pendant l'absence de son mari à la guerre,
il ne peut pourtant pas s'empêcher d'en devenir amoureux et
après avoir longtemps caché son amour il le déclare. La prin-
cesse écoute Chabannes sans s'emporter et lui dit froidement
qu'il ne réussira jamais auprès d'elle. Elle lui avait déjà confié
que son amour pour le duc de Guise était presque éteint ; même
après sa déclaration elle ne cesse pas de lui faire des confidences
à ce sujet. Apprenant, peu après, que la renommée de Guise
commençait à faire du bruit, elle "avoue qu'elle en sent de la
joie." Après une absence de deux ans, le mari revient et l'ami
dévoué fait de son mieux pour le rapprocher de sa femme, sans
penser à sa propre passion. Malheureusement, le prince est
bientôt rappelé à la cour et cette fois-ci Chabannes l'accom-
pagne. Les hasards de la guerre amènent les ducs d'Anjou et
de Guise tout près de Champigny, oii la princesse habite et où
son mari vient de temps à autre. La rencontre inévitable se
produit et non seulement Guise sent renaître tout son amour
pour la princesse mais Anjou en est également épris. Le prince
de Montpensier devient furieusement jaloux du duc de Guise.
Pour mettre sa femme à l'abri de la guerre, il l'installe à Paris
où le duc d'Anjou vient bientôt fréquenter la cour. Madame,
plus tard reine de Navarre, encourage le duc de Guise qui est
ainsi en bonne posture de faire un très beau mariage. Mais
Guise saisit une occasion pour déclarer son amour à la princesse
de Montpensier et pour lui faire plaisir abandonne toute visée
sur Madame. Touchée de ce désintéressement, la princesse
s'abandonne un peu à son amour, mais non sans honte. Le
mari jaloux veille et la femme qui connaît cette surveillance
voudrait prévenir Guise dans une assemblée et lui dire de s'occu-
per uniquement de Madame. Malheureusement une similitude
de costume trompe la princesse et ses paroles, adressées au
masque qui s'approche d'elle, sont recueillies, non pas par Guise,
mais par le duc d'Anjou, qui est ainsi renseigné, du coup, et du
succès de son rival et que ce dernier sacrifie Madame à la prin-
cesse. Le duc d'Anjou exploite ce qu'il vient d'apprendre pour
faire tort à Guise auprès du roi et pour faire croire à la princesse
iv] La Débutante 79
de Montpensier que son "amant" la trahit. Ému par les
reproches de la princesse, Guise fait annoncer son mariage
avec la princesse de Portien. Ce sacrifice éclatant, suivi
d'une explication entre lui et la princesse de Montpensier, fait
faire un grand pas à leur amour et lorsque l'absence de la prin-
cesse à Champigny rend nécessaire un commerce de lettres, c'est
au fidèle, bien que toujours amoureux, Chabannes que la prin-
cesse a recours pour les porter. C'est encore Chabannes qui
organise l'entrevue inévitable, c'est lui encore que le mari
réveillé trouve dans l'appartement de sa femme, car il fait
échapper Guise et se sacrifie pour sauver la femme qu'il aime
toujours. Délaissée par son mari qui la croit plus coupable
qu'elle ne l'est en réaUté, ayant perdu son ami Chabannes qui
a été tué à la Saint-Barthélémy, abandonnée même par Guise
qui est amoureux de la marquise de Noirmoutiers, la princesse
tombe malade et succombe "dans la fleur de son âge."
Cette nouvelle est loin d'être parfaite; pourtant ce résumé
montre qu'on a franchi une étape depuis les Nouvelles Françaises
de Segrais. On ne trouve pas encore la lutte intérieure de la
Princesse de Clèves, mais il y a déjà, ébauchée, l'étude d'un
caractère de femme prise entre son devoir et son cœur. Cette
ébauche ne laisse pas de nous fournir des observations psy-
chologiques assez heureuses. Quand la princesse confie à
Chabannes son "inchnation" pour le duc de Guise, elle ajoute
que cette incHnation est "presque éteinte." Peu après "la
renommée commençant alors à pubher les grandes quaUtés
qui paraissoient en ce prince, elle avoua qu'elle en sentoit de
la joie." Quand elle le rencontra au bord de la rivière "sa vue
lui apporta un trouble qui la fit un peu rougir." A Champigny elle
lui témoigne de la froideur, mais après son départ, elle confie
à Chabannes " qu'elle avoit été troublée par la honte du souvenir
de l'inchnation qu'elle lui avoit autrefois témoignée; qu'elle
l'avoit trouvé beaucoup mieux fait qu'il n'étoit en ce temps-là,
et que même il lui avoit paru qu'il vouloit lui persuader qu'il
l'aimoit encore: mais elle l'assura en même temps que rien
ne pouvoit ébranler la résolution qu'elle avoit prise de ne s'en-
gager jamais." La future reine de Navarre eut quelque attache-
ment pour le duc de Guise. "La princesse de Montpensier
apprit cette nouvelle qui ne lui fut pas indifférente et qui lui
fit sentir qu'elle prenoit plus d'intérêt au duc de Guise qu'elle
ne pensoit." Madame de La Fayette suit ainsi les progrès de
l'amour, marquant tantôt les mouvements qui répondent au
80 Madame de La Fayette [ch.
sacrifice fait par Guise, et tantôt les remords de la princesse qui
prend de bonnes résolutions pour l'avenir. Même lorsqu'elle
a la faiblesse de faire venir le duc de Guise dans son appartement,
la nuit, elle demande à Chabannes d'assister à leur conversation.
Ne pouvant supporter cela, le fidèle Chabannes se tint à la porte,
mais "La princesse de Montpensier qui avoit quelque honte de
se trouver seule avec le duc de Guise, pria plusieurs fois le comte
d'entrer dans sa chambre." La princesse ne trompe pas son mari
— elle est trop fière pour cela, mais elle est faible, et c'est par
suite de cette faiblesse qu'elle lui est infidèle dans le cœur. Elle
ne désire pas le rendez-vous avec Guise, mais les circonstances
s'y prêtent, Chabannes est tout prêt à se dévouer — et la prin-
cesse n'est pas assez forte pour l'en empêcher.
Le caractère du mari n'est qu'esquissé. Mme de La Fayette
nous montre un jaloux, car elle aime à décrire "le jaloux"
personnage qui se retrouve dans tous ses romans. L'amant est
beau, bien fait, courageux, mais en fin de compte infidèle. L'ami
est traité par la princesse d'une façon qui étonnerait un peu si
l'on ne savait comment JVIme de La Fayette en a usé avec
Ménage. EUe croit fermement à la possibiHté de l'amour platoni-
que et pour cela elle croit même qu'il suffit que le platonisme
n'existe que d'un côté. La princesse de Montpensier sait que
Chabannes est passionnément amoureux d'elle, mais elle n'y
prend pas garde, ne laisse pas de lui faire des confidences ca-
pables de le rendre fou de douleur, ni de le charger de com-
missions qui sont de véritables suppHces.
On remarque encore la présence de tous les éléments de
la Princesse de Clèves ; le cadre historique, la vie et les intrigues
de la cour au XVI^ siècle, une femme distinguée, mariée sans
que son cœur ait été consulté, un "amant" connu avant le
mariage. De Guise refuse la sœur du roi pour faire plaisir à la
princesse de Montpensier ; Nemours refusera une reine étrangère
pour prouver son amour pour la princesse de Clèves. Cette
dernière est encore moins coupable que la princesse de Mont-
pensier parce qu'elle est plus forte ; eUe n'en est pas moins punie.
L'infidéhté de Guise est un peu incompréhensible parce qu'elle
est annoncée trop brusquement. Dans la Princesse de Clèves
Mme de La Fayette laisse entendre avec plus de finesse que le
duc de Nemours n'aurait pas agi autrement.
Et ce n'est pas dans l'intrigue seule que les deux ouvrages
se ressemblent. Nous avons déjà dans la Princesse de Mont-
pensier la déficatesse et la simpficité du style — avec, il est vrai.
iv] La Débutante 81
un peu plus de préciosité que dans le chef-d'œuvre, sans rien
cependant qui détonne.
On pourrait dire pour la Princesse de Montpensier comme
pour la Princesse de Clèves que la vie qu'elle décrit et les senti-
ments qu'elle prête à ses personnages n'ont rien du seizième
siècle. Mais on n'a pas attendu les fins critiques du vingtième
siècle pour s'en rendre compte ; les contemporains estimaient
à sa juste valeur cette mise en scène ; ils la regardaient comme
un joli masque et allaient directement aux personnages qu'elle
cachait. La préface les informait que les noms de Guise, de
Montpensier, de Chabannes n'étaient là que pour rehausser le
ton de l'histoire. " Quelques-uns croyent que c'est une advanture
de ces derniers temps, " écrit Rosteau, "ce que l'on en peut dire
de plus asseuré est que rien ne peut estre plus galamment écrit^."
Intrigués par la source possible de l'histoire qui leur était
contée, les contemporains ne le furent pas moins au sujet du
nom de l'auteur. "Le bruit commun veut que ce soit une pro-
duction de Madame de La Fayette," dit Rosteau, "assez cognue
pour un des plus beaux esprits de notre cour, dautres y donnent
part a JVIr le duc de la Rochefoucault."
En effet. Madame de La Fayette n'avait pubhé ni le Portrait,
ni la Princesse de Montpensier sous son nom. Le premier parut
"sous le nom d'un inconnu" — le second sans aucune indication
d'auteur. En agissant ainsi elle ne faisait que respecter les
préjugés de son temps. Le métier d'écrivain n'était pas encore
favorablement considéré et on n'admettait pas qu'un noble
composât et pubUât des "ouvrages de l'esprit." Celui qui
succombait à la tentation devait à sa naissance de s'en cacher
et de s'en excuser^. Mlle de Scudéry fait dire à Sapho : "Il n'y
a rien de plus incommode que d'être bel esprit ou d'être traité
comme l'étant, quand on a le cœur noble et quelque naissance.
Car enfin je pose pour indubitable que, dès qu'on se tire de la
multitude par les lumières de son esprit et qu'on acquiert la
réputation d'en avoir plus qu'un autre, et d'écrire assez bien
en vers et en prose, pour pouvoir faire des livres, on perd la
moitié de sa noblesse si on en a, et l'on n'est point ce qu'est un
autre de la même maison et du même sang qui ne se mêlera
point d'écrire.... On vous traiste tout autrement."
Madame de La Fayette ne faisait pourtant pas grand mys-
tère du Portrait, puisqu'il se trouvait dans un recueil fait pour
Mademoiselle, en la compagnie de portraits écrits par des per-
1 Voir à l'appendice vii. cette critique inédite.
2 Voir A. Barine, La jeunesse de la Grande Mlle, p. 35.
A. 6
82 Madame de La Fayette [ch.
sonnes de même rang qu'elle. Il est même à remarquer que les
portraitistes de métier tels que Mlle de Scudéry, furent exclus de
la collaboration. Segrais est employé ainsi que Huet au tirage du
volume et on lui permet d'en écrire les louanges — mais c'est tout.
Il n'en fut pas de même pour la Princesse de Montpensier.
En publiant cette nouvelle, Madame de La Fayette faisait
franchement œuvre d'écrivain ; elle prit donc grand soin de
cacher son nom^. Quand on lui vola une copie de sa nouvelle,
eUe écrivit ainsi à Ménage : " Cet honneste Ferrarois quy estoit
a moy ma desrobe une copie de la Princesse de Montpensier et
la donnée a vint personnes elle court le monde mais par bonheur
ce nest pas sous mon nom ie vous conjure si vous en entendes
parler de faire bien comme si vous ne laves jamais veue et de
nier quelle vienne de moy si par hasard on le disoit^."
Mais tout en gardant l'anonymat elle s'intéresse à la pubUca-
tion de son hvre. "Je croyois avoir de vos nouvelles aujourdhuy
et de celles de la P. de M.," écrit-elle à Ménage, et plus tard, lors-
que le Livre est paru, elle fait relier des exemplaires que l'on donne
discrètement aux amis intimes ".... Je vous prie de demander
au Hbraire, " écrit-elle à Ménage, "jusque à 30 exemplaires de
nostre Princesses (sic) ie ne me soucie pas trop qu'ils soient tous
si parfaitement bien relies ien voudrois seulement une demye
douzaine quy le fussent fort et ie les voudrois de maroquin et
dores sur tranche sils nen veulent pas tant donner comme cela
ie m'en contenteray de quatres ie vous en renvoyé deux afin
que vous en donnies a Mlle de Scudery et a Me Amelot et vous
en prendriez pr vous de ceux quy seront bien relies que vous
garderes s'il vous plait car ie prétends que mes œuvres ayent
place dans vostre bibliothèque^."
Elle écrit encore à ce sujet: "Je nay pris que deux exem-
plaires et ie renvoyé les autres puisque vous les trouves mal
reUes ien ay marque un avec un petit papier il y a une faute
espouvantable a la 58eme page quy oste tout le sens^ mais cela
^ Elle a peur de passer pour un écrivain de profession et écrit à Huet :
"Je vous avois bien donné un Princesse de Montpensier pour Araminte
mais je ne vous l'avois pas remise pour la lui donner comme une de mes
œuvres. Elle croira que je suis un vrai auteur de profession de donner
ainsi mes livres. Je vous prie, racommoder un peu ce que cette imagina-
tion poirrroit avoir gâté a l'opinion que je souhaite qu'elle ait de moi."
2 Inédite : Coll. F. de C. Cette lettre est à rapprocher de celle que
Mme de La Fayette adressait à Lescheraine et où elle niait qu'elle fût ;;;
l'autevir de la Princesse de Clèves.
^ Inédite.
* Lettre inédite. Madame de La Fayette exagère un peu. Voici le
1
iv] La Débutante 83
est sans remède voules vous venir demain disner et estudier
avec moy."
Il est évident, d'après ces lettres, que c'est Ménage qui veilla
sur l'impression de la nouvelle et on peut supposer qu'il avait
aidé son élève à préparer le manuscrit pour l'impression. Tou-
jours est-il que Mme de La Fayette écrit "nostre Princesses,"
et, tout en admettant qu'elle veut amadouer Ménage pour qu'il
accepte les corvées désagréables, on est en droit de croire qu'elle
avoue ainsi l'aide qu'il lui avait donnée. Si petite que soit sa
part dans la Princesse de Montpensier il faudrait la lui allouer,
et ne plus laisser à Segrais l'honneur d'un travail auquel il fut
complètement étranger. Nous ignorons si Ménage aida à revoir
la seconde édition de la Princesse de Montpensier publiée en
1674. La "faute épouvantable à la 58'"'"' page" est bien
corrigée mais on y en a laissé glisser de plus graves^.
Par la publication de cette nouvelle Madame de La Fayette
entre dans la voie où elle devait trouver une renommée durable ;
non seulement elle s'exerce utilement en vue de son chef-d'œuvre
mais elle gagne parmi ses amis, et auprès d'un pubhc choisi^ la
passage en question: "Le duc d'Anjou de son côté n'oublioit rien pour
lui témoigner son amour en tous les lieux où il la pouvoit voir et il la
smvoicô-tinuellement (sic) chez la Reine sa mère." Malgré la lettre
tombée et l'espace supprimé on comprend facilement.
^ Par exemple le passage au sujet du Prince de Condé (p. 10, éd. 1662,
p. 8, éd. 1674). De plus les caractères de la première édition sont plus
gros et l'impression en général plus claire que dans celle de 1674.
2 C'est une erreur de dire, comme on l'a fait si souvent, que la
Princesse de Montpensier passa inaperçue. Malgré les dénégations de
son auteur la nouvelle fut généralement attribuée à Mme de La Fayette,
dont la renommée littéraire date de ce moment. En 1663 Jean de la
Forge écrit {Le cercle des femmes sçavantes, Paris, J. B. Loyson, 1663,
in 12°, p. 13):
D'autres avec ardeur s'appliquant à l'Histoire,
Par des chemins divers obtiendront même gloire
Et scauront ajuster dans leurs doctes romans
Les tendres passions avix grands événements.
Mindatte et Félicie* usant de ces adresses,
Tireront du tombeau deux illustres Princesses,
Et trouveront cet art, en leur rendant le jour,
D'acconunoder leur gloire aux soins de leur amour.
* FéUcie désigne, d'après la clef, Mme de La Fayette.
Dans les Silhouettes jansénistes, publiées par M. Griselle, nous lisons:
"La Comtesse de Montpensier. C'est un petit roman fait par Mad. de
La Fayette. Il n'y a rien de mieux escrit. Il y a seiilement trop d'esprit.
De Brienne." Voir Rev. d'hist. litt., jan.-juin 1916, p. 224.
6—2
84
Madame de La Fayette
[CH. IV
réputation de bien écrire. Cette réputation lui vaudra, comme
nous le verrons par la suite, d'être chargée d'un travail littéraire
qui rehaussera encore sa renommée et lui fera étudier de près
et sur le vif les sentiments qu'elle dépeindra plus tard avec
tant de déUcatesse et de maîtrise.
CHAPITRE V
LA PARISIENNE ET SES AMIS
Lorsque Madame de La Fayette revint à Paris, elle y retrouva
ses anciens amis et il semble qu'elle ait alors repris dans une
certaine mesure sa vie de jeune fille. Dès qu'elle eut une demeure
fixe à Paris, eUe ne manqua pas de prévenir Ménage chaque fois
qu'elle revint d'un court séjour à Fresnes ou à Saint-Cloud. Il
eut parfois le privilège d'être le seul invité comme le billet suivant
en fait foi :
"le vous prie," écrit-elle, " de ne venir que ce soir et ne dittes
point par le monde que je sois revenue car ie croy que je m'en
retourne demain et ie ne veux voir personne."
EUe fit mieux, eUe reprit ses leçons avec son ancien pro-
fesseur : "Je pense," écrit-elle un jour, " que vostre heureux destin
sopose que vous venies faire icy meschante chère il faut que
jaille demain sur le midy faire une recommandation.... pour
Mr de Limoges et entre une heure et deux tous ces gens quy se
meslent de nostre acomodement doive (sic) venir céans. Ainsi
nostre leçon seroit trop courte et comme elles ne sont pas
fréquentes il faut au moins qu'elles soient longues ce sera donc
pour jeudy si vous le voules bien ainsi^."
Ses devoirs auprès de Madame dont nous parlerons dans un
autre chapitre ne l'empêchèrent pas d'aller dans le monde ; tout
au contraire, ils lui permirent d'élargir le cercle de ses amis.
Et pourtant, ses journées devaient être assez rempHes, car
elle écrit elle-même : "C'est une chose admirable que ce que fait
l'interest que (ron)^ prend aux affaires. Si celle-cy n'estoient
point les miennes, je n'y comprendrois que le haut allemand,
et je les scay dans ma teste comme mon Pater et dispute tous
les jours contre nos gens d'affaires des choses dont je n'ai nulle
cognoissance et oii mon interest seul me donne de la lumière^."
Malgré ses nombreuses occupations, elle recevait beaucoup.
*'Ce jeudi soir — Je croyois avoir de vos nouvelles aujourduy, "
1 Je ne pexix garantir que cette lettre fut écrite après le mariage mais
l'accommodement doit s'appliquer aux procès dont il a déjà été question.
À moins qu'il ne s'agisse d'ixne conciliation entre mari et femme? — ce
que nous ne croyons pas. ^ Mot oublié en toiunant la page.
3 La version que donne M. d'Hausson ville, op. cit. p. 95, corrige et
l'orthographe et le style. Nous les rétablissons d'après le manuscrit.
86 Madame de La Fayette [ch.
écrit-elle à Ménage, "et de celles de la P. de M. (sic). Vous aunes
eu des miennes ce matin pour vous prier de venir voir (sic) cette
après dinee sans que mon beau-pere ma mande qu'il y viendroit
incontinent après disner et j'estois asseuree qu'il y viendroit tant
d'autres gens le reste du jour que j'ay creu que vous aimeries
autant ne point venir icy que dy estre avec tant de gens vous
quy n'aimes pas la foule...."
Bientôt elle fait la connaissance de gens de lettres destinés
à être bien plus célèbres que le fidèle Ménage. Pendant les années
qui vont suivre elle rencontre — sans parler de Scarron^ qu'elle
connaissait déjà et qui devait bientôt disparaître, de Benserade
et de Segrais qui ne sont guère plus connus que Ménage — Racine,
Bossuet, La Fontaine, Boileau et probablement Perrault et
Molière^. Mademoiselle de Scudéry^ était de ses amies, le savant
Huet correspondait avec elle, Madame de Sévigné et La Roche-
foucauld comptaient au nombre de ses intimes. Non moins
glorieux, mais d'un genre de célébrité bien différent, le prince
de Condé, le duc d'Enghien, Louvois* et le cardinal de Retz^
avaient une part dans son amitié et, à un degré bien moindre,
Mesdames de Maintenons et de Montespan'.
1 No VIS connaissons déjà l'opinion de Scarron sur la jevine La Vergne.
Elle a dû visiter le poète en compagnie de Mme de Sévigné. Cette der-
nière ne fréquentait pas trop la maison car Ninon de l'Enclos y allait
souvent, et il s'y retrouvait en même temps plusieurs des admirateurs
de Mme de Sévigné. Voir à ce sujet: Scarron, Œuvres, Madrigal à Mme
de Sévigné, vu. p. 230; J. Babou, Les Amoureux de Mme de Sévigné;
Emile Magne, Scarron et son milieu. Dans une de ses lettres inédites
Mme de La Fayette remercie Ménage poiir des vers du "petit Scarron."
2 Pour des détails sijr ces amitiés voir plus loin.
3 " Je vous prie, mais ie vous en prie de tout mon cœ\ir, de faire mille
compliments de ma part à Mlle de Scudery," écrit Mme de La Fayette,
"et de l'asseurer que j'ay pour elle toute lestime imaginable et beaucoup de
disposition a avoir bien de la tendresse moy quy n'en ay guère ordinaire-
ment." M. d'Haussonville a corrigé l'orthographe et le style de cette
lettre en la publiant.
* Voir Rev. de Paris, !«"' sept. 1907. J. Lemoine, Mme de La Fayette
et Louvois. ^ Sév. m. 21, et passim.
* Du temps où elle était Mme Scarron, l'amitié était assez forte.
Plus tard elle s'est refroidie. D'après ses lettres Mme de Maintenon
estimait Mme de La Fayette trop "vraie" et, d'après ses Mém. de la
Cour, celle-ci trouvait que la fondatrice de Saint-Cyr ne l'était peut-être
pas assez. Mme de Maintenon décou\Te chez son amie l'amour de la
dépense, et à tort, car le ht galonné d'or qu'elle lui reproche est tout
simplement un cadeau de sa marraine. Personne n'a signalé ce fait en
reprodmsant la critique de Mme de Maintenon. Voir notre appendice m.
' Sév. ni. 273.
v] La Parisienne et ses amis 87
Les trois demeures où elle faisait connaissance avec les gens
illustres de son temps étaient la Cour de Madame, le Luxem-
bourgi et l'Hôtel de Ne vers. Ce dernier milieu, le moins connu
de tous, est peut-être celui qui a influencé le plus l'esprit de
Madame de La Fayette; il mérite de retenir notre attention.
Nous avons déjà longuement parlé de l'Hôtel de Ram-
bouillet, sans insister sur l'influence qu'il dut exercer sur Mme de
La Fayette. Or, l'Hôtel de Nevers est en quelque sorte un
prolongement de l'Hôtel de Rambouillet; on y trouve beau-
coup d'anciens habitués, des réunions de chez la marquise, et les
quaUtés et les défauts y sont à peu près les mêmes. De plus, si
Mlle de La Vergne n'était pas suffisamment assidue à l'Hôtel
de Rambouillet pour tomber dans les excès de la préciosité,
elle allait assez souvent à l'Hôtel de Nevers pour en subir l'in-
fluence. Madame de La Fayette était précieuse 2. Elle se
dirigea plus tard vers le vrai but de la préciosité, au Heu de
tomber dans le ridicule, mais en cours de route elle n'échappa
pas toujours aux accusations qu'on peut porter contre la mau-
vaise 'préciosité. Nous verrons plus tard des lettres à Huet qui
laissent voir que Mme de La Fayette traversa, elle aussi, sa
crise, et jusque dans la Princesse de Clèves il y a des passages
qui décèlent plutôt une précieuse guérie qu'une femme indemne.
Créer d'abord un miheu faux pour représenter l'Hôtel de Ram-
bouillet, exagérer tantôt ses quaUtés, tantôt ses défauts, et
conclure dans ce dernier cas que Mme de La Fayette fut trop
spirituelle pour avoir été touchée par le mal, c'est là une ten-
dance commune à plusieurs de ses biographes, et de plus
une façon de voir aussi inutile que fausse. Examinons ce
miheu de l'Hôtel de Nevers et sa "succursale" à la campagne,
^ Il est fort probable que Mme de La Fayette fréquentait le Luxem-
bourg, mais nous ne croyons pas avoir vu de documents probants à ce
sujet. Il est vrai qu'un jovu- elle dit dans une lettre à Ménage, qu'elle
lui écrit dans les jardins du Luxembourg, mais alors, comme aujourd'hui,
ces jardins étaient publics. A. Barine, Louio XIV et la Gr. Mlle, dit
catégoriquement que Mme de La Fayette se trouvait souvent au Palais
avec La R., Segrais, Mme de Sév. et Mademoiselle.
- Non seulement elle figure dans la liste des Précieuses donnée par
Somaize (Dict. T. i. p. 96), et son salon parmi les Réduits (p. 205), mais
nous avons des citations de son style parmi les "Quelques expressions
précieuses" (p. 211). Jean de la Forge (Cercle des femines sçavantes) loue
la Princesse de Montpensier ou plutôt son autevir qu'il appelle Félicie.
Dans la "clef" il écrit: "Félicie: Son nom seul fait son éloge et partout
où les charmes de l'esprit et du corps et les belles lettres régneront, ce
nom fameux régnera avec elles."
88 Madame de La Fayette [ch.
Fresnes : nous verrons que Mme de La Fayette a suivi la mode
sans se soucier de ce qu'il pouvait y avoir de bon ou de mauvais
dans le mouvement littéraire qui naissait.
À l'Hôtel de Nevers on se réunissait pour s'amuser et pour
discourir^. Lorsqu'on est du tout Paris — si j'ose m'exprimer
ainsi en parlant du XVIIe siècle — il y a des nouvelles politiques
et littéraires (en dehors de la mode qui s'applique aussi bien au
vocabulaire et à l'expression qu'aux vêtements) que l'on ne doit
pas ignorer. On les apprenait à l'Hôtel.
La maison était située au bout du Pont-Neuf, à l'emplace-
ment actuel, nous semble-t-il, de l'Hôtel de la Monnaie. À cette
époque, elle était renommée pour la bonne chère. "La table y
était d'une grande délicatesse et d'une grande somptuosité,"
nous dit le Père Rapin^ qui n'aimait guère les gens qui la fré-
quentaient. La compagnie était la plus choisie de Paris et com-
prenait des gens de cour et de robe. La maîtresse de la maison,
la comtesse du Plessis-Guénégaud, organisait "toutes sortes de
divertissements d'esprit" et comme elle avait elle-même "de
l'honnêteté, de la pohtesse et de l'esprit^" elle attirait des gens
"honnêtes," polis et spirituels. Parmi ceux-ci il y avait l'évêque
de Comminges, cousin germain de la comtesse, le prince de Mar-
cillac, le duc de La Rochefoucauld, le maréchal d'Albret, parent |
de M. de La Fayette, la marquise de Liancourt, la comtesse de |
La Fayette, la marquise de Sévigné, d'Andilly de Pomponne, /^
l'abbé Testu*, l'abbé de Rance, les Barillon. Lorsque Pom- |
ponne arrive à Paris en 1665, il n'hésite pas à visiter l'Hôtel et
"le grand monde qu'il apprit estre en haut ne l'empêcha point ■■
de paroître en habit gris," "J'y trouvai seulement," écrit-il,
"Madame et Mademoiselle de Sévigné, Madame de Fouquières '{;■
et Madame de la Fayette, M. de la Rochefoucauld, M. de Sens, K
de Xaintes et de Laon ; MM. d'Avaux, de Barillon, de Châtillon, t
^ Et pour propager les opinions jansénistes dirait le Père Rapin qui
accvise l'Hôtel de Nevers d'être "le grand théâtre où se débattait avec
plus de bruit et même avec plus d'applaudissement le nouvel évangile
de Port-Royal," Mém. i. 403. ^ Ouv. cité ci-dessus.
^ Rapin, op. cit. Arnaud d'Andilly écrit dans ses Mémoires: "J'ai ^
trouvé en Madame du Plessis tout ce que l'on peut souhaiter pour rendre
vme amitié parfaite. Son esprit, son cœur, sa vertu semblent disputer
à qui doit avoir l'avantage. Son esprit est capable de tout sans que son
application aux plus grandes choses l'empêche d'en avoir en même temps
povir les moindres." Petitot, 2^ série, xxxrv. p. 92.
* Jacques Testu (1626-1706), abbé de Belval. Reçu à l'Acad. fr. en
1605.
v] La Parisienne et ses amis 89
de Caumartin et quelques autres : et sur le tout Boileau que vous
connaissez, qui y étoit venu réciter de ses satyres, qui me paru-
rent admirables; et Racine, qui y récita aussi trois actes et
demi d'une Comédie de Porus, si célèbre contre Alexandre, qui
est assurément d'une fort grande beauté^."
Comment ne pas fréquenter une maison où l'on pouvait
entendre le même jour et Boileau et Racine? Madame de La
Fayette se garde bien de manquer à de telles fêtes. Non seule-
ment elle dînait et soupait à l'Hôtel, mais elle y couchait. A ce
sujet la lettre suivante qu'elle écrivit à Pomponne est fort in-
téressante^ :
"de Ihostel de Nevers ce 24"'' mars (1662).
"Il ny a jour que Ion ne parle icy de vous escrire toutes les
soirées se finissent en disant mon dieu escrivons donc a ce pauvre
Mr de Pomponne mandons luy combien nous nous ennuyons
de ne lavoir plus et lenuie que nous avons quil revienne cela ce
(sic) dit touts les soirs et ce remet toujours au lendemain et le
plaisir de la conversation ou le raisonnement sur les nouvelles
fait quon ne lexecute non plus le lendemain que Ion lavoit fait
le jour auparavant pour moy quy suis ennuyée de voir que tout
le monde fasse si mal son devoir ie me sépare de la troupe pour
faire le mien et vous escris en mon particulier et quoy que se
soit de Ihostel de Nevers ne croyes pas que personne ait part a
ma lettre je suis toute seule dans ma chambre vous voila bien
estonne que ie dise ma chambre mais attendes ie ne faisois que
disner et souper céans quand vous esties a Paris présentement
iy couche il est vray que la peur des voleurs quy sont deschaines
en mon faubourg y a contribue pr cette nuit et vous juges bien
quil faut quelque bonne raison pr obliger une mère de famille
comme moy a quitter ses anfans jay donne une nourice aux
vostres quy est une créature admirable et ie prétends bien que
vous men remercires autant que fait Me de Pomponne quy
men scait le mesme gre que si ie luy avois fait un présent con-
sidérable^."
1 Mém. de Coulanges, 1820, p. 470.
2 Elle donne en passant vin renseignement svir l'état des rues à cette
époque (1662) et doit être rapprochée d'une lettre où Mme de Sévigné
ractnte en 1673, son retour du "fin fond du Fauboiirg St Germain, fort
au-delà de Mme de La Fayette." "Nous revanmes gaiement," écrit-elle,
" à la faveur des lanternes, et dans la sûreté des voleurs." Ces lanternes,
qui contenaient des chandelles, étaient installées dans les rues de Paris
en 1666 et allumées pendant neuf mois de l'année: on exceptait les huit
jours de lune. ^ Bibl. Arsenal, Papiers Arnavild.
90 Madame de La Fayette [ch.
Lorsque les invités s'en allaient à Fresnes, Madame de La
Fayette ajoutait au "plaisir de la conversation" et du "raison-
nement sur les nouvelles " celui de la vie à la campagne qu'elle
savait apprécier.
Le château de Fresnes, situé un peu au-delà de Clays près
du confluent de la Beuvronne et de la Marne, avait été presque
entièrement reconstruit par Mansard. Par la beauté des per-
spectives, la proximité de lieux pour la promenade, et la splen-
deur des appartements, aucune des riches demeures qui
abondaient dans les environs de Paris ne surpassait le château
de Fresnes. Ses jardins et son parc rappelaient Vaux, le trop
magnifique château de l'infortuné Fouquet. L'esprit cultivé de
l'hôtesse et de ses invités, la vie qu'on y menait, rappelaient les
beaux jours de l'Hôtel de Rambouillet. On y retrouvait la même
culture intellectuelle et la même gaîté. La plupart des personnes
qui le fréquentaient étaient celles qu'on rencontrait autrefois
à l'Hôtel, et elles gardaient jusqu'à l'habitude de s'appeler par
des noms d'emprunt — par des noms de précieux i.
Madame de Se vigne nous trace ce joli tableau de l'intérieur
de Fresnes^ : "...Il faut que je vous dise comme je suis présente-
ment. J'ai M. d'Andilly à ma main gauche, c'est à dire du côté
de mon cœur; j'ai Mme de la Fayette à ma droite; Mme du
Plessis devant moi, qui s'amuse à barbouiller de petites images;
Mme de Motteville un peu plus loin, qui rêve profondément;
notre oncle de Cessac, que je crains parce que je ne le connois
guère ; Mme de Caderousse ; sa sœur qui est un fruit nouveau que
vous ne connoissez pas, et Mlle de Sévigné sur le tout, allant et
venant par le cabinet comme de petits frelons."
Lorsqu'on n'écrivait pas, on jouait au jeu des rimes ou des
proverbes, des poètes ou des peintres^ mais sans interrompre la
^ Voir Walckenaer, m. 21. Rapin, op. cit. admet que "Tout ce qu'il
y avoit de brillant parmi la jeunesse de qualité, qm florissoit alors dans
la viUe ou à la Cour...alloient à Fresnes pour y faire des conférences
d'esprit: car c'étoit un Ueu agréable, délicieux et propre à cela." i. p. 403.
2 Sév. I. p. 493.
^ Pour les jeux des précieiises voir Ch. Sorel, La Maison des Jeux,
1687, 2 vols, de 700 et de 600 pp. À côté de jeux littéraires on en trouve
qui sont pour nous surprendre un peu. En voici un : On leur propose que
si elles étaient dans un grand lit au milieu de deux hommes qui les aiment
et que l'on nomme, la bienséance les obligerait de se tourner d'un côté
ou de l'autre et on leur demande quel côté elles choisiraient du droit ou
du gauche. On ne leur dit qu'après celui de droit et celioi de gauche. Elles
embrassent l'élu et donnent xm bouquet à l'autre."
v] La Parisienne et ses amis 91
conversation, qui était considérée comme un art auquel chacun
travaillait pour son perfectionnement. C'est chez Madame de
Plessis-Guénégaud et dans son propre salon que Madame de
La Fayette acheva de devenir la directrice de la conversation
polie de son temps. Pour se faire une idée du charme et du raffi-
nement de ces causeries, on n'a pas besoin de consulter les guides
mondains^ de l'époque: il suffit de lire la Princesse de Clèves.
"Aimable et spirituelle, d'un esprit enjoué, d'un abord agréable;
elle (Mme de La Fayette) est civile, obUgeante et un peu railleuse,"
nous dit Somaize qui l'appelle de son nom de Précieuse — Féli-
ciane, et pour ne pas nous laisser sur une impression défavorable,
il continue : "mais elle raille de si bonne grâce qu'elle se fait aimer
de ceux qu'elle traite le plus mal, ou du moins elle ne s'en fait
pas haïr^." Bien que ce portrait soit de quelques années anté-
rieur, nous pouvons supposer qu'elle savait encore railler quand
elle allait à l'Hôtel de Nevers, à en juger par la façon dont elle
traite Mme de Marans^. Toujours est-il qu'elle n'est pas seule
à badiner à Fresnes et lorsqu'elle se trouve parmi les victimes,
elle écrit ainsi à son ami Pomponne :
"Je suis si honteuse de ne vous avoir point escrit depuis que
vous estes party que je croy que je n'aurois jamais osé m'y
hasarder sans une belle occasion comme celle cy à labry de noms
qui sont de l'autre coste de cette lettre. J'espère que vous
apercevres du mien aussi bien il y en a un qui le suit assez
souvent mais apparemment puis qu'il est question de Mlle de
Sévigné vous jugez bien que l'on ne parlera plus de moy au moins
sur ce propos : car pour ne plus parler de moy ce n'est pas chose
posible a Fr. & a l'h de N. J'y suis le souffre douleurs on s'y
mocque de moy excessivement. Si la douceur de Mr de C. et de
Me de Se vigne ne me consoloit un peu je croy que je m'enfuirois
dans le nord*."
Ce Monsieur de Pomponne, fils d'Arnauld d'Andilly, avait
été reçu dès sa première jeunesse à l'Hôtel de Rambouillet et
a dû souffrir de son éloignement en Suède où il était ambassadeur
1 Tels que: Ortigues de Vaumorières, L'Art de plaire dans la Conversa-
tion. ^695. Voici quelques titres de chapitres: De quelle manière la
bien-séance veut que l'on agisse et que l'on parle quand on mange en
compagnie. Avec quelles précautions il est permis de railler. De quelle
manière on doit dire des nouvelles, etc. Voir avissi Bary (René), L'Esprit
de cour ou les conversations galantes, 1662.
2 Somaize, op. cit. ^ Sév. ii. 153.
* Copie de lettres 12 mars 1666, Bibl, Ars. 6037, Pap. Arn. iv. pièce
491, p. 18.
92 Madame de La Fayette [CH.
extraordinaire. Ainsi exilé, il ne comprenait plus certaines
expressions de ses anciens confrères en préciosité et se
demandait s'il ne faudrait pas "apprendre une langue nou-
velle" en rentrant dans son pays. Sa réponse nous fera
connaître le milieu, et la tentation de la donner presqu'en
entier est d'autant plus forte que cette lettre, adressée à
Mme de Sévigné, ne figure pas dans l'édition des "Grands
Écrivains."
"Rien ne fait un effet si bizarre qu'un billet de Fr. receu dans
le Nord. Il donne mille joyes et mille chagrins. Il adoucit et
augmente la douleur de leloignement, et aide a supporter le
poids de l'amb^^e en le rendant encore plus pesan. Vous jugez
bien en effet incomparable Amathee — et vous illustre Alcandre,
car Dieu me garde de vous séparer — combien Ion est sensible
au plaisir de voir dans une mesme lettre les noms de Se de
la F et de la R et combien Ion souffre en mesme temps
nayant manque aucune des actions mémorables de F de ne
mestre pas trouve a l'une des plus signalées. J'y ay veu la
Brevonne sortir plus d'une fois de sa grotte. J'y ay joue mon
roole dans la surprenante avanture de la Comtesse de Bourgogne.
J'ay este témoin des diverses transformations de Louis Bayard.
J'ay este présent au fameux opéra de Vittoria et de Don Carlos.
Mais surtout je me suis trouve a l'avanture célèbre des deux
Paladins, dont l'un fort ingambe, l'autre avec sa permission un
peu bequillard disputèrent l'espee enchantée pour delhvrer
l'Infante que l'on enlevoit. Enfin rien ne m'etoit échappe de
remarquable depuis la naissance des Quiquois mais aujourd'hui
j'ay bien envie de murmurer contre l'ame j'ay manque le sale-
ment de 1. De tout ce que j'ay jamais veu et entendu au
pays de Brevonne rien ne m'a paru si digne de curiosité. Je ne
scay pas si nostre en a salle beaucoup en sa vie : je respons
bien qu'il n'en a jamais de telle. Mais nestes vous pas cruels tous
tant que vous estes de ne me point expHquer de tels mots et
faudra-t-il que j'apprenne une langue nouvelle lorsque je
reviendray en mon cher pays de la Ver^e? Quelle honte de ne
me point exphquer de tels mots qu'il ne se trouve personne
parmy vous qui ait cette charité pour un pauvre Quiquoy
depaise. Et cette Me de la F a qui Ion me renvoyé n'aurait-
^ Cette lettre a été imprimée par Monmerqué dans son édition des
Mém. de Couianges (1820), p. 405, et à cet endroit il imprime: "Mlle de
Sévigné." Phis loin dans cette lettre, Pomponne écrit, en effet, qu'il
s'agit de la fille de Mme de Sévigné.
v] La Parisienne et ses amis 93
elle pas mieux fait de me le dire que de m'apprendre que l'on
se mocque délie depuis le matin jusques au soir comme si ce
mestoit une chose fort nouvelle? Elle a ete mocquee et le sera.
Je lay este avant elle, et le seray. Enfin cest un honneur que
nous partagerons longtemps ensemble etc.^"
D'après la réponse de Pomponne, nous voyons que non seule-
ment Madame de Sévigné lui écrivit en même temps que Madame
de La Fayette mais qu'il reçut aussi un billet de M. de La Roche-
foucauld, billet qui, par malheur, n'a pas été retrouvé. C'est
probablement à lui que la comtesse fait allusion lorsqu'elle dit
qu'il y a un nom qui suit le sien assez souvent. En 1666 donc,
on taquinait Madame de La Fayette au sujet du duc qui,
semble-t-il, s'intéressait à elle. En effet Madame de La Fayette
doit au salon de Madame du Plessis non seulement d'avoir pu
perfectionner son style dans la conversation du beau monde,
d'avoir épuré sa langue et afïiné son goût, d'avoir appris à
discuter sur des questions de psychologie et de reUgion, mais
aussi de s'être ménagé une amitié des plus précieuses, avec un
homme qui, après avoir cherché son chemin dans une tout
autre voie, devait se faire, lui aussi, un nom dans l'histoire
Uttéraire de son pays. Nous avons nommé La Rochefoucauld.
C'est à Fresnes que Madame de La Fayette lut les Maximes
et son impression ne fut guère favorable à l'auteur. Aussitôt
après cette lecture, elle écrivit à Madame de Sablé : " ....Je viens
d'arriver à Fresne, ou j'ay esté deux jours en solitude avec
madame du Plessis; en ces deux jours -là.... nous y avons leu
les Maximes de M. de La Rochefoucauld. Ha Madame ! quelle
corruption il faut avoir dans l'esprit et dans le cœur pour estre
capable d'imaginer tout cela ! J'en suis si espouvantée que je
vous asseure que si les plaisanteries estoient des choses sérieuses
de telles maximes gasteroient plus ses affaires que touts les
potages qu'il mangea l'autre jour chez vous."
Et lorsqu'elle écrit à son amie pour lui demander ses Maximes,
elle dit : " Madame du Plessis m'a donné une curiosité estrange de
les voir, et c'est justement parcequ'elles sont honnestes et
raisonnables que j'en ay envie, et qu'elles me persuaderont que
toutes les personnes de bon sens ne sont pas si persuadées de la
corruption générale que l'est M. de la Rochefoucauld^. "
C'est aussi à Fresnes qu'elle rencontra assez souvent le duc,
ou pour se rendre compte qu'elle l'avait mal jugé, ou pour être
1 Papiers d'ArnauId, rv. f» 25.
2 Fournier, Var. Hist. x.
94 Madame de La Fayette [ch.
tentée d'entreprendre une réforme de son caractère. De cette
rencontre, une liaison célèbre dans l'histoire littéraire....
On a déjà commis, au sujet de l'amitié du duc de La Rochefou-
cauld et de Madame de La Fayette, tant d'erreurs, on a montré
tant de curiosité malsaine, on a prononcé tant de jugements peu
charitables, que nous n'avons guère envie de rien ajouter à tout
cela. Au reste, si l'on tient à tout savoir, nous inclinons à
penser que Sainte-Beuve, en cette affaire, dit le dernier mot.
Il n'avait pas entre les mains tous les documents (nous sommes
encore loin de les avoir aujourd'hui) mais sa haute intelligence,
sa sympathie pénétrante, et ce don qu'il avait de regarder vivre
les personnages littéraires de toutes les époques, lui permirent
de traiter cette déUcate question comme personne ne l'avait fait
avant lui. Depuis ce moment (1836) on n'a rien écrit qui ait
la valeur de son étude et, à moins de trouver d'autres documents,
on ne dépassera jamais, croyons-nous, son portrait de Mme de
La Fayette^.
Cependant on ne peut passer sous silence cette haison
importante et surtout on ne peut pas laisser croire à ceux qui,
depuis 1836, ont accumulé des jugements téméraires et des
erreurs de faits, qu'ils sont arrivés plus près de la vérité que
leurs prédécesseurs. Nous allons suivre les traces d'un grand
critique comme Sainte-Beuve, être en contradiction avec un
érudit tel qu'Anatole France, et nous n'oserions pas entre-
prendre la tâche si nous ne nous trouvions fort de la pensée
que nous avons connu des documents qu'ils ignoraient tous les
deux. Ces documents, certes, ne disent rien, ou presque rien,
de la liaison, mais ils nous font mieux connaître le caractère de
Mme de La Fayette et si l'on a mal compris les rapports entre
La Rochefoucauld et son amie, c'est, croyons-nous, parce qu'on
n'avait pas compris le vrai caractère — et parce qu'on ignorait
l'état de santé — de cette amie.
Quand l'amitié de Mme de La Fayette et de La Rochefou-
cauld commença-t-elle ? En 1665? En 1655, à l'époque du
mariage de Mlle de La Vergne? Avant le mariage? On s'est
amusé à compUquer cette question, en disant que la Haison est
antérieure à 1665 et puis en insinuant en fin de compte que —
peut-être bien elle remontait plus haut que son mariage.
Il faudrait au contraire simpUfier la question et distinguer
^ Dans les Portraits de femmes.
v] La Parisienne et ses amis 95
entre deux choses : (a) ramitié de Mme de La Fayette avec La
Rochefoucauld, qui ne différait en rien de ses amitiés avec les
personnes mentionnées au début de ce chapitre, (6) l'amitié
intime que nous appellerons faute d'un meilleur mot — la haison.
La première amitié date probablement de l'époque du
mariage de Mme de La Fayette ou du temps qui suivit im-
médiatement le mariage. Segrais dit que l'amitié dura vingt-
cinq ans^. La Rochefoucauld étant mort en 1680, l'amitié re-
monterait donc en 1655, l'année même du mariage de Mme de
La Fayette^. Peut-être ne faudrait-il pas attacher trop d'im-
portance à la date fixée par Segrais. C'est un souvenir de vieil-
lard qui ne regarde pas à quelques armées près. En 1653, La
Rochefoucauld était à Verteuil, où il passa quelques années
dans la gêne, s'efïorçant de refaire sa fortune. En 1656, il est
vrai, il était de retour à Paris, et très assidu auprès de la reine
de Suède^. Madame de La Fayette n'était plus là mais elle
pouvait le rencontrer de temps à autre pendant ses visites. Paul
Lacroix* parlant d'une date assez vague ("dès l'année 1655"
est la dernière mention de date dans le chapitre) dit que Mme
de La Fayette "estima que le moment était bon pour ouvrir sa
maison aux beaux esprits les plus renommés et pour y attirer
le Duc de La Rochefoucauld.'''' Il ne donne aucun document à
l'appui de ses dires — ce qui leur enlève toute valeur. La pre-
mière mention de l'amitié dans la correspondance de Mme de
La Fayette est dans une lettre où elle écrit à Ménage " ...Je suis
infiniment obhgée à Mr de La Rochefoucauld de son compH-
ment, c'est en eÊfet de la belle sympathie qui est entre nous."
M. d'Haussonville reproduit cette phrase^ (avec "sentiment"
pour "comphment") et dit catégoriquement que la lettre est de
1663 et le "sentiment" peut-être à l'occasion de la Princesse
de Montpensier qui venait de paraître. "Venir de paraître"
n'est évidemment qu'une façon de parler puisque la Princesse
de Montpensier est du 20 août 1662 et cette lettre du 5 septem-
bre— 1663, d'après M. d'Haussonville. Mais comment M. d'Haus-
sonville sait-il qu'elle est de 1663? La lettre que nous avons vue
^ Segraisiana.
^ C'est probablement ce passage de Segraisiana qui fait dire à Taine
qu'à la mort de son mari, survenue quelques années après le mariage,
Mme de La Fayette céda à son affection déjà ancienne pour le duc de La
Rochefoucauld. Voir Taine, éd. de la P. de C.
' Mme de Motteville, Mém. rv. 65.
* Le XV IP siècle. Lettres, Sciences et Arts, p. 190.
5 Op. cit. pp. 6&-67.
96 Madame de La Fayette [CH.
est du "5™^ septembre" sans mention d'année. La date est
pourtant facile à établir. Ménage s'était amusé à tendre un
piège à ses amis en leur envoyant des madrigaux à critiquer.
11 en est question dans une lettre de Madame de Sévigné du
12 septembre 1656^ et dans une lettre de Madame de La Fayette
du 22 août. Or la lettre du 5 septembre où elle fait allusion à
La Rochefoucauld débute ainsi: "Si l'on pouvoit tirer quelque
vanité de mon choix je vous asseure que vous en pouries tirer de
celuy que j'ai fait de votre madrigal preferablement a celui du
Guarini et a celuy de Mr du Raincy...." Les trois quarts de la
lettre sont sur ce même sujet. Elle y parle également d'une
chanson itahenne dont il était question dans sa lettre du
1er septembre 1656 (date qui nous est fournie par une mention
de la visite de la reine de Suède). Nous n'avons donc aucune
hésitation à dater du 5 septembre 1656 celle où se trouve l'allu-
sion à La Rochefoucauld. Le compliment ne serait donc qu'une
pohtesse de La Rochefoucauld au sujet du mariage de Madame
de La Fayette. Le duc était à Paris en 1656. Il y rencontra '^
Ménage qu'il n'avait pas vu depuis le mariage car il habitait li
Verteuil à cette époque. Quoi de plus naturel que de pré- '.
senter ses compliments par l'intermédiaire du fidèle Ménage? ;}
Segrais aurait donc raison, car une année après le mariage,
l'amitié entre La Rochefoucauld et Mme de La Fayette donne
lieu à une remarque de Ménage, si bien que Mme de La Fayette
se doit d'intervenir. Cependant tout nous porte à croire que le
raisonnement de Sainte-Beuve est juste et que l'intimité n'a pu
remplacer la "belle sympathie" avant 1665^. En effet la liaison
de La Rochefoucauld avec Madame de Longueville — tellement
intime que le duc pleura le comte de Saint-Paul comme un fils
— n'était alors un secret pour personne. Plus tard il se lia avec
la marquise de Sablé et leurs relations ne se refroidirent que
vers 1663^. Un peu après cette époque Madame de La Fayette
écrit à la marquise:
"Ce jeudy au soir.
"Voilà un billet que je vous supHe de vouloir lire, il vous
instruira de ce que l'on demande de vous. Je n'ay rien à y ad-
jouster, sinon que l'homme qu'il l'escrit (sic) est un des hommes
1 Voir Lettres, T. i. p. 416. ^ Voir Portraits de femmes.
3 C'est vers cette époque que Mme de Sablé connut intimement
Mme de Longueville rattachée à Port-Royal par sa pénitence. Sa con- |'j
fession générale est de 1662. Le duc ne pouvait guère la fréquenter à |
partir de cette époque. *■
v] La Parisienne et ses amis 97
du monde que j'ayme autant, et qu'ainsi, c'est une des plus
grandes obligations que je vous puisse avoir que de luy accorder
ce qu'il souhaitte pour son amy. Je viens d'arriver à Fresne, où
j'ay esté deux jours en solitude avec madame du Plessis ; en ces
deux jours-là nous avons parlé de vous deux ou trois mille fois;
il est inutile de vous dire comment nous en avons parlé, vous le
devines aisément. Nous y avons leu les Maximes de M. de La
Rochefoucauld. Ha Madame ! quelle corruption il faut avoir
dans l'esprit et dans le cœur pour estre capable d'imaginer tout
cela ! J'en suis si espou vantée que je vous asseure que si les
plaisanteries estoient des choses sérieuses de telles maximes
gasteroient plus ses affaires que touts les potages qu'il mangea
l'autre jour chez vous^."
D'après la dernière phrase, La Rochefoucauld essaya de se
rapprocher de Mme de La Fayette et de transformer le com-
merce de poHtesse que, jusqu'alors, il avait eu avec elle en une
intimité plus grande. On en parlait évidemment et il est pro-
bable qu'on taquinait un peu la comtesse. Elle acceptait ces
taquineries avec bonne humeur lorsqu'elles venaient de ses
amies, de tous ceux qui la connaissaient bien et qu'elle jugeait
susceptibles de bien comprendre la situation, mais elle avait en
horreur d'être considérée comme une coquette déjà mûre. La
situation devenait plus déhcate encore lorsque celui qui s'éri-
geait en juge était le fils illégitime de La Rochefoucauld; elle
donna Ueu à la lettre suivante :
"Ce lundy au soir.
"le ne pus hier respondre a vostre billet, parce que j'avois
du monde, et je croys que je n'y respondray pas aujourd'huy
parce que je le trouve trop obhgeant. Je suis honteuse des
louanges que vous me donnés et d'un autre costé j'ayme que
vous ayés bonne opinion de moy, et je ne veux vous rien dire
de contraire à ce que vous en pensés. Ainsi je ne vous respondray
qu'en vous disant que M. le comte de Saint-PauP sort de céans
et que nous avons parlé de vous une heure durant, comme vous
sçavez que j'en sçay parler. Nous avons aussi parlé d'un homme
que je prends toujours la Hberté de mettre en comparaison avec
vous^ pour l'agrément de l'esprit. Je ne sçay si la comparaison
vous offense; mais quand elle vous offenseroit dans la bouche
1 Foiornier, op. cit.
2 Fils de Mme de Longueville et probablement du duc de La Roche-
foucauld.
^ Cet "homme" est évidemment La Rochefoucauld.
A, 7
98 Madame de La Fayette [ch.
d'une autre, elle est une grande louange dans la mienne, si tout
ce qu'on dit est vray. J'ay bien veu que M. le comte de Saint-
Paul avoit ouy parler de ces dits-là et j 'y suis un peu entrée avec
luy: mais j'ay peur qu'il n'ait pris tout sérieusement ce que je
luy en ay dit. Je vous conjure, la première fois que vous le verres
de lui parler de vous-mesme de ces bruits-là. Cela viendra aisé-
ment à propos, car je luy ay donné les Maximes, il vous le dira
sans doute, mais je vous prie de luy en parler bien comme il faut
pour le mettre dans la teste que ce n'est autre chose qu'une
plaisanterie^. Je ne suis pas assez asseurée de ce que vous en
pensés pour respondre que vous direz bien et je pense qu'il
faudroit commencer par persuader l'ambassadeur. Néanmoins
il faut s'en fier à vostre habilité : elle est au-dessus des maximes
ordinaires mais enfin persuadés-le ! je hays comme la mort que
les gens de son âge puissent croire que j'ay des galanteries. Il
me semble qu'on leur paroist cent ans dès que l'on est plus
vieille qu'eux et ils sont touts propres à s'estonner qu'il soit
encore question des gens ; et de plus il croiroit plus aisément ce
qu'on luy diroit de M. de la R. F. que d'un autre. Enfin je ne
veux pas qu'il en pense rien, sinon qu'il est de mes amis, et je
vous suphe de n'oublier non plus de luy oster de la teste, si tant
est qui le l'eût que j'ay oubhé vostre message. Cela n'est pas
généreux de vous faire souvenir d'un service en vous en deman-
dant un autre.
(En marge.) Je ne veux pas oublier de vous dire que j'ay
trouvé terriblement d'esprit au comte de Saint-PauP."
Voilà, à notre avis, une des lettres les plus intéressantes de
Mme de La Fayette, tant elle s'y montre femme. EUe hait
comme la mort que les gens de l'âge du comte de Saint-Paul
puissent croire qu'elle ait des galanteries, mais elle fait un peu
la moue quand elle pense qu'elle leur paraît cent ans — ce n'est
pas qu'elle soit trop vieille pour avoir des galanteries — c'est
qu'elle n'en veut pas. Puis le fils naturel de La Rochefoucauld
était plutôt disposé à croire ce qu'on disait de son père que ce
qu'on pouvait dire d'un autre. En fin de compte, eUe écrit à
Mme de Sablé pour que le jeune homme soit détrompé — ou
^ Ce qu'il a pu entendre dire au s\ijet de la liaison, d'après nous, et
non pas les Maximes, comme le croyait Fournier. (Voir Var. Hist. x. 128.)
2 Cette lettre était dans les Portefeuilles de Valant, N° 4. Elle fut
volée en 1842. Voir Lalanne et Bordier, Dict. des Pièces Volées. Pour sa
publication par Delort, etc. voir notre bibliographie (Corr.).
v] La Parisienne et ses amis 99
trompé. Se défend-elle si mollement au début pour ne pas avoir
l'air d'attacher trop d'importance à l'attaque? Supplie-t-elle
ensuite en toute sincérité? Cette femme qui a la réputation
d'être franche et sincère, et qui était en effet d'une franchise
cruelle au besoin, savait bien garder les secrets des autres et ne
se hâtait pas de divulguer les siens.
Cette lettre nous ramène à la question déUcate, posée plus
haut : quelle fut la nature de la Uaison entre Mme de La Fayette
et La Rochefoucauld? Si l'on s'appuie sur les jugements des
critiques, souvent téméraires, basés sur des données insuffisantes
ou erronées, il est difficile de se former une opinion et de savoir
ce qui a pu réunir les deux personnes dont il s'agit. Pour les uns,
la haison a été connue et respectée de tous les contemporains.
"Toujours est-il," écrit M. de Lescure^, "que la Uaison trouva
moyen d'échapper même au danger, presque inévitable en
pareil cas, des satires et des chansons." D'autres prononcent
le mot "adultère."
Or, la Uaison n'échappa pas aux chansonniers de l'époque.
Dans le recueil fait par Blot, qui, d'après le jugement de Madame
de Sévigné, avait le diable au corps, on trouve la chanson
suivante :
La nymphe Sagiette
Et le berger Foucaut
Font l'histoiriette (sic)
De Moulin et de Gombeau
Chantant dessus leur lyre
Chacun a son tour
Qu'en anioiir
Il faut écrire
Et faire comme le grand Saucour-.
D'autre part, l'avis de ceux qui crient à l'adultère, aussitôt
après la découverte que M. de La Fayette n'est pas mort quelques
années après son mariage, est assez amusant. Les premiers
jugements avaient pour point de départ l'idée que M. de La
Fayette était mort. Quoi de plus naturel que de voir la veuve
chercher en La Rochefoucauld ce dont eUe avait joui auprès de
1 Intro. p. de C.
2 Bibl. Nat. ms. 9348, Blot. D'autres recueils donnent cette chanson
avec des variantes : La nymphe Fayette | De Macé de Gombaut | De nuit
et de jour | etc. Voir Chansonnier fr., ms. 12639, p. 177; 15135, p. 190;
12667, p, 339. "Le Marqms de Soyecovir, Grand Veneur de France, fut
d'une grande réputation pour ses exploits et sa grande vigueur avec les
dames." Note du ms.
7—2
100 Madame de La Fayette [ch.
son mari, etc. ? Puis tout à coup on trouve que le mari était
toujours là, et sans comprendre que ce fait nouveau exige une
revision de toute la question, des critiques modernes ont usé de
cette trouvaille et en ont fait un argument pour nous montrer
que Mme de La Fayette était adultère. Ainsi dans ces raisonne-
ments abracadabrants les mêmes conclusions sont tirées d'abord
du fait que le mari était mort, et ensuite du fait qu'il était encore
en vie. Il y a même des critiques qui se rangent tantôt d'un côté,
tantôt de l'autre. M. Anatole France dans la préface de son
édition de la Princesse de Clèves^ suit de très près Sainte-Beuve
et penche du côté de l'amitié, comme étant la seule relation
possible entre des gens malades — presque mourants, dont l'un
était vieux — et prince, l'autre pas belle — et dévote. Mais
lorsque M. d'Haussonville^ semble trop convaincu de l'innocence
de la liaison, M. Anatole France se met en verve et écrit : "Mme
de La Fayette avait 25 ans, le duc en avait 46. On se demandera
comment, de l'humeur qu'il était, elle put l'attacher sans se
donner à lui. Il ne vivait que pour elle et près d'elle, il ne la
quittait pas. Cela donne à penser, quoiqu'on ne veuille.
M. d'Haussonville ne croit pas lui-même à la continence volon-
taire de M. de La Rochefoucauld et je doute, malgré moi, de
la piété de Mme de la Fayette. L'âme de cette charmante femme
lui semble hmpide. J'ai beau m'appUquer à la comprendre, elle
reste pour moi tout à fait obscure."
Loin de croire que Madame de La Fayette n'ait pu s'attacher
le duc de La Rochefoucauld sans se donner à lui, nous croyons
fermement que si elle a pu se l'attacher comme aucune autre
femme n'avait pu le faire avant elle, c'est précisément parce
qu'elle ne se donna pas. Voici ce qu'il importe de savoir: la
Maison de Mme de La Fayette et de La Rochefoucauld fut-elle
basée sur la passion ou sur un autre sentiment, où il entrait
peut-être de l'amitié, de la pitié, de la sympathie, le besoin d'un
confident, le désir de vivre auprès d'un autre qui souffre? Parler
d'amour maternel entre une femme de 31 ans et un homme de
52^ prête, peut-être, à la risée et pourtant nous sommes d'avis
qu'il put y en avoir un peu dans l'affection de Mme de La Fayette
pour La Rochefoucauld. Ce dernier ne paraît jamais avoir été
^ Voir notre bibliog. ^ Op. cit.
'^ Noiis acceptons ici la même date pour le commencement de la
liaison qu'ont acceptée MM. France et d'Haussonville. Dans le second
passage de M. A. France, l'illustre écrivain rajeunit les deux amis pour
renforcer son argument.
v] La Parisienne et ses amis 101
le maître dans ses liaisons. C'est un nerveux, qui a le désir de
bien faire et d'être honnête homme au point de demander à ses
imis de lui corriger ses défauts, et de prendre en bonne part
leurs observations^ ! C'est aussi un sensible qui pleure à chaudes
larmes pour des deuils de famille^ et il est toujours d'une
"irrésolution habituelle^. " Il est timide, "Cet air de honte et
de timidité que vous lui voyez dans la vie civile," écrit Retz,
"s'était tourné, dans les affaires, en air d'apologie*." S'il se
montra bon soldat c'est grâce à l'influence de Madame de Longue-
ville, sa maîtresse, dans le sens plein du mot. Madame de Sablé
ne devait pas être très romanesque et ce qui attirait le duc chez
elle c'était probablement qu'elle avait cette sorte d' "esprit
bien fait" qui lui faisait souvent préférer la conversation des
femmes à celle des hommes. Il y trouvait "une certaine
douceur" qu'on ne rencontre pas chez les hommes. Peu avant
de se tourner vers Madame de La Fayette il écrit ^ : " Pour galant,
je l'ai été un peu autrefois, présentement je ne le suis plus,
quelque jeune que je sois. J'ai renoncé aux fleurettes et je
m'étonne seulement de ce qu'il y a encore tant d'honnêtes gens
qui s'occupent à en débiter. J'approuve extrêmement les
belles passions; elles marquent la grandeur de l'âme, et quoique
dans les inquiétudes qu'elles donnent, il y a quelque chose de
contraire à la sévère sagesse, elles s'accommodent si bien d'ail-
leurs avec la plus austère vertu, que je crois qu'on ne les sauroit
condamner avec justice. Moi qui connois tout ce qu'il y a de
déhcat et de fort dans les grands sen.timents de l'amour, si
jamais je viens à aimer, ce sera assurément de cette sorte mais
de la façon dont je suis, je ne crois pas que cette connoissance
que j'ai me passe jamais de l'esprit au cœur."
La femme qui l'attira à cette époque avait dépassé la tren-
taine et depuis dix ans elle était malade. Elle l'avait remarqué
à cause de son pessimisme et était un peu eJËfrayée par son état
d'esprit. Elle avait toujours eu la réputation d'être éminem-
ment raisonnable et c'est ainsi qu'elle apparaît dans ses œuvres
littéraires. Il se trouve, en effet, dans la Princesse de Clèves, un
^ Voir Portrait fait par lui-même. ^ Sév. m. 108.
^ Card. de Retz, Portrait de La Rochefoucauld, Œuvres de La Rochef .
T. I.
* Retz n'aimait pas La R. mais ce qu'il dit de sa timidité est con-
firmé par le fait que La R. trop timide pour se présenter devant l'Aca-
déinie, refusa le fauteuil qu'on lui offrait.
^ Portrait fait par lui-même.
102 Madame de La Fayette [CH.
passage assez significatif. Après la mort de son mari, la prin-
cesse refuse d'écouter le duc de Nemours pour deux raisons:
(1) parce qu'elle l'avait aimé du vivant de son mari, ce qui fut
cause de la mort de ce dernier; (2) parce qu'elle craignait qu'il
ne fût pas fidèle, une fois qu'elle se serait donnée à lui, même
dans le mariage. "Les hommes," dit-elle, "conservent-ils de
la passion dans ces engagements éternels; dois-je espérer un
miracle en ma faveur, & puis-je me mettre en estât de voir cer-
tainement finir cette passion dont je ferois toute ma félicité. . . . ? "
Elle se demande si son mari ne conserva sa passion que parce
qu'il n'en avait pas trouvé en elle. Elle dit à Nemours qu'elle
n'aurait pas le même moyen de conserver la sienne et conclut
"je croy même que les obstacles ont fait vostre constance^."
Sans croire à la continence de La Rochefoucauld, malgré
ses désillusions, malgré son âge, malgré sa santé, malgré son
besoin de sympathie et d'affection désintéressée, nous pouvons
croire qu'une femme aussi fine psychologue que celle qui a écrit
ces Hgnes ne fut pas assez folle pour écouter ce pessimiste quin-
quagénaire. Nous admettrons, qu'attirée vers lui par l'espoir de
lui "réformer le cœur^" elle put se piquer au jeu et s'y laisser
prendre. Mais, vu son expérience et son état de santé, cela est
peu probable.
Qu'est-ce donc qui les unit si étroitement? De la part de
Mme de La Fayette, le désir d'exercer une influence sur cet
homme illustre et de modifier son opinion sur les femmes. En
cours de route, elle estima qu'ils avaient beaucoup de traits
communs. Ils aimaient la lecture, la discussion psychologique,
les travaux httéraires. Peu à peu cet homme, qui ne croyait en
rien, crut en elle — le plaisir en était doux — et lui confia ses soucis,
ses préoccupations. Cette intimité était en accord avec tout ce
que Madame de La Fayette avait appris de l'amour platonique^.
1 Éd. Lemerre, 249-257.
2 Segrais écrit que La Rochefoucauld donna de l'esprit à Mme de La
Fayette mais qu'elle réforma son cœur. (Une faute de ponctuation dans
Segraisiana, p. 28, lui fait dire le contraire. ) Il nous dit en outre que La
R. "avoit donné dans tous les vices qui régnoient à la cour dans le tems
de sa jevinesse " (p. 28), qu'il "n'avoit pas étudié, mais qu'il avoit vm bon
sens merveilleux" (p. 15). C'est encore Segrais qui nous fait savoir que
Mme de La Fayette se servit de ses connaissances des procès poiir
sauver "le plus beau" des biens de La R. (p. 101).
3 Voir Le Grand Cyrus, vi. 113 ; V. Cousin, Soc. fr. u. 6-7 ; F. Hédelin
d'Aubignac, Les conseils d'Ariste. D'Aubignac ne croyait pas trop à
l'amoiir platonique.
v] La Parisienne et ses amis 103
De plus, pour un malade, c'est une chose agréable que d'avoir
un ami à peine plus ingambe que lui et qui peut venir tous les
jours s'informer de sa santé et lui apporter des nouvelles.
La Rochefoucauld, après avoir été jeté de côté et d'autre par
son ambition, fut retenu par la douce affection de cette femme
qui ne demandait rien que de l'amitié et qui rassemblait chez
elle tous ceux qu'il serait allé voir à la cour, si sa santé le lui
avait permis. Elle habitait tout près, et malgré ses propres
souffrances, elle réussissait à égayer le pauvre goutteux lorsqu'il
voyait tout en noir. Elle commença par lui être utile^ et peu à
peu elle lui fut indispensable.
Quel que soit le détail de cette intimité, les bases en sont une
belle amitié, ou un amour singulièrement dépourvu de passion ;
elle fut respectée par tous ceux qui la voyaient de près^ et les
plus médisants ne pourraient qu'enlever le mérite sans nier les
faits: "M. de La Rochefoucauld," écrit Mlle de Scudéry à
Bussy, "vit fort honnêtement avec Madame de La Fayette: il
n'y paroit que de l'amitié. Enfin la crainte de Dieu de part et
d'autre et peut-être aussi la politique a coupé les ailes à l'amour.
Elle est sa favorite et sa première amie. Rien n'est plus heureux
pour elle que cela, ni plus honnête pour lui^." Bussy répond:
"Quand on ne voit rien que d'honnête à présent entre M. de
La Rochefoucauld et Mme de La Fayette, ce n'est pas à dire
qu'il n'y ait que de l'amitié. Pour moi je vous maintiens qu'il
y a toujours de l'amour et quand il seroit possible qu'il n'y eût
plus, il y a toujours quelque chose qui, dans la religion, est aussi
condamné que l'amour même*." Bussy n'aimait guère La Roche-
foucauld et il avait déjà médit de Mme de La Fayette du temps
où elle était jeune fille; ici, il a tout l'air de dire : "Elle ne fait
rien de mal mais elle a tort quand même ! " Mlle de Scudéry
tient à son opinion, sans être trop charitable, et deux ans plus
tard, elle écrit: "M. de la Rochefoucauld et Madame de La
Fayette ont fait un roman des galanteries de la cour de Henri
second, qu'on dit être admirablement bien écrit; ils ne sont pas
en âge de faire autre chose ensemble....^." Bussy répond sur le
^ Lettre de La R. au comte de Guitaut 15 nov. 1664: "Je parle
souvent de vous avec ma voisine et elle m'est d'xm grand secours."
Œuvres, G. É. ra. 173.
2 Les chansonniers voyaient le plus souvent de bien loin et tenaient
surtout à avoir des chansons égrillardes à tort ou à raison.
3 Bussy-Rabutin, Corr. in. 116, Lettre du 6 déc. 1675.
« Op. cit. 117. 5 Op. cit. 451, 8 déc. 1677.
104 Madame de La Fayette [ch.
même ton: "Je serois bien fâché que ces auteurs fussent plus
jeunes car ils s'amuseroient à faire autre chose ensemble qui
ne nous divertiroit pas tant que leurs Uvres."
Malgré l'intimité de Mme de La Fayette avec La Roche-
foucauld, il y avait encore place dans le cœur de la première
pour une autre amitié avec Mme de Se vigne. Cette amitié date
de la jeunesse de Mlle de La Vergne et du mariage de sa mère
avec le chevaUer de Se vigne. Si nous n'en avons parlé qu'en
passant, c'est que nous n'avions que peu de renseignements sur
ses débuts. Mais Madame de Se vigne elle-même nous renseigne
sur ses relations avec Madame de La Fayette à partir de l'époque
oïl nous sommes et elle nous donne en même temps une idée
de la vie que menaient La Rochefoucauld et son amie.
La première mention de Mlle de La Vergne dans la corres-
pondance de Mme de Sévigné est de 1652, lorsque la marquise
écrit à Ménage pour lui dire "Vous ne me faites cette querelle
d'Allemand que pour vous donner tout entier à Mlle de La
Vergne^," mais ces mentions ne sont pas fréquentes avant 1670.
À partir de cette date et jusqu'à la mort de la comtesse il est
question d'elle à peu près à chaque page. Malgré son affection
pour sa fille, malgré le peu d'amitié de celle-ci pour Mme de
La Fayette, les deux amies ne se sont jamais brouillées et la force
de leur amitié ne faiblit jamais, quoi qu'en dise Walckenaer.
Il est ridicule de dire que Mme de La Fayette ménagea son
crédit à la cour et qu'elle ne voulut pas l'employer pour son
amie^. À part quelques biUets au sujet de son fils, toute sa
correspondance avec Louvois, dont il sera question plus tard,
est destinée à rendre service à d'autres qu'aux membres de sa
famille, et d'après la correspondance de Mme de Sévigné même,
on voit assez que Mme de La Fayette faisait son possible pour
lui être utile. Pour ne donner que quelques exemples — c'est
tantôt le fils de la marquise qui veut changer de garnison^, tantôt
les Grignan qui ont besoin de son appui*, tantôt des demandes
à faire pour la députation de Charles de Sévigné^. Certes elle
ne réussit pas toujours, mais il faut lui savoir gré de ses efforts et
la marquise elle-même le fait à plusieurs reprises. "Il me parait
1 1. 374.
2 Walckenaer, in.: "Elle ménageait son crédit et se montra peu
empressée à en user pour ses amis."
3 Sév. vn. 91.
* Ibid. vu. 364, ix. 5 juin 1689, vi. 58, 117.
6 Ibid. IX. 190, 192, 198, 204, 214, 218, 224, 241-2, 243, 250, 279.
v] La Parisienne et ses amis 105
qu'elle a bien envie de servir M. de Grignan, " écrit-elle, "elle
sera alerte sur les Chevaliers" etc.^
Mais si Madame de Sévigné resta fidèle jusqu'au bout, il est
certain que ses enfants n'aimaient pas trop la comtesse. De
la part de la fille, c'était peut-être tout simplement de la jalousie.
Quant au fils, il trouvait Mme de La Fayette un peu trop "rai-
sonnable." Tout en faisant comprendre à sa mère la nécessité
de lui fournir de l'argent^ elle essayait également de l'éloigner
de Ninon^. Lui aussi semble être un peu jaloux de l'influence de
Madame de La Fayette et de ce qu'elle arrive à faire pour ses
fils*. Madame de Sévigné sent bien l'hostilité de sa fille et en
maints endroits de sa correspondance elle s'efforce de montrer
combien son amie s'intéresse à Mme de Grignan^. Cependant
elle est obligée d'avouer son peu de succès, "Vous êtes toujours
bien méchante quand vous parlez de Mme de La Fayette,"
écrit-elle, "je lui ferai quelques légères amitiés de votre part^."
Madame de Sévigné était naturellement attirée vers sa
parente, et savait apprécier en elle des qualités qui lui man-
quaient à elle-même. Elle paraît la regarder comme une per-
sonne supérieure et ne manque pas de lui demander conseil dans
les cas difficiles. Mais parfois, pourtant, elle était toute prête
à imiter la jalousie envieuse de ses enfants. Aussitôt, il est
vrai, elle reconnaissait les réelles quafités de son amie. Dans sa
jeunesse, Mme de Sévigné était jin peu écervelée. Son humeur
était d'une Uberté et d'une gaieté qui la faisaient parfois mal
juger. Tallemant nous dit qu'elle avait l'habitude de "dire
tout ce qu'elle croyoit joli, quoique ce fussent souvent des
choses un peu gaillardes' " et Bussy admet que "pour une femme
de qualité on trouvoit son caractère un peu trop badin^."
Madame de La Fayette était plus posée, mais elle était loin de
la froideur et de la pudibonderie que l'on voudrait lui attribuer ;
elle était capable de pardonner, et même d'apprécier la forte
gaieté de son amie. Au besoin, et malgré sa maladie, elle lui
écrivait des "gaillardises^." La marquise aimait son amie
parce que la comtesse pouvait sympathiser avec ses faiblesses
de mère, louer sa fille, et la guider dans les démarches à faire
pour l'avancement de ses enfants. Si parfois sa maladie amenait
1 Ibid. VI. 58. 2 iii^ 194,
3 II. 137. * r^. 286, etc.
6 II. 67, 107, 173, 182, 194, m. 263, viu. 306. « iv. 218.
' Tallemant, Hist. de Sév. et de sa Femme. Voir aussi Sév. G. É. i.
p. 48. 8 Sév. I. 48. » Sév. ii. 350.
106 Madame de La Fayette [CH.
la tristesse, sa maison restait généralement gaie, car on y ren-
contrait des gens fort intéressants. Madame de La Fayette
tenait salon^ et Madame de Sévigné retrouvait là le cardinal
de Retz et tous ses amis de la Fronde "avec les beaux esprits
de ce temps, Segrais, Huet, La Fontaine et Molière^." Elle y
trouvait également La Rochefoucauld et peut-être Bossuet,
Boileau, Racine, Benserade. Ce salon devait ressembler certains
jours à cette ''Chambre du Sublime"'' que Mme de Thianges
donna en 1675 comme étrennes au duc du Maine^.
Segrais, pour s'être trop occupé du mariage de Mademoiselle
et de Lauzun et non pas dans le sens qu'aurait voulu la princesse,
fut chassé de chez elle. Madame de La Fayette l'accueilht*.
Quant à Huet, évêque d'Avranches, nous connaissons depuis
quelques mois^ l'opinion de Pierre Bayle à son sujet, opinion
exprimée à cette époque, en 1675. "Et Monsieur Huet," écrit-il
1 Somaize, Dict. i. p. 205, dans sa liste des réduits les plus connus et
les plus considérables donne: Celui de la charmante Féliciane. "À ceux
que nous avons déjà cités jadis," écrit A. Bourgoin ( FaZenim Conrart
p. 253, note), "il faudrait peut-être ajouter comme étant contemporains
de la première société Conrart les salons de Mme de La Fayette, de Mme
d'Aiguillon, de Scarron, de Mme de Sablé, de Ninon Quand s'ouvrit
ou se ferma chacun d'eux il est difficile de le dire." Évidemment: il
est même difficile de dire que le salon de Mme de La Fayette était con-
temporain de celui de Conrart. D'après Pellisson et d'Olivet, que M.
Botirgoin cite Im-même, la société Conrart s'assemblait "Environ l'année
1629." Avant de mettre Mme de La Fayette à la tête d'un salon il
faudrait lui donner le temps de devenir Mme de La Fayette, ce qui
n'eut lieu qu'en 1655, ou même de naître, ce qui ne Ivii advint qu'en
1634.
^ Voir Walckenaer, m. Ch. xrx. On peut supposer que Molière
fréquentait la maison mais nous n'oserions pas l'affirmer comme le fait
Walckenaer.
^ On y avait représenté en cire le duc du Maine, "Auprès de lui M. de
la Rochefoucaiild, auquel il donnait des vers pour les examiner: autour
du fauteuil M. de Marcillac et M. Bossuet.... Au bout de l' alcôve Mme de
Thianges et Mme de La Fayette lisaient des vers ensembles. A.\x dehors
du balustre Despréaux, avec une fourche, empêchait sept ou huit mé-
chants poètes d'approcher. Racine était auprès de Despréaux, et un
peu plus loin La Fontaine auquel il faisait signe d'avancer."
Ménagiana.
* Sur Segrais voir Brédif, Segrais, pp. 64-72. Mme de Sévigné écrit
(il. 199), "Mais comment pourrois-je vous dire les tendresses, les amitiés,
les remerciements de M. de la Rochefoucauld, de Segrais, de Mme de
La Fayette avec qui je passai le soir."
* Lettres inédites de Bayle pub. dans Rev. d'Hist. litl. de la Fr. avril-
juin 1912, p. 427.
v] La Parisienne et ses amis 107
à l'un de ses amis de Montauban, "dont j'ay à vous dire deux
mots puisque vous le souhaitez. C'est un des plus savans hommes
de France. Il a donné au pubhc toutes les œuvres d'Origène,
un beau livre latin de la manière de bien traduire, avec un
examen de presque toutes les traductions qui se sont faittes
jamais, outre la savante lettre de l'Origine des romans^ de la-
quelle il me semble vous avoir autrefois parlé. ...il est sous-
précepteur de M. le Dauphin." C'est à Huet que Mme de La
Fayette adresse une lettre qui suffirait pour prouver qu'elle n'a
pas échappé complètement à la mauvaise influence de la pré-
ciosité— et, fait piquant, elle commence sa lettre par accuser
Mlle de la Trousse d'être précieuse.
"ce 14 9bre 1662.
"Toute précieuse que soit Mlle de la Trousse^ elle a de l'es-
prit, et par là je suis assurée qu'elle vous distingue comme elle
le doit du reste de ces Messieurs de Caen que je ne crois pas tous
aussi distinguables que vous l'êtes. Pour Me de Coulanges elle
est toute propre à mettre le feu dans des cœurs moins com-
bustibles que ne le sont pour l'ordinaire ceux de Province. Je
ne sais si je me trompe, mais je trouve que les cœurs de campagne
brûlent à bien plus grand feu que ceux de la Cour ; et il me semble
même que ceux de la cour brûlent mieux à la campagne qu'à
Paris. Ce pauvre Segrais aura tout loisir de brûler à Saint-Far-
geau, il ne lui manquera que du feu, mais je ne crois pas qu'il
puisse trouver là pour allumer une allumette. Toutes les lettres
que je lui ai écrites en Normandie ont été perdues. Depuis qu'il
est à St Fargeau, notre commerce est rétabh. Le mien est quasi
rompu au pays latin; mon maître n'est pas ici: IVIr Ménage est
occupé aux louanges de Mr le Cardinal: ainsi je n'ai personne
qui me tire de ma paresse naturelle. Je fais une vie fort inutile ;
elle n'en est pas moins agréable, hors de travailler pour le ciel
je commence à trouver qu'il n'y a rien de meilleur à faire que
de rien faire. Mandez-moi un peu si Madame votre sœur et vous
avez renoncé à toutes les pensées de vous établir ici et si nous
ne vous y verrons de longtemps l'un et l'autre^."
1 En tête de Zaïde, voir notre bibliographie.
2 Fille de Mme de la Trousse qm était tante de Mme de Sévigné.
^ D'après une copie conservée à la Bibl. Nat. ms. Fonds fr. 15188-
15190. L'orig. est probablement à la Bibl. Laurentienne à Florence. Povir
l'histoire de ces lettres voir Delisle (Léopold), Cat. des Manuscrits, i.
437-8 ; Cat. des fonds Libri et Barrois par le même, Bibl. Nat. N. Ac.
Fr. 6202.
108 Madame de La Fayette [ch.
Sa correspondance avec Huet est bien une correspondance
de femme savante, L'évêque lui envoie des vers latins qu'elle
lit avec l'aide de Ménage^ et des vers français qu'on lui a de-
mandé de critiquer. Elle se contente de dire quels sont ceux
qu'elle aime^.
Moins savant peut-être, ou tout au moins, savant d'une
façon plus aimable, La Fontaine fréquentait le salon et s'en-
tendait bien avec La Rochefoucauld et la comtesse. Le premier
lui suggérait des sujets de fables^ et son hôtesse, malgré sa
réputation de prude, savait apprécier les contes qui, bien avant
ses fables, l'ont fait remarquer. De son côté il l'estimait fort
et trouvait l'occasion d'accompagner le cadeau d'un petit
billard des vers suivants :
Ce billard est petit; ne l'en prisez pas moins:
Je prouverai par bons témoins
Qu'autrefois Vénus en fit faire
Un tout semblable poxir son fils.
Ce plaisir occupoit les Amours et les Ris,
Tout le peuple enfin de Cythère.
Au joli jeu d'aimer je pourrois aisément
Comparer après tout ce divertissement,
Et donner au billard un sens allégorique:
Le but est un cœur fier; la bille, un pauvre amant;
La passe et les billards, c'est ce que l'on pratique
Pour toucher au plus tôt l'objet de son amour;
Les belouses, ce sont maint périlleux détour,
Force pas dangereux, où. souvent de soi-même
On s'en va se précipiter,
Oti souvent un rival s'en vient nous y jeter
Par adresse et par stratagème.
Toute comparaison cloche, à ce que l'on dit:
Celle-ci n'est qu'un jeu d'esprit
Au-dessous de votre génie.
Que vous dirai-je donc povu" vous plaire, Uranie?
Le Faste et l'Amitié sont deux divinités
Enclines, comme on sait, aux libéralités:
Discerner leurs présents n'est pas petite affaire:
L'Amitié donne peu, le Faste beaucoup plus,
Beaucoup plus aux yeux du vulgaire;
Vous jugez autrement de ces dons superflus,
^ Lettre de Mme de La Fayette du 18 déc. 1662.
2 Ibid. 25 fév. 1663.
^ Les Lapins, discours à M. le duc de La Rochefoucauld, se terminent
ainsi :
Permettez moi du moins d'apprendre à tout le monde
Que vous m'avez donné le sujet de ces vers.
v] La Parisienne et ses amis 109
Mon billard est succinct, mon billet ne l'est guère.
Je n'ajouterai donc à tout ce long discours
Que ceci sevilement, qui part d'un cœur sincère:
Je vous aime, aimez-moi toujours^.
Vingt ans plus tard, après la mort de La Rochefoucauld et
de son mari, Mme de La Fayette lit encore les contes et quand
elle veut faire plaisir à un ami illustre elle lui en fait parvenir
un nouveau — comme la lettre suivante^ en fait foi :
"A Paris, ce 23ème Janvier 1685,
Monseigneur,
Made de La Fayette m'a chargé d'envoyer à
V. A. S. un nouveau conte de La Fontaine, qu'elle croit que
vous n'avez point veu. Elle m'a dit en mesme temps que dans
peu de jours elle me donneroit trois actes d'un opéra de Roland
commencé par M. de Segrais il y a huit ou neuf ans et qu'il n'a
point achevé. S'il l'avoit esté elle croit qu'a en juger par ce qui
est fait il auroit esté fort au dessus de celuy de Quinaut. Si
tost qu'elle me l'aura donné je ne manqueray pas de l'envoyer
à Chantilh. Je suis avec respect
Le très humble et très obéissant serviteur
Monseigneur de V. A. S. Des Champs."
(M. des Champs au Prince de Condé.)
Quelques jours plus tard Madame de La Fayette tient sa
promesse et Des Champs écrit de nouveau;
"Ce30e Janvier 1685.
Monseigneur,
J'envoye à V. A. S. les trois actes de l'opéra de
Roland dont j'eus l'honneur de luy parler dans ma dernière
lettre. Elle verra par le billet avec lequel Me de La Fayette me
les a envoyez qu'il n'y en a de copie que celle l'a (sic) qu'elle
prie V. A. S. de vouloir bien renvoyer quand elle ne voudra plus
les Ure.
Cela est accompagné d'une lettre sur le mariage de Mlle
PeUssari avec un Anglois. Je suis avec respect
Le très humble et très obéissant serviteur
Monseigneur De V. A. S. Des Champs^."
1 La Fontaine, Œuvres, Éd. G. É. rx. pp. 136-7.
2 Inédite. ^ Chantilly, ms. série P. T. xcnc. fos 214, 159.
110 Madame de La Fayette [CH.
Mais Madame de La Fayette connaissait bien le prince de
Condé et n'avait pas toujours recours à un intermédiaire tel que
Des Champs. Il allait parfois la voir. "Monsieur le Prince,"
écrit Madame de Sévigné^, "fut voir l'autre jour Mme de
La Fayette: ce prince alla cui spada ogni vittoria è certa^.
Le moyen de n'être pas flattée d'une telle estime, et d'autant
plus qu'il ne la jette pas à la tête des dames?" Madame la
princesse rendait visite également à Mme de La Fayette^ et
la comtesse allait à son tour à Chantilly, dont elle appréciait les
beautés, même quand elle était malade au point qu'il fallait la
porter en htière*. Le fils du grand Condé "M. le duc" était
assidu au salon de Madame de La Fayette où Madame de
Se vigne le rencontra souvent^. C'est dans le salon de Mme de
La Fayette que La Rochefoucauld et son Égérie, causant avec
M. le duc, réveillèrent de vagues souvenirs d'enfance et lui firent
reconnaître les beautés de Chantilly^,
Parmi les autres personnes qui fréquentaient les samedis'^
de Mme de La Fayette on peut probablement compter Bossuet
qu'elle avait rencontré à la cour de Madame Henriette^, Racine
et Boileau qu'elle voyait à l'Hôtel de Nevers d'après une lettre
de Pomponne à Arnauld d'Andilly^. Racine lui-même, si son
manuscrit est authentique^'', écrit: "Votre amie Mme de La
Fayette nous a été d'un bien triste entretien. Je n'avais mal-
heureusement eu l'honneur de la voir dans les dernières années
^ rv^. 549. ^ À l'épée duquel toute victoire est assurée.
3 vm. 231. " IV. 506, 523.
^ II. 140, VI. 331. Voir aussi vn. 277. La duchesse, écrivant au duc
d'Enghien en 1678, dit, en parlant de Mme de La Fayette: "C'est une
amye aimable et admirable comme je scay qu'elle est tout particulière-
ment la vôtre je croy que vous serez bien aise que je vous en parle."
Chantilly, série P. vol. lxxi. T. vu. p. 148. Voir aiissi: Duc d'Aumale,
Hist. des Princes de Condé. * D'Aumale, op. cit. vn. 178.
' C'est le comte Gabriel Jules de Cosnac qui fixe ainsi le jour de la
réunion formelle chez Mme de La Fayette. Nous acceptons ses dires
parce que nous ne pouvons prouver le contraire. Voir ses Souvenirs du
règne de Louis XIV.
8 Voir notre chapitre sur Mme de La Fayette et Mme Henriette, et
Hémon, La vraie Mme de La Fayette, Rev. Pol. et Litt., oct. 1880.
^ Fév. 1665. Voir Mém. de Coulanges, p. 470 et plus haut à la page 88.
^^ Ce paragraphe se trouve dans une lettre de Racine à M. de Bonrepas,
Paris, 28 juillet (1693), d'après la version conservée dans la Coll. Feuillet
de Conches. Il ne se trouve pas, cependant, dans l'autographe de la Bibl.
Nat. L'éditeur de l'édition des G. É. regarde la version citée ci-dess\is
comme suspecte. Voir(Z7wuresdeRacine(Éd. PaulMesnard),vn. 105, note.
v] La Parisienne et ses amis 111
de sa vie. Dieu avoit jeté une amertume solitaire sur ses occu-
pations mondaines" etc. Boileau, de son côté, était d'avis que
Madame de La Fayette était "la femme de France qui avoit le
plus d'esprit et qui écrivoit le mieux. ...^." Molière lut chez La
Rochefoucauld une comédie — probablement Les Femmes Sa-
vantes— et cette lecture n'ayant eu heu qu'en 1672, il est fort
probable que Mme de La Fayette y assista^. Nous ne pouvons
pourtant affirmer que Mohère fréquentait son salon : nous croy-
ons qu'il n'en fréquentait aucun. Enfin Perrault figurait peut-
être parmi les habitués, car Madame de La Fayette écrit vers
la fin de sa vie : "J'ai un goût très particuher pour ce qui vient
de lui. Je vous supplie de l'asseurer que je suis sensible (sic)
touchée du plaisir qu'il me fait de m'envoj^er ses œuvres. Il
faut qu'il ayt bonne mémoire pour se souvenir encor de ma
beauté. Il n'y en a plus de trace.... ^. "
Et si Corneille était trop provincial pour venir en ce salon,
on le voyait chez La Rochefoucauld. "Il nous lut l'autre jour,"
écrit Mme de Sévigné en 1672, "une comédie.,.. qui fait souvenir
de la Reine mère^." Cette "comédie" fut probablement Pul-
chérie, représentée en 1672.
Ces noms ne sufiisent-ils pas pour nous expliquer le charme
qui attirait Mme de Sévigné chez son amie ? Et ce n'est pas tout.
En dehors de ces réunions ordinaires, à jour fixe, il y avait des
réunions d'amis qui, pour être moins cérémonieuses, n'étaient
peut-être pas moins agréables à fréquenter. Madame de Sévigné
écrit qu'elle a vu "Madame de La Fayette avec sa petite fièvre,
et toujours bonne compagnie^." Un autre jour elle trouve chez
son amie ^'uniquement M. de Pompone et M. Barillon^."
Réguhèrement, il s'y rencontrait avec Madame de Sévigné,
Mesdames de Lavardin et d'Huxelles : on y contait les nouvelles
du jour, pour lesquelles la marquise était sans doute parti-
cuhèrement recherchée'. On y discutait sur certaines questions^.
1 Pellisson et d'Olivet, Hist. de V Académie fr. n. 109.
2 Sév. n. 515.
3 Lettre à Ménage. Coll. Feioillet de Conches. Inédite.
* II. 470. 5 m^ 419. e ym. 470.
' Voir Barthélémy, La Marquise d'Huxelles, pp. 28-9, et Sév. v. 34,
où la marquise de Sév. écrit: "Cependant la bonne marquise d'Uxelles
que j'aime il y a bien des années, m' avoit priée de ne point manquer de
revenir pour ce dîner qu'elle donnoit à M. de La Rochefoucauld, M. et
Mme de Coulanges, Mme de La Fayette et d'autres."
^ Discussions où. l'on se perdait quelques fois d'après iine lettre de
Mme de La Fayette.
112 Madame de La Fayette [ch.
On y lisait des lettres et des romans. Paraissaient aussi Mme de
Marans — dont on se moquait assez cruellement — Gourville, qui
s'y trouvait fréquemment mais que Mme de La Fayette traitait
toujours un peu en laquais, Madame du Plessis-Guénégaud,
l'hôtesse de l'Hôtel de Nevers et de Fresnes, Courtin, de la
Trousse, le duc d'Estrées qui parlait politique avec Pomponne
et Lauzun qui se pavanait devant Mme de La Fayette avec
l'ordre de la Jarretière que le roi d'Angleterre venait de lui
donner^.
Malgré tant de visites reçues, si, par hasard, une ancienne amie
teUe que Mme de Sablé se renferme chez elle, Madame de La
Fayette trouve encore le temps de lui écrire, d'aller la voir, de
l'arracher à son isolement.
"Il y a une éternité que je vous ay veue," lui écrit-elle, "et
si vous croyés Madame, qu'il ne m'en ennuyé point, vous me
faittes une grande injustice. Je suis résolue à avoir l'honneur
de vous voir quand vous sériés enseveHe dans le plus noir de
vos chagrins : je vous donne le choix de lundy ou de mardy,
et de ces deux jours-là, je vous laisse à choisir l'heure depuis
huit du matin à sept du soir. Si vous me refusés après toutes
ces offres-là vous vous souviendrés au moins que ce sera par
une volonté très déterminée que vous n'aurés voulu me voir,
et que ce ne sera pas ma faute.
Ce dimanche au soir 2."
Une conséquence de toutes ces relations, c'est que Mme de
La Fayette était très bien en cour. Mme de Montespan lui fait
cadeau d'une "petite écritoire en bois de Santa-Lucie bien gar-
nie....et un crucifix tout simple^." Elle va aux fêtes à Versailles
et lorsqu'elle va à Saint-Germain "en un mois une fois" ou à
Versailles, elle est fort bien reçue. A propos d'une de ces visites.
Madame de Sévigné écrit, "Elle y fut reçue très bien, mais très
bien, c'est à dire que le Roi la fit mettre dans sa calèche avec
les dames, et prit plaisir de lui montrer toutes les beautés de
Versailles, comme un particuHer que l'on va voir dans sa maison
de campagne. Il ne parla qu'à elle et reçut avec beaucoup de
plaisir et de poUtesse toutes les louanges qu'elle donna aux mer-
veilleuses beautés qu'il lui montroit. Vous pouvez penser si l'on
est contente d'un tel voyage."
^Sév. passim. Poiir la conversation politique, vni. 502 Pour Lauzun,
vm. 493.
2 Fournier, Var. HisU x. ^ Sév. in. 273.
v] La Parisienne et ses amis 113
Malgré toutes ces occupations — ou peut-être à cause de cette
vie intense — Madame de La Fayette allait souvent à "sa petite
campagne" à Fleury près Meudon "pour être comme suspendue
entre le ciel et la terre." Dans ces moments "elle ne vouloit ni
penser, ni parler, ni répondre, ni écouter: elle étoit fatiguée de
dire bonjour et bonsoir^." On ne s'en étonne pas outre mesure.
Elle allait aussi se reposer à Issy, à Livry, à Chantilly et à
St Maur. D'après Gourville elle s'installait un peu trop à son
aise dans cette dernière maison, elle y prolongeait ses séjours
et ne se gênait pas d'y accaparer une chambre pour son ami La
Rochefoucauld^.
Mais on a beau essayer de s'étourdir dans un tel va-et-vient
de personnes illustres, de bonnes amies, on a beau goûter à
la campagne, en une illustre compagnie, un peu de calme, on
peut quand même éprouver un sentiment de tristesse, et c'est
l'impression qu'on garde après avoir lu les lettres de Mme de La
Fayette. Cette tristesse était due non seulement à la maladie et
aux souffrances de Mme de La Fayette, mais aussi à celles de son
ami La Rochefoucauld. Voici un passage entre mille qui, à ce
sujet, est tout à fait caractéristique: — "Mme de La Fayette est
toujours languissante ; M. de La Rochefoucauld toujours éclopé :
nous faisons quelque fois des conversations d'une tristesse qu'il
semble qu'il n'y ait plus qu'à nous enterrer. Le jardin de Mme
de La Fayette est la plus jolie chose du monde: tout est fleurs,
tout est parfumé: nous y passons bien des soirées, car la pauvre
femme n'ose plus aller en carrosse 3."
Dans ces moments de tristesse et d'abattement les deux
malades devaient apprécier l'amitié de Mme de Sévigné qui
apportait avec elle la gaîté et la santé. Mais en suivant les lettres
de Mme de Sévigné jusqu'en 1672, nous nous sommes laissé
entraîner un peu trop loin et il faut revenir en arrière pour voir
une autre phase de la vie de notre auteur.
1 m. 20.
2 Gourville, Mém. ii. 63-66. Se rappeler le passage suivant d'vme
lettre de Mme de Coulanges à Mme de Grignan (Sév. x. 491) (Govirville):
"Ses Mémoires sont charmants... tout ce qui m'en a déplu, car je les ai
entièrement lus, c'est un portrait, ou plutôt un caractère de Mme de
La Fayette, très -offensant par la tourner très-finement en ridicule. Je le
trouvai quatre jours avant sa mort avec la comtesse de Gramont, et
je l'assurai que je passois toujours cet endroit de ses Mémoires."
3 Sév. m. 92.
CHAPITRE VI
LA DAME D'HONNEUR. 1660-1670
Monsieur de La Fayette, en épousant Mademoiselle de La
Vergne, lui rendit au moins un service qui compte. Il l'a faite en
effet belle-sœur de Louise de La Fayette et c'est cette qualité
qui lui permit d'approcher la princesse Henriette d'Angleterre
de plus près qu'elle ne pouvait l'espérer. Et puisque Madame de
La Fayette raconte elle-même avec la clarté qui lui est habituelle
les circonstances de cette rencontre, nous ne pouvons mieux
faire que de lui laisser la parole^.
" Henriette de France, veuve de Charles I^^^ roi d'Angleterre,"
écrit-elle dans sa préface de VHistoire d'Henriette d'Angleterre,
"avoit été obUgée par ses malheurs de se retirer en France et
avoit choisi pour sa retraite ordinaire le couvent de Sainte-
Marie de Chaillot. Elle y etoit attirée par la beauté du heu et
plus encore par l'amitié qu'elle avoit pour la Mère AngéUque^
supérieure de cette maison. Cette princesse étoit venue fort
jeune à la Cour, fille d'honneur d'Anne d'Autriche, femme de
Louis XIII.
"Ce prince dont les passions étoient pleines d'innocence en
étoit devenu amoureux, et elle avoit répondu à sa passion par
une amitié fort tendre et par une si grande fidélité pour la con-
1 Pour contrôler et pour apprécier le récit de Mme de La Fayette noua
avons consulté sur Mme Henriette les ouvrages suivants: Bossuet, Or.
Fun. (Jouaust); Mémoires de Mme de Motteville (Petitot, xxxvii. 414,
XL. 232); de Retz (Feillet, ii. 197); de Mlle de Montpensier (Pet. XLin.
157,XLii. 389); de la Fare (Pet. lxv. 176); de Daniel de Cosnac,i. 420; de
Choisy (Pet. LXiii. 385); Lettres de Guy Patin, 1846, ii. 127; La Princesse
ou les Amours de Madame dans UHist. am. des Gaules, 1754, ii. 119;
Bâillon, Henriette -Anne d'Angleterre; Ibid. Henriette-Marie de France;
La Fayette, Henriette d'A. (Éd. Anatole France); Ibid. Mém. (et H. d'A.),
Éd. Asse, etc.
2 Louise Motier de La Fayette. Sur elle et ses relations avec Louis
XIII, voir Griffet, Hist.... Louis XIII; Michel Le Vassor, Idem (m. 6-13,
et IX. 266-272, respectivement), et les Mém. de Madame de Motteville,
et de La Porte, Montglat, Richelieu, et Nicolas de Goulas. L'article de la
Grande Encyclopédie renvoie à un livre par l'abbé Sorin, Louise Angèle de
la Fayette, Paris, 1892, 8". Le nom de cet auteur est inconnu à la Bibl.
Nat. et nous n'avons rien trouvé dans le Cat. de la Librairie de l'année
indiquée. Y a-t-il quelque faute d'impression?
CH. VI] La Dame d'Honneur 115
fiance dont il l'honoroit, qu'elle avoit été à l'épreuve de tous les
avantages que le cardinal de Richelieu lui avoit fait envisager^.
Comme ce ministre vit qu'il ne la pouvoit gagner, il crut, avec
quelque apparence, qu'elle étoit gouvernée par l'évêque de
Limoges^, son oncle, attaché à la Reine par madame de Senecey^.
Dans cette vue il résolut de la perdre et de l'obliger à se retirer
de la Cour ; il gagna le premier valet de chambre du Roi* qui
avoit leur confiance entière, et l'obligea à rapporter de part et
d'autre des choses entièrement opposées à la vérité. Elle étoit
jeune et sans expérience, et crut ce qu'on lui dit ; elle s'imagina
qu'on l'alloit abandonner et se jeta dans les Filles de Sainte-
Marie. Le Roi fit tous ses efforts pour l'en tirer^; il lui montra
clairement son erreur et la fausseté de ce qu'elle avoit cru ; mais
elle résista à tout et se fit rehgieuse quand le temps le lui put
permettre^.
"Le Roi conserva pour elle beaucoup d'amitié et lui donna sa
confiance'; ainsi, quoique rehgieuse, elle étoit très consid rée,
1 D'après Asse, Art. La Fayette, Gr. Encycl. c'est Richelieu qm
chercha à substituer Louise de la Fayette à Madame de Hautefort dans
les affections du roi.
2 François de La Fayette, abbé de Dalon, évêque de Limoges de
1628 à 1676.
^ Marie-Catherine de La Rochefoucauld-Randan (1588-1677), mariée
en 1607 à Henri de Bauffremont, marquis de Senecey, veuve en 1622,
première dame d'honneur d'Anne d'Autriche, et, de 1642 à 1646, gouver-
nante du roi et de son frère. Elle était parente de Louise de La Fayette
du côté maternel.
* Un nommé Boisenval "qui n'étoit suspect ni au roi ni à mademoiselle
de la Fayette, c'étoit elle qui lui avoit fait avoir la charge de premier
valet de chambre; mais quand il la vit résolue de quitter le monde, il
l'abandonna, pour se livrer au cardinal, qui lui promit dans xine con-
férence secrette qu'ils eurent à Rueil, de prendre soin de sa fortune."
Le P. Griffet, op. cit. m. 11. D'après Le Vassor, op. cit. ix. 267, aussitôt
que Boisenval fut nommé premier valet de chambre Richelieu proféra
contre lui des menaces qui l'ont fait agir ainsi en traître.
5 Voir Mme de Motteville, qui donne à croire qu'il n'en fit guère, et
Griffet, op. cit. m. 12.
^ D'après certains historiens elle y avait souvent songé dans sa jeu-
nesse. D'après d'autres c'est Richelieu qm choisit pour Louise un con-
fesseur chargé de la poixsser vers la religion.
' Et il alla la voir dans son couvent au grand désespoir de RicheUeu.
C'est après une de ces visites trop prolongées que le roi, se trouvant dans
l'impossibilité de rentrer à Saint-Germain, a dû partager au Louvre le
lit de la reine. Les historiens de l'époque nous racontent, sans ambages,
que c'est à ce hasard que nous devons le grand roi Louis XIV.
8—2
116 Madame de La Fayette [CH.
et elle le méritoit. J'épousai son frère quelques années avant sa
profession^ et, comme j'allois souvent dans son cloître j'y vis
la jeune princesse d'Angleterre ^ dont l'esprit et le mérite me
charmèrent. Cette connoissance me donna depuis l'honneur de
sa familiarité ; en sorte que, quand elle fut mariée, j'eus toutes
les entrées particuhères chez elle, et, quoique je fusse plus âgée
de dix ans qu'elle, elle me témoigna jusqu'à la mort beaucoup
de bonté et eut beaucoup d'égards pour moi."
Madame de La Fayette paraît s'étonner d'avoir pu plaire à
la princesse et elle revient sur ce sujet dans le texte de son his-
toire pour dire qu'elle "lui avoit été agréable par son bonheur;
car, bien qu'on lui trouvât du mérite c'étoit une sorte de mérite
si sérieux en apparence, qu'il ne sembloit pas qu'il dût plaire
à une princesse aussi jeune que Madame^."
Pourtant les deux femmes avaient des traits communs:
Madame, malgré sa coquetterie et le désir qu'elle avait d'être
aimée, malgré ses imprudences aussi, nous paraît avoir été d'un
caractère franc et sincère. Peut-être était-ce la présence de
cette même quahté chez Madame de La Fayette, que La Roche-
foucauld qualifie de vraie, qui, parmi les intrigues et les trahisons
de sa cour, a captivé le cœur de la princesse.
De plus, bien que par modestie Madame de La Fayette
n'en parle pas, peut-être existait-il un sentiment de recon-
naissance chez Madame. En effet la princesse pouvait se rap-
peler, à cette époque où son frère était roi d'Angleterre et
elle-même femme de Monsieur, que Madame de La Fayette
avait jadis été de ses amies lorsque son frère errait de France
en Hollande, et de la Hollande en Ecosse* et qu'elle-même
devait rester couchée dans sa chambre au Louvre, faute d'argent
pour faire du feu^.
^ Ici on se trouve en face d'tine difficulté qu'aucvin des commentateurs
du texte n'a relevée autant que nous sachions. Mme de La Fayette s'est
mariée en 1655. Mlle de La Fayette fit profession le 28 juillet 1638. Est-
ce que le mot "avant" est une faute de copiste povir "après"? Nous
sommes allé consulter le seul manuscrit que nous connaissons et c'est
bien "devant" que nous avons trouvé. L'explication la plus naturelle
est celle-ci : Mme de La Fayette pensait au moment où Louise a succédé
à Mme l'Huillier, première supérieiire du couvent.
2 Henriette-Anne, dernière fille de Charles I*""^ et d'Henriette de France
(qui était fille de Henri IV et de Marie de Médicis), née le 16 juin 1644,
à Exeter en pleine guerre civile.
^ Histoire d'Henriette d'Angleterre, Éd. A. France, p. 41.
* Voir aussi de Retz, Mém. in. 112.
« Ibid. n. 197, et Mme de Motteville, Petitot, xxxvn. 414.
vi] La Dame d'Honneur 117
Quoi qu'il en soit, il est certain que Madame de La Fayette
devint la favorite de la princesse après le mariage d'Henriette
d'Angleterre. Peu de temps après ce mariage Loret^ en nous
décrivant une fête à Fontainebleau (le 5 septembre 1661) fait
mention de
La Reyne mère d'Angleterre
Anne et Therèze nos deiix reines
Monsieur et Madame
La Fayette et la jeune Guiche.
Aux fêt€s, elle n'était que dame d'honneur, mais elle passait
ses après-midi chez Madame, la suivait au Cours, soupait chez
Monsieur et terminait la journée "parmi les plaisirs de la
comédie, du jeu et des violons^." À certains moments de cette
vie brillante, elle cessait d'être une dame d'honneur pour
devenir une amie. C'est un de ces moments d'intimité qu'OUvier
d'Ormesson^ nous dépeint dans son journal. "En effet l'on
sçut depuis que, le dimanche précédent Madame étant à Saint-
Cloud avec Monsieur, avoit disné en pubUc, s'estoit amusée avec
Madame de La Fayette à la décoiffer pour voir les blessures
qu'elle avoit eues à la teste d'une chute d'un châssis sur la teste ;
qu'elle luy avoit demandé si elle avoit eu peur de la mort. . . .etc."
Ce petit tableau est charmant. On voit que Madame, re-
nommée pour sa douceur*, parlait sur un ton autrement sympa-
thique que cette mauvaise langue de Bussy qui, répondant à
Madame de Montmorency, écrit: "Je suis fâché, pour Vintérèt
de Madame, qu'une corniche ait cassé une tête qui lui plaît. Si
l'on peut vous dire une turlupinade, ce n'est pas la plus illustre
tête que les corniches et même les cornes n'ont pas respectée"
etc.^
Pourtant, même dans ces moments d'intimité. Madame ne
parlait pas à son amie de " certaines affaires "—du cœur. Avait-
elle peur que la divine raison de sa dame d'honneur ne lui fît
honte ou que celle-ci lui donnât des conseils trop sages et trop
sensés pour qu'une princesse romanesque pût les suivre? Tou-
jours est-il, que Madame de La Fayette écrit : " Je n'avois aucune
part à sa confidence sur de certaines affaires, mais quand elles
étoient passées, et presque rendues pubUques, elle prenoit
plaisir à me les raconter e." C'est pendant une de ces conver-
sations qui eut Heu après l'exil du comte de Guiche en 1665,
1 III. 401. 2 La Fayette, op. cit. 42. ^ journal, n. 592.
« Voir Cosnac, i. 420, et Bossuet, Or. Funèbres.
5 Corr. I. 264. ^ La Fayette, op. cit. p. 5.
118 Madame de La Fayette [ch.
que Madame lui dit: "Ne trouvez -vous pas..,, que si tout ce
qui m'est arrivé et les choses qui y ont relation étoit écrit, cela
composeroit une joHe histoire? Vous écrivez bien, ajouta-t-elle;
écrivez, je vous fournirai de bons mémoires^."
Madame de La Fayette entra "avec plaisir dans cette
pensée " et sur le champ dressa un plan de l'histoire de Madame
Henriette. Mais de la part de la princesse ce n'était qu'une idée
passagère; le travail fut bientôt abandonné par elle, et Madame
de La Fayette n'y songea plus pendant quatre ou cinq ans. En
1665, ce projet revint à l'esprit de Madame et elle désira qu'on
le reprît. Elle revit le lendemain tout ce que Madame de La
Fayette avait écrit la veille et elle y prit tant de goût, nous dit
cette dernière, que, pendant un voyage de deux jours à Paris,
"elle écrivit elle-même ce que j'ai marqué pour être de sa main
et que j'ai encore." Ces marques n'ont malheureusement pas
été conservées à l'impression, mais voici sans doute un des
passages en question: "Il (le roi) envoya prier Montalais de
lui dire la vérité ; vous saurez ce détail d'elle. Je vous dirai seule-
ment que le maréchal (de Gramont), qui n'avoit tenu que par
miracle une aussi bonne conduite" etc.
Voilà donc Madame de La Fayette historiographe de
Madame. M. Eugène Asse s'efforce de montrer qu'elle possédait
les quahtés nécessaires à cette fonction. "Cette femme si bien
douée par la nature pour devenir un historien," écrit-il 2, "n'y
fut pas moins aidée par les circonstances, par les exemples
qu'elle eut de très bonne heure sous les yeux, et peut-être par
les leçons qu'elle reçut. On a dit que l'histoire n'était jamais
mieux écrite que par les hommes d'état. Madame de La Fayette
fut élevée au milieu des plus grands de son temps" etc. Van
Laun^ fait mieux encore : il ne parle de Madame de La Fayette
dans son gros ouvrage sur la littérature française qu'à propos
de ses études historiques. "Her chief talent," écrit-il, "was in
romantic biography and she left behind two books containing
the ripest fruit of her well trained and judicious mind, History
of Henrietta ofEngland and Memoirs ofthe Court of France during
the years 1688 and 1689."
Il est vrai qu'il mentionne incidemment que cette même La
Fayette écrivit la Princesse de Clèves. "The story of an honest
married woman in love with another than her husband."
1 Ibid. p. 6.
^ À la page v de la préface de son éd. des Mém. ( Jouaust).
3 Hist. of French Lit. 11. 160.
vi] La Dame d'Honneur 119
Certes, nous sommes loin de contester la valeur di'HenrieUe
d* Angleterre en tant qu'œuvre historique. Monsieur Jules Lair,
en écrivant sa charmante histoire de Louise de La Vallière^, met
souvent le récit de Madame de La Fayette en regard des docu-
ments contemporains et toujours cette confrontation atteste
l'exactitude du récit. Mais a-t-on assez examiné la nature de
cette œuvre ? A force de la prendre pour un travail historique
on en arrive à en faire une critique telle que celle-ci: "Entre
Madame et lui (Monsieur) leur cour était un lieu d'une agitation
inconcevable, une sentine de médisances et de calomnies, de
petites perfidies, de petites trahisons, de quoi donner la nausée,
même lorsqu'elle est racontée par Madame de La Fayette. Je
ne sais, en vérité, si cette dernière a rendu service à sa chère
princesse en écrivant son Histoire de Madame Henriette. A part
les premières pages jusqu'au mariage, et la belle scène de la
mort tout à la fin, le reste est un tissu de riens si méprisables,
à tous égards, que le hvre en tombe des mains. Voilà donc tout
ce que l'auteur de la Princesse de Clèves a trouvé à dire d'une
personne aussi en vue, d'une belle-sœur à qui Louis XIV con-
fiait les secrets de sa politique et qu'il avait failli trop aimer^."
L'auteur de cette page nous paraît s'être laissé entraîner un
peu trop loin. L'historien peut avoir une déception s'il a recours
au Hvre de Madame de La Fayette pour avoir des renseigne-
ments sur les grands événements de l'époque. Arvède Barine
aurait dû se rendre compte de la véritable nature du hvre. Elle
aurait vu ensuite que le tissu de riens n'est pas si méprisable
qu'elle le croyait.
ReHsons attentivement quelques passages de la préface
à.'' Henriette d'Angleterre. "L'année 1665 le comte de Guiche
fut exilé. Un jour qu'elle (Madame) me faisoit le récit de quel-
ques circonstances assez extraordinaires de sa passion pour elle ;
'Ne trouvez-vous pas,' me dit-elle, 'que, si tout ce qui m'est
arrivé et les choses qui y ont relation étoit écrit, cela composeroit
une joUe histoire? Vous écrivez bien,' ajouta-t-elle, 'écrivez,
je vous fournirai de bons mémoires.' "
Notons sans plus tarder qu'il s'agit d'un récit rapportant
des faits réels avec les choses qui y ont relation, tout en n'ayant
1 Voir bibliog. Voir aussi à ce sujet D'Aumale, Hist. des Pr. de Condé,
vu. 206, note: "Les lettres adressées à la reine de Pologne confirment
ce charmant récit — par Mme de La Fayette Rien de plus exact et
de plus juste que l'ensemble du récit, rien de plus vrai que cette peinture. "
2 A. Barine, Louis XIV et la Grande Mademoiselle, p. 168.
120 Madame de La Fayette [ch.
qu'un intérêt secondaire, et que c'est une conversation sur le
comte de Guiche qui en donne l'idée à la princesse. Madame de
La Fayette qualifie cette idée de "fantaisie" et nous dit que ce
fut une fantaisie qui passa bientôt. Elle revint cinq ans plus tard
et de nouveau l'on s'amusa à écrire. "Madame 'badinoit' avec
moi," dit Madame de La Fayette, "sur les endroits qui me don-
noient le plus de peine." Le travail est encore abandonné, pour
n'être plus repris, car le récit de la mort de Madame est ajouté
comme un appendice et l'auteur ne fait aucun effort pour com-
bler la lacune qui existe entre le moment où est interrompue
l'histoire proprement dite et le dénouement tragique. "La mort
de Madame," explique -t-elle, "ne me laissa ni le dessein ni le goût
de continuer cette histoire et j'écrivis seulement les circonstances
de sa mort, dont je fus témoin." Quels motifs dictèrent cette
résolution ? Quel moyen plus agréable et plus sûr pour perpétuer
la mémoire de sa chère princesse que d'achever l'histoire de sa
vie? Nous croyons que si Madame de La Fayette ne continua
pas son œuvre, c'est parce qu'elle sentait que c'était une histoire
trop frivole pour être continuée après la mort terrible de l'hé-
roïne. Peut-être aussi la considérait-elle comme finie déjà en tant
qu'œuvre d'art. Pour nous le vrai titre de ce livre c'est Le roman
de Madame et du œmte de Guiche "avec les choses qui y ont
relation." Et voici le passage qui clôt ce roman. "Enfin le jour
du départ arriva; le comte avoit toujours la fièvre, il ne laissa
pas de se trouver dans la rue avec son déguisement ordinaire ;
mais les forces lui manquèrent quand il fallut prendre le dernier
congé. Il tomba évanoui, et Madame resta dans la douleur de
le voir dans cet état, au hasard d'être reconnu, ou de demeurer
sans secours. Depuis ce temps-là Madame ne l'a point revu."
C'est là la fin du roman de Guiche et de V Histoire de Madame.
Pour nous, c'est la pensée que la galanterie de ce récit
ferait un trop saisissant contraste avec le tableau tragique de
la fin de Madame, qui empêcha Madame de La Fayette de le
pubher. Elle l'écrivit pour amuser Madame, et non pas pour lui
"rendre service"; elle le garda ensuite parmi ses lettres et ses
papiers intimes. Arvède Barine aurait pu lui en savoir gré et
s'en prendre aux indiscrets qui n'ont pas respecté l'intention
de Madame de La Fayette.
Quant à nous, nous leur sommes bien reconnaissant d'avoir
sauvé cet ouvrage de l'oubh et tout ce que nous venons de dire
à son sujet n'est pas pour diminuer la valeur de l'œuvre. Si
nous ne voulons y voir qu'un simple récit, nous ne nions pas
vi] La Dame d'Honneur 121
comme nous l'avons déjà dit, sa valeur historique, mais nous
goûtons surtout ce travail comme Histoire morale de Madame
Henriette.
Si le sieur Rosteau se trompa — et son erreur ne lui échappa
pas entièrement — en classant la Princesse de Montpensier sous
la rubrique "Histoire,^"' de notre côté nous nous trompons peut-
être en donnant à l'Histoire de Madame Henriette le titre de
roman. C'est pourtant sous ce jour que nous aimons à regarder
cet ouvrage. Pour nous c'est un roman vrai — et en l'écrivant
Madame de La Fayette fait un excellent apprentissage de son
métier de romancier.
La première partie nous introduit à la cour et nous présente,
par le moyen d'une série de portraits, faits selon les règles^,
tous ceux qui s'y trouvent. Les amours du roi tiennent relative-
ment beaucoup de place et donnent le ton à tout le livre, et
l'objet principal n'est pas de faire une galerie de portraits mais
de créer l'atmosphère de la cour. Madame de La Fayette ter-
mine ainsi: "Le reste des belles personnes qui étoient à la Cour
ont trop peu de part à ce que nous avons à dire pour m'obliger
d'en parler; et nous ferons seulement mention de celles qui
s'y trouveront mêlées selon que la suite nous y engagera."
Dès le début de la seconde partie, Madame de La Fayette
fait l'historique du mariage de Madame, et aussitôt elle remonte
en arrière pour faire mention du roi, qui, pendant un instant,
fut regardé comme un mari possible pour la princesse d'Angle-
terre, mais "Le Roi, au contraire, témoigna de l'aversion pour
ce mariage et même pour sa personne." Buckingham apparaît
à la page suivante et c'est ensuite le comte de Guiche.
Avec lui nous entrons dans le roman. De Guiche "voyoit
Madame à tous moments — avec tous ses charmes; Monsieur
prenoit même le soin de les lui faire admirer : enfin il l'exposoit
à un péril qu'il étoit presque impossible d'éviter^."
Mais si ce qui doit arriver est inévitable, il peut se rencontrer
des difficultés en chemin. Le roi changera d'avis au sujet des
charmes de la princesse, autrefois méprisée, et Madame de La
Fayette nous le fait savoir dans un paragraphe qui dépeint bien
Madame dans le milieu "galant" oii elle vivait. "Après quelque
séjour à Paris, Monsieur et Madame s'en allèrent à Fontaine-
bleau. Madame y porta la joie et les plaisirs. Le Roi connut,
en la voyant de plus près, combien il avoit été injuste en ne la
1 L'imprimeior de l'édition de 1720 a intercalé des titres pour chaciin
de ces portraits. ^ P. 42.
122 Madame de La Fayette [CH.
trouvant pas la plus belle personne du monde. Il s'attacha fort à
elle et lui témoigna une complaisance extrême. Elle disposoit de
toutes les parties de divertissement; elles se faisoient toutes
pour elle, et il paroissoit que le Roi n'y avoit de plaisir que par
celui qu'elle en recevoit. C'étoit dans le milieu de l'été : Madame
s'alloit baigner tous les jours; elle partoit en carosse, à cause de
la chaleur et revenoit à cheval, suivie de toutes les dames,
habillées galamment avec mille plumes sur leur tête, accom-
pagnées du Roi et de la jeunesse de la Cour; après souper on
montoit dans les calèches et, au bruit des violons, on s'alloit
promener une partie de la nuit autour du canal."
Cet attachement fit du bruit, à un tel point qu'il fut
convenu que le roi ferait semblant d'être amoureux de quelque
autre personne de la cour. Parmi les trois personnes qui ser-
vaient ainsi de masques pour égarer la cour, se trouvait La
Valhère. Le roi s'y attacha sérieusement, au grand chagrin de
Madame et ainsi il éloigna Guiche, amoureux lui aussi de
Mademoiselle de la Vallière, mais pas assez "pour s'opiniâtrer
contre un rival si redoutable." Guiche revint donc à Madame,
et tous deux s'avancèrent d'un pas vers l'inévitable que Madame
de La Fayette n'était pas seule à prévoir. "Longtemps avant
qu'elle fût mariée, on avoit prédit que le comte de Guiche seroit
amoureux d'elle."
La troisième partie, toute d'intrigues, raconte l'histoire du
roi et de La ValUère, l'exil de Guiche, le rôle de Vardes et de
Montalais. Pendant l'exil, Madame rompt avec de Guiche.
Cette partie commence ainsi: "Le comte de Guiche n'avoit
point suivi le Roi au voyage de Nantes," elle se termine par un
éclaircissement de toutes les fantaisies de Vardes.
La quatrième partie débute par les paroles suivantes: "Dans
ce temps le comte de Guiche, revint de Pologne." Il "se rac-
commoda" avec Madame, mais se croyant forcé de quitter le
pays par suite des intrigues dans lesquelles il avait été mêlé et
qui furent connues du roi, il eut avec Madame cette dernière
entrevue dont nous avons déjà parlé. "Il tomba évanoui, et
Madame resta dans la douleur de le voir dans cet état, au hasard
d'être reconnu, ou de demeurer sans secours. Depuis ce temps-
là Madame ne l'a point revu." (Fin de l'Histoire de Madame.)
On pubUa à la fin de cette histoire de Madame de belles
pages de Madame de La Fayette sur la mort d'Henriette. Comme
il existe une lacune entre ce dernier tableau et la quatrième
partie, on éprouva le besoin de la combler en citant d'autres
vi] La Dame d"" Honneur 123
mémoires de l'époque. Cela est utile pour l'histoire; car la Vie
de Madame en tant qu'histoire est incomplète. Mais si l'on veut
bien la considérer au point de vue roman (et si l'on admet que
la Relation de la Mort de Madame est une chose à part) elle est
complète. Il y a en effet, une exposition, des péripéties, un nœud
et un dénouement. On peut même voir des ressemblances entre
cette "Histoire" et la Princesse de Clèves. Tous les deux dé-
butent par des portraits et des intrigues de cour ; tous les deux
traitent d'une femme mariée sans amour, qui est tentée par un
amoureux séduisant ; elles pèchent un peu, mais résistent et ne
tombent pas complètement. Les deux œuvres montrent un
mari jaloux, toutes les deux s'achèvent dans la tristesse. Certes
nous ne dirons pas que Madame a l'étoffe d'une princesse de
Clèves, ni que Monsieur est l'esquisse du prince.
D'autre part, entre de Guiche et de Nemours, nous préfére-
rions peut-être Guiche, comme plus romanesque et moins dange-
reux au fond, que l'homme "admirablement bien fait" que fut
Nemours. En somme nous voyons dans V Histoire d'' Henriette, un
exercice fort utile pour celle qui a déjà écrit la Princesse de Mont-
pensier et qui écrira plus tard la Princesse de Clèves.
Cet exercice ne fut pas des plus faciles. Madame de La
Fayette elle-même admet que "C'étoit un ouvrage assez difficile
que de tourner la vérité, en de certains endroits, d'une manière
qui la fît connoître, et qui ne fût pas néanmoins offensante ni
désagréable à la Princesse^." En effet, elle se trouvait prise
entre son amour de la vérité et ses devoirs envers sa maîtresse.
Elle s'en est tirée à merveiUe car, bien qu'elle ait pu Hre à Madame
Henriette le récit qu'elle avait fait et mériter son approbation,
il n'y a nulle servihté dans ce petit livre. "Le comte de Guiche
et elle (Montalais)," écrivit-eUe, "se mirent dans l'esprit qu'il
falloit qu'il vît Madame en particulier. Madame qui avoit de la
timidité pour parler sérieusement n'en avoit point pour ces sortes
de choses. Elle n'en voyoit point les conséquences'^.'''' Et ailleurs
eUe parle ainsi du roi à l'occasion de la disgrâce de Fouquet :
"Il y avoit longtemps que le Roi avoit dit qu'il vouloit aller à
Vaux. ...et quoique la prudence dût l'empêcher (Fouquet) de
faire voir au Roi une chose qui marquoit si fort le mauvais
usage des finances et qu'aussi la bonté du Roi dût le retenir d'aller
chez un homme qu'il allait perdre, néanmoins ni l'un ni l'autre
n'y firent aucune réflexion^."
1 Préf. par Mme de La Fayette, p. 7, Éd. France.
2 Op. cit. p. 64. 3 p, 53,
124 Madame de La Fayette [ch.
Dans toute cette histoire, pleine d'intrigues et d'amours,
Madame de La Fayette montre cette délicatesse qui lui est
particulière; une jeune fille lirait sans rougir ces pages où
figurent à tour de rôle le roi, le comte de Guiche, Bucking-
ham, Marsillac et Vardes — pourvu qu'elle fût très innocente.
Madame de La Fayette est fine et maligne et ce qu'elle ne dit
pas en toutes lettres elle permet aux initiés de le lire entre
les lignes. "Il étoit beau, bien fait," dit-elle de Monsieur, "mais
d'une beauté et d'une taille plus convenables à une princesse
qu'à un prince: aussi av oit-il plus songé à faire admirer sa
beauté de tout le monde, qu'à s'en servir pour se faire aimer des
femmes, quoiqu'il fût continuellement avec elles. Son amour-
propre sembloit ne le rendre capable que d'attachement pour
lui-même^."
L'embrouillement de toutes les intrigues et contre -intrigues
n'empêche pas l'auteur d'écrire un récit fort clair et fort simple.
Malgré cette simphcité il y a des pages qui ne manquent pas de
grandeur : celle par exemple où Madame de La Fayette fait voir
l'ombre de Mazarin qui "étoit encore la maîtresse de toutes
choses." La pénétration, le sens psychologique ne sont pas
absents de passages exquis comme celui-ci: "Cette Reine^
s'apphquoit tout entière au soin de son éducation^ et le malheur
de ses affaires la faisant plutôt vivre en personne privée qu'en
souveraine, cette jeune princesse prit toutes les lumières, toute la
civilité et toute V humanité des conditions ordinaires'^ ^ Nous avons
signalé tout-à-l'heure la relation de la mort d'Henriette. Que
ne pouvons-nous transcrire certains passages de cet émouvant
récit ? L'auteur, qui connaissait si bien la princesse^ et qui était
douée d'une vive sensibihté, dont on ne lui a pas assez fait mérite,
se retient malgré sa douleur et nous fait un récit dont la sim-
phcité va droit au cœur. Pour bien comprendre combien cette
nuit fut tragique, c'est à ce récit qu'il faut aller et non pas à la
magnifique oraison funèbre de Bossuet.
Bossuet nous émeut lui aussi, et parfois les larmes arrêtent
sa parole; mais il s'élève bien vite à des considérations philo-
sophiques; il est le prophète, le Père de l'EgHse qui parle de
ip. 16.
^ Henriette-Marie, veuve de Charles I«^
^ C. à d. à l'éducation de sa fille, plus tard Madame.
* P. 33.
^ "Il y a aujourd'hui trois ans," écrit-elle le 30 juin 1673 à Mme de
Sévigné, " que je vis mourir Madame: je relus hier plusieiu"S de ses lettres,
je suis toute pleine d'elle."
vi] La Dame d'Honneur 125
la mort et non pas à' une mort. Chez Madame de La Fayette
on sent la souffrance de l'amie et on devine les sentiments qui
étreignaient son cœur dans cette chambre de Saint-Cloud oii
roi, princes, évêques, prêtres, médecins couraient, discutaient en
chuchotant dans les antichambres, tous également impuissants
devant l'ange de la mort. Et cependant la victime qui se croyait
empoisonnée, qui souffrait physiquement et moralement, tantôt
demandait si la mort viendrait sans tarder et tantôt se pré-
parait à "mourir dans les formes." Le dix -septième siècle avait
toujours écarté de sa Uttérature l'image de la mort; au théâtre
on meurt dans les couUsses ou si, comme dans Phèdre, on meurt
en scène, c'est pour que la punition et le châtiment d'une
pécheresse soient complets et pubUcs. À part les orateurs sacrés,
on dirait que les écrivains de l'époque n'ont jamais imaginé pour
un instant qu'il pût y avoir de la beauté grandiose dans la mort
même, sans l'aide d'embellissements poétiques. La mort de
Madame Henriette a fourni un thème à plusieurs personnes qui
l'ont développé sans nulle prétention Httéraire^ et leurs récits
sont très émouvants. Celui de Madame de La Fayette cependant
les dépasse de beaucoup, car d'une part elle était fortement
émue et d'autre part elle se gardait bien de laisser déborder sa
douleur. Cette émotion contenue nous a donné quelques pages
qui suffiraient presque seules à faire vivre le nom de l'auteur et
à la faire aimer.
Nous avons dit plus haut pourquoi Madame de La Fayette
n'acheva pas l'histoire d'Henriette d'Angleterre. Elle n'eut donc
pas la tentation de Hvrer son œuvre aux libraires et au pubUc...
Quand enfin, en 1720, le manuscrit trouva un imprimeur, ce
fut en Hollande. L'éditeur, Michel Charles le Cène, ne le dis-
tingua nullement d'un tas d'autres libelles qui encombraient
ses ateUers. Les noms propres, mal lus, furent pour la plupart
défigurés. Un éditeur ignorant y ajouta des notes qui ne
pouvaient qu'égarer le lecteur.
En 1853 A. Bazin réédita le volume "à peu près parfaite-
ment" dit un de ses critiques^. Mais cet ouvrage paraît avoir
joué de malheur car Bazin mourut avant l'impression de son
manuscrit et l'imprimeur laissa subsister plusieurs coquilles.
Enfin en 1882, Madame de La Fayette trouva, en la per-
sonne de M. Anatole France, un éditeur digne d'elle et le
lecteur moderne pourra lire la Vie de Madame Henriette dans
1 P. e. le récit de Feillet, ms. Arsenal.
2 Loiiis Énaiilt dans VAthenaeum français, 16 avr. 1853.
126 Madame de La Fayette [ch. vi
la jolie édition de la Bibliothèque des Dames où l'éminent
romancier épuise à peu près le sujet dans une préface aimable
et savante^.
^ Cette édition, pourtant, n'est pas exempte de fautes. À la page 5,
note 1 , Madame de La Fayette pour Mademoiselle de La Fayette pourrait
induire en errevir: Cambont pour Cambout, p. 127, note 1 (avec une faute
d'impression, 3 povir 1). P. xliii, note 1, le N» de la p. est liv et non xliv.
Page 1, la lettre de Marie de Gonzague est datée 1644 au lieu de 1664.
Mais ce ne sont là que coquilles d'impression sans importance.
CHAPITRE VII
LE ROMANCIER— ^.47/}^
Après la nouvelle et le roman vécu que sont respectivement
la Princesse de Montjpensier et Henriette d'Angleterre, Madame
de La Fayette aborda le roman romanesque. Elle n'y a qu'à
demi réussi, d'abord parce que le genre ne lui convenait pas et
surtout, nous semble-t-il, parce qu'elle fut gênée par ses col-
laborateurs. On s'est plu à démontrer que Zdide est bien d'elle
et non pas de Segrais, Nous reparlerons de cela plus loin, mais
il faut dire d'ores et déjà que Madame de La Fayette n'est que
l'un des auteurs de ce roman.
Nous croyons — sans oser l'affirmer — que Madame de La
Fayette commença de bonne heure à écrire des nouvelles. L'une
d'elles, qui relevait du genre historique, fut publiée sous le titre
de La Princesse de Montpensier; il restait parmi ses papiers
d'autres essais, dont quelques-uns remontaient peut-être à
l'époque du séjour au Havre^. Lorsque Madame de La Fayette
relut avec La Rochefoucauld^ et Segrais VAstrée, VAmadis et
les romans de Mlle de Scudéry, l'idée lui vint peu à peu ou
bien d'utiliser ses essais de jeunesse, ou bien même d'essayer
de composer un roman tout d'une pièce. Mais il nous semble que
si elle avait suivi ses propres inclinations elle n'aurait pas
''remonté le courant" qui entraînait le roman vers des directions
nouvelles pour écrire un ouvrage tel que Zdide. Son imagination
1 On remarquera que Zaïde est le seul de ses romans où il est question
des voyages en mer et des aventures; les scènes principales se passent
aux bords de la mer. Tout ce mouvement semblerait indiquer une œu\Te
de jeunesse, et le cadre aurait pu être suggéré par un séjour prés de
l'océan. Nous n'insistons pas siir cette hypothèse, n'étant pas tout à
fait sûr que Mlle de La Vergne ait séjourné au Havre.
2 Longuerue, L. du F. de, Longiiervuna.... 1754, p. 81. "....Tous les
après-midi il s'assembloit avec Segrais chez Madame de La Fayette, et
on y faisoit une lecture de VAstrée:' Mme de La Fayette recueillit
Segrais chez elle quand il quitta le Luxembourg. Du Pradel, dans sa
liste des membres de l'Académie (1676), donne l'adresse de Segrais "rue
de Vaugirard, vers le Calvaire " — c'est à dire chez Madame de La Fayette.
Voir Le Livre Commode des adresses de Paris, ii. p. 281 dans l'Édition
Elzév.
128 Madame de La Fayette [ch.
n'était pas assez puissante pour cela, ce n'était pas dans ses
goûts, et le travail était de trop longue haleine pour une femme
qui "aimait le changement en toutes choses." Or, il arriva qu'au
moment où elle entreprit ce travail, elle avait auprès d'elle
La Rochefoucauld, Segrais et Ménage. Segrais nous dit la part
qu'il eut au travail: "La Princesse de Clèves est de Madame de
La Fayette qui a méprisé de répondre à la critique que le
P. Bouhours en a faite^, Zdide qui a paru sous son nom est
aussi d'elle. Il est vrai que j'y ai eu quelque part, mais surtout
pour la disposition du Roman où les règles de l'art sont observées
avec grande exactitude^." Eh bien ! n'en déplaise à Segrais,
nous osons croire que si Mme de La Fayette avait eu un
peu plus de confiance en elle-même, elle aurait produit, sans le
secours de Segrais, un roman moins touffu et, disons le mot,
moins ennuyeux. On a beau s'extasier sur Zdide parce que ce
Uvre est de Mme de La Fayette, on a beau faire remarquer qu'il
est plus court que d'autres romans de l'époque, on a beau sou-
Hgner les réelles quahtés du style, il n'en reste pas moins vrai
que l'intérêt en est très inégal et l'obligation de le lire d'un trait
est extrêmement pénible. Le lecteur qui ne voudra pas s'y
résoudre, (et il aura tort, car il est des épisodes où l'on retrouve
Madame de La Fayette) pourra juger des efforts de Segrais
d'après ce résumé de l'œuvre. L Histoire de Consalve et de Zdide
commence — Consalve raconte sa vie à Alphonse — Récit principal
— Histoire d'Alphonse et de Bélasire — Récit principal — Histoire
de don Garcie et d'Herménésilde^ — Récit principal — Histoire de
Zaïde et de FéHme — Histoire d''Alamir, prince de Tharse — Suite
de l'histoire de Zaïde et de Féhme — Récit principal — Suite et
fin de l'histoire de Zaïde — Sîiite et fin du récit principal.
La composition est mauvaise pour deux raisons, qui toutes
les deux ont du poids. D'abord, l'action est double : (a) l'histoire
de Consalve et de Zaïde, (6) l'histoire d'Alamir et de Félime;
de plus, on sent l'effort à chaque pas. H est par trop évident
que l'histoire épisodique d'Alphonse et Bélasire menace depuis
le début du récit et qu'elle pourrait bien des fois venir assez
naturellement, si le récit de Consalve, héros du roman, ne
devait passer le premier et s'il n'exigeait qu'aucun autre récit
ne vienne immédiatement après lui. Le résultat de cet effort
^ Segrais se trompe comme l'ont fait la plupart de ses contemporains.
La critique n'était pas de Bouhours. Voir chap. sur la P. de Clèves.
2 Segraisiana, Paris, 1722, in 12°, p. 9.
3 Histoire nécessaire, il est vrai, au récit principal.
V[i] Le Romancier — Zaïde 129
vers une composition régulière est que l'histoire d'Alphonse est
située à sa place, quand le départ de Zaïde arrête l'action, mais
qu'il vient d'une façon tout à fait inattendue. Enfin, malgré
les grands mérites de ce récit, mérites sur lesquels nous insisterons
plus tard, on se demande vraiment pourquoi Alphonse figure
dans l'histoire de Zaïde, si ce n'est pour faire parler Consalve
dans son désert et pour que son récit fasse pendant "selon les
règles de l'art" à celui d'Alphonse. Toujours est-il qu'une fois
que Consalve a quitté son "désert," Alphonse disparaît du
roman.
En somme si Segrais n'a fait qu'arranger les choses, de sorte
que chaque fois que le récit fait un pas en avant, un épisode
intervienne pour en arrêter la marche — à tel point que l'esprit
se fatigue à suivre l'action principale à travers ces parenthèses
— il n'avait pas Heu de se vanter.
Quant à La Rochefoucauld, l'éditeur de ses œuvres réclame
en sa faveur une intervention, qui se serait manifestée par sa
critique, ses conseils, de détail au moins, dans la rédaction de
ce Hvre. Cette intervention est plus difficile à préciser que ne
l'est celle de Segrais ; mais on peut admettre, au besoin, que là
où les personnages font un examen de conscience et s'expriment
en des phrases qui ressemblent à des maximes, la voix d'un
homme qui était spéciahste en la matière fut sans doute écoutée.
Est-ce lui qui fait dire : " On est jaloux sans sujet.. . .quand on est
bien amoureux" et ailleurs: "les jalousies des amants ne sont
que fâcheuses, mais celles des maris sont fâcheuses et offen-
santes " ? Quelle que soit la part qu'il ait prise à la rédaction de
Zaïde, il est certain qu'il a soumis certains passages à ses amis
pour en avoir leur opinion. Voici un de ces passages; on re-
marquera que c'est justement l'une de ces analyses de senti-
ments dont nous venons de parler, et on pourra supposer, sans
trop hasarder, que la page est de La Rochefoucauld.
"J'ai cessé d'aimer toutes celles qui m'ont aimé et j'adore
Zaïde qui me méprise. Est-ce sa beauté qui produit un effet
si extraordinaire, ou si ses rigueurs causent mon attachement?
Seroit-il possible que j'eusse un si bizarre sentiment dans le
cœur et que le seul moyen de m'attacher fût de ne m'aimer pas ?
Ha ! Zaïde, ne serai- je jamais assez heureux pour être en état
de connoître si ce sont vos charmes ou vos rigueurs qui m'at-
tachent à vous^?"
1 Portefeuille de Valant, BibI, Nat. ms. T. n. î°^ 162-3. Voir à ce
sujet La Rochefoucauld, Éd. G. É. in. 10-11, et l'album.
A. g
130 Madame de La Fayette [CH.
Après avoir été examiné par ses amis et remanié par les
collaborateurs, ce passage devient dans Zaïde:
"Je n'ai pu aimer toutes celles qui m'ont aimé: Zaïde me
méprise et je l'adore. Est-ce son admirable beauté qui produit
un effet si extraordinaire ? ou seroit-il possible que le seul moyen
de m'attacher fût de ne m'aimer pas? Ah ! Zaïde, ne me mettrez-
vous jamais en état de connoître que ce ne sont pas vos rigueurs
qui m'attachent à vous^? "
Madame de La Fayette paraît avoir appliqué à cet endroit
son principe qu' "une période retranchée d'un ouvrage vaut un
louis d'or, un mot, vingt sous." Il est de toute évidence que le
passage tel qu'on l'a imprimé est bien supérieur au brouillon.
Mais La Rochefoucauld ne fut pas le seul à soumettre le
brouillon de Zaïde aux critiques compétents. Ménage aussi
était au courant de la situation d'après un fragment de lettre
à Huet où Madame de La Fayette écrit : "que la paresse ne vous
prenne pas ce seroit une honte de ne pas achever d'embellir
Zahyde^." Ménage a-t-il eu une part plus considérable à la
rédaction du roman? fut-il employé par son ancienne élève à
veiller à l'impression de Zaïde, comme nous avons déjà vu
qu'il l'avait été pour la Princesse de Moritpensierl Nous l'igno-
rons. Dans la correspondance contemporaine il n'est jamais
question de lui à ce sujet, mais ceci ne prouve rien car il en fut
de même pour sa collaboration à la première œuvre de Mme de
La Fayette. Il est fort probable qu'il reçut le brouillon avant
qu'on l'ait envoyé à Huet.
Ce dernier revit le roman au fur et à mesure de sa rédaction,
et c'est lui qui appuie ce que dit Segrais lui-même au sujet de
la part prépondérante qu'a prise Madame de La Fayette dans
la composition de l'ouvrage. "Ses nouvelles," écrit l'évêque
d'Avranches dans une notice sur Segrais, "furent bien reçues
du public, moins toutefois que Zayde et quelques autres ou-
vrages de ce genre qui parurent sous son nom^ et qui étaient en
effet de la Comtesse de La Fayette, comme lui et la Comtesse
l'ont déclaré souvent à plusieurs de leurs amis qui en peuvent
rendre un témoignage assuré. Pour Zayde, je le sais d'original,
1 Éd. Garnier, p. 193.
2 Corr. de Huet. Bibl. Nat. ms. Lettre xiii. et Henry, Un érudit
homme du mx)nde
^ Si l'on admet que Huet ne tombe pas dans l'erreur commune de
croire que la P. de M. et la P. de C. furent publiées sous le nom de Segrais
parce qu'on les lui attribuait, quels furent ces ouvrages?
vu] Le Romancier — Zaïde 131
car j'ay souvent vu Mme de La Fayette occupée à ce travail et
elle me le communiqua tout entier pièce à pièce avant que de le
rendre public. Et comme ce fut pour cet ouvrage que je com-
posai le Traité de Vorigine des Romans, qui fut mis en tête^ elle
me disoit souvent que nous avions marié nos enfants ensemble.
Je rapporte ce détail pour désabuser quelques personnes qui,
bien que peu instruites de la vérité de ce fait, ont voulu le con-
tester....2"
Malgré ce témoignage, certaines personnes refusaient d'être
"désabusées" et Huet écrit dans ses Mémoires "....Elle se
soucioit si peu des justes éloges dont elle étoit l'objet qu'elle
voulut que son agréable roman de Zayde parût sous le nom de
Segrais. Ce fait ayant été rapporté par moi dans les Origines de
Caen on s'en plaignit comme d'une injure faite à la réputation
de Segrais. Des gens mal avisés, auteurs de ces plaintes, igno-
roient parfaitement la vérité. On me l'avoit confiée, et outre
que j'en étois surabondamment instruit par le témoignage
irrécusable de mes yeux, je puis en fournir une foule de preuves
tirées des lettres de Mlle de Lavergne laquelle m'envoyoit au
fur et à mesure qu'elle les avoit écrites les différentes parties
de cet ouvrage, avec ordre de les réviser^."
En effet, on avait recours à Huet pour juger d'abord le fond
du roman et lorsqu'on avait terminé le travail de rédaction,
on le lui remettait encore pour qu'il critiquât la forme. Une de
ces lettres de Mme de La Fayette, dont il est fait mention plus
haut, est venue jusqu'à nous, parmi les copies des papiers de
Huet conservées à la Bibliothèque Nationale. "Je vous envoyé
le troisième et le quatrième cahier," lui écrit-elle, "Ce dernier
n'est point du tout corrigé ni revu, aussi vous y trouverez bien
à mordre ; mais ne vous amusez guère aux expressions et prenez
seulement garde aux choses; car quand nous l'aurons corrigé,
vous y repasserez encore. Si je n'avois point eu mille affaires
j'aurois été vous rendre visite...." etc. Et elle tennine par un
post-scriptum "Servez-vous de crayon rouge, on ne voit pas
le noir."
Il est regrettable que Huet n'ait pas profité de l'autorisation
que lui donnait son amie et qu'il n'ait pas fait remarquer le
nombre de coïncidences qui, nécessaires à l'action, nuisent par
trop à la vraisemblance. Avec les défauts attachés à la com-
1 Voir les premières éditions de Zaïde d^s notre bibliog.
2 Les Origines de Caen, pp. 408 et suiv.
^ Méfïi. de Dan. Huet.... trad. Nisard, pp. 132-3.
9—2
132 Madame de La Fayette [ch^
position, l'intervention du deus ex machina est une des
imperfections les plus visibles du roman. Même si l'on admet
le rôle dévolu au portrait^ (qui correspond à "la croix de
ma mère" du mélodrame français) les coïncidences d'ordre
secondaire sont beaucoup trop nombreuses et trop peu vrai-
semblables.
Nous pouvons au besoin admettre l'existence de la maison
d'Alphonse, ses galeries et ses peintures, l'habileté avec laquelle
Zaïde se fait belle sous ses vêtements, qui pourtant n'ont pas
manqué d'être abîmés par la mer. Ce ne sont là que détails
sans importance. Mais nous nous étonnons de ces autres coïn-
cidences essentielles pour le progrès de l'action. Nugna Bella,
ambitieuse, habituée aux intrigues de la cour, pas du tout éva-
porée, mais tout au contraire en pleine possession d'elle-même,
se trompe en envoyant deux lettres fort importantes. C'est
possible — mais c'est surprenant. Don Manrique va faire un
tour de promenade, il s'arrête précisément sous la fenêtre de
Bélasire, mi soir où, par hasard, Alphonse revient sur ses pas,
à l'instant où Bélasire ouvre la fenêtre avec l'intention de lui
parler. L'infortuné périt, victime de tant de coïncidences.
Consalve est plus heureux: il entend parler Zaïde qu'il croit
être passée en Afrique. Il la voit dans une barque. Mais alors
la chance le quitte, car ses amis qui viennent le chercher pour
qu'il rentre à la cour le traitent assez sévèrement et l'empêchent
de communiquer avec celle qu'il aime. Mais pendant la guerre
qui suit, dans la première ville prise, dans la première maison
où il entre, dans la première salle de cette maison, il rencontre —
qui donc? Zaïde elle-même! Et il ne s'était arrêté en chemin
que pour sauver la vie à un nommé Zuléma qui se trouvait être
père de la dite Zaïde ! Et tout cela repose sur ce portrait du
futur fiancé que l'astrologue croyait être celui du prince de Fez,
et qui, bien entendu, représentait les traits de Consalve lui-
même. Ce père du prince de Fez n'avait-il pas épousé en justes
noces la sœur de Nugnez Fernando, captive des Maures? Si ! —
et la personne fictive dont Consalve était jaloux sans raison
n'aurait pu être que son cousin si elle avait existé. Or les cousins
se ressemblent toujours étonnamment!
Ces faiblesses ne passèrent pas inaperçues, plus tard, lorsque
l'ouvrage fut rendu public mais les amis qui lurent le manuscrit
étaient tellement habitués aux extravagances des romans de
1 Était-ce un lointain souvenir du portrait qui, dans Polexandre, fait
partir le roi des Canaries vers des aventures merveilleuses?
vu] Le Romancier — Zaïde 133
ce genre que, fort probablement, Zàide leur paraissait d'un
naturel parfait.
Il est certain que le roman ne fut pas inventé de toutes
pièces, malgré l'invraisemblance de certains incidents. Koerting^
a déjà indiqué comme source de la partie " historique " un roman
de Hita^ que Madame de La Fayette aurait pu Kre dans une
traduction française publiée à Paris en 1660. La Rochefoucauld
et elle aimaient à passer l'après-midi à Ure des romans et les
libraires de Paris exploitaient à cette époque la vogue des his-
toires espagnoles. Cette vogue était plus grande qu'on ne le
croit généralement et les gens capables de lire l'espagnol étaient
assez nombreux à Paris pour que les Ubraires fissent des éditions
en cette langue, portant en marge la traduction des mots diffi-
ciles^.
Il est une autre source qu'il faudrait rechercher — Mme de La
Fayette qu'a-t-elle emprunté à la vie quotidienne ? La réponse
demande un travail minutieux qui sera fait plus tard. Nous
pouvons toujours indiquer quelques détails dont l'intérêt
nous conseille d'entreprendre ce travail. Segrais écrit: "La
jalousie d'Alphonse, qui paroit extraordinaire, est dépeinte
sur le vrai, mais moins outrée qu'elle ne l'étoit en effet...."
L'étude de la jalousie paraît avoir toujours intéressé Madame
de La Fayette, et même sans l'indication de Segrais, on serait
naturellement tenté de rechercher dans la vie réelle les sources
de certaines parties de Zaïde. La comtesse avait eu sous les
yeux quelques grands de la cour qui furent tourmentés par la
jalousie. Elle avait déjà écrit, à propos de Monsieur: "La jalou-
sie dominoit en lui; mais cette jalousie le faisoit plus souffrir
que personne, la douceur de son humeur le rendant incapable
des actions violentes que la grandeur de son rang auroit pu lui
permettre*."
Nous avons déjà vu avec quel soin Mme de La Fayette
cherchait à découvrir sous les noms romanesques des person-
nages de la Clélie, les véritables caractères de ses amis de la
cour. N'a-t-eUe pu être tentée de faire elle-même le jeu con-
1 Gesch. der Fr. Rom. i. p. 476.
2 Caballeros moros de Granada, de las civiles guerras.... Saragossa,
1595-1604.
3 M. RejTiier, professeur en Sorbonne, prépare depms longtemps une
bibUog. des livres espagnols imprimés à Paris et de lexirs traductions.
C'est de lui que nous tenons ce détail concernant les éditions spéciales
pour lecteurs français.
* Henriette d'Angleterre, Éd. France, p. 17.
134 Madame de La Fayette [CH.
traire dans les pages de Zaïde et de cacher, par ci par là, sinon
des portraits en pied, du moins des esquisses susceptibles d'être
reconnues par une élite ?
Les faits d'armes eux-mêmes semblent avoir été empruntés
à quelque gazette de l'époque aussi bien qu'à Hita. Nous ne
pouvons rien affirmer encore sur cette question, mais il faudrait
expliquer pourquoi la description de la bataille de Rocroi, faite
par Bossuet dans son éloge du prince de Condé, ressemble si
étonnamment à celle de la bataille d'Almaras dans Zaïde.
Consalve "touché de voir périr de si braves gens, cria qu'on leur
fit quartier." Condé "qui ne put voir égorger ces lions comme de
timides brebis, calma les courages émus et joignit au plaisir de
vaincre celui de pardonner." Les vaincus dans Zaïde "sem-
bloient n'avoir d'autre application qu'à admirer sa clémence
après avoir éprouvé sa valeur." Quant aux Espagnols vaincus
par Condé "De quels yeux regardèrent-ils le jeune Prince," dit
Bossuet, "dont la victoire avoit relevé la haute contenance, à
qui la clémence ajoutoit de nouvelles grâces^ ! " Que penser de
ces rencontres? Sont-elles dues à des souvenirs de Zaïde qui
ont inspiré Bossuet? Ou ne faudrait-il pas admettre une source
commune dans quelque description officielle de la bataille?
C'est un point à éclaircir.
Le travail de préparation, de rédaction et de refonte fut
achevé vers la fin de l'année 1669 et bien que la première édition
porte, selon l'habitude que l'on observe encore pour les livres
publiés à la fin d'une année, la date de l'année suivante, il est
certain que Zaïde se trouva entre les mains des Parisiens au
mois de décembre 1669^. L'opinion générale lui était favorable
et Segrais reçut des louanges de son côté, car on croyait, puisque
son nom seul figurait sur la page de titre, que l'ouvrage était de
lui. En effet, on pourrait se demander, étant donné le rôle
secondaire qui avait été le sien lors de la composition du roman,
pourquoi il fut choisi pour servir de masque à Mme de La Fayette.
A vrai dire, il était tout à fait indigne. La Rochefoucauld ne
pouvait pas signer un roman — lui qui osait à peine signer
des maximes. Madame de La Fayette ne voulait pas passer
"pour un auteur de profession." Par contre, rien n'empêchait
^ Or. Fun. (Jouaust, pp. 229-30). Voir Fournel, Litt. indép., Paris,
120, p. 198.
2 Madame du Bouchet écrit à Bussy le 18 déc. 1669: "Je voxis envoie
Zaïde de Segrais....'' Bussy -Rab utin, Corr. i. 228. L'achevé d'imprimer
est du 20 nov. 1669.
vu] Le Romancier — Zaïde 135
son protégé Segrais, qui n'avait d'autre profession que celle
d'auteur et de bel esprit, de signer un ouvrage, où il avait eu
d'ailleurs peu de part. Il donna donc son nom, il accepta les
louanges, et au besoin il parla de sa Zaidé^ sans oublier, en
honnête homme qu'il était, de laisser derrière lui le témoignage
que sa Zaïde n'était pas de lui.
Peu de temps après la pubhcation du hvre, le Père Bouhours
lui dit: "qu'il croyoit qu'il n'y auroit pas grand-mal à lire les
Romans s'ils étoient écrits de même." Segrais ajoute: "C'est
que les effets de l'amour y sont décrits d'une manière plus
historique qu'ailleurs et que cela ne fait pas tant d'impression^."
Bussy-Rabutin se montre critique plus avisé et son opinion,
comme celle d'un lecteur éclairé de l'époque, est intéressante à
consulter. "Je viens de hre le roman de Segrais," écrit-il à
Mme du Bouchet. " Rien n'est mieux écrit. Si tous les romans
étoient comme celui-là, j'en ferois ma lecture^; mais comme il
n'y a rien de parfait, je vais vous en dire mon sentiment, sans
prétendre que ce soit une décision sans répUque.
"Les histoires de Gonzalve, de Nugnabella, de Don Garcie
et de Don Ramire sont très joHes; il ne s'y peut rien désirer.
Quant aux amours de Gonzalve pour Zaïde elles sont extrava-
gantes. On la lui fait aimer sitôt qu'il la voit, ayant encore le
cœur remph de douleur des infidélités de sa première maîtresse
et de la trahison de son ami; d'ailleurs n'entendant point la
langue de Zaïde. Tout cela m'a paru hors de la vraisemblance,
et je ne puis souffrir que le héros du roman fasse le personnage
d'un fou. Si c'était une histoire, il faudroit supprimer ce qui
n'est pas vraisemblable, car les choses extraordinaires qui
choquent le bon sens discréditent les vérités. Mais dans un
roman où l'on est maître des événements, il les faut rendre
croyables, et qu'au moins le héros ne fasse pas des extrava-
gances*....Il me parait encore qu'Alphonse devoit taire tout
1 Segraisiana, p. 66. "Alors que ma Zayde fut imprimée "
2 Ibid. p. 194.
3 II Im avait déjà écrit en réponse à sa lettre mentionnée à la note 2,
page 134, "Je ne lis plus de romans depuis le collège, mais je me prépare
à lire avec un grand plaisir celm de Segrais. Il ne peut rien écrire qiii ne
soit joli."
* Ces idées représentent bien l'attitude des critiques de l'époque.
Huet lui-même écrit, et en tête de Zaïde, " — la vraysemblance, qui ne
se trouve pas toujours dans l'histoire, est essentielle au Roman." Cette
opinion ne l'empêche pas, d'ailleurs, de dire: "Pour vous Monsieur, pviis-
qu'il est vray comme je l'ay montré et comme Plutarque l'assvire qu'un
136 Madame de La Fayette [ch.
ce que la jalousie lui faisoit penser. Segrais nous le représente
dans sa retraite avec un caractère de sagesse qui ne s'accorde
pas avec les discours qu'il lui fait tenir. Je sais bien que la
jalousie fait imaginer toutes les plus ridicules sottises, mais les
honnêtes gens ne les font pas paroître. On croit voir dans
Alphonse et dans Gonzalve deux fous qui se veulent guérir l'un
l'autre de leur foUe....^"
Évidemment, Bussy, qui voudrait supprimer la jalousie
d'Alphonse mais qui se délecte aux autres histoires, qui trouve
à critiquer dans l'amour de Consalve pour Zaïde mais qui
accepte les invraisemblances de l'action, ne juge pas d'après
les mêmes règles que nous. Au reste, ses contemporains, qui
Usaient avec l'intention de se distraire et non pas de critiquer,
furent moins sévères: Zaïde obtint un grand succès, même
auprès des lecteurs cultivés. Pour comprendre ce succès, il
suffit de se rappeler ce qu'étaient les romans avec lesquels on
pouvait comparer celui-ci. Sans vouloir refaire l'histoire du
roman avant Zaïde, contentons-nous d'ouvrir un livre qui prit
place sur les rayons de la bibliothèque de Huet peu après la
pubHcation de l'ouvrage de Mme de La Fayette. On y Hra, ex-
primée par Sorel, l'opinion suivante sur les "romans modernes."
"Ce sont," écrit-il, "des amours de Seigneurs et de Dames de
hautes quahtés et mesme de Princes et de Princesses qui sont
accompagnez de Balets, de Carrouzels, & d'autres galanteries de
cour, et mesme de combats singuHers, de batailles et de voyages,
desquels les événements sont donnez pour tout naturels, parce
qu'il n'y a ny miracle, ny magie ; neantmoins la pluspart ne sont
pas faisables & il y en a une telle quantité les uns sur les autres
qu'il n'est pas croyable qu'il arrive de si bizarres avantures à
un homme seul. Afin de leur faire avoir plus de crédit le sujet
en est pris d'ordinaire des fortunes de quelques Rois ou Capi-
taines anciens comme d'Alexandre, de Pjrrhus, de César ou de
Pompée.... 2"
Une partie de ces critiques peut s'appHquer avec raison
à Zaïde, mais il n'en reste pas moins vrai que ce roman marque
un pas en avant. Malgré les épisodes, les dimensions du Uvre
des plus grands charmes de l'esprit humain, c'est le tissu d'vme fable bien
inventée et bien racontée, quel succez ne devez -vous pas espérer de
Zayde dont les avantures sont si nouvelles et si touchantes et dont la
narration est si juste et si jolie."
1 Bussy-Rabutin, op. cit. i. 241.
* (Ch. Sorel), De la connoissance des bons livres, 1671, 12".
vu] Le Romancier — Zaïde 137
sont réduites et si l'on ne tient pas compte de la durée des inci-
dents épisodiques, celle de l'action principale est ramenée à des
proportions plus normales. Consalve arrive aux bords de la
mer en été ; il est séparé de Zaïde pendant un hiver que tous les
deux passent à apprendre la langue l'un de l'autre^ et ils se
marient à la fin de l'été suivant. La scène se passe chez un peuple
voisin, à une époque pas trop reculée et les aventures de Con-
salve quoiqu'elles soient pour nous étonner un peu, ne sont pas
trop nombreuses. La psychologie, qui certes ne manque pas
dans les autres romans, ne s'étale pas ici en dissertation: elle
est dans les actes des personnages. Le roman entier est une
étude de la jalousie — sujet qui paraît avoir hanté Mme de La
Fayette sa vie durant — et une telle étude lui permet d'écrire
une histoire (celle de Don Alphonse et de Bélasire) où l'on ren-
contre déjà plus d'une qualité de la Princesse de Clèves et qui
n'est point exempte de certains de ses défauts. Il faut admettre
avec Bussy-Rabutin que la jalousie d'Alphonse y est poussée
jusqu'à la fohe ; mais ce que Bussy n'a pas remarqué c'est que
la gradation y est si bien observée qu'on sent à peine le point
où l'exagération commence. Tout comme dans la Princesse de
Clèves, nous avons ici une peinture impitoyable qui laisse une
impression douloureuse. Peu à peu et presque malgré lui,
poussé par le "green-eyed monster" de la jalousie, Alphonse
détruit son propre bonheur, puis celui de sa "maîtresse." Il la
compromet par un éclat scandaleux, tue son meilleur ami, et
force Bélasire à se retirer du monde. C'est à quelques détails
près la situation de la Princesse de Clèves — mais avant le mariage.
Et pourtant nous sommes encore loin de l'excellence de ce chef-
d'œuvre, car la peinture des personnages de Zaïde laisse à
désirer. La femme la plus intéressante, le mieux dessinée, celle
qui a le plus de caractère, ce n'est pas Zaïde, c'est Bélasire.
Zaïde qui a le talent d'être belle en sortant tout habillée de la
mer, ne fait que croître en beauté pendant le récit. On ne peut
qu'admirer chez une femme qui refuse énergiquement d'épouser
un homme parce qu'il n'est pas de sa rehgion, l'obstination avec
laquelle elle tient à s'unir à l'original du portrait — qu'elle croit
pourtant être un Maure. Et si, par un coup de théâtre vraiment
inattendu, ce brave Zuléma n'avait changé d'avis à la fin du
récit, on se demande comment elle s'en serait tirée. Il est vrai
qu'étant femme elle eut trouvé quelque moyen.
Pour le reste, eUe est tellement ballottée par les événements
1 "Pendant l'hiver qu'elle passa en Catalogne." Éd. Garnier, p. 211.
138 Madame de La Fayette [ch.
multiples qu'on ne saurait dire qu'elle a un caractère propre.
Quand une fois elle agit, ou plutôt elle écrit, avec énergie, sa
lettre n'arrive pas à bon port. Cet insuccès semble la décourager
au point qu'elle n'essaie plus de réagir contre le sort, jusqu'au
moment où elle défend à Alamir de venir la voir. Son amie
Félime aime en silence, et a toutes les peines du monde à se
confier à Zaïde. Sa présence est utile pour compliquer la situa-
tion et pour faire souffrir Consalve, mais Félime est toujours
sacrifiée à Zaïde et le roman aurait été plus simple et plus facile
à lire si on l'avait noyée en même temps que la mère de son amie.
Il y a pourtant un sentiment qui expliquerait les caractères
de ces deux femmes, sentiment dont nous reparlerons au sujet
de la princesse de Clèves — c'est l'orgueil.
Alphonse était assez intéressant pour être le seul objet d'un
roman au lieu de venir dans Zaïde où il n'a que faire. Après une
jeunesse orageuse et une grande passion qui le fit souffrir, il
imite au bord de la mer le recueillement de La Rochefoucauld.
On aimerait savoir que plus tard il écrivit des Maximes.
Consalve s'entend à analyser ses sentiments, il est presque
aussi enclin qu'Alphonse à se torturer sans raison, mais quelle
étrange naïveté chez un héros de roman ! La f aciUté avec la-
quelle Nugna Bella et ses comparses le trompent est pour étonner
quand il s'agit d'un courtisan aussi en vue que lui. Il manque
de curiosité, sans cela il aurait demandé plus tôt à voir le
fameux portrait — dont le lecteur lui-même se lasse d'entendre
parler. Et puis, ce n'est pas un homme. Non, il a beau être
admirablement bien fait, il a beau faire un carnage horrible
parmi les Maures, il a beau se défendre contre les cavaliers qui
viennent le mener à la cour de Don Garcie, il a beau enfin larder
Alamir de coups, ce n'est pas un homme. Il sacrifie trop l'action
à une réflexion inutile — qui se traduit par des apostrophes.
Parfois, il fait presque songer au lamentable Joseph Delorme.
Alamir, sa victime, est le duc de Nemours de l'ouvrage.
Il est volage, fait souffrir les femmes, devient vraiment amoureux
à la fin — il est encore puni par où il a péché. C'est juste, mais
cela manque d'intérêt, car Alamir nous est indifférent: nous le
connaissons à peine.
Le grand progrès que marque ce roman n'est ni dans les
caractères des personnages qui ne sont pas encore assez forte-
ment dessinés, ni dans l'étude de la jalousie qui pourtant est
excellente, mais bien dans le style. Il serait nécessaire de citer
des passages des romans de Mlle de Scudéry pour faire sentir
vu] Le Romancier — Zaïde 139
au lecteur la différence entre le style de ses prédécesseurs et
celui de Mme de La Fayette, si l'on n'avait déjà donné le
passage que La Rochefoucauld soumit à Huet. Qu'on se dise
donc, que le brouillon de ce passage est déjà un progrès sur le
style ampoulé ou seulement lâche, des Cyrus et autres romans;
qu'on remarque ensuite les différences entre ce brouillon et la
rédaction définitive. On verra aussitôt et mieux que nous ne
pourrions le faire voir, tout le chemin qu'a parcouru Mme de La
Fayette. Certes, ce n'est pas encore le style de la Princesse de
Clèves — il reste trop d'apostrophes, mais ce défaut même va
en s'atténuant ; le travail ne se traduit pas en complications, il
se cache sous le naturel de la forme donnée en dernier lieu à la
pensée. Madame de La Fayette, avant d'avoir essayé dans
Zaïde le roman de longue haleine, manquait de confiance en
elle-même ; elle avait besoin d'une collaboration, elle soumettait
son ouvrage à ses amis pour qu'ils en critiquassent et le fond
et la forme. Bien plus, après la publication du roman "elle en
fit reher un exemplaire avec du papier blanc entre chaque page
afin de le revoir tout de nouveau, et d'y faire des corrections,
particuUèrement sur le langage, mais elle ne trouva rien à y
corriger même en plusieurs années.... i"
Après Zaïde elle peut prendre courage, se remettre à ses
lectures, noter ses souvenirs et préparer l'ouvrage qui la rendra
plus célèbre que n'aurait pu faire le beau nom de son mari,
ou sa faveur auprès du Roi Soleil.
^ Segraisiana, p. 66.
CHAPITRE VIII
LA MÈRE
Madame de La Fayette laisse le souvenir d'une femme d'esprit,
qui fut un grand écrivain, capable d'apprécier les lettres latines
ou italiennes, de critiquer des ouvrages français et d'une Dame
d'Honneur qui sut tenir habilement sa place au milieu des in-
trigues d'une cour, sans cesser d'être une femme d'intérieur,
entourée de nombreux amis. Mais derrière la femme d'apparat,
figée dans l'attitude que l'histoire littéraire a déclarée la sienne,
il y a une véritable femme et une mère.
Au début du siècle dernier on écrivait encore que Madame
de La Fayette: "est une femme qui, déUvrée des occupations
domestiques et paisibles de son état, est transportée dans les
sociétés de beaux esprits, et tourmentée des prétentions du
savoir: à qui le nom de mère et d'épouse, de femme vertueuse,
douce et modeste est moins cher que celui d'auteur^ ! " L'ex-
cellente leçon pour les femmes ambitieuses d'écrire ! Inutile de
dire que celui que nous citons est La Beaumelle, Voyons si
l'exactitude de son jugement en égale la morahté.
D'abord on ne peut pas dire qui a nourri les deux bébés;
s'ils étaient en nourrice en Auvergne ou à Paris; nous ne con-
naissons rien de leur première enfance, mais la remarque serait
également vraie de presque tous les enfants de l'époque — qu'ils
soient de femmes de lettres ou de femmes "vertueuses douces et
modestes." C'est Jean- Jacques Rousseau qui a découvert que
l'enfant est intéressant en tant qu'enfant, Madame de La Fayette
ne partageait pas cet avis. Pour elle comme pour ses contem-
poraines, les enfants n'avaient le droit de prendre rang ni dans
la société, ni dans la correspondance ni dans la Httérature. Mais
cela ne veut pas dire qu'ils ne tenaient pas dans sa vie autant
de place que dans celle des autres mères du XVII^ siècle.
On croirait même qu'elle s'en occupait un peu plus que les
autres car elle écrit à Pomponne, comme nous l'avons déjà vu:
"....le ne faisois que disner et souper céans quand vous esties
a Paris présentement iy couche il est vray que la peur des
1 Cité par De Feller (F. X. l'abbé), Dict. hist. iv. 520.
CH. viii] La Mère 141
voleurs quy sont desch aines en mon faubourg y a contribue pr
cette nuit et vous juges bien quil faut quelque bonne raison
pr obliger une mère de famille comme moy a quitter ses
anfans j 'ay donne une nourice aux vostres quy est une créature
admirable," etc.^
A l'époque où Madame de La Fayette écrivait cette lettre,
l'aîné de ses enfants n'avait pas plus de cinq ans. Ils étaient
tous deux à Paris avec leur mère; elle avait l'habitude de s'en
occuper, et on avait recours à elle quand il s'agissait des enfants
d'autrui, ne fût-ce que pour trouver une nourrice.
Mais on la consultait aussi sur des questions plus importantes
et si l'on en juge par ce qu'elle conseillait à la jeune Madame de
Grignan, elle savait bien élever les enfants. En parlant de
Pauline, Madame de Sévigné écrit: "Je l'ai dépeinte à Madame
de La Fayette: elle ne croit pas que vous puissiez ne vous y
point attacher; elle vous conseille d'observer la pente de son
esprit et de la conduire selon vos lumières: elle approuve ex-
trêmement que vous causiez souvent avec elle, qu'elle travaille,
qu'elle lise, qu'elle vous écrive et qu'elle exerce son esprit et
sa mémoire^." Elle n'avait donc pas la réputation d'être une
mauvaise mère.
A l'époque où elle voyageait entre Paris et l'Auvergne il
semble qu'elle ait laissé ses enfants à Paris aux soins d'un pré-
cepteur^ mais dès qu'ils furent d'âge à tenir un rôle dans la vie
ce fut elle et non pas leur père qui s'occupa de leur établisse-
ment.
On s'est plu à représenter Madame de La Fayette comme un
bas bleu, souffrant de vapeurs, passant la plus grande partie de
sa journée sur son lit galomié d'or; ce fut donc rni étonnement
général lorsqu'on apprit, il y a quelques années, qu'elle s'était
mêlée aux affaires de Savoie. On avait même l'air d'en vouloir
à la comtesse d'avoir été trop secrète et d'avoir égaré l'opinion
commime. L'opinion s'obstinait à être trompée presque malgré
Madame de La Fayette et maintenant elle court à l'autre
extrême et l'on veut faire d'elle une femme intéressée au dernier
point.
Nous avons démontré que le reproche d'avoir ménagé son
crédit au heu de l'employer pour les Sévigné n'est pas fondé.
Son désintéressement va plus loin et l'on s'étonne que cette
1 Voir la lettre à la page 89. ^ g^v. vnr. pp. 235-6.
3 Dans une lettre de la Coll. Feuillet de Conches elle fait mention
d'un "M. Fournier qui est le preceptevir de mes anfans."
142 Madame de La Fayette [CH.
accusation ait pu être portée lorsqu'on lit la correspondance de
Louvois, certaines lettres de Madame de Sablé, et surtout cette
appréciation formulée aussitôt après sa mort: "Elle avait
partout un grand crédit, dont elle ne faisait usage que pour
rendre service à tout le monde^." Il est vrai que, d'une part,
l'on n'a pas pris la peine de consulter ces documents manuscrits,
et que, d'autre part, on a le droit de se méfier un peu d'une
notice nécrologique. Et cependant l'auteur de cet article dans
le Mercure Galant était probablement mieux renseigné sur le
vrai caractère de Madame de La Fayette que ne l'étaient cer-
tains critiques du XIX^ siècle.
Il ne s'ensuit pas que la comtesse ait négligé ses propres in-
térêts— ou plutôt les intérêts de ses enfants. On n'a qu'à lire
ses lettres adressées à Ménage à l'occasion de son premier voyage
à Paris après 1655, pour voir que la jeune femme n'a pas
eu la tête tournée par son beau mariage. Elle met en location
sa propre maison à Paris pour une certaine somme et en loue
une autre pour son séjour à un prix moins élevé. Plus tard, lors-
qu'elle vit qu'il fallait placer ses deux fils et que son mari ne
l'y aiderait guère, elle sentit la nécessité qu'il y avait de se
"former un esprit liant." C'est ce que fait toute bonne mère
française et loin d'en faire un grief à Madame de La Fayette il
faudrait admettre que ce trait montre combien elle prenait au
sérieux ses devoirs maternels. Lorsque Pomponne tombe en
disgrâce, la première pensée de Madame de La Fayette va aux
nombreux enfants dont l'avenir est ainsi compromis^. Bien des
fois dans sa vie, lorsqu'elle aurait dû être au lit, elle prit la
plume pour solliciter, ou fit atteler sa voiture pour aUer qué-
mander à la cour. Il n'y eut rien — ni fièvre, ni vapeurs, ni points
de côté — qui put l'empêcher d'assurer l'avenir de ses enfants.
Elle en fut bien récompensée. Son fils aîné n'entra dans
l'église que pour en connaître les avantages. "Il avait des
abbayes," dit Saint-Simon, "et nul ordre." En 1670 il reçut
l'abbaye de Valmont ; l'évêque François de La Fayette, son
grand oncle, lui céda en 1676 l'abbaye de Dalon et en 1677 le
roi lui donna l'abbaye de La Grenetière en Poitou^. D'après
Saint-Simon ce fils était "homme d'esprit, de lettres.... cynique
et singulier qui avoit de l'honneur et des amis*." Son éducation
^ Mercure Galant, juin 1693, p. 195.
2 Arsenal, ms. 6626, P 385, 2^ lettre à Pomponne.
3 Gazette, N» 18, 4 mars 1679, p. 108.
* Note de Saint-Simon au Journal de Dangeau, v. p. 57.
viii] La Mère 143
ne fut pas sans causer des soucis, mais Madame de La Fayette
veillait sur lui et lorsqu'elle s'aperçut, par exemple, que Lassay
voulait l'entraîner avec lui en Italie, elle ne manqua pas de
montrer au marquis ce qu'elle pensait. Elle saisit l'occasion
pour dire également à cet étrange ami que puisqu'il savait que
l'abbé empruntait de l'argent il aurait dû la prévenir au lieu
de laisser venir la faillite. Elle conseille à Lassay de faire un
séjour à l'étranger et lui laisse entendre que sa réputation à
Paris n'est pas pour l'encourager à y rester^. Évidemment
Madame de La Fayette prenait son rôle de mère tout à fait au
sérieux.
Ce même Lassay dans une lettre écrite en 1686 raconte à
Madame de Maintenon une histoire invraisemblable: Madame
de La Fayette aurait été une mère trop attentive et une bien
mauvaise amie. Lassay serait allé en Hongrie et, au moment de
partir, il aurait confié à Madame de La Faj^ette, qu'il croyait
lui être dévouée, toutes ses affaires, en lui disant qui étaient
ses amis et qui ses ennemis. Parmi ces derniers se trouvait un
Monsieur de Sauleux, grand oncle maternel de la propre fille
de Lassay, Lassay accusa Madame de La Fayette : (1) de s'être
liée avec Monsieur de Sauleux pour marier Mlle de Lassay au
jeime de La Fayette: (2) d'avoir tout fait, dans ses lettres à
Lassay, pour le persuader de ne pas revenir en France : (3) d'avoir
répandu à la cour des médisances sur son compte : (4) d'avoir
fait écrire Segrais à Lassay pour proposer le mariage en question
comme si Segrais en avait eu l'idée le premier : (5) d'avoir obtenu
de Louvois, en se servant du nom de Sauleux, une lettre de
cachet pour empêcher Lassay de faire sortir sa fille du couvent
à son retour.
Il demande à Madame de Maintenon de faire lever cette
lettre de cachet et dit, en passant, qu'il a conservé toutes les
lettres de Madame de La Fayette à ce sujet. On a beau traiter
Lassay de visionnaire et supposer qu'il avait la manie de la
persécution, son réquisitoire est clair et il offre ses documents
sur un ton assuré. Il est fort probable que Madame de La Fay-
ette essaya d'arranger ce mariage. Il serait difficile de dire dans
quelle proportion Lassay a brodé sur ce thème et il est regrettable
que nous n'ayons plus les lettres qu'il possédait, car elles auraient
pu nous montrer l'affaire sous un tout autre jour. Dans les
minutes de Louvois nous n'avons trouvé aucune trace de cor-
respondance au sujet de cette lettre de cachet.
^ Lassay, Beciieil de diff. choses, i. 380.
144 Madame de La Fayette [ch.
D'après ce que dit Saint-Simon^ l'abbé de La Fayette aurait
pu se marier, car il écrit: "Il avoit des abbayes et nul ordre. Il
est mort. ...sans avoir été tenté de se marier^." Madame de
La Fayette qui ne songeait "qu'à remettre ce nom et cette
maison à la cour et dans le monde^ " ne pouvait donc compter
que sur son second fils. Il fut de tout temps destiné à l'armée et
dès qu'il eut l'âge d'y avoir un emploi, sa mère s'en occupa,
auprès de Louvois, avec succès, puisque celui-ci lui répondait
de Versailles le 13 octobre 1675: "J'ai reçu Madame le billet
que vous m'avez fait l'honneur de m'escrire le 2^ de ce mois.
J'ay rendu compte au Roy de ce que vous désirez, qui a bien
voulu accorder à Monsieur votre fils l'enseigne colonnelle de
son régiment pour en estre pourvu aussitôt qu'elle sera vacante.
Quand il vous plaira m'employer en des choses plus considérables
j'essayerai de vous faire connoître que je ne puis être plus véri-
tablement que je suis votre très dévoué et très obéissant ser-
viteur*." Madame de La Fayette ne veut pas en rester là et
une nouvelle intervention lui vaut le billet suivant:
"À Fontainebleau le 7 septembre 1678.
Madame,
J'ai différé de répondre à la lettre que vous m'avez
fait l'honneur de m'escrire pour procurer à Monsieur votre fils
luie des compagnies vacantes au régiment du Roy, jusqu'à ce
que sa Majesté en eut disposé. Je vous donne présentement
ad vis avec bien du plaisir que le Roy lui en a accordé une, et
bien de la joye de pouvoir profiter de cette occasion pour vous
assurer que je suis.... " etc.^
Mais ce n'est pas tout d'avoir un emploi — il faut aussi être
payé — ce qui motive une lettre de Madame de La Fayette, à
laquelle Louvois répond en ces termes :
1 Jour, de Dangeau, cité.
2 Le 2 mai 1729, âgé de 71 ans. Mercure, juin 1729, p. 1259.
^ Lettre de Covilanges à Mme de Sév. le 27 août 1694.
* Vol. 528, p. 316. Les lettres seront données ici d'après les minutes
manuscrites de Louvois conservées aux archives du Ministère de la
Guerre, à Paris. Des passages de la plupart de ces lettres ont été publiés
par M. Jean Lemoine dans la Revue de Paris du 1<='" sept. 1907. Nous
donnerons, autant que possible, les lettres in extenso mais nous en serons
empêché parfois, car à certains endroits l'écriture est illisible — tellement
elles ont été griffonnées à la hâte.
6 Vol. 578, p. 49.
viii] La Mère 145
"À Saint-Germain le 15 avril 1679.
"Suivant ce que vous avez désiré par la lettre que vous
m'avez fait l'honneur de m'escrire je vous envoie un ordre à
Monsieur du Monceau pour faire payer à Monsieur de La Fayette
ce qui lui peut être dû depuis le jour qu'il est party de sa garni-
son jusque à la fin de ce mois. Je souhaiterais, Madame, avoir
de meilleures occasions de vous témoigner combien je suis....^"
Son fils lui écrit ce même mois pour lui dire qu'il risque d'être
envoyé en garnison dans une ville quelconque, ce qui nuirait
probablement à ses chances d'avancement. Madame de La
Fayette ne craint pas d'écrire de nouveau à Louvois qui la
tranquilHse ainsi:
"À Saint-Germain le 25 avril 1679.
" J'ay reçu. Madame, la lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire hier. L'avis que Monsieur votre fils vous a donné
que l'on allait séparer un des bataillons du régiment du Roy
pour l'envoyer en garnison dans des villes, est sans fondement
puisque ce corps est désigné pour servir avec trois bataillons en
campagne. Ainsi vous ne devez avoir aucune inquiétude, et
je n'ay qu'à vous assurer que je suis toujours votre très humble
et très obéissant serviteur 2."
Le mariage du Dauphin au début de 1680 fournit à Madame
de La Fayette une autre occasion de faire avancer son fils. Il
s'agit de nommer dix hommes pour être, comme dit Madame de
Sévigné, ses "dames du palais," et le choix doit être fait dans
les plus illustres familles du royaume. Louvois écrit à ce sujet:
"À Saint-Germain le 20 février 1680.
"J'ai reçu Madame le billet que vous m'avez fait l'honneur
de m'escrire ce matin. Je ne voy rien de plus désirable pour un
homme de l'âge de Monsieur de La Fayette que d'être choisi
pour suivre Monsieur le Dauphin, mais il serait fâcheux d'y être
sans y pouvoir faire la dépense qu'y feront ceux qui auront de
1 Vol. 620, p. 227, Lettre inédite. Nous ne reproduisons pas scrupu-
leusement l'orthographe de ces brouillons de lettres.
2 Vol. 620, p. 416, inédite. Mme de La Fayette qui veut pour son fils
des occasions de gloire, demande également en sa faveur des congés:
"J'ai reçu. Madame," lui écrit Louvois de St Germain le 13 oct. 1679, "la
lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'escrire pour le congé de M.
votre fils. Je l'ay atissitôt fait expédier et vous le trouverez ci joint. Je
vous suppUe...." etc. (Vol. 625, p. 269).
A. 10
146 Madame de La Fayette [ch.
pareils emplois. Il n'y a personne qui puisse vous donner des
conseils sur cela, et c'est a vous de voir si vous êtes en état de
lui donner 14 ou 1500 pistoles par an qu'il faudrait au moins y
dépenser, outre ce qu'on tirera du Roy.
"Après avoir étably que vos affaires sont en état de l'y
soutenir, je dois vous dire qu'il n'y a pas d'autre voie que celle
d'escrire au Roy, si vous n'êtes pas en état de lui en venir parler;
si Madame de Montespan veut rendre votre lettre et l'appuyer
de ses offices, il y aura lieu de bien espérer de votre demande;
Que si vous ne voulez pas l'en importuner, je m'offre à vous
pour présenter la lettre que vous écrirez sur cela au Roy. Soyez
bien sûre.... " etc.^
Madame de La Fayette trouva-t-elle la dépense trop con-
sidérable? Ne reçut-elle pas satisfaction? Toujours est-il que
le nom de son fils ne figure pas dans la liste des menins du
Dauphin. Mais moins de trois mois plus tard Madame de La
Fayette reçut ce petit mot qui dut la consoler de son échec :
"À Saint-Germain le 5 mai 1680.
"Le Roy ayant donné cette après-dinée le régiment royal
à Monsieur le Marquis de Créqui, sa majesté a disposé du régi-
ment de la Fère en faveur de Monsieur le Marquis de La Fayette.
Je m'en réjouis avec vous, et vous assure qu'il ne peut rien vous
arriver d'agréable à quoy je ne prenne une très sensible part^."
L'influence de Madame de La Fayette va en grandissant car
Louvois lui écrit bientôt le billet suivant :
"À Charleville le 28 aoiist 1680.
" J'ay reçu le billet que vous m'avez fait l'honneur de m'es-
crire le 16 de ce mois. Je suis un peu scandaUsé des remercie-
ments que vous me faites de ce que j'ay dit à Monsieur de la
Trousse, et je croyais que vous étiez assez persuadée de la part
que je prends à ce qui vous touche pour ce qu'il vous a mandé
ne vous paraisse pas nouveau. Je feray avec plaisir ce que vous
m'ordonnez à l'égard de Monsieur de La Fayette et en toute
occasion, vous et luy connoitrez que je ne puis être plus que je
suis...." etc.^
On croirait volontiers que la phrase "Je feray avec plaisir
ce que vous m'ordonnez à l'égard de Monsieur de La Fayette"
1 Vol. 638, p. 378. 2 Vol. 642, p. 68.
3 Vol. 643, 2e partie, p. 159.
viii] La Mère 147
n'est qu'une formule à laquelle il ne faut pas trop ajouter foi,
si bientôt après on ne voyait pas que Madame de La Fayette
"désira" et obtint le déplacement d'un régiment. Voici la
lettre de Louvois à ce sujet:
"À Versailles le 22 octobre 1680.
"J'ay reçu votre billet d'hier, par lequel j'ay appris avec
beaucoup de déplaisir la maladie de Monsieur votre fils. Les
officiers de son régiment ne savent ce qu'ils désirent quand ils
demandent à changer de garnison, mais puisque vous le d sirez
il ira à Fribourg; les ordres du Roy en seront envoyés demain.
"Je ne l'ay point fait marcher en Loraine, ainsi que vous le
demandez, parce que comme on n'y travaille point je vous
réponds qu'il n'y serait pas arrivé que vous recevriez des lettres
des officiers par lesquelles ils se plaindraient de leur mauvaise
destinée. Je vous supplie..,." (formule de poHtesse ilHsible)i.
En même temps elle ne cesse de s'occuper des plus petits
détails. "Elle eut une recrue à faire pour son fils," raconte Gour-
ville, "et en parla à plusieurs personnes pour lui trouver des
hommes et surtout à bon marché. Elle me conta un jour que,
ayant employé un maître des comptes à cet usage, il lui avait
fait effectivement quinze bons hommes." Ceci fait, elle re-
commence à importuner Louvois pour lui dire du bien de son
fils qui, d'après elle, n'est pas quelqu'un qu'on puisse négliger.
Le ministre en vient même à faire des excuses au jeune officier
pour un motif que nous ignorons. Lorsqu'il en informa Madame
de La Fayette, Louvois nous fait savoir du même coup que les
lettres de l'auteur de la Princesse de Clèves étaient appréciées
de ses contemporains :
"À Sainte-Marie aux Mines le 13 octobre 1681.
"Je quitterais toutes les affaires que j'ai, avec plaisir, pour
fire souvent de pareilles lettres à celle que vous m'avez fait
l'honneur de m'écrire le 4 de ce mois. Je vous rends très humbles
grâces des marques qu'il vous plait me donner de votre amitié
dont je connais assez le prix pour profiter de toutes les occasions
que vous me donnerez de la mériter.
"J'ai fait mes excuses à Monsieur de La Fayette de ce qui
s'est passé entre lui et moi à Fontainebleau, et je ne crois pas
être mal avec lui. Conservez-moi toujours quelque part à
1 Vol. 645, p. 481.
10—2
V
148 Madame de La Fayette [CH.
l'honneur de vos bonnes grâces et soyez persuadée qu'on ne peut
être plus véritablement que je suis, votre très humble et très
obéissant serviteur^."
L'année suivante c'est un congé qu'il faut, et Lou vois répond :
"À Versailles le 12 juin 1682.
"Je ne vois point d'inconvénient à ce que Monsieur de La
Fayette aille voir Monsieur de Bouflers et y demeure autant de
temps que vous le désirerez. Je vous supphe de me conserver
toujours un peu de part à l'honneur de vos bonnes grâces et de
me croire aussi véritablement que je suis...." etc.^
Mais peu après ce congé le fils de Mme de La Fayette donne
lieu à un mécontentement que Louvois exprime avec toute la
déhcatesse que la situation exige :
"À Versailles le 4 août 1682.
"Je suis obligé avec déplaisir de vous avertir, Madame, que
la conduite que tient Monsieur de La Fayette à Strasbourg,
n'est pas bonne, qu'il boit souvent et avec excès, ce que vous
jugerez bien qui ne peut pas donner à sa Majesté des impressions
favorables de sa conduite. Je suis bien fâché du chagrin que
cet avis vous donnera, mais je ne prendrais pas autant de part
que je fais en tout ce qui vous touche, si je vous cachais une
pareille chose. Je suis, Madame, votre très humble et très
obéissant serviteur^."
En écrivant ainsi, Louvois adoucit beaucoup la gravité des
faits. La Fayette fut accusé avec de Biron et de Créquy
d'avoir mangé de la viande les jours maigres, d'avoir insulté
des bourgeois la nuit et d'avoir jeté des cailloux dans leurs
fenêtres, d'être entré de force dans un cortège de noce l'épée à
la main, et enfin d'avoir fait venir la garde pour maltraiter les
bourgeois qui y assistaient'*. Voilà ce que Louvois appelle
"boit souvent et avec excès."
Mais tout s'arrange quand on a des amis en cour et l'incident
se termine par les trois billets suivants :
1 Vol. 659, p. 110. 2 Vol. 678, p. 263. "" Vol. 680, p. 96.
* Lettre de Louvois au Marquis de Chantilly qui a ordre du roi de
faire vivre sans scandale ces messieurs ou de les arrêter jusqu'à nouvel
ordre.
viii] La Mère 149
"À Versailles le 11 août, 1682.
"J'ai rendu au Roy la lettre que vous m'avez adressée pour
Sa Majesté, qui l'a lue tout entière et m'a commandé de vous
assurer que c'était toujours avec plaisir qu'elle en recevait de
votre part, et qu'elle était bien aise de voir l'apparence qu'il y
avait que ce qui lui avait été mandé de Monsieur de La Fayette
n'était pas véritable, et qu'elle m'avait commandé d'écrire pour
en être informée, ce que vous ne douterez pas, je m'assure, que
je n'aie fait avec beaucoup de plaisir, m'intéressant autant que
je fais à tout ce qui vous touche. Je vous ferai part de la réponse
que j'aurai.. ..Je suis toujours véritablement...." etc.^
"À Versailles le 17 août 1682.
"C'est avec plaisir que je vous donne avis que le Roy, ayant
été informé que Monsieur de La Fayette n'a failli à Strasbourg
que pour avoir hanté mauvaise compagnie, elle m'a commandé
de lui escrire de partir.... pour retourner au dit Strasbourg et
continuer à y prendre soin de son régiment....
"Je prends part à la satisfaction que vous devez avoir de la
résolution de Sa Majesté et je vous supplie d'être persuadée que
l'on ne peut être plus véritablement que je suis.... 2"
Voici la lettre à Monsieur de La Fayette :
"Monsieur — Sur le compte que j'ay rendu au Roy que votre
conduite n'avait pas été aussi mauvaise qu'on avait mandé à
Sa Majesté, elle a trouvé bon de vous permettre de retourner à
Strasbourg pour prendre soin de votre régiment. Je suis.... "
Madame de La Fayette sollicite encore une fois une faveur
et reçoit la réponse suivante :
"À Versailles le 8 avril 1684.
"J'ai vu par le billet que vous m'avez fait l'honneur de
m'escrire le déplaisir que vous avez de ce que le régiment de la
Fère n'est pas destiné à servir en campagne. Je vous remercie
de la manière honnête dont vous vous en plaignez et je m'assure
que vous ne doutez pas que je ne prenne part à la peine que cela
vous fait, mais la première fois que je verrai Monsieur de La
Trousse je l'entretiendrai plus amplement et lui dirai ce que je
crois qu'il y a à faire pour essayer que ce régiment soit des
premiers qui sortiront des garnisons pour servir en campagne.
Je suis toujours de tout mon cœur....^"
1 Vol. 680, p. 309. 2 Vol. 680, p. 420.
3 Vol 712, p. 156. Lettre copiée par tm secrétaire et revue par Louvois
150 Madame de La Fayette [ch.
À partir de cette date les affaires de son fils n'accaparent
plus la première place dans la correspondance de Madame de La
Fayette avec Louvois ; les affaires de Savoie y passent, naturelle-
ment, au premier rang. En 1689, cependant, Louvois écrit à
Madame de La Fayette pour la féliciter du mariage qu'elle
allait conclure pour son fils.
"Versailles le 14 septembre 1689.
"J'ai reçu. Madame, la lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'escrire le 11 de ce mois. Je vous supplie d'être bien per-
suadée que je prends une grande part à ce qui vous touche. Je
ne puis que me réjouir avec vous du mariage que vous êtes
sur le point de conclure pour Monsieur votre fils auquel je
rendrai toujours tout le service qui pourra dépendre de moy. Je
suis, Madame, votre très humble et très obéissant ser\àteur^."
Ce mariage projeté est celui qui fut conclu entre Mademoi-
selle de Marillac, fille du doyen du conseiP, et René-Armand de
La Fayette. "Ce mariage est fort bien," écrit Madame de
Sévigné^. "Elle est de bonne maison, une alhance agréable,
tous les Lamoignons, deux-cent -mille-francs^, des nourritures
à l'infini. Madame de La Fayette assure tout son bien, elle n'en
veut que l'usufruit, n'est-ce pas assez? Elle est fort contente;
le mariage ne se fait qu'après la campagne."
Voilà pour la fiancée. Quelques jours plus tard, la marquise
revient sur la question pour nous donner plus de détails sur le
futur mari. "A propos de sublime Monsieur de Marillac ne fait
point mal, il me semble: La Fayette est joli, exempt de toute
mauvaise quahté ; il a un bon nom, il est dans le chemin de la
guerre, et a tous les amis de sa mère qui sont à l'infini : le mérite
de cette mère est distingué : elle donne tout son bien, et l'abbé
1 Vol. 856, p. 332.
2 " René de Marillac, chevalier d'Attichy, la Ferté s\ir Paroy, et autres
lieux, conseilleur d'état ordinaire et d'honneur en tous les parlements
de France" d'après le contrat de ce mariage (Archives de l'Allier, Reg.
B 746).
3 ix. p. 205.
* On retrouve iin peu partout la mention de cette sormne. Dangeau
écrit de Marly le 16 sept. 1689, "M. de la Fayette épousera après la
campagne Mademoiselle de Marillac à qui on dorme 200,000 francs"
{Journal, ii. 471). C'est confirmé par le contrat de mariage, déjà cité,
où on Ut: " En faveur duquel mariage les seigneur et dame de Marillac,
père et mère de la demoiselle future épouse, s'obligent à Im donner en
avancement d'hoirie la somme de deiix cent mille livres...."
viii] La Mère 151
le sieni ; il aura un jour trente mille livres de rente : il ne doit
pas une pistole, ce n'est point une manière de parler : qui trouvez-
vous qui vaille mieux, quand on ne veut point de conseiller?
La demoiselle a deux-cent-mille francs, bien des nourritures.
Madame de La Fayette pouvait-elle espérer moins^? "
Le jeune colonel se marie en décembre de cette même année
et dans les premiers jours de janvier 1690 Dangeau note que
"Madame de La Fayette la jeune vient de paraître à la Cour
pour la première fois^." Mais lorsqu'on est soldat il ne faut pas
se laisser distraire de son métier, même par l'amour d'une jeune
épouse, et son mariage brillant n'empêcha pas La Fayette de
recevoir le petit mot suivant du ministre Louvois.
"À Versailles le 8 janvier 1690.
"Monsieur,
Le Roy apprend que le régiment de la Fère ne fournit
pour les travaux de Belfort que treize hommes par compagnie.
Comme l'intention de Sa Majesté est que les capitaines en
donnent tout le plus grand nombre qu'il se pourra il est bien à
propos que vous y teniez la main, si vous voulez que Sa Majesté
soit contente de vous . Je suis .... * "
On peut supposer que malgré ce ton bref, et la nécessité où
fut Louvois de réitérer son ordre poli mais tout mihtaire le 18
du même mois^, le colonel réussit à rendre "Sa Majesté contente
de lui" car en avril 1693 le roi nomma le marquis de La Fayette
brigadier d'infanterie^. Il arriva donc, juste avant la mort de
sa mère, au plus haut degré de sa belle carrière. Madame de La
Fayette n'eut pas la douleur de voir cette carrière brisée l'année
suivante, car lorsque son fils mourut, de maladie, à Landau en
1694", elle avait cessé de souffrir elle-même depuis \me année.
"Je vous fais mes compliments quoiqu'un peu tard, sur la mort
de Monsieur de La Fayette," écrit de Coulanges à Madame de
1 L'abbé avait des rentes siir Chouvigny en même temps que sixr ses
abbayes. Il se trouve dans le fonds paroissial de Chouvigny (Archives de
l'Alher) im "extrait du contrat de rente fait au profit de M. l'abbé de
la Fayette contre les habitants de Chouvigny en 1684." Il ne garda pour
lui que 4000 livres de rente, Mme de La Fayette en avait 6000 (Dangeau,
op. cit. XI. 64).
2 rs. 25 sept. 1689. ^ m. 52.
* Vol. 910, p. 140. ^ Vol. 911, p. 46.
6 Gazette du 4 avril 1693, p. 168 et Dangeau, iv. 254.
•? Gazette du 21 août 1694, p. 405 et Dangeau, v. 57.
152 Madame de La Fayette [ch.
Sévigné'^. Sa pauvre mère n'avait songé qu'à remettre ce nom
et cette maison à la cour et dans le monde et le voilà soutenu
par les frêles épaules d'une fillette^. On dit que le testament de
Monsieur de La Fayette fait par les soins et du vivant de Madame
sa mère, a consolé sa femme et Monsieur de Marillac, "qui étoient
fort affligés avant que d'avoir vu ce testament lequel est très
désavantageux pour la veuve...." Madame de La Fayette mère
protège les intérêts des La Fayette par delà la tombe ! Voilà qui
détruit la réputation qu'on lui a faite de n'être pas bonne mère
et de tenir moins à ce titre qu'à celui d'auteur. Ses fils ne s'y
trompaient pas et ils se groupaient autour de leur mère malade
ainsi qu'elle dit dans la lettre suivante :
(Sans date)
"Ma santé est pire que jamais j'ay tant de maux que ie ne
puis vous en rendre conte cependant ie vais toujours mais aussy
ie ne vais pas loin car je n'ay presque point de jambes. J'ay
céans toute ma famille. Mon fils est revenu de l'armée: il ne se
porte pas trop bien non plus que moi il a une colique qui le tour-
mente et eut avant-hier un accès de fièvre nous verrons au-
jourd'hui si se sera la tierce. J'ay aussy sa femme qui ne se remet
point de sa couche. Mon fils l'abbe est arrive de Normandie
depuis deux ou trois jours sa santé est parfaite je n'aie rien a
vous en dire il est a Versailles présentement et vous vera si tost
après son retour. J'ay escrit a Monsieur de Segrais que vous
l'aviez fait recommander au premier Président de Rouen. Je
vous remercie de m'avoir retrouve cette stance de l'Arioste de
Zerbin que j'avois tant d'envie de trouver ; avez-vous veu le livre
de Monsieur d'Avranches du Paradis terestre je vous fais la une
sotte question puisqu'il m'a envoyé ce livre il ne faut pas douter
qu'il ne vous l'ait envoyé. Toute a vous Monsieur et de tout mon
cœur au pied de la lettre. La C. de Là Fayette^."
En avril 1690 elle écrit à Ménage : "Mon estât est assez doux
je suis très contente de ma famille mais ma santé est une chose
1 Sév. X. le 27 août 1694.
2 Cette fille épousa le prince de Tarente, fils de Charles, duc de la
Trémouille {Mercure Galant, avril 1706, p. 307: Saint-Simon, ii. 397 etc.).
Sa mère est morte assez jeune "d'une longue apoplexie," dit Saint-
Simon, op. cit. X. 222. Dangeau en annonçant sa mort, dit, "Elle était
tombée en enfance il y a de\ix mois quoiqu'elle n'eût que quarante-deux
ans" (op. cit. xiv. 224, 14 sept. 1712).
2 L'allusion au Paradis terrestre (1691) fixe la date de cette lettre.
Les citations qm suivent sont de la Coll. Feuillet de Conches.
viii] La Mère 153
déplorable" et dans une autre lettre où elle prévoit sa fin toute
proche elle lui demande d'être un ami pour ses enfants et de
veiller sur eux.
Enfin il nous est permis de la voir un instant grand'mère,
accablée par sa maladie, mais courageuse. Elle est heureuse de
pouvoir se dire qu'elle fut une mère accomplie et son cœur
affectueux ne fait pas supporter à sa petite-fille le chagrin qu'elle
a de n'être pas la grand'mère d'un garçon. "Je ne suis triste
que par mes vapeurs," écrit-elle, "mes vapeurs font tout mon
mal. Je n'ay aucun sujet de tristesse. Je suis heureuse a pindre
(sic) comme disoit M^ de Choisi. M^e de La Fayette est une
plaisante demoiselle je suis si esloignee de me fascher que je
ne suis pas mesme faschee d'avoir cette belle demoiselle plustost
qu'un garçon...."
CHAPITRE IX
LE PSYCHOLOGUE— X^ PBINCESSE DE C LÈVES
I
Une manière classique de faire ressortir les mérites du livre de
Mme de La Fayette, c'est de ridiculiser les interminables romans
qui l'ont précédé et de le présenter au public comme le premier
roman de dimensions raisonnables. Or, la Princesse de Clèves
n'est pas, en date, le premier roman en un volume. Ce n'est pas,
non plus, le premier roman où l'auteur raconte des aventures
contemporaines tout en les situant à une autre époque.
Quant à la psychologie de la plupart des longs romans
antérieurs à la Princesse de Clèves, il est certain qu'elle se trouve
plutôt dans les discours que dans les actions des personnages.
Mais il existe d'autres romans, assez peu connus, d'où l'étude
psychologique n'est pas absente et dont l'auteur éprouve le
besoin de dire : "Je n'ay rien mis qu'un homme ne pust faire, ie
me suis tenu dedans les termes d'une vie privée, afin que chacun
se pust mouler sur les actions que ie descry^." On nous a déjà
montré le caractère psychologique de quelques-uns des romans
du début du XVIJe siècle^ sans dire qu'il en est un, du siècle pré-
cédent, qui a quelques points communs, malgré ses nombreux et
graves défauts, avec la Princesse de Clèves ; nous en parlerons ici.
Il s'agit d'un roman d'Héhsenne de Crenne dont le titre seul
éveille l'attention: Les Angoisses douloureuses qui procèdent
d'amours. C'est un roman romanesque, où l'on assiste à des
batailles contre des brigands, à des tournois, à des emprisonne-
ments ; on y voit aussi une femme épouser un mari sympathique,
qu'elle connaît à peine, mais qu'elle aime au début parce qu'elle
en est aimée. Et quand, plus tard, le mari vit que sa femme
aimait ailleurs il "ne monstroit aucun mauvais semblant. Mais
au contraire.... monstroit plus grande amitié que jamais^." Voici
maintenant les titres des chapitres de la première partie: La
jeune fille épouse un étranger qu'elle aime — L'origine du diver-
^ Le Chrysolite d'après Kuchler. Voir la note 2 ci-dessous.
2 Walther Kuchler, Zu den Anfàngen des psy. Rom. etc. Voir bibliog.
3 Helysenne de Crenne, Les angoisses.... etc. B. N. Res. Z. 2745,
Chap. III.
CH. ix] Le Psychologue — I^a Princesse de Clèves 155
tissement de Hélisenne (l'héroïne) pour a3'mer à reproche —
Hélisenne, surprise d'amours est apperceu de son mari — avec le
résultat que nous avons déjà noté — Héhsenne change de logis
mais pas de cœur (car l'aimé habitait en face de chez elle)—
Héhsenne se passionne pour son ami — La jalousie du mari.... —
Les approches des deux amans pour parler ensemble — Les
amans.... usent de lettres — La lecture de ces lettres — Lettres
de la dame — Courroux du mari jaloux et l'excuse de la femme —
L'impatience d'amour par despit cherche la mort — Le conseil du
serviteur fidèle.... Héhsenne est enfermée dans une tour.
Pendant la seconde partie Guenelic cherche "s'amye" à
travers le monde. Il continue ses recherches au début de la
troisième partie — reçoit des nouvelles de sa "maîtresse" —
échange des lettres avec elle — lui parle — la déhvre de sa prison.
Puis viennent les chapitres : De la repentance d'Héhsenne et de
son trespas — Regrets de l'ami — Trespas de Guenelic.
Certes, ce roman est loin d'avoir la déhcatesse de la Prin-
cesse de Clèves, mais pour le moment il ne s'agit que de la psy-
chologie et de la longueur ordinaire des romans. Or, ce roman
n'est pas exempt de psychologie et il n'est pas interminable, car
il est plus petit de format que la Princesse, ne comprend que
trois parties, et pourrait se mettre aisément en poche^. Il en
est de même des ouvrages qu'a étudiés Kuchler: et si l'on veut
se rapprocher un peu plus de la date de la Princesse de Clèves,
Mlle de Scudéry elle-même pubha, en 1667, Mathilde d'Aguilar
qui n'a que 618 pages!
Par crainte d'allonger par trop un chapitre qui, vu l'impor-
tance même du sujet qu'il traite, ne peut être que long, nous ne
nous attarderons pas aux romans secondaires qui ont précédé
l'ouvrage de Mme de La Fayette et qui, pourtant, ont un grand
intérêt. Il suffit de dire que pour qui a fréquenté les rayons d'une
vieille bibhothèque, il est impossible de regarder la Princesse de
Clèves ou comme le premier roman de modeste longueur, ou
comme le premier roman psychologique.
En réahté, cet ouvrage est le premier où l'intérêt psycholo-
gique est plus important que les intrigues et que les aventures.
L'auteur en le faisant a franchi une étape dans l'évolution du
roman et une étape importante. En combattant les exagérations
de ce qu'il a fait, nous n'avons pas la moindre intention de diminuer
son mérite. Nous tenons seulement à ne pas oubHer les mérites
moindres de ceux qui l'ont précédé et qui n'ont pas été assez
^ Le voliirae que nous avons vu n'est pas paginé.
156 Madame de La Fayette [ch.
heureux pour trouver une place dans toutes les bibliothèques.
De plus, seul un critique ignorant totalement les conversations
et les discussions qui avaient lieu dans l'entourage de Made-
moiselle et dont nous avons déjà parlé à propos de la Princesse
de Montpensier, pourrait croire que le fait de situer l'action en
France est une nouveauté,
II
Et s'il est exagéré de dire que Madame de La Fayette
a eu la première l'idée d'étudier ses semblables au heu de ne
faire appel qu'à la sagesse des anciens, comme on faisait le plus
souvent au XVI^ siècle, il est également exagéré de prétendre
que la Princesse de Glèves est une autobiographie.
Depuis que Sainte-Beuve a écrit : Il est touchant de penser
dans quelle situation particuhère naquirent ces êtres si char-
mants, si purs, ces personnages nobles et sans tache, ces senti-
ments si frais, si accomphs, si tendres ; comme Mme de La Fayette
mit là tout ce que son âme aimante et poétique tenait en réserve
de premiers rêves toujours chéris, et comme M, de La Roche-
foucauld se plut sans doute à retrouver dans M. de Nemours.... i,"j
depuis ce moment, disons-nous, on n'a pu résister à la tentation
d'écrire des "pages charmantes^" sur ce sujet. Il ne faudrait
pourtant pas que le plaisir d'écrire des "pages charmantes" en-
traîne à fausser la vérité. C'est ce que, malgré nous, nous sommes
obligés de reprocher à M. Auguste Dorchain lorsqu'il continue,
après avoir cité le passage de Sainte-Beuve: "Par l'imagination
aussi, avec une générosité magnifique, Mme de La Fayette
transfigure sa faible et inconséquente mère — celle qui, si im-
prudemment, pour ne pas dire plus, la conduisait à vingt ans
vers le dangereux cardinal de Retz — en cette admirable Mme
de Chartres dont la tendresse divinatrice et la haute sagesse
veillent, jusqu'à la mort, sur Mme de Clèves. Mais il y a un
personnage encore plus complètement transfiguré, s'il est
possible, c'est le mari; car au lamentable M. de La Fayette,
elle a substitué M. de Clèves, parangon de toutes les délicatesses
et de toutes les vertus. Est-ce générosité ici encore? Non, c'est
plutôt amour. ...2"
Avec ce système, on est sûr d'atteindre le succès. Voici, nous
^ Portraits de femmes.
2 C'est ainsi que le Supp. litt. du Figaro qualifie, et avec raison
d'ailleurs, les pages qu'il donne de la préface de M. Dorchain (Voir notre
bibliog.), Fig. 14, xii. 1912.
^ Pp. xxx-xxxi de l'éd. Voir bibliog.
ix] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 157
semble-t-il, le procédé : il y a telle page de la Princesse qui rap-
pelle tel épisode de la vie de l'auteur. Il est de toute évidence
que l'auteur fait ici de l'autobiographie. Mais voici une autre
page qui ne ressemble en rien à la réalité autobiographique.
Admirez donc la générosité — ou l'amour — qui présente l'auto-
biographie sous un si beau jour. Le procédé est dangereux et
pourrait mener loin. Comment sait-on que Madame Renaud
de Sévigné était si faible et si inconséquente, où a-t-on pris que
M. de La Fayette était lamentable? Comme nous l'avons déjà
démontré, les documents que nous possédons ne motivent guère
ces dires. D'ailleurs ce parallélisme entre la vie de l'auteur et
la vie de l'héroïne du roman était plus complet tant que l'on
croyait M. de La Fayette mort peu de temps après le mariage.
On avait alors beau jeu, le mari mort — peut-être de jalousie — La
Rochefoucauld, après la mort de sa femme, insiste auprès de
Madame de La Fayette pour qu'elle l'épouse. Elle refuse — à
l'imitation de la princesse — se retire du monde, écrit à Du Guet, v
etc. . . .Madame de La Fayette n'aurait fait qu'écrire ses mémoires
dans la Princesse de Clèves. Malheureusement, la découverte de
la date de la mort du mari a infirmé un peu le parallèle — sans
qu'on ait voulu l'avouer jusqu'ici. En 1678, M. de La Fayette
se portait très bien et, comme les auteurs du roman n'étaient
pas inconnus dans le cercle intime de leurs amis, il est à supposer
que, même si Mme de La Fayette n'avait pas eu l'idée d'en
envoyer un exemplaire à son mari, il se serait trouvé parmi ces
amis des âmes assez charitables pour lui faire cette déhcate
attention. Et ce mari avait beau être "sot et benêt," vulgaire,
et lamentable — il savait Hre et aurait pu apprécier les allusions
de la Princesse de Clèves aussi bien qu'un critique du XIX^
siècle. Il ne faut donc pas répéter avec M. Dorchain, "Jamais
confession de femme ne fut à la fois plus entière et, sous le voile
de la fiction romanesque, plus pudique." Pudique, une telle
confession du vivant du mari ? non pas ! A moins que l'on ne
veuille pousser l'analogie encore plus loin et nous dire que
c'est l'aveu de la Princesse de Clèves que fait ainsi Mme de La
Fayette à son mari. Cela se pourrait — mais il y a une nuance. X Q
La princesse de Clèves ne se doutait même pas de la présence de
M. de Nemours quand elle fit son aveu — elle n'en eût pas fait -^
un prétexte à littérature. Et enfin, si la Princesse de Clèves est
une autobiographie, pourquoi la Princesse de Montpensier — ou
la Comtesse de Tendre — n'en serait-elle pas une?
Il est une autre façon d'envisager le roman. C'est, dit-on,
158 Madame de La Fayette [ch.
un roman historique, sur la cour de Henri II, mais — ici on sourit
avec indulgence et on ajoute — bien entendu, il ne représente
pas la cour des Valois avec sa rudesse.... etc., mais bel et bien
la cour polie de Louis XIV. Madame de La Fayette n'a fait
qu'observer ce qui se passait autour d'elle, elle l'a décrit avec
la finesse d'observation psychologique qui lui est propre.... C'est
encore une demi-vérité que l'on nous offre.
Madame de La Fayette croyait faire un roman historique^,
elle pensait fermement que la cour qu'elle voulait décrire était
une cour pohe et ses contemporains auraient été étonnés de la
voir représentée d'une autre façon^. Si elle n'a pas dépeint la
grossièreté de l'époque ce n'est pas qu'elle l'ignorait: ce n'est
pas non plus, parce qu'elle ne rédigeait qu'une autobiographie,
c'est parce qu'elle faisait des concessions au goût de son monde,
et qu'elle avait du respect pour son sexe et pour son art. Certes le
résultat est peut-être tel qu'on le présente — mais il y a la manière
— et il ne faut pas sous-entendre que Madame de La Fayette ne
s'était pas mise en peine de savoir ce qu'était la cour qu'elle
décrivait. EUe avait lu Brantôme et d'autres mémoires de
l'époque^ qu'elle a suivis de près pendant la rédaction de son
^ Elle écrivait à Lescheraine que ce n'était pas un roman mais "des
mémoires."
2 Arvède Barine l'a bien fait remarquer (et non pas à propos de la
Princesse de Clèves) dans le passage que voici: (La société des Valois)
"On sait assez qu'il n'en fut guère de plus corrompue. Cetix qui l'avaient
connue en avaient néanmoins gardé un éblomssement, et eux-mêmes
passaient sous Loms XIII pour les survivants d'une civilisation supé-
rieure, exquise de politesse et d'élégance. Les femmes de la cour d'Anne
d'Autriche tenaient à grand honneur d'attirer l'attention de ces vieillards
grâce auxquels ' il y avoit encore en France quelque reste de la politesse
que Catherine de Médicis y avoit apportée d'Italie ' " {Mém. de Mme de
Motteville). A. Barine, La jeunesse de la Gr. Mlle.
UOrasie de Mézeray avait déjà dépeint "la plus pompeuse cour que
l'on ayt jamais veue une cour où régnoient les vrayes civilités &
la plus piire politesse: où les fausses galanteries & les bassesses ne s'es-
toient point introduites." Épître, 1646.
2 Ceux de Castelnau, p. e. (avec add. de Jean Laboureur, 1659, F»).
Cette dociimentation ne fut pas ignorée des contemporains. Valincour
écrit "Il n'est rien de plus véritable et l'on trouve dans les mémoires
d'un courtisan qui fut présent à ce spectacle " Il ne nomme pas Bran-
tôme mais les détails qu'il remarque sont dans les Mémoires. C'est
M. L. Lalanne qui indiqua l'usage qu'en avait fait Mme de La Fayette.
Voir Brantôme, sa vie el ses écrits, p. 367.
Nous avions l'intention, au début de ce travail, d'étudier en détail
ix] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 159
roman. Mais il y avait dans Brantôme beaucoup de choses qui
déplaisaient à Mme de La Fayette et qui juraient avec l'atmo-
sphère de son roman. Elle a donc exercé son droit d'artiste et
a atténué et, au besoin, supprimé ce qui aurait fait tache dans
la Princesse de Clèves.
Voici, à titre d'exemple, le portrait de Nemours par Bran-
tôme : " Qui n'a veu Monsieur de Nemours en ses années guayes
il n'a rien veu, et qui l'a veu le peut baptiser par tout le monde la
fleur de toute chevallerie ; et pour ce fort aymé de tout le monde et
principallement des dames desquelles (au moins d'aucunes) il en a
tiré des faveurs et bonnes fortunes plus qu'il n'en vouloit et
plusieurs en a il refusé qui lui en eussent bien voulu départir.
J'ai cogneu deux fort grandes dames, des belles du monde qui
l'ont bien aymé, et qui en ont bruslé à feu descouvert, et couvert,
que les cendres de discrétion ne pouvoient tant couvrir qu'il ne
parust. Plusieurs fois leur ay-je veu laisser les vespres à demy
dictes pour l'aller veoir jouer ou à la paulme, ou au ballon, en la
bassecour des logis de nos rois. Pour en aymer trop une et
les sources historiques de la Princesse de Clèves, et si nous ne l'avons
pas fait, ce n'est pas parce que le sujet manque d'intérêt ou parce que ces
sovirces sont introuvables, c'est tout simplement parce que nous avons
appris en cours de route que cette tâche a été entreprise avant nous par
des personnes plus compétentes et plus susceptibles de la mener à bien.
En eiïet, parmi nos confrères de la Société d'histoire littéraire de la
France il y a tout d'abord M. Chamard qm a cette question en main —
et depuis longtemps M. Rudler est venu se joindre à lui, après avoir tra-
vaillé seul pendant quelque temps. Voilà même, nous apprend-on, qu'iin
troisième membre de la Société s'est occupé du même sujet. De tout
ceci rien n'est publié au moment où nous écrivons ces lignes. Les travaux
de MM. Chamard et Rudler paraîtront sous forme d'édition critique.
La troisième personne s'est désistée en faveur de ses confrères — mais
publiera peut-être son travail après eux. Nous aurions mal employé
notre temps si, avec tant d'autres recherches à faire sur notre auteur,
nous nous étions obstiné à travailler dans le champ qvii occupe seul
l'attention de ces messieurs, et cela aiirait été même indélicat, car c'est
en assistant aux excellentes leçons de M. Chamard que nous avons eu
l'idée d'entreprendre ce travail. Nous ne donnerons ici que quelques
détails déjà connus — ou les résultats de nos petites recherches — très
content de pouvoir laisser cette question entre les mains de travailleurs
aussi compétents.
Nous venons de recevoir, quand la première partie de ce travail est déjà
sous presse, le numéro de la Revue du XV I^ siècle contenant le premier
article de MM. Chamard et Rudler sur cette question des sources de la
Princesse de Clèves. Nous nous faisons un plaisir d'appeler l'attention
des travailleurs sur cet article très docimaenté et du plus haut intérêt.
160 Madame de La Fayette [ch.
lui estre fort fidelle, il ne voulut ajmaer l'autre, qui pourtant
l'ayinoit tousjours. Je luy ay ouy raconter plusieurs fois de
ses advantures d'amours, mais il disoit que la plus propre
reeepte pour jouyr de ses amours estoit la hardiesse ; et qui
seroit bien hardy en sa première poincte infailliblement il em-
porteroit la forteresse de sa dame ; et qu'il en avoit ainsy
conquis de ceste façon plusieurs et moictié à demy force et
moictié en jouant."
On n'a qu'à comparer ce portrait avec celui qu'écrit Mme de
La Fayette, pour discerner, en même temps que de grandes
ressemblances, des différences importantes et caractéristiques.
EUe ne tient aucun compte de la dernière phrase^, qui déton-
nerait dans son roman. Partout ailleurs, en utilisant Brantôme,
elle supprime ses gaillardises et adapte son esprit de camp aux
besoins des gens de la cour. Brantôme est trop prolixe en parlant
de Henri II — elle le résume. Elle fait faire un brin de cour à
Madame la Dauphine par le duc de Nemours, bien que Brantôme
n'en dise rien, mais lorsqu'elle raconte le projet de mariage entre
le duc et Elisabeth d'Angleterre elle suit les mémoires d'assez
près. "Ceste mesme reine," écrit Brantôme, "ayant ouy tant
renommer M. de Nemours des perfections et valleurs qui estoient
en luy, fut curieux d'en demander des nouvelles à feu M. de
Randan, lorsque le roy François second l'envoya en Escosse
faire la paix devant le Petit Lictz qui estoit assiégé." C'est là
qu'on voit le roi faire des efforts pour persuader Nemours
d'essayer sa bonne fortune, qu'on apprend les préparatifs de
Nemours, et que ce dernier se fait précéder de M. de Lignerolles.
"Tout à coup ledict voyage se rompit," dit Brantôme et il
ajoute: "Je dirois aussy bien qu'homme de France, à quoy il
tint que ceste rupture se fist, si -non qu'en passant, ce seul mot :
que d'autres amours, possible, luy serroient plus le cœur et le
tenoient plus captif et arresté^."
Madame de La Fayette fait une transposition chronologique
puisque le fait se passe sous François II, et elle profite de la
vague raison donnée par Brantôme pour attribuer à un amour
pour la princesse de Clèves le changement survenu dans les
projets de Nemours.
>àr 1 Et Bayle, dans ses Nouvelles lettres, 1685, T. li. 652 Im en fait un
grief. Il trouve que Nemoiirs a trop de timidité et trop de respect pour
être dans le siècle ("dans notre siècle" écrit Bayle) et cite le passage de
Brantôme ci -dessus pour prouver que Mme de La Fayette a gâté "la
nature et la vérité." 2 Brantôme, Éd. Elzév. xn. 350-352.
IX] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 161
On remarquera que Madame de La Fayette use de l'histoire
à peu près de la même façon que Corneille et Racine. Corneille
prend un homme au-dessus de la nature, mais son choix s'appuie
sur l'histoire. Racine est plus humain, mais lui aussi se sert de
l'histoire et de la légende. Dans la Princesse de Clèves, il n'y a que
les personnages secondaires qui soient historiques. Le prince
de Clèves ne s'est jamais marié. Mademoiselle de Chartres n'a
jamais existé, mais le Vidame de Chartres auquel l'auteur du
roman la rattache est un personnage historique et trouve place
dans les récits de Brantôme, Les projets de mariage de Madame,
sœur du roi, se Usent également dans les Vies des Dames illustres 'y
Madame de La Fayette est plus concise que Brantôme. Pour
l'histoire de Diane de Poitiers les som'ces en sont éparses dans
les Mémoires, mais Madame de La Fayette dut avoir sous la
main d'autres mémoires de l'époque qu'elle utihsa en vue de ce
chapitre. Au tournoi, les couleurs du duc de Nemours que
donne Brantôme, sont celles-là même que donne Madame de
La Fayette . . . . " Monsieurde Nemours jaune et noir^(ui^igmfien^
jouissanceet fermeté ou ferme en jouissance, car il estoit alors,
ce'dîsôît^on, jouissanto^me des plus belles dames du monde et
pour ce devoit-il estre ferme et fidèle à elle pour bonne raison
car ailleurs n'eut-il sceu mieux rencontrer et avoir^."
Brantôme ne fait qu'une allusion discrète à la Maison du
Vidame de Chartres et de la reine ("Une très grande dame fut
fort blâmée...."), mais Castelnau dit ouvertement, " ....la Reine
Catherine, qu'il avoit longtems ser\àe par une pure inclination. ..."
Ces quelques citations^ suffisent pour indiquer la façon dont
Mme de La Fayette se documentait. Lorsque les travaux qui
sont actuellement entrepris, et dont nous avons parlé dans une
note, seront pubhés, nous pourrons pénétrer encore plus avant
dans les méthodes de notre auteur. Mais on ne se contente pas
de rechercher, en ce moment, les sources historiques de la
Princesse de Clèves, on va plus loin : on en recherche les sources
romanesques. La tâche est plus difficile. Et pourtant on peut
croire que les lectures de Mme de La Fayette ont influé sur le
romanesque de son Hvre. Li'Amadis (rv. p. 151) peut lui avoir
^ Citation de Brantôme dans les Mém. de Castelnau, 1731, i. Add. de
Laboureur au Liv. i. Chap. i. p. 271. Laboureur publia dans l'édition
de 1659 des notes tirées des manuscrits de Brantôme. Cette édition a
servi à Mme de La Fayette.
^ Voir aussi Lalanne, op. cit. Appendice "Brantôme et la Princesse
de Clèves."
A. Il
162 Madame de La Fayette [ch.
donné l'idée de la scène mélancolique où Nemours se promène
le long de la rivière bordée de saules^. Les saules même — bien
que leur présence résulte probablement d'une observation directe
de Mme de La Fayette — peuvent être un souvenir du passage
que voici: "Il n'y a nulle avenue que quelques arbres qui sont
plantés sans ordre des deux costés d'un mail. Mais les saules
qui bordent la rivière fort près l'un de l'autre composent de
l'espaisseur de leur testes un ombrage.... etc. 2" C'est Segrais
qui écrit cela dans une de ses nouvelles. On fait remarquer aussi
que "la fin pénétrante de Madame de Clèves semble un souvenir
lointain de la conclusion mélancolique des amours de Guenièvre
et de Lancelot. Partagée entre la passion la plus légitime et le
remords d'avoir involontairement abrégé la vie de son mari,
Madame de Clèves prend le même parti que l'épouse coupable
d'Artus et avec quelle élévation î^" On se rappelle que dans
VAmadis, Lisvart aime Gradafilée du vivant de sa propre femme.
Gradafilée ne lui cède pas. Lorsque Lisvart se trouve libéré par
la mort de sa femme, Gradafilée le marie avec l'impératrice de
Babylone'*.
Nous admettrions plus volontiers une influence générale de
VAmadis et de VAstrée, une influence telle qu'un livre lu pour
le plaisir, et non pas pour le profit, peut exercer sur les idées
du lecteur. Ces deux romans ont pu aider à cette conception
exaltée de l'amour, à cette élévation continue, à cette générosité
magnanime qui se trouvent dans tous les romans de Madame de
La Fayette.
Mais Madame de La Fayette ne manquait pas de se servir
des incidents de la vie réelle. Par exemple, elle avait déjà raconté,
dans VHistoire d'Henriette d'Angleterre, comment le comte de
Guiche avait été blessé. Madame en entendit des nouvelles
alarmantes chez le roi et elle "en fut si saisie qu'elle fut heureuse
que l'attention que tout le monde avoit pour la relation empê-
chât de remarquer le trouble où elle étoit." Le duc de Nemours
est blessé de même ; la princesse de Clèves, présente, éprouve un
^ On doit cette remarque à Eug. Baret, De VAmadis de Gaule et de
son influence, p. 173 et smv.
2 La rivière bordée de saules revient souvent dans les écrits des
contemporains de Mme de La Fayette. "Anaxandre et Amalthée ont
une maison à vingt milles de Syracuse — une petite rivière qai après
avoir serpenté dans les prairies bordées de saules — " (Clélie, T. vi. 1658,
p. 825). Ce serait donc un souvenir de cette maison?
^ Baret, op. cit.
4 Voir V. du Bled, La Soc.fr. i. 49.
il
ix] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 163
saisissement tout comme Madame, mais elle n'a pas le même
bonheur de pouvoir le cacher à tout le monde. Pour le caractère
de Nemours, sa vie galante, le changement brusque qui s'opère
en lui après sa rencontre avec la princesse de Clèves, certains
de nos prédécesseurs ont suffisamment démontré que Madame
de La Fayette avait sous les yeux un modèle en la personne de
La Rochefoucauld. Il en est de même pour la princesse — et,
comme nous l'avons déjà vu, la mère serait un souvenir de
Madame de La Vergne. Sans transformer le roman en auto-
biographie, on doit admettre que l'auteur a puisé dans son
expérience personnelle aussi bien pour certains événements que
pour les sentiments des personnages.
Mémoires historiques, vieux romans, expériences person-
nelles, voilà des sources que l'on ne saurait reprocher à Madame
de La Fayette. Ce n'est pas tout. Elle aurait, dit-on, utilisé
un roman contemporain écrit par Mme de Villedieu. Elle lui
aurait pris, non pas un détail, mais l'idée fondamentale de son
roman — l'aveu d'une femme, coupable seulement dans son
cœur, aveu fait à son mari qui l'aime et n'en est pas aimé. Cet
emprunt, si c'en est un, ne passa pas inaperçu aux yeux du
critique Vahncour qui fait dire à une "personne de qualité,"^
"Je sçay bien que dans le second tome d'un certain Uvre que
l'on appelle, si je ne me trompe. Les Désordres de Vamour, on
trouve une histoire qui a quelque rapport avec celle-cy. On y
voit le Marquis de Termes amoureux de sa propre femme: on
voit cette femme répondre aux empressements de son mari avec
beaucoup de froideur et d'insensibiUté, chercher la soHtude,
fuir le grand monde, & enfin devenir malade de chagrin. Son
mari en est au désespoir; il ne la quitte point: & l'ayant un
jour surprise comme elle fondoit en larmes, il la presse de luy
découvrir le sujet qui les faisoit couler. Elle s'en défend long-
temps, & enfin elle luy avoue qu'elle aimoit le jeune Baron de
Bellegarde....Il répond.... ce que vous ne devineriez pas sans
doute: il asseure sa femme qu'il ne sera jamais content qu'elle
n'ait épousé celuy qu'elle aime. Il part de la main pour aller
soUiciter la dispense auprès du Saint Père : & jugeant que l'affaire
pourroit traîner en longueur de ce costé-la il se fait tuer à la
première occasion qu'il en trouve, après avoir fait son Testa-
ment, dans lequel il fait son neveu son légataire universel, à
condition d'épouser celle qu'il laissoit veuve^par sa mort.
C'estoit un mari, cela, ajousta-t-il en riant. ...^"
1 Valincoxir, Lettres à la Marquise, pp. 216-218.
11—2
164 Madame de La Fayette [ch.
Aussitôt le défenseur de Mme de La Fayette répond dans
ses Conversations sur la critique de la Princesse de Clèves^: "Ce
qu'il y a de seur à l'égard de l'Auteur de la Princesse de Clèves
& que je sçay de bonne part, c'est qu'il avoit fait son Histoire
longtems avant l'impression du Livre des Désordres de V Amour. ^^
La question en resta là jusqu'en 1898; à cette époque
M. Armand Praviel publia dans la Revue littéraire un article que
nous n'avons vu mentionné sur aucune bibliographie et qui paraît
/ • I n'être guère connu. Dans cet article, consacré à l'aveu et à
l'emprunt prétendu fait au roman de Mme de Villedieu, M. Pra-
viel date ce dernier de 1664 ou 1665, et pour cela il s'appuie sur
V Histoire littéraire des femmes françaises. Il est difficile de fixer
la date exacte de ce roman, devenu très rare^, mais nous ne
croyons pas qu'il soit de 1665. Dans la sixième partie du
Journal Amoureux Madame de Villedieu dresse une liste de ses
ouvrages et ajoute qu'elle est "fidèle jusqu'à la fin d'Avril de
l'année 1671, et je proteste," ajoute-t-elle, "que je n'ai jamais
fait imprimer que les livres dont il fait mention^." Il n'y est pas
question des Désordres de F Amour. Langlet du Fresnoy attribue
la date 1676 à ce roman*. Sans savoir si la Princesse de Clèves fut
achevée avant la publication des Désordres de V Amour comme le
prétend l'abbé de Charnes, nous pouvons croire ou à une source
commune pour cette scène qui se retrouve dans les deux romans
et dans le fait-divers du Mercure de janvier 1678, ou même à une
indiscrétion de Madame de La Fayette qui en aurait donné ainsi
l'idée à Mme de Villedieu et à de Visé. M. Baldensperger qui a
rapproché le fait-divers et la Princesse de Clèves a envisagé la
possibilité d'une telle indiscrétion mais il objecte "L'espèce de
stupeur que la scène de l'aveu provoqua après la publication du
livre (la Princesse de Clèves) chez des lecteurs qui auraient
été en mesure de la connaître et qui auraient eu le loisir de s'en
inquiéter^." Cette objection a moins de force que l'on pourrait
le croire car il est certain que les Désordres de V Amour conte-
naient un aveu analogue — ce qui aurait dû diminuer encore
davantage la "stupeur." Et puis, qui éprouva cette "stupeur"?
Bussy-Rabutin surtout qui, d'après sa propre affirmation, ne
1 Anon. (L'abbé de Charnes), Paris, Barbin, 1679, in 12°, p. 231.
2 La Bibl. Nat. ne possède qu'xui exemplaire incomplet.
2 Voir le Cap. Derome, Madame de Villedieu inconnue, Mamers, 1911.
* Bihl. des Romans, ii. 55.
^ Rev. de philol. fr. et de litt. xv. 1901, 26. À propos de l'aveu de la
princesse de Clèves. Voir aussi le Mercure de janv. 1677, p. 35.
I
L
ix] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 165
lisait plus de romans depuis le collège. Rien d'étonnant donc
qu'il n'eût pas vu celui de Madame de Villedieu.
Mais si Madame de Villedieu, qui travaillait vite, a su profiter
d'une indiscrétion due au fait que Madame de La Fayette com-
muniquait facilement son manuscrit, il est certain que cette
dernière de son côté ne pouvait ajouter cette scène au dernier
moment, après l'avoir lue dans un roman publié en 1676^. Il est
de toute évidence que tout le roman de la Princesse de Clèves fut -^
écrit en vue de l'aveu. En voici la preuve, si elle est nécessaire.
À la page 66^, le prince de Clèves dit à sa femme, en racontant
l'histoire de Sancerre, "....la sincérité me touche d'une telle
sorte que je crois que si ma maîtresse, et même ma femme,
m'avouaient que quelqu'un lui plût, j'en serois affligé sans en
être aigri : je quitterois le personnage d'amant ou de mari, pour
la conseiller et pour la plaindre." Madame de La Fayette ajoute,
"Ces paroles firent rougir Mme de Clèves, et elle y trouva un
certain rapport avec l'état où elle étoit...."
À la page 96, Mme de Clèves se rappelle ces paroles de son
mari et "il lui sembla qu'elle lui devoit avouer l'inclination
qu'elle avoit pour M. de Nemours." À la page 107, la princesse
se repent "de n'avoir pas suivi la pensée qu'elle avoit eue de lui
avouer (c. à d. à son mari) l'inchnation qu'elle avoit pour M. de
Nemours."
À la page 130, à propos de la lettre perdue, Madame la
Dauphine dit à la princesse de Clèves, " ....Il n'y a que vous de
femme au monde qui fasse confidence à son mari de toutes les
choses qu'elle sait."
À la page 136, la princesse se dit "si M. de Clèves s'opiniâtre
à l'empêcher ou à vouloir en savoir les raisons, peut-être lui ferai-
je le mal, et à moi-même aussi, de les lui apprendre." A la page
140 vient l'aveu. ,
En somme, bien que nous ne puissions encore préciser la date
du roman de Mme de Villedieu et trancher ainsi la question, nous
penchons du côté de Mme de La Fayette et nous croyons jusqu'à
nouvel avis que c'est elle qui eut la première cette idée de l'aveu.
Madame de La Fayette ne se serait pas contentée de l'aide
des livres, elle aurait profité aussi de l'aide de ses amis Segrais
et La Rochefoucauld. Nous avons déjà vu au sujet de la Prin-
cesse de Montpensier qu'on attribua à Segrais un rôle qui fut
^ On trouvera à l'appendice x. le passage tel que M. Praviel l'a donné
dans son article.
2 Éd. de Lescvire, 1881.
166 Madame de La Fayette [ch.
tenu en réalité par Ménage^. De plus, Segrais, qui pour Zaïde
ne peut s'empêcher de réclamer une part de collaboration, dit
simplement dans le même paragraphe^, "La Princesse de Clèves
est de Madame de La Fayette." Enfin, lorsque le roman parut
chez Barbin en 1678 il y avait déjà deux ans que Segrais s'était
retiré en province. Nous n'ignorons pas que l'on a souvent
écrit que le roman était terminé en 1672, mais pour nous con-
vaincre il faudrait nous mettre sous les yeux le manuscrit de
la lettre de Madame de Sévigné sur laquelle repose cette asser-
tion. Si vraiment elle écrivit^ le 16 mars 1672 le passage que
voici : "Je suis au désepoir que vous ayez eu Bajazet par d'autres
que moi. C'est ce chien de Barbin qui me hait parce que je ne
fais pas des Princesses de Clèves et de Montpensier," pourquoi
éprouve-t-elle le besoin de faire la première allusion au texte de
ce roman le 18 mars 1678 et d'exphquer que c'est un petit hvre
qui vient de paraître? Mme de Scudéry, écrivant à Bussy le
8 décembre 1677, annonçait comme une grande nouvelle que
"M. de la Rochefoucauld et Madame de La Fayette ont fait
un roman des galanteries de la cour de Henri second qu'on dit
être admirablement bien écrit.. . .■* " Dans le cercle le plus intime
de Mme de La Fayette, le roman circulait donc en manuscrit,
comme une nouveauté, à la fin de l'année 1677^. Nous n'ignorons
pas la difficulté qu'il y a à attribuer la part qui revient à tel ou
tel collaborateur dans une œuvre de ce genre, mais nous avouons
franchement ne pouvoir rien trouver dans ce roman qui montre
le rôle important qu'aurait joué Segrais. Dieu merci ! rien n'est
fait "selon les règles de l'art"; — de ces "règles de l'art" qu'il
avait appHquées à Zaïde.
1 Brédif, Segrais, 1863, pp. 64 et siiiv. "En 1662 quand elle eut
composé Mme de Montpensier elle n'osa s'en avouer l'auteur. Segrais
qui l'avait aidée à composer l'ouvrage le publia sans la nommer." Et
voilà pourquoi elle écrivit à Ménage pour avoir des nouvelles de l'im-
pression et pour traiter avec son libraire ! ! !
2 Segraisiana, p. 9. Cité plus haut à propos de Zaïde. Il est vrai que
dans un autre passage il insinue qu'il aurait dû répondre aux critiques
de Valincour mais ailleurs il se contredit comme il avait fait pour Zaïde.
^ D'après l'autre explication elle avait écrit "Zaïde" et Perrin crut
devoir substituer la "Princesse de Clèves" à "Zaïde" comme étant plus
célèbre. Voir la note à ce passage dans le T. n. de l'éd. des G. É. p. 534.
* Déjà citée à propos de la liaison.
^ Valincour écrit: "Jamais ouvrage ne m'a donné plus de curiosité.
On l'avoit annoncé longtemps avant sa naissance: des personnes très
éclairées et très capables d'en juger, l'avoient loué comme un chef-d'œuvre
en ce genre là " (op. cit. page 2).
ix] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 167
Et si nous écartons ainsi la collaboration de Segrais, ce n'est
certes pas pour donner à La Rochefoucauld un rôle plus pré-
pondérant. Nous sommes tout prêt à croire qu'il fut consulté
sur des questions de style, qu'il discuta avec son amie des ques-
tions de psychologie — par exemple, la question toute "pré-
cieuse" de savoir si ce n'est pas "une chose fâcheuse pour un
amant que de voir (au bal) la personne qu'il aime" — qu'il fournit,
au besoin, quelques livres de sa bibliothèque, quelques souvenirs
de ses lectures^, quelques traits pour le personnage de Nemours,
mais nous ne pouvons croire qu'il ait travaillé régulièrement à
ce roman, qu'il y ait collaboré dans le vrai sens du mot, car cela
ne serait pas en harmonie avec son caractère. Quant à l'hypo-
thèse d'après laquelle il y aurait introduit des maximes, soit dit
avec tout le respect qu'on doit au savant éditeur des œuvres
de La Rochefoucauld^, elle frise le ridicule. Veut-on insinuer
que La Rochefoucauld émettait des maximes comme d'autres
disent "Bonjour"? Il semble plutôt qu'il demanda pas
mal de conseils pour celles qu'il publia sous son nom et qu'il
refit si souvent. Veut-on dire que Madame de La Fayette était
incapable d'en faire? En voici une de son cru: "L'on domie des
conseils.... mais l'on n'imprime point de conduite. C'est une
maxime que j'ay prié Mr de La Rochefoucauld de mettre dans
les siennes^." (Prière qui fut exaucée.) Et enfin y a-t-il tant de
maximes dans la Princesse de Clèves ?
Lorsque le roman parut il ne portait pas de nom d'auteur*
tout comme la Princesse de Montpensier. Malgré le changement
qui s'était produit d'après M. Anatole France^ entre la publica-
tion de ces deux ouvrages, changement qui lui aurait permis
d'avouer le premier en date, et non pas le second, Mme de La
Fayette agit à propos de la Princesse de Clèves exactement comme
elle avait agi pour la Princesse de Montpensier. Si l'on avait
connu la lettre que nous avons déjà citée et qui désavoue la
Princesse de Montpensier, la lettre suivante pubhée par M. Per-
rero n'aurait pas tant fait s'exclamer les critiques français^:
"....Un petit livre qu'a couru il y a quinse ans," écrit-elle le
1 Pas très étendues d'aillevirs, en dehors des romans.
2 G. É. I. p. Ixxxiii.
3 Lettres à Lescheraine, Curios di Stor. subalp. Fasc. xv. 1880; p. 499.
* Ce qui n'empêche pas toute une série de critiques (Fournel, Litt. ind.
p. 209 ; Petitot, vol. LXiv. p. 353; Morillot, Le rom. au XV 11% p. 12; Jay en
tête de son édition, etc. etc.) de dire qu'il parut sous le nom de Segrais.
^ Intro. P. de C. pp. xv, xvi.
® Voir la bibliog. pour les articles de M. Hémon à ce sujet.
168 Madame de La Fayette [ch.
13 avril (1678), "et ou il plut au public de me donner part ce
fait qu'on men donne encore a la P. de Cleves. Mais je vous
asseure que je ny en ay aucune et que Mr de la Rochefoucauld a
qui on la voulu donner aussi y en a aussi peu que moy ; il en fait
tant de serments qu'il est impossible de ne le pas croire surtout
pour une chose qui peut estre avouée sans honte, pour moy ie suis
flatee que Ion me soupçonne et ie croye que iavourois le Hvre si
cestoit asseuree que l'autheur ne vint jamais me le redemander,
le le trouve très agréable bien escrit sans estre extrêmement
châtie plain de choses d'une deUcatesse admirable et qu'il faut
mesme rehre plus d'une fois, et surtout ce que cy trouve cest
une parfaite imitation du monde de la court et de la manière dont
on y vit il ny a rien de romanesque et de grimpe, aussi nest ce
pas un roman cest proprement des mémoires et cestoit, a ce que
Ion ma dit, le tiltre du livre mais on la change. Voila, Monsieur,
mon jugement sur Me de Cleves, ie vous demande aussi le vostre,
on est partage sur ce livre la a se manger, les uns en condanne
ce que les autres en admirent^ ajmsi quoi que vous dire ne
craignes point d'estre seul de vostre party....^"
On n'a qu'à rapprocher cette lettre de celle qui est transcrite,
dans notre chapitre iv., pour se rendre compte que Madame de
La Fayette ne faisait en l'écrivant que ce qu'elle avait prié
Ménage de faire dans le cas où l'on attribuerait, devant lui, la
Princesse de Montpensier à son élève. Il serait oiseux de cher-
cher dans le nom de Nemours que portait Madame Royale une
raison à ce mensonge de son amie. Nous en avons donné d'assez
bonnes à propos de la Princesse de Montpensier. Depuis la
pubhcation de cet ouvrage, Bossuet avait dit devant elle que
les romans étaient de "frivoles et dangereuses fictions^" et un
de ses amis de Port-Royal* s'exprimait ainsi: "un faiseur de
romans. ...est un empoisonneur pubHc." Ce n'était pas pour
encourager Madame de La Fayette à changer d'attitude.
Il serait ridicule pourtant d'ajouter foi à cette lettre de
Madame de La Fayette et de croire que le roman n'est pas d'elle.
Elle écrivait ainsi à Lescheraine qu'elle accusait d'avoir "la
langue bien longue" mais elle parlait tout autrement à son ami
Ménage. Ce n'est qu'après avoir écrit les pages qui précèdent
^ Fontenelle, par exemple, admire ce que Biissy-Rabutin condamne.
Il est tout naturel que la même difîérence de jugement se trouve entre
Valincour et l'abbé de Charnes.
2 Perrero, Curiositâ, etc. cité plus haut, pp. 496-7.
^ Or.Jun. Jouaust, p. 51. * Nicole.
ix] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 169
que nous avons trouvé dans la correspondance de Madame de
La Fayette le billet suivant:
"Vous pouves parler dans vostre histoire de Sablé des deux
petites histoires dont vous me parlastes hier mais je vous demande
en grâce de nommer personne ny pour lune ny pour l'autre. Je
ne croy pas que les deux personnes que vous me nommés y ayent
nulle part qu'un peu de correction. Les personnes qui sont de vos
amis n'advouent point y en avoir mais a vous que n'advourait-
elle point (sic). Je suis dans un estât qui me conduit entièrem*
à songer à mon salut je suis ravie de ce que vous me mandés de
vos dispositions cela fortifiera les miennes.... etc. ^" (Inédite.)
Nous étions tout prêt à croire qu'il s'agissait de la Princesse
de Montpensier et de la Princesse de Clèves. Heureusement, ce
brouillon de lettre de la main de Ménage vient confirmer cette
hypothèse.
"....Il y a cinq ou six ans que ie fis imprimer un Hvre de
généalogies intitulé l'Histoire de Sablé, le livre doit estre suivi
d'un autre sur la mesme matière dans lequel au sujet de votre
Princesse de Montpensier j'ay dit que c'estoit cette Princesse
de Montpensier dont vous avies escrite l'Histoire avec toute
sorte d'élégance et d'agrément et que cette Histoire seroit
incomparable si vous n'aviez point escrit celle de la Duchesse de
Clèves qui lui est comparable. Je vous demande premièrement
Madame si vous voulez bien qu'on disse que vous avez fait des
livres et je vous demande en segond Heu si vous avez fait cette
Histoire de la Duchesse de Clèves comme je l'ay dit et comme j'en
suis persuadé car quelques uns disent que c'est Mr de la Roche-
foucaut qui l'a faite; et d'autres que c'est Mr de Segrais. Aiant
l'honneur de vous connoistre depuis que vous estes née & aiant
eu l'honneur de vous voir aussi long-tems, aussi longtems et
aussi particuhèrement que j'ay fait il me seroit honteux d'avoir
été mal informé de cette particularité & d'en avoir mal informé
le pubhc. Je vous suppHe donc Madame de me faire savoir la
vérité de la chose.... etc." (Inédite.)
Et Madame de La Fayette à une époque où elle pense entière-
ment a son salut fait savoir '"la vérité de la chose." C'est bien
elle qui fut l'auteur de la Princesse de Clèves. Les critiques
français étaient trop perspicaces pour en douter — même après
^ Corresp. inédite de Mme de La Fayette. Collection Feuillet de
Conches. Ménage semble avoir respecté les désirs de son amie, et même
d'avoir poussé la délicatesse au point de ne pas faire mention des deux
ouvrages en question dans le second tome de YHistoire de Sablé,
170 Madame de La Fayette [ch.
la publication de la lettre trouvée par M. Perrero; nous sommes
heureux, pourtant, de pouvoir apporter un document à l'appui
de leurs arguments.
III
D'après Madame de La Fayette elle-même ses contemporains
étaient partagés sur ce livre "à se manger." En effet, il paraît
avoir soulevé beaucoup de discussions auxquelles prirent part,
entre autres, Bussy-Rabutin, Madame de Sévigné, Fontenelle,
Mlle de Scudéry. On trouvera mention de leurs appréciations
à l'appendice, faute de place pour les examiner ici. Mais une
autre appréciation prit les dimensions d'un livre et elle mérite
de retenir notre attention pendant quelques instants. Il s'agit
de "lettres" qu'on attribuait généralement, mais à tort, au
Père Bouhours^. Elles étaient de VaUncour et suffirent à faire
la réputation du jeune critique aussitôt que l'on sut qu'elles
étaient de lui. Il serait injuste de le chicaner, car son petit hvre,
préparé à la hâte et publié quelques mois après celui qu'il criti-
quait, est plein d'observations motivées qui prouvent un goût
littéraire déhcat et un sens critique fort développé. Certes, on
rencontre des exagérations et parfois la critique est poussée trop
loin, mais le moyen d'éviter ces défauts dans un Uvre de ce
genre? Certaines contradictions sont plus graves. Valincour
raille à la page 15 un passage qu'il trouve "d'une grande déli-
catesse" à la page 139. Mais il faut retenir des observations
justes. C'est VaUncour qui critique la description du début
comme trop longue, le récit de Madame de Chartres comme
inutile, la lettre perdue comme une coïncidence un peu trop
chargée de conséquences, l'indiscrétion de Nemours, le peu
d'inteUigence du monsieur chargé par le mari d'épier Nemours,
la rencontre de Madame de Clèves et de Nemours dans le jardin
hors les faubourgs. Jusque là il a raison, mais lorsqu il estime
que le roman prend trop de hbertés avec l'histoire, que la prin-
cesse manque d'esprit, que les recommandations de la mère
mourante viennent trop tard, etc.... nous ne sommes plus avec
lui. Nous revenons de nouveau nous ranger de son côté lorsqu'il
loue la psychologie de l'œuvre, admire le trait de la princesse qui
cache à sa mère sa première passion, trouve peu naturelle la
^ Les Lettres à la Marquise de sur le sujet de la Princesse de Clèves,
Paris, Sebastien Cramoisy, 1678, in 12°, étaient en réalité par de Troussât
de Valincoiir, mais le Père Bouhours a pii collaborer avec l'autenr pour
les remarques sur le style. Voir l'art, de M. Faguet dans la Rev. des
deux mondes, 15 mai 1909.
IX] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 171
fameuse lettre, fait remarquer la ressemblance de l'aveu avec
celui des Désordres de V Amour, admire que la princesse ne ré-
ponde pas à sa mère mourante, et critique quelques détours de
préciosité. Lorsqu'il critique la langue, nous sommes souvent de
son avis — pas toujours, cependant; il nous est malheureusement
impossible d'entrer dans de tels détails qui sont pourtant fort
intéressants pour l'étude de la langue. Contentons-nous de
renvoyer le lecteur au petit livre en question ou à l'article de
M. Faguet cité dans notre note.
Madame de La Fayette, d'après Segrais, "a méprisé à ré-
pondre " à ce critique. Segrais lui-même ne voulut pas prendre
la peine de le faire parce que cet auteur, qu'il croyait être le
Père Bouhours, "n'avoit aucime connoissance des règles de ces
sortes d'ouvrages, ni de l'usage du monde^." L'abbé de Char-
nes2 crut bien faire en se chargeant de cet ofïice. Nous aurions
mieux aimé qu'un autre eût entrepris la tâche — ou même que
tout le monde eût fait comme Segrais. La réponse de l'abbé de
Chames à im petit hvre léger, agréable à hre, poh, et exempt
de toute critique touchant la personne de l'auteur, commence
par quelques traits qui sont évidemment destinés au critique
ou à celui qu'on croyait être le critique. L'abbé de Chames a
tout l'air de répondre au Père Bouhours et non pas au jeune
Vahncour. Le procédé qu'il emploie consiste à retourner contre
le critique lui-même, en les apphquant à son hvre, les reproches
faits à l'auteur de la Princesse de Clèves. De Chames trouve à
redire jusque dans les petits procédés imaginés par Vahncour
pour présenter ses observations d'une façon intéressante. En
somme, bien que plusieurs de ses réponses soient bien trouvées
et d'autres bien fondées, l'ensemble est moins déhcat et moins
digne de la Princesse de Clèves que ne l'est le hvre qui avait
pour but de l'attaquer.
Si Madame de La Fayette ne répondit pas directement à la
critique,elle l'a fait indirectement, en ce qui conceme l'aveu, dans
une petite nouvelle qui passa de main en main parmi ses amis,
mais qu'elle ne pubha pas : la Comtesse de Tende. Cette nouvelle
ne fut hvrée à l'impression qu'en 1724, date à laqueUe eUe parut
1 C'est ici que Segrais a l'air de revendiquer une part au roman car
il ajoute "et que je faisois beaucoup plus d'état de l'approbation de
Mad la comtesse de la Fayette et de M. de La Rochefoucaiild qui avoient
ces connoissances en perfection."
2 Conversations sur la Critique de la Princesse de Clèves, Paris, 1697,
in 120.
1 72 Madame de La Fayette [ch.
dans le Mercure de France^. Est-ce son fils l'abbé qui en com-
muniqua le manuscrit? Est-ce un des manuscrits qu'il prêta
et que l'on donna à imprimer au lieu de le lui rendre? A-t-on
envoyé au Mercure l'une des nombreuses copies^? Toujours
est-il que la nouvelle y fut imprimée, et sous le nom de Madame
de La Fayette. Elle eut ainsi l'honneur d'être le premier de ses
romans paru sous son nom.
La tradition^ veut que la Comtesse de Tende ait été écrite
uniquement pour motiver l'aveu contenu dans la Princesse de
p Clives en mettant en scène encore une fois une femme qui avoue
une infidélité à son mari. Mais cette fois-ci la femme attend
d'être grosse de son amant pour faire l'aveu. Et la raison de
Lj j cette attente serait que Madame de La Fayette aurait voulu
/
démontrer qu'une femme peut faire l'aveu d'une culpabilité
plus grande que celle de la princesse de Clèves. Piquée par les
critiques adressées à cette partie de son roman, elle a pu avoir
cette intention, mais elle eut raison de ne pas livrer son manu-
scrit à l'impression, car après la Princesse de Clèves, la Comtesse de
Tende nous semble être bien faible. Autant l'aveu de la prin-
cesse est émouvant parce que sa conscience seule l'y forçait,
autant cet aveu de la comtesse nous paraît banal et dépourvu
de dignité. Elle n'a plus de relations avec son mari depuis long-
temps, elle est grosse, qu'elle fasse un aveu tout de suite ou
qu'elle laisse à l'enfant le soin de le faire, il est dorénavant
certain que sa faute sera connue. La lettre qu'elle écrit — car
c'est ainsi qu'elle fait son aveu et non pas de vive voix comme
la princesse de Clèves — dut être pénible à écrire, nous l'admet-
tons, mais ce n'est pas la difficulté seule qui fait la beauté de
tels aveux. La princesse de Clèves ressent la lutte engagée entre
sa passion et sa volonté, elle veut que cette dernière triomphe,
mais elle craint que la première ne l'emporte sur elle, et elle
se tourne du côté de son mari pour lui demander, dans cet aveu
que rien ne lui arrache, et auquel elle a déjà souvent pensé, un
soutien pour bien faire plutôt qu'un pardon. Chez la comtesse
de Tende il n'y a presque pas de lutte. Son mari, qui ne l'aime
pas et dont le cœur est occupé ailleurs, ne compte plus pour elle.
Au moment de céder à sa passion, son seul regret — et il ne dure
guère — c'est de trahir son amie qui va épouser celui qui est
^ Celle-ci n'est pas la date que donnent les bibliog. mais elle est bien
la date exacte. Voir notre bibliog.
^ Voir à la bibliog. la mention d'une de ces copies qui existe encore.
^ Voir Bibl. des Romans, v. 187.
I /
ix] T^p pç>^.^r^T. jue — La Princesse de Clèves 173
prei^jj^ à devenir son amant dans tous les sens du mot. En
nair^^ la Princesse de Clèves on plaint sincèrement l'héroïne
"'e qui ne veut pas dire qu'on l'excuse). En lisant la Comtesse
de Tende on se demande qui était à plaindre, qui avait tort.
Malgré la sévérité atroce de l'auteur, qui vers la fin de la nouvelle,
est d'une dureté et, disons le mot, d'une brutalité à faire fris-
sonner, on n'a guère de sympathie pour la comtesse ; et pourtant,
les grands torts du mari nous empêchent, d'autre part, de
nous intéresser à lui. Quant à l'amant, la nouvelle de sa mort
nous laisse absolument indifférents, car nous sentons trop bien
qu'il n'était dans la nouvelle que pour permettre à la comtesse
d'écrire à son mari "Je suis grosse."
Et pourtant, il ne manque pas de petites études psycholo-
giques dans cette courte nouvelle, qui suffiraient à la rendre
agréable si l'on ne sentait, par trop, la thèse.
On peut remarquer aussi avec quelle hardiesse Madame de
La Fayette choisit le cadre historique de sa nouvelle. La prin-
cesse de Clèves, qui n'avait péché que dans son cœur, n'exista
jamais, tandis que pour faire jouer le rôle de la femme coupable
l'auteur choisit un personnage historique. "Mademoiselle de
Strozzi," écrit-elle, "fille du maréchal, et proche parente de
Catherine de Médicis, épousa la première année de la régence de
cette reine, le comte de Tende, de la maison de Savoie..,."
Ce choix des personnages nous encourage à émettre une hypo-
thèse que nous donnons sous toutes réserves, car nous n'avons pu
jusqu'ici trouver aucun document susceptible de l'appuyer. En
écrivant la Comtesse de Tende qui, comme nous venons de le dé-
montrer, diffère beaucoup en son genre, de la déhcatesse habituelle
de son auteur. Madame de La Fayette n'a fait que livrer au public
la véritable source de l'aveu de la Princesse de Clèves. Elle
l'aurait adoucie pour son roman, comme elle avaitadouci certains
passages de Brantôme, elle aurait relevé le ton de toute l'his- !
toire en la développant, ainsi qu'elle avait fait pour tout son
tableau de la cour. La seule raison qui motive si peu que cej
soit cette hypothèse c'est l'exactitude des faits et des dates. II
est absolument exact que Honoré de Savoie, comte de Som-
merive et de Tende, ait épousé en 1558 Clarisse Strozzi. Cette
femme mourut cinq ans après le mariage, à Paris, en 1563. Quelle
est la source de l'histoire racontée par Madame de La Fayette
si toutefois il y a une source en dehors de son imagination?
C'est ce que nous ne savons pas encore. Brantôme en parle, mais
pour dire que la comtesse tomba dans la mer à Marseille et qu'à
partir de ce moment elle fut toujours souffrante. Madame de
\
V
\.
174 Madame de La Fax^^f^^ r^g^
La Fayette n'est pas partisan de secondes noces et en disan ^ _
fin que le comte de Tende ne voulut jamais se remarier, ,^^^
fausse la vérité, car il épousa Madeleine de la Tour d'Auvergi^
l'année même de sa propre mort, qui n'eut pas lieu "à un âge
fort avancé."
IV
Revenons à la Princesse de Clèves. Nous n'avons pas l'in-
tention de faire, après VaMncour, la critique de ce roman, ni,
après de Charnes, son panégyrique. Nous avons déjà présenté,
en passant, quelques critiques du premier, qui montrent que le
roman n'est pas parfait. Il y a, au début, des pages où l'histoire
est trop visible; la série de portraits faite à l'imitation de
V Histoire de Madame Henriette est bien dans le goût de l'époque,
comme le sont aussi certains épisodes tels que le récit de Madame
de Chartres, l'histoire d'Anne de Boulen et celle de Sancerre.
Ces pages du début sont quelque peu décousues et, certainement,
eUes sont trop longues. D'autre part, l'épisode de Sancerre est
le seul qui se rattache à l'histoire. Il y a encore des coïnci-
dences— celles de la lettre perdue, de la présence de Nemours
à l'aveu, du salon à Coulommiers où la princesse se laisse en-
traîner par sa passion et la laisse voir juste au moment où, à son
insu, M. de Nemours la guette, et d'autres encore. On peut
relever des inadvertances; le duc de Nemours déclare (p. 160),
*'I1 ne s'en faut guère.... que je ne sois de l'avis de Mme de Clèves,
qui soutient que cette aventure ne peut être véritable," or, le
duc n'était pas présent quand Mme de Clèves tint ce propos.
Mais on peut oubUer quelques fautes de détail, et même un peu
de gaucherie dans la disposition, tant il y a de beautés dans
l'étude des cœurs. Nemours ne nous intéresse pas outre mesure.
Il a beau être un chef d'œuvre de la nature, il est un peu fat avec
ses succès auprès des dames — même auprès de celles qu'il ne
daignait pas regarder. Puis il est trop indiscret et il essaie, après
l'aveu, de nuire au mari auprès de la princesse et d'une manière
assez lâche (p. 160). Nous préférons le mari qui aime sa femme
avant et après le mariage — même après l'aveu. C'est l'honnête
homme par excellence qui conquiert notre sympathie; nous
regrettons son entêtement à ne pas comprendre ce que son ami
avait vu à Coulommiers, et sa santé déUcate qui le fait suc-
comber à son chagrin. Il est vrai que sa mort était nécessaire
pour le développement de l'intrigue et pour la complète étude
des caractères. Nous aimons aussi la mère avec ses idées un peu-.
avancées sur l'éducation morale des filles et nous sommes tout
ix] T,f> p^^.niryi. ^^ — La Princesse de Clèves 175
prêt à croire que son mérite et sa vertu étaient "extraordi-
naires." Mais notre prédilection va à la princesse à cheveux
blonds qui, faute d'esprit, avait de l'intelligence et qui avait
surtout un cœur. Car, malgré son petit air froid, et son habitude
de trouver certaines choses au-dessus de ses connaissances, c'était
une passionnée que la princesse de Clèves. Elle était également
orgueilleuse. Même après la mort de son mari elle hésite à
épouser le duc de Nemours et ce n'est pas une simple question
de devoir, de bienséance, ou de responsabihté morale, r' Je sçais
que vous estes Ubre," dit-elle à Nemours, "que je le suis, et que
les choses sont d'une sorte que le pubhc n'auroit peut-estre pas
sujet de vous blâmer, ny moy non plus, quand nous nous
engagerions ensemble pour jamais (Voilà donc son orgueil à
l'abri). Mais les hommes conservent-ils de la passion dans ces
engagements éternels ? Dois-je espérer un miracle en ma faveur,
et puis-je me mettre en estât de voir certainement finir cette
passion dont je ferois toute ma f éUcité ? Monsieur de Clèves etoit
peut-estre l'unique homme du monde capable de conserver de
l'amour dans le mariage^" (Voilà la passionnée inquiète).]
Que n'est-il possible de suivre en détail le développement de
cette passion? Tout au début, la princesse raconte à sa mère
l'amour de Guise. Elle fait de même pour sa première rencontre
avec Nemours. Lorsque le prince de Clèves trouve qu'elle est
un peu froide avant le mariage — elle ne le comprend pas. Elle
s'intéresse à Nemours, n'en parle pas à sa mère, elle ne va pas
au bal pour faire plaisir au duc ; elle est satisfaite lorsque sa mère
expUque pour le monde son action ; elle n'est pas aussi contente
quand elle voit que sa mère donne une exphcation qui est claire
aux yeux de Nemours; elle fait son examen de conscience, et
comprend. Ainsi, à petits pas, elle s'avance vers le dénouement.
Une déclaration couverte de Nemours est suivie par de la joie,
la joie entraîne le remords, elle se reprend. La jalousie s'éveille
en elle, elle est heureuse de trouver ses craintes mal fondées, elle
est malheureuse d'avoir éprouvé ce bonheur. Elle prend des
résolutions, ne les tient pas, change d'avis, commet des impru-
dences, les regrette, et les renouvelle. Elle s'éloigne de son mari,
1 Madame de La Fayette croyait pourtant au bonheur dans le mariage
d'après une annotation à une maxime de La Rochefoucaiild qu'on lui a
attribuée. Il n'est pas question ailleurs dans ce travail de ces annotations
parce que nous ne pouvons pas dire si elles sont de Mme de la Fayette.
M. d'HaussonviUe en cite sufifisamment, dans son ouvrage, pour en donner
une idée.
176 Madame de La Fà^t*p [ch.
se rapproche de lui, cherche sa protection contre le danger qu'elle
ne veut pas envisager. Elle agit tout comme ferait une femme
dont l'existence ne devrait rien à une fiction, mais se réaUserait
dans la vie. Voilà son charme. Tout comme Mme de La Fayette
elle-même quand le Jeune de Saint-Paul lui attribue "une galan-
terie" la princesse s'émeut à la pensée qu'elle sera "bientôt re-
gardée de tout le monde comme une personne qui a une folle et
violente passion," La lutte qui se Uvra entre le cœur et le
devoir se Uvre aussi quelque peu entre le cœur et l'orgueil,
mais la princesse n'en est pas moins aimable.
Disons, tout de suite, que ce n'est pas là l'idée qu'on se fait
ordinairement du caractère de la princesse. M, Victor du Bled
dit à propos de ce roman : "Une peinture admirable de l'amour
platonique nous est présentée par Mme de La Fayette dans la
Princesse de Clèves^.^^ Il était donc platonique cet amour de la
princesse et de Nemours? Nous ne pouvons le croire. Soutenir
que la princesse était froide, prétendre qu'elle n'aima que d'un
amour platonique, c'est avouer qu'on n'a pas bien lu le roman,
à moins que l'on ne regarde comme platonique tout amour qui,
à cause des circonstances seulement, ne peut se satisfaire. Ce
livre est plein de passion — d'une passion contenue et maîtrisée
si l'on veut — mais elle est là, et décrite comme on ne la peindra
plus avant Prévost,
Nous trouvons précisément une partie de l'intérêt du roman
dans cette lutte entre la passion et les règles de l'étiquette dans
ce monde poH. C'est une lutte qui continue de nos jours. Est-ce
que chez nous le "vieil homme" n'est pas encore aux prises de
temps à autre avec ce code social qui nous régit?
Il nous est impossible d'entrer dans les détails du style. Ce
serait pourtant intéressant à faire. On pourrait démontrer que
malgré son "classicisme" Madame de La Fayette fut une in-
novatrice et que certaines tournures ont dû paraître du "dernier
nouveau" à ses contemporains. Inutile de démontrer combien
son style alerte différait du mauvais style périodique de ses
prédécesseurs — elle devait cette quaUté de style, croyons-nous,
à son tempérament autant qu'à son goût Uttéraire^. Il y a encore
1 La Soc. fr. 4^ série, p. 289.
^ Quand Mme de La Fayette écrit des billets à la hâte, son style est
alerte et naturel. Il en est de même pour ses longues lettres d'affaires.
Seules les lettres adressées à Huet et certains billets envoyés à Ménage
dans la première période de leur amitié, trahissent l'effort et laissent
apparaître la précieuse.
IX] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 177
trop de qui et de que, car elle faisait passer la vigueur avant
l'harmonie. Le vocabulaire est pauvre, mais il exprime tout ce
que l'auteur veut dire et le plus souvent ce qui frappe chez
Mme do La Fayette ce n'est pas ce qu'elle dit, mais ce qu'elle
insinue, ce qu'elle suggère. Il n'y a guère d'images, le style n'est
pas coloré, mais il est inexact de dire qu'il soit complètement
dépourvu d'harmonie, et il est faux de prétendre qu'il n'ait pas
de valeur artistique. Nous ne donnerons qu'un exemple du
contraire — mais un exemple assez probant : "Si d'autres raisons
que celles de la vertu & de votre devoir," dit la mère de la
princesse, "vous pouvoient obUger à ce que je souhaite, je vous
dirois que si quelque chose estoit capable de troubler le bonheur
que j'espère en sortant de ce monde, ce seroit de vous voir
tomber comme les autres femmes ; mais si ce malheur vous doit
arriver, je reçois la mort avec joie, pour n'en estre pas le témoin."
Ne sent-on pas que ces phrases cadencées, rythmées, aident à
marquer la majesté de la pensée et qu'elles traduisent à merveille
la sévérité d'une honnête femme qui attend la mort avec calme
et qui la souhaite pour ne voir aucun tache en sa famille ?
Il est encore une quahté que l'on remarque dans le style de
Mme de La Fayette. La délicatesse de ton est bien appropriée
aux gens "admirablement bien faits" qui fréquentent une cour
poHe. Lorsque M. de Clèves reproche à sa fiancée sa froideur
avant le mariage, le mot "amour" n'est même pas prononcé.
M. de Nemours n'agit pas autrement; il demande à celle qu'il
aime de rendre heureux un homme qu'elle ne hait pas. On
a assez fait ressortir cette délicatesse de ton. On est allé même
à l'extrême^.
^ Il est étonnant qu'un critique comme Taine se soit laissé aller à
souligner, à propos de cette finesse, le déplaisir qu'a Madame de Chartres
de quitter sa fille (Préface, Éd. Quantin, 1878, p. 15). Si ce mot, comme
beaucoup d'avitres d'ailleurs, n'a que peu de force de nos joiirs il n'en
était pas de même du temps de Mme de La Fayette. Et il ne faut pas
lui faire un mérite d'avoir employé le mot usuel et fort, parce que pour
novis il est devenu un mot plus faible que celui dont nous serions tentés
d'user. Corneille ne pensa certes pas à chercher un mot de demi-teinte
lorsqu'il écrivit:
Ce coup est ua peu rude à l'esprit le plias fort
Et je doute comment vous portez cette mort.
— Sire, avec déplaisir, mais avec patience.
[Horace, v. 2.)
La Rochefoucauld emploie le mot qti'avirait employé l'hypocrite lui-
même dans la maxime que voici: "Il y a ime autre hypocrisie, qui n'est
À. 12
178 Madame de La Fayette [ch.
Le style alerte, châtié, fin et bien approprié de Madame
de La Fayette, style sans recherche, sans enflure, éloquent
par sa sobriété même, a bien assez de quahtés po^ir qu'on ne
se mette pas en mal d'exagération afin de le ÎBÀid mieux
apprécier.
Nous ne pouvons suivre, comme nous l'aurions voulu, 1er;
jugements de ceux qui ont lu et relu la Princesse de Clèves
depuis que le hvre fut mis par Barbin entre les mains des con-
temporains de la comtesse. Un appendice d'histoire httéraire
viendra, à la fin de ce travail, combler dans une certaine mesure
cette lacune. Il suffira ici, de dire que le succès de la Princesse
de Clèves fut grand dès le début. Le roman fut traduit en anglais
dès l'année 1679, mais ne paraît pas avoir eu beaucoup d'in-
fluence en Angleterre. On était en pleine Hcence à cette époque
et si Lee a emprunté le sujet pour le mettre au théâtre c'est
dans une pièce ignoble qui n'est qu'une indigne caricature de
la Princesse et qui montre combien l'original fut au-dessus des
esprits grossiers des Anglo-saxons de l'époque. Depuis, on a pu
l'apprécier à sa juste valeur. Une traduction récente, avec la
charmante étude de M. Anatole France en tête, s'est vendue en
Amérique et en Angleterre ; une des plus récentes éditions à bon
marché, et de beaucoup la plus belle, est sortie d'une presse
anglaise. Voilà qui fait oublier la pièce de Lee.
Ce petit roman eut aussi les honneurs de la traduction en
allemand, mais c'est surtout en France, où il n'a jamais manqué
de lecteurs éclairés, qu'il obtint le meilleur succès. Inutile de
dire que même dans ce pays, c'est auprès des femmes que son
succès a été le plus complet. Il est intéressant de remarquer,
d'après le nombre d'éditions pubhées, que c'est vers 1830, en
plein mouvement romantique, que la Princesse de Clèves fut le
plus appréciée et, en ce moment, elle atteint encore une fois au
maximum de succès^.
pas si innocente parce qu'elle impose à tout le monde: c'est l'affliction
de certaines personnes qui aspirent à la gloire d'une belle et inmaortelle
douleur. Après que le temps, qui consiome tout, a fait cesser celle qu'elles
avoient en effet, elles ne laissent pas d'opiniâtrer leurs pleurs, leurs plaintes
et leurs soupirs; elles prennent un personnage lugubre et travaillent à
persuader, par toutes leurs actions, que leur déplaisir ne finira qu'avec
leur vie" {Maximes, 233).
1 L'année dernière même, la revue Femina mit au concours cette
question : " Quel est le plus beau roman féminin? " Et, au grand étonne-
ment du jury et des lecteiirs de cette revue, c'est la Princesse de Clèves
qui fut la favorite. Voici les résultats — et nous regrettons de ne pouvoir
ix] Le Psychologue — La Princesse de Clèves 179
Quelle victoire pour cette femme qui ne voulait pas être
considérée comme un "auteur de profession" et qu'il avait
raison, M. Pierre Lafitte, lorsqu'il écrivit il y a quelques années :
"Son œuvre sera lue tant qu'il restera des hommes de goût
et de sens; on est heureux de se sentir en communion avec
l'éUte qui, depuis le dix-septième siècle, goûte ce charmant chef-
d'œuvre, et l'on pense à l'éhte qui après nous en jouira encore^."
C'est sur cette pensée, que nous terminons, à regret, cette
trop rapide et trop superficielle étude d'un roman qu'on ne peut
pas étudier comme il le mérite mais qu'on Ut et qu'on relira
toujours avec autant de respect que d'admiration.
donner en même temps les raisons que trouvèrent certaines femmes de
goût pour justifier leur choix:
La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette
Corinne ou V Italie, de Mme de Staël .
La Maison du Péché, de Mme M. Tinayre .
La Petite Fadette, de George Sand
L'Ombre de V Amour, de Mme M. Tinayre .
Le Marquis de Villemer, de George Sand
La Mare au Diable, de George Sand .
Le Roman d'une Amoureuse, de J. Marni .
La Force du Passé, de Mme Daniel Lesueur
La Branche, de Mme Pierre de Coulevain
Delphine, de Mme de Staël ....
Nietzchéenne, de Mme Daniel Lesueur
Les Lettres, de Mme de Sévigné
Marie-Claire, de Mme Marguerite Audoux
Lélia, de George Sand ....
Le Maître du Moulin Blanc, de Mme Alanic
Salutaire Orgueil, de Mlle Yvette Prost
1417
^ Lettre à M. Anatole France en tête de son édition de la Princesse
de Clèves. Ce serait iin plaisir de lire ce roman — même si cette lecture ne
nous faisait pas entrer parmi "l'élite."
591
voix
168
99
163
99
118
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87
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9
99
7
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3
99
1
99
1
99
1
99
12—2
CHAPITRE X
LE DIPLOMATE
Deux ans, mois pour mois, après la publication de la Princesse
de Clèves Madame de Se vigne écrit: "Monsieur de La Roche-
foucauld a été, est encore considérablement malade: il est
mieux aujourd'hui; mais enfin c'étoit toute l'apparence de la
mort: une grosse fièvre, une oppression, une goutte remontée;
enfin c'étoit une pitié.... Je donnerai le billet à Madame de La
Fayette qui étoit hier très affligée^."
Hélas ! c'était plus que l'apparence de la mort, la mort elle-
même guettait l'illustre malade et son amie avait bien raison de
s'affliger. Deux jours après avoir écrit cette première lettre
Madame de Se vigne reprend la plume pour dire: "Je crains
bien que nous ne perdions cette fois Monsieur de La Roche-
foucauld: sa fièvre a continué; il reçut hier Notre-Seigneur....Il
ne voyoit point hier matin Madame de La Fayette parce qu'elle
pleuroit et qu'il recevoit Notre -Seigneur : il envoya savoir à
midi de ses nouvelles.... Je suis quasi toujours chez Madame de
La Fayette, qui connoîtroit mal les déhces de l'amitié et les
tendresses du cœur si elle n'étoit aussi affligée qu'elle l'est^."
Deux jours plus tard, Madame de Se vigne annonce la mort de
La Rochefoucauld, et elle ajoute: "J'ai la tête si pleine de ce
malheur, et de l'extrême affliction de notre pauvre amie qu'il
faut que je vous en parle.... mais où Madame de La Fayette
retrouvera-t-elle un tel ami, une telle société, une pareille
douceur, un agrément, une confiance, une considération pour
elle et pour son fils? Elle est infirme, elle est toujours dans
sa chambre, elle ne court point les rues; Monsieur de La
Rochefoucauld étoit sédentaire aussi: cet état les rendoit
nécessaires l'un à l'autre: rien ne pouvoit être comparé à la
confiance et aux charmes de leur amitié^."
Le coup est trop rude pour Madame de La Fayette, elle
tombe malade^: le temps ne fait qu'augmenter sa tristesse^ et
eUe ne peut se consoler^. Le vide qui s'est fait dans sa vie est
1 VI. 307, 13 mars 1680. 2 15 j^ars 1680.
3lbid. p. 311. «315. 5324. 6 327.
CH. x] Le Diplomate 181
si grand qu'elle ne sait que faire. Madame de Se vigne dit que son
amie n'a plus d'occupation et que "tous les autres reprennent
leur placée" Monsieur le Duc pleure avec elle, Monsieur de
Marsillac n'ose pas la voir^. Trouve-t-elle sous la main une page
de l'écriture de son ami, aussitôt sa douleur augmente et de
nouveau la terrasse^. Elle veut se rendre "bête," anéantir en
elle la mémoire qui fait vivre les souvenirs dont le rappel la
tourmente*. Elle agrandit sa maison, mais ne parvient pas à
s'occuper suffisamment pour oublier. Le succès de son fils —
qui vient d'obtenir un régiment — ne la console pas. Elle essaie de
sortir un peu, va dîner chez l'abbé Têtu, noue des relations
d'amitié avec Madame de Schomberg — mais un second choc,
la mort de son ami Langlade^, l'accable encore.
Madame de Sévigné nous tient bien au courant de l'état
d'esprit de son amie, mais elle ne nous renseigne pas sur son
activité qui n'a pas entièrement cessé. Elle ne voulait pas se
rendre coupable de cette hypocrisie que nous avons déjà vu
flétrir par La Rochefoucauld lui-même et de plus elle savait
qu' "Après tout, le travail, c'est encore le meilleur moyen d'es-
camoter la vie**." Elle travaillait, d'abord pour son fils, ensuite
pour ses amis, et surtout pour cette Madame de Savoie qui,
d'après Madame de Sévigné, lui avait écrit de La Rochefoucauld
comme de "son meilleur ami."
On n'a pas manqué de faire remarquer qu'elle s'occupait des
affaires de Madame Royale à une époque où on la disait accablée
de douleur par la mort de son ami et on lui en a fait grief. Le
grand crime ! Elle aurait dû, pour prouver la fidéUté de son
attachement, abandonner toutes ses amies, néghger son fils,
rompre tous ses engagements, se retirer chez elle, vivre en par-
faite égoïste. Heureusement pour elle, pour son fils, pour ses
amis, et pour sa réputation de femme intelUgente et raisonnable,
elle ne s'attarda pas dans ce lâche abattement.
Elle continua donc d'user de son influence auprès de Louvois
pour venir en aide à ceux qui lui étaient recommandés' et elle
ilbid. 338. 2331. 3354. 4404. 6 VII. 77, 117, 120. «Flaubert.
^ Voici quatre lettres, dont trois inédites, tirées des archives du
Ministère de la Guerre (Vol. 647, p. 45; 657/542; 677/560; 710/35):
Versailles, le 3 déc. 1680. J'ay receu ce matin le billet que vous
m'avez fait l'honneur de m'escrire avant-hier. Le sieur Matha estant
sorti du régiment de Tilladet pour une mauvaise action il n'y a pas
d'apparence que le roy voulut luy donner de l'employ. Soyez je vous
supplie bien persuadée que je ne peux prendre plus de part que je ne
fais à ce qui vous touche ny estre plus véritablement dévoué. . . .
182 Madame de La Fayette [ch.
s'occupa plus que jamais de son amie Madame Royale. Les
démarches qu'elle faisait pour cette dernière avaient un certain
caractère diplomatique et il ne faut pas s'étonner outre mesure
si Madame de La Fayette, qui n'avait aucune envie de fournir
à Mme de Sévigné la matière de longues lettres qui auraient été
aussi intéressantes qu'indiscrètes, lui ait caché le détail de ses
relations avec Madame Royale^.
Pour bien comprendre ce qu'étaient ces relations il faut faire
en peu de mots l'historique des affaires de Savoie^.
Les relations des deux cours étaient tout d'abord extrême-
ment intimes. Elevé par sa mère dans des idées d'étroit attache-
ment aux Bourbons, marié successivement à deux princesses
Fontainebleau le 26 août 1681. J'ay différé de répondre à la lettre
que vous m'avez fait l'honneur de m'escrire le 20 de ce mois, jusqu'à ce
que j'aie pu lire au Roy le placet que vous m'avez adressé sur lequel je
suis bien fâché de vous dire que sa Majesté n'a pas répondu favorable-
ment. Je ne vous dis rien sur le mémoire du nommé Le Gendre parce
que il n'y a pas un mot de vérité dans tout ce qu'il contient. Vous ne
doutez, je m'assure, de la mortification que j'ai d'avoir si mal réussi dans
la conunission que vous m'avez donnée. J'espère que je serai plus heu-
reux une autre fois et —
Versailles, le 25 mars 1682. Je rendrai au sieur de Turménies (?)
tout le service qui peut dépendre de moy qui est d'envoyer diligemment
son placet à M. Pelisson —
Versailles, le 2 fév. 1684. J'ai reçu Madame votre billet d'hier par
lequel je suis bien fâché d'apprendre que vous continuez à ne pas jouir
d'ione bonne santé. Le sieur George a beaucoup de prétentions contre le
sieur Berthelot, dont je n'ai point connoissance. Mais à l'égard de la
Société qu'ils ont eue ensemble pour la fourniture du pain, je sais que le
sieur George a tort, et qu'au rapport de M. Colbert, il a été résolu un
arrest contre le dit sieur George, lequel pour des raisons qui me sont
inconnues, n'ayant pas été délivré au dit sieur Berthelot, avant la
mort de M. Colbert, le dit sieur George a trouvé moyen de faire que la
minute ne se trouvât (?) point. C'est tout ce qui est venu à ma con-
noissance touchant cette affaire. Je suis toujours
1 Mme de Sév. voit chez Mme de La Fayette le marqiois de Saint-
Maiirice, "qui vient d'Angleterre," écrit-elle, "dire la mort de son duc,"
vni. 127. Elle nous dit avoir vu chez la comtesse MM. de Pomponne,
Courtin, de la Trousse, le duc d'Estrées et qu'on avait "fort politique,"
vin. 501. Mais elle remarque surtout les cadeaux envoyés par Mme Roy-
ale, les cent aunes de velours, la doublure de satin, le portrait entouré de
diamants (iv. 557) et le dessin qu'a préparé Mme de La Fayette pour un
écran que le cardinal d'Estrées donnait à Mme Royale (vi. 143). Elle
raconte le peu qu'elle voit mais on ne lui permet pas de trop voir.
2 Tout le récit qui suit est pris presque mot à mot de la préface des
Instructions aux Ambassadeurs (Horricq de Beaucaire).
x] Le Diplomate 183
françaises, d'abord à Françoise de Bourbon en 1663, puis à
Jeanne-Baptiste de Nemours en 1665, peu enclin d'ailleurs à
l'intrigue, le duc Charles-Emmanuel subit sans s'en défendre
l'ascendant du grand roi. Lors de la mort du duc Charles-
Emmanuel, le jeune duc alors âgé de neuf ans montre bien par
son langage la familiarité qui existait entre les deux cours. "Il
a dit en pleurant à Madame Servien," écrivait l'ambassadeur
au roi, "qu'il suppliait votre Majesté de lui servir de Papa,
puisqu'il avait perdu le sien." Cet appel à l'autorité paternelle
de Louis XIV ne fut malheureusement que trop bien entendu.
Aussi longtemps que les relations des deux cours conservèrent
ce caractère de facile confiance, le président Servien, agent
indolent et crédule, suffit pour occuper les fonctions d'ambassa-
deur à Turin.
Mais l'arrogante poUtique de Louis XIV à l'égard des
Hollandais modifia profondément les dispositions de l'Europe.
En 1673, l'Empereur, l'Espagne, le Danemark, et la plupart des
princes de l'Empire formèrent une ligue contre la France. Cette
situation eut immédiatement son contre-coup à Turin. Du jour
au lendemain l'Italie pouvait, comme au temps de RicheUeu,
devenir le théâtre des hostilités. Il fallait prendre des pré-
cautions du côté du Piémont. Le roi se décida à donner une
allure plus vive à sa politique vis-à-vis des ducs de Savoie.
L'influence de Louvois se substituait alors à celle de Mazarin
et de Lionne dans l'entourage de Louis XIV. En même temps
que les hommes, changeaient aussi les procédés. A la douceur,
à la persuasion, succédèrent l'intimidation et la menace ; à Turin
le marquis de Villon succéda au président Servien. Charles-
Emmanuel II venait de rendre le dernier soupir. Son fils,
Victor- Amédée II, lui succéda sous la régence de la duchesse
Jeanne-Baptiste. Éprise du pouvoir, ardente, passionnée,
glorieuse. Madame Royale s'acquitta d'abord avec conviction
de ses devoirs de chef d'état. Mère impérieuse et froide eUe
délaissa son fils, le futur roi de Sicile. L'enfant, doué d'une in-
teUigence étrangement précoce, prit tout jeune encore des habi-
tudes de réflexion sohtaire et de dissimulation qui devinrent,
pour le reste de sa vie, le fond même de son caractère. C'est la
lutte entre la mère et le fils, comphquée par la légèreté de la
mère et par les exigences de la poKtique de Louvois, qui rendit
nécessaire à Paris l'intervention fréquente de Madame de La
Fayette. Il n'y a pas à examiner si elle se rangea du côté de
la justice. EUe avait connu Madame Royale avant son départ
184 Madame de La Fayette [ch.
de Pans, elle entreprit de faire ses commissions et en même
temps de la tenir au courant de ce qui se passait à la cour, de
transmettre ses désirs, et de présenter à Louis XIV les événe-
ments de Savoie sous le jour que Madame Royale voulait qu'on
les vît^.
Elle s'acquitta bien de son devoir d'amie et il n'est pas besoin
de l'appeler "intrigante, rouée, tenace, avisée" comme on l'a fait
après la découverte en 1880 des lettres de Savoie, parce que
jusqu'alors on la croyait tout autre qu'elle n'était en réalité. Ce
changement brusque dans l'opinion des critiques, dû à la publi-
cation des lettres de Turin, est examiné à un autre endroit dans
ce travail. Mais il est une autre exagération dont il faut parler ici.
N'a-t-on pas donné un peu trop d'importance à ce fameux
rôle politique ? Certes Madame de La Fayette a servi les intérêts
de la France et contribué aux succès de la politique de Louvois,
mais pour nous, au début, elle défendait une amie, et à la fin
elle sauvegardait son amour-propre. Elle travaillait en personne
désintéressée bien qu'on l'ait accusée d'être avide^. Cette
accusation montre combien on a mal lu sa correspondance.
Madame de La Fayette dut débourser de l'argent en vue d'achats
faits à Paris pour Madame Royale. Au Heu de prier qu'on lui
remboursât ces sommes elle commandait des produits de Turin
ou demandait des bibelots que Madame Royale recevait de
personnes amies.
"....Il faut pourtant que remercie (sic) de l'extrême soing que
vous aves eu pour ma commission," écrit-elle à Lescheraine^,
"ie vous supphe de l'achever comme ie vous en prié par ma
dernière lettre, cest a dire de men envoyer encore trente aulnes
et de me mander combien il faut, et outre ces trente aulnes,
d'employer l'argeant qui reste sur le mémoire que j'ay en-
voyé^."
La "commission" était une commande de damas "vint
aulnes a bonne mesure " qui se transformèrent en cent cinquante.
Madame de La Fayette ne veut pas acheter au petit bonheur et
elle fait suivre sa commande de cet avis: "mais ie vous repette
^ Ce n'est que cinq ans après avoir écrit ce chapitre que l'auteur a
reçu la correspondance du chevalier de Sévigné publiée par Messieurs
Lemoine et Saulnier, Paris, 1911, 8°. Le beau-père de Madame de La
Fayette tenait Christine de France, duchesse de Savoie, au coxirant des
affaires de France. Mme de L. F. aurait donc continué rœu\Te de son
beau-père, ^ j)g Lescure, Préf. de l'éd. de la P. de C. p. xxxiv.
^ Secrétaire de Mme Royale. * Curiositâ, p. 513.
x] Le Diplomate 185
encore que devant que vous le fassies couper ie voudrois scavoir
le prix par ce qu'il y en a de fort différents." Lescheraine en
parle à Madame Royale qui fait envoyer le damas à ses frais et
Madame de La Fayette répond au secrétaire :
"Ce ISème septembre (1680).
"Pourquoy aves vous eu la langue si longue que d'aller
rompre la teste de Madame Royale des commissions que ie vous
donne? Je la remercieray lundy. Je vous escris ce mot a la
haste afin que vous ne me renvoyez pas les deux louis que jay
fournis par le mémoire que ie vous envoyé lundy. Mettes les moy
encore en damas tant quils pourront sestendre et me mandes
ce quil faut pour les trente autres, que ie vous ay encore de-
mandées et employés les deux pistoles au de là des trente aunes
parce qu'il me faut beaucoup plus de damas que ie nen voulois
dabord, et il me seroit impossible de l'assortir icy; ie suis hon-
teuse que vous ayes parle à Madame R, elle me comble de
biens."
Voilà une lettre diplomatique qui ne risquait pas de boule-
verser un état!
En voici une autre : " ....Jay pris soing ces jours passés d'un
habit qui partira aujourduy pour S. A. R. mais ie nen ay ouy
parler que de mardy dernier. Dittes au Contrôleur de sa maison
quil doit estre assuré de ma diligence et de mon exactitude, et
que sans qu'il prenne la peine de mescrire si tost que son fils
me dira que cest pour S. A. R. ie lui croiray et feray de mon
mieux ; mais dittes luy quil escrive un peu de meilleure heure la
lettre que ma monstrée son fils est du 27 du mois passé, où il
luy mande de me venir trouver pour un habit de bal à manteau.
Voyes du 27 avant que la lettre soit icy, qu'on choisi et fait
faire ce qu'il faut, que l'habit soit envoyé et fait à Turin, ce
quil reste du carnaval. Il demande aussi un habit brode, il faut
un temps considérable pour le faire faire. Je vous charge au
moins de dire à S, A. R. que jacepte avec un grand plaisir
Ihonneur destre icy le maistre de sa garderobe et que pourveu
que je sois advertie à temps de ses intentions et que ie sache ses
goûts, il verra que ie le serviray parfaitement bien, à condition
aussi que jauray en payement de petits pots et des petittes
boettes des Indes. Sérieusement faistes ma cour a S. A. R. de
la joye que jay destre employée pour son service. Lon na point
mande si Ihabit à manteau seroit noir ny gris...." etc.
186 Madame de La Fayette [ch.
On trouve, tout au début de cette lettre, deux ou trois
phrases sur les affaires de la cour — et c'est tout. Plusieurs
messages sur le comte de Saint-Maurice n'ont rien de diploma-
tique; un autre au sujet d'une lettre publiée dans le Mercure
galant est une charmante leçon de style français adressée à
Lescheraine — mais ce n'est pas encore de la poUtique étran-
gère.
Voici enfin une lettre à Lescheraine que nous allons citer
presque tout entière car elle montre mieux que nous pourrions
le faire, le véritable rôle que Madame de La Fayette jouait à
Paris.
"Ce 12<^™^ may (1679).
"Vous estes un admirable homme ! il y a un mois entier que
le nay reçue de vos lettres ; vous scaves l'interest que ie prends
à la maison de Saint-Maurice : cest par le pubhc que ie l'aprends,
et par vostre lettre que je receus hier, vous men parles comme
si vous men avies instruitte par touts les ordinaires précédents
et que ie sceusse le fil de l'histoire. Je ne scay quelle bonne
maxime vous aves de n'instruire jamais les personnes bien in-
tentionnées des changements qui arrivent, afin quils puissent
en rendre compte au pubhc et les donner par le costé qui con-
vient qu'on les voye ; celuy-cy avoit besoing de cette préparation,
il paroist estrange de voir chassé un ministre aussi zélé pour
Madame Royale que le M. de Saint-Maurice et dans un temps
ou il est accablé d'ailleurs pour la M. (marquise) de ne l'avoir
pas chassée (sic) il y a trois ou quatre ans, et de la (sic) chasser
présentement. Vous voyes bien ce que cela fait dire, que ce
soit vous qui leur porties l'ordre de leur honneste exil, autre
circonstance qui fait parler. Enfin je vous assure quil neust pas
esté mauvais de nous donner des raisons pour le pubhc, et par
vostre lettre vous ne nous dittes pas une ; ie ne scay que le gros
que les uns et les autres m'ont apris. Ce nest pas que quoyque
ie sois très faschée du malheur de cette maison, ie ne croye pas
que Madame R. a de très bonnes raisons, ie cognais trop sa
bonté et sa justice pour en douter ; je croy mesme qu'elle en peut
avoir qui ne sont pas propres à estre données au public, mais il
y en a toujours qu'on y peut donner, et cest celles la qu'il vous
falait envoyer icy, nous nen demandons point d'autre. Je nay
pas de peine à croire la mauvaise conduitte du Comte de Saint-
Maurice ; une meilleure teste que la sienne seroit troublée ! sa
grande faute est d'avoir présumé qu'il put bien faire dans une
occasion si difficile.... ie seray ravie devoir a faire a vous pour
x] Le Diplomate 187
les habits de Madame R....Ainsy que je vous gronde un peu
ie ne laisse pas d'estre toute à vous."
En effet Madame Royale avait une façon de traiter ses
amants qui avait besoin d'explication pour faire bon effet
auprès du public; et si l'on demandait volontiers des conseils
à Madame de La Fayette on ne suivait pas toujours ceux qu'elle
donnait, ce qui lui faisait dire: "L'on donne des conseils, mon
cher Monsieur, mais l'on n'imprime point de conduite. C'est
une maxime que jay prié Monsieur de La Rochefoucauld de
mettre dans les siennes...." Nous croyons que Rousset, bien
qu'il ignorât l'existence de la correspondance avec Louvois,
était assez près de la vérité lorsqu'il écrivait à propos de Madame
Royale: "Son plus grand souci c'était l'opinion de la cour de
France où elle avait jadis, dans le cercle d'Anne d'Autriche, tant
médit des erreurs d'autrui. Elle y avait une amie sincère et
dévouée. Madame de La Fayette, qui la tenait exactement au
courant de tout ce qu'on disait d'elle et de ses amisi."
Nous verrons que plus tard elle gêna sérieusement les diplo-
mates envoyés à Paris par Victor- Amédée, et qu'elle sut bien
leur tenir tête. Nous n'avons donc l'intention de diminuer ni
son rôle ni son mérite. Mais la simple vérité nous intéresse seule.
Nous ne pouvons admettre qu'on prête à Madame de La Fayette
un rôle qui n'a pas été le sien, et qu'elle n'aurait pas pu soutenir.
Nous avons déjà démontré qu'elle ne se laissa pas abattre par
la mort de La Rochefoucauld au point de néghger son fils et
ses protégés. Elle resta femme et mère et nous allons voir
maintenant qu'elle sut le rester tout en s'occupant des affaires
de la cour de Savoie.
Elle n'écrit pas à Louvois en tant que "chargé d'affaires"
de Madame Royale; elle est toujours mère de famille. Voici la
première lettre dans les minutes de Louvois où il paraît être
question des affaires de Savoie.
"À Cambrai le 29 avril 1684.
"J'ai reçu le billet que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
le 24 de ce mois. Je ne puis rien dire sur le temps que le régiment
de la Fère pourra sortir de garnison. ...Et vous devez être
assurée que, si les affaires se tournent à la guerre, ce que je ne
saurais envier (?), vu l'état où sont nos ennemis, votre fils et
son régiment ne me seront point inutiles (?). Je n'ai point
ignoré les bruits qui ont couru cet hiver, qui étaient opposés à la
^ Camille Rousset, Hist. de Louvois, m. 84.
188 Madame de La Fayette [ch.
bonne intelligence que vous souhaitez. Je les ai crus d'abord faux,
depuis ils m'ont paru plus vraisemblables sans que j'en sache plus
de la raison que je n'en savais quand on les disait et qu'on ne
les croyait point. Soyez très persuadée, Madame, du respect
que j'ai pour vous, et qu'on ne peut être plus véritablement que
je suis....i"
Ce n'était pas seulement auprès de Louvois et du roi qu'elle
avait à justifier Madame Royale, mais aussi auprès de leurs
amis communs.
Madame de Savoie écrit au duc d'Enghien le 20 juin 1678:
"De peur de vous importuner par une longue lettre jay
chargé Madame de La Fayette de vous dire toutes les nouvelles
de ce pays icy et vous parler aussi d'une affaire qui y est arrivée
et qui est finie de la manière dont ie le pouvois souhaiter.... 2"
Deux fois dans le courant du mois de juillet et une fois
pendant le mois de novembre. Madame de La Fayette doit
renseigner M. le Duc sur les affaires de Savoie^ ; puis le 26 no-
vembre 1678 Madame Royale écrit au duc pour protester
contre les inventions de la comtesse de Soissons et lui conseille
de demander des nouvelles à Madame de La Fayette^. Au début
de 1679 elle lui écrit:
"Lon dit que Ion en invente beaucoup (de nouvelles) chez la
Comtesse de Soissons et de cet hôtel vous savez que Ion ny dit
pas souvent vray aussi sella nest pas fort extraordinaire cela ne
laissent (sic) pas de chocquer le feu a pris a mon appartement
depuis peu il fit plus peur que de mal.... Vous entendrez peut
être encore parler d'autre chose sy vous avez curiosité den
savoir la vérité Madame de La Fayette vous lapprendra mais
tout cella en vaut si peu la peine..., s"
Tout cela en effet ne mérite guère qu'elle se justifie et pour-
tant elle revient trois fois encore sur le sujet, tout en s'excusant
d'en parler. Le passage suivant nous montrera pourquoi elle
^ Vol. 712, p. 540 de la Corr. de Louvois. Des passages de cette
correspondance ftirent donnés par M. Jean Lemoine dans la Rev. de
Paris du l^r sept. 1907. Nous faisons imprimer en italique ce qu'il a
déjà publié et que nous avons revu sur les ms.
2 Chantilly, série P. vol. lxxi. Lettres autogr.
2 Ibid. 9 et 16 juillet, 9 nov.
* Ibid. 5 Ibid. Lxxii. 364, inédite.
x] Le Diplomate 189
éprouve le besoin de se justifier, "le feu qui a pris dans le château
sa (sic) esté un pur asard quoy quon layent (sic) voullu inter-
pretter autrement^."
Madame Royale apprécie les services que lui rend Madame
de La Fayette auprès du duc ; elle écrit à ce dernier :
"Vous êtes un amy admirable par bien des endroits mais
surtout par l'exactitude le soin et la sensibilité que vous avez
pour ce qui regarde vos amies. Madame de La Fayette et moy
traittent ce chapitre souvent ensemble elle le fait d'une déU-
catesse où je ne peux pas parvenir et aussi il n'appartient quà
mi esprit comme le sien de louer une personne comme vous...."
etc. 2
Elle lui avait déjà écrit à ce sujet:
"Ce 14^me de janvier (1678).
" . . . . Madame de La Fayette mescrit des nouvelles sur tout ce que
vous luy dites à mon égard je suis ravie que vous approuviez ce
que fai fait au sien elle mérite tout et la chose est sy peu digne de
tels remerciements que je suis honteuse de les recevoir c'est une
amie aimable et admirable comme je scay quelle est très particulière-
ment la vôtre je croy que vous serez bien aise que je vous en parlent
(sic) je vous rends mille grâces des nouvelles que vous avez
pris la peine de m'escrire pour elle ditalie je nen scay pas plus
que vous celle d'Angleterre sont les plus considérables et qui
exitent plus la curiosité...." etc. etc.^
On remarque d'après les dates de ces lettres, que Madame
de La Fayette était bien engagée auprès de Madame Royale,
avant la mort de La Rochefoucauld. Dans la correspondance
de Turin nous ne trouvons de lettres datées de l'année 1680
qu'à partir de la fin mai — deux mois après le décès de son ami.
La lettre qui suit est du mois d'août — puis jusqu'à la fin de
l'année il y en existe treize de sa main. La perte du duc a donc
interrompu sa correspondance plus que certains critiques ne
nous le laissaient croire et celle qu'elle entretenait avec Louvois
pour l'avancement de son fils a cessé complètement à cette
époque pour ne reprendre qu'après la mort de Monsieur de
La Fayette.
^ Ibid. Lxxni. 9, inédite ; pp. 22 et 119 elle revient sur le même sujet»
2 Ibid. Lxxi. 9 avril 1678.
3 Ibid. Lxxi. 14 janv. 1678.
190 Madame de La Fayette [ch.
Ce n'est pas qu'à cette époque on n'avait pas besoin des
services de Madame de La Fayette. Tout au contraire, la date
de 1680 fut une date critique, car le 16 mai de cette année là,
Victor- Amédée II fut proclamé majeur. La fréquence des lettres
de Madame de La Fayette à partir de 1684 est due à la prise de
pouvoir de Victor- Amédée qui vit confirmer en même temps
son mariage avec Anne d'Orléans, nièce de Louis XIV.
A partir de ce moment il lutta avec acharnement contre sa
mère qui n'avait plus d'ambassadeur accrédité près du roi.
Il fallait donc à tout prix qu'elle trouvât quelqu'un pour l'ap-
puyer auprès de Louvois, et elle choisit naturellement l'amie
qui, depuis son départ de France, l'avait tenue au courant de ce
qui se passait à la cour.
Dans les lettres que Madame de La Fayette écrit à Louvois
entre 1684 et 1689 elle s'appHque surtout à justifier Madame
Royale contre telle ou telle accusation, à faire parvenir des
lettres au roi, et à se plaindre de la façon dont le fils agit envers
sa mère. Mais Madame de La Fayette n'oubUe, ni de s'occuper
de son propre fils, René-Armand, ni, au besoin, d'intervenir en
faveur des gens auxquels elle s'intéresse. Pour ne pas allonger
davantage un chapitre qui concerne plus l'histoire que la Uttéra-
ture nous ne donnerons ici qu'un seul exemple de chacun de
ces cas. Le lecteur qui voudra suivre en détail les démarches
de Madame de La Fayette trouvera à l'appendice toutes les
réponses de Louvois au sujet des affaires de Savoie. Voici
à l'appui de ce que nous venons de dire, une lettre reçue par
Madame de La Fayette qui était intervenue pour son fils :
"À Versailles le 7 juin 1685.
"J'ai reçu. ...le paquet qui contenait votre billet du 6 de ce
mois, et les autres papiers qui y étaient joints, lesquels je vous
renvoyé. Je prends beaucoup de part au déplaisir de Madame
la duchesse de Savoie, et souhaite de tout mon cœur que ce soit
le dernier qu'elle reçoive 'de son fils. Les ordres du Roy ont été
envoyés à M. l'abbé Destrades, tels que Madame la duchesse
de Savoie le peut désirer, mais je doute fort que, vu l'humeur de
Monsieur le duc de Savoie, ils fassent tous l'effet que l'on doit
attendre.
"Je satisferay à l'ordre que vous me donnez de recommander
vos (?) à M. le contrôleur général. Je n'ai eu aucun ordre d'aver-
tir les colonels d'infanterie d'aller à leur régiment.
"Je vous rends très humblement grâces de toutes les marques
elle
x] Le Diplomate 191
d'amitié que vous me donnez et pour les occasions que j'ay de
vous témoigner qu'on ne peut être plus véritablement que je
suis, " etc.i
Voici maintenant quelques lignes répondant à une lettre où
s'occupait d'une personne à qui elle portait de l'intérêt :
"À Versailles le 13 janvier 1686,
"J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'é-
crire hier. Le Roy ne peut envoyer des ordres plus pressants sur
ce qui regarde les intérêts de Madame de Savoie que ceux qui
sont partis la semaine passée, et je n'estime point qu'il convienne
de demander à Sa Majesté de faire plus parce que je craindrais
qu'à la fin elle s'ennuyât d'entendre toujours parler de cette
affaire et de voir qu'on lui proposerait tous les jours de nouvelles
choses.
"Je prendrai l'ordre du roy sur ce qui regarde le sieur Chaillon
et je ne doute point que Sa Majesté ne trouve bon que l'on le
mette à Saint-Lazare en attendant que l'on ait des nouvelles
de ses parents. Je vous rends très humble grâce de ce que vous
me mandez sur ma fille, et je vous supplie d'être toujours bien
persuadée que je suis très véritablement.... 2"
Il lui arrivait enfin de se rendre utile au ministre lui-même :
"À Versailles le 29 janvier 1686.
"La lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire avant-
hier m'a été rendue. Quoiqu'elle ne désire point de réponse, je
ne puis m'empêcher de vous remercier très humblement de ce
que vous me mandez touchant les intérêts de Monsieur de la
Rocheguyon, sur lesquels je profiterai des vues que vous me
donnez. Je vous supphe d'être bien persuadée de ma reconnais-
sance et qu'on ne peut être plus véritablement que je suis votre
très humble et très obéissant serviteur^."
Il est inutile de rappeler les efforts que fit Madame de La
Fayette pour faire arrêter le libelle Les amours du Palais Royal
de Turin* ou la Généalogie. Elle poursuivait toujours le même
but: soutenir la réputation de son amie qui ne paraît pas y
avoir mis elle-même autant de soin qu'on aurait pu le désirer.
Ses démarches lui ont valu cette appréciation peu galante d'un
1 Vol. 746, p. 124, inédite. 2 Vol. 762, p. 274.
^ Vol. 761, p. 617, inédite. * Voir Perrero, Curiositâ, Intro.
192 Madame de La Fayette [ch. x
envoyé de Turin: "Madame de La Fayette est un furet, qui va
guetant et parlant à toute la France pour soutenir Madame
Royale en tout ce qu'elle fait^." Lorsque les ambassadeurs de
Victor- Amédée se rendaient chez elle pour la faire parler elle
n'hésitait pas à leur dire ouvertement de quel côté elle se
rangeait et au besoin elle se mettait en colère car ils ne voulaient
pas entendre raison. Quant à la faire parler quand elle ne voulait
pas le faire, c'était chose bien difficile ; elle se montrait souvent
plus diplomate que les diplomates de carrière.
En somme, si l'on avait tenu compte des documents qui
existaient avant la découverte des lettres de Turin, cette dé-
couverte n'aurait pas modifié aussi profondément l'opinion qu'on
se faisait ordinairement de Madame de La Fayette. Elle n'était
certes pas intéressée car, à part quelques aunes de damas qu'elle
n'avait pas demandées, quelques bibelots des Indes qu'elle
demande en plaisantant, et quelques copies de tableaux, elle ne
gagna rien à s'occuper de son amie pendant des années, sans
parler de l'argent qu'elle déboursait pour l'habillement de la
mère et du fils^. Les relations avec les ambassadeurs ne la
montrent pas rusée et dissimulée, mais tout simplement intelli-
gente, et capable de repousser les attaques habiles de ceux qu'elle
regardait comme ses adversaires, ainsi que nous l'avons déjà
démontré. Le reproche qu'on lui adressa d'avoir manqué de
cœur et de s'être occupée de ses affaires après la mort de La
Rochefoucauld n'est pas fondé. Pourquoi voudrait-on qu'une
femme qui se remettait rapidement d'une maladie grave, qui
s'occupait de ses enfants et de ses affaires dans des moments
où une femme moins vaillante n'aurait pas quitté le Ht, pourquoi,
disons-nous, voudrait-on qu'une femme aussi courageuse eût
néghgé famille et amis sous le prétexte qu'elle avait subi une
perte irréparable ? En tout cela elle se montra femme de cœur,
et femme d'esprit, aimable, dévouée, intelligente, désintéressée.
Nous ne pouvons lui en faire un grief.
1 Ibid. p. 480.
2 Cet argent, comme on l'a déjà vu, fut remboursé en partie par des
envois de marchandises, en partie en espèces, selon les désirs de Mme de
La Fayette.
CHAPITRE XI
L'HISTORIEN ET SES DERNIÈRES ANNÉES. 1683-1693
Quelques années après la mort de La Rochefoucauld, Mme de
La Fayette perdit son mari.
Il ne laissa pas un vide aussi grand que La Rochefoucauld
et quoi que la bienséance exigeât des condoléances, la tâche
était déhcate et difficile. Louvois écrit de Versailles, le 16
juillet 1683 : " J'ay appris avec bien du déplaisir la perte que vous
avez faite de Mons. de La Fayette." Jusque là tout va bien, mais
il a l'idée peut-être de parler des rapports entre les deux et
continue: "Je sçay bien.,..," aussitôt il s'arrête, voit le danger,
barre ces mots et reprend : "Je vous supphe d'être persuadée de
la part que je prends à votre douleur, et que personne n'est plus
véritablement que je suis votre très humble et obéissant ser-
vi te ur^." Bien plus, lorsque ce court billet fut achevé, Louvois
hésita, semble-t-il, à l'envoyer, puisqu'il se trouve dans ses
minutes entouré de lettres datées du 22 juillet.
JNIadame de La Fayette était trop accablée par la perte de
son ami et par sa mauvaise santé pour pouvoir souffrir encore
de la perte de ce mari qu'elle ne voyait plus souvent depuis
quelques années. Heureusement, elle reprend ses relations
amicales et sa correspondance avec le fidèle Ménage, qu'elle a
un peu néghgé. Sa mauvaise santé est le sujet qui revient le plus
souvent dans ces dernières lettres, comme dans les lettres de son
amie Madame de Sévigné. Nous voyons d'après ces dernières
que depuis des années Madame de La Fayette souffrait de temps
à autre de fortes migraines 2, de fièvres, de coHques^, mais surtout
d'un certain mal de côté, suite d'un accouchement difficile ou
symptôme de cette maladie des reins nettement accusée à sa
mort. Avec une énergie digne de tout éloge, elle luttait contre
sa maladie et ne désespérait pas. Elle chargeait Mme de Sévigné
de dire à sa fille que "sa santé n'est jamais bonne et cependant
....qu'elle n'en aime pas mieux la mort, au contraire*." EUe
essaya tous les remèdes, eau de Vichy, lait d'ânesse, bouillon
1 Arch. du Ministère de la Guerre, Vol. 694 (2^ partie), p. 192, inédit.
2 Sév. n. 324. ^ j^id. v. 184. * Ibid. m. 73.
A. 13
194 ' Madame de La Fayette [ch.
de vipères, le remède anglais, saignées, purges, séjours à la
campagne, mais elle fut contrainte d'avouer à Ménage que "la
médecine ne fait que blanchir à ces sortes de maux et je n'ay
qu'à les souffrir tant qu'il plairai (sic) à dieu de me laisser en
ce monde." A cette époque, elle a perdu son beau courage dont
nous parlions tout à l'heure, elle ajoute donc "mais l'on ne
souette pas d'y demeurer^." Ces dernières lettres à Ménage sont
bien tristes, car elles rappellent des souvenirs du temps où elle
était belle et on voit qu'en les écrivant il lui revient à l'âme,
selon l'expression de Flaubert, "quelque chose de pareil à ces
mélodies oubliées que l'on retrouve au crépuscule, durant ces
heures lentes où la mémoire, ainsi qu'un spectre dans les ruines^
se promène dans nos souvenirs"^."
"Quoy que vous me difîandies de vous escrire," dit-elle par
la main d'un secrétaire, "je veux neantmoins vous dire com-
bien je suis véritablement touchée de vostre amitié je la recon-
nois telle que je l'ay veue autrefois, elle m'est chère par son
propre prix, elle m'est chère parce qu'elle m'est unique pré-
sentent* le temps et la vieilesse m'ont osté tous mes amis jugés
à quel point la vivacité que vous me tesmoignés me touche
sansiblem* il faut que je vous dise l'estat ou je suis, je suis
première™* une divinité mortelle et a un excès qui ne se peut
concevoir j'ay des obstructions dans les entrailles des vapeurs
tristes qui ne se peuvent représenter, je n'ay plus du tout
d'espris (d'espoir?) ny d'esprit ny de force, je ne puis lire ny
m'appliquer. La plus petite chose du monde m'afflige une
mouche me paroist un Eléphant voyla mon estât ordinaire
depuis quinze jours jay eu plusieurs fois la fièvre et mon
poulx n'est point remis a son naturel jay un grand rhume dans
la teste et mes vapeurs qui n'estoient que périodiques sont
devenues continuelles après que jay mangé quoy que je mange
très peu je suis cinq a six heures à n'en pouvoir plus plus in-
commodée qu'aucune femme grosse, ce que jay de bon c'est
que je ne dors pas mal et le peu que je mange je le mange sans
degoust pour m'achever de peindre jay une foiblesse dans les
jambes et dans les cuisses qui m'est venue tout d'un coup en
sorte que je ne scaurois presque me lever qu'avec du secours et
je suis d'une maigreur estonnante voyla Monsieur Testât de
cette personne que vous avés tant célébrée voyla ce que le temps
scait faire je ne crois pas pouvoir vivre longtemps en cet estât,
ma vie est trop desaggreable pour en craindre la fin je me sou-
1 Coll. Feuillet de Conches. 2 Corresp. 1. 130.
\
xi] U Historien et ses Dernières Années 195
mets sans peine à la volonté de Dieu. C'est le tout puissant et
de tous costés il faut enfin venir à luy. Lon m'a asseurée que
vous songiés fort serieusem* à vostre salut et j'en ay bien de
la joye. Ce fut par vous que j'apris la défaite des Turcs.
La C. de Lafayette^."
Il est évident, d'après la réponse de Mme de La Fayette, que
le galant Ménage éprouve une certaine diJBficulté à adapter son
langage à l'état de son ancienne élève — il persiste à lui adresser
les compliments qu'il faisait autrefois pour la belle Laverna.
Elle lui répond:
"Ce 2 octobre 1691.
"Vous m'appelles ma divine Madame mon cher Monsieur
je suis une maigre divinité vous me faites trembler de me parler
de faire mon portrait vostre amour-propre et le mien pattiroient
ce me semble beaucoup vous ne pouriez me peindre que telle
que j'ay esté car pour telle que ie suis il n'y auroit pas moyen
d'y penser et il n'y a plus personne en vie qui m'ait vue jeune.
L'on ne pouroit croire ce que vous diries de moy et en me voyant
on le croiroit encore moins ie vous prie laissons la cette ouvrage
le temps a trop détruit les matériaux j'ay encore de la taille,
des dents et des cheveus mais je vous asseure que je suis une
fort vieille femme.
"Ma santé n'empire pas Dieu mercy je me trouve mesme un
peu mieux aujourdhuy que ie ne fesois ces jours passés javois
desja un peu ouie parler du tailleur du M^" labbe Ferrare il me
semble que c'est un des articles de la noise. Je feray vostre
court à merveille à Mr Léger faites la mienne à Mr l'abbé
Bérault adieu mon cher Monsieur je suis en vérité bien sensible
à l'amitié que vous me tesmoignez cette reprise a de l'air de la
nouveauté je vous remercie bien de vos moyeux. Cest ma con-
fiture favorite parcequ'elle a un peu d'aigreur^.
La C. de Lafayette."
Ménage s'obstine à vouloir célébrer cette reprise d'amitié en
faisant un portrait et s'attire la lettre suivante qui tout en re-
1 Coll. Femllet de Conehes.
2 Elle ajoute en post-scriptum: "Quand j'étois jeiine et que vous me
guidies j'aurois dit ce me semble qu'erreurs au pluriel est plus beau en
vers qu'erreur mais que dans l'endroit que vous me marques plein d'erreur
me paroit meilleur que plein d'erreurs je ne sais pas si je dis bien je vou-
drois bien savoir qxii sont les gens de l'autre monde qui me prennent
pour un bon juge."
13—2
196 Madame de La Fayette [CH.
poussant d'une façon très aimable cette idée de son ami, lui
montre en même temps qu'elle a en tête des pensées bien plus
graves. Elle est mère, il lui faut penser à ses enfants car la mort
la menace. Aussi la fin de la lettre que voici s'occupe-t-elle
uniquement d'affaires. Nous en avons supprimé cette partie
pour abréger:
"Ce liindy au soir.
"Mon esprit mon cher Monsieur est aussi changé que mon
corps. Vous avez donne tant de belles idées de l'un et de l'autre
que ie ne vous conseille plus de reparler d'aucun des deux.
Laissons le monde sur ce que vous en aves dit. Vous avez
asses surfait quand les marchandises sont à la vieille mode le
temps de surfaire est passé, n'avez-vous point assez fait pour
moy de m'avoir tant louée au delà de ce que je méritois et
n'avez-vous point assez fait aussi de m'avoir donne une amitié
du prix dont est la vôtre je vous demande seullement de la
conserver à mes enfans si je meurs la première. Ce seroit le
meilleur morceau de la succession qu'un amy tel que vous.
Vous vivres encore longues années et ce que j'estime de vostre
longue vie c'est que vous vivez tout entier presque tout le
monde perd la moitié de soy mesme avant que d'avoir attrappé
la mort...."
Parfois elle lui écrit de sa main et ajoute : "Je vous écrits de
ma main cest pr vous seul que je fais cet effort," mais lorsque
Ménage loue ses lettres elle se récrie " ....où pouvez-vous prendre
bon dieu que mes lettres sont belles et éloquentes elles ne le
peuvent jamais estre quelque soin que vous ayes pris de m'ap-
prendre à escrire mais c'est toujours de fort mauvaises lettres
que des lettres dictées tant que la main d'un secrétaire peut
aller." Elle termine: "J'ai receu la Griselidis de Monsieur
Perrault dont je suis charmée ie vous prie de l'en remercier."
Nous avons déjà noté au passage une allusion aux Turcs, la
discussion d'une question de grammaire, voilà qu'elle mentionne
un hvre lu; ailleurs elle "ne sait point" l'étymologie de falbala,
tout ce qu'elle en sait "c'est que M. de Langlée est père de ce
mot" et elle écrit : "qu'il est né dans sa teste." EUe a beau être
malade, son esprit est sans cesse curieux.
De plus, le peu qui nous reste de ses Mémoires de la cour date
de cette époque. Toujours mêlée à la vie pohtique, par son père,
par sa marraine, par son beau-père, par son emploi de demoiselle
d'honneur de la reine, par son mari (il pouvait en effet lui parler
xi] UHistonen et ses Dernières Années 197
de Louise de La Fayette et de la cour de Louis XIII), par
son amitié avec Henriette d'Angleterre et par les hommes bril-
lants qui fréquentaient son salon, sans parler de La Roche-
foucauld, de Louvois et de Madame Royale, Madame de La
Fayette a, fort probablement, tenu un journal de ce qui se
passait dans ce monde d'intrigues qui l'intéressait beaucoup^ ;
mais son fils, l'abbé, n'attachait pas d'importance aux écrits de
sa mère, il les prêtait à qui les demandait et oubUait de les
réclamer par la suite. Après sa mort, on ne put pubUer, en 1731,
que les mémoires des années 1688 et 1689, tout ce qui restait
du travail. On conçoit facilement, après avoir lu ces pages, pour-
quoi Mme de La Fayette ne les avait pas livrées à l'impression.
Certes elle aimait bien "voir ses œuvres sortant de la presse"
comme elle dit elle-même dans une de ses lettres à Ménage, mais
elle était trop railleuse, trop vraie, trop perspicace et trop peu
éblouie par le Roi Soleil et par ses sateUites pour se permettre
de Hvrer au pubHc les impressions qu'elle en formait. Elle
connaissait personnellement la plupart des personnages qui
jouent leur rôle, petit ou grand, dans les pages de son livre, et
eUe se permettait une franchise vraiment étonnante à l'époque
pour une femme de sa position sociale. Il serait facile, avec notre
connaissance des événements et de leurs résultats, de critiquer
le?, Mémoires en tant qu'histoire, mais si l'on veut pour un instant
se rappeler que ces appréciations suivirent de près ces événe-
ments, on est forcé d'admettre leur haute valeur. Lorsqu'elle
parle d'un plan de campagne, c'est en général qu'elle le fait;
lorsqu'elle regarde les événements d'outre-Manche, elle juge
non plus en Française, mais en diplomate et en historien.
"On espéroit toujours en France," écrit-elle, "que l'humeur
hautaine du prince d'Orange deviendroit insupportable aux
Anglois, et, comme nous nous flattons très volontiers, on ne
doutoit point de voir en très peu de temps une révolte en Angle-
terre. Cependant le prince d'Orange avoit été couronné roi
d'Angleterre avec de très grands applaudissements. La con-
vention de l'Ecosse lui avoit aussi envoyé la couronne, quoique
le roi eût encore des partis fort puissans dans le nord de l'Ecosse.
Le prince d'Orange avoit fait assembler le parlement, qui lui
avoit accordé généralement tout ce qu'il avoit demandé, c'est
à dire de l'argent pour payer les troupes hoUandoises et pour
1 L'éditeur de la 1«™ édition (1731) écrit: "Il est certain que Madame
a comtesse de La Fayette avoit écrit des mémoires de tout ce qm s' et oit
passé à la comt de France depuis sa première jeunesse."
198 Madame de La Fayette [CH.
rembourser les avances qui lui avoit faites la Hollande pour
son dessein, de l'argent pour la subsistance, et les moyens d'en
tirer pour faire la guerre à la France. Tout cela s'étoit fait avec
une tranquilité étonnante. Londres, qui n'étoit point accou-
tumée à avoir des troupes, en étoit remplie sans oser souffler,
et le prince d'Orange, en deux mois, étoit devenu plus maître
de l'Angleterre qu'aucun roi ne l'avoit jamais été. Les Anglois,
qui avoit chassé leur roi sous prétexte de défendre et conserver
leur reKgion, la voyoient changer entièrement: car le prince
d'Orange, tout en faisant semblant d'accommoder les deux
rehgions, c'est à dire l'anghcane et la sienne, prétendue réformée,
laissoit les ministres de la dernière entièrement les maîtres, et
professoit pubhquement son calvinisme, à quoi tous les Anglois
applaudissoient^, ' '
Il est des ministres qui seraient heureux de pouvoir hre aussi
clairement dans l'histoire de leurs voisins. Il n'y a guère dans
ces deux années de mémoires que des questions de politique
extérieure, des récits de campagnes et surtout une relation des
affaires d'Angleterre, Le tout est coupé de temps à autre par
de petits tableaux de la cour. En hsant ce Uvre, on comprend
pourquoi ses amis disaient qu'elle était éminemment raisonnable.
Si eUe critique les plaisirs du roi^ et trouve qu'il est très vif dans
un nouveau jeu "où il n'y a pas plus de finesse qu'à croix et pile^,"
si elle déplore les dépenses qui vident le trésor en temps de paix*
elle reconnaît que dans un moment difficile il joue bien son rôle
quand "il ne falloit pas une moindre grandeur d'âme et une
moindre puissance que la sienne pour ne pas se laisser accabler^."
La cour ne la charme pas, elle la trouve triste® ou ennuyeuse,
"toujours les mêmes plaisirs, toujours aux mêmes heures, et
toujours avec les mêmes gens'." Mais ce qui donne un charme
tout particuher à ses mémoires, c'est la pointe d'ironie qui y
perce parfois. Elle est si fine que l'on hésite sur la vraie portée
de certaines réflexions — comme, par exemple, celle qui concerne
les cordons bleus^. Il lui arrive de sortir de sa réserve et de railler
ouvertement comme elle avait la réputation de le savoir faire
dans la conversation. "Tout cet argent," écrit-elle, "servoit
très utilement. Les troupes, à la vérité, en tiroient un très
médiocre avantage, car on ne leur donnoit rien; mais c'est une
habitude que l'on a prise en France, et dont on se trouve fort
bien." Lorsqu'un empirique se présente pour guérir la Dauphine
^ Éd. Asse, p. 248. 2 pp, 141 et 188. ^ 215.
* 219. 5 190. « 217. "> 198. » 185.
xi] U Historien et ses Dernières Années 199
qui se met entre ses mains, elle n'oublie pas de noter que "son
premier métier avoit été, demeurant au collège de Navarre,
d'apprendre à siffler à des linottes^." Elle remarque que les
officiers que l'on donnait à Jacques II sont "d'une habileté très
médiocre^." Elle ne manque pas l'occasion de rendre à Mme de
Maintenon la monnaie de sa pièce. Mme Scarron avait été de
ses amies, mais Mme de Maintenon jugea qu'il était impossible
de continuer cette amitié, parce que Madame de La Fayette la
mettait à trop haut prix. La favorite, qui devint femme légitime,
trouva bon de critiquer le faste de son ancienne amie, représenté
à ses yeux par son Ut galonné d'or^ et il est probable que Mme
de La Fayette la trouva de son côté un peu trop hypocrite et
pas assez vraie. Madame de Maintenon, nous dit la comtesse,
est représentée par Esther dans la pièce de Racine, "Toute la
différence fut qu'Esther étoit un peu plus jeune, et moins pré-
cieuse en fait de piété*." Certes, pour être historien, Madame
de La Fayette n'en est pas moins femme ! On voit ailleurs dans
ses pages qu'elle n'est nullement cagote et le Pape est traité assez
sévèrement par elle^. Elle trouve que les chapelets et les in-
dulgences qu'il envoya à Jacques II lorsqu'il lui demanda du
secours étaient "chose peu nécessaire à d'autres qu'à des dé-
vots consommés et qui n'étoit d'aucune utihté pour reconquérir
un royaume^." C'est parce qu'il fréquente les Jésuites que Mme
de La Fayette juge assez sévèrement Jacques II'. Elle a des
réflexions de bon sens pratique bien faites pour étonner ceux
qui s'obstinent à la considérer comme une prude qui passa sa
vie à languir dans un salon, "L'empereur opposa pour négo-
ciateur à Asfeld," écrit -elle, "le comte de Launitz, homme, à
ce que l'on dit, de peu d'esprit, mais qui avoit pourtant réussi
à mettre M. l'électeur de Bavière dans les intérêts de l'empereur:
il est vrai que sa femme y avoit eu plus de part que lui, car
M. l'électeur en étoit devenu amoureux, et il est difficile de trouver
des gens qui persuadent mieux que les amans ou les maîtresses®."
Elle admet que Saint- Cyr "maintenant que nous sommes dévots,
est le séjour de la vertu et de la piété" mais elle entrevoit la
possibilité qu'il puisse devenir "celui de la débauche et de
l'impiété." "Car," écrit-elle, "de songer que trois cents jeunes
filles, qui y demeurent jusqu'à vingt ans, et qui ont à leur porte
1 P. 256. 2 218, 225.
^ Lettre sur l'économie. Voir aussi vn. pp. 32, 49, etc., éd. 1757.
< Mém. de la cour, p. 214. ^ ibid. 145, 270, 271.
6Ibid. 271. ^Ibid. 211, 230. «Ibid. 148.
200 Madame de La Fayette [ch.
une cour de gens éveillés, surtout quand l'autorité du roi n'y
sera plus mêlée; de croire, dis-je, que des jeunes filles et des
jeunes hommes soient si près les uns des autres sans sauter les
murailles, cela n'est presque pas raisonnable^."
Sa critique n'épargne pas non plus son ami Racine "le
meilleur poète du temps, que l'on a tiré de sa poésie, où il étoit
inimitable, pour en faire, à son malheur et celui de ceux qui
ont le goût du théâtre lui historien très imitable^."
On ne peut pas porter un jugement sur l'ouvrage qui est
l'objet de ce chapitre, car ce n'est qu'un fragment, mais quand
on voit le talent de l'écrivain et son charme, son indépendance,
sa connaissance de la poUtique et de la vie, on ne peut que re-
gretter vivement la perte du reste de ce manuscrit. La jeunesse
et la maturité de Madame de La Fayette coïncidaient avec la
période de gloire de Louis XIV. Nous aurions voulu pouvoir
ajouter encore un volume et peut-être le meilleur, à la bibho-
thèque des mémoires, qui, pour cette époque, est déjà si
riche.
D'ailleurs cette perte des mémoires n'est peut-être pas la
seule dont il faut rendre responsable devant la postérité Louis
de La Fayette. Madame de La Fayette avait écrit un court
roman, qui avait pour titre Caraccio. Il n'a jamais été publié,
mais le manuscrit se trouvait en 1783 dans la bibhothèque du
duc de La VaUière. M. le Comte d'Haussonville parle d'un
"roman manuscrit intitulé Caraccio qui aurait figuré dans la
bibHothèque du duc de La VaUière"; "cependant," ajoute-t-il,
"le catalogue de cette célèbre bibHothèque, pubhé il est vrai
en 1787, par Nizon, n'en fait pas mention.... il n'est pas sûr que
le roman ait jamais été écrit^." Heureusement, le catalogue
publié en 1787 n'est ni le seul, ni le meilleur. Le catalogue de
vente pubhé en 1783 par Guillaume de Bure fils aîné contient
à la page 647 du Tome n. la mention suivante:
"No 4142, CARACCIO, histoire, par Mme de La Fayette,
in 80 V. b.
"Manuscrit sur papier du XVII^ siècle contenant 87 feuillets.
Nous ne le connaissons pas imprimé*."
1 Op. cit. 212-13. 2 213.
^ Madame de La Fayette (Hachette), p. 218.
* Gioillaïune de Bure fils aîné, Catalogue des livres de la bibliothèque
de Jeu M. le duc de la VaUière. l^'^" partie, mss. et livres rares. 3 vols, in 8°.
Paris, 1783.
xi] U Historien et ses Dernières Années 201
Nous n'avons pu trouver aucune trace de ce manuscrit de-
puis le moment où il fut vendu 20 livres 0 s. \ à la vente aux
enchères par de Bure aîné, mais, n'en déplaise à M. d'Hausson-
ville, il a bel et bien existé.
Peu après avoir écrit les Mémoires dont nous venons de
parler, Madame de La Fayette maria son fils. Il lui fallait
oublier ses occupations littéraires, et elle devait "se faire brave
pour la noce^, " elle qui ne pensait plus guère à ses toilettes.
Mais la maladie ne voulut pas l'épargner même dans ce moment
si important dans sa vie. Elle souffrait "d'une colique cruelle"
qui lui causa une grande faiblesse "ayant été saignée deux fois."
La lutte pour l'établissement de ce fils avait été âpre ; après le
mariage il se produit une forte réaction, "elle ne se mêle plus
de rien, elle sent la douceur et le soulagement de cette nouvelle
famine^."
Et pourtant ni l'affaire du mariage, ni sa mauvaise santé,
n'empêchent jVIme de La Fayette de s'occuper de la députation
de Charles de Se vigne. Elle écrit, elle fait des démarches, et
enfin dans la lettre où elle s'avoue vaincue, elle s'occupe de
Mme de Sévigné elle-même, fait des plans pour qu'elle économise,
lui offre un prêt sans intérêt, le tout dans une longue lettre à un
moment où elle n'a "point de tête" et lorsqu'elle a eu la fièvre*.
Elle fait son testament que l'on verra dans un appendice et
qui dénote im esprit fort clair et fort pratique. Un codicille
mettra plus tard le tout au point.
Dès lors elle engage un rude combat contre la maladie et la
mort. Madame de Sévigné a "confiance à la sagesse et à l'ap-
pHcation de Mme de La Fayette pour la conservation de sa
personne"; il lui semble "'qu'elle sortira toujours de tous ses
maux: Dieu le veuille.... 5" Son état ne laisse pas d'être triste.
Ses domestiques lui volent une somme assez importante^. Elle
se résigne et elle écrit "Je suis dans les vapeurs les plus tristes
et les plus cruelles où l'on puisse être; il n'y a qu'à souffrir,
quand c'est la volonté de Dieu'^."
Mais elle ne désespère pas et aussitôt que sa santé s'améhore,
tant soit peu, elle écrit à Mme de Sévigné pour lui dire d'être
en repos sur la vie de sa "pauvre amie." "Vous aurez le loisir,"
écrit-elle, "d'être préparée à tout ce qui arrivera^." De même elle
s'empresse d'envoyer un petit mot à Ménage pour le tranquilliser :
1 Prix des livres relié à la fin du catalogue. ^ Sév. ix. 327.
3 Ibid. IX. 428. * Ibid. ix. 243. ^ jbifi. jx. 405.
« Ibid. IX. 434. ^ ibid. ix. 578. « ibid. x. 58.
202 Madame de La Fayette [ch.
"Mardy matin.
"Je vous apprens avec plaisir quand je me porte mieux quand
je suis plus mal je ne scaurois m'empescher encore de vous
le dire c'est un soulagement pour moy que de me plaindre avec
quelqu'un que je suis asseuree qui prend part a mes maux il y a
quattre ou cinq jours que je ne dors plus les vapeurs me reveillent
a deux ou trois heures avec une agitation et une tristesse si
profonde que la perte de tout ce que jayme et de tout mon bien
ne me jettroit pas dans une pareille tristesse quand je seray
un peu mieux je me hateray bien de vous le mander ces sortes
de maux n'attaquent point la vie mais il (sic) la rendent bien
insuportable."
Elle ne peut plus, hélas ! se plaindre à son ami La Roche-
foucauld, au coin du feu, et Valant "son médecin, son confesseur
et son ami" n'est plus; Langlade est mort, et elle sent bien
qu'il est trop tard pour faire de nouveaux amis. Elle écrit à ce
sujet à Ménage :
"Samedi matin.
"Je vous escris aujourd'huy quoy que je sois dans un de mes
plus meschants jours mais je veux vous dire combien jay de
joye de vous scavoir bien logé agréablement par vostre belle vue
et agréablement par vostre hoste ie n'en suis point connue mais
le vous prie de lui faire mes compHments et de lasseurer que par
vous ie suis fort sa servante, ie n'aie jamais veu le Père Bouhours
et ie suis trop vieille pour commanser des connoissances mais
vous me ferez un vrai plaisir de me conserver ses bonnes grâces
pour M. l'abbé Régnier ie l'aie fort conneu autre fois et ie l'aie
toujours fort estimé s'il se souvenoit assez de moy pour me vou-
loir faire l'honneur de me venir voir j 'en serois très aise et vous
me ferez plaisir de l'en asseurer de ma part je suis si mal au-
jourdhuy que ie ne puis vous en dire davantage toute a vous.
La C. de La Fayette."
Elle s'occupe toujours de sa famille mais elle se rend compte
que son œuvre est presque terminée, et qu'il faut que "quelque
autre Madame de La Fayette" continue sa tâche. En sep-
tembre 1691 elle fait écrire à Ménage:
"A paris ce premier O'"'^ 1691.
"Je suis si mal de mes vapeurs depuis quelques jours que je
n'ay pu vous escrire, c'est un plaisir pour moi que de vous escrire
que mes vapeurs ne me permette pas toujours de prendre, c'est
xi] U Historien et ses Dernières Années 203
un chien de mal que les vapeurs, on ne scait d'où il vient ny
a quoy il tient on ne scait que luy faire, on croit l'adoucir il
s'aigrit, si jamais ie suis en estât d'escrire ie fairay un livre
entier contre ce mal la. Il n'oste pas seulement la santé il oste
l'esprit et la raison si jamais jay la plume a la main je vous
assure que j'en fairay un beau traitte. La généalogie de mes
enfans n'est point avancée du tout, j'en suis demeurée au grand-
pere du mareschal que jay trouve chez les Comtes de St Jean de
Lion dans le siècle 1300 jay le cartulaire des Souscilange ce dans
le Siècle 1000 et 11 00 ils sont qualifies miles( ?). Jay encore trouve
de leurs encestres entre ce cartulaire de Souscillange et les
preuves (?) de St Jean de Lion, mais je n'en ay pas des tiltres
certains comme de ceux que je viens de vous parler en Testât
ou est ma pauvre teste je ne travailleroient pas a leur généalogie
quand ils seroient prince du sang. Il faut qu'il vienne après moy
quelque autre Madame de La Fayette qui fasse ce que je n'ay
peu faire elle ne fairoit pas mal pourveu qu'elle en face autant
que moy. Je m'admire quelquefois toute seule. Je ne crois pas
aussi avoir bien des camarades en cette occupation cependant
ie trouve que je dois estre admirée trouves men un autre qui
eust une figure comme la mienne tournée au bel esprit comme
vous m'y aviez tournée et qui ayt aussi bien fait pour sa maison
sont des choses assez rares rassemblée (?). Il resuite de tout
cela que je n'ay plus de cens commun. Je vous asseure que
c'est un bel exemple a qui on voudroit faire un bon usage. Je
voudrois bien en pouvoir profiter mais c'est une grâce qu'il
faut demander a dieu adieu ^Monsieur merveille ou imbecille
ie suis toujours esgalement a vous et plus touchée de vostre
amitié parceque j 'en suis moins dignes par bien des cottees mais
ie la mérite pour en scavoir connoistre le prix et par santir
ce prix tel qu'il est.
La C. de La Fayette."
Vers Pâques 1692 ( ?) elle décrit son triste état dans une de
ses dernières lettres à Ménage :
"Il y a trop longtemps que ie ne vous ay mande de mes
nouvelles ie m'en ennuyés ma santé est toujours d'une langueur
a faire pitié ie dors très mal ie mange de mesme je suis aussy
d'une maigreur aussy exessive que la graisse dont j'estois lors
que nous aUasmes en Anjou je suis toujours triste chagrine
inquiette scachant très bien que ie n'ay aucun sujet de tristesse
204 Madame de La Fayette [CH.
de chagrin ni d'inquiétude ie me desapprouve continuellement
c'est un estât assez rude aussy ne croy ie pas y pouvoir subsister
et ie vous assure que ie ne me croid plus en droit que vous de faire
un bail de six ans je suis faschee que vous deslogiez premierem*
parceque ce vous est une très grande payne et de plus cest
que ie connoissois vostre logem* et que mon imagination scavoit
ou vous prendre vous avez autrefois conduit mes lectures du
temps que ie lisois pour apprendre quelques chauses presentem*
ie ne lis point et ie ne veux rien scavoir mais souvent ie fais
lire pour m'amuser et pour m'endormir. Indicquez moy quelq
livres il fault qu'ils soient de narration un livre de raisonnem*
emporteroit mon pauvre esprit des la première période. La
faiblesse de mon esprit et de mon corps est une chose surprenante
adieu mon cher Monsieur, nostre amithie ne finira jamais que
quand nous finirons.
La C. de Lafayette."
L'année suivante, Ménage disparaît, et la comtesse écrit le
dernier de ses billets à Mme de Sévigné que l'on a pu retrouver.
"24 janvier (1692).
"Helas ! ma belle, tout ce que j'ai à vous dire de ma santé
est bien mauvais : en un mot, je n'ai repos ni nuit ni jour, ni
dans le corps, ni dans l'esprit; je ne suis plus une personne ni
par l'un, ni par l'autre ; je péris à vue d'œil ; il faut finir quand il
plait à Dieu, et j'y suis soumise. L'horrible froid qu'il fait
m'empêche de voir Mme de Lavardin. Croyez, ma très chère,
que vous êtes la personne du monde que j'ai le plus véritable-
ment aimée^."
C'est ainsi que Madame de La Fayette raconte tout au long
son lamentable calvaire. Quatre jours avant sa mort elle perdit
connaissance^, et dans son hôtel de la rue de Vaugirard, le
25 mai 1693, elle succomba à une maladie de cœur^. Elle avait
également une maladie grave des intestins, cause de ses fré-
quentes coliques, une maladie des reins dont l'un fut trouvé dans
un état purulent, et deux polypes dans le cœur. On comprend
1 Ibid. X. 68.
2 Sév. X. 109 et Dangeau, op. cit. iv. 295: "Mardi, le 26 mai 1694....
On mande de Paris que Madame de La Fayette, la mère, a eu une rude
apoplexie, qu'elle a perdu la parole et ensuite la connoissance et on ne
doute pas qu'elle n'en meure."
^ Ibid. p. 297: "On mande de Paris que Madame de La Fayette est
xi] U Historien et ses Dernières Années 205
pourquoi elle ne sortait plus, pourquoi elle avait des vapeurs et
était triste, mais on comprend moins facilement comment elle
a pu s'occuper si activement de sa famille et de ses amis, malgré
ses incessantes souffrances. Et connaissant cette activité, l'on
ne comprend nullement que certains l'aient représentée comme
une femme qui "se baignait dans la paresse" selon une ex-
pression qu'on lui emprunte et qu'elle ne savait pas destinée
à une pareille fortune.
Elle ne put voir ses fils auprès d'elle avant de les quitter
définitivement, l'un d'eux était en Allemagne en sa qualité de
maréchal de camp^. Elle ne reçut pas le viatique, car elle ne
reprit point connaissance, mais elle s'était confessée et avait
communié quelques jours auparavant^. Le service funèbre eut
lieu à St Sulpice le 1er juin^ et quelques jours plus tard le
Mercure Galant annonça ainsi sa mort :
"Voicy les noms de plusieurs personnes considérables de
l'un et de l'autre sexe mortes depuis peu de temps. ...Dame
Marguerite (sic) de La Vergne. Elle estoit veuve de M. le Comte
de la Fayette et tellement distinguée par son esprit et par son
mérite qu'elle s'étoit acquis l'estime et la considération de tout
ce qu'il y avoit de plus grand en France. Lors que sa santé ne
luy a plus permis d'aller à la Cour, on peut dire que toute la
Cour a esté chez elle. De sorte que sans sortir de sa chambre
elle avoit partout un grand crédit dont elle ne faisoit usage que
pour rendre service à tout le monde. On tient qu'elle a eu part
à quelques ouvrages qui ont esté leus du PubUc avec plaisir et
avec admiration. Elle a laissé deux fils....*"
morte, c'étoit une femme de beaucoup d'esprit et de réputation." Copies
de rég. de décès de St Sulpice, ms. fr. Bibl. Nat. 32594, p. 398:
"Mai, 1693, 27. inh. de D^ marie magd"" de la Vergne âgée d'env.
60 ans veuve de h. et p. Sgr Mre françois de la fayette Sgr du d.
lieu morte le 25 en son hôtel rue de Vaugirard."
Archives de la Seine, Papiers Bégis. " St Sulpice, 1693, le 21^ (mai
1693) a été fait le convoi et enterrement de dame Marie Magdelaine de
la Vergne âgée d'environ 60 ans, veuve de h. et p. Sgr messire françois
de la fayette, Seigr. dudit lieu, décédée le 25<^ du présent mois en son
hôtel rue de Vaugirard, proche la rue férou et ont assisté audit convoi
et enterrement Msre Antoine Baillardeau, ecclésiastique et Msre charles
fret bourgeois tous deux amis. Signé Charles fret. Baillardeau." (Cette
notice fut publiée en partie par Jal, Dict.)
1 Mercure Galant, juin 1693, pp. 186, 195. 2 g^v. x. 109.
3 Papiers Bégis. "Le l'^'^ juin a été fait le service de Dame Mari©
Magdelaine de la Vergne...." etc. * Mercure, cité ci-dessus.
206 Madame de La Fayette [ch.
La curiosité est bien légitime qui nous pousse à nous former
une idée générale sur le caractère d'une personne qui vient
d'être soustraite à notre attention ou qui vient de disparaître.
Nous avons nous-mêmes vécu, en pensée, quelques années avec
Madame de La Fayette et maintenant, avant de poser la plume,
nous nous demandons quelle femme c'était. Si l'on n'avait eu
les yeux fixés que sur elle, la tâche serait déjà assez difficile, à
cause des siècles qui nous séparent, mais lorsqu'on a lu les
jugements de ceux qui nous ont précédés, elle l'est encore da-
vantage. Quand il devint nécessaire de présenter au public les
oeuvres complètes de Mme de La Fayette, précédées des quelques
faits que l'on savait sur sa vie, le portrait fut tracé pour être
en harmonie avec toute la galerie des contemporains. Peu à
peu on arriva à regarder ce portrait comme sacré et, même
lorsque des faits nouveaux prouvaient qu'il était faux, on n'osait
pas y toucher car on ne pouvait pas admettre qu'un portrait
ne fût pas en rapport avec tous les portraits de la même époque.
La vérité est que toute la galerie avait besoin d'être modifiée.
Lorsqu'un moment vint enfin où il ne fut plus permis d'ignorer
des documents qui venaient d'être mis à jour, on refit le portrait
de la tête aux pieds, on s'y acharna, il ne fallait pas qu'il restât
un seul détail du premier portrait, mais que la nouvelle Mme de
La Fayette fût le contraire exact de l'ancienne^. On est allé
trop loin, comme il arrive souvent dans des articles de revue, qui
sont faits pour attirer l'attention de lecteurs généralement assez
blasés, et qui sont écrits à la hâte, sans étude préalable ap-
profondie. Pour qui étudie en détail la vie de Mme de La Fayette,
il n'y a aucune contradiction dans son caractère; ce n'est pas
une femme qui changea complètement à un moment donné de
sa vie, et surtout ce n'est pas le sphinx que l'on voudrait nous
montrer^.
Nous avons noté en passant plusieurs traits saillants de son
caractère. Les accusations de Gourville et de Lassay dont nous
avons parlé ne sont pas à néghger. Lorsqu'un homme critique
une personne, il est rare qu'il invente de toutes pièces les faibles-
ses qu'il lui reproche. Il sait bien qu'il n'aurait aucune chance
de porter atteinte à la personne s'il soutenait qu'elle était blonde
1 Voir l'article d' A. Barine (bibliog.) et la réponse de F. Hémon (Ibid.).
2 M. Anatole France, parmi d'autres, paraît hanté par cette idée. Même
lorsqu'il évoque Mme de La Fayette dans son article siir Gyp dans la
4^ série de La Vie litt. (p. 268) il écrit: "Elle était vraie mais ses amis
ne savaient jamais ce qu'elle faisait, ni surtout ce qu'elle pensait."
xi] U Historien et ses Dernières Années 207
lorsque de toute évidence elle est brune. D'habitude, il prend une
faiblesse et il l'exagère, ou même il s'empare d'une qualité
et, en forçant un peu la note, il en fait un défaut. On peut donc
déduire de ces accusations, comme d'ailleurs de la correspon-
dance de son amie Mme de Se vigne, que Mme de La Fayette
était un peu plus "pratique " que ne l'étaient ses contemporaines.
Elle avait, en même temps que sa sensibilité d'artiste, les qualités
de la "business woman." Mais il ne faut pas croire qu'elle
manquait de sentiment — on fausserait à nouveau son caractère.
Madame de Sévigné en donne des exemples les plus probants'-
et cette sensibilité alla en augmentant pendant toute sa vie.
Elle était d'une humeur enjouée comme son amie, mais la
maladie la rendait sujette à des moments de tristesse et d'ac-
cablement. Dans ces crises, elle s'ennuyait et cherchait le
changement — elle voulait oublier, sortir d'elle-même^.
Costar loue son "esprit et ses rares connaissances.... sa
douceur, sa modération, sa sage et judicieuse conduite^." Certes,
elle avait de l'esprit et certains de ses mots où l'esprit ne man-
quait pas faisaient le tour des salons. En voici un entre beau-
coup et des moins connus: "L'illustre Comtesse de La Fayette
après avoir vécu longtemps dans une étroite Uaison d'amitié
avec une dame de la cour, se brouilla enfin avec elle sur quelques
mauvais procédés. Assez longtemps après, cette dame s'étant
trouvée, par hasard, à côté d'elle dans un appartement de Ver-
sailles, lui dit: 'Ce pays ci est comme les Champs Élysées, tout
le monde s'y trouve.' 'Il est vrai,' reprit la Comtesse, 'mais on
ne s'y parle pas* ! ' "
Elle avait du cœur et savait être affectueuse, mais sa forte
instruction et son naturel évitaient l'excès et elle mérite sa
réputation d'avoir été éminemment raisonnable. C'est pourquoi,
tout en étant d'une franchise et d'une véracité qui étonnaient
parfois les habitués de la cour, (et d'ailleurs elle poussait quelque-
fois à l'extrême)^ elle savait au besoin garder un secret. Sa rail-
lerie était parfois tellement fine que ses victimes ne s'en aper-
cevaient pas. Choisy nous raconte naïvement dans son Histoire
de la Comtesse des Barres le fait suivant: "Il arriva même que
Madame de La Fayette, que je voj^ais fort souvent, me voyant
fort ajusté avec des pendants d'oreille et des mouches, me dit,
1 Sév. ra. 140, 358. 2 i^id. n. 97.
3 Costar, Lettres, i. 550.
* Voir les documents pub. par F. Barrière dans La Cour et la Ville
soits Louis XIV. ^ Voir Sév. u. 179.
208 Madame de La Fayette [ch.
en bonne amie, que ce n'était point la mode pour les hommes et
que je ferais bien mieux de m'habiller tout à fait en femme."
Choisy suit ses conseils et va la voir ainsi attifé. "Elle s'écria
en me voyant, Oh ! la belle femme ! Vous avez donc suivi mon
avis et vous avez bien fait. Demandez plutôt à M. de La Roche-
foucauld! Il était dans sa chambre. Ils me tournèrent et me
retournèrent et furent contents. Les femmes aiment qu'on
suive leur avis et Madame de La Fayette se crut engagée à faire
approuver dans le monde ce qu'elle m'avait conseillé peut-être
un peu légèrement." "EUe n'aurait pas donné le moindre los
à qui que ce fût, si eUe n'eût été persuadée qu'il le méritait" dit
Segrais^. Elle allait même jusqu'à ne pas cacher son âge et
"eUe disoit hbrement en quelle année et en quel temps elle étoit
née^." Veut-on de meilleures preuves de la franchise d'une
femme ?
Et malgré tout, comme nous venons de le dire, elle savait
garder un secret. C'est, paraît-il, le tort qu'elle eut. On a poussé
les hauts cris en découvrant son rôle poUtique parce qu'elle
n'avait pas donné l'occasion à son amie Mme de Sévigné d'étaler
dans ses lettres, quasi pubUques, les progrès de ses négociations
avec Louis XIV et son ministre Louvois. On lui en a fait un
grief — c'est tout simplement l'accuser d'avoir été digne de la con-
fiance qu'on mettait en elle et de ne pas avoir fait preuve d'une
incapacité pitoyable dans cette affaire. Mais il ne s'ensuit pas
qu'elle fut en tout supérieure à ses contemporaines, et ce n'est,
certes, pas la peine de la mettre sur un piédestal comme une
femme de toutes vertus et de toute pruderie si l'on doit en miner
le socle avec cet argument : la liaison La Rochefoucauld. Nous
avons dit à ce sujet tout ce que nous avons à dire ; en ce qui con-
cerne sa prétendue pruderie, il faut proclamer nettement qu'elle
ne fut nullement bégueule. Nous avons mentionné ailleurs
dans ce travail l'opinion d'un critique qui disait en substance :
"Si Madame de La Fayette utiUsa les œuvres de Brantôme, elle
dut les Ure par les yeux de La Rochefoucauld." Elle hsait bien
les contes de La Fontaine et correspondait avec Madame de
Sévigné qui ne se gênait pas tant que cela ! Elle écrivait des
gaillardises elle-même — c'est son amie qui le dit^.
Madame de La Fayette avait de grandes qualités, elle était
généreuse, bonne mère, bonne amie, pleine de courage et d'é-
nergie en face de grands obstacles au bonheur, dont le plus grand
était une santé déplorable; elle fit son devoir, mais elle eut
^ Segraisiana, p. 45. ^ Ibid. ^ Sév. n. 350.
xi] U Historien et ses Dernières Années 209
quelques-uns des défauts de son époque — si c'en est un de se
mêler à la vie et d'appeler les choses par leur nom. — Enfin, sans
se retirer du monde elle put doter la littérature d'un chef-d'œuvre
et la biographie d'un portrait fort aimable.
On s'est demandé assez souvent quelles étaient les idées
religieuses de Madame de La Fayette — si toutefois elle en avait.
On s'est plu à faire remarquer que Dieu n'a aucune part dans
la lutte intérieure de la princesse de Clèves. Le portrait de
Mme de La Fayette que l'on aime à nous présenter est celui
d'une femme à l'inteUigence forte, nullement religieuse, peut-
être bien franchement hostile à la reUgion, au moins pendant
ime certaine époque de sa vie, mais qui, plus tard, écrasée par
la maladie et accablée par le poids des années, crut bon de se
rendre et d'accepter la reUgion comme une nécessité de la vieil-
lesse. La vérité nous paraît tout autre. Oui, Madame de La
Fayette ne fut jamais cagote (le moyen de l'être lorsqu'on a une
réputation de franchise et de sincérité?) mais elle paraît avoir
été fortement intéressée par le mouvement janséniste. Nous
avons déjà vu que le Père Rapin "de la compagnie de Jésus"
accuse Mme de La Fayette de fréquenter l'hôtel de Nevers "le
grand théâtre où se débitoit avec plus de bruit et même avec
plus d'applaudissements le nouvel évangile de Port-Royal^."
Dans les manuscrits à propos de Port -Royal pubhés dans la
Revue d'Histoire littéraire de la France, l'amiée dernière, nous
Hsons : "M. Nicolle a escrit, dit-on, une lettre contre les Pensées
de monsieur Paschal. Madame de La Fayette l'a pulvérisé
— Le Bon^." Monmerqué écrivit en marge du manuscrit: "Je
ne connais pas cette défense des Pensées de Pascal par Mme de
La Fayette. Elle n'est pas imprimée." En effet, non seulement
on n'a pas trouvé cette défense imprimée, mais de plus les
biographes de son auteur ne font aucune mention de la part
active qu'elle prit dans les querelles des jansénistes. Et pourtant
rien ne nous pousse à révoquer en doute la note de Le Bon, bien
au contraire. Nous Usons dans une lettre de Charles de Se vigne
que Madame de La Fayette, "nous fait une critique de l'oraison
funèbre de Monsieur de Tulle contre laquelle je me révolte,
parce que je trouve cette oraison très belle. Elle en fait de même
des Essais de morale, ie me révolte un peu moins sur cet article . . . .^ "
Elle avait dit aussi à propos des Pensées que "c'était méchant
1 Rapin, Mém. i. 403.
2 Rev. d'Hist. litt. de la Fr. av.-juin 1911, p. 422.
^ Sév. IV. 12 janv. 1676 et voir Sainte-Beuve, Port-Royal, v. 465.
A. 14
210 Madame de La Fayette [ch
signe pour ceux qui ne goûteraient pas ce livre." Nicole parle de
ce jugement en écrivant au marquis de Sévigné^, peut-être n'a-t-il
été "pulvérisé" que dans une lettre de Madame de La Fayette
qui a circulé de main en main chez les jansénistes. De quelque
façon qu'elle se soit occupée de la question, elle n'a pas été in-
différente au mouvement religieux de son époque et de tout
temps elle paraît avoir eu des rapports avec l'église. Peu après
son mariage elle écrit à Ménage qu'elle a entendu un sermon
admirable du Père Le Boux^ et lorsque Costar lui envoie ses
félicitations sur son mariage, il dit à propos de ses qualités : "En
un mot vous les ferez servir à vostre réputation, ou mesme a
quelque chose de plus important que l'excellent Père Le Boux
vous diroit bien mieux que moy^." Et plus tard, lorsqu'il faut
la consoler de la mort de sa mère il lui dit: "Cent fois j'ay sou-
haité un Père Le Boux auprès de vostre aimable personne, lors-
qu'on vous annonça une si cruelle nouvelle'*." Nous avons déjà
vu la lettre où elle rappelle Ménage à l'ordre pour avoir employé
des termes un peu trop galants à l'adresse de quelqu'un qui a
observé les jeûnes de la semaine sainte, et cette autre où elle
ne peut accorder qu'une conversation restreinte à son ami parce
qu'il fallait "retrancher ses divertissements pendant la semaine
sainte." On peut en conclure que Madame de La Fayette était
catholique et catholique pratiquante — sans être bigote. A-t-
elle évolué vers l'agnosticisme sous l'influence de La Roche-
foucauld? C'est la conclusion que Sainte-Beuve semble tirer
d'une lettre de Du Guet; nous ne lui connaissons pas d'autres
autorités pour appuyer ses dires^ et celle-là nous paraît insuffi-
sante. Si, comme nous le croyons fermement, Madame de La
Fayette a voulu faire jailhr un peu de lumière dans l'ombre qui
planait sur le cœur de son ami, elle aurait eu une tendance à
développer en face de lui ces pensées et ces croyances chré-
tiennes qui ne lui étaient pas inconnues. Elle fut assez raison-
nable et — ce qui est peut-être une meilleure sauvegarde dans
ce cas particuher — assez femme pour ne pas baisser pavillon
devant les critiques de son ami. Il faut toutefois admettre que
les documents nous manquent sur cette époque de sa vie. Mais
une fois qu'elle eut établi son fils et qu'elle se trouva débarrassée
des soucis de cette vie, elle pensa sérieusement à l'autre. En
compagnie de Madame de Sévigné elle avait assisté à un sermon
1 Voir Ste-Beuve, op. cit. v. 475. ^ Lettre, Coll. F. de C.
3 Costar, op. cit. i. 550. * Ibid. 552.
^ Sainte-Beuve, op. cit.
xi] U Historien et ses Dernières Années 211
de Bourdaloue^ et après la mort de La Rochefoucauld, son amie
l'avait menée chez Mme de La SabUère dans l'espoir que le
chemin qu'avait pris l'aimable dévote ferait sentir à Mme de
La Fayette que sa douleur n'était pas incurable^. Mais jusqu'en
1689 il n'est pas souvent question de ces choses dans la corres-
pondance de la marquise. C'est à cette date que Madame de
La Fayette lui écrit " que Mme de Coulanges est tout à fait dans
la bonne voie," et que quand son fils sera marié, elle tâchera de
s'y mettre aussi^. Nous avons vu, en outre, que peu de temps
après elle écrivit à Ménage : "Lon ma asseuree que vous songies
fort sérieusement a vostre salut et j'en ay bien de la joye."
C'est qu'elle s'était déjà adressée à Du Guet^ qui lui démon-
trait, usant d'une psychologie aussi fine que la sienne, que tout
ce qui lui restait de la vie était une réputation qui serait de peu
de valeur en face de la mort, qu'il n'était plus temps de garder
au second plan sa religion, que malgré sa lassitude et son dégoût
pour la pensée — suites de sa maladie — il fallait bien penser à sa
situation vis à vis de Dieu, Elle lui obéit. Elle envisagea la
question, et les résultats de sa réflexion se voient dans la corres-
pondance avec Ménage; elle demande son amitié pour ses en-
fants; eUe fait son testament en toute humiUté; et le tour de
ses lettres change complètement. "Dieu avoit jette une amer-
tume salutaire sur ses occupations mondaines, et elle est morte,
après avoir soufifert, dans la solitude, avec une piété admirable,
les rigueurs de ses infirmités, y ayant été fort aidée par M. l'abbé
du Guet et par quelques-uns des Messieurs de Port-Royal^."
Gardons-nous bien de dire que ce fut un changement brusque
— amené par la menace d'une mort prochaine, ou la victoire
d'une âme séduite sur un esprit qui avait critiqué la foi. Il y
avait bien longtemps qu'elle regardait cette fin comme la fin
parfaite d'une femme qui, avec les meilleures intentions, avait
lutté vaillamment sans pouvoir remporter une victoire autre-
ment que partielle. Et ceci ramène naturellement notre esprit
1 Sév. n. 107. 2 yi_ 476. 3 rx. 346.
* Peut-être vers 1689. Nous ne voyons nulle raison pour convenir,
avec M. d'Haussonville, que la fameuse lettre de Du Guet dont il a, après
Sainte-Beuve, tiré tant de concliosions hardies, fut écrite peu après la
mort de La Rochefoucaiild. Si, comme le veut M. d'HaussonviUe, la
direction de Du Guet ne fut pas inefficace, comment expliquer que ce
détachement des choses de ce monde, et le mépris de la "réputation"
que prêche le directeur, n'aient eu à cette époque qu'tin résviltat — la cor-
respondance de Savoie?
s Racine, Lettre à M. de Bonrepas, déjà citée.
14—2
212 Madame de La Fayette [ch. xi
à la méditation des paroles connues: "Enfin des années entières
s'estant passées, le temps et l'absence ralentirent sa douleur,
et éteignirent sa passion. Madame de Clèves vescut d'une sorte
qui ne laissa pas d'apparence qu'elle pust jamais revenir. Elle
passoit une partie de l'année dans cette maison Religieuse, et
l'autre chez elle, mais dans une retraite et dans des occupations
plus saintes que celles des Convents les plus austères et sa vie
qui fut assez courte, laissa des exemples de vertu inimitables."
CHAPITRE XII
L'ÉPISTOLIÈRE— L'ÉCRIVAIN— LE PHILOSOPHE
I
Le lecteur a certainement remarqué que nous avons eu fréquem-
ment recours dans ce travail aux lettres de Madame de La
Fayette et peut-être est-il d'avis que la citation va jusqu'à
l'abus. Mais si nous avons ainsi usé de documents précieux, ce
n'est pas seulement parce que nous estimons l'autorité de
Madame de La Fayette elle-même bien supérieure à la nôtre
mais aussi et surtout parce que nous tenons à utiliser des maté-
riaux dont on s'obstinait à ignorer, voire à nier, l'existence, soit
parce que Madame de Sévigné, correspondante infatigable, se
plaint de la brièveté de son amie, soit tout simplement parce
que Madame de La Fayette n'a pas trouvé jusqu'ici un Mon-
merqué pour recueillir ses lettres éparses. Toujours est-il que
l'opinion la plus répandue est que Madame de La Fayette
n'écrivait que rarement, que ses courts billets n'ont aucune
prétention littéraire et n'ont qu'un intérêt purement docu-
mentaire.
Or, Madame de La Fayette, sans écrire autant que son amie,
qui, si j'ose m'exprimer ainsi, en faisait un peu métier, ne laissa
pas pourtant d'écrire autant et plus que la majorité de ses con-
temporains. Sa correspondance pourrait être classée en deux
parties — dont l'une comprendrait des lettres écrites avec soin
et formerait un recueil à comparer avec celui de Madame de
Sévigné; l'autre serait d'un grand intérêt documentaire sans
être dépourvue de qualités littéraires et renfermerait des billets
d'affaires et d'autres billets également courts, adressés à ses
amis, au milieu de la souffrance physique qui rendait impossible
toute pensée soutenue. La première liasse — celle qui contri-
buerait le plus à la renommée Littéraire de l'écrivain, n'est pas
venue jusqu'à nous. Il en est échappé quelques lettres qui nous
font voir ce qu'aurait été un tel recueil, mais il est certain que la
plus grande partie reste à trouver, si toutefois elle existe encore.
Nous croyons que cette collection était entre les mains de
Ménage et qu'elle fut destinée à la publication — fait qu'aucun
214 Madame de La Fayette [ch.
de nos prédécesseurs ne paraît avoir indiqué. Madame de La
Fayette écrit de Vichy, à une date que nous ne saurions encore
préciser, mais qui n'est guère postérieure à son mariage^, la
lettre que voici, adressée à Ménage :
"14e may.
"....ie me resjouis avec vous de ce que vous ailes vous re-
tirer a Meudon, la solitude est si agréable et la campagne est si
belle présentement que c'est asseuremt un plaisir extresme
que dy estre. Vous y travailleres agréablement a nos lettres
j'avois peur que vous n'en eussiez perdu la pensée et jay pense
vous en faire souvenir deux ou trois fois ie vous promets de vous
garder le secret et si vous n'en parles a personne qu'a moy
asseures vous que cela ne sera point sceu...."
Le mois suivant (le 26 juin) à la fin d'une longue lettre
d'affaires, elle rappelle encore ce travail à son correspondant:
"Je ne vois point encore de vos lettres dattées de Meudon
jay bien envie que vous y soyes afin que vous travaillies à ces
lettres dont nous avons parlé ensemble."
À cette époque elle reçoit des lettres de Ménage "deux fois
la sepmaine" et lui écrit "tous les huit jours sans y manquer."
Ces lettres ont-elles été pubHées sans que fût indiqué le nom des
correspondants, ou bien avec un nom supposé? Ménage aban-
donna-t-il la tâche ? C'est ce que nous ne pouvons encore décider.
Il reste établi pourtant que Madame de La Fayette conçut
l'idée de faire publier les lettres, que celles-ci étaient assez
nombreuses à cette époque pour former un recueil et que Ma-
dame de La Fayette écrivait encore au seul Ménage une lettre
par semaine. Elle prétendait ne pas prendre garde au style de
ses lettres (de là vient parfois leur charme) et celle où elle le dit,
tout en se montrant d'aiUeurs jalouse de sa réputation littéraire,
doit être citée in extenso, car elle n'a été imprimée que dans une
brochure devenue assez rare. Elle est adressée à Huet.
"Le 15 may 1663.
"Vous êtes donc bien offensé contre moy? C'est bien fait
à vous de vous fâcher sans savoir si c'est à tort ou à droit. Les
beaux esprits vont quelque fois aussi vite en besogne que les
autres et le même feu qui les rend beaux esprits les rend aussi
esprits de feu c'est a dire étourdis en paroles couvertes. Je ne
^ Un examen plus attentif de ces lettres nous a permis de dater celle-
ci 1657.
xii] UÊpisioUère — U Écrivain — Le Philosophe 215
prétends pas dire que vous le soyez. A Dieu ne plaise. Je dis
seulement que cela arrive quelque fois. Mais revenons à nos
moutons. Vous vous offenses de ce que j'ay trouve mauvais,
dites-vous, que Mlle de la Trousse vous ait montré mes raison-
nements contre l'amour et la dessus vous concluez que c'est
une marque de peu de confiance de peu d'estime, enfin des
merveilles. Cela seroit admirable si c'étoit vray il ne s'en faut
que cela que vous ayez raison. Je n'ai point trouvé mauvais
que Mlle de la Trousse vous ait montré ce raisonnement. Je
vous aime mieux que je n'aime Mlle de la Trousse j'ai plus de
confiance en vous qu'en Mlle de la Trousse et je ne vous cacherai
jamais rien de ce que je lui montrerai mais j'ai trouvé mauvais
et très mauvais que Corbinelly en qui j'ai une confiance si
entière que je ne lui recommande même pas le secret parce qu'il
est lui-même le secret en personne ait montré a Mlle de la Trousse
une chose que j'écris à lui seul, à la campagne, sur le bout d'une
table, pendant qu'il écrit de l'autre côté sur le même sujet et
j'ai trouvé mauvais que ce que je n'ai écrit que pour lui et sans
jamais l'avoir relu, que ce que je ne lui ai laissé qu'un moment
parce que je le voulois brûler ne comptant non plus cela pour
quelque chose que je compte les lettres que j'écris tous les jours
à quoi je ne pense pas, que cela même enfin il le montre sans
m'en rien dire à Mlle de la Trousse et qu'il lui en laisse prendre
une copie et qu'il lui defïende même si peu de le montrer que
vous m'écrivez sans y entendre de finesse que vous l'avez vu.
Ha ça! êtes-vous encore fâché? trouvez-vous que j'ai grand
tort? et n'en auriez vous pas vous-même si vous vous plaigniez
encore de moi ? Je me plaindrois à mon tour si vous n'étiés pas
satisfait d'une si longue justification. Mr de la Fayette^ est à
Paris et fort votre serviteur. Mes compHmens je vous prie à
Made votre sœur. Adieu^."
Quelque préciosité dans le début de cette lettre et un style
négfigé ne masquent pas une pointe d'ironie et une allure qui
rendent fort agréable la lecture de cette page. C'est surtout
lorsqu'elle est légèrement irritée que Madame de La Fayette
écrit le mieux. Dans ces moments elle a une virtuosité de style
que Madame de Sévigné n'atteint jamais, car cette dernière
1 II s'agit, naturellement, du mari, bien que la lettre soit datée après
la "séparation." Son fils aîné n'avait que cinq ans à cette époque.
2 Je n'ai pu voir l'original de cette lettre qui se trouve à Florence.
L'orthographe de cette copie a été modernisée en partie.
216 Madame de La Fayette [CH.
sent derrière elle le public critique qui assistera à la lecture de
sa lettre. On connaît le joli trait que lui lança Mme de La Fayette :
"Hé bien! Hé bien! ma belle, qu'avez-vous à crier comme un
aigle?"
Voici une lettre écrite à Lescheraine où on n'aperçoit point
la femme souffreteuse qui aimait à "se baigner dans la paresse"
et pourtant elle vient de perdre La Rochefoucauld:
"Ce 22me septembre (1680) Je vous ay grondé par une de
mes lettres, par d'autres ie vous ay dit que vous avies la langue
bien longue, ie m'en vais vous dire encore pis : vous me mentes,
vous me contés des contes borgnes, et je ne veux pas vous laisser
croire que ie vous croye, ce qui me racomode avec moy cest que
je croy que vous pensés bien que ie ne vous croy pas, Pourquoy
me comtés-vous quon ne parle a Turin du retour de l'abbe de
Verue que depuis quil sen est plaint ? On en parloit devant, car
on en escrivoit et on escrivoit en destail parfait. Ne croy es pas
aussi que ie sois bien persuadée que vous me parlés de cette
affaire que fort superficiellement parce que vous nestes point
instruit des affaires d'Estat? Ne venés point me tenter ny me
faire parler sur les choses dont vous estes instruit; vous estes
fort bien instruit, monsieur, et encore une fois, fort bien instruit,
et ie suis mieux instruite que vous ne croyés : ne venés point me
comter de telles choses et ie ne vous diray rien, mais quand vous
voudrés men faire accroire, oh ie ne vous le souffriray pas; en-
tendés-vous bien cela? Je ne vous en dis pas davantage et ie
viens a mon damas, dont vous me parlés avec tant de soing
comme un homme qui se borne aux petites choses. Je viens den
rendre mil très humbles grâces a Me R....et ie vous dis encore
que vous avés eu la langue bien longue de luy en parler. Vous
voyés que ie ne suis pas en train de vous loué...."
Lorsqu'elle écrit à Huet, le style est généralement plus
travaillé; en dépit de ce qu'elle lui dit au sujet de sa négligence,
elle ne peut s'empêcher de se souvenir qu'elle s'adresse à un bel
esprit. Le résultat — lorsque la préciosité est évitée — est parfois
des plus heureux. On verra dans la lettre suivante le plaisir
qu'elle éprouve à tourner de johes phrases, à jouer avec une
pensée, et à faire avec un rien une lettre charmante.
"J'ai aujourd'hui la main à la bourse pour payer mes dettes,
c'est à dire à la plume pour faire réponse à tous ceux à qui je
la dois. Je vous paye des derniers et vous courrez risque d'avoir
xii] L' Épistolière — L'Écrivain — Le Philosophe 217
la méchante monnaie voici la dixième lettre que j'écris depuis
deux heures cela veut dire que je suis si lasse d'écrire que je ne
sais tantôt plus ce que j'écris. Vous perdez beaucoup que je
n'aie pas commencé par vous car je vous assure que mes pre-
mières lettres sont très éloquentes. Je m'en suis surprise moi-
même et j'ai songé si je n'ai pas lu Balsac depuis peu. De mon
ordinaire je ne donne pas dans l'éloquence si bien que je ne sais
à qui ni à quoi me prendi-e de la mienne. Enfin vous avez
Mr Ménage il partit hier avec Mr Montausier. S'il vous plait de
me le renvoyer bientôt quoiqu'il renonce au commerce du monde
et que je le vois bien moins que je n'ai accoutumé je ne veux
pourtant pas le perdre pour longtemps. Si vous me le gardez
plus que je ne le veux je ne vous le pardonnerois pas à moins
que vous ne le ramenassiez vous-même. Je suis tantôt au bout
de mon latin, c'est le mien dont je parle et non du latin en
général. Je n'étudie plus du tout qu'une demi-heure par jour
encore n'est ce que trois fois la semaine avec cette belle appU-
cation là je fais un tel progrès que j'ai tantôt oubUé tout ce que
j'avois appris. À proportion de cela si je m'engage à apprendre
l'hébreu de votre Grandeur devant que de mourir il faut que
je m'engage à obtenir une manière d'immortalité pour vous et
pour moi les années de la Sy bille y suffiroient à peine. Adieu
on va encore bien loin quand on est las car voila une longue
lettre pour une femme qui n'en peut plus."
Nous craignons encore d'abuser des citations ; quel que soit
notre regret, nous ne les multipUerons pas. Elles suffiront à
donner une idée du talent d'épistohère de Madame de La Fayette.
Leur style, naturellement, diffère beaucoup de celui de ses ro-
mans, mais il diffère presqu'autant de celui de son amie Madame
de Sévigné. Ce qui nous paraît caractéristique de ce style c'est,
pour user d'un néologisme, sa modernité. Il faut attendre les
romantiques pour retrouver après elle cette rapidité, ces in-
versions, cet esprit éveillé. Elle ne "donne pas dans l'éloquence "
et c'est là un des grands charmes de sa correspondance. Tout
comme elle tenait la seconde place dans le cœur de Madame de
Sévigné, elle tient facilement la seconde place parmi les épis-
toHères du XVIIe siècle et on trouverait peut-être des gens
d'un goût éclairé qui lui accorderaient la première — car il se
peut que le style de son amie ne plaise pas également à tout le
monde. Nous osons espérer que le moment n'est pas encore
trop tardif pour rassembler ces lettres éparses et donner ainsi
à Mme de La Fayette la place qu'elle mérite de tenir aux côtés
218 Madame, de La Fayette [CH.
de Madame de Se vigne. Un tel recueil aurait un intérêt moins
général à cause des sujets traités et parce que le plus souvent
Mme de La Fayette écrivait pour un particulier et non pas pour
le public; il y manquerait aussi cet amour maternel, réel sans
doute, mais que Madame de Se vigne a su si bien utiliser pour
embellir ses lettres ; on y trouverait par contre un naturel et une
simplicité qui font parfois défaut dans la correspondance de la
marquise.
II
Dire que les classiques transformaient une matière de peu
d'importance en une grande œuvre est aujourd'hui un lieu
commun, mais on chercherait longtemps parmi eux sans trouver
un auteur qui sert aussi bien que Madame de La Fayette à
appuyer cette vérité. Elle ne se contentait pas de reprendre des
sujets traités par ses prédécesseurs ; elle allait encore plus avant
dans ce chemin et reprenait un sujet qu'elle avait déjà traité
elle-même. Si l'on excepte Za'ide, Madame de La Fayette n'ex-
ploite qu'un sujet — qui est celui de la Princesse de Montpensier,
de VHistoire d'Henriette d'Angleterre, de la Princesse de Clèves,
et de la Comtesse de Tende — une femme se marie (ou plutôt on
la marie) ; pour une raison ou pour une autre, cette union ne
satisfait pas son cœur; un homme survient qui peut éveiller
l'amour en elle. De là une lutte entre le devoir et le cœur, et
c'est tantôt l'un, tantôt l'autre, qui sort vainqueur de ce combat.
Cette situation avait été assez souvent traitée avant elle, mais
en véritable artiste elle sut la renouveler. D'abord elle comprend
qu'un mari ridicule affaiblit l'intérêt, elle le remplace par un
mari sympathique^. Ensuite elle voit que la lutte cornélienne
trouve naturellement sa place dans un récit de ce genre; puis
comme les autres classiques, elle renforce l'intrigue en la ra-
menant à la vie réelle, en la naturalisant, mais en lui donnant
des traits assez généraux pour qu'elle puisse être de tous les
temps. Une part d'expérience personnelle qui enlève à la psy-
chologie ce qu'elle pourrait avoir de trop abstrait, un style qui
n'absorbe pas l'attention du lecteur au détriment du fond,
voilà qui complète l'œuvre d'art.
On a pu dire que la méthode était corné henné, mais on a dit
également que la Princesse de Clèves était du Racine. La vérité
est que la Princesse de Clèves n'est ni du Corneille ni du Racine.
1 Nous avons déjà siiffisamment démontré qu'elle n'était pas la
première à le faire.
xii] L'ÉpistoUère — L'Écrivain — Le Philosophe 219
C'est du La Fayette et c'est aussi le type du roman classique.
Elle ne peut pas être sans point de contact avec les autres œuvres
contemporaines qui procédaient du même principe. On y
trouverait donc aussi des ressemblances avec Descartes ou
Molière. Et tout cela montre combien Mme de La Fayette a
le droit de n'être pas séparée des grands classiques.
Nous l'avons déjà vue à l'œuvre, prenant dans Brantôme
des matériaux pour son roman. Il lui fallait de plus se tourner
vers la vie, tout comme les naturalistes. Pour le cadre historique,
pour tout ce qui donnera une atmosphère de réalité, une docu-
mentation était nécessaire. Mais où elle se montre supérieure
à beaucoup de ses successeurs, c'est quand elle comprend que
la documentation seule ne peut donner la vie, qu'elle aboutit
même fort souvent à étouffer la vie et à donner un ensemble
aussi faux que l'idéahsme le plus outré. Rarement — cette
restriction nous est imposée par le début de la Princesse de
Clèves — elle laisse voir sa documentation. Et elle se garde
bien de lui conférer trop d'importance. Elle l'éloigné, elle
l'épure, elle l'adapte, elle la transforme comme le potier qui
tout d'abord tourne et retourne l'argile épaisse pour en faire
enfin un vase qui est sa création propre — l'œuvre d'art. En-
suite elle limite son champ ; il ne sera question que d'honnêtes
hommes et de belles femmes, car elle ne connaît que la cour.
Il n'y aura aucun élément grossier, terre à terre, susceptible de
faire ressortir par contraste la finesse des héros du roman. EUe
sait qu'elle peut mener sa tâche à bien sans d'aussi évidents
artifices. EUe étudiera la vie et même sa propre vie, ses tableaux
seront d'après nature, sans qu'elle soit naturahste pour cela.
Au contraire, elle mettra tous ses soins à idéaUser l'œuvre
qu'elle a entreprise. Le résultat sera-t-il donc un bibelot qui
passera bientôt de mode et qui sera vite oubhé ? Non pas ; l'œuvre
d'art dure encore. C'est justement parce que nous n'avons pas
toujours devant nous tous les détails réahstes que l'œuvre ne
se démode pas. On sent en Usant aujourd'hui ce roman que
ce monde n'est pas le nôtre, que ce n'est pas de cette façon que
nous exprimons nos joies et nos douleurs, que ces grandes
maisons sont maintenant des musées, mais nous sentons en
même temps, et d'une manière autrement forte, que ces cœurs
étaient tout comme les nôtres, que les lois morales qui pesaient
sur les personnes pèsent sur nous, que nous n'aspirons pas à
atteindre un autre idéal que le leur, et que nous échouons
souvent avant d'arriver au but tout comme ces belles femmes
220 Madame de La Fayette [ch.
et ces hommes admirablement bien faits. Le sujet a été repris
par les écoles littéraires qui ont succédé à l'âge classique. Il
est plus que jamais à la mode en ce moment. Nous en avons vu
des ménages à trois ! Hélas ! nous en verrons encore ! Et si,
écœurés par la fréquence de ce sujet dans les romans contem-
porains, nous nous réfugions dans nos bibliothèques pour reUre
la Princesse de Clèves, pourquoi éprouvons-nous à relire encore
une fois cette même situation, un plaisir et un charme qui man-
quent le plus souvent ailleurs? C'est que Madame de La Fayette
fut artiste avec l'idéal élevé de tout artiste digne du nom. Ce
n'est pas le sujet qui importe, mais la manière de le comprendre
et de le traiter. La popularité de la Princesse de Clèves, au mo-
ment présent — où l'on prépare en même temps une édition d'art,
une édition critique, et une édition de luxe (sans parler d'une
édition populaire qui vient de paraître) — suffit pour montrer la
puissance artistique de l'œuvre. Nous ne connaissons pas de
roman qui ait été réédité aussi souvent, avec un soin aussi
méticuleux. De nos jours Taine, de Lescure, Anatole France,
ont été les parrains de belles éditions. L'édition populaire cherche
une bonne reliure, un frontispice de goût, un joU format. L'édi-
teur respecte l'œuvre, sait qu'elle s'adresse à un public déUcat,
éclairé, qui serait froissé si un détail matériel quelconque donnait
à ce livre une grossièreté qui est absolument absente de ses pages.
Tout comme Madame de La Fayette elle-même demandait que
ses romans fussent imprimés avec soin et bien reHés, le pubUc
de nos jours demande ce qu'il y a de mieux pour cette œuvre
d'art.
III
Et cependant il s'est trouvé de nos jours des personnes si
délicates, restées pures de toute tache, même en lisant les romans
contemporains, qu'elles trouvent la Princesse de Clèves immorale.
D'après ce que nous avons vu des procédés de Mme de La
Fayette, il serait oiseux d'essayer de démontrer la pureté de
ses intentions. Il s'agit donc de regarder, pendant un instant,
non pas ce qu'elle voulait faire, mais ce qu'elle a fait.
Au dix-septième siècle, siècle par excellence où l'on croyait
à la vertu, on estimait la Princesse de Clèves bien supérieure aux
romans frivoles qui l'avaient précédée. Il est vrai que Valincour
a des doutes sur l'impression que pourrait faire la passion de la
princesse sur des cœurs sensibles. Ces doutes s'appliqueraient
avec autant de justice à n'importe quel roman.
xii] U Épistolihe — U Écrivain — Le Philosophe 221
Au dix-huitième siècle — tout au début — Lenglet du Fresnoy,
qui s'y connaissait en romans, écrivit de Zàide et de la Princesse
de Clèves: "Encore pour ces romans, ils sont sages, on y voit des
mœurs, l'un ne prêche qu'une tendre amitié et tout au plus un
amour réservé, un amour vertueux. La Princesse de Clèves
n'aboutit qu'à un fort beau principe de mœurs, qui est de faire
voir que tout amour qui attaque le devoir ne rend jamais
heureux^." L'abbé Prévost, au début d'une longue diatribe
contre les romans tels que Cassandre, Cléopâtre, le Grand Cyrus,
Polexandre, etc. ...parle ainsi à son élève: "Comment? dis-je
au marquis ; c'est là ce qui s'appelle de la galanterie la plus fine
et la plus passionnée ? Est-ce la nature seule qui vous en a tant
appris? Il faut que vous ayez pillé cela dans quelque roman.
Il m'assure que tout étoit de lui jusqu'au moindre mot et qu'il
n'avoit jamais lu de romans, si ce n'étoit les deux que j'avois
achetés à Bordeaux, c'est à dire Télémaque et la Princesse de
Clèves. Je vous conseille, lui dis-je, de n'en lire jamais d'autres.
Un homme plus sévère que moi en retrancheroit même la Prin-
cesse de Clèves, car le fruit qu'on en peut tirer pour se former le
style n'égale pas le péril auquel on s'expose de s'amollir le cœur
par une lecture trop tendre^."
Au dix -huitième siècle, on a encore des doutes sur la moralité
de la Princesse de Clèves et c'est l'auteur de Manon Lescaut qui
les formule et dans l'ouvrage même oii il fait paraître son héroïne.
Mais n faut remarquer que le brave abbé ne critique que la
tendresse des sentiments et que sa critique s'appUquerait, tout
comme celle de Valincour, à n'importe quel autre roman — même
à celui qui mettrait en scène M. X...., et MUe Y.... qui convo-
leraient en justes noces à la fin du dernier chapitre.
C'est au dix -neuvième siècle que l'on rencontre la première
critique sérieuse de l'influence de la Princesse de Clèves. "La
leçon qui résulte du roman," écrit Victor Fournel, " c'est que tout
amour qui attaque le devoir ne peut être heureux; cependant
l'amour de la princesse n'est vaincu qu'après tant de concessions,
de résistance et de larmes, il est encore si beau et si touchant,
dans sa défaite, il en sort enfin ime émotion si douce et si com-
municative, qu'il afïaibhra certainement plus de cœurs que son
dénouement n'en pourra raffermir. Il faut le reconnaître, cette
lecture est troublante, elle énerve en charmant. Ces amours
profonds, ou plutôt ces adorations ardentes qui constituent le
^ C. Gordon du Percel, De V usage des romans, i. 13-14.
2 L'abbé Prévost, Mém....d'un homme de qualité, 1908, n. 80.
222 Madame de La Fayette [ch.
roman chevaleresque et poétique du XYII^ siècle, Madame de
La Fayette en a accru la force parce qu'elle en a perfectionné
la peinture, parce qu'elle leur a prêté l'appui d'une observation
plus fine et plus vraie, d'un sentiment plus intime, d'un style
plus attrayant....^"
Mais c'est M. Pierre Mille, critiquant La douceur de vivre de
Mme Marcelle Tinayre, qui se montrera le plus ingénieux pour
prouver l'immoralité de la Princesse de Clèves. "Je n'insiste pas,
je vous le répète," écrit-il, "mais je puis bien faire remarquer
en passant qu'on pourrait tirer les mêmes conclusions de la
Princesse de Clèves où tous les personnages par vertu n'arrivent
qu'à se rendre parfaitement malheureux, sans profit pour per-
sonne. Voilà même pourquoi j'ai trouvé, toujours trouvé, que
c'était un roman immoral à l'extrême que la Princesse de Clèves
et pourquoi j'en interdirai toujours la lecture à ma fille, si par
hasard elle possède une ombre de sens critique, ce qu'on peut,
du reste, pour son bonheur, ne pas souhaiter avec trop d'em-
pressement^."
M. Pierre Mille, dans cette boutade (car nous ne pouvons
croire que c'est autre chose qu'une boutade) redoute que sa
fille ait le sens critique assez développé pour raisonner ainsi
après avoir lu la Princesse de Clèves : — La princesse est vertueuse.
La princesse est malheureuse. Donc ne soyons pas vertueuse.
Nous craignons que M. Pierre Mille ne soit un peu trop sévère
pour sa fille. Aurait-elle vraiment un esprit aussi perverti qu'il
semble le croire? Pour notre part, sans savoir même si elle
existe , nous ne voulons pas l' admettre . Son père serait bien étonné
si, après avoir lu à la dérobée ce roman immoral, elle n'en tirait
que les conclusions suivantes : une femme se marie, sans amour,
pour faire plaisir à l'ambition de sa mère ; ensuite elle aime un
homme qu'elle aurait pu épouser en tout honneur, trouvant
ainsi un mari qu'avait recherché une reine d'Angleterre, un
parti en somme que sa mère aurait accepté avec joie si elle avait
maîtrisé un peu son impatience d'établir sa fille. Conclusion de
jeune fille : "Ne nous marions pas sans amour et si par malheur
cela nous arrive, n'aimons pas ailleurs, ou nous serons aussi
malheureuse que la princesse de Clèves."
Tout est sain aux sains et nous n'avons aucune raison pour
croire la jeune fille française de nos jours plus pervertie que ne
l'étaient ses sœurs du XVII^ siècle — l'existence d'un père aussi
1 Litt. indép. p. 208.
2 U Illustration, N° 3541, jan. 1911, p. 3.
xii] U Êpistolihe — L'Écrivain — Le Philosophe 223
soigneux de la vertu de sa fille que l'est M. Mille suffirait pour
nous convaincre que le contraire doit être maintenant le cas
général^.
Pour nous, la morale de Mme de La Fayette est une morale
élevée. Passons, sans plus tarder, à sa philosophie en général.
Un écrivain distingué a consacré tout un article à la princesse
de Clèves et Descartes^. D'après ce dernier, la passion est en nous
l'œuvre de la nature et comme une opération machinale des
"petits esprits." Il ne dépend donc pas de nous d'être ou de
n'être pas sensible à la douleur, à l'amour, à la haine. Mais si
nos passions ne dépendent pas de nous, nos actions dépendent
de notre volonté. Il dépend de nous de consentir ou de ne pas
consentir aux effets de nos passions et aux démarches où elles
s'efforcent de nous entraîner.
La princesse de Clèves agit donc en cartésienne (1») Lorsqu'elle
analyse son état d'esprit et engage la lutte contre la passion qui
naît en elle. (2°) Lorsqu'elle considère cette passion comme un
désordre au lieu de l'idéaliser en "flamme divine" de "coup du
ciel," lorsqu'elle ne se dit pas que depuis qu'elle aime elle se sent
meilleure, plus noble, etc.... (3°) Lorsqu'elle se distingue d'avec
la passion, elle place son moi dans la raison et dans la Uberté.
C'est l'âme généreuse de Descartes. Ce rapprochement est fort
juste si l'on admet que Madame de La Fayette et Descartes
aient eu la même philosophie. Il est faux si l'on en déduit, comme
certains critiques sembleraient croire, que c'est la lecture du
Traité des passions qui a fait ainsi envisager la vie à Madame de
La Fayette. Nous ne voyons ici qu'une "communauté d'in-
spiration" comme M. Lanson a si bien fait remarquer qu'il y
en a une entre la philosophie de Corneille et ceUe de Descartes.
Là aussi la similitude est frappante, mais les passages de Corneille
qui se rapprochent le plus du texte du Traité sont tirés de pièces
antérieures au hvre du philosophe^.
Qu'elle soit tirée de Corneille, de Descartes, de la conversa-
tion de ses amis, ou tout simplement de ses expériences person-
nelles et de son caractère, toujours est-il que la philosophie
^ Un autre critique trouve en 1870 que la P. de C. est immorale. Nous
avons nommé M. A. de Margerie {Madame de la Fayette, Nancy, 1870,
8°) qui compare, dans sa brochure, la princesse et Pauline. Mais, d'après
lui, Pauline est morale parce que chrétienne.
2 Cherbuliez (Victor), Rev. des deux mondes, 15 mars 1910, p. 284
et suiv.
2 Voir à ce sujet la Rev. d'Hist. litt. de la Fr. 1894, i. 410.
224 Madame de La Fayette [ch. xii
de Madame de La Fayette s'accorde bien avec celle de
Descartes.
Il faut nous borner à ces quelques considérations sur la
pensée philosophique qu'a eue notre auteur; nous craignons
d'être lourd, et Madame de La Fayette nous en voudrait de
faire d'elle un philosophe. Certainement, elle ne pensait pas à
la philosophie en faisant la Princesse de Clèves. Arrêtons-nous
donc sur cette pensée qui lui serait agréable. Son roman n'est
pas oubUé, comme nous l'avons suffisamment démontré dans
le chapitre que nous lui avons consacré. Au contraire, il
paraît avoir en ce moment un regain de popularité. Son auteur
était, pour emprunter un beau passage de M. Anatole France,
une de ces femmes du temps jadis "qui eurent l'art de bien
vieiUir, d'achever de vivre.... qui, sages enfin et coquettes encore,
abritaient pieusement sous la dentelle les débris de leur beauté,
les restes de leur grâce et de loin souriaient doucement à la
jeunesse, dans laquelle elles cherchaient les figures de leur
souvenirs^." Les débris eux-mêmes n'existent plus, mais parce
que Madame de La Fayette a eu le talent de faire une œuvre d'art
de ses souvenirs, elle sourit encore de loin, à travers plus de deux
siècles, à cette jeunesse qui aime et qui aimera toujours, tantôt
heureusement, souvent malheureusement, avec les mêmes joies
et les mêmes douleurs qu'éprouvaient la princesse de Clèves et
sa charmante créatrice.
^ Vie litt. IV. à propos de Notre Cœur de Maupassant.
BIBLIOGRAPHIE DES ŒUVRES DE
MADAME DE LA FAYETTE
Liste des bibliothèques dont nous avons consulté les catalogues,
et des abréviations employées.
Amiens. Bibliothèque de la Ville.
Amsterdam. Bib. de l'Université.
U.B.A.
Angers. Ville.
Avignon. Bib. et Musée Calvet.
Berlin, (a) Kgl. Bib. (b) Univ.
(a)K.B.B. (6)K.U.B.B.
Blois. Ville.
Bordeaux. VUle.
Bruxelles. Bib. Royale de Belgique.
B.R.B.
Cahors. Ville.
Cambridge. Univ. (Angleterre.) Can-
tab.
Châteauroux. Ville.
Cologne. Stadtbib.
Copenhague. Bib. Royale. B.R.C.
Dijon. B.D.
Dresde. Kgl. Off. Bib. K.B.D.
DubUn. Trinity CoUege. T.C.D.
Florence. Bib. Naz. Centrale.
B.N.C.F. B.N.F.
Gand. Univ. B.U.G.
Genève. Ville.
Grenoble. Ville.
Harvard. (E.U.A.) Univ.
Havre. Ville. B. du H.
Haye (La). Kônig. Bib. K.B.H.
Leipzig. Univ. U.B.L.
Leyde. Univ.
Londres. British Muséum. B.M.
Lyon. ViUe. B.V.L.
Madrid. Bib. NacionaL
Manchester. Univ.
Mayence. St. Bib.
Munich. K.-Hof, und Staat-Bib.
Nancy. Ville.
Nantes. Ville. B.P.V.N.
New York. N.Y.P.L.
Nice. ViUe. B.V.N.
Nîmçs. Ville. B.M.N.
Padoue. Univ.
Palerme. Bib. Naz.
Paris. Arsenal. B.A. B. Ars.
Mazarine. B. Maz.
Nationale. B.N.
Sainte-Geneviève.
Université (Sor bonne). B.
Sorb.
Rome. Bib. VaUicelUano.
Saint-Louis. (E.U.A.) Ville.
Strasbourg. K. Univ. und L. K.L.S.
Stuttgart. K. Landesbib.
Troyes. ViUe. B. Tr.
Turin. Bib. Civica.
Yale. (E.U.A.) Univ.
Zurich. Stad. Bib.
\
15
226 Madame de La Fayette
Le Portrait de Madame de Sévigné.
Manuscrit.
Copie du Portrait de Madame la Marquise de Sévigné par Madame de la Fayette
sous le nom d'xm inconnu. F" 573-^ du Recueil de Camus, Recherches
curietises. Tome v. Bib. Ars. ms. 675. Écriture du commencement du
XVIIle siècle.
Éditions.
1. 1659. Divers portraits. Imprimés en l'année mdclix. 4°, s.l. pp. 313-317.
Portrait de Madame de Sévigné. . .etc. (Dans l'exemplaire L. 37, b. 187
de la Bib. Nat. se trouve une note manuscrite ainsi conçue: "A Caen par
ordre et aux dépens de Mademoiselle sous les yeux et par les soins de
M. Daniel Huet depuis Evesque d'Avranches. Il n'en a été tiré que
soixante exemplaires. On sçait cette particularité de M. Huet lui-même
qui l'a dit en 1718 à un de ses amis.")
2. 1659. Recueil de portraits et éloges en prose, dédié à son Altesse Royale
Mademoiselle. Paris (Sercy et Barbin). 1 vol. in 12° de 32.5 pp. (Cette
édition n'est pas une simple réimpression de celle de Caen. On a omis d'y
mettre quelques portraits, et des meilleurs, poiu" en ajouter d'autres.)
3. 1659. (La Galerie des Peintures ou) Recueil des Portraits en vers et en
prose dédié à son altesse royaUe Mademoiselle. Paris (Charles de Sercy et
Claude Barbin). 1 vol. 8°. À la page 824. (Les mots entre parenthèses ne
se trouvent que sur le titre gravé. Le texte corrige celui de l'édition de Caen ;
p.e. Caen: "Grâce au privilège d'inconnu que je suis auprès de vous. . ."
Paris: "Grâce au privilège d'inconnu dont je jouis auprès de vous.")
4. 1663. La Galerie des Peintures ou Recueil des Portraits et éloges en vers
et en prose, contenant les portraits du Roy, de la Reyne, des Princes,
Princesses, Duchesses, Marquises, Comtesses et autres Seigneurs et Dames
les plus illustres de France. I^a pluspart composez par eux-mesmes.
Dédiée à son Altesse Royale Mademoiselle. Deux parties, Paris (Sercy).
2 vols, in 120. (Pareille à la 3^ édition avec quelques portraits en plus. Nous
n'en avons pas vu d'exemplaire.) Bib. Nat. Cent, di Fienza. Bib. Troyes,
etc.
5. 1804. Réimprimé à la suite de la Princesse de Montpensier. Voir au
No. 28.
6. 1860. La Galerie des Portraits, etc Nouvelle édition avec des notes
par M. Edouard de Barthélémy. Paris (Didier). 1 vol. in S° de vni-562 pp.
p. 95. Rétablit le texte original.
(Ce portrait a été souvent réimprimé — en tête des œuvres de Madame
de Sévigné, dans des Recueils et dans des livres de classe.)
La Princesse de Montpensier.
7. 1662. La Princesse de Montpensier. A Paris chez Thomas Jolly au Palais
dans la petite salle, aux Armes d'Hollande et à la Palme, mdclxh. Avec
privilège du roi. 1 vol. 8°, 9 x 14 cm. pp. vm-142. Privilège à Augustin
Courbé — cédé par lui à Jolly et BLIlaine. Achevé d'imprimer le 20 août
1662. B.A. BeUes Lettres 13573. B.N. Y" 6613.
Bibliographie 227
(M. de Barthélémy dans son édition des Divers Portraits, p. 95, Note 2,
écrit: "Elle écrivit son roman de la Princesse de Montpensier en 1660" et
il cite comme autorité Sainte-Beuve, Portraits de femmes. Mais ce dernier
donne comme date de ce roman 1660 ou 1662 et note que Moreri lui attribue
la date 1662, Quérard 1660. Sainte-Beuve ajoute, "Ce qu'il y a de certain
c'est que la première édition publique, avec privUège du roi, est de 1662."
C'est en effet la date de l'editio princeps et nous ignorons l'existence d'une
édition autre que "l'édition publique.")
8. 1662. La Princesse de Montpensier. Paris, Th. Joly. Pet. in 12°, 106 pp.
chiff. (Catalogue Rochebilière, p. 381, No. 716, qui signale cette édition
comme une contrefaçon de Grenoble. Pour les détails voir ce catalogue.)
9. 1662. La Princesse de Montpensier. A Paris, chez Charles Sercy, au
Palais, dans la Salle Dauphine, à la Bonne foy couronnée. Avec privilège
du Roy, 1 vol. in 12°, pp. vi-142.
(Exemplaire des mêmes dimensions que le No. 7 et ayant le même
nombre de pages, mais qui n'est pas de la même édition car la disposition
des pages diffère. B.N. Y^ 6614.)
10. 1662. La Princesse de Montpensier. Paris, Louis BiUaine. (Brunet, Supp.
Probablement le No. 7 avec la page de titre modifiée. Nous n'avons pas
VM d'exemplaire de cette édition.)
11. 1671. La Princesse de Montpensier. louxte la copie. A Paris chez
Thomas JoUy, au Palais, dans la Petite SaUe, aux armes d'HoUande et à
la Pahne. 1 vol. in 12°, pp. 114. B.N. Rés. Y^ 1544.
(Elzevier. Imprimé en gros caractères. Cité avec l'adresse à Amsterdam
au catalogue de 1674. Voir Willems, Ambroise, Les Elzevier.)
12. 1674. La Princesse. . .etc. A Paris chez Charles Osmont au cinquième
pilier de la grande salle du palais, à l'Écu de France. 1 vol. in 12°, pp. vi-144
(15 X 7/5 cm.). B.N. Y^ 60777.
(Celle-ci est la seconde édition originale et comme Brunet fait remarquer
doit avoir été revue par l'auteur.)
13. 1675. Idem. Paris, Ch. Osmont, in 12° de 4 ff. prélim. non chiff. et 143
pp. chiff. (3^ édition originale. Quoique la coUation soit la même que
pour le No. 12 l'édition est différente. Cat. Rochebilière, No. 18, p. 381.
Nous n'avons pas vu cette édition.)
14. 1678. Idem. Paris, chez Charles Osmonts (sic) dans la Grand' SaUe du
Palais du costé de la Cour des Aydes à l'écu de France. 1 vol. in IB^
(14 X 8 cm.), pp. vi-144.
(Mêmes dimensions et pagination que le No. 12 mais non pas identique:
costé (1674) devient côté (1678): estoit, étoit, etc., bien que ces change-
ments d'orthographe n'aient pas été faits partout. B.N. Y^ 69778. B.N. CF. )
15. 1679, Idem. A Lyon chez Thomas Amauky rue Mercière à la Victoire.
1 vol. in 12° (14 x8cm.), pp. 154.
(Le Libraire au Lecteur est paginé avec le texte. Privilège de trois
ans accordé à Amaulry à Lyon le 17 fév. 1679. B.N. Y^ 60779.)
16,1681. Idem. A Paris chez Charles Osmont ,. . I vol, 8°, pp, vi-146, B,M,
C, 30. a. 29 (2).
15—2
228 Madame de La Fayette
17. 1684. Idem, dans le T. m du Recueil de pièces galantes en prose et en vers
de Madame la Comtesse de la Suze et de Monsieur Pellisson. Voir Recueils
plus loin.
18.
1691.
19.
1693.
20.
1695.
21.
1696.
22.
1698.
Idem. Voir Recueils.
23. 1701. Idem. A Toulouse. Chez Dominique Desclassan, Imprimeur juré
de l'Université. 1 vol. in 12o (14/5 x 8 cm.), pp. 98. B.N. Y^ 60780.
24. 1720. Idem. Amsterdam, in 12».
(Page 167 de la Portefeuille de Baudot, section Romans. B. Ars. MS.
5361, et catalogue de la B. de Bordeaux No. 15990. Nous n'avons pas vu
cette édition.)
25. 1723. Idem. A Paris Quay des Augustins. Chez: Jean Musier. . .Jean
Antoine Robinot. . .et Noël Pissot. . . 1 vol. in 8° (9 x 16 cm.), pp. x-143.
B. Ars. 13574 B.L. B. Munie, de Nîmes 8815.
26. 1725. Idem. Suze. Voir Recueils.
27. 1741. Idem. Idem.
28. 1804. Idem, par Mme de la Fayette^. A Paris chez Ant. Aug. Renouard.
1 vol. in 16° (17 X 9/5 cm.). (Note du Libraire, pp. 5 et 6. Texte de la
Princesse de Montpensier jusqu'à la page 88. Portrait gravé de Madame de
Sévigné. Portrait de Madame de Sévigné par Madame de La Fayette,
pp. 89-95. B.N. Vélins 2906. Bel exemplaire sur vélin à grands marges,
relié en maroquin bleu à dentelles et doublé de moire rose par Brade] aîné.
On a tiré cette édition sur vélin et sur papier vélin.)
29. 1849. Idem. (Livraisons 21 and 22 in 4P de 6 feuilles des Romans illustrés
anciens et modernes. Paris, chez Maresq, rue Gît-le-Cœur. No. 1093 du
Journal de la Librairie, 1849. Nous n'avons pas vu cette édition.)
30. S.d. (La Bib. publique de New York (E.U.A.) nous signale une édition
du livre : Silvio PeUico — Mes Prisons, Paris, s.d. Racons et Cie. in F°, qui
donne aux pp. 43-48 une réimpression de la Princesse de Montpensier.)
Voir av^si sous Collections.
Zaïde.
31. 1670. Zayde: histoire espagnole par Monsieur de Segrais avec un
traitté de l'Origine des Romans. Par Monsieur Huet. A Paris. Chez
Claude Barbin, au Palais sur le second perron de la Sainte ChappeUe,
MDCLXX. Avec privilège du Roi. 2 vols, in 8° (15 x 9/5 cm.), i, pp. 442.
I. (a) De l'Origine. . .etc. à la page 99. (b) Zaïde, pp. 99-441.
(c) Extrait du Privilège, p. 442.
IL (a) Extrait du Privilège, pp. i-n. (6) Texte, pp. 536. B.N. Rés.
Y2 1570-71.
(La seconde partie fut pubUée une année après la première.)
^ Il est à remarquer que les éditions précédentes sont sans nom d'auteur.
Bibliographie 229
32. 1672. Idem. Suivant la Copie imprimée à Paris 1671. 2 tomes en un vol.
in 8° (16 X 9/5 cm.). La page de titre est précédée par un beau faux titre
gravé par R. de Hooghe, T. i, pp. 154. Un feuillet blanc. T. n, pp. 164.
(Elzevier) B.M. 12510. b. 3.
33. 1699. Idem. Paris, Michel Brunet. 2 vols, in 12° (15 x 7/5 cm.) de 411
et 324 pp. B. Troyes No. 5376 Belles Lettres.
34. 1700. Zayde: Histoire Espagnole. Par M. De Seorais de l'Académie
Française. Avec un Traitté de l'Origine des Romans Par M. Huet, Evêque
d'Avranches. Nouvelle Edition revue et corrigée par l'Auteur. A Amster-
dam, chez les Héritiers d'Antoine Schelte, mdcc. 2 tomes en un vol. in
12° (13/5 X 7/5 cm.). T. i, pp. 360. T. n, pp. 286. B.M. 634. c. 16.
35. 1705. Idem. Paris chez Christophe David, près des Augustins. . . 2 vola,
in 120 (16 X 9 cm.). T. i, pp. n^l2. T. n, pp. n-324. B.N. Y^ 68034-35.
36. 1705. Idem. Paris, chez Charles Osmont. . . (CeUo-ci n'est que l'édition
No. 35 imprimée chez G. P. du Mesnil qui porte dans un cas (No. 35) le
nom du hbraire David, dans l'autre (No. 36) celui de C. Osmont.)
37. 1705. Idem. Amsterdam, J. Desbordes. 1 vol. in 12°, pp. LXXXVin-416.
Grav. B.R. de Belgique. (BruxeUes) Ville 69315.
38. 1715. Idem. Réimpression du No. 37. B.M. 634. a. 17. B.N. Y^ 68036.
39. 1719. Idem. Par la Compagnie des Libraires associés. 2 vols, in 12°
(16 X 9 cm.). T. I, pp. 312. T. n, pp. 324. B.N. Y2 68037-38. Exemplaire
incomplet.
40. 1725. Réimpression du No. 39. B.N. Y^ 68039. B. Dijon. B. Munie.
Nîmes.
41. 1764. Idem. Par les mêmes. 2 vols, in 12o(14 x 8 cm.). T. i, pp. vi-270.
T. n. pp. 296. B.M. et B.N.
42. 1780. Zayde: Histoire Espagnole par Mme de la Fayette. A Paris, de
l'imprimerie de Didot l'aîné. 3 tomes en 3 vols, sur véUn in 12°. i, pp. 156.
n, pp. 135. m, pp. 166. B.M. C. 26. c. 1, 2, 3.
(Un des trois exemplaires imprimés sur véUn. Fait partie d'une Collection
imprimée par ordre du comte d'Artois. B.N. et B.N.F. possèdent des
exemplaires de cette édition, mais sur papier.)
43. 1814-15. Voir Collections.
44. 1821. Bibliothèque d'une Maison de Campagne. Tome Lix, Sixième
livraison, Zayde. . .par Madame de la Fayette, précédée d'un traité des
romans. Paris chez Lebègue... 2 vols. (T. Lix et LX de la collection)
in 12° (17 X 10 cm.). i, pp. 260. n, pp. 266. B.N. Z 42874-5.
45. 1826. Zayde. Paris, Werdet et Lequien. 2 vols, in 32° ornés de front,
gravés et de grav. New York Pub. Lib. Coll. des meUl. rom. dédiée aux
Dames. Voir Collections.
46. 1828. Idem. Paris, chez Dauthereau. 2 vols, in 32°: i, pp. 203. n, pp. 211.
Nîmes B. Mun.
47. 1835. Zayde. . .Paris, A. Derez, éditeur, au Bureau du Musée des FamiUes. . .
Un vol. in 16°, pp. 176 (19 x 12 cm.). Bib. écon. et périod. des meilleurs
romans. Madame de La Fayette, 2. B.N. Y^ 18071.
Et voir sous le titre Collections.
230 Madame de La Fayette
La Princesse de Clèves.
48. 1678. La Princesse de Clèves. Tome i (sans aucun nom d'auteur).
A Paris chez Claude Barbin, au Palais svu- le second perron de la Sainte
Chapelle, MDCLXXvm. Avec privilège du Roi. T. i, 2 £E. prélim. non chiff.
et 211 pp. chiff. T. n, 214 pp. chiff., 1 f. blanc. T. m, un f. pour le titre,
216 pp. chiff. T. IV, 211 pp. chiffrées (la dernière porte par erreur le no.
213) et 5 pp. non chiff. pour le priv. Pour chaque partie un en-tête gravé
sur bois. Il se trouve des exemplaires sur papier réglé en rouge. B. Ars.
13508. b. 1. B.N. Trois exemplaires, mais avec d'autres gravures sur les
pp. de titre.
49. 1678. Idem. 2 tomes en un vol. in 12° (13 x 7/5 cm.). Lib. au lect. pp. m.
Texte pp. 197. Trois pp. priv. l^^ partie à la page 102, 11°^^ partie à la
p. 203, p. blanche. Fin du T. i. III "^e partie 1 à 100, IV «>e loi à 197. Fin
du T. n. B.M. 12510. d. f. 4.
50. 1678. Idem. La bib. de la ville de Châteauroux possède deux parties
d'une édition de chez Barbin: I'''' partie, pp. 87; 11™" partie, pp. 84. C'est
probablement une contrefaçon.
51. 1679. La bib. de l'Univ. de Yale (E.U.A.) possède un exemplaire en
très mauvais état d'une édition qui aurait été publiée à Londres. (Contre-
façon française?)
52. 1688. Idem. Nouvelle édition. Amsterdam, Abraham Wolfgang. 1 vol.
in 12°, pp. n-417. Priv. du roi. U.B.A. K.B.D. K.L.S.
53. 1689. La Princesse de Clèves. Tome i. A Paris Chez Claude Barbin, . . .
4 tomes in 12° (147 x85mm.). Achevé d'imprimer pour la seconde fois
le 9 mai 1689. Collation: exactement pareille à l'édit. orig. jusqu'à la
faute de pagination dans le dernier tome. (Sans nom d'auteur. L'idée,
assez répandue, que cette édition porte le nom de Madame de La Fayette
est sans fondement.) B.V.H.^
64. 1695. Amourettes du duc de Nemours et de la Princesse de Clèves.
Amsterdam, Jean Wolters. In 12°, Brunet et Graesse. (Pas trouvée.)
55. 1698. Amourettes. . .Dernière édition. Amsterdam, Jean Wolters. In 12°,
pp. n-394. Titre gravé. K.L.S. B.R.C. B.R.B.
56. 1702. La Princesse de Clèves. . . Lyon, Didier Guillimin. 4 t. in 12°. B.V.L.
57.1704. Idem. Paris. Par la Compagnie des Libraires associés .. . 3 tomes
8° (17 X 9 cm.) : T. i, pp. n-103, page blanche. Prem^ partie du roman, n,
pp. 106, dont 103 de texte. Deux^ partie. T. m, pp. 214. Troisième et
quatrième parties. B.A. B. Nat.
58. 1714. La Princesse de Clèves ou les Amours du duc de Nemours Avec
cette Princesse. Nouv. édit. Amsterdam, David Mortier. 1714. 1 vol.
in 12°. K.U.B.B. K.B.D. K.B.H.
59. 1719. La Princesse de Clèves. Paris, Comp. Lib. Ass. 3 T. en un vol.
in 12°: i, pp. vi-104. n, pp. 105-208. in, pp. 210. B.M. B. Nat.
60. 1725. Idem. Même pagination. Enregistré le 27 fév. 1719. B. Nat.
B. Maz.
^ La Bibliothèque de la Sorbonne vient d'acquérir un exemplaire de cette
édition, devenue très rare (R. ra. 1044).
Bibliographie 231
61. 1741. Idem, r, pp. 204. n, pp. 212. B.N.
62. 1752. Idem. Réimpression du No. 61. B.N.
63. 1764. Id. Comp. Lib. Ass. 2 vols, in 12° (14x8 cm.): i, pp. 224. n,
pp. 224. B.A. B.M. B.N.
64. 1780. La Princesse de Clèves par Mme de la Fayette. A Paris, de l'im-
primerie de Didot l'aîné. 2 T. in 12°: i, pp. 184. n, pp. 166. Collection
du comte d'Artois, Nos. 7-8. Voir le No. 42 ci-dessus. B.M. (Vélin)
B.N. B.N.F.
65. 1782. La Princesse de Clèves. A Londres. 2 vols. : i, pp. 186. n, pp. 184.
Bibliothèque amoureuse. K.L.S.
66. 1791. Idem. Londres, mdlxxxxi (sic). 2 T. in 12» (13/5 x 8/5 cm.): i,
pp. 164. n, pp. 160. B.M.
67. 1798. Idem. Paris Chez Lemierre, Raphaël et Bertrandet. An VII.
I, pp. 172. n, pp. 171, in 12°. B.R.C.
68. 1818. Id. par Mme de la Fayette. Paris, Ménard et Deseime Fils. 1 vol.
in 180 (13 X 8/5 cm.), pp. 298. Quatre gravures. B.M. B.N.
69. 1825. Idem. Paris, Corbet aîné. 1vol. in 12° (15x9 cm.), pp. 270.
Bibliothèque française. B.N.
70. 1828. Réimp. du No. 64. Nous n'avons pu trouver d'exemplaire de cette
édition signalée par Graesse et Taine.
71. 1828 (?). Cette édition signalée par Taine est la même que le No. 69.
EUe est mentionnée (No. 5181) dans le Journal de la Librairie de cette
année avec la date 1825 entre parenthèses.
72. 1830. Idem. Au bureau des éditeurs. Rue Saint-Jacques, No. 156. 1 vol.
in 12° (14 X 8/5 cm.), pp. 272. Notice sur Mme de La Fayette, pp. 1-8. Bib.
des amis des lettres, 205^ livraison. B.N.
73. 1853. Idem. Paris, Bureau de la Bib. Choisie, 28 rue des Bons Enfants.
1 vol. in 120(15/5 X 9/5 cm.), pp. 186. B.N.
74. 1861. Idem. Paris, Adolphe Delahays. . . 1 vol. in 12o (16/5 x 10/5 om.),
pp. 186. B.N.
75. 1868. Idem. Paris, Picard... 1 vol. in 12» (16x10 cm.), pp. vin-238,
Table. Nouvelle collection Jannet. B.M. B.N.
76. 1877. Réimp. du No. 75 chez Lemerre. B.N.
77. 1878. Idem. Paris, Quantin. 1 vol. in 12o (20 x 12 cm.), pp. 394. Préf. de
Taine, Eaux fortes de Masson, Facsim. d'écriture. Le style a été modernisé
mais on trouve les variantes à la fin. BibUog. Vol. 3 de la Petite bib. de
luxe. B. Sorb. etc.
78. 1881. Idem, précédée d'une étude par M. de Lescure. Front, gravé par
Lalauze. Paris, Lib. des Biblioph. 1 vol. in 12o (18 x 11 cm.), pp. LXxn-232.
Bib. des Dames, No. 2. B.N. etc.
79. 1881. Idem. Paris, Lib. de la Bib. Nat. 1 vol. in 12° (14x9 cm.),
pp. 192. Bib. Nat. Coll. des meill. auteurs anc. et mod, B.N. etc.
80. 1881, Réimp, du No. 75. Coll. Jannet-Picard.
232 Madame de La Fayette
81. 1889. La Princesse de Clèves, Préf. par Anatole France. Un portrait
front, et 12 compos. de Gamier gravées par Lamotte. Paris, Conquet.
1 vol. in 8° (20/5 x 13/5 cm.), pp. xxvin-346. B.N. etc.
82. 1890. Réimp. du No. 79. N.Y.P.L.
83. 1891. Réimp. du No. 75 sous le titre — No. 202 des Auteurs Célèbres. B.N.
84. 1892. Réimp. du No. 79.^
85. 1895. Idem. l B.N.
86. 1897. Idem. J
87.1908. La Princesse de Clèves. . .Paris, Bauche. 1 vol. in 8°, pp. xxn-102.
Intro. par Pierre Sales, Gravures sur bois.
88. 1909. Œuvres de Mme de la Fayette, La Princesse de Clèves, avec une
notice par Maxime Formont. Paris, Lemerre, 1 vol. in 12° (Elzév.), pp.
xxxvi-270. Port, front. Petite bib. litt.
89. 1912. La P. de C. Paris, Perche. 1 vol. in 12°, pp. XLin-227. Intro. et
note bibKog. par Auguste Dorchain. Chefs-d'œuvre de poche, No. 4.
89*'''^. 1913. La Princesse de Clèves. Décoré d'un portrait de l'auteur à l'eau
forte et au burin et de 14 grav. sur bois originales de T. L. Perrichon.
Paris, PeUetan. In 8 carré, pp. 289.
89«<'^ 1914. La P. de C. Paris, Collection des chefs-d'œuvre (Farreyrol) m. 16",
pp. 304. (Tirée à mille exemplaires.)
90. S.d. Une réimp. hollandaise du No. 49 souvent attribuée aux Elzevier,
mais qui serait de WoHgang d'après Willems {Les Elzevier, Voir le No. 1923).
B.M.
91. S.d. Les Amours de la Princesse de Clèves et du Duc de Nemours, s.l.
In 120, pp. 252 et 1 f. non chiff. pour le priv. B.U.G.
92. S.d. La Princesse de Clèves. A Lyon, chez Antoine Besson, pp. 347,
1 p. priv., 7 pp. catalogue. 1 vol. in 12°. K.U.B.B.
(MM. Chamard et Rudler préparent, en ce moment, une édition critique
de la P. de C.
La maison Crès avait annoncé la publication de ce roman dans la série
des Maîtres du hvre. Elle est abandonnée.)
Voir aussi Collections.
Histoire de Madame Henriette d' Angleterre.
Manuscrits.
A. Histoire p. . . . par Madame de la Fayette. Récit de la mort de Madame
par le Sr. Feuillet. B. Arsenal, 4141 (665 H.F.).
Papier, 231 pp. 4- les pp. A-c. 212 sur 165 mm. Écriture du XYII®
siècle. Port. grav. d'H. d'A. par Grignon. Notes en marge. De la bib.
de M. de Paulmy. Antérieurement ex musaeo du TiUiot anno 1700.
B. Histoire de Madame Henriette . . . Copie soignée de la fin du XVIP siècle.
Papier, 113 ff. 268 sur 180 mm. Bib. de Besançon.
Éditions.
93. 1720. Histoire de Madame Henriette d'Angleterre. Première
femme de PhiKppe de France, Duc d'Orléans, par Dame Marie de la
Vergne, Comtesse de la Fayette. A Amsterdam, chez Michel Charles le
Cène, MDCcxx. Un vol. in 12° (15/5 x 9/5 cm.), pp. vi-224, 24 pp. catalogue
de la Maison le Cène. B.M. B.N.
Bibliographie 233
94. 1720. Idem, mais de 220 pp. B.N. Y^ 46320.
95. 1721. Idem. A Amsterdam chez Michel le Sincère. Un voL in 12°, pp.
vm-240. B.V.L. N.Y.P.L.
96. 1742. Idem. Amsterdam, Jean F. Bernard. Un vol. in 8° (16 x9cm.),
pp. vi-220. A la fin on trouve les lettres relatives à la mort de Madame.
B.M. B.D.
97. 1853. Idem. Paris, Hachette (Bib. des Chemins de fer). I vol. in 18° de
vin-127pp. K.B.B. B.R.B.
98. 1853. Idem, publiée par A. Bazin. Paris, Techener. 1 vol. in 16°
(16 X 10 cm.), pp. cxci. Bazin supprima les lettres relatives à la mort de
Madame. Port, front. B.M. B.N.
99. 1882. Idem, avec une introduction par Anatole France. Paris, Charavay.
1 voL in 12", pp. LXXXlv-188. Port, de M. H. d'A. Lettres relatives. . .
Frag. de: Les Amours du Palais Royal. Lettre de Mme H. d'A. (Bib. des
Français.)
Voir après Mémoiees.
Voir aussi Collections.
Mémoires de la Cour de France, 1688-1689.
100. 1731. MÉMomES de la Coue de Fkance pour les années 1688 et 1689
par Madame la Comtesse de La Fayette. A Amsterdam chez Jean Frédéric
Bernard. Front, grav. 1 vol. in 12° (16/5 x9cm.), pp. 234. B.M. B. Maz.
101. 1742. Idem. Réimpression. B.M. B.N.
Histoire et Mémoires ensemble.
102. 1779. Œuvres diverses de Madame la Comtesse de la Fayette. Maestricht,
J. E. Dufour et P. Roux, i, Mme H. d'A. pp. xn-210. n, Mém. pp. n-224.
2 vols, in 120 (ig x 10 cm.). B.N.
103. 1779. Quérard signale une édition pareille à la précédente, mais publiée
à Berne. Nous n'avons pas pu en trouver un exemplaire.
104. 1820. Dans la collection Petitot, Tomes 64-65.
105. 1839, Id. Michaud et Poujoulat, Tome vm.
106. 1890. Avec préface, notes et tables, par Eugène Asse. Paris, Jouaust.
1 voL (17 X 11 cm.), pp. xxn-302. Bib. des Mémoires.
Voir Collections.
La Comtesse de Tende.
107. 1724. La comtesse de Tende, Nouvelle historique, par Madame de La
Fayette, Mercure de France, Juin, 1724, pp. 1267 à 1291.
La date 1720, donnée par toutes les bibliographies vues au cours de
nos recherches, est inexacte.
Voir Collections.
Collections.
Mami^crits.
108. Bib. Munie, de Nîmes, 235 (13883).
(a) Hist. de Henriette d'Angleterre.
(6) pp. 79-112. La Princesse de Montpensier.
(c) pp. 113-128. La Comtesse de Tende.
234 Madame de La Fayette
Papier, 128 pp. Hauteur 197 mm., XVIP siècle. Sur la première page
la note suivante: Mlle d'Aubais ce 7 décembre 1728. Sur les plats un ex
libris: Bib. du Marquis d'Aubais.
109. Bib. de Sens 221, p. 292: (a) Histoire de Henriette d'Angleterre, {h) La
Comtesse de Tende. Papier, 460 pp., 263 sur 190 mm., XVIIP siècle.
Éditions.
110. 1741. Bib. de Campagne ou Amusements de l'esprit et du cœur. A La
Haye, Jean Neaulme, in 12°. T. iv, pp. 257. La Comtesse de Tende.
T. V, pp. 209-354. La Princesse de Clèves. T. xn (1742), pp. 111-146
La Princesse de Montpensier. B.N.
111. 1749. Idem. Nouv. éd. T. v, pp. 1-292, C. de T. et P. de M. T. vm,
P. de C. T. X, Zayde.
112. 1761. Idem. Genève, v, Zayde. vu, P. de C. vm, C. de T., P. de M.
B.R.B.
113. 1775-1776. Bib. Univ. des romans anciens et modernes. . .Paris
(161 x97mm.). T. iv, p. 156, Zaïde. T. v, p. 129, P. de C. T.C.D.
114. 1786. Œuvres de Madame de la Fayette. Amsterdam et Paris. 8 tomes
en 4 vols, in 12° (14/5 x 7/5 cm.). Vol. i: pp. 1-36, Notice par Delandine;
pp. i-xcvm. L'origine des romans (Huet); p. 122, Zayde. Vol. n: Zayde,
suite et fin; p. 254, La P. de C. Vol. ni: La P. de C, suite et fin; La P. de
M.; Lettres à Mme de Sévigné; Portrait de Mme de Sévigné. Vol. iv : Mém. ;
Hist. de Mme H., lettres relatives. . . Bib. Nat.
116. 1804. Œuvres complètes de Mesdames de la Fayette et de Tencin.
Nouv. éd etc. Paris, chez Cobiet. . .etc. 5 vols, in 8° (20 x 13 cm.), i:
Notice par Auger ; Orig, des Romans ; Zayde ; Port, front, de Mme de la
F. n: P. de C. ; C. de T.; P. de M.; Mém. m: Mémoires, suite et
fin; Hist. de Mme H., Lettres relatives. . . ; Lettres à Mme de Sévigné;
Extraits de lettres diverses de Mme de la Fayette; Portrait de Mme de
Sévigné,
116. 1807. La Princesse de Clèves, suivie des lettres à Madame la Marquise
de . . . sur ce roman et de la Comtesse de Tende. Paris, Ange Clo. 2 vols,
in 120 (18x10 cm.). b,n.
117. 1812. Œuvres complètes de Madame de la Fayette, nouv. éd Paris,
d'Hautel. 5 vols, in 12° (14 x 8/5 cm.), i : Notice, 28 pp. ; Orig. des romans ;
Zayde. n: Zayde, suite et fin. ni: La P. de C. iv: P. de C, suite et fin;
C. de T.; P. de M.; Mém. v: Mémoires, suite et fin; Hist. de Mme H.,
Lettres relatives...; Lettres à Mme de Sévigné; Portrait de la même.
B.N. B.M.N.
^118. 1814. Collection des meilleurs ouvrages de la langue française dédiée
à son altesse royale Madame, duchesse d'Angoulême. . . Paris, Didot
l'aîné. La P. de C. suivie de la P. de M 2 vols. l, pp. vi-156. n, pp. 209.
U.B.L. Zaide... 2 vols. B.V.N.
119. 1820. Œuvres complètes de Mesdames de la Fayette, de Tencin et de
Fontaines. Avec ... notices ... par Auger. Paris, Lepetit. 4 vols, in 8®
^ Voir dans la Revue d'Histoire littéraire de la France, 2ie année. No. ] , janvier-
mars, 1914, pp. 237-238: une note de M. René Harmand.
Bibliographie 235
(20 X 13 cm.), Grava, i, pp. 382: Orig. des Romans; Zaïde. n, pp. 526:
P. de C. ; C. de T. ; P. de M. ; Mém. ; Hist. de Mme H., Lettres relatives. . . ;
Idem à Mme de Sév. ; Portrait de Mme de Sév.
120. 1823. Graesse signale une édition plus complète de la précédente.
121. 1823. Mémoires de la cour de France. . .Paris, Colnet. . .Pillet aîné. . .
1 vol. in 18° (13/5 x8cm.), pp. 222. Notice d'Auger; Mém.; Portrait de
Mme de Se vigne; Coll. des Mém. hist. des Dames françaises. 13^ liv. B.N.
122. 1825. Œuvres complètes de Mesdames de la Fayette, de Tencin et de
Fontaines. . .notices. . .Etienne et Jay. . .Paris, P. A. Moutardier. 5 vols,
in 8°. I: Notice par Jay; Orig. des Romans; Zaïde; pp. xliv-418. n: P. de
C; C. de T.; P. de M.; Mém.; Table; pp. 424. m: Mém. suite et fin;
Hist. de Mme H., Lett. rel ; Lett. à Sév.; Port, de Sév.; pp. 436. B.X.
123. 1826. La Princesse deClèves suivie de la princesse de Montpensier . . .Paris,
Werdet. . . 2 vols, in 16° (12 x 8 cm.), Gravs. i: pp. xvi-170. n: pp. 232.
Coll. des meill. rom. franc, dédiée aux Dames. B.N. Zaïde, 2 vols. N.Y.P.L.
124. 1827. Idem, chez Dauthereau. 2 vols, in 16° (12 x 8 cm.), i, pp. vin-168:
Lettre de Fontenelle tirée du Mercure; P. de C. n, pp. 222. Coll. des
meill. rom. franc, et étrangers. B.N.
125. 1832. Réimp. du No. 122. B.N.
126. 1835. Idem. Paris, A. Desrez... 1 vol. in 8° (20 x 12/5 cm.), pp. xn-
164. Bib. écon. et périod. des meilleurs romans. B.N.
127. 1846. Œuvres choisies de Madame de La Fayette. . .Paris, Au Bureau
de la Gazette des Femmes. 2 vols, in 8° (12 x 16 cm.). l, pp. 264: C. de T. ;
P. de M. ; H. d'A. ; P. de C. n, pp. 152: P. de C. Bib. des Dames. B.N.
128. 1859. La Princesse de Clèves suivie de La Princesse de Montpensier. . .
1 vol. in 18°, pp. xn. Lettre de Fontenelle-322. B.N.
129. 1864. Œuvres de Madame de la Fayette. Gravures sur acier d'après
les dessins de G. Staal. Paris, Garnier Frères. 1 vol. in 8° (23 x 14/5 cm.),
pp. XVI, Notice par Auger-510. Bib. Amusante. Zaïde ; P. de Cl. ; P. de M. ;
C. de T. ; Lettres à Slme de Sév. ; Portrait de Mme de Sév. ; Orig. des Romans.
B.M.
130. 1875. Réimp. de la précédente. B.N.
131. S.d. (1882). Romans et nouvelles de Madame de la Fayette ... Préf.
d'Auger. Paris, Garnier. 1 vol. in 16° (18 x 11 cm.). Front, sur bois. pp.
xvn-484. Zaïde; P. de C; P. de M.; C. de T.
132. 1896. La Fayette's La Princesse de Clèves. Edited with introduction
and notes by B. F. SIedd and J, H. Gorrell. 12^. xn-152 pages. Boston,
É.U.A. et Londres.
133. 1905. Mémoires de Mme de la Fayette. Précédés de la Princesse de
Clèves. Paris, Ernest Flammarion, s.d. (1905). 1 vol. in 16°, pp. 374.
Mém. H. d'A.; P. de C. ; Notice de deux pages en tête; Port, et facsim.
d'autogr.
134. 1910 La Princesse de Clèves suivie de La Princesse de Montpensier
et de La Comtesse de Tende. Avec biographie et notes par L. Coquelin, et
7 grav. dont deux hors texte. 1 vol. in 16°, pp. 179. Bib. Larousse.
236 Madame de La Fayette
^135. S.d. La Princesse de Clèves (La Princesse de Montpensier. La Comtesse
de Tende). Introduction par Mme Lucie Félix-Faure Goyau. 1 vol. in 16°,
pp. xiv-302. Collection Gallia. Londres (Dent). Paris (Crès).
Recueils et Extraits.
136. 1684. Recueil de pièces galantes en prose et en vers de Madame la
comtesse de la Suze et de Monsieur PéUsson. Augmenté de plusieurs pièces
nouvelles de divers autheurs. A Paris chez G. Quinet. 4 vols, in 12". Le
Tome m contient à la page 193 La Princesse de Montpensier par Mme de
La Fayette.
137. 1691. Idem, chez Guillaume Cavelier... Identique au No. 136 quant
au Tome m.
138. 1693. Idem.
139. 1695. Idem. Lyon chez Claude Rey. . . Idem.
140. 1696. Idem, chez Guillaume Cavelier. Idem.
141. 1698. Idem.
142. 1725. Idem. Nouvelle édition. A. Trévoux... Tome m, p. 209.
143. 1741. Idem. Nouvelle édition à laquelle on a joint le voyage de Bachau-
mont, les poésies du Chevaher d'AceiUy ou de Cailly . . . etc. Semblable
au No. 142.
144. 1741. Idem.
145. 1775-1789. Bib. univ. des romans, ouvrage périodique... 12 vols, in
12°. Paris. Nov. 1775. p. 156, Notice, extrait de Zaïde, extrait de la P. de
M. Jan. 1776. p. 129, Critique et, à la p. 186, extrait de la P. de C.
p. 214, La C. de T.
146. 1886. Jacquinet. Les femmes écrivains. Paris, Bélin. 8», pp. 176-7-8.
Notice et extr. de Zaïde, P. de C, H. d'A., Portrait.. Deux lettres à Mme
de Sév.
147. 1891. La Cour de France au XVIP siècle par Mme de La Fayette.
Angers, Burdin. Une broch. de 36 pp. in 8°.
148. 1894. Morillot. Le roman en France depuis 1610 jusqu'à nos jours.
Paris. Notice et extr.
149. 1897. Madame de la Fayette Paris, Ollendorf. 1 vol. in 16°, pp. XL-292.
Série: Coll. pour les jeunes fiUes; Choix de mém. et écrits des femmes fr.
au XVII^, XVIII^, et XIX^ siècles avec leurs biog. par JVIme Carette, née
Bouvet; Notice, Préf. de l'Hist. de H.; Hist. de Mme H., Lettr. rel. ;
Mém. ; Lettre à Mme de Sév. ; Extr. de lettres diverses ; Portrait.
150. 1903. Bonnefon, Paul. La Soc. fr. au XVII^ siècle. Paris, Colin. 1 vol.
in 16°. Extr. des Mém. pp. 339-344.
151. S.d. Mme de la Fayette. La Princesse de Clèves. Paris, Cornély. Une
brochure de 32 pp. qui donne des bribes du roman reliées entre elles par
du français du XIX« siècle. Les paragraphes qui sont à Mme de La F. ne
sont pas marqués. Le livre pour tous. Nouv. série, 10 c.
152. S.d. Les femmes auteurs de mémoires au XVIP siècle (Mmes de Motte-
ville, de la Fayette, et de Caylus). Pithiviers, M. A. Nameless. Une brochure
de 20 pp. : pp. 6-7, Un paragr. sur la Princesse Henriette : pp. 7-10, La
mort de Mme. Portrait de Mme de La Fayette sur la couverture.
^ On a pris de grandes Ubertés avec le texte de la P. de C.
Bibliographie 237
Correspondance .
Lettres publiées seulement. La correspondance de Mme de La Fayette est
éparse dans des collections particulières et dans des bibliothèques hors de
France. La place nous manque pour détailler celles dont nous avons appris
l'existence au cours de nos recherches. Nous espérons pouvoir en faire un
recueil après la publication de cette étude.
153. 1709. Lettre écrite par Madame de la Fayette où elle fait parler un
amant jaloux à sa maîtresse. Aux pp. 151, 152 des Lettres de Bussy-
Rabutin. Paris, Florentin Delaulne. In 12°. B. Sorb.
154. 1751. Recueil de lettres choisies pour servir de suite aux lettres de Mme
de Sévigné à Mme de Grignan, sa fille (Gard, de Retz, duc de La Rochefou-
cauld, Mme de La Fayette, etc.). Paris, Rollin. In 12°. B. Tr.
155. 1805. Lettres de Mmes de Villars, de Coulanges et de la Fayette; de
Ninon de l'Enclos et de Mlle Aïssé. Paris, GoUin, an XIII. 2 vols, in 12°.
B.P.V.N.
156. 1805. Lettres de Mesdames de Villars, de la Fayette et de Tencin et
de MUe Aïssé. Précédées d'une notice et accompagnées de notes explic.
Paris, GoUin. In 12°, pp. XLvn-366. B.U.G. B.M.N.
157. 1806. Lettres de Mmes de Villars, de la Fayette, de Tencin, de Coulanges,
de Ninon de l'Enclos, et de MUe Aïssé. Ace. de notices biog.j de notes
explic. et de La Goquette Vengée par Ninon de l'Enclos. 3^ éd. Paris,
Gollin. 3 vols, in 12°. Lettres et port, de Mme de Sév. B.N.
158. 1818. Lettres de Mme de Sévigné de sa famille et de ses amis pub. par
Monmerqué. Paris, Biaise. 12 vols in 12°. B. Tr.
159. 1821. Delort, J. Mes voyages aux environs de Paris. Paris, Picard-
Dubois. 2 vols. 8°. Contient huit lettres de Mme de La Fayette à Mme de
Sablé tirées des Portefeuilles de Valant (Bib. Nat.) avec un fac. de la
première.
Outre les éditions citées plus loin, ces lettres ont été publiées en partie
par: Sainte-Beuve, Portraits de Femmes; Gérusez, Plutarque fran. iv, p.
304; Victor Cousin, Mme de Sablé; M. G. Trochon, dans Anal, juris ponti-
ficii, sept.-oct. 1876, et dans le Correspondant, T. cv, pp. 869 et 1079 et
T. cvi, 1080.
160. 1823. Collection épistolière des femmes célèbres du siècle de t!ouis XIV,
suivie des souvenirs de Mme de Gaylus pour faire suite aux lettres de
Mesdames de Sévigné, Maintenon, du Defifant, Lespinasse et du Châtelet.
Tome I contenant les lettres de Mesdames de Villars, de la Fayette et de
Tencin. Paris, Chaumerot jeime. Cette coU. devait avoir 10 vols., quatre
seulement ont paru.
161. 1855-6. Foumier (Edouard), Variétés historiques et littéraires. Recueil
de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers. Revues et anno-
tées. . . Paris, Pagnerri, Bib. elzév. T. rx, pp. 117-129. Les mêmes lettres
qu'au No. 159. U.B.L.
238 Madame de La Fayette
162. 1863. Réimp. du No. 161.
163. 1863. Bulletin du Bibliophile, 1862, pp. 977-8. Deux lettres de Mme
de La Fayette à Ménage.
164. 1870. Huit lettres de Mme de la Fayette à Mme de Sablé. Paris, Libr.
des Biblioph. ( Jouaust) Plaquette. 2 fiE. blancs, 14 pp. y compris titre et
avertissement non signé. B. du H. (Publiées pour servir de spécimen aux
ouvrages en prose que devait publier le Cab. du Bibliophile.)
165. 1876. Bulletin du BibUophile, p. 258. Une lettre.
166. 1878. FUlon, Inventaire ... de la collection ... FiUon. Paris, Charavay.
pp. 88, No. 1003. Billet, in extenso.
167. 1879. Henry (Charles). Un érudit homme du monde, homme d'église,
homme de cour, 1630-1671. Lettres inédites de Mme de La Fayette. ..
extraits de la correspondance de Huet. Paris, Hachette. 1 vol. %°.
168. 1879. Rassegna settimanale, 30 mars (Turin). Une lettre.
169. 1880. Curiositâ di storia subalpina. . . Turin (Bocca frères). 8°. Lettere
inédite di Madama di La Fayette e sue relazioni con la Corte di Torino.
Une collection de lettres adressées au secrétaire de Madame Royale.
170. 1890. Revue des deux mondes, 15 mai. Un article de M. d'Haussonville
qui reproduit quelques lettres de la collection Feuillet de Conches.
171. 1901. Lanson, G. Choix de lettres du XVIP siècle. . . vi^ éd. Hachette,
etc. etc.
Voir aussi Collections.
Traductions.
Allemandes.
172. 1789-94. Une traduction des Romans, 3 vols, in 8° dont nous n'avons
retrouvé que : 1794, Henriette von England. Deutsch herausgegeben von
Fr. Schulz. Berlin. 1 vol. 8° (14 x9cm.), pp. xxiv-256. B.M.
173. Werke. 2 vols. 8° (Kay, Buch-Lex. Vol. 1750-1832, p. 457). La même
édition que la précédente?
Anglaises.
174. 1666. The Princesse of Montpensier. Written originally in French and
now newly rendered into EngUsh. London. 1 vol. in 8° (16/5 x 10/5 cm.),
pp. vin-84. B.M.
175. 1678. Zayde. A Spanish History or Romance Originally written in
French by Monsieur Segray donc iuto Enghsh by P. Porter, Esq. London
(William Cademan). 2 Tomes en 1 vol, in 8° (18 x 11/5 cm.), i, pp. xn-
176. n, pp. 192. B.M.
176. 1679. The Princess of Cleves. The most famed Romance written in
French by the greatest Wits of France. Translated into English by a
Person of Quahty, at the request of some friends. London, R. Bently,
M. Magnes. 1 vol. in 12o (17 x 10/5 cm.), pp. 259. B.N.
177. 1688. Une réimp. de la précédente. Identique.
178. 1690. Seconde éd. du No. 175. London (Francis Saimders). 1 voL in
80, pp. vi-272 (16/5 x 10 cm.). B.M.
Bibliographie 239
179. 1722. A select collection of novels, in six volumes, by the most celebrated
authors in several languages. Many of which never appeared in EngUsh
before; and ail New translated from the originals. By several eminent
hands. London, Printed for J. Watts... 6 vols, in 12° (16x10 cm.). I:
Front., xvi-Lii, Orig. des Rom.-266, Zaïde. Imprimé en 1720. n: Front.,
214 pp., P. de Clèves. iv + 412 pp. dans le vol. B.M.
180. 1729. Idem, The second édition adorn'd with Cutts. 6 vols, in 12°.
I: vi-338, Zaide, Orig., etc. n: pp. 360, 172 pour la P. de C. B.M.
181. 1777. A collection of novels selected and revised by Mrs Griffith, London,
printed for G. Kearsley . . . 3 vols, in 12°, Grav. (17 x 10). i : Intro., Zayde,
Caractère de Zayde et anecdotes sur l'auteur par l'éditeur (c.-à-d. sur
Segrais). n : pp. 278, 196 pour Zayde. in : La P. de C. ; Notes sur la P. de
C. pp. n, 268, 158 pour la P. de C. B.M.
182. 1796. Watt signale une traduction d'Henriette d'Angleterre publiée
à Londres. In 12°. Nous ne l'avons pas retrouvée.
183. 1892. The Princess of Cleves by Madame de la Fayette, translated by
Thomas Sergeant Perry with illustrations drawn by Jules Garnier. . .
London, Osgood, Mcll vaine and Co. 2 vols, i, pp. 181, Préf. par Pierre
Lafitte, Pts 1 et 2. n, pp. 295. B.M. (Pap. du Japon, 250 ex. 25 seulement
pour l'Angleterre.)
184. 1912. La même que la précédente. London, Harper Bros. 1 vol. Cr. 8°,
pp. 380.
Espagnole.
185. 1888. Cartas escogidas de Madama de Sévigné. . .retrato de Madama
di Sévigné por Madama de La Fayette bajo el nombre de "un desconocido."
Paris, Garnier. 1 vol. 8°.
Hollandaise ( ? ).
186. 1718. Zaida. Amsterdam (Lescailje). 1 vol. 8°, vi-62. B.R.B.
Pièces tirées des Romans.
Françaises.
187. 1678. La Princesse de Clèves. Tragédie de Boursault. 20 déc. 1678.
Non imprimée. (Frères Parfait, Hist. du Th. fr. xn, p. 558.)
188. 1718. Comédie. L'Amour maître de Langue. Th. Italien (Bib. Univ.
Romans, nov. 1775, p. 166).
189. 1755. Bret. La jalouse (? Le jaloux). Comédie tirée de Zaïde.
190. M. Jules Lemaître a tiré une pièce de la Princesse de Clèves. Voir
Théâtre, m (Calmann-Lévy).
Anglaise.
191. 1697. Lee, Nathaniel. The Princesse of Cleves as it was acted at the
Queen's Théâtre in Dorset Garden, London (Wellington), B. Cantab. xrv.
16. 10.
Bibliographie.
Barbier, A. Dict. des ouvrages anonymes. Paris, 1872. 4 vols. 8° et un supp.
T. I, Colonne 143. T. m. Col. 1025.
British Muséum, Catalogue du.
240 Madame de La Fayette
Brunet, Manuel du Libraire, etc.
Bure, Guill. de. Pour Caraccio voir Ouvr. consultés.
Claudin, A. Bibliographie. . .Rochebilière. Paris, 1892.
Grande Encyclopédie, La.
Lalanne et Bordier. Dict. de pièces autogr. volées aux bib. pub. de la France.
Paris, 1851, 1 vol. 8°, p. 177.
Lanson, G. Manuel bibliographique. . . Paris, 4 fasc. in 8°, Fasc. n, pp. 515-16,
Le Petit, Jules. BibUog. des principales éditions orig. . . . Paris, 1888, 8°,
pp. 346-351.
Quérard. La France litt.. . . Paris, 1830, T. iv, pp. 390-392.
Quérard. Les supercheries litt. . . . Paris, s.d. 2® éd. 3 vols. 8°, m. Col. 624.
(Ungherini, A.) Manuel de BibUog. . . . Turin-Paris, 1892. 1 vol. 8° et deux supp.
Vallée, Léon. Bibliogr. des BibUogr. Paris, 1883.
Vapereau. Voir Appendice, p. 265.
Vicaire, Georges. Manuel de l'Amateur des livres. . .1900, 8", Tome rv.
Col. 863-868.
WiUems, Alphonse. Les Elzevier... Bruxelles, 1880, 1 vol. gr. 8°.
Iconographie.
Au département des Estampes de la Bibliothèque Nationale.
Treize Portraits.
1. En buste de f à gauche dans un ovale. Lith. anonyme.
2. idem à droite. Lith. BeUiars d'après Ferdinand.
3. idem à gauche. Grav. par D-
4. idem à droite dans un ovale. Gr. Delaunay le jeune d'ap. Ferd.
5. idem id. Lith. Delpech.
6. idem id. id. Suite de Desrochers.
7. À mi-corps de | à gauche. Grav. Fessard d'ap. Ferdinand.
8. En buste de | à gauche dans un ovale. Lith. par Hesse.
9. idem à droite. Grav. par Lambert d'après Ferdinand.
10. idem à droite. Grav. au trait sous la direction de Landon d'ap. Fd.
11. idem à gauche. Bord, ovale. Grav. Mottet d'après Dévéria.
12. À mi-corps assise de | à droite. Grav. par RifEaut.
13. En buste de | à gauche, Lith. Villain, 1841.
Voir à ce sujet le cat. de cette coU. par Duplessis. . .Paris, 1907, 8^ No. 25159.
D'autres mentions dans: Lelong, Jacques, Bih. hist. de la France. . .1775,
Fo, IV, 184; Tardieu, Ambroise, Dict. icon. des Parisiens, Herment, 1885;
The Historical Gallery, Londres, 1815, T. rn, Cook d'ap. Ferd.; Panthéon
français par Sudré, Paris, 1825, F», Port.; Plutarque français. Éd. Mer-
michet, Paris (Crapulet), 1836-41, 8°.
APPENDICE I
Le Cardinal de Retz et Mlle de La Vergne
Toute cette aventure dont on a tiré des conclusions un peu trop hâtives,
nous est surtout connue par les Mémoires du Cardinal. Nous lui laisserons
la parole le plus souvent, mais, auparavant, une observation s'impose:
de Retz raconte tout au long dans ses mémoires nombre d'affaires
galantes. Il n'est jamais effleuré par le moindre remords, et s'il fait
un récit complaisant de ses débauches ce n'est pas pour s'humilier
devant le lecteur et la postérité^. Au contraire il jubile au souvenir de
ses succès, il en tire vanité, et ne sait pas taire les noms de ses conquêtes^.
Voici donc, d'abord, comment il parle de ses relations avec Mlle de La
Loupe.
"Mme de la Vergne, mère de Mme de la Fayette et qui avoit épousé
en secondes noces le chevalier de Sévigné, logeoit oii loge présentement
Madame sa fille^. Cette Mme de la Vergne étoit honnête femme dans
le fond, mais intéressée au dernier point et plus susceptible de vanité
pour toute sorte d'intrigue, sans exception, que femme que j'aie jamais
connue. Celle dans laquelle je lui proposai, ce jour là, de me rendre de bons
offices étoit d'une nature à efïaroucher d'abord une prude. J'assaisonnai
mon discours de tant de protestations de bonne intention et d'honnêteté,
qu'il ne fut pas rebuté ; mais aussi ne fut-il reçu que sous les promesses
solennelles que je fis de ne prétendre jamais qu'elle étendît les offices que
je lui demandois au-delà de ceux qu'on peut rendre en conscience, pour
procurer une bonne, chaste, pure, simple et sainte amitié. Je m'engageai
à tout ce que l'on voulut. L'on prit mes paroles pour bonnes, et l'on
se sut même très bon gré d'avoir trouvé une occasion toute propre à
rompre, dans la suite, le commerce que j'avois avec IVIme de Pommereux,
que l'on ne croyoit pas si innocent. Celui dans lequel je demandois
que l'on me servît ne de voit être que tout spirituel et tout angélique;
car c'étoit celui de Mlle de la Louppe que vous avez vue depuis sous le
nom de IMme d'Olonne. Elle m'avoit fort plu quelques jours auparavant
dans vine petite assemblée qui s'étoit faite dans le cabinet de Madame;
elle étoit joUe, elle étoit belle, elle étoit précieuse par son air et par sa
modestie. Elle logeoit tout proche de Mme de la Vergne; elle étoit amie
intime de Mademoiselle sa fille ; elles avoient même percé vuie porte par
laquelle elles se voyoient sans sortir du logis. L'attachement que M. le
^ Pour être exact, disoDs que c'était à une lectrice que les mémoires s'adressaient.
" Si l'on est curieux de connaître quels étaient les charmes du galant cardinal
voici son portrait, d'après Tallemant (v. 179): "Jean François de Gondy. . .est un
petit homme noir qui ne voit que de fort près, mal fait, laid et maladroit de ses
mains à toutes choses."
3 Rue de Vaugirard.
A. 16
242 Madame de La Fayette
chevalierde Sévigné avoit pour moi, l'habitude que j'avois dans sa maison,
ce que je savois de l'adresse de sa femme contribuèrent beaucoup à mes
espérances. Elles se trouvèrent fort vaines par r événement ; car bien que
l'on ne m'arrachât pas les yeux, bien que l'on ne m'étouffât pas à force
de m'interdire les soupirs, bien que je m'aperçusse à de certains airs,
que l'on n'étoit pas fâché de voir la pourpre somnise, toute armée et
toute éclatante qu'elle étoit, Von se tint toujours sur un pied de sévérité
ou plutôt de modestie qui me lia la langue, quoiqu'elle fût assez libertine,
et qui doit étonner ceux qm n'ont point connu Mlle de la Louppe, et
qui n'ont ouï parler que de Mme d'Olonne. Cette historiette, comme
vous voyez, n'est pas trop à l'honneur de ma galanterie^."
Loin de la condamner, ce récit nous paraît tout à l'honneur de la jeune
fille, qui, exposée aux attentions du Cardinal, a su Im imposer silence. Nous
avons souligné certains passages qui feraient croire que de Retz veut
montrer combien peu de raisons Mme de La Vergne aurait eu d'interdire
à sa fille la fréquentation de Mlle de La Loupe. Voilà qui répond par
avance aux jugements téméraires dont nous avons parlé.
La future Mme de La Fayette a été mêlée à cette histoire, bien que
de Retz Im-même ne mentionnât pas son nom. Giii Joly raconte ainsi
l'affaire.
"Au commencement, le duc de Brissac n'avoit eu que très peu de
part aux affaires du cardinal de Retz; mais il s'étoit, depuis quelque
temps, si bien mis avec lui, et par des voies si agréables, en liii ménageant
des parties de plaisir, qu'il étoit fort difficile de faire prendre d'autres
résolutions au Cardinal que celles qui lui étoient inspirées par le duc.
La principale de ces parties de divertissement vint du commerce que
le duc de Brissac avoit avec Mlle de la Vergne, belle fille du chancelier
de Chiverny^, parent du Cardinal. Cette demoiselle, qui étoit fort bien
faite, avoit pour voisines Mlles de la Loupe, dont l'aînée étoit une des
plus belles personnes de France; et, comme il y avoit une porte de com-
munication d'une maison à l'autre, Mlle de la Loupe étoit à tous moments
chez Mlle de la Vergne, où le cardinal et le duc alloient souvent la nuit
entretenir les deux demoiselles. Le cardinal de Retz s'étoit fait faire,
poui ces visites nocturnes, des habits fort riches et fort galants, smvant
son humeur vaine, qui le portoit à se tenir ordinairement, le jour aussi
bien que la nuit, paré d'habits extraordinairement magnifiques, dont
on se moquoit dans le monde ^."
Gui Joly qui n'assistait pas à ces rencontres, ne sait point ce qui
s'y passait; il ignore même leur réalité et n'en parle que par ouï -dire.
De Retz, de son côté, n'avait aucune raison pour blanchir Mlle de La
Vergne et taire son nom. Non seiilement ce quatuor amoureux nous
semble invraisemblable, mais nous avons presque la preuve qu'à cette
époque Mlle de La Vergne ne rencontrait pas de Retz. Voici en effet
ce qu'il écrit à la date de 1654.
"Mme de la Vergne, qui avoit épousé en secondes noces M. le
chevalier de Sévigné, et qui demeuroit en Anjou avec son mari, m'y
^ T. IV. p. 148, mars 1652. C'est nous qui soulignons.
* L'erreur est évidente; il faut lire: Chevalier de Sévigné.
^ Pp. 82 et 83 des Notes aux Mémoires de Retz, rv. 433.
Appendice I 243
vint voir (c.-à-d. à Nantes) et y amena Mlle de la Vergne, sa fille, qui
est présentement Mme de la Fayette. Elle étoit fort jolie et fort aimable,
et elle avoit, de plus, beaucoup l'air de Mme de Lesdiguières. Elle me
plut beaucoup, la vérité est que je ne lui plus guère, soit qu'elle n'eût pas
d'inclination pour moi, soit que la défiance que sa mère et son beau-
père lui avoient donnée, dès Paris, même avec application, de mes
inconstances et de mes différentes amours, la missent en garde contre
moi. Je me consolai de sa cruauté avec la facilité qui m'étoit assez
naturelle. . . ^"
Il est bien évident qu'au moment où il rencontra Marie -Madeleine
en Anjou, de Retz ne la connaissait pas encore. Pourtant, il faut avouer
qu'il y a à cela une légère difficulté. Dans le premier passage cité ci-
dessus, de Retz déclare qu'il fréquentait la maison des La Vergne ;
pourquoi n'y voyait-il pas la jeune fille, et, selon son habitude,
n'essayait-il pas son charme sur elle ? Mme de La Vergne était peut-être
plus perspicace qu'on ne le croit et sans doute elle veillait à ce que If»
Cardinal ne se trouvât pas en présence de sa fille. De Retz ne s'y trompe
pas et, au fond, il est bien persuadé que le beau-père lui-même ne
tenait pas à faciliter la rencontre. La visite de Nantes, au contraire,
s'explique facilement; Mlle de La Vergne avait deux ans de plus, était
mieux armée, et il ne s'agissait que d'une visite sans lendemain.
Tout cela n'empêcha pas la calomnie de Gui Joly de faire son chemin.
Bussy-Rabutin la reproduisit en l'ampUfiant. Il écrivit dans la Carte
du pays de Braquerie: "Lavergne est une grande belle ville fort jolie
et si dévote que l'Archevêque^ y a demeuré avec le duc de Brissac qioi
en est demeuré principal gouverneur, le prélat ayant qmtté^."
N'oubUons pas que M. Gérard Gailly {Bussy-Rabutin. . .) voulant
réhabiliter Bussy donne ainsi l'opinion reçue de cet écrivain: "L'homme
a obscurci de ses défauts innombrables le mérite de l'écrivain: il était
méchant, médisant et félon; il était athée. . .il était criminel au point
de tuer son propre cocher, faussaire au point de contrefaire la monnaie
et d'imiter la signatixre du roi, sournois et sorcier au point de verser
des philtres à Mme de Sévigné et à Louis XIV, impudique jusqu'à
l'inceste." M. G. G. force la note exprès et nous pouvons en rabattre de
cette description. Toujours est -il que Bussy raffolait de la médisance
et, une fois son goût satisfait, ne craignait pas de se donner des démentis
comme il fit au sujet de Mme de Sévigné. MUe de La Vergne n'exigea
pas ce démenti. Peut-être a-t-elle laissé ce soin au lecteur intelligent,
Novis ne nous expliquons pas povu-quoi M. d'Haxisson ville, après
avoir cité ce passage de Bussy, le contrôle par la citation de Retz oti il
est question de la visite à Nantes. Il nous semble que la seule et véritable
sotirce de la calomnie reproduite par Bussy est le récit de Gui Joly.
1 T. IV. p. 497. 2 De Retz. ^ Tallemant, Hist. iv. 534.
16—2
APPENDICE II
Contrat de mariage de messire François de La Fayette avec demoiselle
Marie-Magdelaine Pioche de La Vergne, 14 février 1655
Par-devant les notaires et gardenottes du Roy nostre sire en son
Chastelet de Paris soubsignés, furent présens en leurs personnes haut
et puissant seigneur messire François de La Fayette, chevalier, comte
dudit lieu, Médat, Goutevantouze et Forests en deppendans; baron de
Chauvigny, Espinasse, Nades; seigneur de Haulte-Serre, Hautefemlle
et autres places, demeurant au chasteau dudit Nades, parroisse dudit
lieu, près la ville de Gannat en Bourbonnois, estant de présent en cette
ville de Paris, logé à Saint-Germain-des-Prez-lez-Paris, rue des Quatre-
Vens, parroisse Saint-Siilpice, fils de deffunts haut et puissant seigneur,
Mre Jean de La Fayette, vivant chevalier, seigneur et comte desdits
lietix, et de haute et puissante dame Marguerite de Bourbon, jadis son
espouze, pour luy et en son nom, d'iine part ; et haute et puissante dame
Elisabeth Penha, dame d'honneur de la Royne, femme et espouze de
haut et puissant seigneur messire Renault-René de Sévigné, chevaUer,
seigneur et baron de Champiré et autres lieux, conseiller du Roy en ses
conseils, mareschal des camps et armées de Sa Majesté, et auparavant
veuve de messire Marc Pioche, vivant chevalier, seigneur de la Vergne,
aussy conseiller du Roy en ses conseils, mareschal de ses camps et
armées et commandant pour Sa Majesté dans la ville et citadelle du
Havre-de-Grâce, demeurant audit Saint-Germain-des-Prez, rue Vau-
girard, au nom et comme stipulant en cette partie pour damoiselle
Marie-Magdelaine Pioche, fille d'honnevir de ladite dame Royne, fille
dudit feu sieiir de la Vergne et de ladite dame Elisabeth Penha, ladite
damoiselle à ce présente et de son vouloir et consentement, après que
ladite dame sa mère à elle eut dit avoir communiqué du présent contrat
audit seigneur de Sévigné et avoir de luy charge poxu- le faire et passer;
et néantmoins promet icelle dame son espouze de le luy faire ratifier
avant la célébration du mariage cy-apres stipulé^, pour elle et en son
nom, d'autre part.
Lesquelles parties, es présences, par l'advis et du consentement de
messire Jacques de Bayard, abbé commendataire de Nostre-Dame de
Belaigue et prieur du prieuré du Moustier-lez-Jaligny, estant présent à
Paris, logé rue de Bussy, parroisse Saint-André-des-Arts, au nom et
comme procioreTor d'illustrissime et révérendissime seigneiir, messire
François de La Fayette, seigneur évesque de Limoges, conseiller du
Roy en ses conseils d'estat et privé, fondé de sa procuration passée
pardevant Chazaud, notaire royal audit Limoges, présens tesmoins, le
^ Le chevalier de Sévigné ratifia ce contrat le 21 février.
Appendice II 245
septiesme jour de février, présens mois et an, spéciale pour l'effet qui
ensuit, ainsi que par icelle est apparu aux notaires soubsignés; comme
aiissi es présences et par l'avis de raessire Claude de La Fayette, bachelier
en théologie, frère dudit seigneiu* comte de La Fayette; messire Gabriel
Penha, chevalier, seigneur de St-Pons, oncle maternel de ladite
damoiselle; dame Léonore Merlin, veufve de feu Lazare Penha, vivant
escuyer, sieur de Moustier et de Montanges, qui estoit grand-oncle de
ladite damoiselle; très haute et très puissante dame, dame Marie-
Magdelaine de Vuignerot, duchesse d'Aiguillon, pair de France, amie
et marrine d'icelle damoiselle, et dame Marie de Rabutin de Chantai,
veufve de feu haut et puissant seignevu* et marquis de Sévigné, et autres
lieiix, alliée d'icelle damoiselle; ont volontairement reconnu et confessé
avoir fait et font entre elles les traités et conventions de mariage qui
ensuivent, poiu- raison du mariage qui au plaisir de Dieu sera en bref
solenuïisé dudit seigneur comte et de ladite damoiselle de La Vergne:
C'est à sçavoir que ledit seigneur comte de La Fayette a promis et
promet prendre à femme et espouze ladite damoiselle de La Vergne, comme
au semblable elle luy poiir mary et espoux de l'authorité et consentement
de ladite dame de Sévigné, sa mère, et solemniser ledit mariage en face
de nostre mère sainte Eglise, avec la licence d'icelle, le plus tost que
commodément faire se poiirra et sera avisé et délibéré entre eux et
leurs dits parens et amis.
Les futurs espoux se sont prins et prennent aux biens et droits qui
à chacun d'evix appartiennent, pour estre uns et commvms en tous biens
meubles, et conqiiests immeubles qu'ils feront pendant et constant
leur mariage, suivant et au désir de la coustume des ville, prévosté
et vicomte de Paris, conformément à laquelle les articles et conventions
dudit mariage seront réglés, nonobstant toutes autres coustumes, loix
et ordonnances à ce contraires, que les espoux fissent acquisitions en
coustumes contraires, mesme leur demeure hors ladite coiostiime de
Paris, auxquelles coustimaes contraires est par ces présentes expressé-
ment dérogé.
Ne seront néantmoins les futurs espoux tenus des debtes l'im. de
l'autre créées auparavant le futur mariage; ainsy si aucunes y a, elles
seront payées par celuy du costé duquel elles procéderont.
Desquels biens et droitz des futurs espoux il en sera emmeubly,
pour entrer en leur future communauté, sçavoir de ceux du futior espoux
jusques à la somme de vingt mil livres tournois, et de ceux de la future
espouze jusques à la somme de dix mil Uvres tournois. Le surplus de
leurs dits biens et droits sera et demeurera propre à chacun d'eux et
aux siens de son costé et ligne; mesme sera et demeurera propre à la
future espouze et aux siens de son costé et ligne tout ce qui pendant 1©
mariage adviendra et escherra à la future espouze, tant en meubles qu'im-
meubles, par succession, donation ou autrement.
Ledit seigneur futur espoux a doué et doue ladite damoiselle sa
futiire espouze de quatre mil livres tournois de rente et revenu annuel
et viager, la vie diu-ant de ladite damoiselle future espouze, à prendre par
elle, quand douaire aura lieu, sur toxis et chacuns les biens, tant meubles
qu'immeubles présens et à venir dudit seigneur futur espoux, qui en
246 Madame de La Fayette
sont et demeurent dès à présent chargez, spécialement sur ladite terre
et seigneiirie d'Espinasse, et autres terres de proche en proche. Et
oiiltre aura ladite dami'e le chasteau de ladite terre et seigneurie
d'Espinasse pour son habitation et demeure, basse-court, jardins. . .et
préclostures, pendant que ladite future demeurera en viduité; et sera
ledit douaire propre aux enfans qui naistront dudit futur mariage,
suivant ladite coustvime de Paris.
Le survivant des f laturs espoux aura et prendra par préciput et avant
que faire partage des biens de la communauté, réciproquement, sçavoir
le futur espoux ses habits, armes et chevaux, et la futiu-e espouze ses
habits, bagues et joyaux, carosse, chevavix, le tout réciproquement
jusques à la somme de douze mil livres tournois, selon la prise de l'inven-
taire, sans creue, ou ladite somme en deniers, au choix du survivant.
Si pendant le mariage sont vend vis et aliénés aucvins héritages ou
rachetées aucvines rentes propres de l'im ou de l'autre des futiors espoux,
les deniers en seront remploies en achat d'autres héritages ou rentes,
pour sortir mesme nature de propre à celuy qu'elles apparten oient, et
aux siens de son costé et ligne; et si au jour de la dissolution dudit
mariage ledit remploy ne s'entrouvoit fait les deniers seront reprins sur
les biens de la communauté, s'ils suffisent, sinon ce qui s'en défaudra
à l'esgard de la future espouze sera par elle ou les siens reprins sur les
biens propres du futur espoux, et sortira l'action pour ledit remploy
mesme nature de propre.
La future espouze et ses enfans, sinon à défaut d'enfans ses héritiers
collatéraux, pourront, si bon leur semble, prendre et accepter ladite
communauté ou renoncer à icelle; et en y renonçant, reprendront
franchement et quittement tout ce que ladite future y auroit apporté et
ce qm pendant le mariage luy seroit advenu et eschu tant en meubles
qu'immeubles, par succession, donation ou autrement; mesme ladite
future espouze si elle siorvit, ses douaire, habitation et préciput tels
que dessus, le tout sans estre tenus d'aucunes debtes ne hypothèques
de ladite communauté, encore que ladite future espouze y eixst parlé
et s'y fust obligée, ou y eust esté condamnée, dont elle, ses dits enfans
et héritiers collatéraux en seront acquittés et indemnisés par ledit
seigneur futur espoux, et sur tous ses biens, pour laquelle indemnité
ils aiiront leur hypothèque du joiir et date du présent contrat.
Auparavant la célébration du mariage sera fait un bref inventaire
des biens et effets mobiliers et immobiliers de la future espouze, au pied
duquel ledit futur espoux s'en chargera^.
Et a ledit seigneur abbé de Bellaigue, audit nom de procureur dudit
seignexir François de La Fayette, évesque de Limoges, par sa procuration
cy-devant datée, eu et a pour agréable ledit futur mariage et le présent
contrat; et en faveur et contemplation dudit futur mariage a donné
et donne par ces présentes, par donation pure et simple et irrévocable
faite entre vifs, audit seigneur comte de La Fayette, nepveu dudit
seigneur évesque, iceluy seigneiir comte le acceptant, tous les droits,
noms, raisons et actions qui peuvent compéter et appartenir audit
seigneur évesque s\ir les biens délaissés par feu messire Claude de La
^ Cet inventaire sera donné plus loin.
Appendice II 247
Fayette, vivant seigneur comte dudit lieu et autres places, et Dame
Marie d'Alègre, jadis son espouze, père et mère dudit seigneur évesque,
en quelque part que puissent estre scitués et assis tous lesdits biens et
en quoy qu'ils puissent consister, sans s'y réserver aucune chose, pour,
par ledit seigneiu- futiu" espoux, ses hoirs et ayant cause, en tousjours
jouir, faire et disposer desdits droits à leur plaisir et volonté, ainsy que
ledit seigneur eust pu faire avant ladite donation, sans toutefois que
ledit seigneixr évesque puisse estre tenu ny obligé envers ledit seigneur
de La Fayette, les siens ni autres, d'aiicimes évictions ni garantie desdits
droits, consentant ledit seigneur abbé l'insinuation estre faite de ladite
donation partout où il appartiendra, pour quoy faire il constitue son
procureiir le porteur des présentes, luy en donnant pouvoir.
Ledit seigneur iutur espoux a donné et donne par ce dit présent
contrat, au premier enfant masle qui naistra dudit mariage, le comté,
terre et seigneurie de la Fayette, ensemble les terres et seigneuries de
Goutenotoze, Meydat et Forests; auquel aisné il a substitué le fils
aisné qui descendra de luy en loyal mariage, et ainsi d'aisné en aisné
tant que la lignée masculine de ses descendans durera, voulant que les
descendans masles de sondit fils aisné possèdent lesdits terres l'tm après
l'autre, graduellement, perpétuellement et infiniment, autant qu'il sera
possible, et ce sans aucune détraction de trébellianique, l'ordre de
primogéniture et préférence de l'aisné masle tousjours gardé et observé.
Et au cas que sondit fils aisné decédast sans enfans masles, ou ses enfans
masles sans enfans masles, et iceux sans descendans masles, en ce
cas ledit seigneiir futur espoux substitue aux mesmes charges et condi-
tions, sans détractions, comme dit est, le second enfant masle qui
naistra dudit présent mariage, et a luy son fils aisné, et audit fils aisné
le petit-fils etc., descendans masles, infiniment et de degré en degré,
l'ordre de préférence de primogéniture tousjours gardé.
Et où le second décéderoit sans enfans masles, il a substitué le
troisiesme fils qui naistra dudit futur mariage, et le fils qu'il aura, son
petit-fils et descendans, l'un après l'autre, graduellement, perpétuellement
et infiniment, la préférence conservée aux aisnés.
Et advenant le décès dudit troisiesme sans enfans masles, ledit
seigneur futur espoux a pareillement substitué le quatriesme, son fils
et descendans, l'un après l'autre, d'aisné en aisné, aiix mesmes charges
et conditions; et à leur défauts, lesdits enfans masles que ledit seigneur
futur espoux aura, l'un après l'autre, suivant l'ordre de la naissance, et
les enfans, petits-enfans et descendans de chacun d'eux, voulant que les
descendans de l'un ne soient appelés que quand la ligne masculine des
descendans de l'autre sera finie.
Et où il n'y auroit aucuns enfans masles du présent mariage, ledit
seigneur futur espoux a substitué l'aisné masle de sa première fille, à la
charge de porter les noms, armes, timbre et cry de la maison de La Fayette .
Et en cas que ledit aisné décède sans enfans et descendans masles que
ledit seigneur a voulu et veut être substitués, l'im après l'autre, aux
mesmes charges et conditions, en ce cas il a substitué l'aisné masle de
la seconde fille, et ainsi de masle en masle tant que la lignée masculine
durera; et audit aisné masle et à ses descendans masles, il a substitué
248 Madame de La Fayette
l'aisné masle de sa troisiesme et autres filles, et audit aisné masle ses
enfans, chacun à son ordre, et descendans masles, de degré en degré
perpétuellement, infiniment et sans détraction, comme dit est, afin
que la substitution ne soit morcelée et divisée, estant l'intention dudit
seigneur futur espoux que son fils aisné et tous les enfans masles de luy
jouissent desdites terres l'un après l'autre, de degré en degré; et après
eux, audit cas, le second et tous ses descendans masles aussy de degré
en degré; et à défaut de second, le troisiesme et tous ses descendans
masles; et à défaut du troisiesme, le quatriesme, et ainsy des autres et
de leurs descendans. Et la lignée masculine finissant, l'aisné masle de
la première fille et ses descendans masles, de degré en degré ; et à défaut
de la première, l'aisné masle de la seconde et leurs descendans masles,
et ainsy les autres filles et leurs descendans masles, de degré en degré,
préférant tousjours l'aisné, et sans division ny détraction, soient appelés
à la substitution graduellement, perpétuellement et infiniment; non-
obstant laquelle substitution cy -dessus stipulée, toutes les dites terres
comprinses dans ladite substitution ne laisseront d'estre chargées
affectées et hypothéquées aux conventions de ladite damoiselle future
espouse.
Car ainsy tout le contenu cy-dessus a esté convenu, stipiillé et
expressément accordé par et entre lesdites parties, en faisant et passant
les présentes qui autrement et sans les clauses et conditions susdites
n'eussent esté faites, passées ny accordées entre elles, nonobstant toutes
coutumes, loix et ordonnances à ce contraires, auxquelles est par exprès
desrogé, voulant, consentant et accordant ledit seigneur futur espoux
l'insinuation, publication et enregistrement estre faits dudit présent
contrat, poxor plus grande sûreté et validité de ladite substitution, en
tous sièges et justices que besoin sera, pour quoy faire et requérir
estre fait, il fait nomme et constitue dès à présent ses procureurs spéciaux
les porteurs desdites présentes, auxquels et à chacun d'eux il en donne
pouvoir et puissance de ce faire, et tout ce que au cas appartiendra
et sera nécessaire, promettant icelles parties ces présentes entretenir
sans y contrevenir, soubs l'obligation et hypothèque de tous et chacuns
ses biens, tant meubles qu'immeubles, présens et à venir, qu'elles,
chacune en droit soy, soubmettent à la justice de la prévosté de Paris,
renonçant à toutes autres et à toutes choses à ce contraires.
Fait et passé en la maison de ladite dame de Sévigné et de ladite
damoiselle future espouse, sa fille, seize dite rue Vaugirard, l'an mil
six cens cinquante-cinq, le quatorziesme jour de febvrier, après midy.
Et ont lesdites parties signé avec lesdits notaires soubsignés, la minute
des présentes, demeurée vers Marreau, l'un d'iceux.
(Suit la procuration de François de La Fayette, évêque de Limoges.
Arch. de l'Allier, B 742, fo ii.)
APPENDICE III
(A) Reconnaissance donnée par François de La Fayette à Dame Marie-
Magdelaine Pioche de La Vergne, sa femme, des bijoux, objets
mobiliers et autres valeurs apportés par celle-ci. — Il février 1655
Ledit seignexir comte de la Fayette a recogneu et confessé que ladite
dame Marie -Magdelaine Pioche, à présent son espoiise, à ce présente
et acceptante, luy a apporté et fourny, et d'elle a reçu comptant, un
rang de perles, ime paire de pendans d'oreilles, un diamant et autres
pierreries; pltisieurs linges, poùicts coupés, habits; un cabinet d'Alle-
magne et autres hardes et meubles appartenans à elle, que ledit seigneur
recognoist estre de valeur de la somme de sept mille livres tournois,
suivant l'estimation que luy-mesme en a faite à l'amiable; et partant
s'en contente et en quitte et descharge ladite dame son espouse, laquelle
luy a aussi apporté et fourny les titres papiers et enseignements concernans
la propriété de trois maisons à elle appartenans de son propre, comme
héritière dudit feu sieur de La Vergne, son père, et des damoiselles ses
sœurs, à présent religieuses professes, dont deux sont assises à Paris,
l'xme rue des Fossés, paroisses St-Germain-l'Auxerrois, une autre rue
CoquillairC; et la troisième en la ville de Calais, au lieu appelé le Cour-
gain, inventoriez soubz les cottes vingt-dcTXx, vingt-sept et vingt-huit
de l'inventaire fait à la requeste de ladite dame de Sévigné, après le
décès dudit feu sieur de La Vergne, par Quarré et Marreau, l'un des
notaires soubsignés, le cinqmesme janvier et autres jours suivans de
l'année mil six cens cinquante, et le contrat de partage fait entre ladite
dame de Sévigné et ladite dame sa fille, et M. Jacques Lepailleur, comme
tutevu- créé à l'efîet dudit partage desdites damoiselles, ses sœurs depuis
professes, des biens qui estoient de la communauté dudit feu sieur de
la Vergne et de ladite dame son espouse, passé par devant lesdits Quarré
et Marreau, notaires, le vingt -neufiesme mars mil six cent cinquante
un par lequel partage le premier lot seroit advenu et eschu avixdites
dames Marie -Magdelaine et damoiselles ses sœurs, contenant une grande
maison, coiir et jardin lors occupés par monsieur le marqiiis de Royan
et à présent par monsieur le nonce du Pape sis audit St Germain-des-
Près dite rue Vaugirard; la moitié en la moitié qm est un quart au total,
d' un chantier scis hors la porte St Bernard de cette ville de Paris, et un
contrat de constitution fait au profit de ladite dame comtesse de la
Fayette lors fille, par ledit Me Gabriel Penha, chevalier, sieur de Saint
Pons, son oncle maternel, de pareille rente de deux cens vingt deux livres
quatre sols six deniers tournois, dont le principal estoit provenu de
rachat et amortissement de la rente qxii luy estoit eschue par ledit
partage, à prendre sur lesdits Rillé et sa femme, passé par devant Le
Franc et ledit Marreau le sixiesme septembre mil six cens cinquante
250 Madame de La Fayette
trois. De tous lequels titres et papiers ledit seigneur comte de la Fayette
se contente et en descharge pareillement ladite dame son espouse,
ensemble des titres et papiers concernans ladite dernière maison scise
rue de Vaugirard, qm sont le contrat d'acquisition, faite par eschange,
de la place et fonds de terre svir laquelle est bastie ladite maison,
inventorié audit inventaire soubs la cotte trois ; le décret fait en consé-
quence d'iceluy au Chastelet de Paris, le vingt-deuxiesme novembre
mil six cens trente quatre, avec xme liasse de plusieurs quittances
d'ouvriers qui ont travaillé audit bastiment, lesquelles pièces ladite
dame son espouse luy a aussi présentement foiirnie. Et au regard des
pièces et titres inventoriés audit inventaire, concernant les dettes
actives non partagées, elles sont demexirées par devers ladite dame de
Sévigné qm en aidera aux dits seigneur et dame de la Fayette toutes
fois et quantes qu'ils l'en requerront, comme aussi sont demeiirées par
devers icelle dame de Sévigné toutes les autres pièces du susdit inven-
taire, à l'exception de la plus grande partie de celles comprises soubs
la cote vingt un, faisant mention de sept cent cinquante livres tournois
de rente constituée sur l'hostel de ville de Paris, provenant du sieur de
Mondoucet, et de deux cent dix-huit Uvres quinze sols de rente qm restent
encore par luy dus, le tout appartenant à icelle dame de la Fayette,
le contrat de laquelle rente de deux cent dix -huit livres quinze sols
ladite dame de Sévigné a dit estre es mains du sieur . . . pour en tirer
payement. Et pour ce qui est des autres pièces comprises soubs ladite
cote vingt un, elles ont esté présentement deslivrées auxdits seigneur
et dame de la Fayette. Et de plus recognoissent iceux seigneur et dame
de la Fayette avoir reçu aujourdhuy comptant d'icelle dame de Sévigné
qui leur a payé compté et nombre es présences des notaires soubsignés,
en louis d'or et d'argent bons et ayant cours, la somme de huit mille
six cent vingt quatre livres six sols, dont elle luy seroit demeuroit
débitrice par le reliquat de compte à elle rendu de sa tutelle, énoncé
et daté par ledit contrat de partage, par lequel ladite dame de Sévigné
seroit demeurée quitte et deschargée du surplus de ladite somme pour
les causes y contenues; de laquelle somme de quatre mille cinq cent
quatorze livres six sols lesdits seigneur et dame de la Fayette se con-
tentent et quittent et deschargent ladite dame de Sévigné, et tous autres,
mesme dudit compte et tutelle qu'elle leiir a aussi foiirny avec les pièces
justificatives, et consentent que dudit payement il soit fait. . .mention
sur les minutes et expédition desdits compte et partage, sans que leur
présence y soit nécessaire. Et est encore dû et appartient à icelle dame
comtesse de la Fayette plusieurs sommes de deniers tant povu- les
profits et intérests desdites dettes actives que loyers des maisons et
arrérages dédites rentes eschues jusques à présent, dont ledit seigneur
comte donnera recognoissance à ladite dame son espouse à mesure
qu'il les recevra, et vaudra la présente quittance pour inventaire som-
maire des biens et effets, titres et papiers concernans les immeubles de
ladite dame de la Fayette.
Et oultre recognoissent lesdits seigneur et dame de la Fayette que
ladite dame de Sévigné leur a bailli et fourny, et d'elle ont reçu ce
joïird'huy une tenture de tapisserie de Flandres, contenant hviit pièces
Appendice III 251
représentant les quatre saisons de l'année et faisant vingt -cinq aulnes
de tour, de ladite tenture de tapisserie que ledit seigneur de la Fayette
a dit avoir fait voir, ladite dame de Sévigné fait don à ladite dame sa
fille à condition qu'elle demeurera propre à icelle dame sa fille et aux
siens de son costé et ligne.
Et encore recognoissent que madame la duchesse d'Aiguillon leur
a fourny vin Ht de damas rouge cramoisy, garny de passement, frangé
et crespiné d'or et d'argent, avec la coiorte -pointe de mesme étoffe et
façon, lequel lit ils ont en leur possession et dont il a plu à ladite dame
d'Aiguillon faire don à ladite dame de la Fayette, pour l'affection qu'elle
luy porte comme sa filliole. Et laquelle tenture de tapisserie et ledit
lit, qui aussi demeurera propre à icelle dame de la Fayette et atix siens
de son costé et ligne, ledit seignevu- de la Fayette a estimé valoir la somme
de huit mille livres tournois, qui est la somme à laquelle ledit seigneur
de la Fayette dit avoir été estimées les dites choses par cevix qu'il a
choisis pour cette effet, et se tient avec ladite dame son espouse pour
contens et satisfaits de toutes lesdites choses, en remerciant ladite
dame d'Aiguillon, prommettant, obligeant, renonçant. Fait et passé
en la maison de ladite dame de Sévigné, l'an mil six cent cinquante cinq,
le dix septième jour dudit mois de février avant midy. Et ont lesdits
seigneur et dame de la Fayette et dame de Sévigné signé à la minute
des présentes estant à la suite de celle dudit contrat de mariage ci -devant
escrit. Ainsi signé: Le Franc et Marreau.
(Archives de l'Allier.)
(B) Dotation réciproque entre M. de La Fayette et Mme Marie-
Magdelaine Pioche de La Vergne, sa femme, pour l'amour qu'ils
ont Vun pour Vautre et parceqti'ils n'ont pas encore d'enfants, de
l'usufruit de tous leurs biens meubles et leurs conquêts immeubles.
Paris le 24 avril 1656
Par devant les notaires, gardenottes du Roy, nostre Sire, en son
Chastelet de Paris soubsignés, furent présens en leiirs personnes messire
François de la Fayette, chevalier, comte dudit lieu, baron de Chouvigny,
Naddes et autres terres et seigneuries, et dame Marie -Magdelaine Pioche
de la Vergne son espouze, de lui suffisamment autorisé pour l'effet et
validité des présentes, demeurans en leur château d'Espinasse, près
Gannat en Boiirbonnois, de présent à Paris, logés à Saint-Germain-des-
Près-les-Paris, rue de Vaugirard, paroisse Saint-Sulpice, lesquels poTir
l'amovu- et affection qu'ils ont et portent l'im à l'autre, considérant que
de leur mariage ils n'ont encore aucuns enfants et voulant se rendre
tesmoignage de leur mutuelle affection afin de donner au survivant
d'eux plus de moyen et de commodité de vivre et s'entretenir convena-
blement selon leur naissance, ont volontairement recogneu et confessé
s'estre fait et font par ces présentes don mutuel réciproque et irrévocable,
l'un d'eux à l'autre et audit siirvivant d'eux, ce acceptant par ledit
survivant seulement, de tous et chacuns des biens, tant meubles que
conquêts qui se trouveront appartenir au premier mourant d'eux au
252 Madame de La Fayette
jour de son déceds, en quelques lieux et endroits que tous lesdits biens
meubles et conque ts immeubles soient trouvés situés et assis pour dudit
usufruit et jouissance jouyr, faire et disposer par ledit survivant, sa
vie dvirant, ainsi qu'il advisera bon estre, sans qu'il soit obligé de donner
autre caution que sa juratoire, nonobstant la coustume à laquelle, et
à toutes autres à ce contraires, lesdits seigneiu" et dame ont dès à présent
renoncé, le tout potu-veu toutesfois, et non autrement, qu'au jovu* du
déceds du premier mourant il n'y ait ]:)oint d'enfans de leur mariage qui
soient habiles à succéder; et où il en aiiroit, ladite présente donation
demeurera nulle. Pour l'insinuation de laquelle ... Fait et passé en
l'estude de Marreau, l'un des notaires soubsignés, l'an mil six cens
cinquante six, le vingt quatriesme jour d'avril avant midy. Et ont
signé la minute des présentes, demeurée vers ledit Marreau, notaire.
Ainsi signé: Marreau et Lefranc notaires.
(Archives de l'Allier,)
APPENDICE IV
GÉNÉALOGIE DE LA MAISON MOTTIER DE LA FAYETTE
16—7
254
GÉNÉALOGIE DE LA MAISO
Gilbert du Mottier I (fit une fondation au Prieuré de Soucillange 1025)
Gilbert du Mottier II (croisé 1095)
Gilbert du Mottier III (Bienfaiteur du Prieuré de Soucillange 1125. Croisé sous Philippe-Auguste.
Fait Chevalier à la prise du Vexin en 1104)
II
Gilbert du Mottier IV
Gilbert du Mottier V — ép. — Alix le Brun (fille de Gilles le Brun, Connestable de France, Seigneur
GUbert VI
(fait chevalier pour ses services
contre les Anglais)
-ép. — Marguerite de la Eoche Tournelle (1300)
Guillaume du Mottier, Chevalier, Seigneur de la Fayette — ép. — Marguerite de la Maillade (1356)
Gilbert VII-
(Conseiller, Chambellan du Roi et de Monseigneur le Dauphin, Eégent
du Eoyaume, Lieutenant et Capitaine Général dans le Lyonnais et
Maçonnais (1418), Commandant l'armée française à la bataille de Baugé
(1431), Maréchal de France pour ses services contre les Anglais)
-ép. Jeanne de Joyeuse
fille de Randon de Joyeus
et de Catherine Aubert,
Dame de Montelschat
Magdeleine de la Fayette
ép. Emeric de Bouttier,
Seigneur de Bonnivat
Antoine de la Fayette
ép. Louise de Montsoissier
Mort sans enfants
Jean de la Fayette,
Chanoine et Comte de Lyo:
Antoine, Grand Maîtrede l'Artillerie 1474-1531 — ép. (1490) — Margueri te Rouville, fille de Louis, Seignei
. w
Louis, Comte de la Fayette-Pontgibaud, Seigneur de Montesclat — ép. (1525) — Marguerite de Vienn
Jacqueline de la Fayette-
François du Mottier tué à la
bataille de Saint-Quentin Fonda le Couvent des Capucins à Clermont (Auvergne) Comte de Lud
-ép. — Guy de Daillo
I
Marie de la Fayette
ép. Antoine de la Tour d'Auvergne,
Baron de Murât
Antoinette de la Fayette
ép. (1) Louis de Loup,
Seigneur de Pierrebrune
(2) Philippe de Rivoire,
Comte du Palais
Gabrielle de la Fayett«!
Abbesse des Chases
I I I
Madeleine de la Fayette, Françoise de la Fayette, Louise — ép. — (1) François d'Apcher,;
Religieuse au Chaze Abbesse de St Georges (Rennes) Seigneur du Cheyla'
(2) Claude de Bourbon
Comte de Chaslus
i \ 1 \
Louise de la Fayette, Madeleine de la Fayette, Claude de la Fayette Charles de la Fayettt
Fille d'honneur, Abbesse de St Georges ép. César de Chavigni tué à la bataille
Religieuse de la Visitation (Rennes) de Blot d'Estampes 1631
La Maison de la Fayette porte D'or à la bande dentelée de gueules et à la bordure de vair.
MOTTIER DE LA FAYETTE
255
5 Champestrières)
Pons
Branche des Campestrières-Vissat
Jean du Mottier
tué à la bataille de Poitiers
(Au XVII e siècle on voyait encore son
tombeau aux Jacobins de cette ville)
Charles du Mottier-
Seigneur de la Fayette-Pontgibaud, Chambellan et
Grand Écuyer du Eoi, Gouverneur de Boulogne
-ep.
-Isabeau de Polignac,
fille d'Armand, Vicomte de Polignac
et d'Amadée de Saluces
:e Rouville
I
François
Branche de Saint-Romain
Jean-
(Branche des Hautefeuille.
Succéda à François, mort à
Saint-Quentin sans
laisser d'enfants)
-ép
— Françoise de Montmorin,
fille d'Annet de Montmorin,
Seigneur d'Espinasse, et de
Marie de Boissière
Eené du Mottier,
Comte de la Fayette,
é à la bataille de Montcontour
1569
II
Claude du Mottier-
Comte de la Fayette,
Seigneur de Hautefeuille,
d'Espinasse, de Nades et
de Chavigny-Beauregard
-ep.—
Marie de Toursel d'Alègre,
fille de Gayard de
Toursel d'Alègre,
Comte de Riverol, et
de Charlotte de Beauvais
Jacques,
lomte de Lyon,
: Chartreux
François,
Évêque de Limoges,
Aumônier de la Reine
Anne d'Autriche
I
Philippe,
Chevalier de Malte
Jean-
ép. — Marguerite,
de Bourbon-Busset
lude de la Fayette,
ibé et Directeur de
Sorbonne
Jacques de la Fayette,
Chevalier de Malte
FRANÇOIS— ép.— MARIE-MADELEINE PIOCHE
de la Fayette de la Vergne
1616-1683 1634-1693
Louis, né le 18 février 1658, René Armand de la Fayette ép. — Madeleine de Marillac
bbé de Valmont (1670), de Dallon Chevalier, Comte dudit lieu. Brigadier
i76), de la Grenetière (1679), Prieur d'Infanterie, né le 18 juin 1659,
de Gondat, mort le 2 mai 1729 mort à Landau août 1694
Marie Madeleine — ép.— Charles Bretagne de la Trémouille
Prince de Tarente
La famille Mottier de la Fayette s^éteint
APPENDICE V
Renseignements sur les Terres de la Famille La Fayette
AxLiER, L'Ancien Bourbonnais, Tome ii.
p. 348. D'Échassières, nous allons nous diriger au sud, vers le bourg
de Nades : là il y avait un château à peu près semblable à tous ceux dont
je viens de parler, il présentait ^xne enceinte carrée, flanquée de quatre
tours couronnées de créneaxix. Il est aujoiird'hui considérablement
ruiné. On y a trouvé comme dans celui d'Échassières, des canons de
fonte et en bronze, des coulevrines et des boulets. Nades appartenait
en 1409 à Marie de Chauvigny, femme de Pierre de Montmorin. Il passa
en 1550 à Françoise de Montmorin qui épousa Jean Motier de la Fayette,
et en 1613 à Jean de la Fayette, qui le vendit à M. Lenoir, fermier général.
{Cette vente eut lieu bien plus tard. Voir l'article du Bulletin qui suit. H. A. )
p. 358. La terre de Cognât a appartenu d'abord à Gilbert le Jarric,
puis à la maison de Lafayette et enfin à la famille de l'Espinasse. Cette
dernière famille a possédé encore dans les environs de Gannat la terre
de l'Espinasse, qui avait été la propriété de Mottier de Lafayette.
Celui-ci l'avait reçue par alliance de Françoise de Montmorin.
Bulletin Revu£. de la Société d'Émulation et des Beaux Arts du Bourbonnais,
Tome vin. 1900.
p. 187. Notes en appendice à \in article du Commandant Du Broc
de Segange. Chouvigny, Nades, La Lizolle. Ces trois seigneiiries qui ont
donné chacun leur nom à une commune de l'Allier ont été longtemps
révtnies sous le même propriétaire, en commençant par la branche des
Chouvigny de Nades dont nous regrettons de ne pas avoir une généalogie
exacte. Isabeau, dernière de cette branche, ayant épousé Pierre de
Montmorin en 1409 leur descendance directe conserva les trois seigneuries
jusqu'au mariage en 1543 de Françoise de Montmorin avec Jean Motier
de la Fayette, auquel elle apportait en outre la terre d'Espinasse près
Gannat. Un vignoble fort renommé, situé près du château de Chouvigny
contenant autrefois environ 25 œuvres de vigne, porte encore aujoiird'hui
le nom de Clos-la-Fayette: il constituait probablement la seule bonne
partie de la baronnie de Chouvigny qtii s'étendait sur des ruines et
des roches incultes. Cette branche des La Fayette se termina au XYIII^
siècle par Marie -Madeleine de la Fayette, qui épousa en 1706 Charles
Louis Bretagne de la TrémouiUe, duc de Thouars, Leiir fils, Charles
Armand René duc de la TrémouiUe, vendit le 16 avril 1734 Nades,
Chouvigny, la Lizolle, Espinasse et Cognât à Isaac Le Noir, secrétaire
du Roi (Archiv. Allier, B 872). . .La châtellenie de Nades, Chouvigny
et la Lizolle avait haute basse et moyenne justice.
APPENDICE VI
Madame de La Fayette et les Affaires de Savoie
Réponses de Louvois aux lettres de Mme de La Fayette, copiées sur
les Minutes conservées aux Archives du Ministère de la Guerre,
à Paris.
A Versailles le 11 sept. 1684.
V. 717, p. 190. J'ai reçu, madame, la lettre que vous m'avez fait
l'homieur de m'escrire le 9 de ce mois. Je puis vous assurer que les
ordres du Roy touchant les intérêts de Madame de Savoie ont ete
adresses a Mr l'abbé d'Estrades. Ayant entendu lire au conseil la lettre
que sa Majesté a fait escrire sur ce sujet, ainsi je ne doute pas qu'il
l'ait reçue présentement et que vous n'en ayez bientôt des nouvelles.
Je suis madame votre très hiomble et très obéissant serviteur.
A Chambord le 29 sept. 1684.
V. 717, p. 480. Quoique la lettre que vous m'avez fait l'honneiu* de
m' écrire ne désire point de réponse, je ne puis la recevoir sans vous
remercier de la continuation des marques d'amitié qu'il voiis plait me
donner et vous assurer que je profiterai. . .avec le plus grand plaisir
du monde des occasions qu'il vous plaira me donner de vous marquer
la passion avec laquelle je suis votre très h. et. . . (Presque ilUsible.
Leçon douteuse.)
A Versailles le 24 novembre, 1685.
V. 751, p. 617. J'ai receu avec le billet que vous m'avez fait l'hon-
neur de m'escrire hier la lettre qui y etoit jointe et que je vous renvoie.
Mr le marquis d'Arcy a ordre depuis plus de 3 semaines de parler au
sens que Mme la duchesse de Savoie désirera poiir la conservation de
ses revenus, et je suis bien ennuyé si je n'ai entendu lire une lettre de
lui qui nous accusoit la reception(?).
Je soutiendrai Mr l'abbé d'Estrade lorsqu'il viendra ici. . .Et vous
connaitrez en toute rencontre que je suis toujours. . .etc.
A Versailles le 3 janvier, 1686.
V. 761, p. 34. J'ai reçu madame la lettre que vous avez pris la peine
de m' écrire le 2<^ de ce mois. Le roi avoit déjà ete informe par Mr le
marquis d'Arcy du retranchement que Mr le duc de Savoie avoit l'inten-
tion de faire a Mme sa mère, et avoit donne l'ordre que l'on mandat
a mon dit sieiu" d'Arcy de concerter avec Mme la duchesse de Savoie
les diUgences qu'il seroit a propos de faire auprès de Mr son fils pour le
porter a lui rétablir ce qu'il lui a ote. Sa Majesté a résolu en même temps
de parler au marquis de Lapierre quand il prendra congé de Sa Majesté.
Appendice VI 259
Je souhaite de tout mon cœur que cela produise l'effet que désire Mme
la duchesse de Savoie. Soyez bien persuadée de la passion avec laquelle
je suis, madame. . .
A Versailles le 3 février, 1G86.
V. 762, p. 229. J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'ecrire hier avec les papiers qui y etoient joints, lesquels je vous
renvoie après les avoir lus. Je rendrai ce soir au Roi la lettre de Mme
la duchesse de Savoie et vous dirai cependant que sa Majesté donna
encore hier ordre a Mr de Croissy après avoir entendu la lettre de jVIr le
marquis d'Arcy de lui mander de continuer les plus vives instances en
favevir de Madme la duchesse de Savoie observant que S. M. ne juge
pas a propos qu'il sollicite la patente qu'elle avoit désire que l'on deman-
doit a M. son fils.
A Versailles le 20 février, 1686,
V. 762, p. 499. Ce mot n'est que pour accompagner la lettre du Roi
cy jointe qui est la réponse de celle que vous m'avez adressée de Mme
la duchesse de Savoye pour sa majesté. Je suis Madame votre très
humble et très obéissant serviteur.
A Versailles le 9 mars, 1686.
v. 763, p. 150. Le Roy avoit donne l'ordre a IVIr Catinat de parler
a Mr le duc de Savoie en faveur de ]VIme sa mère, et de le presser vivement
de lui donner une entière satisfaction. J'ai cru que vous seriez bien aise
d'en être informée et je vous suppHe de me faire part du détail que vous
apprendrez dans la suite.
A Versailles le 4 avril, 1686.
v. 764, p. 115. J'ai receu la lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'escrire hier. Je me servirai de ce qu'elle contient si j'entends dire
quelque chose qui me le fasse juger a propos, sans quoi, usant de la
liberté que vous me donnez je n'en dirai pas une parole. Je suis votre
très humble et très obéissant serviteur.
A Versailles le 19 décem. 1686.
V. 771, p. 384. J'ay reçu le billet que vous avez pris la peine de
m'escrire'^ avec le paquet qm l'accompagnoit. J'ai eu l'honneur de
remettre au Roy la lettre qxii estoit pour Sa Majesté, qu'elle a fort bien
reçue et je ne doute point qu'elle ne m'ordonne- de vous envoyer la
réponse.
A Versailles le 23 janv. 1687.
V. 779, p. 435. Le billet que vous m'avez fait l'honneur de m'escrire
hier m'a ete rendu. Je vous rends grâces très humbles des marques
que vous me donnez de l'honneur de votre souvenir. Je vovis suppUe
d'être persuadée de la part que je prendray toujours a ce qui vous touche,
et que je profiteray avec beaucoup de plaisir des occasions que vous me
donnerez de vous rendre mes très htmibles ser\àces.
^ En surcharge : quelques mots illisibles. * Un mot illisible.
260 Madame de La Fayette
A Versailles le 28 fév. 1687.
V. 780, p. 447. J'ai receu avec le billet que vous m'avez fait l'hon-
neixr de m'ecrire celle (sic) de Madame la duchesse de Savoie, duquel
je vous remercie. Je feray des nouvelles qui l'accompagnent l'usage
qu'elle désire. Cependant je vous supplie de l'assurer de la reconnais-
sance que je conserverai toujours des bontés dont il lui plait de m'honorer
en votre particiilier en votre particulier (sic) qu'on ne peut être plus
veritable*^. . .
Ltixemboiu-g le 21 mai, 1687.
V. 783 (1), p. 148. Je revois en arrivant en cette ville le billet q. v.
m'avez fait l'honneur de m'ecrire le 16 de ce mois avec la lettre qui y
etoit jointe que je vous renvoie. Je vous supplie d'assurer madame la
duchesse de Savoie de la continuation de mes respects (?) et du désir
que j'aurai toujours de lui rendre mes très humbles services dans les
occasions qvii se présenteront.
Versailles le 17 jmllet, 1687.
V. 784, p. 327. J'ai receu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de
m'escrire avec les papiers qvii y étaient joints dont je voias rends très
humbles grâces. Je vous prie de faire ma cour a madame la duchesse
de Savoie selon que vous lui escrirez et d'être bien persuadée que je
suis toujoiirs très véritablement.
A Fontainebleau ce 10 oct. 1687.
V. 786, p. 344. J'ai receu le billet que vous m'avez fait l'honneur de
de m'escrire Ivindy dernier, celles de Thurin qui y etoient jointes des
27 et 28 du mois passe. Je me suis acquitte de l'ordre que madame la
duchesse de Savoie me dorma, en témoignant au roy l'inquiétude qu'elle
a de l'indisposition de Sa Majesté, de quoy elle m'a paru bien persuadée,
et m'a commande de la remercier du compliment que ma dite dame
m'avoit charge de luy faire.
Madame Royale ne pouvoit prendre un meilleur party que celui
qu'elle a pris sur ce qui s'est passe a l'égard du comte de Druent et du
marqiiis de Pianesse, et Mr le duc de Savoie en ne luy en donnant auciine
part s'est fait tort a lui seul. Il est fâcheux que ce prince n'ait personne
auprès de Ivii capable de lui représenter ce qu'il devrait faire en de
pareilles rencontres. Je vous supplie de m'ayder a bien remercier Madame
Royale de ce qu'il lui plait de vous charger de me dire touchant ma
maladie. Je conserverai toute ma vie une reconnaissance très vive des
bontés dont il lui plait de m'honorer. Je ne pense point a aller a Aney
le. . .de cet automne, ainsi je ne puis profiter de l'offre que vous me
faites du (château? chancelier?). Je vous supplie d'être bien persuadée
de la passion avec laquelle je suis tout.
A Marly ce 11 mars, 1688.
V. 802, p. 78 (Brouillon), p. 198. J'ay leu au Roy la lettre que vous
m'aves (adressée avec celle que vous m'avez) fait l'honneur de mescrire
le 6« de ce mois. Sa Mate ma paru bien persuadée que Madame la duchesse
de Savoye est incapable d'avoir fait ce dont on l'a accusée et c'est dequoy
Appendice VI 261
je vous puis assurer et que je suis tousjovirs vostre très humble et très
obéissant serviteur.
(Brouillon daté du 4 mars. Mise au net le 5 mars par un secrétaire.
Le passage entre parenthèses ajouté d'une autre main (celle de Louvois)
et le quantième changé.)
A Versailles le 26 mars, 1688.
V. 804, p. 155. J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait rhonneiu: de
m'escrire. Je demanderai (accorderai?) ce que vous desirez sur l'affaire
dont Mr de Boufflers m'a parle. A l'égard de ce que vous a mande
madame Royalle je ne vois guère d'emplois propres pour. . .(Suite
illisible.)
A Versailles le 2 avril, 1688.
V. 805, p. 17. J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'hormeur de
m'escrire le dernier du mois passe avec tous les papiers qui l'accom-
pagnaient lesquels je vous renvoyé, mon indisposition m'empechant
de voir le Roy. C'est avec bien du déplaisir que je me vois hors d'état
de rendre le service que je désirerai a Madame la duchesse de Savoie.
Je suis votre très humble et très obéissant serviteur.
A Versailles le 9 juillet, 1688.
V. 806, p. 137. J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'escrire avec celle de Mme Royalle qui y etoit jointe laquelle je
vous renvoyé. Je ne scay point de charge a vendre dans la gendarmerie
et je puis vous dire qii'a l'exception des compagnies des chevau-legers
d'ordonnance, les subalternes montent toujours lorsque les charges
viennent a vacquer, que même dans les gendarmes du Roy, quand il
advient un changement, il n'y a jamais que les charges de guidon a
vendre, qtii ne peuvent pas être remplies par un homme de l'âge et des
services du gentilhomme dont vous me parlez. C'est tous les éclaircisse-
ments que je vous puis donner. Si après cela je trouve quelque charge
qui lui convienne je le serviray de tout ce que je pourrai pour lui en
faire obtenir l'agrément. Je suis votre très humble et très obéissant
serviteur.
A Versailles le 27 décem. 1688.
V. 816, p. 91. J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'escrire, a laquelle je ne puis repondre quant a présent. Sa Majesté
n'ayant pas encore rien règle sur les régiments qui foixrniront les com-
pagnies l'année prochaine. Je vous supplie d'être bien persuadée que
lorsque je ne reponds pas a vos lettres c'est que je ne stiis pas en état
de le faire, ne laissant pas que d'estre toujoizrs dans les meilleiirs disposi-
tions que vous pouvez désirer et qui dépendront de vous, poLU" vou3
rendre services.
A Marly le 1" avril, 1689.
V. 846, p. 21. Je vous adresse la réponse que je fais a Mr le Comte
de Masin laquelle je vous supplie de vouloir bien Im faire tenir. Le Roy
a fait escrire a Mr d'Arcy au sens que Mme la duchesse de Savoie peut
désirer. Sa Majesté a même ordonne a mon dit sieur d'Arcy de laisser
A. 17
262 Madame de La Fayette
entendre a Mr le duc de Savoie dans la première occasion nouvelle qu'il
en trouvera que prenant une part sensible a ce qui regarde Mme sa mère,
que son cœiir le doit porter a bien traiter en toute rencontre, et que si
cela ne svLffit pas il doit se sovivenir que Sa Majesté s'attend que l'amitié
qu'elle a pour elle lui sera une raison pour éviter de donner a Mme la
duchesse de Savoie aucun sujet de se plaindre de lui.
APPENDICE VII
Les Sentiments du Sieur Eosteau sur plusieurs auteurs :
Ouvrages d'Histoire
L'Histoire de Madame de Montpensier.
Si novis en croyons la préface de ce livre ce n'est point icy une vérité
qui touche Me de Guise Mad^ de Montpensier et Mons de Chabannes qui
sont les principaiix acteurs de cette scène, mais on s'est seulem* servi
de leurs noms pour rendre la scène (?) plus considérable et plus vrai-
semblable. Quelques uns croyent que c'est une advanture de ces derniers
temps ce que l'on en peut dire de plus asseuré est que rien ne peut estre
plus galamment écrit. Le brmt commun veut que ce soit vme production
de Madame de la fayette assez cognue pour un des plus beaux esprits
de notre cour, dautres y donnent part a M. le duc de la Rochefoucault
de quelq. main quil parte il ny a rien (mots illisibles) peut estre q. le
personnage que l'on a fait tenir a M. de Guise sera moins approuvé
estant contre la raison qu'après vine fortune pareille à celle où il se
venoit de trouver il eust si facilement oublié une princesse quy avoit
risqué son honneur et sa vie pour luy, ce qui persuade encore q. cest une
supposition de personnages et qiiil sy trouveroit sous la véritable
histoire de grandes. . . (mot illisible).
MSS. ex libris Bibliothecae Sancta Genovefa
Parisiensis. Bib. Ste. -Geneviève, MS. no.
3339, fo 235. [Inédit.]
APPENDICE VIII
Quelques opinions sur La Princesse de Clèves
Dix-septième siècle.
(Bayle.) Nouvelles lettres de l'auteur de la Critique générale de l'histoire
du Calvinisme de Mr Maimbourg. Villefranche, 1685, in 12°, T. n,
p. 652. Lettre xxi, Section v, p. 656. B. trouve les caractères de
La P. de C. "outrés et chimériques."
Bussy-Rabutin. Correspondance, éd. Lalanne. 1858, 6 vols. 12°.
Charnes (L'abbé de). Voir bibliog. des ouvrages consultés.
Fontenelle. Mercure Galant, mai 1678, p. 111. A lu quatre fois ce roman
tant il l'admire. Regrette que Nemours ait écouté l'aveu. — "Cela
sent un peu les traits de VAstrée.'^
Merciire Galant, mars 1678, p. 379. Tout le monde l'attendait. "Elle
a remply cette attente, et je suis certain que je ne vous pouvois
prociirer iine lecture plus agréable."
Vahncour. Voir la bibliog. et notre chapitre sur La P. de C.
Voir aussi Les Lettres de Mme de Sévigné et la lettre de Mme de la
Fayette à Lescheraine où elle critique son propre roman.
Dix -huitième siècle. (Sauf mention contraire ces
ouvrages fiirent publiés à Paris.)
Chaudon et Delandine. Nouveau dict. hist. . . . par une société des
Gens de Lettres. 7^ édit. Caen et Lyon, 1789, in, p. 584.
Dictionnaire historique portatif des femmes célèbres. 2 vols. 1769, i, 648.
Gordon du Percel (L'abbé Lenglet du Fresnoy). De l'usage des romans.
Amsterdam, 1734, i, pp. 13-14.
L'histoire justifiée contre les romans. Amsterdam, 1735.
Lambert (L'abbé). Histoire httéraire du règne de Louis XIV. . . 1751,
3 vols. 40, T. III, Liv. rx, pp. 32-33.
La Harpe. Lycée ou cours de Litt. anc. et mod. Paris, 1888, 14 vols. 8°,
Tome 7.
La Porte (L'abbé de) et Lacroix. Histoire littéraire des femmes fran-
çaises. 1769, 5 vols. 8°, I, 460-515. Aucune critique personnelle.
Leiong (Jacques). BibUothèque historique de la France. T. iv. Vie et
éloges des Dames illustres, 1775, Fo, p. 210. La Rochefoucauld
aurait foxirni les maximes, Mme de la Fayette l'intrigue, et "le
tout" aurait été "mis en œuvre avec autant d'esprit que de
déhcatesse par. . .Segrais. . ."
Marmontel. Œuvres. 1819, 7 vols, in 8°, Tome m, 2e partie, p. 558.
Essai sixr les romans considérés du côté moral. Trouve la P. de C.
séduisant, mais dangereux. Loue les bienséances et le sentiment de
la pudeiir dans ce roman.
Moreri (Louis). Le grand dict. hist.. . .etc. 1759, T. v, p. 67.
17—2
264 Madame de La Fayette
Niceron. Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres dans la
répub. des lettres. 1731, T. xvi, p. 23, Art. Segrais. Cite le P. Lelong.
Prévost (L'abbé). Mémoires et aventures d'un homme de qualité qui
s'est retiré du monde. . . 1808, 3 vols, in 12°, T. ii, p. 80. Conseille
à son élève de lire Télémaqtie et La Princesse de Clèves comcme les
moins mauvais des romans.
Voltaire. Œuvres, éd. Beuchot. 1833, 71 vols, in 8°, T. xn, p. 344.
Le Temple du Goût, xix, 127. Le Siècle de Louis XIV.
Dix-neuvième et XX*' siècle.
Asse (Eugène). Art. sur La Fayette dans La Grande Encyclopédie. Cet
article fourmille d'inexactitudes.
Auger (Louis Simon). Notice sur la vie et les ouvrages de Madame de
la Fayette. 1863, 1875, 1882.
Baldensperger (F.). À propos de l'aveu de la Princesse de Clèves, dans
la Rev. philologie fr. 1901, p. 26.
Barine ( Arvède). Madame de laFayette d'après des documents nouveaux.
(Voir Perrero.) Rev. des deux mondes, 15 sept. 1880, pp. 384-412.
Cherbuliez (Victor). L'Âme généreuse — La Princesse de Clèves. Rev. des
deux mondes, 15 mars 1910, p. 274.
Ferettini (Hector). Étude sur Madame de la Fayette. Brochtire in
16 de 24 pp. Milan, 1901. Presque toutes les vieilles erreiu-s s'y
trouvent. Mme de la Fayette naqmt au Havre, etc., etc.
Fournel (Victor). La littérature indépendante et les écrivains oubliés.
Essais de critique et d'érudition sur le XVII^ siècle. 1862, in 16,
p. 201.
Girardin (Saint-Marc). Co\ars de litt. dram. ou de l'usage des passions
dans le drame. 1875, 5 vols, in 16, Tome iv, pp. 438, et suiv.
Crit. de la psychologie du roman.
d'Hau-ssonville (Le comte). Madame de la Fayette. Hachette (Les gr.
écriv. fr.), 1891.
Hémon (Félix). Rev. pol. et litt. 5 avril 1879, p. 956. Conteste l'authenti-
cité de la lettre de Mme de la Fayette au sujet de la P. de C. publiée
par Perrero dans la Rassegna.
Ibid., 3 mai 1879. Le procès de Mme de la Fayette. La Princesse
de Clèves et M. Perrero.
Ibid., 2 oct. 1880. La vraie Mme de La Fayette. Réponse à
l'art. d'Arvède Barine.
Le Breton (André). Le Roman au dix-septième siècle. 1 890, pp. 297-322.
Leeigne (C). Madame de la Fayette. No. 1 de la Collection Nouvelle chez
Lethielleux. 1910, pp. 115, in 16. Ouvrage tiré de celui de M.
d'Haussonville.
Lemontey (P. E.). Notice sur Madame de la Fayette et Mesdemoiselles
Deshoulières. 1822, in 8°.
Leroi (Robert). À propos de la Princesse de Clèves de Mme de la Fayette.
Étude sur la Société fr. auXVH*^ siècle. Société Havraise d'études
diverses. 1899, l^"" trimestre, pp. 65-81.
Leroyer de Chantepie (Marie S.). Figures historiques et légendaires.
Paris, s.d. p. 223. Madame de la Fayette. M. L. de C. écrit
Appendice VIII 265
"Le premier ouvrage de Mme de la Fayette fut la Princesse de
Clèvesr
Margerie (A. de). Madame de la Fayette. Nancy, 1870, in 8°.
(Mayeur de Saint-Paul) Madame de la Fayette, s.d. (1814), 1 vol. in 24,
pp. 108. Port, front, et grav. Un ramassis de citations au sujet
de Mme de la F.
Moréas (Jean). Variations sur la Vie et les Livres. Paris (Mercure), 1910,
pp. 5-19. Mme de la Fayette. L'auteur insiste sur la modération
de Mme de la F.
Perrero (A. D.). Lettere inédite di madama di La Fayette e suerelazioni
con la corte di Torino. Curiosité e ricerche di storia subalpina,
Fasc. XV, Tvirin, 1880.
Praviel (Armand). Madame de Villedieu et la Princesse de Clèves.
Revue litt. bulletin de Bibliographie (Supp. litt. mensuel au Journal
de r Univers, fév. 1898).
Rea (Lilian). The Life and Times of Marie Madeleine Countess of La
Fayette. London, s.d. (1908), 1 vol. in 8°, pp. xii, 336, 20 grav.
L'auteur a abordé ce travail avant d'avoir les connaissances néces-
saires de la langue française. Après avoir raconté l'histoire des
lettres de Mme de Sév. trouvées chez Fouquet elle cite ainsi la
lettre de Mme de Sév. à ce sujet:
"I am most angry," she wrote to Ménage, "that Fouquet shoiild
hâve put my letters in the casket of his poulets (hens)."
Le mot entre parenthèses ( = poules) est ajouté par Mme Rea
povir expUquer aux lecteurs anglais le mot poulets dans l'original ! ! !
Sainte-Beuve. Romanciers de la France. Mme de la Fayette. Rev. des
deux mondes, \^^ sept. 1836, p. 513. Article réimp. dans les Portraits
de Femmes du même auteior. Celle-ci est encore la meillevire étude
sur IVIme de la Fayette.
Salomon (Ch. ) . A propos de la doctrine morale contenue dans la Princesse
de Clèves. i?ev. wmvemtorVe, 1898, Tome n, pp. 1—11. Art. important.
Taine (H.). Article sur Mme de la Fayette. Journal des Débats, 25 fév.
1857. Réimp. dans ses Essais de Critique et d'Histoire, et en tête de
son édition de la P. de C.
Vapereau(G.). Dict. miiv. des litt. 1876, 1 vol 8°, p. 1159. La Fayette.
Voir aussi Brunetière, Doumic, Faguet, Herriot, Lanson, Lemaître, Léon
Levrault {Le Roman, Paris, Delaplane, pp. 40-43), Morillot, Petit
de Julleville, Pellissier, etc., etc.
Voir aussi la liste des ouvrages consultés pour cette étude.
APPENDICE IX
Testament de Madame de La Fayette
Au nom du Père du Fils et du St Esprit fait le ll™e Avril 1690.
Je suplie nostre seigneur de me faire la grâce d'avoir une soumission
aussi entière à sa volonté lors qu'il luy plaira m' appeler à luy que celle
où il me paraist que je suis présentement. Mais comme ses dispositions
sont aussi incertaines que Iheure de nostre mort parce que tout despend
de sa providence je fais ce mémoire des choses que ie souhaitte estre
exécutées lors quil m'aura apellée à luy estant saine de corps et desprit.
le laisse à mes anfans la disposition de naon enterrement et de ma
sépulture ie veux néanmoins que ce soit a ma paroisse et avec le moins
de frais et de despense quil se poura cest ce que ie leur demande insta-
ment.
le donne aux pauvres malade (sic) de ma paroisse la somme de
trois cent livres une fois payée.
le donne a ma sœur religieuse urseline a Valancay outre et pardessus
la pention viagère que Ion paye annuellement a son couvent et qui la
doit suivre partout ou elle ira outre cette pention qui est de trois cents
livres ie luy donne dis-je la somme de soixante livres chaque année sa
vie durant seulement et seront les dittes soixante livres mist entre
les mains de telle personne quelle choisira afin que cette personne les
emploie pour le soulagement de sa santé ou autre chose a sa volonté
sans que cela passe par les supérieures du couvent ou elle sera.
le donne a Mlle de Boiscordier la somme de cent livres par chaque
année sa \àe durant seulement et si la ditte Mlle venait a se marier la
ditte pention de cent livres s'estindroit en luy donnant six cent livres
une fois paye.
le donne a Charruel(?) mon valet de chambre sil est encore a moy
le joiir de mon deceds (ratvire) la somme de cent (rature) cinquante
livres sa vie diu-ant seulement (deux lignes biffées).
Mes enfants recompenseront mes autres domestiques a proportion
du temps et de la manière dont ils m'auront servie.
le donne a mes deux fammes mes vieux habits et mon vieux linge
de ma personne seulement et mes anfans réserveront ce qiiil leur plaira.
le les fais lun et lautre cest dire mon fils labbé et mon autre fils
exécuteurs du présent.
(Signé) De La Vergne.
l'approuve les ratiires cy dessus qui ont denviron quatre à cinq
ignes.
(Signé) De La Vebgne,
Appendice IX 267
le feray un codicille par lequel ie regleray moymesme la recompense
de mes domestiques.
fait ce 11™" avril 1690. (Signé) Dk La Vergne.
(Plié et cacheté aux armes de Mme de la Fayette — les écussons
J^a Fayette et La Vergne surmontés d'une couronne de
marquise.)
(Au dos) Testament et codicile fait par moy et despose entre
les mains de Mr le Cure de St Seurin pour le faire ouvrir eu
jour de ma mort.
Codicile fait par moy ce 26'"^ Février 1692.
Jay fait un testament que Ion trouvera avec celuy cy auquel j'adjoute
que je donne et laigue aux pauvres de labaye de Valmont en Normandie
la somme de mil livres.
Jay donne par mon testament a Charruel (?) mon valet de chambre
une pention annuelle de cent cinquante livres de rente laquelle ie
confirme encore la ditte pention viagère seulement et sera aux choix de
mes anfans de luy payer la ditte pension viagère ou de la rachetter
de cinq cent ecus ime fois payé le tout si le dit Charruel (?) est encore
a moy et non autrement.
Je donne pareillement a Aimée femme de Charge une pention viage
de cent cinquante livres la ditte pention non rachetable si elle est encore
a moy lors de mon deceds.
Je donne a du Mancais la somme de iTiil livres ime fois payée et toutes
mes hardes seront partagées entre elle et aimée comme il est porté par
mon testament si lune et lautre sont encore a moy.
Je donne a Marie servante de cuisine la somme de cent livres une
fois payée si elle est encore a moy.
Je donne a Bertelet portier la somme de trois (rature) cent livres
une fois payée sil est encore a moy.
J'aprouve la rature.
(Signé) De La Vergne.
A Valier mon valet de chambre la somme de cent cinquante Hvres
sil est encore a moy.
Je prie ]VIr de Croisille de donner les sommes portées par ce codicille
si lors de ma mort il a encore de largent a moy povir aquiter les présents
lais du moins ceux qui sont en argent. Mon fils payera les pentions et
ceux qui sont en argent si Mr de Croisille nen a plus entre les mains de
celuy que ie luy ay donne a garder.
(Signé) De La Vergne.
Je donne a Mr Chatrier un diamant de cinquante pistolles pour ce
souvenir de moy.
(Signé) De La Vergne.
fait ce 2^*^ février 1692.
Outre et par dessus ce qm est porté sur mon testament ie donne
encore a du Mancais si elle est a moy la somme de cinq cent livres et
tous mes habits nestant pas iuste q'aimee le partage avec elle,
fait ce I2'"<= T^re 1692.
(Signé) De La Vergne.
(Au dos) Codicille fait ce 26me février 1692.
I
APPENDICE X
L'Aveu dans le Roman : Les Désordres de l'amour
La marquise de Termes est souffrante d'une maladie de languevir;
son mari s'inquiète et se tourmente: résolu à tout faire pour apprendre
le secret du mal mystérieux qui la dévore, il vient dans l'appartement
où elle repose "... et surprenant sa femme, le visage mouillé de quelques
larmes qu'à son abord elle essayoit de cacher. . . .
"Ne vous contraignez point poiir ma présence. Madame," lui dit-il,
"je suis moins un époux sévère que le plus intime de vos amis, dites-moi
confidemment ce qui vous oblige à verser des larmes, et croyez qu'il
n'y a rien que je fasse ou que je n'entreprenne pour en arrêter le coiu-s."
"Vous êtes trop bon," repartit tristement la belle malade, "de vous
apercevoir de ces effets de ma faiblesse, ils ne méritent pas d'être
remarqués, et ce sont des sensibilités ordinaires à une jeune personne
qui a sujet d'aimer la vie et qui se voit en danger de la perdre."
"Ha! Madame," s'écria le Marquis, "ce n'est point là ce qui vous
fait pleurer, le malheur que vous feignez de craindre n'est encore, grâce
au ciel, ni déclaré, ni prochain. Et quand il seroit vrai qu'il vous arrachât
des larmes, vous ne feriez point d'efforts pour me les cacher. Elles
pourroient au contraire être expliquées à mon avantage, la douleur
d'être séparée de moi y serviroit d'un légitime prétexte; mais. Madame,
ce n'est point cette crainte qui vous trouble, vous avez des mavix plus
sensibles et plus pressants, et vous m'en causerez de mortels si je ne
vous trouve plus d'ouverture de cœur et plus de confiance."
Le marquis accompagnoit ces paroles de caresses si touchantes et
les mouvements de son visage exprimoient si bien le chagrin qu'il
avoit de celui de sa femme, qu'elle fut honteuse qu'il kii en restât encore.
Elle donna un libre cours aux larmes qu'elle avoit retenues, et serrant
une des mains du marquis entre les siennes: "Ah!" lui dit -elle avec
une foule de sanglots, " que votre honnêteté m'est cruelle, et que je
vous serois obligée si vous me témoigniez autant de mépris et de dizreté
que vous me témoignez de tendresse et de considération."
Un discours si bizarre ayant augmenté la curiosité du Marquis, il
n'y eut rien qu'il ne mît en usage pour la satisfaire. Il pria, il promit,
il employa jusqu'à son autorité et fit des commandements. Plus la
marquise tâchoit à modérer ce désir plus il devenoit violent.
"Hé bien donc!" lui dit-elle, vaincue par ses importunités, "vous
saurez ce que vous avez tant de curiosité de savoir: quelque malheur
que cet aveu m'attire, il aura de la peine à me rendre plus infortvmée
que je la suis, et en tout cas je me sens si abatue que le secours de la
mort ne me sera pas longtemps reftisé."
Appendice X 269
Alors elle lui raconta comme dès son enfance elle avoit eu lUie
violente inclination pour le Baron de Bellegarde, qui en avoit une sem-
blable poiu" elle, mais qui n'ayant pas assez de bien potir satisfaire
l'avarice de son père le marquis lui avoit été préféré. "Envisagez-moi
dans cet état," poursuivit-elle, fondant en larmes, "et jugez s'il y a vm
au monde plus malheureux. Vous méritez toute mia tendresse, et bien
qu'il me soit impossible de vous la donner, je mourrois mille fois plutôt
que de rien faire indigne de la vôtre. J'ai banni le jeune Bellegarde,
et vous pouvez avoir remarqué que depuis notre mariage il n'est pas
venu en cette province; c'est par mes ordres qu'il en demeure absent,
je ne lui ai point écrit, je lui ai sévèrement défendu de m'écrire, et quand
ma vie dépendroit d'un moment de sa conversation particulière, je ne
m'y exposerois pas. Cependant, puisque vous me forcez à vous l'avouer,
moins je le vois et plus je sens le désir de le voir; son absence, qui devoit
l'effacer de ma mémoire, ne sert qu'à me persuader sa déférence pour
mes ordres. Je ne pousse pas un soupir où je ne m'imagine que les siens
répondent, et jugeant de ses peines par les miennes, il se fait en moi vm
combat de pitié, d'amour et de devoir, qui semble déchirer mon âme,
et dont les effets sont si cruels pour elle, que de quelque côté que penche
la victoire, elle me sera toujours également funeste."
Cette belle affligée auroit pu continuer de parler plus longtemps si
ses sanglots ne l'en avoient empêchée. Le marquis, son époux, étoit si
surpris et si touché de ce qu'il entendoit qu'il n' avoit pas la force de
l'interrompre; mais enfin ce premier trouble étant un peu dissipé, et
la tendresse qu'il avoit pour elle triomphant d'un mouvement de jalousie
qui le sollicitoit au mépris et à la vengeance.
"Ha ! Madame," lui dit-il d'im air languissant, "pourquoi m'épousiez-
vous, si vous ne pouviez m'aimer?"
"Je fis ce qu'il me fut possible pour ne vous épouser pas," poxir-
suivit la marquise, "mais j'étois jevine et timide, mon père étoit absolu
sur sa famille, et d'ailleurs je ne croyois pas mon amour aussi violent
qu'il l'étoit. Comme il n'avoit jamais eu de but qu'vm mariage, je pensois
qu'il cesseroit quand l'espoir de ce mariage seroit éteint. Vous êtes un
des hommes du monde le plus accompli: j'espérai que vous chasseriez
aisément Bellegarde de mon cœur, et j'avois im désir si sincère de vous
aider que je ne doutai pas qu'il ne réussît. Mais, hélas ! je me suis
trompée, et bien que je vous trouve infiniment estimable, vous ne
saliriez empêcher que Bellegarde ne soit encore l'homme le plus aimé."
Des aveiix si rares et si ingénus pénétrèrent le marquis d'une doiileur
inexprimable, il lui fut impossible de soutenir cette conversation plus
longtemps. Il se retira dans sa chambre, et faisant réflexion sur la
cruauté de sa destinée, il eut besoin de tout son courage pour ne pas
succomber au désespoir.
LISTE DES OUVRAGES CONSULTES
Tous les ouvrages cités dans ce travail sont mentionnés ci-dessous, dans
l'appendice viii, ou dans la bibliographie des œuvres de Madame de
La Fayette.
Académie des femmes, comédie en trois actes en vers. B.N. Rés. YF 4342.
Academy, The. Jan. 27th, 1906, pp. 91-2. The earliest modem novelist
(Mme de La Fayette). Par Edward Wright.
Aigueperse, P. G. Biographie ou dictionnaire historique des personnages
d'Auvergne. Clermont-Ferrand, 1834, 2 vols, in 8°.
Albums de dessins et de gravures de la commission des antiquités de la Seine
Inf.
Allier, Achille. L'Ancien Bourbonnais. Moulins, 1833-8, 3 vols. F".
Annales de la Cour et de la Ville, 1697-8.
Anselme, Le Père. Histoire généalogique et chronologique . . . Paris, Firmin-
Didot.
Anti-ménagiana. Bib. Nat. Z 18229.
Archivfiirdas Studium der neueren Sprachen und Literaturen, 1909. (o) Jordan,
L. Eine Handschrif t von Werken der Grâfin La Fayette mit dem inedierten
Fragment eines Romans. (6) Kuechler, W. Zu den Anfângen des psycho-
logischen Romans in Frankreich.
Archives de Chantilly (Château), ms. Série P.
de l'AlUer. Docs. reproduits dans les appendices, etc.
de la Seine. Voir Bégis.
du Ministère de la Guerre. Voir Louvois.
du Ministère des Affaires étrangères. Corr. diplom. de Savoie.
Nationales. Papiers Léonard.
Arnaud, C. Étude sur la vie et les œuvres de l'abbé d'Aubignac. 1888.
N. 29. 78 Cantab.
Arnauld, Papiers. Arsenal, 6037, T. iv.
d'AndiUy. Mémoires. Petitot, xxxm-xxxiv.
Amould, L. Racan. 1 vol. in 8°, orné de port. Paris (Cohn).
Artigny, L'abbé d'. Relation de ce qui s'est passé dans une assemblée tenue
au bas du Parnasse pour la réforme des belles lettres. 1739, in 12°.
LH 285 Sorb.
Athenseum français. 16 avril, 1853.
Aubignac, FéHx HédeUn, abbé d'. Conseils d'Ariste à Celimène sur les moyens
de conserver sa réputation dans le monde. 1665, 1667, etc., in 12°. R 18668
B.Nat.
Macarise. 1663.
Les portraits égarés. 1660, in 12°.
Relation de tout ce que j'ay veu à Loudun en neuf joiurs que j'ay visité
les possédées, sept. 1637. ms. de 19 pages. Bib. Nat. ms. fr. 12801.
lÂste des Ouvrages Consultés 271
Aubignac, Félix Hédelin, abbé d'. Royaume de Coquetterie. 1655, in 12o.
Nouvelle histoire du temps ou la relation véritable du Royaume de
Coquetterie. Arsenal, B.L. 14702.
Audigier, Pierre. Histoire d'Auvergne, ms. Bib. Nat. 10 vols. 11477-11486.
Idem. Imprimés. Tome i, Clermont-Ferrand, 1894, 1 vol. in 8°.
Audiguier. Diverses affections de Minerve, 1625, 1 vol. in 12°. Bib. Nat.
Z 19851.
Aumale, Le duc d'. Histoire des Princes de Condé pendant le XVP et XVII®
siècle. Paris, 1896, 7 vols. 8».
Avenel, Le vicomte d'. La Noblesse française sous Richelieu. Paris, 1901,
1 vol. in 12°.
Richelieu et la Monarchie absolue. 1884.
BaiUon, Le comte de. Henriette -Anne d'Angleterre. . . 2^ éd. Perrin.
Henriette-Marie de France . . . 2® éd. Perrin.
Baluze. Histoire généalogique de la maison d'Auvergne. Paris, 1798, 2 vols. F".
Baret, Eugène. De l'Amadis de Gaule et de son influence sur les mœurs et la
litt. au XVIe et au XVII^ siècle. 1853, Firmin-Didot, 8°.
Barihe, Arvède. La jeunesse de la Grande Mademoiselle. 5® éd. Hachette,
Louis XIV et la Grande Mademoiselle. 3^ éd.
Barrière, F. La Cour et la Ville sous Louis XIV, Louis XV et Louis XVI.
Paris, 1830, 8».
Barry, Le P. Lettres de Pauline et d'Alexis à diverses personnes sur des sujets
bien importants.
Barthélémy, É. M. de. La Marquise d'Huxelles et ses amis. Bib. Nat.
Ln" 32744.
Les amis de la Marquise de Sablé.
Sapho, le Mage de Sidon et Zénocrate. Ln" 9167.
Valentin Conrart. Ln^^ 35404.
Bary, René. L'esprit de cour ou les conversations galantes. 1662. Z 20072
Bib. Nat.
Beaucaire, Horricq de. Recueil des Instructions données aux ambassadeurs.
Savoie-Sardaigne et Mantoue, 1898-9.
Beaucamp, de, et le Trix. Petite histoire du Havre. L'k 29294 B.N.
Beaurepaire, C. de. Mélanges historiques. L*k 2342.
Nouveaux mélanges. L*k 2342 bis.
Derniers mélanges. L*k 2342 ter.
Bégis, Papiers, aux Arch. de la Seine.
BeUeval. Les fils de Henri IL Paris, 1 vol. 8», 1898.
Berty et Tisserand. Topographie historique du vieux Paris. 1876, Fo (Histoire
Grénér. de Paris), Région du Bourg Saint-Germain.
Besoigne, Jérôme. Histoire de l'Abbaye de Port-Royal. Cologne, 1752, 6 vols.
in 12».
Bled, Victor du. La société française du XVI^ au XX® siècle. 4® série, XVII«
siècle. 1904, in 12°.
Bodin. Recherches historiques sur l'Anjou. Bib. Nat.
BoUeau. Les héros de Roman, édition T. F. Crâne.
Satires, éd. Gamier.
Œuvres, éd. Berriat de Saint-Prix. 5 vols. 8°, Paris, 1839.
272 Madame de La Fayette
Boislisle, de. Voir Bulletin de la Société de l'Histoire de France.
Bonafous. Études siu- l'Astrée. 1846.
Bonneau- Avenant, Le cte. de. La duchesse d'Aiguillon. . . 2^ éd. 1 vol. in 12°,
Perrin.
Bordelon, L'abbé. La belle éducation. 2© éd. 1694, in 120.
Borély, A. E. Histoire de la ville du Havre. Le Havre, 1880-1, Tome n.
Bosc, Le Père Jacques du. L'honnête femme. Lyon, 1640.
Bossuet. Oraisons funèbres, éd. Jouaust.
Bouhier, Souvenirs de Jean. B.N. La 2925.
Bouillet, M. N. Dict. univ. d'hist. et de géog. SP éd. Hachette, s.d. 1 vol. in S».
Bourciez, E. E. J. Les mœurs polies et la litt. de cour sous Henri II (Thèse,
Paris).
Bourdeau, J. La Rochefoucauld. Hachette, 1895 (Gr. Écriv. fr.),
Bourdigné, Jehan de. Chronique d'Anjou et du Maine, éd. Godard-Faultrier.
Angers, 2 vols. 8°, 1842.
Bourgeois, Emile. The century of Louis XIV, its arts and ideas. Traduit par
Mrs Cashel Hoey. London, s.d. Gr. 4°, Grav.
Bourgoin, Auguste. Valentin Conrart. . .et son temps. Hachette, 1883, 8°.
Brantôme. Œuvres complètes. . . 1858-1894. 13 vols. Bib. Elzév. Plon-
Nourrit.
Brédif, M. Segrais, sa vie et ses œuvres. Paris, Durand, 1863, 8°.
Brice, Germain. Description de Paris. 6^ éd. in 12°, 1713.
Broc, Le vicomte de. Les femmes auteurs. Paris, Pion, 1911, in 16".
Brun, Pierre. Autour du XVIIe siècle. Grenoble, 1901, in 12°.
Brunetière. Études critiques... 8 vols, in 16°.
Hist. de la Htt. fr. classique. Tome i, 1911.
Brunot, Ferdinand. Histoire de la Langue française. Tome m. En cours de
publication chez CoUn.
BuUetin de la Société de l'Histoire de France, 1896. De Boislisle. Les portraits
dans les écrits diplomatiques et politiques.
du Bouquiniste, 1874, Tome n, 15 oct.
du Bibliophile, 1853, p. 59.
Critique, 1891, p. 191.
Bure, Guillaume de. Fils aîné. Catalogue des livres de la Bibhothèque de feu
M. le duc de la Vallière. I^e partie, ms. et livres rares, 3 vols. 8°, 1783.
Bussy-Rabutin. Histoire amoureuse des Gaules. 4 vols. 1856-76. Elzév.
Plon-Nourrit.
Carte du pays de Braquerie. À la fin de Tallemant. Voir Tallemant.
Correspondance. Voir Opinions sur la Princesse de Clèves. Appen.
Cabinet des Titres. Bib. Nat. ms. Pièces originales, 2229, 2287, etc.
Callières, de. De la Science du monde et des connoissances utiles à la conduite
de la vie. Bruxelles, 1717, 1 vol. in 12°.
Camusat. Bib. françoise ou hist. htt. de la France. 1674, 2 vols.
Carpenteriana. Bib. Nat. Z 18190.
Cartwright, Julia, Madame. Memoirs of Henrietta, Duchess of Orléans.
Londres, 1894, 2^ éd. 1900.
Casati de Casatis, Ch. ViUes et châteaux de la vieille France. Duché d'Au-
vergne. Paris, Picard, 1900, 8°.
Liste des Ouvrages Consultés 273
Castelnau, Mémoires de Messire Michel de. . . Bruxelles, 1731, 3 vols. 8°.
Catalogue de l'Exposition de l'histoire de Paris, ouverte à Paris pendant l'été
de l'aimée 1911.
Cercle des Femmes, entretien comique . . . B. Nat. R 24003.
Chansonnier français. Bib. Nat. MS. 9348, 12639, 12667, 15135.
Chapelain, Jean. Lettres, publiées par Tamizey de Larroque. Paris, 1880.
De la lecture des vieux romans, dialogue, p. par FeiUet. 1870, 8°.
Poésies inédites de. . . Bib. Nat. N. acq. MS. No. 1890.
Charlanne, Louis. L'influence française en Angleterre au XVII^ siècle. 1906
(Lecène).
Chéruel, A. Histoire de la France pendant la minorité de Louis XIV. Sorb.
HT. b. 28a, 8°.
Choisy, Mémoires de. Petitot, Lxrn et Jouaust in 12°, 2 vols.
Collas, Greorges. Un poète protecteur des lettres au XVII^ siècle. Jean Chape-
lain... Paris, Perrin, 8°, 1911.
Condé, Papiers de. Série P. Archives du Château de Chantilly.
Conrart, Papiers de. Bib. Arsenal, Paris, MS. ix, 4°, xi (No. 4116), xxn,
No. 4127, etc.
Mémoires. Petitot.
CorneUle. Érlition Gr. Écriv. Hachette.
Comhill Magazine. May, 1870, p. 533. A Pupil of the Hôtel de Rambouillet.
Corrard de Bréban. Souvenir d'une visite aux ruines d'Alise et au Château
de Bussy-Rabutin. Troyes, 1833, 8". Brochiire de 30 pp.
Cosnac, Le comte Gabriel Jules de. Souvenirs du règne de Louis XIV. Paris,
Renouard, 1866, 8 Tomes in 8°.
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Samfiresco, Elvie. Ménage. Paris, 1902, in 8°.
Sauvai. Antiquités de Paris. Sorb. HF m 6. In Folio.
Scarron. Œuvres. 1786. B.N. Ye7811.
Recueil des épistres en vers burlesques de M. Scarron et d'autres
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Scudéry. Clélie. Le Grand Cyrus.
Segrais. Les nouvelles françoises ou les divertissements de la Princesse Aurélie.
Paris, A. de Somma ville, 1656, 2 vols. 8°.
Segraisiana. Paris, 1722, in 12°. Notes MS. de Tiu-got dans l'exemplaire
Sorbonne, Rr. 135, 12°.
Sévigné, Mme de. Lettres, éd. Monmerqué. Hachette, Gr. Écriv. 14 vols,
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Chevalier de. Correspondance pub. par Lemoine et Saulnier. Paris,
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SicheL Edith. The Household of the La Fayettes. Westminster, 1897, 1 vol. 8°.
Somaize. Le Dictionnaire des Précieuses, éd. Ch. Livet. Paris, 1856, 2 vols.
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Sorel, Charles. De la connoissance des bons livres ou examen de plusieurs
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Description de l'isle de portraicture et de la ville des portraits. Tome 26.
p. 382 de: Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques.
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La maison des jeux. 1687, 2 vols. 12°.
Sourches, Marquis de. Mémoires. . . 13 vols. 8°, Hachette.
Staël, Mme de. De la littérature considérée dans ses rapports avec les institu-
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TaUemant des Réaux. Les Historiettes, éd. Monmerqué et Paris, 3^ éd. Paris,
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Tardieu, A. Gr. dict. hist. du département du Puy-de-Dôme. Moulins, 1877,
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Tilley, Arthur. From Montaigne to Molière. Londres, 1908, 1 vol. 8°.
Upham, A. H. The French influence in English Literature from the accession
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Uzereau, L'abbé. Une page de l'histoire littéraire de l'Anjou. B.N. 8 Z 17253.
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Vesque, Ch. Histoire des rues du Havre. Le Havre, 1876.
Veyssière, A. Archives hist. du Bourbonnais. Périod. 1891-4.
Villedieu, Mme de. Les Désordres de l'amour. 12°. B.N. Y^ 73360. Ex.
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Walckenaer. Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné. 6 vols.
F. Didot.
Wright, Ed. Voir Academy.
INDEX DES NOMS PROPRES
Les pseudonymes, les titres d'ouvrages, les noms de personnes et de
lieux mentionnés dans les romans sont en italique.
Aiguillon (Marie-Madeleine de Vignerod
de Combalet, duchesse d'). Voir
Combalet
Aimée, domestique de Mme de La
Fayette, 267
Akakia, 4
Alamir [Zaïde], 128, 138
Alanic (Mme), 179
Albret (César-Phébus d'), comte de
Miossens, maréchal de France, 44, 88
Alcandre, 92
Alègre (Gayard de Toursel d'), comte de
Riverol, 255
— (Marie de Toursel d'), 245, 255
Alexandre, 89
Alexandre, 136
AJlier (1'), 257
— (la rivière de 1'), 52, 61
Almaras {la bataille d'), 134
Almonl (la comtesse d''), 76
— (le comte d'), 75, 76
Alphonse [Zaïde], 128, 129, 132, 133,
135, 136, 137, 138
Amadis (V), 126, loi, 162
Amalthée (nom désignant Mme du
Plessis-Guéuégaud), 162
Amalhée, 92
Amours duPalais Royal deTurin (Ze-s),191
Anaxandre, 162
Andillv (Amauld d'), 90, 91, 110
Aney,'260
Angélique (ia mère). Voir La Fayette
(Louise Mottier de)
Angennes (Angélique-Claire d'), 66
— (Julie-Lucine d'), duchesse de
Montausier, 12, 66
Angers (la ville d'), 52, 56
Angleterre (Elisabeth d'), 160
— (Henriette d'). Voir Orléans (Hen-
riette-Anne, duchesse d')
— (1'), 197-8
Angoisses douloureuses qui procèdent
d'amours (les), 154-6
Anjou (la province d'), 7, 39, 50, 203,
242, 243
Anjou (le duc d'), 78, 83
Apcher (François d'). Seigneur du
Cheylar, 254
Aplanie e (nom désignant Mme de
Valençay), 74
Aplemont (d'), 13
Araminte, nom désignant Mme de
Plenneville, 82
Arcy (le marquis d'), 258, 261
Arenberg (le comte d"), 75, 76, 77
Arioste (F), 152
Amelot (Marie de Lyonne, Mme), 82
Armande, 31
Arthénice (nom désignant Mme de
Rambouillet), 34
Artus, 162
Asfeld (Alexis Bidal, baron d'). 199
Astrée(r),ll, 126,162
Aubert (Catherine), 254
Aubignac (François Hédelin, abbé d'),
12, 77, 102
Audoux (Mme Marguerite), 179
Aurélie (nom désignant la Grande
Mademoiselle), 74
Aurore, 49
Autriche (la reine Anne d'), 1, 14, 31,
111, 114, 115, 117, 158, 187,255
— (la reine Marie -Thérèse d'), 117
Auvergne (la province d'), 18, 19, 45,
49, 51, 52, 59, 60, 62, 63, 64, 140, 141
Avaux (Jean-Antoine de Mesmes, comte
d'), 88
Avranches (l'évêque d'). Voir Huet
Babylone (V impératrice de), 162
Bac (la rue du) à ParLs, 1
Baillardeau (Aiitoine), 205
Bajazet, 166
Baldensperger (Femand), 164
Balzac (.Jean-Louis Guez de), 217
Barbin (A. T.), 3
— (Claude), 166, 178
Barillon (le cadet), 21
— (M.), 111 ...
Barillons (les), Paul et Antome de
Barillon, 88
Barine (Arvède), 119
Bastille (les archives de la), 36
Baudrier (M.), notaire, 15
BaufFremont (Henri de), marquis de
Senecey. Voir Senecey
Baugé, en Anjou, 50
Bautru (Guillaume), comte de Serrant,
18
Bavière (l'électeur de), 199
Bayard (Jacques de), 46, 54, 244, 246
— (Louis), 92
Bayle (Pierre), 106
Bazin (A.), 125
Béatrix de Provence, reine de Naples.
Voir Naples
Beaumanoir (Henri de), 60
— (Mme de). Voir Rostaing (Mar-
guerite de)
Beaurepaire (René de Sainte-Maure,
seigneur de), 13, 14
Beauvais (Charlotte de), 255
Belasire [Zaïde], 128, 132, 137
Belfort, 151
Bellaigue (l'abbé de Notre Dame de).
Voir Bayard (Jacques de)
282
Madame de La Fayette
BeUegarde (le baron de), 163, 269
Belval (l'abbé de). Voir Testu (Jacques)
Benserade (Isaac de), 86, 106
Bérard (Claude), première femme de
Marc Pioche de La Vergne, 6
Bérault (Claude?), 195
Berger Extravagant (le), 72
Bertaut, 10
Bertelet, portier de Mme de La Fayette,
267
Berthelot (le sieur), 182
Beuvronne (la rivière de), 90, 92
Biron (Charles-Armand, duc de), 148
Blot (César de Chauvigny, baron de),
99, 254
Boileau-Despréaux (Nicolas), 31,41, 68,
86, 89, 106, 110, 111
Boiscordier (Mlle de), 266
Boisenval, valet de chambre de Louis
XIII, 115
Boissière (Marie de), 255
Bollard (Fiacre), 11
Bonnart (Robert-François), 39
Bonnivat (Émeric de Bouttier, seigneur
de), 254
Bonrepas (M. de), 110
Bordier (Jehan), la veuve de. Voir
Bricard (Marie)
Bossuet (Jacques-Bénigne), 31, 86, 106,
110, 124, 134, 168
Boufflers (Louis-François, duc de),
maréchal de France, 148, 261
Bouhours (Dominique), 128, 135, 170,
171, 202
Boulen {Anne de), 174
Boulogne, 255
Bourbon (Anne de), 61
— (Claude de), comte de Chaslus, 61,
254
— (Françoise de), 182
— (la ville de), 48
Bourbon-Busset (Marguerite de), 244,
255
Bourbonnais (le), 62, 244, 251
— (le baron de Chazeron, gouverneur
du), 18
Bourdaloue (Louis), 31, 68, 211
Bourdeille (Pierre de), seigneur de
Brantôme. Voir Brantôme
Bourgogne (la comtesse de), 92
Bouttier (Émeric de), 254
Branche (la), 179
Brantôme (Pierre de Bourdeille, seigneur
de), 31, 158, 159, 160, 161, 173, 208,
219
Brédif (Léon), 68
Bretagne (la), 51
— (le marquis de Thémines, gouver-
neur de la), 8
Brevonne. Voir Beuvronne
Brézé (Urbain de Maillé, marquis de),
2, 4-12, 22
Briare (la ville de), 57
Bricard (Marie), femme de Gabriel Péna,
5
BrinviUiers (Marie-Marguerite d' Aubray,
marquise de), 36
Brissac ( Gabrielle -Louise de Saint-Simon,
duchesse de), 57
— (le duc de), 242, 243
Brosses (M. des), 42
Buckingham (George Villiers, duc de),
1627-1688; 121, 123
Buisson (Mme de), 66
Bure (Guillaume de), fils aîné, 200, 201
Bussy (la rue de) à Paris, 244
Bussy-Rabutin (Roger de Rabutin,
comte de Bussy, dit), 20, 06, 71, 103,
105, 134, 135, 136, 137, 164, 166, 168,
170, 243
Caderousse (Claire-Bénédictine de Gué-
négaud, duchesse de), 90
Caen (la ville de), 68, 107
Caen, les origines de, 131
Calais (la ville de), 2, 249
Calvaire (les religieuses du), 11
Cambout, 126
— (Marie du), duchesse d'Épernon.
Voir Épemon
Cambrai (la bataille de), 77
Campestrières-Vissat, 255
Canaries (le roi des), 132
Caudale (Louis-Charles-Gaston de No-
garet, duc de La Valette et de), 18
Capucins (le couvent des) à Clermont,
254
Caraccio, 200, 201
Caractères (les), 68
Carlos (Don), 92
Cassandre, 221
Catalogne, 137
Catinat (Nicolas de), seigneur de Saint
Gratien, maréchal de France, 259
Caumartin (Louis-François de), 89
Céphale, 49
Cessac (Louis-Guilhem de Castelnau,
comte de Clermont-Lodève, marquis
de), 90
Chahannes (le comte de), 78, 79, 80, 81
262
Chaillon (le sieur), 191
Chaillot (le couvent de Sainte-Marie de),
114,115
Chalais (Mlle de), 12
Chamard (M. Henri), 159
Champigny, 66, 67, 78, 79, 88
Champiré, 58, 244
— (Renaud de Sévigné, seigneur de).
Voir Sévigné
Chanoine (le). Voir Longueval, Fran-
çoise de
Chantilly (le château de), 109, 110, 113
— (le marquis de), 148
Chanudet (M.), curé d'Espinasse-Vozelle,
52
Chapelain (Jean), 12, 66
Charenton (la ville de), 18
Charles I, roi d'Angleterre, 114, 124
Charles II, roi d'Angleterre, 116
Charnes (l'abbé Jean-Antoine de), 168,
171
Charruel ( ?), 266
Chartin (le sieur), 9
Index des Noms Propres
283
Chartres (le vidame de), 161
Chartres (Mmede), 156, 170, 174, 175, 177
— (Mlle de), princesse de C'ièves, 161
Chaslus (Claude de Bourbon, comte de),
254
Châtelet (le) à Paris, 250, 251
Châtillon (Isabelle- Angélique de Mont-
morency-Bouteville, duchesse de), 69
— (M. de), 88
Chatrier (M.), 267
Chauveau (François), 39
Chauvigny, fief de la famille La Fayette,
49, 151, 244, 251, 257
— (Isabelle de), 257
— (Marie de), 257
Chauvigny-Beauregard, 255
Chazaud, notaire à Limoges, 244
Chazeron (le baron de), 18
Chennevières (M.), 10
Chevreuse (Marie de Rohan, duchesse
de), 47
Choisy (François-Timoléon de), 207, 208
— (Mme de), 21, 74, 153
Chouvigny. Voir Chauvigny
Cicéron. (les œuvres de), 30
Clays (le village de), 90
Clelie, 53, 56, 66, 68, 72, 73, 133
Cléopâtre, 71, 221
Clermont (le couvent des Capucins à),
254
Clèves (la princesse de), personnage du
roman, 80, 102, 123. 160, 161, 162,
170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 209,
212, 223, 224. Voir aussi Princesse de
— (le prince de), 123, 156, 165, 174*
175, 177
Clèves (le prince de), 161
Clos-la-Fayette, 257
Cognât, 50, 257
Colbert (Jean-Baptiste), marquis de
Seignelay, 182
Combalet (Marie-Madeleine de Vignerod
de), duchesse d'Aiguillon, 2, 7, 11, 12,
13, 14, 21, 46, 106, 245, 251
Comminges (Gilbert du Plessis-Praslin
de Choiseul, évêque de). Voir
Plessis-Praslin
Comtesse de Tende (la), roman, 157,
171^, 218
Condé (Claire-Clémence de Maillé, mar-
quise de Brézé, princesse de), 110
Condé (le prince de), 83
Condé (Louis II de Bourbon, prince de),
86, 109, 110, 134
Conrart (Valentin), 66, 106
Consalve [Zaïde], 128, 129, 132, 135,
136, 137, 138
Conversations sur la critique de la
Princesse de Clèves, 164
CoquiUaire (la rue) à Paris, 249
Corbinelli (Jean), 215
Corinne, 179
Corinthe (l'archevêque de). Voir Retz
Corinthiens (la première aux), la bataille
dite, 20
Corneille (Pierre), 48, 111, 177, 218,223
Cosnac (Gabriel- Jules de), 110
Coster (Pierre), 22, 42, 52, 55, 56, 71,
207, 210
Coulanges (Marie-Angélique du Gué,
Mme de), 107, 111, 113, 211
Coulevain (Mme Pierre de), 179
Coulommiers, 174
Courgain (le) à Calais, 249
Courtin (Honoré), 112, 182
Cousin (Victor), 33, 73
Crenne (Hélisenne de), 154
Créqui (François-Joseph, marquis de),
146
CroisiUe (M. de), 267
Croissy (M. de), 259
Cyrics (le grand), 66, 71, 73. 139, 221
Daillon (Guy de), comte dj Lude, 254
Dalon (l'abbaye de), 115, 142, 255
Danemark (le). 183
Dauphin (le), 107, 145, 146
Dauphme (la), 37, 199
Dauphine (la) [la Princesse de Clèves],
160, 165
Delphine, 179
Depoix (J.), 9
Descartes (René), 219, 223-4
Des Champs (M.), 109, 110
Des Chases (Gabrielle de La Fayette,
abbesse), 254
Desjardins (Hortense). Voir ViUedieu
Désordres de Vamour (les), 163, 164, 171,
268-9
Despréaux (Nicolas Boileau). Voir
BoUeau - Despréaux
Dijon (le président du parlement de), 48
Don Carlos, 92
Don Garcie [Zaïde], 128, 138
Don Manrique [Zaïde], 132
Don Ramire [Zaïde], 135
Dorât (Jean- Jacques?), 61
Dorchain (Auguste), 156, 157
Doris (nom désignant Mme de La
Fayett--). 28
Druent (le comte de), 261
Du Bouchet (Mme), 134, 135
Du Cheylar (François d'Apcher, sei-
gneur), 254
Du Guet (Jacques-Joseph), 157, 210, 211
Du Mancais. domestique de Mme de La
Fayette, 267
Du Mottier (Charles), seigneur de La
Fayette-Pontgibaud, 255
— (François), tué à la bataille de
Saint- Quentin, 254
— I (Gilbert), 254
— II (Gilbert), 50, 254
— III (GObert), 50, 254
— IV (Gilbert), 254
— V (Gilbert), 254
— VI (Gilbert), 50, 254
— (Pons), 258
Du Palais (Philippe de Rivoire, comte),
254
Ébreuil (la viUe d'), 51, 61
Échassières, 257
284
Madame de La Fayette
Ecosse (1'), 116
— (la convention d'), 197
Elisabeth d'Angleterre, 160
Elne (le siège d'), 44
Empereur (Y), 183
Enghien (Anne de Bavière, duchesse d'),
110
— (Henri-Jules de Bourbon, duc d'),
86, 110, 181, 188, 189
Épemon (Marie du Cambout, duchesse
, d'), 47
Epinasse. Voir Espinasse
Érice (la princesse d"), 66
Espagne (1'), 183
Espinasse, 49, 51, 52, 53, 59, 61, 244,
246, 251, 257
— (Anet de Montmorin, seigneur d'),
255
Espinasse-Vozelle. Voir Espinasse
Essais de Morale (les), 209
Esther, 199
Estrades (Jean-François d'), abbé de
Moissac, 190, 258
Estrées ( François- Annibal, marquis de
Cœuvres, duc d'), 112, 182
— (le cardinal d'). Voir Laon
Étampes (la bataille d'), 254
Eugénie, 75, 76
Eurilas, 58
Exeter, 116
Pavart d'Herbigny (Christophe-Elisa-
beth), chanoine de Reims, 23
Fayette {la nymphe), nom désignant
Mme de La Fayette, 99
Féliciane, nom désignant Mme de La
Fayette, 91, 106
Félicie, nom désignant Mme de La
Fayette, 83, 87
Félime [Zaïde], 128, 138
Femmes savantes (les), 111
Fénelon (François de Salignac de La
Mothe-), 41
Ferdinand (Louis-Ferdinand Elle, dit), 42
Férou (la rue) à Paris, 11, 205
Ferrare (l'abbé), 195
Ferrarois, domestique de Mme de La
Fayette, 82
Feuillet de Conches (Félix -Sébastien),
25, 60, 61
— (Mlle), 25, 60
Fez (le prince de) [Zaïde], 132
Fiesque (la comtesse de), 74
Fleury (le village de), 113
Florençal (le chevalier de), 76, 77
Florence, 215
Fontaine (Garin de), 50
Fontainebleau (le château de), 37, 121,
147
Fontenelle (Bernard le Bovier de), 168,
170
Force du Passe' (la), 179
Porests, 244, 247
Formont (Maxime), 51
Fossés (la rue des) à Paris, 249
Foucaut (le berger), nom désignant
La Rochefoucauld, 99
Fouquet (Nicolas), vicomte de Melun et
de Vaux, marquis de Belle-Isle, 90, 123
Pouquières (Mme de), 88
Foumel (Victor), 221
Poumier (Edouard), 64, 141
France (Anatole), 94, 100, 125, 167,
178, 179, 206, 220
— (Christine de), duchesse de Savoie,
184
— (Henriette-Marie de), 114, 116, 117,
124
— (le collège de), 5
Francion (Histoire comique de), 72
François II, 160
Franz (Arthur), 67
Fresnes (le château de), 35, 64, 84, 88,
90-93, 97, 112
Fret (Charles), 205
Fribourg (la ville de), 147
Fronde (la), 14, 16, 20
Fronsac (le duc de). Voir Brézé (Urbain
de Maillé, marquis de)
Frontenac (Mme de), 74
Fronténie, nom désignant Mme de
Frontenac, 74
Furetière (l'abbé Antoine), 53
Gannat (la ville de), 51, 244, 251, 257
Garde (Don) [Zaïde], 128, 138
Gathon, 59
Ge'lonide, nom désignant la comtesse de
Fiesque, 74
George (le sieur), 182
Giraud (ou Girault, l'abbé), 26, 41
Girault. Voir Giraud
Godeau (Antoine, évèque de Grasse et
de Vence), 66
Gombeau, 99
Gondat, 255
Gonzague (Marie de), 119, 126
Gonzale. Voir Consalve
Goths (la reine des), 54. Voir aussi
Suède (Christine, reine de)
Gourville (Jean Hérault de), 112, 113,
206
Goutenotoze. Voir Goutevantouze
Goutevantouze (le fief de), 49, 244, 247
GradafiUe, 162
Grammont (le beau-frère du comte de).
Voir Hamilton (Antoine)
Gramont (Antoine, duc de), maréchal de
France, 118
— (la comtesse de), 113
Grand Cyrus (le), 66, 71, 73, 139, 221
Grasse (l'évêque de). Voir Godeau
Grignan (Adhémar de Monteil, comte
de), 60, 105
— (la famille de), 104
— (Mme de). FotV Sévigné (Françoise-
Marguerite de)
— (Pauline de), marquise de Simiane,
141
Griselidis, 196
Guarini (Giovanni Battista), 96
Guébriant (Renée du Bec-Crispin,
comtesse de), 35
Guénégaud. Voir Caderousse
Index des Noms Propres
285
Guénépaud (Elisabeth-Angélique de), 90
— (la rue) à Paris, 56
Ouenelic, 155
Guenièvre, 162
Guérard, graveur, 39
Guiche (Armand de Gramont, comte de),
117, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 162
— (la jeune), 117
Guillard, 61
Guise (le chevalier de), 175
— (le duc de), 78, 79, 80, 81, 262
Guitaut (le comte de), 103
Gyp (Sibylle-Gabrielle-Marie Antoinette
de Riquetti de Mirabeau, comtesse de
Martel de Jan ville, dite), 206
Halle (Antoine), 41
Hamilton (Antoine), 38
Harfleur (la ville d'), 14
Harmand (René), 234
Haussonville (M. d'), 95, 100, 175, 200,
201, 211, 243
Hautefeuille (fief de la famille La Fay-
ette), 49, 244
— (Jean de), 255
— (Mottier de), grand maître de l'ar-
tillerie, 50
Hautefort (Marie de), duchesse de
Schomberg-Halluin, 115
Haute-Serre (fief de la famille La
Fayette), 49, 244
Havre (la ville du), 3, 7, 9, 11, 13, 14,
15, 16, 20, 22, 29, 126, 244
Hélisenne, 154-155
Henri TT, roi de France, 157, 160
— IV, roi de France, 116
Herménésilde [Zaïde], 128
Histoire d'Henriette d' Angleterre (V), 7,
114-126, 127, 162, 174, 218
Hita (Ginès Ferez de), 133, 134
HoUande (la), 67, 116, 125, 198
Honfleur (la ville d'), 14
Hongrie (la), 143
Horace (les œuvres d'), 30
Huet (Pierre-Daniel), évêque d'Av-
ranches, 42, 63, 68, 69, 82, 86, 87,
106-108, 130, 131, 135, 136, 139, 152,
176, 214, 216
— (Pierre-Daniel), la sœur de. Voir
Plenneville (Mme de)
Huguenots (les), 50
Huxelles (Marie de Bailleul, marquise d'),
111
l7ifante (V), 92
ItaUe (1'), 183
Jacques II, roi d'Angleterre, 199
Jansénistes (les), 30
Joli (Guy), 242, 243
Joseph Delorme, 138
Joyeuse (Jeanne de), 254
— (Randon de), 254
Kuchler (Walther), 155
La Beaumelle (Laurent- Angliviel de), 140
Laboureur (Jean), 161
La Bruyère (Jean de), 68
La Case (le marquis de), 36
Lacroix (Paul), 95
La Fayette (Antoine de). 254
— (Antoine de), maître de l'artillerie,
254
— (Antoinette de), 254
— (Charles de), 254
— (Claude de), abbé et directeur de
Sorbonne, 255
— (Claude de), bachelier en théologie,
frère de François. 46, 245
— (Claude de), femme de César de
Blot, 254
— (Claude de), père de F évêque de
Limoges, 247, 255
— (Edmond de), sénateur, 60, 61
— (François de), mort à Saint-
Quentin, 255
— (François Mottier, comte de), 3, 6,
15, 44-65, 114, 116, 156, 157, 189,
193, 205, 243-252, 255
— (François Mottier de), évêque de
Limoges, 46, 85, 114, 142, 244, 246,
248, 255
— (Françoise de), abbesse de Saint-
Georges de Rennes, 254
— (GabrieUe de), abbesse des Chases,
254
— (GUbert I à GUbert VI). Voir Du
Mottier
— (Gilbert VII du Mottier de), 254
— (Guillaume du Mottier, seigneur de),
254
— (Jacqueline de), 254
— (Jacques de), chevalier de Malte, 255
— (Jacques de), comte de Lyon,
chartreux, 254
— (Jean de), chanoine et comte de
Lyon, 254
— (Jean de), Hautefeuille, 255, 257
— (Jean de), père de François, 244,
255, 257
— (la famille Mottier de), 49, 52, 60,
64, 254-255, 257
— (le château de), 50
— (Louis de), abbé de Valmont, 50,
59, 142-144, 152, 197, 200, 255, 266,
267
— (Louise de), comtesse de Chaslus,
254
— (Louise Mottier de), 114, 116, 126,
197, 254
— (Madame de), femme de René-
Armand. Voir Maiillac
— (Madeleine de), 254
— (Madeleine de), abbesse de Saint-
Georges de Rennes, 254
— (Madeleine de), religieuse, 254
— (Marie de), baronne de Murât, 254
— (Marie-Madeleine Pioche de La
Vergne, comtesse de), sa naissance, 2;
ses parents, 2-7; à Pon toise, 9; au
Havre, 13; la mort de son père, 14-
15; le second mariage de sa mère,
17; son beau-père, 19-20; et Mlle
286
Madame de La Fayette
La Fayette (Marie-Madeleine) (cont.)
de La Loupe, 20; sa mère, 21-22, 56,
241-243; et Mme de Sévigné, 23, 104-
106, 111 ( Voir aussi Sévigné dans
cet index); et Ménage, 23-31, 82-83,
194-204 {Voir aussi Ménage); ses
études, 29-42; et l'Hôtel de Ram-
bouillet, 32-35; la société qui l'en-
toure, 32-41; son mariage, 44-49, 65;
son contrat de mariage, 244-248;
les objets, mobiliers, etc. qu'elle
apporte, 249-251; son mari, 49-51,
54, 55, 59-65; dotation mutuelle de
leurs biens, 251-252; généalogie de la
famille La Fayette, 254-255 ; les terres
de la famille La Fayette, 257; en
Auvergne, 52; sa santé, 53, 55-57,
113, 192-212; enceinte, 55; mort de sa
mère, 56; naissance de son fils Louis,
59; son voyage à Paris, 59; naissance
de son fils René -Armand, 59; date de
la mort de son mari, 59-60; et les
Portraits, 66-71; l'anonymat de ses
œuvres, 81, 167 ; à la cour de Madame,
87; au Luxembourg, 87; à l'Hôtel de
Ne vers, 87, 88-89; précieuse, 87; à
Fresnes, 90-93: et La Rochefoucauld,
93-104, 129-130; et le cardinal de
Retz, 21, 106, 241-243; et Segrais,
106, 127-129; et Huet, 106-108, 130-
131; et La Fontaine, 108-109; et le
prince de Condé, 110; et Bossuet, 110;
et Racine, 110-111; et Boileau, 110-
111; et Corneille, 111; est très bien
en cour, 112; et Mme de Montespan,
112; et Henriette d'Angleterre, 114-
118; ses enfants, 140-153, 205; et
Brantôme, 159; et Mme de Villediea,
164, 268-269; et ses collaborateurs,
81-83, 127-132, 165-170; se déclare
auteur de la Princesse de Clèves, 169;
son style, 80-81, 138-139, 176-178,
215-218; et Mme Royale de Savoie,
180-192, 258-262; et Louvois, 180-
192, 258-262; historien, 193-212; ses
dernières années, 201-212; sa mort,
204; son testament, 266-267; son
caractère, 206; ses idées religieuses,
209; ses lettres, 213-218; l'écrivain,
218-220; le philosophe, 220-224; ses
œuvres: Une lettre pour se moquer des
mots à la mode {?), 68; Le Portrait de
Mme de Sévigné, 66-71; La Princesse
de Montpensier, 71-84; Zaïde, 126-
139; La Princesse de Clèves, 154-179;
La Comtesse de Tende, 171-174; La
Vie de Madame Henriette d' Angleterre,
114-126; Les Mémoires de la cour...,
196-200; Caraccio, 200-201. Voir
aussi Doris, Fayette (la nymphe), Féli-
ciane, Félicie, La Vergne, Laverna,
Lisette, Ménie, Sagiette
— (Marie-Madeleine de), petite-fille
de Mme de La Fayette, 152, 153, 255,
257
— (Philippe de), chevalier de Malte,
255
La Fayette (René- Armand), brigadier
d'infanterie, 50, 59, 144-151, 181,
190, 201, 255, 266
— (René du Mottier, comte de), 255
La Fayette-Pontgibaud (Charles du
Mottier, seigneur de), 255
— (Louis, comte de), 254
La Fère (le régiment de), 146, 149, 187
Lafitte (Pierre), 179
La Fontaine (Jean de), 71, 86, 106, 108-
109, 208
La Force (Jacques de Caumont, duc de),
10
La Grenetière (l'abbaye de), 142, 255
La Guiche (Mlle de), fille du maréchal
de Saint-Géran, 18, 117
La Lizolle, 257
La Loupe (Catherine -Henriette d'An-
gennes de), 20, 21, 22, 241-242
La Maillade (Marguerite de), 254
La Meilleraye (Charles de La Porte, duc
de), maréchal de France, 40
Lamoignons (les), 150
La Monnaie (l'hôtel de) à Paris, 88
Lancelot, 162
Landau, 151
Langeron (la ville de), 52
Langlade (Jacques de), 181, 202
Langlée (M. de), 196
Lanson (M. Gustave), 223
Laon (César, cardinal d'Estrées, évêque
de), 88, 182
Lapierre, 258
La Rochefoucauld (François VI, prince
de Marsillac, duc de), 31, 51, 53, 56,
62, 63, 65, 81, 86, 87, 88, 92, 93-104,
106, 108, 109, 110, 111, 113, 116, 127,
128, 129, 130, 133, 134, 138, 139, 156,
157, 163, 165, 166, 167, 168, 169, 171,
177, 180, 181, 187, 189, 192, 193, 197,
202, 208, 210, 211, 216, 262
— (Mlle de Louvois, duchesse de), 191
La Rochefoucauld-Randan (Marie-Ca-
therine de), marquise de Senecey, 115
La Rocheguyon (François, duc de La
Rochefoucauld et de), 191
La Roche Toumelle (Marguerite de), 254
La Sablière (Marguerite Hessein, Mme
de), 211
Lassay (Armand de Madaillon de Le-
sparre, marquis de), 143, 206
— (Mlle de), 143
La Tour d'Auvergne (Antoine de), baron
de Murât, 254
— (Madeleine de), 174
La Trémouille (Charles-Armand-René,
duc de), 257
— (Charles Bretagne de), prince de
Tarente, 152, 255, 257
— (Charles -Louis Bretagne de), 162
— (Henri de), 9
— (Mlle de), 66, 67
La Trousse (Henriette de Coulanges,
marquise de), 107
— (Mlle de), 107, 215
— (Philippe-Auguste le Hardi, mar-
quis de), 112, 146, 149, 182
Index des Noms Propres
287
Launitz (le comte de), 199
Lauzun (Antoniii Nompar de Caumont,
comte, puis duc de), 112
La Vallière (Françoise-Louise de La
Baume-le-Blanc, duchesse de), 118,122
La Vallière (Louis-César de La Baume-
le-Blanc, duc de), 200
Lavardin (Marguerite-Rence de Ros-
taing, marquise de), 111, 204
La Vergne (Aymar de). Voir La Vergne
(Marc Pioche de)
— (la famille), 5
— (Mme Pioche de). Voir Pcna
(ÉUsabeth)
— (Marc Pioche de), 2, 4-15, 17, 244,
249
— (Marie-Madeleine Pioche de). Voir
La Fayette
La Vergne (ville dans le Pays de Bra-
querie), 243
Laverna, nom désignant Mme de La
Fayette, 195
Le Bon, 209
Le Boux (Guillaume), 210
Lebrun (Charles), 39
Le Cène (Michel-Charies), 125
Le Clerc (Sébastien), 39
Lee (Nathaniel), 178
Le Franc, notaire, 249, 251, 252
Le Gendre, 182
Léger (M.), 195
Le Jarric (Gilbert), 257
Leiia, 179
Le Loup (Louis), seigneur de Pierre -
brune, 254
Lenclos (Anne, dite Ninon de), 86, 105,
106
Lenglet-Dufresnoy (Nicolas), 221
Lenoir (Isaac), 257
Lenôtre (André), 39
Lens {la bataille de), 77
Le Railleur (Jacques), 8, 10, 26, 41, 249
Lérida (la bataille et le siège de), 44
Le Roy (Pierre), 4, 5
Lescheraine, secrétaire de Mme Royale,
59, 82, 158, 168, 184, 185, 186, 216
Lescure (Mathurin - François - Adolphe
de), 220
L'Esdiguières (Anne de La Madelaine,
duchesse de), 42, 243
L'Espinasse (la famille de), 257
Lesueur (Mme Daniel), 179
Lettre à la marquise de... au sujet de la
Princesse de Clèves, 163
L'Hôpital (Charlotte des Essarts, maré-
chale de), 19
— (François du Hallier, dit le maréchal
de), 19
L'Huillier (Mme), 116
Lian court (la marquise de), 88
Ligne (Charles-Joseph, prince de), 47
LigneroUes (M. de), 160
Limoges (la ville de), 26, 244
— (M. de). Voir La Fayette (Fran-
çois de), évêque de Limoges
Lionne (Hugues de), marquis de Bemy,
183
Lisette, nom désignant Mme de La
Fayette, 44, 46
Lisvart, 162
Livry, 62, 113
Llorens (le siège et la bataille de),
44
Londres, 198
Longueval (Françoise de), chanoinesse
de Remiremont, 61
LonguevUle (Anne-Geneviève de Bour-
bon, duchesse de), 96, 97, 98, 101
— (Henri II d'Orléans, duc de), 14
Loret (Jean), 42
Lorme (Charles de), 56
Lorraine, 147
Loudun (les possédées de), 12
Louis XII, roi de France, 50
— XIII, roi de France, 3, 6, 115, 158
— XIV, roi de France, 112, 115, 119,
121, 122, 123, 139, 144-149, 158, 181,
183, 184, 188, 190, 191, 197, 198, 200,
208, 243, 258-262
Louvois (François-Michel Le Tellier,
marquis de), 86, 104, 142, 143, 144-
151, 181, 183, 184, 187, 188, 189, 190,
193, 197, 208, 258-262
Louvre (le palais du), 36, 37, 115, 116
Lude (Guy de Daillon, comte de), 254
Luxembourg (le palais du), 87, 127
Lyon (Jacques de La Fayette, comte de),
254
— (Jean de La Fayette, chanoine et
comte de), 254
Macé, 99
Madame. Voir Orléans
Madame, duchesse de Savoie [La Prin-
cesse de Clèves], 161
Mademoiselle (la Grande), AGle de
Montpensier, fille de Gaston d'Orléans,
dite, 36, 66, 67, 68, 74, 81, 87, 106,
156
Magne (Emile), 67
MaSlé (Urbain de). Voir Brézé
Maine (le duc du), 77
Maine (Louis- Auguste de Bourbon? duc
du), 106
Main tenon (Françoise d'Aubigné, mar-
quise de), 86, 143, 199
Maison du Péché (la), 179
Maître du moulin blanc (le), 179
MaUet (Ernest), 9
Malte (l'ordre de), 17
Manon Lescaut, 221
Manrique (Don) [Zaïde], 132
Mansart (François), 90
Marais (le), quartier de Paris, 49
Marans (la comtesse de). Voir Montalais
— (le comte de), 60
MarciUac. Voir Marsillac
Mare au Diable (la), 179
Marie, domestique de Mme de La
Fayette, 267
Marie-Claire, 179
Marillac (Madeleine de), femme de René-
Armand de La Fayette, 150, 151, 152,
255
288
Madame de La Fayette
Marillac (René de), chevalier d'Attichv,
150, 152
Marne (la rivière de), 90
Mami (J.), 179
Marollea (Michel de), abbé de Villeloin,
52
Marquis de Villemer (le), 179
Marreau, notaire, 15, 248, 249, 251, 252
Marsillac (François VII, duc de La
Rochefoucauld, prince de), 88, 106,
124, 181
Masin (le comte de), 261
Matha (le sieur), 181
Mathilde d'Aguilar, 155
Maule vrier ( É do uar d - François Col -
bert ( ?), comte de), 66
Mauny (Charlotte Brulart, marquise de),
69, 74
Maupassant ( Henri - René - Albert - Guy
de), 224
Maximes (les), de La Rochefoucauld, 93,
97, 98
— de Mme de Sablé, 93
Mazarin (Jules), cardinal, 14, 18, 107,
124, 183
Médat (le fief de), 49, 244, 247
Médicis (Catherine de), reine de France,
158, 161, 173
— (Marie de), reine de France, 116
Méynoires de la cour de France pendant
les années 1688 et 1689, 118, 196-201
Ménage (GUles), 11, 13, 21, 23-31, 40,
41, 42, 49, 52, 54, 55, 57, 58, 59, 64, 66,
80, 82, 83, 95, 96, 104, 107, 108, 128,
130, 142, 166, 168, 169, 176, 193, 194,
195, 196, 201, 202, 203, 204, 210, 211,
213, 214, 217
Ménalque, nom désignant Ménage, 29
Ménie (la petite), nom désignant Mme de
La Fayette, 8
Mérigène, 66
Merlin (Éléonor), femme de Lazare Péna,
5, 46, 244
Meudon (le village de), 59, 183, 214
Mézières (Mlle de), princesse de Mont-
pensier, 77, 78
Mille (Pierre), 222, 223
Milly (le château de), 7
Mindatte, 83
Miron (Jeanne), 2
Molière (Hortense- Sylvie de). Voir Ville-
dieu
— (Jean-Baptiste Poquelin, dit), 26,
31, 33, 35, 86, 106, 111, 219
Monceau (M. du), 145
Mondoucet (le sieur de), 250
Monmerqué (Louis- Jean-Nicolas), 213
Monsieur. Voir Orléans (Gaston, duc d',
et Philippe, duc d')
Montaigne (Michel-Eyquem de), 41, 51
Montalais (Françoise de), comtesse de
Marans, 60, 91, 112
— (Mlle de), 118, 122, 123
Montandré, 35
Montargis (le sieur de). Voir Péna
(Lazare)
Montauban (la ville de), 4
Montausier (Charles de Sainte-Maure,
marquis puis duc de), 66, 217
— (la marquise de). Voir Angennes
Montcontour (la bataille de), 255
Montelschat (Catherine Aubert, dame
de), 254
Montespan (Françoise-Athénaïs de Ro-
chechouart, marquise de), 86, 112,
146
Montmorin (Anet de), seigneur d'Es-
pinasse, 255
— (Françoise de), 255, 257
— (Pierre de), 257
Montpensier (la princesse de), personnage
du roman, 78, 79, 80, 262
— (le prince de), 78, 79, 80, 81
Montpensier (Mlle de). Voir Made-
moiselle (la Grande)
Montsoissier (Louise de), 254
MotteviUe (Françoise Bertaut, dame de),
90
Mottier, ou Motier. Voir La Fayette et
Hautefeuille
Moulin, 99
— (Pierre du), 18
Moustier (le sieur de). Voir Péna (Lazare)
Moutier-les-Jaligny (le sieur de). Voir
Bayard (Jacques de)
Murât (Antoine de la Tour d'Auvergne,
baron de), 254
Nades, 49, 59, 60, 61, 244, 251, 255, 257
Nantes (la ville de), 122, 243
Naples (Béatrix de Provence, reine de), 5
— (Charles I'''', roi de), 4
Navarre (la reine de), 78
Navarre (le collège de), 199
— (Marguerite d'Angoulême, reine de),
74
Nemours (Jeanne-Baptiste de), Mme
Royale, 169, 181-192, 197, 216, 258-
262
Nemours (le duc de), 3, 80, 102, 123, 138,
156, 157, 160, 161, 162, 163, 165, 167,
170, 174, 175, 177
Nevers (l'hôtel de) à Paris, 58, 87-89,
110, 112, 209
Nicole (Pierre), 209, 210
Nielzchéenne, 179
Nirée, 59
Nizon, 200
Noirmoutiers (la marquise de), 79
Normandie (le duc de Longueville,
gouverneur de la), 14
— (visite de Segrais en), 107
Notre Cœur, 324
Nouvelles françoises (les), 74-79
Novion (Nicolas Pothier, sieur de), 64
Nugna Bella [Zaïde], 132, 135, 138
Nugnez Fernando [Zaïde], 132
Oiseleur (V), 57
Olonne (Catherine -Henriette d' Angennes
de La Loupe, comtesse d'). Voir
La Loupe
— (Louis de La TrémoïUe, comte d'),
20,21
Index des Noms Propres
289
Ombre, de V Amour (V), 179
Orange (GuQlaume d'), 197, 198
Origène {traduction des œuvres d'), 107
Origine des romans {le traité de V), 107,
131
Origines de Caen {les), 131
Orléans (Anne d'), 190
— (Gaston, duc d'), 1
— (Henriette -Anne d'Angleterre, du-
chesse d'). Madame, 62, 84, 87,
110, 114-126, 162, 163, 197
— (Pliilippe, duc d'), 31, 40, 116, 117,
119, 121, 123, 124, 133
Palais de Justice (le) à Paris, 3, 58, 62
Palais de Versailles (le), 38, 39, 112, 152,
207
Palais du Louvre (le) à Paris. Voir
Louvre (le palais du)
Palais du Luxembourg (le) à Paris.
Voir Luxembourg (le palais du)
Palais Royal (le) à Paris, 76
Palatine (Charlotte-Elisabeth de Bavière
dite la princesse), 37
Pape (le), 199
Paradis terrestre {le), 152
Pardieu (Etienne de), 5
Pascal (Biaise), 209
Passy, quartier de Paris, 1
Paulet (Angélique), 12, 34, 66
Pelissari (MUe), 109
Pellisson-Fontanier (Paul)?, 182
Péna (Anne), femme d'Etienne de
— (ÉUsa'beth), 2, 4, 5, 8, 10, 11, 12, 13,
15, 17, 20, 21, 22, 23, 40, 56, 57, 104,
157, 163, 240-243, 244, 248, 250, 251
— (Gabriel de), sieur de Saint-Pons,
5, 46, 56, 58, 244, 249
— (Hughes de), 4, 5
— (Isabelle). Voir Péna (Elisabeth)
— (Jean de), 5
— (la famille), 5
— (Lazare), sieur de Moustier et de
Montargis, 5, 46, 244
— (les armes de la famille), 5
— (Marie de). Voir Péna (Elisabeth)
Pensées {ks), 209
Percel (Gordon de). Voir Lenglet-
Dufresnoy
Perrault (Charles), 86, 111, 196
Perrero (M.), 167, 170
Perrin (le chevalier de), 166
Petite Fadette {la), 179
Phèdre, 125
Philaminte, 31
Philomèle, 28
Pianesse (le marquis de), 261
Picardie (la), 55
Piccolomini (M. de), 10
Piémont (le), 183
Pioche (Jean). Voir La Vergne (Marc
Pioche de)
— (Marc). Voir La Vergne
Pierrebrune (Louis Le Loup, seigneur
de), 254
Place Royale (la) à Paris, 36
Plaideurs {les), 53
Plancy (Henri de Guénégaud, marquis
de), 61
Plenneville (Mme de), sœur de Pierre-
Daniel Huet, 107, 216
Plessis-Chivray (Mlle de), 18
Plessis-Guénégaud (Mme du), 66, 88,
90, 91, 93, 97, 112
Plessis-Praslin (Gilbert du), évêque de
Comminges, 88, 91
Plutarque, 135
Poilly (François de), 39
Poitiers (Diane de), 161
— (la bataille de), 50
Poitiers {la princesse de), 79
Poitou, 142
Polexandre, 71, 132, 221
Polignac (Armand, vicomte de), 255
— (Isabeau de), 255
Pologne (la), 122
— (la reine de). Voir Gonzague (Marie
de)
Pommereux (Mme de), 241
Pomponne (C'atherine Ladvocat, mar-
quise de), 89, 141
— (Simon Arnauld d'AndiUy de), 88,
89, 91, 93, 110, 111, 112, 140, 142, 182
Pons (Mme de), 14
Pont-Neuf (le) à Paris, 88
Pontoise (la ville de), 8, 9, 10, 11, 15
Portrait de Mme de Sévigné (le), 66- 71
Port-Royal (l'abbaye de), 19, 57, 67,
88, 96, 209, 211
Porus, 89
Praviel (Armand), 164, 165
Prévost d'Exilés (l'abbé Antoine-Fran-
çois), 176, 221
Princesse de Clèves (la), roman, 3, 13,
26, 31, 64, 65, 69, 71, 73, 79, 80, 81, 82,
87, 101, 118, 119, 123, 128, 137, 139,
154-179, 180, 219, 220, 221, 222, 224
Princesse de Montpensier {la), roman,
71-84, 95, 123, 127, 130, 156, 157,
165, 166, 167, 168, 169, 218
Prost (Yvette), 179
Provence (la), 5
Pulchérie, 111
Pusy (M. G. de), 60
Puy (l'évêque du), 50
Pyrrhus, 136
Quarré, notaire, 15, 249
Quatre Vents (la rue des) à Paris, 244
Quinault (Philippe), 109
Quiquois {les), 92
Racine (Jean), 31, 52, 71, 86, 89, 106,
110, 199, 200, 218
Raincy (Jacques Bordier, sieur du), 96
Rambouillet (Catherine de Vlvonne,
marquise de), 18, 33, 34, 36, 66
— (Charles d'Angennes, marquis de —
et de Pisani), 18
— (Elisabeth), 18
— (le château de), 12
— (l'hôtel de), 12, 32-39, 42, 87, 90, 91
Ramire {Don), 135
290
Madame de La Fayette
Rancé (Armand-Jean de Bouthillier de),
88
Randan (M. de), 160
Rapin (René), jésuite, 30, 209
Régnier (l'abbé), 202
Reims (la bibliothèque de), 23
Remiremont (la chanoinesse de). Voir
Longueval
Rennes (l'abbaye de Saint-Georges de),
254
Retz (Jean-François-Paul de Gondi,
cardinal de), archevêque de Corinthe,
6, 20, 21, 22, 35, 39, 40, 67, 86, 101,
106, 156, 241-243
Reynier (M. Gustave), 133
Richelieu (Armand, duc de), 13, 15
— (le cardinal de), 6, 7, 9, 10, 13, 22,
115, 183
Rillé, 249
Riverol (Gayard de Toursel d'Alègre,
comte de), 255
Rivoire (Philippe de), comte du Palais,
254
Rocroi (la bataille de), 134
Rohan (Henri Chabot, seigneur de
Sainte-Aulaye, duc de), 18, 40
— (Marie de), duchesse de Chevreuse.
Voir Chevreuse
Roland, opéra, 109
Roman bourgeois (le), 52, 72
Roman d'une amoureuse (le), 179
Rostaing (Marguerite de), 60
Rosteau (le sieur), 121, 262
Rouen (le parlement de), 14
— (le premier président de), 152
Rousseau (Jean- Jacques), 140
Rousaet (Camille), 187
Rouville (Louis, seigneur de), 254
— (Marguerite), 254
Royale (Mme), de Savoie. Voir Nemours
(Jeanne-Baptiste de)
Royan (le marquis de), 249
Rudler (M. Gustave), 159
Rueil (le château de), 115
Sablé (l'histoire de), 169
Sablé (Madeleine de Souvré, marquise
de), 12, 93, 96, 98, 101, 106, 112, 142
Sagietle (la nymphe), nom désignant
Mme de La Fayette, 99
Sainctot (Marguerite Vion, dame de), 34
Saint-André-des-Arts (la paroisse de),
244
Saint- Barthélémy (la), 79
Saint-Bernard (la porte) à Paris, 249
Saint-Cloud (le village et le château de),
85, 117, 125
Saint-Cyr (le couvent de), 86, 199
Saint-Denys (le baron de), 6
— (le quartier) à Paris, 2
Sainte-Beuve (Charles-Augustin), 94, 96
Sainte-Marie de Chaillot (le couvent de).
Voir Chaillot
Sainte-Maure (René de). Voir Beaure-
paire
Saintes (Louis II de Bassompierre,
évêque de), 88
Saint-Fargeau (le château de), 74, 107
Saint-Georges (l'abbaye de) à Rennes, 254
Saint-Géran (Jean-François de La
Guiche, seigneur de), maréchal de
France, 18
Saint-Germain (le village et le château
de), 76, 112, 115
— (le quartier) à Paris, 1, 2, 34, 89
Saint-Germain-des-Prés, 244, 249, 251
Saint-Germain-l'Auxerrois, 249
Saint-Hérem (Anne Legras, marquise
de), 61
— (François-Gaspard de Montmorin,
marquis de), 61
Saint-Honoré (le quartier) à Paris, 2
Saint-Jacques (le quartier) à Paris, 2
Saint-Jean de Lion (les comtes de), 203
Saint-Lazare, 191
Saint-Martin (l'église) à Pontoise, 10
Saint-Maur (le château de), 113
Saint-Maurice (le marquis ou comte de),
182, 186
Saint-Maurille (la jjaroisse) à Angers, 56
Saint-Michel (le quartier) à Paris, 2
Saintonge (le régiment de), 44
Saint-Paul (le comte de), 96, 97, 98, 176
Saint-Pons (Gabriel de Péna, sieur de).
Voir Péna
Saint-Quentin (la ville de), 255
Saint-Romain (la famille), 255
Saint-Severin (le curé de), 267
Saint-Simon (Louis de Rouvroy, ducde),
36
Saint-Sulpice (l'égUse et la paroisse de),
1, 2, 3, 5, 17, 205, 244, 251
Saint-Victoire (le quartier) à Paris, 2
Saluées (Amadée de), 255
Salutaire orgueil, 179
Sancerre, 165, 174
Sand (George), 179
Sapho, 68, 81
Sarasin (Jean-François), 52
Saucour. Voir Soyecour
Sauleux (M. de), 143
Saumur (la ville de), 2
Savoie (Charles-Emmanuel II, duc de),
183
— (Honoré de), comte de Sommerive
et de Tende, 173, 174
— (la), 141, 1.50, 180-192, 258-262
— (Victor-Amédée II, duc de), 183,
185, 187, 190, 192, 2.58-262
Scarron (Mme Paul). Voir Maintenon
(Françoise d'Aubigné, marquise de)
— (Paul), 22, 35, 42, 48, 86, 106
Schomberg (Suzanne d'Aumale de
Haucourt, maréchale de), 181
Schomberg-Halluin (la duchesse de).
Voir Hautefort
Scudéry (Madeleine de), 12, 14, 59, 66,
73, 74, 77, 81, 82, 86, 103, 126, 138,
15.5, 166, 170
Segrais (Jean Regnaud de), 3, 68. 69,
74, 75, 77, 79, 82, 83, 86, 87, 95, 96,
102, 106, 107, 109, 126, 128, 129, 130,
131, 133, 134, 135, 136, 143, 152, 162,
165, 166, 167, 169, 171
Index des Noms Propres
291
Seine (la), 1
— (les archives de la), 3
Senecey (Mme de). Voir La Roche-
foucauld-Randan
— (Henri de Bauff remont, marquis
de), 115
Sens (Louis-Henri de Gondrin, arche-
vêque de), 88
Serrant (le comte de). Voir Bautru
(Guillaume)
— (M. de), fils de Bautru, 18
Servien (Mme), 183
— (le président), 183
Se vigne (Charles de), fils de Mme de
Sévigné, 104, 105, 201, 209
— (Charles de), frère aîné de Renaud
de Sévigné, 20
— (Françoise-Marguerite de), comtesse
de Grignan, 60, 88, 90, 91, 92, 105,
113, 141
— (Henri, marquis de), 46, 70, 210,
245
— (le chevalier Renaud de), 2, 4, 17,
19, 20, 35, 56, 57, 58, 104, 184, 208,
241, 242, 243, 244
— (Mme Renaud de). Voir Péna
(Elisabeth)
— (Marie de Rabutin-Chantal, mar-
quise de), II, 13, 22, 23, 24, 26, 29,
35, 36, 37, 40, 42, 46, 51, 56, 58, 68-71,
72, 81, 86-93, 96, 104-113, 141, 145,
150, 166, 170, 179, 180, 181, 182,
193, 201, 204, 207, 208, 210, 213, 215,
217, 218, 243, 245
Silérite, nom désignant la marquise de
Mauny, 74
Simiane (la marquise de). Voir Grignan
(Pauline de)
Soissons (Marie de Bourbon, comtesse
de), 188
Sorel (Charles), 136
Soret (le sieur), 9
Soucillange (le cartulaire de), 203, 254
Soyecour (Maximilien-Antoine de Belle-
forière, marquis de), 99
Staël- Holstein (Anne-Louise-Germaine
Necker, baronne de), 41, 179
Strasbourg (la ville de), 148, 149
Strozzi (Clarisse), 173
Sublime (la chambre du), 106
Suède (Christine, reine de), 41, 54, 95,
96
Sully (Marguerite de Béthune, Mlle de),
18
Syracuse, 162
Taine (Hippolyte-Adolphe), 95, 177,
220
Tallemant des Réaux (Gédéon), 18, 36,
41, 105
Tarente (la princesse de), 66
— (le prince de). Voir La Trémouille
Télémaque, 221
Tende [la comiesse de), roman. Voir
Comtesse de Tende (la)
— {la comtesse de), personnage, 172,
173
Tende (le comte de). Voir Savoie
(Honoré de)
Téone, 59
Termes {la marquise de), 268-2()9
— {le marquis de), 163, 268-269
Terre-Sainte (la), 50
Testu (l'abbé Jacques), 88, 181
Tharse {Alamir, prince de) [Zaïde], 128,
138
Thémines (la maréchale de), 8
— (Pons de Lauzières, marquis de),
maréchal de France, 8
Thianges (Mme de), 106
Thionville, 44
Thouars (la ville de), 67
— (le duc de). Voir La Trémouille
Tilladet (le régiment de), 181
Tinayre (Marcelle), 179, 222
Tisiphone, 68
Traité des passions (la), 223
Tuileries (les), 76
TuUe (M. de), 209
Turcs (la défaite des), 195, 196
Turgot (Anne-Robert-Jacques), 7
Turin (la ville de), 44, 183, 184, 189, 216,
260
Turménies ( ?) (le sieur de), 182
Uralie, nom désignant Mme de Choisy,
74
Ursulines (les), de Valencey, 266
UxeUes (la marquise d'). Voir Huxellea
Vadius, 26
Valant (le Dr), 202
Valençay (Mme de), 74
Valencey (les Ursulines de), 266
— (M.' de), 7
VaUer, valet de chambre de Mme de
La Fayette, 267
VaUncour (Jean - Baptiste - Henri du
Trousset, sieur de), 163, 166, 168, 170.
171, 174, 220, 221
Valmont (l'abbaye de), 142, 255
Valois (la cour des), 158
Vardes (François-René, marquis de), 35,
122, 124
Vaugirard (la rue de) à Paris, 11,
15, 20, 32, 63, 204, 248, 249,
250
Vaux (le château de), 90, 123
Vendôme (César, duc de), 2
— (Louis-Joseph, duc de), 37
Verjus (M.), 64
Versailles (le château de), 38, 39. 112.
152, 207
Verteuil, 95, 96
Verne (l'abbé de), 216
Vexin (le), 254
Vichy (les eaux de), 56, 59, 61
Vienne (Autriche), 47
— (Marguerite de), 254
Vies des Dames illustres (les), 161
Vieux bourg, 49
Villedieu (Marie - Catherine - Hortense
Desjardins dite Mme de), 163, 164
166
292 Madame de La Fayette
Villon (le marquis de), 183 Xaintes (M. de). Voir Saintes
Vincennes (le château de), 37, 39
Virgile (les œuvres de), 30, 52 Yveteaux (Nicolas, sieur des), 34
Vittoria, 92
Vivonne (Catherine de). Voir Ram- Zaîde, roman, 69, 72, 127-139, 166, 218
bouillet • — personnage du roman, 128, 129,
Voiture (Vincent), 12, 34, 37, 56 130, 132, 135, 136, 137, 221
Zamet (Sébastien), le fils de, 4
Walckenaer (Charles-Athanase, baron), Zerbin, 152
33, 104 Zuléma [Zaïde], 132, 137
CAMBRIDGE : PBENTED BY J. B. PEAGE, M.A., AT THE UNIVEBSITY PBESS
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1805
L5A85
cop.2
Ashton, Harry
Madame de La Fayette