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Full text of "Madame de La Fayette; sa vie et ses oeuvres"

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Presented  ta  the 

UNIVERSITY  OF  TORONTO 
LIBRARY 

by  the 

ONTARIO  LEGISLATIVE 
LIBRARY 


1980 


MADAME  DE  LA  FAYETTE 


/ 


CAMBRIDGE  UNIVERSITY  PRESS 

C.  F.  CLAY,  Manager 

LONDON    :    FETTER  LANE,  E.C.  4 


NEW  YORK    :    THE  MACMILLAN  CO. 
BOMBAY       'j 

CALCUTTA  i  MACMILLAN  AND  CO.,  Ltd. 
MADRAS       j 

TORONTO    :    THE    MACMILLAN    CO.    OF 
CANADA,  Ltd. 

TOKYO  :  MARUZEN-KABUSHIKI-KAISHA 


ALL  RIGHTS  RESERVED 


1 


MARIE    MADELEINE   PIOCHE  DE  LA  VERGNE 

COMTESSE   DE  LA   FAYETTE  (  1634   1693) 

D'APRES  UN  PORTRAIT   CONSERVÉ  AU 

CHÂTEAU   DE  CHAMBORD 


57555 

MADAME  DE  LA  FAYETTE 

SA  VIE  ET  SES  ŒUVRES 


PAR 

H.  ASHTON 

MAÎTRE  ES  ARTS  DE  l'uNIVERSITÉ  DE  CAMBRIDGE 

DOCTEUR  ÈS  LETTRES  (BIRMINGHAM) 

DOCTEUR  DE  l'uNIVERSITÉ  DE  PARIS 

OFFICIER  DE  L'INSTRUCTION  PUBLIQUE 


K  7  !?;■  r  ,^ 


CAMBRIDGE 

AT  THE  UNIVERSITY  PRESS 

1922 


TO  THE  PRESIDENT  AND  GOVERNORS  OF  THE  UNIVERSITY 
OF  BRITISH  COLUMBIA  THIS  BOOK  IS  DEDICATED  IN  THE 
HOPE  THAT  IT  WILL  PROVE  TO  BE  ONE  OF  A  SERIES  OF 
CONTRIBUTIONS  TO  KNOWLEDGE  PUBLISHED  UNDER  THEIR 
AUSPICES.  WERE  IT  NOT  FOR  THEIR  BROAD-MINDED  POLICY 
IT  COULD  NOT  HAVE  BEEN  PUBLISHED  IN  THESE  TIMES  OF 

STRESS 

TO  THE  MEMORY  OF  DR  FRANK  FAIRCHILD  WESBROOK 
FIRST  PRESIDENT  OF  THE  UNIVERSITY  OF  BRITISH  COLUMBIA 


\Î05 

As  s 


PRINTED  IN  ENGLAND 


PREMIÈRE   PRÉFACE 

Cette  modeste  étude  ne  prétend  pas  être  un  ouvrage  sur  la  vie 
et  les  œuvres  de  Madame  de  La  Fayette.  Si  elle  porte  ce  titre 
c'est  pour  annoncer  ce  que  Fauteur  avait  l'intention  de  faire 
plutôt  que  pour  désigner  ce  qu'il  a  fait. 

La  biographie,  essentielle  pour  la  compréhension  de  l'œuvre 
de  notre  auteur,  était  à  faire,  ou  à  refaire.  Ce  travail  fut  plus 
pénible  que  nous  le  croyions,  au  début.  Il  existe,  il  est  vrai,  un 
petit  hvre  de  M.  d'Haussonville  qui  nous  servit  de  guide  tout  au 
commencement  de  nos  recherches,  mais  les  sources  n'en  furent 
pas  moins  difficiles  à  retrouver. 

La  bibhographie,  bien  que  réléguée  à  la  fin  du  livre,  n'en  est 
pas  la  partie  la  moins  importante.  Elle  nous  a  coûté  de  longues 
et  patientes  recherches,  car,  en  ce  domaine,  tout  était  à  faire. 
Nous  osons  croire  qu'elle  rendra  des  services  à  nos  confrères. 

Dans  l'étude  détaillée  des  œuvres  nous  avons  essayé  de 
montrer  l'évolution  du  talent  de  Mme  de  La  Fayette  et,  en 
cours  de  route,  nous  avons  réfuté  diverses  opinions  à  propos  de 
la  place  qu'elle  occupe  dans  l'histoire  du  roman. 

Nous  tenons  à  remercier  Mme  V^  Jagerschmidt^  et  MUe 
Feuillet  de  Conches  de  l'obligeance  avec  laquelle  elles  nous 
communiquèrent  des  documents  importants.  Nous  espérons 
pouvoir  dater  ces  lettres  et  les  pubher  ensuite  dans  un  recueil. 

Nous  regrettons  de  n'avoir  pu  fondre  tous  nos  documents 
dans  une  étude  vraiment  littéraire  et  digne  des  vieilles  uni- 
versités où  nous  avons  fait  de  si  utiles  et  de  si  agréables  séjours. 
Nous  osons  croire,  cependant,  que  ces  matériaux,  sans  embel- 
hssements  Uttéraires,  seront  plus  appréciés  que  des  embeUisse- 
ments  Uttéraires  ne  reposant  sur  aucun  document. 

H.  A. 

ViLLETTE  (Seine  et  Oise). 
Avril  1914. 

1  Mme  V^  Jagerschmidt  est  décédée  le  10  avril,  1915. 


ONDE   PRÉFACE 


Ce  travail,  terminé  en  1913,  était  sous  presse  en  Belgique  en 
1914.  La  préface  a  déjà  porté  les  mentions  Villette,  Paris, 
Cambridge,  Birmingham,  et  c'est  à  l'autre  bout  du  monde,  sur 
les  bords  de  l'Océan  Pacifique,  que  j'écris  cette  seconde  préface 
sans  avoir  jamais  eu  à  ma  disposition  une  bibliothèque  assez 
riche  pour  me  permettre  de  refaire  l'ouvrage.  Quelques  notes 
seulement  ont  été  ajoutées  et  des  articles  de  revue  viendront 
bientôt  compléter  mes  conclusions. 

Je  remercie  le  Maître  et  les  Fellows  du  Collège  Gonville  et 
Caius  à  Cambridge  et  le  Conseil  d'Administration  de  l'Uni- 
versité de  la  Colombie  Britannique  de  leur  contribution  aux 
frais  d'impression. 

H.  A. 


Vancouvee,  C.B.,  Canada. 
Septembre  1922. 


I 


TABLE  DES  MATIERES 

CHAPITRE  PAGE 

I    L'ENFANT.    1634-1649 1 

II    LA  JEUNE  FILLE.    1650-1655 17 

III  L'ÉPOUSE.    1655-1659           . 44 

IV  LA  DÉBUTANTE.    1659-1662 66 

V    LA  PARISIENNE  ET  SES  AMIS 85 

VI    LA  DAME  D'HONNEUR.    1660-1670           ....  114 

VII    LE  ROMANCIER,— Z^/Z)^           .                 ....  127 

VIII   LA  MÈRE      .        .                        140 

IX    LE  PSYCHOLOGUE— L^  PRINCESSE  DE  C LÈVES      .  154 

X    LE  DIPLOMATE 180 

XI    L'HISTORIEN   ET   SES   DERNIÈRES   ANNÉES.    1683- 

1693 193 

XII    L'ÉPISTOLIÈRE— L'ÉCRIVAIN— LE  PHILOSOPHE        .  213 

BIBLIOGRAPHIE    DES    ŒUVRES    DE    MADAME    DE    LA 

FAYETTE         ...                225 

ICONOGRAPHIE 240 

APPENDICE 

I    LE  CARDINAL  DE  RETZ  ET  MLLE  DE  LA  VERONE  241 

n    LE  CONTRAT  DE  MARIAGE  DE  MME  DE  LA  FAYETTE  244 

III  (a)  LA  RECONNAISSANCE  DONNÉE  PAR  M.  DE  LA 

FAYETTE 249 

(b)  LA  DOTATION  RÉCIPROQUE 251 

IV  UNE    GÉNÉALOGIE   DE   LA  MAISON    MOTTIER   DE 

LA  FAYETTE 254 


viii  Tahle  des  Matières 

APPENDICE  PAGE 

V    DES    RENSEIGNEMENTS   SUR   LES  TERRES  DE  LA 

FAMILLE  LA  FAYETTE 257 

VI    MADAME  DE  LA  FAYETTE  ET  LES  AFFAIRES  DE 

SAVOIE 258 

VII    LES  SENTIMENTS  DU  SIEUR  ROSTEAU        .        .        .262 

VIII    QUELQUES     OPINIONS     SUR     LA     PRINCESSE    DE 

CLÈVES 263 

IX    LE  TESTAMENT  DE  MADAME  DE  LA  FAYETTE         .      266 

X    L'AVEU    DANS    LE    ROMAN:    LES    DÉSORDRES    DE 

UAMOUR 268 

LISTE  DES  OUVRAGES  CONSULTÉS 270 

INDEX  DES  NOMS  PROPRES 281 


PORTRAIT 
MADAME  DE  LA  FAYETTE en  regard  du  titre 


CHAPITRE  PREMIER 

LENFANT.     1634-1649 

Madame  de  La  Fayette,  née  Marie-Madeleine  Pioche  de  La 
Vergne,  était  parisienne.  Elle  naquit  et  elle  habita  pendant  la 
plus  grande  partie  de  sa  vie  dans  un  faubourg  de  la  capitale,  qui 
paraît  avoir  été  le  "  Passy  "  du  XVIIe  siècle.  Elle  vint  au  monde 
au  bon  moment — en  1634,  et  au  bel  endroit — dans  le  quartier 
Saint-Germain. 

Pour  qui  connaît  le  quartier  actuel  avec  ses  maisons  de 
rapport,  ses  magasins,  ses  autobus  et  son  "  métropoUtain,"  il  est 
assez  difficile  de  se  le  représenter  tel  qu'il  était  à  l'époque  où 
Madame  de  La  Fayette  y  vécut.  Bien  que  ce  fût  un  faubourg,  il 
était  plus  rapproché  du  centre  qu'il  ne  l'est  de  nos  jours,  car  la 
Seine  avait  alors  beaucoup  d'importance  et  "les  grands  boule- 
vards" n'en  avaient  point,  pour  la  bonne  raison  qu'ils  n'exis- 
taient pas.  C'était  un  quartier  qui  grandissait.  A  la  fin  du 
XVIe  siècle,  le  bourg  Saint-Germain  avait  pour  hmite  la  tranchée 
qu'on  creusa  dans  tout  son  périmètre  en  vue  de  sa  défense  ;  mais 
le  premier  quart  du  XYII^  siècle  ne  s'était  pas  écoulé,  que  déjà  les 
maisons  du  faubourg,  ayant  franchi  la  tranchée,  se  pressaient 
le  long  de  la  rue  du  Bac  et  des  autres  grandes  artères  de  la 
plaine  1. 

De  nouvelles  égUses^,  de  nouveaux  étabhssements  religieux 
se  bâtissaient,  ou,  même,  depuis  quelque  temps,  se  dressaient 
orgueilleux  parmi  les  bâtiments  neufs.  Les  quatre  anciennes 
portes,  qui  disparaîtront  du  vivant  de  Madame  de  La  Fayette, 
sont  encore  debout  et  le  quartier  est  séparé  de  la  ville.  "La 
demeure  en  a  de  tout  temps  paru  si  agréable  aux  gens  de  bon 

1  Berty  et  Tisserand,  Topographie  historique  du  vieux  Paris,  Paris 
1876,  Fo.  T.  I.  p.  11. 

2  Entre  d'autres,  l'église  Saint-Sulpice  où  la  petite  La  Vergne  sera 
baptisée;  "Cette  égKse,"  écrit  Sauvai  {Antiquités  de  Paris,  T.  ii.  p.  435), 
"  après  avoir  été  rebâtie  en  plusieurs  tems  fut  construite  tout  de  nouveau 
en  1645,  où  Gaston  de  France,  Duc  d'Orléans  mit  et  posa  sa  première 
pierre;  mais  ce  bâtiment  se  trouvant  encore  trop  petit,  on  en  recommença 
vin  autre  en  1655,  dont  la  Reine  Anne  d'Autriche  posa  la  première  pierre, 
qui  est  le  même  que  l'on  voit  aujourd'hui,  qui  n'est  pas  achevé  de  bâtir." 

A.  1 


2  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

goût,"  nous  dit  Germain  Bricei,  "  qu'elle  a  toujours  été  préférée 
aux  autres  de  la  ville  pour  plusieurs  bonnes  raisons,  puisque 
toutes  sortes  de  commodités  s'y  trouvent  sans  peine  et  que  l'air 
est  infiniment  plus  pur  et  plus  sain  qu'ailleurs,  la  plupart  des 
maisons  étant  séparées  par  des  jardins  qui  les  rendent  agréables 
et  bâties  presque  toutes  sur  un  terrain  neuf."  C'est  pourquoi 
ce  quartier  fut  aimé  des  étrangers  qui  visitaient  Paris.  La  plu- 
part des  hôtels  qui  figurent  dans  le  Livre  commode  des  adresses 
de  Paris^  étaient  dans  le  faubourg  Saint-Germain  et  nous  lisons 
dans  les  Annales  de  la  Cour  et  de  la  Ville  pour  les  années  1697- 
1698^  que  "depuis  que  la  paix  était  faite  il  y  avait  eu  dans  Paris 
un  si  grand  abord  d'étrangers  que  l'on  en  comptait  quinze  à 
seize  mille  dans  le  Faubourg  Saint  Germain  seulement."  Un 
d'entre  eux — l'Anglais  John  Evelyn — écrit  dans  son  journal  à  la 
date  du  24  décembre  1643  :  "The  suburbs  are  those  of  St  Denys, 
Honoré,  St  Marcel,  Jacques,  St  Michel,  St  Victoire  et  St  Ger- 
main which  last  is  the  largest  and  where  the  nobiUty  and  persons 
of  quahty  are  seated*."  Ainsi,  c'était  un  quartier  fort  bien  fré- 
quenté; c'est  là  que  se  trouvaient  les  "académies"  où  les  jeunes 
gentilshommes  recevaient  leur  éducation  mondaine. 

Comme  en  font  foi  les  copies  de  registres  conservés  à  la 
BibHothèque  Nationale,  c'est  le  18  mars  1634  qu'eut  heu  en 
l'église  Saint-Sulpice  le  baptême  de  "Marie  Madeleine  fille  de 
Marc  Pioche,  Ecr  sieur  de  la  Vergne  et  de  Délie  Ehsabeth  Péna^. 
P  :  Me  Urbain  de  Maillé  Marquis  de  Brezé  Chler  des  Ordres  du 
Roy,  c,  en  s.  c.  Mal  de  France  et  gouverneur  des  villes  et  cita- 
delles de  Saumur,  Calais  pais  reconquis.  M:  D.  Marie  Madeleine 
de  Vignerod  de  Combalet^." 

1  Description  de  la  Ville  de  Paris,  6e  édit.  12»,  Paris,  1713,  T.  m. 
p.  3  et  smv. 

2  Par  du  Pradel,  Édit.  Elzév.  Paris  (Plon-Nourrit),  2  vols. 

3  T.  II.  p.  135. 

*  Édit.  W.  Bray,  Londres,  1906,  4  vols.  8°,  T.  i.  p.  47. 

^  On  lit  lin  peu  partout  que  Madame  de  La  Fayette  était  fille  d'Aymar 
de  La  Vergne.  Nous  n'avons  trouvé  ce  nom  dans  aucun  acte  authentique. 
La  source  de  cette  erreur,  comme  de  beaucoup  d'autres  au  sujet  de 
Mme  de  La  Fayette,  est  probablement  la  notice  du  Père  Anselme 
(T.  VII.  p.  62).  Le  Père  Anselme  confond  la  mère  (qu'il  appelle  Marie  de 
Pêne)  et  la  fille;  il  fait  épouser  cette  dernière  par  le  Chevalier  de  Sévigné. 
D'Hozier  la  dit  fiUe  de  Jean  Pioche,  précepteiu:-  de  César  duc  de  Vendôme 
et  de  Jeanne  Miron. 

«  Mss.  fr.  32593,  p.  178.  "Ce  fut  le  dix-huitième  jour  du  mois  de 
mars  1634  disent  les  registres  de  la  paroisse  Saint-Siilpice,"  écrit  M.  le 
Comte  d'Haussonville  dans  son  étude  sur  Mme  de  La  Fayette  (Paris, 


i]  U  Enfant  3 

Ce  document  ne  nous  renseigne  guère  sur  les  parents  de 
l'enfant.  Nous  voyons  d'après  les  titres  d'Ecuyer  et  de  Demoi- 
selle qu'ils  étaient  nobles;  si  nous  les  croyons  tous  les  deux  de 
très  petite  noblesse,  c'est  plutôt  parce  que  nous  ne  trouvons 
aucune  preuve  du  contraire  que  grâce  à  des  renseignements 
précis.  Ce  titre  d'Écuyer  ne  signifie  rien  en  lui-même.  Jusque 
sous  Louis  XIII,  c'était  la  seule  qualité  que  les  seigneurs  ordi- 
naires ajoutaient  à  leur  nom.  "On  voit  même,"  dit  d'AveneP, 
"des  descendants  de  très  illustres  maisons  qui  n'en  prennent 
jamais  d'autres  :  ils  n'avaient  droit  qu'à  celle-ci  d'ailleurs,  à  moins 
d'être  pourvus  de  quelque  charge  considérable  qui  leur  donnât 
le  titre  de  chevalier."  Se  dire  Écuijer  c'était  donc  se  dire  de 
race  noble.  Mais  d'Avenel  continue:  "Louis  XIII  permet 
cependant  pour  quelques  écus,  à  ses  valets  de  chambre,  huissiers 
de  chaînbre,  portemanteaux  et  valets  de  garde-robe,  de  se  qualifier 
et  user  du  titre  d'écuyer:  il  donne  le  même  droit  aux  chevahers 
du  guet  et  à  leurs  lieutenants — simples  agents  de  police — aux 
gardes  du  corps  français  et  étrangers,  aux  commissaires  des 
guerres,  enfin  à  peu  près  à  tous  ceux  qui  peuvent  le  désirer." 

Hachette,  2^  édition,  1896,  1  vol.  in  12°,  p.  8).  Nous  n'avons  pas  pu 
voir  les  registres  de  la  paroisse  Saint-Sulpice  car  ils  ont  disparu  dans  l'in- 
cendie du  24  mai  1871,  qui,  en  consiunant  à  la  fois  les  Archives  de  la 
Seine  et  le  Greffe  du  Palais  de  Justice,  a  anéanti  les  deux  exemplaires 
de  ces  registres  qui  existaient  encore.  Il  nous  reste  heureusement  quelques 
extraits  des  registres  de  baptême  de  la  paroisse  Saint-Sulpice,  d'après 
lesquels  nous  établissons  la  date  du  baptême.  Jusqu'en  1846  on  croyait 
que  Mme  de  La  Fayette  était  née  au  Havre.  C'est  cette  erreur  qui  fait 
dire  à  Casimir  Delavigne  dans  son  Discours  d'inauguration  de  la  Salle 
de  Spectacle  du  Havre  (au  Havre,  chez  Chapelle,  1823)  : 

Oui,  vous  deviez  \in  temple  aux  filles  d'Apollon: 

Elles  ont  eu  des  sœurs  dans  ce  riant  vallon, 

C'est  toi  que  j'en  atteste,  aimable  Lafayette, 

De  Clèves  et  de  Nemoiirs  muse  tendre  et  discrète, 

Qm  dérobas  ta  vie  à  la  célébrité 

En  illustrant  le  nom  que  Segrais  t'a  prêté. 

Mais  pendant  l'année  1846,  A.  T.  Barbin,  en  feuilletant,  dans  les 
archives  de  l'Hôtel  de  Ville,  les  registres  qui  ont  été  détruits  depuis, 
trouva  le  passage  dont  noios  venons  de  donner  la  copie  {Journal  des 
Débats,  22  nov.  1846).  Malgré  cette  découverte,  l'erreur  traîne  dans 
beaucoup  de  livres  (p.  e.  Dict.  de  Jal,  2"^  édit.  1872  ;  Prof.  Hector 
Ferettini,  Étude  sur  Mme  de  la  Fayette,  Milan,  1901  ;  R.  Doumic,  Hist. 
de  la  Litt.  fr.  Paris,  19*=  édit.  p.  293 — où,  soit  dit  en  passant,  on  peut  lire 
également  que  M.  de  La  Fayette  a  survécu  à  sa  femme  !). 

^  D'Avenel,  La  noblesse  française  sous  Richelieu,  p.  307. 

1—2 


4  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

D'autre  part  Tallemanti  raconte  l'histoire  suivante  qui  nous 
montre  que  La  Vergne  fut  connu  du  roi,  "Au  commencement, 
le  Roy  estoit  assez  gay....Le  filz  de  Sebastien  Zamet  qui  mourut 
mareschal  de  camp  à  Montauban....avoit  avec  lui  La  Vergne, 
depuis  gouverneur  du  Duc  de  Brezé,  qui  estoit  curieux  d'archi- 
tecture et  y  entendoit  un  peu.  Or  ce  Zamet  estoit  un  homme 
fort  grave  et  qui  faisoit  des  révérences  bien  compassées  :  le  Roy 
disoit  qu'il  lui  sembloit,  quand  Zamet  faisoit  ces  révérences,  que 
La  Vergne  estoit  derrière  pour  les  mesurer  avec  sa  toise." 

Guillard^  ne  dit  pas  que  La  Vergne  était  simplement  "cu- 
rieux d'architecture,"  mais  bien  qu'il  était  "masson  ou  archi- 
tecte" et  qu'il  "quitta  ce  mestier  pour  être  gouverneur  du  duc 
de  Fronsac  ou  de  Brezé."  Marc  Pioche  portait-il  donc  le  patrony- 
mique d'une  famille  de  maçons-architectes,  qui,  s'étant  enrichis, 
avaient  fait  entrer  ]eur  fils  dans  la  carrière  des  armes,  après  avoir 
transformé  leur  nom  en  Pioche  de  La  Vergne  ?  Nous  ne  pouvons 
rien  affirmer  sur  la  famille  du  père  de  Madame  de  La  Fayette  et 
nous  ne  devons  pas  ajouter  trop  de  foi  à  ce  que  dit  Guillard,  car, 
bien  qu'il  ait  écrit  du  vivant  de  Madame  de  La  Fayette,  il  ne 
paraît  pas  avoir  cherché  très  loin  le  souci  de  la  généalogie.  Après 
nous  avoir  ainsi  renseignés  sur  Marc  Pioche  de  La  Vergne,  il 
continue:  "sa  femme  estoit  fille  du  médecin  Akakias^. "  Mais 
nous  savons  qu'en  réahté  eUe  se  nommait  Élizabeth  ou  Isabel* 
Péna  et  nous  avons  sur  sa  famille  quelques  renseignements. 

Auger^  nous  apprend  qu'au  XIII^  siècle,  un  ancêtre  de  la 
mère  de  Madame  de  La  Fayette  "  Hugues  de  Péna,  secrétaire  du 
roi  de  Naples,  Charles  I^r,  et  auteur  de  tragédies,  avoit  reçu 

^  Tallemant  des  Réaux,  Historiettes,  Éd.  Monmerqué,  T.  ii.  p.  242. 
"Historiette  sur  Louis  XIII." 

2  Généalogies,  Remarques  du  Sr.  Guillard,  Bibl.  Nat.  ms.  fr.  25187,  P  30. 

*  Peut-être  s'agit-il  de  sa  première  femme.  Voir  à  la  page  6. 
Un  Akakia,  le  grand,  ou  du  moins  le  premier  du  nom,  mourut  en 
1551,  son  fils  en  1588.  La  race  s'éteignit  avec  le  dernier  médecin  Akakia 
en  1677.  Celui-là  aurait  été  un  cousin  de  Mme  de  La  Fayette.  On  en 
aurait  parlé,  croyons-nous. 

^  Bien  qu'il  y  ait  Élizabeth  sur  la  copie  de  l'acte  de  baptême,  les 
mêmes  registres  portent  Isabel  à  la  page  160,  à  l'occasion  du  mariage  de 
Pierre  le  Roy  auquel  Marc  Pioche  de  La  Vergne  et  sa  femme  Isabel  Péna 
ont  assisté,  et  encore  à  la  page  191,  à  l'occasion  de  son  mariage  avec  le 
chevalier  de  Sévigné.  Dans  le  contrat  de  mariage  de  son  frère  Gabriel 
elle  fut  appelée  tantôt  Élizabeth,  tantôt  Isabel  (Bibl.  Nat.  Cab.  Titres, 
Pièces  orig.  2229).  Enfin,  elle  signe  elle-même  Isabelle  im  reçu  conservé 
à  la  Bibl.  Nat.  Cab.  Titres,  Pièces  orig.  2287). 

^  Édition  des  œuvres  de  Mme  de  La  Fayette.    Voir  bibliographie. 


i]  •  L'Enfant  5 

le  laurier  du  poëte  des  mains  de  la  reine  Béatrix.  "  Jay^  rap- 
porte aussi  ce  fait  et  ajoute  que  "dans  le  seizième  siècle  Jean  de 
Péna  se  rendit  illustre  par  de  profondes  connaissances  dans  les 
mathématiques  et  les  enseigna  même  avec  distinction  au  Collège 
de  France^."  Si,  comme  le  désire  M.  d'Haussonville^,  "ceux  qui 
sont  curieux  des  phénomènes  de  Vhérédité'''  doivent  lui  savoir 
gré  ''de  leur  rappeler  ce  premier  faif^  et  aussi  que  la  famille  Péna 
eut  toujours  en  Provence  renom  de  littérature  et  d'érudition,^'' 
d'autres,  en  lisant  le  renseignement  donné  par  Jay,  trembleront 
à  la  pensée  que  Madame  de  La  Fayette,  de  par  sa  mère,  aurait 
pu  devenir  professeur  de  mathématiques  au  Collège  de  France  ! 

Madame  de  La  Vergne  avait  un  frère,  Gabriel  Péna,  écuyer, 
sieur  de  Saint-Pons,  qui  fut  capitaine  au  régiment  du  marquis 
de  Brézé^,  un  autre  frère  dont  nous  ne  savons  pas  le  nom^,  et  un 
oncle  Lazare  Péna,  écuyer,  sieur  de  Moustier  et  de  Montargis'. 
Voilà  tout  ce  que  nous  avons  pu  glaner  sur  la  famille^  et  cela 
suffit.  Nous  savons  dès  maintenant  qu'elle  était  de  petite 
noblesse^  comme  celle  de  La  Vergne. 

Le  mariage  fut  célébré  probablement  à  l'église  Saint- 
Sulpice;  c'est  là  qu'au  mois  de  février  1633  avaient  lieu  les 
fiançailles^".    La  Vergne  était  probablement  plus  âgé  que  sa 

^  Édition  des  œuvres  de  Mme  de  La  Fayette,  de  Tencin  et  de  Fon- 
taines.  Voir  bibliographie 

^  Guillaume  du  Val,  Histoire  des  professeurs  du  Collège  Royal,  1644 
(Bibl.  Nat.  R.  7347).  "Jean  Pena.  II  fut  professeur  du  Roy,  peu  de 
temps,  et  ce  environ  l'an  1556.  Il  décéda  l'an  1560  et  est  croyable  que 
la  chaire  fut  établie  povtr  lui,  n'ayant  succédé  à  personne  et  n'ayant  eu 
successeur  que  je  sçache."  De  Thou  en  fait  également  mention  et  dit 
qu'il  est  mort  en  1558.  ^  D'Haussonville,  op.  cit.  p.  10. 

*  La  célébrité  littéraire  de  Hugues  de  Péna. 

^  Bibl.  Nat.  Cabinet  des  Titres,  Pièces  originales  2229. 

*  D'après  les  copies  de  registres  de  Saint-Sulpice  déjà  citées,  p.  132, 
19  déc.  1641.  Mariage  d'Estienne  de  Pardieu  et  de  Delle  Anne  Péna, 
présents  Gabriel  Péna,  oncle  de  la  dite,  capitaine,  etc. 

'  Contrat  de  mariage  de  Madame  de  La  Fayette  (voir  à  l'appendice)  ; 
copies  des  registres  de  Saint-SuJpice  le  30  mai  1645.  Mariage  de  Pierre 
le  Roy,  Présents — Éléonor  Merlin  femme  de  Me.  Péna,  etc. 

^  Ajoutons  par  acquit  de  conscience — Arnaud  Gaufridi,G.  d'Aix,  1580, 
donne  les  armes  de  Péna:  d'arg.  à  l'estoile  d'or  en  chef.  Bibl.  Nat.  Cab. 
Titres,  Pièces  orig.  2229. 

^  Gabriel  épouse  Marie  Bricard,  veuve  de  Jehan  Bordier,  argentier  de 
la  petite  escurie  du  Roy.    Anne  épouse  Estienne  de  Pardieu  tout  coxirt. 

1°  Nous  n'avons  pas  pu  retrouver  l'extrait  de  mariage  mais  le  ms. 
32839  Bibl.  Nat.  (registres  de  St-Sulpice)  nous  donne  p.  82,  "1633,  le 
5  fév.  fiançailles  de  Marc  Pioche,  écuyer,  sieur  de  La  Vergne." 


i 


6  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

femme,  car  il  était  veuf  et,  en  1619,  il  est  déjà  question  de  lui 
et  de  sa  première  épouse,  Claude  Bérard,  dans  un  acte  notarié 
fait  à  Saint-Denys  par  le  baron  dudit  lieui. 

De  ce  précédent  mariage  étaient  nées  au  moins  deux  filles 
dont  l'une  est  morte  en  1671.  L'autre  qui  a  survécu  à  Mme  de 
La  Fayette  est  mentionnée  dans  son  testament.  Elles  étaient 
toutes  les  deux  religieuses,  mais  nous  ne  savons  pas  la  date  de 
leur  entrée  en  religion.  Il  est  à  supposer  que  la  petite  Marie - 
Madeleine  les  a  connues  et  a  eu  le  temps  de  les  aimer  avant  leur 
entrée  au  couvent,  puisque  la  mort  de  la  première  la  toucha  vive- 
ment^  et  qu'elle  prit  soin  de  la  survivante. 

C'est  fort  probablement  après  la  mort  de  leur  père  qu'elles 
ont  pris  le  voile,  car,  dans  le  passage  de  la  Reconnaissance  des 
biens  de  Mme  de  La  Fayette  où  il  est  question  du  contrat  de 
partage  fait  à  la  mort  de  La  Vergne,  on  lit  :  "les  dites  damoiselles 
ses  sœurs  depuis  professes^." 

Un  seul  enfant  naquit  du  second  mariage:  ce  fut  Marie - 
Madeleine*.  Comme  on  l'a  pu  voir  d'après  l'extrait  de  baptême, 
ses  parents  surent  lui  trouver  des  parrains  illustres  :  Urbain  de 
Maillé,  marquis  de  Brézé,  était  le  beau -frère  du  cardinal  de 
Richelieu.  Et  ce  n'est  pas  de  cette  parenté  seule  que  venait  sa 
puissance:  le  roi  Louis  XIII  avait  "quelque  sorte  d'inclination 
pour  lui,"  nous  dit  le  cardinal  de  Retz^  qui  ne  l'aimait  guère^, 
et  cette  inclination  paraît  avoir  donné  au  maréchal  tant  d'in- 
fluence que  RicheUeu  lui-même  en  avait  peur  et  le  ménageait 
le  plus  possible'''.  La  correspondance  inédite  du  maréchal 
conservée  au  British  Muséum  montre  quel  rôle  important  il 
jouait  dans  les  affaires  du  temps ^.   Il  nous  semblerait  étonnant 

1  Bibl.  Nat.  Cabinet  des  Titres,  Pièces  originales  2229. 

2  Madame  de  Se  vigne,  6  fév.  1671.  Éd.  Grands  Écrivains,  T.  n. 
p.  46:  "J'allai  ensuite  chez  Madame  de  La  Fayette  qvii  redoubla 
mes  dovileurs  par  la  part  qu'elle  y  prit.  Elle  était  seule  et  malade  et 
triste  de  la  mort  d'une  sœur  religieuse;  elle  était  comme  je  la  pouvais 
désirer."  ^  Voir  l'appendice  m. 

*  Bibl.  Nat.  Cabinet  des  Titres,  Pièces  originales  2287,  Pioche,  f°  16: 
"Me  François  de  La  Fayette  dame  Marie  Mag"^ -Pioche  de  la  Vergne  son 
espouse  fille  vinique  seulle  héritière — " 

6  Œuvres,  Éd.  Alphonse  Feillet,  Paris,  1870,  8",  T.  i.  p.  154. 

®  Ibid.  I.  p.  39:  "Le  maréchal  de  Brézé  homme  de  très  petit  mérite" 
etc ;  p.  104:  "Il  était  pourtant  fort  extravagant." 

7  Tbid.  I.  p.  104. 

^  Cette  correspondance  fut  signalée  dans  un  article  intitvilé  Les  amis 
du  Maréchal  de  Brézé — supplément  à  un  article  de  Bayle  dans  le  Cabinet 
Historique  (Éd.  Louis  Paris),  T.  xv.  Paris,  1869,  8°,  l^re  partie,  p.  32. 


i]  UEnfant  7 

que  l'obscur  La  Vergnc  ait  pu  obtenir  d'un  homme  aussi  puis- 
sant qu'il  assistât  en  qualité  de  parrain  au  baptême  de  sa  fille, 
si  nous  ne  savions  déjà  par  Tallemant  que  La  Vergne  était  au 
service  du  maréchal  en  quaUté  de  gouverneur^. 

Quant  à  la  marraine,  Madame  de  Combalet,  plus  tard 
duchesse  d'Aiguillon,  elle  était  la  nièce  favorite  du  Cardinal — 
et  s'il  faut  en  croire  les  récits  médisants  de  l'époque — des  liens 
particuHèrement  étroits  les  unissaient.  Si  elle  assista  à  ce 
baptême  ce  ne  fut  pas  uniquement  pour  montrer  qu'elle  était 
une  personne  religieuse  et  charitable  mais  bien  parce  que  la 
mère  de  la  petite  fille  était  une  de  ses  dames  d'honneur. 

Ce  parrainage  ne  paraît  pas  avoir  été  très  utile  à  Marie- 
Madeleine.  Le  marquis  mourut  peu  après  La  Vergne^,  au  moment 
précis  où  il  aurait  pu,  sans  doute,  rendre  des  services  à  sa  filleule 
qui  rentrait  alors  à  Paris.  La  marraine,  il  est  vrai,  employa 
La  Vergne  au  Havre,  mais  sa  filleule  ne  comptait  pas  parmi  ses 
amies,  soit  à  cause  de  la  différence  d'âge  qui  les  séparait,  soit 
parce  que  leur  condition  sociale  n'était  pas  la  même.... Toujours 
est-il  que  son  nom  ne  figure  point  parmi  ceux  des  vingt-neuf 
personnes  qui  se  partagèrent  la  fortune  de  la  duchesse. 

Il  ne  faut  peut-être  pas  regretter  cette  absence  de  relations. 
Bien  que  dernièrement  on  nous  ait  présenté  Mme  de  Combalet 
comme  une  sainte  3,  les  documents  du  temps  donnent  une  triste 
opinion  de  sa  moraUté.  L'impression  qui  se  dégage  des  témoi- 
gnages contemporains,  même  lorsqu'on  a  fait  une  large  part  aux 
haines  pohtiques,  est  que  Mme  de  Combalet  n'était  pas  de  ces 
femmes  dont  on  aime  à  souhaiter  l'amitié  pour  une  jeune  fille*. 

Elle  fait  partie  de  l'Egerton  Collection  N^^  1687  à  1692  et  va  de  l'année 
1627  à  l'année  1649. 

^  L'exemplaire  du  Segraisiana  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  de 
l'Université  de  Paris  porte  en  marge  de  la  page  9  où  il  est  question  de  la 
Princesse  de  Clèves  la  note  suivante  de  la  main  de  Turgot:  "Marie  de  la 
Vergne  C^  de  La  Fayette  a  aussy  écrit  Vie  de  Mad.  Henriette  d'ang.  f.  de 
Mr  m.  en  1670  impr^  à  Amdam,  1720.  Elle  étoit  d'une  naissance  très 
médiocre  son  p.  étoit  chès  Mr  de  Valeneey,  sa  mère  étoit  chès  la  Duché 
d'Aiguillon —  "  etc.  Nous  n'avons  pu  vérifier  ce  fait.  Notons  poiu-tant, 
en  passant,  qu'une  des  sœurs  de  Madame  de  La  Fayette  (du  premier  lit) 
était  religieuse  ursuline  à  Valeneey  (Testament). 

2  Le  13  fév.  1650,  âgé  de  53  ans,  au  château  de  Milly  dans  l'Anjou. 

3  Bonneau- Avenant  (Cte  de),  La  Duchesse  d'Aiguillon,  2<^  édit. 
Paris,  12°. 

*  M.  Emile  Magne  résume  ces  documents  avec  une  franchise  que  nous 
n'osons  pas  imiter  ici.  Voir  Le  plaisant  abbé  de  Boisrobert,  Paris,  1  vol. 
12°,  1909,  pp.  263-265  et  les  notes  à  ces  pages. 


8 


Madame  de  La  Fayette 


[CH. 


Après  le  baptême,  le  premier  renseignement  que  nous 
trouvons  sur  la  vie  de  La  Vergne  nous  est  fourni  par  un  poème 
manuscrit  "Z)e  Monsieur  le  Pailleur^  étant  à  la  campagne  avec 
Mme  la  maréchale  de  Thémines  à  Mr  de  la  Vergne  gouverneur  de 
Mr  le  Marquis  de  Brézé" 

Je  suis  ctirieux  de  nouvelles 
Autant  de  laides  que  de  belles. 
Un  soldat  m'apprit  l'autre  jour 
Que  Pontoise  estoit  ton  séjour. 
Il  me  dit  tes  soins  et  tes  veilles, 
Il  me  raconta  des  merveilles 
De  tes  fortifications. 

Il  me  parla  fort  du  Marquis. 

Il  me  dit  que  ta  chère  femme 
Est  une  bonne  et  belle  Dame 
(Oyseau  rare  en  cette  saison  !), 
Qu'elle  garde  bien  la  maison, 
Entretient  bien  la  Compagnie 
Avec  sa  petite  Ménie, 
Qui  de  son  côté  vaut  beaucoup. 
Surtout  quand  elle  fait  le  loup 
Son  devanteau  dessus  sa  tête. 


Ainsi  le  Cavalier  parla. 

But  deux  coups  et  puis  s'en  alla^. 

On  remarquera  que  Le  Pailleur  donne  à  La  Vergne  le  titre 
de  "Gouverneur  de  Mr  le  Marquis  de  Brézé"  et  nous  apprend 
qu'il  est  à  Pontoise.  Aussitôt  M.  d'Haussonville^  écrit  "Un 
obscur  poète,  du  nom  de  Le  Pailleur,  nous  apprend  que  son 
père"  (c'est  à  dire  le  père  de  Marie-Madeleine)  "y  commando! t 
au  nom  du  marquis  de  Brézé"  et  à  la  même  page  "Pioche  de 
la  Vergne  sera  gouverneur  de  Pontoise  pour  le  compte  du 
marquis  de  Brézé." 

D'après  des  recherches  faites  à  Pontoise,  il  ne  ressort  pas  que 
ce  soit  la  conclusion  qu'il  faudrait  tirer  de  ces  vers.  Le  régiment 

^  Povir  des  renseignements  sixr  ce  poète  voir  l'historiette  de  Talle- 
mant  des  Réaux,  Éd.  Monnierqué,  T.  m.  p.  237  et  les  Œuvres  poétiques 
de  Dalibray,  Édit.  Van  Bever,  1906,  passim.  Le  Pailleur  était  un  goinfre 
assez  drôle.  Il  était  allé  visiter  le  maréchal  de  Thémines,  gouverneur  de 
la  Bretagne,  qui  mourut  en  1627.  Le  Paillevir  devint  le  commensal  de 
sa  veuve. 

2  Bibl.  Arsenal  mss.  Conrart,  T.  xxix.  P  307,  N»  4127. 

^  Op.  cit.  p.  9. 


i]  UEnfant  9 

du  marquis  de  Brézé  était  à  Pontoise  en  1636-1637  car  le  27  mai 
1643  le  corps  de  ville  examine  les  comptes  "des  feas  sieurs 
Chartin  et  Soret  pour  le  faict  des  deniers  qu'ils  ont  touchés  et 
déboursés  aussy  pendant  les  années  mil  six  cent  trente-six  et 
trente-sept  que  les  régiments  des  gens  d'armes  de  la  TrémouiUe 
et  de  Breizé  ont  logé  en  cette  ville^."  La  première  mention  du 
régiment  se  trouve  sous  la  date  l^r  décembre  1636,  quand  les 
échevins  sont  autorisés  à  recevoir  des  collecteurs  des  tailles  une 
somme  de  3000  livres  tournois,  pour  satisfaire  à  une  réquisition 
du  marquis  de  Brézé  tenant  garnison  à  Pontoise,  et  à  prendre 
des  mesures  utiles  pour  répartir  cet  impôt  entre  les  habitants  de 
la  ville.  Le  26  janvier  1637  il  est  impossible  de  continuer  à 
payer  la  subsistance  du  régiment  de  M,  de  Brézé.  Les  collecteurs 
n'ont  plus  de  fonds  et  il  y  a  peu  d'espoir  d'obtenir  des  paroisses 
voisines  le  paiement  de  leurs  participations.  Le  régiment  quitte 
la  ville  entre  cette  délibération  et  la  suivante,  qui  est  de  février 
1638,  mais  longtemps  encore  on  s'occupe  des  dettes  qu'il  a  fallu 
contracter  à  cause  de  son  séjour.  Les  déHbérations  ne  disent 
pas  que  de  Brézé  lui-même  fut  gouverneur  de  la  ville.  Ce  titre 
a  existé,  mais  ce  n'était  qu'un  titre  honorifique  et  on  l'attribuait 
à  de  très  grands  seigneurs.  A  coup  sûr,  de  La  Vergne  n'a  pas 
été  gouverneur  de  Pontoise  2;  M.  MaUet,  maire  de  la  ville  et 
éditeur  des  délibérations  citées  ci-dessus,  écrit  dans  une  lettre 
à  l'auteur  de  ce  travail  (11  août  1911)  "Dans  les  archives  com- 
munales....nuUe  part  je  n'ai  vu  le  nom  de  Marc  Pioche  de  La 
Vergne." 

Tout  nous  porte  à  croire  qu'ici  (comme  plus  tard  au  Havre) 
La  Vergne  ne  fut  que  major  de  la  citadelle.  Étant  donné  que 
La  Vergne  fut  "masson  et  architecte,"  ce  que  dit  Le  Pailleur 
sur  "les  merveilles  de  ses  fortifications"  pourrait  faire  croire 
qu'il  fut  envoyé  à  Pontoise  pour  exercer  son  métier  d'architecte  ; 
mais  ici  encore  les  faits  ne  supportent  pas  l'hjrpothèse.  En  1634, 
Richeheu  avait  supprimé  les  remises  accordées  aux  villes  sur 
les  ventes  de  leurs  greniers  à  sel  et  destinées  exclusivement, 
disaient  les  papiers  royaux,  à  l'entretien  de  leurs  fortifications. 

1  Ernest  Mallet,  Registre  des  délibérations  municipales  de  la  Ville  de 
Pontoise,  1643-1660,  2"^  fascicule — Règne  de  Louis  XIV — Pontoise, 
1911.  Dans  le  registre  imprimé  on  trouve  "de  la  TrémouiUe  et  de  fereize 
(?)":  M.  Mallet  lit  maintenant  de  Breizé  et  les  autres  citations  confir- 
ment cette  leçon. 

-  Communiqué  par  M.  J.  Depoix,  secrétaire  général  de  la  Société 
historique  et  archéologique  de  l'arrondissement  de  Pontoise. 


10 


Madame  de  La  Fayette 


[CH. 


Il  y  a  fort  peu  de  chances  qu'un  officier  royal  quelconque  ait 
été  désigné  pour  aller  travailler  aux  fortifications  de  Pontoise, 
qui  étaient  encore  considérées  comme  l'une  des  charges  de  la 
ville;  de  plus,  la  situation  financière  n'étant  pas  bonne,  le 
pouvoir  central  n'aurait  pas  consenti  à  fournir  les  fonds.  Enfin, 
il  existe  des  documents  qui  prouvent  que  vers  1652  pour  les 
réparations  urgentes  on  opéra  par  voie  de  souscription  pubhque, 
souscription  qui  n'eut  rien  de  spontané  et  de  volontaire  :  l'église 
St  Martin  dut  même  fournir  sa  part  d'argent^. 

S'il  ne  faut  pas  exagérer  l'importance  de  ces  fonctions,  il  ne 
faut  pas  non  plus  en  exagérer  la  durée.  Le  séjour  à  Pontoise  de 
La  Vergne  et  de  sa  famille  (si  toutefois  sa  famille  demeura  con- 
stamment avec  lui,  ce  qui  n'est  pas  prouvé)  fut  certainement 
court,  car  en  1638  la  peste,  à  l'état  latent  depuis  quelques  années, 
devint  d'une  violence  inouïe.  Quinze  cents  personnes  en  mou- 
rurent, paraît-il,  et  la  ville  fut  abandonnée  par  ceux  des  habitants 
que  la  maladie  n'avait  pas  atteints^.  Quand  M.  d'Haussonville 
ajoute  en  guise  de  commentaire  aux  vers  de  Le  Pailleur  "La 
petite  Ménie  avait  quatre  ans  quand  elle  faisait  ainsi  le  loup^" 
il  doit  se  tromper,  car  ce  calcul  nous  mènerait  à  l'année  de  la 
peste.  Il  n'est  pas  probable  que  La  Vergne,  fixé  à  une  aussi  petite 
distance  de  Paris,  ait  accepté  d'exposer  sa  femme  et  son  enfant 
aux  dangers  de  ce  fléau.  Au  mois  d'août  de  cette  année  1638, 
La  Vergne  n'était  plus  à  Pontoise,  car  parmi  les  lettres  du  mar- 
quis de  Brézé  déjà  citées,  il  y  en  a  une  "A  M.  de  Picolomini  par 
un  gentilhomme  qui  l'a  portée  à  M.  de  la  Vergne  dans  l'armée 
de  M.  de  la  force  enpaquetée  avec  une  lettre  adressante  à  luy*." 
Au  mois  de  septembre,  il  se  trouvait  au  château  de  Richelieu 
comme  en  fait  foi  un  document  que  nous  citerons  plus  loin. 

On  serait  tenté  de  croire  que  Madame  de  La  Vergne  et  son 
enfant  restaient  pour  la  plupart  du  temps  à  Paris,  oii  La  Vergne 
venait  souvent  les  voir,  ne  faisant  que  de  très  courts  séjours  a 
Pontoise.  En  effet,  au  mois  d'avril  1637,  Bertaut  lui  écrit: 
"J'ai  reçu  celle  que  vous  estes  donné  le  soin  de  m'escrire  tou- 
chant la  conférence  que  vous  avez  eue  avec  Monseigneur  le  Cardi- 
nal. . .  .etc.  Je  m'oubliois  de  vous  dire  que  si  par  hasard  le  Cardina 
vous  raparloit  de  moy  que  vous  prissiez  la  peine  de  luy  répondre 
dans  le  sens  de  cette  lettre  que  je  vous  prie  de  monstrer  à  Mad. 

^'2  Communiqué  par  M.  Chennevières,  conseiller  municipal  de  Pon- 
toise (7  août  1911),  d'après  ses  fiches,  rédigées  à  la  suite  de  longues  années 
de  recherches  dans  les  archives  de  la  ville. 

3  Op.  cit.  p.  10.  *  British  Musevim  mss.  Egerton,  1692. 


i]  L'Enfant  11 

de  Combalet....!"  Chapelain,  de  son  côté,  écrivant  de  Paris  le 
27  nov.  1637,  à  M.  de  Silhon,  à  Paris,  dit  (en  rentrant  de  chez 
le  marquis  de  Brézé)  '"J'eus  hier  entretien  avec  Mr  de  La  Vergne 
et  Mme  sa  femme  qui  me  ramena  chez  moy^." 

À  partir  de  ce  moment,  et  jusqu'au  départ  de  sa  famille  pour 
le  Havre,  il  y  a  une  période  très  obscure  dans  la  vie  de  Marie - 
Madeleine^.  Nous  savons  que  La  Vergne  était  à  Pontoise  vers 
1637,  et  au  Havre  en  1648.  Où  passa-t-il  cet  intervalle  de  dix 
années  ?  À  Paris,  croyons-nous,  car  en  1640  il  acheta  un  jardin^ — 
celui-là  même  que  Madame  de  Sévigné  trouvera  plus  tard  "le  plus 
joli  petit  lieu  du  monde  pour  respirer  à  Paris^." 

Dans  ce  jardin,  situé  rue  de  Vaugirard,  No.  16,  au  coin  de  la 
rue  Férou,  s'élevait  la  maison  où  Marie-Madeleine  passa  la  plus 
grande  partie  de  sa  vie,  avant  et  après  son  mariage;  c'est  là 
qu'elle  mourut  en  1693^. 

Pendant  le  séjour  qu'elle  y  fit  avant  son  départ  pour  le 
Havre,  elle  dut  commencer  son  éducation  sous  la  direction  de 
son  père'  qui  paraît  avoir  eu  une  certaine  culture.  Nous  avons 
déjà  vu  qu'il  s'intéressait  à  l'architecture  et  "s'y  connaissait 
un  peu^."  Bien  qu'on  se  soit  servi  de  ce  fait  pour  dénigrer  La 
Vergne^  il  plaide  plutôt  en  sa  faveur,  à  une  époque  où  l'instruc- 

1  Brit.  Mus.  MSS.  fr.  Egerton,  1692,  f°s  34,  35. 

2  Jean  Chapelain,  Lettres,  publiées  par  Ph.  Tamizey  de  Larroque, 
Paris,  1880  (Documents  inédits  siir  l'histoire  de  France),  T.  i.  p.  175. 

^  M.  d'Haussonville  (op.  cit.  p.  10)  escamote  la  difficulté  dans  la 
phrase  "De  Pontoise  elle  devait  sui^Te  son  père  au  Ha\Te." 

*  Berty  et  Tisserand,  Topographie  historique  du  vieux  Paris,  Paris, 
1876,  F»,  T. — Région  du  Bourg  Saint-Germain — p.  328.  "Grand  jardin 
faisant  le  coin  occidental  de  la  Rue  Férou.  Il  contenait  environ  iin  arpent 
et  un  tiers.... Par  sentence  du  II  Oct.  1630  ce  jardin  fut  divisé  entre  les 
religieuses  du  Calvaire.... et  Fiacre  Bollard.... Suivant  le  partage  effectué 
le  14  Août  1631,  la  moitié  orientale  échut  aux  religieuses  desquelles  elle 
fut  achetée  le  28  Août  1640  par  le  sieiar  de  La  Vergne...." 

^  Madame  de  Sévàgné,  Lettres,  Éd.  Monmerqué,  Paris,  Hachette,  1862, 
T.  IV.  p.  542. 

*  Po\ir  une  carte  de  ce  quartier  avec  la  nie  Férou  marquée  voir  Piga- 
niol  de  laForce,  Description  de  la  Ville  de  Paris,  1765,  8  vols.  T.  vu.  p.  160. 

^  Ménage  a  dû  commencer  ses  leçons  plus  tard  d'après  nous.  Voir 
plus  loin  la  discussion  de  la  correspondance  entre  Ménage  et  Mme  de  La 
Fayette.  ^  Tallemant  des  Réaux.    Le  passage  est  cité  plus  haut. 

8  Généalogies.  Remarques  du  Sieur  Guillard,  Bibl.  Nat.  MSS.  fr.  25187 
(Gaigmère  1025),  f»  30.  "EUe  (Madame  de  La  Fayette)  n'est  pas  d'une 
grande  naissance.  Son  père  avoit  esté  masson  ou  architecte  qui  quitta 
ce  mestier  pour  estre  gouverneur  du  duc  de  Fronsac  ou  de  Brézé  et  û 
s'appeloit  l'Avergne." 


12 


Madame  de  La  Fayette 


[CH. 


tion  des  hommes  ne  laissait  pas  une  très  grande  part  aux  beaux 
arts.  Chapelain,  dans  la  lettre  déjà  citée,  recherche  l'amitié  de 
La  Vergne  et  de  sa  femme,  et  il  voudrait  qu'ils  aient  bonne 
opinion  de  lui.  "Je  connois  mieux  encore  leur  mérite  que  je 
n'avois  fait  jusqu'à  cette  heure,"  écrit-il,  "et  souhaite  qu'ils  ayent 
bonne  opinion  de  moy  afin  qu'ils  me  puissent  un  peu  aymer.  Si 
vous  les  voyes  l'un  ou  l'autre  ou  tous  deux  vous  me  ferez  faveur 
de  descouvrir  leurs  derniers  sentiments  de  mes  faiblesses,  car 
je  ne  prens  pas  les  civilités  qu'on  témoigne  aux  personnes 
présentes  pour  un  jugement  sur  quoy  on  se  puisse  fonder."  Or, 
bien  que  Chapelain  ait  pu  paraître  ridicule  à  l'Hôtel  de  Ram- 
bouillet par  suite  de  sa  tenue  bizarre^,  il  n'était  pas  homme  à  se 
plaire  dans  la  compagnie  des  ignorants. 

Mademoiselle  de  Scudéry  était  aussi  des  amis  de  La  Vergne  ; 
elle  eut  même  recours  à  lui  pour  qu'il  la  recommandât  auprès  de 
Madame  d'Aiguillon  2.  Il  était  également  en  relations  avec  d'au- 
tres habituées  de  l'Hôtel  de  Rambouillet,  Mademoiselle  Paulet 
et  Madame  de  Sablé^.  On  peut  même  supposer  qu'il  fréquentait 
l'hôtel  puisqu'il  était  au  nombre  des  hôtes  du  château  de  Ram- 
bouillet en  1637.  Bien  plus,  lorsque  la  Compagnie  alla  visiter  les 
possédées  de  Loudun,  La  Vergne  fut  du  voyage,  et  c'est  même 
son  témoignage  qu'invoque  l'abbé  d'Aubignac  de  préférence  à 
ceux  de  Madame  de  Combalet,  de  JuUe  d'Angennes,  de  de  Brézé 
et  de  Voiture,  comme  le  témoignage  d'un  honnête  homme  "dont 

^  Voir  Emile  Magne,  Voiture  et  les  origines  de  VHôtel  de  Rambouillet, 
1597-1635,  Paris,  2-=  édit.  1911,  pp.  125-7  et  passim. 

2  II  paraît  qu'en  1647  Mademoiselle  de  Scudéry  se  trouvait  fort 
ennuyée  d'être  sous  la  main  tyrannique  de  son  frère,  et  que,  servitude 
pour  servitude,  elle  en  souhaitait  luie  autre  plus  favorable  au  moins  à  ses 
intérêts  et  à  son  avenir.  La  Vergne  sollicita  pour  elle  la  place  de  gou- 
vernante ou  de  dame  de  compagnie  dans  une  très  grande  maison. 
D'autres  personnes  avaient  proposé  poiir  cet  emploi  une  amie  de  Mlle 
de  Scudéry — Mlle  de  Chalais.  La  première,  apprenant  cette  nouvelle, 
retire  aussitôt  sa  candidature.  Voir  V.  Cousin,  La  Soc.  fr.  au  XV IP 
siècle,  T.  11.  p.  431  Mlle  de  Scudéry  écrit  à  Mlle  Paulet:  "Vous  me 
ferez  aussi  la  faveur  de  remercier  M.  de  La  Vergne  de  ses  soins  et  de  ses 
bons  offices.  Vous  savez  Melle  ce  que  je  vous  ai  dit  de  lui  en  plusieurs 
rencontres,  c'est  potu-quoi  je  ne  vous  dirai  pas  à  quel  point  je  suis  sa 
servante."  Bibl.  Arsenal  ms.  Conrart,  4°,  T.  xi.  et  Cousin,  op.  cit. 
appendice,  T.  11,  Et  dans  une  lettre  de  Mlle  de  Chalais  à  Mlle  de 
Scudéry,  "Car  lorsque  M.  de  La  Vergne  pria  Mme  la  Marquise  de  Sablé 
de  s'employer  pour  vous  auprès  de  Mme  d'Aiguillon...."  Arsenal  ms  s. 
Conrart,  4",  T.  ix.  p.  131. 

^  Voir  la  note  précédente. 


I]  L'Enfant  13 

la  foi  ne  sera  pas  suspecte  à  quiconque  le  connaît^."  On  peut 
donc  supposer  que  cet  "honnête  homme"  dirigea  les  premières 
études  de  sa  fille,  et  que  c'est  de  lui,  autant  que  des  ancêtres  de 
la  mère,  que  vint  à  l'enfant  son  goût  pour  les  lettres.  S'il  en 
avait  été  autrement,  on  ne  concevrait  pas  comment,  plus  tard, 
Ménage  put  trouver  en  elle  une  élève  aussi  apte  à  apprendre  le 
latin  et  à  goûter  la  httérature  latine.  Nous  croyons  donc  que 
c'est  à  une  époque  postérieure  que  Marie -Madeleine  commença 
à  étudier  sous  la  direction  de  Ménage,  bien  qu'aucune  des  lettres 
dont  il  sera  question  plus  loin  ne  porte  de  date  2.  Elle  dut  entrer 
en  relations  plus  suivies  avec  lui  par  l'intermédiaire  de  sa  parente 
la  marquise  de  Sévigné — c'est  à  dire  lorsque  La  Vergne  fut  mort 
et  que  sa  veuve  se  fut  remariée. 

Après  cette  période,  qui  est  assez  obscure,  nous  retrouvons 
La  Vergne  au  Havre  vers  1 648^  ;  il  est  au  service  de  la  duchesse 
d'Aiguillon.  Ici  encore  on  a  exagéré  son  rôle.  Il  n'y  a  jamais 
été  gouverneur  ni  même  lieutenant-gouverneur.  En  1648-9 
cette  dernière  fonction  fut  exercée  par  René  de  Ste  Maure, 
seigneur  de  Beaurepaire*.  L'emploi  qu'a  tenu  La  Vergne  fut 
celui  de  commandant  de  la  citadelle  pour  la  duchesse  d'Aiguil- 
lon. Le  jeune  duc  Armand  de  Richeheu  et  sa  tante  retenaient 
le  gouvernement  du  Havre  ;  le  duc  de  Brézé,  neveu  du  cardinal 
de  Richeheu,  conserva  l'amirauté. 

Ici,  les  événements  durent  contribuer  à  l'éducation  de  la 
petite  Marie -Madeleine  ;  eUe  tomba  en  effet  en  pleine  intrigue 

^  Relation  de  tout  ce  que  fay  vu  à  Loudun  en  neuf  jours  que  f  ai  visité 

les  possédés  par  l'abbé  d'Aubignac.    Datée  septembre  1637.   Tallemant 

raconte  cette  visite  dans  l'histoire  du  Père  Joseph  {Historiettes,  Éd.  Mon- 

merqué,  T.  ii.  pp.  12-14).    Le  ms.  de  d'Aubignac  (19  pages)  se  trouve  à 

a  Bibl.  Nat.  ms.  fr.  12801,  ancien  540  du  supp.  fr. 

2  Voir  plus  loin  cette  correspondance  de  Mme  de  La  Fayette  et  de 
Ménage.  Nous  sommes  maintenant  à  peu  près  sûr  que  presque  toutes 
ces  lettres  ftirent  écrites  après  le  mariage  de  Mme  de  La  Fayette.  Mais, 
dans  une  lettre  citée  dans  notre  chapitre  sur  La  Princesse  de  Clèves, 
Ménage  dit  qu'il  connaît  Mme  de  La  Fayette  depuis  la  naissance  de  cette 
dernière. 

3  Martin  Alphonse,  Madame  de  La  Fayette,  est-elle  Havraise  ?  Le  Havre , 
s.  d.  8",  8  pages.  Nous  n'avons  pas  trouvé  cette  brochtire  à  Paris.  C'est 
M.  le  Conservateur  de  la  Bibl.  du  Ha\-re  qui  a  eu  l'obUgeance  de  nous 
faire  savoir  les  conclusions  de  l'auteur. 

*  Lorsque  la  duchesse  d'Aiguillon  devint  gouverneur  du  Havre,  elle 
avait  sous  ses  ordres  d'Aplemont,  commandant  du  Havre.  Voir  Bonneau- 
Avenant  (Cte  de),  La  Duchesse  d' Aiguillon,  Paris,  1  vol.  in  12,  où  il  n'est 
pas  question  de  La  Vergne. 


14 


Madame  de  La  Fayette 


[CH. 


et  en  pleine  guerre.  Elle  se  trouve  au  Havre  au  moment  de  la 
Fronde,  et  bien  qu'aujourd'hui  nous  soyons  trop  enclins  à 
regarder  la  Fronde  comme  une  "guerre  pour  rire,"  il  ne  faudrait 
pas  croire  que  notre  scepticisme  un  peu  méprisant  ressemblât 
au  sentiment  des  contemporains  mêlés  à  cette  agitation  politique. 
Les  jeunes  gens,  surtout,  ne  pouvaient  voir  les  événements  sous 
leur  jour  exact,  historique:  les  aventures  qu'ils  lurent  plus  tard 
dans  les  romans  de  la  Scudéry  ont  dû  leur  paraître  romanesques 
par  certains  côtés,  mais  en  même  temps  très  réelles.  L'opinion 
pubhque  déchaînée  par  le  Parlement,  manifeste  son  aversion 
et  sa  haine  avec  une  violence  extrême.  Mazarin,  la  reine,  sont 
insultés  et  bafoués  dans  une  multitude  de  chansons  et  de  pam- 
phlets d'une  grossièreté  inouïe;  de  Paris,  la  révolte  gagne  la 
province;  le  Parlement  de  Rouen  se  joint  bientôt  à  celui  de 
Paris  ;  le  duc  de  Longue  ville,  gouverneur  de  la  Normandie,  mené 
par  sa  femme,  prend  parti  pour  la  Fronde  et  y  entraîne  la 
province  entière.  Le  Havre  seul  résiste  et  reste  fidèle  à  la  cause 
royale. 

La  duchesse  d'Aiguillon  avait  confié  son  pupille  aux  soins 
d'une  jeune  veuve,  Madame  de  Pons  ;  elle  intriguait  pour  l'épou- 
ser. Condé  et  son  beau-frère,  le  duc  de  Longue  ville,  favorisèrent 
sa  passion;  ils  complotèrent  pour  qu'après  le  mariage  Armand 
de  Richeheu  leur  ouvrît  le  Havre^.  Le  duc  de  Longue  ville 
s'empara  donc  de  Honfleur^  et  menaça  le  Havre.  À  ces  nouvelles 
la  duchesse  d'Aiguillon  envoya  dans  cette  dernière  ville  le 
brave  capitaine  de  La  Vergne,  et  avec  lui  l'ordre  à  Ste  Maure  de 
chasser  d'Harfleur  les  gens  du  duc  de  Longueville  et  d'occuper 
sohdement  cette  ville.  La  Vergne  chargé  de  cette  mission  s'en 
acquitta  avec  succès  :  il  se  porta  à  Harfleur  avec  300  hommes, 
en  expulsa  les  officiers  du  duc,  et,  soutenu  par  les  habitants, 
repoussa  toutes  les  attaques  des  troupes  qui  avaient  été  laissées 
dans  les  environs  de  la  ville^. 

La  mort  a  dû  enlever  La  Vergne  peu  de  temps  après  cet 
exploit.  Nous  n'avons  pas  de  renseignements  sur  la  fin  du  père 
de  Marie -Madeleine  et  nous  croyons  même  que  jusqu'ici  on 

1  A.  E.  Borély,  Histoire  de  la  Ville  du  Havre,  au  Havre,  1880-1 881,  T.  ii. 

2  Voir  Relations  véritables  de  ce  qui  s'est  passé  à  la  prise  de  la  ville 
d'Honfleur,  près  le  Havre,  par  V armée  de  Monseigneur  le  duc  de  Longueville, 
Paris,  Nicolas  de  la  Vigne,  près  St  Hilaire,  1649. 

3  Borély,  op.  cit.  T.  ii.  p.  477,  et  Dmnont  et  Léger,  Histoire  de  la  ville 
d'Harfleur,  au  Havre,  1868,  p.  48,  où  La  Vergne  est  quaUfié  de  "comman- 
dant la  citadelle  du  Havre  pour  la  duchesse  d'Aiguillon." 


I]  L'Enfant  15 

n'avait  su  fixer  la  date  de  cette  fin  qu'à  quelques  années  près. 
Dans  une  "  reconnaissance  donnée  par  François  de  la  Fayette  à 
dame  Marie -Magdeleine  Pioche  de  la  Vergne,  sa  femme,  des 
bijoux,  objets  mobiliers  et  autres  valeurs  apportés  par  celle-ci, 
le  17  Février  1655^,"  il  est  fait  mention  d'nn  inventaire  "fait  à 
la  requête  de  la  dite  dame  de  Sévigné  après  le  décès  du  dit  feu 
Sieur  la  Vergne  par  Quarré  et  Marreau....le  cinquième  Janvier 
et  autres  jours  suivants  de  l'année  mil  six  cent  cinquante^." 
Il  s'ensuit  que  La  Vergne  est  mort  à  la  fin  de  l'année  1649  ou 
aux  premiers  jours  de  1650.  Sa  fille  aUait  bientôt  avoir  seize  ans. 
Sur  ces  seize  premières  années  de  la  vie  de  Marie -Madeleine 
nous  n'avons,  on  l'a  vu,  que  peu  de  renseignements.  Pour  nous, 
elle  a  dû  les  passer  presque  entièrement  à  Paris.  Le  séjour  à 
Pontoise  fut  certainement  très  court;  le  séjour  au  Havre  ne  le 
fut  pas  moins — si  toutefois  elle  y  accomyagna  son  ^ère,  car,  bien 
que  jusqu'ici,  nous  ayons  suivi  le  récit  de  nos  devanciers,  nous 
considérons  que  les  preuves  manquent  pour  étabKr  d'une  façon 
sûre  ce  séjour  de  la  mère  et  de  la  fille.  Parmi  les  quelques  docu- 
ments qui  sont  venus  jusqu'à  nous,  il  existe  un  reçu  rédigé  à 
Paris  devant  Marreau  par  Elysabeth  Péna,  qui  a^ait  une  pro- 
curation générale  de  son  mari  depuis  le  2  avril  1647.  Ce  reçu 
est  du  5  mars  1648.  Ne  croira-t-on  pas,  avec  nous,  qu'avant  de 
partir  pour  le  Havre  La  Vergne  avait  fait,  en  avril  1647,  cette 
procuration,  pour  que  sa  femme  restant  à  Paris  pût  gérer  sa 
fortune  et  tenir  sa  maison  de  la  rue  de  Vaugirard?  Ce  n'est 
qu'une  hypothèse,  mais  du  moins  elle  est  appuyée  sur  un  docu- 
ment. Jusqu'ici  nous  n'avons  rien  vu  qui  fût  susceptible  de 
prouver  que  la  famiUe  La  Vergne  tout  entière  ait  résidé  au  Havre^. 

^  Archives  de  l'Allier.    Voir  l'appendice. 

2  L'étude  Quarré  et  Marreau  est  aujourd'hui  celle  de  M.  Baudrier  qui 
a  bien  voulu  nous  permettre  de  faire  des  recherches  dans  les  documents 
qu'il  conserve.  Nous  avons  trouvé  mention  de  cet  inventaire  sur  l'index 
de  ses  minutes  mais  dans  la  liasse  de  documents  de  janvier  1650  cette 
pièce  manque.  L'a-t-on  extraite  de  l'étude  ?  Est-elle  mal  classée?  On  ne 
peut  le  dire;  d'ailleurs,  pour  fixer  la  date  de  la  mort  de  La  Vergne,  il 
suffit  de  savoir  que  le  document  a  bien  existé  et  quelle  en  est  la  date. 
Au  moment  de  mettre  cette  étude  sous  presse,  nous  recevons  La  Corres- 
pondance du  Chevalier  de  Sévigné  publiée  par  Messieurs  Lemoine  et 
Saulnier.  "M.  de  La  Vergne,  maréchal  des  camps  et  armées  du  Roi, 
capitaine  de  la  Marine  et  lieutenant  de  M.  le  Duc  de  Richelieu  au 
gouvernement  du  Havre"  a  été  inhumé  le  20  décembre  1649  (op.  cit. 
p.  xix,  d'après  Bibl.  Nat.  Mss.  fr.  N°  32594). 

^  Outre  les  deux  livres  de  Diimont  et  Léger  et  de  Borély  déjà  cités, 
nous  avons  consiilté  avec  l'espoir  d'ajouter  quelques  détails  à  ce  pré- 


16 


Madame  de  La  Fayette 


[CH.  I 


jour  en  province  au  milieu  des  garnisons,  séjour  continu 
à  Paris,  d'abord  dans  le  calme  de  son  faubourg,  ensuite  au  milieu 
des  intrigues  de  la  Fronde,  séjour  au  Havre  oti  son  père  se  dé- 
vouait pour  le  roi  sur  le  théâtre  même  de  la  guerre,  saura- t-on 
jamais  comment  et  en  quels  lieux  la  jeune  La  Vergne  passa  sa 
jeunesse^?  Nous  nous  sommes  contenté  d'offrir  au  lecteur  tout 
ce  que  nous  avons  pu  rencontrer  d'intéressant.  Nous  passerons 
maintenant,  sans  nous  perdre  en  d'inutiles  hypothèses,  à  une 
période  plus  éclairée  de  la  vie  de  Madame  de  La  Fayette. 


tendu  séjour  au  Ha\Te,  mais  toujours  sans  résultats,  les  ouvrages  smvants  : 
Albums  de  dessins  et  de  gravures  de  la  commission  des  antiquités  de  la 
Seine  Inférieure.  Beaucamp  (de)  et  Le  Trix,  Petite  Histoire  du  Havre. 
Beaurepaire  (Ch.  de),  Mélanges  historiques;  Nouveaux  mélanges;  Derniers 
mélanges.  Frère  (Edmond),  Manuel  du  bibliographe  normand,  etc. 
Rouen,  1858-60.  Guilmeth,  Histoire  du  Havre  et  des  environs.  Letellier, 
Recherches  historiques  sur  la  ville  d'Honfleur,  1786.  Loriol,  La  France 
descriptive,  etc.  T.  ii.  par  Viel,  Seine  Inf.  Morlent,  Le  Havre  ancien  et 
moderne  et  ses  environs,  Paris,  Le  Havre,  1826.  Motte  (de  la).  Antiquités  de 
la  ville  d'Harfleur,  Le  Havre  de  Grâce,  1676-80.  Vesque  (Ch.),  Histoire 
des  rues  du  Havre,  Le  Havre,  1876. 

^  De  1650  à  1655  Mlle  de  La  Vergne  fut  Demoiselle  d'honneur  de  la 
Reine,   Voir  Corr.  du  Chev.  de  Sévigné,  p.  xxi,  note  3. 


CHAPITRE  II 

LA  JEUNE  FILLE.     1650-1655 

Madame  de  La  Vergne  ne  fut  pas  longue  à  se  consoler  de  la 
mort  de  son  mari  car  au  mois  de  décembre  1650  elle  épousa  le 
chevalier  Renaud  de  Sévigné^.  Le  premier  janvier  1651,  le 
gazetier  Loret  annonçait  ainsi  le  mariage  : 

Madame,  dit-on  de  la  Vergne, 
De  Paris  et  non  pas  d'Auvergne, 
Voyant  un  front  assez  uny 
Au  Chevalier  de  Sévigny, 
Galant  homme  et  de  bonne  taille 
Poiir  bien  aller  à  la  bataille. 
D'elle  seule  prenant  aveu, 
L'a  réduit  à  rompre  son  vœu  ; 
Si  bien  qu'au  lieu  d'aller  à  Malte^, 
Auprez  d'icelle  il  a  fait  halte 
En  quaUté  de  son  mary, 
Qui  n'en  est  nullement  marry, 
Cette  affaire  lui  semblant  bonne: 
Mais  cette  charmante  mignonne 
Qu'elle  a  de  son  premier  époux 
En  témoigne  un  peu  de  courroiix, 
Ayant  cru  po\ir  être  belle 
Que  la  feste  seroit  poiu*  elle, 
Que  l'amour  ne  trempe  ses  dards 
Que  dans  ses  aymables  regards. 
Que  les  filles  fraîches  et  neuves 
Se  doivent  préférer  aux  veuves 
Et  qu'un  de  ces  tendrons  charmans 
Vaut  mieux  que  quarante  mamans^. 

La  charmante  mignonne  dont  il  s'agit  est  évidemment  la 
future  Madame  de  La  Fayette  et,  bien  qu'elle  n'ait  en  ce  moment 

^  Le  mariage  eut  lieu  le  21  décembre  à  l'église  Saint-Sulpice.  Voir 
Bibl.  Nat.  ms.  32839  (extraits  copiés  des  registres  de  Saint-Sulpice,  1650, 
p,  191):  "Mariage  de  M^  Renaud  de  Sévigné,  seigneur  de  Champiré, 
Mal.  de  Camp  des  armées  du  Roy  avec  D^  Isabel  Péna  veuve  de  M^  de 
la  Vergne." 

2  Renaud  de  Sévigné  était  chevalier  de  Malte;  il  dut  renoncer  à  ses 
vœiix  pour  épouser  Mme  de  La  Vergne. 

3  Loret,  Muse  hist.  1857,  T.  i.  p.  77. 

A.  2 


18  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

que  seize  ans,  il  ne  faudrait  pas  attribuer  tout  ce  que  dit  Loret 
à  sa  seule  malice  de  gazetier.  Nous  pouvons  admettre  que  voyant 
le  chevalier  de  Sévigné  bien  reçu  chez  sa  mère,  elle  ait  pu  se 
tromper  pendant  un  instant  et  croire  qu'on  pensait  à  son  établis- 
sement. La  différence  d'âge  n'avait  aucune  importance,  si  le 
mari  était  un  bon  parti,  et  l'on  ne  saurait  alléguer  l'extrême 
jeunesse  de  Marie-Madeleine  pour  révoquer  en  doute  les  dires 
de  Loret  ^. 

Sous  Louis  XIV,  en  effet,  le  mariage  se  conclut  généralement 
lorsque  la  jeune  fille  a  douze  ans.  Dans  la  petite  noblesse  et 
dans  la  bourgeoisie  on  patientait  un  peu  plus  et  l'on  voulait  bien 
attendre,  tout  au  moins,  que  la  fillette  eût  treize  ans  sonnés. 
Mais  cet  âge  minimum  de  douze  ans  ne  doit  pas  être  considéré 
comme  une  Hmite  extrême,  rarement  atteinte;  les  mariées  de 
douze  ans  sont  nombreuses  dans  la  société  de  l'époque.  Cathe- 
rine de  Vivonne  n'avait  pas  encore  cet  âge  quand  elle  épousa 
le  marquis  de  Rambouillet.  À  douze  ans,  on  maria  Mademoiselle 
du  Plessis-Cliivray  à  M.  de  Serrant,  fils  de  Bautru,  l'académi- 
cien. Mademoiselle  de  la  Guiche,  fille  du  maréchal  de  Saint- 
Géran  épousa  au  même  âge  le  baron  de  Chazeron,  gouverneur 
du  Bourbonnais.  Tallemant  des  Réaux  s'unit  à  Efisabeth 
Rambouillet,  fille  d'un  secrétaire  du  Roi,  qui  n'avait  pas  plus 
de  onze  ans  et  demi.  Quand  Rohan  épousa  Mademoiselle  de 
Sully,  elle  était  si  petite  "qu'on  la  prit  au  col  pour  la  faire 
passer  plus  doucement."  Le  ministre  à  Charenton,  du  Moulin, 
ne  put  s'empêcher  de  demander  "  Présentez -vous  cette  enfant 
pour  être  baptisée  2?  " 

L'âge  de  Marie -Madeleine  n'offre  donc  aucun  démenti  aux 
vers  de  Loret,  et  à  partir  de  ce  moment,  sinon  depuis  quelque 
temps  déjà,  elle  est  rangée  parmi  les  jeunes  filles  à  marier.  Loret 
y  pense  de  temps  à  autre — chaque  fois  qu'il  a  besoin  d'une  rime 
à  ''Auvergne,''''  dirait-on.  Le  duc  de  Caudale  se  plaint  parce  que 
le  cardinal  lui  ayant  promis  de  le  nommer  maréchal  de  France 
ne  tient  pas  sa  promesse. 

Si  bien,  que  jugeant  nécessaire 
De  r'engager  dans  le  filet 
Ce  courtisan  à  poil  folet, 
Quelqu'un  des  siens  alla  luy  dire 

^  Pourquoi  M.  d'Haussonville  veut-il  qu'iine  jeune  fille  née  en  mars 
1634  n'ait  pas  encore  seize  ans  en  janvier  1651  ? 

2  Voir  le  Vicomte  d'Avenel,  La  Noblesse  sous  Richelieu^  pp.  119- 
120. 


Il]  La  Jeune  Fille  19 

Apaisez-vous,  ne  fumetis: 
Tenez,  on  vous  donne  gratis. 
Non  pas  Mamoizelle  Lavergne, 
Mais  le  gouvernement  d'Auvergne^. 

Loret  revient  à  la  charge  cette  même  année,  au  mois  de  juillet 
après  avoir  annoncé  la  mort  de  Madame  l'Hospital: 

Il  (le  veuf)  se  doit  tenir  très  heureux, 
Car  s'il  veut  encore  une  femme. 
Mainte  mignonne  et  mainte  dame. 
Et  de  grande  condition, 
Sont  à  sa  disposition. 

Et  La  Vergne  mord  à  la  grape, 
Quand  on  luy  donne  pour  mary 
Ce  maréchal  au  poil  fleury^. 

Il  ressort  de  ces  citations  que  quelques  mois  après  le  mariage 
de  sa  mère  on  ne  lui  trouve  pas,  dans  les  papotages  de  la  ville, 
un  mari  plus  jeune  que  ne  l'est  son  beau-père. 

Ce  chevalier  de  Se  vigne,  avare,  mais  aimant  la  bonne  chère, 
coléreux,  intraitable  et  impérieux  (s'il  faut  en  croire  le  Nécro- 
logue  de  Port-Royal^  qui  exagère  les  imperfections  anciennes  du 
défunt  pour  mettre  en  rehef  les  quahtés  de  sa  vie  "hors  du 
siècle")*,  savait  au  besoin  être  doux  et  généreux.  On  peut  citer 
à  l'appui  de  ces  qualités  une  anecdote  qu'on  retrouve  dans  tous 
les  livres  oîi  il  est  question  du  chevaUer  et  qui  est  ainsi  racontée 
par  un  historien  de  Port-Royal  :  "On  vit  en  lui,  au  miheu  des 
emportements  tumultueux  d'un  guerrier,  une  semence  de  cette 
charité  qui  a  été  portée  ensuite  au  plus  haut  degré.  S 'étant 
trouvé  à  la  prise  d'une  ville  il  rencontra  après  l'action  une  petite 
fille  de  3  à  4  ans  que  ses  parents,  ou  morts  ou  fugitifs,  avaient 
abandonnée  sur  un  fumier.  Il  fut  touché  de  compassion,  il  prit 
l'enfant  dans  son  manteau  et  résolut  d'en  prendre  soin  toute  sa 
vie:  ce  qu'il  a  fidèlement  exécuté,  et  cette  fille  s'étant  faite 
religieuse  depuis,  il  a  toujours  payé  sa  pension  au  monastère 
oii  elle  est  entrée^." 

1  Loret,  op.  cit.  i.  p.  90.  2  i^ij.  p.  137. 

3  Dom  Rivet  de  la  Grange,  Nécrologue  de Port-Royal. 

*  La  publication  de  La  Correspondance  du  Chevalier  de  Sévigné  vient 
confirmer  notre  opinion  à  ce  sujet.  Voir  la  préface  de  Messieurs  Jean 
Lemoine  et  Frédéric  Saulnier  (Paris,  Renouard,  1911). 

^  Jérôme-Besogne,  Histoire  de Port-Royal,  iv.  p.  291.    Voir  aussi 

Sainte-Beuve,  Port-Royal,  T.  rv.  Appen.,  et  T.  v.  pp.  94-99.  C'est  toujours 
le  même  article  du  Moniteur  (l»^""  mars  1858)  qm  revient. 

2—2 


20  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

D'après  ce  même  historien,  Madame  de  La  Vergne  était  pour 
lui  "un  parti  très  avantageux."  Il  arriva  ainsi  au  terme  d'une 
année  qui  avait  été  assez  mouvementée,  même  pour  un  guerrier. 
Son  frère  aîné,  Charles  de  Se  vigne,  était  par  alliance  cousin - 
germain  de  Retz,  et  Renaud  eut,  en  1649,  le  commandement  du 
régiment  que  le  coadjuteur  avait  levé  à  ses  frais  pour  défendre 
Paris.  Ce  régiment  de  l'archevêque  de  Corinthe  se  fit  battre  à 
Longjumeau.  La  troupe  de  Renaud  de  Sévigné,  inférieure  en 
nombre  aux  royaUstes,  avait  fui  à  la  première  décharge.  Le 
cheval  de  Renaud  s'étant  abattu,  toute  la  cavalerie  lui  avait 
passé  sur  le  corps.  Il  en  fut  quitte  pour  des  meurtrissures.  Un 
bon  mot  des  royalistes  rendit  cette  défaite  ridicule:  ce  fut  la 
première  aux  Corinthiens^.  Au  Havre  ou  à  Paris,  d'un  côté  ou 
de  l'autre,  la  petite  La  Vergne  est  toujours  mêlée  à  la  Fronde. 

Le  nouveau  ménage  s'installa  dans  la  maison  sise  au  No.  16 
de  la  rue  de  Vaugirard,  et  aussitôt  la  jeune  Marie-Madeleine  se 
Ha  d'amitié  avec  une  voisine — Catherine -Henriette  d'Angennes 
de  La  Loupe.  Cette  voisine  devint  plus  tard  comtesse  d'Olonne, 
par  son  mariage  avec  Louis  de  la  Trémoille,  comte  d'Olonne,  et 
sous  ce  nom  elle  est  célèbre  dans  les  annales  de  la  débauche  2. 
EUe  avait  une  sœur  presque  aussi  belle  et  tout  aussi  légère 
qu'elle-même;  Saint-Simon  dit  en  parlant  des  deux  sœurs:  "Leur 
débauche  les  avait  rendues  aussi  célèbres  que  leur  beauté  et  les 
avait  séparées  de  toutes  les  femmes^."  Cela  suffit  pour  que  les 
biographes  modernes  blâment  le  manque  de  prévoyance  de  la 
mère  de  Madame  de  La  Fayette,  qui,  au  lieu  de  veiller  à  ce  que 
les  deux  jeunes  filles,  rapprochées  par  le  hasard,  ne  se  fréquentent 
point,  fit  tout  le  contraire,  et  poussa  l'imprudence  jusqu'à  faire 
percer  une  porte  de  communication  entre  les  deux  maisons^. 
M.  d'Haussonville  ne  manque  pas  de  signaler  cette  lamentable 

1  Voir  Mme  de  Sévigné,  Éd.  Gr.  Écriv.  i.  p.  43;  Loret,  Muse  hist.  i. 
p.  323;  Retz,  Éd.  Gr.  Écriv.  11.  p.  211;  Dubuisson-Aubenay,  cité  dans 
Retz;  D'Ormesson,  Journal,  i.  pp.  645-6.  Il  est  question  dans  Retz,  m. 
p.  14,  de  donner  à  Sévigné  une  récompense  de  22,000  livres. 

2  Voir  Bussy-Rabutin,  Hist.  Amoureuse  des  Gaules,  Histoire  d'ArdeUse, 
et  Corrard  de  Bréban,  Souvenir  d'une  visite  aux  ruines  d'Alise  et  au 
château  de  Bussy-Rabîitln,  Troyes,  1833,  8°,  pour  l'inscription  que  Bussy 
fit  mettre  sous  son  portrait. 

3  Journ.  de  Dangeau,  xv.  p.  166,  note.  Saint-Simon  écrit  ailleurs 
(Œ^Mvres,  Hachette,  XI.  p.  55),  "Leur  beauté  et  le  débordement  de  leur 
vie  fit  grand  bruit.  Aucune  femme,  même  des  plus  décriées  pour  la 
galanterie,  n'osoit  les  voir  ni  paraître  nulle  part  avec  elles." 

*  Voir  l'appendice  i. 


Il]  La  Jeune  Fille  21 

incurie  de  la  part  d'une  mère^  Tant  il  est  facile  de  prévoir 
l'avenir  quand  on  n'a  qu'à  tourner  les  pages  d'une  bonne  histoire 
de  France  pour  le  découvrir  tout  au  long  !  Au  moment  où  l'on 
perça  la  porte  entre  les  deux  maisons  Mademoiselle  de  La  Loupe 
avait  encore  devant  elle  la  page  blanche  de  sa  vie.  Personne,  à 
ce  que  je  sache,  n'avait  rien  dit  contre  la  jeune  fille  qui,  étant 
du  même  âge  que  la  jeune  La  Vergne^,  pouvait  être  pour  elle  une 
compagne  charmante.  C'est  Madame  d'Olonne,  et  non  Made- 
moiselle de  La  Loupe,  qui  se  rendit  coupable  de  débordements 
impardonnables  ;  on  ne  commence  à  jaser  sur  son  compte  qu'en 
1656.  Madame  de  La  Fayette  était  alors  mariée,  et  pour  le 
moment  absente  de  Paris.  Elle  se  devait  de  ne  plus  fréquenter 
cette  femme,  devenue  de  mauvaise  compagnie,  et  eUe  ne  manqua 
point  de  s'en  abstenir^.  On  a  fait  remarquer  qu'à  cette  époque 
se  place  une  histoire  un  peu  louche  oîi  il  est  question  du  cardinal 
de  Retz,  de  Mlle  de  La  Loupe,  de  Madame  de  La  Vergne  et  de 
sa  fille.  Ainsi  qu'on  s'en  rendra  compte  en  Usant  notre  appen- 
dice I.,  il  n'y  a  là  que  de  malveillants  racontages.  Mlle  de  La 
Vergne  n'eut  aucune  intrigue  avec  de  Retz,  puisqu'il  est  à 
peu  près  certain  qu'à  cette  époque  elle  ne  le  rencontrait 
jamais. 

De  cet  incident  nous  ne  tirerons  qu'un  profit  :  il  nous  fera 
connaître,  en  passant,  l'opinion  du  cardinal  de  Retz  sur  Madame 
de  La  Vergne.  Dans  ses  mémoires  il  nous  la  montre  "hon- 
nête femme  dans  le  fond,  mais  intéressée  et  aimant  l'intrigue*." 
Ne  pouvant  contrôler  ses  dires,  nous  sommes  bien  forcés  de  les 
accepter  pour  vrais  et  pourtant  il  ne  faudrait  pas  oublier  que 
Mme  de  La  Vergne  a  dû  paraître  suspecte  au  frondeur  de  Retz 
pour  des  raisons  purement  poUtiques.  Elle  a  été  au  service  de 
la  duchesse  d'Aiguillon,  elle  est  veuve  depuis  quelques  années 

1  Op.  cit.  p.  23. 

2  Mlle  de  La  Loupe  naquit  le  8  juin  1634  (Registres  de  Nogent-le- 
Rotrou).   Elle  épousa  Louis  de  La  Trémoïlle  en  1652. 

2  Elle  demanda,  une  fois,  des  nouvelles  de  son  ancienne  amie,  dans  une 
lettre  à  Ménage:  "Il  me  semble,"  écrit-elle,  "  qu'en  vous  priant  de  faire 
mes  compliments  au  cadet  Barillon  ie  vous  avois  prié  aiissi  de  me  mander 
si  Me  d'Olonne  est  à  Paris  vous  m'aves  fait  response  a  lun  et  ne  m'aves 
rien  dit  de  lautre  vous  me  feres  plaisir  de  me  mander  ou  est  cette  belle 
comme  ie  n'ay  point  eu  de  ses  nouvelles  depuis  que  ie  suis  partie  de  Paris 
ie  me  s\xis  imaginée  qu'elle  n'y  estoit  pas  revenu  de  crainte  d'avoir  ordre 
d'en  sortir  aussi  bien  que  Me  de  Choisi  car  s'il  vous  souvient  le  bruit 
courut  pendant  la  maladie  du  roi  qu'elles  avoient  écrit  toutes  detix  a 
Monsieur."    (Inédite.)  *  Voir  l'appendice. 


22  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

seulement  d'un  royaliste  convaincu,  qui  avait  été  au  service  du 
maréchal  de  Brézé,  et  bien  qu'elle  ait  épousé  en  secondes  noces 
un  Heutenant  du  coadjuteur,  elle  garde  de  bonnes  relations  avec 
des  personnes  de  l'autre  camp.  Elle  use  de  ses  relations  pour 
faire  bien  recevoir  ses  amis  auprès  du  cardinal  comme  la  lettre 
suivante  de  Costar  en  fait  foi  :  "  On  me  mande,  Madame,"  écrit-il, 
"que  Monsieur.... a  tâché  de  me  rendre  de  bons  offices  auprès 
de  son  Éminence.  Il  est  de  vos  plus  grands  et  de  vos  plus  pré- 
cieux amis.  Aidez-moi,  madame,  je  vous  en  suppHe,  à  recon- 
naître sa  générosité:  et  mettez  sur  votre  compte  tout  ce  qu'il 
fera  pour  moi.  Il  ne  vous  en  coûtera  que  quelques  témoignages 
d'estime;  et  vous  ne  plaindrez  point  cette  dépense.  Vous  n'en 
sçauriez  faire  qui  vous  acquierre  plus  d'honneur:  quand  vous 
rCy  trouverez  pas  votre  intérêt,  j'oserais  meflater  que  la  considéra- 
tion du  mien  suffirait  pour  vous  obliger  de  ni'accorder  la  grâce  que  l 
je  vous  demande  avec  respect'''  etc....i.  Costar,  du  moins,  ne 
jugeait  pas  Madame  de  La  Vergne  intéressée  au  point  de  ne  pas 
venir  en  aide  à  un  ami,  même  si  ses  démarches  devaient  faire 
tort  à  son  intérêt  propre.  Et  Costar  n'était  pas  seul  à  avoir 
recours  aux  bons  offices  de  Mme  de  La  Vergne.  Nous  avons 
également  une  lettre  de  Scarron  où  il  lui  demande  une  lettre 
pour  le  gouverneur  du  Havre  "afin  qu'il  favorise  et  facilite 
notre  gouvernement  2." 

Au  reste,  les  documents  font  défaut  pour  bien  établir  le 
caractère  de  cette  femme  qui  dut  avoir  beaucoup  d'influence 
sur  sa  fille,  mais  nous  ne  pouvons  souscrire  aux  accusations  de 
légèreté  portées  contre  elle  et  fondées  uniquement  sur  les  dires 
du  cardinal  de  Retz  et  sur  les  relations  d'amicale  courtoisie  avec 
MUe  de  La  Loupe. 

S'il  faut  absolument  juger  la  mère  d'après  les  amies  de  la 
fille,  pourquoi  passer  sous  silence  cette  autre  amitié  bien  plus 
profonde  et  plus  durable  qui  commença  à  cette  même  époque 
entre  Marie -Madeleine  de  La  Vergne  et  Marie  de  Rabutin  de 
Chantai,  marquise  de  Sévigné?  Les  lettres  de  la  marquise 
montrent  que  cette  amitié  s'est  beaucoup  resserrée  après  le 
mariage  de  Mlle  de  La  Vergne,  mais  déjà  avant  1652  les  deux 
femmes  se  connaissaient,  étant  devenues  parentes  par  le  second 

^  Richelet,  Les  plus  belles  lettres  fr.  11.  p.  515.  Voir  aussi  Walcke- 
naer,  Mém.  Sév.  i.  226;  Sév.  (G.  É.),  i.  371,  note  1. 

2  Scarron,  Œuvres,  i.  1786,  p.  174.  La  lettre  est  adressée  à  la  mar- 
quise d'après  cette  édition.  Nous  croyons,  d'après  le  texte,  qu'elle 
s'adresse  à  l'autre  Mme  de  Sévigné. 


Il]  La  Jeune  Fille  23 

mariage  de  Mme  de  La  Vergne.  Toutes  les  deux  furent  élèves 
de  Gilles  Ménage  et  même  l'amitié  particulière  du  maître  pour 
l'une  des  deux  élèves  paraît  avoir  fait  naître  un  peu  de  jalousie 
dans  le  cœur  de  l'autre.  Après  un  silence  un  peu  trop  long, 
Ménage  écrit  à  Madame  la  Marquise  ce  qui  lui  vaut  cette  réponse  : 
"  ....Pour  moi,  j'ai  bien  de  l'avantage  sur  vous,  car  j'ai  toujours 
continué  à  vous  aimer,  quoi  que  vous  en  ayez  voulu  dire,  et  vous 
ne  me  faites  cette  querelle  d'Allemand  que  pour  vous  donner 
tout  entier  à  Mlle  de  La  Vergne.  Mais  enfin,  quoiqu'elle  soit 
mille  fois  plus  aimable  que  moi,  vous  avez  eu  honte  de  votre 
injustice,  et  votre  conscience  vous  a  donné  de  si  grands  remords, 
que  vous  avez  été  contraint  de  vous  partager  plus  également 
que  vous  n'aviez  fait  d'abord.  Je  loue  Dieu  de  ce  bon  sentiment 
et  vous  promets  de  m'accorder  si  bien  avec  cette  aimable  rivale, 
que  vous  n'entendrez  aucune  plainte  ni  d'elle  ni  de  moi,  étant 
résolue  en  mon  particulier  d'être  toute  ma  vie  la  plus  véritable 
amie  que  vous  ayez^." 

Heureusement  pour  son  élève  préférée.  Ménage  ne  passait 
pas  tout  son  temps  à  lui  faire  la  cour  ;  sur  cette  amitié  comme  sur 
les  autres,  dont  nous  venons  de  parler,  il  y  a  des  précisions  à 
apporter.  Il  est  de  coutume,  quand  on  parle  des  rapports  entre 
Ménage  et  ses  élèves,  de  représenter  le  maître  comme  un  abbé 
pédant,  dameret,  amoureux  de  toutes  les  femmes  qu'il  rencon- 
trait et  poursuivant  Mesdames  de  La  Fayette  et  de  Sévigné  de 
ses  attentions  au  point  d'être  importun  et  ridicule.  Sur  quels 
documents  appuie-t-on  ces  accusations?  Est-ce  sur  le  mot  que 
Tallemant  met  dans  la  bouche  de  Madame  de  La  Fayette  "  Cet 
importun  de  Ménage  viendra  tantôt?"  Si  Mme  de  La  Fayette 
a  dit  cela,  on  peut  lui  accorder  le  bénéfice  des  "circonstances 
atténuantes"  et  ne  pas  prendre  sa  parole  au  sérieux,  car  d'après 
Tallemant  lui-même  ce  jour-là  "elle  avait  pris  une  médecine^." 
Dans  ces  conditions  la  plupart  des  amis  d'une  dame  seraient 
"importuns" — même  sans  vouloir  l'être.  Faut-il  accorder  plu3 
d'importance  au  quatrain  trouvé  dans  les  papiers  du  chanoine 
Favart  à  la  bibhothèque  de  Reims? 

Laissez  là  comtesse  et  marquise, 
Ménage,  vous  n'êtes  pas  fin, 
Au  lieu  de  gagner  leur  franchise, 
Vous  y  perdrez  votre  latin. 

Mais  comment  résister  à  la  tentation  de  faire  ce  trait  d'esprit 
quand  on  ne  voit  les  choses  que  du  dehors?    Avait-on  la  pré- 
1  Lettres,  G.  É.  i.  p.  374.       2  Tallemant  des  Réaux,  Historiettes ,v .  226. 


24  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

tention,  en  écrivant  cette  bagatelle,  de  fournir  un  document  à 
la  postérité?  La  vérité  nous  paraît  tout  autre.  Il  y  a  des 
preuves  incontestables  que  les  deux  jeunes  fiUes  faisaient  de 
grands  efforts  pour  retenir  Ménage  comme  ami  et  sans  aller 
jusqu'à  dire  que  ce  sont  elles  qui  furent  importunes,  nous 
pouvons  admettre  qu'elles  taquinaient  le  petit  abbé  pour 
avoir  de  ses  lettres  et  de  ses  visites.  La  lettre  suivante  de 
la  marquise  de  Sévigné  est-elle  faite  pour  décourager  un  im- 
portun? 

*'Je  vous  dis  encore  une  fois  que  nous  ne  nous  entendons 
point,  et  vous  êtes  bien  heureux  d'être  éloquent,  car  sans  cela 
tout  ce  que  vous  m'avez  mandé  ne  vaudroit  guère.  Quoique 
cela  soit  merveilleusement  bien  arrangé,  je  n'en  suis  pourtant 
pas  effrayée  et  je  sens  ma  conscience  si  nette  de  ce  que  vous  me 
dites,  que  je  ne  perds  pas  espérance  de  vous  faire  connoître  sa 
pureté.  C'est  pourtant  une  chose  impossible,  si  vous  ne  m'ac- 
cordez une  visite  d'une  demi-heure  :  et  je  ne  comprends  pas  par 
quel  motif  vous  me  la  refusez  si  opiniâtrement.  Je  vous  con- 
jure encore  une  fois  de  venir  ici,  et  puisque  vous  ne  voulez  pas 
que  ce  soit  aujourd'hui,  je  vous  supplie  que  ce  soit  demain. 
Si  vous  n'y  venez  pas,  peut-être  ne  me  fermerez-vous  pas  votre 
porte,  et  je  vous  poursuivrai  de  si  près  que  vous  serez  contraint 
d'avouer  que  vous  avez  un  peu  de  tort"  etc. 

Nous  avons  déjà  vu  que  Ménage  délaisse  un  peu  Mme  de 
Sévigné  pour  importuner  de  son  attention  Mlle  de  La  Vergne. 
Voyons  donc  quel  ton  prend  celle-ci  pour  éloigner  d'elle  les 
attentions  du  galant  abbé. 

"  Ce  jeudi  au  soir. 

"  J'aurais  raison  d'être  en  colère  de  ce  que  vous  me  mandez 
que  vous  ne  m'importunerez  de  votre  amitié.  Je  ne  crois  pas 
vous  avoir  donné  sujet  de  croire  qu'elle  m'importune.  Je  l'ai 
cultivée  avec  assez  de  soin  pour  que  vous  n'ayez  pas  cette  pensée. 
Vous  ne  la  pouvez  avoir  non  plus  de  vos  visites  que  j'ai  toujours 
souhaitées  et  reçues  avec  plaisir.  Mais  vous  voulez  être  en  colère 
à  quelque  prix  que  ce  soit.  J'espère  que  le  bon  sens  vous  re- 
viendra et  que  vous  reviendrez  à  moi  qui  serai  toujours  disposée 
à  vous  recevoir  fort  volontiers." 

Il  semble  pourtant  que  Mme  de  La  Fayette  elle-même  devait 
savoir  mieux  que  personne  si  vraiment  Ménage  l'importunait. 
Or,  la  lettre  que  nous  venons  de  citer  est  loin  d'être  une 
exception.     Dans  la  correspondance  que   nous  avons  devant 


n]  La  Jeune  Fille  25 

nous^  et  qui  s'étend  longtemps  après  la  mort  de  M.  de  La  Fayette 
et  peut-être  jusqu'à  la  mort  de  Ménage,  il  y  en  a  bien  d'autres 
du  même  genre.  Nous  en  détacherons  les  passages  suivants, 
tirés  de  lettres  séparées  par  des  intervalles  de  plusieurs  années. 

"  Je  ne  vous  puis  asses  dire  la  joye  que  j'ay  que  vous  ayes  receu 
avec  plaisir  les  asseurances  que  je  vous  ay  données  de  mon  amitié. 
Je  mourois  de  peur  que  vous  ne  les  recussies  avec  une  certaine 
froideur  que  je  vous  ay  veue  quelquefois  pour  des  choses  que  je 
vous  ay  dittes,  et  il  n'y  a  rien  de  plus  rude  que  de  voir  prendre 
avec  cette  froideur  la  des  témoignages  d'amitié  que  l'on  donne 
sincèrement,  et  du  meilleur  de  son  cœur.  Vous  aures  pu  voir 
par  ma  seconde  lettre  que,  quoyque  j'eusse  lieu  de  me  plaindre 
de  ce  que  vous  ne  me  faissies  pas  response,  ne  sachant  pas  que 
vous  esties  a  la  campagne,  je  n'ai  pas  laisse  de  vous  escrire  une 
seconde  fois,  et  j'aurois  continue  a  vous  escrire  quand  mesme 
vous  auries  eu  la  dureté  de  ne  me  pas  faire  response.  Ce  que  je 
vous  dis  la  vous  doit  persuader  que  je  suis  bien  esloignee  d'avoir 
pour  vous  l'indiference  dont  vous  m'accuses.  Je  vous  asseure 
que  je  n'en  auray  jamais  pour  vous,  et  que  vous  trouvères  tou- 
jours en  moi  toute  l'amitié  que  vous  en  pouvez  attendre " 

"Il  y  a  lomtemps  (sic)  que  je  ne  vous  ay  veu  il  fait  beau 
venes  un  peu  jusques  icy.  Jay  aussi  bien  grand  besoin  de  vostre 
secours  ou  du  moins  de  vos  ad  vis..,." 

"....je  suis  persuadée  que  la  seule  envie  de  ne  pas  continuer 
un  commerce  qui  vous  parait  ennuyeux  par  les  longs  voyages 
que  ie  fais  dans  la  province  vous  a  fait  manquer  a  mescrire  ie 
vous  dis  en  amie  que  cela  est  le  plus  vilain  du  monde  et  qu'il  y 
va  de  votre  honneur  reparer  cela  par  quatre  lettres  toutes  les 
semaine 2  au  lieu  de  deux  que  vous  m'avez  écrites  ie  vous  en 

1  M.  Feioillet  de  Conches  possédait  une  collection  de  lettres  de  Madame 
de  La  Fayette  adressées  pour  la  plupart  à  Ménage,  en  même  temps  que 
des  copies  d'autres  lettres  de  ces  deux  personnes.  Lorsqu'il  est  mort, 
en  1887,  il  en  préparait  la  publication  et  avait  même  écrit  une  biographie 
de  Mme  de  La  Fayette  pour  mettre  en  tête  de  cette  édition.  Il  en  sera 
question  plus  tard  quand  nous  parlerons  de  la  mort  de  M.  de  La  Fayette . 
Ces  lettres  et  copies  sont  restées  fort  heureusement  dans  la  famille  au 
moment  de  la  dispersion  de  la  plus  grande  partie  de  la  collection,  et 
nous  tenons  à  remercier  ici  encore  une  fois  Mlle  Feuillet  de  Conches, 
sa  fille,  qui  a  mis  à  notre  disposition  toutes  ces  lettres  et  qui  nous  a  reçu 
chez  elle,  pour  les  consulter,  avec  une  courtoisie  digne  des  vieilles  tra- 
ditions françaises. 

2  Le  mot  "par"  a  été  bifïé  et  les  mots  "toutes  les"  ajoutés  en  s\a- 
charge. 


26  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

qui  te  pourtant  a  une  pendant  un  voyage  que  je  vais  faire  a 
Limoges  qui  sera  assez  long." 

D'après  la  correspondance  dont  nous  avons  extrait  ces  quel- 
ques citations  il  nous  semble  juste  de  compter  l'importunité  de 
Ménage  parmi  ces  légendes  mal  fondées  qui  pullulent  dans  l'his- 
toire littéraire.  Voici,  selon  nous,  sous  quel  aspect  dut  se  pré- 
senter la  réalité:  Madame  de  Sévigné  était  alors  une  dame 
comme  les  autres  et  non  pas  encore  l'épistolière  renommée 
que  nous  connaissons;  Madame  de  La  Fayette  n'est  que  Mlle 
de  La  Vergne  ;  elle  sera  bientôt  la  femme  isolée  et  malade  d'un 
obscur  soldat,  et  beaucoup  plus  tard  seulement  l'auteur  de 
cette  Princesse  de  Clèves  qui  fait  date  dans  l'histoire  de  la  lit- 
térature. Ménage,  de  son  côté,  n'est  pas  pour  elles  l'abbé  pédant 
et  ridicule  que  nous  voyons  aujourd'hui  à  travers  le  Vadius  de 
Molière.  C'est  un  professeur  qui,  au  début  de  son  enseignement, 
amuse  les  deux  jeunes  femmes  par  ses  galanteries  dans  le  goût 
du  temps,  qui  aime  à  tirer  de  sa  mémoire  remarquable  une  foule 
de  connaissances  et  d'anecdotes  intéressantes;  c'est  de  plus  un 
bon  causeur,  qui  fait  honneur  à  deux  dames,  ses  élèves,  en  les 
fréquentant  et  en  faisant  rejaillir  sur  elles  un  peu  de  son  savoir 
et  de  sa  renommée^.  Les  élèves  ont  pu  exagérer  la  valeur  du 
maître,  soit.  Elles  lui  étaient  bien  supérieures  et  devaient  toutes 
les  deux  rester  célèbres,  alors  que  le  petit  abbé  allait  se  perdre 
sous  le  fatras  de  son  érudition  et  le  ridicule  de  ses  galanteries. 
C'est  vrai.  Mais  il  ne  faut  pas  tourner,  nous  non  plus  les  pages 
de  l'histoire  qui  furent  celées  à  tous  les  trois  et  pour  bien  com- 
prendre ce  qui  se  passait  entre  eux  il  faudrait  essayer  de  voir 
comme  eux  et  d'oubher  les  jugements  postérieurs. 

Cependant,  si  nous  n'admettons  pas  volontiers  que  Ménage 
fut  importun  par  son  amitié,  nous  savons  qu'il  avait  besoin 
parfois  d'être  rappelé  à  l'ordre  à  cause  de  sa  galanterie.  Mais 
ici  encore  on  a  exagéré.  C'est  friser  le  ridicule  que  d'examiner 
sérieusement,  comme  on  l'a  fait,  la  nature  exacte  de  cette  galan- 
terie et  d'analyser  les  sentiments  qui  ont  pu  exister  entre  le 
maître  et  ses  élèves  2. 

^  Tallemant,  parlant  de  Mme  de  Sévigné  et  de  Mlle  de  La  Vergne,  dit 
"Le  Pailleiir  m'a  juré  qu'il  leur  avoit  ouy  dire  qu'elles  aimoient  mieux 
Giraut  que  luy,  et  qu'elles  le  trouvoit  plus  honneste  homme..,. mais  la 
vanité  fait  qu'elles  lui  font  caresse.'"  Hist.  v.  226. 

2  Remarquons  en  passant  que  Mme  de  Sévigné  regardait  Ménage 
tellement  comme  un  galant  sans  conséquence  qu'elle  liii  parlait  dans  ses 
lettres  des  infidélités  de  son  mari.   Voir  la  lettre  xviii.  p.  370,  T.  i. 


Il]  La  Jeune  Fille  27 

La  connaissance  que  nous  avons  de  la  vie  et  des  habitudes 
des  poètes  romantiques  nous  pousse  à  chercher  leurs  passions  et 
leurs  "ulcères "  dans  leurs  œuvres  qui  sont  trop  souvent  en  effet 
des  confidences.  De  plus,  une  certaine  critique  se  plaît  autour 
de  nous  à  exploiter  les  "fonds  de  tiroir"  et  à  faire  dire  parfois 
aux  vieux  papiers  beaucoup  plus  qu'ils  ne  disent  en  réalité.  Il 
faut  ici  abandonner,  oublier  ces  méthodes.  Nous  nous  trouvons 
en  face  de  gens  qui  n'ont  pas  coutume  de  dissimuler  leurs  amours 
sous  le  couvert  de  l'amitié  ;  n'essayons  pas  de  bâtir  une  intrigue 
quand  l'histoire  nous  met  en  présence  d'un  professeur,  plus 
galant  dans  ses  lettres  que  dans  sa  conversation,  et  d'une  élève 
naturellement  froide  et  douée  d'une  "divine  raison."  Aucun 
mystère  ne  se  cache  là-dessous.  Les  galanteries  épistolaires  ne 
tirent  généralement  pas  à  conséquence;  tout  ce  que  l'on  peut 
dire  dans  le  cas  présent  c'est  que  les  badinages  de  Ménage  ont 
pu  flatter  la  jeune  Mlle  de  La  Vergne.  Il  est  agréable  d'entendre 
son  savoir,  sa  beauté,  même  sa  froideur  et  sa  cruauté,  chantés  en 
vers  et  en  plusieurs  langues  par  un  homme  aussi  en  vue  que 
Ménage,  mais  de  temps  à  autre  les  billets  galants  détonnaient 
un  peu,  trouvaient  l'élève  occupée  à  des  pensées  plus  sérieuses. 
Alors  on  faisait  sentir  à  l'abbé  qu'il  est  des  moments  où  la 
galanterie,  admise  comme  un  jeu,  peut  être  déplacée:  "Il  n'y  a 
rien  de  plus  galant  que  vostre  billet,"  écrit  Mme  de  La  Fayette, 
"si  la  pensée  de  faire  vostre  examen  de  consience  (sic)  vous 
inspire  de  telles  choses,  je  doute  que  la  contrition  soit  forte.  Je 
vous  asseure  que  je  fais  tout  le  cas  de  votre  amitié  qu'elle  mérite 
que  l'on  en  fasse  et  je  crois  toat  dire  en  disant  cela.  Adieu 
jusques  a  tantost  je  ne  vous  promets  qu'une  heure  de  conver- 
sation car  il  faut  retrancher  de  ses  divertissements  ces  jours 
icy." 

Dans  un  autre  billet,  elle  dit  à  Ménage:  "....vos  lettres  sont 
bien  galantes.  Savez -vous  que  vous  y  parlez  de. ..  .et  de  victime  ? 
Ces  mots  la  font  peur  a  nous  autres  qui  sortons  si  fraîchement 
de  la  semaine  sainte  i." 

^  M.  d'Haussonville  a  eu  comim.mication  avant  nous  des  lettres  de  la 
collection  Feuillet  de  Couches  et  il  en  a  tiré  un  article:  Madame  de  la 
Fayette  et  Ménage,  publié  d'abord  dans  la  Revue  des  deux  mondes  (1890), 
et  plus  tard  dans  son  livre  sur  Mme  de  La  Fayette  (Hachette).  Si  l'on 
remarque  des  divergences  entre  son  texte  et  le  nôtre  elles  sont  dues  au 
fait  que  nous  reproduisons  les  manuscrits  tels  quels.  Pour  en  faciliter 
la  lecture  nous  nous  permettons,  parfois,  de  séparer  les  phrases 
par  des  points  et  de  faire  imprimer  Von  pour  Ion,  qu'elle  pour  quelle 
etc. 


28  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

Chacun  de  son  côté  a,  pour  ainsi  dire,  prévu  le  mauvais  usage 
qu'on  pourrait  faire  de  cette  correspondance  et  l'interprétation 
fâcheuse  que  l'on  ferait  de  leur  amitié.  Aussi,  au  moment  de  son 
mariage,  Mme  de  La  Fayette  réclama,  semble-t-il,  ses  lettres^ 
et  Ménage,  pour  sa  part,  répondit  aux  calomniateurs  par  une 
ballade.  Nous  la  citons  tout  au  long,  car  elle  montre  bien  les 
sentiments  qui  unissaient  les  deux  personnes  ;  elle  fait  voir  aussi 
que  Ménage  ne  se  faisait  pas  d'illusions  sur  la  nature  de  ces 
sentiments.  Pour  un  pédant  galant  et  ridicule,  l'envoi  de  cette 
ballade  renferme  une  pointe  d'esprit  malicieux  que  les  biographes 
ont  peut-être  négligée  à  tort. 

Pour  Mademoiselle  de  La  Vergne 

Balade 
Rien  n'est  si  beau  que  la  jeune  Doris, 
Son  port  hautain  n'est  pas  d'une  mortelle. 
Ses  doux  regards  ;  ses  amoureux  souris  ; 
Ses  traits  divins;  sa  grâce  naturelle; 
De  son  beau  teint  la  fraischeur  éternelle; 
De  son  beau  sein  la  blancheixr  immortelle; 
Et  ses  beaux  yeux  plus  brillants  que  le  jour, 
Svir  mille  cœurs  exercent  leur  puissance, 
le  l'aime  aussi  de  toute  mon  amoitr 
Mais  honni  soit  qui  mal  y  pense. 

l'aime  d'amour  ses  aimables  écrits; 
Ses  doux  accents,  qui  charment  PhUomèle; 
Et  son  esprit,  délices  des  esprits; 
Et  sa  vertu  des  vertus  le  modèle, 
l'aime  son  cœur  et  constant  et  fidelle; 
Qui  des  vieux  temps  la  bonté  renouvelle; 
Chose  si  rare  en  l'empire  d'amour; 
Et  de  ses  mœurs  l'adorable  innocence; 
Chose  si  rare  aux  Beautés  de  la  Cour 
Mais  honni  soit  qui  mal  y  pense. 

1  Ménage  écrit  dans  Poemata,  1673: 

Vattene  piu-,  crudele,  vattene,  ingrata; 

Da  si  degno  amatore 

Si  degnamenta  amata 

Va;  prendi  le  tue  carte, 

Rendimi  pur,  crudel:  rendimi  il  core, 

Rendimi,  ingrata,  rendimi  il  mio  amore. 
Elle  pouvait  les  réclamer  pour  une  tout  autre  raison.  Voir  le  chapitre 
sur  la  correspondance  où  il  est  question  de  la  pubhcation  des  lettres 
échangées  par  Ménage  et  Mme  de  La  Fayette.     Peut-être  voulait-elle 
simplement  faire  un  choix  parmi  ces  lettres  ? 


Il]  La  Jeune  Fille  29 

Elle  qui  fait  de  mon  amour  le  prix  ; 
Qui  voit  ma  flame  et  si  pure  et  si  belle; 
Qui  voit  mon  cœiu'  si  saintement  épris; 
Qui  reconnoist  la  grandeur  de  mon  Zèle, 
M'honore  avissi  qu'une  absence  cruelle 
Ronge  mon  cœur,  comme  un  cruel  vautour; 
Sa  belle  main,  consolant  ma  souffrance. 
Par  ses  écrits  me  promet  son  retour 
Mais  honni  soit  qui  mal  y  pense. 

Envoy 

Jeunes  Blondins,  qui  soupirez  pour  elle. 
Et  qui  souffrez  ses  rigoiireux  mépris; 
Pour  estre  ainaés,  comme  moy,  de  la  Belle 
Il  faudroit  estre  amans  à  cheveux  gris. 
Et  ne  l'aimer  que  d'amour  fraternelle. 
De  vous  alors  on  diroit  dans  Paris: 
Elle  a  pour  eux  beaucoup  de  bienveillance, 
Comme  Ménalque  Us  sont  ses  favoris 
Mais  honni  soit  qui  mal  y  pense^. 

Mais  avant  d'être  l'amie  de  Ménage,  la  jeune  de  La  Vergne 
en  fut  l'élève,  et  le  maître  n'a  pas  été  trop  mauvais  si  l'on  en 
juge  d'après  les  progrès  remarquables  de  l'élève.  Il  est  difficile 
de  fixer  la  date  oii  Ménage  a  commencé  ses  leçons.  Walckenaer^ 
dit  que  Ménage  avait  trente-trois  ans  lorsqu'il  entreprit  l'ins- 
truction de  Marie  de  Rabutin-Chantal  et  que  les  premières 
leçons  données  à  Mlle  de  La  Vergne  dateraient  de  cette  époque. 
Ceci  nous  fait  remonter  à  1646.  Les  leçons  commencées  furent- 
elles  interrompues  par  le  départ  pour  Le  Havre?  La  jeune  fille 
resta-t-elle  à  Paris  pour  les  continuer?  Nous  ne  pouvons  rien 
affirmer.  Mais  il  nous  semble  plus  probable  que  c'est  vers  1650 
que  Marie -Madeleine  commença  à  travailler  sous  la  direction  de 
Ménage  ;  cette  date  s'accorderait  bien  avec  la  lettre  de  Madame 
de  Sévigné  écrite  pour  reprocher  à  Ménage  sa  partialité  en 
faveur  de  la  nouvelle  élève.  Toujours  est-il,  selon  les  dires  des 
contemporains,  qu'après  trois  mois  de  leçons  de  latin  l'élève  fut 
aussi  forte  que  le  maître:  "Trois  mois  après  que  Madame  de  La 
Fayette  eut  commencé  d'apprendre  le  latin,  "  fit-on  dans  ^Se- 
graisiana,  "elle  en  savait  déjà  plus  que  Monsieur  Ménage  et  que 

1  Ménage  lui  adresse  dans  ce  même  recueil  des  idylles,  élégies,  épi- 
grammes,  madrigaux,  ballades,  en  français,  des  élégies  et  des  épigrammes 
en  latin,  des  madrigaux  en  italien,  etc. 

2  Mém.  Sév. 


30  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

le  Père  Rapin^,  ses  maîtres  :  en  la  faisant  expliquer,  ils  eurent 
dispute  ensemble  touchant  l'explication  d'un  passage  et  ni  l'un 
ni  l'autre  ne  vouloit  se  rendre  au  sentiment  de  son  compagnon  : 
Madame  de  La  Fayette  leur  dit,  vous  n'y  entendes  rien  ni  l'un 
ni  l'autre  ;  en  effet  elle  leur  dit  la  véritable  explication  de  ce  pas- 
sage, ils  tombèrent  d'accord  qu'elle  avait  raison.  C'était  un 
poète  qu'elle  expliquoit,  car  elle  n'aimoit  pas  la  prose,  et  elle  n'a 
pas  lu  Cicéron:  mais  comme  elle  se  plaisoit  fort  à  la  poésie,  elle 
Usoit  particulièrement  Virgile  et  Horace  et  comme  elle  avoit 
l'esprit  poétique  et  qu'elle  savoit  tout  ce  qui  convenoit  à  cet  art, 
elle  pénétroit  sans  peine  le  sens  de  ces  auteurs." 

Outre  le  latin  et  l'italien.  Madame  de  La  Fayette,  a  fait  un  peu 
d'hébreu.  Une  instruction  aussi  sohde,  frisant  même  la  pédan- 
terie, était  une  exception  à  l'époque,  car  on  craignait  fort  que 
ces  connaissances  ne  vinssent  à  gâter  l'éducation  d'une  femme 
du  monde.  Madame  de  La  Fayette  elle-même  disait  "qu'elle 
n'avoit  pas  connu  de  gens  plus  malhonetes  (sic)  que  les  savans^." 
Or  il  s'agissait  au  XVIIe  siècle  d'éviter  tout  ce  qui  était  mal- 
honnête. La  femme  était  destinée  à  briller  dans  la  société,  non 
pas  à  pâUr  dans  le  cabinet  de  travail.  Pas  instruites,  incapables 
de  bien  mettre  l'orthographe  dans  une  lettre,  voilà  les  jugements 
qu'on  porte  sur  les  femmes  de  la  cour  de  Louis  XIV.  Cet  état 
lamentable  était  dû,  paraît-il,  à  un  manque  d'instruction  sohde. 
Et  bien  qu'il  ne  manquât  pas  alors  de  gens  éclairés  pour  réclamer 
plus  de  méthode  dans  l'instruction  des  jeunes  filles^,  la  plupart 
des  parents  se  contentaient  de  leur  laisser  acquérir  dans  la 
fréquentation  du  monde  l'éducation  qui  devait  les  guider  dans 
la  société. 

Madame  de  La  Fayette  a  profité  des  deux  méthodes.  L'une, 
appliquée  par  Ménage,  a  peut-ttre  développé  en  elle  cette 
"divine  raison"  qu'on  loue — sans  toutefois  mettre  son  ortho- 
graphe à  l'abri  de  la  critique;  l'autre  l'a  empêchée  de  devenir 

^  Le  Père  Rapin  ne  dit  pas  qu'elle  ait  été  son  élève.  Il  n'en  fait  pas 
mention  dans  ses  Mémoires  sauf  pour  lui  reprocher  la  fréquentation  des 
milieux  Jansénistes,  i.  403.  ^  Segraisiana,  p.  89. 

^  P.e.  :  Mlle  de  Goumay,  De  l'égalité  des  hommes  et  des  femmss,  8°, 
1662;  Mlle  de  Schurman,  Dissertatio  de  muliebris  ingenii  ad  doctrinam 
et  melioris  Utteras  aptittiaine,  Lyon,  8°,  1641;  Poiillain  de  la  Barre, 
De  V égalité  des  deux  sexes,  1673;  Jacques  du  Bosc,  Uhonneste  femme, 
4°,  1635  (3«  éd.).  Enfin,  et  mieux  connus:  Fénelon,  U Éducation  des 
Filles,  1687;  Fleury,  Traité  des  études,  1686;  Molière,  Mme  de  Sévigné, 
La  Bruyère,  passim;  Le  Grand  Cyrus,  x,  p.  550.  Sur  tout  ce  vaste  sujet 
voir  Rousselot,  Éducation  des  Femmes,  p.  280  et  suiv. 


n]  La  Jeune  Fille  31 

une  "femme  savante,"  une  Philaminte  ou  une  Armande,  et  a 
donné  à  ses  romans  ce  ton  de  conversation  entre  gens  bien 
élevés,  qui  en  fait  le  charme. 

Il  nous  est  difficile  aujourd'hui  de  pénétrer  bien  avant  dans 
son  travail  avec  Ménage,  mais  il  nous  est  heureusement  permis 
de  jeter  un  rapide  coup  d'œil  sur  la  société  où  elle  a  fait  son 
éducation. 

Pour  la  majorité  des  jeunes  filles  du  temps  et  pour  beaucoup 
de  jeunes  gens  la  fréquentation  du  monde  poli  était  l'école  où 
on  acquérait,  à  force  d'écouter  et  d'imiter,  toute  l'instruction  et 
toute  l'éducation  nécessaires  pour  faire  bonne  figure  à  la  Cour. 
Au  début,  on  savait  que  l'on  était  là  pour  apprendre,  et  plus 
tard  on  servait  de  modèle.  N'imaginons  pas  cependant  une 
société  aussi  guindée  qu'on  la  représente  parfois,  et  surtout  ne 
lui  attribuons  pas  une  déhcatesse  outrée  en  prenant  à  la  lettre 
les  railleries  de  Molière.  En  faussant  le  vrai  caractère  de  la 
société  dans  laquelle  elle  vivait,  on  fausse  également  celui  de 
Madame  de  La  Fayette.  Quand  on  aimait  à  montrer  l'influence 
de  Brantôme  sur  la  Princesse  de  Clèves,  il  s'est  trouvé  un  critique 
pour  répondre  "Elle  a  dû  faire  lire  Brantôme  par  le  duc  de  la 
Rochefoucauld  car  il  est  par  trop  grossier  pour  qu'elle  ait  pu  le 
lire  elle-même."  Certes,  Brantôme  appelle  les  choses  par  leur 
nom,  mais  Madame  de  La  Fayette  y  était  habituée  car  on 
faisait  de  même  dans  la  conversation  autour  d'elle.  On  n'en 
était  pas  encore  arrivé  à  éviter  le  mot  propre  et  précis  qui  ex- 
prime ce  qui  est  naturel,  on  ne  savait  pas  désigner  ce  qui  n'est 
ni  naturel  ni  avouable  à  l'aide  de  ces  périphrases  qui  remplacent 
le  terme  considéré  comme  blessant  et  qui  permettent  à  l'imagi- 
nation surchauffée  de  se  représenter  les  réalités  avec  trop  de 
netteté. 

"Il  y  a  deux  siècles  de  Louis  XIV,  "  dit  Sainte-Beuve,  "l'un 
noble,  majestueux,  magnifique,  sage  et  réglé  jusqu'à  la  rigueur, 
décent  jusqu'à  la  solennité,  représenté  par  le  roi  en  personne,  par 
ses  orateurs  et  ses  poètes  en  titre,  par  Bossuet,  Bourdaloue, 
Racine,  Despréaux — et  puis  un  autre  siècle  qui  coule  dessous 
pour  ainsi  dire,  comme  un  large  fleuve  coulerait  sous  un  large 
pont  et  qui  va  de  l'ime  à  l'autre  régence,  de  celle  d'Anne 
d'Autriche  à  celle  de  Philippe  d'Orléans^."  Personne  aujourd'hui 
ne  discute  ce  fait  connu,  et  pourtant  la  façon  dont  on  appUque 
cette  certitude  à  l'étude  de  la  Uttérature  est  parfois  des  plus 
bizarres.  Tel  auteur  est  sur  le  pont — jamais  ailleurs,  tel  autre 
^  Et  voir  Victor  du  Bled,  La  Société  française,  é'^  série,  p.  156. 


32  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

est  dans  le  fleuve  et  n'en  veut  point  sortir.  Bref  les  deux  aspects 
du  siècle  restent  aussi  distincts  que  l'eau  et  le  pont. 

Au  début  du  XVIIe  siècle  on  s'affranchit  de  la  sauvagerie 
du  siècle  précédent;  on  atteindra  l'apogée  à  la  fleur  d'âge  du 
roi  Louis  XIV,  puis  on  déclinera  rapidement  ;  le  contraste  entre 
les  pères  et  les  fils  ira  grandissant.  "L'on  parle  d'une  région,"  dit 
La  Bruyère^  à  propos  de  la  Com",  "où  les  vieillards  sont  galants 
polis  et  civils,  les  jeunes  gens  au  contraire  durs,  féroces,  sans 
mœurs  ni  politesse."  Madame  de  La  Fayette  a  été  formée  au 
moment  où  l'on  cherchait  à  secouer  le  joug  du  XVIe  siècle,  et  à 
former  une  société  plus  pohe,  plus  raffinée,  où  la  femme  méri- 
terait et  exigerait  le  respect  de  l'homme.  Plus  tard,  quand  les 
femmes  abuseront  du  tabac  et  du  vin^  Madame  de  La  Fayette  ne 
fréquentera  plus  le  monde  ;  elle  vivra  retirée  dans  sa  maison  de 
la  rue  de  Vaugirard  et  répondra  quand  on  voudra  lui  présenter 
une  personne,  même  de  son  âge,  "Je  suis  trop  vieille  pour  com- 
mencer des  connaissances^."  Mais  du  moment  qu'on  faisait  effort 
pour  raffiner  la  conversation  et  épurer  les  mœurs,  c'est  que  l'état 
général  laissait  à  désirer  et  les  femmes  qui  voulaient  se  hausser 
au-dessus  du  niveau  commun  ne  pouvaient  pas  ignorer  la  bru- 
talité et  la  vulgarité  qui  les  entouraient,  ni  arriver  à  leur  idéal 
sans  passer  par  des  étapes  qui  sont  peut-être  ignorées  des  jeunes 
filles  de  nos  jours.  Et  tout  en  s'observant,  elles  ne  bannissaient 
pas  la  gaieté  assaisonnée  parfois  de  gros  sel;  l'esprit  gaulois 
abusait  des  droits  qu'on  lui  laissait.  Le  soldat  revenait  à  la  cour 
au  début  de  l'hiver  avec  les  manières  des  camps  et  à  voir  com- 
ment on  faisait  la  guerre  à  cette  époque*  on  ne  peut  pas  imaginer 
un  soldat,  de  quelque  rang  qu'il  fût,  membre  d'une  société  poHe. 
Cependant  l'atmosphère  créée  par  les  réunions  féminines  réus- 
sit à  apprivoiser  ces  guerriers  et  à  faire  de  chacun  d'eux  un 
"honnête  homme." 

Cette  réaction,  plus  involontaire  que  l'on  ne  croit  d'habi- 
tude, contre  les  manières  des  camps,  est  généralement  considérée 
comme  l'œuvre  de  l'Hôtel  de  Rambouillet;  aussi,  puisque,  au 

1  De  la  Cour,  Ch.  vni. 

2  Voir  Saint-Simon;  La  Palatine;  LeDécalogue  de  la  Femme  de  Cour; 
Mme  de  Maintenon,  Conseils  aux  Demoiselles,  i.  pp.  46,  166;  Boileau, 
Satires  sur  les  femmes,  etc. 

^  Lettre  à  Ménage. 

*  Voir  Alphonse  Feillet,  La  misère  au  temps  de  la  Fronde,  5^  éd. 
pp.   33,   127,   190,   498  ;   State  Papers,  France,    vol.   ccxxi.  ;   Retz,   La  Ij 

véritable  harangue  faite  au  Roy. ...1652;  John  lEvelyn,  Diary,  1906,  ii.  *! 

p.  19. 


Il]  La  Jeune  Fille  33 

dire  de  certains  biographes^,  cet  Hôtel  a  beaucoup  contribué 
à  l'éducation  de  la  future  Madame  de  La  Fayette,  il  faut  en 
dire  quelques  mots. 

École  de  moralité,  réunion  de  précieuses,  monde  où  l'on 
s'ennuie  pour  garder  sa  réputation  de  bel  esprit — voilà  quelques- 
uns  des  aspects  de  l'Hôtel  de  Rambouillet.  Le  souvenir  de 
Molière  est  pour  beaucoup  dans  notre  fausse  conception  de 
l'Hôtel — et  c'est  notre  faute  car  rien  ne  nous  autorise  à  prendre 
à  la  lettre  et  comme  s'appliquant  directement  à  cette  réunion, 
tout  ce  que  Molière  a  dit  des  précieuses.  Mais  Walckenaer  et 
Victor  Cousin  ont  aussi  leur  part  de  responsabilité  et  ici  nous 
ne  sommes  guère  à  blâmer,  car  les  études  de  l'un  et  de  l'autre 
nous  inspirent  du  respect  pour  leurs  opinions.  L'intelligence  de 
Cousin  fut  malheureusement  égarée  par  ses  sentiments;  peu  à 
peu  il  devint  amoiureux,  tout  bonnement,  des  belles  femmes  du 
XVII^  siècle.  Sa  passion  ne  fit  plus  de  distinctions  entre  elles; 
elles  étaient  joHes,  donc  elles  étaient  saintes.  Les  belles  péche- 
resses devinrent  des  doctoresses  graves  ou  de  valeureuses  ama- 
zones. Les  universitaires  suivirent  Victor  Cousin  et  voici  à  peu 
près  en  quels  termes  ils  s'habituèrent  à  représenter  l'Hôtel: 
"Madame  de  Rambouillet,  outrée  de  la  brutaHté  de  la  cour  de 
Henri  IV,  se  retira  dans  une  maison  qu'elle  avait  fait  construire 
tout  exprès  et  se  consacra  à  reformer  la  langue  française  et  à 
codifier  la  poHtesse."  Cette  maison  devenait  dans  l'enseigne- 
ment ordinaire  une  sorte  de  temple  où  des  lévites  vêtus  de  ratine 
sombre,  s'occupèrent  à  regratter  des  syllabes,  à  peser  les  mots 
au  trébuchet,  à  les  faire  sonner  sur  des  tables  de  marbre  pour 
en  vérifier  l'aloi,  à  rejeter  les  mauvais  dans  des  corbeilles,  à 
poinçonner  les  autres  pour  la  circulation.  Au  fond  du  temple, 
une  chapelle  uniformément  tendue  de  bleu  :  là,  vêtue  de  je  ne 
sais  quelle  robe  mi-laïque,  mi-sacerdotale,  étendue  sur  un  Ut 
de  repos,  la  marquise  souriait,  figée  dans  une  pose  prétentieuse 
et  hiératique;  de  temps  en  temps  elle  convoquait  les  menus 
officiants  à  lui  venir  rendre  compte  de  leurs  grammaticales 
liturgies;  devant  de  grands  seigneurs  spécialement  appelés  à 
ces  fêtes  pédantes,  poètes,  philologues,  prosateurs,  faisaient  le 
cercle  sur  les  tabourets  de  chêne  mal  équarris,  chacun  à  son  tour 
se  levant  poiu-  débiter  une  interminable  et  bien  pédantesque 

^  D'après  Petitot.  qui  donne  Segraisiana  comme  source,  "elle  sut  se 
concilier  l'amitié  de  Mme  de  Rambouillet  et  apprit  beaucoup  d'elle." 
D'après  Emile  Magne,  Voiture  et  les  années  de  gloire  de  VHôtel  de  Ramb. 
p.  326,  la  marquise  ne  semble  pas  avoir  encouragé  ses  visites. 

A.  3 


34  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

harangue:  après  quoi  la  marquise  prononçait  des  arrêts,  et 
tous,  avec  une  révérence,  se  départaient  jusqu'au  prochain 
office^. 

Le  tableau  présenté  dernièrement  par  M.  Emile  Magne^ 
nous  semble  plus  vraisemblable.  D'après  lui,  Madame  de  Ram- 
bouillet ne  rompit  jamais  avec  le  monde,  mais,  épuisée  par 
plusieurs  maternités,  elle  en  supportait  mal  les  fêtes;  comme  elle 
ne  voulait  pas  pour  cela  s'imposer  de  claustration,  eUe  s'efforça 
d'attirer  dans  son  hôtel  l'éhte  de  la  cour  et  de  la  bourgeoisie; 
elle  y  réussit  lentement  à  force  de  douceur  charmante,  d'at- 
tachante bienveillance,  de  diplomatie  attentive  et  de  largeur 
d'esprit  ;  pourvu  que  les  gens  fussent  honorables,  favorablement 
cautionnés  et  qu'ils  gardassent  dans  leurs  propos  cette  décence 
qui  n'empêche  pas  les  allusions  gaillardes  d'être  hasardées  et 
comprises,  elle  ne  s'enquérait  point  de  leur  façon  de  vivre,  ni 
de  leurs  haisons  galantes;  même  elle  ne  répugnait  pas  à  goûter 
le  plaisir  délicieux  de  l'indulgence  ;  eUe  recevait,  en  même  temps 
que  Voiture,  Madame  de  Sainctot  son  "amie"  déclarée,  et  eUe 
avait  depuis  longtemps  renoncé  à  faire  le  compte  des  amants 
de  Mlle  Paulet  ;  elle  ne  demandait  pas  davantage  à  des  Yveteaux 
si  la  renommée  le  calomniait  en  prétendant  qu'il  reconstituait 
les  fêtes  de  la  Rome  païenne  dans  sa  maison  soUtaire  du  fau- 
bourg Saint-Grermain.  Madame  de  Rambouillet  était  malade 
et  ne  cherchait  que  la  distraction.  "Elle  n'a  de  santé  que  de 
l'esprit,"  écrit  Chapelain,  "....les  galanteriesde  l'Hôtel  ne  se  font 
toujours  que  pour  divertir  Arthénice,  qui  en  a  grand  besoin." 
Les  galanteries  que  l'on  trouve  pour  distraire  la  marquise  sont 
pour  nous  étonner  un  peu.  On  y  amène  un  bateher  de  foire 
comme  on  y  amènera  des  gens  de  lettres  assez  peu  habitués  aux 
costumes  et  aux  habitudes  de  la  cour  pour  que  l'on  puisse  se 
moquer  ouvertement  d'eux.  La  raillerie  est  quelquefois  crueUe 
et  les  tours  que  l'on  joue  sont  méchants  et  ressemblent  fort  à 
du  "horse  play."  Certes  les  conversations  littéraires  ne  furent 
pas  exclues  de  l'Hôtel,  mais  on  causait  librement  au  Ueu  de 
faire  académie.  En  fin  de  compte  nous  croyons  que  l'influence 
de  l'Hôtel,  tant  httéraire  que  morale,  a  été  bonne. 

^  Nous  avons  pris  cette  description  presque  mot  à  mot  d'un  article  de 
M.  Henri  Kermor  à  propos  des  livres  de  M.  Magne  dont  il  sera  question 
plus  loin.  Cet  article,  publié  dans  le  supp.  du  Figaro,  le  6  jan.  1912,  résume 
mieux  que  nous  aurions  pu  le'faire  ce  que  nous  avions  à  dire  sur  ce  sujet. 

2  Voiture  et  les  origines  de  V Hôtel  de  Rambouillet.  Voiture  et  les  années 
de  gloire  de  VHôtel  de  Rambouillet,  2  vols,  in  16,  1911,  1912  (Mercure). 


Il]  La  Jeune  Fille  35 

Mesdames  de  Sévigné  et  de  La  Fayette  paraissent  avoir  peu 
fréquenté  l'Hôtel;  elles  n'y  ont  paru  qu'assez  tard,  mais  elles 
connaissaient  la  plupart  des  gens  qui  y  étaient  reçus  et  ont  dû 
en  subir  l'influence.  On  s'est  évertué  à  nous  expliquer  pourquoi 
le  goût  de  ces  deux  femmes  n'a  pas  été  faussé  par  leur  fré- 
quentation de  l'HôteP.  Inutile  de  répéter  les  arguments  mis  en 
avant.  Leur  passage  fut  court  et  ceci,  joint  à  ce  que  nous  venons 
de  dire  sur  la  nature  des  réunions,  offre  une  explication  suffisante. 
Madame  de  La  Fayette  fréquenta  un  autre  salon — celui  de 
Fresnes — et  il  ressortira  de  sa  correspondance  que  là  encore  on 
s'occupait  autant  de  jeux  bruyants  que  de  discussions  pré- 
cieuses. Madame  de  La  Fayette  figure  souvent  parmi  les  pré- 
cieuses, car  elle  a  tenu  salon^  mais  elle  fut  parmi  les  premières  à 
se  moquer  de  la  préciosité^  telle  que  Molière  nous  la  fait  connaître. 
L'appeler  précieuse,  en  donnant  au  mot  le  sens  que  Scarron  lui 
donne  dans  une  lettre  à  Madame  de  La  Vergne  "Je  baise 
humblement  les  mains  à  Monseigneur  de  Sévigny  à  Melle  de  la 
Vergne,  toute  lumineuse,  toute  précieuse,  etc....^,"  c'est  lui 
faire  un  grand  compliment  ;  l'appeler  précieuse  dans  le  sens  que 
le  mot  a  pris  depuis,  ce  serait  encore  vrai  à  une  certaine  époque 
de  sa  vie,  mais  on  ne  peut  pas  lui  appliquer  l'étiquette  sans  tenir 
compte  de  l'évolution  de  son  caractère.  Nous  en  reparlerons 
ailleurs.  La  plus  grande  erreur  des  historiens  de  la  littérature 
consiste  à  prêter  à  tous,  et  surtout  aux  femmes,  une  délicatesse 
exagérée  qu'elles  étaient  loin  de  posséder.  La  déhcatesse  se 
retrouvera  dans  les  œuvres  de  Madame  de  La  Fayette  comme 
dans  la  plupart  des  chefs-d'œuvre  du  siècle,  mais  il  faut  lui  en 
faire  un  mérite,  au  lieu  de  trouver  que  cette  délicatesse  découle 
tout  naturellement  de  la  vie  raffinée  de  l'époque. 

Nous  avons  déjà  fait  allusion,  dans  une  note,  à  la  brutalité 
en  temps  de  guerre  ;  ce  n'est  pas  seulement  dans  les  camps  qu'on 
est  cruel.  De  Retz  nous  parle,  tout  naturellement,  d'un  certain 
Montandré,  méchant  écrivain,  à  qui  Vardes  avait  fait  couper  le 
nez  "pour  je  ne  sais  quel  libelle  qu'il  avait  fait  contre  Mme  la 
Maréchale  de  Guébriant,  sa  sœur."    À  Paris,  des  monstres  de 

1  Petitot,  Intro.  aux  Mém.  de  Mme  de  La  Fayette,  lxiv.  p.  338,  et 
Walckenaer,  Mém.  Sév.  i.  pp.  24  et  siiiv. 

2  Voir   Somaize,  Dict.  des  Précietises   (Articles   (1)   Féliciane   et   (2 
Rédiiits). 

^  "On  a  vu  une  lettre  d'elle  qu'elle  a  donné  au  public  pour  se  moquer 

de  ce  qu'on  appelle  les  mots  à  la  mode  et  dont  l'usage  ne  vaut  rien " 

Biissy-Rabutin,  Gorr.  i.  262.  *  Scarron,  Œuvres,  1786,  i.  p.  174. 


36  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

perversité  coudoient  de  véritables  saints  et  l'affaire  des  poisons, 
bien  connue  aujourd'hui  par  la  divulgation  des  documents  de  la 
Bastille,  révèle  dans  la  société  de  cour  des  abîmes  de  super- 
stition et  de  crimes  insoupçonnés  de  Saint-Simon  lui-même^. 
Une  exécution  capitale  est  un  spectacle  public  qui  attire  tou- 
jours une  foule  nombreuse.  Les  gens  de  qualité  ne  craignaient 
pas  d'assister  à  ces  sinistres  exhibitions,  tandis  que,  seuls  de  nos 
jours,  assistent  aux  exécutions  capitales  des  gens  tarés  ou  de 
moralité  douteuse,  à  quelque  classe  d'ailleurs  qu'ils  appartien- 
nent. Madame  de  Sévigné  s'en  vient  tout  exprès  de  la  Place 
Royale  pour  voir  mourir  la  Brinvilliers. 

La  langue  était  aussi  brutale  que  les  mœurs  ;  si  l'on  ne  peut 
aller  aux  documents,  qu'on  parcoure  les  livres  de  M.  Magne; 
on  y  trouvera  souvent  des  mots,  là  où  des  étoiles  auraient  suffi. 
Un  exemple,  et  des  plus  connus,  suffira  pour  donner  une  idée  de 
la  Uberté  de  langage.  "Madame  de  Rambouillet,"  écrit  Talle- 
mant,  "est  un  peu  trop  comphmenteuse  pour  certaines  gens  qui 
n'en  valent  pas  trop  la  peine;  mais  c'est  un  défaut  que  peu  de 
personnes  ont  aujourd'hui,  car  il  n'y  a  plus  guère  de  civilités. 
Elle  est  un  peu  trop  délicate,  et  le  mot  de  teigneux  dans  un 
satire  ou  dans  un  épigramme,  lui  donne,  dit-elle,  une  vilaine  idée. 
On  n'oserait  devant  elle  prononcer  le  mot  de  cul.  Cela  va  dans 
Vexcès^  surtout  quand  on  est  en  liberté.'''' 

La  plupart  des  amis  de  Tallemant  étaient  probablement  de 
son  opinion  puisque  Madame  de  Sévigné  n'hésite  pas  à  employer 
le  même  mot^.  Bien  d'autres  mots,  que  les  journaux  eux-mêmes 
n'osent  plus  imprimer  en  toutes  lettres,  revenaient  souvent  sur 
les  lèvres  et  sous  la  plume. 

Dans  ce  mélange  disparate  d'extrême  raffinement  et  d'ex- 
trême grossièreté  qui  caractérise  l'époque  où  vivait  Madame  de 
La  Fayette,  ce  ne  sont  pas  les  propos  seuls  qui  sont  malpropres  ; 
les  personnes  ne  l'étaient  pas  moins.  Au  Louvre  "le  flot  montant 
et  descendant  des  courtisans,  des  gens  d'affaires,  des  soldats,  des 
provinciaux,  des  fournisseurs  et  de  la  valetaiUe  considérait  les 
escahers,  les  balcons,  les  corridors,  le  derrière  des  portes,  comme 
des  endroits  propices  au  soulagement  de  la  nature.   C'était  une 

^  Voir  Victor  du  Bled,  La  Société  fr.  3^  série,  p.  28,  et  Fiinck-Brentano, 
'L'affaire,  des  poisons. 

2  Pour  la  grossièreté  de  l'époque  voir  les  Mém.  de  Conrart,  à  propos 
de  la  Grande  Mademoiselle  ;  La  Gazette  de  Loret,  13  août  1651  ;  Tallemant, 
à  propos  du  Marquis  de  La  Case;  d'Avenel,  Richelieu  et  la  monarchie 
absolue.  ^  Lettre  du  26  août  1671.  ii.  337. 


Il]  La  Jeune  Fille  37 

servitude  immémoriale,  qui  existait  aussi  bien  à  Vincennes  et 
à  Fontainebleau,  et  qu'on  n'abolit  point  sans  peine  :  il  est  encore 
parlé  dans  un  document  postérieur  à  1670  des  "mille  ordures" 
et  des  "mille  puanteurs  insupportables  "  qui  faisaient  du  Louvre 
un  foyer  d'infection  très  dangereux  en  temps  d'épidémie.  Les 
grands  de  la  terre  acceptaient  ces  choses  comme  des  fatalités 
et  se  contentaient  de  faire  donner  un  coup  de  balai^."  Si  les 
grands  se  contentaient  si  facilement  de  cet  état  de  choses,  c'est 
qu'ils  n'étaient  guère  supérieurs  à  la  "valetaille."  Saint-Simon 
raconte  que  le  duc  de  Vendôme  donnait  ses  audiences  sur  la 
chaise  percée,  qu'on  se  servait  de  ce  meuble  intime  comme  d'un 
fauteuil,  que  des  princes  et  princesses  admettaient  leurs  fami- 
liers pendant  la  séance.  On  passera  sous  silence  ce  que  faisait 
la  Dauphine  dans  le  cabinet  du  roi,  d'après  la  Palatine;  ce  fait, 
espérons-le,  fut  exceptionnel.  Madame  de  Sévigné,  quand  elle 
va  aux  eaux,  entre  dans  des  détails  un  peu  surprenants  pour 
nous  autres  et  personne  ne  s'étonnait  à  l'Hôtel  de  Rambouillet 
lorsque,  une  dame  ayant  pris  médecine.  Voiture  écrit  des  vers 
sur  les  résultats  de  l'opération. 

Les  grands  ne  sont  pas  plus  propres  sur  leurs  personnes.  Un 
manuel  de  savoir-vivre  de  1 673,  qui  eut  un  grand  succès,  conseille 
aux  personnes  de  la  cour  de  "se  tenir  la  tête  nette,  les  yeux  et 
les  dents,  les  mains  aussi  et  même  les  pieds,  particuHèrement  en 
été,  pour  ne  pas  faire  mal  aux  gens  avec  qui  nous  causons." 
Faret^  avait  déjà  conseillé  au  courtisan  de  penser  un  peu  à  ses 
voisins:  "Qu'il  tienne  sa  barbe  ajustée  avec  soin,  à  cause  de 
l'incommodité  qu'autrement  il  en  recevroit  à  parler  et  à  manger  ; 
et  particuHèrement  qu'il  ait  tousiours  les  dents  et  la  bouche  si 
nettes,  que  jamais  il  ne  puisse  incommoder  de  son  haleine  ceux 
qu'il  entretient." 

Un  autre  manuel  de  bon  ton,  publié  en  1640  à  l'usage  des 
petits  maîtres,  recommandait  de  se  laver  les  mains  tous  les  jours 
et  le  visage  presque  aussi  souvent.  La  méthode  employée  par  les 
gens  soigneux  c'était  de  passer  sur  leur  visage  un  petit  tampon 
de  coton  imbibé  d'alcool  aromatisé. 

Ces  petits  manuels  de  savoir-vivre  sont  fort  intéressants,  car 
ils  nous  permettent  de  prendre  les  contemporains  sur  le  vif. 
Voulez-vous  voir  la  tenue  d'un  courtisan  "en  audience  d'un 
grand"?  "Il  faut  avoir,"  dit  de  Courtin,  "sesgands  aux  mains 
et  se  tenir  tranquille  sur  son  siège  :  ne  point  croiser  les  genoux, 

^  Voir  Arvède  Barine,  La  jeunesse  de  la  Or.  Mlle,  p.  11. 
*  Uhonneste  homme  ou  Vart  de  plaire  à  la  Court,  1630. 


38  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

ne  point  badiner  avec  ses  glands,  son  chapeau,  ses  gands,  etc.... 
ny  se  fouiller  dans  le  nez,  ou  se  grater  autre  part.  Il  faut  éviter 
de  bâiller,  de  se  moucher  et  de  cracher,  et  si  on  y  est  obligé  là, 
et  en  d'autres  heux  que  l'on  tient  proprement,  il  faut  le  faire  dans 
son  mouchoir.... et  ne  pas  regarder  après  dans  le  mouchoir.... 
Si  on  est  assis  auprès  du  feu,  il  faut  bien  se  donner  de  garde  de 
cracher  dans  le  feu,  sur  les  tisons,  ni  contre  la  cheminée." 

Et  pourtant,  en  même  temps  que  ces  préceptes  de  propreté 
élémentaires,  nous  avons  le  raffinement  suivant:  "Que  si  elle 
(la  personne  visitée)  éternuoit  il  ne  faut  pas  lui  dire  tout  haut 
Dieu  vous  assiste,  mais  il  faut  seulement  se  découvrir  et  faire 
une  profonde  révérence,  faisant  un  souhait  intérieurement^." 

Voilà  bien  le  dix-septième  siècle  avec  ses  extrêmes  de  poli- 
tesse raffinée  et  de  grossièreté.  Et  partout  on  trouve  des  con- 
tradictions frappantes.  On  voit  la  piété  se  concilier  comme  par 
un  accord  naturel  avec  une  pente  marquée  à  la  dissipation,  aux 
plaisirs,  et  même  au  relâchement  des  mœurs.  L'étiquette  a 
caché  sous  la  régularité  extérieure  bien  des  choses  qui  semblent 
singuhères,  inexplicables  même.  Mais  au  miUeu  de  cette  diversité 
des  mœurs  on  notera  surtout  l'influence  d'un  principe  que  l'Hôtel 
de  Rambouillet  mit  bien  en  évidence.  La  déhcatesse,  mot  mis 
dans  le  courant  de  tous  les  écrits  du  siècle,  se  rencontre  parmi 
les  jeux  grossiers  de  l'Hôtel,  parmi  les  désordres  de  la  galanterie, 
de  la  sensuahté  et  du  "libertinage."  Après  avoir  vu,  d'une  part, 
les  malheurs  des  paysans  et,  d'autre  part,  le  luxe  des  bourgeois, 
tels  que  les  graveurs  du  temps  les  représentent,  après  avoir 
fouillé  dans  les  coins  mal-odorants  de  l'époque  et  trouvé  sous 
les  dentelles  des  gentilshommes  l'homme  qui  triche  au  jeu^  et 
se  plonge  dans  la  basse  débauche 3,  on  est  forcé  d'admettre  que 

^  (Ant.  de  Cotirtin),  Nouveau  traité  de  civilité....  2^  éd.  1675. 
2  Le  beau-frère  de  Grammont,  par  exemple,  raconte  le  plus  tranquille- 
ment du  monde  avec  quel  cynisme  il  fait  des  dupes  en  tout  Ueu.    Rien 
de  plus  fréquent  que  ces  piperies,  ces  fraudes,  même  à  Versailles  sous  les 
yeux  du  roi.    Voir  Mém.  de  Grammont,  Tallemant  des  Réaux,  etc.   Pour 
lafureurdu  jeu  voir  Amedée  Renée,  Les  mècesdeMa2arm,App.  B,p.  411. 
^  Voir  Fo\xmier,  Var.  Hist.  ii.  vm.  passim  (textes  contemporains). 
Le  Nouveau  Théophile  dans  V Éventail  satyrique,  1628,  écrit  ainsi: 
Si  le  grave  censeur  de  Rome 
Vivoit  en  ce  temps  où  nous  sommes. 
On  ne  verroit  tant  d'hôpitaux. 
Tant  de  gueux,  tant  de  covirtisanes, 
Tant  d'abus,  tant  de  mœurs  profanes. 
Tant  de  cocus  et  maquereaiix. 


Il]  La  Jeune  Fille  39 

c'est  après  tout  les  œuvres  de  Lebrun  et  Lenôtre,  les  plafonds, 
les  jardins  et  les  bassins  de  Versailles  qui  représentent,  non  pas 
la  vie  du  siècle  (c'est  là  l'erreur  que  l'on  a  faite),  mais  bien  les 
aspirations  du  siècle.  Pour  en  comprendre  la  vie,  il  faut  voir, 
en  même  temps  que  les  gravures  de  la  Cour  en  toute  sa  splendeur, 
celles  qui  représentent  le  peuple  ruiné  par  la  guerre:  Chauveau, 
Le  Clerc,  de  Poilly,  Bonnart,  Guérard,  nous  feront  donc  voir  la 
Cour,  la  campagne  et  la  villei.  Mais  pour  comprendre  l'idéal  de 
cette  vie  les  peintres  de  la  cour  suffiront. 

Attribuer  ce  règne  de  la  délicatesse  uniquement  aux  con- 
ventions du  temps  et  aux  règles  de  l'étiquette  n'est  point  aller 
jusqu'au  fond  des  choses.  Il  y  eut  là  un  penchant  dominant  qu'il 
faut  reconnaître — c'est  un  principe  d'idéalisme  dont  on  a  les 
témoignages  dans  la  constance  de  certaines  passions  qui  tiennent 
aux  événements  de  l'histoire,  dans  les  savantes  peintures  des 
mouvements  de  l'âme,  qui  ont  été  l'art  des  plus  grands  poètes, 
dans  le  règne  presque  absolu  des  femmes,  dans  la  pente  de 
quelques  grands  esprits  au  mysticisme,  et  dans  tant  d'autres 
faits  que  l'on  pourrait  marquer^.  On  découvrira  dans  le  carac- 
tère de  Madame  de  La  Fayette  les  influences  de  ce  monde  facile 
à  critiquer  à  cause  de  ses  faiblesses,  mais  imbu  du  désir  d'idéal.  Si 
nous  nous  sommes  un  peu  attardé  à  examiner  cette  société, 
c'est  que  l'influence  en  fut  grande  sur  notre  auteur  :  nous  pour- 
rions même  dire  que  la  vie  de  Madame  de  La  Fayette  c'est  la  vie 
de  son  temps,  et  que  son  œuvre  en  est  l'idéal.  C'est  dans  les 
contradictions  de  son  époque  que  nous  trouvons  l'explication  des 
contradictions  de  son  caractère  et  nous  croyons  fermement  que 
si  l'on  avait  examiné  d'un  peu  plus  près  la  société  où  elle  a  fait 
son  éducation^  on  n'aurait  pas  cru  nécessaire  de  "reviser" 
plusieurs  fois  l'opinion  qu'il  faut  avoir  d'elle;  on  aurait  évité 
d'abord  un  extrême,  puis  l'autre,  pour  rencontrer  la  vérité. 

Mais  Marie -Madeleine  allait  bientôt  être  privée  pendant 
quelque  temps  de  cette  société.  Son  beau-père  subit  le  contre- 
coup de  l'emprisonnement  du  cardinal  de  Retz  à  Vincennes,  et 
fut  en  même  temps  exilé  de  Paris.  Il  se  retira  en  Anjou  et  il  y  a 

^  Voir  Emile  Bourgeois,  Le  siècle  de  Louis  XIV,  Ses  arts,  ses  idées,  4P. 

2  Voir  Frémy,  Essai  sur  les  var.  du  style  fr 1843. 

3  "Il  règne  en  effet  sior  le  XVII^  siècle  plus  d'idées  fausses  que  l'on  ne 
pense  et  potu-  cette  raison  bien  simple  que  ce  que  nous  croyons  le  mieux 
connaître  étant  ce  que  noios  étudions  le  moins,  est  aussi  ce  que  très 
souvent  nous  connaissons  le  plus  mal."  Brvinetière,  La  soc.  préc.  au  XVII* 
siècle.  Études  crit.  2^  série,  p.  3. 


40  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

lieu  de  croire  que  sa  femme  et  sa  belle-fille  l'accompagnèrent  car 
deux  lettres  de  Costar,  sans  date  il  est  vrai,  mais  écrites  avant  le 
mariage,  parlent  de  l'isolement  de  Marie -Madeleine  à  la  cam- 
pagne^.  Dans  la  première  il  demande  "comment  vous  vous 
accommodez  des  nobles  de  vostre  voisinage  ;  s'ils  ne  vous  trou- 
vent point  plus  aimable  qu'il  ne  seroit  nécessaire  pour  vostre 
repos  ;  si  vous  avez  trouvé  l'invention  d'attirer  leur  estime  et  leur 
bienveillance  sans  attirer  leurs  importunités  et  leurs  visites  trop 
assidues,  et  enfin  si  vous  avez  pu  sauver  et  mettre  à  couvert  de 
leurs  persécutions  assez  de  loisir  pour  l'employer  à  lire  de  belles 
choses,  à  cultiver  vostre  esprit,  et  à  prendre  autant  de  soin  de 
luy,  qu'il  en  a  pris  de  vous  rendre  la  plus  sage  et  la  plus  heureuse 
fille  qui  vive? 2" 

Dans  la  seconde  Costar  estime  que  la  jeune  fille  lui  accorde 
trop  de  louanges  dans  une  lettre  qu'elle  lui  a  adressée  :  "Autre- 
ment, Mademoiselle,"  dit-il,  "j'appréhenderois  que  ceux  qui 
ne  trouvent  rien  à  dire  en  vous,  sinon  que  vous  avez  la  bouche 
trop  petite  et  que  vous  écrivez  aux  Beaux  Esprits,  n'y  remar- 
quent des  défauts  bien  plus  importants.  Et  certes  il  seroit  fort 
étrange  qu'une  personne  que  l'on  appelle  Incomparable,  qui  dans 
la  première  fleur  d'une  excellente  beauté  se  passe  si  aisément  de 
Paris  et  n'est  point  enchantée  de  la  Cour,  eust  découvert  en  mon 
petit  ouvrage  quelque  chose  capable  de  la  surprendre"  etc.^ 

Mademoiselle  de  La  Vergne  se  passait  donc  de  la  vie  de  cour 
sans  trop  se  plaindre  et  continuait,  par  la  lecture  et  la  corres- 
pondance avec  les  beaux  esprits,  l'instruction  qu'avait  com- 
mencée Ménage.  Ce  dernier  joue  pour  le  moment  le  rôle  d'un 
ami.  Le  8  août  1654,  le  cardinal  de  Retz,  avec  l'aide  de  Renaud 
de  Sévigné,  s'évade  de  Vincennes  et  trouve  nécessaire  de  s'ex- 
cuser auprès  de  son  gardien  le  maréchal  de  la  Meilleraye.  C'est 
Ménage  qui  est  chargé  de  lui  faire  parvenir  la  lettre  du  cardinal 
par  l'intermédiaire  de  Madame  de  Sévigné*. 

^  Ce  ne  fut  pas  le  seul  inconvénient  qu'elle  eut,  à  entrer  dans  la  famille 
Sé\'igné.  Le  marquis  lui  joue  vers  cette  époque  un  tour  assez  désagréable. 
Voir  Tallemant,  v.  475.  Et,  de  plus,  l'exil  ne  paraît  pas  avoir  calmé 
l'humeur  belliqueuse  de  son  beau-père.  Au  mois  de  jmn  1652  il  demande 
raison  au  duc  de  Rohan  de  sa  conduite  envers  la  marquise,  sa  parente. 
Tous  deux  se  rendaient  hors  de  la  ville:  xm  exempt  du  duc  d'Orléans, 
par  ordre  de  Son  Altesse  Royale,  vint  arrêter  Rohan  au  moment  où  les 
deux  combattants  venaient  de  mettre  bas  leiirs  pourpoints  et  de  tirer 
eurs  épées.   Voir  Loret,  Mvse  hist.  m.  85,  87. 

-  Lettres  de  Costar,  1658,  i.  p.  545.  ^  Ibid.  p.  547. 

*  Sévigné  (Mme  de),  Lettres,  i.  pp.  387-8. 


Il]  La  Jeune  Fille  41 

Il  arriva  à  ce  pauvre  Ménage,  un  peu  avant  cette  date,  une 
histoire  assez  désagréable.  Boileau  lui  apporta  une  élégie  latine 
pour  demander  son  opinion  ;  Halle,  poète  royal,  était  présent  et 
Ménage  trouva  bon  de  "traiter  Boileau  fort  de  petit  garçon^." 
"Nous  lirons  cela  une  autre  fois,"  a-t-il  dit,  "mais  lisez  mon 
élégie  latine  à  la  reine  de  Suède,  vous  en  apprendrez  plus  là  que 
chez  tous  les  anciens."  Boileau,  fâché  par  ce  procédé,  riposta  par 
VAvis  à  Ménage;  Le  Bailleur  n'eut  rien  de  mieux  à  faire  que 
d'en  donner  une  copie  à  Mlle  de  La  Vergne  ;  Ménage  l'apprit  et, 
au  dire  de  Tallemant,  il  en  fut  "furieusement  piqué."  Le  Bail- 
leur était  vraiment  une  mauvaise  langue  ;  ne  raconta-t-il  pas  à 
Tallemant  que  Mlle  de  La  Vergne  trouvait  Ménage  importun  et 
moins  "honnête  homme"  que  Giraut? 

Marie-Madeleine  a  atteint  sa  majorité;  sa  vie  de  jeune  fille 
va  bientôt  se  terminer.  Avant  de  dire  adieu  à  Mademoiselle  de 
La  Vergne  et  de  saluer  Marie -Madeleine  de  La  Vergne,  comtesse 
de  La  Fayette,  arrêtons -nous  un  instant  pour  voir  la  jeune  femme 
que  l'instruction  et  l'éducation  ont  formée. 

Bossédant  un  bagage  scientifique  peu  commun  à  l'époque, 
qui  lui  permet  de  correspondre  avec  les  savants,  elle  n'a  pourtant 
rien  elle-même  de  la  femme  savante.  Elle  croyait,  comme 
Fénelon,  qu'il  fallait  avoir  "une  pudeur  sur  la  science 2."  En 
dépit  de  l'opinion  commune  qu'il  ne  faut  pas  que  les  filles  soient 
savantes,  la  curiosité  les  rendant  vaines  et  précieuses^,  Marie- 
Madeleine,  loin  d'être  vaine,  était  d'opinion  que  "  celui  qui  se  met 
au-dessus  des  autres,  quelque  esprit  qu'il  ait,  se  met  au-dessus 
de  son  esprit*."  Son  instruction,  au  Heu  de  la  rendre  vaine  et 
pédante,  lui  avait  donné  le  goût  des  lectures — et  des  lectures 
solides  aussi  bien  que  des  romans,  car  elle  ne  méprisait  pas  ces 
derniers.  EUe  Usait  Montaigne  et  trouva  "qu'il  y  avoit  plaisir 
d'avoir  un  voisin  comme  lui^." 

Ces  lectures  avaient  pour  résultat  d'en  faire  une  femme  qui 
n'était  ni  pédante,  ni  coquette,  mais  éminemment  sage  et  raison- 
nable. Or,  comme  "  les  dames  qui  ont  quelque  science  ou  quelque 

1  Tallemant,  op.  cit.  v.  236  (3<=  édit.  T.  iv.  p.  214). 

2  Fénelon  dit  qu'une  jeune  fille  ne  doit  pas  même  parler  des  choses 
qui  sont  au-dessus  de  la  portée  commiine  des  filles,  quoiqu'elle  en  soit 
instrmte  {Éduc.  des  Filles,  Ch.  rx.). 

^  Voir  Fénelon,  op.  cit.  p.  2. 

*  Segraisiana,  p.  58.  Une  autre  femme  savante,  Mme  de  Staël, 
développera  les  mêmes  idées  bien  plus  tard.  Le  rapprochement  est  in- 
téressant à  faire.  Voir  De  la  litt ii.  {Des  femmes  qui  cultivent  les  lettres). 

Londres,  1813.  ^  Segraisiana,  p.  143. 


42  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

lecture,  donnent  beaucoup  de  plaisir  dans  la  conversation^," 
elle  brillait  dans  la  conversation  et  attirait  autour  d'elle  un 
groupe  qui  était  déjà  un  "salon."  C'est  dans  la  fréquentation 
du  monde  qu'elle  avait  appris  à  bien  parler,  mais  Ménage  aurait 
pu  revendiquer  l'honneur  de  lui  avoir  donné  des  leçons,  car  il 
parlait  bien^.  Du  Bosq  dit  aussi,  en  parlant  des  femmes  instruites, 
que  "leur  idée  a  de  quoi  se  contenter,  pendant  que  les  ignorantes 
sont  sujettes  aux  mauvaises  pensées,  parce  que,  ne  sachant  rien 
de  louable  pour  occuper  leur  esprit,  comme  leur  entretien  est 
ennuyeux  aussi  leur  rêverie  ne  peut  être  qu'extravagante." 
Nous  croyons  volontiers  que  Marie -Madeleine  n'avait  pas  de 
"mauvaises  pensées,"  du  moins  sa  conduite  paraît  avoir  été 
digne  de  son  éducation.  Nous  ne  saurions  attribuer  cette  sagesse 
à  l'influence  de  l'Hôtel  de  Rambouillet,  ainsi  que  fait  Walcke- 
naer  pour  Madame  de  Sévigné^,  mais  nous  pouvons  admettre 
que  Mlle  de  La  Vergne  n'y  a  rien  appris  de  bien  mauvais,  et, 
qu'appliqué  à  elle,  le  titre  de  précieuse  n'a  rien  de  désobhgeant. 

De  plus  elle  était  belle*  et,  à  cette  époque  encore,  d'une 
humeur  gaie,  et  même  un  peu  railleuse^.  Elle  ressemblait  à 
Mme  de  Lesdiguières^. 

Instruite,  mais  non  pédante,  sage  mais  nullement  prude, 
appréciant  les  ouvrages  romanesques,  éminemment  raisonnable, 
tout  en  étant  d'humeur  gaie  mais  railleuse,  belle  avec  la  taille 

^  L'honneste  femme,  4P,  1635,  3^  éd. 

^  La  Monnoye  (Avertissement  de  Ménagiana,  1715). 

3  Mém.  Sév.  i.  24. 

*  Malgré  M.  d'Haussonville  qiii  termine  ainsi  son  ovivrage:  " — je 
dois  ajouter  poxir  ma  justification  qu'excepté  le  cardinal  de  Retz,  qui, 
à  la  vérité,  s'y  connaissait,  personne  n'a  jamais  dit  que  Mme  de  la  Fayette 
fut  jolie."  Et  Costar,  et  Loret,  et  Scarron,  et  Ménage,  et  Huet?  Et 
Mme  de  La  Fayette  elle-même  au  moment  où  elle  constate  la  perte  de 
cette  beauté  et  ajoute  tristement:  "Vous  ne  pourriez  me  peindre  que 
telle  que  j'aie  été  car  pour  telle  que  ie  suis  il  n'y  auroit  pas  moyen  d'y 
penser;  et  il  n'y  a  plus  personne  en  vie  qui  m'ait  vu  jeune.  L'on  ne  pour- 
roit  croire  ce  que  vous  diries  de  moy  et  en  me  voyant  on  le  croiroit  encore 
moins le  temps  a  trop  détruit  les  matériaux"  (pour  en  faire  un  por- 
trait). "  J'ay  encore  de  la  taille  des  dents  et  des  cheveus  mais  ie  vous 
asseiire  que  ie  suis  une  fort  vieille  femme."  Comment  expliquer  donc 
l'horrible  gravvire  d'après  Ferdinand  que  l'on  met  encore  en  tête  de  toute 
édition  de  La  Princesse  de  Clèves  ?  C'est  Mme  de  La  Fayette  elle-même 
qui  le  fait  dans  un  billet  à  Ménage:  "Je  me  fais  peindre,"  écrit-elle,  ''par 
un  très  meschant  peintre  que  M.  des  Brosses  m'a  enseigné " 

*  Somaize,  Dict.  des  Pré.c.  i.  p.  96. 
«  Tallemant,  v.  362. 


Il]  La  Jeune  Fille  43 

bien  prise,  de  jolies  dents,  de  beaux  cheveux,  mais  la  bouche, 
dit-on,  un  peu  trop  petite,  saine  encore  de  corps  et  d'âme,  c'est 
ainsi  que  nous  aimons  la  voir  à  la  fin  de  sa  vie  de  jeune  fille. 
Bientôt  elle  sera  épouse  et  mère,  la  beauté  s'en  ira  vite,  et  la 
tristesse,  la  maladie,  l'isolement,  s'abattront  sur  elle.  Quittons- 
la,  donc,  illuminée  par  ses  quafités  de  jeunesse  et  insoucieuse 
des  nuages  qui  s'amoncellent  à  l'horizon  de  sa  vie. 


CHAPITRE  III 

L'ÉPOUSE.    1655-1659 

De  retour  à  Paris,  les  parents  de  Mademoiselle  de  La  Vergne 
s'occupèrent  sérieusement  de  son  établissement.  Il  se  présenta 
bientôt  un  très  bon  parti  en  la  personne  de  François  Motier, 
comte  de  La  Fayette,  gentilhomme  issu  d'une  des  plus  anciennes 
maisons  d'Auvergne.  C'était  un  soldat  qui,  après  avoir  servi 
en  Hollande,  devint  enseigne  de  la  compagnie  du  maréchal 
d'Albret,  puis  lieutenant  au  régiment  des  gardes  françaises^. 
S'il  faut  en  croire  une  chanson  de  l'époque  il  devait  se  sentir 
plus  à  l'aise  sur  le  champ  de  bataille  que  dans  un  salon,  car  il 
fit  piteuse  mine  la  première  fois  qu'on  le  présenta  à  Mademoi- 
selle de  La  Vergne.  Voici  quelle  fut  l'entrevue,  d'après  le  chan- 
sonnier : 

Chantons  de  La  Fayette 

Le  galant  compliment 

Qu'il  fit  à  sa  Povilette 

En  qualité  d'amant. 

Chantons  son  avanture 

Et  sa  noble  posture  ; 

Pas  un  jamais  ne  s'est  mieux  présenté 

Pour  être  marié. 

Dedans  une  assemblée 
D'amis  et  de  Parens, 
La  Lisette  parée 
Attendoit  son  amant  ; 

1  Le  Père  Anselme,  vu.  p.  62.  Nous  n'avons  pas  trouvé  d'autres 
détails  sur  sa  carrière  militaire  car  les  Mstoires  ne  donnent  que  les  noms 
des  officiers  supérieurs.  La  Gazette  fait  mention  en  1649  d'un  sieur  de  La 
Fayette  blessé  à  ThionvUle.  Est-ce  lui?  Voici  l'histoire  de  la  compagnie 
d'Albret:  Levée  sous  le  titre  Saintonge  1639.  Siège  de  Turin,  1640, 
d'Elne,  1641.  Bataille  de  Lérida,  1642.  Siège,  Bataille  de  Llorens,  1645. 
Siège  de  Lérida,  1646-7.  Donnée  au  chev.  d'Albret,  1647.  Siège,  1648. 
Réformée  cette  année.  Rétablie  en  1652  sous  le  nom  d'Albret.  Licenciée 
en  1654.  Pour  l'histoire  des  Gardes  voir  Suzanne  (Le  Général),  Histoire 
de  V Ancienne  Infanterie  française. 


CH.  m]  U Épouse  45 

II  pâlit  à  sa  vue, 

Tremble,  rougit  et  sue, 

Et,  ne  sachant  s'il  devoit  saluer, 

Il  s'assit  sans  parler. 

Là,  d'humevir  inquiète, 

II  regarde  à  ses  pieds. 

Il  se  frotte  la  tête, 

Il  s'écorche  le  nez. 

D'une  grande  tendresse 

Il  se  gratte  la  fesse. 

Et,  voulant  faire  un  complunent  nouveau. 

Fit  tomber  son  chapeau. 

Son  conducteur  fidèle 

En  est  tout  en  courroux  ; 

Il  lui  dit  à  l'oreille, 

À  quoi  donc  pensez-vous? 

Hélas  !   Cousi,  j'enrage, 

Nargue  du  mariage. 

J'avois  pensé  mais  je  viens  d'oublier, 

Je  ne  puis  plus  parler. 

Après  reprit  courage 

Notre  digne  héros, 

Qui  crut  que  c'est  dommage 

De  ne  pas  dire  deux  mots. 

D'vme  humble  contenance 

Il  fit  la  révérence 

Et  puis  sortit  plus  rouge  embarrassé 

Que  quand  U  est  entré. 

Après  cette  sortie, 

On  le  tint  sur  les  fonds. 

Toute  la  compagnie 

Cria  d'iin  même  ton, 

La  sotte  contenance  ! 

Ah  !  quelle  heiireuse  chance 

D'avoir  un  sot  et  béat  de  Mari 

Et  tel  que  celui-ci. 

La  belle,  consultée 

Sur  son  futur  époux, 

Dit,  dans  cette  assemblée 

Qu'il  lui  paraissoit  doux 

Et  d'un  air  fort  honnête — 

Quoique  peut-être  bête  ; 

Mais  qu'après  tout  povir  elle  iin  sot  Mari 

Était  un  bon  parti. 


46  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

De  la  jeune  Lisette 

On  approuva  l'avis  ; 

Une  dame  discrète 

Aussitôt  repartit  : 

Il  vivra  dans  sa  terre, 

Comme  Monsieur  son  Père, 

Et  vous  ferez  des  romans  à  Paris 

Avec  les  beaux  esprits^. 

Il  est  probable  qu'il  y  avait  d'autres  raisons  pour  faire 
agréer  ce  mari.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  contrat  du  mariage  fut 
dressé,  le  14  février  1655,  en  présence  de  "Jacques  de  Bayard.... 
procureur  de  Messire  François  de  La  Fayette,  évesque  de  Limo- 
ges.,..Claude  de  La  Fayette,  bachelier  en  théologie,  frère  du.... 
comte  de  La  Fayette,  Gabriel  Pénha,  chevaUer,  seigneur  de 
Saint  Pons,  oncle  maternel  de  ladite  Damoiselle;  dame  Léonore 
Merlin,  veufve  de  feu  Lazare  Pénha.... grand-oncle  de  ladite 
Damoiselle;  très  haute  et  très  puissante  dame,  dame  Marie- 
Magdelaine  de  Vuignerot,  duchesse  d'Aiguillon,  amie  et  marrine 
d'icelle  damoiselle  et  dame  Marie  de  Rabutin  de  Chantai,  veufve 
de  feu  haut  et  puissant  seigneur  et  marquis  de  Se  vigne....  aUiés 
d'icelle  damoiselle."  Le  lendemain  les  gazettes  annoncèrent  le 
mariage  avec  une  grossièreté  qui  nous  étonne,  mais  qui  ne 
rompait  pas  avec  les  habitudes  du  temps.  Nous  donnons  les 
deux  "annonces"  sans  en  atténuer  la  sotte  grivoiserie. 

La  Vergne,  cette  Damoizelle 

À  qui  la  qualité  de  belle 

Convient  si  légitimement, 

Se  joignant  par  le  Sacrement 

À  son  cher  Amant  La  Fayette, 

A  fini  l'austère  diette 

(Qu'en  dût-elle  cent  fois  crever 

Toute  fille  doit  observer). 

Ce  fut  lundy  qu'ils  s'épouzèrent 

Et  que  leurs  feux  ils  apaisèrent. 

Ainsi,  cette  jeune  beauté 

Peut  dire  aveques  vérité 

Que  quand  la  carême  commence 

Elle  finit  son  abstinence. 

Ma  Muze  arrêtez-vous,  tout  beau, 

Ce  discours  n'est  que  bon  et  beau, 

1  Ms.  fr.  12667,  p.  61,  Bibl.  Nat.  Noiis  supprimons  la  dernière 
strophe  qui,  selon  la  coutume,  contient  une  poUissonnerie,  et  qui  n'est  pas 
utile  au  point  de  vue  documentaire. 


m]  U  Épouse  47 


Mais  on  ne  peut  être  trop  sage 
Quand  on  parle  du  mariage^. 


Ces  jours  gras  légitimement. 
Sans  doute  à  leur  contentement, 
La  belle  Vergne  et  La  Fayette 
Postérité  se  seront  faitte: 
Au  moins  obmis  n'auront-ils  pas 
Ce  que  l'on  fait  en  pareil  cas ^ 

On  pourrait  s'étonner,  non  seulement  de  la  hâte  avec  laquelle 
ce  mariage  fut  conclu,  mais  aussi  du  fait  même  qu'il  y  eut  mariage, 
étant  donnés  les  sentiments  que  Mademoiselle  de  La  Vergne 
aurait  témoignés  au  sujet  de  son  futur  mari.  Au  dix -septième 
siècle,  pourtant,  rien  n'était  plus  fréquent  que  des  alliances  de 
ce  genre;  il  s'agissait  à  cette  époque  d'unir  deux  maisons,  ou 
encore  une  famille  et  une  fortune.  On  consultait  donc  fort  peu 
les  époux  du  lendemain,  les  intérêts  des  deux  familles  passant 
avant  tout.  Après  le  mariage  l'union  entre  les  personnes  et  entre 
les  biens  n'était  pas,  non  plus,  aussi  complète  que  chez  nous. 
Chacun  gardait  sa  propre  personnaHté:  la  femme  continuait  à 
signer  de  son  nom  de  jeune  fille — (la  duchesse  de  Chevreuse 
signe  Marie  de  Rohan,  la  duchesse  d'Epemon,  Marie  du  Cambout, 
la  comtesse  de  La  Fayette,  De  La  Vergne).  En  somme,  la  loi 
paraissait  s'occuper  beaucoup  plus  de  soutenir  le  pouvoir  d'un 
chef  de  maison  que  d'assurer  aux  enfants  la  Uberté  de  fonder 
de  nouvelles  familles.  Un  fils,  jusqu'à  l'âge  de  trente  ans,  une 
fille  jusqu'à  l'âge  de  vingt-cinq  ans,  avaient  besoin  du  consente- 
ment de  leurs  parents  pour  que  leur  mariage  fût  vahde^.  Les 
pères  choisissaient  leurs  belle-filles  et  ne  permettaient  que  rare- 
ment à  leurs  fils  d'émettre  une  opinion  quelconque  sur  leurs 
sentiments  intimes.  Le  prince  de  Ligne  ne  décrit  pas  un  cas 
exceptionnel  lorsqu'il  raconte  ainsi  son  mariage:  "Mon  père 
me  fait  monter  en  voiture  ;  il  me  mène  à  Vienne,  J'arrive  dans 
une  maison  où  il  y  avait  quantité  de  jolies  figures.  On  me  dit  de 
me  placer  à  côté  de  la  plus  jeiuie.   Huit  jours  après,  j'épousai. 

1  Loret,  op.  cit.  ii.  21,  fév.  1655. 

2  Scarron  (Paul),  Recueil  des  épîtres  en  vers  burlesques  de  M.  Scarron 
et  d'autres  auteurs  sur  ce  qui  s'est  passé  de  remarquable  en  Vannée  1655. 
Paris,  Alex.  Hesselin,  1656,  4°,  rare.  Voir  Tallemant,  Éd.  Monmerqué, 
Notes,  où  ce  passage  est  cité. 

^  G.  d'Avenel,  La  Noblesse  Française  sous  Richelieu,  Chap.  vi. 
passim. 


48  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

Nous  ne  nous  étions  rien  dit."  L'histoire  du  fils  du  Président 
au  parlement  de  Dijon  est  aussi  caractéristique.  Ce  fils  était 
à  marier  et  il  questionnait  : 

" — Est-il  vrai,  mon  père,  que  vous  me  voulez  marier  à  Mlle  une 
teUe? 

— Mon  fils,  mêlez-vous  de  vos  affaires." 

Selon  l'opinion  du  temps,  ce  père  répondait  sagement^. 

Il  arriva  qu'au  moment  du  mariage  de  Mlle  de  La  Vergne, 
Scarron  entendit  parler  d'un  mariage  qui  par  sa  rapidité  éton- 
nante, même  à  cette  époque,  sembla  fort  plaisant.  Aussitôt  il 
en  redit  aux  lecteurs  de  sa  gazette  l'histoire,  assaisonnée,  bien 
entendu,  de  gros  sel  : 

Autre  histoire:  un  homme  sans  nom 

Arrive  à  Paris  de  Bourbon 

Vendredy,  samedy  s'habille 

Chez  un  fripier,  voit  une  fille 

Dimanche  et  l'espouze  lundy. 

Il  peut  dire:  veni,  vidi, 

Et  vici;  si  l'on  l'en  veut  croire. 

L'on  doute  si  cette  victoire 

Est  victoire  sanglante  ou  non. 

L'historiette  tout  de  bon 

N'est  pas  à  plaisir  inventée^. 

On  voulut  voir  aussitôt  dans  ces  vers  une  allusion  au  mariage 
du  comte  de  La  Fayette,  mais  Scarron  s'empressa  d'annoncer 
le  mariage  dans  la  gazette,  déjà  citée  plus  haut,  et  ajouta: 

Lasches  corrupteurs  d'une  histoire 
Vous  avez  voiilu  faire  croire 
Qu'un  homme  qui  n'a  point  de  nom, 
Originaire  de  Bourbon, 
Qui  s'habille  à  la  friperie, 
(Voyez,  quel  rapport  je  vous  prie?) 
Soit  d'Auvergne  et  de  qualité — 
Une  demoiselle  très  chère, 
Dont  j'aime  et  j'honore  la  mère, 
Un  homme  dont  l'oncle  me  fut 
Intime  tant  qu'il  vescut, 
Seroit  l'objet  de  ma  satire  ! 
Va-t-on  ainsy  des  gens  mesdire? 
Va-t-on  de  gaieté  de  cœur 
Choquer  des  personnes  d'honneur? 

1  Corneille  qui,  comme  dit  quelque  part  M.  Lanson,  "pense  le  passé 
dans  les  formes  et  les  conditions  du  présent"  prêche  l'obéissance  aux  |? 

parents  quand  il  s'agit  de  mariage.  ^  Scarron,  op.  cit. 


m]  U  Epouse  49 

Cette  histoire  non  controuvée 
Est  dans  le  Marais  arrivée. 
De  la  donzelle,  sage  ou  non, 
Je  ne  sçay  pas  mesme  le  nom: 
Tout  de  mesme  de  cette  Aiirore, 
Du  Céphale  le  nom  j'ignore. 
Et  quand  bien  le  nom  je  sçaurois 
Tout  de  mesme  le  cacherois^. 

Persuadé  que  ce  démenti  n'était  pas  suffisant,  Scarron 
écrivit  une  longue  lettre  à  Ménage  pour  se  disculper  et  celui-ci 
la  communiqua  aussitôt  à  Mme  de  La  Fayette  qui  fut  ainsi  mise 
au  courant  des  médisances,  car  elle  n'avait  vu  ni  les  premiers 
vers,  ni  la  mise  au  point  de  Scarron^. 

Elle  pourrait  accepter  d'être  quelque  peu  calomniée^  puis- 
qu'elle venait  de  faire  un  "beau  mariage  "  vu  son  peu  de  fortune 
et  le  peu  de  renommée  de  sa  maison.  François  de  La  Fayette 
n'était  pas  seulement  "comte  dudit  lieu"  mais  aussi  de  "Médat, 
Goutevantouze  et  Forests  et  deppendans  :  baron  de  Chauvlgny, 
Espinasse,  Nades,  seigneur  de  Haulte-Serre,  Hautefeuille  et 
autres  places*."  "Entre  toutes  les  grandes  maisons  dont  la 
province  d'Auvergne  est  remplie,"  écrit-on  dans  le  Mercure 
Galant  de  1695^,  "celle  du  Mottier  de  La  Fayette  tient  un  des 
premiers  rangs"  et  Madame  de  La  Fayette  elle-même,  travail- 
lant à  l'histoire  de  la  famille,  après  la  mort  de  son  mari,  fait 
mention  d'un  cartulaire  "du  siècle  1000"  où  les  ancêtres  de 
son  mari  sont  qualifiés  miles. 

1  Scarron,  op.  cit.  ^  Tallemant,  op.  cit.  vn.  39,  Hist.  Scarron. 

■''  On  profita  de  l'occasion  po\ir  médire  d'une  autre  façon.  Nous 
trouvons  dans  les  mss.  fr.  Bibl.  Nat.  12667,  p.  61,  les  couplets  suivants: 

Il  court  un  bruit  à  la  cour. 

Que  Vievixbourg 
Se  lamente  nmt  et  jour. 
De  voir  sa  chère  Poulette 
Dans  les  bras  de  La  Fayette. 

Rohan  aiissi  son  amant, 

En  mourant, 
A  dit  dans  son  testament, 
Qu'il  consent  que  La  Fayette 
Ait  sa  part  de  la  Poulette. 

*  Contrat  de  mariage.  Voir  ce  contrat  à  l'appendice  il.  Pour  des 
renseignements  sur  les  fiefs  de  Chauvigny,  Espinasse  et  Nades  voir  l'ap- 
pendice v. 

5  Fév.  1695,  à  l'occasion  de  la  mort  du  Colonel-Brigadier  La  Fayette. 
A.  4 


50  Madame  de  La  Fayette  •  [ch. 

Nous  n'essayerons  pas  de  remonter  aussi  loin,  car  déjà  pour 
ce  qui  concerne  le  quatorzième  siècle  les  généalogues  se  contre- 
disent et,  malheureusement,  l'arbre  généalogique  dressé  par 
Mme  de  La  Fayette  n'est  pas  venu  jusqu'à  nous^.  Il  suffit  de 
faire  remarquer  que  le  comte  était  d'une  maison  de  soldats 
illustres.  Gilbert  de  La  Fayette  alla  à  la  croisade  en  1095  et, 
au  siècle  suivant,  Gilbert  III  partit  également  en  Terre  Sainte 2, 
Un  autre  Gilbert  fut  tué,  en  1356,  à  la  bataille  de  Poitiers,  en 
voulant  arracher  son  roi  d'entre  les  mains  des  Anglais.  En  1421, 
lorsque  "Messire  Garin  de  Fontaine  et  autres  preux  angevins 
firent  la  grosse  deffaicte  sur  les  Angloys  à  Baugé  en  Anjou^"  il 
y  avait  encore  un  ancêtre  du  comte  parmi  les  chefs.  Grand 
Maître  de  l'Artillerie  sous  Louis  XII^  un  Mottier  de  Haute- 
feuille  partagea  le  commandement  contre  les  Huguenots  avec 
l'évêque  du  Puy^.  Il  mourut  à  la  bataille  de  Cognât  et  les 
Huguenots  victorieux  rasèrent  le  château  de  La  Fayette  et 
l'éghse  de  Cognât.  Nous  en  passons,  et  des  plus  courageux. 

On  serait  heureux,  après  avoir  parlé  des  faits  d'armes  de  ses 
ancêtres,  de  pouvoir  raconter  tout  au  long  la  carrière  brillante 
du  comte  François.  Nous  n'avons  malheureusement  que  peu  de 
renseignements  sur  lui — et  c'est  un  peu  sa  faute  car  il  ne  fit 
jamais  rien  pour  se  distinguer.  On  dirait  même  que  l'acte  le 
plus  "glorieux"  de  sa  vie  fut  son  mariage  avec  Madeleine  de 
La  Vergne,  puisque  les  seules  mentions  de  lui  que  l'on  trouve 
dans  l'histoire  de  sa  famille  sont  ainsi  conçues:  "François  de 
La  Fayette  épousa  Magdeleine  Pioche  de  la  Vergne,  si  célèbre 
par  son  esprit  rare  et  cultivé  et  par  ses  ouvrages^."  "François, 
comte  de  La  Fayette,  qui  laissa  de  la  célèbre  Madeleine  Pioche 
de  la  Vergne,  René-Armand".... etc. '^  "François,  comte  de  La 
Fayette,  épousa  en  1655Marie-Magdeleine  Pioche  de  La  Vergne.... 
qui  a  ci-après  un  article  particulier  et  dont  il  eut  Louis.,.. et 
René-Armand^.'  '  Guillard,  qui  écrivit  du  vivant  de  Mme  de  La 
Fayette,  sans  toutefois  publier  son  manuscrit,  est  plus  catégori- 

1  À  moins  d'avoir  fourni  les  matériaux  pour  l'article  nécrologique 
mentionné  à  la  page  49.  Voir  à  l'appendice  iv.  la  généalogie  que  nous 
avons  dressée  à  l'aide  de  cet  article  et  des  quelques  pièces  que  nous  avons 
eues  entre  les  mains.  2  Mercure,  Art.  cité. 

^  Jehan  de  Bourdigné,  Chron.  d'Anjou  et  du  Maine,  11.  143. 

«  Audigier,  Hist.  d'Auvergne,  mss.  fr.  1 1479,  Bibl.  Nat.,  T.  11.  f'^^  7,  8,  9. 

^  A.  Imberdis,  Hist.  gén.  d'Auvergne,  11.  pp.  68,  69. 

*  Aigueperse,  P.  G.,  Biog.  ou  dict.  hist.  des  personnages  d'Auvergne. 
"^  Audigier,  op.  cit. 

*  Voilà  tout  ce  que  Moreri  trouve  à  dire  sur  M.  de  La  Fayette. 


in]  U  Épouse  51 

que  encore:  "Madame  de  La  Fayette  d'à  présent  estoit  un 
esprit  beaucoup  supérieur  à  celuy  de  son  mary,  elle  l'avoit 
relégué  en  sa  province  parce  qu'elle  ne  pouvoit  soufrir  qu'il  fust 
icy  ou  à  la  cour^." 

Évidemment,  François  de  La  Fayette  n'était  pas  un  bel  esprit  ; 
ce  n'était  pas  non  plus  un  courtisan  ;  il  ne  brillait  guère  dans  la 
société  de  son  époque  ;  mais  il  ne  faudrait  pas  en  conclure  que 
c'était  une  brute — ni  même  un  bien  mauvais  mari.  Nous  nous 
le  représentons  plutôt  comme  un  gentilhomme  campagnard,  un 
peu  soldatesque,  comme  dirait  Montaigne,  mais  pas  méchant 
homme.  Par  suite  de  la  manie  qu'ils  ont  de  reproduire  les 
affirmations  de  leurs  devanciers  et  de  dédaigner  les  documents, 
les  biographes  de  Madame  de  La  Fayette  se  sont  plu  pendant 
longtemps  à  faire  mourir  ce  mari  anodin  quelques  années  après 
le  mariage.  On  s'aperçut  plus  tard  qu'il  avait  survécu  à  La 
Rochefoucauld  et  aussitôt  on  imagina  quelque  drame  mysté- 
rieux 2.  La  vérité  est  peut-être  plus  simple,  et  nous  en  reparlerons 
plus  tard  ;  pour  le  moment,  contentons-nous  de  suivre  la  vie  de 
Madame  de  La  Fayette  pendant  les  premières  années  de  son 
mariage. 

Le  comte  de  La  Fayette  accompagna  sa  femme  dans  le 
monde  et  Madame  de  Sévigné,  au  heu  de  partir  pour  la  Bretagne, 
selon  son  habitude,  resta  à  Paris  pour  accompagner,  elle  aussi, 
sa  jeune  amie^.  Mais  le  mari  n'accomphssait  là  qu'un  devoir  et 
bientôt  sa  province  l'attirait.  Madame  de  La  Fayette  dut  dire 
adieu  à  ses  amis  et  partir  avec  lui  en  Auvergne*.  EUe  habita  le 
château  d'Espinasse,  près  Gannat,  sur  lequel  nous  ne  pouvons 

1  Remarques,  Bibl.  Xat.  MS.  fr.  25187. 

2  On  continue  pourtant,  malgré  l'évidence  déjà  publiée,  d'assurer 
que  M.  de  La  Fayette  est  mort  quelques  années  après  le  mariage.  Voir 
Julia  Cartwright,  Madame,  A  Life  oj  Henrietta,  Duchess  of  Orléans,  p.  91, 
etc.  M.  Maxime  Formont  dans  la  préface  d'une  édition  de  la  Princesse 
de  Clèves  publiée  chez  Lemerre  en  1909,  écrit,  à  la  page  vi,  à  propos  de 
M.  de  La  Fayette:  "Aussi  bien  l'esprit  vulgaire  eut-il  le  bon  goût  de  ne 
point  s'éterniser  dans  un  rôle  qui  n'était  pas  beaucoup  son  fait.  Madame 
de  La  Fayette  fut  bientôt  veuve."  M.  Formont  aurait  mieux  fait  de 
consulter  des  travaux  plus  récents  sur  l'auteur  qu'il  présentait  au 
public.  Le  petit  Livre  de  M.  d'Hausson ville  l'aurait  renseigné  sur  ce 
sujet. 

^  Walckenaer,  op.  cit.  ii.  25. 

*  Au  mois  de  décembre  1655  elle  était  sûrement  en  Auvergne  car 
une  quittance  de  janvier  1679,  conservée  à  la  Bibl.  Nat.  (Cab.  des  Titres, 
Pièces  orig.  2287,  Pioche),  fait  mention  d'une  procviration  faite  à 
Ébreuil  le  5  déc.  1655. 

4—2 


52  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

donner  aucun  renseignement  car,  bien  qu'il  existe  à  Espinasse- 
Vozelle  une  vieille  maison  appelée  vieux  château,  le  nom  même 
des  La  Fayette  est  oublié  dans  le  village^. 

Il  ne  faudrait  pas  exagérer  l'ennui  qu'éprouva,  sans  doute. 
Madame  de  La  Fayette  exilée  dans  une  campagne;  elle  avait 
déjà  fait  de  longs  séjours  loin  des  villes  et  de  plus  elle  resta  en 
rapports  avec  ses  amis  de  Paris.  Parmi  ceux-ci  Costar  lui  écrit  une 
lettre  de  félicitations  des  plus  flatteuses  :  "Il  y  a  de  la  seureté," 
dit-il,  "de  se  réjouir  avec  vous  de  vostre  heureux  mariage:  car 
on  doit  estre  également  persuadé  qu'il  est  de  vostre  choix  et 
que  vous  ne  sauriez  faire  que  de  bonnes  élections...,"  etc.^ 
Ménage  envoie  le  dizain  suivant: 

Petit  disain  allez  viste  en  Auvergne 
Le  long  des  bords  du  sablonneux  Aller, 
Trouver  la  jeiuie  et  brillante  La  Vergne, 
Qui  dans  ses  fers  tient  mon  cœur  prisonnier, 
Vous  luy  direz  que  malgré  son  absence, 
Ses  fiers  dédains,  son  rigoureux  silence. 
J'aime  toujours  ses  aimables  apas; 
Et  que  ses  yeux  ont  embrasé  mon  âme 
De  cette  noble  et  précieiise  flame 
Qui  vit  encore  au  delà  du  trépas. 

C'est  Ménage  qui  tient  son  ancienne  élève  au  courant  de  ce 
qui  se  passe  dans  le  monde  des  beaux  esprits  et  qui  lui  procure 
des  livres.  Elle  réclame  des  romans,  la  Clélie,  les  œuvres  de 
Sarasin,  le  hvre  de  M.  Costar  (les  Lettres,  semble- t-il),  le 
Virgile  de  M.  de  Marolles.  Elle  écrit  beaucoup^,  voyage*  et 
s'occupe  des  procès  de  son  mari.  Ce  dernier  paraît  avoir  engagé 
des  procès  comme  on  pratique  un  sport  ;  il  n'en  tirait  pas  grand 
profit  et  même,  d'après  les  lettres  de  sa  femme,  l'issue  de  certains 
d'entre  eux  lui  causait  de  grandes  inquiétudes.   Cette  manie  de 

1  "La  maison,  qui  me  paraît  ancienne,"  nous  écrit  M.  Chanudet,  curé 
d'Espinasse-Vozelle,  "est  occupée  par  des  métayers.  Est-ce  là  qu'habi- 
tait la  famille  La  Fayette?  Je  ne  puis  vous  le  dire  et  même  j'ajoute  que 
deux  au  trois  personnes  que  j'ai  questionnées  à  ce  sujet  m'ont  répondu 
qu'elles  ne  le  croyaient  pas."  L'oubli  d'une  grande  famille  ne  pourrait 
être  plus  complet  et  plus  étonnant. 

2  Tout  ce  que  nous  disons  de  cette  époque  de  sa  vie  est  glané  dans  sa 
correspondance  inédite  (Coll.  F.  de  C). 

3  "  J'ay  tant  écrit  aujourdhuy  que  ie  nen  puis  plus,"  Lettre  de  Mme 
de  La  Fayette. 

*  Lettres  d'Angers,  de  Langeron,  etc.  "J'arrive  d'vin  petit  voyage 
que  j'ai  fait  et  ie  parts  poiu*  en  aUer  en  commencer  un  autre." 


iTi]  U  Épouse.  53 

faire  des  procès  allait  de  pair,  à  cette  époque,  avec  la  passion  du 
jeu;  Racine  est  resté  au-dessous  de  la  vérité  quand  il  composa 
ses  Plaideurs  et  il  y  a  beaucoup  de  vrai  dans  le  tableau  que 
trace  Furetière  dans  le  Roman  bourgeois.  Pour  voir  à  quels 
extrêmes  allait  cette  passion  on  n'a  qu'à  feuilleter  les  mémoires 
et  les  correspondances.  À  chaque  page  il  y  est  question  de 
procès.  "On  conteste  des  héritages  inattaquables,  revendique 
des  domaines  pour  lesquels  on  a  des  droits  illusoires,"  écrit 
M.  Gérard-GaiUyi,  "on  fait  des  voyages,  on  change  même  de 
résidence,  on  interjette  appel,  on  injurie,  on  menace,  on  intéresse 
souvent  le  roi  à  ses  querelles  et  cela  dure  deux,  dix,  vingt  ans." 
Cela  s'applique  très  bien  au  ménage  des  La  Fayette;  à  partir 
du  mariage  du  comte  François,  il  n'est  question  que  de  procès  ;  et 
plus  tard,  quand  Mme  de  La  Fayette  ne  sera  plus  obUgée  de 
prêter  secours  à  son  mari,  elle  entreprendra  les  affaires  de  son 
ami  La  Rochefoucauld. 

À  cette  époque,  comme  plus  tard,  Madame  de  La  Fayette 
nous  paraît  fort  énergique,  malgré  sa  mauvaise  santé. 

Il  est  difficile  de  fixer  la  date  de  la  première  lettre  où  elle 
se  plaint  de  ses  souffrances,  mais  sa  santé  semble  s'être  altérée 
peu  après  son  mariage^.  La  première  mention  que  j'en  trouve 
dans  sa  correspondance  est  dans  la  lettre  suivante  : 

"Depinasse  ce  16™*'  août. 

"Vous  me  quitates  avec  si  peu  de  chagrin  lorsque  vous  me 
dittes  adieu  que  ie  pense  que  si  ie  ne  vous  escriuois  vous  ne  son- 
geries de  lomtemps  a  mescrire  pour  vous  consoler  de  mon  ab- 
sence mais  ie  ne  suis  pas  résolue  de  vous  laisser  le  plaisir  de 
m'oubher  si  tranquilement  ie  veux  vous  faire  souuenir  de  moy 
maigre  que  vous  ayes  et  auoir  de  lamitié  pour  vous  quoy  que 
vous  nen  ayes  plus  pour  moy  j 'auray  au  moins  le  plaisir  de  vous 
mettre  dans  vostre  tort  et  ie  m'en  vais  vous  escrire  toutes  les 
sepmaines  avec  la  mesme  régularité  que  j'aurois  pu  faire  du 
temps  de  cette  belle  amitié  que  vous  m'auies  jurée  quy  deuoit 
surpasser  les  siècles  en  durée  ie  ne  scay  pas  dequoy  vous  vous 
estes  aduise  de  cesser  de  m'aimer  vous  n'aures  pas  encore  loing 
a  pousser  vostre  constance  ie  suis  si  malade  et  si  languissante  que 

^  Bussy-Rahutin pp.  120,  121. 

2  Après  avoir  écrit  ce  chapitre  nous  avons  pu  examiner  plus  méthodi- 
quement les  lettres  de  Mme  de  La  Fa3^ette  et  nous  sommes  d'avis  qu'une 
lettre  où  il  est  déjà  question  de  sa  mauvaise  santé  et  de  son  "  mal  de 
côté"  est  de  1654 — c.  à  d.  de  l'année  avant  son  mariage. 


54  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

quand  vous  voudries  maimer  toute  ma  vie  vous  n'auries  plus 
guère  a  m'aimer  sérieusement  encore  ie  vous  asseure  que  vous 
aves  tort  de  ne  me  plus  aimer  car  il  est  fort  véritable  que  jay  pour 
vous  beaucoup  d'amitié  et  que  vous  aues  si  fort  este  de  mes  amis 
que  vous  le  seres  toujours  quoique  vous  ne  le  voulies  pas^." 

Dans  une  autre  lettre  à  Ménage,  déjà  imprimée  en  partie  par 
M.  d'Haussonville,  et  qui  paraît  être  de  l'année  1656,  elle  parle 
de  sa  vie  à  la  campagne  : 

"Depuis  que  je  vous  ay  escrit  j'ay  toujours  esté  hors  de 
chés  moy  a  faire  des  vissites.  M.  de  Bayard^  en  a  esté  une  et 
quand  je  vous  dirois  les  autres  vous  nen  séries  pas  plus  savant 
ce  sont  gens  que  vous  aues  le  bonheur  de  ne  pas  cognoistre  et 
que  j'ay  le  malheur  d'auoir  pour  voisins.  Cependant,  ie  dois 
auouer  a  la  honte  de  ma  dehcatesse  que  ie  ne  menuye  pas  avec 
ces  gens-la  quoy  que  ie  ne  m'y  diuertisse  guère;  mais  j'ay  pris 
un  certain  chemin  de  leur  parler  des  choses  qu'ils  scavent  qui 
menpesche  de  menuyer.  Il  est  vrai  aussi  que  nous  auons  des 
hommes  icy  du  tour  qui  ont  bien  de  lesprit  pour  des  gens  de 
prouince.  Les  fammes  ny  sont  pas  a  beaucoup  près  si  raisson- 
nables  mais  aussi  elles  ne  font  guère  de  vissites  et  ainsi  Ion  n'en 
est  pas  incommode.  Pour  moi  j'ayme  bien  mieux  ne  voir  gueres 
de  gens  que  d'en  voir  de  fâcheux  et  la  sohtude  que  je  trouve 
icy  m'est  plutost  agréable  qu'ennuyeuse.  Le  soing  que  je  prens 
de  ma  maison  m'occupe  et  me  diuertit  fort  et  comme  d'ailleurs 
ie  nay  point  de  chagrin,  que  mon  espoux  m'adore  que  ie  l'ayme 
fort,  que  je  suis  maitresse  absolue,  ie  vous  asseure  que  la  vie  que 
ie  fais  m'est  fort  heureuse  et  que  ie  ne  demande  a  Dieu  que  la 
continuation.  Quand  on  croit  estre  heureux  vous  scauez  que 
cela  suffit  pour  lestre  et  comme  je  suis  persuadée  que  ie  le  suis 
ie  vis  plus  contente  que  ne  font  peut-estre  toutes  les  reines  de 
leurope.  J'ay  bien  envie  de  scavoir  comme  vous  aurés  gouverné 
celle  des  Ghots  ie  ne  doute  point  que  vous  ne  Payes  veue  et 
qu'elle  ne  vous  ait  fait  mille  civihtes...."  etc.^ 

Son  mari  l'adorait  et,  à  la  fin  de  la  première  année  de  mariage, 
les  époux  modifiaient  les  termes  du  contrat  pour  se  faire  une 
donation  mutuelle  de  leurs  biens,  car  ils  n'avaient  encore  aucun 
enfant.     Comme  La  Fayette  était  beaucoup  plus  riche  que  sa 

^  Cette  lettre  est  à  rapprocher  de  celles  que  nous  avons  citées  au 
sujet  des  importun! tés  de  Ménage. 

2  Le  parent  mentionné  dans  le  contrat  de  mariage. 

^  Il  n'y  a  pas  de  ponctuation  dans  la  lettre.  Nous  y  avons  introduit 
quelques  points  pour  en  faciliter  la  lecture. 


m]  U  Épouse  55 

femme  et  que,  de  plus,  il  était  de  dix-huit  ans  son  a  né^  cette  dona- 
tion ne  pouvait  être  un  avantage  que  pour  Mme  de  La  Fayette. 

Et  pourtant  on  a  cherché  dans  l'expression  de  Mme  de  La 
Fayette  "je  l'aime  fort,"  une  preuve  que  l'adoration  de  son  mari 
n'était  pas  payée  de  retour.  "C'est  beaucoup  d'ttre  adorée 
d'un  époux,  lors  même  qu'on  ne  ferait  que  l'aimer  fort,"  écrit 
M.  d'Hausson ville.  C'est  peut-être  dénaturer  un  peu  la  pensée 
de  Mme  de  La  Fayette,  Il  faudrait  citer  à  côté  de  cette  lettre, 
où  elle  a  peut-être  été  amenée  à  s'exprimer  ainsi  par  la  cons- 
truction de  la  phrase,  et  sans  doute  aussi  par  une  sorte  de  pudeur 
qui  ne  croit  pas  utile  de  tout  dire,  cette  autre  où  elle  écrit  "  J'ay 
recours  a  vous  pr  toutes  choses  iay  besoing  d'une  devise  jolie 
pour  une  femme  qui  aime  passionnément  son  mary  et  qui  ne  vit 
que  pour  luy.  Il  sen  trouve  peu  de  cette  espèce  je  ne  prétends  pas 
une  devise  noeufve  ie  me  serviray  volontiers  dune  qui  aura 
desja  servy^." 

Il  est  vrai  qu'elle  ne  dit  pas  que  la  devise  soit  pour  elle,  mais 
elle  le  laisse  entendre. 

Quelques  mois  après  la  donation  mutuelle,  dont  nous  avons 
parlé,  Madame  de  La  Fayette  devint  enceinte.  Au  mois  d'oc- 
tobre elle  annonce  ainsi  la  nouvelle  à  Ménage  "Nous  partirons 
dicy  sans  faute  au  commencement  du  mois  de  décembre  il  faut 
que  je  parte  dicy  dans  ce  mois  quy  sera  le  septième  de  ma  gros- 
sesse car  ie  suis  grosse  de  quatre  mois  et  ie  vous  dis  cela  comme 
une  nouvelle  ne  layant  point  mande  jusques  a  cette  heure." 
Même  dans  cette  lettre  il  est  question  d'affaires.  Elle  voudrait 
avoir  un  "commontimus."  Elle  sait  "que  ceux  que  l'on  obtient 
en  vertu  des  anciennes  lettres  de  conseilleurs  destat  ne  servent 
de  rien"  mais  elle  est  assurée  "que  cettuy  la  (me)  servira  parce- 
que  cest  pr  envoyer  au  fonds  de  la  Picardie  a  des  gens  quy  ne 
chercheront  pas  tant  de  chicaneries  et  que  la  peur  de  venir  a 
Paris  fera  trembler^." 

Cependant,  sa  santé  est  profondément  altérée  par  cette 
première  grossesse;  elle  écrit  au  mois  de  novembre  "Tous  les 
maux  dont  ie  suis  tourmentes  ne  sont  point  causes  par  ma  gros- 
sesse car  ie  les  avais  avant  que  d'estre  grosse  mais  les  médecins 
disent  pourtant  qu'après  mes  couches  ie  ne  m'en  sentiray  plus 
dieu  le  veille  (sic)  ie  ne  me  fie  guère  a  ce  que  disent  ces  Mrs  la*." 

^  M.  de  La  Fayette  naquit  en  1616.  ^  inédite.  ^  Inédite. 

*  Nous  datons  cette  lettre  nov.  1657,  pxiisque  Mme  de  La  Fayette  y 
réclame  les  lettres  de  Costar  qui  "devraient  estre  en  vante."  Ces  lettres 
furent  imprimées  en  mars  1657. 


56  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

La  vérité  est  que  Madame  de  La  Fayette  souffrit  tellement 
entre  les  mains  de  "ces  messieurs  là"  ;  qu'on  lui  pardonne  de  ne 
pas  les  avoir  en  grande  estime^.  Ils  l'envoyèrent  aux  eaux  de 
Vichy,  à  quelques  lieues  de  chez  elle.  Elle  le  fit  savoir  à  Ménage 
de  la  façon  suivante: 

"De  Vichy  ce  19  —  (sept.  ?). 

"Je  suis  icy  aux  eaux  ou  ie  boy  tous  les  matins  quatorse 
grands  verres  du  plus  meschant  et  du  plus  chaud  breuvage  du 
monde  j  espère  que  ie  recevray  du  soulagement  a  mes  maux  de 
ce  remède  la  vous  scaues  que  c'est  ou  les  médecins  envoyé  les 
gens  quand  ils  ne  scavent  plus  qu'en  faire. ...2." 

À  l'occasion  d'une  autre  visite  elle  écrit  "Je  suis  icy  dans 
les  eaux  jusques  à  la  gorge  mais  ie  m'en  porte  si  mal  que  ie  croy 
que  ie  les  quiteray  demain  ie  n'oserais  pourtant  le  faire  sans  les 
ordres  de  M.  de  Lorme  et  iay  envoyé  aujourdhuy  le  luy  deman- 
der....3." 

Mais  ni  la  grossesse,  ni  la  maladie,  ni  même  les  deux  acci- 
dents ensemble  ne  l'empêchent  de  s'intéresser  aux  affaires  de  sa 
nouvelle  maison  et  aux  événements  Uttéraires.  Dans  la  lettre 
que  nous  venons  de  citer  elle  accuse  réception  d'une  œuvre  de 
Voiture  et  réclame  avec  impatience  la  Clélie^.  EUe  termine 
pourtant  sur  la  phrase:  "Le  manque  de  santé  est  le  seul  véri- 
table malheur  de  la  vie."  Le  mauvais  état  de  sa  santé  n'était 
pourtant  pas  son  seul  malheur.  Peu  de  temps  après  son  mariage, 
très  probablement  avant  la  naissance  de  son  enfant,  elle  perdit 
sa  mère^.    Aussitôt  son  beau-père  partit  pour  Champiré  et 

^  Et  poiirtant  elle  avale,  avec  une  patience  digne  d'un  meilleiir  succès, 
tout  ce  qu'ils  lui  ordonnent:  eaux  de  Vichy,  lait  d'ânesse,  jusqu'au 
bouillon  de  vipères.  Voir  Sévigné,  vi.  58;  La  Rochefoucauld,  in.  155,  156. 

^  Inédite. 

^  À  M.  de  St  Pons,  rue  Guénégaud.  L'autorisation  demandée  fut 
refusée,  soit  dit  en  passant,  et  Mme  de  La  Fayette  resta  à  Vichy.  Les 
médecins  étaient  parfois  tyranniques. 

*  Mme  de  La  Fayette  fut  tou  j  ours  grande  liseuse  de  romans,  tout  comme 
ses  amis  Mme  de  Sévigné  et  La  Rochefoucauld.    Voir  Sév.  Lett.,  1689. 

^  La  date  n'est  pas  certaine  et  M.  d'Haussonville  escamote  la  diiïiculté 
en  écrivant  (p.  31):  "Cinq  ans  après  son  mariage  elle  avait  perdu  sa 
mère."  Nous  établissons  la  date  entre  1655  (date  du  mariage)  et  1657 
(date  de  l'édition  qui  contient  la  lettre  de  condoléance  de  Costar). 
Les  lettres  du  chevalier  de  Sévigné  viennent  encore  confirmer  cette  date. 
L'acte  d'inhvimation  de  Mme  de  Sévigné  porte  la  date  "3  février  1656" 
(Registres  de  la  paroisse  Saint-Maurille  d'Angers,  Arch.  Communales  de 
la  ville  d'Angers,  EE  118,  f"  156).  L'acte  est  reproduit  dansZ,a  Corres- 
pondance du  Chevalier  de  Sévigné,  Paris,  1911  (Soc.  de  l'hist.  de  Fr.),  p.  274. 


m]  U  Épouse  57 

quelques  années  plus  tard  se  retira  à  Port-Royal.  À  partir  de 
ce  moment-là  Madame  de  La  Fayette,  semble-t-il,  le  regarda 
avec  froideur.  Peut-être  lui  reprochait-elle  de  prodiguer  l'argent 
de  l'ancienne  Mme  de  La  Vergne  à  construire,  comme  il  le  faisait, 
de  nombreux  bâtiments  dans  l'enclos  de  l'abbaye.  À  plusieurs 
reprises,  il  est  question  de  lui  et  de  son  testament  dans  la  corres- 
pondance avec  Ménage.  Mme  de  La  Fayette  se  dit  peu  émue  par 
la  manière  dont  il  dispose  de  ses  biens  et  conclut:  "Quand  il 
moura  le  bien  qui  m'en  reviendra  sera  asses  considérable  pour 
me  consoler  de  la  perte  des  meubles...." 

En  cette  même  année,  1657,  Mme  de  La  Fayette  subit  une 
épreuve  terrible  pour  une  jeune  femme.  Elle  constate  que  sa 
maladie  transforme  complètement  sa  figure  et  que  sa  beauté  se 
perd.  On  a  beau  être  bel  esprit  et  philosophe,  on  n'en  est  pas 
moins  femme,  et  les  lettres  de  Mme  de  La  Fayette  à  ce  sujet 
inspirent  de  la  tristesse.  En  voici  une  que  nous  citons  presque 
tout  entière  parce  qu'elle  nous  donne,  en  même  temps  que  des 
éclaircissements  sur  ce  sujet,  de  nouveaux  détails  sur  l'amitié 
qu'eut  Mme  de  La  Fayette  pour  Ménage,  sur  sa  santé,  et  sur 

le  voyage  qu'elle  allait  faire  à  Paris. 

"ce  13 "6  novembre. 

"Me  voila  donc  asseuree  que  ie  ne  perdray  point  vostre 
amitié  pour  avoir  perdu  le  peu  de  beauté  que  j'avois  ie  perdrois 
trop  a  la  fois  si  ie  perdois  lune  et  lautre  il  est  vray  pourtant  que 
si  vostre  amitié  ne  tenoit  qu'a  ma  beauté  ce  ne  seroit  pas  une 
grande  perte  que  celle  dune  amitié  quy  tiendroit  a  si  peu  de  chose 
tout  le  malheur  de  mon  changement  ira  sur  loiseleur^  pour  moi  ie 
suis  d'advis  que  vous  le  datties  de  l'année  passée  jestois  asses 
jolie  en  ce  temps -la  et  cela  suffit  de  lavoir  este  pour  estre  traittee 
de  belle  car  enfin  les  beautés  ne  sont  pas  immortelles  comme  les 
louanges  que  Ion  leurs  (sic)  donne  ie  vous  prie  lorsque  Me  de 
Brissac  vous  parlera  de  moy  de  luy  témoigner  que  ie  vous  ay 
toujours  parle  délie  depuis  que  j'ay  l'honneur  de  la  cognoistre 
comme  d'une  personne  que  j'honorois  infiniment  "....etc.... 
"Nous  ne  partirons  dicy  que  le  lendemain  de  la  feste  de  Noël 
ie  suis  en  peine  davoir  une  litière  pour  me  venir  quérir  a  Briare 
ou  je  descendray  par  eau  ie  voudrois  trouver  une  de  quelque 
personne  de  qualité  parce  que  pour  l'ordinaire  celles  que  Ion  loue 
sont  tre«  incomode  et  les  mulets  en  sont  si  meschants  que  les 
fammes  en  lestât  que  ie  suis  y  courent  plus  de  risque  qu'en 

1  Poème  de  Ménage,  adressé  à  Mme  de  La  Fayette  et  qu'il  semble 
lui  avoir  communiqué  avant  l'impression.  Il  en  est  souvent  question 
dans  la  correspondance. 


58  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

carosse....Nous  avons  absolument  areste  la  maison  de  Mme  de 
Seivgne^  en  attendant  que  nous  layons  meublée  nous  logerons 
ches  Mr  de  St  Pons^  qui  demeure  proche  Ihostel  de  nevers.  Nous 
serons  asses  vos  voisins  en  cet  endroit  la  adieu  ie  vous  escris 
des  aujourdhuy  quy  n'est  pas  le  jour  de  lordinaire  parce  que 
jauray  demain  céans  une  foule  de  monde  horible  parmi  laquelle 
ie  n'aurais  pas  eu  le  temps  de  vous  dire  un  mot^." 

Malgré  "la  foule  de  monde  horible"  et  ses  nombreuses 
occupations,  Mme  de  La  Fayette  lit  et  écrit  beaucoup — car  la 
légende  qui  veut  qu'elle  n'ait  écrit  que  peu  de  lettres  est  aussi 
fausse  que  la  plupart  des  légendes  fabriquées  sur  son  compte. 
Elle  ne  se  contente  pas  de  lire  U Oiseleur  de  Ménage,  qui  lui 
est  dédié,  elle  trouve  encore  le  temps  d'en  faire  la  critique: 
"J'ay  releu  vint  fois  loiseleur,"  écrit-elle,  "mais  plus  ie  lay  leu 
et  plus  ie  me  suis  fortifiée  a  estre  de  son  party  ie  trouve  cjue  ce 
que  vous  y  aves  adjouste  lors  que  la  belle  est  touchée  de  lamour 
d'Eurilas  y  fait  fort  bien  et  ie  ayme  fort  quelle  se  souvienne  de 
ce  que  luy  a  dit  le  Peroquet  comme  dune  chose  quy  vient  peut- 
estre  des  dieux  il  y  a  un  vers  dont  ie  vous  demande  raison  quoy 
que  ie  sois  persuadée  qu'il  n'y  a  point  de  faute  mais  cest  que  la 
manière  dont  il  est  tourne  est  nouvelle  pr  moy. 

si  bien  tost  linsensible  esloignait  ses  beaux  lieux 
il  me  semble  qu'il  faudroit  seloigner  de  ces  lieux  car  Eurilas 
peut  bien  seloigner  de  chipre  mais  il  ne  peut  pas  esloigner  chipre 
de  luy  et  il  y  a  grande  diference  dans  la  commune  façon  de 
parler  des  hommes  (ie  ne  scay  pas  si  cest  la  même  chose  dans  le 
langage  des  Dieux)  a  seloigner  dune  personne  ou  a  esloigner  une 
personne  de  soy  faittes  moy  responce  la  dessus  ie  vous  en  prie 
il  y  a  encore  deux  vers  quoyque  beaux  quy  ne  me  plaisent  pas 
cest  dans  la  description  d'Eurilas  il  ne  men  souvient  pas  bien 
vous  vous  les  cognoistres  par  ce  que  ie  men  vais  vous  en  dire. 
et  le  premier  coton  a  peine  ombragoit  (sic)  son  menton* 

^  Le  beau-père  de  Mme  de  La  Fayette  voulait  lui  louer  sa  maison  que 
la  jeune  femme  trouvait  fort  incommode — loin  de  ses  amis  et  du  Palais 
de  Justice. 

2  Son  oncle  maternel  Gabriel  Péna,  Sieur  de  St  Pons,  mort  en  mars 
1659  (Lettre  de  faire  part.  Cab.  des  Titres,  Pièces  orig.   2229).   Cette 
lettre  de  Mme  de  La  Fayette  ne  peut  être  donc  postérieure  à  1658). 
^  Inédite. 
*  Ménage  avait  écrit: 

Il  sortoit  de  l'enfance  et  le  premier  coton 
À  peine  sevilement  ombrageoit  son  menton. 

Poemata,  Quarta  editio,  1663. 


in]  U  Épouse  59 

ie  trouve  quelque  chose  de  plus  bas  a  cela  qu'au  reste  de  la  des- 
cription. Voila  les  seules  choses  que  jay  remarquées  quy  ne  me 
plaisent  pas  tant  que  le  reste.  A  dieu  ne  plaise  que  ie  croye  ponr 
cela  quelles  ne  soient  pas  bien  car  sans  vanité  ie  nay  pas  celle 
de  me  croire  capable  de  juger  de  tels  ouvrages.  J'emmène  une 
litière  de  ce  pays  icy  avec  moy  dans  nos  batteaux  afin  de  pouvoir 
prendre  terre  si  le  vent  nous  est  contraire  en  quelque  endroit 
que  nous  soyons  cest  pourquoy  ne  prenes  plus  la  peine  de  men 
chercher  adieu ^." 

D'après  certaines  lettres,  Ménage  aurait  communiqué  le 
manuscrit  de  son  poème  à  Mme  de  La  Fayette.  À  ce  sujet  elle 
lui  disait  :  "Je  prétends  vous  y  avoir  aidé  quoy  que  vous  puissies 
dire." 

Après  la  naissance  de  son  fils  Louis,  en  1658,  Mme  de  La 
Fayette  revint  en  Auvergne  et  nous  la  voyons  tantôt  à  Espinasse, 
tantôt  à  Nades,  tantôt  à  Vichy.  Elle  aime  la  campagne  et  écrit 
à  Ménage:  "....J'ay  bien  envie  de  vous  scavoir  a  Meudon  il  fait 
si  beau  a  la  campagne  que  jay  pitié  de  tous  ceux  quy  sont  pré- 
sentement a  Paris  peutestre  leur  fais  je  pitié  a  mon  tour  destre 
a  la  campagne  mais  comme  ie  ne  m'en  fais  pas  a  moymesme  ie 
m'en  console  facilement  mandes  moy  des  nouvelles  de  Mlle 
de  Scudery." 

Elle  fait  aussi  de  fréquents  voyages  à  Paris,  quelques  fois 
seule,  quelques  fois  avec  son  mari,  et  certains  de  ces  séjours  sont 
assez  longs  à  cause  des  procès.  De  son  côté,  son  mari  fait  de 
longs  voyages  qui  durent  parfois  plusieurs  mois.  Au  mois  de 
février  1659  elle  donne  naissance  à  un  second  fils,  René- Armand. 
Peu  à  peu  son  mari  rentre  dans  l'ombre  et  vers  1660  Madame  de 
La  Fayette  est  le  plus  souvent  à  Paris.  C'est  cette  séparation 
qui  a  fait  croire  à  tort  que  M.  de  La  Fayette  était  mort  quelques 
années  après  le  mariage.    Lorsque  M.  le  comte  d'Hausson ville 

Cf.  Voltaire,  Les  trois  manières  où  Téone  dit: 
Vous  connaissez  tous  Gathon, 
Il  est  plus  charmant  que  Nirée; 
À  peine  d'un  naissant  coton 
Sa  ronde  joue  était  parée. 

^  Noxis  donnons  in  extenso  cette  lettre  inédite  car  nous  croyons  que 
jusqu'ici  on  n'a  imprimé  aucune  critique  littéraire  émanant  de  Mme 
de  La  Fayette,  à  part  une  courte  appréciation  des  Maximes  de  La 
Rochefoucauld,  et  quelques  observations  adressées  à  Lescheraine. 
Dans  ces  deux  ca«  les  critiques  portent  plutôt  sur  le  fond  que  sur 
la  forme. 


60  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

découvrit  la  date  exacte  de  sa  mort  il  écrivit:  "Une  chose  est 
certaine  ;  c'est  qu'il  faut  renoncer  désormais  à  considérer  Mme  de 
La  Fayette  comme  une  jeune  veuve.... et  je  suis  certain  que  plus 
d'un  parmi  mes  prédécesseurs  en  biographie  fayettiste  enviera 
cette  trouvaille^."  Il  y  avait  de  quoi,  et  pourtant  si  les  prédé- 
cesseurs de  M.  d'Haussonville  avaient  été  un  peu  plus  conscien- 
cieux ils  auraient  pu.  sans  avoir  accès  aux  documents  qui  n'ont 
été  communiqués  qu'à  l'illustre  biographe  fayettiste,  arriver 
à  peu  près  au  même  résultat.  Il  aurait  suffi,  par  exemple,  de 
remarquer  en  Usant  le  contrat  de  mariage  entre  Mlle  de  Sévigné 
et  le  comte  de  Grignan,  signé  le  28  janvier  1669,  que  parmi  les 
personnes  qui  furent  témoins  il  y  eurent  Marguerite  de  Rostaing, 
veuve  de  Henri  de  Beaumanoir,  Marie  Madeleine  de  La  Vergne, 
épouse  du  Marquis  de  La  Fayette,  Dame  Françoise  de  Montalais, 
veuve  du  Comte  Marans,  etc.... Le  Comte  de  La  Fayette  était 
donc  encore  vivant  en  1669.  Quant  à  fixer  la  date  exacte  de  sa 
mort  c'était  plus  difficile  et  pourtant,  bien  avant  M.  d'Hausson- 
ville, M.  le  Sénateur  de  La  Fayette  avait  découvert  cette  date 
inscrite  sur  un  vieux  missel  où  se  trouvait  également  l'état-civil 
de  la  famille.  Il  avait  communiqué  à  M.  Feuillet  de  Couches 
cette  trouvaille  et  dans  son  étude  sur  la  comtesse,  écrite  avant 
1887  (date  de  sa  mort),  ce  dernier  l'avait  annoncée  avec  la  mo- 
destie qui  lui  était  habituelle.  Malheureusement  la  mort  enleva 
M.  de  Couches  quelques  mois  plus  tard  et  son  travail  resta  inédit. 
Sa  fille,  Mlle  Feuillet  de  Couches,  a  eu  l'obhgeance  de  nous  com- 
muniquer le  manuscrit  où  on  ht  à  propos  de  M.  de  La  Fayette  : 
"Jusqu'à  ce  jour  on  avait  ignoré  la  date  de  sa  naissance  et 
celle  de  sa  mort.  Le  Sénateur  de  nos  jours,  M.  Edmond  de  La 
Fayette  a  retrouvé  la  trace  de  ce  mari  de  notre  comtesse.  Il 
naquit  le  18  Sept.  1616  à  4  heures  du  matin,  au  château  de  son 
père  en  Auvergne.  Il  décéda  le  26  Juin  1683,  à  4  heures  du  matin, 
dans  ce  même  château  et  fut  inhumé  dans  celui  de  Nades. 
M.  Edmond  de  La  Fayette  a  retrouvé  cet  état-civil  dans  un 
vieux  missel  à  la  suite  duquel  sont  inscrites  les  notes  de  l'état- 
civil  des  membres  de  la  famille  de  La  Fayette."  (Note  en  marge.) 
"  Le  nom  du  château  du  père  est  iUisible  dans  le  volume^." 

1  Op.  cit.  p.  31. 

^  Ce  livre  d'heiires  appartient  aujourd'hui  à  M.  G.  de  Pusy  qui  a  eu 
l'obligeance  de  le  mettre  à  ma  disposition.  Je  remercie  M.  de  Pusy  de  sa 
délicate  bienveillance.  Les  notes  sur  l'ancienne  famille  de  La  Fayette 
sont  aujourd'hm  complètement  illisibles  mais  plusieurs  mains  ont  tenu 
à  jour  l'état-civil  de  la  famille.  Il  y  a  parfois  des  erreiors  (p.  e.  le  mariage 


m]  U  Épouse  61 

Quel  est  donc  le  fait  ou  le  sentiment  qui,  pendant  vingt  ans, 
contraignit  le  mari  à  ne  figurer  que  peu  ou  pas  du  tout  dans  la 
vie  de  sa  femme?  On  ne  manque  pas  de  nous  faire  remarquer 
aujourd'hui  que  la  séparation  a  dû  être  complète  et  pour  des 
raisons  fort  graves,  puisque  les  contemporains  ne  prononcent 
jamais  le  nom  du  mari.  Ce  raisonnement  est  basé  sur  une  erreur. 
Les  contemporains  en  parlaient.  Nous  avons  déjà  vu  que 
Guillard  expliquait  la  séparation  à  sa  façon.  Et  il  n'est  pas  seul 
à  faire  mention  de  M.  de  La  Fayette  ;  Madame  de  Sévigné  en 
parle.  Mais  il  n'y  a  rien  de  plus  difficile  que  de  ressusciter  un 
homme  tué  par  ses  biographes — les  annotateurs  s'obstinent  à 
expliquer  aux  lecteurs  que  le  M.  de  La  Fayette  des  lettres  de 
la  Marquise  n'est  pas  celui  qui  nous  intéresse  mais  son  frère  ou 
son  fils,  et  ceci  malgré  des  difficultés  de  date  à  peu  près  insur- 
montables. 

La  première  fois  que  nous  rencontrons  le  nom  de  M.  de  La 
Fayette^  dans  les  lettres  de  Mme  de  Sévigné  il  ne  s'agit  que  d'une 
mention  sans  importance  à  propos  d'un  domestique.  Au  mois 
de  février  1673  Mme  de  La  Fayette  écrit  à  son  amie  :  "Monsieur 
de  Bayard  et  M.  de  La  Fayette  arrivent  dans  ce  moment^." 
En  1676,  Madame  de  Sévigné  écrit  de  Vichy  à  sa  fille:  "Mme  de 
Brissac  avec  le  Chanoine,  Mme  de  Saint-Hérem  et  deux  ou  trois 
autres  me  vinrent  recevoir  aux  bords  de  la  johe  rivière  de  l'Allier. 
...M.  de  Saint-Hérem,  M.  de  La  Fayette,  l'abbé  Dorât,  Plancy 
et  d'autres  encores,  suivoient  dans  un  second  carosse  ou  à 
chevaP."  Et  quelques  jours  plus  tard,  elle  écrit  de  nouveau*: 
"Il  y  a  trois  hommes  qui  ne  sont  occupés  que  de  me  rendre 
service:  Bayard,  Saint-Hérem,  et  La  Fayette." 

De  ces  citations  il  ressort  deux  faits  :  d'abord,  que  M.  de  La 
Fayette  allait  voir  sa  femme  à  Paris  longtemps  après  l'étabhsse- 

de  Mme  de  La  Fayette  1654  au  lieu  de  1655)  qui  font  croire  que  les  ins- 
criptions ont  été  faites  par  d'autres  que  les  chefs  de  famille  mais  il  y  a 
là  des  détails  que  l'on  ne  pourrait  trouver  ailleurs.  Le  passage  que  M.  Ed- 
mond de  La  Fayette  communiqua  à  M.  Feuillet  de  Couches  est  ainsi 
conçu,  "François  de  la  faïette  nasquist  18  jour  de  Septembre  1616  à 
4  he;ares  du  matin  au  chastel  d'Epinasse  et  fut  baptisé  à  la  paroisse  ses 
parine  et  marjme  Claude  et  Anne  de  Bourbon  oncle  et  tante  maternels. 
Led.  franc,  est  décédé  le  26  jviin  1683  à  4  heures  du  matin  en  la  viUe 
d'Ebreuil  (?)  et  a  esté  inhiuné  à  Nades  le  même  jour." 

^  II.  462.  En  note:  "Dans  l'édition  de  la  Haye,  la  seule  qm  donne 
cette  phrase,  il  y  a  M.  de  La  Fayette."  Dans  le  texte  on  a  imprimé  Mme  de 
La  Fayette.  2  ibij.  m.  316. 

3  Ibid.  Vichy,  le  19  mai  1676.  "  Ibid.  le  24  mai. 


62  Madame  de  La  Fayette  [ch.  \ 

ment  de  celle-ci  dans  la  capitale,  en  1673,  ensuite,  qu'il  n'était  | 

pas  aussi  ennemi  de  toute  société  que  l'on  voudrait  le  faire 
croire  puisqu'il  a  pu  mériter  la  reconnaissance  de  l'amie  de  sa  : 

femme,  lors  de  sa  visite  en  Bourbonnais.  ;| 

Cette  séparation,  peut-être  moins  complète  qu'on  ne  l'ima-  | 

ginait,  a  besoin  toutefois  d'être  expliquée.    Ici,  tout  est  con-  | 

jecture,  car  les  documents  font  complètement  défaut.  Mais  il 
ne  s'ensuit  pas  qu'il  soit  nécessaire  de  bâtir  tout  un  roman  pour  , 

combler  la  lacune.    Au  contraire,  ce  manque  de  documents,  à  I 

notre  avis,  motive  une  explication  simple,  car  si  vraiment  il  y  t 

avait  eu  un  drame,  certaines  médisances  seraient  parvenues 
jusqu'à  nous.  Nous  écarterons  pour  le  moment  la  question  de 
la  liaison  avec  de  La  Rochefoucauld^  dont  nous  parlerons  à  sa 
place.  Voici  notre  hypothèse,  basée  en  partie  sur  la  correspon- 
dance inédite  de  la  comtesse  ;  mais,  reconnaissons-le  sans  tarder, 
elle  ne  s'appuie  sur  aucun  document  précis. 

Nous  avons  déjà  vu,  d'après  la  correspondance  de  Mme  de 
La  Fayette,  que  ses  procès  se  succédaient  et  s'éternisaient  au 
Palais  de  Justice  de  Paris.  Ces  procès  rendaient  sa  présence 
nécessaire,  et,  de  plus,  sa  santé  exigeait  des  soins  que  l'on  ne 
trouvait  que  dans  la  capitale.  Elle  faisait  donc  le  voyage  de 
temps  en  temps — parfois  dans  un  état  de  santé  si  mauvais  que 
seuls  le  bateau  et  la  litière  lui  étaient  supportables.  Ces  voyages 
coûteux,  douloureux,  dangereux  même  pour  la  malade,  devaient 
être  évités  autant  que  possible,  mais  quand  on  plaidait  il  fallait 
être  à  Paris,  sans  quoi  l'on  risquait  de  perdre  gros.  Madame  de 
La  Fayette  y  j&t  donc  des  séjours  de  plus  en  plus  prolongés^  ;  son 
mari,  qui  ne  se  trouvait  pas  à  son  aise  dans  les  milieux  qu'elle 
fréquentait,  se  consolait  tant  bien  que  mal  chez  lui.  Peu  à  peu 
Mme  de  La  Fayette  fut  ressaisie  par  la  vie  de  Paris,  elle  reprit 
sa  place  dans  le  cercle  de  ses  amis,  dans  les  salons  qui  se  for- 
maient ;  elle  entra  à  la  cour  de  Madame  Henriette,  encouragée  par 
cette  pensée  qu'abandonner  Paris  menaçait  de  nuire  non  seule- 

^  Nous  traitons  ailleurs  de  la  date  de  cette  liaison,  date  qu'il  est  peut- 
être  nécessaire  d'avancer.  Il  faudrait  alors  en  considérer  l'influence  ici 
même — mais  les  preuves  ne  sont  pas  suffîsanunent  probantes  pour 
bouleverser  ainsi  l'opinion  commiine. 

2  On  n'a  pas  remarqué  ces  longs  séjours  à  Paris  dvi  ménage  La  Fayette. 
On  fait  faire  à  la  jeune  femme  un  séjour  ininterrompu  en  Auvergne  de 
trois  ou  quatre  ans.  Mais  elle  écrit  elle-même  à  cette  époque:  "Comme 
nos  affaires  sont  tournées  a  nous  tenir  longtemps  a  Paris  cela  fait  que 
ie  ne  veux  pas  une  maison  de  si  grand  prix  que  si  ie  ne  la  devais  tenir  que 
six  mois'"  (inédit). 


iir]  U  Épouse  63 

ment  à  elle-même,  mais  en  outre  à  l'avenir  de  ses  enfants.  C'est 
là  qu'était  la  cour,  et  il  ne  se  faisait  rien  en  province,  dans  les 
états,  dans  les  gouvernements,  dans  les  armées  que  la  Cour  ne 
sût,  ne  surveillât.  C'est  de  Paris,  de  la  Cour,  que  partaient  les 
seigneurs  qui  allaient  dans  leurs  gouvernements,  les  hommes  de 
guerre,  les  généraux,  les  diplomates.  Les  fils  de  M.  de  La 
Fayette  ne  pouvaient  arriver  sans  influence  car,  bien  entendu, 
il  n'y  avait  que  deux  carrières  d'ouvertes  à  un  La  Fayette, 
l'armée  ou  l'église.  Pour  avoir  cette  influence  il  fallait  des  rela- 
tions et  ce  n'est  qu'à  Paris  qu'on  en  trouvait  d'utiles.  Mais 
toutes  ces  considérations  n'expliquent  que  le  séjour  à  Paris  et 
non  pas  l'absence  du  mari.  Il  n'était  pas  homme  du  monde,  il 
est  vrai,  il  aimait  la  campagne,  mais  d'autre  part  il  adorait  sa 
femme — en  tout  cas  pendant  la  lune  de  miel.  Peut-être,  lors- 
qu'il se  vit  hé  à  une  femme  continuellement  malade,  qui  perdait 
rapidement  sa  beauté,  son  amour  se  refroidit-il  un  peu.  Peut- 
être  encore  fut-il  forcé,  un  peu  malgré  lui,  de  cesser  ses  relations 
avec  sa  femme  pour  ménager  la  santé  de  celle-ci'-.  Dans  ce  cas 
la  séparation  à  peu  près  complète  était  ce  qu'il  y  avait  de  moins 
pénible  pour  tous  les  deux.  Elle  permettait  au  mari  de  visiter 
de  temps  à  autre  la  maison  de  la  rue  de  Vaugirard^  et  d'y  ren- 
contrer, comme  il  dût  le  faire,  le  duc  de  La  Rochefoucauld — et 
avec  un  esprit  tranquille.  Si  l'on  admet  certaines  autres  hypo- 
thèses on  risque  d'accuser  M.  de  La  Fayette  d'avoir  été  un  mari 
singulièrement  complaisant. 

Très  peu  de  temps  après  le  mariage  et  avant  que  Mme  de  La 
Fayette  ne  fût  venue  s'étabhr  à  Paris,  nous  voyons  la  femme  à 
Livry,  et  le  mari  en  Auvergne,  sans  qu'il  y  ait  eu  de  querelle.  Au 
contraire,  Mme  de  La  Fayette  est  inquiète  et  demande  des 
nouvelles  de  son  mari.  "le  vous  prie,"  écrit-elle  de  Livry,  "de 

^  Une  lettre  à  Huet  jette  iin  peu  de  lumière  sur  ses  souSrances  à  la 
naissance  du  second  (  ?  )  enfant.  '  '  Quoique  je  sois  accouchée  très  heureiise- 
ment  contres  toutes  les  apparences  et  que  l'on  travaille  a  me  guérir  avec 
assez  de  soin,  l'on  avance  si  peu  que  je  n'espère  pas  mieiix  de  ma  santé 
que  lorsque  vous  étiez  ici.  Je  crois  que  ma  destinée  est  de  n'en  point 
avoir  et  je  m'y  soumets  avec  une  patience  qui  adoucit  mes  maux,  au 

lieu  que  l'inqmetude  les  aigrirait "    Mss.  fr.  Bibl.  Nat.    Voir  bibliog. 

(Correspondance  ). 

2  "M.  de  la  Fayette  est  a  Paris  et  fort  votre  serviteur /'  écrit-eUe 

à  Huet  le  15  mai  1663.  M.  Lemoine,  à  la  p.  68  (note)  de  son  article  sur 
Louvois  {Rev.  de  Paris,  \^^  sept.  1907),  affirme  que  M.  de  La  Fayette  est 
mort  dans  l'Hôtel  de  la  rue  de  Vaugirard.  Ceci  est  inexact  d'après  le 
missel  de  la  famille.   Voir  la  note  à  la  p.  60. 


64  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

scavoir  de  Mr  Verjus  s'il  escrivit  mardi  a  M.  de  La  Fayette  et 
s'il  ne  luy  a  point  escrit  pries  le  de  ma  part  de  luy  escrire  demain 
comme  ie  suis  icy  ie  ne  scay  aucune  nouvelle  et  ne  puis  luy  en 
escrire." 

Un  peu  plus  tard,  elle  écrit  à  Ménage  que  M.  de  La  Fayette 
est  très  content  des  soins  de  l'abbé,  et,  plusieurs  années  après  le 
mariage,  elle  écrit  encore:  "Je  vous  suplie  denvoyer  au  logis 
de  Mr  Fournier,  quy  est  le  précepteur  de  mes  anfans,  la  lettre  pr 
Mr  de  Novion  et  il  l'envoira  (?)  a  Mr  de  La  Fayette  ce  seroit 
du  temps  perdu  de  me  l'envoyer  icy  adieu  jusqu'à  Fresnes...." 

Ménage  paraît  avoir  été  chargé  non  seulement  de  faire  des 
démarches  pour  les  procès,  mais  aussi  de  fournir  à  M.  de  La 
Fayette  une  espèce  de  gazette  des  nouvelles  de  Paris.  Lorsqu'il 
est  absent,  c'est  Mme  de  La  Fayette  qui  s'en  acquitte:  "Je  suis 
tout  seule  a  Paris,"  écrit-eUe,  "  sérieusement  ie  n'y  vois  personne 
et  ie  passe  céans  des  journées  entières  sans  estre  inte rompue 
d'aucune  visite  jay  escrit  aujourdhuy  en  Auvergne  mais  j'ay 
bien  mal  acomply  vostre  place  pr  les  nouvelles." 

À  d'autres  moments  le  mari  est  à  Paris — la  femme  en  Au- 
vergne. "A  moins  que  Mr  de  La  Fayette  me  manda  que  ie  suis 
absolument  nécessaire  a  Paris,"  écrit-elle,  "ie  ne  m'en  iray  que 
d'aujourdhuy  en  huit  jours  ie  vous  diray  lors  que  ie  seray  a  Paris 
ce  qui  me  retient  icy." 

Dans  une  autre  lettre  encore  elle  écrit  :  "  Jenvoy  a  Paris  pour 
scavoir  des  nouvelles  de  Mr  de  La  Fayette  dont  ie  suis  en  peine . . , .  " 

Malgré  cette  attitude  pleine  d'égards  de  Mme  de  La  Fayette, 
il  est  certain  qu'après  quelques  années  de  mariage  le  mari  ne 
compte  plus  guère  dans  la  vie  de  sa  femme.  C'est  elle  qui  paraît 
avoir  tout  organisé,  tout  dirigé,  pour  l'avenir  de  ses  fils  ;  c'est  elle 
qui  s'occupe  des  biens  de  la  famille  ;  après  la  mort  de  son  mari 
elle  affirme  son  autorité  de  chef  de  famille,  dressant  l'arbre 
généalogique  de  la  maison  des  La  Fayette.  C'est  à  propos  de  ces 
dernières  recherches  que  je  trouve  la  seule  critique  qu'elle  ait 
émise  à  l'adresse  de  son  mari,  dans  sa  correspondance  avec 
Ménage.  "Je  songe  a  faire  les  cartiers  de  feu  Mr  de  La  Fayette," 
écrit-elle,  "il  n'a  jamais  songe  a  s'instruire  de  sa  maison  ie  ne 
veux  pas  laisser  mes  enfants  dans  cette  mesme  negHge." 

Nous  pouvons  donc  prendre  congé  du  mari  à  cette  époque 
de  sa  vie,  mais  avant  de  le  faire  il  faut  se  demander  quelle  in- 
fluence ce  mariage  a  pu  avoir  sur  la  vie  de  Mme  de  La  Fayette. 
Comme  futur  auteur  de  la  Princesse  de  Clèves,  elle  n'a  certes  pas 
à  regretter  son  mariage — on  ne  conçoit  pas  ce  roman  écrit  par 


-^  j 


m]  U  Épouse  65 

une  vieille  fille —  ;  nous  pouvons  donc  oublier  ici  les  déceptions 
de  la  femme  pour  ne  parler  que  des  profits  de  l'écrivain. 

Son  séjour  en  province  agrandit  un  peu  son  horizon.  Il  lui 
permit  de  rencontrer  des  étrangers,  des  provinciaux.  Certes, 
elle  en  avait  déjà  rencontré,  étant  jeune  fille,  mais  elle  n'avait 
jamais  eu  une  aussi  bonne  occasion  de  les  étudier.  Mariée,  elle 
connaissait  les  rapports  du  mari  et  de  la  femme  dans  la  vie 
sociale — elle  en  appréciait  les  avantages  et  les  inconvénients. 
Elle  goûtait  la  liberté  d'action — et  peut-être  de  parole — de 
l'épouse;  elle  jouissait  de  la  joie  d'être  comtesse,  de  porter  un 
nom  ancien,  mais  elle  était  peut-être  attristée  par  Féloignement 
de  ses  amis  et  le  changement  de  miheu,  et  elle  souffrait  cruelle- 
ment d'avoir  ajouté  à  une  maladie  déjà  douloureuse  les  affres 
de  la  maternité.  Enfin  elle  pouvait  étudier  la  psychologie  de 
l'homme  amoureux,  nous  n'osons  pas  ajouter,  puisque  les 
preuves  manquent,  et  de  l'homme  jaloux. 

Si  le  mariage  fut  pour  elle  une  source  de  déceptions — qu'il 
y  ait  eu  drame  ou  non — la  situation  d'épouse  dut  l'amener  à  faire 
de  fréquentes  réflexions  et  elle  put  comprendre  mieux  que  per- 
sonne combien  la  question  du  mariage  soulève  de  graves  pro- 
blèmes qui  lui  sont  particuhers.  Nous  ne  voulons  pas  rechercher 
ici  jusqu'à  quel  point  la  Princesse  de  Clèves  est  une  autobio- 
graphie. Nous  en  parlerons  plus  loin,  mais  on  ne  peut  s'empêcher, 
en  étudiant  la  vie  d'épouse  de  Mme  de  La  Fayette,  et  plus  tard 
son  amitié  avec  La  Rochefoucauld,  de  se  dire  "Il  y  a  ici  les 
éléments  de  la  Princesse  de  Clèves,"  les  personnages  y  sont — peut- 
être  leurs  relations  n'existent-elles  que  dans  l'imagination  de 
l'auteur.  Toujours  est-il  que  les  propres  expériences  de  Mme 
de  La  Fayette,  épouse,  ont  dû  lui  être  utiles  pour  la  préparation 
de  son  chef-d'œuvre. 


CHAPITRE  IV 
LA  DÉBUTANTE.    1659-1662 


Lorsque  le  mariage  eut  exilé  Madame  de  La  Fayette  en  pro- 
vince elle  eut  recours  à  Ménage  pour  qu'il  la  tînt  au  courant 
de  ce  qui  paraissait  chez  les  libraires  de  Paris;  entre  d'autres 
livres  il  lui  fit  parvenir,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  la  Clélie. 
À  ce  sujet  Madame  de  La  Fayette  lui  écrit  :  "Je  suis  fort  offencee 
que  vous  ne  m'ayez  point  mande  que  vous  esties  dans  Clelie 
vous  avez  voulu  voir  sans  doute  si  ie  vous  recognoistrois  he 
bien  Monsieur  ie  vous  ay  recogneu  au  portrait  et  ie  trouve  votre 
pinture  (sic)  fort  resemblante  jay  recogneu  aussi  Me  du  Plessis 
Mr  de  Mauleurier  et  le  Port  Royal  du  reste  ie  ny  cognois  quy 
que  soit  la  Princesse  d'Erice  nest  pas  dépeinte  tout  a  fait  comme 
ie  voudrois  mandes  moy  ie  vous  prie  quy  est  Merigene  asseure- 
ment  il  n'y  a  rien  de  plus  spirituel  que  ce  livre  la  pour  moi  ie  ne 
cesse  de  ladmirer....^."  Madame  de  La  Fayette,  qui  aimait  à 
découvrir  les  originaux  des  portraits,  put  se  livrer  à  cet  amuse- 
ment dès  le  sixième  tome  du  Grand  Cyrus  et  avant  d'arriver 
à  la  fin  de  ce  roman  elle  dut  exercer  son  ingéniosité  sur  les  por- 
traits d'Angélique  Paulet,  de  Mme  de  Rambouillet,  de  Julie 
d'Angennes,  d'Angélique  d'Angennes,  du  marquis  de  Montausier, 
de  Godeau,  de  Conrart,  de  Chapelain,  de  Mlle  de  Scudéry,  de 
Mme  de  Buisson  et  d'autres  encore  dont  les  modèles  lui  étaient 
peut-être  connus,  mais  qui  sont  plus  difficiles  à  identifier  de  nos 
jours.  Si  l'honneur  d'avoir  "lancé'''  cette  mode  des  portraits 
revient  à  Mlle  de  Scudéry,  la  grande  Mademoiselle  peut  reven- 
diquer, à  bon  droit  fort  probablement,  celui  d'avoir  séparé  le 
portrait  du  roman  pour  en  faire  un  genre  Kttéraire  à  part.  Elle 
écrit  dans  ses  Mémoires  (automne  1657)  :  "Dès  que  je  sus  la  cour 
à  Paris,  j'y  envoyai  un  gentilhomme  pour  lui  faire  mes  excuses 
de  ne  m'y  être  pas  rendue  aussitôt,  mais  que  mes  affaires  m'ob- 
ligeoient  de  demeurer  encore  à  Champigny.  Madame  la  princesse 
de  Tarente  et  Mademoiselle  de  la  TrémoïUe  y  vinrent  deux  ou 
trois  fois,  et  y  furent  longtemps  à  chacune.  Elles  me  montrèrent 

1  Corr.  inéd.  Coll.  F.  de  C. 


CH.  iv]  La  Débutante  67 

leurs  portraits  qu'elles  avaient  fait  faire  en  Hollande.  Je  n'en 
avois  jamais  vu;  je  trouvai  cette  manière  d'écrire  fort  galante 
et  je  fis  le  mien.  Mademoiselle  de  la  Trémoïlle  m'envoya  le  sien 
de  Thouars." 

"On  dit  à  son  Altesse  Royale,"  lisons  nous  ailleurs,  "que 
j 'avois  fait  mon  portrait  à  Champigny  ;  il  me  demanda  à  le  voir 
et  me  dit  qu'il  le  trouvoit  bien  fait  ;  qu'il  me  conseilloit  de  ne  le 
montrer  à  personne,  de  crainte  que  cette  mode  ne  vînt  et  que 
l'on  n'en  fît  de  médisans  et  que  l'on  ne  dît  :  C'est  Mademoiselle 
qui  en  a  donné  l'invention.  J'assurai  son  Altesse  Royale  que 
personne  ne  le  verroit.  J'avoue  que  je  crus  ce  conseil  un  peu 
intéressé  et  qu'il  craignoit  que  l'on  ne  fît  le  sien^," 

La  promesse  ainsi  donnée  n'a  pas  été  tenue,  semble-t-il,  car 
il  est  certain  que  la  mode  des  portraits  s'imposa  et  qu'on  fit  des 
portraits  médisants^.  La  vogue  de  ce  nouveau  genre  littéraire 
fut  tellement  grande  que  le  cardinal  de  Retz  en  est  réduit  à 
s'excuser  ainsi,  au  début  de  ses  mémoires:  "Je  sais  que  vous 
aimez  les  portraits  et  j'ai  été  fâché  par  cette  raison  de  n'avoir 
pu  vous  en  faire  voir  jusqu'ici  aucun  qui  n'ait  été  de  profil  et 
qui  n'ait  été  par  conséquent  fort  imparfait."  Il  explique  ensuite 
qu'il  vient  de  sortir  "du  vestibule  de  son  sujet"  et  aussitôt 
donne  une  série  de  dix -sept  portraits. 

La  mode  ainsi  lancée  se  répandit  assez  vite  à  travers  la 
France  et  non  seulement  dans  la  haute  société,  mais  aussi  dans 
la  bourgeoisie.  Ainsi  à  côté  des  Portraits  de  la  Cour  (voir  le 
tome  vni.  de  la  collection  Dan  j  ou)  nous  trouvons  Les  Portraits 
des  plus  belles  dames  de  la  Ville  de  Montpellier^  et  Les  Portraits 
de  Messieurs  du  Parlement^.    Bussy-Rabutin  en  parsème  ses 

^  Mém.  de  Mlle  Chéruel,  ir.  181.  Nous  ne  connaissons  qu'une  mono- 
graphie sur  les  portraits:  Arthur  Franz,  Das  l'derarische  Portrdl  in  Frank- 
reich  im  Zeitalter  Richelieus  und  Mazarins.  Berlin,  1906.  C'est  \ine 
thèse  très  allemande  sur  xna  genre  très  français.  Comme  le  sujet  ne 
nous  intéresse  qu'en  ce  qui  concerne  Mme  de  La  Fayette  no\is  n'en 
donnerons  pas  la  bibliog.  détaillée.  Voir  Lanson,  Man.  de  Bibliog.,  et 
Uart  de  la  Prose.  Emile  Magne,  Mme  de  la  Suze,  pp.  232,  233,  notes. 
M.  Magne  donne,  en  passant,  plus  de  renseignements  bibliographiques  en 
deux  notes  que  M.  Franz  n'en  donne  dans  toute  sa  thèse.  Lachèvre, 
Bibliog.  des  recueils....  A.  Barine,  Louis  XIV  et  la  Grande  Mlle,  pp.  131 
et  suiv.  Richelet,  Les  plus  belles  lettres....  Sorel,  Ch.,  Descr,  de  Visle  de 
portraicture...,  1659.    Cousin,  La  Soc.fr.  d'après  le  Gr.  Cyrus. 

2  II  }•  a  des  portraits  satiriques  dans  Sorel,  op.  cit.,  et  il  existe  des 
Portraits  de  la  Cour  en  contrevérité,  1659,  que  nous  n'avons  pas  \'tis. 

3  Rosset,  1660.       *  Bibl.  Arsenal,  Fonds  de  VHist.  de  Fr.  N"  420,  in  4». 

5—2 


68  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

mémoires  et  on  en  rencontre  dans  les  écrits  diplomatiques  et 
politiques^.  Ils  encombrent  les  romans^  et  leur  attirent  les 
railleries  de  Boileau  qui  fait  dire  à  Sapho  dans  Les  héros  de 
roman:  "Qui?  Tisiphone?  Je  la  connais,  et  vous  ne  serez  peut- 
être  pas  fâché  que  je  vous  en  fasse  voir  le  portrait,  que  j'ai  déjà 
composé  par  précaution,  dans  le  dessein  où  je  suis  de  l'insérer 
dans  quelqu'une  des  histoires  que  nous  autres  faiseurs  et  fai- 
seuses de  romans  sommes  chargés  de  raconter  à  chaque  livre  de 
notre  roman."  Les  portraits  envahissent  les  comédies  et  trou- 
vent place  jusque  dans  les  sermons  de  Bourdaloue.  D'abord 
jeux  de  précieuses,  avant  de  tomber  dans  le  mépris  ils  ont 
atteint  la  perfection  dans  les  Caractères  de  La  Bruyère. 

C'est  Segrais  qui  fut  chargé  par  Mademoiselle  de  préparer 
une  édition  des  portraits  qu'elle  avait  collectionnés.  Cette 
édition  fut  imprimée  à  Caen  en  1659  in  4P,  et  Huet  qui  s'y 
trouvait  à  cette  époque  surveilla  particulièrement  l'impression. 
Segrais,  d'après  le  Segraisiana,  dit  :  "J'ai  aussi  fait  imprimer  avec 
M. . . .  (Huet)  un  recueil  de  cent  portraits  de  différentes  personnes^. 
Il  y  en  a  bien  quarante  de  la  composition  de  Mademoiselle  ;  on 
n'en  a  tiré  que  trente  exemplaires*."  C'est  dans  ce  recueil  que 
parut  le  Portrait  de  Madame  de  Sévigné  par  Madame  la 
comtesse  de  La  Fayette  sous  le  nom  d'un  inconnu — première 
œuvre  httéraire  pubhée  par  elle^.  Il  est  intéressant  de  noter,  en 

^  Voir  De  Boislisle,  Les  portraits  dans  les  écrits  dip.  et  pol.  Bull. 
Soc.  Hist.  Fr.  1896,  T.  xxxiii. 

2  II  y  a  dans  la  Clélie  non  seulement  des  portraits  mais  aussi  une 
discussion  sur  le  genre  (ix.  284)  et  d'autres  remarques  sur  le  même  sujet 
(X.  1035). 

^  La  pe  éd.  renfermait  59  port,  dont  16  de  la  main  de  Mademoiselle. 

*  Brédif  {Segrais,  etc.)  aurait  vu  à  la  Bibl.  Nat.  60  exemplaires  de 
cette  première  éd.  Malheureusement  notre  patience  s'étant  mainte  fois 
fatiguée  à  attendre  la  communication  d'van  seul  exemplaire  d'un  ouvrage 
publié  au  XVII''  siècle  et  qui  n'était  pas  encore  porté  sur  le  cat.  gén., 
nous  n'avons  pas  osé  demander  la  communication  de  60  ex.  du  même 
ouvrage,  mais  nous  croyons  que  Brédif  se  trompe  à  son  tour  et  qu'il  a 
pris  une  des  nombreuses  réimp.  (voir  bibliog.)  pour  l'éd.  orig.  Les 
chiffres  donnés  par  le  Segraisiana  sont,  cependant,  peut-être  un  peu 
au-dessous  de  la  vérité.   Nous  trouvons,  en  effet,  sur  la  feuille  de  garde 

de  l'ex.  L  37  b  187  de  la  Bibl.  Nat.  la  note  MS.  suiv "Il  n'en  a  esté 

tiré  que  60  exemplaires.  On  sçait  cette  particularité  de  M,  Huet  luy- 
même  qui  l'a  dit  en  1718  à  un  de  ses  amis." 

^  Il  est  bien  question  dans  la  Corr.  de  Bussy  (i.  262)  d'tme  lettre  pour 
se  moquer  des  mots  à  la  mode  "qu'elle  a  donnée  au  public" — ^nous  ne 
savons  pas  à  quelle  date.  Était-ce  avant  ou  après  1659?  En  tout  cas 
ce  n'est  qu'une  bagatelle  sans  visée  littéraire — bien  que  spirituelle. 


IV  ]  La  Débutante  69 

passant,  que  cet  ouvrage  inspiré  par  le  caractère  de  sa  meilleure 
amie,  Madame  de  Sévigné,  fut  publié  sous  la  direction  de  Huet, 
à  qui  elle  communiqua  plus  tard  les  feuilles  de  Zàide  au  fur  et 
à  mesure  de  leur  achèvement^,  et  de  Segrais  qui  sera  son  col- 
laborateur dans  la  préparation  de  ce  même  roman,  qui  le  pré- 
sentera au  public  sous  son  nom,  et  aura,  en  outre,  l'honneur  de 
se  voir  attribuer  la  Princesse  de  Clèves. 

Il  ne  faudrait  pas  négHger  la  part  d'influence  qui  revient  à 
cette  mode  dans  l'éducation  littéraire  de  Madame  de  La  Fayette. 
Avant  d'écrire  ce  portrait  et  bien  longtemps  après  sa  publication 
elle  dut  lire  et  entendre  discuter,  louer  et  critiquer,  un  grand 
nombre  d'ouvrages  de  ce  genre.  C'était  un  excellent  apprentis- 
sage qui  la  préparait  à  peindre  comme  elle  le  fera  plus  tard 
"l'intérieur  des  gens^."  Il  ne  faut  pas  en  effet  se  méprendre  sur 
le  véritable  but  des  portraits.  Bien  que  leurs  auteurs  aient  com- 
mencé d'ordinaire  par  dépeindre  la  figure  et  l'extérieur  d'une  per- 
sonne, puis  les  talents  qui  dépendent  des  avantages  physiques  : 
armes,  danse,  chant,  et  n'aient  songé  que  plus  tard  à  l'esprit 
et  au  cœur,  ils  n'avaient  nullement  l'intention  de  "faire  voir" 
la  personne  à  la  façon  de  nos  modernes  réalistes.  Il  leur  suffisait 
d'appeler  l'attention  des  lecteurs  sur  diverses  particularités,  de 
faire  naître  de  ces  particularités  des  idées  ingénieuses,  de  les 
rassembler  en  rapports  piquants,  en  un  mot  "de  mêler  si  inti- 
mement l'exercice  de  l'esprit  du  peintre  à  la  description  des 
caractères  du  modèle  que  l'on  ne  sache  pas  ce  qui  intéresse  ou 
amuse  le  plus,  le  modèle  étudié  ou  le  tour  donné  à  cette  étude^." 

C'est  l'étude  de  l'esprit  et  du  cœur  qui  fut  le  meilleur  exercice 
pour  les  écrivains  et  c'est  ce  qui,  chez  eux,  nous  intéresse  le  plus 
aujourd'hui;  là  seulement  se  trouve  l'intérêt  durable  des  Por- 
traits. La  même  franchise  était  de  règle  en  parlant  et  du  corps 
et  de  l'esprit,  mais  si  nous  n'avons  qu'un  intérêt  médiocre  à 
savoir,  sous  la  plume  de  la  duchesse  de  Châtillon  elle-même, 
qu'on  ne  peut  avoir  la  jambe  ni  les  cuisses  mieux  faites  qu'elle 
ne  les  avait,  nous  ne  pouvons  pas  être  indifférents  à  l'amour  de 
liberté  et  d'indépendance,  et  aux  opinions  sur  la  loyauté  et 
l'honneur  que  plusieurs  portraitistes  découvrent  chez  leurs 
modèles.   Madame  de  La  Fayette  paraît  se  rendre  bien  compte 

1  Voir  notre  chapitre  sur  Zaïde. 

2  Ce  joli  mot,  relevé  par  A.  Barine  (Louis  XIV  et  la  Gr.  Mlle,  p.  137), 
est  de  la  marqmse  de  Maixny,  qui  écrit  dans  son  portrait  {Gai.  port.  Éd 
Barthélémy,  p.  75),  "Je  connais  assez  l'intérieur  des  gens." 

^  Lanson,  L'Art  de  la  Prose,  p.  128. 


70  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

de  l'importance  de  la  "partie  morale"  du  portrait.  Pour 
suivre  la  règle  établie,  elle  nous  parle  des  attraits  physiques  de 
la  marquise,  ou  plutôt  par  un  tour  ingénieux,  elle  nous  dit  qu'elle 
n'en  parlera  pas,  ce  qui  est  la  meilleure  façon  de  nous  en  informer. 
"Je  ne  veux  point  vous  accorder  de  louanges,"  écrit-elle,  "et 
m'amuser  à  vous  dire  que  votre  taille  est  admirable,  que  votre 
teint  a  une  beauté  et  une  fleur  qui  assurent  que  vous  n'avez  que 
vingt  ans,  que  votre  bouche,  vos  dents  et  vos  cheveux  sont  in- 
comparables; je  ne  veux  point  vous  dire  toutes  ces  choses,  votre 
miroir  vous  le  dit  assez."  Est-elle  grande,  est-elle  petite,  forte 
ou  maigre,  brune  ou  blonde  ?  N'importe  !  Madame  de  La  Fayette 
a  été  spirituelle  et  l'expression  est  bien  tournée  en  même  temps 
que  flatteuse.  Après  dix  Ugnes  de  portrait  physique  nous  aurons 
deux  pages  de  portrait  moral. 

Mais  le  portrait  n'est  pas  nécessairement  tout  d'éloges  et 
même  dans  la  partie  morale  on  peut  dire  un  mot  sur  la  figure. 
On  peut  glisser  sur  les  défauts,  mais  non  les  taire.  Il  faut  être 
sincère,  non  seulement  pour  l'amour  de  la  vérité,  mais  aussi 
pour  montrer  qu'on  a  de  la  clairvoyance.  Madame  de  La  Fayette 
écrira  donc:  "Lorsqu'on  vous  écoute,  l'on  ne  voit  plus  qu'il 
manque  quelque  chose  à  la  régularité  de  vos  traits,  et  l'on  vous 
croit  la  beauté  du  monde  la  plus  achevée."  Pour  ce  qui  concerne 
le  caractère  en  général,  il  faut  trouver  une  phrase  pour  le  résu- 
mer et  Madame  de  La  Fayette  y  réussit  à  merveille  :  "Enfin  la 
joie  est  l'état  véritable  de  votre  âme,  et  le  chagrin  vous  est  plus 
contraire  qu'à  personne  du  monde."  C'est  ainsi  que  nous  voyons 
la  marquise  à  travers  sa  correspondance.  Et  pourtant  elle  avait 
bien  des  causes  de  chagrin,  et  Madame  de  La  Fayette  effleure 
aussitôt  la  plus  grande  d'entre  eUes.  Ce  n'est  qu'une  insinuation, 
bien  cachée  sous  le  ton  galant  et  badin  de  la  phrase,  mais  elle 
a  dû  être  remarquée  et  appréciée  par  les  contemporains  et  sur- 
tout par  les  contemporaines.  "Vous  êtes  naturellement  tendre 
et  passionnée,"  écrit-elle,  "mais,  à  la  honte  de  notre  sexe,  cette 
tendresse  vous  a  été  inutile,  et  vous  l'avez  renfermée  dans  le 
vôtre,  en  la  donnant  à  Madame  de  La  Fayette.  Ha  !  Madame, 
s'il  y  avoit  quelqu'un  au  monde  assez  heureux  pour  que  vous 
ne  l'eussiez  pas  trouvé  indigne  de  ce  trésor  dont  elle  jouit,  et 
qu'il  n'eût  pas  tout  mis  en  usage  pour  le  posséder,  il  mériteroit 
toutes  les  disgrâces  dont  l'amour  peut  accabler  ceux  qui  vivent 
sous  son  empire."  Le  marquis  de  Sévigné  était  encore  en  vie 
en  1650  et  "  il  aima  partout,"  dit  Bussy  dans  son  Histoire  Généalo- 
gique, "et  n'aima  jamais  rien  de  si  aimable  que  sa  femme,"  Du 


iv]  La  Débutante  71 

coup  Madame  de  La  Fayette  flétrit  le  mari  et  atteste  l'honnêteté 
de  la  femme,  car  dès  cette  époque  la  femme  délaissée  ne  manquait 
pas  d'admirateurs,  mais  "elle  n'aima  jamais  que  son  mari,"  dit 
Bussy,  "bien  que  milles  honnêtes  gens"  (le  bon  apôtre  était  du 
nombre)  "eussent  fait  des  tentatives  auprès  d'elle^." 

Bien  qu'en  général  la  langue  du  dix-septième  siècle  soit  plus 
propre  à  l'analyse  morale  qu'à  la  peinture,  on  pourrait  croire 
quand  il  s'agit  d'un  portrait,  qu'il  y  aurait  une  étude  intéres- 
sante à  faire  sur  le  style,  sa  couleur,  ses  images.  On  se  rappelle 
qu'avec  cette  même  langue  La  Fontaine  a  pu  nous  faire  des 
eaux-fortes  d'une  finesse  incomparable  et  parfois  d'un  réalisme 
saisissant.  Mais  il  ne  faut  chercher  ni  réalisme  ni  éclat  du 
style  dans  les  portraits.  Bussy  nous  dit  que  Madame  de  Sévigné 
a  les  cheveux  blonds  ;  Madame  de  La  Fayette  nous  dit  qu'ils 
sont  admirables.  Et  ici  c'est  Bussy  qui,  pour  une  fois,  n'est  pas 
dans  le  goût  général  de  son  siècle:  la  plupart  des  "portraitistes" 
donnent  aux  portraits  qu'ils  peignent  des  cheveux  "incom- 
parables" ou  même  d'une  "couleur  admirable  qui  sied  à  toutes 
sortes  de  teints,"  la  taille  "belle,"  les  yeux  "brillants  et  doux," 
une  bouche  qui  a  "toutes  les  grâces."  Madame  de  La  Fayette 
ne  procède  pas  de  façon  différente.  Comme  M.  Lanson  l'a  si 
bien  fait  remarquer,  son  style  est  "de  très  haute  qualité  in- 
tellectuelle, sans  puissance  artistique^."  Dès  le  début  elle  nous 
habitue  à  ce  style  net,  sobre,  un  peu  sec  mais  d'une  mesure  et 
d'un  bon  goût  exquis.  C'est  ce  que  les  contemporains  admirent 
et  Racine  lui-même  n'écrira  pas  autrement  sa  prose^. 

II 

Il  est  d'usage  avant  de  parler  des  romans  de  Madame  de 
La  Fayette  de  donner  un  court  résumé  de  l'histoire  du  genre 
pour  aider  le  lecteur  à  mettre  l'œuvre  de  Mme  de  La  Fayette 
à  la  place  qu'elle  doit  occuper  dans  l'évolution  du  roman.  La 
situation,  d'après  ces  résumés,  est  fort  simple.  Il  eut  d'abord  des 
Astrée,  des  Cléopâtre,  des  Polexandre,  des  Grand  Cyrus,  des  Clélie. 

1  Costar  trouve  que  l'inconnu  ne  connaît  pas  assez  Mme  de  Sévigné 
et  ajoute:  "Je  ne  stiis  pas  trop  mal  satisfait  de  ce  qu'il  dit  de  votre  visage 
et  de  votre  taille;  Mais  bon  Dieu!  s'il  était  entré  bien  avant  dans  votre 
âme  il  y  aurait  bien  découvert  d'autres  trésors  que  ceux  dont  il  parle." 
Sév.  Lett.  I.  pp.  426,  428. 

2  L'Art  de  la  Prose,  p.  13.  Ce  jugement  s'applique  mieux  aux  œuvres 
de  début  qu'à  la  Princesse  de  Clèves. 

^  Voir  p.  e.  VHistoire  de  Port-Royal. 


I 


72 


Madame  de  La  Fayette 


[CH. 


On  ne  manque  pas  de  montrer  la  longueur  et  la  complexité 
de  ces  romans  interminables,  on  cite  le  nombre  des  volumes,  on 
compte  les  pages  ;  et  leur  longueur  n'est  pas  leur  seul  défaut, 
paraît-il,  ils  sont  romanesques,  fantastiques,  sans  vérité  dans  la 
peinture  des  mœurs,  complètement  éloignés  de  la  vie  de  ce 
monde  et  préoccupés  d'une  autre  vie  imaginaire,  sans  contact 
avec  la  réalité.  D'autre  part,  l'esprit  gaulois  menait  une  ré- 
action sourde  contre  cette  littérature  artificielle  ;  il  la  parodiait 
dans  le  Berger  extravagant,  et  tournait  lui-même  au  réalisme 
grossier  dans  V Histoire  comique  de  Francion.  Nous  ne  parlerons 
pas  du  Roman  bourgeois,  comme  ont  fait  la  plupart  de  nos  de- 
vanciers, puisqu'il  est  de  1666.  Entre  ces  deux  genres  il  n'y 
aurait  eu  rien  au  début  du  XVIIe  siècle.  Enfin  Madame  de  La 
Fayette  vint.  Encouragée  qu'elle  était  par  les  succès  de  son 
portrait  de  Madame  de  Se  vigne  "l'envie  dut  naturellement  lui 
venir  de  mettre  à  profit  ce  don  de  peindre  les  personnes  et  les 
caractères  qu'on  semblait  lui  reconnaître.  Mais  un  autre  senti- 
ment dut  lui  mettre  également  la  plume  à  la  main.  Ce  fut  la 
réaction  de  son  bon  goût  et  de  sa  sobriété  contre  le  langage 
ampoulé  que  les  romans  d'alors  prêtaient  aux  amants  et  contre 
la  longueur  des  développements  donnés  à  leurs  aventures.  Dans 
l'histoire  du  roman  français,  ce  ne  serait  pas  en  effet  faire  une 
place  suffisante  à  Mme  de  La  Fayette  que  de  ne  pas  reconnaître 
qu'elle  a  inauguré  un  art  nouveau^." 

Il  y  a  du  vrai  dans  cette  façon  commune  d'envisager  le  rôle 
de  Mme  de  La  Fayette  mais  on  y  trouve  aussi  une  grande  part 
d'erreur.  Nous  n'avons  nullement  l'intention  de  diminuer 
l'importance  de  ce  rôle  mais  la  vérité  nous  défend  de  fausser, 
tant  peu  qu'il  soit,  l'histoire  littéraire  pour  grossir  l'importance 
et  l'originahté  des  innovations  qu'on  doit  à  l'auteur  de  la 
Princesse  de  Montpensier. 

Parler  d'abord  des  "romans  interminables"  pour  présenter 
subitement,  en  vrai  coup  de  théâtre,  le  petit  in  12»  de  Mme  de 
La  Fayette,  c'est  tout  simplement  mystifier  le  lecteur.  Après 
avoir  étudié  les  romans  du  temps,  il  faudrait  leur  comparer  le 
premier  roman  de  Madame  de  La  Fayette — Zaïde — dont  le 
caractère  assez  complexe  et  assez  romanesque  fait  songer  à  une 
évolution  plus  qu'à  une  révolution.  Et,  d'autre  part,  si  l'on 
tient  à  démontrer  que  la  Princesse  de  Montpensier  fut  un  événe- 
ment littéraire,  l'entrée  en  matière  de  cette  démonstration 
devrait  être  un  résumé  de  l'histoire,  non  pas  du  roman,  mais  de 
^  D'Haussonville,  op.  cit.  p.  158. 


rv]  La  Débutante  73 

la  nouvelle.  Si  l'on  estime  qu'il  faut  faire  un  mérite  à  Madame  de 
La  Fayette,  non  seulement  des  dimensions  de  son  livre,  mais 
aussi  de  la  façon  dont  elle  en  traita  le  sujet,  et  de  la  vraisem- 
blance, de  la  vérité  même  qu'elle  mit  dans  la  peinture  des  per- 
sonnages, il  ne  faudrait  pourtant  pas  aller  jusqu'à  lui  attribuer 
le  monopole  du  bon  goût  et  jusqu'à  faire  de  sa  première  nouvelle 
un  fait  de  révolution  littéraire.  La  Princesse  de  Montpensier  est 
peut-être  la  première  nouvelle  psychologique  que  nous  lisons 
encore  aujourd'hui;  nos  connaissances  littéraires  semblent  ne 
pas  remonter  plus  haut  ;  au  lieu  de  nous  indiquer  que  certaines 
nouvelles  antérieures  peuvent  avoir  quelques  points  communs 
avec  la  Princesse  de  Montpensier,  elles  se  contentent  de  nous 
signaler  l'existence  d'énormes  romans,  le  Grand  Cyrus,  la  Clélie 
et  d'autres,  que  personne  ne  lit.  L'opposition  est  trop  facile. 
En  réalité,  si  Mme  de  La  Fayette  a  le  mérite  d'avoir  fait  la 
première  œuvre  de  ce  genre,  digne  de  venir  jusqu'à  nous, 
n'oubUons  pas  qu'il  y  eut  des  antécédents  ignorés  du  grand 
public,  mais  dont  l'importance  littéraire  est  grande. 

Nous  remettons  à  notre  chapitre  sur  la  Princesse  de  Clèves 
l'étude  détaillée  du  roman  psychologique  avant  Madame  de  La 
Fayette,  mais  nous  allons  essayer  de  montrer  dès  maintenant 
quelle  place  occupe  la  Princesse  de  Montpensier  dans  l'histoire 
du  roman.  Nous  nous  étonnons  un  peu  de  voir  présenter  cette 
nouvelle  comme  la  contrepartie  des  romans  de  Mlle  de  Scudéry. 
Pour  nous,  elle  n'en  est  qu'un  développement  logique  et,  vu  le 
caractère  de  Madame  de  La  Fayette,  presque  inévitable. 

Les  romans  romanesques  s'occupaient  surtout  d'amour  et 
même  au  milieu  de  leur  fatras  et  de  leur  invraisemblance  ils 
contenaient  un  semblant  d'étude  psychologique.  Mlle  de  Scu- 
déry reprit  cette  étude  psychologique  et  l'appliqua  aux  amours 
de  personnages  réels,  cachés  sous  des  noms  fantaisistes  ou 
historiques.  Voilà  donc  une  étape  franchie  et  c'est  une  étape 
importante.  Ces  personnages  dont  les  modèles  étaient  réels 
n'étaient  pas  très  près  de  la  vérité,  à  notre  avis,  mais  ils  étaient 
suffisamment  ressemblants  pour  être  reconnus  par  les  contem- 
porains sans  l'intervention  des  on-dit  ou  des  clés,  puisque  Mme 
de  La  Fayette,  éloignée  de  Paris,  parvenait  à  les  reconnaître. 
Victor  Cousin,  entraîné  par  la  thèse  qui  lui  est  chère,  et  ne 
pouvant,  comme  les  contemporains,  séparer  le  vrai  du  roma- 
nesque, s'accusa  de  naïveté  pour  avoir  pris  ces  portraits  trop  à 
la  lettre.  Nous  nous  garderons  bien  de  prétendre  qu'ils  étaient 
d'une  exactitude  et  d'un  réalisme  achevés,  et  nous  n'oubherons 


74  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

pas  ce  que  nous  dit  Richelet^  à  ce  sujet  :  "  Il  ne  faut  pourtant  pas 
peindre  si  fort  d'après  nature  qu'on  n'aille  un  peu  au  delà  ;  mais 
sans  choquer  la  vraisemblance.  Les  grands  peintres  le  pratiquent 
de  la  sorte;  et  on  doit  les  imiter."  Il  n'en  reste  pas  moins  vrai 
que  Mlle  de  Scudéry  avait  à  étudier  ses  contemporains  et  qu'elle 
arrivait  à  en  faire  des  portraits  ressemblants  bien  qu'idéalisés. 

La  seconde  étape  de  cette  évolution  de  l'étude  psychologique, 
c'est  le  portrait  tel  que  Mademoiselle  l'a  pratiqué.  Nous  n'en 
avons  qu'un  de  la  plume  de  Madame  de  La  Fayette  mais,  dans 
une  société  où  tout  le  monde  s'y  appliquait,  il  n'est  pas  trop  osé 
de  dire  qu'elle  dut  en  écrire  plusieurs  et  en  discuter  bien  da- 
vantage. Elle  s'exerçait  à  dépeindre  ses  contemporains.  Oui, 
nous  dira-t-on,  mais  de  là  à  la  nouvelle  "réaUste"  si  j'ose  em- 
ployer ce  mot  appliqué  à  la  Princesse  de  Montpensier,  il  y  a 
l'étape  peut-être  la  plus  importante  dans  le  progrès  du  roman. 
Il  fallait  avoir  deux  choses  en  vue,  d'abord  faire  une  peinture 
vivante  d'un  personnage  sans  faire  connaître  le  modèle  et  le 
nommer  par  son  nom.  Ensuite,  il  fallait,  en  s'y  appliquant  avec 
talent,  donner  à  ce  nouveau  genre  une  place  à  côté  de  la  Nouvelle 
pour  arriver,  en  reliant  une  succession  de  portraits  par  une  in- 
trigue, aussi  menue  qu'elle  soit,  à  obtenir  la  Nouvelle  psycholo- 
gique. Évidemment,  mais  ici  encore  les  obstacles  à  franchir 
n'étaient  pas  insurmontables. 

Plusieurs  années  avant  la  publication  de  la  Princesse  de 
Montpensier,  on  discutait  sur  les  romans  à  la  mode,  et  dans  le 
monde  que  fréquentait  Mme  de  La  Fayette,  on  croyait  à  la 
possibihté  d'un  roman  plus  vraisemblable,  sinon  plus  vrai. 
En  1656,  Segrais  nous  représente  six  personnes,  dont  Mademoi- 
selle, rassemblées  au  château  de  Saint-Fargeau^  et  racontant 
des  histoires  à  l'imitation  de  la  reine  de  Navarre.  Quand  un 
conte  était  terminé,  les  personnes  présentes  le  critiquaient;  leurs 
observations  sont  fort  intéressantes,  car  elles  donnent  le  pour 
et  le  contre  sur  les  questions  httéraires  du  moment.  On  vient 
à  parler  des  romans  où  figurent  des  personnages  à  noms  grecs 
et  romains.  L'un  les  attaque,  l'autre  les  défend  et  enfin  Aplanice 
(Mme  de  Valençay)  dit:  "Et  combien  est-il  venu  d'avantures 
à  nostre   connaissance   qui  ne  seroient  point  désagréables   si 

^  Les  plus  belles  lettres  françaises.   Réflexions  star  le  portrait,  p.  118.  | 

^  Appelé,  Le  château  des  six  tours.    Les  personnes  présentes  étaient:  ** 

Aurélie  (Mademoiselle),  Fronténie  (Mme  de  Frontenac),  Aplanice  (Mme 
de  Valençay),  Gélonide  (La  comtesse  de  Fiesque),  Silérite  (La  marquise 
de  Mauny),  et  Uralie  (Mme  de  Choisy). 


iv]  La  Débutante  75 

elles  étoient  écrites?  Sçait-on  toutes  les  actions  particulières? 
Je  ne  voudrois  pas  faire  donner  une  Bataille  où  il  ne  s'en  est 
point  donné.  Mais  a-t-on  publié  tous  les  accidents  qui  sont  ar- 
rivé dans  celles  qu'on  a  données?  A-t-on  divulgué  toutes  les 
galanteries  qui  se  sont  faites  dans  la  vieille  cour  et  sçaura-t-on 
toutes  celles  qui  se  font  aujourdhuy^  ?  " 

En  attendant  que  Madame  de  La  Fayette  divulgue  de  main 
de  maître  les  galanteries  de  la  vieille  cour,  ces  dames,  d'après 
Segrais,  racontent  des  histoires  qui  font  voir  "les  choses  comme 
elles  sont  et  non  pas  comme  elles  doivent  être^."  On  va  même 
plus  loin,  puisqu'on  essaie  de  définir  la  nouvelle  et  de  la  dis- 
tinguer du  roman.  Après  la  phrase  que  nous  venons  de  citer, 
Segrais  continue  :  "Au  reste  il  me  semble  que  c'est  la  différence 
qu'il  y  a  entre  le  Roman  et  la  Nouvelle  que  le  Roman  écrit  les 
choses  comme  la  bien-sçéance  le  veut  et  à  la  manière  du  Poète  : 
mais  que  la  Nouvelle  doit  un  peu  davantage  tenir  de  l'histoire 
et  s'attacher  plustost  à  donner  des  images  des  choses  comme 
d'ordinaire  nous  les  voyons  arriver  que  comme  nostre  imagina- 
tion se  les  figure." 

On  ne  peut  pas  dire  que  Segrais  ait  appliqué,  dans  le  recueil, 
les  principes  qu'il  énonce  dans  la  préface  et  au  cours  des  con- 
versations critiques  qui  séparent  les  nouvelles.  L'essai  est 
pourtant  fort  intéressant,  car  il  marque  un  pas  en  avant  et 
montre  que  l'évolution  fut  graduelle — Segrais,  pas  plus  que 
Madame  de  La  Fayette,  n'ayant  d'un  seul  coup  transformé  le 
genre.  On  pourrait  en  juger  d'après  ce  résumé  de  la  première 
nouvelle  du  recueil.  Le  comte  d'Arenberg,  un  Allemand,  est 
attaqué  par  des  brigands  en  Italie;  malgré  son  courage  il  va 
succomber  quand  le  comte  d'Almont,  un  Français,  se  jette  dans 
la  mêlée  et  met  les  brigands  en  fuite.  Les  deux  voyageurs  se 
lient  d'amitié  et  voyagent  ensemble  jusqu'au  moment  où  le 
comte  d'Almont  est  rappelé  en  France.  Plus  tard,  de  passage 
à  Paris,  le  comte  d'Arenberg  désire  vivement  revoir  son  ami. 
Il  entre  dans  une  éghse,  assiste,  par  un  pur  hasard,  au  mariage 
de  cet  ami  et,  pendant  la  cérémonie  devient  amoureux  de  la 
jeune  mariée.  Naturellement,  il  lutte  contre  les  sentiments  qui 
le  poussent  à  trahir  celui  à  qui  il  doit  la  vie.  Sa  résistance  n'est 
pas  assez  forte  et  il  cède  au  désir  d'être  auprès  de  celle  qu'il 
aime.   Déguisé  en  fiUe,  il  se  fait  appeler  Eugénie,  et  entre,  par 

^  Les  Nouvelles  Françoises,   ou   les   divertissements  de  la  Princesse 
Aurélie  (sans  nom  d'auteur).    L'épître  est  signée:  Segrais. 
2  Critique  de  la  première  nouvelle. 


76  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

l'intermédiaire  de  sa  logeuse,  au  service  de  la  comtesse.  Il  gagne 
la  confiance  de  celle-ci  et  veut  la  pousser  à  avouer  ses  vrais 
sentiments  à  l'égard  de  son  mari.   La  confidence  qu'il  reçoit  est 
loin  d'être  conforme  à  ses  désirs  car  il  apprend  que  la  comtesse 
aima,   avant  son  mariage,   le   chevalier   de   Florençal.     Mal- 
heureusement, ce  dernier  qui  était  cadet  de  grande  maison, 
était  trop  pauvre  pour  l'épouser  ;  il  la  respectait  tout  en  l'aimant 
passionnément  et  la  traitait  "comme  une  sœur."    Le  mariage 
de  la  comtesse  l'a  mis  au  désespoir  et,  précisément  au  moment 
où  elle  fait  ses  confidences  à  "Eugénie,"  il  vient  de  lui  demander 
un  rendez-vous  d'adieu.    Après  avoir  longuement  hésité,  la 
comtesse  lui  accorde  une  entrevue  dans  les  jardins  du  Palais 
Royal.    Sur  ces  entrefaites,  elle  apprend  que  son  mari  revient 
de  Saint-Germain  ce  jour-là.     Aussitôt  elle  charge  la  fausse 
Eugénie  de  porter  une   lettre   au  chevalier  pour  lui  donner 
rendez -vous  dans  son  jardin,  mais  elle  ordonne  de  ne  remettre 
cette  lettre  que  si  le  destinataire  est  "bien  opiniâtre."    Non 
seulement  elle  prie  sa  "femme"  de  confiance  de  persuader  à 
Florençal  de  ne  pas  chercher  à  la  voir  mais  elle  conclut:  "ce  soir 
la  porte  du  jardin  qui  regarde  sur  la  petite  rue  sera  ouverte  mais 
qu'il  songe  bien  à  ce  que  je  fais  pour  lui."    Arenberg  souffre 
beaucoup  en  apprenant  qu'il  a  un  rival  aimé  et  il  ne  sait  s'il 
faut  remettre  la  lettre  ou  appeler  Florençal  en  duel.  Après  une 
longue   promenade,  il  se  décide  à  remplacer  le  chevaUer  au 
rendez-vous  et,  au  moment  où  il  traverse  les  Tuileries,  il  déchire 
et  jette  la  lettre.    Le  mari,   en  revenant,  voit  l'écriture  de 
sa  femme  sur  les  morceaux  de  papier  jetés  par  terre,  il  les  ra- 
masse.  De  retour  chez  lui,  il  les  rassemble  et  lit  le  billet  fixant 
le  rendez-vous.   Il  cherche  dans  les  cassettes  de  sa  femme,  mais 
ne  trouve  rien,  la  comtesse  ayant  brûlé  les  lettres  de  Florençal 
après  avoir  confié  son  secret  à  "Eugénie."    Un  examen  des 
cassettes  de  cette  dernière  met  à  jour  des  lettres  écrites  par  le 
comte  à  Arenberg.   Le  comte  est,  naturellement,  complètement 
dérouté.  Pour  être  renseigné  sur  l'amant  de  sa  femme,  il  attend 
derrière  la  petite  porte.    La  comtesse,  prévenue  des  recherches 
de  son  mari,  se  garde  bien  d'y  aller  et  pour  empêcher  Florençal 
de  pénétrer  dans  le  jardin  elle  fait  pousser  les  verrous  avant 
l'arrivéede  son  mari.  Arenberg  essaie  d'ouvrir  la  porte  et  la  trouve 
fermée.    Le  comte  le  voit  faire  les  cent  pas  dans  la  rue,  sans 
pouvoir  le  reconnaître.   À  la  fin,  exaspéré,  il  fond  sur  lui,  l'épée 
à  la  main.  Arenberg  se  défend  et  bat  en  retraite,  mais  le  comte, 
furieux,  se  jette  sur  son  épée  et  s'enferre.    On  le  rapporte  à  la 


I 


iv]  La  Débutante  77 

maison  et  la  comtesse  est  au  désespoir.  "Elle  s'imaginoit  que 
toute  innocente  qu'elle  estoit  elle  estoit  coupable  d'un  si  grand 
crime."  Malgré  le  récit  de  son  mari  elle  est  convaincue  que  c'est 
Florençal  qui  l'a  frappé.  Après  la  mort  de  son  mari  qui,  au 
dernier  moment,  apprend  la  vérité  par  la  bouche  de  certains 
moines  et  pardonne  à  son  ami  meurtrier,  la  comtesse  poursuit 
Arenberg,  mais  sans  succès,  puisqu'il  s'est  fait  religieux  en  Italie. 
Enfin,  deux  années  après  la  mort  du  mari,  étant  maintenant 
riche  de  ses  biens,  elle  épouse  le  chevalier  de  Florençal. 

Certes,  ce  récit  est  assez  romanesque  et  les  coïncidences 
heureuses  pour  la  marche  de  l'action  jouent  encore  un  trop 
grand  rôle,  mais  il  faut  remarquer  que  les  incidents  se  produisent 
en  France,  qu'il  s'agit  d'un  Français  et  d'un  Allemand  con- 
temporains, et  que  l'époque  est  bien  moderne  puisqu'il  est  fait 
mention  de  la  bataille  de  Lens^  et  du  départ  du  roi  pour  Saint- 
Germain  avant  le  siège  de  Paris.  Nous  relevons,  parmi  les  criti- 
ques qui  suivent  la  nouvelle,  celle-ci  :  au  lieu  de  faire  retirer  l'Alle- 
mand dans  un  couvent  on  aurait  mieux  fait  de  le  faire  périr  à  la 
bataille  de  Cambrai  qui  eut  heu  la  même  année.  On  remarquera 
ce  souci  d'actuaUté  et  de  vraisemblance. 

Réduire  un  peu  l'élément  romanesque,  sans  toutefois  éliminer 
toutes  les  coïncidences,  châtier  un  peu  le  style,  sans  le  débar- 
rasser complètement  de  sa  préciosité,  développer  l'étude  psy- 
chologique, donner  des  noms  historiques  aux  personnages  et 
punir  l'épouse,  bien  qu'elle  n'ait  péché  qu'à  moitié,  voilà  ce 
que  semble  s'être  proposé  Mme  de  La  Fayette  en  écrivant  la 
Princesse  de  Montpensier,  qui  dès  lors  apparaît,  non  plus  comme 
un  miracle  surgi  on  ne  sait  comment  ni  pourquoi,  mais  comme 
le  corollaire  des  œuvres  qui  l'ont  précédée,  et  comme  la  mise 
en  œuvre  des  opinions  ambiantes^. 

Notre  intention  n'est  pourtant  pas  de  laisser  croire  que  le 
progrès  accompli  ne  fut  pas  grand.  Il  faut  hre  et  relire  cette 
nouvelle  pour  en  apprécier  toutes  les  quaUtés,  mais  le  résumé 
suivant  (venant  aussitôt  après  celui  que  nous  avons  donné  d'une 
nouvelle  de  Segrais)  en  fera  ressortir  quelques-unes. 

Mademoiselle  de  Mézières  est  fiancée  au  duc  du  Maine,  mais 

1  1648. 

2  L'abbé  d'Aubignac  dans  sa  Macarise,  1663,  réagit  également  contre 
les  romans  du  genre  Scudéry.  "'Quant  aux  romans  d'imagination,"  dit-il, 
"les  sages  se  contentent  de  les  mépriser  sans  les  blâmer."  Voir  au  sujet 
d'Aubignac:  Charles  Arnaud,  Les  théories  dramatiques  au  XV II"  siècle. 
Paris,  1881. 


78  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

le  frère  de  son  fiancé,  le  duc  de  Guise,  l'aime  et  en  est  aimé. 
Pour  des  raisons  politiques  on  désire  unir  Mlle  de  Mézières  au 
prince  de  Montpensier  et  elle  accepte  d'autant  plus  facilement 
le  revirement  de  ses  parents  qu'elle  comprend  combien  il  serait 
dangereux  pour  elle  d'avoir  un  beau-frère  qu'elle  aimerait.    Le 
prince  son  mari  a  un  ami  dévoué,  le  comte  de  Chabannes.  Resté 
auprès  de  la  princesse  pendant  l'absence  de  son  mari  à  la  guerre, 
il  ne  peut  pourtant  pas  s'empêcher  d'en  devenir  amoureux  et 
après  avoir  longtemps  caché  son  amour  il  le  déclare.    La  prin- 
cesse écoute  Chabannes  sans  s'emporter  et  lui  dit  froidement 
qu'il  ne  réussira  jamais  auprès  d'elle.   Elle  lui  avait  déjà  confié 
que  son  amour  pour  le  duc  de  Guise  était  presque  éteint  ;  même 
après  sa  déclaration  elle  ne  cesse  pas  de  lui  faire  des  confidences 
à  ce  sujet.    Apprenant,  peu  après,  que  la  renommée  de  Guise 
commençait  à  faire  du  bruit,  elle  "avoue  qu'elle  en  sent  de  la 
joie."   Après  une  absence  de  deux  ans,  le  mari  revient  et  l'ami 
dévoué  fait  de  son  mieux  pour  le  rapprocher  de  sa  femme,  sans 
penser  à  sa  propre  passion.    Malheureusement,  le  prince  est 
bientôt  rappelé  à  la  cour  et  cette  fois-ci  Chabannes  l'accom- 
pagne.   Les  hasards  de  la  guerre  amènent  les  ducs  d'Anjou  et 
de  Guise  tout  près  de  Champigny,  oii  la  princesse  habite  et  où 
son  mari  vient  de  temps  à  autre.    La  rencontre  inévitable  se 
produit  et  non  seulement  Guise  sent  renaître  tout  son  amour 
pour  la  princesse  mais  Anjou  en  est  également  épris.  Le  prince 
de  Montpensier  devient  furieusement  jaloux  du  duc  de  Guise. 
Pour  mettre  sa  femme  à  l'abri  de  la  guerre,  il  l'installe  à  Paris 
où  le  duc  d'Anjou  vient  bientôt  fréquenter  la  cour.    Madame, 
plus  tard  reine  de  Navarre,  encourage  le  duc  de  Guise  qui  est 
ainsi  en  bonne  posture  de  faire  un  très  beau  mariage.    Mais 
Guise  saisit  une  occasion  pour  déclarer  son  amour  à  la  princesse 
de  Montpensier  et  pour  lui  faire  plaisir  abandonne  toute  visée 
sur  Madame.    Touchée  de   ce  désintéressement,   la  princesse 
s'abandonne  un  peu  à  son  amour,  mais  non  sans  honte.    Le 
mari  jaloux  veille  et  la  femme  qui  connaît  cette  surveillance 
voudrait  prévenir  Guise  dans  une  assemblée  et  lui  dire  de  s'occu- 
per uniquement  de  Madame.    Malheureusement  une  similitude 
de  costume  trompe  la  princesse  et  ses  paroles,  adressées  au 
masque  qui  s'approche  d'elle,  sont  recueillies,  non  pas  par  Guise, 
mais  par  le  duc  d'Anjou,  qui  est  ainsi  renseigné,  du  coup,  et  du 
succès  de  son  rival  et  que  ce  dernier  sacrifie  Madame  à  la  prin- 
cesse.  Le  duc  d'Anjou  exploite  ce  qu'il  vient  d'apprendre  pour 
faire  tort  à  Guise  auprès  du  roi  et  pour  faire  croire  à  la  princesse 


iv]  La  Débutante  79 

de  Montpensier  que  son  "amant"  la  trahit.  Ému  par  les 
reproches  de  la  princesse,  Guise  fait  annoncer  son  mariage 
avec  la  princesse  de  Portien.  Ce  sacrifice  éclatant,  suivi 
d'une  explication  entre  lui  et  la  princesse  de  Montpensier,  fait 
faire  un  grand  pas  à  leur  amour  et  lorsque  l'absence  de  la  prin- 
cesse à  Champigny  rend  nécessaire  un  commerce  de  lettres,  c'est 
au  fidèle,  bien  que  toujours  amoureux,  Chabannes  que  la  prin- 
cesse a  recours  pour  les  porter.  C'est  encore  Chabannes  qui 
organise  l'entrevue  inévitable,  c'est  lui  encore  que  le  mari 
réveillé  trouve  dans  l'appartement  de  sa  femme,  car  il  fait 
échapper  Guise  et  se  sacrifie  pour  sauver  la  femme  qu'il  aime 
toujours.  Délaissée  par  son  mari  qui  la  croit  plus  coupable 
qu'elle  ne  l'est  en  réaUté,  ayant  perdu  son  ami  Chabannes  qui 
a  été  tué  à  la  Saint-Barthélémy,  abandonnée  même  par  Guise 
qui  est  amoureux  de  la  marquise  de  Noirmoutiers,  la  princesse 
tombe  malade  et  succombe  "dans  la  fleur  de  son  âge." 

Cette  nouvelle  est  loin  d'être  parfaite;  pourtant  ce  résumé 
montre  qu'on  a  franchi  une  étape  depuis  les  Nouvelles  Françaises 
de  Segrais.  On  ne  trouve  pas  encore  la  lutte  intérieure  de  la 
Princesse  de  Clèves,  mais  il  y  a  déjà,  ébauchée,  l'étude  d'un 
caractère  de  femme  prise  entre  son  devoir  et  son  cœur.  Cette 
ébauche  ne  laisse  pas  de  nous  fournir  des  observations  psy- 
chologiques assez  heureuses.  Quand  la  princesse  confie  à 
Chabannes  son  "inchnation"  pour  le  duc  de  Guise,  elle  ajoute 
que  cette  incHnation  est  "presque  éteinte."  Peu  après  "la 
renommée  commençant  alors  à  pubher  les  grandes  quaUtés 
qui  paraissoient  en  ce  prince,  elle  avoua  qu'elle  en  sentoit  de 
la  joie."  Quand  elle  le  rencontra  au  bord  de  la  rivière  "sa  vue 
lui  apporta  un  trouble  qui  la  fit  un  peu  rougir."  A  Champigny  elle 
lui  témoigne  de  la  froideur,  mais  après  son  départ,  elle  confie 
à  Chabannes  "  qu'elle  avoit  été  troublée  par  la  honte  du  souvenir 
de  l'inchnation  qu'elle  lui  avoit  autrefois  témoignée;  qu'elle 
l'avoit  trouvé  beaucoup  mieux  fait  qu'il  n'étoit  en  ce  temps-là, 
et  que  même  il  lui  avoit  paru  qu'il  vouloit  lui  persuader  qu'il 
l'aimoit  encore:  mais  elle  l'assura  en  même  temps  que  rien 
ne  pouvoit  ébranler  la  résolution  qu'elle  avoit  prise  de  ne  s'en- 
gager jamais."  La  future  reine  de  Navarre  eut  quelque  attache- 
ment pour  le  duc  de  Guise.  "La  princesse  de  Montpensier 
apprit  cette  nouvelle  qui  ne  lui  fut  pas  indifférente  et  qui  lui 
fit  sentir  qu'elle  prenoit  plus  d'intérêt  au  duc  de  Guise  qu'elle 
ne  pensoit."  Madame  de  La  Fayette  suit  ainsi  les  progrès  de 
l'amour,  marquant  tantôt  les  mouvements  qui  répondent  au 


80  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

sacrifice  fait  par  Guise,  et  tantôt  les  remords  de  la  princesse  qui 
prend  de  bonnes  résolutions  pour  l'avenir.  Même  lorsqu'elle 
a  la  faiblesse  de  faire  venir  le  duc  de  Guise  dans  son  appartement, 
la  nuit,  elle  demande  à  Chabannes  d'assister  à  leur  conversation. 
Ne  pouvant  supporter  cela,  le  fidèle  Chabannes  se  tint  à  la  porte, 
mais  "La  princesse  de  Montpensier  qui  avoit  quelque  honte  de 
se  trouver  seule  avec  le  duc  de  Guise,  pria  plusieurs  fois  le  comte 
d'entrer  dans  sa  chambre."  La  princesse  ne  trompe  pas  son  mari 
— elle  est  trop  fière  pour  cela,  mais  elle  est  faible,  et  c'est  par 
suite  de  cette  faiblesse  qu'elle  lui  est  infidèle  dans  le  cœur.  Elle 
ne  désire  pas  le  rendez-vous  avec  Guise,  mais  les  circonstances 
s'y  prêtent,  Chabannes  est  tout  prêt  à  se  dévouer — et  la  prin- 
cesse n'est  pas  assez  forte  pour  l'en  empêcher. 

Le  caractère  du  mari  n'est  qu'esquissé.  Mme  de  La  Fayette 
nous  montre  un  jaloux,  car  elle  aime  à  décrire  "le  jaloux" 
personnage  qui  se  retrouve  dans  tous  ses  romans.  L'amant  est 
beau,  bien  fait,  courageux,  mais  en  fin  de  compte  infidèle.  L'ami 
est  traité  par  la  princesse  d'une  façon  qui  étonnerait  un  peu  si 
l'on  ne  savait  comment  JVIme  de  La  Fayette  en  a  usé  avec 
Ménage.  EUe  croit  fermement  à  la  possibiHté  de  l'amour  platoni- 
que et  pour  cela  elle  croit  même  qu'il  suffit  que  le  platonisme 
n'existe  que  d'un  côté.  La  princesse  de  Montpensier  sait  que 
Chabannes  est  passionnément  amoureux  d'elle,  mais  elle  n'y 
prend  pas  garde,  ne  laisse  pas  de  lui  faire  des  confidences  ca- 
pables de  le  rendre  fou  de  douleur,  ni  de  le  charger  de  com- 
missions qui  sont  de  véritables  suppHces. 

On  remarque  encore  la  présence  de  tous  les  éléments  de 
la  Princesse  de  Clèves  ;  le  cadre  historique,  la  vie  et  les  intrigues 
de  la  cour  au  XVI^  siècle,  une  femme  distinguée,  mariée  sans 
que  son  cœur  ait  été  consulté,  un  "amant"  connu  avant  le 
mariage.  De  Guise  refuse  la  sœur  du  roi  pour  faire  plaisir  à  la 
princesse  de  Montpensier  ;  Nemours  refusera  une  reine  étrangère 
pour  prouver  son  amour  pour  la  princesse  de  Clèves.  Cette 
dernière  est  encore  moins  coupable  que  la  princesse  de  Mont- 
pensier parce  qu'elle  est  plus  forte  ;  eUe  n'en  est  pas  moins  punie. 
L'infidéhté  de  Guise  est  un  peu  incompréhensible  parce  qu'elle 
est  annoncée  trop  brusquement.  Dans  la  Princesse  de  Clèves 
Mme  de  La  Fayette  laisse  entendre  avec  plus  de  finesse  que  le 
duc  de  Nemours  n'aurait  pas  agi  autrement. 

Et  ce  n'est  pas  dans  l'intrigue  seule  que  les  deux  ouvrages 
se  ressemblent.  Nous  avons  déjà  dans  la  Princesse  de  Mont- 
pensier la  déficatesse  et  la  simpficité  du  style — avec,  il  est  vrai. 


iv]  La  Débutante  81 

un  peu  plus  de  préciosité  que  dans  le  chef-d'œuvre,  sans  rien 
cependant  qui  détonne. 

On  pourrait  dire  pour  la  Princesse  de  Montpensier  comme 
pour  la  Princesse  de  Clèves  que  la  vie  qu'elle  décrit  et  les  senti- 
ments qu'elle  prête  à  ses  personnages  n'ont  rien  du  seizième 
siècle.  Mais  on  n'a  pas  attendu  les  fins  critiques  du  vingtième 
siècle  pour  s'en  rendre  compte  ;  les  contemporains  estimaient 
à  sa  juste  valeur  cette  mise  en  scène  ;  ils  la  regardaient  comme 
un  joli  masque  et  allaient  directement  aux  personnages  qu'elle 
cachait.  La  préface  les  informait  que  les  noms  de  Guise,  de 
Montpensier,  de  Chabannes  n'étaient  là  que  pour  rehausser  le 
ton  de  l'histoire.  "  Quelques-uns  croyent  que  c'est  une  advanture 
de  ces  derniers  temps,  "  écrit  Rosteau,  "ce  que  l'on  en  peut  dire 
de  plus  asseuré  est  que  rien  ne  peut  estre  plus  galamment  écrit^." 

Intrigués  par  la  source  possible  de  l'histoire  qui  leur  était 
contée,  les  contemporains  ne  le  furent  pas  moins  au  sujet  du 
nom  de  l'auteur.  "Le  bruit  commun  veut  que  ce  soit  une  pro- 
duction de  Madame  de  La  Fayette,"  dit  Rosteau,  "assez  cognue 
pour  un  des  plus  beaux  esprits  de  notre  cour,  dautres  y  donnent 
part  a  JVIr  le  duc  de  la  Rochefoucault." 

En  effet.  Madame  de  La  Fayette  n'avait  pubhé  ni  le  Portrait, 
ni  la  Princesse  de  Montpensier  sous  son  nom.  Le  premier  parut 
"sous  le  nom  d'un  inconnu" — le  second  sans  aucune  indication 
d'auteur.  En  agissant  ainsi  elle  ne  faisait  que  respecter  les 
préjugés  de  son  temps.  Le  métier  d'écrivain  n'était  pas  encore 
favorablement  considéré  et  on  n'admettait  pas  qu'un  noble 
composât  et  pubUât  des  "ouvrages  de  l'esprit."  Celui  qui 
succombait  à  la  tentation  devait  à  sa  naissance  de  s'en  cacher 
et  de  s'en  excuser^.  Mlle  de  Scudéry  fait  dire  à  Sapho  :  "Il  n'y 
a  rien  de  plus  incommode  que  d'être  bel  esprit  ou  d'être  traité 
comme  l'étant,  quand  on  a  le  cœur  noble  et  quelque  naissance. 
Car  enfin  je  pose  pour  indubitable  que,  dès  qu'on  se  tire  de  la 
multitude  par  les  lumières  de  son  esprit  et  qu'on  acquiert  la 
réputation  d'en  avoir  plus  qu'un  autre,  et  d'écrire  assez  bien 
en  vers  et  en  prose,  pour  pouvoir  faire  des  livres,  on  perd  la 
moitié  de  sa  noblesse  si  on  en  a,  et  l'on  n'est  point  ce  qu'est  un 
autre  de  la  même  maison  et  du  même  sang  qui  ne  se  mêlera 
point  d'écrire.... On  vous  traiste  tout  autrement." 

Madame  de  La  Fayette  ne  faisait  pourtant  pas  grand  mys- 
tère du  Portrait,  puisqu'il  se  trouvait  dans  un  recueil  fait  pour 
Mademoiselle,  en  la  compagnie  de  portraits  écrits  par  des  per- 

1  Voir  à  l'appendice  vii.  cette  critique  inédite. 

2  Voir  A.  Barine,  La  jeunesse  de  la  Grande  Mlle,  p.  35. 

A.  6 


82  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

sonnes  de  même  rang  qu'elle.  Il  est  même  à  remarquer  que  les 
portraitistes  de  métier  tels  que  Mlle  de  Scudéry,  furent  exclus  de 
la  collaboration.  Segrais  est  employé  ainsi  que  Huet  au  tirage  du 
volume  et  on  lui  permet  d'en  écrire  les  louanges — mais  c'est  tout. 

Il  n'en  fut  pas  de  même  pour  la  Princesse  de  Montpensier. 
En  publiant  cette  nouvelle,  Madame  de  La  Fayette  faisait 
franchement  œuvre  d'écrivain  ;  elle  prit  donc  grand  soin  de 
cacher  son  nom^.    Quand  on  lui  vola  une  copie  de  sa  nouvelle, 

eUe  écrivit  ainsi  à  Ménage  :  " Cet  honneste  Ferrarois  quy  estoit 

a  moy  ma  desrobe  une  copie  de  la  Princesse  de  Montpensier  et 
la  donnée  a  vint  personnes  elle  court  le  monde  mais  par  bonheur 
ce  nest  pas  sous  mon  nom  ie  vous  conjure  si  vous  en  entendes 
parler  de  faire  bien  comme  si  vous  ne  laves  jamais  veue  et  de 
nier  quelle  vienne  de  moy  si  par  hasard  on  le  disoit^." 

Mais  tout  en  gardant  l'anonymat  elle  s'intéresse  à  la  pubUca- 
tion  de  son  hvre.  "Je  croyois  avoir  de  vos  nouvelles  aujourdhuy 
et  de  celles  de  la  P.  de  M.,"  écrit-elle  à  Ménage,  et  plus  tard,  lors- 
que le  Livre  est  paru,  elle  fait  relier  des  exemplaires  que  l'on  donne 
discrètement  aux  amis  intimes  "....  Je  vous  prie  de  demander 
au  Hbraire, "  écrit-elle  à  Ménage,  "jusque  à  30  exemplaires  de 
nostre  Princesses  (sic)  ie  ne  me  soucie  pas  trop  qu'ils  soient  tous 
si  parfaitement  bien  relies  ien  voudrois  seulement  une  demye 
douzaine  quy  le  fussent  fort  et  ie  les  voudrois  de  maroquin  et 
dores  sur  tranche  sils  nen  veulent  pas  tant  donner  comme  cela 
ie  m'en  contenteray  de  quatres  ie  vous  en  renvoyé  deux  afin 
que  vous  en  donnies  a  Mlle  de  Scudery  et  a  Me  Amelot  et  vous 
en  prendriez  pr  vous  de  ceux  quy  seront  bien  relies  que  vous 
garderes  s'il  vous  plait  car  ie  prétends  que  mes  œuvres  ayent 
place  dans  vostre  bibliothèque^." 

Elle  écrit  encore  à  ce  sujet:  "Je  nay  pris  que  deux  exem- 
plaires et  ie  renvoyé  les  autres  puisque  vous  les  trouves  mal 
reUes  ien  ay  marque  un  avec  un  petit  papier  il  y  a  une  faute 
espouvantable  a  la  58eme  page  quy  oste  tout  le  sens^  mais  cela 

^  Elle  a  peur  de  passer  pour  un  écrivain  de  profession  et  écrit  à  Huet  : 
"Je  vous  avois  bien  donné  un  Princesse  de  Montpensier  pour  Araminte 
mais  je  ne  vous  l'avois  pas  remise  pour  la  lui  donner  comme  une  de  mes 
œuvres.  Elle  croira  que  je  suis  un  vrai  auteur  de  profession  de  donner 
ainsi  mes  livres.  Je  vous  prie,  racommoder  un  peu  ce  que  cette  imagina- 
tion poirrroit  avoir  gâté  a  l'opinion  que  je  souhaite  qu'elle  ait  de  moi." 

2  Inédite  :    Coll.  F.  de  C.    Cette  lettre  est  à  rapprocher  de  celle  que 
Mme  de  La  Fayette  adressait  à  Lescheraine  et  où  elle  niait  qu'elle  fût  ;;; 

l'autevir  de  la  Princesse  de  Clèves. 

^  Inédite. 

*  Lettre  inédite.    Madame  de  La  Fayette  exagère  un  peu.    Voici  le 


1 


iv]  La  Débutante  83 

est  sans  remède  voules  vous  venir  demain  disner  et  estudier 
avec  moy." 

Il  est  évident,  d'après  ces  lettres,  que  c'est  Ménage  qui  veilla 
sur  l'impression  de  la  nouvelle  et  on  peut  supposer  qu'il  avait 
aidé  son  élève  à  préparer  le  manuscrit  pour  l'impression.  Tou- 
jours est-il  que  Mme  de  La  Fayette  écrit  "nostre  Princesses," 
et,  tout  en  admettant  qu'elle  veut  amadouer  Ménage  pour  qu'il 
accepte  les  corvées  désagréables,  on  est  en  droit  de  croire  qu'elle 
avoue  ainsi  l'aide  qu'il  lui  avait  donnée.  Si  petite  que  soit  sa 
part  dans  la  Princesse  de  Montpensier  il  faudrait  la  lui  allouer, 
et  ne  plus  laisser  à  Segrais  l'honneur  d'un  travail  auquel  il  fut 
complètement  étranger.  Nous  ignorons  si  Ménage  aida  à  revoir 
la  seconde  édition  de  la  Princesse  de  Montpensier  publiée  en 
1674.  La  "faute  épouvantable  à  la  58'"'"'  page"  est  bien 
corrigée  mais  on  y  en  a  laissé  glisser  de  plus  graves^. 

Par  la  publication  de  cette  nouvelle  Madame  de  La  Fayette 
entre  dans  la  voie  où  elle  devait  trouver  une  renommée  durable  ; 
non  seulement  elle  s'exerce  utilement  en  vue  de  son  chef-d'œuvre 
mais  elle  gagne  parmi  ses  amis,  et  auprès  d'un  pubhc  choisi^  la 

passage  en  question:  "Le  duc  d'Anjou  de  son  côté  n'oublioit  rien  pour 
lui  témoigner  son  amour  en  tous  les  lieux  où  il  la  pouvoit  voir  et  il  la 
smvoicô-tinuellement  (sic)  chez  la  Reine  sa  mère."  Malgré  la  lettre 
tombée  et  l'espace  supprimé  on  comprend  facilement. 

^  Par  exemple  le  passage  au  sujet  du  Prince  de  Condé  (p.  10,  éd.  1662, 
p.  8,  éd.  1674).  De  plus  les  caractères  de  la  première  édition  sont  plus 
gros  et  l'impression  en  général  plus  claire  que  dans  celle  de  1674. 

2  C'est  une  erreur  de  dire,  comme  on  l'a  fait  si  souvent,  que  la 
Princesse  de  Montpensier  passa  inaperçue.  Malgré  les  dénégations  de 
son  auteur  la  nouvelle  fut  généralement  attribuée  à  Mme  de  La  Fayette, 
dont  la  renommée  littéraire  date  de  ce  moment.  En  1663  Jean  de  la 
Forge  écrit  {Le  cercle  des  femmes  sçavantes,  Paris,  J.  B.  Loyson,  1663, 
in  12°,  p.  13): 

D'autres  avec  ardeur  s'appliquant  à  l'Histoire, 
Par  des  chemins  divers  obtiendront  même  gloire 
Et  scauront  ajuster  dans  leurs  doctes  romans 
Les  tendres  passions  avix  grands  événements. 
Mindatte  et  Félicie*  usant  de  ces  adresses, 
Tireront  du  tombeau  deux  illustres  Princesses, 
Et  trouveront  cet  art,  en  leur  rendant  le  jour, 
D'acconunoder  leur  gloire  aux  soins  de  leur  amour. 

*  FéUcie  désigne,  d'après  la  clef,  Mme  de  La  Fayette. 

Dans  les  Silhouettes  jansénistes,  publiées  par  M.  Griselle,  nous  lisons: 
"La  Comtesse  de  Montpensier.  C'est  un  petit  roman  fait  par  Mad.  de 
La  Fayette.  Il  n'y  a  rien  de  mieux  escrit.  Il  y  a  seiilement  trop  d'esprit. 
De  Brienne."   Voir  Rev.  d'hist.  litt.,  jan.-juin  1916,  p.  224. 

6—2 


84 


Madame  de  La  Fayette 


[CH.  IV 


réputation  de  bien  écrire.  Cette  réputation  lui  vaudra,  comme 
nous  le  verrons  par  la  suite,  d'être  chargée  d'un  travail  littéraire 
qui  rehaussera  encore  sa  renommée  et  lui  fera  étudier  de  près 
et  sur  le  vif  les  sentiments  qu'elle  dépeindra  plus  tard  avec 
tant  de  déUcatesse  et  de  maîtrise. 


CHAPITRE  V 

LA  PARISIENNE  ET  SES  AMIS 

Lorsque  Madame  de  La  Fayette  revint  à  Paris,  elle  y  retrouva 
ses  anciens  amis  et  il  semble  qu'elle  ait  alors  repris  dans  une 
certaine  mesure  sa  vie  de  jeune  fille.  Dès  qu'elle  eut  une  demeure 
fixe  à  Paris,  eUe  ne  manqua  pas  de  prévenir  Ménage  chaque  fois 
qu'elle  revint  d'un  court  séjour  à  Fresnes  ou  à  Saint-Cloud.  Il 
eut  parfois  le  privilège  d'être  le  seul  invité  comme  le  billet  suivant 
en  fait  foi  : 

"le  vous  prie,"  écrit-elle,  " de  ne  venir  que  ce  soir  et  ne  dittes 
point  par  le  monde  que  je  sois  revenue  car  ie  croy  que  je  m'en 
retourne  demain  et  ie  ne  veux  voir  personne." 

EUe  fit  mieux,  eUe  reprit  ses  leçons  avec  son  ancien  pro- 
fesseur :  "Je  pense,"  écrit-elle  un  jour,  "  que  vostre  heureux  destin 
sopose  que  vous  venies  faire  icy  meschante  chère  il  faut  que 
jaille  demain  sur  le  midy  faire  une  recommandation.... pour 
Mr  de  Limoges  et  entre  une  heure  et  deux  tous  ces  gens  quy  se 
meslent  de  nostre  acomodement  doive  (sic)  venir  céans.  Ainsi 
nostre  leçon  seroit  trop  courte  et  comme  elles  ne  sont  pas 
fréquentes  il  faut  au  moins  qu'elles  soient  longues  ce  sera  donc 
pour  jeudy  si  vous  le  voules  bien  ainsi^." 

Ses  devoirs  auprès  de  Madame  dont  nous  parlerons  dans  un 
autre  chapitre  ne  l'empêchèrent  pas  d'aller  dans  le  monde  ;  tout 
au  contraire,  ils  lui  permirent  d'élargir  le  cercle  de  ses  amis. 
Et  pourtant,  ses  journées  devaient  être  assez  rempHes,  car 
elle  écrit  elle-même  :  "C'est  une  chose  admirable  que  ce  que  fait 
l'interest  que  (ron)^  prend  aux  affaires.  Si  celle-cy  n'estoient 
point  les  miennes,  je  n'y  comprendrois  que  le  haut  allemand, 
et  je  les  scay  dans  ma  teste  comme  mon  Pater  et  dispute  tous 
les  jours  contre  nos  gens  d'affaires  des  choses  dont  je  n'ai  nulle 
cognoissance  et  oii  mon  interest  seul  me  donne  de  la  lumière^." 

Malgré  ses  nombreuses  occupations,  elle  recevait  beaucoup. 
*'Ce  jeudi  soir — Je  croyois  avoir  de  vos  nouvelles  aujourduy,  " 

1  Je  ne  pexix  garantir  que  cette  lettre  fut  écrite  après  le  mariage  mais 
l'accommodement  doit  s'appliquer  aux  procès  dont  il  a  déjà  été  question. 
À  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'ixne  conciliation  entre  mari  et  femme? — ce 
que  nous  ne  croyons  pas.  ^  Mot  oublié  en  toiunant  la  page. 

3  La  version  que  donne  M.  d'Hausson ville,  op.  cit.  p.  95,  corrige  et 
l'orthographe  et  le  style.   Nous  les  rétablissons  d'après  le  manuscrit. 


86  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

écrit-elle  à  Ménage,  "et  de  celles  de  la  P.  de  M.  (sic).  Vous  aunes 
eu  des  miennes  ce  matin  pour  vous  prier  de  venir  voir  (sic)  cette 
après  dinee  sans  que  mon  beau-pere  ma  mande  qu'il  y  viendroit 
incontinent  après  disner  et  j'estois  asseuree  qu'il  y  viendroit  tant 
d'autres  gens  le  reste  du  jour  que  j'ay  creu  que  vous  aimeries 
autant  ne  point  venir  icy  que  dy  estre  avec  tant  de  gens  vous 
quy  n'aimes  pas  la  foule...." 

Bientôt  elle  fait  la  connaissance  de  gens  de  lettres  destinés 
à  être  bien  plus  célèbres  que  le  fidèle  Ménage.  Pendant  les  années 
qui  vont  suivre  elle  rencontre — sans  parler  de  Scarron^  qu'elle 
connaissait  déjà  et  qui  devait  bientôt  disparaître,  de  Benserade 
et  de  Segrais  qui  ne  sont  guère  plus  connus  que  Ménage — Racine, 
Bossuet,  La  Fontaine,  Boileau  et  probablement  Perrault  et 
Molière^.  Mademoiselle  de  Scudéry^  était  de  ses  amies,  le  savant 
Huet  correspondait  avec  elle,  Madame  de  Sévigné  et  La  Roche- 
foucauld comptaient  au  nombre  de  ses  intimes.  Non  moins 
glorieux,  mais  d'un  genre  de  célébrité  bien  différent,  le  prince 
de  Condé,  le  duc  d'Enghien,  Louvois*  et  le  cardinal  de  Retz^ 
avaient  une  part  dans  son  amitié  et,  à  un  degré  bien  moindre, 
Mesdames  de  Maintenons  et  de  Montespan'. 

1  No  VIS  connaissons  déjà  l'opinion  de  Scarron  sur  la  jevine  La  Vergne. 
Elle  a  dû  visiter  le  poète  en  compagnie  de  Mme  de  Sévigné.  Cette  der- 
nière ne  fréquentait  pas  trop  la  maison  car  Ninon  de  l'Enclos  y  allait 
souvent,  et  il  s'y  retrouvait  en  même  temps  plusieurs  des  admirateurs 
de  Mme  de  Sévigné.  Voir  à  ce  sujet:  Scarron,  Œuvres,  Madrigal  à  Mme 
de  Sévigné,  vu.  p.  230;  J.  Babou,  Les  Amoureux  de  Mme  de  Sévigné; 
Emile  Magne,  Scarron  et  son  milieu.  Dans  une  de  ses  lettres  inédites 
Mme  de  La  Fayette  remercie  Ménage  poiir  des  vers  du  "petit  Scarron." 

2  Pour  des  détails  sijr  ces  amitiés  voir  plus  loin. 

3  "  Je  vous  prie,  mais  ie  vous  en  prie  de  tout  mon  cœ\ir,  de  faire  mille 
compliments  de  ma  part  à  Mlle  de  Scudery,"  écrit  Mme  de  La  Fayette, 
"et  de  l'asseurer  que  j'ay  pour  elle  toute  lestime  imaginable  et  beaucoup  de 
disposition  a  avoir  bien  de  la  tendresse  moy  quy  n'en  ay  guère  ordinaire- 
ment." M.  d'Haussonville  a  corrigé  l'orthographe  et  le  style  de  cette 
lettre  en  la  publiant. 

*  Voir  Rev.  de  Paris,  !«"'  sept.  1907.  J.  Lemoine,  Mme  de  La  Fayette 
et  Louvois.  ^  Sév.  m.  21,  et  passim. 

*  Du  temps  où  elle  était  Mme  Scarron,  l'amitié  était  assez  forte. 
Plus  tard  elle  s'est  refroidie.  D'après  ses  lettres  Mme  de  Maintenon 
estimait  Mme  de  La  Fayette  trop  "vraie"  et,  d'après  ses  Mém.  de  la 
Cour,  celle-ci  trouvait  que  la  fondatrice  de  Saint-Cyr  ne  l'était  peut-être 
pas  assez.  Mme  de  Maintenon  décou\Te  chez  son  amie  l'amour  de  la 
dépense,  et  à  tort,  car  le  ht  galonné  d'or  qu'elle  lui  reproche  est  tout 
simplement  un  cadeau  de  sa  marraine.  Personne  n'a  signalé  ce  fait  en 
reprodmsant  la  critique  de  Mme  de  Maintenon.    Voir  notre  appendice  m. 

'  Sév.  ni.  273. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  87 

Les  trois  demeures  où  elle  faisait  connaissance  avec  les  gens 
illustres  de  son  temps  étaient  la  Cour  de  Madame,  le  Luxem- 
bourgi  et  l'Hôtel  de  Ne  vers.  Ce  dernier  milieu,  le  moins  connu 
de  tous,  est  peut-être  celui  qui  a  influencé  le  plus  l'esprit  de 
Madame  de  La  Fayette;  il  mérite  de  retenir  notre  attention. 

Nous  avons  déjà  longuement  parlé  de  l'Hôtel  de  Ram- 
bouillet, sans  insister  sur  l'influence  qu'il  dut  exercer  sur  Mme  de 
La  Fayette.  Or,  l'Hôtel  de  Nevers  est  en  quelque  sorte  un 
prolongement  de  l'Hôtel  de  Rambouillet;  on  y  trouve  beau- 
coup d'anciens  habitués,  des  réunions  de  chez  la  marquise,  et  les 
quaUtés  et  les  défauts  y  sont  à  peu  près  les  mêmes.  De  plus,  si 
Mlle  de  La  Vergne  n'était  pas  suffisamment  assidue  à  l'Hôtel 
de  Rambouillet  pour  tomber  dans  les  excès  de  la  préciosité, 
elle  allait  assez  souvent  à  l'Hôtel  de  Nevers  pour  en  subir  l'in- 
fluence. Madame  de  La  Fayette  était  précieuse  2.  Elle  se 
dirigea  plus  tard  vers  le  vrai  but  de  la  préciosité,  au  Heu  de 
tomber  dans  le  ridicule,  mais  en  cours  de  route  elle  n'échappa 
pas  toujours  aux  accusations  qu'on  peut  porter  contre  la  mau- 
vaise 'préciosité.  Nous  verrons  plus  tard  des  lettres  à  Huet  qui 
laissent  voir  que  Mme  de  La  Fayette  traversa,  elle  aussi,  sa 
crise,  et  jusque  dans  la  Princesse  de  Clèves  il  y  a  des  passages 
qui  décèlent  plutôt  une  précieuse  guérie  qu'une  femme  indemne. 
Créer  d'abord  un  miheu  faux  pour  représenter  l'Hôtel  de  Ram- 
bouillet, exagérer  tantôt  ses  quaUtés,  tantôt  ses  défauts,  et 
conclure  dans  ce  dernier  cas  que  Mme  de  La  Fayette  fut  trop 
spirituelle  pour  avoir  été  touchée  par  le  mal,  c'est  là  une  ten- 
dance commune  à  plusieurs  de  ses  biographes,  et  de  plus 
une  façon  de  voir  aussi  inutile  que  fausse.  Examinons  ce 
miheu  de  l'Hôtel  de  Nevers  et  sa  "succursale"  à  la  campagne, 

^  Il  est  fort  probable  que  Mme  de  La  Fayette  fréquentait  le  Luxem- 
bourg, mais  nous  ne  croyons  pas  avoir  vu  de  documents  probants  à  ce 
sujet.  Il  est  vrai  qu'un  jovu-  elle  dit  dans  une  lettre  à  Ménage,  qu'elle 
lui  écrit  dans  les  jardins  du  Luxembourg,  mais  alors,  comme  aujourd'hui, 
ces  jardins  étaient  publics.  A.  Barine,  Louio  XIV  et  la  Gr.  Mlle,  dit 
catégoriquement  que  Mme  de  La  Fayette  se  trouvait  souvent  au  Palais 
avec  La  R.,  Segrais,  Mme  de  Sév.  et  Mademoiselle. 

-  Non  seulement  elle  figure  dans  la  liste  des  Précieuses  donnée  par 
Somaize  (Dict.  T.  i.  p.  96),  et  son  salon  parmi  les  Réduits  (p.  205),  mais 
nous  avons  des  citations  de  son  style  parmi  les  "Quelques  expressions 
précieuses"  (p.  211).  Jean  de  la  Forge  (Cercle  des  femines  sçavantes)  loue 
la  Princesse  de  Montpensier  ou  plutôt  son  autevir  qu'il  appelle  Félicie. 
Dans  la  "clef"  il  écrit:  "Félicie:  Son  nom  seul  fait  son  éloge  et  partout 
où  les  charmes  de  l'esprit  et  du  corps  et  les  belles  lettres  régneront,  ce 
nom  fameux  régnera  avec  elles." 


88  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

Fresnes  :  nous  verrons  que  Mme  de  La  Fayette  a  suivi  la  mode 
sans  se  soucier  de  ce  qu'il  pouvait  y  avoir  de  bon  ou  de  mauvais 
dans  le  mouvement  littéraire  qui  naissait. 

À  l'Hôtel  de  Nevers  on  se  réunissait  pour  s'amuser  et  pour 
discourir^.  Lorsqu'on  est  du  tout  Paris — si  j'ose  m'exprimer 
ainsi  en  parlant  du  XVIIe  siècle — il  y  a  des  nouvelles  politiques 
et  littéraires  (en  dehors  de  la  mode  qui  s'applique  aussi  bien  au 
vocabulaire  et  à  l'expression  qu'aux  vêtements)  que  l'on  ne  doit 
pas  ignorer.  On  les  apprenait  à  l'Hôtel. 

La  maison  était  située  au  bout  du  Pont-Neuf,  à  l'emplace- 
ment actuel,  nous  semble-t-il,  de  l'Hôtel  de  la  Monnaie.  À  cette 
époque,  elle  était  renommée  pour  la  bonne  chère.  "La  table  y 
était  d'une  grande  délicatesse  et  d'une  grande  somptuosité," 
nous  dit  le  Père  Rapin^  qui  n'aimait  guère  les  gens  qui  la  fré- 
quentaient. La  compagnie  était  la  plus  choisie  de  Paris  et  com- 
prenait des  gens  de  cour  et  de  robe.  La  maîtresse  de  la  maison, 
la  comtesse  du  Plessis-Guénégaud,  organisait  "toutes  sortes  de 
divertissements  d'esprit"  et  comme  elle  avait  elle-même  "de 
l'honnêteté,  de  la  pohtesse  et  de  l'esprit^"  elle  attirait  des  gens 
"honnêtes,"  polis  et  spirituels.  Parmi  ceux-ci  il  y  avait  l'évêque 
de  Comminges,  cousin  germain  de  la  comtesse,  le  prince  de  Mar- 
cillac,  le  duc  de  La  Rochefoucauld,  le  maréchal  d'Albret,  parent  | 

de  M.  de  La  Fayette,  la  marquise  de  Liancourt,  la  comtesse  de  | 

La  Fayette,  la  marquise  de  Sévigné,  d'Andilly  de  Pomponne,  /^ 

l'abbé  Testu*,  l'abbé  de   Rance,   les  Barillon.    Lorsque  Pom-  | 

ponne  arrive  à  Paris  en  1665,  il  n'hésite  pas  à  visiter  l'Hôtel  et 
"le  grand  monde  qu'il  apprit  estre  en  haut  ne  l'empêcha  point  ■■ 

de  paroître  en  habit  gris,"  "J'y  trouvai  seulement,"  écrit-il, 
"Madame  et  Mademoiselle  de  Sévigné,  Madame  de  Fouquières  '{;■ 

et  Madame  de  la  Fayette,  M.  de  la  Rochefoucauld,  M.  de  Sens,  K 

de  Xaintes  et  de  Laon  ;  MM.  d'Avaux,  de  Barillon,  de  Châtillon,  t 

^  Et  pour  propager  les  opinions  jansénistes  dirait  le  Père  Rapin  qui 
accvise  l'Hôtel  de  Nevers  d'être  "le  grand  théâtre  où  se  débattait  avec 
plus  de  bruit  et  même  avec  plus  d'applaudissement  le  nouvel  évangile 
de  Port-Royal,"  Mém.  i.  403.  ^  Ouv.  cité  ci-dessus. 

^  Rapin,  op.  cit.    Arnaud  d'Andilly  écrit  dans  ses  Mémoires:   "J'ai  ^ 

trouvé  en  Madame  du  Plessis  tout  ce  que  l'on  peut  souhaiter  pour  rendre 
vme  amitié  parfaite.  Son  esprit,  son  cœur,  sa  vertu  semblent  disputer 
à  qui  doit  avoir  l'avantage.  Son  esprit  est  capable  de  tout  sans  que  son 
application  aux  plus  grandes  choses  l'empêche  d'en  avoir  en  même  temps 
povir  les  moindres."  Petitot,  2^  série,  xxxrv.  p.  92. 

*  Jacques  Testu  (1626-1706),  abbé  de  Belval.  Reçu  à  l'Acad.  fr.  en 
1605. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  89 

de  Caumartin  et  quelques  autres  :  et  sur  le  tout  Boileau  que  vous 
connaissez,  qui  y  étoit  venu  réciter  de  ses  satyres,  qui  me  paru- 
rent admirables;  et  Racine,  qui  y  récita  aussi  trois  actes  et 
demi  d'une  Comédie  de  Porus,  si  célèbre  contre  Alexandre,  qui 
est  assurément  d'une  fort  grande  beauté^." 

Comment  ne  pas  fréquenter  une  maison  où  l'on  pouvait 
entendre  le  même  jour  et  Boileau  et  Racine?  Madame  de  La 
Fayette  se  garde  bien  de  manquer  à  de  telles  fêtes.  Non  seule- 
ment elle  dînait  et  soupait  à  l'Hôtel,  mais  elle  y  couchait.  A  ce 
sujet  la  lettre  suivante  qu'elle  écrivit  à  Pomponne  est  fort  in- 
téressante^  : 

"de  Ihostel  de  Nevers  ce  24"''  mars  (1662). 

"Il  ny  a  jour  que  Ion  ne  parle  icy  de  vous  escrire  toutes  les 
soirées  se  finissent  en  disant  mon  dieu  escrivons  donc  a  ce  pauvre 
Mr  de  Pomponne  mandons  luy  combien  nous  nous  ennuyons 
de  ne  lavoir  plus  et  lenuie  que  nous  avons  quil  revienne  cela  ce 
(sic)  dit  touts  les  soirs  et  ce  remet  toujours  au  lendemain  et  le 
plaisir  de  la  conversation  ou  le  raisonnement  sur  les  nouvelles 
fait  quon  ne  lexecute  non  plus  le  lendemain  que  Ion  lavoit  fait 
le  jour  auparavant  pour  moy  quy  suis  ennuyée  de  voir  que  tout 
le  monde  fasse  si  mal  son  devoir  ie  me  sépare  de  la  troupe  pour 
faire  le  mien  et  vous  escris  en  mon  particulier  et  quoy  que  se 
soit  de  Ihostel  de  Nevers  ne  croyes  pas  que  personne  ait  part  a 
ma  lettre  je  suis  toute  seule  dans  ma  chambre  vous  voila  bien 
estonne  que  ie  dise  ma  chambre  mais  attendes  ie  ne  faisois  que 
disner  et  souper  céans  quand  vous  esties  a  Paris  présentement 
iy  couche  il  est  vray  que  la  peur  des  voleurs  quy  sont  deschaines 
en  mon  faubourg  y  a  contribue  pr  cette  nuit  et  vous  juges  bien 
quil  faut  quelque  bonne  raison  pr  obliger  une  mère  de  famille 
comme  moy  a  quitter  ses  anfans  jay  donne  une  nourice  aux 
vostres  quy  est  une  créature  admirable  et  ie  prétends  bien  que 
vous  men  remercires  autant  que  fait  Me  de  Pomponne  quy 
men  scait  le  mesme  gre  que  si  ie  luy  avois  fait  un  présent  con- 
sidérable^." 

1  Mém.  de  Coulanges,  1820,  p.  470. 

2  Elle  donne  en  passant  vin  renseignement  svir  l'état  des  rues  à  cette 
époque  (1662)  et  doit  être  rapprochée  d'une  lettre  où  Mme  de  Sévigné 
ractnte  en  1673,  son  retour  du  "fin  fond  du  Fauboiirg  St  Germain,  fort 
au-delà  de  Mme  de  La  Fayette."  "Nous  revanmes  gaiement,"  écrit-elle, 
"  à  la  faveur  des  lanternes,  et  dans  la  sûreté  des  voleurs."  Ces  lanternes, 
qui  contenaient  des  chandelles,  étaient  installées  dans  les  rues  de  Paris 
en  1666  et  allumées  pendant  neuf  mois  de  l'année:  on  exceptait  les  huit 
jours  de  lune.  ^  Bibl.  Arsenal,  Papiers  Arnavild. 


90  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

Lorsque  les  invités  s'en  allaient  à  Fresnes,  Madame  de  La 
Fayette  ajoutait  au  "plaisir  de  la  conversation"  et  du  "raison- 
nement sur  les  nouvelles  "  celui  de  la  vie  à  la  campagne  qu'elle 
savait  apprécier. 

Le  château  de  Fresnes,  situé  un  peu  au-delà  de  Clays  près 
du  confluent  de  la  Beuvronne  et  de  la  Marne,  avait  été  presque 
entièrement  reconstruit  par  Mansard.  Par  la  beauté  des  per- 
spectives, la  proximité  de  lieux  pour  la  promenade,  et  la  splen- 
deur des  appartements,  aucune  des  riches  demeures  qui 
abondaient  dans  les  environs  de  Paris  ne  surpassait  le  château 
de  Fresnes.  Ses  jardins  et  son  parc  rappelaient  Vaux,  le  trop 
magnifique  château  de  l'infortuné  Fouquet.  L'esprit  cultivé  de 
l'hôtesse  et  de  ses  invités,  la  vie  qu'on  y  menait,  rappelaient  les 
beaux  jours  de  l'Hôtel  de  Rambouillet.  On  y  retrouvait  la  même 
culture  intellectuelle  et  la  même  gaîté.  La  plupart  des  personnes 
qui  le  fréquentaient  étaient  celles  qu'on  rencontrait  autrefois 
à  l'Hôtel,  et  elles  gardaient  jusqu'à  l'habitude  de  s'appeler  par 
des  noms  d'emprunt — par  des  noms  de  précieux  i. 

Madame  de  Se  vigne  nous  trace  ce  joli  tableau  de  l'intérieur 
de  Fresnes^  :  "...Il  faut  que  je  vous  dise  comme  je  suis  présente- 
ment. J'ai  M.  d'Andilly  à  ma  main  gauche,  c'est  à  dire  du  côté 
de  mon  cœur;  j'ai  Mme  de  la  Fayette  à  ma  droite;  Mme  du 
Plessis  devant  moi,  qui  s'amuse  à  barbouiller  de  petites  images; 
Mme  de  Motteville  un  peu  plus  loin,  qui  rêve  profondément; 
notre  oncle  de  Cessac,  que  je  crains  parce  que  je  ne  le  connois 
guère  ;  Mme  de  Caderousse  ;  sa  sœur  qui  est  un  fruit  nouveau  que 
vous  ne  connoissez  pas,  et  Mlle  de  Sévigné  sur  le  tout,  allant  et 
venant  par  le  cabinet  comme  de  petits  frelons." 

Lorsqu'on  n'écrivait  pas,  on  jouait  au  jeu  des  rimes  ou  des 
proverbes,  des  poètes  ou  des  peintres^  mais  sans  interrompre  la 

^  Voir  Walckenaer,  m.  21.  Rapin,  op.  cit.  admet  que  "Tout  ce  qu'il 
y  avoit  de  brillant  parmi  la  jeunesse  de  qualité,  qm  florissoit  alors  dans 
la  viUe  ou  à  la  Cour...alloient  à  Fresnes  pour  y  faire  des  conférences 
d'esprit:  car  c'étoit  un  Ueu  agréable,  délicieux  et  propre  à  cela."  i.  p.  403. 

2  Sév.  I.  p.  493. 

^  Pour  les  jeux  des  précieiises  voir  Ch.  Sorel,  La  Maison  des  Jeux, 
1687,  2  vols,  de  700  et  de  600  pp.  À  côté  de  jeux  littéraires  on  en  trouve 
qui  sont  pour  nous  surprendre  un  peu.  En  voici  un  :  On  leur  propose  que 
si  elles  étaient  dans  un  grand  lit  au  milieu  de  deux  hommes  qui  les  aiment 
et  que  l'on  nomme,  la  bienséance  les  obligerait  de  se  tourner  d'un  côté 
ou  de  l'autre  et  on  leur  demande  quel  côté  elles  choisiraient  du  droit  ou 
du  gauche.  On  ne  leur  dit  qu'après  celui  de  droit  et  celioi  de  gauche.  Elles 
embrassent  l'élu  et  donnent  xm  bouquet  à  l'autre." 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  91 

conversation,  qui  était  considérée  comme  un  art  auquel  chacun 
travaillait  pour  son  perfectionnement.  C'est  chez  Madame  de 
Plessis-Guénégaud  et  dans  son  propre  salon  que  Madame  de 
La  Fayette  acheva  de  devenir  la  directrice  de  la  conversation 
polie  de  son  temps.  Pour  se  faire  une  idée  du  charme  et  du  raffi- 
nement de  ces  causeries,  on  n'a  pas  besoin  de  consulter  les  guides 
mondains^  de  l'époque:  il  suffit  de  lire  la  Princesse  de  Clèves. 
"Aimable  et  spirituelle,  d'un  esprit  enjoué,  d'un  abord  agréable; 
elle  (Mme  de  La  Fayette)  est  civile,  obUgeante  et  un  peu  railleuse," 
nous  dit  Somaize  qui  l'appelle  de  son  nom  de  Précieuse — Féli- 
ciane,  et  pour  ne  pas  nous  laisser  sur  une  impression  défavorable, 
il  continue  :  "mais  elle  raille  de  si  bonne  grâce  qu'elle  se  fait  aimer 
de  ceux  qu'elle  traite  le  plus  mal,  ou  du  moins  elle  ne  s'en  fait 
pas  haïr^."  Bien  que  ce  portrait  soit  de  quelques  années  anté- 
rieur, nous  pouvons  supposer  qu'elle  savait  encore  railler  quand 
elle  allait  à  l'Hôtel  de  Nevers,  à  en  juger  par  la  façon  dont  elle 
traite  Mme  de  Marans^.  Toujours  est-il  qu'elle  n'est  pas  seule 
à  badiner  à  Fresnes  et  lorsqu'elle  se  trouve  parmi  les  victimes, 
elle  écrit  ainsi  à  son  ami  Pomponne  : 

"Je  suis  si  honteuse  de  ne  vous  avoir  point  escrit  depuis  que 
vous  estes  party  que  je  croy  que  je  n'aurois  jamais  osé  m'y 
hasarder  sans  une  belle  occasion  comme  celle  cy  à  labry  de  noms 
qui  sont  de  l'autre  coste  de  cette  lettre.  J'espère  que  vous 
apercevres  du  mien  aussi  bien  il  y  en  a  un  qui  le  suit  assez 
souvent  mais  apparemment  puis  qu'il  est  question  de  Mlle  de 
Sévigné  vous  jugez  bien  que  l'on  ne  parlera  plus  de  moy  au  moins 
sur  ce  propos  :  car  pour  ne  plus  parler  de  moy  ce  n'est  pas  chose 
posible  a  Fr.  &  a  l'h  de  N.  J'y  suis  le  souffre  douleurs  on  s'y 
mocque  de  moy  excessivement.  Si  la  douceur  de  Mr  de  C.  et  de 
Me  de  Se  vigne  ne  me  consoloit  un  peu  je  croy  que  je  m'enfuirois 
dans  le  nord*." 

Ce  Monsieur  de  Pomponne,  fils  d'Arnauld  d'Andilly,  avait 
été  reçu  dès  sa  première  jeunesse  à  l'Hôtel  de  Rambouillet  et 
a  dû  souffrir  de  son  éloignement  en  Suède  où  il  était  ambassadeur 

1  Tels  que:  Ortigues  de  Vaumorières,  L'Art  de  plaire  dans  la  Conversa- 
tion. ^695.  Voici  quelques  titres  de  chapitres:  De  quelle  manière  la 
bien-séance  veut  que  l'on  agisse  et  que  l'on  parle  quand  on  mange  en 
compagnie.  Avec  quelles  précautions  il  est  permis  de  railler.  De  quelle 
manière  on  doit  dire  des  nouvelles,  etc.  Voir  avissi  Bary  (René),  L'Esprit 
de  cour  ou  les  conversations  galantes,  1662. 

2  Somaize,  op.  cit.  ^  Sév.  ii.  153. 

*  Copie  de  lettres  12  mars  1666,  Bibl,  Ars.  6037,  Pap.  Arn.  iv.  pièce 
491,  p.  18. 


92  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

extraordinaire.  Ainsi  exilé,  il  ne  comprenait  plus  certaines 
expressions  de  ses  anciens  confrères  en  préciosité  et  se 
demandait  s'il  ne  faudrait  pas  "apprendre  une  langue  nou- 
velle" en  rentrant  dans  son  pays.  Sa  réponse  nous  fera 
connaître  le  milieu,  et  la  tentation  de  la  donner  presqu'en 
entier  est  d'autant  plus  forte  que  cette  lettre,  adressée  à 
Mme  de  Sévigné,  ne  figure  pas  dans  l'édition  des  "Grands 
Écrivains." 

"Rien  ne  fait  un  effet  si  bizarre  qu'un  billet  de  Fr.  receu  dans 
le  Nord.  Il  donne  mille  joyes  et  mille  chagrins.  Il  adoucit  et 
augmente  la  douleur  de  leloignement,  et  aide  a  supporter  le 
poids  de  l'amb^^e  en  le  rendant  encore  plus  pesan.  Vous  jugez 
bien  en  effet  incomparable  Amathee — et  vous  illustre  Alcandre, 
car  Dieu  me  garde  de  vous  séparer — combien  Ion  est  sensible 

au  plaisir  de  voir  dans  une  mesme  lettre  les  noms  de  Se de 

la  F et  de  la  R et  combien  Ion  souffre  en  mesme  temps 

nayant  manque  aucune  des  actions  mémorables  de  F de  ne 

mestre  pas  trouve  a  l'une  des  plus  signalées.  J'y  ay  veu  la 
Brevonne  sortir  plus  d'une  fois  de  sa  grotte.  J'y  ay  joue  mon 
roole  dans  la  surprenante  avanture  de  la  Comtesse  de  Bourgogne. 
J'ay  este  témoin  des  diverses  transformations  de  Louis  Bayard. 
J'ay  este  présent  au  fameux  opéra  de  Vittoria  et  de  Don  Carlos. 
Mais  surtout  je  me  suis  trouve  a  l'avanture  célèbre  des  deux 
Paladins,  dont  l'un  fort  ingambe,  l'autre  avec  sa  permission  un 
peu  bequillard  disputèrent  l'espee  enchantée  pour  delhvrer 
l'Infante  que  l'on  enlevoit.  Enfin  rien  ne  m'etoit  échappe  de 
remarquable  depuis  la  naissance  des  Quiquois  mais  aujourd'hui 
j'ay  bien  envie  de  murmurer  contre  l'ame  j'ay  manque  le  sale- 
ment de 1.   De  tout  ce  que  j'ay  jamais  veu  et  entendu  au 

pays  de  Brevonne  rien  ne  m'a  paru  si  digne  de  curiosité.  Je  ne 

scay  pas  si  nostre en  a  salle  beaucoup  en  sa  vie  :  je  respons 

bien  qu'il  n'en  a  jamais  de  telle.  Mais  nestes  vous  pas  cruels  tous 
tant  que  vous  estes  de  ne  me  point  expHquer  de  tels  mots  et 
faudra-t-il  que  j'apprenne  une  langue  nouvelle  lorsque  je 
reviendray  en  mon  cher  pays  de  la  Ver^e?  Quelle  honte  de  ne 
me  point  exphquer  de  tels  mots  qu'il  ne  se  trouve  personne 
parmy  vous  qui  ait  cette  charité  pour  un  pauvre  Quiquoy 
depaise.  Et  cette  Me  de  la  F a  qui  Ion  me  renvoyé  n'aurait- 

^  Cette  lettre  a  été  imprimée  par  Monmerqué  dans  son  édition  des 
Mém.  de  Couianges  (1820),  p.  405,  et  à  cet  endroit  il  imprime:  "Mlle  de 
Sévigné."  Phis  loin  dans  cette  lettre,  Pomponne  écrit,  en  effet,  qu'il 
s'agit  de  la  fille  de  Mme  de  Sévigné. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  93 

elle  pas  mieux  fait  de  me  le  dire  que  de  m'apprendre  que  l'on 
se  mocque  délie  depuis  le  matin  jusques  au  soir  comme  si  ce 
mestoit  une  chose  fort  nouvelle?  Elle  a  ete  mocquee  et  le  sera. 
Je  lay  este  avant  elle,  et  le  seray.  Enfin  cest  un  honneur  que 
nous  partagerons  longtemps  ensemble etc.^" 

D'après  la  réponse  de  Pomponne,  nous  voyons  que  non  seule- 
ment Madame  de  Sévigné  lui  écrivit  en  même  temps  que  Madame 
de  La  Fayette  mais  qu'il  reçut  aussi  un  billet  de  M.  de  La  Roche- 
foucauld, billet  qui,  par  malheur,  n'a  pas  été  retrouvé.  C'est 
probablement  à  lui  que  la  comtesse  fait  allusion  lorsqu'elle  dit 
qu'il  y  a  un  nom  qui  suit  le  sien  assez  souvent.  En  1666  donc, 
on  taquinait  Madame  de  La  Fayette  au  sujet  du  duc  qui, 
semble-t-il,  s'intéressait  à  elle.  En  effet  Madame  de  La  Fayette 
doit  au  salon  de  Madame  du  Plessis  non  seulement  d'avoir  pu 
perfectionner  son  style  dans  la  conversation  du  beau  monde, 
d'avoir  épuré  sa  langue  et  afïiné  son  goût,  d'avoir  appris  à 
discuter  sur  des  questions  de  psychologie  et  de  reUgion,  mais 
aussi  de  s'être  ménagé  une  amitié  des  plus  précieuses,  avec  un 
homme  qui,  après  avoir  cherché  son  chemin  dans  une  tout 
autre  voie,  devait  se  faire,  lui  aussi,  un  nom  dans  l'histoire 
Uttéraire  de  son  pays.    Nous  avons  nommé  La  Rochefoucauld. 

C'est  à  Fresnes  que  Madame  de  La  Fayette  lut  les  Maximes 
et  son  impression  ne  fut  guère  favorable  à  l'auteur.  Aussitôt 
après  cette  lecture,  elle  écrivit  à  Madame  de  Sablé  :  "  ....Je  viens 
d'arriver  à  Fresne,  ou  j'ay  esté  deux  jours  en  solitude  avec 
madame  du  Plessis;  en  ces  deux  jours -là....  nous  y  avons  leu 
les  Maximes  de  M.  de  La  Rochefoucauld.  Ha  Madame  !  quelle 
corruption  il  faut  avoir  dans  l'esprit  et  dans  le  cœur  pour  estre 
capable  d'imaginer  tout  cela  !  J'en  suis  si  espouvantée  que  je 
vous  asseure  que  si  les  plaisanteries  estoient  des  choses  sérieuses 
de  telles  maximes  gasteroient  plus  ses  affaires  que  touts  les 
potages  qu'il  mangea  l'autre  jour  chez  vous." 

Et  lorsqu'elle  écrit  à  son  amie  pour  lui  demander  ses  Maximes, 
elle  dit  :  "  Madame  du  Plessis  m'a  donné  une  curiosité  estrange  de 
les  voir,  et  c'est  justement  parcequ'elles  sont  honnestes  et 
raisonnables  que  j'en  ay  envie,  et  qu'elles  me  persuaderont  que 
toutes  les  personnes  de  bon  sens  ne  sont  pas  si  persuadées  de  la 
corruption  générale  que  l'est  M.  de  la  Rochefoucauld^.  " 

C'est  aussi  à  Fresnes  qu'elle  rencontra  assez  souvent  le  duc, 
ou  pour  se  rendre  compte  qu'elle  l'avait  mal  jugé,  ou  pour  être 

1  Papiers  d'ArnauId,  rv.  f»  25. 

2  Fournier,  Var.  Hist.  x. 


94  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

tentée  d'entreprendre  une  réforme  de  son  caractère.    De  cette 
rencontre,  une  liaison  célèbre  dans  l'histoire  littéraire.... 


On  a  déjà  commis,  au  sujet  de  l'amitié  du  duc  de  La  Rochefou- 
cauld et  de  Madame  de  La  Fayette,  tant  d'erreurs,  on  a  montré 
tant  de  curiosité  malsaine,  on  a  prononcé  tant  de  jugements  peu 
charitables,  que  nous  n'avons  guère  envie  de  rien  ajouter  à  tout 
cela.  Au  reste,  si  l'on  tient  à  tout  savoir,  nous  inclinons  à 
penser  que  Sainte-Beuve,  en  cette  affaire,  dit  le  dernier  mot. 
Il  n'avait  pas  entre  les  mains  tous  les  documents  (nous  sommes 
encore  loin  de  les  avoir  aujourd'hui)  mais  sa  haute  intelligence, 
sa  sympathie  pénétrante,  et  ce  don  qu'il  avait  de  regarder  vivre 
les  personnages  littéraires  de  toutes  les  époques,  lui  permirent 
de  traiter  cette  déUcate  question  comme  personne  ne  l'avait  fait 
avant  lui.  Depuis  ce  moment  (1836)  on  n'a  rien  écrit  qui  ait 
la  valeur  de  son  étude  et,  à  moins  de  trouver  d'autres  documents, 
on  ne  dépassera  jamais,  croyons-nous,  son  portrait  de  Mme  de 
La  Fayette^. 

Cependant  on  ne  peut  passer  sous  silence  cette  haison 
importante  et  surtout  on  ne  peut  pas  laisser  croire  à  ceux  qui, 
depuis  1836,  ont  accumulé  des  jugements  téméraires  et  des 
erreurs  de  faits,  qu'ils  sont  arrivés  plus  près  de  la  vérité  que 
leurs  prédécesseurs.  Nous  allons  suivre  les  traces  d'un  grand 
critique  comme  Sainte-Beuve,  être  en  contradiction  avec  un 
érudit  tel  qu'Anatole  France,  et  nous  n'oserions  pas  entre- 
prendre la  tâche  si  nous  ne  nous  trouvions  fort  de  la  pensée 
que  nous  avons  connu  des  documents  qu'ils  ignoraient  tous  les 
deux.  Ces  documents,  certes,  ne  disent  rien,  ou  presque  rien, 
de  la  liaison,  mais  ils  nous  font  mieux  connaître  le  caractère  de 
Mme  de  La  Fayette  et  si  l'on  a  mal  compris  les  rapports  entre 
La  Rochefoucauld  et  son  amie,  c'est,  croyons-nous,  parce  qu'on 
n'avait  pas  compris  le  vrai  caractère — et  parce  qu'on  ignorait 
l'état  de  santé — de  cette  amie. 

Quand  l'amitié  de  Mme  de  La  Fayette  et  de  La  Rochefou- 
cauld commença-t-elle  ?  En  1665?  En  1655,  à  l'époque  du 
mariage  de  Mlle  de  La  Vergne?  Avant  le  mariage?  On  s'est 
amusé  à  compUquer  cette  question,  en  disant  que  la  Haison  est 
antérieure  à  1665  et  puis  en  insinuant  en  fin  de  compte  que — 
peut-être  bien  elle  remontait  plus  haut  que  son  mariage. 

Il  faudrait  au  contraire  simpUfier  la  question  et  distinguer 

^  Dans  les  Portraits  de  femmes. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  95 

entre  deux  choses  :  (a)  ramitié  de  Mme  de  La  Fayette  avec  La 
Rochefoucauld,  qui  ne  différait  en  rien  de  ses  amitiés  avec  les 
personnes  mentionnées  au  début  de  ce  chapitre,  (6)  l'amitié 
intime  que  nous  appellerons  faute  d'un  meilleur  mot — la  haison. 

La  première  amitié  date  probablement  de  l'époque  du 
mariage  de  Mme  de  La  Fayette  ou  du  temps  qui  suivit  im- 
médiatement le  mariage.  Segrais  dit  que  l'amitié  dura  vingt- 
cinq  ans^.  La  Rochefoucauld  étant  mort  en  1680,  l'amitié  re- 
monterait donc  en  1655,  l'année  même  du  mariage  de  Mme  de 
La  Fayette^.  Peut-être  ne  faudrait-il  pas  attacher  trop  d'im- 
portance à  la  date  fixée  par  Segrais.  C'est  un  souvenir  de  vieil- 
lard qui  ne  regarde  pas  à  quelques  armées  près.  En  1653,  La 
Rochefoucauld  était  à  Verteuil,  où  il  passa  quelques  années 
dans  la  gêne,  s'efïorçant  de  refaire  sa  fortune.  En  1656,  il  est 
vrai,  il  était  de  retour  à  Paris,  et  très  assidu  auprès  de  la  reine 
de  Suède^.  Madame  de  La  Fayette  n'était  plus  là  mais  elle 
pouvait  le  rencontrer  de  temps  à  autre  pendant  ses  visites.  Paul 
Lacroix*  parlant  d'une  date  assez  vague  ("dès  l'année  1655" 
est  la  dernière  mention  de  date  dans  le  chapitre)  dit  que  Mme 
de  La  Fayette  "estima  que  le  moment  était  bon  pour  ouvrir  sa 
maison  aux  beaux  esprits  les  plus  renommés  et  pour  y  attirer 
le  Duc  de  La  Rochefoucauld.''''  Il  ne  donne  aucun  document  à 
l'appui  de  ses  dires — ce  qui  leur  enlève  toute  valeur.  La  pre- 
mière mention  de  l'amitié  dans  la  correspondance  de  Mme  de 
La  Fayette  est  dans  une  lettre  où  elle  écrit  à  Ménage  "  ...Je  suis 
infiniment  obhgée  à  Mr  de  La  Rochefoucauld  de  son  compH- 
ment,  c'est  en  eÊfet  de  la  belle  sympathie  qui  est  entre  nous." 
M.  d'Haussonville  reproduit  cette  phrase^  (avec  "sentiment" 
pour  "comphment")  et  dit  catégoriquement  que  la  lettre  est  de 
1663  et  le  "sentiment"  peut-être  à  l'occasion  de  la  Princesse 
de  Montpensier  qui  venait  de  paraître.  "Venir  de  paraître" 
n'est  évidemment  qu'une  façon  de  parler  puisque  la  Princesse 
de  Montpensier  est  du  20  août  1662  et  cette  lettre  du  5  septem- 
bre— 1663,  d'après  M.  d'Haussonville.  Mais  comment  M.  d'Haus- 
sonville sait-il  qu'elle  est  de  1663?  La  lettre  que  nous  avons  vue 

^  Segraisiana. 

^  C'est  probablement  ce  passage  de  Segraisiana  qui  fait  dire  à  Taine 
qu'à  la  mort  de  son  mari,  survenue  quelques  années  après  le  mariage, 
Mme  de  La  Fayette  céda  à  son  affection  déjà  ancienne  pour  le  duc  de  La 
Rochefoucauld.    Voir  Taine,  éd.  de  la  P.  de  C. 

'  Mme  de  Motteville,  Mém.  rv.  65. 

*  Le  XV IP  siècle.  Lettres,  Sciences  et  Arts,  p.  190. 

5  Op.  cit.  pp.  6&-67. 


96  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

est  du  "5™^  septembre"  sans  mention  d'année.  La  date  est 
pourtant  facile  à  établir.  Ménage  s'était  amusé  à  tendre  un 
piège  à  ses  amis  en  leur  envoyant  des  madrigaux  à  critiquer. 

11  en  est  question  dans  une  lettre  de  Madame  de  Sévigné  du 

12  septembre  1656^  et  dans  une  lettre  de  Madame  de  La  Fayette 
du  22  août.  Or  la  lettre  du  5  septembre  où  elle  fait  allusion  à 
La  Rochefoucauld  débute  ainsi:  "Si  l'on  pouvoit  tirer  quelque 
vanité  de  mon  choix  je  vous  asseure  que  vous  en  pouries  tirer  de 
celuy  que  j'ai  fait  de  votre  madrigal  preferablement  a  celui  du 
Guarini  et  a  celuy  de  Mr  du  Raincy...."  Les  trois  quarts  de  la 
lettre  sont  sur  ce  même  sujet.  Elle  y  parle  également  d'une 
chanson  itahenne  dont  il  était  question  dans  sa  lettre  du 
1er  septembre  1656  (date  qui  nous  est  fournie  par  une  mention 
de  la  visite  de  la  reine  de  Suède).  Nous  n'avons  donc  aucune 
hésitation  à  dater  du  5  septembre  1656  celle  où  se  trouve  l'allu- 
sion à  La  Rochefoucauld.  Le  compliment  ne  serait  donc  qu'une 
pohtesse  de  La  Rochefoucauld  au  sujet  du  mariage  de  Madame 
de  La  Fayette.  Le  duc  était  à  Paris  en  1656.  Il  y  rencontra  '^ 
Ménage  qu'il  n'avait  pas  vu  depuis  le  mariage  car  il  habitait  li 
Verteuil  à  cette  époque.  Quoi  de  plus  naturel  que  de  pré-  '. 
senter  ses  compliments  par  l'intermédiaire  du  fidèle  Ménage?                 ;} 

Segrais  aurait  donc  raison,  car  une  année  après  le  mariage, 

l'amitié  entre  La  Rochefoucauld  et  Mme  de  La  Fayette  donne 

lieu  à  une  remarque  de  Ménage,  si  bien  que  Mme  de  La  Fayette 

se  doit  d'intervenir.   Cependant  tout  nous  porte  à  croire  que  le 

raisonnement  de  Sainte-Beuve  est  juste  et  que  l'intimité  n'a  pu 

remplacer  la  "belle  sympathie"  avant  1665^.  En  effet  la  liaison 

de  La  Rochefoucauld  avec  Madame  de  Longueville — tellement 

intime  que  le  duc  pleura  le  comte  de  Saint-Paul  comme  un  fils 

— n'était  alors  un  secret  pour  personne.   Plus  tard  il  se  lia  avec 

la  marquise  de  Sablé  et  leurs  relations  ne  se  refroidirent  que 

vers  1663^.  Un  peu  après  cette  époque  Madame  de  La  Fayette 

écrit  à  la  marquise: 

"Ce  jeudy  au  soir. 

"Voilà  un  billet  que  je  vous  supHe  de  vouloir  lire,  il  vous 
instruira  de  ce  que  l'on  demande  de  vous.  Je  n'ay  rien  à  y  ad- 
jouster,  sinon  que  l'homme  qu'il  l'escrit  (sic)  est  un  des  hommes 

1  Voir  Lettres,  T.  i.  p.  416.  ^  Voir  Portraits  de  femmes. 

3  C'est  vers  cette  époque  que  Mme  de  Sablé  connut  intimement 
Mme  de  Longueville  rattachée  à  Port-Royal  par  sa  pénitence.    Sa  con-  |'j 

fession  générale  est  de  1662.    Le  duc  ne  pouvait  guère  la  fréquenter  à  | 

partir  de  cette  époque.  *■ 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  97 

du  monde  que  j'ayme  autant,  et  qu'ainsi,  c'est  une  des  plus 
grandes  obligations  que  je  vous  puisse  avoir  que  de  luy  accorder 
ce  qu'il  souhaitte  pour  son  amy.  Je  viens  d'arriver  à  Fresne,  où 
j'ay  esté  deux  jours  en  solitude  avec  madame  du  Plessis  ;  en  ces 
deux  jours-là  nous  avons  parlé  de  vous  deux  ou  trois  mille  fois; 
il  est  inutile  de  vous  dire  comment  nous  en  avons  parlé,  vous  le 
devines  aisément.  Nous  y  avons  leu  les  Maximes  de  M.  de  La 
Rochefoucauld.  Ha  Madame  !  quelle  corruption  il  faut  avoir 
dans  l'esprit  et  dans  le  cœur  pour  estre  capable  d'imaginer  tout 
cela  !  J'en  suis  si  espou vantée  que  je  vous  asseure  que  si  les 
plaisanteries  estoient  des  choses  sérieuses  de  telles  maximes 
gasteroient  plus  ses  affaires  que  touts  les  potages  qu'il  mangea 
l'autre  jour  chez  vous^." 

D'après  la  dernière  phrase,  La  Rochefoucauld  essaya  de  se 
rapprocher  de  Mme  de  La  Fayette  et  de  transformer  le  com- 
merce de  poHtesse  que,  jusqu'alors,  il  avait  eu  avec  elle  en  une 
intimité  plus  grande.  On  en  parlait  évidemment  et  il  est  pro- 
bable qu'on  taquinait  un  peu  la  comtesse.  Elle  acceptait  ces 
taquineries  avec  bonne  humeur  lorsqu'elles  venaient  de  ses 
amies,  de  tous  ceux  qui  la  connaissaient  bien  et  qu'elle  jugeait 
susceptibles  de  bien  comprendre  la  situation,  mais  elle  avait  en 
horreur  d'être  considérée  comme  une  coquette  déjà  mûre.  La 
situation  devenait  plus  déhcate  encore  lorsque  celui  qui  s'éri- 
geait en  juge  était  le  fils  illégitime  de  La  Rochefoucauld;  elle 

donna  Ueu  à  la  lettre  suivante  : 

"Ce  lundy  au  soir. 

"le  ne  pus  hier  respondre  a  vostre  billet,  parce  que  j'avois 
du  monde,  et  je  croys  que  je  n'y  respondray  pas  aujourd'huy 
parce  que  je  le  trouve  trop  obhgeant.  Je  suis  honteuse  des 
louanges  que  vous  me  donnés  et  d'un  autre  costé  j'ayme  que 
vous  ayés  bonne  opinion  de  moy,  et  je  ne  veux  vous  rien  dire 
de  contraire  à  ce  que  vous  en  pensés.  Ainsi  je  ne  vous  respondray 
qu'en  vous  disant  que  M.  le  comte  de  Saint-PauP  sort  de  céans 
et  que  nous  avons  parlé  de  vous  une  heure  durant,  comme  vous 
sçavez  que  j'en  sçay  parler.  Nous  avons  aussi  parlé  d'un  homme 
que  je  prends  toujours  la  Hberté  de  mettre  en  comparaison  avec 
vous^  pour  l'agrément  de  l'esprit.  Je  ne  sçay  si  la  comparaison 
vous  offense;  mais  quand  elle  vous  offenseroit  dans  la  bouche 

1  Foiornier,  op.  cit. 

2  Fils  de  Mme  de  Longueville  et  probablement  du  duc  de  La  Roche- 
foucauld. 

^  Cet  "homme"  est  évidemment  La  Rochefoucauld. 
A,  7 


98  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

d'une  autre,  elle  est  une  grande  louange  dans  la  mienne,  si  tout 
ce  qu'on  dit  est  vray.  J'ay  bien  veu  que  M.  le  comte  de  Saint- 
Paul  avoit  ouy  parler  de  ces  dits-là  et  j 'y  suis  un  peu  entrée  avec 
luy:  mais  j'ay  peur  qu'il  n'ait  pris  tout  sérieusement  ce  que  je 
luy  en  ay  dit.  Je  vous  conjure,  la  première  fois  que  vous  le  verres 
de  lui  parler  de  vous-mesme  de  ces  bruits-là.  Cela  viendra  aisé- 
ment à  propos,  car  je  luy  ay  donné  les  Maximes,  il  vous  le  dira 
sans  doute,  mais  je  vous  prie  de  luy  en  parler  bien  comme  il  faut 
pour  le  mettre  dans  la  teste  que  ce  n'est  autre  chose  qu'une 
plaisanterie^.  Je  ne  suis  pas  assez  asseurée  de  ce  que  vous  en 
pensés  pour  respondre  que  vous  direz  bien  et  je  pense  qu'il 
faudroit  commencer  par  persuader  l'ambassadeur.  Néanmoins 
il  faut  s'en  fier  à  vostre  habilité  :  elle  est  au-dessus  des  maximes 
ordinaires  mais  enfin  persuadés-le  !  je  hays  comme  la  mort  que 
les  gens  de  son  âge  puissent  croire  que  j'ay  des  galanteries.  Il 
me  semble  qu'on  leur  paroist  cent  ans  dès  que  l'on  est  plus 
vieille  qu'eux  et  ils  sont  touts  propres  à  s'estonner  qu'il  soit 
encore  question  des  gens  ;  et  de  plus  il  croiroit  plus  aisément  ce 
qu'on  luy  diroit  de  M.  de  la  R.  F.  que  d'un  autre.  Enfin  je  ne 
veux  pas  qu'il  en  pense  rien,  sinon  qu'il  est  de  mes  amis,  et  je 
vous  suphe  de  n'oublier  non  plus  de  luy  oster  de  la  teste,  si  tant 
est  qui  le  l'eût  que  j'ay  oubhé  vostre  message.  Cela  n'est  pas 
généreux  de  vous  faire  souvenir  d'un  service  en  vous  en  deman- 
dant un  autre. 

(En  marge.)  Je  ne  veux  pas  oublier  de  vous  dire  que  j'ay 
trouvé  terriblement  d'esprit  au  comte  de  Saint-PauP." 

Voilà,  à  notre  avis,  une  des  lettres  les  plus  intéressantes  de 
Mme  de  La  Fayette,  tant  elle  s'y  montre  femme.  EUe  hait 
comme  la  mort  que  les  gens  de  l'âge  du  comte  de  Saint-Paul 
puissent  croire  qu'elle  ait  des  galanteries,  mais  elle  fait  un  peu 
la  moue  quand  elle  pense  qu'elle  leur  paraît  cent  ans — ce  n'est 
pas  qu'elle  soit  trop  vieille  pour  avoir  des  galanteries — c'est 
qu'elle  n'en  veut  pas.  Puis  le  fils  naturel  de  La  Rochefoucauld 
était  plutôt  disposé  à  croire  ce  qu'on  disait  de  son  père  que  ce 
qu'on  pouvait  dire  d'un  autre.  En  fin  de  compte,  eUe  écrit  à 
Mme  de  Sablé  pour  que  le  jeune  homme  soit  détrompé — ou 

^  Ce  qu'il  a  pu  entendre  dire  au  s\ijet  de  la  liaison,  d'après  nous,  et 
non  pas  les  Maximes,  comme  le  croyait  Fournier.  (Voir  Var.  Hist.  x.  128.) 

2  Cette  lettre  était  dans  les  Portefeuilles  de  Valant,  N°  4.  Elle  fut 
volée  en  1842.  Voir  Lalanne  et  Bordier,  Dict.  des  Pièces  Volées.  Pour  sa 
publication  par  Delort,  etc.  voir  notre  bibliographie  (Corr.). 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  99 

trompé.  Se  défend-elle  si  mollement  au  début  pour  ne  pas  avoir 
l'air  d'attacher  trop  d'importance  à  l'attaque?  Supplie-t-elle 
ensuite  en  toute  sincérité?  Cette  femme  qui  a  la  réputation 
d'être  franche  et  sincère,  et  qui  était  en  effet  d'une  franchise 
cruelle  au  besoin,  savait  bien  garder  les  secrets  des  autres  et  ne 
se  hâtait  pas  de  divulguer  les  siens. 

Cette  lettre  nous  ramène  à  la  question  déUcate,  posée  plus 
haut  :  quelle  fut  la  nature  de  la  Uaison  entre  Mme  de  La  Fayette 
et  La  Rochefoucauld?  Si  l'on  s'appuie  sur  les  jugements  des 
critiques,  souvent  téméraires,  basés  sur  des  données  insuffisantes 
ou  erronées,  il  est  difficile  de  se  former  une  opinion  et  de  savoir 
ce  qui  a  pu  réunir  les  deux  personnes  dont  il  s'agit.  Pour  les  uns, 
la  haison  a  été  connue  et  respectée  de  tous  les  contemporains. 
"Toujours  est-il,"  écrit  M.  de  Lescure^,  "que  la  Uaison  trouva 
moyen  d'échapper  même  au  danger,  presque  inévitable  en 
pareil  cas,  des  satires  et  des  chansons."  D'autres  prononcent 
le  mot  "adultère." 

Or,  la  Uaison  n'échappa  pas  aux  chansonniers  de  l'époque. 
Dans  le  recueil  fait  par  Blot,  qui,  d'après  le  jugement  de  Madame 
de  Sévigné,  avait  le  diable  au  corps,  on  trouve  la  chanson 

suivante  : 

La  nymphe  Sagiette 

Et  le  berger  Foucaut 

Font  l'histoiriette  (sic) 

De  Moulin  et  de  Gombeau 

Chantant  dessus  leur  lyre 

Chacun  a  son  tour 

Qu'en  anioiir 

Il  faut  écrire 

Et  faire  comme  le  grand  Saucour-. 

D'autre  part,  l'avis  de  ceux  qui  crient  à  l'adultère,  aussitôt 
après  la  découverte  que  M.  de  La  Fayette  n'est  pas  mort  quelques 
années  après  son  mariage,  est  assez  amusant.  Les  premiers 
jugements  avaient  pour  point  de  départ  l'idée  que  M.  de  La 
Fayette  était  mort.  Quoi  de  plus  naturel  que  de  voir  la  veuve 
chercher  en  La  Rochefoucauld  ce  dont  eUe  avait  joui  auprès  de 

1  Intro.  p.  de  C. 

2  Bibl.  Nat.  ms.  9348,  Blot.  D'autres  recueils  donnent  cette  chanson 
avec  des  variantes  :  La  nymphe  Fayette  |  De  Macé  de  Gombaut  |  De  nuit 
et  de  jour  |  etc.  Voir  Chansonnier  fr.,  ms.  12639,  p.  177;  15135,  p.  190; 
12667,  p,  339.  "Le  Marqms  de  Soyecovir,  Grand  Veneur  de  France,  fut 
d'une  grande  réputation  pour  ses  exploits  et  sa  grande  vigueur  avec  les 
dames."    Note  du  ms. 

7—2 


100  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

son  mari,  etc.  ?  Puis  tout  à  coup  on  trouve  que  le  mari  était 
toujours  là,  et  sans  comprendre  que  ce  fait  nouveau  exige  une 
revision  de  toute  la  question,  des  critiques  modernes  ont  usé  de 
cette  trouvaille  et  en  ont  fait  un  argument  pour  nous  montrer 
que  Mme  de  La  Fayette  était  adultère.  Ainsi  dans  ces  raisonne- 
ments abracadabrants  les  mêmes  conclusions  sont  tirées  d'abord 
du  fait  que  le  mari  était  mort,  et  ensuite  du  fait  qu'il  était  encore 
en  vie.  Il  y  a  même  des  critiques  qui  se  rangent  tantôt  d'un  côté, 
tantôt  de  l'autre.  M.  Anatole  France  dans  la  préface  de  son 
édition  de  la  Princesse  de  Clèves^  suit  de  très  près  Sainte-Beuve 
et  penche  du  côté  de  l'amitié,  comme  étant  la  seule  relation 
possible  entre  des  gens  malades — presque  mourants,  dont  l'un 
était  vieux — et  prince,  l'autre  pas  belle — et  dévote.  Mais 
lorsque  M.  d'Haussonville^  semble  trop  convaincu  de  l'innocence 
de  la  liaison,  M.  Anatole  France  se  met  en  verve  et  écrit  :  "Mme 
de  La  Fayette  avait  25  ans,  le  duc  en  avait  46.  On  se  demandera 
comment,  de  l'humeur  qu'il  était,  elle  put  l'attacher  sans  se 
donner  à  lui.  Il  ne  vivait  que  pour  elle  et  près  d'elle,  il  ne  la 
quittait  pas.  Cela  donne  à  penser,  quoiqu'on  ne  veuille. 
M.  d'Haussonville  ne  croit  pas  lui-même  à  la  continence  volon- 
taire de  M.  de  La  Rochefoucauld  et  je  doute,  malgré  moi,  de 
la  piété  de  Mme  de  la  Fayette.  L'âme  de  cette  charmante  femme 
lui  semble  hmpide.  J'ai  beau  m'appUquer  à  la  comprendre,  elle 
reste  pour  moi  tout  à  fait  obscure." 

Loin  de  croire  que  Madame  de  La  Fayette  n'ait  pu  s'attacher 
le  duc  de  La  Rochefoucauld  sans  se  donner  à  lui,  nous  croyons 
fermement  que  si  elle  a  pu  se  l'attacher  comme  aucune  autre 
femme  n'avait  pu  le  faire  avant  elle,  c'est  précisément  parce 
qu'elle  ne  se  donna  pas.  Voici  ce  qu'il  importe  de  savoir:  la 
Maison  de  Mme  de  La  Fayette  et  de  La  Rochefoucauld  fut-elle 
basée  sur  la  passion  ou  sur  un  autre  sentiment,  où  il  entrait 
peut-être  de  l'amitié,  de  la  pitié,  de  la  sympathie,  le  besoin  d'un 
confident,  le  désir  de  vivre  auprès  d'un  autre  qui  souffre?  Parler 
d'amour  maternel  entre  une  femme  de  31  ans  et  un  homme  de 
52^  prête,  peut-être,  à  la  risée  et  pourtant  nous  sommes  d'avis 
qu'il  put  y  en  avoir  un  peu  dans  l'affection  de  Mme  de  La  Fayette 
pour  La  Rochefoucauld.   Ce  dernier  ne  paraît  jamais  avoir  été 

^  Voir  notre  bibliog.  ^  Op.  cit. 

'^  Noiis  acceptons  ici  la  même  date  pour  le  commencement  de  la 
liaison  qu'ont  acceptée  MM.  France  et  d'Haussonville.  Dans  le  second 
passage  de  M.  A.  France,  l'illustre  écrivain  rajeunit  les  deux  amis  pour 
renforcer  son  argument. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  101 

le  maître  dans  ses  liaisons.  C'est  un  nerveux,  qui  a  le  désir  de 
bien  faire  et  d'être  honnête  homme  au  point  de  demander  à  ses 
imis  de  lui  corriger  ses  défauts,  et  de  prendre  en  bonne  part 
leurs  observations^  !  C'est  aussi  un  sensible  qui  pleure  à  chaudes 
larmes  pour  des  deuils  de  famille^  et  il  est  toujours  d'une 
"irrésolution  habituelle^. "  Il  est  timide,  "Cet  air  de  honte  et 
de  timidité  que  vous  lui  voyez  dans  la  vie  civile,"  écrit  Retz, 
"s'était  tourné,  dans  les  affaires,  en  air  d'apologie*."  S'il  se 
montra  bon  soldat  c'est  grâce  à  l'influence  de  Madame  de  Longue- 
ville,  sa  maîtresse,  dans  le  sens  plein  du  mot.  Madame  de  Sablé 
ne  devait  pas  être  très  romanesque  et  ce  qui  attirait  le  duc  chez 
elle  c'était  probablement  qu'elle  avait  cette  sorte  d'  "esprit 
bien  fait"  qui  lui  faisait  souvent  préférer  la  conversation  des 
femmes  à  celle  des  hommes.  Il  y  trouvait  "une  certaine 
douceur"  qu'on  ne  rencontre  pas  chez  les  hommes.  Peu  avant 
de  se  tourner  vers  Madame  de  La  Fayette  il  écrit  ^  :  "  Pour  galant, 
je  l'ai  été  un  peu  autrefois,  présentement  je  ne  le  suis  plus, 
quelque  jeune  que  je  sois.  J'ai  renoncé  aux  fleurettes  et  je 
m'étonne  seulement  de  ce  qu'il  y  a  encore  tant  d'honnêtes  gens 
qui  s'occupent  à  en  débiter.  J'approuve  extrêmement  les 
belles  passions;  elles  marquent  la  grandeur  de  l'âme,  et  quoique 
dans  les  inquiétudes  qu'elles  donnent,  il  y  a  quelque  chose  de 
contraire  à  la  sévère  sagesse,  elles  s'accommodent  si  bien  d'ail- 
leurs avec  la  plus  austère  vertu,  que  je  crois  qu'on  ne  les  sauroit 
condamner  avec  justice.  Moi  qui  connois  tout  ce  qu'il  y  a  de 
déhcat  et  de  fort  dans  les  grands  sen.timents  de  l'amour,  si 
jamais  je  viens  à  aimer,  ce  sera  assurément  de  cette  sorte  mais 
de  la  façon  dont  je  suis,  je  ne  crois  pas  que  cette  connoissance 
que  j'ai  me  passe  jamais  de  l'esprit  au  cœur." 

La  femme  qui  l'attira  à  cette  époque  avait  dépassé  la  tren- 
taine et  depuis  dix  ans  elle  était  malade.  Elle  l'avait  remarqué 
à  cause  de  son  pessimisme  et  était  un  peu  eJËfrayée  par  son  état 
d'esprit.  Elle  avait  toujours  eu  la  réputation  d'être  éminem- 
ment raisonnable  et  c'est  ainsi  qu'elle  apparaît  dans  ses  œuvres 
littéraires.  Il  se  trouve,  en  effet,  dans  la  Princesse  de  Clèves,  un 

^  Voir  Portrait  fait  par  lui-même.  ^  Sév.  m.  108. 

^  Card.  de  Retz,  Portrait  de  La  Rochefoucauld,  Œuvres  de  La  Rochef . 
T.  I. 

*  Retz  n'aimait  pas  La  R.  mais  ce  qu'il  dit  de  sa  timidité  est  con- 
firmé par  le  fait  que  La  R.  trop  timide  pour  se  présenter  devant  l'Aca- 
déinie,  refusa  le  fauteuil  qu'on  lui  offrait. 

^  Portrait  fait  par  lui-même. 


102  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

passage  assez  significatif.  Après  la  mort  de  son  mari,  la  prin- 
cesse refuse  d'écouter  le  duc  de  Nemours  pour  deux  raisons: 
(1)  parce  qu'elle  l'avait  aimé  du  vivant  de  son  mari,  ce  qui  fut 
cause  de  la  mort  de  ce  dernier;  (2)  parce  qu'elle  craignait  qu'il 
ne  fût  pas  fidèle,  une  fois  qu'elle  se  serait  donnée  à  lui,  même 
dans  le  mariage.  "Les  hommes,"  dit-elle,  "conservent-ils  de 
la  passion  dans  ces  engagements  éternels;  dois-je  espérer  un 
miracle  en  ma  faveur,  &  puis-je  me  mettre  en  estât  de  voir  cer- 
tainement finir  cette  passion  dont  je  ferois  toute  ma  félicité. . . .  ?  " 
Elle  se  demande  si  son  mari  ne  conserva  sa  passion  que  parce 
qu'il  n'en  avait  pas  trouvé  en  elle.  Elle  dit  à  Nemours  qu'elle 
n'aurait  pas  le  même  moyen  de  conserver  la  sienne  et  conclut 
"je  croy  même  que  les  obstacles  ont  fait  vostre  constance^." 

Sans  croire  à  la  continence  de  La  Rochefoucauld,  malgré 
ses  désillusions,  malgré  son  âge,  malgré  sa  santé,  malgré  son 
besoin  de  sympathie  et  d'affection  désintéressée,  nous  pouvons 
croire  qu'une  femme  aussi  fine  psychologue  que  celle  qui  a  écrit 
ces  Hgnes  ne  fut  pas  assez  folle  pour  écouter  ce  pessimiste  quin- 
quagénaire. Nous  admettrons,  qu'attirée  vers  lui  par  l'espoir  de 
lui  "réformer  le  cœur^"  elle  put  se  piquer  au  jeu  et  s'y  laisser 
prendre.  Mais,  vu  son  expérience  et  son  état  de  santé,  cela  est 
peu  probable. 

Qu'est-ce  donc  qui  les  unit  si  étroitement?  De  la  part  de 
Mme  de  La  Fayette,  le  désir  d'exercer  une  influence  sur  cet 
homme  illustre  et  de  modifier  son  opinion  sur  les  femmes.  En 
cours  de  route,  elle  estima  qu'ils  avaient  beaucoup  de  traits 
communs.  Ils  aimaient  la  lecture,  la  discussion  psychologique, 
les  travaux  httéraires.  Peu  à  peu  cet  homme,  qui  ne  croyait  en 
rien,  crut  en  elle — le  plaisir  en  était  doux — et  lui  confia  ses  soucis, 
ses  préoccupations.  Cette  intimité  était  en  accord  avec  tout  ce 
que  Madame  de  La  Fayette  avait  appris  de  l'amour  platonique^. 

1  Éd.  Lemerre,  249-257. 

2  Segrais  écrit  que  La  Rochefoucauld  donna  de  l'esprit  à  Mme  de  La 
Fayette  mais  qu'elle  réforma  son  cœur.  (Une  faute  de  ponctuation  dans 
Segraisiana,  p.  28,  lui  fait  dire  le  contraire.  )  Il  nous  dit  en  outre  que  La 
R.  "avoit  donné  dans  tous  les  vices  qui  régnoient  à  la  cour  dans  le  tems 
de  sa  jevinesse  "  (p.  28),  qu'il  "n'avoit  pas  étudié,  mais  qu'il  avoit  vm  bon 
sens  merveilleux"  (p.  15).  C'est  encore  Segrais  qui  nous  fait  savoir  que 
Mme  de  La  Fayette  se  servit  de  ses  connaissances  des  procès  poiir 
sauver  "le  plus  beau"  des  biens  de  La  R.  (p.  101). 

3  Voir  Le  Grand  Cyrus,  vi.  113  ;  V.  Cousin,  Soc.  fr.  u.  6-7  ;  F.  Hédelin 
d'Aubignac,  Les  conseils  d'Ariste.  D'Aubignac  ne  croyait  pas  trop  à 
l'amoiir  platonique. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  103 

De  plus,  pour  un  malade,  c'est  une  chose  agréable  que  d'avoir 
un  ami  à  peine  plus  ingambe  que  lui  et  qui  peut  venir  tous  les 
jours  s'informer  de  sa  santé  et  lui  apporter  des  nouvelles. 

La  Rochefoucauld,  après  avoir  été  jeté  de  côté  et  d'autre  par 
son  ambition,  fut  retenu  par  la  douce  affection  de  cette  femme 
qui  ne  demandait  rien  que  de  l'amitié  et  qui  rassemblait  chez 
elle  tous  ceux  qu'il  serait  allé  voir  à  la  cour,  si  sa  santé  le  lui 
avait  permis.  Elle  habitait  tout  près,  et  malgré  ses  propres 
souffrances,  elle  réussissait  à  égayer  le  pauvre  goutteux  lorsqu'il 
voyait  tout  en  noir.  Elle  commença  par  lui  être  utile^  et  peu  à 
peu  elle  lui  fut  indispensable. 

Quel  que  soit  le  détail  de  cette  intimité,  les  bases  en  sont  une 
belle  amitié,  ou  un  amour  singulièrement  dépourvu  de  passion  ; 
elle  fut  respectée  par  tous  ceux  qui  la  voyaient  de  près^  et  les 
plus  médisants  ne  pourraient  qu'enlever  le  mérite  sans  nier  les 
faits:  "M.  de  La  Rochefoucauld,"  écrit  Mlle  de  Scudéry  à 
Bussy,  "vit  fort  honnêtement  avec  Madame  de  La  Fayette:  il 
n'y  paroit  que  de  l'amitié.  Enfin  la  crainte  de  Dieu  de  part  et 
d'autre  et  peut-être  aussi  la  politique  a  coupé  les  ailes  à  l'amour. 
Elle  est  sa  favorite  et  sa  première  amie.  Rien  n'est  plus  heureux 
pour  elle  que  cela,  ni  plus  honnête  pour  lui^."  Bussy  répond: 
"Quand  on  ne  voit  rien  que  d'honnête  à  présent  entre  M.  de 
La  Rochefoucauld  et  Mme  de  La  Fayette,  ce  n'est  pas  à  dire 
qu'il  n'y  ait  que  de  l'amitié.  Pour  moi  je  vous  maintiens  qu'il 
y  a  toujours  de  l'amour  et  quand  il  seroit  possible  qu'il  n'y  eût 
plus,  il  y  a  toujours  quelque  chose  qui,  dans  la  religion,  est  aussi 
condamné  que  l'amour  même*."  Bussy  n'aimait  guère  La  Roche- 
foucauld et  il  avait  déjà  médit  de  Mme  de  La  Fayette  du  temps 
où  elle  était  jeune  fille;  ici,  il  a  tout  l'air  de  dire  :  "Elle  ne  fait 
rien  de  mal  mais  elle  a  tort  quand  même  !  "  Mlle  de  Scudéry 
tient  à  son  opinion,  sans  être  trop  charitable,  et  deux  ans  plus 
tard,  elle  écrit:  "M.  de  la  Rochefoucauld  et  Madame  de  La 
Fayette  ont  fait  un  roman  des  galanteries  de  la  cour  de  Henri 
second,  qu'on  dit  être  admirablement  bien  écrit;  ils  ne  sont  pas 
en  âge  de  faire  autre  chose  ensemble....^."   Bussy  répond  sur  le 

^  Lettre  de  La  R.  au  comte  de  Guitaut  15  nov.  1664:  "Je  parle 
souvent  de  vous  avec  ma  voisine  et  elle  m'est  d'xm  grand  secours." 
Œuvres,  G.  É.  ra.  173. 

2  Les  chansonniers  voyaient  le  plus  souvent  de  bien  loin  et  tenaient 
surtout  à  avoir  des  chansons  égrillardes  à  tort  ou  à  raison. 

3  Bussy-Rabutin,  Corr.  in.  116,  Lettre  du  6  déc.  1675. 

«  Op.  cit.  117.  5  Op.  cit.  451,  8  déc.  1677. 


104  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

même  ton:  "Je  serois  bien  fâché  que  ces  auteurs  fussent  plus 
jeunes  car  ils  s'amuseroient  à  faire  autre  chose  ensemble  qui 
ne  nous  divertiroit  pas  tant  que  leurs  Uvres." 

Malgré  l'intimité  de  Mme  de  La  Fayette  avec  La  Roche- 
foucauld, il  y  avait  encore  place  dans  le  cœur  de  la  première 
pour  une  autre  amitié  avec  Mme  de  Se  vigne.  Cette  amitié  date 
de  la  jeunesse  de  Mlle  de  La  Vergne  et  du  mariage  de  sa  mère 
avec  le  chevaUer  de  Se  vigne.  Si  nous  n'en  avons  parlé  qu'en 
passant,  c'est  que  nous  n'avions  que  peu  de  renseignements  sur 
ses  débuts.  Mais  Madame  de  Se  vigne  elle-même  nous  renseigne 
sur  ses  relations  avec  Madame  de  La  Fayette  à  partir  de  l'époque 
oïl  nous  sommes  et  elle  nous  donne  en  même  temps  une  idée 
de  la  vie  que  menaient  La  Rochefoucauld  et  son  amie. 

La  première  mention  de  Mlle  de  La  Vergne  dans  la  corres- 
pondance de  Mme  de  Sévigné  est  de  1652,  lorsque  la  marquise 
écrit  à  Ménage  pour  lui  dire  "Vous  ne  me  faites  cette  querelle 
d'Allemand  que  pour  vous  donner  tout  entier  à  Mlle  de  La 
Vergne^,"  mais  ces  mentions  ne  sont  pas  fréquentes  avant  1670. 
À  partir  de  cette  date  et  jusqu'à  la  mort  de  la  comtesse  il  est 
question  d'elle  à  peu  près  à  chaque  page.   Malgré  son  affection 
pour  sa  fille,  malgré  le  peu  d'amitié  de  celle-ci  pour  Mme  de 
La  Fayette,  les  deux  amies  ne  se  sont  jamais  brouillées  et  la  force 
de  leur  amitié  ne  faiblit  jamais,  quoi  qu'en  dise  Walckenaer. 
Il  est  ridicule  de  dire  que  Mme  de  La  Fayette  ménagea  son 
crédit  à  la  cour  et  qu'elle  ne  voulut  pas  l'employer  pour  son 
amie^.    À  part  quelques  biUets  au  sujet  de  son  fils,  toute  sa 
correspondance  avec  Louvois,  dont  il  sera  question  plus  tard, 
est  destinée  à  rendre  service  à  d'autres  qu'aux  membres  de  sa 
famille,  et  d'après  la  correspondance  de  Mme  de  Sévigné  même, 
on  voit  assez  que  Mme  de  La  Fayette  faisait  son  possible  pour 
lui  être  utile.    Pour  ne  donner  que  quelques  exemples — c'est 
tantôt  le  fils  de  la  marquise  qui  veut  changer  de  garnison^,  tantôt 
les  Grignan  qui  ont  besoin  de  son  appui*,  tantôt  des  demandes 
à  faire  pour  la  députation  de  Charles  de  Sévigné^.    Certes  elle 
ne  réussit  pas  toujours,  mais  il  faut  lui  savoir  gré  de  ses  efforts  et 
la  marquise  elle-même  le  fait  à  plusieurs  reprises.    "Il  me  parait 

1 1.  374. 

2  Walckenaer,  in.:    "Elle  ménageait  son  crédit  et  se  montra  peu 
empressée  à  en  user  pour  ses  amis." 

3  Sév.  vn.  91. 

*  Ibid.  vu.  364,  ix.  5  juin  1689,  vi.  58,  117. 

6  Ibid.  IX.  190,  192,  198,  204,  214,  218,  224,  241-2,  243,  250,  279. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  105 

qu'elle  a  bien  envie  de  servir  M.  de  Grignan,  "  écrit-elle,  "elle 
sera  alerte  sur  les  Chevaliers"  etc.^ 

Mais  si  Madame  de  Sévigné  resta  fidèle  jusqu'au  bout,  il  est 
certain  que  ses  enfants  n'aimaient  pas  trop  la  comtesse.  De 
la  part  de  la  fille,  c'était  peut-être  tout  simplement  de  la  jalousie. 
Quant  au  fils,  il  trouvait  Mme  de  La  Fayette  un  peu  trop  "rai- 
sonnable." Tout  en  faisant  comprendre  à  sa  mère  la  nécessité 
de  lui  fournir  de  l'argent^  elle  essayait  également  de  l'éloigner 
de  Ninon^.  Lui  aussi  semble  être  un  peu  jaloux  de  l'influence  de 
Madame  de  La  Fayette  et  de  ce  qu'elle  arrive  à  faire  pour  ses 
fils*.  Madame  de  Sévigné  sent  bien  l'hostilité  de  sa  fille  et  en 
maints  endroits  de  sa  correspondance  elle  s'efforce  de  montrer 
combien  son  amie  s'intéresse  à  Mme  de  Grignan^.  Cependant 
elle  est  obligée  d'avouer  son  peu  de  succès,  "Vous  êtes  toujours 
bien  méchante  quand  vous  parlez  de  Mme  de  La  Fayette," 
écrit-elle,  "je  lui  ferai  quelques  légères  amitiés  de  votre  part^." 

Madame  de  Sévigné  était  naturellement  attirée  vers  sa 
parente,  et  savait  apprécier  en  elle  des  qualités  qui  lui  man- 
quaient à  elle-même.  Elle  paraît  la  regarder  comme  une  per- 
sonne supérieure  et  ne  manque  pas  de  lui  demander  conseil  dans 
les  cas  difficiles.  Mais  parfois,  pourtant,  elle  était  toute  prête 
à  imiter  la  jalousie  envieuse  de  ses  enfants.  Aussitôt,  il  est 
vrai,  elle  reconnaissait  les  réelles  quafités  de  son  amie.  Dans  sa 
jeunesse,  Mme  de  Sévigné  était  jin  peu  écervelée.  Son  humeur 
était  d'une  Uberté  et  d'une  gaieté  qui  la  faisaient  parfois  mal 
juger.  Tallemant  nous  dit  qu'elle  avait  l'habitude  de  "dire 
tout  ce  qu'elle  croyoit  joli,  quoique  ce  fussent  souvent  des 
choses  un  peu  gaillardes'  "  et  Bussy  admet  que  "pour  une  femme 
de  qualité  on  trouvoit  son  caractère  un  peu  trop  badin^." 
Madame  de  La  Fayette  était  plus  posée,  mais  elle  était  loin  de 
la  froideur  et  de  la  pudibonderie  que  l'on  voudrait  lui  attribuer  ; 
elle  était  capable  de  pardonner,  et  même  d'apprécier  la  forte 
gaieté  de  son  amie.  Au  besoin,  et  malgré  sa  maladie,  elle  lui 
écrivait  des  "gaillardises^."  La  marquise  aimait  son  amie 
parce  que  la  comtesse  pouvait  sympathiser  avec  ses  faiblesses 
de  mère,  louer  sa  fille,  et  la  guider  dans  les  démarches  à  faire 
pour  l'avancement  de  ses  enfants.  Si  parfois  sa  maladie  amenait 

1  Ibid.  VI.  58.  2  iii^  194, 

3  II.  137.  *  r^.  286,  etc. 

6  II.  67,  107,  173,  182,  194,  m.  263,  viu.  306.  «  iv.  218. 

'  Tallemant,  Hist.  de  Sév.  et  de  sa  Femme.  Voir  aussi  Sév.  G.  É.  i. 
p.  48.  8  Sév.  I.  48.  »  Sév.  ii.  350. 


106  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

la  tristesse,  sa  maison  restait  généralement  gaie,  car  on  y  ren- 
contrait des  gens  fort  intéressants.  Madame  de  La  Fayette 
tenait  salon^  et  Madame  de  Sévigné  retrouvait  là  le  cardinal 
de  Retz  et  tous  ses  amis  de  la  Fronde  "avec  les  beaux  esprits 
de  ce  temps,  Segrais,  Huet,  La  Fontaine  et  Molière^."  Elle  y 
trouvait  également  La  Rochefoucauld  et  peut-être  Bossuet, 
Boileau,  Racine,  Benserade.  Ce  salon  devait  ressembler  certains 
jours  à  cette  ''Chambre  du  Sublime"''  que  Mme  de  Thianges 
donna  en  1675  comme  étrennes  au  duc  du  Maine^. 

Segrais,  pour  s'être  trop  occupé  du  mariage  de  Mademoiselle 
et  de  Lauzun  et  non  pas  dans  le  sens  qu'aurait  voulu  la  princesse, 
fut  chassé  de  chez  elle.  Madame  de  La  Fayette  l'accueilht*. 

Quant  à  Huet,  évêque  d'Avranches,  nous  connaissons  depuis 
quelques  mois^  l'opinion  de  Pierre  Bayle  à  son  sujet,  opinion 
exprimée  à  cette  époque,  en  1675.   "Et  Monsieur  Huet,"  écrit-il 

1  Somaize,  Dict.  i.  p.  205,  dans  sa  liste  des  réduits  les  plus  connus  et 
les  plus  considérables  donne:  Celui  de  la  charmante  Féliciane.    "À  ceux 

que  nous  avons  déjà  cités  jadis,"  écrit  A.  Bourgoin  (  FaZenim  Conrart 

p.  253,  note),  "il  faudrait  peut-être  ajouter  comme  étant  contemporains 
de  la  première  société  Conrart  les  salons  de  Mme  de  La  Fayette,  de  Mme 

d'Aiguillon,  de  Scarron,  de  Mme  de  Sablé,  de  Ninon Quand  s'ouvrit 

ou  se  ferma  chacun  d'eux  il  est  difficile  de  le  dire."  Évidemment:  il 
est  même  difficile  de  dire  que  le  salon  de  Mme  de  La  Fayette  était  con- 
temporain de  celui  de  Conrart.  D'après  Pellisson  et  d'Olivet,  que  M. 
Botirgoin  cite  Im-même,  la  société  Conrart  s'assemblait  "Environ  l'année 
1629."  Avant  de  mettre  Mme  de  La  Fayette  à  la  tête  d'un  salon  il 
faudrait  lui  donner  le  temps  de  devenir  Mme  de  La  Fayette,  ce  qui 
n'eut  lieu  qu'en  1655,  ou  même  de  naître,  ce  qui  ne  Ivii  advint  qu'en 
1634. 

^  Voir  Walckenaer,  m.  Ch.  xrx.  On  peut  supposer  que  Molière 
fréquentait  la  maison  mais  nous  n'oserions  pas  l'affirmer  comme  le  fait 
Walckenaer. 

^  On  y  avait  représenté  en  cire  le  duc  du  Maine,  "Auprès  de  lui  M.  de 
la  Rochefoucaiild,  auquel  il  donnait  des  vers  pour  les  examiner:  autour 
du  fauteuil  M.  de  Marcillac  et  M.  Bossuet.... Au  bout  de  l' alcôve  Mme  de 
Thianges  et  Mme  de  La  Fayette  lisaient  des  vers  ensembles.  A.\x  dehors 
du  balustre  Despréaux,  avec  une  fourche,  empêchait  sept  ou  huit  mé- 
chants poètes  d'approcher.  Racine  était  auprès  de  Despréaux,  et  un 
peu  plus  loin  La  Fontaine  auquel  il  faisait  signe  d'avancer." 
Ménagiana. 

*  Sur  Segrais  voir  Brédif,  Segrais,  pp.  64-72.  Mme  de  Sévigné  écrit 
(il.  199),  "Mais  comment  pourrois-je  vous  dire  les  tendresses,  les  amitiés, 
les  remerciements  de  M.  de  la  Rochefoucauld,  de  Segrais,  de  Mme  de 
La  Fayette  avec  qui  je  passai  le  soir." 

*  Lettres  inédites  de  Bayle  pub.  dans  Rev.  d'Hist.  litl.  de  la  Fr.  avril- 
juin  1912,  p.  427. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  107 

à  l'un  de  ses  amis  de  Montauban,  "dont  j'ay  à  vous  dire  deux 
mots  puisque  vous  le  souhaitez.  C'est  un  des  plus  savans  hommes 
de  France.  Il  a  donné  au  pubhc  toutes  les  œuvres  d'Origène, 
un  beau  livre  latin  de  la  manière  de  bien  traduire,  avec  un 
examen  de  presque  toutes  les  traductions  qui  se  sont  faittes 
jamais,  outre  la  savante  lettre  de  l'Origine  des  romans^  de  la- 
quelle il  me  semble  vous  avoir  autrefois  parlé. ...il  est  sous- 
précepteur  de  M.  le  Dauphin."  C'est  à  Huet  que  Mme  de  La 
Fayette  adresse  une  lettre  qui  suffirait  pour  prouver  qu'elle  n'a 
pas  échappé  complètement  à  la  mauvaise  influence  de  la  pré- 
ciosité— et,  fait  piquant,  elle  commence  sa  lettre  par  accuser 
Mlle  de  la  Trousse  d'être  précieuse. 

"ce  14  9bre  1662. 

"Toute  précieuse  que  soit  Mlle  de  la  Trousse^  elle  a  de  l'es- 
prit, et  par  là  je  suis  assurée  qu'elle  vous  distingue  comme  elle 
le  doit  du  reste  de  ces  Messieurs  de  Caen  que  je  ne  crois  pas  tous 
aussi  distinguables  que  vous  l'êtes.  Pour  Me  de  Coulanges  elle 
est  toute  propre  à  mettre  le  feu  dans  des  cœurs  moins  com- 
bustibles que  ne  le  sont  pour  l'ordinaire  ceux  de  Province.  Je 
ne  sais  si  je  me  trompe,  mais  je  trouve  que  les  cœurs  de  campagne 
brûlent  à  bien  plus  grand  feu  que  ceux  de  la  Cour  ;  et  il  me  semble 
même  que  ceux  de  la  cour  brûlent  mieux  à  la  campagne  qu'à 
Paris.  Ce  pauvre  Segrais  aura  tout  loisir  de  brûler  à  Saint-Far- 
geau,  il  ne  lui  manquera  que  du  feu,  mais  je  ne  crois  pas  qu'il 
puisse  trouver  là  pour  allumer  une  allumette.  Toutes  les  lettres 
que  je  lui  ai  écrites  en  Normandie  ont  été  perdues.  Depuis  qu'il 
est  à  St  Fargeau,  notre  commerce  est  rétabh.  Le  mien  est  quasi 
rompu  au  pays  latin;  mon  maître  n'est  pas  ici:  IVIr  Ménage  est 
occupé  aux  louanges  de  Mr  le  Cardinal:  ainsi  je  n'ai  personne 
qui  me  tire  de  ma  paresse  naturelle.  Je  fais  une  vie  fort  inutile  ; 
elle  n'en  est  pas  moins  agréable,  hors  de  travailler  pour  le  ciel 
je  commence  à  trouver  qu'il  n'y  a  rien  de  meilleur  à  faire  que 
de  rien  faire.  Mandez-moi  un  peu  si  Madame  votre  sœur  et  vous 
avez  renoncé  à  toutes  les  pensées  de  vous  établir  ici  et  si  nous 
ne  vous  y  verrons  de  longtemps  l'un  et  l'autre^." 

1  En  tête  de  Zaïde,  voir  notre  bibliographie. 

2  Fille  de  Mme  de  la  Trousse  qm  était  tante  de  Mme  de  Sévigné. 

^  D'après  une  copie  conservée  à  la  Bibl.  Nat.  ms.  Fonds  fr.  15188- 
15190.  L'orig.  est  probablement  à  la  Bibl.  Laurentienne  à  Florence.  Povir 
l'histoire  de  ces  lettres  voir  Delisle  (Léopold),  Cat.  des  Manuscrits,  i. 
437-8  ;  Cat.  des  fonds  Libri  et  Barrois  par  le  même,  Bibl.  Nat.  N.  Ac. 
Fr.  6202. 


108  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

Sa  correspondance  avec  Huet  est  bien  une  correspondance 
de  femme  savante,  L'évêque  lui  envoie  des  vers  latins  qu'elle 
lit  avec  l'aide  de  Ménage^  et  des  vers  français  qu'on  lui  a  de- 
mandé de  critiquer.  Elle  se  contente  de  dire  quels  sont  ceux 
qu'elle  aime^. 

Moins  savant  peut-être,  ou  tout  au  moins,  savant  d'une 
façon  plus  aimable,  La  Fontaine  fréquentait  le  salon  et  s'en- 
tendait bien  avec  La  Rochefoucauld  et  la  comtesse.  Le  premier 
lui  suggérait  des  sujets  de  fables^  et  son  hôtesse,  malgré  sa 
réputation  de  prude,  savait  apprécier  les  contes  qui,  bien  avant 
ses  fables,  l'ont  fait  remarquer.  De  son  côté  il  l'estimait  fort 
et  trouvait  l'occasion  d'accompagner  le  cadeau  d'un  petit 
billard  des  vers  suivants  : 

Ce  billard  est  petit;  ne  l'en  prisez  pas  moins: 

Je  prouverai  par  bons  témoins 

Qu'autrefois  Vénus  en  fit  faire 

Un  tout  semblable  poxir  son  fils. 
Ce  plaisir  occupoit  les  Amours  et  les  Ris, 

Tout  le  peuple  enfin  de  Cythère. 
Au  joli  jeu  d'aimer  je  pourrois  aisément 
Comparer  après  tout  ce  divertissement, 
Et  donner  au  billard  un  sens  allégorique: 
Le  but  est  un  cœur  fier;  la  bille,  un  pauvre  amant; 
La  passe  et  les  billards,  c'est  ce  que  l'on  pratique 
Pour  toucher  au  plus  tôt  l'objet  de  son  amour; 
Les  belouses,  ce  sont  maint  périlleux  détour, 
Force  pas  dangereux,  où.  souvent  de  soi-même 

On  s'en  va  se  précipiter, 
Oti  souvent  un  rival  s'en  vient  nous  y  jeter 

Par  adresse  et  par  stratagème. 
Toute  comparaison  cloche,  à  ce  que  l'on  dit: 

Celle-ci  n'est  qu'un  jeu  d'esprit 

Au-dessous  de  votre  génie. 
Que  vous  dirai-je  donc  povu"  vous  plaire,  Uranie? 
Le  Faste  et  l'Amitié  sont  deux  divinités 
Enclines,  comme  on  sait,  aux  libéralités: 
Discerner  leurs  présents  n'est  pas  petite  affaire: 
L'Amitié  donne  peu,  le  Faste  beaucoup  plus, 

Beaucoup  plus  aux  yeux  du  vulgaire; 
Vous  jugez  autrement  de  ces  dons  superflus, 

^  Lettre  de  Mme  de  La  Fayette  du  18  déc.  1662. 
2  Ibid.  25  fév.  1663. 

^  Les  Lapins,  discours  à  M.  le  duc  de  La  Rochefoucauld,  se  terminent 
ainsi  : 

Permettez  moi  du  moins  d'apprendre  à  tout  le  monde 
Que  vous  m'avez  donné  le  sujet  de  ces  vers. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  109 

Mon  billard  est  succinct,  mon  billet  ne  l'est  guère. 
Je  n'ajouterai  donc  à  tout  ce  long  discours 
Que  ceci  sevilement,  qui  part  d'un  cœur  sincère: 
Je  vous  aime,  aimez-moi  toujours^. 

Vingt  ans  plus  tard,  après  la  mort  de  La  Rochefoucauld  et 
de  son  mari,  Mme  de  La  Fayette  lit  encore  les  contes  et  quand 
elle  veut  faire  plaisir  à  un  ami  illustre  elle  lui  en  fait  parvenir 
un  nouveau — comme  la  lettre  suivante^  en  fait  foi  : 

"A  Paris,  ce  23ème  Janvier  1685, 
Monseigneur, 

Made  de  La  Fayette  m'a  chargé  d'envoyer  à 
V.  A.  S.  un  nouveau  conte  de  La  Fontaine,  qu'elle  croit  que 
vous  n'avez  point  veu.  Elle  m'a  dit  en  mesme  temps  que  dans 
peu  de  jours  elle  me  donneroit  trois  actes  d'un  opéra  de  Roland 
commencé  par  M.  de  Segrais  il  y  a  huit  ou  neuf  ans  et  qu'il  n'a 
point  achevé.  S'il  l'avoit  esté  elle  croit  qu'a  en  juger  par  ce  qui 
est  fait  il  auroit  esté  fort  au  dessus  de  celuy  de  Quinaut.  Si 
tost  qu'elle  me  l'aura  donné  je  ne  manqueray  pas  de  l'envoyer 
à  Chantilh.   Je  suis  avec  respect 

Le  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

Monseigneur  de  V.  A.  S.  Des  Champs." 

(M.  des  Champs  au  Prince  de  Condé.) 

Quelques  jours  plus  tard  Madame  de  La  Fayette  tient  sa 
promesse  et  Des  Champs  écrit  de  nouveau; 

"Ce30e  Janvier  1685. 
Monseigneur, 

J'envoye  à  V.  A.  S.  les  trois  actes  de  l'opéra  de 

Roland  dont  j'eus  l'honneur  de  luy  parler  dans  ma  dernière 

lettre.  Elle  verra  par  le  billet  avec  lequel  Me  de  La  Fayette  me 

les  a  envoyez  qu'il  n'y  en  a  de  copie  que  celle  l'a  (sic)  qu'elle 

prie  V.  A.  S.  de  vouloir  bien  renvoyer  quand  elle  ne  voudra  plus 

les  Ure. 

Cela  est  accompagné  d'une  lettre  sur  le  mariage  de  Mlle 

PeUssari  avec  un  Anglois.  Je  suis  avec  respect 

Le  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

Monseigneur  De  V.  A.  S.  Des  Champs^." 

1  La  Fontaine,  Œuvres,  Éd.  G.  É.  rx.  pp.  136-7. 

2  Inédite.  ^  Chantilly,  ms.  série  P.  T.  xcnc.  fos  214,  159. 


110  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

Mais  Madame  de  La  Fayette  connaissait  bien  le  prince  de 
Condé  et  n'avait  pas  toujours  recours  à  un  intermédiaire  tel  que 
Des  Champs.  Il  allait  parfois  la  voir.  "Monsieur  le  Prince," 
écrit  Madame  de  Sévigné^,  "fut  voir  l'autre  jour  Mme  de 
La  Fayette:  ce  prince  alla  cui  spada  ogni  vittoria  è  certa^. 
Le  moyen  de  n'être  pas  flattée  d'une  telle  estime,  et  d'autant 
plus  qu'il  ne  la  jette  pas  à  la  tête  des  dames?"  Madame  la 
princesse  rendait  visite  également  à  Mme  de  La  Fayette^  et 
la  comtesse  allait  à  son  tour  à  Chantilly,  dont  elle  appréciait  les 
beautés,  même  quand  elle  était  malade  au  point  qu'il  fallait  la 
porter  en  htière*.  Le  fils  du  grand  Condé  "M.  le  duc"  était 
assidu  au  salon  de  Madame  de  La  Fayette  où  Madame  de 
Se  vigne  le  rencontra  souvent^.  C'est  dans  le  salon  de  Mme  de 
La  Fayette  que  La  Rochefoucauld  et  son  Égérie,  causant  avec 
M.  le  duc,  réveillèrent  de  vagues  souvenirs  d'enfance  et  lui  firent 
reconnaître  les  beautés  de  Chantilly^, 

Parmi  les  autres  personnes  qui  fréquentaient  les  samedis'^ 
de  Mme  de  La  Fayette  on  peut  probablement  compter  Bossuet 
qu'elle  avait  rencontré  à  la  cour  de  Madame  Henriette^,  Racine 
et  Boileau  qu'elle  voyait  à  l'Hôtel  de  Nevers  d'après  une  lettre 
de  Pomponne  à  Arnauld  d'Andilly^.  Racine  lui-même,  si  son 
manuscrit  est  authentique^'',  écrit:  "Votre  amie  Mme  de  La 
Fayette  nous  a  été  d'un  bien  triste  entretien.  Je  n'avais  mal- 
heureusement eu  l'honneur  de  la  voir  dans  les  dernières  années 

^  rv^.  549.  ^  À  l'épée  duquel  toute  victoire  est  assurée. 

3  vm.  231.  "  IV.  506,  523. 

^  II.  140,  VI.  331.  Voir  aussi  vn.  277.  La  duchesse,  écrivant  au  duc 
d'Enghien  en  1678,  dit,  en  parlant  de  Mme  de  La  Fayette:  "C'est  une 
amye  aimable  et  admirable  comme  je  scay  qu'elle  est  tout  particulière- 
ment la  vôtre  je  croy  que  vous  serez  bien  aise  que  je  vous  en  parle." 
Chantilly,  série  P.  vol.  lxxi.  T.  vu.  p.  148.  Voir  aiissi:  Duc  d'Aumale, 
Hist.  des  Princes  de  Condé.  *  D'Aumale,  op.  cit.  vn.  178. 

'  C'est  le  comte  Gabriel  Jules  de  Cosnac  qui  fixe  ainsi  le  jour  de  la 
réunion  formelle  chez  Mme  de  La  Fayette.  Nous  acceptons  ses  dires 
parce  que  nous  ne  pouvons  prouver  le  contraire.  Voir  ses  Souvenirs  du 
règne  de  Louis  XIV. 

8  Voir  notre  chapitre  sur  Mme  de  La  Fayette  et  Mme  Henriette,  et 
Hémon,  La  vraie  Mme  de  La  Fayette,  Rev.  Pol.  et  Litt.,  oct.  1880. 

^  Fév.  1665.  Voir  Mém.  de  Coulanges,  p.  470  et  plus  haut  à  la  page  88. 

^^  Ce  paragraphe  se  trouve  dans  une  lettre  de  Racine  à  M.  de  Bonrepas, 
Paris,  28  juillet  (1693),  d'après  la  version  conservée  dans  la  Coll.  Feuillet 
de  Conches.  Il  ne  se  trouve  pas,  cependant,  dans  l'autographe  de  la  Bibl. 
Nat.  L'éditeur  de  l'édition  des  G.  É.  regarde  la  version  citée  ci-dess\is 
comme  suspecte.  Voir(Z7wuresdeRacine(Éd.  PaulMesnard),vn.  105, note. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  111 

de  sa  vie.  Dieu  avoit  jeté  une  amertume  solitaire  sur  ses  occu- 
pations mondaines"  etc.  Boileau,  de  son  côté,  était  d'avis  que 
Madame  de  La  Fayette  était  "la  femme  de  France  qui  avoit  le 
plus  d'esprit  et  qui  écrivoit  le  mieux. ...^."  Molière  lut  chez  La 
Rochefoucauld  une  comédie — probablement  Les  Femmes  Sa- 
vantes— et  cette  lecture  n'ayant  eu  heu  qu'en  1672,  il  est  fort 
probable  que  Mme  de  La  Fayette  y  assista^.  Nous  ne  pouvons 
pourtant  affirmer  que  Mohère  fréquentait  son  salon  :  nous  croy- 
ons qu'il  n'en  fréquentait  aucun.  Enfin  Perrault  figurait  peut- 
être  parmi  les  habitués,  car  Madame  de  La  Fayette  écrit  vers 
la  fin  de  sa  vie  :  "J'ai  un  goût  très  particuher  pour  ce  qui  vient 
de  lui.  Je  vous  supplie  de  l'asseurer  que  je  suis  sensible  (sic) 
touchée  du  plaisir  qu'il  me  fait  de  m'envoj^er  ses  œuvres.  Il 
faut  qu'il  ayt  bonne  mémoire  pour  se  souvenir  encor  de  ma 
beauté.   Il  n'y  en  a  plus  de  trace.... ^. " 

Et  si  Corneille  était  trop  provincial  pour  venir  en  ce  salon, 
on  le  voyait  chez  La  Rochefoucauld.  "Il  nous  lut  l'autre  jour," 
écrit  Mme  de  Sévigné  en  1672,  "une  comédie.,.. qui  fait  souvenir 
de  la  Reine  mère^."  Cette  "comédie"  fut  probablement  Pul- 
chérie,  représentée  en  1672. 

Ces  noms  ne  sufiisent-ils  pas  pour  nous  expliquer  le  charme 
qui  attirait  Mme  de  Sévigné  chez  son  amie  ?  Et  ce  n'est  pas  tout. 
En  dehors  de  ces  réunions  ordinaires,  à  jour  fixe,  il  y  avait  des 
réunions  d'amis  qui,  pour  être  moins  cérémonieuses,  n'étaient 
peut-être  pas  moins  agréables  à  fréquenter.  Madame  de  Sévigné 
écrit  qu'elle  a  vu  "Madame  de  La  Fayette  avec  sa  petite  fièvre, 
et  toujours  bonne  compagnie^."  Un  autre  jour  elle  trouve  chez 
son  amie  ^'uniquement  M.  de  Pompone  et  M.  Barillon^." 
Réguhèrement,  il  s'y  rencontrait  avec  Madame  de  Sévigné, 
Mesdames  de  Lavardin  et  d'Huxelles  :  on  y  contait  les  nouvelles 
du  jour,  pour  lesquelles  la  marquise  était  sans  doute  parti- 
cuhèrement  recherchée'.  On  y  discutait  sur  certaines  questions^. 

1  Pellisson  et  d'Olivet,  Hist.  de  V Académie  fr.  n.  109. 

2  Sév.  n.  515. 

3  Lettre  à  Ménage.   Coll.  Feioillet  de  Conches.   Inédite. 

*  II.  470.  5  m^  419.  e  ym.  470. 

'  Voir  Barthélémy,  La  Marquise  d'Huxelles,  pp.  28-9,  et  Sév.  v.  34, 
où  la  marquise  de  Sév.  écrit:  "Cependant  la  bonne  marquise  d'Uxelles 
que  j'aime  il  y  a  bien  des  années,  m' avoit  priée  de  ne  point  manquer  de 
revenir  pour  ce  dîner  qu'elle  donnoit  à  M.  de  La  Rochefoucauld,  M.  et 
Mme  de  Coulanges,  Mme  de  La  Fayette  et  d'autres." 

^  Discussions  où.  l'on  se  perdait  quelques  fois  d'après  iine  lettre  de 
Mme  de  La  Fayette. 


112  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

On  y  lisait  des  lettres  et  des  romans.  Paraissaient  aussi  Mme  de 
Marans — dont  on  se  moquait  assez  cruellement — Gourville,  qui 
s'y  trouvait  fréquemment  mais  que  Mme  de  La  Fayette  traitait 
toujours  un  peu  en  laquais,  Madame  du  Plessis-Guénégaud, 
l'hôtesse  de  l'Hôtel  de  Nevers  et  de  Fresnes,  Courtin,  de  la 
Trousse,  le  duc  d'Estrées  qui  parlait  politique  avec  Pomponne 
et  Lauzun  qui  se  pavanait  devant  Mme  de  La  Fayette  avec 
l'ordre  de  la  Jarretière  que  le  roi  d'Angleterre  venait  de  lui 
donner^. 

Malgré  tant  de  visites  reçues,  si,  par  hasard,  une  ancienne  amie 
teUe  que  Mme  de  Sablé  se  renferme  chez  elle,  Madame  de  La 
Fayette  trouve  encore  le  temps  de  lui  écrire,  d'aller  la  voir,  de 
l'arracher  à  son  isolement. 

"Il  y  a  une  éternité  que  je  vous  ay  veue,"  lui  écrit-elle,  "et 
si  vous  croyés  Madame,  qu'il  ne  m'en  ennuyé  point,  vous  me 
faittes  une  grande  injustice.  Je  suis  résolue  à  avoir  l'honneur 
de  vous  voir  quand  vous  sériés  enseveHe  dans  le  plus  noir  de 
vos  chagrins  :  je  vous  donne  le  choix  de  lundy  ou  de  mardy, 
et  de  ces  deux  jours-là,  je  vous  laisse  à  choisir  l'heure  depuis 
huit  du  matin  à  sept  du  soir.  Si  vous  me  refusés  après  toutes 
ces  offres-là  vous  vous  souviendrés  au  moins  que  ce  sera  par 
une  volonté  très  déterminée  que  vous  n'aurés  voulu  me  voir, 
et  que  ce  ne  sera  pas  ma  faute. 

Ce  dimanche  au  soir  2." 

Une  conséquence  de  toutes  ces  relations,  c'est  que  Mme  de 
La  Fayette  était  très  bien  en  cour.  Mme  de  Montespan  lui  fait 
cadeau  d'une  "petite  écritoire  en  bois  de  Santa-Lucie  bien  gar- 
nie....et  un  crucifix  tout  simple^."  Elle  va  aux  fêtes  à  Versailles 
et  lorsqu'elle  va  à  Saint-Germain  "en  un  mois  une  fois"  ou  à 
Versailles,  elle  est  fort  bien  reçue.  A  propos  d'une  de  ces  visites. 
Madame  de  Sévigné  écrit,  "Elle  y  fut  reçue  très  bien,  mais  très 
bien,  c'est  à  dire  que  le  Roi  la  fit  mettre  dans  sa  calèche  avec 
les  dames,  et  prit  plaisir  de  lui  montrer  toutes  les  beautés  de 
Versailles,  comme  un  particuHer  que  l'on  va  voir  dans  sa  maison 
de  campagne.  Il  ne  parla  qu'à  elle  et  reçut  avec  beaucoup  de 
plaisir  et  de  poUtesse  toutes  les  louanges  qu'elle  donna  aux  mer- 
veilleuses beautés  qu'il  lui  montroit.  Vous  pouvez  penser  si  l'on 
est  contente  d'un  tel  voyage." 

^Sév.  passim.  Poiir  la  conversation  politique,  vni.  502  Pour  Lauzun, 
vm.  493. 

2  Fournier,  Var.  HisU  x.  ^  Sév.  in.  273. 


v]  La  Parisienne  et  ses  amis  113 

Malgré  toutes  ces  occupations — ou  peut-être  à  cause  de  cette 
vie  intense — Madame  de  La  Fayette  allait  souvent  à  "sa  petite 
campagne"  à  Fleury  près  Meudon  "pour  être  comme  suspendue 
entre  le  ciel  et  la  terre."  Dans  ces  moments  "elle  ne  vouloit  ni 
penser,  ni  parler,  ni  répondre,  ni  écouter:  elle  étoit  fatiguée  de 
dire  bonjour  et  bonsoir^."  On  ne  s'en  étonne  pas  outre  mesure. 
Elle  allait  aussi  se  reposer  à  Issy,  à  Livry,  à  Chantilly  et  à 
St  Maur.  D'après  Gourville  elle  s'installait  un  peu  trop  à  son 
aise  dans  cette  dernière  maison,  elle  y  prolongeait  ses  séjours 
et  ne  se  gênait  pas  d'y  accaparer  une  chambre  pour  son  ami  La 
Rochefoucauld^. 

Mais  on  a  beau  essayer  de  s'étourdir  dans  un  tel  va-et-vient 
de  personnes  illustres,  de  bonnes  amies,  on  a  beau  goûter  à 
la  campagne,  en  une  illustre  compagnie,  un  peu  de  calme,  on 
peut  quand  même  éprouver  un  sentiment  de  tristesse,  et  c'est 
l'impression  qu'on  garde  après  avoir  lu  les  lettres  de  Mme  de  La 
Fayette.  Cette  tristesse  était  due  non  seulement  à  la  maladie  et 
aux  souffrances  de  Mme  de  La  Fayette,  mais  aussi  à  celles  de  son 
ami  La  Rochefoucauld.  Voici  un  passage  entre  mille  qui,  à  ce 
sujet,  est  tout  à  fait  caractéristique: — "Mme  de  La  Fayette  est 
toujours  languissante  ;  M.  de  La  Rochefoucauld  toujours  éclopé  : 
nous  faisons  quelque  fois  des  conversations  d'une  tristesse  qu'il 
semble  qu'il  n'y  ait  plus  qu'à  nous  enterrer.  Le  jardin  de  Mme 
de  La  Fayette  est  la  plus  jolie  chose  du  monde:  tout  est  fleurs, 
tout  est  parfumé:  nous  y  passons  bien  des  soirées,  car  la  pauvre 
femme  n'ose  plus  aller  en  carrosse 3." 

Dans  ces  moments  de  tristesse  et  d'abattement  les  deux 
malades  devaient  apprécier  l'amitié  de  Mme  de  Sévigné  qui 
apportait  avec  elle  la  gaîté  et  la  santé.  Mais  en  suivant  les  lettres 
de  Mme  de  Sévigné  jusqu'en  1672,  nous  nous  sommes  laissé 
entraîner  un  peu  trop  loin  et  il  faut  revenir  en  arrière  pour  voir 
une  autre  phase  de  la  vie  de  notre  auteur. 

1  m.  20. 

2  Gourville,  Mém.  ii.  63-66.  Se  rappeler  le  passage  suivant  d'vme 
lettre  de  Mme  de  Coulanges  à  Mme  de  Grignan  (Sév.  x.  491)  (Govirville): 
"Ses  Mémoires  sont  charmants... tout  ce  qui  m'en  a  déplu,  car  je  les  ai 
entièrement  lus,  c'est  un  portrait,  ou  plutôt  un  caractère  de  Mme  de 
La  Fayette,  très -offensant  par  la  tourner  très-finement  en  ridicule.  Je  le 
trouvai  quatre  jours  avant  sa  mort  avec  la  comtesse  de  Gramont,  et 
je  l'assurai  que  je  passois  toujours  cet  endroit  de  ses  Mémoires." 

3  Sév.  m.  92. 


CHAPITRE  VI 
LA  DAME  D'HONNEUR.    1660-1670 

Monsieur  de  La  Fayette,  en  épousant  Mademoiselle  de  La 
Vergne,  lui  rendit  au  moins  un  service  qui  compte.  Il  l'a  faite  en 
effet  belle-sœur  de  Louise  de  La  Fayette  et  c'est  cette  qualité 
qui  lui  permit  d'approcher  la  princesse  Henriette  d'Angleterre 
de  plus  près  qu'elle  ne  pouvait  l'espérer.  Et  puisque  Madame  de 
La  Fayette  raconte  elle-même  avec  la  clarté  qui  lui  est  habituelle 
les  circonstances  de  cette  rencontre,  nous  ne  pouvons  mieux 
faire  que  de  lui  laisser  la  parole^. 

"  Henriette  de  France,  veuve  de  Charles  I^^^  roi  d'Angleterre," 
écrit-elle  dans  sa  préface  de  VHistoire  d'Henriette  d'Angleterre, 
"avoit  été  obUgée  par  ses  malheurs  de  se  retirer  en  France  et 
avoit  choisi  pour  sa  retraite  ordinaire  le  couvent  de  Sainte- 
Marie  de  Chaillot.  Elle  y  etoit  attirée  par  la  beauté  du  heu  et 
plus  encore  par  l'amitié  qu'elle  avoit  pour  la  Mère  AngéUque^ 
supérieure  de  cette  maison.  Cette  princesse  étoit  venue  fort 
jeune  à  la  Cour,  fille  d'honneur  d'Anne  d'Autriche,  femme  de 
Louis  XIII. 

"Ce  prince  dont  les  passions  étoient  pleines  d'innocence  en 
étoit  devenu  amoureux,  et  elle  avoit  répondu  à  sa  passion  par 
une  amitié  fort  tendre  et  par  une  si  grande  fidélité  pour  la  con- 

1  Pour  contrôler  et  pour  apprécier  le  récit  de  Mme  de  La  Fayette  noua 
avons  consulté  sur  Mme  Henriette  les  ouvrages  suivants:  Bossuet,  Or. 
Fun.  (Jouaust);  Mémoires  de  Mme  de  Motteville  (Petitot,  xxxvii.  414, 
XL.  232);  de  Retz  (Feillet,  ii.  197);  de  Mlle  de  Montpensier  (Pet.  XLin. 
157,XLii.  389);  de  la  Fare  (Pet.  lxv.  176);  de  Daniel  de  Cosnac,i.  420;  de 
Choisy  (Pet.  LXiii.  385);  Lettres  de  Guy  Patin,  1846,  ii.  127;  La  Princesse 
ou  les  Amours  de  Madame  dans  UHist.  am.  des  Gaules,  1754,  ii.  119; 
Bâillon,  Henriette -Anne  d'Angleterre;  Ibid.  Henriette-Marie  de  France; 
La  Fayette,  Henriette  d'A.  (Éd.  Anatole  France);  Ibid.  Mém.  (et  H.  d'A.), 
Éd.  Asse,  etc. 

2  Louise  Motier  de  La  Fayette.  Sur  elle  et  ses  relations  avec  Louis 
XIII,  voir  Griffet,  Hist.... Louis  XIII;  Michel  Le  Vassor,  Idem  (m.  6-13, 
et  IX.  266-272,  respectivement),  et  les  Mém.  de  Madame  de  Motteville, 
et  de  La  Porte,  Montglat,  Richelieu,  et  Nicolas  de  Goulas.  L'article  de  la 
Grande  Encyclopédie  renvoie  à  un  livre  par  l'abbé  Sorin,  Louise  Angèle  de 
la  Fayette,  Paris,  1892,  8".  Le  nom  de  cet  auteur  est  inconnu  à  la  Bibl. 
Nat.  et  nous  n'avons  rien  trouvé  dans  le  Cat.  de  la  Librairie  de  l'année 
indiquée.    Y  a-t-il  quelque  faute  d'impression? 


CH.  VI]  La  Dame  d'Honneur  115 

fiance  dont  il  l'honoroit,  qu'elle  avoit  été  à  l'épreuve  de  tous  les 
avantages  que  le  cardinal  de  Richelieu  lui  avoit  fait  envisager^. 
Comme  ce  ministre  vit  qu'il  ne  la  pouvoit  gagner,  il  crut,  avec 
quelque  apparence,  qu'elle  étoit  gouvernée  par  l'évêque  de 
Limoges^,  son  oncle,  attaché  à  la  Reine  par  madame  de  Senecey^. 
Dans  cette  vue  il  résolut  de  la  perdre  et  de  l'obliger  à  se  retirer 
de  la  Cour  ;  il  gagna  le  premier  valet  de  chambre  du  Roi*  qui 
avoit  leur  confiance  entière,  et  l'obligea  à  rapporter  de  part  et 
d'autre  des  choses  entièrement  opposées  à  la  vérité.  Elle  étoit 
jeune  et  sans  expérience,  et  crut  ce  qu'on  lui  dit  ;  elle  s'imagina 
qu'on  l'alloit  abandonner  et  se  jeta  dans  les  Filles  de  Sainte- 
Marie.  Le  Roi  fit  tous  ses  efforts  pour  l'en  tirer^;  il  lui  montra 
clairement  son  erreur  et  la  fausseté  de  ce  qu'elle  avoit  cru  ;  mais 
elle  résista  à  tout  et  se  fit  rehgieuse  quand  le  temps  le  lui  put 
permettre^. 

"Le  Roi  conserva  pour  elle  beaucoup  d'amitié  et  lui  donna  sa 
confiance';  ainsi,  quoique  rehgieuse,  elle  étoit  très  consid  rée, 

1  D'après  Asse,  Art.  La  Fayette,  Gr.  Encycl.  c'est  Richelieu  qm 
chercha  à  substituer  Louise  de  la  Fayette  à  Madame  de  Hautefort  dans 
les  affections  du  roi. 

2  François  de  La  Fayette,  abbé  de  Dalon,  évêque  de  Limoges  de 
1628  à  1676. 

^  Marie-Catherine  de  La  Rochefoucauld-Randan  (1588-1677),  mariée 
en  1607  à  Henri  de  Bauffremont,  marquis  de  Senecey,  veuve  en  1622, 
première  dame  d'honneur  d'Anne  d'Autriche,  et,  de  1642  à  1646,  gouver- 
nante du  roi  et  de  son  frère.  Elle  était  parente  de  Louise  de  La  Fayette 
du  côté  maternel. 

*  Un  nommé  Boisenval  "qui  n'étoit  suspect  ni  au  roi  ni  à  mademoiselle 
de  la  Fayette,  c'étoit  elle  qui  lui  avoit  fait  avoir  la  charge  de  premier 
valet  de  chambre;  mais  quand  il  la  vit  résolue  de  quitter  le  monde,  il 
l'abandonna,  pour  se  livrer  au  cardinal,  qui  lui  promit  dans  xine  con- 
férence secrette  qu'ils  eurent  à  Rueil,  de  prendre  soin  de  sa  fortune." 
Le  P.  Griffet,  op.  cit.  m.  11.  D'après  Le  Vassor,  op.  cit.  ix.  267,  aussitôt 
que  Boisenval  fut  nommé  premier  valet  de  chambre  Richelieu  proféra 
contre  lui  des  menaces  qui  l'ont  fait  agir  ainsi  en  traître. 

5  Voir  Mme  de  Motteville,  qui  donne  à  croire  qu'il  n'en  fit  guère,  et 
Griffet,  op.  cit.  m.  12. 

^  D'après  certains  historiens  elle  y  avait  souvent  songé  dans  sa  jeu- 
nesse. D'après  d'autres  c'est  Richelieu  qm  choisit  pour  Louise  un  con- 
fesseur chargé  de  la  poixsser  vers  la  religion. 

'  Et  il  alla  la  voir  dans  son  couvent  au  grand  désespoir  de  RicheUeu. 
C'est  après  une  de  ces  visites  trop  prolongées  que  le  roi,  se  trouvant  dans 
l'impossibilité  de  rentrer  à  Saint-Germain,  a  dû  partager  au  Louvre  le 
lit  de  la  reine.  Les  historiens  de  l'époque  nous  racontent,  sans  ambages, 
que  c'est  à  ce  hasard  que  nous  devons  le  grand  roi  Louis  XIV. 

8—2 


116  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

et  elle  le  méritoit.  J'épousai  son  frère  quelques  années  avant  sa 
profession^  et,  comme  j'allois  souvent  dans  son  cloître  j'y  vis 
la  jeune  princesse  d'Angleterre ^  dont  l'esprit  et  le  mérite  me 
charmèrent.  Cette  connoissance  me  donna  depuis  l'honneur  de 
sa  familiarité  ;  en  sorte  que,  quand  elle  fut  mariée,  j'eus  toutes 
les  entrées  particuhères  chez  elle,  et,  quoique  je  fusse  plus  âgée 
de  dix  ans  qu'elle,  elle  me  témoigna  jusqu'à  la  mort  beaucoup 
de  bonté  et  eut  beaucoup  d'égards  pour  moi." 

Madame  de  La  Fayette  paraît  s'étonner  d'avoir  pu  plaire  à 
la  princesse  et  elle  revient  sur  ce  sujet  dans  le  texte  de  son  his- 
toire pour  dire  qu'elle  "lui  avoit  été  agréable  par  son  bonheur; 
car,  bien  qu'on  lui  trouvât  du  mérite  c'étoit  une  sorte  de  mérite 
si  sérieux  en  apparence,  qu'il  ne  sembloit  pas  qu'il  dût  plaire 
à  une  princesse  aussi  jeune  que  Madame^." 

Pourtant  les  deux  femmes  avaient  des  traits  communs: 
Madame,  malgré  sa  coquetterie  et  le  désir  qu'elle  avait  d'être 
aimée,  malgré  ses  imprudences  aussi,  nous  paraît  avoir  été  d'un 
caractère  franc  et  sincère.  Peut-être  était-ce  la  présence  de 
cette  même  quahté  chez  Madame  de  La  Fayette,  que  La  Roche- 
foucauld qualifie  de  vraie,  qui,  parmi  les  intrigues  et  les  trahisons 
de  sa  cour,  a  captivé  le  cœur  de  la  princesse. 

De  plus,  bien  que  par  modestie  Madame  de  La  Fayette 
n'en  parle  pas,  peut-être  existait-il  un  sentiment  de  recon- 
naissance chez  Madame.  En  effet  la  princesse  pouvait  se  rap- 
peler, à  cette  époque  où  son  frère  était  roi  d'Angleterre  et 
elle-même  femme  de  Monsieur,  que  Madame  de  La  Fayette 
avait  jadis  été  de  ses  amies  lorsque  son  frère  errait  de  France 
en  Hollande,  et  de  la  Hollande  en  Ecosse*  et  qu'elle-même 
devait  rester  couchée  dans  sa  chambre  au  Louvre,  faute  d'argent 
pour  faire  du  feu^. 

^  Ici  on  se  trouve  en  face  d'tine  difficulté  qu'aucvin  des  commentateurs 
du  texte  n'a  relevée  autant  que  nous  sachions.  Mme  de  La  Fayette  s'est 
mariée  en  1655.  Mlle  de  La  Fayette  fit  profession  le  28  juillet  1638.  Est- 
ce  que  le  mot  "avant"  est  une  faute  de  copiste  povir  "après"?  Nous 
sommes  allé  consulter  le  seul  manuscrit  que  nous  connaissons  et  c'est 
bien  "devant"  que  nous  avons  trouvé.  L'explication  la  plus  naturelle 
est  celle-ci  :  Mme  de  La  Fayette  pensait  au  moment  où  Louise  a  succédé 
à  Mme  l'Huillier,  première  supérieiire  du  couvent. 

2  Henriette-Anne,  dernière  fille  de  Charles  I*""^  et  d'Henriette  de  France 
(qui  était  fille  de  Henri  IV  et  de  Marie  de  Médicis),  née  le  16  juin  1644, 
à  Exeter  en  pleine  guerre  civile. 

^  Histoire  d'Henriette  d'Angleterre,  Éd.  A.  France,  p.  41. 

*  Voir  aussi  de  Retz,  Mém.  in.  112. 

«  Ibid.  n.  197,  et  Mme  de  Motteville,  Petitot,  xxxvn.  414. 


vi]  La  Dame  d'Honneur  117 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que  Madame  de  La  Fayette 
devint  la  favorite  de  la  princesse  après  le  mariage  d'Henriette 
d'Angleterre.  Peu  de  temps  après  ce  mariage  Loret^  en  nous 
décrivant  une  fête  à  Fontainebleau  (le  5  septembre  1661)  fait 

mention  de 

La  Reyne  mère  d'Angleterre 
Anne  et  Therèze  nos  deiix  reines 

Monsieur  et  Madame 

La  Fayette  et  la  jeune  Guiche. 

Aux  fêt€s,  elle  n'était  que  dame  d'honneur,  mais  elle  passait 
ses  après-midi  chez  Madame,  la  suivait  au  Cours,  soupait  chez 
Monsieur  et  terminait  la  journée  "parmi  les  plaisirs  de  la 
comédie,  du  jeu  et  des  violons^."  À  certains  moments  de  cette 
vie  brillante,  elle  cessait  d'être  une  dame  d'honneur  pour 
devenir  une  amie.  C'est  un  de  ces  moments  d'intimité  qu'OUvier 
d'Ormesson^  nous  dépeint  dans  son  journal.  "En  effet  l'on 
sçut  depuis  que,  le  dimanche  précédent  Madame  étant  à  Saint- 
Cloud  avec  Monsieur,  avoit  disné  en  pubUc,  s'estoit  amusée  avec 
Madame  de  La  Fayette  à  la  décoiffer  pour  voir  les  blessures 
qu'elle  avoit  eues  à  la  teste  d'une  chute  d'un  châssis  sur  la  teste  ; 
qu'elle  luy  avoit  demandé  si  elle  avoit  eu  peur  de  la  mort. . .  .etc." 

Ce  petit  tableau  est  charmant.  On  voit  que  Madame,  re- 
nommée pour  sa  douceur*,  parlait  sur  un  ton  autrement  sympa- 
thique que  cette  mauvaise  langue  de  Bussy  qui,  répondant  à 
Madame  de  Montmorency,  écrit:  "Je  suis  fâché,  pour  Vintérèt 
de  Madame,  qu'une  corniche  ait  cassé  une  tête  qui  lui  plaît.  Si 
l'on  peut  vous  dire  une  turlupinade,  ce  n'est  pas  la  plus  illustre 
tête  que  les  corniches  et  même  les  cornes  n'ont  pas  respectée" 

etc.^ 

Pourtant,  même  dans  ces  moments  d'intimité.  Madame  ne 
parlait  pas  à  son  amie  de  "  certaines  affaires  "—du  cœur.  Avait- 
elle  peur  que  la  divine  raison  de  sa  dame  d'honneur  ne  lui  fît 
honte  ou  que  celle-ci  lui  donnât  des  conseils  trop  sages  et  trop 
sensés  pour  qu'une  princesse  romanesque  pût  les  suivre?  Tou- 
jours est-il,  que  Madame  de  La  Fayette  écrit  :  "  Je  n'avois  aucune 
part  à  sa  confidence  sur  de  certaines  affaires,  mais  quand  elles 
étoient  passées,  et  presque  rendues  pubUques,  elle  prenoit 
plaisir  à  me  les  raconter e."  C'est  pendant  une  de  ces  conver- 
sations qui  eut  Heu  après  l'exil  du  comte  de  Guiche  en  1665, 

1  III.  401.  2  La  Fayette,  op.  cit.  42.  ^  journal,  n.  592. 

«  Voir  Cosnac,  i.  420,  et  Bossuet,  Or.  Funèbres. 

5  Corr.  I.  264.  ^  La  Fayette,  op.  cit.  p.  5. 


118  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

que  Madame  lui  dit:  "Ne  trouvez -vous  pas..,,  que  si  tout  ce 
qui  m'est  arrivé  et  les  choses  qui  y  ont  relation  étoit  écrit,  cela 
composeroit  une  joHe  histoire?  Vous  écrivez  bien,  ajouta-t-elle; 
écrivez,  je  vous  fournirai  de  bons  mémoires^." 

Madame  de  La  Fayette  entra  "avec  plaisir  dans  cette 
pensée  "  et  sur  le  champ  dressa  un  plan  de  l'histoire  de  Madame 
Henriette.  Mais  de  la  part  de  la  princesse  ce  n'était  qu'une  idée 
passagère;  le  travail  fut  bientôt  abandonné  par  elle,  et  Madame 
de  La  Fayette  n'y  songea  plus  pendant  quatre  ou  cinq  ans.  En 
1665,  ce  projet  revint  à  l'esprit  de  Madame  et  elle  désira  qu'on 
le  reprît.  Elle  revit  le  lendemain  tout  ce  que  Madame  de  La 
Fayette  avait  écrit  la  veille  et  elle  y  prit  tant  de  goût,  nous  dit 
cette  dernière,  que,  pendant  un  voyage  de  deux  jours  à  Paris, 
"elle  écrivit  elle-même  ce  que  j'ai  marqué  pour  être  de  sa  main 
et  que  j'ai  encore."  Ces  marques  n'ont  malheureusement  pas 
été  conservées  à  l'impression,  mais  voici  sans  doute  un  des 
passages  en  question:  "Il  (le  roi)  envoya  prier  Montalais  de 
lui  dire  la  vérité  ;  vous  saurez  ce  détail  d'elle.  Je  vous  dirai  seule- 
ment que  le  maréchal  (de  Gramont),  qui  n'avoit  tenu  que  par 
miracle  une  aussi  bonne  conduite"  etc. 

Voilà  donc  Madame  de  La  Fayette  historiographe  de 
Madame.  M.  Eugène  Asse  s'efforce  de  montrer  qu'elle  possédait 
les  quahtés  nécessaires  à  cette  fonction.  "Cette  femme  si  bien 
douée  par  la  nature  pour  devenir  un  historien,"  écrit-il 2,  "n'y 
fut  pas  moins  aidée  par  les  circonstances,  par  les  exemples 
qu'elle  eut  de  très  bonne  heure  sous  les  yeux,  et  peut-être  par 
les  leçons  qu'elle  reçut.  On  a  dit  que  l'histoire  n'était  jamais 
mieux  écrite  que  par  les  hommes  d'état.  Madame  de  La  Fayette 
fut  élevée  au  milieu  des  plus  grands  de  son  temps"  etc.  Van 
Laun^  fait  mieux  encore  :  il  ne  parle  de  Madame  de  La  Fayette 
dans  son  gros  ouvrage  sur  la  littérature  française  qu'à  propos 
de  ses  études  historiques.  "Her  chief  talent,"  écrit-il,  "was  in 
romantic  biography  and  she  left  behind  two  books  containing 
the  ripest  fruit  of  her  well  trained  and  judicious  mind,  History 
of  Henrietta  ofEngland  and  Memoirs  ofthe  Court  of  France  during 
the  years  1688  and  1689." 

Il  est  vrai  qu'il  mentionne  incidemment  que  cette  même  La 
Fayette  écrivit  la  Princesse  de  Clèves.  "The  story  of  an  honest 
married  woman  in  love  with  another  than  her  husband." 

1  Ibid.  p.  6. 

^  À  la  page  v  de  la  préface  de  son  éd.  des  Mém.  ( Jouaust). 
3  Hist.  of  French  Lit.  11.  160. 


vi]  La  Dame  d'Honneur  119 

Certes,  nous  sommes  loin  de  contester  la  valeur  di'HenrieUe 
d* Angleterre  en  tant  qu'œuvre  historique.  Monsieur  Jules  Lair, 
en  écrivant  sa  charmante  histoire  de  Louise  de  La  Vallière^,  met 
souvent  le  récit  de  Madame  de  La  Fayette  en  regard  des  docu- 
ments contemporains  et  toujours  cette  confrontation  atteste 
l'exactitude  du  récit.  Mais  a-t-on  assez  examiné  la  nature  de 
cette  œuvre  ?  A  force  de  la  prendre  pour  un  travail  historique 
on  en  arrive  à  en  faire  une  critique  telle  que  celle-ci:  "Entre 
Madame  et  lui  (Monsieur)  leur  cour  était  un  lieu  d'une  agitation 
inconcevable,  une  sentine  de  médisances  et  de  calomnies,  de 
petites  perfidies,  de  petites  trahisons,  de  quoi  donner  la  nausée, 
même  lorsqu'elle  est  racontée  par  Madame  de  La  Fayette.  Je 
ne  sais,  en  vérité,  si  cette  dernière  a  rendu  service  à  sa  chère 
princesse  en  écrivant  son  Histoire  de  Madame  Henriette.  A  part 
les  premières  pages  jusqu'au  mariage,  et  la  belle  scène  de  la 
mort  tout  à  la  fin,  le  reste  est  un  tissu  de  riens  si  méprisables, 
à  tous  égards,  que  le  hvre  en  tombe  des  mains.  Voilà  donc  tout 
ce  que  l'auteur  de  la  Princesse  de  Clèves  a  trouvé  à  dire  d'une 
personne  aussi  en  vue,  d'une  belle-sœur  à  qui  Louis  XIV  con- 
fiait les  secrets  de  sa  politique  et  qu'il  avait  failli  trop  aimer^." 

L'auteur  de  cette  page  nous  paraît  s'être  laissé  entraîner  un 
peu  trop  loin.  L'historien  peut  avoir  une  déception  s'il  a  recours 
au  Hvre  de  Madame  de  La  Fayette  pour  avoir  des  renseigne- 
ments sur  les  grands  événements  de  l'époque.  Arvède  Barine 
aurait  dû  se  rendre  compte  de  la  véritable  nature  du  hvre.  Elle 
aurait  vu  ensuite  que  le  tissu  de  riens  n'est  pas  si  méprisable 
qu'elle  le  croyait. 

ReHsons  attentivement  quelques  passages  de  la  préface 
à.'' Henriette  d'Angleterre.  "L'année  1665  le  comte  de  Guiche 
fut  exilé.  Un  jour  qu'elle  (Madame)  me  faisoit  le  récit  de  quel- 
ques circonstances  assez  extraordinaires  de  sa  passion  pour  elle  ; 
'Ne  trouvez-vous  pas,'  me  dit-elle,  'que,  si  tout  ce  qui  m'est 
arrivé  et  les  choses  qui  y  ont  relation  étoit  écrit,  cela  composeroit 
une  joUe  histoire?  Vous  écrivez  bien,'  ajouta-t-elle,  'écrivez, 
je  vous  fournirai  de  bons  mémoires.'  " 

Notons  sans  plus  tarder  qu'il  s'agit  d'un  récit  rapportant 
des  faits  réels  avec  les  choses  qui  y  ont  relation,  tout  en  n'ayant 

1  Voir  bibliog.  Voir  aussi  à  ce  sujet  D'Aumale,  Hist.  des  Pr.  de  Condé, 
vu.  206,  note:  "Les  lettres  adressées  à  la  reine  de  Pologne  confirment 

ce  charmant  récit — par  Mme  de  La  Fayette Rien  de  plus  exact  et 

de  plus  juste  que  l'ensemble  du  récit,  rien  de  plus  vrai  que  cette  peinture.  " 

2  A.  Barine,  Louis  XIV  et  la  Grande  Mademoiselle,  p.  168. 


120  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

qu'un  intérêt  secondaire,  et  que  c'est  une  conversation  sur  le 
comte  de  Guiche  qui  en  donne  l'idée  à  la  princesse.  Madame  de 
La  Fayette  qualifie  cette  idée  de  "fantaisie"  et  nous  dit  que  ce 
fut  une  fantaisie  qui  passa  bientôt.  Elle  revint  cinq  ans  plus  tard 
et  de  nouveau  l'on  s'amusa  à  écrire.  "Madame  'badinoit'  avec 
moi,"  dit  Madame  de  La  Fayette,  "sur  les  endroits  qui  me  don- 
noient  le  plus  de  peine."  Le  travail  est  encore  abandonné,  pour 
n'être  plus  repris,  car  le  récit  de  la  mort  de  Madame  est  ajouté 
comme  un  appendice  et  l'auteur  ne  fait  aucun  effort  pour  com- 
bler la  lacune  qui  existe  entre  le  moment  où  est  interrompue 
l'histoire  proprement  dite  et  le  dénouement  tragique.  "La  mort 
de  Madame,"  explique -t-elle,  "ne  me  laissa  ni  le  dessein  ni  le  goût 
de  continuer  cette  histoire  et  j'écrivis  seulement  les  circonstances 
de  sa  mort,  dont  je  fus  témoin."  Quels  motifs  dictèrent  cette 
résolution  ?  Quel  moyen  plus  agréable  et  plus  sûr  pour  perpétuer 
la  mémoire  de  sa  chère  princesse  que  d'achever  l'histoire  de  sa 
vie?  Nous  croyons  que  si  Madame  de  La  Fayette  ne  continua 
pas  son  œuvre,  c'est  parce  qu'elle  sentait  que  c'était  une  histoire 
trop  frivole  pour  être  continuée  après  la  mort  terrible  de  l'hé- 
roïne. Peut-être  aussi  la  considérait-elle  comme  finie  déjà  en  tant 
qu'œuvre  d'art.  Pour  nous  le  vrai  titre  de  ce  livre  c'est  Le  roman 
de  Madame  et  du  œmte  de  Guiche  "avec  les  choses  qui  y  ont 
relation."  Et  voici  le  passage  qui  clôt  ce  roman.  "Enfin  le  jour 
du  départ  arriva;  le  comte  avoit  toujours  la  fièvre,  il  ne  laissa 
pas  de  se  trouver  dans  la  rue  avec  son  déguisement  ordinaire  ; 
mais  les  forces  lui  manquèrent  quand  il  fallut  prendre  le  dernier 
congé.  Il  tomba  évanoui,  et  Madame  resta  dans  la  douleur  de 
le  voir  dans  cet  état,  au  hasard  d'être  reconnu,  ou  de  demeurer 
sans  secours.  Depuis  ce  temps-là  Madame  ne  l'a  point  revu." 
C'est  là  la  fin  du  roman  de  Guiche  et  de  V Histoire  de  Madame. 

Pour  nous,  c'est  la  pensée  que  la  galanterie  de  ce  récit 
ferait  un  trop  saisissant  contraste  avec  le  tableau  tragique  de 
la  fin  de  Madame,  qui  empêcha  Madame  de  La  Fayette  de  le 
pubher.  Elle  l'écrivit  pour  amuser  Madame,  et  non  pas  pour  lui 
"rendre  service";  elle  le  garda  ensuite  parmi  ses  lettres  et  ses 
papiers  intimes.  Arvède  Barine  aurait  pu  lui  en  savoir  gré  et 
s'en  prendre  aux  indiscrets  qui  n'ont  pas  respecté  l'intention 
de  Madame  de  La  Fayette. 

Quant  à  nous,  nous  leur  sommes  bien  reconnaissant  d'avoir 
sauvé  cet  ouvrage  de  l'oubh  et  tout  ce  que  nous  venons  de  dire 
à  son  sujet  n'est  pas  pour  diminuer  la  valeur  de  l'œuvre.  Si 
nous  ne  voulons  y  voir  qu'un  simple  récit,  nous  ne  nions  pas 


vi]  La  Dame  d'Honneur  121 

comme  nous  l'avons  déjà  dit,  sa  valeur  historique,  mais  nous 
goûtons  surtout  ce  travail  comme  Histoire  morale  de  Madame 
Henriette. 

Si  le  sieur  Rosteau  se  trompa — et  son  erreur  ne  lui  échappa 
pas  entièrement — en  classant  la  Princesse  de  Montpensier  sous 
la  rubrique  "Histoire,^"'  de  notre  côté  nous  nous  trompons  peut- 
être  en  donnant  à  l'Histoire  de  Madame  Henriette  le  titre  de 
roman.  C'est  pourtant  sous  ce  jour  que  nous  aimons  à  regarder 
cet  ouvrage.  Pour  nous  c'est  un  roman  vrai — et  en  l'écrivant 
Madame  de  La  Fayette  fait  un  excellent  apprentissage  de  son 
métier  de  romancier. 

La  première  partie  nous  introduit  à  la  cour  et  nous  présente, 
par  le  moyen  d'une  série  de  portraits,  faits  selon  les  règles^, 
tous  ceux  qui  s'y  trouvent.  Les  amours  du  roi  tiennent  relative- 
ment beaucoup  de  place  et  donnent  le  ton  à  tout  le  livre,  et 
l'objet  principal  n'est  pas  de  faire  une  galerie  de  portraits  mais 
de  créer  l'atmosphère  de  la  cour.  Madame  de  La  Fayette  ter- 
mine ainsi:  "Le  reste  des  belles  personnes  qui  étoient  à  la  Cour 
ont  trop  peu  de  part  à  ce  que  nous  avons  à  dire  pour  m'obliger 
d'en  parler;  et  nous  ferons  seulement  mention  de  celles  qui 
s'y  trouveront  mêlées  selon  que  la  suite  nous  y  engagera." 

Dès  le  début  de  la  seconde  partie,  Madame  de  La  Fayette 
fait  l'historique  du  mariage  de  Madame,  et  aussitôt  elle  remonte 
en  arrière  pour  faire  mention  du  roi,  qui,  pendant  un  instant, 
fut  regardé  comme  un  mari  possible  pour  la  princesse  d'Angle- 
terre, mais  "Le  Roi,  au  contraire,  témoigna  de  l'aversion  pour 
ce  mariage  et  même  pour  sa  personne."  Buckingham  apparaît 
à  la  page  suivante  et  c'est  ensuite  le  comte  de  Guiche. 

Avec  lui  nous  entrons  dans  le  roman.  De  Guiche  "voyoit 
Madame  à  tous  moments — avec  tous  ses  charmes;  Monsieur 
prenoit  même  le  soin  de  les  lui  faire  admirer  :  enfin  il  l'exposoit 
à  un  péril  qu'il  étoit  presque  impossible  d'éviter^." 

Mais  si  ce  qui  doit  arriver  est  inévitable,  il  peut  se  rencontrer 
des  difficultés  en  chemin.  Le  roi  changera  d'avis  au  sujet  des 
charmes  de  la  princesse,  autrefois  méprisée,  et  Madame  de  La 
Fayette  nous  le  fait  savoir  dans  un  paragraphe  qui  dépeint  bien 
Madame  dans  le  milieu  "galant"  oii  elle  vivait.  "Après  quelque 
séjour  à  Paris,  Monsieur  et  Madame  s'en  allèrent  à  Fontaine- 
bleau. Madame  y  porta  la  joie  et  les  plaisirs.  Le  Roi  connut, 
en  la  voyant  de  plus  près,  combien  il  avoit  été  injuste  en  ne  la 

1  L'imprimeior  de  l'édition  de  1720  a  intercalé  des  titres  pour  chaciin 
de  ces  portraits.  ^  P.  42. 


122  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

trouvant  pas  la  plus  belle  personne  du  monde.  Il  s'attacha  fort  à 
elle  et  lui  témoigna  une  complaisance  extrême.  Elle  disposoit  de 
toutes  les  parties  de  divertissement;  elles  se  faisoient  toutes 
pour  elle,  et  il  paroissoit  que  le  Roi  n'y  avoit  de  plaisir  que  par 
celui  qu'elle  en  recevoit.  C'étoit  dans  le  milieu  de  l'été  :  Madame 
s'alloit  baigner  tous  les  jours;  elle  partoit  en  carosse,  à  cause  de 
la  chaleur  et  revenoit  à  cheval,  suivie  de  toutes  les  dames, 
habillées  galamment  avec  mille  plumes  sur  leur  tête,  accom- 
pagnées du  Roi  et  de  la  jeunesse  de  la  Cour;  après  souper  on 
montoit  dans  les  calèches  et,  au  bruit  des  violons,  on  s'alloit 
promener  une  partie  de  la  nuit  autour  du  canal." 

Cet  attachement  fit  du  bruit,  à  un  tel  point  qu'il  fut 
convenu  que  le  roi  ferait  semblant  d'être  amoureux  de  quelque 
autre  personne  de  la  cour.  Parmi  les  trois  personnes  qui  ser- 
vaient ainsi  de  masques  pour  égarer  la  cour,  se  trouvait  La 
Valhère.  Le  roi  s'y  attacha  sérieusement,  au  grand  chagrin  de 
Madame  et  ainsi  il  éloigna  Guiche,  amoureux  lui  aussi  de 
Mademoiselle  de  la  Vallière,  mais  pas  assez  "pour  s'opiniâtrer 
contre  un  rival  si  redoutable."  Guiche  revint  donc  à  Madame, 
et  tous  deux  s'avancèrent  d'un  pas  vers  l'inévitable  que  Madame 
de  La  Fayette  n'était  pas  seule  à  prévoir.  "Longtemps  avant 
qu'elle  fût  mariée,  on  avoit  prédit  que  le  comte  de  Guiche  seroit 
amoureux  d'elle." 

La  troisième  partie,  toute  d'intrigues,  raconte  l'histoire  du 
roi  et  de  La  ValUère,  l'exil  de  Guiche,  le  rôle  de  Vardes  et  de 
Montalais.  Pendant  l'exil,  Madame  rompt  avec  de  Guiche. 
Cette  partie  commence  ainsi:  "Le  comte  de  Guiche  n'avoit 
point  suivi  le  Roi  au  voyage  de  Nantes,"  elle  se  termine  par  un 
éclaircissement  de  toutes  les  fantaisies  de  Vardes. 

La  quatrième  partie  débute  par  les  paroles  suivantes:  "Dans 
ce  temps  le  comte  de  Guiche,  revint  de  Pologne."  Il  "se  rac- 
commoda" avec  Madame,  mais  se  croyant  forcé  de  quitter  le 
pays  par  suite  des  intrigues  dans  lesquelles  il  avait  été  mêlé  et 
qui  furent  connues  du  roi,  il  eut  avec  Madame  cette  dernière 
entrevue  dont  nous  avons  déjà  parlé.  "Il  tomba  évanoui,  et 
Madame  resta  dans  la  douleur  de  le  voir  dans  cet  état,  au  hasard 
d'être  reconnu,  ou  de  demeurer  sans  secours.  Depuis  ce  temps- 
là  Madame  ne  l'a  point  revu."  (Fin  de  l'Histoire  de  Madame.) 

On  pubUa  à  la  fin  de  cette  histoire  de  Madame  de  belles 
pages  de  Madame  de  La  Fayette  sur  la  mort  d'Henriette.  Comme 
il  existe  une  lacune  entre  ce  dernier  tableau  et  la  quatrième 
partie,  on  éprouva  le  besoin  de  la  combler  en  citant  d'autres 


vi]  La  Dame  d"" Honneur  123 

mémoires  de  l'époque.  Cela  est  utile  pour  l'histoire;  car  la  Vie 
de  Madame  en  tant  qu'histoire  est  incomplète.  Mais  si  l'on  veut 
bien  la  considérer  au  point  de  vue  roman  (et  si  l'on  admet  que 
la  Relation  de  la  Mort  de  Madame  est  une  chose  à  part)  elle  est 
complète.  Il  y  a  en  effet,  une  exposition,  des  péripéties,  un  nœud 
et  un  dénouement.  On  peut  même  voir  des  ressemblances  entre 
cette  "Histoire"  et  la  Princesse  de  Clèves.  Tous  les  deux  dé- 
butent par  des  portraits  et  des  intrigues  de  cour  ;  tous  les  deux 
traitent  d'une  femme  mariée  sans  amour,  qui  est  tentée  par  un 
amoureux  séduisant  ;  elles  pèchent  un  peu,  mais  résistent  et  ne 
tombent  pas  complètement.  Les  deux  œuvres  montrent  un 
mari  jaloux,  toutes  les  deux  s'achèvent  dans  la  tristesse.  Certes 
nous  ne  dirons  pas  que  Madame  a  l'étoffe  d'une  princesse  de 
Clèves,  ni  que  Monsieur  est  l'esquisse  du  prince. 

D'autre  part,  entre  de  Guiche  et  de  Nemours,  nous  préfére- 
rions peut-être  Guiche,  comme  plus  romanesque  et  moins  dange- 
reux au  fond,  que  l'homme  "admirablement  bien  fait"  que  fut 
Nemours.  En  somme  nous  voyons  dans  V Histoire  d'' Henriette,  un 
exercice  fort  utile  pour  celle  qui  a  déjà  écrit  la  Princesse  de  Mont- 
pensier  et  qui  écrira  plus  tard  la  Princesse  de  Clèves. 

Cet  exercice  ne  fut  pas  des  plus  faciles.  Madame  de  La 
Fayette  elle-même  admet  que  "C'étoit  un  ouvrage  assez  difficile 
que  de  tourner  la  vérité,  en  de  certains  endroits,  d'une  manière 
qui  la  fît  connoître,  et  qui  ne  fût  pas  néanmoins  offensante  ni 
désagréable  à  la  Princesse^."  En  effet,  elle  se  trouvait  prise 
entre  son  amour  de  la  vérité  et  ses  devoirs  envers  sa  maîtresse. 
Elle  s'en  est  tirée  à  merveiUe  car,  bien  qu'elle  ait  pu  Hre  à  Madame 
Henriette  le  récit  qu'elle  avait  fait  et  mériter  son  approbation, 
il  n'y  a  nulle  servihté  dans  ce  petit  livre.  "Le  comte  de  Guiche 
et  elle  (Montalais),"  écrivit-eUe,  "se  mirent  dans  l'esprit  qu'il 
falloit  qu'il  vît  Madame  en  particulier.  Madame  qui  avoit  de  la 
timidité  pour  parler  sérieusement  n'en  avoit  point  pour  ces  sortes 
de  choses.  Elle  n'en  voyoit  point  les  conséquences'^.''''  Et  ailleurs 
eUe  parle  ainsi  du  roi  à  l'occasion  de  la  disgrâce  de  Fouquet  : 
"Il  y  avoit  longtemps  que  le  Roi  avoit  dit  qu'il  vouloit  aller  à 
Vaux. ...et  quoique  la  prudence  dût  l'empêcher  (Fouquet)  de 
faire  voir  au  Roi  une  chose  qui  marquoit  si  fort  le  mauvais 
usage  des  finances  et  qu'aussi  la  bonté  du  Roi  dût  le  retenir  d'aller 
chez  un  homme  qu'il  allait  perdre,  néanmoins  ni  l'un  ni  l'autre 
n'y  firent  aucune  réflexion^." 

1  Préf.  par  Mme  de  La  Fayette,  p.  7,  Éd.  France. 

2  Op.  cit.  p.  64.  3  p,  53, 


124  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

Dans  toute  cette  histoire,  pleine  d'intrigues  et  d'amours, 
Madame  de  La  Fayette  montre  cette  délicatesse  qui  lui  est 
particulière;  une  jeune  fille  lirait  sans  rougir  ces  pages  où 
figurent  à  tour  de  rôle  le  roi,  le  comte  de  Guiche,  Bucking- 
ham,  Marsillac  et  Vardes — pourvu  qu'elle  fût  très  innocente. 
Madame  de  La  Fayette  est  fine  et  maligne  et  ce  qu'elle  ne  dit 
pas  en  toutes  lettres  elle  permet  aux  initiés  de  le  lire  entre 
les  lignes.  "Il  étoit  beau,  bien  fait,"  dit-elle  de  Monsieur,  "mais 
d'une  beauté  et  d'une  taille  plus  convenables  à  une  princesse 
qu'à  un  prince:  aussi  av oit-il  plus  songé  à  faire  admirer  sa 
beauté  de  tout  le  monde,  qu'à  s'en  servir  pour  se  faire  aimer  des 
femmes,  quoiqu'il  fût  continuellement  avec  elles.  Son  amour- 
propre  sembloit  ne  le  rendre  capable  que  d'attachement  pour 
lui-même^." 

L'embrouillement  de  toutes  les  intrigues  et  contre -intrigues 
n'empêche  pas  l'auteur  d'écrire  un  récit  fort  clair  et  fort  simple. 
Malgré  cette  simphcité  il  y  a  des  pages  qui  ne  manquent  pas  de 
grandeur  :  celle  par  exemple  où  Madame  de  La  Fayette  fait  voir 
l'ombre  de  Mazarin  qui  "étoit  encore  la  maîtresse  de  toutes 
choses."  La  pénétration,  le  sens  psychologique  ne  sont  pas 
absents  de  passages  exquis  comme  celui-ci:  "Cette  Reine^ 
s'apphquoit  tout  entière  au  soin  de  son  éducation^  et  le  malheur 
de  ses  affaires  la  faisant  plutôt  vivre  en  personne  privée  qu'en 
souveraine,  cette  jeune  princesse  prit  toutes  les  lumières,  toute  la 
civilité  et  toute  V humanité  des  conditions  ordinaires'^ ^  Nous  avons 
signalé  tout-à-l'heure  la  relation  de  la  mort  d'Henriette.  Que 
ne  pouvons-nous  transcrire  certains  passages  de  cet  émouvant 
récit  ?  L'auteur,  qui  connaissait  si  bien  la  princesse^  et  qui  était 
douée  d'une  vive  sensibihté,  dont  on  ne  lui  a  pas  assez  fait  mérite, 
se  retient  malgré  sa  douleur  et  nous  fait  un  récit  dont  la  sim- 
phcité va  droit  au  cœur.  Pour  bien  comprendre  combien  cette 
nuit  fut  tragique,  c'est  à  ce  récit  qu'il  faut  aller  et  non  pas  à  la 
magnifique  oraison  funèbre  de  Bossuet. 

Bossuet  nous  émeut  lui  aussi,  et  parfois  les  larmes  arrêtent 
sa  parole;  mais  il  s'élève  bien  vite  à  des  considérations  philo- 
sophiques; il  est  le  prophète,  le  Père  de  l'EgHse  qui  parle  de 

ip.  16. 

^  Henriette-Marie,  veuve  de  Charles  I«^ 

^  C.  à  d.  à  l'éducation  de  sa  fille,  plus  tard  Madame. 

*  P.  33. 

^  "Il  y  a  aujourd'hui  trois  ans,"  écrit-elle  le  30  juin  1673  à  Mme  de 
Sévigné,  "  que  je  vis  mourir  Madame:  je  relus  hier  plusieiu"S  de  ses  lettres, 
je  suis  toute  pleine  d'elle." 


vi]  La  Dame  d'Honneur  125 

la  mort  et  non  pas  à' une  mort.  Chez  Madame  de  La  Fayette 
on  sent  la  souffrance  de  l'amie  et  on  devine  les  sentiments  qui 
étreignaient  son  cœur  dans  cette  chambre  de  Saint-Cloud  oii 
roi,  princes,  évêques,  prêtres,  médecins  couraient,  discutaient  en 
chuchotant  dans  les  antichambres,  tous  également  impuissants 
devant  l'ange  de  la  mort.  Et  cependant  la  victime  qui  se  croyait 
empoisonnée,  qui  souffrait  physiquement  et  moralement,  tantôt 
demandait  si  la  mort  viendrait  sans  tarder  et  tantôt  se  pré- 
parait à  "mourir  dans  les  formes."  Le  dix -septième  siècle  avait 
toujours  écarté  de  sa  Uttérature  l'image  de  la  mort;  au  théâtre 
on  meurt  dans  les  couUsses  ou  si,  comme  dans  Phèdre,  on  meurt 
en  scène,  c'est  pour  que  la  punition  et  le  châtiment  d'une 
pécheresse  soient  complets  et  pubUcs.  À  part  les  orateurs  sacrés, 
on  dirait  que  les  écrivains  de  l'époque  n'ont  jamais  imaginé  pour 
un  instant  qu'il  pût  y  avoir  de  la  beauté  grandiose  dans  la  mort 
même,  sans  l'aide  d'embellissements  poétiques.  La  mort  de 
Madame  Henriette  a  fourni  un  thème  à  plusieurs  personnes  qui 
l'ont  développé  sans  nulle  prétention  Httéraire^  et  leurs  récits 
sont  très  émouvants.  Celui  de  Madame  de  La  Fayette  cependant 
les  dépasse  de  beaucoup,  car  d'une  part  elle  était  fortement 
émue  et  d'autre  part  elle  se  gardait  bien  de  laisser  déborder  sa 
douleur.  Cette  émotion  contenue  nous  a  donné  quelques  pages 
qui  suffiraient  presque  seules  à  faire  vivre  le  nom  de  l'auteur  et 
à  la  faire  aimer. 

Nous  avons  dit  plus  haut  pourquoi  Madame  de  La  Fayette 
n'acheva  pas  l'histoire  d'Henriette  d'Angleterre.  Elle  n'eut  donc 
pas  la  tentation  de  Hvrer  son  œuvre  aux  libraires  et  au  pubUc... 

Quand  enfin,  en  1720,  le  manuscrit  trouva  un  imprimeur,  ce 
fut  en  Hollande.  L'éditeur,  Michel  Charles  le  Cène,  ne  le  dis- 
tingua nullement  d'un  tas  d'autres  libelles  qui  encombraient 
ses  ateUers.  Les  noms  propres,  mal  lus,  furent  pour  la  plupart 
défigurés.  Un  éditeur  ignorant  y  ajouta  des  notes  qui  ne 
pouvaient  qu'égarer  le  lecteur. 

En  1853  A.  Bazin  réédita  le  volume  "à  peu  près  parfaite- 
ment" dit  un  de  ses  critiques^.  Mais  cet  ouvrage  paraît  avoir 
joué  de  malheur  car  Bazin  mourut  avant  l'impression  de  son 
manuscrit  et  l'imprimeur  laissa  subsister  plusieurs  coquilles. 
Enfin  en  1882,  Madame  de  La  Fayette  trouva,  en  la  per- 
sonne de  M.  Anatole  France,  un  éditeur  digne  d'elle  et  le 
lecteur  moderne  pourra  lire  la  Vie  de  Madame  Henriette  dans 

1  P.  e.  le  récit  de  Feillet,  ms.  Arsenal. 

2  Loiiis  Énaiilt  dans  VAthenaeum  français,  16  avr.  1853. 


126  Madame  de  La  Fayette  [ch.  vi 

la  jolie  édition  de  la  Bibliothèque  des  Dames  où  l'éminent 
romancier  épuise  à  peu  près  le  sujet  dans  une  préface  aimable 
et  savante^. 

^  Cette  édition,  pourtant,  n'est  pas  exempte  de  fautes.  À  la  page  5, 
note  1 ,  Madame  de  La  Fayette  pour  Mademoiselle  de  La  Fayette  pourrait 
induire  en  errevir:  Cambont  pour  Cambout,  p.  127,  note  1  (avec  une  faute 
d'impression,  3  povir  1).  P.  xliii,  note  1,  le  N»  de  la  p.  est  liv  et  non  xliv. 
Page  1,  la  lettre  de  Marie  de  Gonzague  est  datée  1644  au  lieu  de  1664. 
Mais  ce  ne  sont  là  que  coquilles  d'impression  sans  importance. 


CHAPITRE  VII 

LE  ROMANCIER— ^.47/}^ 

Après  la  nouvelle  et  le  roman  vécu  que  sont  respectivement 
la  Princesse  de  Montjpensier  et  Henriette  d'Angleterre,  Madame 
de  La  Fayette  aborda  le  roman  romanesque.  Elle  n'y  a  qu'à 
demi  réussi,  d'abord  parce  que  le  genre  ne  lui  convenait  pas  et 
surtout,  nous  semble-t-il,  parce  qu'elle  fut  gênée  par  ses  col- 
laborateurs. On  s'est  plu  à  démontrer  que  Zdide  est  bien  d'elle 
et  non  pas  de  Segrais,  Nous  reparlerons  de  cela  plus  loin,  mais 
il  faut  dire  d'ores  et  déjà  que  Madame  de  La  Fayette  n'est  que 
l'un  des  auteurs  de  ce  roman. 

Nous  croyons — sans  oser  l'affirmer — que  Madame  de  La 
Fayette  commença  de  bonne  heure  à  écrire  des  nouvelles.  L'une 
d'elles,  qui  relevait  du  genre  historique,  fut  publiée  sous  le  titre 
de  La  Princesse  de  Montpensier;  il  restait  parmi  ses  papiers 
d'autres  essais,  dont  quelques-uns  remontaient  peut-être  à 
l'époque  du  séjour  au  Havre^.  Lorsque  Madame  de  La  Fayette 
relut  avec  La  Rochefoucauld^  et  Segrais  VAstrée,  VAmadis  et 
les  romans  de  Mlle  de  Scudéry,  l'idée  lui  vint  peu  à  peu  ou 
bien  d'utiliser  ses  essais  de  jeunesse,  ou  bien  même  d'essayer 
de  composer  un  roman  tout  d'une  pièce.  Mais  il  nous  semble  que 
si  elle  avait  suivi  ses  propres  inclinations  elle  n'aurait  pas 
''remonté  le  courant"  qui  entraînait  le  roman  vers  des  directions 
nouvelles  pour  écrire  un  ouvrage  tel  que  Zdide.  Son  imagination 

1  On  remarquera  que  Zaïde  est  le  seul  de  ses  romans  où  il  est  question 
des  voyages  en  mer  et  des  aventures;  les  scènes  principales  se  passent 
aux  bords  de  la  mer.  Tout  ce  mouvement  semblerait  indiquer  une  œu\Te 
de  jeunesse,  et  le  cadre  aurait  pu  être  suggéré  par  un  séjour  prés  de 
l'océan.  Nous  n'insistons  pas  siir  cette  hypothèse,  n'étant  pas  tout  à 
fait  sûr  que  Mlle  de  La  Vergne  ait  séjourné  au  Havre. 

2  Longuerue,  L.  du  F.  de,  Longiiervuna....  1754,  p.  81.  "....Tous  les 
après-midi  il  s'assembloit  avec  Segrais  chez  Madame  de  La  Fayette,  et 
on  y  faisoit  une  lecture  de  VAstrée:'  Mme  de  La  Fayette  recueillit 
Segrais  chez  elle  quand  il  quitta  le  Luxembourg.  Du  Pradel,  dans  sa 
liste  des  membres  de  l'Académie  (1676),  donne  l'adresse  de  Segrais  "rue 
de  Vaugirard,  vers  le  Calvaire  " — c'est  à  dire  chez  Madame  de  La  Fayette. 
Voir  Le  Livre  Commode  des  adresses  de  Paris,  ii.  p.  281  dans  l'Édition 
Elzév. 


128  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

n'était  pas  assez  puissante  pour  cela,  ce  n'était  pas  dans  ses 
goûts,  et  le  travail  était  de  trop  longue  haleine  pour  une  femme 
qui  "aimait  le  changement  en  toutes  choses."  Or,  il  arriva  qu'au 
moment  où  elle  entreprit  ce  travail,  elle  avait  auprès  d'elle 
La  Rochefoucauld,  Segrais  et  Ménage.  Segrais  nous  dit  la  part 
qu'il  eut  au  travail:  "La  Princesse  de  Clèves  est  de  Madame  de 
La  Fayette  qui  a  méprisé  de  répondre  à  la  critique  que  le 
P.  Bouhours  en  a  faite^,  Zdide  qui  a  paru  sous  son  nom  est 
aussi  d'elle.  Il  est  vrai  que  j'y  ai  eu  quelque  part,  mais  surtout 
pour  la  disposition  du  Roman  où  les  règles  de  l'art  sont  observées 
avec  grande  exactitude^."  Eh  bien  !  n'en  déplaise  à  Segrais, 
nous  osons  croire  que  si  Mme  de  La  Fayette  avait  eu  un 
peu  plus  de  confiance  en  elle-même,  elle  aurait  produit,  sans  le 
secours  de  Segrais,  un  roman  moins  touffu  et,  disons  le  mot, 
moins  ennuyeux.  On  a  beau  s'extasier  sur  Zdide  parce  que  ce 
Uvre  est  de  Mme  de  La  Fayette,  on  a  beau  faire  remarquer  qu'il 
est  plus  court  que  d'autres  romans  de  l'époque,  on  a  beau  sou- 
Hgner  les  réelles  quahtés  du  style,  il  n'en  reste  pas  moins  vrai 
que  l'intérêt  en  est  très  inégal  et  l'obligation  de  le  lire  d'un  trait 
est  extrêmement  pénible.  Le  lecteur  qui  ne  voudra  pas  s'y 
résoudre,  (et  il  aura  tort,  car  il  est  des  épisodes  où  l'on  retrouve 
Madame  de  La  Fayette)  pourra  juger  des  efforts  de  Segrais 
d'après  ce  résumé  de  l'œuvre.  L Histoire  de  Consalve  et  de  Zdide 
commence — Consalve  raconte  sa  vie  à  Alphonse — Récit  principal 
— Histoire  d'Alphonse  et  de  Bélasire — Récit  principal — Histoire 
de  don  Garcie  et  d'Herménésilde^ — Récit  principal — Histoire  de 
Zaïde  et  de  FéHme — Histoire  d''Alamir,  prince  de  Tharse — Suite 
de  l'histoire  de  Zaïde  et  de  Féhme — Récit  principal — Suite  et 
fin  de  l'histoire  de  Zaïde — Sîiite  et  fin  du  récit  principal. 

La  composition  est  mauvaise  pour  deux  raisons,  qui  toutes 
les  deux  ont  du  poids.  D'abord,  l'action  est  double  :  (a)  l'histoire 
de  Consalve  et  de  Zaïde,  (6)  l'histoire  d'Alamir  et  de  Félime; 
de  plus,  on  sent  l'effort  à  chaque  pas.  H  est  par  trop  évident 
que  l'histoire  épisodique  d'Alphonse  et  Bélasire  menace  depuis 
le  début  du  récit  et  qu'elle  pourrait  bien  des  fois  venir  assez 
naturellement,  si  le  récit  de  Consalve,  héros  du  roman,  ne 
devait  passer  le  premier  et  s'il  n'exigeait  qu'aucun  autre  récit 
ne  vienne  immédiatement  après  lui.    Le  résultat  de  cet  effort 

^  Segrais  se  trompe  comme  l'ont  fait  la  plupart  de  ses  contemporains. 
La  critique  n'était  pas  de  Bouhours.   Voir  chap.  sur  la  P.  de  Clèves. 

2  Segraisiana,  Paris,  1722,  in  12°,  p.  9. 

3  Histoire  nécessaire,  il  est  vrai,  au  récit  principal. 


V[i]  Le  Romancier — Zaïde  129 

vers  une  composition  régulière  est  que  l'histoire  d'Alphonse  est 
située  à  sa  place,  quand  le  départ  de  Zaïde  arrête  l'action,  mais 
qu'il  vient  d'une  façon  tout  à  fait  inattendue.  Enfin,  malgré 
les  grands  mérites  de  ce  récit,  mérites  sur  lesquels  nous  insisterons 
plus  tard,  on  se  demande  vraiment  pourquoi  Alphonse  figure 
dans  l'histoire  de  Zaïde,  si  ce  n'est  pour  faire  parler  Consalve 
dans  son  désert  et  pour  que  son  récit  fasse  pendant  "selon  les 
règles  de  l'art"  à  celui  d'Alphonse.  Toujours  est-il  qu'une  fois 
que  Consalve  a  quitté  son  "désert,"  Alphonse  disparaît  du 
roman. 

En  somme  si  Segrais  n'a  fait  qu'arranger  les  choses,  de  sorte 
que  chaque  fois  que  le  récit  fait  un  pas  en  avant,  un  épisode 
intervienne  pour  en  arrêter  la  marche — à  tel  point  que  l'esprit 
se  fatigue  à  suivre  l'action  principale  à  travers  ces  parenthèses 
— il  n'avait  pas  Heu  de  se  vanter. 

Quant  à  La  Rochefoucauld,  l'éditeur  de  ses  œuvres  réclame 
en  sa  faveur  une  intervention,  qui  se  serait  manifestée  par  sa 
critique,  ses  conseils,  de  détail  au  moins,  dans  la  rédaction  de 
ce  Hvre.  Cette  intervention  est  plus  difficile  à  préciser  que  ne 
l'est  celle  de  Segrais  ;  mais  on  peut  admettre,  au  besoin,  que  là 
où  les  personnages  font  un  examen  de  conscience  et  s'expriment 
en  des  phrases  qui  ressemblent  à  des  maximes,  la  voix  d'un 
homme  qui  était  spéciahste  en  la  matière  fut  sans  doute  écoutée. 
Est-ce  lui  qui  fait  dire  :  "  On  est  jaloux  sans  sujet.. .  .quand  on  est 
bien  amoureux"  et  ailleurs:  "les  jalousies  des  amants  ne  sont 
que  fâcheuses,  mais  celles  des  maris  sont  fâcheuses  et  offen- 
santes "  ?  Quelle  que  soit  la  part  qu'il  ait  prise  à  la  rédaction  de 
Zaïde,  il  est  certain  qu'il  a  soumis  certains  passages  à  ses  amis 
pour  en  avoir  leur  opinion.  Voici  un  de  ces  passages;  on  re- 
marquera que  c'est  justement  l'une  de  ces  analyses  de  senti- 
ments dont  nous  venons  de  parler,  et  on  pourra  supposer,  sans 
trop  hasarder,  que  la  page  est  de  La  Rochefoucauld. 

"J'ai  cessé  d'aimer  toutes  celles  qui  m'ont  aimé  et  j'adore 
Zaïde  qui  me  méprise.  Est-ce  sa  beauté  qui  produit  un  effet 
si  extraordinaire,  ou  si  ses  rigueurs  causent  mon  attachement? 
Seroit-il  possible  que  j'eusse  un  si  bizarre  sentiment  dans  le 
cœur  et  que  le  seul  moyen  de  m'attacher  fût  de  ne  m'aimer  pas  ? 
Ha  !  Zaïde,  ne  serai- je  jamais  assez  heureux  pour  être  en  état 
de  connoître  si  ce  sont  vos  charmes  ou  vos  rigueurs  qui  m'at- 
tachent à  vous^?" 

1  Portefeuille  de  Valant,  BibI,  Nat.  ms.  T.  n.  î°^  162-3.    Voir  à  ce 
sujet  La  Rochefoucauld,  Éd.  G.  É.  in.  10-11,  et  l'album. 

A.  g 


130  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

Après  avoir  été  examiné  par  ses  amis  et  remanié  par  les 
collaborateurs,  ce  passage  devient  dans  Zaïde: 

"Je  n'ai  pu  aimer  toutes  celles  qui  m'ont  aimé:  Zaïde  me 
méprise  et  je  l'adore.  Est-ce  son  admirable  beauté  qui  produit 
un  effet  si  extraordinaire  ?  ou  seroit-il  possible  que  le  seul  moyen 
de  m'attacher  fût  de  ne  m'aimer  pas?  Ah  !  Zaïde,  ne  me  mettrez- 
vous  jamais  en  état  de  connoître  que  ce  ne  sont  pas  vos  rigueurs 
qui  m'attachent  à  vous^?  " 

Madame  de  La  Fayette  paraît  avoir  appliqué  à  cet  endroit 
son  principe  qu'  "une  période  retranchée  d'un  ouvrage  vaut  un 
louis  d'or,  un  mot,  vingt  sous."  Il  est  de  toute  évidence  que  le 
passage  tel  qu'on  l'a  imprimé  est  bien  supérieur  au  brouillon. 

Mais  La  Rochefoucauld  ne  fut  pas  le  seul  à  soumettre  le 
brouillon  de  Zaïde  aux  critiques  compétents.  Ménage  aussi 
était  au  courant  de  la  situation  d'après  un  fragment  de  lettre 
à  Huet  où  Madame  de  La  Fayette  écrit  :  "que  la  paresse  ne  vous 
prenne  pas  ce  seroit  une  honte  de  ne  pas  achever  d'embellir 
Zahyde^."  Ménage  a-t-il  eu  une  part  plus  considérable  à  la 
rédaction  du  roman?  fut-il  employé  par  son  ancienne  élève  à 
veiller  à  l'impression  de  Zaïde,  comme  nous  avons  déjà  vu 
qu'il  l'avait  été  pour  la  Princesse  de  Moritpensierl  Nous  l'igno- 
rons. Dans  la  correspondance  contemporaine  il  n'est  jamais 
question  de  lui  à  ce  sujet,  mais  ceci  ne  prouve  rien  car  il  en  fut 
de  même  pour  sa  collaboration  à  la  première  œuvre  de  Mme  de 
La  Fayette.  Il  est  fort  probable  qu'il  reçut  le  brouillon  avant 
qu'on  l'ait  envoyé  à  Huet. 

Ce  dernier  revit  le  roman  au  fur  et  à  mesure  de  sa  rédaction, 
et  c'est  lui  qui  appuie  ce  que  dit  Segrais  lui-même  au  sujet  de 
la  part  prépondérante  qu'a  prise  Madame  de  La  Fayette  dans 
la  composition  de  l'ouvrage.  "Ses  nouvelles,"  écrit  l'évêque 
d'Avranches  dans  une  notice  sur  Segrais,  "furent  bien  reçues 
du  public,  moins  toutefois  que  Zayde  et  quelques  autres  ou- 
vrages de  ce  genre  qui  parurent  sous  son  nom^  et  qui  étaient  en 
effet  de  la  Comtesse  de  La  Fayette,  comme  lui  et  la  Comtesse 
l'ont  déclaré  souvent  à  plusieurs  de  leurs  amis  qui  en  peuvent 
rendre  un  témoignage  assuré.    Pour  Zayde,  je  le  sais  d'original, 

1  Éd.  Garnier,  p.  193. 

2  Corr.  de  Huet.  Bibl.  Nat.  ms.  Lettre  xiii.  et  Henry,  Un  érudit 
homme  du  mx)nde 

^  Si  l'on  admet  que  Huet  ne  tombe  pas  dans  l'erreur  commune  de 
croire  que  la  P.  de  M.  et  la  P.  de  C.  furent  publiées  sous  le  nom  de  Segrais 
parce  qu'on  les  lui  attribuait,  quels  furent  ces  ouvrages? 


vu]  Le  Romancier — Zaïde  131 

car  j'ay  souvent  vu  Mme  de  La  Fayette  occupée  à  ce  travail  et 
elle  me  le  communiqua  tout  entier  pièce  à  pièce  avant  que  de  le 
rendre  public.  Et  comme  ce  fut  pour  cet  ouvrage  que  je  com- 
posai le  Traité  de  Vorigine  des  Romans,  qui  fut  mis  en  tête^  elle 
me  disoit  souvent  que  nous  avions  marié  nos  enfants  ensemble. 
Je  rapporte  ce  détail  pour  désabuser  quelques  personnes  qui, 
bien  que  peu  instruites  de  la  vérité  de  ce  fait,  ont  voulu  le  con- 
tester....2" 

Malgré  ce  témoignage,  certaines  personnes  refusaient  d'être 
"désabusées"  et  Huet  écrit  dans  ses  Mémoires  "....Elle  se 
soucioit  si  peu  des  justes  éloges  dont  elle  étoit  l'objet  qu'elle 
voulut  que  son  agréable  roman  de  Zayde  parût  sous  le  nom  de 
Segrais.  Ce  fait  ayant  été  rapporté  par  moi  dans  les  Origines  de 
Caen  on  s'en  plaignit  comme  d'une  injure  faite  à  la  réputation 
de  Segrais.  Des  gens  mal  avisés,  auteurs  de  ces  plaintes,  igno- 
roient  parfaitement  la  vérité.  On  me  l'avoit  confiée,  et  outre 
que  j'en  étois  surabondamment  instruit  par  le  témoignage 
irrécusable  de  mes  yeux,  je  puis  en  fournir  une  foule  de  preuves 
tirées  des  lettres  de  Mlle  de  Lavergne  laquelle  m'envoyoit  au 
fur  et  à  mesure  qu'elle  les  avoit  écrites  les  différentes  parties 
de  cet  ouvrage,  avec  ordre  de  les  réviser^." 

En  effet,  on  avait  recours  à  Huet  pour  juger  d'abord  le  fond 
du  roman  et  lorsqu'on  avait  terminé  le  travail  de  rédaction, 
on  le  lui  remettait  encore  pour  qu'il  critiquât  la  forme.  Une  de 
ces  lettres  de  Mme  de  La  Fayette,  dont  il  est  fait  mention  plus 
haut,  est  venue  jusqu'à  nous,  parmi  les  copies  des  papiers  de 
Huet  conservées  à  la  Bibliothèque  Nationale.  "Je  vous  envoyé 
le  troisième  et  le  quatrième  cahier,"  lui  écrit-elle,  "Ce  dernier 
n'est  point  du  tout  corrigé  ni  revu,  aussi  vous  y  trouverez  bien 
à  mordre  ;  mais  ne  vous  amusez  guère  aux  expressions  et  prenez 
seulement  garde  aux  choses;  car  quand  nous  l'aurons  corrigé, 
vous  y  repasserez  encore.  Si  je  n'avois  point  eu  mille  affaires 
j'aurois  été  vous  rendre  visite...."  etc.  Et  elle  tennine  par  un 
post-scriptum  "Servez-vous  de  crayon  rouge,  on  ne  voit  pas 
le  noir." 

Il  est  regrettable  que  Huet  n'ait  pas  profité  de  l'autorisation 
que  lui  donnait  son  amie  et  qu'il  n'ait  pas  fait  remarquer  le 
nombre  de  coïncidences  qui,  nécessaires  à  l'action,  nuisent  par 
trop  à  la  vraisemblance.    Avec  les  défauts  attachés  à  la  com- 

1  Voir  les  premières  éditions  de  Zaïde  d^s  notre  bibliog. 

2  Les  Origines  de  Caen,  pp.  408  et  suiv. 

^  Méfïi.  de  Dan.  Huet....  trad.  Nisard,  pp.  132-3. 

9—2 


132  Madame  de  La  Fayette  [ch^ 

position,  l'intervention  du  deus  ex  machina  est  une  des 
imperfections  les  plus  visibles  du  roman.  Même  si  l'on  admet 
le  rôle  dévolu  au  portrait^  (qui  correspond  à  "la  croix  de 
ma  mère"  du  mélodrame  français)  les  coïncidences  d'ordre 
secondaire  sont  beaucoup  trop  nombreuses  et  trop  peu  vrai- 
semblables. 

Nous  pouvons  au  besoin  admettre  l'existence  de  la  maison 
d'Alphonse,  ses  galeries  et  ses  peintures,  l'habileté  avec  laquelle 
Zaïde  se  fait  belle  sous  ses  vêtements,  qui  pourtant  n'ont  pas 
manqué  d'être  abîmés  par  la  mer.  Ce  ne  sont  là  que  détails 
sans  importance.  Mais  nous  nous  étonnons  de  ces  autres  coïn- 
cidences essentielles  pour  le  progrès  de  l'action.  Nugna  Bella, 
ambitieuse,  habituée  aux  intrigues  de  la  cour,  pas  du  tout  éva- 
porée, mais  tout  au  contraire  en  pleine  possession  d'elle-même, 
se  trompe  en  envoyant  deux  lettres  fort  importantes.  C'est 
possible — mais  c'est  surprenant.  Don  Manrique  va  faire  un 
tour  de  promenade,  il  s'arrête  précisément  sous  la  fenêtre  de 
Bélasire,  mi  soir  où,  par  hasard,  Alphonse  revient  sur  ses  pas, 
à  l'instant  où  Bélasire  ouvre  la  fenêtre  avec  l'intention  de  lui 
parler.  L'infortuné  périt,  victime  de  tant  de  coïncidences. 
Consalve  est  plus  heureux:  il  entend  parler  Zaïde  qu'il  croit 
être  passée  en  Afrique.  Il  la  voit  dans  une  barque.  Mais  alors 
la  chance  le  quitte,  car  ses  amis  qui  viennent  le  chercher  pour 
qu'il  rentre  à  la  cour  le  traitent  assez  sévèrement  et  l'empêchent 
de  communiquer  avec  celle  qu'il  aime.  Mais  pendant  la  guerre 
qui  suit,  dans  la  première  ville  prise,  dans  la  première  maison 
où  il  entre,  dans  la  première  salle  de  cette  maison,  il  rencontre — 
qui  donc?  Zaïde  elle-même!  Et  il  ne  s'était  arrêté  en  chemin 
que  pour  sauver  la  vie  à  un  nommé  Zuléma  qui  se  trouvait  être 
père  de  la  dite  Zaïde  !  Et  tout  cela  repose  sur  ce  portrait  du 
futur  fiancé  que  l'astrologue  croyait  être  celui  du  prince  de  Fez, 
et  qui,  bien  entendu,  représentait  les  traits  de  Consalve  lui- 
même.  Ce  père  du  prince  de  Fez  n'avait-il  pas  épousé  en  justes 
noces  la  sœur  de  Nugnez  Fernando,  captive  des  Maures?  Si  ! — 
et  la  personne  fictive  dont  Consalve  était  jaloux  sans  raison 
n'aurait  pu  être  que  son  cousin  si  elle  avait  existé.  Or  les  cousins 
se  ressemblent  toujours  étonnamment! 

Ces  faiblesses  ne  passèrent  pas  inaperçues,  plus  tard,  lorsque 
l'ouvrage  fut  rendu  public  mais  les  amis  qui  lurent  le  manuscrit 
étaient  tellement  habitués  aux  extravagances  des  romans  de 

1  Était-ce  un  lointain  souvenir  du  portrait  qui,  dans  Polexandre,  fait 
partir  le  roi  des  Canaries  vers  des  aventures  merveilleuses? 


vu]  Le  Romancier — Zaïde  133 

ce  genre  que,  fort  probablement,  Zàide  leur  paraissait  d'un 
naturel  parfait. 

Il  est  certain  que  le  roman  ne  fut  pas  inventé  de  toutes 
pièces,  malgré  l'invraisemblance  de  certains  incidents.  Koerting^ 
a  déjà  indiqué  comme  source  de  la  partie  "  historique  "  un  roman 
de  Hita^  que  Madame  de  La  Fayette  aurait  pu  Kre  dans  une 
traduction  française  publiée  à  Paris  en  1660.  La  Rochefoucauld 
et  elle  aimaient  à  passer  l'après-midi  à  Ure  des  romans  et  les 
libraires  de  Paris  exploitaient  à  cette  époque  la  vogue  des  his- 
toires espagnoles.  Cette  vogue  était  plus  grande  qu'on  ne  le 
croit  généralement  et  les  gens  capables  de  lire  l'espagnol  étaient 
assez  nombreux  à  Paris  pour  que  les  Ubraires  fissent  des  éditions 
en  cette  langue,  portant  en  marge  la  traduction  des  mots  diffi- 
ciles^. 

Il  est  une  autre  source  qu'il  faudrait  rechercher — Mme  de  La 
Fayette  qu'a-t-elle  emprunté  à  la  vie  quotidienne  ?  La  réponse 
demande  un  travail  minutieux  qui  sera  fait  plus  tard.  Nous 
pouvons  toujours  indiquer  quelques  détails  dont  l'intérêt 
nous  conseille  d'entreprendre  ce  travail.  Segrais  écrit:  "La 
jalousie  d'Alphonse,  qui  paroit  extraordinaire,  est  dépeinte 
sur  le  vrai,  mais  moins  outrée  qu'elle  ne  l'étoit  en  effet...." 
L'étude  de  la  jalousie  paraît  avoir  toujours  intéressé  Madame 
de  La  Fayette,  et  même  sans  l'indication  de  Segrais,  on  serait 
naturellement  tenté  de  rechercher  dans  la  vie  réelle  les  sources 
de  certaines  parties  de  Zaïde.  La  comtesse  avait  eu  sous  les 
yeux  quelques  grands  de  la  cour  qui  furent  tourmentés  par  la 
jalousie.  Elle  avait  déjà  écrit,  à  propos  de  Monsieur:  "La  jalou- 
sie dominoit  en  lui;  mais  cette  jalousie  le  faisoit  plus  souffrir 
que  personne,  la  douceur  de  son  humeur  le  rendant  incapable 
des  actions  violentes  que  la  grandeur  de  son  rang  auroit  pu  lui 
permettre*." 

Nous  avons  déjà  vu  avec  quel  soin  Mme  de  La  Fayette 
cherchait  à  découvrir  sous  les  noms  romanesques  des  person- 
nages de  la  Clélie,  les  véritables  caractères  de  ses  amis  de  la 
cour.    N'a-t-eUe  pu  être  tentée  de  faire  elle-même  le  jeu  con- 

1  Gesch.  der  Fr.  Rom.  i.  p.  476. 

2  Caballeros  moros  de  Granada,  de  las  civiles  guerras....  Saragossa, 
1595-1604. 

3  M.  RejTiier,  professeur  en  Sorbonne,  prépare  depms  longtemps  une 
bibUog.  des  livres  espagnols  imprimés  à  Paris  et  de  lexirs  traductions. 
C'est  de  lui  que  nous  tenons  ce  détail  concernant  les  éditions  spéciales 
pour  lecteurs  français. 

*  Henriette  d'Angleterre,  Éd.  France,  p.  17. 


134  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

traire  dans  les  pages  de  Zaïde  et  de  cacher,  par  ci  par  là,  sinon 
des  portraits  en  pied,  du  moins  des  esquisses  susceptibles  d'être 
reconnues  par  une  élite  ? 

Les  faits  d'armes  eux-mêmes  semblent  avoir  été  empruntés 
à  quelque  gazette  de  l'époque  aussi  bien  qu'à  Hita.  Nous  ne 
pouvons  rien  affirmer  encore  sur  cette  question,  mais  il  faudrait 
expliquer  pourquoi  la  description  de  la  bataille  de  Rocroi,  faite 
par  Bossuet  dans  son  éloge  du  prince  de  Condé,  ressemble  si 
étonnamment  à  celle  de  la  bataille  d'Almaras  dans  Zaïde. 
Consalve  "touché  de  voir  périr  de  si  braves  gens,  cria  qu'on  leur 
fit  quartier."  Condé  "qui  ne  put  voir  égorger  ces  lions  comme  de 
timides  brebis,  calma  les  courages  émus  et  joignit  au  plaisir  de 
vaincre  celui  de  pardonner."  Les  vaincus  dans  Zaïde  "sem- 
bloient  n'avoir  d'autre  application  qu'à  admirer  sa  clémence 
après  avoir  éprouvé  sa  valeur."  Quant  aux  Espagnols  vaincus 
par  Condé  "De  quels  yeux  regardèrent-ils  le  jeune  Prince,"  dit 
Bossuet,  "dont  la  victoire  avoit  relevé  la  haute  contenance,  à 
qui  la  clémence  ajoutoit  de  nouvelles  grâces^  !  "  Que  penser  de 
ces  rencontres?  Sont-elles  dues  à  des  souvenirs  de  Zaïde  qui 
ont  inspiré  Bossuet?  Ou  ne  faudrait-il  pas  admettre  une  source 
commune  dans  quelque  description  officielle  de  la  bataille? 
C'est  un  point  à  éclaircir. 

Le  travail  de  préparation,  de  rédaction  et  de  refonte  fut 
achevé  vers  la  fin  de  l'année  1669  et  bien  que  la  première  édition 
porte,  selon  l'habitude  que  l'on  observe  encore  pour  les  livres 
publiés  à  la  fin  d'une  année,  la  date  de  l'année  suivante,  il  est 
certain  que  Zaïde  se  trouva  entre  les  mains  des  Parisiens  au 
mois  de  décembre  1669^.  L'opinion  générale  lui  était  favorable 
et  Segrais  reçut  des  louanges  de  son  côté,  car  on  croyait,  puisque 
son  nom  seul  figurait  sur  la  page  de  titre,  que  l'ouvrage  était  de 
lui.  En  effet,  on  pourrait  se  demander,  étant  donné  le  rôle 
secondaire  qui  avait  été  le  sien  lors  de  la  composition  du  roman, 
pourquoi  il  fut  choisi  pour  servir  de  masque  à  Mme  de  La  Fayette. 
A  vrai  dire,  il  était  tout  à  fait  indigne.  La  Rochefoucauld  ne 
pouvait  pas  signer  un  roman — lui  qui  osait  à  peine  signer 
des  maximes.  Madame  de  La  Fayette  ne  voulait  pas  passer 
"pour  un  auteur  de  profession."   Par  contre,  rien  n'empêchait 

^  Or.  Fun.  (Jouaust,  pp.  229-30).  Voir  Fournel,  Litt.  indép.,  Paris, 
120,  p.  198. 

2  Madame  du  Bouchet  écrit  à  Bussy  le  18  déc.  1669:  "Je  voxis  envoie 
Zaïde  de  Segrais....''  Bussy -Rab utin,  Corr.  i.  228.  L'achevé  d'imprimer 
est  du  20  nov.  1669. 


vu]  Le  Romancier — Zaïde  135 

son  protégé  Segrais,  qui  n'avait  d'autre  profession  que  celle 
d'auteur  et  de  bel  esprit,  de  signer  un  ouvrage,  où  il  avait  eu 
d'ailleurs  peu  de  part.  Il  donna  donc  son  nom,  il  accepta  les 
louanges,  et  au  besoin  il  parla  de  sa  Zaidé^  sans  oublier,  en 
honnête  homme  qu'il  était,  de  laisser  derrière  lui  le  témoignage 
que  sa  Zaïde  n'était  pas  de  lui. 

Peu  de  temps  après  la  pubhcation  du  hvre,  le  Père  Bouhours 
lui  dit:  "qu'il  croyoit  qu'il  n'y  auroit  pas  grand-mal  à  lire  les 
Romans  s'ils  étoient  écrits  de  même."  Segrais  ajoute:  "C'est 
que  les  effets  de  l'amour  y  sont  décrits  d'une  manière  plus 
historique  qu'ailleurs  et  que  cela  ne  fait  pas  tant  d'impression^." 

Bussy-Rabutin  se  montre  critique  plus  avisé  et  son  opinion, 
comme  celle  d'un  lecteur  éclairé  de  l'époque,  est  intéressante  à 
consulter.  "Je  viens  de  hre  le  roman  de  Segrais,"  écrit-il  à 
Mme  du  Bouchet.  "  Rien  n'est  mieux  écrit.  Si  tous  les  romans 
étoient  comme  celui-là,  j'en  ferois  ma  lecture^;  mais  comme  il 
n'y  a  rien  de  parfait,  je  vais  vous  en  dire  mon  sentiment,  sans 
prétendre  que  ce  soit  une  décision  sans  répUque. 

"Les  histoires  de  Gonzalve,  de  Nugnabella,  de  Don  Garcie 
et  de  Don  Ramire  sont  très  joHes;  il  ne  s'y  peut  rien  désirer. 
Quant  aux  amours  de  Gonzalve  pour  Zaïde  elles  sont  extrava- 
gantes. On  la  lui  fait  aimer  sitôt  qu'il  la  voit,  ayant  encore  le 
cœur  remph  de  douleur  des  infidélités  de  sa  première  maîtresse 
et  de  la  trahison  de  son  ami;  d'ailleurs  n'entendant  point  la 
langue  de  Zaïde.  Tout  cela  m'a  paru  hors  de  la  vraisemblance, 
et  je  ne  puis  souffrir  que  le  héros  du  roman  fasse  le  personnage 
d'un  fou.  Si  c'était  une  histoire,  il  faudroit  supprimer  ce  qui 
n'est  pas  vraisemblable,  car  les  choses  extraordinaires  qui 
choquent  le  bon  sens  discréditent  les  vérités.  Mais  dans  un 
roman  où  l'on  est  maître  des  événements,  il  les  faut  rendre 
croyables,  et  qu'au  moins  le  héros  ne  fasse  pas  des  extrava- 
gances*....Il  me  parait  encore  qu'Alphonse  devoit  taire  tout 

1  Segraisiana,  p.  66.  "Alors  que  ma  Zayde  fut  imprimée " 

2  Ibid.  p.  194. 

3  II  Im  avait  déjà  écrit  en  réponse  à  sa  lettre  mentionnée  à  la  note  2, 
page  134,  "Je  ne  lis  plus  de  romans  depuis  le  collège,  mais  je  me  prépare 
à  lire  avec  un  grand  plaisir  celm  de  Segrais.  Il  ne  peut  rien  écrire  qiii  ne 
soit  joli." 

*  Ces  idées  représentent  bien  l'attitude  des  critiques  de  l'époque. 
Huet  lui-même  écrit,  et  en  tête  de  Zaïde,  " — la  vraysemblance,  qui  ne 
se  trouve  pas  toujours  dans  l'histoire,  est  essentielle  au  Roman."  Cette 
opinion  ne  l'empêche  pas,  d'ailleurs,  de  dire:  "Pour  vous  Monsieur,  pviis- 
qu'il  est  vray  comme  je  l'ay  montré  et  comme  Plutarque  l'assvire  qu'un 


136  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

ce  que  la  jalousie  lui  faisoit  penser.  Segrais  nous  le  représente 
dans  sa  retraite  avec  un  caractère  de  sagesse  qui  ne  s'accorde 
pas  avec  les  discours  qu'il  lui  fait  tenir.  Je  sais  bien  que  la 
jalousie  fait  imaginer  toutes  les  plus  ridicules  sottises,  mais  les 
honnêtes  gens  ne  les  font  pas  paroître.  On  croit  voir  dans 
Alphonse  et  dans  Gonzalve  deux  fous  qui  se  veulent  guérir  l'un 
l'autre  de  leur  foUe....^" 

Évidemment,  Bussy,  qui  voudrait  supprimer  la  jalousie 
d'Alphonse  mais  qui  se  délecte  aux  autres  histoires,  qui  trouve 
à  critiquer  dans  l'amour  de  Consalve  pour  Zaïde  mais  qui 
accepte  les  invraisemblances  de  l'action,  ne  juge  pas  d'après 
les  mêmes  règles  que  nous.  Au  reste,  ses  contemporains,  qui 
Usaient  avec  l'intention  de  se  distraire  et  non  pas  de  critiquer, 
furent  moins  sévères:  Zaïde  obtint  un  grand  succès,  même 
auprès  des  lecteurs  cultivés.  Pour  comprendre  ce  succès,  il 
suffit  de  se  rappeler  ce  qu'étaient  les  romans  avec  lesquels  on 
pouvait  comparer  celui-ci.  Sans  vouloir  refaire  l'histoire  du 
roman  avant  Zaïde,  contentons-nous  d'ouvrir  un  livre  qui  prit 
place  sur  les  rayons  de  la  bibliothèque  de  Huet  peu  après  la 
pubHcation  de  l'ouvrage  de  Mme  de  La  Fayette.  On  y  Hra,  ex- 
primée par  Sorel,  l'opinion  suivante  sur  les  "romans  modernes." 
"Ce  sont,"  écrit-il,  "des  amours  de  Seigneurs  et  de  Dames  de 
hautes  quahtés  et  mesme  de  Princes  et  de  Princesses  qui  sont 
accompagnez  de  Balets,  de  Carrouzels,  &  d'autres  galanteries  de 
cour,  et  mesme  de  combats  singuHers,  de  batailles  et  de  voyages, 
desquels  les  événements  sont  donnez  pour  tout  naturels,  parce 
qu'il  n'y  a  ny  miracle,  ny  magie  ;  neantmoins  la  pluspart  ne  sont 
pas  faisables  &  il  y  en  a  une  telle  quantité  les  uns  sur  les  autres 
qu'il  n'est  pas  croyable  qu'il  arrive  de  si  bizarres  avantures  à 
un  homme  seul.  Afin  de  leur  faire  avoir  plus  de  crédit  le  sujet 
en  est  pris  d'ordinaire  des  fortunes  de  quelques  Rois  ou  Capi- 
taines anciens  comme  d'Alexandre,  de  Pjrrhus,  de  César  ou  de 
Pompée....  2" 

Une  partie  de  ces  critiques  peut  s'appHquer  avec  raison 
à  Zaïde,  mais  il  n'en  reste  pas  moins  vrai  que  ce  roman  marque 
un  pas  en  avant.    Malgré  les  épisodes,  les  dimensions  du  Uvre 

des  plus  grands  charmes  de  l'esprit  humain,  c'est  le  tissu  d'vme  fable  bien 
inventée  et  bien  racontée,  quel  succez  ne  devez -vous  pas  espérer  de 
Zayde  dont  les  avantures  sont  si  nouvelles  et  si  touchantes  et  dont  la 
narration  est  si  juste  et  si  jolie." 

1  Bussy-Rabutin,  op.  cit.  i.  241. 

*  (Ch.  Sorel),  De  la  connoissance  des  bons  livres,  1671,  12". 


vu]  Le  Romancier — Zaïde  137 

sont  réduites  et  si  l'on  ne  tient  pas  compte  de  la  durée  des  inci- 
dents épisodiques,  celle  de  l'action  principale  est  ramenée  à  des 
proportions  plus  normales.  Consalve  arrive  aux  bords  de  la 
mer  en  été  ;  il  est  séparé  de  Zaïde  pendant  un  hiver  que  tous  les 
deux  passent  à  apprendre  la  langue  l'un  de  l'autre^  et  ils  se 
marient  à  la  fin  de  l'été  suivant.  La  scène  se  passe  chez  un  peuple 
voisin,  à  une  époque  pas  trop  reculée  et  les  aventures  de  Con- 
salve quoiqu'elles  soient  pour  nous  étonner  un  peu,  ne  sont  pas 
trop  nombreuses.  La  psychologie,  qui  certes  ne  manque  pas 
dans  les  autres  romans,  ne  s'étale  pas  ici  en  dissertation:  elle 
est  dans  les  actes  des  personnages.  Le  roman  entier  est  une 
étude  de  la  jalousie — sujet  qui  paraît  avoir  hanté  Mme  de  La 
Fayette  sa  vie  durant — et  une  telle  étude  lui  permet  d'écrire 
une  histoire  (celle  de  Don  Alphonse  et  de  Bélasire)  où  l'on  ren- 
contre déjà  plus  d'une  qualité  de  la  Princesse  de  Clèves  et  qui 
n'est  point  exempte  de  certains  de  ses  défauts.  Il  faut  admettre 
avec  Bussy-Rabutin  que  la  jalousie  d'Alphonse  y  est  poussée 
jusqu'à  la  fohe  ;  mais  ce  que  Bussy  n'a  pas  remarqué  c'est  que 
la  gradation  y  est  si  bien  observée  qu'on  sent  à  peine  le  point 
où  l'exagération  commence.  Tout  comme  dans  la  Princesse  de 
Clèves,  nous  avons  ici  une  peinture  impitoyable  qui  laisse  une 
impression  douloureuse.  Peu  à  peu  et  presque  malgré  lui, 
poussé  par  le  "green-eyed  monster"  de  la  jalousie,  Alphonse 
détruit  son  propre  bonheur,  puis  celui  de  sa  "maîtresse."  Il  la 
compromet  par  un  éclat  scandaleux,  tue  son  meilleur  ami,  et 
force  Bélasire  à  se  retirer  du  monde.  C'est  à  quelques  détails 
près  la  situation  de  la  Princesse  de  Clèves — mais  avant  le  mariage. 
Et  pourtant  nous  sommes  encore  loin  de  l'excellence  de  ce  chef- 
d'œuvre,  car  la  peinture  des  personnages  de  Zaïde  laisse  à 
désirer.  La  femme  la  plus  intéressante,  le  mieux  dessinée,  celle 
qui  a  le  plus  de  caractère,  ce  n'est  pas  Zaïde,  c'est  Bélasire. 
Zaïde  qui  a  le  talent  d'être  belle  en  sortant  tout  habillée  de  la 
mer,  ne  fait  que  croître  en  beauté  pendant  le  récit.  On  ne  peut 
qu'admirer  chez  une  femme  qui  refuse  énergiquement  d'épouser 
un  homme  parce  qu'il  n'est  pas  de  sa  rehgion,  l'obstination  avec 
laquelle  elle  tient  à  s'unir  à  l'original  du  portrait — qu'elle  croit 
pourtant  être  un  Maure.  Et  si,  par  un  coup  de  théâtre  vraiment 
inattendu,  ce  brave  Zuléma  n'avait  changé  d'avis  à  la  fin  du 
récit,  on  se  demande  comment  elle  s'en  serait  tirée.  Il  est  vrai 
qu'étant  femme  elle  eut  trouvé  quelque  moyen. 

Pour  le  reste,  eUe  est  tellement  ballottée  par  les  événements 
1  "Pendant  l'hiver  qu'elle  passa  en  Catalogne."   Éd.  Garnier,  p.  211. 


138  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

multiples  qu'on  ne  saurait  dire  qu'elle  a  un  caractère  propre. 
Quand  une  fois  elle  agit,  ou  plutôt  elle  écrit,  avec  énergie,  sa 
lettre  n'arrive  pas  à  bon  port.  Cet  insuccès  semble  la  décourager 
au  point  qu'elle  n'essaie  plus  de  réagir  contre  le  sort,  jusqu'au 
moment  où  elle  défend  à  Alamir  de  venir  la  voir.  Son  amie 
Félime  aime  en  silence,  et  a  toutes  les  peines  du  monde  à  se 
confier  à  Zaïde.  Sa  présence  est  utile  pour  compliquer  la  situa- 
tion et  pour  faire  souffrir  Consalve,  mais  Félime  est  toujours 
sacrifiée  à  Zaïde  et  le  roman  aurait  été  plus  simple  et  plus  facile 
à  lire  si  on  l'avait  noyée  en  même  temps  que  la  mère  de  son  amie. 

Il  y  a  pourtant  un  sentiment  qui  expliquerait  les  caractères 
de  ces  deux  femmes,  sentiment  dont  nous  reparlerons  au  sujet 
de  la  princesse  de  Clèves — c'est  l'orgueil. 

Alphonse  était  assez  intéressant  pour  être  le  seul  objet  d'un 
roman  au  lieu  de  venir  dans  Zaïde  où  il  n'a  que  faire.  Après  une 
jeunesse  orageuse  et  une  grande  passion  qui  le  fit  souffrir,  il 
imite  au  bord  de  la  mer  le  recueillement  de  La  Rochefoucauld. 
On  aimerait  savoir  que  plus  tard  il  écrivit  des  Maximes. 

Consalve  s'entend  à  analyser  ses  sentiments,  il  est  presque 
aussi  enclin  qu'Alphonse  à  se  torturer  sans  raison,  mais  quelle 
étrange  naïveté  chez  un  héros  de  roman  !  La  f  aciUté  avec  la- 
quelle Nugna  Bella  et  ses  comparses  le  trompent  est  pour  étonner 
quand  il  s'agit  d'un  courtisan  aussi  en  vue  que  lui.  Il  manque 
de  curiosité,  sans  cela  il  aurait  demandé  plus  tôt  à  voir  le 
fameux  portrait — dont  le  lecteur  lui-même  se  lasse  d'entendre 
parler.  Et  puis,  ce  n'est  pas  un  homme.  Non,  il  a  beau  être 
admirablement  bien  fait,  il  a  beau  faire  un  carnage  horrible 
parmi  les  Maures,  il  a  beau  se  défendre  contre  les  cavaliers  qui 
viennent  le  mener  à  la  cour  de  Don  Garcie,  il  a  beau  enfin  larder 
Alamir  de  coups,  ce  n'est  pas  un  homme.  Il  sacrifie  trop  l'action 
à  une  réflexion  inutile — qui  se  traduit  par  des  apostrophes. 
Parfois,  il  fait  presque  songer  au  lamentable  Joseph  Delorme. 

Alamir,  sa  victime,  est  le  duc  de  Nemours  de  l'ouvrage. 
Il  est  volage,  fait  souffrir  les  femmes,  devient  vraiment  amoureux 
à  la  fin — il  est  encore  puni  par  où  il  a  péché.  C'est  juste,  mais 
cela  manque  d'intérêt,  car  Alamir  nous  est  indifférent:  nous  le 
connaissons  à  peine. 

Le  grand  progrès  que  marque  ce  roman  n'est  ni  dans  les 
caractères  des  personnages  qui  ne  sont  pas  encore  assez  forte- 
ment dessinés,  ni  dans  l'étude  de  la  jalousie  qui  pourtant  est 
excellente,  mais  bien  dans  le  style.  Il  serait  nécessaire  de  citer 
des  passages  des  romans  de  Mlle  de  Scudéry  pour  faire  sentir 


vu]  Le  Romancier — Zaïde  139 

au  lecteur  la  différence  entre  le  style  de  ses  prédécesseurs  et 
celui  de  Mme  de  La  Fayette,  si  l'on  n'avait  déjà  donné  le 
passage  que  La  Rochefoucauld  soumit  à  Huet.  Qu'on  se  dise 
donc,  que  le  brouillon  de  ce  passage  est  déjà  un  progrès  sur  le 
style  ampoulé  ou  seulement  lâche,  des  Cyrus  et  autres  romans; 
qu'on  remarque  ensuite  les  différences  entre  ce  brouillon  et  la 
rédaction  définitive.  On  verra  aussitôt  et  mieux  que  nous  ne 
pourrions  le  faire  voir,  tout  le  chemin  qu'a  parcouru  Mme  de  La 
Fayette.  Certes,  ce  n'est  pas  encore  le  style  de  la  Princesse  de 
Clèves — il  reste  trop  d'apostrophes,  mais  ce  défaut  même  va 
en  s'atténuant  ;  le  travail  ne  se  traduit  pas  en  complications,  il 
se  cache  sous  le  naturel  de  la  forme  donnée  en  dernier  lieu  à  la 
pensée.  Madame  de  La  Fayette,  avant  d'avoir  essayé  dans 
Zaïde  le  roman  de  longue  haleine,  manquait  de  confiance  en 
elle-même  ;  elle  avait  besoin  d'une  collaboration,  elle  soumettait 
son  ouvrage  à  ses  amis  pour  qu'ils  en  critiquassent  et  le  fond 
et  la  forme.  Bien  plus,  après  la  publication  du  roman  "elle  en 
fit  reher  un  exemplaire  avec  du  papier  blanc  entre  chaque  page 
afin  de  le  revoir  tout  de  nouveau,  et  d'y  faire  des  corrections, 
particuUèrement  sur  le  langage,  mais  elle  ne  trouva  rien  à  y 
corriger  même  en  plusieurs  années.... i" 

Après  Zaïde  elle  peut  prendre  courage,  se  remettre  à  ses 
lectures,  noter  ses  souvenirs  et  préparer  l'ouvrage  qui  la  rendra 
plus  célèbre  que  n'aurait  pu  faire  le  beau  nom  de  son  mari, 
ou  sa  faveur  auprès  du  Roi  Soleil. 

^  Segraisiana,  p.  66. 


CHAPITRE  VIII 

LA  MÈRE 

Madame  de  La  Fayette  laisse  le  souvenir  d'une  femme  d'esprit, 
qui  fut  un  grand  écrivain,  capable  d'apprécier  les  lettres  latines 
ou  italiennes,  de  critiquer  des  ouvrages  français  et  d'une  Dame 
d'Honneur  qui  sut  tenir  habilement  sa  place  au  milieu  des  in- 
trigues d'une  cour,  sans  cesser  d'être  une  femme  d'intérieur, 
entourée  de  nombreux  amis.  Mais  derrière  la  femme  d'apparat, 
figée  dans  l'attitude  que  l'histoire  littéraire  a  déclarée  la  sienne, 
il  y  a  une  véritable  femme  et  une  mère. 

Au  début  du  siècle  dernier  on  écrivait  encore  que  Madame 
de  La  Fayette:  "est  une  femme  qui,  déUvrée  des  occupations 
domestiques  et  paisibles  de  son  état,  est  transportée  dans  les 
sociétés  de  beaux  esprits,  et  tourmentée  des  prétentions  du 
savoir:  à  qui  le  nom  de  mère  et  d'épouse,  de  femme  vertueuse, 
douce  et  modeste  est  moins  cher  que  celui  d'auteur^  !  "  L'ex- 
cellente leçon  pour  les  femmes  ambitieuses  d'écrire  !  Inutile  de 
dire  que  celui  que  nous  citons  est  La  Beaumelle,  Voyons  si 
l'exactitude  de  son  jugement  en  égale  la  morahté. 

D'abord  on  ne  peut  pas  dire  qui  a  nourri  les  deux  bébés; 
s'ils  étaient  en  nourrice  en  Auvergne  ou  à  Paris;  nous  ne  con- 
naissons rien  de  leur  première  enfance,  mais  la  remarque  serait 
également  vraie  de  presque  tous  les  enfants  de  l'époque — qu'ils 
soient  de  femmes  de  lettres  ou  de  femmes  "vertueuses  douces  et 
modestes."  C'est  Jean- Jacques  Rousseau  qui  a  découvert  que 
l'enfant  est  intéressant  en  tant  qu'enfant,  Madame  de  La  Fayette 
ne  partageait  pas  cet  avis.  Pour  elle  comme  pour  ses  contem- 
poraines, les  enfants  n'avaient  le  droit  de  prendre  rang  ni  dans 
la  société,  ni  dans  la  correspondance  ni  dans  la  Httérature.  Mais 
cela  ne  veut  pas  dire  qu'ils  ne  tenaient  pas  dans  sa  vie  autant 
de  place  que  dans  celle  des  autres  mères  du  XVII^  siècle. 

On  croirait  même  qu'elle  s'en  occupait  un  peu  plus  que  les 
autres  car  elle  écrit  à  Pomponne,  comme  nous  l'avons  déjà  vu: 
"....le  ne  faisois  que  disner  et  souper  céans  quand  vous  esties 
a  Paris  présentement  iy  couche  il  est  vray  que  la  peur  des 

1  Cité  par  De  Feller  (F.  X.  l'abbé),  Dict.  hist.  iv.  520. 


CH.  viii]  La  Mère  141 

voleurs  quy  sont  desch  aines  en  mon  faubourg  y  a  contribue  pr 
cette  nuit  et  vous  juges  bien  quil  faut  quelque  bonne  raison 
pr  obliger  une  mère  de  famille  comme  moy  a  quitter  ses 
anfans  j 'ay  donne  une  nourice  aux  vostres  quy  est  une  créature 
admirable,"  etc.^ 

A  l'époque  où  Madame  de  La  Fayette  écrivait  cette  lettre, 
l'aîné  de  ses  enfants  n'avait  pas  plus  de  cinq  ans.  Ils  étaient 
tous  deux  à  Paris  avec  leur  mère;  elle  avait  l'habitude  de  s'en 
occuper,  et  on  avait  recours  à  elle  quand  il  s'agissait  des  enfants 
d'autrui,  ne  fût-ce  que  pour  trouver  une  nourrice. 

Mais  on  la  consultait  aussi  sur  des  questions  plus  importantes 
et  si  l'on  en  juge  par  ce  qu'elle  conseillait  à  la  jeune  Madame  de 
Grignan,  elle  savait  bien  élever  les  enfants.  En  parlant  de 
Pauline,  Madame  de  Sévigné  écrit:  "Je  l'ai  dépeinte  à  Madame 
de  La  Fayette:  elle  ne  croit  pas  que  vous  puissiez  ne  vous  y 
point  attacher;  elle  vous  conseille  d'observer  la  pente  de  son 
esprit  et  de  la  conduire  selon  vos  lumières:  elle  approuve  ex- 
trêmement que  vous  causiez  souvent  avec  elle,  qu'elle  travaille, 
qu'elle  lise,  qu'elle  vous  écrive  et  qu'elle  exerce  son  esprit  et 
sa  mémoire^."  Elle  n'avait  donc  pas  la  réputation  d'être  une 
mauvaise  mère. 

A  l'époque  où  elle  voyageait  entre  Paris  et  l'Auvergne  il 
semble  qu'elle  ait  laissé  ses  enfants  à  Paris  aux  soins  d'un  pré- 
cepteur^ mais  dès  qu'ils  furent  d'âge  à  tenir  un  rôle  dans  la  vie 
ce  fut  elle  et  non  pas  leur  père  qui  s'occupa  de  leur  établisse- 
ment. 

On  s'est  plu  à  représenter  Madame  de  La  Fayette  comme  un 
bas  bleu,  souffrant  de  vapeurs,  passant  la  plus  grande  partie  de 
sa  journée  sur  son  lit  galomié  d'or;  ce  fut  donc  rni  étonnement 
général  lorsqu'on  apprit,  il  y  a  quelques  années,  qu'elle  s'était 
mêlée  aux  affaires  de  Savoie.  On  avait  même  l'air  d'en  vouloir 
à  la  comtesse  d'avoir  été  trop  secrète  et  d'avoir  égaré  l'opinion 
commime.  L'opinion  s'obstinait  à  être  trompée  presque  malgré 
Madame  de  La  Fayette  et  maintenant  elle  court  à  l'autre 
extrême  et  l'on  veut  faire  d'elle  une  femme  intéressée  au  dernier 
point. 

Nous  avons  démontré  que  le  reproche  d'avoir  ménagé  son 
crédit  au  heu  de  l'employer  pour  les  Sévigné  n'est  pas  fondé. 
Son  désintéressement  va  plus  loin  et  l'on  s'étonne  que  cette 

1  Voir  la  lettre  à  la  page  89.  ^  g^v.  vnr.  pp.  235-6. 

3  Dans  une  lettre  de  la  Coll.  Feuillet  de  Conches  elle  fait  mention 
d'un  "M.  Fournier  qui  est  le  preceptevir  de  mes  anfans." 


142  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

accusation  ait  pu  être  portée  lorsqu'on  lit  la  correspondance  de 
Louvois,  certaines  lettres  de  Madame  de  Sablé,  et  surtout  cette 
appréciation  formulée  aussitôt  après  sa  mort:  "Elle  avait 
partout  un  grand  crédit,  dont  elle  ne  faisait  usage  que  pour 
rendre  service  à  tout  le  monde^."  Il  est  vrai  que,  d'une  part, 
l'on  n'a  pas  pris  la  peine  de  consulter  ces  documents  manuscrits, 
et  que,  d'autre  part,  on  a  le  droit  de  se  méfier  un  peu  d'une 
notice  nécrologique.  Et  cependant  l'auteur  de  cet  article  dans 
le  Mercure  Galant  était  probablement  mieux  renseigné  sur  le 
vrai  caractère  de  Madame  de  La  Fayette  que  ne  l'étaient  cer- 
tains critiques  du  XIX^  siècle. 

Il  ne  s'ensuit  pas  que  la  comtesse  ait  négligé  ses  propres  in- 
térêts— ou  plutôt  les  intérêts  de  ses  enfants.  On  n'a  qu'à  lire 
ses  lettres  adressées  à  Ménage  à  l'occasion  de  son  premier  voyage 
à  Paris  après  1655,  pour  voir  que  la  jeune  femme  n'a  pas 
eu  la  tête  tournée  par  son  beau  mariage.  Elle  met  en  location 
sa  propre  maison  à  Paris  pour  une  certaine  somme  et  en  loue 
une  autre  pour  son  séjour  à  un  prix  moins  élevé.  Plus  tard,  lors- 
qu'elle vit  qu'il  fallait  placer  ses  deux  fils  et  que  son  mari  ne 
l'y  aiderait  guère,  elle  sentit  la  nécessité  qu'il  y  avait  de  se 
"former  un  esprit  liant."  C'est  ce  que  fait  toute  bonne  mère 
française  et  loin  d'en  faire  un  grief  à  Madame  de  La  Fayette  il 
faudrait  admettre  que  ce  trait  montre  combien  elle  prenait  au 
sérieux  ses  devoirs  maternels.  Lorsque  Pomponne  tombe  en 
disgrâce,  la  première  pensée  de  Madame  de  La  Fayette  va  aux 
nombreux  enfants  dont  l'avenir  est  ainsi  compromis^.  Bien  des 
fois  dans  sa  vie,  lorsqu'elle  aurait  dû  être  au  lit,  elle  prit  la 
plume  pour  solliciter,  ou  fit  atteler  sa  voiture  pour  aUer  qué- 
mander à  la  cour.  Il  n'y  eut  rien — ni  fièvre,  ni  vapeurs,  ni  points 
de  côté — qui  put  l'empêcher  d'assurer  l'avenir  de  ses  enfants. 

Elle  en  fut  bien  récompensée.  Son  fils  aîné  n'entra  dans 
l'église  que  pour  en  connaître  les  avantages.  "Il  avait  des 
abbayes,"  dit  Saint-Simon,  "et  nul  ordre."  En  1670  il  reçut 
l'abbaye  de  Valmont  ;  l'évêque  François  de  La  Fayette,  son 
grand  oncle,  lui  céda  en  1676  l'abbaye  de  Dalon  et  en  1677  le 
roi  lui  donna  l'abbaye  de  La  Grenetière  en  Poitou^.  D'après 
Saint-Simon  ce  fils  était  "homme  d'esprit,  de  lettres.... cynique 
et  singulier  qui  avoit  de  l'honneur  et  des  amis*."  Son  éducation 

^  Mercure  Galant,  juin  1693,  p.  195. 

2  Arsenal,  ms.  6626,  P  385,  2^  lettre  à  Pomponne. 

3  Gazette,  N»  18,  4  mars  1679,  p.  108. 

*  Note  de  Saint-Simon  au  Journal  de  Dangeau,  v.  p.  57. 


viii]  La  Mère  143 

ne  fut  pas  sans  causer  des  soucis,  mais  Madame  de  La  Fayette 
veillait  sur  lui  et  lorsqu'elle  s'aperçut,  par  exemple,  que  Lassay 
voulait  l'entraîner  avec  lui  en  Italie,  elle  ne  manqua  pas  de 
montrer  au  marquis  ce  qu'elle  pensait.  Elle  saisit  l'occasion 
pour  dire  également  à  cet  étrange  ami  que  puisqu'il  savait  que 
l'abbé  empruntait  de  l'argent  il  aurait  dû  la  prévenir  au  lieu 
de  laisser  venir  la  faillite.  Elle  conseille  à  Lassay  de  faire  un 
séjour  à  l'étranger  et  lui  laisse  entendre  que  sa  réputation  à 
Paris  n'est  pas  pour  l'encourager  à  y  rester^.  Évidemment 
Madame  de  La  Fayette  prenait  son  rôle  de  mère  tout  à  fait  au 
sérieux. 

Ce  même  Lassay  dans  une  lettre  écrite  en  1686  raconte  à 
Madame  de  Maintenon  une  histoire  invraisemblable:  Madame 
de  La  Fayette  aurait  été  une  mère  trop  attentive  et  une  bien 
mauvaise  amie.  Lassay  serait  allé  en  Hongrie  et,  au  moment  de 
partir,  il  aurait  confié  à  Madame  de  La  Faj^ette,  qu'il  croyait 
lui  être  dévouée,  toutes  ses  affaires,  en  lui  disant  qui  étaient 
ses  amis  et  qui  ses  ennemis.  Parmi  ces  derniers  se  trouvait  un 
Monsieur  de  Sauleux,  grand  oncle  maternel  de  la  propre  fille 
de  Lassay,  Lassay  accusa  Madame  de  La  Fayette  :  (1)  de  s'être 
liée  avec  Monsieur  de  Sauleux  pour  marier  Mlle  de  Lassay  au 
jeime  de  La  Fayette:  (2)  d'avoir  tout  fait,  dans  ses  lettres  à 
Lassay,  pour  le  persuader  de  ne  pas  revenir  en  France  :  (3)  d'avoir 
répandu  à  la  cour  des  médisances  sur  son  compte  :  (4)  d'avoir 
fait  écrire  Segrais  à  Lassay  pour  proposer  le  mariage  en  question 
comme  si  Segrais  en  avait  eu  l'idée  le  premier  :  (5)  d'avoir  obtenu 
de  Louvois,  en  se  servant  du  nom  de  Sauleux,  une  lettre  de 
cachet  pour  empêcher  Lassay  de  faire  sortir  sa  fille  du  couvent 
à  son  retour. 

Il  demande  à  Madame  de  Maintenon  de  faire  lever  cette 
lettre  de  cachet  et  dit,  en  passant,  qu'il  a  conservé  toutes  les 
lettres  de  Madame  de  La  Fayette  à  ce  sujet.  On  a  beau  traiter 
Lassay  de  visionnaire  et  supposer  qu'il  avait  la  manie  de  la 
persécution,  son  réquisitoire  est  clair  et  il  offre  ses  documents 
sur  un  ton  assuré.  Il  est  fort  probable  que  Madame  de  La  Fay- 
ette essaya  d'arranger  ce  mariage.  Il  serait  difficile  de  dire  dans 
quelle  proportion  Lassay  a  brodé  sur  ce  thème  et  il  est  regrettable 
que  nous  n'ayons  plus  les  lettres  qu'il  possédait,  car  elles  auraient 
pu  nous  montrer  l'affaire  sous  un  tout  autre  jour.  Dans  les 
minutes  de  Louvois  nous  n'avons  trouvé  aucune  trace  de  cor- 
respondance au  sujet  de  cette  lettre  de  cachet. 

^  Lassay,  Beciieil  de  diff.  choses,  i.  380. 


144  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

D'après  ce  que  dit  Saint-Simon^  l'abbé  de  La  Fayette  aurait 
pu  se  marier,  car  il  écrit:  "Il  avoit  des  abbayes  et  nul  ordre.  Il 
est  mort. ...sans  avoir  été  tenté  de  se  marier^."  Madame  de 
La  Fayette  qui  ne  songeait  "qu'à  remettre  ce  nom  et  cette 
maison  à  la  cour  et  dans  le  monde^  "  ne  pouvait  donc  compter 
que  sur  son  second  fils.  Il  fut  de  tout  temps  destiné  à  l'armée  et 
dès  qu'il  eut  l'âge  d'y  avoir  un  emploi,  sa  mère  s'en  occupa, 
auprès  de  Louvois,  avec  succès,  puisque  celui-ci  lui  répondait 
de  Versailles  le  13  octobre  1675:  "J'ai  reçu  Madame  le  billet 
que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'escrire  le  2^  de  ce  mois. 
J'ay  rendu  compte  au  Roy  de  ce  que  vous  désirez,  qui  a  bien 
voulu  accorder  à  Monsieur  votre  fils  l'enseigne  colonnelle  de 
son  régiment  pour  en  estre  pourvu  aussitôt  qu'elle  sera  vacante. 
Quand  il  vous  plaira  m'employer  en  des  choses  plus  considérables 
j'essayerai  de  vous  faire  connoître  que  je  ne  puis  être  plus  véri- 
tablement que  je  suis  votre  très  dévoué  et  très  obéissant  ser- 
viteur*." Madame  de  La  Fayette  ne  veut  pas  en  rester  là  et 
une  nouvelle  intervention  lui  vaut  le  billet  suivant: 

"À  Fontainebleau  le  7  septembre  1678. 
Madame, 

J'ai  différé  de  répondre  à  la  lettre  que  vous  m'avez 
fait  l'honneur  de  m'escrire  pour  procurer  à  Monsieur  votre  fils 
luie  des  compagnies  vacantes  au  régiment  du  Roy,  jusqu'à  ce 
que  sa  Majesté  en  eut  disposé.  Je  vous  donne  présentement 
ad  vis  avec  bien  du  plaisir  que  le  Roy  lui  en  a  accordé  une,  et 
bien  de  la  joye  de  pouvoir  profiter  de  cette  occasion  pour  vous 
assurer  que  je  suis....  "  etc.^ 

Mais  ce  n'est  pas  tout  d'avoir  un  emploi — il  faut  aussi  être 
payé — ce  qui  motive  une  lettre  de  Madame  de  La  Fayette,  à 
laquelle  Louvois  répond  en  ces  termes  : 

1  Jour,  de  Dangeau,  cité. 

2  Le  2  mai  1729,  âgé  de  71  ans.  Mercure,  juin  1729,  p.  1259. 
^  Lettre  de  Covilanges  à  Mme  de  Sév.  le  27  août  1694. 

*  Vol.  528,  p.  316.  Les  lettres  seront  données  ici  d'après  les  minutes 
manuscrites  de  Louvois  conservées  aux  archives  du  Ministère  de  la 
Guerre,  à  Paris.  Des  passages  de  la  plupart  de  ces  lettres  ont  été  publiés 
par  M.  Jean  Lemoine  dans  la  Revue  de  Paris  du  1<='"  sept.  1907.  Nous 
donnerons,  autant  que  possible,  les  lettres  in  extenso  mais  nous  en  serons 
empêché  parfois,  car  à  certains  endroits  l'écriture  est  illisible — tellement 
elles  ont  été  griffonnées  à  la  hâte. 

6  Vol.  578,  p.  49. 


viii]  La  Mère  145 

"À  Saint-Germain  le  15  avril  1679. 
"Suivant  ce  que  vous  avez  désiré  par  la  lettre  que  vous 
m'avez  fait  l'honneur  de  m'escrire  je  vous  envoie  un  ordre  à 
Monsieur  du  Monceau  pour  faire  payer  à  Monsieur  de  La  Fayette 
ce  qui  lui  peut  être  dû  depuis  le  jour  qu'il  est  party  de  sa  garni- 
son jusque  à  la  fin  de  ce  mois.  Je  souhaiterais,  Madame,  avoir 
de  meilleures  occasions  de  vous  témoigner  combien  je  suis....^" 

Son  fils  lui  écrit  ce  même  mois  pour  lui  dire  qu'il  risque  d'être 
envoyé  en  garnison  dans  une  ville  quelconque,  ce  qui  nuirait 
probablement  à  ses  chances  d'avancement.  Madame  de  La 
Fayette  ne  craint  pas  d'écrire  de  nouveau  à  Louvois  qui  la 
tranquilHse  ainsi: 

"À  Saint-Germain  le  25  avril  1679. 

"  J'ay  reçu.  Madame,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'écrire  hier.  L'avis  que  Monsieur  votre  fils  vous  a  donné 
que  l'on  allait  séparer  un  des  bataillons  du  régiment  du  Roy 
pour  l'envoyer  en  garnison  dans  des  villes,  est  sans  fondement 
puisque  ce  corps  est  désigné  pour  servir  avec  trois  bataillons  en 
campagne.  Ainsi  vous  ne  devez  avoir  aucune  inquiétude,  et 
je  n'ay  qu'à  vous  assurer  que  je  suis  toujours  votre  très  humble 
et  très  obéissant  serviteur 2." 

Le  mariage  du  Dauphin  au  début  de  1680  fournit  à  Madame 
de  La  Fayette  une  autre  occasion  de  faire  avancer  son  fils.  Il 
s'agit  de  nommer  dix  hommes  pour  être,  comme  dit  Madame  de 
Sévigné,  ses  "dames  du  palais,"  et  le  choix  doit  être  fait  dans 
les  plus  illustres  familles  du  royaume.  Louvois  écrit  à  ce  sujet: 

"À  Saint-Germain  le  20  février  1680. 
"J'ai  reçu  Madame  le  billet  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'escrire  ce  matin.  Je  ne  voy  rien  de  plus  désirable  pour  un 
homme  de  l'âge  de  Monsieur  de  La  Fayette  que  d'être  choisi 
pour  suivre  Monsieur  le  Dauphin,  mais  il  serait  fâcheux  d'y  être 
sans  y  pouvoir  faire  la  dépense  qu'y  feront  ceux  qui  auront  de 

1  Vol.  620,  p.  227,  Lettre  inédite.  Nous  ne  reproduisons  pas  scrupu- 
leusement l'orthographe  de  ces  brouillons  de  lettres. 

2  Vol.  620,  p.  416,  inédite.  Mme  de  La  Fayette  qui  veut  pour  son  fils 
des  occasions  de  gloire,  demande  également  en  sa  faveur  des  congés: 
"J'ai  reçu.  Madame,"  lui  écrit  Louvois  de  St  Germain  le  13  oct.  1679,  "la 
lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'escrire  pour  le  congé  de  M. 
votre  fils.  Je  l'ay  atissitôt  fait  expédier  et  vous  le  trouverez  ci  joint.  Je 
vous  suppUe...."  etc.  (Vol.  625,  p.  269). 

A.  10 


146  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

pareils  emplois.  Il  n'y  a  personne  qui  puisse  vous  donner  des 
conseils  sur  cela,  et  c'est  a  vous  de  voir  si  vous  êtes  en  état  de 
lui  donner  14  ou  1500  pistoles  par  an  qu'il  faudrait  au  moins  y 
dépenser,  outre  ce  qu'on  tirera  du  Roy. 

"Après  avoir  étably  que  vos  affaires  sont  en  état  de  l'y 
soutenir,  je  dois  vous  dire  qu'il  n'y  a  pas  d'autre  voie  que  celle 
d'escrire  au  Roy,  si  vous  n'êtes  pas  en  état  de  lui  en  venir  parler; 
si  Madame  de  Montespan  veut  rendre  votre  lettre  et  l'appuyer 
de  ses  offices,  il  y  aura  lieu  de  bien  espérer  de  votre  demande; 
Que  si  vous  ne  voulez  pas  l'en  importuner,  je  m'offre  à  vous 
pour  présenter  la  lettre  que  vous  écrirez  sur  cela  au  Roy.  Soyez 
bien  sûre....  "  etc.^ 

Madame  de  La  Fayette  trouva-t-elle  la  dépense  trop  con- 
sidérable? Ne  reçut-elle  pas  satisfaction?  Toujours  est-il  que 
le  nom  de  son  fils  ne  figure  pas  dans  la  liste  des  menins  du 
Dauphin.  Mais  moins  de  trois  mois  plus  tard  Madame  de  La 
Fayette  reçut  ce  petit  mot  qui  dut  la  consoler  de  son  échec  : 

"À  Saint-Germain  le  5  mai  1680. 
"Le  Roy  ayant  donné  cette  après-dinée  le  régiment  royal 
à  Monsieur  le  Marquis  de  Créqui,  sa  majesté  a  disposé  du  régi- 
ment de  la  Fère  en  faveur  de  Monsieur  le  Marquis  de  La  Fayette. 
Je  m'en  réjouis  avec  vous,  et  vous  assure  qu'il  ne  peut  rien  vous 
arriver  d'agréable  à  quoy  je  ne  prenne  une  très  sensible  part^." 

L'influence  de  Madame  de  La  Fayette  va  en  grandissant  car 
Louvois  lui  écrit  bientôt  le  billet  suivant  : 

"À  Charleville  le  28  aoiist  1680. 
"  J'ay  reçu  le  billet  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'es- 
crire  le  16  de  ce  mois.  Je  suis  un  peu  scandaUsé  des  remercie- 
ments que  vous  me  faites  de  ce  que  j'ay  dit  à  Monsieur  de  la 
Trousse,  et  je  croyais  que  vous  étiez  assez  persuadée  de  la  part 
que  je  prends  à  ce  qui  vous  touche  pour  ce  qu'il  vous  a  mandé 
ne  vous  paraisse  pas  nouveau.  Je  feray  avec  plaisir  ce  que  vous 
m'ordonnez  à  l'égard  de  Monsieur  de  La  Fayette  et  en  toute 
occasion,  vous  et  luy  connoitrez  que  je  ne  puis  être  plus  que  je 
suis...."  etc.^ 

On  croirait  volontiers  que  la  phrase  "Je  feray  avec  plaisir 
ce  que  vous  m'ordonnez  à  l'égard  de  Monsieur  de  La  Fayette" 

1  Vol.  638,  p.  378.  2  Vol.  642,  p.  68. 

3  Vol.  643,  2e  partie,  p.  159. 


viii]  La  Mère  147 

n'est  qu'une  formule  à  laquelle  il  ne  faut  pas  trop  ajouter  foi, 
si  bientôt  après  on  ne  voyait  pas  que  Madame  de  La  Fayette 
"désira"  et  obtint  le  déplacement  d'un  régiment.  Voici  la 
lettre  de  Louvois  à  ce  sujet: 

"À  Versailles  le  22  octobre  1680. 

"J'ay  reçu  votre  billet  d'hier,  par  lequel  j'ay  appris  avec 
beaucoup  de  déplaisir  la  maladie  de  Monsieur  votre  fils.  Les 
officiers  de  son  régiment  ne  savent  ce  qu'ils  désirent  quand  ils 
demandent  à  changer  de  garnison,  mais  puisque  vous  le  d  sirez 
il  ira  à  Fribourg;  les  ordres  du  Roy  en  seront  envoyés  demain. 

"Je  ne  l'ay  point  fait  marcher  en  Loraine,  ainsi  que  vous  le 
demandez,  parce  que  comme  on  n'y  travaille  point  je  vous 
réponds  qu'il  n'y  serait  pas  arrivé  que  vous  recevriez  des  lettres 
des  officiers  par  lesquelles  ils  se  plaindraient  de  leur  mauvaise 
destinée.   Je  vous  supplie..,."  (formule  de  poHtesse  ilHsible)i. 

En  même  temps  elle  ne  cesse  de  s'occuper  des  plus  petits 
détails.  "Elle eut  une  recrue  à  faire  pour  son  fils,"  raconte  Gour- 
ville,  "et  en  parla  à  plusieurs  personnes  pour  lui  trouver  des 
hommes  et  surtout  à  bon  marché.  Elle  me  conta  un  jour  que, 
ayant  employé  un  maître  des  comptes  à  cet  usage,  il  lui  avait 
fait  effectivement  quinze  bons  hommes."  Ceci  fait,  elle  re- 
commence à  importuner  Louvois  pour  lui  dire  du  bien  de  son 
fils  qui,  d'après  elle,  n'est  pas  quelqu'un  qu'on  puisse  négliger. 
Le  ministre  en  vient  même  à  faire  des  excuses  au  jeune  officier 
pour  un  motif  que  nous  ignorons.  Lorsqu'il  en  informa  Madame 
de  La  Fayette,  Louvois  nous  fait  savoir  du  même  coup  que  les 
lettres  de  l'auteur  de  la  Princesse  de  Clèves  étaient  appréciées 
de  ses  contemporains  : 

"À  Sainte-Marie  aux  Mines  le  13  octobre  1681. 

"Je  quitterais  toutes  les  affaires  que  j'ai,  avec  plaisir,  pour 
fire  souvent  de  pareilles  lettres  à  celle  que  vous  m'avez  fait 
l'honneur  de  m'écrire  le  4  de  ce  mois.  Je  vous  rends  très  humbles 
grâces  des  marques  qu'il  vous  plait  me  donner  de  votre  amitié 
dont  je  connais  assez  le  prix  pour  profiter  de  toutes  les  occasions 
que  vous  me  donnerez  de  la  mériter. 

"J'ai  fait  mes  excuses  à  Monsieur  de  La  Fayette  de  ce  qui 
s'est  passé  entre  lui  et  moi  à  Fontainebleau,  et  je  ne  crois  pas 
être  mal  avec   lui.    Conservez-moi  toujours   quelque  part   à 

1  Vol.  645,  p.  481. 

10—2 


V 


148  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

l'honneur  de  vos  bonnes  grâces  et  soyez  persuadée  qu'on  ne  peut 
être  plus  véritablement  que  je  suis,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur^." 

L'année  suivante  c'est  un  congé  qu'il  faut, et Lou vois  répond  : 

"À  Versailles  le  12  juin  1682. 

"Je  ne  vois  point  d'inconvénient  à  ce  que  Monsieur  de  La 
Fayette  aille  voir  Monsieur  de  Bouflers  et  y  demeure  autant  de 
temps  que  vous  le  désirerez.  Je  vous  supphe  de  me  conserver 
toujours  un  peu  de  part  à  l'honneur  de  vos  bonnes  grâces  et  de 
me  croire  aussi  véritablement  que  je  suis...."  etc.^ 

Mais  peu  après  ce  congé  le  fils  de  Mme  de  La  Fayette  donne 
lieu  à  un  mécontentement  que  Louvois  exprime  avec  toute  la 
déhcatesse  que  la  situation  exige  : 

"À  Versailles  le  4  août  1682. 

"Je  suis  obligé  avec  déplaisir  de  vous  avertir,  Madame,  que 
la  conduite  que  tient  Monsieur  de  La  Fayette  à  Strasbourg, 
n'est  pas  bonne,  qu'il  boit  souvent  et  avec  excès,  ce  que  vous 
jugerez  bien  qui  ne  peut  pas  donner  à  sa  Majesté  des  impressions 
favorables  de  sa  conduite.  Je  suis  bien  fâché  du  chagrin  que 
cet  avis  vous  donnera,  mais  je  ne  prendrais  pas  autant  de  part 
que  je  fais  en  tout  ce  qui  vous  touche,  si  je  vous  cachais  une 
pareille  chose.  Je  suis,  Madame,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur^." 

En  écrivant  ainsi,  Louvois  adoucit  beaucoup  la  gravité  des 
faits.  La  Fayette  fut  accusé  avec  de  Biron  et  de  Créquy 
d'avoir  mangé  de  la  viande  les  jours  maigres,  d'avoir  insulté 
des  bourgeois  la  nuit  et  d'avoir  jeté  des  cailloux  dans  leurs 
fenêtres,  d'être  entré  de  force  dans  un  cortège  de  noce  l'épée  à 
la  main,  et  enfin  d'avoir  fait  venir  la  garde  pour  maltraiter  les 
bourgeois  qui  y  assistaient'*.  Voilà  ce  que  Louvois  appelle 
"boit  souvent  et  avec  excès." 

Mais  tout  s'arrange  quand  on  a  des  amis  en  cour  et  l'incident 
se  termine  par  les  trois  billets  suivants  : 

1  Vol.  659,  p.  110.  2  Vol.  678,  p.  263.  ""  Vol.  680,  p.  96. 

*  Lettre  de  Louvois  au  Marquis  de  Chantilly  qui  a  ordre  du  roi  de 
faire  vivre  sans  scandale  ces  messieurs  ou  de  les  arrêter  jusqu'à  nouvel 
ordre. 


viii]  La  Mère  149 

"À  Versailles  le  11  août,  1682. 
"J'ai  rendu  au  Roy  la  lettre  que  vous  m'avez  adressée  pour 
Sa  Majesté,  qui  l'a  lue  tout  entière  et  m'a  commandé  de  vous 
assurer  que  c'était  toujours  avec  plaisir  qu'elle  en  recevait  de 
votre  part,  et  qu'elle  était  bien  aise  de  voir  l'apparence  qu'il  y 
avait  que  ce  qui  lui  avait  été  mandé  de  Monsieur  de  La  Fayette 
n'était  pas  véritable,  et  qu'elle  m'avait  commandé  d'écrire  pour 
en  être  informée,  ce  que  vous  ne  douterez  pas,  je  m'assure,  que 
je  n'aie  fait  avec  beaucoup  de  plaisir,  m'intéressant  autant  que 
je  fais  à  tout  ce  qui  vous  touche.  Je  vous  ferai  part  de  la  réponse 
que  j'aurai.. ..Je  suis  toujours  véritablement...."  etc.^ 

"À  Versailles  le  17  août  1682. 

"C'est  avec  plaisir  que  je  vous  donne  avis  que  le  Roy,  ayant 
été  informé  que  Monsieur  de  La  Fayette  n'a  failli  à  Strasbourg 
que  pour  avoir  hanté  mauvaise  compagnie,  elle  m'a  commandé 
de  lui  escrire  de  partir.... pour  retourner  au  dit  Strasbourg  et 
continuer  à  y  prendre  soin  de  son  régiment.... 

"Je  prends  part  à  la  satisfaction  que  vous  devez  avoir  de  la 
résolution  de  Sa  Majesté  et  je  vous  supplie  d'être  persuadée  que 
l'on  ne  peut  être  plus  véritablement  que  je  suis.... 2" 

Voici  la  lettre  à  Monsieur  de  La  Fayette  : 

"Monsieur — Sur  le  compte  que  j'ay  rendu  au  Roy  que  votre 
conduite  n'avait  pas  été  aussi  mauvaise  qu'on  avait  mandé  à 
Sa  Majesté,  elle  a  trouvé  bon  de  vous  permettre  de  retourner  à 
Strasbourg  pour  prendre  soin  de  votre  régiment.  Je  suis....  " 

Madame  de  La  Fayette  sollicite  encore  une  fois  une  faveur 

et  reçoit  la  réponse  suivante  : 

"À  Versailles  le  8  avril  1684. 

"J'ai  vu  par  le  billet  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
m'escrire  le  déplaisir  que  vous  avez  de  ce  que  le  régiment  de  la 
Fère  n'est  pas  destiné  à  servir  en  campagne.  Je  vous  remercie 
de  la  manière  honnête  dont  vous  vous  en  plaignez  et  je  m'assure 
que  vous  ne  doutez  pas  que  je  ne  prenne  part  à  la  peine  que  cela 
vous  fait,  mais  la  première  fois  que  je  verrai  Monsieur  de  La 
Trousse  je  l'entretiendrai  plus  amplement  et  lui  dirai  ce  que  je 
crois  qu'il  y  a  à  faire  pour  essayer  que  ce  régiment  soit  des 
premiers  qui  sortiront  des  garnisons  pour  servir  en  campagne. 
Je  suis  toujours  de  tout  mon  cœur....^" 

1  Vol.  680,  p.  309.  2  Vol.  680,  p.  420. 

3  Vol  712,  p.  156.  Lettre  copiée  par  tm  secrétaire  et  revue  par  Louvois 


150  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

À  partir  de  cette  date  les  affaires  de  son  fils  n'accaparent 
plus  la  première  place  dans  la  correspondance  de  Madame  de  La 
Fayette  avec  Louvois  ;  les  affaires  de  Savoie  y  passent,  naturelle- 
ment, au  premier  rang.  En  1689,  cependant,  Louvois  écrit  à 
Madame  de  La  Fayette  pour  la  féliciter  du  mariage  qu'elle 
allait  conclure  pour  son  fils. 

"Versailles  le  14  septembre  1689. 

"J'ai  reçu.  Madame,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'escrire  le  11  de  ce  mois.  Je  vous  supplie  d'être  bien  per- 
suadée que  je  prends  une  grande  part  à  ce  qui  vous  touche.  Je 
ne  puis  que  me  réjouir  avec  vous  du  mariage  que  vous  êtes 
sur  le  point  de  conclure  pour  Monsieur  votre  fils  auquel  je 
rendrai  toujours  tout  le  service  qui  pourra  dépendre  de  moy.  Je 
suis,  Madame,  votre  très  humble  et  très  obéissant  ser\àteur^." 

Ce  mariage  projeté  est  celui  qui  fut  conclu  entre  Mademoi- 
selle de  Marillac,  fille  du  doyen  du  conseiP,  et  René-Armand  de 
La  Fayette.  "Ce  mariage  est  fort  bien,"  écrit  Madame  de 
Sévigné^.  "Elle  est  de  bonne  maison,  une  alhance  agréable, 
tous  les  Lamoignons,  deux-cent -mille-francs^,  des  nourritures 
à  l'infini.  Madame  de  La  Fayette  assure  tout  son  bien,  elle  n'en 
veut  que  l'usufruit,  n'est-ce  pas  assez?  Elle  est  fort  contente; 
le  mariage  ne  se  fait  qu'après  la  campagne." 

Voilà  pour  la  fiancée.  Quelques  jours  plus  tard,  la  marquise 
revient  sur  la  question  pour  nous  donner  plus  de  détails  sur  le 
futur  mari.  "A  propos  de  sublime  Monsieur  de  Marillac  ne  fait 
point  mal,  il  me  semble:  La  Fayette  est  joli,  exempt  de  toute 
mauvaise  quahté  ;  il  a  un  bon  nom,  il  est  dans  le  chemin  de  la 
guerre,  et  a  tous  les  amis  de  sa  mère  qui  sont  à  l'infini  :  le  mérite 
de  cette  mère  est  distingué  :  elle  donne  tout  son  bien,  et  l'abbé 

1  Vol.  856,  p.  332. 

2  "  René  de  Marillac,  chevalier  d'Attichy,  la  Ferté  s\ir  Paroy,  et  autres 
lieux,  conseilleur  d'état  ordinaire  et  d'honneur  en  tous  les  parlements 
de  France"  d'après  le  contrat  de  ce  mariage  (Archives  de  l'Allier,  Reg. 
B  746). 

3  ix.  p.  205. 

*  On  retrouve  iin  peu  partout  la  mention  de  cette  sormne.  Dangeau 
écrit  de  Marly  le  16  sept.  1689,  "M.  de  la  Fayette  épousera  après  la 
campagne  Mademoiselle  de  Marillac  à  qui  on  dorme  200,000  francs" 
{Journal,  ii.  471).  C'est  confirmé  par  le  contrat  de  mariage,  déjà  cité, 
où  on  Ut:  "  En  faveur  duquel  mariage  les  seigneur  et  dame  de  Marillac, 
père  et  mère  de  la  demoiselle  future  épouse,  s'obligent  à  Im  donner  en 
avancement  d'hoirie  la  somme  de  deiix  cent  mille  livres...." 


viii]  La  Mère  151 

le  sieni  ;  il  aura  un  jour  trente  mille  livres  de  rente  :  il  ne  doit 
pas  une  pistole,  ce  n'est  point  une  manière  de  parler  :  qui  trouvez- 
vous  qui  vaille  mieux,  quand  on  ne  veut  point  de  conseiller? 
La  demoiselle  a  deux-cent-mille  francs,  bien  des  nourritures. 
Madame  de  La  Fayette  pouvait-elle  espérer  moins^?  " 

Le  jeune  colonel  se  marie  en  décembre  de  cette  même  année 
et  dans  les  premiers  jours  de  janvier  1690  Dangeau  note  que 
"Madame  de  La  Fayette  la  jeune  vient  de  paraître  à  la  Cour 
pour  la  première  fois^."  Mais  lorsqu'on  est  soldat  il  ne  faut  pas 
se  laisser  distraire  de  son  métier,  même  par  l'amour  d'une  jeune 
épouse,  et  son  mariage  brillant  n'empêcha  pas  La  Fayette  de 
recevoir  le  petit  mot  suivant  du  ministre  Louvois. 

"À  Versailles  le  8  janvier  1690. 
"Monsieur, 

Le  Roy  apprend  que  le  régiment  de  la  Fère  ne  fournit 
pour  les  travaux  de  Belfort  que  treize  hommes  par  compagnie. 
Comme  l'intention  de  Sa  Majesté  est  que  les  capitaines  en 
donnent  tout  le  plus  grand  nombre  qu'il  se  pourra  il  est  bien  à 
propos  que  vous  y  teniez  la  main,  si  vous  voulez  que  Sa  Majesté 
soit  contente  de  vous .  Je  suis ....  *  " 

On  peut  supposer  que  malgré  ce  ton  bref,  et  la  nécessité  où 
fut  Louvois  de  réitérer  son  ordre  poli  mais  tout  mihtaire  le  18 
du  même  mois^,  le  colonel  réussit  à  rendre  "Sa  Majesté  contente 
de  lui"  car  en  avril  1693  le  roi  nomma  le  marquis  de  La  Fayette 
brigadier  d'infanterie^.  Il  arriva  donc,  juste  avant  la  mort  de 
sa  mère,  au  plus  haut  degré  de  sa  belle  carrière.  Madame  de  La 
Fayette  n'eut  pas  la  douleur  de  voir  cette  carrière  brisée  l'année 
suivante,  car  lorsque  son  fils  mourut,  de  maladie,  à  Landau  en 
1694",  elle  avait  cessé  de  souffrir  elle-même  depuis  \me  année. 
"Je  vous  fais  mes  compliments  quoiqu'un  peu  tard,  sur  la  mort 
de  Monsieur  de  La  Fayette,"  écrit  de  Coulanges  à  Madame  de 

1  L'abbé  avait  des  rentes  siir  Chouvigny  en  même  temps  que  sixr  ses 
abbayes.  Il  se  trouve  dans  le  fonds  paroissial  de  Chouvigny  (Archives  de 
l'Alher)  im  "extrait  du  contrat  de  rente  fait  au  profit  de  M.  l'abbé  de 
la  Fayette  contre  les  habitants  de  Chouvigny  en  1684."  Il  ne  garda  pour 
lui  que  4000  livres  de  rente,  Mme  de  La  Fayette  en  avait  6000  (Dangeau, 
op.  cit.  XI.  64). 

2  rs.  25  sept.  1689.  ^  m.  52. 

*  Vol.  910,  p.  140.  ^  Vol.  911,  p.  46. 

6  Gazette  du  4  avril  1693,  p.  168  et  Dangeau,  iv.  254. 
•?  Gazette  du  21  août  1694,  p.  405  et  Dangeau,  v.  57. 


152  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

Sévigné'^.   Sa  pauvre  mère  n'avait  songé  qu'à  remettre  ce  nom 

et  cette  maison  à  la  cour  et  dans  le  monde  et  le  voilà  soutenu 

par  les  frêles  épaules  d'une  fillette^.  On  dit  que  le  testament  de 

Monsieur  de  La  Fayette  fait  par  les  soins  et  du  vivant  de  Madame 

sa  mère,  a  consolé  sa  femme  et  Monsieur  de  Marillac,  "qui  étoient 

fort  affligés  avant  que  d'avoir  vu  ce  testament  lequel  est  très 

désavantageux  pour  la  veuve...."  Madame  de  La  Fayette  mère 

protège  les  intérêts  des  La  Fayette  par  delà  la  tombe  !  Voilà  qui 

détruit  la  réputation  qu'on  lui  a  faite  de  n'être  pas  bonne  mère 

et  de  tenir  moins  à  ce  titre  qu'à  celui  d'auteur.   Ses  fils  ne  s'y 

trompaient  pas  et  ils  se  groupaient  autour  de  leur  mère  malade 

ainsi  qu'elle  dit  dans  la  lettre  suivante  : 

(Sans  date) 

"Ma  santé  est  pire  que  jamais  j'ay  tant  de  maux  que  ie  ne 
puis  vous  en  rendre  conte  cependant  ie  vais  toujours  mais  aussy 
ie  ne  vais  pas  loin  car  je  n'ay  presque  point  de  jambes.  J'ay 
céans  toute  ma  famille.  Mon  fils  est  revenu  de  l'armée:  il  ne  se 
porte  pas  trop  bien  non  plus  que  moi  il  a  une  colique  qui  le  tour- 
mente et  eut  avant-hier  un  accès  de  fièvre  nous  verrons  au- 
jourd'hui si  se  sera  la  tierce.  J'ay  aussy  sa  femme  qui  ne  se  remet 
point  de  sa  couche.  Mon  fils  l'abbe  est  arrive  de  Normandie 
depuis  deux  ou  trois  jours  sa  santé  est  parfaite  je  n'aie  rien  a 
vous  en  dire  il  est  a  Versailles  présentement  et  vous  vera  si  tost 
après  son  retour.  J'ay  escrit  a  Monsieur  de  Segrais  que  vous 
l'aviez  fait  recommander  au  premier  Président  de  Rouen.  Je 
vous  remercie  de  m'avoir  retrouve  cette  stance  de  l'Arioste  de 
Zerbin  que  j'avois  tant  d'envie  de  trouver  ;  avez-vous  veu  le  livre 
de  Monsieur  d'Avranches  du  Paradis  terestre  je  vous  fais  la  une 
sotte  question  puisqu'il  m'a  envoyé  ce  livre  il  ne  faut  pas  douter 
qu'il  ne  vous  l'ait  envoyé.  Toute  a  vous  Monsieur  et  de  tout  mon 
cœur  au  pied  de  la  lettre.  La  C.  de  Là  Fayette^." 

En  avril  1690  elle  écrit  à  Ménage  :  "Mon  estât  est  assez  doux 
je  suis  très  contente  de  ma  famille  mais  ma  santé  est  une  chose 

1  Sév.  X.  le  27  août  1694. 

2  Cette  fille  épousa  le  prince  de  Tarente,  fils  de  Charles,  duc  de  la 
Trémouille  {Mercure  Galant,  avril  1706,  p.  307:  Saint-Simon,  ii.  397  etc.). 
Sa  mère  est  morte  assez  jeune  "d'une  longue  apoplexie,"  dit  Saint- 
Simon,  op.  cit.  X.  222.  Dangeau  en  annonçant  sa  mort,  dit,  "Elle  était 
tombée  en  enfance  il  y  a  de\ix  mois  quoiqu'elle  n'eût  que  quarante-deux 
ans"  (op.  cit.  xiv.  224,  14  sept.  1712). 

2  L'allusion  au  Paradis  terrestre  (1691)  fixe  la  date  de  cette  lettre. 
Les  citations  qm  suivent  sont  de  la  Coll.  Feuillet  de  Conches. 


viii]  La  Mère  153 

déplorable"  et  dans  une  autre  lettre  où  elle  prévoit  sa  fin  toute 
proche  elle  lui  demande  d'être  un  ami  pour  ses  enfants  et  de 
veiller  sur  eux. 

Enfin  il  nous  est  permis  de  la  voir  un  instant  grand'mère, 
accablée  par  sa  maladie,  mais  courageuse.  Elle  est  heureuse  de 
pouvoir  se  dire  qu'elle  fut  une  mère  accomplie  et  son  cœur 
affectueux  ne  fait  pas  supporter  à  sa  petite-fille  le  chagrin  qu'elle 
a  de  n'être  pas  la  grand'mère  d'un  garçon.  "Je  ne  suis  triste 
que  par  mes  vapeurs,"  écrit-elle,  "mes  vapeurs  font  tout  mon 
mal.  Je  n'ay  aucun  sujet  de  tristesse.  Je  suis  heureuse  a  pindre 
(sic)  comme  disoit  M^  de  Choisi.  M^e  de  La  Fayette  est  une 
plaisante  demoiselle  je  suis  si  esloignee  de  me  fascher  que  je 
ne  suis  pas  mesme  faschee  d'avoir  cette  belle  demoiselle  plustost 
qu'un  garçon...." 


CHAPITRE  IX 

LE  PSYCHOLOGUE— X^  PBINCESSE  DE  C LÈVES 

I 

Une  manière  classique  de  faire  ressortir  les  mérites  du  livre  de 
Mme  de  La  Fayette,  c'est  de  ridiculiser  les  interminables  romans 
qui  l'ont  précédé  et  de  le  présenter  au  public  comme  le  premier 
roman  de  dimensions  raisonnables.  Or,  la  Princesse  de  Clèves 
n'est  pas,  en  date,  le  premier  roman  en  un  volume.  Ce  n'est  pas, 
non  plus,  le  premier  roman  où  l'auteur  raconte  des  aventures 
contemporaines  tout  en  les  situant  à  une  autre  époque. 

Quant  à  la  psychologie  de  la  plupart  des  longs  romans 
antérieurs  à  la  Princesse  de  Clèves,  il  est  certain  qu'elle  se  trouve 
plutôt  dans  les  discours  que  dans  les  actions  des  personnages. 
Mais  il  existe  d'autres  romans,  assez  peu  connus,  d'où  l'étude 
psychologique  n'est  pas  absente  et  dont  l'auteur  éprouve  le 
besoin  de  dire  :  "Je  n'ay  rien  mis  qu'un  homme  ne  pust  faire,  ie 
me  suis  tenu  dedans  les  termes  d'une  vie  privée,  afin  que  chacun 
se  pust  mouler  sur  les  actions  que  ie  descry^."  On  nous  a  déjà 
montré  le  caractère  psychologique  de  quelques-uns  des  romans 
du  début  du  XVIJe  siècle^  sans  dire  qu'il  en  est  un,  du  siècle  pré- 
cédent, qui  a  quelques  points  communs,  malgré  ses  nombreux  et 
graves  défauts,  avec  la  Princesse  de  Clèves  ;  nous  en  parlerons  ici. 
Il  s'agit  d'un  roman  d'Héhsenne  de  Crenne  dont  le  titre  seul 
éveille  l'attention:  Les  Angoisses  douloureuses  qui  procèdent 
d'amours.  C'est  un  roman  romanesque,  où  l'on  assiste  à  des 
batailles  contre  des  brigands,  à  des  tournois,  à  des  emprisonne- 
ments ;  on  y  voit  aussi  une  femme  épouser  un  mari  sympathique, 
qu'elle  connaît  à  peine,  mais  qu'elle  aime  au  début  parce  qu'elle 
en  est  aimée.  Et  quand,  plus  tard,  le  mari  vit  que  sa  femme 
aimait  ailleurs  il  "ne  monstroit  aucun  mauvais  semblant.  Mais 
au  contraire.... monstroit  plus  grande  amitié  que  jamais^."  Voici 
maintenant  les  titres  des  chapitres  de  la  première  partie:  La 
jeune  fille  épouse  un  étranger  qu'elle  aime — L'origine  du  diver- 

^  Le  Chrysolite  d'après  Kuchler.   Voir  la  note  2  ci-dessous. 

2  Walther  Kuchler,  Zu  den  Anfàngen  des  psy.  Rom.  etc.   Voir  bibliog. 

3  Helysenne  de  Crenne,  Les  angoisses....  etc.  B.  N.  Res.  Z.  2745, 
Chap.  III. 


CH.  ix]  Le  Psychologue — I^a  Princesse  de  Clèves        155 

tissement  de  Hélisenne  (l'héroïne)  pour  a3'mer  à  reproche — 
Hélisenne,  surprise  d'amours  est  apperceu  de  son  mari — avec  le 
résultat  que  nous  avons  déjà  noté — Héhsenne  change  de  logis 
mais  pas  de  cœur  (car  l'aimé  habitait  en  face  de  chez  elle)— 
Héhsenne  se  passionne  pour  son  ami — La  jalousie  du  mari.... — 
Les  approches  des  deux  amans  pour  parler  ensemble — Les 
amans.... usent  de  lettres — La  lecture  de  ces  lettres — Lettres 
de  la  dame — Courroux  du  mari  jaloux  et  l'excuse  de  la  femme — 
L'impatience  d'amour  par  despit  cherche  la  mort — Le  conseil  du 
serviteur  fidèle.... Héhsenne  est  enfermée  dans  une  tour. 

Pendant  la  seconde  partie  Guenelic  cherche  "s'amye"  à 
travers  le  monde.  Il  continue  ses  recherches  au  début  de  la 
troisième  partie — reçoit  des  nouvelles  de  sa  "maîtresse" — 
échange  des  lettres  avec  elle — lui  parle — la  déhvre  de  sa  prison. 
Puis  viennent  les  chapitres  :  De  la  repentance  d'Héhsenne  et  de 
son  trespas — Regrets  de  l'ami — Trespas  de  Guenelic. 

Certes,  ce  roman  est  loin  d'avoir  la  déhcatesse  de  la  Prin- 
cesse de  Clèves,  mais  pour  le  moment  il  ne  s'agit  que  de  la  psy- 
chologie et  de  la  longueur  ordinaire  des  romans.  Or,  ce  roman 
n'est  pas  exempt  de  psychologie  et  il  n'est  pas  interminable,  car 
il  est  plus  petit  de  format  que  la  Princesse,  ne  comprend  que 
trois  parties,  et  pourrait  se  mettre  aisément  en  poche^.  Il  en 
est  de  même  des  ouvrages  qu'a  étudiés  Kuchler:  et  si  l'on  veut 
se  rapprocher  un  peu  plus  de  la  date  de  la  Princesse  de  Clèves, 
Mlle  de  Scudéry  elle-même  pubha,  en  1667,  Mathilde  d'Aguilar 
qui  n'a  que  618  pages! 

Par  crainte  d'allonger  par  trop  un  chapitre  qui,  vu  l'impor- 
tance même  du  sujet  qu'il  traite,  ne  peut  être  que  long,  nous  ne 
nous  attarderons  pas  aux  romans  secondaires  qui  ont  précédé 
l'ouvrage  de  Mme  de  La  Fayette  et  qui,  pourtant,  ont  un  grand 
intérêt.  Il  suffit  de  dire  que  pour  qui  a  fréquenté  les  rayons  d'une 
vieille  bibhothèque,  il  est  impossible  de  regarder  la  Princesse  de 
Clèves  ou  comme  le  premier  roman  de  modeste  longueur,  ou 
comme  le  premier  roman  psychologique. 

En  réahté,  cet  ouvrage  est  le  premier  où  l'intérêt  psycholo- 
gique est  plus  important  que  les  intrigues  et  que  les  aventures. 
L'auteur  en  le  faisant  a  franchi  une  étape  dans  l'évolution  du 
roman  et  une  étape  importante.  En  combattant  les  exagérations 
de  ce  qu'il  a  fait,  nous  n'avons  pas  la  moindre  intention  de  diminuer 
son  mérite.  Nous  tenons  seulement  à  ne  pas  oubHer  les  mérites 
moindres  de  ceux  qui  l'ont  précédé  et  qui  n'ont  pas  été  assez 
^  Le  voliirae  que  nous  avons  vu  n'est  pas  paginé. 


156  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

heureux  pour  trouver  une  place  dans  toutes  les  bibliothèques. 
De  plus,  seul  un  critique  ignorant  totalement  les  conversations 
et  les  discussions  qui  avaient  lieu  dans  l'entourage  de  Made- 
moiselle et  dont  nous  avons  déjà  parlé  à  propos  de  la  Princesse 
de  Montpensier,  pourrait  croire  que  le  fait  de  situer  l'action  en 
France  est  une  nouveauté, 

II 

Et  s'il  est  exagéré  de  dire  que  Madame  de  La  Fayette 
a  eu  la  première  l'idée  d'étudier  ses  semblables  au  heu  de  ne 
faire  appel  qu'à  la  sagesse  des  anciens,  comme  on  faisait  le  plus 
souvent  au  XVI^  siècle,  il  est  également  exagéré  de  prétendre 
que  la  Princesse  de  Glèves  est  une  autobiographie. 

Depuis  que  Sainte-Beuve  a  écrit  :  Il  est  touchant  de  penser 
dans  quelle  situation  particuhère  naquirent  ces  êtres  si  char- 
mants, si  purs,  ces  personnages  nobles  et  sans  tache,  ces  senti- 
ments si  frais,  si  accomphs,  si  tendres  ;  comme  Mme  de  La  Fayette 
mit  là  tout  ce  que  son  âme  aimante  et  poétique  tenait  en  réserve 
de  premiers  rêves  toujours  chéris,  et  comme  M,  de  La  Roche- 
foucauld se  plut  sans  doute  à  retrouver  dans  M. de  Nemours.... i,"j 
depuis  ce  moment,  disons-nous,  on  n'a  pu  résister  à  la  tentation 
d'écrire  des  "pages  charmantes^"  sur  ce  sujet.  Il  ne  faudrait 
pourtant  pas  que  le  plaisir  d'écrire  des  "pages  charmantes"  en- 
traîne à  fausser  la  vérité.  C'est  ce  que,  malgré  nous,  nous  sommes 
obligés  de  reprocher  à  M.  Auguste  Dorchain  lorsqu'il  continue, 
après  avoir  cité  le  passage  de  Sainte-Beuve:  "Par  l'imagination 
aussi,  avec  une  générosité  magnifique,  Mme  de  La  Fayette 
transfigure  sa  faible  et  inconséquente  mère — celle  qui,  si  im- 
prudemment, pour  ne  pas  dire  plus,  la  conduisait  à  vingt  ans 
vers  le  dangereux  cardinal  de  Retz — en  cette  admirable  Mme 
de  Chartres  dont  la  tendresse  divinatrice  et  la  haute  sagesse 
veillent,  jusqu'à  la  mort,  sur  Mme  de  Clèves.  Mais  il  y  a  un 
personnage  encore  plus  complètement  transfiguré,  s'il  est 
possible,  c'est  le  mari;  car  au  lamentable  M.  de  La  Fayette, 
elle  a  substitué  M.  de  Clèves,  parangon  de  toutes  les  délicatesses 
et  de  toutes  les  vertus.  Est-ce  générosité  ici  encore?  Non,  c'est 
plutôt  amour. ...2" 

Avec  ce  système,  on  est  sûr  d'atteindre  le  succès.  Voici,  nous 

^  Portraits  de  femmes. 

2  C'est  ainsi  que  le  Supp.  litt.  du  Figaro  qualifie,  et  avec  raison 
d'ailleurs,  les  pages  qu'il  donne  de  la  préface  de  M.  Dorchain  (Voir  notre 
bibliog.),  Fig.  14,  xii.  1912. 

^  Pp.  xxx-xxxi  de  l'éd.    Voir  bibliog. 


ix]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        157 

semble-t-il,  le  procédé  :  il  y  a  telle  page  de  la  Princesse  qui  rap- 
pelle tel  épisode  de  la  vie  de  l'auteur.  Il  est  de  toute  évidence 
que  l'auteur  fait  ici  de  l'autobiographie.  Mais  voici  une  autre 
page  qui  ne  ressemble  en  rien  à  la  réalité  autobiographique. 
Admirez  donc  la  générosité — ou  l'amour — qui  présente  l'auto- 
biographie sous  un  si  beau  jour.  Le  procédé  est  dangereux  et 
pourrait  mener  loin.  Comment  sait-on  que  Madame  Renaud 
de  Sévigné  était  si  faible  et  si  inconséquente,  où  a-t-on  pris  que 
M.  de  La  Fayette  était  lamentable?  Comme  nous  l'avons  déjà 
démontré,  les  documents  que  nous  possédons  ne  motivent  guère 
ces  dires.  D'ailleurs  ce  parallélisme  entre  la  vie  de  l'auteur  et 
la  vie  de  l'héroïne  du  roman  était  plus  complet  tant  que  l'on 
croyait  M.  de  La  Fayette  mort  peu  de  temps  après  le  mariage. 
On  avait  alors  beau  jeu,  le  mari  mort — peut-être  de  jalousie — La 
Rochefoucauld,  après  la  mort  de  sa  femme,  insiste  auprès  de 
Madame  de  La  Fayette  pour  qu'elle  l'épouse.  Elle  refuse — à 
l'imitation  de  la  princesse — se  retire  du  monde,  écrit  à  Du  Guet,  v 

etc. . .  .Madame  de  La  Fayette  n'aurait  fait  qu'écrire  ses  mémoires 
dans  la  Princesse  de  Clèves.  Malheureusement,  la  découverte  de 
la  date  de  la  mort  du  mari  a  infirmé  un  peu  le  parallèle — sans 
qu'on  ait  voulu  l'avouer  jusqu'ici.  En  1678,  M.  de  La  Fayette 
se  portait  très  bien  et,  comme  les  auteurs  du  roman  n'étaient 
pas  inconnus  dans  le  cercle  intime  de  leurs  amis,  il  est  à  supposer 
que,  même  si  Mme  de  La  Fayette  n'avait  pas  eu  l'idée  d'en 
envoyer  un  exemplaire  à  son  mari,  il  se  serait  trouvé  parmi  ces 
amis  des  âmes  assez  charitables  pour  lui  faire  cette  déhcate 
attention.  Et  ce  mari  avait  beau  être  "sot  et  benêt,"  vulgaire, 
et  lamentable — il  savait  Hre  et  aurait  pu  apprécier  les  allusions 
de  la  Princesse  de  Clèves  aussi  bien  qu'un  critique  du  XIX^ 
siècle.  Il  ne  faut  donc  pas  répéter  avec  M.  Dorchain,  "Jamais 
confession  de  femme  ne  fut  à  la  fois  plus  entière  et,  sous  le  voile 
de  la  fiction  romanesque,  plus  pudique."  Pudique,  une  telle 
confession  du  vivant  du  mari  ?  non  pas  !  A  moins  que  l'on  ne 
veuille  pousser  l'analogie  encore  plus  loin  et  nous  dire  que 
c'est  l'aveu  de  la  Princesse  de  Clèves  que  fait  ainsi  Mme  de  La 
Fayette  à  son  mari.  Cela  se  pourrait — mais  il  y  a  une  nuance. X  Q 
La  princesse  de  Clèves  ne  se  doutait  même  pas  de  la  présence  de 
M.  de  Nemours  quand  elle  fit  son  aveu — elle  n'en  eût  pas  fait  -^ 
un  prétexte  à  littérature.  Et  enfin,  si  la  Princesse  de  Clèves  est 
une  autobiographie,  pourquoi  la  Princesse  de  Montpensier — ou 
la  Comtesse  de  Tendre — n'en  serait-elle  pas  une? 

Il  est  une  autre  façon  d'envisager  le  roman.    C'est,  dit-on, 


158  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

un  roman  historique,  sur  la  cour  de  Henri  II,  mais — ici  on  sourit 
avec  indulgence  et  on  ajoute — bien  entendu,  il  ne  représente 
pas  la  cour  des  Valois  avec  sa  rudesse.... etc.,  mais  bel  et  bien 
la  cour  polie  de  Louis  XIV.  Madame  de  La  Fayette  n'a  fait 
qu'observer  ce  qui  se  passait  autour  d'elle,  elle  l'a  décrit  avec 
la  finesse  d'observation  psychologique  qui  lui  est  propre.... C'est 
encore  une  demi-vérité  que  l'on  nous  offre. 

Madame  de  La  Fayette  croyait  faire  un  roman  historique^, 
elle  pensait  fermement  que  la  cour  qu'elle  voulait  décrire  était 
une  cour  pohe  et  ses  contemporains  auraient  été  étonnés  de  la 
voir  représentée  d'une  autre  façon^.  Si  elle  n'a  pas  dépeint  la 
grossièreté  de  l'époque  ce  n'est  pas  qu'elle  l'ignorait:  ce  n'est 
pas  non  plus,  parce  qu'elle  ne  rédigeait  qu'une  autobiographie, 
c'est  parce  qu'elle  faisait  des  concessions  au  goût  de  son  monde, 
et  qu'elle  avait  du  respect  pour  son  sexe  et  pour  son  art.  Certes  le 
résultat  est  peut-être  tel  qu'on  le  présente — mais  il  y  a  la  manière 
— et  il  ne  faut  pas  sous-entendre  que  Madame  de  La  Fayette  ne 
s'était  pas  mise  en  peine  de  savoir  ce  qu'était  la  cour  qu'elle 
décrivait.  EUe  avait  lu  Brantôme  et  d'autres  mémoires  de 
l'époque^  qu'elle  a  suivis  de  près  pendant  la  rédaction  de  son 


^  Elle  écrivait  à  Lescheraine  que  ce  n'était  pas  un  roman  mais  "des 
mémoires." 

2  Arvède  Barine  l'a  bien  fait  remarquer  (et  non  pas  à  propos  de  la 
Princesse  de  Clèves)  dans  le  passage  que  voici:  (La  société  des  Valois) 
"On  sait  assez  qu'il  n'en  fut  guère  de  plus  corrompue.  Cetix  qui  l'avaient 
connue  en  avaient  néanmoins  gardé  un  éblomssement,  et  eux-mêmes 
passaient  sous  Loms  XIII  pour  les  survivants  d'une  civilisation  supé- 
rieure, exquise  de  politesse  et  d'élégance.  Les  femmes  de  la  cour  d'Anne 
d'Autriche  tenaient  à  grand  honneur  d'attirer  l'attention  de  ces  vieillards 
grâce  auxquels  '  il  y  avoit  encore  en  France  quelque  reste  de  la  politesse 
que  Catherine  de  Médicis  y  avoit  apportée  d'Italie  '  "  {Mém.  de  Mme  de 
Motteville).   A.  Barine,  La  jeunesse  de  la  Gr.  Mlle. 

UOrasie  de  Mézeray  avait  déjà  dépeint  "la  plus  pompeuse  cour  que 

l'on  ayt  jamais  veue une  cour  où  régnoient  les  vrayes  civilités    & 

la  plus  piire  politesse:  où  les  fausses  galanteries  &  les  bassesses  ne  s'es- 
toient  point  introduites."    Épître,  1646. 

2  Ceux  de  Castelnau,  p.  e.  (avec  add.  de  Jean  Laboureur,  1659,  F»). 
Cette  dociimentation  ne  fut  pas  ignorée  des  contemporains.    Valincour 

écrit "Il  n'est  rien  de  plus  véritable  et  l'on  trouve  dans  les  mémoires 

d'un  courtisan  qui  fut  présent  à  ce  spectacle "  Il  ne  nomme  pas  Bran- 
tôme mais  les  détails  qu'il  remarque  sont  dans  les  Mémoires.  C'est 
M.  L.  Lalanne  qui  indiqua  l'usage  qu'en  avait  fait  Mme  de  La  Fayette. 
Voir  Brantôme,  sa  vie  el  ses  écrits,  p.  367. 

Nous  avions  l'intention,  au  début  de  ce  travail,  d'étudier  en  détail 


ix]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        159 

roman.  Mais  il  y  avait  dans  Brantôme  beaucoup  de  choses  qui 
déplaisaient  à  Mme  de  La  Fayette  et  qui  juraient  avec  l'atmo- 
sphère de  son  roman.  Elle  a  donc  exercé  son  droit  d'artiste  et 
a  atténué  et,  au  besoin,  supprimé  ce  qui  aurait  fait  tache  dans 
la  Princesse  de  Clèves. 

Voici,  à  titre  d'exemple,  le  portrait  de  Nemours  par  Bran- 
tôme :  "  Qui  n'a  veu  Monsieur  de  Nemours  en  ses  années  guayes 
il  n'a  rien  veu,  et  qui  l'a  veu  le  peut  baptiser  par  tout  le  monde  la 
fleur  de  toute  chevallerie  ;  et  pour  ce  fort  aymé  de  tout  le  monde  et 
principallement  des  dames  desquelles  (au  moins  d'aucunes)  il  en  a 
tiré  des  faveurs  et  bonnes  fortunes  plus  qu'il  n'en  vouloit  et 
plusieurs  en  a  il  refusé  qui  lui  en  eussent  bien  voulu  départir. 
J'ai  cogneu  deux  fort  grandes  dames,  des  belles  du  monde  qui 
l'ont  bien  aymé,  et  qui  en  ont  bruslé  à  feu  descouvert,  et  couvert, 
que  les  cendres  de  discrétion  ne  pouvoient  tant  couvrir  qu'il  ne 
parust.  Plusieurs  fois  leur  ay-je  veu  laisser  les  vespres  à  demy 
dictes  pour  l'aller  veoir  jouer  ou  à  la  paulme,  ou  au  ballon,  en  la 
bassecour  des  logis  de  nos  rois.    Pour  en  aymer  trop  une  et 

les  sources  historiques  de  la  Princesse  de  Clèves,  et  si  nous  ne  l'avons 
pas  fait,  ce  n'est  pas  parce  que  le  sujet  manque  d'intérêt  ou  parce  que  ces 
sovirces  sont  introuvables,  c'est  tout  simplement  parce  que  nous  avons 
appris  en  cours  de  route  que  cette  tâche  a  été  entreprise  avant  nous  par 
des  personnes  plus  compétentes  et  plus  susceptibles  de  la  mener  à  bien. 
En  eiïet,  parmi  nos  confrères  de  la  Société  d'histoire  littéraire  de  la 
France  il  y  a  tout  d'abord  M.  Chamard  qm  a  cette  question  en  main — 
et  depuis  longtemps  M.  Rudler  est  venu  se  joindre  à  lui,  après  avoir  tra- 
vaillé seul  pendant  quelque  temps.  Voilà  même,  nous  apprend-on,  qu'iin 
troisième  membre  de  la  Société  s'est  occupé  du  même  sujet.  De  tout 
ceci  rien  n'est  publié  au  moment  où  nous  écrivons  ces  lignes.  Les  travaux 
de  MM.  Chamard  et  Rudler  paraîtront  sous  forme  d'édition  critique. 
La  troisième  personne  s'est  désistée  en  faveur  de  ses  confrères — mais 
publiera  peut-être  son  travail  après  eux.  Nous  aurions  mal  employé 
notre  temps  si,  avec  tant  d'autres  recherches  à  faire  sur  notre  auteur, 
nous  nous  étions  obstiné  à  travailler  dans  le  champ  qvii  occupe  seul 
l'attention  de  ces  messieurs,  et  cela  aiirait  été  même  indélicat,  car  c'est 
en  assistant  aux  excellentes  leçons  de  M.  Chamard  que  nous  avons  eu 
l'idée  d'entreprendre  ce  travail.  Nous  ne  donnerons  ici  que  quelques 
détails  déjà  connus — ou  les  résultats  de  nos  petites  recherches — très 
content  de  pouvoir  laisser  cette  question  entre  les  mains  de  travailleurs 
aussi  compétents. 

Nous  venons  de  recevoir,  quand  la  première  partie  de  ce  travail  est  déjà 
sous  presse,  le  numéro  de  la  Revue  du  XV I^  siècle  contenant  le  premier 
article  de  MM.  Chamard  et  Rudler  sur  cette  question  des  sources  de  la 
Princesse  de  Clèves.  Nous  nous  faisons  un  plaisir  d'appeler  l'attention 
des  travailleurs  sur  cet  article  très  docimaenté  et  du  plus  haut  intérêt. 


160  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

lui  estre  fort  fidelle,  il  ne  voulut  ajmaer  l'autre,  qui  pourtant 
l'ayinoit  tousjours.  Je  luy  ay  ouy  raconter  plusieurs  fois  de 
ses  advantures  d'amours,  mais  il  disoit  que  la  plus  propre 
reeepte  pour  jouyr  de  ses  amours  estoit  la  hardiesse  ;  et  qui 
seroit  bien  hardy  en  sa  première  poincte  infailliblement  il  em- 
porteroit  la  forteresse  de  sa  dame  ;  et  qu'il  en  avoit  ainsy 
conquis  de  ceste  façon  plusieurs  et  moictié  à  demy  force  et 
moictié  en  jouant." 

On  n'a  qu'à  comparer  ce  portrait  avec  celui  qu'écrit  Mme  de 
La  Fayette,  pour  discerner,  en  même  temps  que  de  grandes 
ressemblances,  des  différences  importantes  et  caractéristiques. 
EUe  ne  tient  aucun  compte  de  la  dernière  phrase^,  qui  déton- 
nerait dans  son  roman.  Partout  ailleurs,  en  utilisant  Brantôme, 
elle  supprime  ses  gaillardises  et  adapte  son  esprit  de  camp  aux 
besoins  des  gens  de  la  cour.  Brantôme  est  trop  prolixe  en  parlant 
de  Henri  II — elle  le  résume.  Elle  fait  faire  un  brin  de  cour  à 
Madame  la  Dauphine  par  le  duc  de  Nemours,  bien  que  Brantôme 
n'en  dise  rien,  mais  lorsqu'elle  raconte  le  projet  de  mariage  entre 
le  duc  et  Elisabeth  d'Angleterre  elle  suit  les  mémoires  d'assez 
près.  "Ceste  mesme  reine,"  écrit  Brantôme,  "ayant  ouy  tant 
renommer  M.  de  Nemours  des  perfections  et  valleurs  qui  estoient 
en  luy,  fut  curieux  d'en  demander  des  nouvelles  à  feu  M.  de 
Randan,  lorsque  le  roy  François  second  l'envoya  en  Escosse 
faire  la  paix  devant  le  Petit  Lictz  qui  estoit  assiégé."  C'est  là 
qu'on  voit  le  roi  faire  des  efforts  pour  persuader  Nemours 
d'essayer  sa  bonne  fortune,  qu'on  apprend  les  préparatifs  de 
Nemours,  et  que  ce  dernier  se  fait  précéder  de  M.  de  Lignerolles. 
"Tout  à  coup  ledict  voyage  se  rompit,"  dit  Brantôme  et  il 
ajoute:  "Je  dirois  aussy  bien  qu'homme  de  France,  à  quoy  il 
tint  que  ceste  rupture  se  fist,  si -non  qu'en  passant,  ce  seul  mot  : 
que  d'autres  amours,  possible,  luy  serroient  plus  le  cœur  et  le 
tenoient  plus  captif  et  arresté^." 

Madame  de  La  Fayette  fait  une  transposition  chronologique 
puisque  le  fait  se  passe  sous  François  II,  et  elle  profite  de  la 
vague  raison  donnée  par  Brantôme  pour  attribuer  à  un  amour 
pour  la  princesse  de  Clèves  le  changement  survenu  dans  les 
projets  de  Nemours. 

>àr  1  Et  Bayle,  dans  ses  Nouvelles  lettres,  1685,  T.  li.  652  Im  en  fait  un 
grief.  Il  trouve  que  Nemoiirs  a  trop  de  timidité  et  trop  de  respect  pour 
être  dans  le  siècle  ("dans  notre  siècle"  écrit  Bayle)  et  cite  le  passage  de 
Brantôme  ci -dessus  pour  prouver  que  Mme  de  La  Fayette  a  gâté  "la 
nature  et  la  vérité."  2  Brantôme,  Éd.  Elzév.  xn.  350-352. 


IX]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        161 

On  remarquera  que  Madame  de  La  Fayette  use  de  l'histoire 
à  peu  près  de  la  même  façon  que  Corneille  et  Racine.  Corneille 
prend  un  homme  au-dessus  de  la  nature,  mais  son  choix  s'appuie 
sur  l'histoire.  Racine  est  plus  humain,  mais  lui  aussi  se  sert  de 
l'histoire  et  de  la  légende.  Dans  la  Princesse  de  Clèves,  il  n'y  a  que 
les  personnages  secondaires  qui  soient  historiques.  Le  prince 
de  Clèves  ne  s'est  jamais  marié.  Mademoiselle  de  Chartres  n'a 
jamais  existé,  mais  le  Vidame  de  Chartres  auquel  l'auteur  du 
roman  la  rattache  est  un  personnage  historique  et  trouve  place 
dans  les  récits  de  Brantôme,  Les  projets  de  mariage  de  Madame, 
sœur  du  roi,  se  Usent  également  dans  les  Vies  des  Dames  illustres 'y 
Madame  de  La  Fayette  est  plus  concise  que  Brantôme.  Pour 
l'histoire  de  Diane  de  Poitiers  les  som'ces  en  sont  éparses  dans 
les  Mémoires,  mais  Madame  de  La  Fayette  dut  avoir  sous  la 
main  d'autres  mémoires  de  l'époque  qu'elle  utihsa  en  vue  de  ce 
chapitre.  Au  tournoi,  les  couleurs  du  duc  de  Nemours  que 
donne  Brantôme,  sont  celles-là  même  que  donne  Madame  de 
La  Fayette . . . .  "  Monsieurde  Nemours  jaune  et  noir^(ui^igmfien^ 
jouissanceet  fermeté  ou  ferme  en  jouissance,  car  il  estoit  alors, 
ce'dîsôît^on,  jouissanto^me  des  plus  belles  dames  du  monde  et 
pour  ce  devoit-il  estre  ferme  et  fidèle  à  elle  pour  bonne  raison 
car  ailleurs  n'eut-il  sceu  mieux  rencontrer  et  avoir^." 

Brantôme  ne  fait  qu'une  allusion  discrète  à  la  Maison  du 
Vidame  de  Chartres  et  de  la  reine  ("Une  très  grande  dame  fut 
fort  blâmée...."),  mais  Castelnau  dit  ouvertement,  "  ....la  Reine 
Catherine,  qu'il  avoit  longtems  ser\àe  par  une  pure  inclination. ..." 

Ces  quelques  citations^  suffisent  pour  indiquer  la  façon  dont 
Mme  de  La  Fayette  se  documentait.  Lorsque  les  travaux  qui 
sont  actuellement  entrepris,  et  dont  nous  avons  parlé  dans  une 
note,  seront  pubhés,  nous  pourrons  pénétrer  encore  plus  avant 
dans  les  méthodes  de  notre  auteur.  Mais  on  ne  se  contente  pas 
de  rechercher,  en  ce  moment,  les  sources  historiques  de  la 
Princesse  de  Clèves,  on  va  plus  loin  :  on  en  recherche  les  sources 
romanesques.  La  tâche  est  plus  difficile.  Et  pourtant  on  peut 
croire  que  les  lectures  de  Mme  de  La  Fayette  ont  influé  sur  le 
romanesque  de  son  Hvre.   Li'Amadis  (rv.  p.  151)  peut  lui  avoir 

^  Citation  de  Brantôme  dans  les  Mém.  de  Castelnau,  1731,  i.  Add.  de 
Laboureur  au  Liv.  i.  Chap.  i.  p.  271.  Laboureur  publia  dans  l'édition 
de  1659  des  notes  tirées  des  manuscrits  de  Brantôme.  Cette  édition  a 
servi  à  Mme  de  La  Fayette. 

^  Voir  aussi  Lalanne,  op.  cit.  Appendice  "Brantôme  et  la  Princesse 
de  Clèves." 

A.  Il 


162  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

donné  l'idée  de  la  scène  mélancolique  où  Nemours  se  promène 
le  long  de  la  rivière  bordée  de  saules^.  Les  saules  même — bien 
que  leur  présence  résulte  probablement  d'une  observation  directe 
de  Mme  de  La  Fayette — peuvent  être  un  souvenir  du  passage 
que  voici:  "Il  n'y  a  nulle  avenue  que  quelques  arbres  qui  sont 
plantés  sans  ordre  des  deux  costés  d'un  mail.  Mais  les  saules 
qui  bordent  la  rivière  fort  près  l'un  de  l'autre  composent  de 
l'espaisseur  de  leur  testes  un  ombrage.... etc. 2"  C'est  Segrais 
qui  écrit  cela  dans  une  de  ses  nouvelles.  On  fait  remarquer  aussi 
que  "la  fin  pénétrante  de  Madame  de  Clèves  semble  un  souvenir 
lointain  de  la  conclusion  mélancolique  des  amours  de  Guenièvre 
et  de  Lancelot.  Partagée  entre  la  passion  la  plus  légitime  et  le 
remords  d'avoir  involontairement  abrégé  la  vie  de  son  mari, 
Madame  de  Clèves  prend  le  même  parti  que  l'épouse  coupable 
d'Artus  et  avec  quelle  élévation  î^"  On  se  rappelle  que  dans 
VAmadis,  Lisvart  aime  Gradafilée  du  vivant  de  sa  propre  femme. 
Gradafilée  ne  lui  cède  pas.  Lorsque  Lisvart  se  trouve  libéré  par 
la  mort  de  sa  femme,  Gradafilée  le  marie  avec  l'impératrice  de 
Babylone'*. 

Nous  admettrions  plus  volontiers  une  influence  générale  de 
VAmadis  et  de  VAstrée,  une  influence  telle  qu'un  livre  lu  pour 
le  plaisir,  et  non  pas  pour  le  profit,  peut  exercer  sur  les  idées 
du  lecteur.  Ces  deux  romans  ont  pu  aider  à  cette  conception 
exaltée  de  l'amour,  à  cette  élévation  continue,  à  cette  générosité 
magnanime  qui  se  trouvent  dans  tous  les  romans  de  Madame  de 
La  Fayette. 

Mais  Madame  de  La  Fayette  ne  manquait  pas  de  se  servir 
des  incidents  de  la  vie  réelle.  Par  exemple,  elle  avait  déjà  raconté, 
dans  VHistoire  d'Henriette  d'Angleterre,  comment  le  comte  de 
Guiche  avait  été  blessé.  Madame  en  entendit  des  nouvelles 
alarmantes  chez  le  roi  et  elle  "en  fut  si  saisie  qu'elle  fut  heureuse 
que  l'attention  que  tout  le  monde  avoit  pour  la  relation  empê- 
chât de  remarquer  le  trouble  où  elle  étoit."  Le  duc  de  Nemours 
est  blessé  de  même  ;  la  princesse  de  Clèves,  présente,  éprouve  un 

^  On  doit  cette  remarque  à  Eug.  Baret,  De  VAmadis  de  Gaule  et  de 
son  influence,  p.  173  et  smv. 

2  La  rivière  bordée  de  saules  revient  souvent  dans  les  écrits  des 
contemporains  de  Mme  de  La  Fayette.  "Anaxandre  et  Amalthée  ont 
une  maison  à  vingt  milles  de  Syracuse — une  petite  rivière  qai  après 
avoir  serpenté  dans  les  prairies  bordées  de  saules — "  (Clélie,  T.  vi.  1658, 
p.  825).   Ce  serait  donc  un  souvenir  de  cette  maison? 

^  Baret,  op.  cit. 

4  Voir  V.  du  Bled,  La  Soc.fr.  i.  49. 


il 


ix]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        163 

saisissement  tout  comme  Madame,  mais  elle  n'a  pas  le  même 
bonheur  de  pouvoir  le  cacher  à  tout  le  monde.  Pour  le  caractère 
de  Nemours,  sa  vie  galante,  le  changement  brusque  qui  s'opère 
en  lui  après  sa  rencontre  avec  la  princesse  de  Clèves,  certains 
de  nos  prédécesseurs  ont  suffisamment  démontré  que  Madame 
de  La  Fayette  avait  sous  les  yeux  un  modèle  en  la  personne  de 
La  Rochefoucauld.  Il  en  est  de  même  pour  la  princesse — et, 
comme  nous  l'avons  déjà  vu,  la  mère  serait  un  souvenir  de 
Madame  de  La  Vergne.  Sans  transformer  le  roman  en  auto- 
biographie, on  doit  admettre  que  l'auteur  a  puisé  dans  son 
expérience  personnelle  aussi  bien  pour  certains  événements  que 
pour  les  sentiments  des  personnages. 

Mémoires  historiques,  vieux  romans,  expériences  person- 
nelles, voilà  des  sources  que  l'on  ne  saurait  reprocher  à  Madame 
de  La  Fayette.  Ce  n'est  pas  tout.  Elle  aurait,  dit-on,  utilisé 
un  roman  contemporain  écrit  par  Mme  de  Villedieu.  Elle  lui 
aurait  pris,  non  pas  un  détail,  mais  l'idée  fondamentale  de  son 
roman — l'aveu  d'une  femme,  coupable  seulement  dans  son 
cœur,  aveu  fait  à  son  mari  qui  l'aime  et  n'en  est  pas  aimé.  Cet 
emprunt,  si  c'en  est  un,  ne  passa  pas  inaperçu  aux  yeux  du 
critique  Vahncour  qui  fait  dire  à  une  "personne  de  qualité,"^ 
"Je  sçay  bien  que  dans  le  second  tome  d'un  certain  Uvre  que 
l'on  appelle,  si  je  ne  me  trompe.  Les  Désordres  de  Vamour,  on 
trouve  une  histoire  qui  a  quelque  rapport  avec  celle-cy.  On  y 
voit  le  Marquis  de  Termes  amoureux  de  sa  propre  femme:  on 
voit  cette  femme  répondre  aux  empressements  de  son  mari  avec 
beaucoup  de  froideur  et  d'insensibiUté,  chercher  la  soHtude, 
fuir  le  grand  monde,  &  enfin  devenir  malade  de  chagrin.  Son 
mari  en  est  au  désespoir;  il  ne  la  quitte  point:  &  l'ayant  un 
jour  surprise  comme  elle  fondoit  en  larmes,  il  la  presse  de  luy 
découvrir  le  sujet  qui  les  faisoit  couler.  Elle  s'en  défend  long- 
temps, &  enfin  elle  luy  avoue  qu'elle  aimoit  le  jeune  Baron  de 
Bellegarde....Il  répond.... ce  que  vous  ne  devineriez  pas  sans 
doute:  il  asseure  sa  femme  qu'il  ne  sera  jamais  content  qu'elle 
n'ait  épousé  celuy  qu'elle  aime.  Il  part  de  la  main  pour  aller 
soUiciter  la  dispense  auprès  du  Saint  Père  :  &  jugeant  que  l'affaire 
pourroit  traîner  en  longueur  de  ce  costé-la  il  se  fait  tuer  à  la 
première  occasion  qu'il  en  trouve,  après  avoir  fait  son  Testa- 
ment, dans  lequel  il  fait  son  neveu  son  légataire  universel,  à 
condition  d'épouser  celle  qu'il  laissoit  veuve^par  sa  mort. 
C'estoit  un  mari,  cela,  ajousta-t-il  en  riant. ...^" 

1  Valincoxir,  Lettres  à  la  Marquise,  pp.  216-218. 

11—2 


164  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

Aussitôt  le  défenseur  de  Mme  de  La  Fayette  répond  dans 
ses  Conversations  sur  la  critique  de  la  Princesse  de  Clèves^:  "Ce 
qu'il  y  a  de  seur  à  l'égard  de  l'Auteur  de  la  Princesse  de  Clèves 
&  que  je  sçay  de  bonne  part,  c'est  qu'il  avoit  fait  son  Histoire 
longtems  avant  l'impression  du  Livre  des  Désordres  de  V Amour. ^^ 
La  question  en  resta  là  jusqu'en  1898;  à  cette  époque 
M.  Armand  Praviel  publia  dans  la  Revue  littéraire  un  article  que 
nous  n'avons  vu  mentionné  sur  aucune  bibliographie  et  qui  paraît 
/  •  I  n'être  guère  connu.  Dans  cet  article,  consacré  à  l'aveu  et  à 
l'emprunt  prétendu  fait  au  roman  de  Mme  de  Villedieu,  M.  Pra- 
viel date  ce  dernier  de  1664  ou  1665,  et  pour  cela  il  s'appuie  sur 
V Histoire  littéraire  des  femmes  françaises.  Il  est  difficile  de  fixer 
la  date  exacte  de  ce  roman,  devenu  très  rare^,  mais  nous  ne 
croyons  pas  qu'il  soit  de  1665.  Dans  la  sixième  partie  du 
Journal  Amoureux  Madame  de  Villedieu  dresse  une  liste  de  ses 
ouvrages  et  ajoute  qu'elle  est  "fidèle  jusqu'à  la  fin  d'Avril  de 
l'année  1671,  et  je  proteste,"  ajoute-t-elle,  "que  je  n'ai  jamais 
fait  imprimer  que  les  livres  dont  il  fait  mention^."  Il  n'y  est  pas 
question  des  Désordres  de  F  Amour.  Langlet  du  Fresnoy  attribue 
la  date  1676  à  ce  roman*.  Sans  savoir  si  la  Princesse  de  Clèves  fut 
achevée  avant  la  publication  des  Désordres  de  V Amour  comme  le 
prétend  l'abbé  de  Charnes,  nous  pouvons  croire  ou  à  une  source 
commune  pour  cette  scène  qui  se  retrouve  dans  les  deux  romans 
et  dans  le  fait-divers  du  Mercure  de  janvier  1678,  ou  même  à  une 
indiscrétion  de  Madame  de  La  Fayette  qui  en  aurait  donné  ainsi 
l'idée  à  Mme  de  Villedieu  et  à  de  Visé.  M.  Baldensperger  qui  a 
rapproché  le  fait-divers  et  la  Princesse  de  Clèves  a  envisagé  la 
possibilité  d'une  telle  indiscrétion  mais  il  objecte  "L'espèce  de 
stupeur  que  la  scène  de  l'aveu  provoqua  après  la  publication  du 
livre  (la  Princesse  de  Clèves)  chez  des  lecteurs  qui  auraient 
été  en  mesure  de  la  connaître  et  qui  auraient  eu  le  loisir  de  s'en 
inquiéter^."  Cette  objection  a  moins  de  force  que  l'on  pourrait 
le  croire  car  il  est  certain  que  les  Désordres  de  V Amour  conte- 
naient un  aveu  analogue — ce  qui  aurait  dû  diminuer  encore 
davantage  la  "stupeur."  Et  puis,  qui  éprouva  cette  "stupeur"? 
Bussy-Rabutin  surtout  qui,  d'après  sa  propre  affirmation,  ne 

1  Anon.  (L'abbé  de  Charnes),  Paris,  Barbin,  1679,  in  12°,  p.  231. 

2  La  Bibl.  Nat.  ne  possède  qu'xui  exemplaire  incomplet. 
2  Voir  le  Cap.  Derome,  Madame  de  Villedieu  inconnue,  Mamers,  1911. 
*  Bihl.  des  Romans,  ii.  55. 
^  Rev.  de  philol.  fr.  et  de  litt.  xv.  1901,  26.    À  propos  de  l'aveu  de  la 

princesse  de  Clèves.  Voir  aussi  le  Mercure  de  janv.  1677,  p.  35. 


I 

L 


ix]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        165 

lisait  plus  de  romans  depuis  le  collège.    Rien  d'étonnant  donc 
qu'il  n'eût  pas  vu  celui  de  Madame  de  Villedieu. 

Mais  si  Madame  de  Villedieu,  qui  travaillait  vite,  a  su  profiter 
d'une  indiscrétion  due  au  fait  que  Madame  de  La  Fayette  com- 
muniquait facilement  son  manuscrit,  il  est  certain  que  cette 
dernière  de  son  côté  ne  pouvait  ajouter  cette  scène  au  dernier 
moment,  après  l'avoir  lue  dans  un  roman  publié  en  1676^.  Il  est 
de  toute  évidence  que  tout  le  roman  de  la  Princesse  de  Clèves  fut  -^ 
écrit  en  vue  de  l'aveu.  En  voici  la  preuve,  si  elle  est  nécessaire. 

À  la  page  66^,  le  prince  de  Clèves  dit  à  sa  femme,  en  racontant 
l'histoire  de  Sancerre,  "....la  sincérité  me  touche  d'une  telle 
sorte  que  je  crois  que  si  ma  maîtresse,  et  même  ma  femme, 
m'avouaient  que  quelqu'un  lui  plût,  j'en  serois  affligé  sans  en 
être  aigri  :  je  quitterois  le  personnage  d'amant  ou  de  mari,  pour 
la  conseiller  et  pour  la  plaindre."  Madame  de  La  Fayette  ajoute, 
"Ces  paroles  firent  rougir  Mme  de  Clèves,  et  elle  y  trouva  un 
certain  rapport  avec  l'état  où  elle  étoit...." 

À  la  page  96,  Mme  de  Clèves  se  rappelle  ces  paroles  de  son 
mari  et  "il  lui  sembla  qu'elle  lui  devoit  avouer  l'inclination 
qu'elle  avoit  pour  M.  de  Nemours."  À  la  page  107,  la  princesse 
se  repent  "de  n'avoir  pas  suivi  la  pensée  qu'elle  avoit  eue  de  lui 
avouer  (c.  à  d.  à  son  mari)  l'inchnation  qu'elle  avoit  pour  M.  de 
Nemours." 

À  la  page  130,  à  propos  de  la  lettre  perdue,  Madame  la 
Dauphine  dit  à  la  princesse  de  Clèves,  " ....Il  n'y  a  que  vous  de 
femme  au  monde  qui  fasse  confidence  à  son  mari  de  toutes  les 
choses  qu'elle  sait." 

À  la  page  136,  la  princesse  se  dit  "si  M.  de  Clèves  s'opiniâtre 
à  l'empêcher  ou  à  vouloir  en  savoir  les  raisons,  peut-être  lui  ferai- 
je  le  mal,  et  à  moi-même  aussi,  de  les  lui  apprendre."  A  la  page 
140  vient  l'aveu.    , 

En  somme,  bien  que  nous  ne  puissions  encore  préciser  la  date 
du  roman  de  Mme  de  Villedieu  et  trancher  ainsi  la  question,  nous 
penchons  du  côté  de  Mme  de  La  Fayette  et  nous  croyons  jusqu'à 
nouvel  avis  que  c'est  elle  qui  eut  la  première  cette  idée  de  l'aveu. 

Madame  de  La  Fayette  ne  se  serait  pas  contentée  de  l'aide 
des  livres,  elle  aurait  profité  aussi  de  l'aide  de  ses  amis  Segrais 
et  La  Rochefoucauld.  Nous  avons  déjà  vu  au  sujet  de  la  Prin- 
cesse de  Montpensier  qu'on  attribua  à  Segrais  un  rôle  qui  fut 

^  On  trouvera  à  l'appendice  x.  le  passage  tel  que  M.  Praviel  l'a  donné 
dans  son  article. 

2  Éd.  de  Lescvire,  1881. 


166  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

tenu  en  réalité  par  Ménage^.  De  plus,  Segrais,  qui  pour  Zaïde 
ne  peut  s'empêcher  de  réclamer  une  part  de  collaboration,  dit 
simplement  dans  le  même  paragraphe^,  "La  Princesse  de  Clèves 
est  de  Madame  de  La  Fayette."  Enfin,  lorsque  le  roman  parut 
chez  Barbin  en  1678  il  y  avait  déjà  deux  ans  que  Segrais  s'était 
retiré  en  province.  Nous  n'ignorons  pas  que  l'on  a  souvent 
écrit  que  le  roman  était  terminé  en  1672,  mais  pour  nous  con- 
vaincre il  faudrait  nous  mettre  sous  les  yeux  le  manuscrit  de 
la  lettre  de  Madame  de  Sévigné  sur  laquelle  repose  cette  asser- 
tion. Si  vraiment  elle  écrivit^  le  16  mars  1672  le  passage  que 
voici  :  "Je  suis  au  désepoir  que  vous  ayez  eu  Bajazet  par  d'autres 
que  moi.  C'est  ce  chien  de  Barbin  qui  me  hait  parce  que  je  ne 
fais  pas  des  Princesses  de  Clèves  et  de  Montpensier,"  pourquoi 
éprouve-t-elle  le  besoin  de  faire  la  première  allusion  au  texte  de 
ce  roman  le  18  mars  1678  et  d'exphquer  que  c'est  un  petit  hvre 
qui  vient  de  paraître?  Mme  de  Scudéry,  écrivant  à  Bussy  le 
8  décembre  1677,  annonçait  comme  une  grande  nouvelle  que 
"M.  de  la  Rochefoucauld  et  Madame  de  La  Fayette  ont  fait 
un  roman  des  galanteries  de  la  cour  de  Henri  second  qu'on  dit 
être  admirablement  bien  écrit.. . .■*  "  Dans  le  cercle  le  plus  intime 
de  Mme  de  La  Fayette,  le  roman  circulait  donc  en  manuscrit, 
comme  une  nouveauté,  à  la  fin  de  l'année  1677^.  Nous  n'ignorons 
pas  la  difficulté  qu'il  y  a  à  attribuer  la  part  qui  revient  à  tel  ou 
tel  collaborateur  dans  une  œuvre  de  ce  genre,  mais  nous  avouons 
franchement  ne  pouvoir  rien  trouver  dans  ce  roman  qui  montre 
le  rôle  important  qu'aurait  joué  Segrais.  Dieu  merci  !  rien  n'est 
fait  "selon  les  règles  de  l'art"; — de  ces  "règles  de  l'art"  qu'il 
avait  appHquées  à  Zaïde. 

1  Brédif,  Segrais,  1863,  pp.  64  et  siiiv.  "En  1662  quand  elle  eut 
composé  Mme  de  Montpensier  elle  n'osa  s'en  avouer  l'auteur.  Segrais 
qui  l'avait  aidée  à  composer  l'ouvrage  le  publia  sans  la  nommer."  Et 
voilà  pourquoi  elle  écrivit  à  Ménage  pour  avoir  des  nouvelles  de  l'im- 
pression et  pour  traiter  avec  son  libraire  !  !  ! 

2  Segraisiana,  p.  9.  Cité  plus  haut  à  propos  de  Zaïde.  Il  est  vrai  que 
dans  un  autre  passage  il  insinue  qu'il  aurait  dû  répondre  aux  critiques 
de  Valincour  mais  ailleurs  il  se  contredit  comme  il  avait  fait  pour  Zaïde. 

^  D'après  l'autre  explication  elle  avait  écrit  "Zaïde"  et  Perrin  crut 
devoir  substituer  la  "Princesse  de  Clèves"  à  "Zaïde"  comme  étant  plus 
célèbre.   Voir  la  note  à  ce  passage  dans  le  T.  n.  de  l'éd.  des  G.  É.  p.  534. 

*  Déjà  citée  à  propos  de  la  liaison. 

^  Valincour  écrit:  "Jamais  ouvrage  ne  m'a  donné  plus  de  curiosité. 
On  l'avoit  annoncé  longtemps  avant  sa  naissance:  des  personnes  très 
éclairées  et  très  capables  d'en  juger,  l'avoient  loué  comme  un  chef-d'œuvre 
en  ce  genre  là  "  (op.  cit.  page  2). 


ix]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        167 

Et  si  nous  écartons  ainsi  la  collaboration  de  Segrais,  ce  n'est 
certes  pas  pour  donner  à  La  Rochefoucauld  un  rôle  plus  pré- 
pondérant. Nous  sommes  tout  prêt  à  croire  qu'il  fut  consulté 
sur  des  questions  de  style,  qu'il  discuta  avec  son  amie  des  ques- 
tions de  psychologie — par  exemple,  la  question  toute  "pré- 
cieuse" de  savoir  si  ce  n'est  pas  "une  chose  fâcheuse  pour  un 
amant  que  de  voir  (au  bal)  la  personne  qu'il  aime" — qu'il  fournit, 
au  besoin,  quelques  livres  de  sa  bibliothèque,  quelques  souvenirs 
de  ses  lectures^,  quelques  traits  pour  le  personnage  de  Nemours, 
mais  nous  ne  pouvons  croire  qu'il  ait  travaillé  régulièrement  à 
ce  roman,  qu'il  y  ait  collaboré  dans  le  vrai  sens  du  mot,  car  cela 
ne  serait  pas  en  harmonie  avec  son  caractère.  Quant  à  l'hypo- 
thèse d'après  laquelle  il  y  aurait  introduit  des  maximes,  soit  dit 
avec  tout  le  respect  qu'on  doit  au  savant  éditeur  des  œuvres 
de  La  Rochefoucauld^,  elle  frise  le  ridicule.  Veut-on  insinuer 
que  La  Rochefoucauld  émettait  des  maximes  comme  d'autres 
disent  "Bonjour"?  Il  semble  plutôt  qu'il  demanda  pas 
mal  de  conseils  pour  celles  qu'il  publia  sous  son  nom  et  qu'il 
refit  si  souvent.  Veut-on  dire  que  Madame  de  La  Fayette  était 
incapable  d'en  faire?  En  voici  une  de  son  cru:  "L'on  domie  des 
conseils.... mais  l'on  n'imprime  point  de  conduite.  C'est  une 
maxime  que  j'ay  prié  Mr  de  La  Rochefoucauld  de  mettre  dans 
les  siennes^."  (Prière  qui  fut  exaucée.)  Et  enfin  y  a-t-il  tant  de 
maximes  dans  la  Princesse  de  Clèves  ? 

Lorsque  le  roman  parut  il  ne  portait  pas  de  nom  d'auteur* 
tout  comme  la  Princesse  de  Montpensier.  Malgré  le  changement 
qui  s'était  produit  d'après  M.  Anatole  France^  entre  la  publica- 
tion de  ces  deux  ouvrages,  changement  qui  lui  aurait  permis 
d'avouer  le  premier  en  date,  et  non  pas  le  second,  Mme  de  La 
Fayette  agit  à  propos  de  la  Princesse  de  Clèves  exactement  comme 
elle  avait  agi  pour  la  Princesse  de  Montpensier.  Si  l'on  avait 
connu  la  lettre  que  nous  avons  déjà  citée  et  qui  désavoue  la 
Princesse  de  Montpensier,  la  lettre  suivante  pubhée  par  M.  Per- 
rero  n'aurait  pas  tant  fait  s'exclamer  les  critiques  français^: 
"....Un  petit  livre  qu'a  couru  il  y  a  quinse  ans,"  écrit-elle  le 

1  Pas  très  étendues  d'aillevirs,  en  dehors  des  romans. 

2  G.  É.  I.  p.  Ixxxiii. 

3  Lettres  à  Lescheraine,  Curios di  Stor.  subalp.  Fasc.  xv.  1880;  p.  499. 

*  Ce  qui  n'empêche  pas  toute  une  série  de  critiques  (Fournel,  Litt.  ind. 

p.  209  ;  Petitot,  vol.  LXiv.  p.  353;  Morillot,  Le  rom.  au  XV 11%  p.  12;  Jay  en 
tête  de  son  édition,  etc.  etc.)  de  dire  qu'il  parut  sous  le  nom  de  Segrais. 

^  Intro.  P.  de  C.  pp.  xv,  xvi. 

®  Voir  la  bibliog.  pour  les  articles  de  M.  Hémon  à  ce  sujet. 


168  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

13  avril  (1678),  "et  ou  il  plut  au  public  de  me  donner  part  ce 
fait  qu'on  men  donne  encore  a  la  P.  de  Cleves.  Mais  je  vous 
asseure  que  je  ny  en  ay  aucune  et  que  Mr  de  la  Rochefoucauld  a 
qui  on  la  voulu  donner  aussi  y  en  a  aussi  peu  que  moy  ;  il  en  fait 
tant  de  serments  qu'il  est  impossible  de  ne  le  pas  croire  surtout 
pour  une  chose  qui  peut  estre  avouée  sans  honte,  pour  moy  ie  suis 
flatee  que  Ion  me  soupçonne  et  ie  croye  que  iavourois  le  Hvre  si 
cestoit  asseuree  que  l'autheur  ne  vint  jamais  me  le  redemander, 
le  le  trouve  très  agréable  bien  escrit  sans  estre  extrêmement 
châtie  plain  de  choses  d'une  deUcatesse  admirable  et  qu'il  faut 
mesme  rehre  plus  d'une  fois,  et  surtout  ce  que  cy  trouve  cest 
une  parfaite  imitation  du  monde  de  la  court  et  de  la  manière  dont 
on  y  vit  il  ny  a  rien  de  romanesque  et  de  grimpe,  aussi  nest  ce 
pas  un  roman  cest  proprement  des  mémoires  et  cestoit,  a  ce  que 
Ion  ma  dit,  le  tiltre  du  livre  mais  on  la  change.  Voila,  Monsieur, 
mon  jugement  sur  Me  de  Cleves,  ie  vous  demande  aussi  le  vostre, 
on  est  partage  sur  ce  livre  la  a  se  manger,  les  uns  en  condanne 
ce  que  les  autres  en  admirent^  ajmsi  quoi  que  vous  dire  ne 
craignes  point  d'estre  seul  de  vostre  party....^" 

On  n'a  qu'à  rapprocher  cette  lettre  de  celle  qui  est  transcrite, 
dans  notre  chapitre  iv.,  pour  se  rendre  compte  que  Madame  de 
La  Fayette  ne  faisait  en  l'écrivant  que  ce  qu'elle  avait  prié 
Ménage  de  faire  dans  le  cas  où  l'on  attribuerait,  devant  lui,  la 
Princesse  de  Montpensier  à  son  élève.  Il  serait  oiseux  de  cher- 
cher dans  le  nom  de  Nemours  que  portait  Madame  Royale  une 
raison  à  ce  mensonge  de  son  amie.  Nous  en  avons  donné  d'assez 
bonnes  à  propos  de  la  Princesse  de  Montpensier.  Depuis  la 
pubhcation  de  cet  ouvrage,  Bossuet  avait  dit  devant  elle  que 
les  romans  étaient  de  "frivoles  et  dangereuses  fictions^"  et  un 
de  ses  amis  de  Port-Royal*  s'exprimait  ainsi:  "un  faiseur  de 
romans. ...est  un  empoisonneur  pubHc."  Ce  n'était  pas  pour 
encourager  Madame  de  La  Fayette  à  changer  d'attitude. 

Il  serait  ridicule  pourtant  d'ajouter  foi  à  cette  lettre  de 
Madame  de  La  Fayette  et  de  croire  que  le  roman  n'est  pas  d'elle. 
Elle  écrivait  ainsi  à  Lescheraine  qu'elle  accusait  d'avoir  "la 
langue  bien  longue"  mais  elle  parlait  tout  autrement  à  son  ami 
Ménage.    Ce  n'est  qu'après  avoir  écrit  les  pages  qui  précèdent 

^  Fontenelle,  par  exemple,  admire  ce  que  Biissy-Rabutin  condamne. 
Il  est  tout  naturel  que  la  même  difîérence  de  jugement  se  trouve  entre 
Valincour  et  l'abbé  de  Charnes. 

2  Perrero,  Curiositâ,  etc.  cité  plus  haut,  pp.  496-7. 

^  Or.Jun.  Jouaust,  p.  51.  *  Nicole. 


ix]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        169 

que  nous  avons  trouvé  dans  la  correspondance  de  Madame  de 
La  Fayette  le  billet  suivant: 

"Vous  pouves  parler  dans  vostre  histoire  de  Sablé  des  deux 
petites  histoires  dont  vous  me  parlastes  hier  mais  je  vous  demande 
en  grâce  de  nommer  personne  ny  pour  lune  ny  pour  l'autre.  Je 
ne  croy  pas  que  les  deux  personnes  que  vous  me  nommés  y  ayent 
nulle  part  qu'un  peu  de  correction.  Les  personnes  qui  sont  de  vos 
amis  n'advouent  point  y  en  avoir  mais  a  vous  que  n'advourait- 
elle  point  (sic).  Je  suis  dans  un  estât  qui  me  conduit  entièrem* 
à  songer  à  mon  salut  je  suis  ravie  de  ce  que  vous  me  mandés  de 
vos  dispositions  cela  fortifiera  les  miennes.... etc. ^"  (Inédite.) 

Nous  étions  tout  prêt  à  croire  qu'il  s'agissait  de  la  Princesse 
de  Montpensier  et  de  la  Princesse  de  Clèves.  Heureusement,  ce 
brouillon  de  lettre  de  la  main  de  Ménage  vient  confirmer  cette 
hypothèse. 

"....Il  y  a  cinq  ou  six  ans  que  ie  fis  imprimer  un  Hvre  de 
généalogies  intitulé  l'Histoire  de  Sablé,  le  livre  doit  estre  suivi 
d'un  autre  sur  la  mesme  matière  dans  lequel  au  sujet  de  votre 
Princesse  de  Montpensier  j'ay  dit  que  c'estoit  cette  Princesse 
de  Montpensier  dont  vous  avies  escrite  l'Histoire  avec  toute 
sorte  d'élégance  et  d'agrément  et  que  cette  Histoire  seroit 
incomparable  si  vous  n'aviez  point  escrit  celle  de  la  Duchesse  de 
Clèves  qui  lui  est  comparable.  Je  vous  demande  premièrement 
Madame  si  vous  voulez  bien  qu'on  disse  que  vous  avez  fait  des 
livres  et  je  vous  demande  en  segond  Heu  si  vous  avez  fait  cette 
Histoire  de  la  Duchesse  de  Clèves  comme  je  l'ay  dit  et  comme  j'en 
suis  persuadé  car  quelques  uns  disent  que  c'est  Mr  de  la  Roche- 
foucaut  qui  l'a  faite;  et  d'autres  que  c'est  Mr  de  Segrais.  Aiant 
l'honneur  de  vous  connoistre  depuis  que  vous  estes  née  &  aiant 
eu  l'honneur  de  vous  voir  aussi  long-tems,  aussi  longtems  et 
aussi  particuhèrement  que  j'ay  fait  il  me  seroit  honteux  d'avoir 
été  mal  informé  de  cette  particularité  &  d'en  avoir  mal  informé 
le  pubhc.  Je  vous  suppHe  donc  Madame  de  me  faire  savoir  la 
vérité  de  la  chose.... etc."    (Inédite.) 

Et  Madame  de  La  Fayette  à  une  époque  où  elle  pense  entière- 
ment a  son  salut  fait  savoir  '"la  vérité  de  la  chose."  C'est  bien 
elle  qui  fut  l'auteur  de  la  Princesse  de  Clèves.  Les  critiques 
français  étaient  trop  perspicaces  pour  en  douter — même  après 

^  Corresp.  inédite  de  Mme  de  La  Fayette.  Collection  Feuillet  de 
Conches.  Ménage  semble  avoir  respecté  les  désirs  de  son  amie,  et  même 
d'avoir  poussé  la  délicatesse  au  point  de  ne  pas  faire  mention  des  deux 
ouvrages  en  question  dans  le  second  tome  de  YHistoire  de  Sablé, 


170  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

la  publication  de  la  lettre  trouvée  par  M.  Perrero;  nous  sommes 
heureux,  pourtant,  de  pouvoir  apporter  un  document  à  l'appui 
de  leurs  arguments. 

III 

D'après  Madame  de  La  Fayette  elle-même  ses  contemporains 
étaient  partagés  sur  ce  livre  "à  se  manger."  En  effet,  il  paraît 
avoir  soulevé  beaucoup  de  discussions  auxquelles  prirent  part, 
entre  autres,  Bussy-Rabutin,  Madame  de  Sévigné,  Fontenelle, 
Mlle  de  Scudéry.  On  trouvera  mention  de  leurs  appréciations 
à  l'appendice,  faute  de  place  pour  les  examiner  ici.  Mais  une 
autre  appréciation  prit  les  dimensions  d'un  livre  et  elle  mérite 
de  retenir  notre  attention  pendant  quelques  instants.  Il  s'agit 
de  "lettres"  qu'on  attribuait  généralement,  mais  à  tort,  au 
Père  Bouhours^.  Elles  étaient  de  VaUncour  et  suffirent  à  faire 
la  réputation  du  jeune  critique  aussitôt  que  l'on  sut  qu'elles 
étaient  de  lui.  Il  serait  injuste  de  le  chicaner,  car  son  petit  hvre, 
préparé  à  la  hâte  et  publié  quelques  mois  après  celui  qu'il  criti- 
quait, est  plein  d'observations  motivées  qui  prouvent  un  goût 
littéraire  déhcat  et  un  sens  critique  fort  développé.  Certes,  on 
rencontre  des  exagérations  et  parfois  la  critique  est  poussée  trop 
loin,  mais  le  moyen  d'éviter  ces  défauts  dans  un  Uvre  de  ce 
genre?  Certaines  contradictions  sont  plus  graves.  Valincour 
raille  à  la  page  15  un  passage  qu'il  trouve  "d'une  grande  déli- 
catesse" à  la  page  139.  Mais  il  faut  retenir  des  observations 
justes.  C'est  VaUncour  qui  critique  la  description  du  début 
comme  trop  longue,  le  récit  de  Madame  de  Chartres  comme 
inutile,  la  lettre  perdue  comme  une  coïncidence  un  peu  trop 
chargée  de  conséquences,  l'indiscrétion  de  Nemours,  le  peu 
d'inteUigence  du  monsieur  chargé  par  le  mari  d'épier  Nemours, 
la  rencontre  de  Madame  de  Clèves  et  de  Nemours  dans  le  jardin 
hors  les  faubourgs.  Jusque  là  il  a  raison,  mais  lorsqu  il  estime 
que  le  roman  prend  trop  de  hbertés  avec  l'histoire,  que  la  prin- 
cesse manque  d'esprit,  que  les  recommandations  de  la  mère 
mourante  viennent  trop  tard,  etc.... nous  ne  sommes  plus  avec 
lui.  Nous  revenons  de  nouveau  nous  ranger  de  son  côté  lorsqu'il 
loue  la  psychologie  de  l'œuvre,  admire  le  trait  de  la  princesse  qui 
cache  à  sa  mère  sa  première  passion,  trouve  peu  naturelle  la 

^  Les  Lettres  à  la  Marquise  de sur  le  sujet  de  la  Princesse  de  Clèves, 

Paris,  Sebastien  Cramoisy,  1678,  in  12°,  étaient  en  réalité  par  de  Troussât 
de  Valincoiir,  mais  le  Père  Bouhours  a  pii  collaborer  avec  l'autenr  pour 
les  remarques  sur  le  style.  Voir  l'art,  de  M.  Faguet  dans  la  Rev.  des 
deux  mondes,  15  mai  1909. 


IX]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        171 

fameuse  lettre,  fait  remarquer  la  ressemblance  de  l'aveu  avec 
celui  des  Désordres  de  V Amour,  admire  que  la  princesse  ne  ré- 
ponde pas  à  sa  mère  mourante,  et  critique  quelques  détours  de 
préciosité.  Lorsqu'il  critique  la  langue,  nous  sommes  souvent  de 
son  avis — pas  toujours,  cependant;  il  nous  est  malheureusement 
impossible  d'entrer  dans  de  tels  détails  qui  sont  pourtant  fort 
intéressants  pour  l'étude  de  la  langue.  Contentons-nous  de 
renvoyer  le  lecteur  au  petit  livre  en  question  ou  à  l'article  de 
M.  Faguet  cité  dans  notre  note. 

Madame  de  La  Fayette,  d'après  Segrais,  "a  méprisé  à  ré- 
pondre "  à  ce  critique.   Segrais  lui-même  ne  voulut  pas  prendre 
la  peine  de  le  faire  parce  que  cet  auteur,  qu'il  croyait  être  le 
Père  Bouhours,  "n'avoit  aucime  connoissance  des  règles  de  ces 
sortes  d'ouvrages,  ni  de  l'usage  du  monde^."    L'abbé  de  Char- 
nes2  crut  bien  faire  en  se  chargeant  de  cet  ofïice.   Nous  aurions 
mieux  aimé  qu'un  autre  eût  entrepris  la  tâche — ou  même  que 
tout  le  monde  eût  fait  comme  Segrais.  La  réponse  de  l'abbé  de 
Chames  à  im  petit  hvre  léger,  agréable  à  hre,  poh,  et  exempt 
de  toute  critique  touchant  la  personne  de  l'auteur,  commence 
par  quelques  traits  qui  sont  évidemment  destinés  au  critique 
ou  à  celui  qu'on  croyait  être  le  critique.    L'abbé  de  Chames  a 
tout  l'air  de  répondre  au  Père  Bouhours  et  non  pas  au  jeune 
Vahncour.  Le  procédé  qu'il  emploie  consiste  à  retourner  contre 
le  critique  lui-même,  en  les  apphquant  à  son  hvre,  les  reproches 
faits  à  l'auteur  de  la  Princesse  de  Clèves.   De  Chames  trouve  à 
redire  jusque  dans  les  petits  procédés  imaginés  par  Vahncour 
pour  présenter  ses  observations  d'une  façon  intéressante.    En 
somme,  bien  que  plusieurs  de  ses  réponses  soient  bien  trouvées 
et  d'autres  bien  fondées,  l'ensemble  est  moins  déhcat  et  moins 
digne  de  la  Princesse  de  Clèves  que  ne  l'est  le  hvre  qui  avait 
pour  but  de  l'attaquer. 

Si  Madame  de  La  Fayette  ne  répondit  pas  directement  à  la 
critique,elle  l'a  fait  indirectement, en  ce  qui  conceme  l'aveu, dans 
une  petite  nouvelle  qui  passa  de  main  en  main  parmi  ses  amis, 
mais  qu'elle  ne  pubha  pas  :  la  Comtesse  de  Tende.  Cette  nouvelle 
ne  fut  hvrée  à  l'impression  qu'en  1724,  date  à  laqueUe  eUe  parut 

1  C'est  ici  que  Segrais  a  l'air  de  revendiquer  une  part  au  roman  car 
il  ajoute  "et  que  je  faisois  beaucoup  plus  d'état  de  l'approbation  de 
Mad  la  comtesse  de  la  Fayette  et  de  M.  de  La  Rochefoucaiild  qui  avoient 
ces  connoissances  en  perfection." 

2  Conversations  sur  la  Critique  de  la  Princesse  de  Clèves,  Paris,  1697, 

in  120. 


1 72  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

dans  le  Mercure  de  France^.  Est-ce  son  fils  l'abbé  qui  en  com- 
muniqua le  manuscrit?  Est-ce  un  des  manuscrits  qu'il  prêta 
et  que  l'on  donna  à  imprimer  au  lieu  de  le  lui  rendre?  A-t-on 
envoyé  au  Mercure  l'une  des  nombreuses  copies^?  Toujours 
est-il  que  la  nouvelle  y  fut  imprimée,  et  sous  le  nom  de  Madame 
de  La  Fayette.  Elle  eut  ainsi  l'honneur  d'être  le  premier  de  ses 
romans  paru  sous  son  nom. 

La  tradition^  veut  que  la  Comtesse  de  Tende  ait  été  écrite 

uniquement  pour  motiver  l'aveu  contenu  dans  la  Princesse  de 

p  Clives  en  mettant  en  scène  encore  une  fois  une  femme  qui  avoue 

une  infidélité  à  son  mari.    Mais  cette  fois-ci  la  femme  attend 

d'être  grosse  de  son  amant  pour  faire  l'aveu.   Et  la  raison  de 

Lj      j  cette  attente  serait  que  Madame  de  La  Fayette  aurait  voulu 


/ 


démontrer  qu'une  femme  peut  faire  l'aveu  d'une  culpabilité 
plus  grande  que  celle  de  la  princesse  de  Clèves.  Piquée  par  les 
critiques  adressées  à  cette  partie  de  son  roman,  elle  a  pu  avoir 
cette  intention,  mais  elle  eut  raison  de  ne  pas  livrer  son  manu- 
scrit à  l'impression,  car  après  la  Princesse  de  Clèves,  la  Comtesse  de 
Tende  nous  semble  être  bien  faible.  Autant  l'aveu  de  la  prin- 
cesse est  émouvant  parce  que  sa  conscience  seule  l'y  forçait, 
autant  cet  aveu  de  la  comtesse  nous  paraît  banal  et  dépourvu 
de  dignité.  Elle  n'a  plus  de  relations  avec  son  mari  depuis  long- 
temps, elle  est  grosse,  qu'elle  fasse  un  aveu  tout  de  suite  ou 
qu'elle  laisse  à  l'enfant  le  soin  de  le  faire,  il  est  dorénavant 
certain  que  sa  faute  sera  connue.  La  lettre  qu'elle  écrit — car 
c'est  ainsi  qu'elle  fait  son  aveu  et  non  pas  de  vive  voix  comme 
la  princesse  de  Clèves — dut  être  pénible  à  écrire,  nous  l'admet- 
tons, mais  ce  n'est  pas  la  difficulté  seule  qui  fait  la  beauté  de 
tels  aveux.  La  princesse  de  Clèves  ressent  la  lutte  engagée  entre 
sa  passion  et  sa  volonté,  elle  veut  que  cette  dernière  triomphe, 
mais  elle  craint  que  la  première  ne  l'emporte  sur  elle,  et  elle 
se  tourne  du  côté  de  son  mari  pour  lui  demander,  dans  cet  aveu 
que  rien  ne  lui  arrache,  et  auquel  elle  a  déjà  souvent  pensé,  un 
soutien  pour  bien  faire  plutôt  qu'un  pardon.  Chez  la  comtesse 
de  Tende  il  n'y  a  presque  pas  de  lutte.  Son  mari,  qui  ne  l'aime 
pas  et  dont  le  cœur  est  occupé  ailleurs,  ne  compte  plus  pour  elle. 
Au  moment  de  céder  à  sa  passion,  son  seul  regret — et  il  ne  dure 
guère — c'est  de  trahir  son  amie  qui  va  épouser  celui  qui  est 

^  Celle-ci  n'est  pas  la  date  que  donnent  les  bibliog.  mais  elle  est  bien 
la  date  exacte.    Voir  notre  bibliog. 

^  Voir  à  la  bibliog.  la  mention  d'une  de  ces  copies  qui  existe  encore. 
^  Voir  Bibl.  des  Romans,  v.  187. 


I    / 

ix]  T^p  pç>^.^r^T.  jue — La  Princesse  de  Clèves        173 

prei^jj^  à  devenir  son  amant  dans  tous  les  sens  du  mot.  En 
nair^^  la  Princesse  de  Clèves  on  plaint  sincèrement  l'héroïne 
"'e  qui  ne  veut  pas  dire  qu'on  l'excuse).  En  lisant  la  Comtesse 
de  Tende  on  se  demande  qui  était  à  plaindre,  qui  avait  tort. 
Malgré  la  sévérité  atroce  de  l'auteur,  qui  vers  la  fin  de  la  nouvelle, 
est  d'une  dureté  et,  disons  le  mot,  d'une  brutalité  à  faire  fris- 
sonner, on  n'a  guère  de  sympathie  pour  la  comtesse  ;  et  pourtant, 
les  grands  torts  du  mari  nous  empêchent,  d'autre  part,  de 
nous  intéresser  à  lui.  Quant  à  l'amant,  la  nouvelle  de  sa  mort 
nous  laisse  absolument  indifférents,  car  nous  sentons  trop  bien 
qu'il  n'était  dans  la  nouvelle  que  pour  permettre  à  la  comtesse 
d'écrire  à  son  mari  "Je  suis  grosse." 

Et  pourtant,  il  ne  manque  pas  de  petites  études  psycholo- 
giques dans  cette  courte  nouvelle,  qui  suffiraient  à  la  rendre 
agréable  si  l'on  ne  sentait,  par  trop,  la  thèse. 

On  peut  remarquer  aussi  avec  quelle  hardiesse  Madame  de 
La  Fayette  choisit  le  cadre  historique  de  sa  nouvelle.  La  prin- 
cesse de  Clèves,  qui  n'avait  péché  que  dans  son  cœur,  n'exista 
jamais,  tandis  que  pour  faire  jouer  le  rôle  de  la  femme  coupable 
l'auteur  choisit  un  personnage  historique.  "Mademoiselle  de 
Strozzi,"  écrit-elle,  "fille  du  maréchal,  et  proche  parente  de 
Catherine  de  Médicis,  épousa  la  première  année  de  la  régence  de 
cette  reine,  le  comte  de  Tende,  de  la  maison  de  Savoie..,." 

Ce  choix  des  personnages  nous  encourage  à  émettre  une  hypo- 
thèse que  nous  donnons  sous  toutes  réserves,  car  nous  n'avons  pu 
jusqu'ici  trouver  aucun  document  susceptible  de  l'appuyer.  En 
écrivant  la  Comtesse  de  Tende  qui,  comme  nous  venons  de  le  dé- 
montrer, diffère  beaucoup  en  son  genre,  de  la  déhcatesse  habituelle 
de  son  auteur.  Madame  de  La  Fayette  n'a  fait  que  livrer  au  public 
la  véritable  source  de  l'aveu  de  la  Princesse  de  Clèves.  Elle 
l'aurait  adoucie  pour  son  roman, comme  elle  avaitadouci  certains 
passages  de  Brantôme,  elle  aurait  relevé  le  ton  de  toute  l'his-  ! 
toire  en  la  développant,  ainsi  qu'elle  avait  fait  pour  tout  son 
tableau  de  la  cour.  La  seule  raison  qui  motive  si  peu  que  cej 
soit  cette  hypothèse  c'est  l'exactitude  des  faits  et  des  dates.  II 
est  absolument  exact  que  Honoré  de  Savoie,  comte  de  Som- 
merive  et  de  Tende,  ait  épousé  en  1558  Clarisse  Strozzi.  Cette 
femme  mourut  cinq  ans  après  le  mariage,  à  Paris,  en  1563.  Quelle 
est  la  source  de  l'histoire  racontée  par  Madame  de  La  Fayette 
si  toutefois  il  y  a  une  source  en  dehors  de  son  imagination? 
C'est  ce  que  nous  ne  savons  pas  encore.  Brantôme  en  parle,  mais 
pour  dire  que  la  comtesse  tomba  dans  la  mer  à  Marseille  et  qu'à 
partir  de  ce  moment  elle  fut  toujours  souffrante.  Madame  de 


\ 

V 

\. 

174  Madame  de  La  Fax^^f^^  r^g^ 

La  Fayette  n'est  pas  partisan  de  secondes  noces  et  en  disan  ^  _ 
fin  que  le  comte  de  Tende  ne  voulut  jamais  se  remarier,  ,^^^ 
fausse  la  vérité,  car  il  épousa  Madeleine  de  la  Tour  d'Auvergi^ 
l'année  même  de  sa  propre  mort,  qui  n'eut  pas  lieu  "à  un  âge 
fort  avancé." 

IV 

Revenons  à  la  Princesse  de  Clèves.  Nous  n'avons  pas  l'in- 
tention de  faire,  après  VaMncour,  la  critique  de  ce  roman,  ni, 
après  de  Charnes,  son  panégyrique.  Nous  avons  déjà  présenté, 
en  passant,  quelques  critiques  du  premier,  qui  montrent  que  le 
roman  n'est  pas  parfait.  Il  y  a,  au  début,  des  pages  où  l'histoire 
est  trop  visible;  la  série  de  portraits  faite  à  l'imitation  de 
V Histoire  de  Madame  Henriette  est  bien  dans  le  goût  de  l'époque, 
comme  le  sont  aussi  certains  épisodes  tels  que  le  récit  de  Madame 
de  Chartres,  l'histoire  d'Anne  de  Boulen  et  celle  de  Sancerre. 
Ces  pages  du  début  sont  quelque  peu  décousues  et,  certainement, 
eUes  sont  trop  longues.  D'autre  part,  l'épisode  de  Sancerre  est 
le  seul  qui  se  rattache  à  l'histoire.  Il  y  a  encore  des  coïnci- 
dences— celles  de  la  lettre  perdue,  de  la  présence  de  Nemours 
à  l'aveu,  du  salon  à  Coulommiers  où  la  princesse  se  laisse  en- 
traîner par  sa  passion  et  la  laisse  voir  juste  au  moment  où,  à  son 
insu,  M.  de  Nemours  la  guette,  et  d'autres  encore.  On  peut 
relever  des  inadvertances;  le  duc  de  Nemours  déclare  (p.  160), 
*'I1  ne  s'en  faut  guère.... que  je  ne  sois  de  l'avis  de  Mme  de  Clèves, 
qui  soutient  que  cette  aventure  ne  peut  être  véritable,"  or,  le 
duc  n'était  pas  présent  quand  Mme  de  Clèves  tint  ce  propos. 
Mais  on  peut  oubUer  quelques  fautes  de  détail,  et  même  un  peu 
de  gaucherie  dans  la  disposition,  tant  il  y  a  de  beautés  dans 
l'étude  des  cœurs.  Nemours  ne  nous  intéresse  pas  outre  mesure. 
Il  a  beau  être  un  chef  d'œuvre  de  la  nature,  il  est  un  peu  fat  avec 
ses  succès  auprès  des  dames — même  auprès  de  celles  qu'il  ne 
daignait  pas  regarder.  Puis  il  est  trop  indiscret  et  il  essaie,  après 
l'aveu,  de  nuire  au  mari  auprès  de  la  princesse  et  d'une  manière 
assez  lâche  (p.  160).  Nous  préférons  le  mari  qui  aime  sa  femme 
avant  et  après  le  mariage — même  après  l'aveu.  C'est  l'honnête 
homme  par  excellence  qui  conquiert  notre  sympathie;  nous 
regrettons  son  entêtement  à  ne  pas  comprendre  ce  que  son  ami 
avait  vu  à  Coulommiers,  et  sa  santé  déUcate  qui  le  fait  suc- 
comber à  son  chagrin.  Il  est  vrai  que  sa  mort  était  nécessaire 
pour  le  développement  de  l'intrigue  et  pour  la  complète  étude 
des  caractères.  Nous  aimons  aussi  la  mère  avec  ses  idées  un  peu-. 
avancées  sur  l'éducation  morale  des  filles  et  nous  sommes  tout 


ix]  T,f>  p^^.niryi.   ^^ — La  Princesse  de  Clèves        175 

prêt  à  croire  que  son  mérite  et  sa  vertu  étaient  "extraordi- 
naires." Mais  notre  prédilection  va  à  la  princesse  à  cheveux 
blonds  qui,  faute  d'esprit,  avait  de  l'intelligence  et  qui  avait 
surtout  un  cœur.  Car,  malgré  son  petit  air  froid,  et  son  habitude 
de  trouver  certaines  choses  au-dessus  de  ses  connaissances,  c'était 
une  passionnée  que  la  princesse  de  Clèves.  Elle  était  également 
orgueilleuse.  Même  après  la  mort  de  son  mari  elle  hésite  à 
épouser  le  duc  de  Nemours  et  ce  n'est  pas  une  simple  question 
de  devoir,  de  bienséance,  ou  de  responsabihté  morale,  r' Je  sçais 
que  vous  estes  Ubre,"  dit-elle  à  Nemours,  "que  je  le  suis,  et  que 
les  choses  sont  d'une  sorte  que  le  pubhc  n'auroit  peut-estre  pas 
sujet  de  vous  blâmer,  ny  moy  non  plus,  quand  nous  nous 
engagerions  ensemble  pour  jamais  (Voilà  donc  son  orgueil  à 
l'abri).  Mais  les  hommes  conservent-ils  de  la  passion  dans  ces 
engagements  éternels  ?  Dois-je  espérer  un  miracle  en  ma  faveur, 
et  puis-je  me  mettre  en  estât  de  voir  certainement  finir  cette 
passion  dont  je  ferois  toute  ma  f  éUcité  ?  Monsieur  de  Clèves  etoit 
peut-estre  l'unique  homme  du  monde  capable  de  conserver  de 
l'amour  dans  le  mariage^"  (Voilà  la  passionnée  inquiète).] 

Que  n'est-il  possible  de  suivre  en  détail  le  développement  de 
cette  passion?  Tout  au  début,  la  princesse  raconte  à  sa  mère 
l'amour  de  Guise.  Elle  fait  de  même  pour  sa  première  rencontre 
avec  Nemours.  Lorsque  le  prince  de  Clèves  trouve  qu'elle  est 
un  peu  froide  avant  le  mariage — elle  ne  le  comprend  pas.  Elle 
s'intéresse  à  Nemours,  n'en  parle  pas  à  sa  mère,  elle  ne  va  pas 
au  bal  pour  faire  plaisir  au  duc  ;  elle  est  satisfaite  lorsque  sa  mère 
expUque  pour  le  monde  son  action  ;  elle  n'est  pas  aussi  contente 
quand  elle  voit  que  sa  mère  donne  une  exphcation  qui  est  claire 
aux  yeux  de  Nemours;  elle  fait  son  examen  de  conscience,  et 
comprend.  Ainsi,  à  petits  pas,  elle  s'avance  vers  le  dénouement. 
Une  déclaration  couverte  de  Nemours  est  suivie  par  de  la  joie, 
la  joie  entraîne  le  remords,  elle  se  reprend.  La  jalousie  s'éveille 
en  elle,  elle  est  heureuse  de  trouver  ses  craintes  mal  fondées,  elle 
est  malheureuse  d'avoir  éprouvé  ce  bonheur.  Elle  prend  des 
résolutions,  ne  les  tient  pas,  change  d'avis,  commet  des  impru- 
dences, les  regrette,  et  les  renouvelle.  Elle  s'éloigne  de  son  mari, 

1  Madame  de  La  Fayette  croyait  pourtant  au  bonheur  dans  le  mariage 
d'après  une  annotation  à  une  maxime  de  La  Rochefoucaiild  qu'on  lui  a 
attribuée.  Il  n'est  pas  question  ailleurs  dans  ce  travail  de  ces  annotations 
parce  que  nous  ne  pouvons  pas  dire  si  elles  sont  de  Mme  de  la  Fayette. 
M.  d'HaussonviUe  en  cite  sufifisamment,  dans  son  ouvrage,  pour  en  donner 
une  idée. 


176  Madame  de  La  Fà^t*p  [ch. 

se  rapproche  de  lui,  cherche  sa  protection  contre  le  danger  qu'elle 
ne  veut  pas  envisager.  Elle  agit  tout  comme  ferait  une  femme 
dont  l'existence  ne  devrait  rien  à  une  fiction,  mais  se  réaUserait 
dans  la  vie.  Voilà  son  charme.  Tout  comme  Mme  de  La  Fayette 
elle-même  quand  le  Jeune  de  Saint-Paul  lui  attribue  "une  galan- 
terie" la  princesse  s'émeut  à  la  pensée  qu'elle  sera  "bientôt  re- 
gardée de  tout  le  monde  comme  une  personne  qui  a  une  folle  et 
violente  passion,"  La  lutte  qui  se  Uvra  entre  le  cœur  et  le 
devoir  se  Uvre  aussi  quelque  peu  entre  le  cœur  et  l'orgueil, 
mais  la  princesse  n'en  est  pas  moins  aimable. 

Disons,  tout  de  suite,  que  ce  n'est  pas  là  l'idée  qu'on  se  fait 
ordinairement  du  caractère  de  la  princesse.  M,  Victor  du  Bled 
dit  à  propos  de  ce  roman  :  "Une  peinture  admirable  de  l'amour 
platonique  nous  est  présentée  par  Mme  de  La  Fayette  dans  la 
Princesse  de  Clèves^.^^  Il  était  donc  platonique  cet  amour  de  la 
princesse  et  de  Nemours?  Nous  ne  pouvons  le  croire.  Soutenir 
que  la  princesse  était  froide,  prétendre  qu'elle  n'aima  que  d'un 
amour  platonique,  c'est  avouer  qu'on  n'a  pas  bien  lu  le  roman, 
à  moins  que  l'on  ne  regarde  comme  platonique  tout  amour  qui, 
à  cause  des  circonstances  seulement,  ne  peut  se  satisfaire.  Ce 
livre  est  plein  de  passion — d'une  passion  contenue  et  maîtrisée 
si  l'on  veut — mais  elle  est  là,  et  décrite  comme  on  ne  la  peindra 
plus  avant  Prévost, 

Nous  trouvons  précisément  une  partie  de  l'intérêt  du  roman 
dans  cette  lutte  entre  la  passion  et  les  règles  de  l'étiquette  dans 
ce  monde  poH.  C'est  une  lutte  qui  continue  de  nos  jours.  Est-ce 
que  chez  nous  le  "vieil  homme"  n'est  pas  encore  aux  prises  de 
temps  à  autre  avec  ce  code  social  qui  nous  régit? 

Il  nous  est  impossible  d'entrer  dans  les  détails  du  style.  Ce 
serait  pourtant  intéressant  à  faire.  On  pourrait  démontrer  que 
malgré  son  "classicisme"  Madame  de  La  Fayette  fut  une  in- 
novatrice et  que  certaines  tournures  ont  dû  paraître  du  "dernier 
nouveau"  à  ses  contemporains.  Inutile  de  démontrer  combien 
son  style  alerte  différait  du  mauvais  style  périodique  de  ses 
prédécesseurs — elle  devait  cette  quaUté  de  style,  croyons-nous, 
à  son  tempérament  autant  qu'à  son  goût  Uttéraire^.  Il  y  a  encore 

1  La  Soc.  fr.  4^  série,  p.  289. 

^  Quand  Mme  de  La  Fayette  écrit  des  billets  à  la  hâte,  son  style  est 
alerte  et  naturel.  Il  en  est  de  même  pour  ses  longues  lettres  d'affaires. 
Seules  les  lettres  adressées  à  Huet  et  certains  billets  envoyés  à  Ménage 
dans  la  première  période  de  leur  amitié,  trahissent  l'effort  et  laissent 
apparaître  la  précieuse. 


IX]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        177 

trop  de  qui  et  de  que,  car  elle  faisait  passer  la  vigueur  avant 
l'harmonie.  Le  vocabulaire  est  pauvre,  mais  il  exprime  tout  ce 
que  l'auteur  veut  dire  et  le  plus  souvent  ce  qui  frappe  chez 
Mme  do  La  Fayette  ce  n'est  pas  ce  qu'elle  dit,  mais  ce  qu'elle 
insinue,  ce  qu'elle  suggère.  Il  n'y  a  guère  d'images,  le  style  n'est 
pas  coloré,  mais  il  est  inexact  de  dire  qu'il  soit  complètement 
dépourvu  d'harmonie,  et  il  est  faux  de  prétendre  qu'il  n'ait  pas 
de  valeur  artistique.  Nous  ne  donnerons  qu'un  exemple  du 
contraire — mais  un  exemple  assez  probant  :  "Si  d'autres  raisons 
que  celles  de  la  vertu  &  de  votre  devoir,"  dit  la  mère  de  la 
princesse,  "vous  pouvoient  obUger  à  ce  que  je  souhaite,  je  vous 
dirois  que  si  quelque  chose  estoit  capable  de  troubler  le  bonheur 
que  j'espère  en  sortant  de  ce  monde,  ce  seroit  de  vous  voir 
tomber  comme  les  autres  femmes  ;  mais  si  ce  malheur  vous  doit 
arriver,  je  reçois  la  mort  avec  joie,  pour  n'en  estre  pas  le  témoin." 
Ne  sent-on  pas  que  ces  phrases  cadencées,  rythmées,  aident  à 
marquer  la  majesté  de  la  pensée  et  qu'elles  traduisent  à  merveille 
la  sévérité  d'une  honnête  femme  qui  attend  la  mort  avec  calme 
et  qui  la  souhaite  pour  ne  voir  aucun  tache  en  sa  famille  ? 

Il  est  encore  une  quahté  que  l'on  remarque  dans  le  style  de 
Mme  de  La  Fayette.  La  délicatesse  de  ton  est  bien  appropriée 
aux  gens  "admirablement  bien  faits"  qui  fréquentent  une  cour 
poHe.  Lorsque  M.  de  Clèves  reproche  à  sa  fiancée  sa  froideur 
avant  le  mariage,  le  mot  "amour"  n'est  même  pas  prononcé. 
M.  de  Nemours  n'agit  pas  autrement;  il  demande  à  celle  qu'il 
aime  de  rendre  heureux  un  homme  qu'elle  ne  hait  pas.  On 
a  assez  fait  ressortir  cette  délicatesse  de  ton.  On  est  allé  même 
à  l'extrême^. 

^  Il  est  étonnant  qu'un  critique  comme  Taine  se  soit  laissé  aller  à 
souligner,  à  propos  de  cette  finesse,  le  déplaisir  qu'a  Madame  de  Chartres 
de  quitter  sa  fille  (Préface,  Éd.  Quantin,  1878,  p.  15).  Si  ce  mot,  comme 
beaucoup  d'avitres  d'ailleurs,  n'a  que  peu  de  force  de  nos  joiirs  il  n'en 
était  pas  de  même  du  temps  de  Mme  de  La  Fayette.  Et  il  ne  faut  pas 
lui  faire  un  mérite  d'avoir  employé  le  mot  usuel  et  fort,  parce  que  pour 
novis  il  est  devenu  un  mot  plus  faible  que  celui  dont  nous  serions  tentés 
d'user.  Corneille  ne  pensa  certes  pas  à  chercher  un  mot  de  demi-teinte 
lorsqu'il  écrivit: 

Ce  coup  est  ua  peu  rude  à  l'esprit  le  plias  fort 
Et  je  doute  comment  vous  portez  cette  mort. 
— Sire,  avec  déplaisir,  mais  avec  patience. 

[Horace,  v.  2.) 
La  Rochefoucauld  emploie  le  mot  qti'avirait  employé  l'hypocrite  lui- 
même  dans  la  maxime  que  voici:  "Il  y  a  ime  autre  hypocrisie,  qui  n'est 
À.  12 


178  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

Le  style  alerte,  châtié,  fin  et  bien  approprié  de  Madame 
de  La  Fayette,  style  sans  recherche,  sans  enflure,  éloquent 
par  sa  sobriété  même,  a  bien  assez  de  quahtés  po^ir  qu'on  ne 
se  mette  pas  en  mal  d'exagération  afin  de  le  ÎBÀid  mieux 
apprécier. 

Nous  ne  pouvons  suivre,  comme  nous  l'aurions  voulu,  1er; 
jugements  de  ceux  qui  ont  lu  et  relu  la  Princesse  de  Clèves 
depuis  que  le  hvre  fut  mis  par  Barbin  entre  les  mains  des  con- 
temporains de  la  comtesse.  Un  appendice  d'histoire  httéraire 
viendra,  à  la  fin  de  ce  travail,  combler  dans  une  certaine  mesure 
cette  lacune.  Il  suffira  ici,  de  dire  que  le  succès  de  la  Princesse 
de  Clèves  fut  grand  dès  le  début.  Le  roman  fut  traduit  en  anglais 
dès  l'année  1679,  mais  ne  paraît  pas  avoir  eu  beaucoup  d'in- 
fluence en  Angleterre.  On  était  en  pleine  Hcence  à  cette  époque 
et  si  Lee  a  emprunté  le  sujet  pour  le  mettre  au  théâtre  c'est 
dans  une  pièce  ignoble  qui  n'est  qu'une  indigne  caricature  de 
la  Princesse  et  qui  montre  combien  l'original  fut  au-dessus  des 
esprits  grossiers  des  Anglo-saxons  de  l'époque.  Depuis,  on  a  pu 
l'apprécier  à  sa  juste  valeur.  Une  traduction  récente,  avec  la 
charmante  étude  de  M.  Anatole  France  en  tête,  s'est  vendue  en 
Amérique  et  en  Angleterre  ;  une  des  plus  récentes  éditions  à  bon 
marché,  et  de  beaucoup  la  plus  belle,  est  sortie  d'une  presse 
anglaise.   Voilà  qui  fait  oublier  la  pièce  de  Lee. 

Ce  petit  roman  eut  aussi  les  honneurs  de  la  traduction  en 
allemand,  mais  c'est  surtout  en  France,  où  il  n'a  jamais  manqué 
de  lecteurs  éclairés,  qu'il  obtint  le  meilleur  succès.  Inutile  de 
dire  que  même  dans  ce  pays,  c'est  auprès  des  femmes  que  son 
succès  a  été  le  plus  complet.  Il  est  intéressant  de  remarquer, 
d'après  le  nombre  d'éditions  pubhées,  que  c'est  vers  1830,  en 
plein  mouvement  romantique,  que  la  Princesse  de  Clèves  fut  le 
plus  appréciée  et,  en  ce  moment,  elle  atteint  encore  une  fois  au 
maximum  de  succès^. 

pas  si  innocente  parce  qu'elle  impose  à  tout  le  monde:  c'est  l'affliction 
de  certaines  personnes  qui  aspirent  à  la  gloire  d'une  belle  et  inmaortelle 
douleur.  Après  que  le  temps,  qui  consiome  tout,  a  fait  cesser  celle  qu'elles 
avoient  en  effet,  elles  ne  laissent  pas  d'opiniâtrer  leurs  pleurs,  leurs  plaintes 
et  leurs  soupirs;  elles  prennent  un  personnage  lugubre  et  travaillent  à 
persuader,  par  toutes  leurs  actions,  que  leur  déplaisir  ne  finira  qu'avec 
leur  vie"  {Maximes,  233). 

1  L'année  dernière  même,  la  revue  Femina  mit  au  concours  cette 
question  :  "  Quel  est  le  plus  beau  roman  féminin?  "  Et,  au  grand  étonne- 
ment  du  jury  et  des  lecteiirs  de  cette  revue,  c'est  la  Princesse  de  Clèves 
qui  fut  la  favorite.  Voici  les  résultats — et  nous  regrettons  de  ne  pouvoir 


ix]         Le  Psychologue — La  Princesse  de  Clèves        179 

Quelle  victoire  pour  cette  femme  qui  ne  voulait  pas  être 
considérée  comme  un  "auteur  de  profession"  et  qu'il  avait 
raison,  M.  Pierre  Lafitte,  lorsqu'il  écrivit  il  y  a  quelques  années  : 

"Son  œuvre  sera  lue  tant  qu'il  restera  des  hommes  de  goût 
et  de  sens;  on  est  heureux  de  se  sentir  en  communion  avec 
l'éUte  qui,  depuis  le  dix-septième  siècle,  goûte  ce  charmant  chef- 
d'œuvre,  et  l'on  pense  à  l'éhte  qui  après  nous  en  jouira  encore^." 

C'est  sur  cette  pensée,  que  nous  terminons,  à  regret,  cette 
trop  rapide  et  trop  superficielle  étude  d'un  roman  qu'on  ne  peut 
pas  étudier  comme  il  le  mérite  mais  qu'on  Ut  et  qu'on  relira 
toujours  avec  autant  de  respect  que  d'admiration. 

donner  en  même  temps  les  raisons  que  trouvèrent  certaines  femmes  de 
goût  pour  justifier  leur  choix: 

La  Princesse  de  Clèves,  de  Mme  de  La  Fayette 
Corinne  ou  V  Italie,  de  Mme  de  Staël    . 
La  Maison  du  Péché,  de  Mme  M.  Tinayre  . 
La  Petite  Fadette,  de  George  Sand 
L'Ombre  de  V Amour,  de  Mme  M.  Tinayre  . 
Le  Marquis  de  Villemer,  de  George  Sand 
La  Mare  au  Diable,  de  George  Sand    . 
Le  Roman  d'une  Amoureuse,  de  J.  Marni    . 
La  Force  du  Passé,  de  Mme  Daniel  Lesueur 
La  Branche,  de  Mme  Pierre  de  Coulevain 
Delphine,  de  Mme  de  Staël    .... 
Nietzchéenne,  de  Mme  Daniel  Lesueur 
Les  Lettres,  de  Mme  de  Sévigné 
Marie-Claire,  de  Mme  Marguerite  Audoux 
Lélia,  de  George  Sand  .... 

Le  Maître  du  Moulin  Blanc,  de  Mme  Alanic 
Salutaire  Orgueil,  de  Mlle  Yvette  Prost 

1417 

^  Lettre  à  M.  Anatole  France  en  tête  de  son  édition  de  la  Princesse 
de  Clèves.  Ce  serait  iin  plaisir  de  lire  ce  roman — même  si  cette  lecture  ne 
nous  faisait  pas  entrer  parmi  "l'élite." 


591 

voix 

168 

99 

163 

99 

118 

99 

87 

99 

82 

99 

74 

99 

40 

99 

31 

99 

27 

99 

14 

99 

9 

99 

7 

99 

3 

99 

1 

99 

1 

99 

1 

99 

12—2 


CHAPITRE  X 

LE  DIPLOMATE 

Deux  ans,  mois  pour  mois,  après  la  publication  de  la  Princesse 
de  Clèves  Madame  de  Se  vigne  écrit:  "Monsieur  de  La  Roche- 
foucauld a  été,  est  encore  considérablement  malade:  il  est 
mieux  aujourd'hui;  mais  enfin  c'étoit  toute  l'apparence  de  la 
mort:  une  grosse  fièvre,  une  oppression,  une  goutte  remontée; 
enfin  c'étoit  une  pitié.... Je  donnerai  le  billet  à  Madame  de  La 
Fayette  qui  étoit  hier  très  affligée^." 

Hélas  !  c'était  plus  que  l'apparence  de  la  mort,  la  mort  elle- 
même  guettait  l'illustre  malade  et  son  amie  avait  bien  raison  de 
s'affliger.  Deux  jours  après  avoir  écrit  cette  première  lettre 
Madame  de  Se  vigne  reprend  la  plume  pour  dire:  "Je  crains 
bien  que  nous  ne  perdions  cette  fois  Monsieur  de  La  Roche- 
foucauld: sa  fièvre  a  continué;  il  reçut  hier  Notre-Seigneur....Il 
ne  voyoit  point  hier  matin  Madame  de  La  Fayette  parce  qu'elle 
pleuroit  et  qu'il  recevoit  Notre -Seigneur  :  il  envoya  savoir  à 
midi  de  ses  nouvelles.... Je  suis  quasi  toujours  chez  Madame  de 
La  Fayette,  qui  connoîtroit  mal  les  déhces  de  l'amitié  et  les 
tendresses  du  cœur  si  elle  n'étoit  aussi  affligée  qu'elle  l'est^." 
Deux  jours  plus  tard,  Madame  de  Se  vigne  annonce  la  mort  de 
La  Rochefoucauld,  et  elle  ajoute:  "J'ai  la  tête  si  pleine  de  ce 
malheur,  et  de  l'extrême  affliction  de  notre  pauvre  amie  qu'il 
faut  que  je  vous  en  parle.... mais  où  Madame  de  La  Fayette 
retrouvera-t-elle  un  tel  ami,  une  telle  société,  une  pareille 
douceur,  un  agrément,  une  confiance,  une  considération  pour 
elle  et  pour  son  fils?  Elle  est  infirme,  elle  est  toujours  dans 
sa  chambre,  elle  ne  court  point  les  rues;  Monsieur  de  La 
Rochefoucauld  étoit  sédentaire  aussi:  cet  état  les  rendoit 
nécessaires  l'un  à  l'autre:  rien  ne  pouvoit  être  comparé  à  la 
confiance  et  aux  charmes  de  leur  amitié^." 

Le  coup  est  trop  rude  pour  Madame  de  La  Fayette,  elle 
tombe  malade^:  le  temps  ne  fait  qu'augmenter  sa  tristesse^  et 
eUe  ne  peut  se  consoler^.   Le  vide  qui  s'est  fait  dans  sa  vie  est 

1  VI.  307,  13  mars  1680.  2  15  j^ars  1680. 

3lbid.  p.  311.  «315.  5324.  6  327. 


CH.  x]  Le  Diplomate  181 

si  grand  qu'elle  ne  sait  que  faire.  Madame  de  Se  vigne  dit  que  son 
amie  n'a  plus  d'occupation  et  que  "tous  les  autres  reprennent 
leur  placée"  Monsieur  le  Duc  pleure  avec  elle,  Monsieur  de 
Marsillac  n'ose  pas  la  voir^.  Trouve-t-elle  sous  la  main  une  page 
de  l'écriture  de  son  ami,  aussitôt  sa  douleur  augmente  et  de 
nouveau  la  terrasse^.  Elle  veut  se  rendre  "bête,"  anéantir  en 
elle  la  mémoire  qui  fait  vivre  les  souvenirs  dont  le  rappel  la 
tourmente*.  Elle  agrandit  sa  maison,  mais  ne  parvient  pas  à 
s'occuper  suffisamment  pour  oublier.  Le  succès  de  son  fils — 
qui  vient  d'obtenir  un  régiment — ne  la  console  pas.  Elle  essaie  de 
sortir  un  peu,  va  dîner  chez  l'abbé  Têtu,  noue  des  relations 
d'amitié  avec  Madame  de  Schomberg — mais  un  second  choc, 
la  mort  de  son  ami  Langlade^,  l'accable  encore. 

Madame  de  Sévigné  nous  tient  bien  au  courant  de  l'état 
d'esprit  de  son  amie,  mais  elle  ne  nous  renseigne  pas  sur  son 
activité  qui  n'a  pas  entièrement  cessé.  Elle  ne  voulait  pas  se 
rendre  coupable  de  cette  hypocrisie  que  nous  avons  déjà  vu 
flétrir  par  La  Rochefoucauld  lui-même  et  de  plus  elle  savait 
qu'  "Après  tout,  le  travail,  c'est  encore  le  meilleur  moyen  d'es- 
camoter la  vie**."  Elle  travaillait,  d'abord  pour  son  fils,  ensuite 
pour  ses  amis,  et  surtout  pour  cette  Madame  de  Savoie  qui, 
d'après  Madame  de  Sévigné,  lui  avait  écrit  de  La  Rochefoucauld 
comme  de  "son  meilleur  ami." 

On  n'a  pas  manqué  de  faire  remarquer  qu'elle  s'occupait  des 
affaires  de  Madame  Royale  à  une  époque  où  on  la  disait  accablée 
de  douleur  par  la  mort  de  son  ami  et  on  lui  en  a  fait  grief.  Le 
grand  crime  !  Elle  aurait  dû,  pour  prouver  la  fidéUté  de  son 
attachement,  abandonner  toutes  ses  amies,  néghger  son  fils, 
rompre  tous  ses  engagements,  se  retirer  chez  elle,  vivre  en  par- 
faite égoïste.  Heureusement  pour  elle,  pour  son  fils,  pour  ses 
amis,  et  pour  sa  réputation  de  femme  intelUgente  et  raisonnable, 
elle  ne  s'attarda  pas  dans  ce  lâche  abattement. 

Elle  continua  donc  d'user  de  son  influence  auprès  de  Louvois 
pour  venir  en  aide  à  ceux  qui  lui  étaient  recommandés'  et  elle 

ilbid.  338.     2331.     3354.      4404.      6  VII.  77,  117,  120.      «Flaubert. 

^  Voici  quatre  lettres,  dont  trois  inédites,  tirées  des  archives  du 
Ministère  de  la  Guerre  (Vol.  647,  p.  45;  657/542;  677/560;  710/35): 

Versailles,  le  3  déc.  1680.  J'ay  receu  ce  matin  le  billet  que  vous 
m'avez  fait  l'honneur  de  m'escrire  avant-hier.  Le  sieur  Matha  estant 
sorti  du  régiment  de  Tilladet  pour  une  mauvaise  action  il  n'y  a  pas 
d'apparence  que  le  roy  voulut  luy  donner  de  l'employ.  Soyez  je  vous 
supplie  bien  persuadée  que  je  ne  peux  prendre  plus  de  part  que  je  ne 
fais  à  ce  qui  vous  touche  ny  estre  plus  véritablement  dévoué. . . . 


182  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

s'occupa  plus  que  jamais  de  son  amie  Madame  Royale.  Les 
démarches  qu'elle  faisait  pour  cette  dernière  avaient  un  certain 
caractère  diplomatique  et  il  ne  faut  pas  s'étonner  outre  mesure 
si  Madame  de  La  Fayette,  qui  n'avait  aucune  envie  de  fournir 
à  Mme  de  Sévigné  la  matière  de  longues  lettres  qui  auraient  été 
aussi  intéressantes  qu'indiscrètes,  lui  ait  caché  le  détail  de  ses 
relations  avec  Madame  Royale^. 

Pour  bien  comprendre  ce  qu'étaient  ces  relations  il  faut  faire 
en  peu  de  mots  l'historique  des  affaires  de  Savoie^. 

Les  relations  des  deux  cours  étaient  tout  d'abord  extrême- 
ment intimes.  Elevé  par  sa  mère  dans  des  idées  d'étroit  attache- 
ment aux  Bourbons,  marié  successivement  à  deux  princesses 

Fontainebleau  le  26  août  1681.  J'ay  différé  de  répondre  à  la  lettre 
que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'escrire  le  20  de  ce  mois,  jusqu'à  ce 
que  j'aie  pu  lire  au  Roy  le  placet  que  vous  m'avez  adressé  sur  lequel  je 
suis  bien  fâché  de  vous  dire  que  sa  Majesté  n'a  pas  répondu  favorable- 
ment. Je  ne  vous  dis  rien  sur  le  mémoire  du  nommé  Le  Gendre  parce 
que  il  n'y  a  pas  un  mot  de  vérité  dans  tout  ce  qu'il  contient.  Vous  ne 
doutez,  je  m'assure,  de  la  mortification  que  j'ai  d'avoir  si  mal  réussi  dans 
la  conunission  que  vous  m'avez  donnée.  J'espère  que  je  serai  plus  heu- 
reux une  autre  fois  et — 

Versailles,  le  25  mars  1682.  Je  rendrai  au  sieur  de  Turménies  (?) 
tout  le  service  qui  peut  dépendre  de  moy  qui  est  d'envoyer  diligemment 
son  placet  à  M.  Pelisson — 

Versailles,  le  2  fév.  1684.  J'ai  reçu  Madame  votre  billet  d'hier  par 
lequel  je  suis  bien  fâché  d'apprendre  que  vous  continuez  à  ne  pas  jouir 
d'ione  bonne  santé.  Le  sieur  George  a  beaucoup  de  prétentions  contre  le 
sieur  Berthelot,  dont  je  n'ai  point  connoissance.  Mais  à  l'égard  de  la 
Société  qu'ils  ont  eue  ensemble  pour  la  fourniture  du  pain,  je  sais  que  le 
sieur  George  a  tort,  et  qu'au  rapport  de  M.  Colbert,  il  a  été  résolu  un 
arrest  contre  le  dit  sieur  George,  lequel  pour  des  raisons  qui  me  sont 
inconnues,  n'ayant  pas  été  délivré  au  dit  sieur  Berthelot,  avant  la 
mort  de  M.  Colbert,  le  dit  sieur  George  a  trouvé  moyen  de  faire  que  la 
minute  ne  se  trouvât  (?)  point.  C'est  tout  ce  qui  est  venu  à  ma  con- 
noissance touchant  cette  affaire.    Je  suis  toujours 

1  Mme  de  Sév.  voit  chez  Mme  de  La  Fayette  le  marqiois  de  Saint- 
Maiirice,  "qui  vient  d'Angleterre,"  écrit-elle,  "dire  la  mort  de  son  duc," 
vni.  127.  Elle  nous  dit  avoir  vu  chez  la  comtesse  MM.  de  Pomponne, 
Courtin,  de  la  Trousse,  le  duc  d'Estrées  et  qu'on  avait  "fort  politique," 
vin.  501.  Mais  elle  remarque  surtout  les  cadeaux  envoyés  par  Mme  Roy- 
ale, les  cent  aunes  de  velours,  la  doublure  de  satin,  le  portrait  entouré  de 
diamants  (iv.  557)  et  le  dessin  qu'a  préparé  Mme  de  La  Fayette  pour  un 
écran  que  le  cardinal  d'Estrées  donnait  à  Mme  Royale  (vi.  143).  Elle 
raconte  le  peu  qu'elle  voit  mais  on  ne  lui  permet  pas  de  trop  voir. 

2  Tout  le  récit  qui  suit  est  pris  presque  mot  à  mot  de  la  préface  des 
Instructions  aux  Ambassadeurs  (Horricq  de  Beaucaire). 


x]  Le  Diplomate  183 

françaises,  d'abord  à  Françoise  de  Bourbon  en  1663,  puis  à 
Jeanne-Baptiste  de  Nemours  en  1665,  peu  enclin  d'ailleurs  à 
l'intrigue,  le  duc  Charles-Emmanuel  subit  sans  s'en  défendre 
l'ascendant  du  grand  roi.  Lors  de  la  mort  du  duc  Charles- 
Emmanuel,  le  jeune  duc  alors  âgé  de  neuf  ans  montre  bien  par 
son  langage  la  familiarité  qui  existait  entre  les  deux  cours.  "Il 
a  dit  en  pleurant  à  Madame  Servien,"  écrivait  l'ambassadeur 
au  roi,  "qu'il  suppliait  votre  Majesté  de  lui  servir  de  Papa, 
puisqu'il  avait  perdu  le  sien."  Cet  appel  à  l'autorité  paternelle 
de  Louis  XIV  ne  fut  malheureusement  que  trop  bien  entendu. 

Aussi  longtemps  que  les  relations  des  deux  cours  conservèrent 
ce  caractère  de  facile  confiance,  le  président  Servien,  agent 
indolent  et  crédule,  suffit  pour  occuper  les  fonctions  d'ambassa- 
deur à  Turin. 

Mais  l'arrogante  poUtique  de  Louis  XIV  à  l'égard  des 
Hollandais  modifia  profondément  les  dispositions  de  l'Europe. 
En  1673,  l'Empereur,  l'Espagne,  le  Danemark,  et  la  plupart  des 
princes  de  l'Empire  formèrent  une  ligue  contre  la  France.  Cette 
situation  eut  immédiatement  son  contre-coup  à  Turin.  Du  jour 
au  lendemain  l'Italie  pouvait,  comme  au  temps  de  RicheUeu, 
devenir  le  théâtre  des  hostilités.  Il  fallait  prendre  des  pré- 
cautions du  côté  du  Piémont.  Le  roi  se  décida  à  donner  une 
allure  plus  vive  à  sa  politique  vis-à-vis  des  ducs  de  Savoie. 
L'influence  de  Louvois  se  substituait  alors  à  celle  de  Mazarin 
et  de  Lionne  dans  l'entourage  de  Louis  XIV.  En  même  temps 
que  les  hommes,  changeaient  aussi  les  procédés.  A  la  douceur, 
à  la  persuasion,  succédèrent  l'intimidation  et  la  menace  ;  à  Turin 
le  marquis  de  Villon  succéda  au  président  Servien.  Charles- 
Emmanuel  II  venait  de  rendre  le  dernier  soupir.  Son  fils, 
Victor- Amédée  II,  lui  succéda  sous  la  régence  de  la  duchesse 
Jeanne-Baptiste.  Éprise  du  pouvoir,  ardente,  passionnée, 
glorieuse.  Madame  Royale  s'acquitta  d'abord  avec  conviction 
de  ses  devoirs  de  chef  d'état.  Mère  impérieuse  et  froide  eUe 
délaissa  son  fils,  le  futur  roi  de  Sicile.  L'enfant,  doué  d'une  in- 
teUigence  étrangement  précoce,  prit  tout  jeune  encore  des  habi- 
tudes de  réflexion  sohtaire  et  de  dissimulation  qui  devinrent, 
pour  le  reste  de  sa  vie,  le  fond  même  de  son  caractère.  C'est  la 
lutte  entre  la  mère  et  le  fils,  comphquée  par  la  légèreté  de  la 
mère  et  par  les  exigences  de  la  poKtique  de  Louvois,  qui  rendit 
nécessaire  à  Paris  l'intervention  fréquente  de  Madame  de  La 
Fayette.  Il  n'y  a  pas  à  examiner  si  elle  se  rangea  du  côté  de 
la  justice.   EUe  avait  connu  Madame  Royale  avant  son  départ 


184  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

de  Pans,  elle  entreprit  de  faire  ses  commissions  et  en  même 
temps  de  la  tenir  au  courant  de  ce  qui  se  passait  à  la  cour,  de 
transmettre  ses  désirs,  et  de  présenter  à  Louis  XIV  les  événe- 
ments de  Savoie  sous  le  jour  que  Madame  Royale  voulait  qu'on 
les  vît^. 

Elle  s'acquitta  bien  de  son  devoir  d'amie  et  il  n'est  pas  besoin 
de  l'appeler  "intrigante,  rouée,  tenace,  avisée"  comme  on  l'a  fait 
après  la  découverte  en  1880  des  lettres  de  Savoie,  parce  que 
jusqu'alors  on  la  croyait  tout  autre  qu'elle  n'était  en  réalité.  Ce 
changement  brusque  dans  l'opinion  des  critiques,  dû  à  la  publi- 
cation des  lettres  de  Turin,  est  examiné  à  un  autre  endroit  dans 
ce  travail.  Mais  il  est  une  autre  exagération  dont  il  faut  parler  ici. 

N'a-t-on  pas  donné  un  peu  trop  d'importance  à  ce  fameux 
rôle  politique  ?  Certes  Madame  de  La  Fayette  a  servi  les  intérêts 
de  la  France  et  contribué  aux  succès  de  la  politique  de  Louvois, 
mais  pour  nous,  au  début,  elle  défendait  une  amie,  et  à  la  fin 
elle  sauvegardait  son  amour-propre.  Elle  travaillait  en  personne 
désintéressée  bien  qu'on  l'ait  accusée  d'être  avide^.  Cette 
accusation  montre  combien  on  a  mal  lu  sa  correspondance. 
Madame  de  La  Fayette  dut  débourser  de  l'argent  en  vue  d'achats 
faits  à  Paris  pour  Madame  Royale.  Au  Heu  de  prier  qu'on  lui 
remboursât  ces  sommes  elle  commandait  des  produits  de  Turin 
ou  demandait  des  bibelots  que  Madame  Royale  recevait  de 
personnes  amies. 

"....Il  faut  pourtant  que  remercie  (sic)  de  l'extrême  soing  que 
vous  aves  eu  pour  ma  commission,"  écrit-elle  à  Lescheraine^, 
"ie  vous  supphe  de  l'achever  comme  ie  vous  en  prié  par  ma 
dernière  lettre,  cest  a  dire  de  men  envoyer  encore  trente  aulnes 
et  de  me  mander  combien  il  faut,  et  outre  ces  trente  aulnes, 
d'employer  l'argeant  qui  reste  sur  le  mémoire  que  j'ay  en- 
voyé^." 

La  "commission"  était  une  commande  de  damas  "vint 
aulnes  a  bonne  mesure  "  qui  se  transformèrent  en  cent  cinquante. 
Madame  de  La  Fayette  ne  veut  pas  acheter  au  petit  bonheur  et 
elle  fait  suivre  sa  commande  de  cet  avis:  "mais  ie  vous  repette 

^  Ce  n'est  que  cinq  ans  après  avoir  écrit  ce  chapitre  que  l'auteur  a 
reçu  la  correspondance  du  chevalier  de  Sévigné  publiée  par  Messieurs 
Lemoine  et  Saulnier,  Paris,  1911,  8°.  Le  beau-père  de  Madame  de  La 
Fayette  tenait  Christine  de  France,  duchesse  de  Savoie,  au  coxirant  des 
affaires  de  France.  Mme  de  L.  F.  aurait  donc  continué  rœu\Te  de  son 
beau-père,  ^  j)g  Lescure,  Préf.  de  l'éd.  de  la  P.  de  C.  p.  xxxiv. 

^  Secrétaire  de  Mme  Royale.  *  Curiositâ,  p.  513. 


x]  Le  Diplomate  185 

encore  que  devant  que  vous  le  fassies  couper  ie  voudrois  scavoir 
le  prix  par  ce  qu'il  y  en  a  de  fort  différents."  Lescheraine  en 
parle  à  Madame  Royale  qui  fait  envoyer  le  damas  à  ses  frais  et 
Madame  de  La  Fayette  répond  au  secrétaire  : 

"Ce  ISème  septembre  (1680). 

"Pourquoy  aves  vous  eu  la  langue  si  longue  que  d'aller 
rompre  la  teste  de  Madame  Royale  des  commissions  que  ie  vous 
donne?  Je  la  remercieray  lundy.  Je  vous  escris  ce  mot  a  la 
haste  afin  que  vous  ne  me  renvoyez  pas  les  deux  louis  que  jay 
fournis  par  le  mémoire  que  ie  vous  envoyé  lundy.  Mettes  les  moy 
encore  en  damas  tant  quils  pourront  sestendre  et  me  mandes 
ce  quil  faut  pour  les  trente  autres,  que  ie  vous  ay  encore  de- 
mandées et  employés  les  deux  pistoles  au  de  là  des  trente  aunes 
parce  qu'il  me  faut  beaucoup  plus  de  damas  que  ie  nen  voulois 
dabord,  et  il  me  seroit  impossible  de  l'assortir  icy;  ie  suis  hon- 
teuse que  vous  ayes  parle  à  Madame  R,  elle  me  comble  de 
biens." 

Voilà  une  lettre  diplomatique  qui  ne  risquait  pas  de  boule- 
verser un  état! 

En  voici  une  autre  :  "  ....Jay  pris  soing  ces  jours  passés  d'un 
habit  qui  partira  aujourduy  pour  S.  A.  R.  mais  ie  nen  ay  ouy 
parler  que  de  mardy  dernier.  Dittes  au  Contrôleur  de  sa  maison 
quil  doit  estre  assuré  de  ma  diligence  et  de  mon  exactitude,  et 
que  sans  qu'il  prenne  la  peine  de  mescrire  si  tost  que  son  fils 
me  dira  que  cest  pour  S.  A.  R.  ie  lui  croiray  et  feray  de  mon 
mieux  ;  mais  dittes  luy  quil  escrive  un  peu  de  meilleure  heure  la 
lettre  que  ma  monstrée  son  fils  est  du  27  du  mois  passé,  où  il 
luy  mande  de  me  venir  trouver  pour  un  habit  de  bal  à  manteau. 
Voyes  du  27  avant  que  la  lettre  soit  icy,  qu'on  choisi  et  fait 
faire  ce  qu'il  faut,  que  l'habit  soit  envoyé  et  fait  à  Turin,  ce 
quil  reste  du  carnaval.  Il  demande  aussi  un  habit  brode,  il  faut 
un  temps  considérable  pour  le  faire  faire.  Je  vous  charge  au 
moins  de  dire  à  S,  A.  R.  que  jacepte  avec  un  grand  plaisir 
Ihonneur  destre  icy  le  maistre  de  sa  garderobe  et  que  pourveu 
que  je  sois  advertie  à  temps  de  ses  intentions  et  que  ie  sache  ses 
goûts,  il  verra  que  ie  le  serviray  parfaitement  bien,  à  condition 
aussi  que  jauray  en  payement  de  petits  pots  et  des  petittes 
boettes  des  Indes.  Sérieusement  faistes  ma  cour  a  S.  A.  R.  de 
la  joye  que  jay  destre  employée  pour  son  service.  Lon  na  point 
mande  si  Ihabit  à  manteau  seroit  noir  ny  gris...."  etc. 


186  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

On  trouve,  tout  au  début  de  cette  lettre,  deux  ou  trois 
phrases  sur  les  affaires  de  la  cour — et  c'est  tout.  Plusieurs 
messages  sur  le  comte  de  Saint-Maurice  n'ont  rien  de  diploma- 
tique; un  autre  au  sujet  d'une  lettre  publiée  dans  le  Mercure 
galant  est  une  charmante  leçon  de  style  français  adressée  à 
Lescheraine — mais  ce  n'est  pas  encore  de  la  poUtique  étran- 
gère. 

Voici  enfin  une  lettre  à  Lescheraine  que  nous  allons  citer 
presque  tout  entière  car  elle  montre  mieux  que  nous  pourrions 
le  faire,  le  véritable  rôle  que  Madame  de  La  Fayette  jouait  à 

Paris. 

"Ce  12<^™^  may  (1679). 

"Vous  estes  un  admirable  homme  !  il  y  a  un  mois  entier  que 
le  nay  reçue  de  vos  lettres  ;  vous  scaves  l'interest  que  ie  prends 
à  la  maison  de  Saint-Maurice  :  cest  par  le  pubhc  que  ie  l'aprends, 
et  par  vostre  lettre  que  je  receus  hier,  vous  men  parles  comme 
si  vous  men  avies  instruitte  par  touts  les  ordinaires  précédents 
et  que  ie  sceusse  le  fil  de  l'histoire.  Je  ne  scay  quelle  bonne 
maxime  vous  aves  de  n'instruire  jamais  les  personnes  bien  in- 
tentionnées des  changements  qui  arrivent,  afin  quils  puissent 
en  rendre  compte  au  pubhc  et  les  donner  par  le  costé  qui  con- 
vient qu'on  les  voye  ;  celuy-cy  avoit  besoing  de  cette  préparation, 
il  paroist  estrange  de  voir  chassé  un  ministre  aussi  zélé  pour 
Madame  Royale  que  le  M.  de  Saint-Maurice  et  dans  un  temps 
ou  il  est  accablé  d'ailleurs  pour  la  M.  (marquise)  de  ne  l'avoir 
pas  chassée  (sic)  il  y  a  trois  ou  quatre  ans,  et  de  la  (sic)  chasser 
présentement.  Vous  voyes  bien  ce  que  cela  fait  dire,  que  ce 
soit  vous  qui  leur  porties  l'ordre  de  leur  honneste  exil,  autre 
circonstance  qui  fait  parler.  Enfin  je  vous  assure  quil  neust  pas 
esté  mauvais  de  nous  donner  des  raisons  pour  le  pubhc,  et  par 
vostre  lettre  vous  ne  nous  dittes  pas  une  ;  ie  ne  scay  que  le  gros 
que  les  uns  et  les  autres  m'ont  apris.  Ce  nest  pas  que  quoyque 
ie  sois  très  faschée  du  malheur  de  cette  maison,  ie  ne  croye  pas 
que  Madame  R.  a  de  très  bonnes  raisons,  ie  cognais  trop  sa 
bonté  et  sa  justice  pour  en  douter  ;  je  croy  mesme  qu'elle  en  peut 
avoir  qui  ne  sont  pas  propres  à  estre  données  au  public,  mais  il 
y  en  a  toujours  qu'on  y  peut  donner,  et  cest  celles  la  qu'il  vous 
falait  envoyer  icy,  nous  nen  demandons  point  d'autre.  Je  nay 
pas  de  peine  à  croire  la  mauvaise  conduitte  du  Comte  de  Saint- 
Maurice  ;  une  meilleure  teste  que  la  sienne  seroit  troublée  !  sa 
grande  faute  est  d'avoir  présumé  qu'il  put  bien  faire  dans  une 
occasion  si  difficile.... ie  seray  ravie  devoir  a  faire  a  vous  pour 


x]  Le  Diplomate  187 

les  habits  de  Madame  R....Ainsy  que  je  vous  gronde  un  peu 
ie  ne  laisse  pas  d'estre  toute  à  vous." 

En  effet  Madame  Royale  avait  une  façon  de  traiter  ses 
amants  qui  avait  besoin  d'explication  pour  faire  bon  effet 
auprès  du  public;  et  si  l'on  demandait  volontiers  des  conseils 
à  Madame  de  La  Fayette  on  ne  suivait  pas  toujours  ceux  qu'elle 
donnait,  ce  qui  lui  faisait  dire:  "L'on  donne  des  conseils,  mon 
cher  Monsieur,  mais  l'on  n'imprime  point  de  conduite.  C'est 
une  maxime  que  jay  prié  Monsieur  de  La  Rochefoucauld  de 
mettre  dans  les  siennes...."  Nous  croyons  que  Rousset,  bien 
qu'il  ignorât  l'existence  de  la  correspondance  avec  Louvois, 
était  assez  près  de  la  vérité  lorsqu'il  écrivait  à  propos  de  Madame 
Royale:  "Son  plus  grand  souci  c'était  l'opinion  de  la  cour  de 
France  où  elle  avait  jadis,  dans  le  cercle  d'Anne  d'Autriche,  tant 
médit  des  erreurs  d'autrui.  Elle  y  avait  une  amie  sincère  et 
dévouée.  Madame  de  La  Fayette,  qui  la  tenait  exactement  au 
courant  de  tout  ce  qu'on  disait  d'elle  et  de  ses  amisi." 

Nous  verrons  que  plus  tard  elle  gêna  sérieusement  les  diplo- 
mates envoyés  à  Paris  par  Victor- Amédée,  et  qu'elle  sut  bien 
leur  tenir  tête.  Nous  n'avons  donc  l'intention  de  diminuer  ni 
son  rôle  ni  son  mérite.  Mais  la  simple  vérité  nous  intéresse  seule. 
Nous  ne  pouvons  admettre  qu'on  prête  à  Madame  de  La  Fayette 
un  rôle  qui  n'a  pas  été  le  sien,  et  qu'elle  n'aurait  pas  pu  soutenir. 
Nous  avons  déjà  démontré  qu'elle  ne  se  laissa  pas  abattre  par 
la  mort  de  La  Rochefoucauld  au  point  de  néghger  son  fils  et 
ses  protégés.  Elle  resta  femme  et  mère  et  nous  allons  voir 
maintenant  qu'elle  sut  le  rester  tout  en  s'occupant  des  affaires 
de  la  cour  de  Savoie. 

Elle  n'écrit  pas  à  Louvois  en  tant  que  "chargé  d'affaires" 
de  Madame  Royale;  elle  est  toujours  mère  de  famille.  Voici  la 
première  lettre  dans  les  minutes  de  Louvois  où  il  paraît  être 
question  des  affaires  de  Savoie. 

"À  Cambrai  le  29  avril  1684. 

"J'ai  reçu  le  billet  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire 
le  24  de  ce  mois.  Je  ne  puis  rien  dire  sur  le  temps  que  le  régiment 
de  la  Fère  pourra  sortir  de  garnison. ...Et  vous  devez  être 
assurée  que,  si  les  affaires  se  tournent  à  la  guerre,  ce  que  je  ne 
saurais  envier  (?),  vu  l'état  où  sont  nos  ennemis,  votre  fils  et 
son  régiment  ne  me  seront  point  inutiles  (?).  Je  n'ai  point 
ignoré  les  bruits  qui  ont  couru  cet  hiver,  qui  étaient  opposés  à  la 

^  Camille  Rousset,  Hist.  de  Louvois,  m.  84. 


188  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

bonne  intelligence  que  vous  souhaitez.  Je  les  ai  crus  d'abord  faux, 
depuis  ils  m'ont  paru  plus  vraisemblables  sans  que  j'en  sache  plus 
de  la  raison  que  je  n'en  savais  quand  on  les  disait  et  qu'on  ne 
les  croyait  point.  Soyez  très  persuadée,  Madame,  du  respect 
que  j'ai  pour  vous,  et  qu'on  ne  peut  être  plus  véritablement  que 
je  suis....i" 

Ce  n'était  pas  seulement  auprès  de  Louvois  et  du  roi  qu'elle 
avait  à  justifier  Madame  Royale,  mais  aussi  auprès  de  leurs 
amis  communs. 

Madame  de  Savoie  écrit  au  duc  d'Enghien  le  20  juin  1678: 

"De  peur  de  vous  importuner  par  une  longue  lettre  jay 
chargé  Madame  de  La  Fayette  de  vous  dire  toutes  les  nouvelles 
de  ce  pays  icy  et  vous  parler  aussi  d'une  affaire  qui  y  est  arrivée 
et  qui  est  finie  de  la  manière  dont  ie  le  pouvois  souhaiter.... 2" 

Deux  fois  dans  le  courant  du  mois  de  juillet  et  une  fois 
pendant  le  mois  de  novembre.  Madame  de  La  Fayette  doit 
renseigner  M.  le  Duc  sur  les  affaires  de  Savoie^  ;  puis  le  26  no- 
vembre 1678  Madame  Royale  écrit  au  duc  pour  protester 
contre  les  inventions  de  la  comtesse  de  Soissons  et  lui  conseille 
de  demander  des  nouvelles  à  Madame  de  La  Fayette^.  Au  début 
de  1679  elle  lui  écrit: 

"Lon  dit  que  Ion  en  invente  beaucoup  (de  nouvelles)  chez  la 
Comtesse  de  Soissons  et  de  cet  hôtel  vous  savez  que  Ion  ny  dit 
pas  souvent  vray  aussi  sella  nest  pas  fort  extraordinaire  cela  ne 
laissent  (sic)  pas  de  chocquer  le  feu  a  pris  a  mon  appartement 
depuis  peu  il  fit  plus  peur  que  de  mal.... Vous  entendrez  peut 
être  encore  parler  d'autre  chose  sy  vous  avez  curiosité  den 
savoir  la  vérité  Madame  de  La  Fayette  vous  lapprendra  mais 
tout  cella  en  vaut  si  peu  la  peine..., s" 

Tout  cela  en  effet  ne  mérite  guère  qu'elle  se  justifie  et  pour- 
tant elle  revient  trois  fois  encore  sur  le  sujet,  tout  en  s'excusant 
d'en  parler.    Le  passage  suivant  nous  montrera  pourquoi  elle 

^  Vol.  712,  p.  540  de  la  Corr.  de  Louvois.  Des  passages  de  cette 
correspondance  ftirent  donnés  par  M.  Jean  Lemoine  dans  la  Rev.  de 
Paris  du  l^r  sept.  1907.  Nous  faisons  imprimer  en  italique  ce  qu'il  a 
déjà  publié  et  que  nous  avons  revu  sur  les  ms. 

2  Chantilly,  série  P.  vol.  lxxi.    Lettres  autogr. 

2  Ibid.  9  et  16  juillet,  9  nov. 

*  Ibid.  5  Ibid.  Lxxii.  364,  inédite. 


x]  Le  Diplomate  189 

éprouve  le  besoin  de  se  justifier,  "le  feu  qui  a  pris  dans  le  château 
sa  (sic)  esté  un  pur  asard  quoy  quon  layent  (sic)  voullu  inter- 
pretter  autrement^." 

Madame  Royale  apprécie  les  services  que  lui  rend  Madame 
de  La  Fayette  auprès  du  duc  ;  elle  écrit  à  ce  dernier  : 

"Vous  êtes  un  amy  admirable  par  bien  des  endroits  mais 
surtout  par  l'exactitude  le  soin  et  la  sensibilité  que  vous  avez 
pour  ce  qui  regarde  vos  amies.  Madame  de  La  Fayette  et  moy 
traittent  ce  chapitre  souvent  ensemble  elle  le  fait  d'une  déU- 
catesse  où  je  ne  peux  pas  parvenir  et  aussi  il  n'appartient  quà 
mi  esprit  comme  le  sien  de  louer  une  personne  comme  vous...." 
etc.  2 

Elle  lui  avait  déjà  écrit  à  ce  sujet: 

"Ce  14^me  de  janvier  (1678). 

" . . . .  Madame  de  La  Fayette  mescrit  des  nouvelles  sur  tout  ce  que 
vous  luy  dites  à  mon  égard  je  suis  ravie  que  vous  approuviez  ce 
que  fai  fait  au  sien  elle  mérite  tout  et  la  chose  est  sy  peu  digne  de 
tels  remerciements  que  je  suis  honteuse  de  les  recevoir  c'est  une 
amie  aimable  et  admirable  comme  je  scay  quelle  est  très  particulière- 
ment la  vôtre  je  croy  que  vous  serez  bien  aise  que  je  vous  en  parlent 
(sic)  je  vous  rends  mille  grâces  des  nouvelles  que  vous  avez 
pris  la  peine  de  m'escrire  pour  elle  ditalie  je  nen  scay  pas  plus 
que  vous  celle  d'Angleterre  sont  les  plus  considérables  et  qui 
exitent  plus  la  curiosité...."  etc.  etc.^ 

On  remarque  d'après  les  dates  de  ces  lettres,  que  Madame 
de  La  Fayette  était  bien  engagée  auprès  de  Madame  Royale, 
avant  la  mort  de  La  Rochefoucauld.  Dans  la  correspondance 
de  Turin  nous  ne  trouvons  de  lettres  datées  de  l'année  1680 
qu'à  partir  de  la  fin  mai — deux  mois  après  le  décès  de  son  ami. 
La  lettre  qui  suit  est  du  mois  d'août — puis  jusqu'à  la  fin  de 
l'année  il  y  en  existe  treize  de  sa  main.  La  perte  du  duc  a  donc 
interrompu  sa  correspondance  plus  que  certains  critiques  ne 
nous  le  laissaient  croire  et  celle  qu'elle  entretenait  avec  Louvois 
pour  l'avancement  de  son  fils  a  cessé  complètement  à  cette 
époque  pour  ne  reprendre  qu'après  la  mort  de  Monsieur  de 
La  Fayette. 

^  Ibid.  Lxxni.  9,  inédite  ;  pp.  22  et  119  elle  revient  sur  le  même  sujet» 

2  Ibid.  Lxxi.  9  avril  1678. 

3  Ibid.  Lxxi.  14  janv.  1678. 


190  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

Ce  n'est  pas  qu'à  cette  époque  on  n'avait  pas  besoin  des 
services  de  Madame  de  La  Fayette.  Tout  au  contraire,  la  date 
de  1680  fut  une  date  critique,  car  le  16  mai  de  cette  année  là, 
Victor- Amédée  II  fut  proclamé  majeur.  La  fréquence  des  lettres 
de  Madame  de  La  Fayette  à  partir  de  1684  est  due  à  la  prise  de 
pouvoir  de  Victor- Amédée  qui  vit  confirmer  en  même  temps 
son  mariage  avec  Anne  d'Orléans,  nièce  de  Louis  XIV. 
A  partir  de  ce  moment  il  lutta  avec  acharnement  contre  sa 
mère  qui  n'avait  plus  d'ambassadeur  accrédité  près  du  roi. 
Il  fallait  donc  à  tout  prix  qu'elle  trouvât  quelqu'un  pour  l'ap- 
puyer auprès  de  Louvois,  et  elle  choisit  naturellement  l'amie 
qui,  depuis  son  départ  de  France,  l'avait  tenue  au  courant  de  ce 
qui  se  passait  à  la  cour. 

Dans  les  lettres  que  Madame  de  La  Fayette  écrit  à  Louvois 
entre  1684  et  1689  elle  s'appHque  surtout  à  justifier  Madame 
Royale  contre  telle  ou  telle  accusation,  à  faire  parvenir  des 
lettres  au  roi,  et  à  se  plaindre  de  la  façon  dont  le  fils  agit  envers 
sa  mère.  Mais  Madame  de  La  Fayette  n'oubUe,  ni  de  s'occuper 
de  son  propre  fils,  René-Armand,  ni,  au  besoin,  d'intervenir  en 
faveur  des  gens  auxquels  elle  s'intéresse.  Pour  ne  pas  allonger 
davantage  un  chapitre  qui  concerne  plus  l'histoire  que  la  Uttéra- 
ture  nous  ne  donnerons  ici  qu'un  seul  exemple  de  chacun  de 
ces  cas.  Le  lecteur  qui  voudra  suivre  en  détail  les  démarches 
de  Madame  de  La  Fayette  trouvera  à  l'appendice  toutes  les 
réponses  de  Louvois  au  sujet  des  affaires  de  Savoie.  Voici 
à  l'appui  de  ce  que  nous  venons  de  dire,  une  lettre  reçue  par 
Madame  de  La  Fayette  qui  était  intervenue  pour  son  fils  : 

"À  Versailles  le  7  juin  1685. 

"J'ai  reçu. ...le  paquet  qui  contenait  votre  billet  du  6  de  ce 
mois,  et  les  autres  papiers  qui  y  étaient  joints,  lesquels  je  vous 
renvoyé.  Je  prends  beaucoup  de  part  au  déplaisir  de  Madame 
la  duchesse  de  Savoie,  et  souhaite  de  tout  mon  cœur  que  ce  soit 
le  dernier  qu'elle  reçoive  'de  son  fils.  Les  ordres  du  Roy  ont  été 
envoyés  à  M.  l'abbé  Destrades,  tels  que  Madame  la  duchesse 
de  Savoie  le  peut  désirer,  mais  je  doute  fort  que,  vu  l'humeur  de 
Monsieur  le  duc  de  Savoie,  ils  fassent  tous  l'effet  que  l'on  doit 
attendre. 

"Je  satisferay  à  l'ordre  que  vous  me  donnez  de  recommander 
vos  (?)  à  M.  le  contrôleur  général.  Je  n'ai  eu  aucun  ordre  d'aver- 
tir les  colonels  d'infanterie  d'aller  à  leur  régiment. 

"Je  vous  rends  très  humblement  grâces  de  toutes  les  marques 


elle 


x]  Le  Diplomate  191 

d'amitié  que  vous  me  donnez  et  pour  les  occasions  que  j'ay  de 
vous  témoigner  qu'on  ne  peut  être  plus  véritablement  que  je 
suis,  "  etc.i 

Voici  maintenant  quelques  lignes  répondant  à  une  lettre  où 
s'occupait  d'une  personne  à  qui  elle  portait  de  l'intérêt  : 

"À  Versailles  le  13  janvier  1686, 

"J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'é- 
crire  hier.  Le  Roy  ne  peut  envoyer  des  ordres  plus  pressants  sur 
ce  qui  regarde  les  intérêts  de  Madame  de  Savoie  que  ceux  qui 
sont  partis  la  semaine  passée,  et  je  n'estime  point  qu'il  convienne 
de  demander  à  Sa  Majesté  de  faire  plus  parce  que  je  craindrais 
qu'à  la  fin  elle  s'ennuyât  d'entendre  toujours  parler  de  cette 
affaire  et  de  voir  qu'on  lui  proposerait  tous  les  jours  de  nouvelles 
choses. 

"Je  prendrai  l'ordre  du  roy  sur  ce  qui  regarde  le  sieur  Chaillon 
et  je  ne  doute  point  que  Sa  Majesté  ne  trouve  bon  que  l'on  le 
mette  à  Saint-Lazare  en  attendant  que  l'on  ait  des  nouvelles 
de  ses  parents.  Je  vous  rends  très  humble  grâce  de  ce  que  vous 
me  mandez  sur  ma  fille,  et  je  vous  supplie  d'être  toujours  bien 
persuadée  que  je  suis  très  véritablement.... 2" 

Il  lui  arrivait  enfin  de  se  rendre  utile  au  ministre  lui-même  : 

"À  Versailles  le  29  janvier  1686. 

"La  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  avant- 
hier  m'a  été  rendue.  Quoiqu'elle  ne  désire  point  de  réponse,  je 
ne  puis  m'empêcher  de  vous  remercier  très  humblement  de  ce 
que  vous  me  mandez  touchant  les  intérêts  de  Monsieur  de  la 
Rocheguyon,  sur  lesquels  je  profiterai  des  vues  que  vous  me 
donnez.  Je  vous  supphe  d'être  bien  persuadée  de  ma  reconnais- 
sance et  qu'on  ne  peut  être  plus  véritablement  que  je  suis  votre 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur^." 

Il  est  inutile  de  rappeler  les  efforts  que  fit  Madame  de  La 
Fayette  pour  faire  arrêter  le  libelle  Les  amours  du  Palais  Royal 
de  Turin*  ou  la  Généalogie.  Elle  poursuivait  toujours  le  même 
but:  soutenir  la  réputation  de  son  amie  qui  ne  paraît  pas  y 
avoir  mis  elle-même  autant  de  soin  qu'on  aurait  pu  le  désirer. 
Ses  démarches  lui  ont  valu  cette  appréciation  peu  galante  d'un 

1  Vol.  746,  p.  124,  inédite.  2  Vol.  762,  p.  274. 

^  Vol.  761,  p.  617,  inédite.  *  Voir  Perrero,  Curiositâ,  Intro. 


192  Madame  de  La  Fayette  [ch.  x 

envoyé  de  Turin:  "Madame  de  La  Fayette  est  un  furet,  qui  va 
guetant  et  parlant  à  toute  la  France  pour  soutenir  Madame 
Royale  en  tout  ce  qu'elle  fait^."  Lorsque  les  ambassadeurs  de 
Victor- Amédée  se  rendaient  chez  elle  pour  la  faire  parler  elle 
n'hésitait  pas  à  leur  dire  ouvertement  de  quel  côté  elle  se 
rangeait  et  au  besoin  elle  se  mettait  en  colère  car  ils  ne  voulaient 
pas  entendre  raison.  Quant  à  la  faire  parler  quand  elle  ne  voulait 
pas  le  faire,  c'était  chose  bien  difficile  ;  elle  se  montrait  souvent 
plus  diplomate  que  les  diplomates  de  carrière. 

En  somme,  si  l'on  avait  tenu  compte  des  documents  qui 
existaient  avant  la  découverte  des  lettres  de  Turin,  cette  dé- 
couverte n'aurait  pas  modifié  aussi  profondément  l'opinion  qu'on 
se  faisait  ordinairement  de  Madame  de  La  Fayette.  Elle  n'était 
certes  pas  intéressée  car,  à  part  quelques  aunes  de  damas  qu'elle 
n'avait  pas  demandées,  quelques  bibelots  des  Indes  qu'elle 
demande  en  plaisantant,  et  quelques  copies  de  tableaux,  elle  ne 
gagna  rien  à  s'occuper  de  son  amie  pendant  des  années,  sans 
parler  de  l'argent  qu'elle  déboursait  pour  l'habillement  de  la 
mère  et  du  fils^.  Les  relations  avec  les  ambassadeurs  ne  la 
montrent  pas  rusée  et  dissimulée,  mais  tout  simplement  intelli- 
gente, et  capable  de  repousser  les  attaques  habiles  de  ceux  qu'elle 
regardait  comme  ses  adversaires,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
démontré.  Le  reproche  qu'on  lui  adressa  d'avoir  manqué  de 
cœur  et  de  s'être  occupée  de  ses  affaires  après  la  mort  de  La 
Rochefoucauld  n'est  pas  fondé.  Pourquoi  voudrait-on  qu'une 
femme  qui  se  remettait  rapidement  d'une  maladie  grave,  qui 
s'occupait  de  ses  enfants  et  de  ses  affaires  dans  des  moments 
où  une  femme  moins  vaillante  n'aurait  pas  quitté  le  Ht,  pourquoi, 
disons-nous,  voudrait-on  qu'une  femme  aussi  courageuse  eût 
néghgé  famille  et  amis  sous  le  prétexte  qu'elle  avait  subi  une 
perte  irréparable  ?  En  tout  cela  elle  se  montra  femme  de  cœur, 
et  femme  d'esprit,  aimable,  dévouée,  intelligente,  désintéressée. 
Nous  ne  pouvons  lui  en  faire  un  grief. 

1  Ibid.  p.  480. 

2  Cet  argent,  comme  on  l'a  déjà  vu,  fut  remboursé  en  partie  par  des 
envois  de  marchandises,  en  partie  en  espèces,  selon  les  désirs  de  Mme  de 
La  Fayette. 


CHAPITRE  XI 

L'HISTORIEN  ET  SES  DERNIÈRES  ANNÉES.    1683-1693 

Quelques  années  après  la  mort  de  La  Rochefoucauld,  Mme  de 
La  Fayette  perdit  son  mari. 

Il  ne  laissa  pas  un  vide  aussi  grand  que  La  Rochefoucauld 
et  quoi  que  la  bienséance  exigeât  des  condoléances,  la  tâche 
était  déhcate  et  difficile.  Louvois  écrit  de  Versailles,  le  16 
juillet  1683  :  "  J'ay  appris  avec  bien  du  déplaisir  la  perte  que  vous 
avez  faite  de  Mons.  de  La  Fayette."  Jusque  là  tout  va  bien,  mais 
il  a  l'idée  peut-être  de  parler  des  rapports  entre  les  deux  et 
continue:  "Je  sçay  bien.,..,"  aussitôt  il  s'arrête,  voit  le  danger, 
barre  ces  mots  et  reprend  :  "Je  vous  supphe  d'être  persuadée  de 
la  part  que  je  prends  à  votre  douleur,  et  que  personne  n'est  plus 
véritablement  que  je  suis  votre  très  humble  et  obéissant  ser- 
vi te  ur^."  Bien  plus,  lorsque  ce  court  billet  fut  achevé,  Louvois 
hésita,  semble-t-il,  à  l'envoyer,  puisqu'il  se  trouve  dans  ses 
minutes  entouré  de  lettres  datées  du  22  juillet. 

JNIadame  de  La  Fayette  était  trop  accablée  par  la  perte  de 
son  ami  et  par  sa  mauvaise  santé  pour  pouvoir  souffrir  encore 
de  la  perte  de  ce  mari  qu'elle  ne  voyait  plus  souvent  depuis 
quelques  années.  Heureusement,  elle  reprend  ses  relations 
amicales  et  sa  correspondance  avec  le  fidèle  Ménage,  qu'elle  a 
un  peu  néghgé.  Sa  mauvaise  santé  est  le  sujet  qui  revient  le  plus 
souvent  dans  ces  dernières  lettres,  comme  dans  les  lettres  de  son 
amie  Madame  de  Sévigné.  Nous  voyons  d'après  ces  dernières 
que  depuis  des  années  Madame  de  La  Fayette  souffrait  de  temps 
à  autre  de  fortes  migraines 2,  de  fièvres,  de  coHques^,  mais  surtout 
d'un  certain  mal  de  côté,  suite  d'un  accouchement  difficile  ou 
symptôme  de  cette  maladie  des  reins  nettement  accusée  à  sa 
mort.  Avec  une  énergie  digne  de  tout  éloge,  elle  luttait  contre 
sa  maladie  et  ne  désespérait  pas.  Elle  chargeait  Mme  de  Sévigné 
de  dire  à  sa  fille  que  "sa  santé  n'est  jamais  bonne  et  cependant 
....qu'elle  n'en  aime  pas  mieux  la  mort,  au  contraire*."  EUe 
essaya  tous  les  remèdes,  eau  de  Vichy,  lait  d'ânesse,  bouillon 

1  Arch.  du  Ministère  de  la  Guerre,  Vol.  694  (2^  partie),  p.  192,  inédit. 

2  Sév.  n.  324.  ^  j^id.  v.  184.  *  Ibid.  m.  73. 
A.  13 


194  '  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

de  vipères,  le  remède  anglais,  saignées,  purges,  séjours  à  la 
campagne,  mais  elle  fut  contrainte  d'avouer  à  Ménage  que  "la 
médecine  ne  fait  que  blanchir  à  ces  sortes  de  maux  et  je  n'ay 
qu'à  les  souffrir  tant  qu'il  plairai  (sic)  à  dieu  de  me  laisser  en 
ce  monde."  A  cette  époque,  elle  a  perdu  son  beau  courage  dont 
nous  parlions  tout  à  l'heure,  elle  ajoute  donc  "mais  l'on  ne 
souette  pas  d'y  demeurer^."  Ces  dernières  lettres  à  Ménage  sont 
bien  tristes,  car  elles  rappellent  des  souvenirs  du  temps  où  elle 
était  belle  et  on  voit  qu'en  les  écrivant  il  lui  revient  à  l'âme, 
selon  l'expression  de  Flaubert,  "quelque  chose  de  pareil  à  ces 
mélodies  oubliées  que  l'on  retrouve  au  crépuscule,  durant  ces 
heures  lentes  où  la  mémoire,  ainsi  qu'un  spectre  dans  les  ruines^ 
se  promène  dans  nos  souvenirs"^." 

"Quoy  que  vous  me  difîandies  de  vous  escrire,"  dit-elle  par 
la  main  d'un  secrétaire,  "je  veux  neantmoins  vous  dire  com- 
bien je  suis  véritablement  touchée  de  vostre  amitié  je  la  recon- 
nois  telle  que  je  l'ay  veue  autrefois,  elle  m'est  chère  par  son 
propre  prix,  elle  m'est  chère  parce  qu'elle  m'est  unique  pré- 
sentent* le  temps  et  la  vieilesse  m'ont  osté  tous  mes  amis  jugés 
à  quel  point  la  vivacité  que  vous  me  tesmoignés  me  touche 
sansiblem*  il  faut  que  je  vous  dise  l'estat  ou  je  suis,  je  suis 
première™*  une  divinité  mortelle  et  a  un  excès  qui  ne  se  peut 
concevoir  j'ay  des  obstructions  dans  les  entrailles  des  vapeurs 
tristes  qui  ne  se  peuvent  représenter,  je  n'ay  plus  du  tout 
d'espris  (d'espoir?)  ny  d'esprit  ny  de  force,  je  ne  puis  lire  ny 
m'appliquer.  La  plus  petite  chose  du  monde  m'afflige  une 
mouche  me  paroist  un  Eléphant  voyla  mon  estât  ordinaire 
depuis  quinze  jours  jay  eu  plusieurs  fois  la  fièvre  et  mon 
poulx  n'est  point  remis  a  son  naturel  jay  un  grand  rhume  dans 
la  teste  et  mes  vapeurs  qui  n'estoient  que  périodiques  sont 
devenues  continuelles  après  que  jay  mangé  quoy  que  je  mange 
très  peu  je  suis  cinq  a  six  heures  à  n'en  pouvoir  plus  plus  in- 
commodée qu'aucune  femme  grosse,  ce  que  jay  de  bon  c'est 
que  je  ne  dors  pas  mal  et  le  peu  que  je  mange  je  le  mange  sans 
degoust  pour  m'achever  de  peindre  jay  une  foiblesse  dans  les 
jambes  et  dans  les  cuisses  qui  m'est  venue  tout  d'un  coup  en 
sorte  que  je  ne  scaurois  presque  me  lever  qu'avec  du  secours  et 
je  suis  d'une  maigreur  estonnante  voyla  Monsieur  Testât  de 
cette  personne  que  vous  avés  tant  célébrée  voyla  ce  que  le  temps 
scait  faire  je  ne  crois  pas  pouvoir  vivre  longtemps  en  cet  estât, 
ma  vie  est  trop  desaggreable  pour  en  craindre  la  fin  je  me  sou- 
1  Coll.  Feuillet  de  Conches.  2  Corresp.  1.  130. 


\ 


xi]  U Historien  et  ses  Dernières  Années  195 

mets  sans  peine  à  la  volonté  de  Dieu.  C'est  le  tout  puissant  et 
de  tous  costés  il  faut  enfin  venir  à  luy.  Lon  m'a  asseurée  que 
vous  songiés  fort  serieusem*  à  vostre  salut  et  j'en  ay  bien  de 
la  joye.   Ce  fut  par  vous  que  j'apris  la  défaite  des  Turcs. 

La  C.  de  Lafayette^." 

Il  est  évident,  d'après  la  réponse  de  Mme  de  La  Fayette,  que 

le  galant  Ménage  éprouve  une  certaine  diJBficulté  à  adapter  son 

langage  à  l'état  de  son  ancienne  élève — il  persiste  à  lui  adresser 

les  compliments  qu'il  faisait  autrefois  pour  la  belle  Laverna. 

Elle  lui  répond: 

"Ce  2  octobre  1691. 

"Vous  m'appelles  ma  divine  Madame  mon  cher  Monsieur 
je  suis  une  maigre  divinité  vous  me  faites  trembler  de  me  parler 
de  faire  mon  portrait  vostre  amour-propre  et  le  mien  pattiroient 
ce  me  semble  beaucoup  vous  ne  pouriez  me  peindre  que  telle 
que  j'ay  esté  car  pour  telle  que  ie  suis  il  n'y  auroit  pas  moyen 
d'y  penser  et  il  n'y  a  plus  personne  en  vie  qui  m'ait  vue  jeune. 
L'on  ne  pouroit  croire  ce  que  vous  diries  de  moy  et  en  me  voyant 
on  le  croiroit  encore  moins  ie  vous  prie  laissons  la  cette  ouvrage 
le  temps  a  trop  détruit  les  matériaux  j'ay  encore  de  la  taille, 
des  dents  et  des  cheveus  mais  je  vous  asseure  que  je  suis  une 
fort  vieille  femme. 

"Ma  santé  n'empire  pas  Dieu  mercy  je  me  trouve  mesme  un 
peu  mieux  aujourdhuy  que  ie  ne  fesois  ces  jours  passés  javois 
desja  un  peu  ouie  parler  du  tailleur  du  M^"  labbe  Ferrare  il  me 
semble  que  c'est  un  des  articles  de  la  noise.  Je  feray  vostre 
court  à  merveille  à  Mr  Léger  faites  la  mienne  à  Mr  l'abbé 
Bérault  adieu  mon  cher  Monsieur  je  suis  en  vérité  bien  sensible 
à  l'amitié  que  vous  me  tesmoignez  cette  reprise  a  de  l'air  de  la 
nouveauté  je  vous  remercie  bien  de  vos  moyeux.  Cest  ma  con- 
fiture favorite  parcequ'elle  a  un  peu  d'aigreur^. 

La  C.  de  Lafayette." 

Ménage  s'obstine  à  vouloir  célébrer  cette  reprise  d'amitié  en 
faisant  un  portrait  et  s'attire  la  lettre  suivante  qui  tout  en  re- 

1  Coll.  Femllet  de  Conehes. 

2  Elle  ajoute  en  post-scriptum:  "Quand  j'étois  jeiine  et  que  vous  me 
guidies  j'aurois  dit  ce  me  semble  qu'erreurs  au  pluriel  est  plus  beau  en 
vers  qu'erreur  mais  que  dans  l'endroit  que  vous  me  marques  plein  d'erreur 
me  paroit  meilleur  que  plein  d'erreurs  je  ne  sais  pas  si  je  dis  bien  je  vou- 
drois  bien  savoir  qxii  sont  les  gens  de  l'autre  monde  qui  me  prennent 
pour  un  bon  juge." 

13—2 


196  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

poussant  d'une  façon  très  aimable  cette  idée  de  son  ami,  lui 

montre  en  même  temps  qu'elle  a  en  tête  des  pensées  bien  plus 

graves.  Elle  est  mère,  il  lui  faut  penser  à  ses  enfants  car  la  mort 

la  menace.    Aussi  la  fin  de  la  lettre  que  voici  s'occupe-t-elle 

uniquement  d'affaires.    Nous  en  avons  supprimé  cette  partie 

pour  abréger: 

"Ce  liindy  au  soir. 

"Mon  esprit  mon  cher  Monsieur  est  aussi  changé  que  mon 
corps.  Vous  avez  donne  tant  de  belles  idées  de  l'un  et  de  l'autre 
que  ie  ne  vous  conseille  plus  de  reparler  d'aucun  des  deux. 
Laissons  le  monde  sur  ce  que  vous  en  aves  dit.  Vous  avez 
asses  surfait  quand  les  marchandises  sont  à  la  vieille  mode  le 
temps  de  surfaire  est  passé,  n'avez-vous  point  assez  fait  pour 
moy  de  m'avoir  tant  louée  au  delà  de  ce  que  je  méritois  et 
n'avez-vous  point  assez  fait  aussi  de  m'avoir  donne  une  amitié 
du  prix  dont  est  la  vôtre  je  vous  demande  seullement  de  la 
conserver  à  mes  enfans  si  je  meurs  la  première.  Ce  seroit  le 
meilleur  morceau  de  la  succession  qu'un  amy  tel  que  vous. 
Vous  vivres  encore  longues  années  et  ce  que  j'estime  de  vostre 
longue  vie  c'est  que  vous  vivez  tout  entier  presque  tout  le 
monde  perd  la  moitié  de  soy  mesme  avant  que  d'avoir  attrappé 
la  mort...." 

Parfois  elle  lui  écrit  de  sa  main  et  ajoute  :  "Je  vous  écrits  de 
ma  main  cest  pr  vous  seul  que  je  fais  cet  effort,"  mais  lorsque 
Ménage  loue  ses  lettres  elle  se  récrie  "  ....où  pouvez-vous  prendre 
bon  dieu  que  mes  lettres  sont  belles  et  éloquentes  elles  ne  le 
peuvent  jamais  estre  quelque  soin  que  vous  ayes  pris  de  m'ap- 
prendre  à  escrire  mais  c'est  toujours  de  fort  mauvaises  lettres 
que  des  lettres  dictées  tant  que  la  main  d'un  secrétaire  peut 
aller."  Elle  termine:  "J'ai  receu  la  Griselidis  de  Monsieur 
Perrault  dont  je  suis  charmée  ie  vous  prie  de  l'en  remercier." 
Nous  avons  déjà  noté  au  passage  une  allusion  aux  Turcs,  la 
discussion  d'une  question  de  grammaire,  voilà  qu'elle  mentionne 
un  hvre  lu;  ailleurs  elle  "ne  sait  point"  l'étymologie  de  falbala, 
tout  ce  qu'elle  en  sait  "c'est  que  M.  de  Langlée  est  père  de  ce 
mot"  et  elle  écrit  :  "qu'il  est  né  dans  sa  teste."  EUe  a  beau  être 
malade,  son  esprit  est  sans  cesse  curieux. 

De  plus,  le  peu  qui  nous  reste  de  ses  Mémoires  de  la  cour  date 
de  cette  époque.  Toujours  mêlée  à  la  vie  pohtique,  par  son  père, 
par  sa  marraine,  par  son  beau-père,  par  son  emploi  de  demoiselle 
d'honneur  de  la  reine,  par  son  mari  (il  pouvait  en  effet  lui  parler 


xi]  UHistonen  et  ses  Dernières  Années  197 

de  Louise  de  La  Fayette  et  de  la  cour  de  Louis  XIII),  par 
son  amitié  avec  Henriette  d'Angleterre  et  par  les  hommes  bril- 
lants qui  fréquentaient  son  salon,  sans  parler  de  La  Roche- 
foucauld, de  Louvois  et  de  Madame  Royale,  Madame  de  La 
Fayette  a,  fort  probablement,  tenu  un  journal  de  ce  qui  se 
passait  dans  ce  monde  d'intrigues  qui  l'intéressait  beaucoup^  ; 
mais  son  fils,  l'abbé,  n'attachait  pas  d'importance  aux  écrits  de 
sa  mère,  il  les  prêtait  à  qui  les  demandait  et  oubUait  de  les 
réclamer  par  la  suite.  Après  sa  mort,  on  ne  put  pubUer,  en  1731, 
que  les  mémoires  des  années  1688  et  1689,  tout  ce  qui  restait 
du  travail.  On  conçoit  facilement,  après  avoir  lu  ces  pages,  pour- 
quoi Mme  de  La  Fayette  ne  les  avait  pas  livrées  à  l'impression. 
Certes  elle  aimait  bien  "voir  ses  œuvres  sortant  de  la  presse" 
comme  elle  dit  elle-même  dans  une  de  ses  lettres  à  Ménage,  mais 
elle  était  trop  railleuse,  trop  vraie,  trop  perspicace  et  trop  peu 
éblouie  par  le  Roi  Soleil  et  par  ses  sateUites  pour  se  permettre 
de  Hvrer  au  pubHc  les  impressions  qu'elle  en  formait.  Elle 
connaissait  personnellement  la  plupart  des  personnages  qui 
jouent  leur  rôle,  petit  ou  grand,  dans  les  pages  de  son  livre,  et 
eUe  se  permettait  une  franchise  vraiment  étonnante  à  l'époque 
pour  une  femme  de  sa  position  sociale.  Il  serait  facile,  avec  notre 
connaissance  des  événements  et  de  leurs  résultats,  de  critiquer 
le?,  Mémoires  en  tant  qu'histoire,  mais  si  l'on  veut  pour  un  instant 
se  rappeler  que  ces  appréciations  suivirent  de  près  ces  événe- 
ments, on  est  forcé  d'admettre  leur  haute  valeur.  Lorsqu'elle 
parle  d'un  plan  de  campagne,  c'est  en  général  qu'elle  le  fait; 
lorsqu'elle  regarde  les  événements  d'outre-Manche,  elle  juge 
non  plus  en  Française,  mais  en  diplomate  et  en  historien. 

"On  espéroit  toujours  en  France,"  écrit-elle,  "que  l'humeur 
hautaine  du  prince  d'Orange  deviendroit  insupportable  aux 
Anglois,  et,  comme  nous  nous  flattons  très  volontiers,  on  ne 
doutoit  point  de  voir  en  très  peu  de  temps  une  révolte  en  Angle- 
terre. Cependant  le  prince  d'Orange  avoit  été  couronné  roi 
d'Angleterre  avec  de  très  grands  applaudissements.  La  con- 
vention de  l'Ecosse  lui  avoit  aussi  envoyé  la  couronne,  quoique 
le  roi  eût  encore  des  partis  fort  puissans  dans  le  nord  de  l'Ecosse. 
Le  prince  d'Orange  avoit  fait  assembler  le  parlement,  qui  lui 
avoit  accordé  généralement  tout  ce  qu'il  avoit  demandé,  c'est 
à  dire  de  l'argent  pour  payer  les  troupes  hoUandoises  et  pour 

1  L'éditeur  de  la  1«™  édition  (1731)  écrit:  "Il  est  certain  que  Madame 
a  comtesse  de  La  Fayette  avoit  écrit  des  mémoires  de  tout  ce  qm  s' et  oit 
passé  à  la  comt  de  France  depuis  sa  première  jeunesse." 


198  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

rembourser  les  avances  qui  lui  avoit  faites  la  Hollande  pour 
son  dessein,  de  l'argent  pour  la  subsistance,  et  les  moyens  d'en 
tirer  pour  faire  la  guerre  à  la  France.  Tout  cela  s'étoit  fait  avec 
une  tranquilité  étonnante.  Londres,  qui  n'étoit  point  accou- 
tumée à  avoir  des  troupes,  en  étoit  remplie  sans  oser  souffler, 
et  le  prince  d'Orange,  en  deux  mois,  étoit  devenu  plus  maître 
de  l'Angleterre  qu'aucun  roi  ne  l'avoit  jamais  été.  Les  Anglois, 
qui  avoit  chassé  leur  roi  sous  prétexte  de  défendre  et  conserver 
leur  reKgion,  la  voyoient  changer  entièrement:  car  le  prince 
d'Orange,  tout  en  faisant  semblant  d'accommoder  les  deux 
rehgions,  c'est  à  dire  l'anghcane  et  la  sienne,  prétendue  réformée, 
laissoit  les  ministres  de  la  dernière  entièrement  les  maîtres,  et 
professoit  pubhquement  son  calvinisme,  à  quoi  tous  les  Anglois 
applaudissoient^,  '  ' 

Il  est  des  ministres  qui  seraient  heureux  de  pouvoir  hre  aussi 
clairement  dans  l'histoire  de  leurs  voisins.  Il  n'y  a  guère  dans 
ces  deux  années  de  mémoires  que  des  questions  de  politique 
extérieure,  des  récits  de  campagnes  et  surtout  une  relation  des 
affaires  d'Angleterre,  Le  tout  est  coupé  de  temps  à  autre  par 
de  petits  tableaux  de  la  cour.  En  hsant  ce  Uvre,  on  comprend 
pourquoi  ses  amis  disaient  qu'elle  était  éminemment  raisonnable. 
Si  eUe  critique  les  plaisirs  du  roi^  et  trouve  qu'il  est  très  vif  dans 
un  nouveau  jeu  "où  il  n'y  a  pas  plus  de  finesse  qu'à  croix  et  pile^," 
si  elle  déplore  les  dépenses  qui  vident  le  trésor  en  temps  de  paix* 
elle  reconnaît  que  dans  un  moment  difficile  il  joue  bien  son  rôle 
quand  "il  ne  falloit  pas  une  moindre  grandeur  d'âme  et  une 
moindre  puissance  que  la  sienne  pour  ne  pas  se  laisser  accabler^." 
La  cour  ne  la  charme  pas,  elle  la  trouve  triste®  ou  ennuyeuse, 
"toujours  les  mêmes  plaisirs,  toujours  aux  mêmes  heures,  et 
toujours  avec  les  mêmes  gens'."  Mais  ce  qui  donne  un  charme 
tout  particuher  à  ses  mémoires,  c'est  la  pointe  d'ironie  qui  y 
perce  parfois.  Elle  est  si  fine  que  l'on  hésite  sur  la  vraie  portée 
de  certaines  réflexions — comme,  par  exemple,  celle  qui  concerne 
les  cordons  bleus^.  Il  lui  arrive  de  sortir  de  sa  réserve  et  de  railler 
ouvertement  comme  elle  avait  la  réputation  de  le  savoir  faire 
dans  la  conversation.  "Tout  cet  argent,"  écrit-elle,  "servoit 
très  utilement.  Les  troupes,  à  la  vérité,  en  tiroient  un  très 
médiocre  avantage,  car  on  ne  leur  donnoit  rien;  mais  c'est  une 
habitude  que  l'on  a  prise  en  France,  et  dont  on  se  trouve  fort 
bien."  Lorsqu'un  empirique  se  présente  pour  guérir  la  Dauphine 

^  Éd.  Asse,  p.  248.  2  pp,  141  et  188.  ^  215. 

*  219.  5  190.  «  217.  ">  198.  »  185. 


xi]  U Historien  et  ses  Dernières  Années  199 

qui  se  met  entre  ses  mains,  elle  n'oublie  pas  de  noter  que  "son 
premier  métier  avoit  été,  demeurant  au  collège  de  Navarre, 
d'apprendre  à  siffler  à  des  linottes^."  Elle  remarque  que  les 
officiers  que  l'on  donnait  à  Jacques  II  sont  "d'une  habileté  très 
médiocre^."  Elle  ne  manque  pas  l'occasion  de  rendre  à  Mme  de 
Maintenon  la  monnaie  de  sa  pièce.  Mme  Scarron  avait  été  de 
ses  amies,  mais  Mme  de  Maintenon  jugea  qu'il  était  impossible 
de  continuer  cette  amitié,  parce  que  Madame  de  La  Fayette  la 
mettait  à  trop  haut  prix.  La  favorite,  qui  devint  femme  légitime, 
trouva  bon  de  critiquer  le  faste  de  son  ancienne  amie,  représenté 
à  ses  yeux  par  son  Ut  galonné  d'or^  et  il  est  probable  que  Mme 
de  La  Fayette  la  trouva  de  son  côté  un  peu  trop  hypocrite  et 
pas  assez  vraie.  Madame  de  Maintenon,  nous  dit  la  comtesse, 
est  représentée  par  Esther  dans  la  pièce  de  Racine,  "Toute  la 
différence  fut  qu'Esther  étoit  un  peu  plus  jeune,  et  moins  pré- 
cieuse en  fait  de  piété*."  Certes,  pour  être  historien,  Madame 
de  La  Fayette  n'en  est  pas  moins  femme  !  On  voit  ailleurs  dans 
ses  pages  qu'elle  n'est  nullement  cagote  et  le  Pape  est  traité  assez 
sévèrement  par  elle^.  Elle  trouve  que  les  chapelets  et  les  in- 
dulgences qu'il  envoya  à  Jacques  II  lorsqu'il  lui  demanda  du 
secours  étaient  "chose  peu  nécessaire  à  d'autres  qu'à  des  dé- 
vots consommés  et  qui  n'étoit  d'aucune  utihté  pour  reconquérir 
un  royaume^."  C'est  parce  qu'il  fréquente  les  Jésuites  que  Mme 
de  La  Fayette  juge  assez  sévèrement  Jacques  II'.  Elle  a  des 
réflexions  de  bon  sens  pratique  bien  faites  pour  étonner  ceux 
qui  s'obstinent  à  la  considérer  comme  une  prude  qui  passa  sa 
vie  à  languir  dans  un  salon,  "L'empereur  opposa  pour  négo- 
ciateur à  Asfeld,"  écrit -elle,  "le  comte  de  Launitz,  homme,  à 
ce  que  l'on  dit,  de  peu  d'esprit,  mais  qui  avoit  pourtant  réussi 
à  mettre  M.  l'électeur  de  Bavière  dans  les  intérêts  de  l'empereur: 
il  est  vrai  que  sa  femme  y  avoit  eu  plus  de  part  que  lui,  car 
M.  l'électeur  en  étoit  devenu  amoureux,  et  il  est  difficile  de  trouver 
des  gens  qui  persuadent  mieux  que  les  amans  ou  les  maîtresses®." 
Elle  admet  que  Saint- Cyr  "maintenant  que  nous  sommes  dévots, 
est  le  séjour  de  la  vertu  et  de  la  piété"  mais  elle  entrevoit  la 
possibilité  qu'il  puisse  devenir  "celui  de  la  débauche  et  de 
l'impiété."  "Car,"  écrit-elle,  "de  songer  que  trois  cents  jeunes 
filles,  qui  y  demeurent  jusqu'à  vingt  ans,  et  qui  ont  à  leur  porte 

1  P.  256.  2  218,  225. 

^  Lettre  sur  l'économie.   Voir  aussi  vn.  pp.  32,  49,  etc.,  éd.  1757. 
<  Mém.  de  la  cour,  p.  214.  ^  ibid.  145,  270,  271. 

6Ibid.  271.  ^Ibid.  211,  230.  «Ibid.  148. 


200  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

une  cour  de  gens  éveillés,  surtout  quand  l'autorité  du  roi  n'y 
sera  plus  mêlée;  de  croire,  dis-je,  que  des  jeunes  filles  et  des 
jeunes  hommes  soient  si  près  les  uns  des  autres  sans  sauter  les 
murailles,  cela  n'est  presque  pas  raisonnable^." 

Sa  critique  n'épargne  pas  non  plus  son  ami  Racine  "le 
meilleur  poète  du  temps,  que  l'on  a  tiré  de  sa  poésie,  où  il  étoit 
inimitable,  pour  en  faire,  à  son  malheur  et  celui  de  ceux  qui 
ont  le  goût  du  théâtre  lui  historien  très  imitable^." 

On  ne  peut  pas  porter  un  jugement  sur  l'ouvrage  qui  est 
l'objet  de  ce  chapitre,  car  ce  n'est  qu'un  fragment,  mais  quand 
on  voit  le  talent  de  l'écrivain  et  son  charme,  son  indépendance, 
sa  connaissance  de  la  poUtique  et  de  la  vie,  on  ne  peut  que  re- 
gretter vivement  la  perte  du  reste  de  ce  manuscrit.  La  jeunesse 
et  la  maturité  de  Madame  de  La  Fayette  coïncidaient  avec  la 
période  de  gloire  de  Louis  XIV.  Nous  aurions  voulu  pouvoir 
ajouter  encore  un  volume  et  peut-être  le  meilleur,  à  la  bibho- 
thèque  des  mémoires,  qui,  pour  cette  époque,  est  déjà  si 
riche. 

D'ailleurs  cette  perte  des  mémoires  n'est  peut-être  pas  la 
seule  dont  il  faut  rendre  responsable  devant  la  postérité  Louis 
de  La  Fayette.  Madame  de  La  Fayette  avait  écrit  un  court 
roman,  qui  avait  pour  titre  Caraccio.  Il  n'a  jamais  été  publié, 
mais  le  manuscrit  se  trouvait  en  1783  dans  la  bibhothèque  du 
duc  de  La  VaUière.  M.  le  Comte  d'Haussonville  parle  d'un 
"roman  manuscrit  intitulé  Caraccio  qui  aurait  figuré  dans  la 
bibHothèque  du  duc  de  La  VaUière";  "cependant,"  ajoute-t-il, 
"le  catalogue  de  cette  célèbre  bibHothèque,  pubhé  il  est  vrai 
en  1787,  par  Nizon,  n'en  fait  pas  mention.... il  n'est  pas  sûr  que 
le  roman  ait  jamais  été  écrit^."  Heureusement,  le  catalogue 
publié  en  1787  n'est  ni  le  seul,  ni  le  meilleur.  Le  catalogue  de 
vente  pubhé  en  1783  par  Guillaume  de  Bure  fils  aîné  contient 
à  la  page  647  du  Tome  n.  la  mention  suivante: 

"No  4142,  CARACCIO,  histoire,  par  Mme  de  La  Fayette, 
in  80  V.  b. 

"Manuscrit  sur  papier  du  XVII^  siècle  contenant  87  feuillets. 
Nous  ne  le  connaissons  pas  imprimé*." 

1  Op.  cit.  212-13.  2  213. 

^  Madame  de  La  Fayette  (Hachette),  p.  218. 

*  Gioillaïune  de  Bure  fils  aîné,  Catalogue  des  livres  de  la  bibliothèque 
de  Jeu  M.  le  duc  de  la  VaUière.  l^'^"  partie,  mss.  et  livres  rares.  3  vols,  in  8°. 
Paris,  1783. 


xi]  U Historien  et  ses  Dernières  Années  201 

Nous  n'avons  pu  trouver  aucune  trace  de  ce  manuscrit  de- 
puis le  moment  où  il  fut  vendu  20  livres  0  s. \  à  la  vente  aux 
enchères  par  de  Bure  aîné,  mais,  n'en  déplaise  à  M.  d'Hausson- 
ville,  il  a  bel  et  bien  existé. 

Peu  après  avoir  écrit  les  Mémoires  dont  nous  venons  de 
parler,  Madame  de  La  Fayette  maria  son  fils.  Il  lui  fallait 
oublier  ses  occupations  littéraires,  et  elle  devait  "se  faire  brave 
pour  la  noce^,  "  elle  qui  ne  pensait  plus  guère  à  ses  toilettes. 
Mais  la  maladie  ne  voulut  pas  l'épargner  même  dans  ce  moment 
si  important  dans  sa  vie.  Elle  souffrait  "d'une  colique  cruelle" 
qui  lui  causa  une  grande  faiblesse  "ayant  été  saignée  deux  fois." 
La  lutte  pour  l'établissement  de  ce  fils  avait  été  âpre  ;  après  le 
mariage  il  se  produit  une  forte  réaction,  "elle  ne  se  mêle  plus 
de  rien,  elle  sent  la  douceur  et  le  soulagement  de  cette  nouvelle 
famine^." 

Et  pourtant  ni  l'affaire  du  mariage,  ni  sa  mauvaise  santé, 
n'empêchent  jVIme  de  La  Fayette  de  s'occuper  de  la  députation 
de  Charles  de  Se  vigne.  Elle  écrit,  elle  fait  des  démarches,  et 
enfin  dans  la  lettre  où  elle  s'avoue  vaincue,  elle  s'occupe  de 
Mme  de  Sévigné  elle-même,  fait  des  plans  pour  qu'elle  économise, 
lui  offre  un  prêt  sans  intérêt,  le  tout  dans  une  longue  lettre  à  un 
moment  où  elle  n'a  "point  de  tête"  et  lorsqu'elle  a  eu  la  fièvre*. 
Elle  fait  son  testament  que  l'on  verra  dans  un  appendice  et 
qui  dénote  im  esprit  fort  clair  et  fort  pratique.  Un  codicille 
mettra  plus  tard  le  tout  au  point. 

Dès  lors  elle  engage  un  rude  combat  contre  la  maladie  et  la 
mort.  Madame  de  Sévigné  a  "confiance  à  la  sagesse  et  à  l'ap- 
pHcation  de  Mme  de  La  Fayette  pour  la  conservation  de  sa 
personne";  il  lui  semble  "'qu'elle  sortira  toujours  de  tous  ses 
maux:  Dieu  le  veuille.... 5"  Son  état  ne  laisse  pas  d'être  triste. 
Ses  domestiques  lui  volent  une  somme  assez  importante^.  Elle 
se  résigne  et  elle  écrit  "Je  suis  dans  les  vapeurs  les  plus  tristes 
et  les  plus  cruelles  où  l'on  puisse  être;  il  n'y  a  qu'à  souffrir, 
quand  c'est  la  volonté  de  Dieu'^." 

Mais  elle  ne  désespère  pas  et  aussitôt  que  sa  santé  s'améhore, 
tant  soit  peu,  elle  écrit  à  Mme  de  Sévigné  pour  lui  dire  d'être 
en  repos  sur  la  vie  de  sa  "pauvre  amie."  "Vous  aurez  le  loisir," 
écrit-elle,  "d'être  préparée  à  tout  ce  qui  arrivera^."  De  même  elle 
s'empresse  d'envoyer  un  petit  mot  à  Ménage  pour  le  tranquilliser  : 

1  Prix  des  livres  relié  à  la  fin  du  catalogue.  ^  Sév.  ix.  327. 

3  Ibid.  IX.  428.  *  Ibid.  ix.  243.  ^  jbifi.  jx.  405. 

«  Ibid.  IX.  434.  ^  ibid.  ix.  578.  «  ibid.  x.  58. 


202  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

"Mardy  matin. 

"Je  vous  apprens  avec  plaisir  quand  je  me  porte  mieux  quand 
je  suis  plus  mal  je  ne  scaurois  m'empescher  encore  de  vous 
le  dire  c'est  un  soulagement  pour  moy  que  de  me  plaindre  avec 
quelqu'un  que  je  suis  asseuree  qui  prend  part  a  mes  maux  il  y  a 
quattre  ou  cinq  jours  que  je  ne  dors  plus  les  vapeurs  me  reveillent 
a  deux  ou  trois  heures  avec  une  agitation  et  une  tristesse  si 
profonde  que  la  perte  de  tout  ce  que  jayme  et  de  tout  mon  bien 
ne  me  jettroit  pas  dans  une  pareille  tristesse  quand  je  seray 
un  peu  mieux  je  me  hateray  bien  de  vous  le  mander  ces  sortes 
de  maux  n'attaquent  point  la  vie  mais  il  (sic)  la  rendent  bien 
insuportable." 

Elle  ne  peut  plus,  hélas  !  se  plaindre  à  son  ami  La  Roche- 
foucauld, au  coin  du  feu,  et  Valant  "son  médecin,  son  confesseur 
et  son  ami"  n'est  plus;  Langlade  est  mort,  et  elle  sent  bien 
qu'il  est  trop  tard  pour  faire  de  nouveaux  amis.  Elle  écrit  à  ce 
sujet  à  Ménage  : 

"Samedi  matin. 

"Je  vous  escris  aujourd'huy  quoy  que  je  sois  dans  un  de  mes 
plus  meschants  jours  mais  je  veux  vous  dire  combien  jay  de 
joye  de  vous  scavoir  bien  logé  agréablement  par  vostre  belle  vue 
et  agréablement  par  vostre  hoste  ie  n'en  suis  point  connue  mais 
le  vous  prie  de  lui  faire  mes  compHments  et  de  lasseurer  que  par 
vous  ie  suis  fort  sa  servante,  ie  n'aie  jamais  veu  le  Père  Bouhours 
et  ie  suis  trop  vieille  pour  commanser  des  connoissances  mais 
vous  me  ferez  un  vrai  plaisir  de  me  conserver  ses  bonnes  grâces 
pour  M.  l'abbé  Régnier  ie  l'aie  fort  conneu  autre  fois  et  ie  l'aie 
toujours  fort  estimé  s'il  se  souvenoit  assez  de  moy  pour  me  vou- 
loir faire  l'honneur  de  me  venir  voir  j 'en  serois  très  aise  et  vous 
me  ferez  plaisir  de  l'en  asseurer  de  ma  part  je  suis  si  mal  au- 
jourdhuy  que  ie  ne  puis  vous  en  dire  davantage  toute  a  vous. 

La  C.  de  La  Fayette." 

Elle  s'occupe  toujours  de  sa  famille  mais  elle  se  rend  compte 
que  son  œuvre  est  presque  terminée,  et  qu'il  faut  que  "quelque 
autre  Madame  de  La  Fayette"  continue  sa  tâche.  En  sep- 
tembre 1691  elle  fait  écrire  à  Ménage: 

"A  paris  ce  premier  O'"'^  1691. 
"Je  suis  si  mal  de  mes  vapeurs  depuis  quelques  jours  que  je 
n'ay  pu  vous  escrire,  c'est  un  plaisir  pour  moi  que  de  vous  escrire 
que  mes  vapeurs  ne  me  permette  pas  toujours  de  prendre,  c'est 


xi]  U Historien  et  ses  Dernières  Années  203 

un  chien  de  mal  que  les  vapeurs,  on  ne  scait  d'où  il  vient  ny 
a  quoy  il  tient  on  ne  scait  que  luy  faire,  on  croit  l'adoucir  il 
s'aigrit,  si  jamais  ie  suis  en  estât  d'escrire  ie  fairay  un  livre 
entier  contre  ce  mal  la.  Il  n'oste  pas  seulement  la  santé  il  oste 
l'esprit  et  la  raison  si  jamais  jay  la  plume  a  la  main  je  vous 
assure  que  j'en  fairay  un  beau  traitte.  La  généalogie  de  mes 
enfans  n'est  point  avancée  du  tout,  j'en  suis  demeurée  au  grand- 
pere  du  mareschal  que  jay  trouve  chez  les  Comtes  de  St  Jean  de 
Lion  dans  le  siècle  1300  jay  le  cartulaire  des  Souscilange  ce  dans 
le  Siècle  1000  et  11 00  ils  sont  qualifies  miles(  ?).  Jay  encore  trouve 
de  leurs  encestres  entre  ce  cartulaire  de  Souscillange  et  les 
preuves  (?)  de  St  Jean  de  Lion,  mais  je  n'en  ay  pas  des  tiltres 
certains  comme  de  ceux  que  je  viens  de  vous  parler  en  Testât 
ou  est  ma  pauvre  teste  je  ne  travailleroient  pas  a  leur  généalogie 
quand  ils  seroient  prince  du  sang.  Il  faut  qu'il  vienne  après  moy 
quelque  autre  Madame  de  La  Fayette  qui  fasse  ce  que  je  n'ay 
peu  faire  elle  ne  fairoit  pas  mal  pourveu  qu'elle  en  face  autant 
que  moy.  Je  m'admire  quelquefois  toute  seule.  Je  ne  crois  pas 
aussi  avoir  bien  des  camarades  en  cette  occupation  cependant 
ie  trouve  que  je  dois  estre  admirée  trouves  men  un  autre  qui 
eust  une  figure  comme  la  mienne  tournée  au  bel  esprit  comme 
vous  m'y  aviez  tournée  et  qui  ayt  aussi  bien  fait  pour  sa  maison 
sont  des  choses  assez  rares  rassemblée  (?).  Il  resuite  de  tout 
cela  que  je  n'ay  plus  de  cens  commun.  Je  vous  asseure  que 
c'est  un  bel  exemple  a  qui  on  voudroit  faire  un  bon  usage.  Je 
voudrois  bien  en  pouvoir  profiter  mais  c'est  une  grâce  qu'il 
faut  demander  a  dieu  adieu  ^Monsieur  merveille  ou  imbecille 
ie  suis  toujours  esgalement  a  vous  et  plus  touchée  de  vostre 
amitié  parceque  j 'en  suis  moins  dignes  par  bien  des  cottees  mais 
ie  la  mérite  pour  en  scavoir  connoistre  le  prix  et  par  santir 
ce  prix  tel  qu'il  est. 

La  C.  de  La  Fayette." 

Vers  Pâques  1692  (  ?)  elle  décrit  son  triste  état  dans  une  de 
ses  dernières  lettres  à  Ménage  : 

"Il  y  a  trop  longtemps  que  ie  ne  vous  ay  mande  de  mes 
nouvelles  ie  m'en  ennuyés  ma  santé  est  toujours  d'une  langueur 
a  faire  pitié  ie  dors  très  mal  ie  mange  de  mesme  je  suis  aussy 
d'une  maigreur  aussy  exessive  que  la  graisse  dont  j'estois  lors 
que  nous  aUasmes  en  Anjou  je  suis  toujours  triste  chagrine 
inquiette  scachant  très  bien  que  ie  n'ay  aucun  sujet  de  tristesse 


204  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

de  chagrin  ni  d'inquiétude  ie  me  desapprouve  continuellement 
c'est  un  estât  assez  rude  aussy  ne  croy  ie  pas  y  pouvoir  subsister 
et  ie  vous  assure  que  ie  ne  me  croid  plus  en  droit  que  vous  de  faire 
un  bail  de  six  ans  je  suis  faschee  que  vous  deslogiez  premierem* 
parceque  ce  vous  est  une  très  grande  payne  et  de  plus  cest 
que  ie  connoissois  vostre  logem*  et  que  mon  imagination  scavoit 
ou  vous  prendre  vous  avez  autrefois  conduit  mes  lectures  du 
temps  que  ie  lisois  pour  apprendre  quelques  chauses  presentem* 
ie  ne  lis  point  et  ie  ne  veux  rien  scavoir  mais  souvent  ie  fais 
lire  pour  m'amuser  et  pour  m'endormir.  Indicquez  moy  quelq 
livres  il  fault  qu'ils  soient  de  narration  un  livre  de  raisonnem* 
emporteroit  mon  pauvre  esprit  des  la  première  période.  La 
faiblesse  de  mon  esprit  et  de  mon  corps  est  une  chose  surprenante 
adieu  mon  cher  Monsieur,  nostre  amithie  ne  finira  jamais  que 
quand  nous  finirons. 

La  C.  de  Lafayette." 

L'année  suivante,  Ménage  disparaît,  et  la  comtesse  écrit  le 
dernier  de  ses  billets  à  Mme  de  Sévigné  que  l'on  a  pu  retrouver. 

"24  janvier  (1692). 

"Helas  !  ma  belle,  tout  ce  que  j'ai  à  vous  dire  de  ma  santé 
est  bien  mauvais  :  en  un  mot,  je  n'ai  repos  ni  nuit  ni  jour,  ni 
dans  le  corps,  ni  dans  l'esprit;  je  ne  suis  plus  une  personne  ni 
par  l'un,  ni  par  l'autre  ;  je  péris  à  vue  d'œil  ;  il  faut  finir  quand  il 
plait  à  Dieu,  et  j'y  suis  soumise.  L'horrible  froid  qu'il  fait 
m'empêche  de  voir  Mme  de  Lavardin.  Croyez,  ma  très  chère, 
que  vous  êtes  la  personne  du  monde  que  j'ai  le  plus  véritable- 
ment aimée^." 

C'est  ainsi  que  Madame  de  La  Fayette  raconte  tout  au  long 
son  lamentable  calvaire.  Quatre  jours  avant  sa  mort  elle  perdit 
connaissance^,  et  dans  son  hôtel  de  la  rue  de  Vaugirard,  le 
25  mai  1693,  elle  succomba  à  une  maladie  de  cœur^.  Elle  avait 
également  une  maladie  grave  des  intestins,  cause  de  ses  fré- 
quentes coliques,  une  maladie  des  reins  dont  l'un  fut  trouvé  dans 
un  état  purulent,  et  deux  polypes  dans  le  cœur.   On  comprend 

1  Ibid.  X.  68. 

2  Sév.  X.  109  et  Dangeau,  op.  cit.  iv.  295:  "Mardi,  le  26  mai  1694.... 
On  mande  de  Paris  que  Madame  de  La  Fayette,  la  mère,  a  eu  une  rude 
apoplexie,  qu'elle  a  perdu  la  parole  et  ensuite  la  connoissance  et  on  ne 
doute  pas  qu'elle  n'en  meure." 

^  Ibid.  p.  297:  "On  mande  de  Paris  que  Madame  de  La  Fayette  est 


xi]  U Historien  et  ses  Dernières  Années  205 

pourquoi  elle  ne  sortait  plus,  pourquoi  elle  avait  des  vapeurs  et 
était  triste,  mais  on  comprend  moins  facilement  comment  elle 
a  pu  s'occuper  si  activement  de  sa  famille  et  de  ses  amis,  malgré 
ses  incessantes  souffrances.  Et  connaissant  cette  activité,  l'on 
ne  comprend  nullement  que  certains  l'aient  représentée  comme 
une  femme  qui  "se  baignait  dans  la  paresse"  selon  une  ex- 
pression qu'on  lui  emprunte  et  qu'elle  ne  savait  pas  destinée 
à  une  pareille  fortune. 

Elle  ne  put  voir  ses  fils  auprès  d'elle  avant  de  les  quitter 
définitivement,  l'un  d'eux  était  en  Allemagne  en  sa  qualité  de 
maréchal  de  camp^.  Elle  ne  reçut  pas  le  viatique,  car  elle  ne 
reprit  point  connaissance,  mais  elle  s'était  confessée  et  avait 
communié  quelques  jours  auparavant^.  Le  service  funèbre  eut 
lieu  à  St  Sulpice  le  1er  juin^  et  quelques  jours  plus  tard  le 
Mercure  Galant  annonça  ainsi  sa  mort  : 

"Voicy  les  noms  de  plusieurs  personnes  considérables  de 
l'un  et  de  l'autre  sexe  mortes  depuis  peu  de  temps. ...Dame 
Marguerite  (sic)  de  La  Vergne.  Elle  estoit  veuve  de  M.  le  Comte 
de  la  Fayette  et  tellement  distinguée  par  son  esprit  et  par  son 
mérite  qu'elle  s'étoit  acquis  l'estime  et  la  considération  de  tout 
ce  qu'il  y  avoit  de  plus  grand  en  France.  Lors  que  sa  santé  ne 
luy  a  plus  permis  d'aller  à  la  Cour,  on  peut  dire  que  toute  la 
Cour  a  esté  chez  elle.  De  sorte  que  sans  sortir  de  sa  chambre 
elle  avoit  partout  un  grand  crédit  dont  elle  ne  faisoit  usage  que 
pour  rendre  service  à  tout  le  monde.  On  tient  qu'elle  a  eu  part 
à  quelques  ouvrages  qui  ont  esté  leus  du  PubUc  avec  plaisir  et 
avec  admiration.  Elle  a  laissé  deux  fils....*" 

morte,  c'étoit  une  femme  de  beaucoup  d'esprit  et  de  réputation."  Copies 
de  rég.  de  décès  de  St  Sulpice,  ms.  fr.  Bibl.  Nat.  32594,  p.  398: 

"Mai,  1693,  27.  inh.  de  D^  marie  magd""  de  la  Vergne  âgée  d'env. 

60  ans  veuve  de  h.  et  p.  Sgr  Mre  françois  de  la  fayette  Sgr  du  d. 

lieu  morte  le  25  en  son  hôtel  rue  de  Vaugirard." 
Archives  de  la  Seine,  Papiers  Bégis.  "  St  Sulpice,  1693,  le  21^  (mai 
1693)  a  été  fait  le  convoi  et  enterrement  de  dame  Marie  Magdelaine  de 
la  Vergne  âgée  d'environ  60  ans,  veuve  de  h.  et  p.  Sgr  messire  françois 
de  la  fayette,  Seigr.  dudit  lieu,  décédée  le  25<^  du  présent  mois  en  son 
hôtel  rue  de  Vaugirard,  proche  la  rue  férou  et  ont  assisté  audit  convoi 
et  enterrement  Msre  Antoine  Baillardeau,  ecclésiastique  et  Msre  charles 
fret  bourgeois  tous  deux  amis.  Signé  Charles  fret.  Baillardeau."  (Cette 
notice  fut  publiée  en  partie  par  Jal,  Dict.) 

1  Mercure  Galant,  juin  1693,  pp.  186,  195.  2  g^v.  x.  109. 

3  Papiers  Bégis.  "Le  l'^'^  juin  a  été  fait  le  service  de  Dame  Mari© 
Magdelaine  de  la  Vergne...."  etc.  *  Mercure,  cité  ci-dessus. 


206  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

La  curiosité  est  bien  légitime  qui  nous  pousse  à  nous  former 
une  idée  générale  sur  le  caractère  d'une  personne  qui  vient 
d'être  soustraite  à  notre  attention  ou  qui  vient  de  disparaître. 
Nous  avons  nous-mêmes  vécu,  en  pensée,  quelques  années  avec 
Madame  de  La  Fayette  et  maintenant,  avant  de  poser  la  plume, 
nous  nous  demandons  quelle  femme  c'était.  Si  l'on  n'avait  eu 
les  yeux  fixés  que  sur  elle,  la  tâche  serait  déjà  assez  difficile,  à 
cause  des  siècles  qui  nous  séparent,  mais  lorsqu'on  a  lu  les 
jugements  de  ceux  qui  nous  ont  précédés,  elle  l'est  encore  da- 
vantage. Quand  il  devint  nécessaire  de  présenter  au  public  les 
oeuvres  complètes  de  Mme  de  La  Fayette,  précédées  des  quelques 
faits  que  l'on  savait  sur  sa  vie,  le  portrait  fut  tracé  pour  être 
en  harmonie  avec  toute  la  galerie  des  contemporains.  Peu  à 
peu  on  arriva  à  regarder  ce  portrait  comme  sacré  et,  même 
lorsque  des  faits  nouveaux  prouvaient  qu'il  était  faux,  on  n'osait 
pas  y  toucher  car  on  ne  pouvait  pas  admettre  qu'un  portrait 
ne  fût  pas  en  rapport  avec  tous  les  portraits  de  la  même  époque. 
La  vérité  est  que  toute  la  galerie  avait  besoin  d'être  modifiée. 
Lorsqu'un  moment  vint  enfin  où  il  ne  fut  plus  permis  d'ignorer 
des  documents  qui  venaient  d'être  mis  à  jour,  on  refit  le  portrait 
de  la  tête  aux  pieds,  on  s'y  acharna,  il  ne  fallait  pas  qu'il  restât 
un  seul  détail  du  premier  portrait,  mais  que  la  nouvelle  Mme  de 
La  Fayette  fût  le  contraire  exact  de  l'ancienne^.  On  est  allé 
trop  loin,  comme  il  arrive  souvent  dans  des  articles  de  revue,  qui 
sont  faits  pour  attirer  l'attention  de  lecteurs  généralement  assez 
blasés,  et  qui  sont  écrits  à  la  hâte,  sans  étude  préalable  ap- 
profondie. Pour  qui  étudie  en  détail  la  vie  de  Mme  de  La  Fayette, 
il  n'y  a  aucune  contradiction  dans  son  caractère;  ce  n'est  pas 
une  femme  qui  changea  complètement  à  un  moment  donné  de 
sa  vie,  et  surtout  ce  n'est  pas  le  sphinx  que  l'on  voudrait  nous 
montrer^. 

Nous  avons  noté  en  passant  plusieurs  traits  saillants  de  son 
caractère.  Les  accusations  de  Gourville  et  de  Lassay  dont  nous 
avons  parlé  ne  sont  pas  à  néghger.  Lorsqu'un  homme  critique 
une  personne,  il  est  rare  qu'il  invente  de  toutes  pièces  les  faibles- 
ses qu'il  lui  reproche.  Il  sait  bien  qu'il  n'aurait  aucune  chance 
de  porter  atteinte  à  la  personne  s'il  soutenait  qu'elle  était  blonde 

1  Voir  l'article  d' A.  Barine  (bibliog.)  et  la  réponse  de  F.  Hémon  (Ibid.). 

2  M.  Anatole  France,  parmi  d'autres,  paraît  hanté  par  cette  idée.  Même 
lorsqu'il  évoque  Mme  de  La  Fayette  dans  son  article  siir  Gyp  dans  la 
4^  série  de  La  Vie  litt.  (p.  268)  il  écrit:  "Elle  était  vraie  mais  ses  amis 
ne  savaient  jamais  ce  qu'elle  faisait,  ni  surtout  ce  qu'elle  pensait." 


xi]  U Historien  et  ses  Dernières  Années  207 

lorsque  de  toute  évidence  elle  est  brune.  D'habitude,  il  prend  une 
faiblesse  et  il  l'exagère,  ou  même  il  s'empare  d'une  qualité 
et,  en  forçant  un  peu  la  note,  il  en  fait  un  défaut.  On  peut  donc 
déduire  de  ces  accusations,  comme  d'ailleurs  de  la  correspon- 
dance de  son  amie  Mme  de  Se  vigne,  que  Mme  de  La  Fayette 
était  un  peu  plus  "pratique  "  que  ne  l'étaient  ses  contemporaines. 
Elle  avait,  en  même  temps  que  sa  sensibilité  d'artiste,  les  qualités 
de  la  "business  woman."  Mais  il  ne  faut  pas  croire  qu'elle 
manquait  de  sentiment — on  fausserait  à  nouveau  son  caractère. 
Madame  de  Sévigné  en  donne  des  exemples  les  plus  probants'- 
et  cette  sensibilité  alla  en  augmentant  pendant  toute  sa  vie. 
Elle  était  d'une  humeur  enjouée  comme  son  amie,  mais  la 
maladie  la  rendait  sujette  à  des  moments  de  tristesse  et  d'ac- 
cablement. Dans  ces  crises,  elle  s'ennuyait  et  cherchait  le 
changement — elle  voulait  oublier,  sortir  d'elle-même^. 

Costar  loue  son  "esprit  et  ses  rares  connaissances.... sa 
douceur,  sa  modération,  sa  sage  et  judicieuse  conduite^."  Certes, 
elle  avait  de  l'esprit  et  certains  de  ses  mots  où  l'esprit  ne  man- 
quait pas  faisaient  le  tour  des  salons.  En  voici  un  entre  beau- 
coup et  des  moins  connus:  "L'illustre  Comtesse  de  La  Fayette 
après  avoir  vécu  longtemps  dans  une  étroite  Uaison  d'amitié 
avec  une  dame  de  la  cour,  se  brouilla  enfin  avec  elle  sur  quelques 
mauvais  procédés.  Assez  longtemps  après,  cette  dame  s'étant 
trouvée,  par  hasard,  à  côté  d'elle  dans  un  appartement  de  Ver- 
sailles, lui  dit:  'Ce  pays  ci  est  comme  les  Champs  Élysées,  tout 
le  monde  s'y  trouve.'  'Il  est  vrai,'  reprit  la  Comtesse,  'mais  on 
ne  s'y  parle  pas*  !  '  " 

Elle  avait  du  cœur  et  savait  être  affectueuse,  mais  sa  forte 
instruction  et  son  naturel  évitaient  l'excès  et  elle  mérite  sa 
réputation  d'avoir  été  éminemment  raisonnable.  C'est  pourquoi, 
tout  en  étant  d'une  franchise  et  d'une  véracité  qui  étonnaient 
parfois  les  habitués  de  la  cour,  (et  d'ailleurs  elle  poussait  quelque- 
fois à  l'extrême)^  elle  savait  au  besoin  garder  un  secret.  Sa  rail- 
lerie était  parfois  tellement  fine  que  ses  victimes  ne  s'en  aper- 
cevaient pas.  Choisy  nous  raconte  naïvement  dans  son  Histoire 
de  la  Comtesse  des  Barres  le  fait  suivant:  "Il  arriva  même  que 
Madame  de  La  Fayette,  que  je  voj^ais  fort  souvent,  me  voyant 
fort  ajusté  avec  des  pendants  d'oreille  et  des  mouches,  me  dit, 

1  Sév.  ra.  140,  358.  2  i^id.  n.  97. 

3  Costar,  Lettres,  i.  550. 

*  Voir  les  documents  pub.  par  F.  Barrière  dans  La  Cour  et  la  Ville 
soits  Louis  XIV.  ^  Voir  Sév.  u.  179. 


208  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

en  bonne  amie,  que  ce  n'était  point  la  mode  pour  les  hommes  et 
que  je  ferais  bien  mieux  de  m'habiller  tout  à  fait  en  femme." 
Choisy  suit  ses  conseils  et  va  la  voir  ainsi  attifé.  "Elle  s'écria 
en  me  voyant,  Oh  !  la  belle  femme  !  Vous  avez  donc  suivi  mon 
avis  et  vous  avez  bien  fait.  Demandez  plutôt  à  M.  de  La  Roche- 
foucauld! Il  était  dans  sa  chambre.  Ils  me  tournèrent  et  me 
retournèrent  et  furent  contents.  Les  femmes  aiment  qu'on 
suive  leur  avis  et  Madame  de  La  Fayette  se  crut  engagée  à  faire 
approuver  dans  le  monde  ce  qu'elle  m'avait  conseillé  peut-être 
un  peu  légèrement."  "EUe  n'aurait  pas  donné  le  moindre  los 
à  qui  que  ce  fût,  si  eUe  n'eût  été  persuadée  qu'il  le  méritait"  dit 
Segrais^.  Elle  allait  même  jusqu'à  ne  pas  cacher  son  âge  et 
"eUe  disoit  hbrement  en  quelle  année  et  en  quel  temps  elle  étoit 
née^."  Veut-on  de  meilleures  preuves  de  la  franchise  d'une 
femme  ? 

Et  malgré  tout,  comme  nous  venons  de  le  dire,  elle  savait 
garder  un  secret.  C'est,  paraît-il,  le  tort  qu'elle  eut.  On  a  poussé 
les  hauts  cris  en  découvrant  son  rôle  poUtique  parce  qu'elle 
n'avait  pas  donné  l'occasion  à  son  amie  Mme  de  Sévigné  d'étaler 
dans  ses  lettres,  quasi  pubUques,  les  progrès  de  ses  négociations 
avec  Louis  XIV  et  son  ministre  Louvois.  On  lui  en  a  fait  un 
grief — c'est  tout  simplement  l'accuser  d'avoir  été  digne  de  la  con- 
fiance qu'on  mettait  en  elle  et  de  ne  pas  avoir  fait  preuve  d'une 
incapacité  pitoyable  dans  cette  affaire.  Mais  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'elle  fut  en  tout  supérieure  à  ses  contemporaines,  et  ce  n'est, 
certes,  pas  la  peine  de  la  mettre  sur  un  piédestal  comme  une 
femme  de  toutes  vertus  et  de  toute  pruderie  si  l'on  doit  en  miner 
le  socle  avec  cet  argument  :  la  liaison  La  Rochefoucauld.  Nous 
avons  dit  à  ce  sujet  tout  ce  que  nous  avons  à  dire  ;  en  ce  qui  con- 
cerne sa  prétendue  pruderie,  il  faut  proclamer  nettement  qu'elle 
ne  fut  nullement  bégueule.  Nous  avons  mentionné  ailleurs 
dans  ce  travail  l'opinion  d'un  critique  qui  disait  en  substance  : 
"Si  Madame  de  La  Fayette  utiUsa  les  œuvres  de  Brantôme,  elle 
dut  les  Ure  par  les  yeux  de  La  Rochefoucauld."  Elle  hsait  bien 
les  contes  de  La  Fontaine  et  correspondait  avec  Madame  de 
Sévigné  qui  ne  se  gênait  pas  tant  que  cela  !  Elle  écrivait  des 
gaillardises  elle-même — c'est  son  amie  qui  le  dit^. 

Madame  de  La  Fayette  avait  de  grandes  qualités,  elle  était 
généreuse,  bonne  mère,  bonne  amie,  pleine  de  courage  et  d'é- 
nergie en  face  de  grands  obstacles  au  bonheur,  dont  le  plus  grand 
était  une  santé  déplorable;  elle  fit  son  devoir,  mais  elle  eut 
^  Segraisiana,  p.  45.  ^  Ibid.  ^  Sév.  n.  350. 


xi]  U Historien  et  ses  Dernières  Années  209 

quelques-uns  des  défauts  de  son  époque — si  c'en  est  un  de  se 
mêler  à  la  vie  et  d'appeler  les  choses  par  leur  nom. — Enfin,  sans 
se  retirer  du  monde  elle  put  doter  la  littérature  d'un  chef-d'œuvre 
et  la  biographie  d'un  portrait  fort  aimable. 

On  s'est  demandé  assez  souvent  quelles  étaient  les  idées 
religieuses  de  Madame  de  La  Fayette — si  toutefois  elle  en  avait. 
On  s'est  plu  à  faire  remarquer  que  Dieu  n'a  aucune  part  dans 
la  lutte  intérieure  de  la  princesse  de  Clèves.  Le  portrait  de 
Mme  de  La  Fayette  que  l'on  aime  à  nous  présenter  est  celui 
d'une  femme  à  l'inteUigence  forte,  nullement  religieuse,  peut- 
être  bien  franchement  hostile  à  la  reUgion,  au  moins  pendant 
ime  certaine  époque  de  sa  vie,  mais  qui,  plus  tard,  écrasée  par 
la  maladie  et  accablée  par  le  poids  des  années,  crut  bon  de  se 
rendre  et  d'accepter  la  reUgion  comme  une  nécessité  de  la  vieil- 
lesse. La  vérité  nous  paraît  tout  autre.  Oui,  Madame  de  La 
Fayette  ne  fut  jamais  cagote  (le  moyen  de  l'être  lorsqu'on  a  une 
réputation  de  franchise  et  de  sincérité?)  mais  elle  paraît  avoir 
été  fortement  intéressée  par  le  mouvement  janséniste.  Nous 
avons  déjà  vu  que  le  Père  Rapin  "de  la  compagnie  de  Jésus" 
accuse  Mme  de  La  Fayette  de  fréquenter  l'hôtel  de  Nevers  "le 
grand  théâtre  où  se  débitoit  avec  plus  de  bruit  et  même  avec 
plus  d'applaudissements  le  nouvel  évangile  de  Port-Royal^." 
Dans  les  manuscrits  à  propos  de  Port -Royal  pubhés  dans  la 
Revue  d'Histoire  littéraire  de  la  France,  l'amiée  dernière,  nous 
Hsons  :  "M.  Nicolle  a  escrit,  dit-on,  une  lettre  contre  les  Pensées 
de  monsieur  Paschal.  Madame  de  La  Fayette  l'a  pulvérisé 
— Le  Bon^."  Monmerqué  écrivit  en  marge  du  manuscrit:  "Je 
ne  connais  pas  cette  défense  des  Pensées  de  Pascal  par  Mme  de 
La  Fayette.  Elle  n'est  pas  imprimée."  En  effet,  non  seulement 
on  n'a  pas  trouvé  cette  défense  imprimée,  mais  de  plus  les 
biographes  de  son  auteur  ne  font  aucune  mention  de  la  part 
active  qu'elle  prit  dans  les  querelles  des  jansénistes.  Et  pourtant 
rien  ne  nous  pousse  à  révoquer  en  doute  la  note  de  Le  Bon,  bien 
au  contraire.  Nous  Usons  dans  une  lettre  de  Charles  de  Se  vigne 
que  Madame  de  La  Fayette,  "nous  fait  une  critique  de  l'oraison 
funèbre  de  Monsieur  de  Tulle  contre  laquelle  je  me  révolte, 
parce  que  je  trouve  cette  oraison  très  belle.  Elle  en  fait  de  même 
des  Essais  de  morale,  ie  me  révolte  un  peu  moins  sur  cet  article . . .  .^  " 
Elle  avait  dit  aussi  à  propos  des  Pensées  que  "c'était  méchant 

1  Rapin,  Mém.  i.  403. 

2  Rev.  d'Hist.  litt.  de  la  Fr.  av.-juin  1911,  p.  422. 

^  Sév.  IV.  12  janv.  1676  et  voir  Sainte-Beuve,  Port-Royal,  v.  465. 
A.  14 


210  Madame  de  La  Fayette  [ch 

signe  pour  ceux  qui  ne  goûteraient  pas  ce  livre."  Nicole  parle  de 
ce  jugement  en  écrivant  au  marquis  de  Sévigné^,  peut-être  n'a-t-il 
été  "pulvérisé"  que  dans  une  lettre  de  Madame  de  La  Fayette 
qui  a  circulé  de  main  en  main  chez  les  jansénistes.  De  quelque 
façon  qu'elle  se  soit  occupée  de  la  question,  elle  n'a  pas  été  in- 
différente au  mouvement  religieux  de  son  époque  et  de  tout 
temps  elle  paraît  avoir  eu  des  rapports  avec  l'église.  Peu  après 
son  mariage  elle  écrit  à  Ménage  qu'elle  a  entendu  un  sermon 
admirable  du  Père  Le  Boux^  et  lorsque  Costar  lui  envoie  ses 
félicitations  sur  son  mariage,  il  dit  à  propos  de  ses  qualités  :  "En 
un  mot  vous  les  ferez  servir  à  vostre  réputation,  ou  mesme  a 
quelque  chose  de  plus  important  que  l'excellent  Père  Le  Boux 
vous  diroit  bien  mieux  que  moy^."  Et  plus  tard,  lorsqu'il  faut 
la  consoler  de  la  mort  de  sa  mère  il  lui  dit:  "Cent  fois  j'ay  sou- 
haité un  Père  Le  Boux  auprès  de  vostre  aimable  personne,  lors- 
qu'on vous  annonça  une  si  cruelle  nouvelle'*."  Nous  avons  déjà 
vu  la  lettre  où  elle  rappelle  Ménage  à  l'ordre  pour  avoir  employé 
des  termes  un  peu  trop  galants  à  l'adresse  de  quelqu'un  qui  a 
observé  les  jeûnes  de  la  semaine  sainte,  et  cette  autre  où  elle 
ne  peut  accorder  qu'une  conversation  restreinte  à  son  ami  parce 
qu'il  fallait  "retrancher  ses  divertissements  pendant  la  semaine 
sainte."  On  peut  en  conclure  que  Madame  de  La  Fayette  était 
catholique  et  catholique  pratiquante — sans  être  bigote.  A-t- 
elle évolué  vers  l'agnosticisme  sous  l'influence  de  La  Roche- 
foucauld? C'est  la  conclusion  que  Sainte-Beuve  semble  tirer 
d'une  lettre  de  Du  Guet;  nous  ne  lui  connaissons  pas  d'autres 
autorités  pour  appuyer  ses  dires^  et  celle-là  nous  paraît  insuffi- 
sante. Si,  comme  nous  le  croyons  fermement,  Madame  de  La 
Fayette  a  voulu  faire  jailhr  un  peu  de  lumière  dans  l'ombre  qui 
planait  sur  le  cœur  de  son  ami,  elle  aurait  eu  une  tendance  à 
développer  en  face  de  lui  ces  pensées  et  ces  croyances  chré- 
tiennes qui  ne  lui  étaient  pas  inconnues.  Elle  fut  assez  raison- 
nable et — ce  qui  est  peut-être  une  meilleure  sauvegarde  dans 
ce  cas  particuher — assez  femme  pour  ne  pas  baisser  pavillon 
devant  les  critiques  de  son  ami.  Il  faut  toutefois  admettre  que 
les  documents  nous  manquent  sur  cette  époque  de  sa  vie.  Mais 
une  fois  qu'elle  eut  établi  son  fils  et  qu'elle  se  trouva  débarrassée 
des  soucis  de  cette  vie,  elle  pensa  sérieusement  à  l'autre.  En 
compagnie  de  Madame  de  Sévigné  elle  avait  assisté  à  un  sermon 

1  Voir  Ste-Beuve,  op.  cit.  v.  475.  ^  Lettre,  Coll.  F.  de  C. 

3  Costar,  op.  cit.  i.  550.  *  Ibid.  552. 

^  Sainte-Beuve,  op.  cit. 


xi]  U Historien  et  ses  Dernières  Années  211 

de  Bourdaloue^  et  après  la  mort  de  La  Rochefoucauld,  son  amie 
l'avait  menée  chez  Mme  de  La  SabUère  dans  l'espoir  que  le 
chemin  qu'avait  pris  l'aimable  dévote  ferait  sentir  à  Mme  de 
La  Fayette  que  sa  douleur  n'était  pas  incurable^.  Mais  jusqu'en 
1689  il  n'est  pas  souvent  question  de  ces  choses  dans  la  corres- 
pondance de  la  marquise.  C'est  à  cette  date  que  Madame  de 
La  Fayette  lui  écrit  "  que  Mme  de  Coulanges  est  tout  à  fait  dans 
la  bonne  voie,"  et  que  quand  son  fils  sera  marié,  elle  tâchera  de 
s'y  mettre  aussi^.  Nous  avons  vu,  en  outre,  que  peu  de  temps 
après  elle  écrivit  à  Ménage  :  "Lon  ma  asseuree  que  vous  songies 
fort  sérieusement  a  vostre  salut  et  j'en  ay  bien  de  la  joye." 

C'est  qu'elle  s'était  déjà  adressée  à  Du  Guet^  qui  lui  démon- 
trait, usant  d'une  psychologie  aussi  fine  que  la  sienne,  que  tout 
ce  qui  lui  restait  de  la  vie  était  une  réputation  qui  serait  de  peu 
de  valeur  en  face  de  la  mort,  qu'il  n'était  plus  temps  de  garder 
au  second  plan  sa  religion,  que  malgré  sa  lassitude  et  son  dégoût 
pour  la  pensée — suites  de  sa  maladie — il  fallait  bien  penser  à  sa 
situation  vis  à  vis  de  Dieu,  Elle  lui  obéit.  Elle  envisagea  la 
question,  et  les  résultats  de  sa  réflexion  se  voient  dans  la  corres- 
pondance avec  Ménage;  elle  demande  son  amitié  pour  ses  en- 
fants; eUe  fait  son  testament  en  toute  humiUté;  et  le  tour  de 
ses  lettres  change  complètement.  "Dieu  avoit  jette  une  amer- 
tume salutaire  sur  ses  occupations  mondaines,  et  elle  est  morte, 
après  avoir  soufifert,  dans  la  solitude,  avec  une  piété  admirable, 
les  rigueurs  de  ses  infirmités,  y  ayant  été  fort  aidée  par  M.  l'abbé 
du  Guet  et  par  quelques-uns  des  Messieurs  de  Port-Royal^." 

Gardons-nous  bien  de  dire  que  ce  fut  un  changement  brusque 
— amené  par  la  menace  d'une  mort  prochaine,  ou  la  victoire 
d'une  âme  séduite  sur  un  esprit  qui  avait  critiqué  la  foi.  Il  y 
avait  bien  longtemps  qu'elle  regardait  cette  fin  comme  la  fin 
parfaite  d'une  femme  qui,  avec  les  meilleures  intentions,  avait 
lutté  vaillamment  sans  pouvoir  remporter  une  victoire  autre- 
ment que  partielle.   Et  ceci  ramène  naturellement  notre  esprit 

1  Sév.  n.  107.  2  yi_  476.  3  rx.  346. 

*  Peut-être  vers  1689.  Nous  ne  voyons  nulle  raison  pour  convenir, 
avec  M.  d'Haussonville,  que  la  fameuse  lettre  de  Du  Guet  dont  il  a,  après 
Sainte-Beuve,  tiré  tant  de  concliosions  hardies,  fut  écrite  peu  après  la 
mort  de  La  Rochefoucaiild.  Si,  comme  le  veut  M.  d'HaussonviUe,  la 
direction  de  Du  Guet  ne  fut  pas  inefficace,  comment  expliquer  que  ce 
détachement  des  choses  de  ce  monde,  et  le  mépris  de  la  "réputation" 
que  prêche  le  directeur,  n'aient  eu  à  cette  époque  qu'tin  résviltat — la  cor- 
respondance de  Savoie? 

s  Racine,  Lettre  à  M.  de  Bonrepas,  déjà  citée. 

14—2 


212  Madame  de  La  Fayette  [ch.  xi 

à  la  méditation  des  paroles  connues:  "Enfin  des  années  entières 
s'estant  passées,  le  temps  et  l'absence  ralentirent  sa  douleur, 
et  éteignirent  sa  passion.  Madame  de  Clèves  vescut  d'une  sorte 
qui  ne  laissa  pas  d'apparence  qu'elle  pust  jamais  revenir.  Elle 
passoit  une  partie  de  l'année  dans  cette  maison  Religieuse,  et 
l'autre  chez  elle,  mais  dans  une  retraite  et  dans  des  occupations 
plus  saintes  que  celles  des  Convents  les  plus  austères  et  sa  vie 
qui  fut  assez  courte,  laissa  des  exemples  de  vertu  inimitables." 


CHAPITRE  XII 
L'ÉPISTOLIÈRE— L'ÉCRIVAIN— LE  PHILOSOPHE 

I 

Le  lecteur  a  certainement  remarqué  que  nous  avons  eu  fréquem- 
ment recours  dans  ce  travail  aux  lettres  de  Madame  de  La 
Fayette  et  peut-être  est-il  d'avis  que  la  citation  va  jusqu'à 
l'abus.  Mais  si  nous  avons  ainsi  usé  de  documents  précieux,  ce 
n'est  pas  seulement  parce  que  nous  estimons  l'autorité  de 
Madame  de  La  Fayette  elle-même  bien  supérieure  à  la  nôtre 
mais  aussi  et  surtout  parce  que  nous  tenons  à  utiliser  des  maté- 
riaux dont  on  s'obstinait  à  ignorer,  voire  à  nier,  l'existence,  soit 
parce  que  Madame  de  Sévigné,  correspondante  infatigable,  se 
plaint  de  la  brièveté  de  son  amie,  soit  tout  simplement  parce 
que  Madame  de  La  Fayette  n'a  pas  trouvé  jusqu'ici  un  Mon- 
merqué  pour  recueillir  ses  lettres  éparses.  Toujours  est-il  que 
l'opinion  la  plus  répandue  est  que  Madame  de  La  Fayette 
n'écrivait  que  rarement,  que  ses  courts  billets  n'ont  aucune 
prétention  littéraire  et  n'ont  qu'un  intérêt  purement  docu- 
mentaire. 

Or,  Madame  de  La  Fayette,  sans  écrire  autant  que  son  amie, 
qui,  si  j'ose  m'exprimer  ainsi,  en  faisait  un  peu  métier,  ne  laissa 
pas  pourtant  d'écrire  autant  et  plus  que  la  majorité  de  ses  con- 
temporains. Sa  correspondance  pourrait  être  classée  en  deux 
parties — dont  l'une  comprendrait  des  lettres  écrites  avec  soin 
et  formerait  un  recueil  à  comparer  avec  celui  de  Madame  de 
Sévigné;  l'autre  serait  d'un  grand  intérêt  documentaire  sans 
être  dépourvue  de  qualités  littéraires  et  renfermerait  des  billets 
d'affaires  et  d'autres  billets  également  courts,  adressés  à  ses 
amis,  au  milieu  de  la  souffrance  physique  qui  rendait  impossible 
toute  pensée  soutenue.  La  première  liasse — celle  qui  contri- 
buerait le  plus  à  la  renommée  Littéraire  de  l'écrivain,  n'est  pas 
venue  jusqu'à  nous.  Il  en  est  échappé  quelques  lettres  qui  nous 
font  voir  ce  qu'aurait  été  un  tel  recueil,  mais  il  est  certain  que  la 
plus  grande  partie  reste  à  trouver,  si  toutefois  elle  existe  encore. 

Nous  croyons  que  cette  collection  était  entre  les  mains  de 
Ménage  et  qu'elle  fut  destinée  à  la  publication — fait  qu'aucun 


214  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

de  nos  prédécesseurs  ne  paraît  avoir  indiqué.  Madame  de  La 
Fayette  écrit  de  Vichy,  à  une  date  que  nous  ne  saurions  encore 
préciser,  mais  qui  n'est  guère  postérieure  à  son  mariage^,  la 
lettre  que  voici,  adressée  à  Ménage  : 

"14e  may. 

"....ie  me  resjouis  avec  vous  de  ce  que  vous  ailes  vous  re- 
tirer a  Meudon,  la  solitude  est  si  agréable  et  la  campagne  est  si 
belle  présentement  que  c'est  asseuremt  un  plaisir  extresme 
que  dy  estre.  Vous  y  travailleres  agréablement  a  nos  lettres 
j'avois  peur  que  vous  n'en  eussiez  perdu  la  pensée  et  jay  pense 
vous  en  faire  souvenir  deux  ou  trois  fois  ie  vous  promets  de  vous 
garder  le  secret  et  si  vous  n'en  parles  a  personne  qu'a  moy 
asseures  vous  que  cela  ne  sera  point  sceu...." 

Le  mois  suivant  (le  26  juin)  à  la  fin  d'une  longue  lettre 
d'affaires,  elle  rappelle  encore  ce  travail  à  son  correspondant: 
"Je  ne  vois  point  encore  de  vos  lettres  dattées  de  Meudon 
jay  bien  envie  que  vous  y  soyes  afin  que  vous  travaillies  à  ces 
lettres  dont  nous  avons  parlé  ensemble." 

À  cette  époque  elle  reçoit  des  lettres  de  Ménage  "deux  fois 
la  sepmaine"  et  lui  écrit  "tous  les  huit  jours  sans  y  manquer." 
Ces  lettres  ont-elles  été  pubHées  sans  que  fût  indiqué  le  nom  des 
correspondants,  ou  bien  avec  un  nom  supposé?  Ménage  aban- 
donna-t-il  la  tâche  ?  C'est  ce  que  nous  ne  pouvons  encore  décider. 
Il  reste  établi  pourtant  que  Madame  de  La  Fayette  conçut 
l'idée  de  faire  publier  les  lettres,  que  celles-ci  étaient  assez 
nombreuses  à  cette  époque  pour  former  un  recueil  et  que  Ma- 
dame de  La  Fayette  écrivait  encore  au  seul  Ménage  une  lettre 
par  semaine.  Elle  prétendait  ne  pas  prendre  garde  au  style  de 
ses  lettres  (de  là  vient  parfois  leur  charme)  et  celle  où  elle  le  dit, 
tout  en  se  montrant  d'aiUeurs  jalouse  de  sa  réputation  littéraire, 
doit  être  citée  in  extenso,  car  elle  n'a  été  imprimée  que  dans  une 
brochure  devenue  assez  rare.  Elle  est  adressée  à  Huet. 

"Le  15  may  1663. 
"Vous  êtes  donc  bien  offensé  contre  moy?  C'est  bien  fait 
à  vous  de  vous  fâcher  sans  savoir  si  c'est  à  tort  ou  à  droit.  Les 
beaux  esprits  vont  quelque  fois  aussi  vite  en  besogne  que  les 
autres  et  le  même  feu  qui  les  rend  beaux  esprits  les  rend  aussi 
esprits  de  feu  c'est  a  dire  étourdis  en  paroles  couvertes.   Je  ne 

^  Un  examen  plus  attentif  de  ces  lettres  nous  a  permis  de  dater  celle- 
ci  1657. 


xii]      UÊpisioUère — U Écrivain — Le  Philosophe       215 

prétends  pas  dire  que  vous  le  soyez.  A  Dieu  ne  plaise.  Je  dis 
seulement  que  cela  arrive  quelque  fois.  Mais  revenons  à  nos 
moutons.  Vous  vous  offenses  de  ce  que  j'ay  trouve  mauvais, 
dites-vous,  que  Mlle  de  la  Trousse  vous  ait  montré  mes  raison- 
nements contre  l'amour  et  la  dessus  vous  concluez  que  c'est 
une  marque  de  peu  de  confiance  de  peu  d'estime,  enfin  des 
merveilles.  Cela  seroit  admirable  si  c'étoit  vray  il  ne  s'en  faut 
que  cela  que  vous  ayez  raison.  Je  n'ai  point  trouvé  mauvais 
que  Mlle  de  la  Trousse  vous  ait  montré  ce  raisonnement.  Je 
vous  aime  mieux  que  je  n'aime  Mlle  de  la  Trousse  j'ai  plus  de 
confiance  en  vous  qu'en  Mlle  de  la  Trousse  et  je  ne  vous  cacherai 
jamais  rien  de  ce  que  je  lui  montrerai  mais  j'ai  trouvé  mauvais 
et  très  mauvais  que  Corbinelly  en  qui  j'ai  une  confiance  si 
entière  que  je  ne  lui  recommande  même  pas  le  secret  parce  qu'il 
est  lui-même  le  secret  en  personne  ait  montré  a  Mlle  de  la  Trousse 
une  chose  que  j'écris  à  lui  seul,  à  la  campagne,  sur  le  bout  d'une 
table,  pendant  qu'il  écrit  de  l'autre  côté  sur  le  même  sujet  et 
j'ai  trouvé  mauvais  que  ce  que  je  n'ai  écrit  que  pour  lui  et  sans 
jamais  l'avoir  relu,  que  ce  que  je  ne  lui  ai  laissé  qu'un  moment 
parce  que  je  le  voulois  brûler  ne  comptant  non  plus  cela  pour 
quelque  chose  que  je  compte  les  lettres  que  j'écris  tous  les  jours 
à  quoi  je  ne  pense  pas,  que  cela  même  enfin  il  le  montre  sans 
m'en  rien  dire  à  Mlle  de  la  Trousse  et  qu'il  lui  en  laisse  prendre 
une  copie  et  qu'il  lui  defïende  même  si  peu  de  le  montrer  que 
vous  m'écrivez  sans  y  entendre  de  finesse  que  vous  l'avez  vu. 
Ha  ça!  êtes-vous  encore  fâché?  trouvez-vous  que  j'ai  grand 
tort?  et  n'en  auriez  vous  pas  vous-même  si  vous  vous  plaigniez 
encore  de  moi  ?  Je  me  plaindrois  à  mon  tour  si  vous  n'étiés  pas 
satisfait  d'une  si  longue  justification.  Mr  de  la  Fayette^  est  à 
Paris  et  fort  votre  serviteur.  Mes  compHmens  je  vous  prie  à 
Made  votre  sœur.  Adieu^." 

Quelque  préciosité  dans  le  début  de  cette  lettre  et  un  style 
négfigé  ne  masquent  pas  une  pointe  d'ironie  et  une  allure  qui 
rendent  fort  agréable  la  lecture  de  cette  page.  C'est  surtout 
lorsqu'elle  est  légèrement  irritée  que  Madame  de  La  Fayette 
écrit  le  mieux.  Dans  ces  moments  elle  a  une  virtuosité  de  style 
que  Madame  de  Sévigné  n'atteint  jamais,  car  cette  dernière 

1  II  s'agit,  naturellement,  du  mari,  bien  que  la  lettre  soit  datée  après 
la  "séparation."    Son  fils  aîné  n'avait  que  cinq  ans  à  cette  époque. 

2  Je  n'ai  pu  voir  l'original  de  cette  lettre  qui  se  trouve  à  Florence. 
L'orthographe  de  cette  copie  a  été  modernisée  en  partie. 


216  Madame  de  La  Fayette  [CH. 

sent  derrière  elle  le  public  critique  qui  assistera  à  la  lecture  de 
sa  lettre.  On  connaît  le  joli  trait  que  lui  lança  Mme  de  La  Fayette  : 
"Hé  bien!  Hé  bien!  ma  belle,  qu'avez-vous  à  crier  comme  un 
aigle?" 

Voici  une  lettre  écrite  à  Lescheraine  où  on  n'aperçoit  point 
la  femme  souffreteuse  qui  aimait  à  "se  baigner  dans  la  paresse" 
et  pourtant  elle  vient  de  perdre  La  Rochefoucauld: 

"Ce  22me  septembre  (1680)  Je  vous  ay  grondé  par  une  de 
mes  lettres,  par  d'autres  ie  vous  ay  dit  que  vous  avies  la  langue 
bien  longue,  ie  m'en  vais  vous  dire  encore  pis  :  vous  me  mentes, 
vous  me  contés  des  contes  borgnes,  et  je  ne  veux  pas  vous  laisser 
croire  que  ie  vous  croye,  ce  qui  me  racomode  avec  moy  cest  que 
je  croy  que  vous  pensés  bien  que  ie  ne  vous  croy  pas,  Pourquoy 
me  comtés-vous  quon  ne  parle  a  Turin  du  retour  de  l'abbe  de 
Verue  que  depuis  quil  sen  est  plaint  ?  On  en  parloit  devant,  car 
on  en  escrivoit  et  on  escrivoit  en  destail  parfait.  Ne  croy  es  pas 
aussi  que  ie  sois  bien  persuadée  que  vous  me  parlés  de  cette 
affaire  que  fort  superficiellement  parce  que  vous  nestes  point 
instruit  des  affaires  d'Estat?  Ne  venés  point  me  tenter  ny  me 
faire  parler  sur  les  choses  dont  vous  estes  instruit;  vous  estes 
fort  bien  instruit,  monsieur,  et  encore  une  fois,  fort  bien  instruit, 
et  ie  suis  mieux  instruite  que  vous  ne  croyés  :  ne  venés  point  me 
comter  de  telles  choses  et  ie  ne  vous  diray  rien,  mais  quand  vous 
voudrés  men  faire  accroire,  oh  ie  ne  vous  le  souffriray  pas;  en- 
tendés-vous  bien  cela?  Je  ne  vous  en  dis  pas  davantage  et  ie 
viens  a  mon  damas,  dont  vous  me  parlés  avec  tant  de  soing 
comme  un  homme  qui  se  borne  aux  petites  choses.  Je  viens  den 
rendre  mil  très  humbles  grâces  a  Me  R....et  ie  vous  dis  encore 
que  vous  avés  eu  la  langue  bien  longue  de  luy  en  parler.  Vous 
voyés  que  ie  ne  suis  pas  en  train  de  vous  loué...." 

Lorsqu'elle  écrit  à  Huet,  le  style  est  généralement  plus 
travaillé;  en  dépit  de  ce  qu'elle  lui  dit  au  sujet  de  sa  négligence, 
elle  ne  peut  s'empêcher  de  se  souvenir  qu'elle  s'adresse  à  un  bel 
esprit.  Le  résultat — lorsque  la  préciosité  est  évitée — est  parfois 
des  plus  heureux.  On  verra  dans  la  lettre  suivante  le  plaisir 
qu'elle  éprouve  à  tourner  de  johes  phrases,  à  jouer  avec  une 
pensée,  et  à  faire  avec  un  rien  une  lettre  charmante. 

"J'ai  aujourd'hui  la  main  à  la  bourse  pour  payer  mes  dettes, 
c'est  à  dire  à  la  plume  pour  faire  réponse  à  tous  ceux  à  qui  je 
la  dois.  Je  vous  paye  des  derniers  et  vous  courrez  risque  d'avoir 


xii]      L' Épistolière — L'Écrivain — Le  Philosophe       217 

la  méchante  monnaie  voici  la  dixième  lettre  que  j'écris  depuis 
deux  heures  cela  veut  dire  que  je  suis  si  lasse  d'écrire  que  je  ne 
sais  tantôt  plus  ce  que  j'écris.  Vous  perdez  beaucoup  que  je 
n'aie  pas  commencé  par  vous  car  je  vous  assure  que  mes  pre- 
mières lettres  sont  très  éloquentes.  Je  m'en  suis  surprise  moi- 
même  et  j'ai  songé  si  je  n'ai  pas  lu  Balsac  depuis  peu.  De  mon 
ordinaire  je  ne  donne  pas  dans  l'éloquence  si  bien  que  je  ne  sais 
à  qui  ni  à  quoi  me  prendi-e  de  la  mienne.  Enfin  vous  avez 
Mr  Ménage  il  partit  hier  avec  Mr  Montausier.  S'il  vous  plait  de 
me  le  renvoyer  bientôt  quoiqu'il  renonce  au  commerce  du  monde 
et  que  je  le  vois  bien  moins  que  je  n'ai  accoutumé  je  ne  veux 
pourtant  pas  le  perdre  pour  longtemps.  Si  vous  me  le  gardez 
plus  que  je  ne  le  veux  je  ne  vous  le  pardonnerois  pas  à  moins 
que  vous  ne  le  ramenassiez  vous-même.  Je  suis  tantôt  au  bout 
de  mon  latin,  c'est  le  mien  dont  je  parle  et  non  du  latin  en 
général.  Je  n'étudie  plus  du  tout  qu'une  demi-heure  par  jour 
encore  n'est  ce  que  trois  fois  la  semaine  avec  cette  belle  appU- 
cation  là  je  fais  un  tel  progrès  que  j'ai  tantôt  oubUé  tout  ce  que 
j'avois  appris.  À  proportion  de  cela  si  je  m'engage  à  apprendre 
l'hébreu  de  votre  Grandeur  devant  que  de  mourir  il  faut  que 
je  m'engage  à  obtenir  une  manière  d'immortalité  pour  vous  et 
pour  moi  les  années  de  la  Sy bille  y  suffiroient  à  peine.  Adieu 
on  va  encore  bien  loin  quand  on  est  las  car  voila  une  longue 
lettre  pour  une  femme  qui  n'en  peut  plus." 

Nous  craignons  encore  d'abuser  des  citations  ;  quel  que  soit 
notre  regret,  nous  ne  les  multipUerons  pas.  Elles  suffiront  à 
donner  une  idée  du  talent  d'épistohère  de  Madame  de  La  Fayette. 
Leur  style,  naturellement,  diffère  beaucoup  de  celui  de  ses  ro- 
mans, mais  il  diffère  presqu'autant  de  celui  de  son  amie  Madame 
de  Sévigné.  Ce  qui  nous  paraît  caractéristique  de  ce  style  c'est, 
pour  user  d'un  néologisme,  sa  modernité.  Il  faut  attendre  les 
romantiques  pour  retrouver  après  elle  cette  rapidité,  ces  in- 
versions, cet  esprit  éveillé.  Elle  ne  "donne  pas  dans  l'éloquence  " 
et  c'est  là  un  des  grands  charmes  de  sa  correspondance.  Tout 
comme  elle  tenait  la  seconde  place  dans  le  cœur  de  Madame  de 
Sévigné,  elle  tient  facilement  la  seconde  place  parmi  les  épis- 
toHères  du  XVIIe  siècle  et  on  trouverait  peut-être  des  gens 
d'un  goût  éclairé  qui  lui  accorderaient  la  première — car  il  se 
peut  que  le  style  de  son  amie  ne  plaise  pas  également  à  tout  le 
monde.  Nous  osons  espérer  que  le  moment  n'est  pas  encore 
trop  tardif  pour  rassembler  ces  lettres  éparses  et  donner  ainsi 
à  Mme  de  La  Fayette  la  place  qu'elle  mérite  de  tenir  aux  côtés 


218  Madame,  de  La  Fayette  [CH. 

de  Madame  de  Se  vigne.  Un  tel  recueil  aurait  un  intérêt  moins 
général  à  cause  des  sujets  traités  et  parce  que  le  plus  souvent 
Mme  de  La  Fayette  écrivait  pour  un  particulier  et  non  pas  pour 
le  public;  il  y  manquerait  aussi  cet  amour  maternel,  réel  sans 
doute,  mais  que  Madame  de  Se  vigne  a  su  si  bien  utiliser  pour 
embellir  ses  lettres  ;  on  y  trouverait  par  contre  un  naturel  et  une 
simplicité  qui  font  parfois  défaut  dans  la  correspondance  de  la 
marquise. 

II 

Dire  que  les  classiques  transformaient  une  matière  de  peu 
d'importance  en  une  grande  œuvre  est  aujourd'hui  un  lieu 
commun,  mais  on  chercherait  longtemps  parmi  eux  sans  trouver 
un  auteur  qui  sert  aussi  bien  que  Madame  de  La  Fayette  à 
appuyer  cette  vérité.  Elle  ne  se  contentait  pas  de  reprendre  des 
sujets  traités  par  ses  prédécesseurs  ;  elle  allait  encore  plus  avant 
dans  ce  chemin  et  reprenait  un  sujet  qu'elle  avait  déjà  traité 
elle-même.  Si  l'on  excepte  Za'ide,  Madame  de  La  Fayette  n'ex- 
ploite qu'un  sujet — qui  est  celui  de  la  Princesse  de  Montpensier, 
de  VHistoire  d'Henriette  d'Angleterre,  de  la  Princesse  de  Clèves, 
et  de  la  Comtesse  de  Tende — une  femme  se  marie  (ou  plutôt  on 
la  marie)  ;  pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  cette  union  ne 
satisfait  pas  son  cœur;  un  homme  survient  qui  peut  éveiller 
l'amour  en  elle.  De  là  une  lutte  entre  le  devoir  et  le  cœur,  et 
c'est  tantôt  l'un,  tantôt  l'autre,  qui  sort  vainqueur  de  ce  combat. 
Cette  situation  avait  été  assez  souvent  traitée  avant  elle,  mais 
en  véritable  artiste  elle  sut  la  renouveler.  D'abord  elle  comprend 
qu'un  mari  ridicule  affaiblit  l'intérêt,  elle  le  remplace  par  un 
mari  sympathique^.  Ensuite  elle  voit  que  la  lutte  cornélienne 
trouve  naturellement  sa  place  dans  un  récit  de  ce  genre;  puis 
comme  les  autres  classiques,  elle  renforce  l'intrigue  en  la  ra- 
menant à  la  vie  réelle,  en  la  naturalisant,  mais  en  lui  donnant 
des  traits  assez  généraux  pour  qu'elle  puisse  être  de  tous  les 
temps.  Une  part  d'expérience  personnelle  qui  enlève  à  la  psy- 
chologie ce  qu'elle  pourrait  avoir  de  trop  abstrait,  un  style  qui 
n'absorbe  pas  l'attention  du  lecteur  au  détriment  du  fond, 
voilà  qui  complète  l'œuvre  d'art. 

On  a  pu  dire  que  la  méthode  était  corné  henné,  mais  on  a  dit 
également  que  la  Princesse  de  Clèves  était  du  Racine.  La  vérité 
est  que  la  Princesse  de  Clèves  n'est  ni  du  Corneille  ni  du  Racine. 

1  Nous  avons  déjà  siiffisamment  démontré   qu'elle  n'était  pas   la 
première  à  le  faire. 


xii]      L'ÉpistoUère — L'Écrivain — Le  Philosophe       219 

C'est  du  La  Fayette  et  c'est  aussi  le  type  du  roman  classique. 
Elle  ne  peut  pas  être  sans  point  de  contact  avec  les  autres  œuvres 
contemporaines  qui  procédaient  du  même  principe.  On  y 
trouverait  donc  aussi  des  ressemblances  avec  Descartes  ou 
Molière.  Et  tout  cela  montre  combien  Mme  de  La  Fayette  a 
le  droit  de  n'être  pas  séparée  des  grands  classiques. 

Nous  l'avons  déjà  vue  à  l'œuvre,  prenant  dans  Brantôme 
des  matériaux  pour  son  roman.  Il  lui  fallait  de  plus  se  tourner 
vers  la  vie,  tout  comme  les  naturalistes.  Pour  le  cadre  historique, 
pour  tout  ce  qui  donnera  une  atmosphère  de  réalité,  une  docu- 
mentation était  nécessaire.  Mais  où  elle  se  montre  supérieure 
à  beaucoup  de  ses  successeurs,  c'est  quand  elle  comprend  que 
la  documentation  seule  ne  peut  donner  la  vie,  qu'elle  aboutit 
même  fort  souvent  à  étouffer  la  vie  et  à  donner  un  ensemble 
aussi  faux  que  l'idéahsme  le  plus  outré.  Rarement — cette 
restriction  nous  est  imposée  par  le  début  de  la  Princesse  de 
Clèves — elle  laisse  voir  sa  documentation.  Et  elle  se  garde 
bien  de  lui  conférer  trop  d'importance.  Elle  l'éloigné,  elle 
l'épure,  elle  l'adapte,  elle  la  transforme  comme  le  potier  qui 
tout  d'abord  tourne  et  retourne  l'argile  épaisse  pour  en  faire 
enfin  un  vase  qui  est  sa  création  propre — l'œuvre  d'art.  En- 
suite elle  limite  son  champ  ;  il  ne  sera  question  que  d'honnêtes 
hommes  et  de  belles  femmes,  car  elle  ne  connaît  que  la  cour. 
Il  n'y  aura  aucun  élément  grossier,  terre  à  terre,  susceptible  de 
faire  ressortir  par  contraste  la  finesse  des  héros  du  roman.  EUe 
sait  qu'elle  peut  mener  sa  tâche  à  bien  sans  d'aussi  évidents 
artifices.  EUe  étudiera  la  vie  et  même  sa  propre  vie,  ses  tableaux 
seront  d'après  nature,  sans  qu'elle  soit  naturahste  pour  cela. 
Au  contraire,  elle  mettra  tous  ses  soins  à  idéaUser  l'œuvre 
qu'elle  a  entreprise.  Le  résultat  sera-t-il  donc  un  bibelot  qui 
passera  bientôt  de  mode  et  qui  sera  vite  oubhé  ?  Non  pas  ;  l'œuvre 
d'art  dure  encore.  C'est  justement  parce  que  nous  n'avons  pas 
toujours  devant  nous  tous  les  détails  réahstes  que  l'œuvre  ne 
se  démode  pas.  On  sent  en  Usant  aujourd'hui  ce  roman  que 
ce  monde  n'est  pas  le  nôtre,  que  ce  n'est  pas  de  cette  façon  que 
nous  exprimons  nos  joies  et  nos  douleurs,  que  ces  grandes 
maisons  sont  maintenant  des  musées,  mais  nous  sentons  en 
même  temps,  et  d'une  manière  autrement  forte,  que  ces  cœurs 
étaient  tout  comme  les  nôtres,  que  les  lois  morales  qui  pesaient 
sur  les  personnes  pèsent  sur  nous,  que  nous  n'aspirons  pas  à 
atteindre  un  autre  idéal  que  le  leur,  et  que  nous  échouons 
souvent  avant  d'arriver  au  but  tout  comme  ces  belles  femmes 


220  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

et  ces  hommes  admirablement  bien  faits.  Le  sujet  a  été  repris 
par  les  écoles  littéraires  qui  ont  succédé  à  l'âge  classique.  Il 
est  plus  que  jamais  à  la  mode  en  ce  moment.  Nous  en  avons  vu 
des  ménages  à  trois  !  Hélas  !  nous  en  verrons  encore  !  Et  si, 
écœurés  par  la  fréquence  de  ce  sujet  dans  les  romans  contem- 
porains, nous  nous  réfugions  dans  nos  bibliothèques  pour  reUre 
la  Princesse  de  Clèves,  pourquoi  éprouvons-nous  à  relire  encore 
une  fois  cette  même  situation,  un  plaisir  et  un  charme  qui  man- 
quent le  plus  souvent  ailleurs?  C'est  que  Madame  de  La  Fayette 
fut  artiste  avec  l'idéal  élevé  de  tout  artiste  digne  du  nom.  Ce 
n'est  pas  le  sujet  qui  importe,  mais  la  manière  de  le  comprendre 
et  de  le  traiter.  La  popularité  de  la  Princesse  de  Clèves,  au  mo- 
ment présent — où  l'on  prépare  en  même  temps  une  édition  d'art, 
une  édition  critique,  et  une  édition  de  luxe  (sans  parler  d'une 
édition  populaire  qui  vient  de  paraître) — suffit  pour  montrer  la 
puissance  artistique  de  l'œuvre.  Nous  ne  connaissons  pas  de 
roman  qui  ait  été  réédité  aussi  souvent,  avec  un  soin  aussi 
méticuleux.  De  nos  jours  Taine,  de  Lescure,  Anatole  France, 
ont  été  les  parrains  de  belles  éditions.  L'édition  populaire  cherche 
une  bonne  reliure,  un  frontispice  de  goût,  un  joU  format.  L'édi- 
teur respecte  l'œuvre,  sait  qu'elle  s'adresse  à  un  public  déUcat, 
éclairé,  qui  serait  froissé  si  un  détail  matériel  quelconque  donnait 
à  ce  livre  une  grossièreté  qui  est  absolument  absente  de  ses  pages. 
Tout  comme  Madame  de  La  Fayette  elle-même  demandait  que 
ses  romans  fussent  imprimés  avec  soin  et  bien  reHés,  le  pubUc 
de  nos  jours  demande  ce  qu'il  y  a  de  mieux  pour  cette  œuvre 
d'art. 

III 

Et  cependant  il  s'est  trouvé  de  nos  jours  des  personnes  si 
délicates,  restées  pures  de  toute  tache,  même  en  lisant  les  romans 
contemporains,  qu'elles  trouvent  la  Princesse  de  Clèves  immorale. 

D'après  ce  que  nous  avons  vu  des  procédés  de  Mme  de  La 
Fayette,  il  serait  oiseux  d'essayer  de  démontrer  la  pureté  de 
ses  intentions.  Il  s'agit  donc  de  regarder,  pendant  un  instant, 
non  pas  ce  qu'elle  voulait  faire,  mais  ce  qu'elle  a  fait. 

Au  dix-septième  siècle,  siècle  par  excellence  où  l'on  croyait 
à  la  vertu,  on  estimait  la  Princesse  de  Clèves  bien  supérieure  aux 
romans  frivoles  qui  l'avaient  précédée.  Il  est  vrai  que  Valincour 
a  des  doutes  sur  l'impression  que  pourrait  faire  la  passion  de  la 
princesse  sur  des  cœurs  sensibles.  Ces  doutes  s'appliqueraient 
avec  autant  de  justice  à  n'importe  quel  roman. 


xii]      U  Épistolihe — U Écrivain — Le  Philosophe       221 

Au  dix-huitième  siècle — tout  au  début — Lenglet  du  Fresnoy, 
qui  s'y  connaissait  en  romans,  écrivit  de  Zàide  et  de  la  Princesse 
de  Clèves:  "Encore  pour  ces  romans,  ils  sont  sages,  on  y  voit  des 
mœurs,  l'un  ne  prêche  qu'une  tendre  amitié  et  tout  au  plus  un 
amour  réservé,  un  amour  vertueux.  La  Princesse  de  Clèves 
n'aboutit  qu'à  un  fort  beau  principe  de  mœurs,  qui  est  de  faire 
voir  que  tout  amour  qui  attaque  le  devoir  ne  rend  jamais 
heureux^."  L'abbé  Prévost,  au  début  d'une  longue  diatribe 
contre  les  romans  tels  que  Cassandre,  Cléopâtre,  le  Grand  Cyrus, 
Polexandre,  etc. ...parle  ainsi  à  son  élève:  "Comment?  dis-je 
au  marquis  ;  c'est  là  ce  qui  s'appelle  de  la  galanterie  la  plus  fine 
et  la  plus  passionnée  ?  Est-ce  la  nature  seule  qui  vous  en  a  tant 
appris?  Il  faut  que  vous  ayez  pillé  cela  dans  quelque  roman. 
Il  m'assure  que  tout  étoit  de  lui  jusqu'au  moindre  mot  et  qu'il 
n'avoit  jamais  lu  de  romans,  si  ce  n'étoit  les  deux  que  j'avois 
achetés  à  Bordeaux,  c'est  à  dire  Télémaque  et  la  Princesse  de 
Clèves.  Je  vous  conseille,  lui  dis-je,  de  n'en  lire  jamais  d'autres. 
Un  homme  plus  sévère  que  moi  en  retrancheroit  même  la  Prin- 
cesse de  Clèves,  car  le  fruit  qu'on  en  peut  tirer  pour  se  former  le 
style  n'égale  pas  le  péril  auquel  on  s'expose  de  s'amollir  le  cœur 
par  une  lecture  trop  tendre^." 

Au  dix -huitième  siècle,  on  a  encore  des  doutes  sur  la  moralité 
de  la  Princesse  de  Clèves  et  c'est  l'auteur  de  Manon  Lescaut  qui 
les  formule  et  dans  l'ouvrage  même  oii  il  fait  paraître  son  héroïne. 
Mais  n  faut  remarquer  que  le  brave  abbé  ne  critique  que  la 
tendresse  des  sentiments  et  que  sa  critique  s'appUquerait,  tout 
comme  celle  de  Valincour,  à  n'importe  quel  autre  roman — même 
à  celui  qui  mettrait  en  scène  M.  X....,  et  MUe  Y.... qui  convo- 
leraient en  justes  noces  à  la  fin  du  dernier  chapitre. 

C'est  au  dix -neuvième  siècle  que  l'on  rencontre  la  première 
critique  sérieuse  de  l'influence  de  la  Princesse  de  Clèves.  "La 
leçon  qui  résulte  du  roman,"  écrit  Victor  Fournel,  "  c'est  que  tout 
amour  qui  attaque  le  devoir  ne  peut  être  heureux;  cependant 
l'amour  de  la  princesse  n'est  vaincu  qu'après  tant  de  concessions, 
de  résistance  et  de  larmes,  il  est  encore  si  beau  et  si  touchant, 
dans  sa  défaite,  il  en  sort  enfin  ime  émotion  si  douce  et  si  com- 
municative,  qu'il  afïaibhra  certainement  plus  de  cœurs  que  son 
dénouement  n'en  pourra  raffermir.  Il  faut  le  reconnaître,  cette 
lecture  est  troublante,  elle  énerve  en  charmant.  Ces  amours 
profonds,  ou  plutôt  ces  adorations  ardentes  qui  constituent  le 

^  C.  Gordon  du  Percel,  De  V usage  des  romans,  i.  13-14. 

2  L'abbé  Prévost,  Mém....d'un  homme  de  qualité,  1908,  n.  80. 


222  Madame  de  La  Fayette  [ch. 

roman  chevaleresque  et  poétique  du  XYII^  siècle,  Madame  de 
La  Fayette  en  a  accru  la  force  parce  qu'elle  en  a  perfectionné 
la  peinture,  parce  qu'elle  leur  a  prêté  l'appui  d'une  observation 
plus  fine  et  plus  vraie,  d'un  sentiment  plus  intime,  d'un  style 
plus  attrayant....^" 

Mais  c'est  M.  Pierre  Mille,  critiquant  La  douceur  de  vivre  de 
Mme  Marcelle  Tinayre,  qui  se  montrera  le  plus  ingénieux  pour 
prouver  l'immoralité  de  la  Princesse  de  Clèves.  "Je  n'insiste  pas, 
je  vous  le  répète,"  écrit-il,  "mais  je  puis  bien  faire  remarquer 
en  passant  qu'on  pourrait  tirer  les  mêmes  conclusions  de  la 
Princesse  de  Clèves  où  tous  les  personnages  par  vertu  n'arrivent 
qu'à  se  rendre  parfaitement  malheureux,  sans  profit  pour  per- 
sonne. Voilà  même  pourquoi  j'ai  trouvé,  toujours  trouvé,  que 
c'était  un  roman  immoral  à  l'extrême  que  la  Princesse  de  Clèves 
et  pourquoi  j'en  interdirai  toujours  la  lecture  à  ma  fille,  si  par 
hasard  elle  possède  une  ombre  de  sens  critique,  ce  qu'on  peut, 
du  reste,  pour  son  bonheur,  ne  pas  souhaiter  avec  trop  d'em- 
pressement^." 

M.  Pierre  Mille,  dans  cette  boutade  (car  nous  ne  pouvons 
croire  que  c'est  autre  chose  qu'une  boutade)  redoute  que  sa 
fille  ait  le  sens  critique  assez  développé  pour  raisonner  ainsi 
après  avoir  lu  la  Princesse  de  Clèves  : — La  princesse  est  vertueuse. 
La  princesse  est  malheureuse.  Donc  ne  soyons  pas  vertueuse. 
Nous  craignons  que  M.  Pierre  Mille  ne  soit  un  peu  trop  sévère 
pour  sa  fille.  Aurait-elle  vraiment  un  esprit  aussi  perverti  qu'il 
semble  le  croire?  Pour  notre  part,  sans  savoir  même  si  elle 
existe ,  nous  ne  voulons  pas  l' admettre .  Son  père  serait  bien  étonné 
si,  après  avoir  lu  à  la  dérobée  ce  roman  immoral,  elle  n'en  tirait 
que  les  conclusions  suivantes  :  une  femme  se  marie,  sans  amour, 
pour  faire  plaisir  à  l'ambition  de  sa  mère  ;  ensuite  elle  aime  un 
homme  qu'elle  aurait  pu  épouser  en  tout  honneur,  trouvant 
ainsi  un  mari  qu'avait  recherché  une  reine  d'Angleterre,  un 
parti  en  somme  que  sa  mère  aurait  accepté  avec  joie  si  elle  avait 
maîtrisé  un  peu  son  impatience  d'établir  sa  fille.  Conclusion  de 
jeune  fille  :  "Ne  nous  marions  pas  sans  amour  et  si  par  malheur 
cela  nous  arrive,  n'aimons  pas  ailleurs,  ou  nous  serons  aussi 
malheureuse  que  la  princesse  de  Clèves." 

Tout  est  sain  aux  sains  et  nous  n'avons  aucune  raison  pour 
croire  la  jeune  fille  française  de  nos  jours  plus  pervertie  que  ne 
l'étaient  ses  sœurs  du  XVII^  siècle — l'existence  d'un  père  aussi 

1  Litt.  indép.  p.  208. 

2  U Illustration,  N°  3541,  jan.  1911,  p.  3. 


xii]      U Êpistolihe — L'Écrivain — Le  Philosophe       223 

soigneux  de  la  vertu  de  sa  fille  que  l'est  M.  Mille  suffirait  pour 
nous  convaincre  que  le  contraire  doit  être  maintenant  le  cas 
général^. 

Pour  nous,  la  morale  de  Mme  de  La  Fayette  est  une  morale 
élevée.  Passons,  sans  plus  tarder,  à  sa  philosophie  en  général. 
Un  écrivain  distingué  a  consacré  tout  un  article  à  la  princesse 
de  Clèves  et  Descartes^.  D'après  ce  dernier,  la  passion  est  en  nous 
l'œuvre  de  la  nature  et  comme  une  opération  machinale  des 
"petits  esprits."  Il  ne  dépend  donc  pas  de  nous  d'être  ou  de 
n'être  pas  sensible  à  la  douleur,  à  l'amour,  à  la  haine.  Mais  si 
nos  passions  ne  dépendent  pas  de  nous,  nos  actions  dépendent 
de  notre  volonté.  Il  dépend  de  nous  de  consentir  ou  de  ne  pas 
consentir  aux  effets  de  nos  passions  et  aux  démarches  où  elles 
s'efforcent  de  nous  entraîner. 

La  princesse  de  Clèves  agit  donc  en  cartésienne  (1»)  Lorsqu'elle 
analyse  son  état  d'esprit  et  engage  la  lutte  contre  la  passion  qui 
naît  en  elle.  (2°)  Lorsqu'elle  considère  cette  passion  comme  un 
désordre  au  lieu  de  l'idéaliser  en  "flamme  divine"  de  "coup  du 
ciel,"  lorsqu'elle  ne  se  dit  pas  que  depuis  qu'elle  aime  elle  se  sent 
meilleure,  plus  noble,  etc....  (3°)  Lorsqu'elle  se  distingue  d'avec 
la  passion,  elle  place  son  moi  dans  la  raison  et  dans  la  Uberté. 
C'est  l'âme  généreuse  de  Descartes.  Ce  rapprochement  est  fort 
juste  si  l'on  admet  que  Madame  de  La  Fayette  et  Descartes 
aient  eu  la  même  philosophie.  Il  est  faux  si  l'on  en  déduit,  comme 
certains  critiques  sembleraient  croire,  que  c'est  la  lecture  du 
Traité  des  passions  qui  a  fait  ainsi  envisager  la  vie  à  Madame  de 
La  Fayette.  Nous  ne  voyons  ici  qu'une  "communauté  d'in- 
spiration" comme  M.  Lanson  a  si  bien  fait  remarquer  qu'il  y 
en  a  une  entre  la  philosophie  de  Corneille  et  ceUe  de  Descartes. 
Là  aussi  la  similitude  est  frappante,  mais  les  passages  de  Corneille 
qui  se  rapprochent  le  plus  du  texte  du  Traité  sont  tirés  de  pièces 
antérieures  au  hvre  du  philosophe^. 

Qu'elle  soit  tirée  de  Corneille,  de  Descartes,  de  la  conversa- 
tion de  ses  amis,  ou  tout  simplement  de  ses  expériences  person- 
nelles et  de  son  caractère,  toujours  est-il  que  la  philosophie 

^  Un  autre  critique  trouve  en  1870  que  la  P.  de  C.  est  immorale.  Nous 
avons  nommé  M.  A.  de  Margerie  {Madame  de  la  Fayette,  Nancy,  1870, 
8°)  qui  compare,  dans  sa  brochure,  la  princesse  et  Pauline.  Mais,  d'après 
lui,  Pauline  est  morale  parce  que  chrétienne. 

2  Cherbuliez  (Victor),  Rev.  des  deux  mondes,  15  mars  1910,  p.  284 
et  suiv. 

2  Voir  à  ce  sujet  la  Rev.  d'Hist.  litt.  de  la  Fr.  1894,  i.  410. 


224  Madame  de  La  Fayette  [ch.  xii 

de    Madame    de    La    Fayette   s'accorde   bien   avec   celle    de 
Descartes. 

Il  faut  nous  borner  à  ces  quelques  considérations  sur  la 
pensée  philosophique  qu'a  eue  notre  auteur;  nous  craignons 
d'être  lourd,  et  Madame  de  La  Fayette  nous  en  voudrait  de 
faire  d'elle  un  philosophe.  Certainement,  elle  ne  pensait  pas  à 
la  philosophie  en  faisant  la  Princesse  de  Clèves.  Arrêtons-nous 
donc  sur  cette  pensée  qui  lui  serait  agréable.  Son  roman  n'est 
pas  oubUé,  comme  nous  l'avons  suffisamment  démontré  dans 
le  chapitre  que  nous  lui  avons  consacré.  Au  contraire,  il 
paraît  avoir  en  ce  moment  un  regain  de  popularité.  Son  auteur 
était,  pour  emprunter  un  beau  passage  de  M.  Anatole  France, 
une  de  ces  femmes  du  temps  jadis  "qui  eurent  l'art  de  bien 
vieiUir,  d'achever  de  vivre.... qui,  sages  enfin  et  coquettes  encore, 
abritaient  pieusement  sous  la  dentelle  les  débris  de  leur  beauté, 
les  restes  de  leur  grâce  et  de  loin  souriaient  doucement  à  la 
jeunesse,  dans  laquelle  elles  cherchaient  les  figures  de  leur 
souvenirs^."  Les  débris  eux-mêmes  n'existent  plus,  mais  parce 
que  Madame  de  La  Fayette  a  eu  le  talent  de  faire  une  œuvre  d'art 
de  ses  souvenirs,  elle  sourit  encore  de  loin,  à  travers  plus  de  deux 
siècles,  à  cette  jeunesse  qui  aime  et  qui  aimera  toujours,  tantôt 
heureusement,  souvent  malheureusement,  avec  les  mêmes  joies 
et  les  mêmes  douleurs  qu'éprouvaient  la  princesse  de  Clèves  et 
sa  charmante  créatrice. 

^  Vie  litt.  IV.  à  propos  de  Notre  Cœur  de  Maupassant. 


BIBLIOGRAPHIE  DES  ŒUVRES  DE 
MADAME  DE  LA  FAYETTE 


Liste  des  bibliothèques  dont  nous  avons  consulté  les  catalogues, 
et  des  abréviations  employées. 


Amiens.    Bibliothèque  de  la  Ville. 
Amsterdam.     Bib.    de    l'Université. 

U.B.A. 
Angers.    Ville. 

Avignon.      Bib.  et  Musée  Calvet. 
Berlin,     (a)    Kgl.     Bib.     (b)    Univ. 

(a)K.B.B.    (6)K.U.B.B. 
Blois.    Ville. 
Bordeaux.    VUle. 
Bruxelles.    Bib.  Royale  de  Belgique. 

B.R.B. 
Cahors.    Ville. 
Cambridge.  Univ.  (Angleterre.)  Can- 

tab. 
Châteauroux.    Ville. 
Cologne.    Stadtbib. 
Copenhague.    Bib.  Royale.    B.R.C. 
Dijon.    B.D. 

Dresde.    Kgl.  Off.  Bib.   K.B.D. 
DubUn.    Trinity  CoUege.    T.C.D. 
Florence.      Bib.       Naz.       Centrale. 

B.N.C.F.    B.N.F. 
Gand.    Univ.    B.U.G. 
Genève.    Ville. 
Grenoble.    Ville. 
Harvard.    (E.U.A.)    Univ. 
Havre.    Ville.    B.  du  H. 
Haye  (La).    Kônig.  Bib.    K.B.H. 
Leipzig.    Univ.    U.B.L. 


Leyde.    Univ. 

Londres.    British  Muséum.    B.M. 

Lyon.    ViUe.    B.V.L. 

Madrid.    Bib.  NacionaL 

Manchester.    Univ. 

Mayence.    St.  Bib. 

Munich.    K.-Hof,  und  Staat-Bib. 

Nancy.    Ville. 

Nantes.    Ville.    B.P.V.N. 

New  York.    N.Y.P.L. 

Nice.    ViUe.    B.V.N. 

Nîmçs.    Ville.    B.M.N. 

Padoue.    Univ. 

Palerme.    Bib.  Naz. 

Paris.    Arsenal.    B.A.    B.  Ars. 

Mazarine.    B.  Maz. 

Nationale.    B.N. 

Sainte-Geneviève. 

Université  (Sor bonne).   B. 
Sorb. 
Rome.    Bib.  VaUicelUano. 
Saint-Louis.   (E.U.A.)   Ville. 
Strasbourg.  K.  Univ.  und  L.  K.L.S. 
Stuttgart.    K.  Landesbib. 
Troyes.    ViUe.    B.  Tr. 
Turin.    Bib.  Civica. 
Yale.    (E.U.A.)    Univ. 
Zurich.    Stad.  Bib. 


\ 


15 


226  Madame  de  La  Fayette 

Le  Portrait  de  Madame  de  Sévigné. 
Manuscrit. 
Copie  du  Portrait  de  Madame  la  Marquise  de  Sévigné  par  Madame  de  la  Fayette 
sous  le  nom  d'xm  inconnu.    F"  573-^  du  Recueil  de  Camus,  Recherches 
curietises.  Tome  v.    Bib.  Ars.  ms.  675.    Écriture  du  commencement  du 
XVIIle  siècle. 

Éditions. 

1.  1659.    Divers  portraits.    Imprimés  en  l'année  mdclix.   4°,  s.l.  pp.  313-317. 

Portrait  de  Madame  de  Sévigné. .  .etc.  (Dans  l'exemplaire  L.  37,  b.  187 
de  la  Bib.  Nat.  se  trouve  une  note  manuscrite  ainsi  conçue:  "A  Caen  par 
ordre  et  aux  dépens  de  Mademoiselle  sous  les  yeux  et  par  les  soins  de 
M.  Daniel  Huet  depuis  Evesque  d'Avranches.  Il  n'en  a  été  tiré  que 
soixante  exemplaires.  On  sçait  cette  particularité  de  M.  Huet  lui-même 
qui  l'a  dit  en  1718  à  un  de  ses  amis.") 

2.  1659.  Recueil  de  portraits  et  éloges  en  prose,  dédié  à  son  Altesse  Royale 
Mademoiselle.  Paris  (Sercy  et  Barbin).  1  vol.  in  12°  de  32.5  pp.  (Cette 
édition  n'est  pas  une  simple  réimpression  de  celle  de  Caen.  On  a  omis  d'y 
mettre  quelques  portraits,  et  des  meilleurs,  poiu"  en  ajouter  d'autres.) 

3.  1659.    (La  Galerie  des  Peintures  ou)  Recueil  des  Portraits  en  vers  et  en 

prose  dédié  à  son  altesse  royaUe  Mademoiselle.  Paris  (Charles  de  Sercy  et 
Claude  Barbin).  1  vol.  8°.  À  la  page  824.  (Les  mots  entre  parenthèses  ne 
se  trouvent  que  sur  le  titre  gravé.  Le  texte  corrige  celui  de  l'édition  de  Caen  ; 
p.e.  Caen:  "Grâce  au  privilège  d'inconnu  que  je  suis  auprès  de  vous. . ." 
Paris:  "Grâce  au  privilège  d'inconnu  dont  je  jouis  auprès  de  vous.") 

4.  1663.   La  Galerie  des  Peintures  ou  Recueil  des  Portraits  et  éloges  en  vers 

et  en  prose,  contenant  les  portraits  du  Roy,  de  la  Reyne,  des  Princes, 
Princesses,  Duchesses,  Marquises,  Comtesses  et  autres  Seigneurs  et  Dames 
les  plus  illustres  de  France.  I^a  pluspart  composez  par  eux-mesmes. 
Dédiée  à  son  Altesse  Royale  Mademoiselle.  Deux  parties,  Paris  (Sercy). 
2  vols,  in  120.  (Pareille  à  la  3^  édition  avec  quelques  portraits  en  plus.  Nous 
n'en  avons  pas  vu  d'exemplaire.)  Bib.  Nat.  Cent,  di  Fienza.  Bib.  Troyes, 
etc. 

5.  1804.    Réimprimé  à  la  suite  de  la  Princesse  de  Montpensier.     Voir  au 

No.  28. 

6.  1860.    La  Galerie  des  Portraits,  etc Nouvelle  édition  avec  des  notes 

par  M.  Edouard  de  Barthélémy.  Paris  (Didier).  1  vol.  in  S°  de  vni-562  pp. 
p.  95.    Rétablit  le  texte  original. 

(Ce  portrait  a  été  souvent  réimprimé — en  tête  des  œuvres  de  Madame 
de  Sévigné,  dans  des  Recueils  et  dans  des  livres  de  classe.) 

La  Princesse  de  Montpensier. 

7.  1662.    La  Princesse  de  Montpensier.    A  Paris  chez  Thomas  Jolly  au  Palais 

dans  la  petite  salle,  aux  Armes  d'Hollande  et  à  la  Palme,  mdclxh.  Avec 
privilège  du  roi.  1  vol.  8°,  9  x  14  cm.  pp.  vm-142.  Privilège  à  Augustin 
Courbé — cédé  par  lui  à  Jolly  et  BLIlaine.  Achevé  d'imprimer  le  20  août 
1662.   B.A.  BeUes  Lettres  13573.   B.N.  Y"  6613. 


Bibliographie  227 

(M.  de  Barthélémy  dans  son  édition  des  Divers  Portraits,  p.  95,  Note  2, 
écrit:  "Elle  écrivit  son  roman  de  la  Princesse  de  Montpensier  en  1660"  et 
il  cite  comme  autorité  Sainte-Beuve,  Portraits  de  femmes.  Mais  ce  dernier 
donne  comme  date  de  ce  roman  1660  ou  1662  et  note  que  Moreri  lui  attribue 
la  date  1662,  Quérard  1660.  Sainte-Beuve  ajoute,  "Ce  qu'il  y  a  de  certain 
c'est  que  la  première  édition  publique,  avec  privUège  du  roi,  est  de  1662." 
C'est  en  effet  la  date  de  l'editio  princeps  et  nous  ignorons  l'existence  d'une 
édition  autre  que  "l'édition  publique.") 

8.  1662.  La  Princesse  de  Montpensier.  Paris,  Th.  Joly.  Pet.  in  12°,  106  pp. 
chiff.  (Catalogue  Rochebilière,  p.  381,  No.  716,  qui  signale  cette  édition 
comme  une  contrefaçon  de  Grenoble.   Pour  les  détails  voir  ce  catalogue.) 

9.  1662.    La  Princesse   de  Montpensier.     A  Paris,  chez  Charles   Sercy,  au 

Palais,  dans  la  Salle  Dauphine,  à  la  Bonne  foy  couronnée.   Avec  privilège 
du  Roy,    1  vol.  in  12°,  pp.  vi-142. 

(Exemplaire  des  mêmes  dimensions  que  le  No.  7  et  ayant  le  même 
nombre  de  pages,  mais  qui  n'est  pas  de  la  même  édition  car  la  disposition 
des  pages  diffère.    B.N.  Y^  6614.) 

10.  1662.  La  Princesse  de  Montpensier.  Paris,  Louis  BiUaine.  (Brunet,  Supp. 
Probablement  le  No.  7  avec  la  page  de  titre  modifiée.  Nous  n'avons  pas 
VM  d'exemplaire  de  cette  édition.) 

11.  1671.  La  Princesse  de  Montpensier.  louxte  la  copie.  A  Paris  chez 
Thomas  JoUy,  au  Palais,  dans  la  Petite  SaUe,  aux  armes  d'HoUande  et  à 
la  Pahne.   1  vol.  in  12°,  pp.  114.   B.N.  Rés.  Y^  1544. 

(Elzevier.  Imprimé  en  gros  caractères.  Cité  avec  l'adresse  à  Amsterdam 
au  catalogue  de  1674.    Voir  Willems,  Ambroise,  Les  Elzevier.) 

12.  1674.  La  Princesse. .  .etc.  A  Paris  chez  Charles  Osmont  au  cinquième 
pilier  de  la  grande  salle  du  palais,  à  l'Écu  de  France.  1  vol.  in  12°,  pp.  vi-144 
(15  X  7/5  cm.).   B.N.  Y^  60777. 

(Celle-ci  est  la  seconde  édition  originale  et  comme  Brunet  fait  remarquer 
doit  avoir  été  revue  par  l'auteur.) 

13.  1675.  Idem.  Paris,  Ch.  Osmont,  in  12°  de  4  ff.  prélim.  non  chiff.  et  143 
pp.  chiff.  (3^  édition  originale.  Quoique  la  coUation  soit  la  même  que 
pour  le  No.  12  l'édition  est  différente.  Cat.  Rochebilière,  No.  18,  p.  381. 
Nous  n'avons  pas  vu  cette  édition.) 

14.  1678.  Idem.  Paris,  chez  Charles  Osmonts  (sic)  dans  la  Grand'  SaUe  du 
Palais  du  costé  de  la  Cour  des  Aydes  à  l'écu  de  France.  1  vol.  in  IB^ 
(14  X  8  cm.),  pp.  vi-144. 

(Mêmes  dimensions  et  pagination  que  le  No.  12  mais  non  pas  identique: 
costé  (1674)  devient  côté  (1678):  estoit,  étoit,  etc.,  bien  que  ces  change- 
ments d'orthographe  n'aient  pas  été  faits  partout.  B.N.  Y^  69778.  B.N. CF.  ) 

15.  1679,  Idem.  A  Lyon  chez  Thomas  Amauky  rue  Mercière  à  la  Victoire. 
1  vol.  in  12°  (14  x8cm.),  pp.  154. 

(Le  Libraire  au  Lecteur  est  paginé  avec  le  texte.  Privilège  de  trois 
ans  accordé  à  Amaulry  à  Lyon  le  17  fév.  1679.  B.N.  Y^  60779.) 

16,1681.  Idem.  A  Paris  chez  Charles  Osmont ,. .  I  vol,  8°,  pp,  vi-146,  B,M, 
C,  30.  a.  29  (2). 

15—2 


228  Madame  de  La  Fayette 

17.  1684.  Idem,  dans  le  T.  m  du  Recueil  de  pièces  galantes  en  prose  et  en  vers 
de  Madame  la  Comtesse  de  la  Suze  et  de  Monsieur  Pellisson.  Voir  Recueils 
plus  loin. 


18. 

1691. 

19. 

1693. 

20. 

1695. 

21. 

1696. 

22. 

1698. 

Idem.    Voir  Recueils. 


23.  1701.  Idem.  A  Toulouse.  Chez  Dominique  Desclassan,  Imprimeur  juré 
de  l'Université.    1  vol.  in  12o  (14/5  x  8  cm.),  pp.  98.   B.N.  Y^  60780. 

24.  1720.   Idem.    Amsterdam,  in  12». 

(Page  167  de  la  Portefeuille  de  Baudot,  section  Romans.  B.  Ars.  MS. 
5361,  et  catalogue  de  la  B.  de  Bordeaux  No.  15990.  Nous  n'avons  pas  vu 
cette  édition.) 

25.  1723.  Idem.  A  Paris  Quay  des  Augustins.  Chez:  Jean  Musier. .  .Jean 
Antoine  Robinot. .  .et  Noël  Pissot. . .  1  vol.  in  8°  (9  x  16  cm.),  pp.  x-143. 
B.  Ars.  13574  B.L.   B.  Munie,  de  Nîmes  8815. 

26.  1725.    Idem.    Suze.     Voir  Recueils. 

27.  1741.    Idem.     Idem. 

28.  1804.  Idem,  par  Mme  de  la  Fayette^.  A  Paris  chez  Ant.  Aug.  Renouard. 
1  vol.  in  16°  (17  X  9/5  cm.).  (Note  du  Libraire,  pp.  5  et  6.  Texte  de  la 
Princesse  de  Montpensier  jusqu'à  la  page  88.  Portrait  gravé  de  Madame  de 
Sévigné.  Portrait  de  Madame  de  Sévigné  par  Madame  de  La  Fayette, 
pp.  89-95.  B.N.  Vélins  2906.  Bel  exemplaire  sur  vélin  à  grands  marges, 
relié  en  maroquin  bleu  à  dentelles  et  doublé  de  moire  rose  par  Brade]  aîné. 
On  a  tiré  cette  édition  sur  vélin  et  sur  papier  vélin.) 

29.  1849.  Idem.  (Livraisons  21  and  22  in  4P  de  6  feuilles  des  Romans  illustrés 
anciens  et  modernes.  Paris,  chez  Maresq,  rue  Gît-le-Cœur.  No.  1093  du 
Journal  de  la  Librairie,  1849.   Nous  n'avons  pas  vu  cette  édition.) 

30.  S.d.  (La  Bib.  publique  de  New  York  (E.U.A.)  nous  signale  une  édition 
du  livre  :  Silvio  PeUico — Mes  Prisons,  Paris,  s.d.  Racons  et  Cie.  in  F°,  qui 
donne  aux  pp.  43-48  une  réimpression  de  la  Princesse  de  Montpensier.) 

Voir  av^si  sous  Collections. 

Zaïde. 

31.  1670.  Zayde:  histoire  espagnole  par  Monsieur  de  Segrais  avec  un 
traitté  de  l'Origine  des  Romans.  Par  Monsieur  Huet.  A  Paris.  Chez 
Claude  Barbin,  au  Palais  sur  le  second  perron  de  la  Sainte  ChappeUe, 
MDCLXX.   Avec  privilège  du  Roi.   2  vols,  in  8°  (15  x  9/5  cm.),  i,  pp.  442. 

I.  (a)  De  l'Origine. .  .etc.  à  la  page  99.  (b)  Zaïde,  pp.  99-441. 
(c)  Extrait  du  Privilège,  p.  442. 

IL  (a)  Extrait  du  Privilège,  pp.  i-n.  (6)  Texte,  pp.  536.  B.N.  Rés. 
Y2  1570-71. 

(La  seconde  partie  fut  pubUée  une  année  après  la  première.) 

^  Il  est  à  remarquer  que  les  éditions  précédentes  sont  sans  nom  d'auteur. 


Bibliographie  229 

32.  1672.  Idem.  Suivant  la  Copie  imprimée  à  Paris  1671.  2  tomes  en  un  vol. 
in  8°  (16  X  9/5  cm.).  La  page  de  titre  est  précédée  par  un  beau  faux  titre 
gravé  par  R.  de  Hooghe,  T.  i,  pp.  154.  Un  feuillet  blanc.  T.  n,  pp.  164. 
(Elzevier)  B.M.  12510.  b.  3. 

33.  1699.  Idem.  Paris,  Michel  Brunet.  2  vols,  in  12°  (15  x  7/5  cm.)  de  411 
et  324  pp.    B.  Troyes  No.  5376  Belles  Lettres. 

34.  1700.  Zayde:  Histoire  Espagnole.  Par  M.  De  Seorais  de  l'Académie 
Française.  Avec  un  Traitté  de  l'Origine  des  Romans  Par  M.  Huet,  Evêque 
d'Avranches.  Nouvelle  Edition  revue  et  corrigée  par  l'Auteur.  A  Amster- 
dam, chez  les  Héritiers  d'Antoine  Schelte,  mdcc.  2  tomes  en  un  vol.  in 
12°  (13/5  X  7/5  cm.).  T.  i,  pp.  360.  T.  n,  pp.  286.  B.M.  634.  c.  16. 

35.  1705.  Idem.  Paris  chez  Christophe  David,  près  des  Augustins. . .  2  vola, 
in  120  (16  X  9  cm.).   T.  i,  pp.  n^l2.  T.  n,  pp.  n-324.  B.N.  Y^  68034-35. 

36.  1705.  Idem.  Paris,  chez  Charles  Osmont. . .  (CeUo-ci  n'est  que  l'édition 
No.  35  imprimée  chez  G.  P.  du  Mesnil  qui  porte  dans  un  cas  (No.  35)  le 
nom  du  hbraire  David,  dans  l'autre  (No.  36)  celui  de  C.  Osmont.) 

37.  1705.  Idem.  Amsterdam,  J.  Desbordes.  1  vol.  in  12°,  pp.  LXXXVin-416. 
Grav.   B.R.  de  Belgique.    (BruxeUes)  Ville  69315. 

38.  1715.    Idem.  Réimpression  du  No.  37.  B.M.  634.  a.  17.  B.N.  Y^  68036. 

39.  1719.  Idem.  Par  la  Compagnie  des  Libraires  associés.  2  vols,  in  12° 
(16  X  9  cm.).  T.  I,  pp.  312.  T.  n,  pp.  324.  B.N.  Y2  68037-38.  Exemplaire 
incomplet. 

40.  1725.  Réimpression  du  No.  39.  B.N.  Y^  68039.  B.  Dijon.  B.  Munie. 
Nîmes. 

41.  1764.  Idem.  Par  les  mêmes.  2  vols,  in  12o(14  x  8  cm.).  T.  i,  pp.  vi-270. 
T.  n.  pp.  296.  B.M.  et  B.N. 

42.  1780.  Zayde:  Histoire  Espagnole  par  Mme  de  la  Fayette.  A  Paris,  de 
l'imprimerie  de  Didot  l'aîné.  3  tomes  en  3  vols,  sur  véUn  in  12°.  i,  pp.  156. 
n,  pp.  135.  m,  pp.  166.  B.M.  C.  26.  c.  1, 2,  3. 

(Un  des  trois  exemplaires  imprimés  sur  véUn.  Fait  partie  d'une  Collection 
imprimée  par  ordre  du  comte  d'Artois.  B.N.  et  B.N.F.  possèdent  des 
exemplaires  de  cette  édition,  mais  sur  papier.) 

43.  1814-15.    Voir  Collections. 

44.  1821.  Bibliothèque  d'une  Maison  de  Campagne.  Tome  Lix,  Sixième 
livraison,  Zayde. .  .par  Madame  de  la  Fayette,  précédée  d'un  traité  des 
romans.  Paris  chez  Lebègue...  2  vols.  (T.  Lix  et  LX  de  la  collection) 
in  12°  (17  X  10  cm.).   i,  pp.  260.   n,  pp.  266.   B.N.  Z  42874-5. 

45.  1826.  Zayde.  Paris,  Werdet  et  Lequien.  2  vols,  in  32°  ornés  de  front, 
gravés  et  de  grav.  New  York  Pub.  Lib.  Coll.  des  meUl.  rom.  dédiée  aux 
Dames.    Voir  Collections. 

46.  1828.  Idem.  Paris,  chez  Dauthereau.  2  vols,  in  32°:  i,  pp.  203.  n,  pp.  211. 
Nîmes  B.  Mun. 

47.  1835.  Zayde. .  .Paris,  A.  Derez,  éditeur,  au  Bureau  du  Musée  des  FamiUes. . . 
Un  vol.  in  16°,  pp.  176  (19  x  12  cm.).  Bib.  écon.  et  périod.  des  meilleurs 
romans.    Madame  de  La  Fayette,  2.    B.N.  Y^  18071. 

Et  voir  sous  le  titre  Collections. 


230  Madame  de  La  Fayette 

La  Princesse  de  Clèves. 

48. 1678.  La  Princesse  de  Clèves.  Tome  i  (sans  aucun  nom  d'auteur). 
A  Paris  chez  Claude  Barbin,  au  Palais  svu-  le  second  perron  de  la  Sainte 
Chapelle,  MDCLXXvm.  Avec  privilège  du  Roi.  T.  i,  2  £E.  prélim.  non  chiff. 
et  211  pp.  chiff.  T.  n,  214  pp.  chiff.,  1  f.  blanc.  T.  m,  un  f.  pour  le  titre, 
216  pp.  chiff.  T.  IV,  211  pp.  chiffrées  (la  dernière  porte  par  erreur  le  no. 
213)  et  5  pp.  non  chiff.  pour  le  priv.  Pour  chaque  partie  un  en-tête  gravé 
sur  bois.  Il  se  trouve  des  exemplaires  sur  papier  réglé  en  rouge.  B.  Ars. 
13508.  b.  1.  B.N.  Trois  exemplaires,  mais  avec  d'autres  gravures  sur  les 
pp.  de  titre. 

49.  1678.  Idem.  2  tomes  en  un  vol.  in  12°  (13  x  7/5  cm.).  Lib.  au  lect.  pp.  m. 
Texte  pp.  197.  Trois  pp.  priv.  l^^  partie  à  la  page  102,  11°^^  partie  à  la 
p.  203,  p.  blanche.  Fin  du  T.  i.  III  "^e  partie  1  à  100,  IV «>e  loi  à  197.  Fin 
du  T.  n.   B.M.  12510.  d.  f.  4. 

50.  1678.  Idem.  La  bib.  de  la  ville  de  Châteauroux  possède  deux  parties 
d'une  édition  de  chez  Barbin:  I''''  partie,  pp.  87;  11™"  partie,  pp.  84.  C'est 
probablement  une  contrefaçon. 

51.  1679.  La  bib.  de  l'Univ.  de  Yale  (E.U.A.)  possède  un  exemplaire  en 
très  mauvais  état  d'une  édition  qui  aurait  été  publiée  à  Londres.  (Contre- 
façon française?) 

52.  1688.  Idem.  Nouvelle  édition.  Amsterdam,  Abraham  Wolfgang.  1  vol. 
in  12°,  pp.  n-417.   Priv.  du  roi.   U.B.A.   K.B.D.   K.L.S. 

53.  1689.  La  Princesse  de  Clèves.  Tome  i.  A  Paris  Chez  Claude  Barbin, . . . 
4  tomes  in  12°  (147  x85mm.).  Achevé  d'imprimer  pour  la  seconde  fois 
le  9  mai  1689.  Collation:  exactement  pareille  à  l'édit.  orig.  jusqu'à  la 
faute  de  pagination  dans  le  dernier  tome.  (Sans  nom  d'auteur.  L'idée, 
assez  répandue,  que  cette  édition  porte  le  nom  de  Madame  de  La  Fayette 
est  sans  fondement.)   B.V.H.^ 

64.  1695.  Amourettes  du  duc  de  Nemours  et  de  la  Princesse  de  Clèves. 
Amsterdam,  Jean  Wolters.   In  12°,  Brunet  et  Graesse.    (Pas  trouvée.) 

55.  1698.  Amourettes. .  .Dernière  édition.  Amsterdam,  Jean  Wolters.  In  12°, 
pp.  n-394.  Titre  gravé.   K.L.S.   B.R.C.   B.R.B. 

56.  1702.  La  Princesse  de  Clèves. . .  Lyon,  Didier  Guillimin.  4  t.  in  12°.  B.V.L. 
57.1704.    Idem.   Paris.   Par  la  Compagnie  des  Libraires  associés .. .    3  tomes 

8°  (17  X  9  cm.)  :  T.  i,  pp.  n-103,  page  blanche.  Prem^  partie  du  roman,  n, 
pp.  106,  dont  103  de  texte.  Deux^  partie.  T.  m,  pp.  214.  Troisième  et 
quatrième  parties.    B.A.    B.  Nat. 

58.  1714.  La  Princesse  de  Clèves  ou  les  Amours  du  duc  de  Nemours  Avec 
cette  Princesse.  Nouv.  édit.  Amsterdam,  David  Mortier.  1714.  1  vol. 
in  12°.  K.U.B.B.  K.B.D.  K.B.H. 

59.  1719.  La  Princesse  de  Clèves.  Paris,  Comp.  Lib.  Ass.  3  T.  en  un  vol. 
in  12°:  i,  pp.  vi-104.   n,  pp.  105-208.   in,  pp.  210.   B.M.   B.  Nat. 

60.  1725.  Idem.  Même  pagination.  Enregistré  le  27  fév.  1719.  B.  Nat. 
B.  Maz. 

^  La  Bibliothèque  de  la  Sorbonne  vient  d'acquérir  un  exemplaire  de  cette 
édition,  devenue  très  rare  (R.  ra.  1044). 


Bibliographie  231 

61.  1741.   Idem,    r,  pp.  204.    n,  pp.  212.    B.N. 

62.  1752.    Idem.    Réimpression  du  No.  61.    B.N. 

63.  1764.  Id.  Comp.  Lib.  Ass.  2  vols,  in  12°  (14x8  cm.):  i,  pp.  224.  n, 
pp.  224.   B.A.    B.M.    B.N. 

64.  1780.  La  Princesse  de  Clèves  par  Mme  de  la  Fayette.  A  Paris,  de  l'im- 
primerie de  Didot  l'aîné.  2  T.  in  12°:  i,  pp.  184.  n,  pp.  166.  Collection 
du  comte  d'Artois,  Nos.  7-8.  Voir  le  No.  42  ci-dessus.  B.M.  (Vélin) 
B.N.    B.N.F. 

65.  1782.  La  Princesse  de  Clèves.  A  Londres.  2  vols.  :  i,  pp.  186.  n,  pp.  184. 
Bibliothèque  amoureuse.    K.L.S. 

66.  1791.  Idem.  Londres,  mdlxxxxi  (sic).  2  T.  in  12»  (13/5  x 8/5  cm.):  i, 
pp.  164.    n,  pp.  160.    B.M. 

67.  1798.  Idem.  Paris  Chez  Lemierre,  Raphaël  et  Bertrandet.  An  VII. 
I,  pp.  172.  n,  pp.  171,  in  12°.  B.R.C. 

68.  1818.  Id.  par  Mme  de  la  Fayette.  Paris,  Ménard  et  Deseime  Fils.  1  vol. 
in  180  (13  X  8/5  cm.),  pp.  298.   Quatre  gravures.   B.M.   B.N. 

69.  1825.  Idem.  Paris,  Corbet  aîné.  1vol.  in  12°  (15x9  cm.),  pp.  270. 
Bibliothèque  française.    B.N. 

70.  1828.  Réimp.  du  No.  64.  Nous  n'avons  pu  trouver  d'exemplaire  de  cette 
édition  signalée  par  Graesse  et  Taine. 

71.  1828  (?).  Cette  édition  signalée  par  Taine  est  la  même  que  le  No.  69. 
EUe  est  mentionnée  (No.  5181)  dans  le  Journal  de  la  Librairie  de  cette 
année  avec  la  date  1825  entre  parenthèses. 

72.  1830.  Idem.  Au  bureau  des  éditeurs.  Rue  Saint-Jacques,  No.  156.  1  vol. 
in  12°  (14  X  8/5  cm.),  pp.  272.  Notice  sur  Mme  de  La  Fayette,  pp.  1-8.  Bib. 
des  amis  des  lettres,  205^  livraison.   B.N. 

73.  1853.  Idem.  Paris,  Bureau  de  la  Bib.  Choisie,  28  rue  des  Bons  Enfants. 
1  vol.  in  120(15/5  X  9/5  cm.),  pp.  186.   B.N. 

74.  1861.  Idem.  Paris,  Adolphe  Delahays. . .  1  vol.  in  12o  (16/5  x  10/5  om.), 
pp.  186.    B.N. 

75.  1868.  Idem.  Paris,  Picard...  1  vol.  in  12»  (16x10 cm.),  pp.  vin-238, 
Table.   Nouvelle  collection  Jannet.    B.M.   B.N. 

76.  1877.   Réimp.  du  No.  75  chez  Lemerre.   B.N. 

77.  1878.  Idem.  Paris,  Quantin.  1  vol.  in  12o  (20  x  12  cm.),  pp.  394.  Préf.  de 
Taine,  Eaux  fortes  de  Masson,  Facsim.  d'écriture.  Le  style  a  été  modernisé 
mais  on  trouve  les  variantes  à  la  fin.  BibUog.  Vol.  3  de  la  Petite  bib.  de 
luxe.    B.  Sorb.  etc. 

78.  1881.  Idem,  précédée  d'une  étude  par  M.  de  Lescure.  Front,  gravé  par 
Lalauze.  Paris,  Lib.  des  Biblioph.  1  vol.  in  12o  (18  x  11  cm.),  pp.  LXxn-232. 
Bib.  des  Dames,  No.  2.   B.N.  etc. 

79.  1881.  Idem.  Paris,  Lib.  de  la  Bib.  Nat.  1  vol.  in  12°  (14x9  cm.), 
pp.  192.    Bib.  Nat.  Coll.  des  meill.  auteurs  anc.  et  mod,   B.N.  etc. 

80.  1881,   Réimp,  du  No.  75.   Coll.  Jannet-Picard. 


232  Madame  de  La  Fayette 

81.  1889.  La  Princesse  de  Clèves,  Préf.  par  Anatole  France.  Un  portrait 
front,  et  12  compos.  de  Gamier  gravées  par  Lamotte.  Paris,  Conquet. 
1  vol.  in  8°  (20/5  x  13/5  cm.),  pp.  xxvin-346.   B.N.  etc. 

82.  1890.   Réimp.  du  No.  79.    N.Y.P.L. 

83.  1891.   Réimp.  du  No.  75  sous  le  titre — No.  202  des  Auteurs  Célèbres.  B.N. 

84.  1892.   Réimp.  du  No.  79.^ 

85.  1895.   Idem.  l  B.N. 

86.  1897.   Idem.  J 

87.1908.  La  Princesse  de  Clèves. .  .Paris,  Bauche.  1  vol.  in  8°,  pp.  xxn-102. 
Intro.  par  Pierre  Sales,  Gravures  sur  bois. 

88.  1909.  Œuvres  de  Mme  de  la  Fayette,  La  Princesse  de  Clèves,  avec  une 
notice  par  Maxime  Formont.  Paris,  Lemerre,  1  vol.  in  12°  (Elzév.),  pp. 
xxxvi-270.    Port,  front.    Petite  bib.  litt. 

89.  1912.  La  P.  de  C.  Paris,  Perche.  1  vol.  in  12°,  pp.  XLin-227.  Intro.  et 
note  bibKog.  par  Auguste  Dorchain.   Chefs-d'œuvre  de  poche,  No.  4. 

89*'''^.  1913.  La  Princesse  de  Clèves.  Décoré  d'un  portrait  de  l'auteur  à  l'eau 
forte  et  au  burin  et  de  14  grav.  sur  bois  originales  de  T.  L.  Perrichon. 
Paris,  PeUetan.    In  8  carré,  pp.  289. 

89«<'^  1914.  La  P.  de  C.  Paris,  Collection  des  chefs-d'œuvre  (Farreyrol)  m.  16", 
pp.  304.    (Tirée  à  mille  exemplaires.) 

90.  S.d.  Une  réimp.  hollandaise  du  No.  49  souvent  attribuée  aux  Elzevier, 
mais  qui  serait  de  WoHgang  d'après  Willems  {Les  Elzevier,  Voir  le  No.  1923). 
B.M. 

91.  S.d.  Les  Amours  de  la  Princesse  de  Clèves  et  du  Duc  de  Nemours,  s.l. 
In  120,  pp.  252  et  1  f.  non  chiff.  pour  le  priv.  B.U.G. 

92.  S.d.  La  Princesse  de  Clèves.  A  Lyon,  chez  Antoine  Besson,  pp.  347, 
1  p.  priv.,  7  pp.  catalogue.    1  vol.  in  12°.  K.U.B.B. 

(MM.  Chamard  et  Rudler  préparent,  en  ce  moment,  une  édition  critique 
de  la  P.  de  C. 

La  maison  Crès  avait  annoncé  la  publication  de  ce  roman  dans  la  série 
des  Maîtres  du  hvre.   Elle  est  abandonnée.) 

Voir  aussi  Collections. 

Histoire  de  Madame  Henriette  d' Angleterre. 

Manuscrits. 

A.  Histoire  p. . . .  par  Madame  de  la  Fayette.    Récit  de  la  mort  de  Madame 

par  le  Sr.  Feuillet.   B.  Arsenal,  4141  (665  H.F.). 

Papier,  231  pp.  4- les  pp.  A-c.  212  sur  165  mm.  Écriture  du  XYII® 
siècle.  Port.  grav.  d'H.  d'A.  par  Grignon.  Notes  en  marge.  De  la  bib. 
de  M.  de  Paulmy.   Antérieurement  ex  musaeo  du  TiUiot  anno  1700. 

B.  Histoire  de  Madame  Henriette . . .  Copie  soignée  de  la  fin  du  XVIP  siècle. 

Papier,  113  ff.    268  sur  180  mm.   Bib.  de  Besançon. 

Éditions. 

93.  1720.  Histoire  de  Madame  Henriette  d'Angleterre.  Première 
femme  de  PhiKppe  de  France,  Duc  d'Orléans,  par  Dame  Marie  de  la 
Vergne,  Comtesse  de  la  Fayette.  A  Amsterdam,  chez  Michel  Charles  le 
Cène,  MDCcxx.  Un  vol.  in  12°  (15/5  x  9/5  cm.),  pp.  vi-224,  24  pp.  catalogue 
de  la  Maison  le  Cène.   B.M.   B.N. 


Bibliographie  233 

94.  1720.   Idem,  mais  de  220  pp.  B.N.  Y^  46320. 

95.  1721.  Idem.  A  Amsterdam  chez  Michel  le  Sincère.  Un  voL  in  12°,  pp. 
vm-240.    B.V.L.    N.Y.P.L. 

96.  1742.  Idem.  Amsterdam,  Jean  F.  Bernard.  Un  vol.  in  8°  (16  x9cm.), 
pp.  vi-220.  A  la  fin  on  trouve  les  lettres  relatives  à  la  mort  de  Madame. 
B.M.   B.D. 

97.  1853.  Idem.  Paris,  Hachette  (Bib.  des  Chemins  de  fer).  I  vol.  in  18°  de 
vin-127pp.  K.B.B.   B.R.B. 

98.  1853.  Idem,  publiée  par  A.  Bazin.  Paris,  Techener.  1  vol.  in  16° 
(16  X  10  cm.),  pp.  cxci.  Bazin  supprima  les  lettres  relatives  à  la  mort  de 
Madame.  Port,  front.  B.M.  B.N. 

99.  1882.   Idem,  avec  une  introduction  par  Anatole  France.  Paris,  Charavay. 

1  voL  in  12",  pp.  LXXXlv-188.    Port,  de  M.  H.  d'A.    Lettres  relatives. . . 

Frag.  de:  Les  Amours  du  Palais  Royal.   Lettre  de  Mme  H.  d'A.   (Bib.  des 

Français.) 

Voir  après  Mémoiees. 

Voir  aussi  Collections. 

Mémoires  de  la  Cour  de  France,  1688-1689. 

100.  1731.  MÉMomES  de  la  Coue  de  Fkance  pour  les  années  1688  et  1689 
par  Madame  la  Comtesse  de  La  Fayette.  A  Amsterdam  chez  Jean  Frédéric 
Bernard.   Front,  grav.   1  vol.  in  12°  (16/5  x9cm.),  pp.  234.  B.M.  B.  Maz. 

101.  1742.   Idem.    Réimpression.    B.M.    B.N. 

Histoire  et  Mémoires  ensemble. 

102.  1779.  Œuvres  diverses  de  Madame  la  Comtesse  de  la  Fayette.  Maestricht, 
J.  E.  Dufour  et  P.  Roux,  i,  Mme  H.  d'A.  pp.  xn-210.  n,  Mém.  pp.  n-224. 

2  vols,  in  120  (ig  x  10  cm.).    B.N. 

103.  1779.  Quérard  signale  une  édition  pareille  à  la  précédente,  mais  publiée 
à  Berne.   Nous  n'avons  pas  pu  en  trouver  un  exemplaire. 

104.  1820.   Dans  la  collection  Petitot,  Tomes  64-65. 

105.  1839,    Id.  Michaud  et  Poujoulat,  Tome  vm. 

106.  1890.  Avec  préface,  notes  et  tables,  par  Eugène  Asse.  Paris,  Jouaust. 
1  voL  (17  X  11  cm.),  pp.  xxn-302.   Bib.  des  Mémoires. 

Voir  Collections. 

La  Comtesse  de  Tende. 

107.  1724.  La  comtesse  de  Tende,  Nouvelle  historique,  par  Madame  de  La 
Fayette,  Mercure  de  France,  Juin,  1724,  pp.  1267  à  1291. 

La  date  1720,  donnée  par  toutes  les  bibliographies  vues  au  cours  de 
nos  recherches,  est  inexacte. 

Voir  Collections. 

Collections. 

Mami^crits. 

108.  Bib.  Munie,  de  Nîmes,  235  (13883). 

(a)    Hist.  de  Henriette  d'Angleterre. 

(6)    pp.  79-112.    La  Princesse  de  Montpensier. 

(c)    pp.  113-128.    La  Comtesse  de  Tende. 


234  Madame  de  La  Fayette 

Papier,  128  pp.  Hauteur  197  mm.,  XVIP  siècle.  Sur  la  première  page 
la  note  suivante:  Mlle  d'Aubais  ce  7  décembre  1728.  Sur  les  plats  un  ex 
libris:    Bib.  du  Marquis  d'Aubais. 

109.  Bib.  de  Sens  221,  p.  292:  (a)  Histoire  de  Henriette  d'Angleterre,  {h)  La 
Comtesse  de  Tende.  Papier,  460  pp.,  263  sur  190  mm.,  XVIIP  siècle. 

Éditions. 

110.  1741.  Bib.  de  Campagne  ou  Amusements  de  l'esprit  et  du  cœur.  A  La 
Haye,  Jean  Neaulme,  in  12°.  T.  iv,  pp.  257.  La  Comtesse  de  Tende. 
T.  V,  pp.  209-354.  La  Princesse  de  Clèves.  T.  xn  (1742),  pp.  111-146 
La  Princesse  de  Montpensier.    B.N. 

111.  1749.   Idem.   Nouv.  éd.   T.  v,  pp.  1-292,  C.  de  T.  et  P.  de  M.    T.  vm, 

P.  de  C.    T.  X,  Zayde. 

112.  1761.  Idem.  Genève,  v,  Zayde.  vu,  P.  de  C.  vm,  C.  de  T.,  P.  de  M. 
B.R.B. 

113.  1775-1776.  Bib.  Univ.  des  romans  anciens  et  modernes. .  .Paris 
(161  x97mm.).  T.  iv,  p.  156,  Zaïde.   T.  v,  p.  129,  P.  de  C.   T.C.D. 

114.  1786.  Œuvres  de  Madame  de  la  Fayette.  Amsterdam  et  Paris.  8  tomes 
en  4  vols,  in  12°  (14/5  x  7/5  cm.).  Vol.  i:  pp.  1-36,  Notice  par  Delandine; 
pp.  i-xcvm.  L'origine  des  romans  (Huet);  p.  122,  Zayde.  Vol.  n:  Zayde, 
suite  et  fin;  p.  254,  La  P.  de  C.  Vol.  ni:  La  P.  de  C,  suite  et  fin;  La  P.  de 
M.;  Lettres  à  Mme  de  Sévigné;  Portrait  de  Mme  de  Sévigné.  Vol.  iv  :  Mém.  ; 
Hist.  de  Mme  H.,  lettres  relatives. . .    Bib.  Nat. 

116.  1804.   Œuvres  complètes  de  Mesdames  de  la  Fayette  et  de  Tencin. 

Nouv.  éd etc.    Paris,  chez  Cobiet. .  .etc.    5  vols,  in  8°  (20  x  13  cm.),    i: 

Notice  par  Auger  ;  Orig,  des  Romans  ;  Zayde  ;  Port,  front,  de  Mme  de  la 
F.  n:  P.  de  C. ;  C.  de  T.;  P.  de  M.;  Mém.  m:  Mémoires,  suite  et 
fin;  Hist.  de  Mme  H.,  Lettres  relatives. . .  ;  Lettres  à  Mme  de  Sévigné; 
Extraits  de  lettres  diverses  de  Mme  de  la  Fayette;  Portrait  de  Mme  de 
Sévigné, 

116.  1807.  La  Princesse  de  Clèves,  suivie  des  lettres  à  Madame  la  Marquise 
de . . .  sur  ce  roman  et  de  la  Comtesse  de  Tende.  Paris,  Ange  Clo.  2  vols, 
in  120  (18x10  cm.).    b,n. 

117.  1812.    Œuvres  complètes  de  Madame  de  la  Fayette,  nouv.  éd Paris, 

d'Hautel.  5  vols,  in  12°  (14  x  8/5  cm.),  i  :  Notice,  28  pp.  ;  Orig.  des  romans  ; 
Zayde.  n:  Zayde,  suite  et  fin.  ni:  La  P.  de  C.  iv:  P.  de  C,  suite  et  fin; 
C.  de  T.;  P.  de  M.;  Mém.  v:  Mémoires,  suite  et  fin;  Hist.  de  Mme  H., 
Lettres  relatives...;  Lettres  à  Mme  de  Sévigné;  Portrait  de  la  même. 
B.N.     B.M.N. 

^118.  1814.  Collection  des  meilleurs  ouvrages  de  la  langue  française  dédiée 
à   son   altesse   royale   Madame,    duchesse   d'Angoulême. . .   Paris,  Didot 

l'aîné.  La  P.  de  C.  suivie  de  la  P.  de  M 2  vols.  l,  pp.  vi-156.  n,  pp.  209. 

U.B.L.     Zaide...    2  vols.      B.V.N. 

119.  1820.  Œuvres  complètes  de  Mesdames  de  la  Fayette,  de  Tencin  et  de 
Fontaines.    Avec ...  notices ...  par  Auger.    Paris,  Lepetit.    4  vols,  in  8® 

^  Voir  dans  la  Revue  d'Histoire  littéraire  de  la  France,  2ie  année.  No.  ] ,  janvier- 
mars,  1914,  pp.  237-238:  une  note  de  M.  René  Harmand. 


Bibliographie  235 

(20  X  13  cm.),  Grava,  i,  pp.  382:  Orig.  des  Romans;  Zaïde.  n,  pp.  526: 
P.  de  C.  ;  C.  de  T.  ;  P.  de  M.  ;  Mém.  ;  Hist.  de  Mme  H.,  Lettres  relatives. . .  ; 
Idem  à  Mme  de  Sév.  ;  Portrait  de  Mme  de  Sév. 

120.  1823.    Graesse  signale  une  édition  plus  complète  de  la  précédente. 

121.  1823.  Mémoires  de  la  cour  de  France. .  .Paris,  Colnet. .  .Pillet  aîné. . . 
1  vol.  in  18°  (13/5  x8cm.),  pp.  222.  Notice  d'Auger;  Mém.;  Portrait  de 
Mme  de  Se  vigne;  Coll.  des  Mém.  hist.  des  Dames  françaises.   13^  liv.  B.N. 

122.  1825.  Œuvres  complètes  de  Mesdames  de  la  Fayette,  de  Tencin  et  de 
Fontaines. .  .notices. .  .Etienne  et  Jay. .  .Paris,  P.  A.  Moutardier.  5  vols, 
in  8°.  I:  Notice  par  Jay;  Orig.  des  Romans;  Zaïde;  pp.  xliv-418.  n:  P.  de 
C;  C.  de  T.;  P.  de  M.;  Mém.;  Table;  pp.  424.  m:  Mém.  suite  et  fin; 
Hist.  de  Mme  H.,  Lett.  rel ;  Lett.  à  Sév.;  Port,  de  Sév.;  pp.  436.   B.X. 

123.  1826.  La  Princesse  deClèves  suivie  de  la  princesse  de  Montpensier . .  .Paris, 
Werdet. . .  2  vols,  in  16°  (12  x  8  cm.),  Gravs.  i:  pp.  xvi-170.  n:  pp.  232. 
Coll.  des  meill.  rom.  franc,  dédiée  aux  Dames.  B.N.  Zaïde,  2  vols.  N.Y.P.L. 

124.  1827.  Idem,  chez  Dauthereau.  2  vols,  in  16°  (12  x  8  cm.),  i,  pp.  vin-168: 
Lettre  de  Fontenelle  tirée  du  Mercure;  P.  de  C.  n,  pp.  222.  Coll.  des 
meill.  rom.  franc,  et  étrangers.    B.N. 

125.  1832.   Réimp.  du  No.  122.     B.N. 

126.  1835.  Idem.  Paris,  A.  Desrez...  1  vol.  in  8°  (20  x  12/5 cm.),  pp.  xn- 
164.     Bib.  écon.  et  périod.  des  meilleurs  romans.    B.N. 

127.  1846.  Œuvres  choisies  de  Madame  de  La  Fayette. .  .Paris,  Au  Bureau 
de  la  Gazette  des  Femmes.  2  vols,  in  8°  (12  x  16  cm.).  l,  pp.  264:  C.  de  T. ; 
P.  de  M.  ;  H.  d'A.  ;  P.  de  C.     n,  pp.  152:  P.  de  C.    Bib.  des  Dames.     B.N. 

128.  1859.  La  Princesse  de  Clèves  suivie  de  La  Princesse  de  Montpensier. . . 
1  vol.  in  18°,  pp.  xn.  Lettre  de  Fontenelle-322.   B.N. 

129.  1864.  Œuvres  de  Madame  de  la  Fayette.  Gravures  sur  acier  d'après 
les  dessins  de  G.  Staal.  Paris,  Garnier  Frères.  1  vol.  in  8°  (23  x  14/5  cm.), 
pp.  XVI,  Notice  par  Auger-510.  Bib.  Amusante.  Zaïde  ;  P.  de  Cl.  ;  P.  de  M.  ; 
C.  de  T.  ;  Lettres  à  Slme  de  Sév.  ;  Portrait  de  Mme  de  Sév.  ;  Orig.  des  Romans. 
B.M. 

130.  1875.   Réimp.  de  la  précédente.     B.N. 

131.  S.d.  (1882).  Romans  et  nouvelles  de  Madame  de  la  Fayette ...  Préf. 
d'Auger.  Paris,  Garnier.  1  vol.  in  16°  (18  x  11  cm.).  Front,  sur  bois.  pp. 
xvn-484.  Zaïde;  P.  de  C;  P.  de  M.;  C.  de  T. 

132.  1896.  La  Fayette's  La  Princesse  de  Clèves.  Edited  with  introduction 
and  notes  by  B.  F.  SIedd  and  J,  H.  Gorrell.  12^.  xn-152  pages.  Boston, 
É.U.A.  et  Londres. 

133.  1905.  Mémoires  de  Mme  de  la  Fayette.  Précédés  de  la  Princesse  de 
Clèves.  Paris,  Ernest  Flammarion,  s.d.  (1905).  1  vol.  in  16°,  pp.  374. 
Mém.  H.  d'A.;  P.  de  C. ;  Notice  de  deux  pages  en  tête;  Port,  et  facsim. 
d'autogr. 

134.  1910  La  Princesse  de  Clèves  suivie  de  La  Princesse  de  Montpensier 
et  de  La  Comtesse  de  Tende.  Avec  biographie  et  notes  par  L.  Coquelin,  et 
7  grav.  dont  deux  hors  texte.   1  vol.  in  16°,  pp.  179.  Bib.  Larousse. 


236  Madame  de  La  Fayette 

^135.  S.d.  La  Princesse  de  Clèves  (La  Princesse  de  Montpensier.  La  Comtesse 
de  Tende).  Introduction  par  Mme  Lucie  Félix-Faure  Goyau.  1  vol.  in  16°, 
pp.  xiv-302.   Collection  Gallia.   Londres  (Dent).    Paris  (Crès). 

Recueils  et  Extraits. 

136.  1684.  Recueil  de  pièces  galantes  en  prose  et  en  vers  de  Madame  la 
comtesse  de  la  Suze  et  de  Monsieur  PéUsson.  Augmenté  de  plusieurs  pièces 
nouvelles  de  divers  autheurs.  A  Paris  chez  G.  Quinet.  4  vols,  in  12".  Le 
Tome  m  contient  à  la  page  193  La  Princesse  de  Montpensier  par  Mme  de 
La  Fayette. 

137.  1691.  Idem,  chez  Guillaume  Cavelier...  Identique  au  No.  136  quant 
au  Tome  m. 

138.  1693.    Idem. 

139.  1695.    Idem.    Lyon  chez  Claude  Rey. . .  Idem. 

140.  1696.   Idem,  chez  Guillaume  Cavelier.    Idem. 

141.  1698.    Idem. 

142.  1725.    Idem.    Nouvelle  édition.    A.  Trévoux...  Tome  m,  p.  209. 

143.  1741.  Idem.  Nouvelle  édition  à  laquelle  on  a  joint  le  voyage  de  Bachau- 
mont,  les  poésies  du  Chevaher  d'AceiUy  ou  de  Cailly . . .  etc.  Semblable 
au  No.  142. 

144.  1741.    Idem. 

145.  1775-1789.  Bib.  univ.  des  romans,  ouvrage  périodique...  12  vols,  in 
12°.  Paris.  Nov.  1775.  p.  156,  Notice,  extrait  de  Zaïde,  extrait  de  la  P.  de 
M.  Jan.  1776.  p.  129,  Critique  et,  à  la  p.  186,  extrait  de  la  P.  de  C. 
p.  214,  La  C.  de  T. 

146.  1886.  Jacquinet.  Les  femmes  écrivains.  Paris,  Bélin.  8»,  pp.  176-7-8. 
Notice  et  extr.  de  Zaïde,  P.  de  C,  H.  d'A.,  Portrait..  Deux  lettres  à  Mme 
de  Sév. 

147.  1891.  La  Cour  de  France  au  XVIP  siècle  par  Mme  de  La  Fayette. 
Angers,  Burdin.   Une  broch.  de  36  pp.  in  8°. 

148.  1894.  Morillot.  Le  roman  en  France  depuis  1610  jusqu'à  nos  jours. 
Paris.    Notice  et  extr. 

149.  1897.  Madame  de  la  Fayette  Paris,  Ollendorf.  1  vol.  in  16°,  pp.  XL-292. 
Série:  Coll.  pour  les  jeunes  fiUes;  Choix  de  mém.  et  écrits  des  femmes  fr. 
au  XVII^,  XVIII^,  et  XIX^  siècles  avec  leurs  biog.  par  JVIme  Carette,  née 
Bouvet;  Notice,  Préf.  de  l'Hist.  de  H.;  Hist.  de  Mme  H.,  Lettr.  rel.  ; 
Mém.  ;  Lettre  à  Mme  de  Sév.  ;  Extr.  de  lettres  diverses  ;  Portrait. 

150.  1903.  Bonnefon,  Paul.  La  Soc.  fr.  au  XVII^  siècle.  Paris,  Colin.  1  vol. 
in  16°.   Extr.  des  Mém.  pp.  339-344. 

151.  S.d.  Mme  de  la  Fayette.  La  Princesse  de  Clèves.  Paris,  Cornély.  Une 
brochure  de  32  pp.  qui  donne  des  bribes  du  roman  reliées  entre  elles  par 
du  français  du  XIX«  siècle.  Les  paragraphes  qui  sont  à  Mme  de  La  F.  ne 
sont  pas  marqués.   Le  livre  pour  tous.   Nouv.  série,  10  c. 

152.  S.d.  Les  femmes  auteurs  de  mémoires  au  XVIP  siècle  (Mmes  de  Motte- 
ville,  de  la  Fayette,  et  de  Caylus).  Pithiviers,  M.  A.  Nameless.  Une  brochure 
de  20  pp.  :  pp.  6-7,  Un  paragr.  sur  la  Princesse  Henriette  :  pp.  7-10,  La 
mort  de  Mme.   Portrait  de  Mme  de  La  Fayette  sur  la  couverture. 

^  On  a  pris  de  grandes  Ubertés  avec  le  texte  de  la  P.  de  C. 


Bibliographie  237 


Correspondance  . 

Lettres  publiées  seulement.  La  correspondance  de  Mme  de  La  Fayette  est 
éparse  dans  des  collections  particulières  et  dans  des  bibliothèques  hors  de 
France.  La  place  nous  manque  pour  détailler  celles  dont  nous  avons  appris 
l'existence  au  cours  de  nos  recherches.  Nous  espérons  pouvoir  en  faire  un 
recueil  après  la  publication  de  cette  étude. 

153.  1709.  Lettre  écrite  par  Madame  de  la  Fayette  où  elle  fait  parler  un 
amant  jaloux  à  sa  maîtresse.  Aux  pp.  151,  152  des  Lettres  de  Bussy- 
Rabutin.    Paris,  Florentin  Delaulne.    In  12°.    B.  Sorb. 

154.  1751.  Recueil  de  lettres  choisies  pour  servir  de  suite  aux  lettres  de  Mme 
de  Sévigné  à  Mme  de  Grignan,  sa  fille  (Gard,  de  Retz,  duc  de  La  Rochefou- 
cauld, Mme  de  La  Fayette,  etc.).  Paris,  Rollin.  In  12°.  B.  Tr. 

155.  1805.  Lettres  de  Mmes  de  Villars,  de  Coulanges  et  de  la  Fayette;  de 
Ninon  de  l'Enclos  et  de  Mlle  Aïssé.  Paris,  GoUin,  an  XIII.  2  vols,  in  12°. 
B.P.V.N. 

156.  1805.  Lettres  de  Mesdames  de  Villars,  de  la  Fayette  et  de  Tencin  et 
de  MUe  Aïssé.  Précédées  d'une  notice  et  accompagnées  de  notes  explic. 
Paris,  GoUin.    In  12°,  pp.  XLvn-366.   B.U.G.   B.M.N. 

157.  1806.  Lettres  de  Mmes  de  Villars,  de  la  Fayette,  de  Tencin,  de  Coulanges, 
de  Ninon  de  l'Enclos,  et  de  MUe  Aïssé.  Ace.  de  notices  biog.j  de  notes 
explic.  et  de  La  Goquette  Vengée  par  Ninon  de  l'Enclos.  3^  éd.  Paris, 
Gollin.  3  vols,  in  12°.  Lettres  et  port,  de  Mme  de  Sév.  B.N. 

158.  1818.  Lettres  de  Mme  de  Sévigné  de  sa  famille  et  de  ses  amis  pub.  par 
Monmerqué.   Paris,  Biaise.    12  vols  in  12°.   B.  Tr. 

159.  1821.  Delort,  J.  Mes  voyages  aux  environs  de  Paris.  Paris,  Picard- 
Dubois.  2  vols.  8°.  Contient  huit  lettres  de  Mme  de  La  Fayette  à  Mme  de 
Sablé  tirées  des  Portefeuilles  de  Valant  (Bib.  Nat.)  avec  un  fac.  de  la 
première. 

Outre  les  éditions  citées  plus  loin,  ces  lettres  ont  été  publiées  en  partie 
par:  Sainte-Beuve,  Portraits  de  Femmes;  Gérusez,  Plutarque  fran.  iv,  p. 
304;  Victor  Cousin,  Mme  de  Sablé;  M.  G.  Trochon,  dans  Anal,  juris  ponti- 
ficii,  sept.-oct.  1876,  et  dans  le  Correspondant,  T.  cv,  pp.  869  et  1079  et 
T.  cvi,  1080. 

160.  1823.  Collection  épistolière  des  femmes  célèbres  du  siècle  de  t!ouis  XIV, 
suivie  des  souvenirs  de  Mme  de  Gaylus  pour  faire  suite  aux  lettres  de 
Mesdames  de  Sévigné,  Maintenon,  du  Defifant,  Lespinasse  et  du  Châtelet. 
Tome  I  contenant  les  lettres  de  Mesdames  de  Villars,  de  la  Fayette  et  de 
Tencin.  Paris,  Chaumerot  jeime.  Cette  coU.  devait  avoir  10  vols.,  quatre 
seulement  ont  paru. 

161.  1855-6.  Foumier  (Edouard),  Variétés  historiques  et  littéraires.  Recueil 
de  pièces  volantes  rares  et  curieuses  en  prose  et  en  vers.  Revues  et  anno- 
tées. . .  Paris,  Pagnerri,  Bib.  elzév.  T.  rx,  pp.  117-129.  Les  mêmes  lettres 
qu'au  No.  159.   U.B.L. 


238  Madame  de  La  Fayette 

162.  1863.   Réimp.  du  No.  161. 

163.  1863.  Bulletin  du  Bibliophile,  1862,  pp.  977-8.  Deux  lettres  de  Mme 
de  La  Fayette  à  Ménage. 

164.  1870.  Huit  lettres  de  Mme  de  la  Fayette  à  Mme  de  Sablé.  Paris,  Libr. 
des  Biblioph.  (  Jouaust)  Plaquette.  2  fiE.  blancs,  14  pp.  y  compris  titre  et 
avertissement  non  signé.  B.  du  H.  (Publiées  pour  servir  de  spécimen  aux 
ouvrages  en  prose  que  devait  publier  le  Cab.  du  Bibliophile.) 

165.  1876.    Bulletin  du  BibUophile,  p.  258.   Une  lettre. 

166.  1878.  FUlon,  Inventaire ...  de  la  collection ...  FiUon.  Paris,  Charavay. 
pp.  88,  No.  1003.    Billet,  in  extenso. 

167.  1879.  Henry  (Charles).  Un  érudit  homme  du  monde,  homme  d'église, 
homme  de  cour,  1630-1671.  Lettres  inédites  de  Mme  de  La  Fayette. .. 
extraits  de  la  correspondance  de  Huet.   Paris,  Hachette.    1  vol.  %°. 

168.  1879.   Rassegna  settimanale,  30  mars  (Turin).    Une  lettre. 

169.  1880.  Curiositâ  di  storia  subalpina. . .  Turin  (Bocca  frères).  8°.  Lettere 
inédite  di  Madama  di  La  Fayette  e  sue  relazioni  con  la  Corte  di  Torino. 
Une  collection  de  lettres  adressées  au  secrétaire  de  Madame  Royale. 

170.  1890.  Revue  des  deux  mondes,  15  mai.  Un  article  de  M.  d'Haussonville 
qui  reproduit  quelques  lettres  de  la  collection  Feuillet  de  Conches. 

171.  1901.  Lanson,  G.  Choix  de  lettres  du  XVIP  siècle. . .  vi^  éd.  Hachette, 
etc.  etc. 

Voir  aussi  Collections. 

Traductions. 
Allemandes. 

172.  1789-94.  Une  traduction  des  Romans,  3  vols,  in  8°  dont  nous  n'avons 
retrouvé  que  :  1794,  Henriette  von  England.  Deutsch  herausgegeben  von 
Fr.  Schulz.    Berlin.    1  vol.  8°  (14  x9cm.),  pp.  xxiv-256.   B.M. 

173.  Werke.  2  vols.  8°  (Kay,  Buch-Lex.  Vol.  1750-1832,  p.  457).  La  même 
édition  que  la  précédente? 

Anglaises. 

174.  1666.  The  Princesse  of  Montpensier.  Written  originally  in  French  and 
now  newly  rendered  into  EngUsh.  London.  1  vol.  in  8°  (16/5  x  10/5  cm.), 
pp.  vin-84.   B.M. 

175.  1678.  Zayde.  A  Spanish  History  or  Romance  Originally  written  in 
French  by  Monsieur  Segray  donc  iuto  Enghsh  by  P.  Porter,  Esq.  London 
(William  Cademan).  2  Tomes  en  1  vol,  in  8°  (18  x  11/5  cm.),  i,  pp.  xn- 
176.    n,  pp.  192.    B.M. 

176.  1679.  The  Princess  of  Cleves.  The  most  famed  Romance  written  in 
French  by  the  greatest  Wits  of  France.  Translated  into  English  by  a 
Person  of  Quahty,  at  the  request  of  some  friends.  London,  R.  Bently, 
M.  Magnes.   1  vol.  in  12o  (17  x  10/5  cm.),  pp.  259.  B.N. 

177.  1688.   Une  réimp.  de  la  précédente.   Identique. 

178.  1690.  Seconde  éd.  du  No.  175.  London  (Francis  Saimders).  1  voL  in 
80,  pp.  vi-272  (16/5  x  10  cm.).   B.M. 


Bibliographie  239 

179.  1722.  A  select  collection  of  novels,  in  six  volumes,  by  the  most  celebrated 
authors  in  several  languages.  Many  of  which  never  appeared  in  EngUsh 
before;  and  ail  New  translated  from  the  originals.  By  several  eminent 
hands.  London,  Printed  for  J.  Watts...  6  vols,  in  12°  (16x10 cm.).  I: 
Front.,  xvi-Lii,  Orig.  des  Rom.-266,  Zaïde.  Imprimé  en  1720.  n:  Front., 
214  pp.,  P.  de  Clèves.   iv  + 412  pp.  dans  le  vol.   B.M. 

180.  1729.  Idem,  The  second  édition  adorn'd  with  Cutts.  6  vols,  in  12°. 
I:  vi-338,  Zaide,  Orig.,  etc.   n:  pp.  360,  172  pour  la  P.  de  C.   B.M. 

181.  1777.  A  collection  of  novels  selected  and  revised  by  Mrs  Griffith,  London, 
printed  for  G.  Kearsley . . .  3  vols,  in  12°,  Grav.  (17  x  10).  i  :  Intro.,  Zayde, 
Caractère  de  Zayde  et  anecdotes  sur  l'auteur  par  l'éditeur  (c.-à-d.  sur 
Segrais).  n  :  pp.  278,  196  pour  Zayde.  in  :  La  P.  de  C.  ;  Notes  sur  la  P.  de 
C.    pp.  n,  268,  158  pour  la  P.  de  C.   B.M. 

182.  1796.  Watt  signale  une  traduction  d'Henriette  d'Angleterre  publiée 
à  Londres.    In  12°.   Nous  ne  l'avons  pas  retrouvée. 

183.  1892.  The  Princess  of  Cleves  by  Madame  de  la  Fayette,  translated  by 
Thomas  Sergeant  Perry  with  illustrations  drawn  by  Jules  Garnier. . . 
London,  Osgood,  Mcll vaine  and  Co.  2  vols,  i,  pp.  181,  Préf.  par  Pierre 
Lafitte,  Pts  1  et  2.  n,  pp.  295.  B.M.  (Pap.  du  Japon,  250  ex.  25  seulement 
pour  l'Angleterre.) 

184.  1912.  La  même  que  la  précédente.  London,  Harper  Bros.  1  vol.  Cr.  8°, 
pp.  380. 

Espagnole. 

185.  1888.  Cartas  escogidas  de  Madama  de  Sévigné. .  .retrato  de  Madama 
di  Sévigné  por  Madama  de  La  Fayette  bajo  el  nombre  de  "un  desconocido." 
Paris,  Garnier.    1  vol.  8°. 

Hollandaise  (  ?  ). 

186.  1718.   Zaida.   Amsterdam  (Lescailje).   1  vol.  8°,  vi-62.    B.R.B. 

Pièces  tirées  des  Romans. 

Françaises. 

187.  1678.  La  Princesse  de  Clèves.  Tragédie  de  Boursault.  20  déc.  1678. 
Non  imprimée.    (Frères  Parfait,  Hist.  du  Th.  fr.  xn,  p.  558.) 

188.  1718.  Comédie.  L'Amour  maître  de  Langue.  Th.  Italien  (Bib.  Univ. 
Romans,  nov.  1775,  p.  166). 

189.  1755.    Bret.    La  jalouse   (?  Le  jaloux).    Comédie  tirée  de  Zaïde. 

190.  M.  Jules  Lemaître  a  tiré  une  pièce  de  la  Princesse  de  Clèves.  Voir 
Théâtre,  m  (Calmann-Lévy). 

Anglaise. 

191.  1697.  Lee,  Nathaniel.  The  Princesse  of  Cleves  as  it  was  acted  at  the 
Queen's  Théâtre  in  Dorset  Garden,  London  (Wellington),  B.  Cantab.  xrv. 
16.  10. 

Bibliographie. 

Barbier,  A.   Dict.  des  ouvrages  anonymes.   Paris,  1872.  4  vols.  8°  et  un  supp. 

T.  I,  Colonne  143.   T.  m.  Col.  1025. 
British  Muséum,  Catalogue  du. 


240  Madame  de  La  Fayette 

Brunet,  Manuel  du  Libraire,  etc. 

Bure,  Guill.  de.  Pour  Caraccio  voir  Ouvr.  consultés. 

Claudin,  A.    Bibliographie. .  .Rochebilière.    Paris,  1892. 

Grande  Encyclopédie,  La. 

Lalanne  et  Bordier.  Dict.  de  pièces  autogr.  volées  aux  bib.  pub.  de  la  France. 

Paris,  1851,  1  vol.  8°,  p.  177. 
Lanson,  G.  Manuel  bibliographique. . .  Paris,  4  fasc.  in  8°,  Fasc.  n,  pp.  515-16, 
Le  Petit,  Jules.    BibUog.  des  principales  éditions  orig. . . .  Paris,   1888,  8°, 

pp.  346-351. 
Quérard.   La  France  litt.. . .  Paris,  1830,  T.  iv,  pp.  390-392. 
Quérard.  Les  supercheries  litt. . . .  Paris,  s.d.  2®  éd.   3  vols.  8°,  m.  Col.  624. 
(Ungherini,  A.)  Manuel  de  BibUog. . . .  Turin-Paris,  1892.  1  vol.  8°  et  deux  supp. 
Vallée,  Léon.   Bibliogr.  des  BibUogr.    Paris,  1883. 
Vapereau.    Voir  Appendice,  p.  265. 
Vicaire,   Georges.     Manuel  de  l'Amateur  des  livres. .  .1900,  8",  Tome  rv. 

Col.  863-868. 
WiUems,  Alphonse.   Les  Elzevier...  Bruxelles,  1880,  1  vol.  gr.  8°. 

Iconographie. 

Au  département  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  Nationale. 

Treize  Portraits. 

1.  En  buste  de  f  à  gauche  dans  un  ovale.   Lith.  anonyme. 

2.  idem  à  droite.  Lith.  BeUiars  d'après  Ferdinand. 

3.  idem  à  gauche.  Grav.  par  D- 

4.  idem  à  droite  dans  un  ovale.  Gr.  Delaunay  le  jeune  d'ap.  Ferd. 

5.  idem  id.  Lith.  Delpech. 

6.  idem  id.  id.  Suite  de  Desrochers. 

7.  À  mi-corps  de  |  à  gauche.  Grav.  Fessard  d'ap.  Ferdinand. 

8.  En  buste  de  |  à  gauche  dans  un  ovale.   Lith.  par  Hesse. 

9.  idem  à  droite.    Grav.  par  Lambert  d'après  Ferdinand. 

10.  idem  à  droite.    Grav.  au  trait  sous  la  direction  de  Landon  d'ap.  Fd. 

11.  idem  à  gauche.  Bord,  ovale.  Grav.  Mottet  d'après  Dévéria. 

12.  À  mi-corps  assise  de  |  à  droite.   Grav.  par  RifEaut. 

13.  En  buste  de  |  à  gauche,  Lith.  Villain,  1841. 

Voir  à  ce  sujet  le  cat.  de  cette  coU.  par  Duplessis. .  .Paris,  1907, 8^  No.  25159. 

D'autres  mentions  dans:  Lelong,  Jacques,  Bih.  hist.  de  la  France. .  .1775, 
Fo,  IV,  184;  Tardieu,  Ambroise,  Dict.  icon.  des  Parisiens,  Herment,  1885; 
The  Historical  Gallery,  Londres,  1815,  T.  rn,  Cook  d'ap.  Ferd.;  Panthéon 
français  par  Sudré,  Paris,  1825,  F»,  Port.;  Plutarque  français.  Éd.  Mer- 
michet,  Paris  (Crapulet),  1836-41,  8°. 


APPENDICE  I 

Le  Cardinal  de  Retz  et  Mlle  de  La  Vergne 

Toute  cette  aventure  dont  on  a  tiré  des  conclusions  un  peu  trop  hâtives, 
nous  est  surtout  connue  par  les  Mémoires  du  Cardinal.  Nous  lui  laisserons 
la  parole  le  plus  souvent,  mais,  auparavant,  une  observation  s'impose: 
de  Retz  raconte  tout  au  long  dans  ses  mémoires  nombre  d'affaires 
galantes.  Il  n'est  jamais  effleuré  par  le  moindre  remords,  et  s'il  fait 
un  récit  complaisant  de  ses  débauches  ce  n'est  pas  pour  s'humilier 
devant  le  lecteur  et  la  postérité^.  Au  contraire  il  jubile  au  souvenir  de 
ses  succès,  il  en  tire  vanité,  et  ne  sait  pas  taire  les  noms  de  ses  conquêtes^. 
Voici  donc,  d'abord,  comment  il  parle  de  ses  relations  avec  Mlle  de  La 
Loupe. 

"Mme  de  la  Vergne,  mère  de  Mme  de  la  Fayette  et  qui  avoit  épousé 
en  secondes  noces  le  chevalier  de  Sévigné,  logeoit  oii  loge  présentement 
Madame  sa  fille^.  Cette  Mme  de  la  Vergne  étoit  honnête  femme  dans 
le  fond,  mais  intéressée  au  dernier  point  et  plus  susceptible  de  vanité 
pour  toute  sorte  d'intrigue,  sans  exception,  que  femme  que  j'aie  jamais 
connue.  Celle  dans  laquelle  je  lui  proposai,  ce  jour  là,  de  me  rendre  de  bons 
offices  étoit  d'une  nature  à  efïaroucher  d'abord  une  prude.  J'assaisonnai 
mon  discours  de  tant  de  protestations  de  bonne  intention  et  d'honnêteté, 
qu'il  ne  fut  pas  rebuté  ;  mais  aussi  ne  fut-il  reçu  que  sous  les  promesses 
solennelles  que  je  fis  de  ne  prétendre  jamais  qu'elle  étendît  les  offices  que 
je  lui  demandois  au-delà  de  ceux  qu'on  peut  rendre  en  conscience,  pour 
procurer  une  bonne,  chaste,  pure,  simple  et  sainte  amitié.  Je  m'engageai 
à  tout  ce  que  l'on  voulut.  L'on  prit  mes  paroles  pour  bonnes,  et  l'on 
se  sut  même  très  bon  gré  d'avoir  trouvé  une  occasion  toute  propre  à 
rompre,  dans  la  suite,  le  commerce  que  j'avois  avec  IVIme  de  Pommereux, 
que  l'on  ne  croyoit  pas  si  innocent.  Celui  dans  lequel  je  demandois 
que  l'on  me  servît  ne  de  voit  être  que  tout  spirituel  et  tout  angélique; 
car  c'étoit  celui  de  Mlle  de  la  Louppe  que  vous  avez  vue  depuis  sous  le 
nom  de  IMme  d'Olonne.  Elle  m'avoit  fort  plu  quelques  jours  auparavant 
dans  vine  petite  assemblée  qui  s'étoit  faite  dans  le  cabinet  de  Madame; 
elle  étoit  joUe,  elle  étoit  belle,  elle  étoit  précieuse  par  son  air  et  par  sa 
modestie.  Elle  logeoit  tout  proche  de  Mme  de  la  Vergne;  elle  étoit  amie 
intime  de  Mademoiselle  sa  fille  ;  elles  avoient  même  percé  vuie  porte  par 
laquelle  elles  se  voyoient  sans  sortir  du  logis.   L'attachement  que  M.  le 

^  Pour  être  exact,  disoDs  que  c'était  à  une  lectrice  que  les  mémoires  s'adressaient. 

"  Si  l'on  est  curieux  de  connaître  quels  étaient  les  charmes  du  galant  cardinal 
voici  son  portrait,  d'après  Tallemant  (v.  179):  "Jean  François  de  Gondy. .  .est  un 
petit  homme  noir  qui  ne  voit  que  de  fort  près,  mal  fait,  laid  et  maladroit  de  ses 
mains  à  toutes  choses." 

3  Rue  de  Vaugirard. 

A.  16 


242  Madame  de  La  Fayette 

chevalierde  Sévigné  avoit  pour  moi,  l'habitude  que  j'avois  dans  sa  maison, 
ce  que  je  savois  de  l'adresse  de  sa  femme  contribuèrent  beaucoup  à  mes 
espérances.  Elles  se  trouvèrent  fort  vaines  par  r  événement  ;  car  bien  que 
l'on  ne  m'arrachât  pas  les  yeux,  bien  que  l'on  ne  m'étouffât  pas  à  force 
de  m'interdire  les  soupirs,  bien  que  je  m'aperçusse  à  de  certains  airs, 
que  l'on  n'étoit  pas  fâché  de  voir  la  pourpre  somnise,  toute  armée  et 
toute  éclatante  qu'elle  étoit,  Von  se  tint  toujours  sur  un  pied  de  sévérité 
ou  plutôt  de  modestie  qui  me  lia  la  langue,  quoiqu'elle  fût  assez  libertine, 
et  qui  doit  étonner  ceux  qm  n'ont  point  connu  Mlle  de  la  Louppe,  et 
qui  n'ont  ouï  parler  que  de  Mme  d'Olonne.  Cette  historiette,  comme 
vous  voyez,  n'est  pas  trop  à  l'honneur  de  ma  galanterie^." 

Loin  de  la  condamner,  ce  récit  nous  paraît  tout  à  l'honneur  de  la  jeune 
fille,  qui,  exposée  aux  attentions  du  Cardinal,  a  su  Im  imposer  silence.  Nous 
avons  souligné  certains  passages  qui  feraient  croire  que  de  Retz  veut 
montrer  combien  peu  de  raisons  Mme  de  La  Vergne  aurait  eu  d'interdire 
à  sa  fille  la  fréquentation  de  Mlle  de  La  Loupe.  Voilà  qui  répond  par 
avance  aux  jugements  téméraires  dont  nous  avons  parlé. 

La  future  Mme  de  La  Fayette  a  été  mêlée  à  cette  histoire,  bien  que 
de  Retz  Im-même  ne  mentionnât  pas  son  nom.  Giii  Joly  raconte  ainsi 
l'affaire. 

"Au  commencement,  le  duc  de  Brissac  n'avoit  eu  que  très  peu  de 
part  aux  affaires  du  cardinal  de  Retz;  mais  il  s'étoit,  depuis  quelque 
temps,  si  bien  mis  avec  lui,  et  par  des  voies  si  agréables,  en  liii  ménageant 
des  parties  de  plaisir,  qu'il  étoit  fort  difficile  de  faire  prendre  d'autres 
résolutions  au  Cardinal  que  celles  qui  lui  étoient  inspirées  par  le  duc. 
La  principale  de  ces  parties  de  divertissement  vint  du  commerce  que 
le  duc  de  Brissac  avoit  avec  Mlle  de  la  Vergne,  belle  fille  du  chancelier 
de  Chiverny^,  parent  du  Cardinal.  Cette  demoiselle,  qui  étoit  fort  bien 
faite,  avoit  pour  voisines  Mlles  de  la  Loupe,  dont  l'aînée  étoit  une  des 
plus  belles  personnes  de  France;  et,  comme  il  y  avoit  une  porte  de  com- 
munication d'une  maison  à  l'autre,  Mlle  de  la  Loupe  étoit  à  tous  moments 
chez  Mlle  de  la  Vergne,  où  le  cardinal  et  le  duc  alloient  souvent  la  nuit 
entretenir  les  deux  demoiselles.  Le  cardinal  de  Retz  s'étoit  fait  faire, 
poui  ces  visites  nocturnes,  des  habits  fort  riches  et  fort  galants,  smvant 
son  humeur  vaine,  qui  le  portoit  à  se  tenir  ordinairement,  le  jour  aussi 
bien  que  la  nuit,  paré  d'habits  extraordinairement  magnifiques,  dont 
on  se  moquoit  dans  le  monde  ^." 

Gui  Joly  qui  n'assistait  pas  à  ces  rencontres,  ne  sait  point  ce  qui 
s'y  passait;  il  ignore  même  leur  réalité  et  n'en  parle  que  par  ouï -dire. 
De  Retz,  de  son  côté,  n'avait  aucune  raison  pour  blanchir  Mlle  de  La 
Vergne  et  taire  son  nom.  Non  seiilement  ce  quatuor  amoureux  nous 
semble  invraisemblable,  mais  nous  avons  presque  la  preuve  qu'à  cette 
époque  Mlle  de  La  Vergne  ne  rencontrait  pas  de  Retz.  Voici  en  effet 
ce  qu'il  écrit  à  la  date  de  1654. 

"Mme  de  la  Vergne,  qui  avoit  épousé  en  secondes  noces  M.  le 
chevalier  de  Sévigné,  et  qui  demeuroit  en  Anjou  avec  son  mari,  m'y 

^  T.  IV.  p.  148,  mars  1652.   C'est  nous  qui  soulignons. 
*  L'erreur  est  évidente;  il  faut  lire:  Chevalier  de  Sévigné. 
^  Pp.  82  et  83  des  Notes  aux  Mémoires  de  Retz,  rv.  433. 


Appendice  I  243 

vint  voir  (c.-à-d.  à  Nantes)  et  y  amena  Mlle  de  la  Vergne,  sa  fille,  qui 
est  présentement  Mme  de  la  Fayette.  Elle  étoit  fort  jolie  et  fort  aimable, 
et  elle  avoit,  de  plus,  beaucoup  l'air  de  Mme  de  Lesdiguières.  Elle  me 
plut  beaucoup,  la  vérité  est  que  je  ne  lui  plus  guère,  soit  qu'elle  n'eût  pas 
d'inclination  pour  moi,  soit  que  la  défiance  que  sa  mère  et  son  beau- 
père  lui  avoient  donnée,  dès  Paris,  même  avec  application,  de  mes 
inconstances  et  de  mes  différentes  amours,  la  missent  en  garde  contre 
moi.  Je  me  consolai  de  sa  cruauté  avec  la  facilité  qui  m'étoit  assez 
naturelle. . .  ^" 

Il  est  bien  évident  qu'au  moment  où  il  rencontra  Marie -Madeleine 
en  Anjou,  de  Retz  ne  la  connaissait  pas  encore.  Pourtant,  il  faut  avouer 
qu'il  y  a  à  cela  une  légère  difficulté.  Dans  le  premier  passage  cité  ci- 
dessus,  de  Retz  déclare  qu'il  fréquentait  la  maison  des  La  Vergne  ; 
pourquoi  n'y  voyait-il  pas  la  jeune  fille,  et,  selon  son  habitude, 
n'essayait-il  pas  son  charme  sur  elle  ?  Mme  de  La  Vergne  était  peut-être 
plus  perspicace  qu'on  ne  le  croit  et  sans  doute  elle  veillait  à  ce  que  If» 
Cardinal  ne  se  trouvât  pas  en  présence  de  sa  fille.  De  Retz  ne  s'y  trompe 
pas  et,  au  fond,  il  est  bien  persuadé  que  le  beau-père  lui-même  ne 
tenait  pas  à  faciliter  la  rencontre.  La  visite  de  Nantes,  au  contraire, 
s'explique  facilement;  Mlle  de  La  Vergne  avait  deux  ans  de  plus,  était 
mieux  armée,  et  il  ne  s'agissait  que  d'une  visite  sans  lendemain. 

Tout  cela  n'empêcha  pas  la  calomnie  de  Gui  Joly  de  faire  son  chemin. 
Bussy-Rabutin  la  reproduisit  en  l'ampUfiant.  Il  écrivit  dans  la  Carte 
du  pays  de  Braquerie:  "Lavergne  est  une  grande  belle  ville  fort  jolie 
et  si  dévote  que  l'Archevêque^  y  a  demeuré  avec  le  duc  de  Brissac  qioi 
en  est  demeuré  principal  gouverneur,  le  prélat  ayant  qmtté^." 

N'oubUons  pas  que  M.  Gérard  Gailly  {Bussy-Rabutin.  .  .)  voulant 
réhabiliter  Bussy  donne  ainsi  l'opinion  reçue  de  cet  écrivain:  "L'homme 
a  obscurci  de  ses  défauts  innombrables  le  mérite  de  l'écrivain:  il  était 
méchant,  médisant  et  félon;  il  était  athée.  .  .il  était  criminel  au  point 
de  tuer  son  propre  cocher,  faussaire  au  point  de  contrefaire  la  monnaie 
et  d'imiter  la  signatixre  du  roi,  sournois  et  sorcier  au  point  de  verser 
des  philtres  à  Mme  de  Sévigné  et  à  Louis  XIV,  impudique  jusqu'à 
l'inceste."  M.  G.  G.  force  la  note  exprès  et  nous  pouvons  en  rabattre  de 
cette  description.  Toujours  est -il  que  Bussy  raffolait  de  la  médisance 
et,  une  fois  son  goût  satisfait,  ne  craignait  pas  de  se  donner  des  démentis 
comme  il  fit  au  sujet  de  Mme  de  Sévigné.  MUe  de  La  Vergne  n'exigea 
pas  ce  démenti.   Peut-être  a-t-elle  laissé  ce  soin  au  lecteur  intelligent, 

Novis  ne  nous  expliquons  pas  povu-quoi  M.  d'Haxisson ville,  après 
avoir  cité  ce  passage  de  Bussy,  le  contrôle  par  la  citation  de  Retz  oti  il 
est  question  de  la  visite  à  Nantes.  Il  nous  semble  que  la  seule  et  véritable 
sotirce  de  la  calomnie  reproduite  par  Bussy  est  le  récit  de  Gui  Joly. 

1  T.  IV.  p.  497.  2  De  Retz.  ^  Tallemant,  Hist.  iv.  534. 


16—2 


APPENDICE  II 

Contrat  de  mariage  de  messire  François  de  La  Fayette  avec  demoiselle 
Marie-Magdelaine  Pioche  de  La  Vergne,  14  février  1655 

Par-devant  les  notaires  et  gardenottes  du  Roy  nostre  sire  en  son 
Chastelet  de  Paris  soubsignés,  furent  présens  en  leurs  personnes  haut 
et  puissant  seigneur  messire  François  de  La  Fayette,  chevalier,  comte 
dudit  lieu,  Médat,  Goutevantouze  et  Forests  en  deppendans;  baron  de 
Chauvigny,  Espinasse,  Nades;  seigneur  de  Haulte-Serre,  Hautefemlle 
et  autres  places,  demeurant  au  chasteau  dudit  Nades,  parroisse  dudit 
lieu,  près  la  ville  de  Gannat  en  Bourbonnois,  estant  de  présent  en  cette 
ville  de  Paris,  logé  à  Saint-Germain-des-Prez-lez-Paris,  rue  des  Quatre- 
Vens,  parroisse  Saint-Siilpice,  fils  de  deffunts  haut  et  puissant  seigneur, 
Mre  Jean  de  La  Fayette,  vivant  chevalier,  seigneur  et  comte  desdits 
lietix,  et  de  haute  et  puissante  dame  Marguerite  de  Bourbon,  jadis  son 
espouze,  pour  luy  et  en  son  nom,  d'iine  part  ;  et  haute  et  puissante  dame 
Elisabeth  Penha,  dame  d'honneur  de  la  Royne,  femme  et  espouze  de 
haut  et  puissant  seigneur  messire  Renault-René  de  Sévigné,  chevaUer, 
seigneur  et  baron  de  Champiré  et  autres  lieux,  conseiller  du  Roy  en  ses 
conseils,  mareschal  des  camps  et  armées  de  Sa  Majesté,  et  auparavant 
veuve  de  messire  Marc  Pioche,  vivant  chevalier,  seigneur  de  la  Vergne, 
aussy  conseiller  du  Roy  en  ses  conseils,  mareschal  de  ses  camps  et 
armées  et  commandant  pour  Sa  Majesté  dans  la  ville  et  citadelle  du 
Havre-de-Grâce,  demeurant  audit  Saint-Germain-des-Prez,  rue  Vau- 
girard,  au  nom  et  comme  stipulant  en  cette  partie  pour  damoiselle 
Marie-Magdelaine  Pioche,  fille  d'honnevir  de  ladite  dame  Royne,  fille 
dudit  feu  sieiir  de  la  Vergne  et  de  ladite  dame  Elisabeth  Penha,  ladite 
damoiselle  à  ce  présente  et  de  son  vouloir  et  consentement,  après  que 
ladite  dame  sa  mère  à  elle  eut  dit  avoir  communiqué  du  présent  contrat 
audit  seigneur  de  Sévigné  et  avoir  de  luy  charge  poxu-  le  faire  et  passer; 
et  néantmoins  promet  icelle  dame  son  espouze  de  le  luy  faire  ratifier 
avant  la  célébration  du  mariage  cy-apres  stipulé^,  pour  elle  et  en  son 
nom,  d'autre  part. 

Lesquelles  parties,  es  présences,  par  l'advis  et  du  consentement  de 
messire  Jacques  de  Bayard,  abbé  commendataire  de  Nostre-Dame  de 
Belaigue  et  prieur  du  prieuré  du  Moustier-lez-Jaligny,  estant  présent  à 
Paris,  logé  rue  de  Bussy,  parroisse  Saint-André-des-Arts,  au  nom  et 
comme  procioreTor  d'illustrissime  et  révérendissime  seigneiir,  messire 
François  de  La  Fayette,  seigneur  évesque  de  Limoges,  conseiller  du 
Roy  en  ses  conseils  d'estat  et  privé,  fondé  de  sa  procuration  passée 
pardevant  Chazaud,  notaire  royal  audit  Limoges,  présens  tesmoins,  le 

^  Le  chevalier  de  Sévigné  ratifia  ce  contrat  le  21  février. 


Appendice  II  245 

septiesme  jour  de  février,  présens  mois  et  an,  spéciale  pour  l'effet  qui 
ensuit,  ainsi  que  par  icelle  est  apparu  aux  notaires  soubsignés;  comme 
aiissi  es  présences  et  par  l'avis  de  raessire  Claude  de  La  Fayette,  bachelier 
en  théologie,  frère  dudit  seigneiu*  comte  de  La  Fayette;  messire  Gabriel 
Penha,  chevalier,  seigneur  de  St-Pons,  oncle  maternel  de  ladite 
damoiselle;  dame  Léonore  Merlin,  veufve  de  feu  Lazare  Penha,  vivant 
escuyer,  sieur  de  Moustier  et  de  Montanges,  qui  estoit  grand-oncle  de 
ladite  damoiselle;  très  haute  et  très  puissante  dame,  dame  Marie- 
Magdelaine  de  Vuignerot,  duchesse  d'Aiguillon,  pair  de  France,  amie 
et  marrine  d'icelle  damoiselle,  et  dame  Marie  de  Rabutin  de  Chantai, 
veufve  de  feu  haut  et  puissant  seignevu*  et  marquis  de  Sévigné,  et  autres 
lieiix,  alliée  d'icelle  damoiselle;  ont  volontairement  reconnu  et  confessé 
avoir  fait  et  font  entre  elles  les  traités  et  conventions  de  mariage  qui 
ensuivent,  poiu-  raison  du  mariage  qui  au  plaisir  de  Dieu  sera  en  bref 
solenuïisé  dudit  seigneur  comte  et  de  ladite  damoiselle  de  La  Vergne: 

C'est  à  sçavoir  que  ledit  seigneur  comte  de  La  Fayette  a  promis  et 
promet  prendre  à  femme  et  espouze  ladite  damoiselle  de  La  Vergne,  comme 
au  semblable  elle  luy  poiir  mary  et  espoux  de  l'authorité  et  consentement 
de  ladite  dame  de  Sévigné,  sa  mère,  et  solemniser  ledit  mariage  en  face 
de  nostre  mère  sainte  Eglise,  avec  la  licence  d'icelle,  le  plus  tost  que 
commodément  faire  se  poiirra  et  sera  avisé  et  délibéré  entre  eux  et 
leurs  dits  parens  et  amis. 

Les  futurs  espoux  se  sont  prins  et  prennent  aux  biens  et  droits  qui 
à  chacun  d'evix  appartiennent,  pour  estre  uns  et  commvms  en  tous  biens 
meubles,  et  conqiiests  immeubles  qu'ils  feront  pendant  et  constant 
leur  mariage,  suivant  et  au  désir  de  la  coustume  des  ville,  prévosté 
et  vicomte  de  Paris,  conformément  à  laquelle  les  articles  et  conventions 
dudit  mariage  seront  réglés,  nonobstant  toutes  autres  coustumes,  loix 
et  ordonnances  à  ce  contraires,  que  les  espoux  fissent  acquisitions  en 
coustumes  contraires,  mesme  leur  demeure  hors  ladite  coiostiime  de 
Paris,  auxquelles  coustimaes  contraires  est  par  ces  présentes  expressé- 
ment dérogé. 

Ne  seront  néantmoins  les  futurs  espoux  tenus  des  debtes  l'im.  de 
l'autre  créées  auparavant  le  futur  mariage;  ainsy  si  aucunes  y  a,  elles 
seront  payées  par  celuy  du  costé  duquel  elles  procéderont. 

Desquels  biens  et  droitz  des  futurs  espoux  il  en  sera  emmeubly, 
pour  entrer  en  leur  future  communauté,  sçavoir  de  ceux  du  futior  espoux 
jusques  à  la  somme  de  vingt  mil  livres  tournois,  et  de  ceux  de  la  future 
espouze  jusques  à  la  somme  de  dix  mil  Uvres  tournois.  Le  surplus  de 
leurs  dits  biens  et  droits  sera  et  demeurera  propre  à  chacun  d'eux  et 
aux  siens  de  son  costé  et  ligne;  mesme  sera  et  demeurera  propre  à  la 
future  espouze  et  aux  siens  de  son  costé  et  ligne  tout  ce  qui  pendant  1© 
mariage  adviendra  et  escherra  à  la  future  espouze,  tant  en  meubles  qu'im- 
meubles, par  succession,  donation  ou  autrement. 

Ledit  seigneur  futur  espoux  a  doué  et  doue  ladite  damoiselle  sa 
futiire  espouze  de  quatre  mil  livres  tournois  de  rente  et  revenu  annuel 
et  viager,  la  vie  diu-ant  de  ladite  damoiselle  future  espouze,  à  prendre  par 
elle,  quand  douaire  aura  lieu,  sur  toxis  et  chacuns  les  biens,  tant  meubles 
qu'immeubles  présens  et  à  venir  dudit  seigneur  futur  espoux,  qui  en 


246  Madame  de  La  Fayette 

sont  et  demeurent  dès  à  présent  chargez,  spécialement  sur  ladite  terre 
et  seigneiirie  d'Espinasse,  et  autres  terres  de  proche  en  proche.  Et 
oiiltre  aura  ladite  dami'e  le  chasteau  de  ladite  terre  et  seigneurie 
d'Espinasse  pour  son  habitation  et  demeure,  basse-court,  jardins. .  .et 
préclostures,  pendant  que  ladite  future  demeurera  en  viduité;  et  sera 
ledit  douaire  propre  aux  enfans  qui  naistront  dudit  futur  mariage, 
suivant  ladite  coustvime  de  Paris. 

Le  survivant  des  f laturs  espoux  aura  et  prendra  par  préciput  et  avant 
que  faire  partage  des  biens  de  la  communauté,  réciproquement,  sçavoir 
le  futur  espoux  ses  habits,  armes  et  chevaux,  et  la  futiu-e  espouze  ses 
habits,  bagues  et  joyaux,  carosse,  chevavix,  le  tout  réciproquement 
jusques  à  la  somme  de  douze  mil  livres  tournois,  selon  la  prise  de  l'inven- 
taire, sans  creue,  ou  ladite  somme  en  deniers,  au  choix  du  survivant. 

Si  pendant  le  mariage  sont  vend  vis  et  aliénés  aucvins  héritages  ou 
rachetées  aucvines  rentes  propres  de  l'im  ou  de  l'autre  des  futiors  espoux, 
les  deniers  en  seront  remploies  en  achat  d'autres  héritages  ou  rentes, 
pour  sortir  mesme  nature  de  propre  à  celuy  qu'elles  apparten oient,  et 
aux  siens  de  son  costé  et  ligne;  et  si  au  jour  de  la  dissolution  dudit 
mariage  ledit  remploy  ne  s'entrouvoit  fait  les  deniers  seront  reprins  sur 
les  biens  de  la  communauté,  s'ils  suffisent,  sinon  ce  qui  s'en  défaudra 
à  l'esgard  de  la  future  espouze  sera  par  elle  ou  les  siens  reprins  sur  les 
biens  propres  du  futur  espoux,  et  sortira  l'action  pour  ledit  remploy 
mesme  nature  de  propre. 

La  future  espouze  et  ses  enfans,  sinon  à  défaut  d'enfans  ses  héritiers 
collatéraux,  pourront,  si  bon  leur  semble,  prendre  et  accepter  ladite 
communauté  ou  renoncer  à  icelle;  et  en  y  renonçant,  reprendront 
franchement  et  quittement  tout  ce  que  ladite  future  y  auroit  apporté  et 
ce  qm  pendant  le  mariage  luy  seroit  advenu  et  eschu  tant  en  meubles 
qu'immeubles,  par  succession,  donation  ou  autrement;  mesme  ladite 
future  espouze  si  elle  siorvit,  ses  douaire,  habitation  et  préciput  tels 
que  dessus,  le  tout  sans  estre  tenus  d'aucunes  debtes  ne  hypothèques 
de  ladite  communauté,  encore  que  ladite  future  espouze  y  eixst  parlé 
et  s'y  fust  obligée,  ou  y  eust  esté  condamnée,  dont  elle,  ses  dits  enfans 
et  héritiers  collatéraux  en  seront  acquittés  et  indemnisés  par  ledit 
seigneur  futur  espoux,  et  sur  tous  ses  biens,  pour  laquelle  indemnité 
ils  aiiront  leur  hypothèque  du  joiir  et  date  du  présent  contrat. 

Auparavant  la  célébration  du  mariage  sera  fait  un  bref  inventaire 
des  biens  et  effets  mobiliers  et  immobiliers  de  la  future  espouze,  au  pied 
duquel  ledit  futur  espoux  s'en  chargera^. 

Et  a  ledit  seigneur  abbé  de  Bellaigue,  audit  nom  de  procureur  dudit 
seignexir  François  de  La  Fayette,  évesque  de  Limoges,  par  sa  procuration 
cy-devant  datée,  eu  et  a  pour  agréable  ledit  futur  mariage  et  le  présent 
contrat;  et  en  faveur  et  contemplation  dudit  futur  mariage  a  donné 
et  donne  par  ces  présentes,  par  donation  pure  et  simple  et  irrévocable 
faite  entre  vifs,  audit  seigneur  comte  de  La  Fayette,  nepveu  dudit 
seigneur  évesque,  iceluy  seigneiir  comte  le  acceptant,  tous  les  droits, 
noms,  raisons  et  actions  qui  peuvent  compéter  et  appartenir  audit 
seigneur  évesque  s\ir  les  biens  délaissés  par  feu  messire  Claude  de  La 
^  Cet  inventaire  sera  donné  plus  loin. 


Appendice  II  247 

Fayette,  vivant  seigneur  comte  dudit  lieu  et  autres  places,  et  Dame 
Marie  d'Alègre,  jadis  son  espouze,  père  et  mère  dudit  seigneur  évesque, 
en  quelque  part  que  puissent  estre  scitués  et  assis  tous  lesdits  biens  et 
en  quoy  qu'ils  puissent  consister,  sans  s'y  réserver  aucune  chose,  pour, 
par  ledit  seigneiu-  futiu"  espoux,  ses  hoirs  et  ayant  cause,  en  tousjours 
jouir,  faire  et  disposer  desdits  droits  à  leur  plaisir  et  volonté,  ainsy  que 
ledit  seigneur  eust  pu  faire  avant  ladite  donation,  sans  toutefois  que 
ledit  seigneixr  évesque  puisse  estre  tenu  ny  obligé  envers  ledit  seigneur 
de  La  Fayette,  les  siens  ni  autres,  d'aiicimes  évictions  ni  garantie  desdits 
droits,  consentant  ledit  seigneur  abbé  l'insinuation  estre  faite  de  ladite 
donation  partout  où  il  appartiendra,  pour  quoy  faire  il  constitue  son 
procureiir  le  porteur  des  présentes,  luy  en  donnant  pouvoir. 

Ledit  seigneur  iutur  espoux  a  donné  et  donne  par  ce  dit  présent 
contrat,  au  premier  enfant  masle  qui  naistra  dudit  mariage,  le  comté, 
terre  et  seigneurie  de  la  Fayette,  ensemble  les  terres  et  seigneuries  de 
Goutenotoze,  Meydat  et  Forests;  auquel  aisné  il  a  substitué  le  fils 
aisné  qui  descendra  de  luy  en  loyal  mariage,  et  ainsi  d'aisné  en  aisné 
tant  que  la  lignée  masculine  de  ses  descendans  durera,  voulant  que  les 
descendans  masles  de  sondit  fils  aisné  possèdent  lesdits  terres  l'tm  après 
l'autre,  graduellement,  perpétuellement  et  infiniment,  autant  qu'il  sera 
possible,  et  ce  sans  aucune  détraction  de  trébellianique,  l'ordre  de 
primogéniture  et  préférence  de  l'aisné  masle  tousjours  gardé  et  observé. 
Et  au  cas  que  sondit  fils  aisné  decédast  sans  enfans  masles,  ou  ses  enfans 
masles  sans  enfans  masles,  et  iceux  sans  descendans  masles,  en  ce 
cas  ledit  seigneiir  futur  espoux  substitue  aux  mesmes  charges  et  condi- 
tions, sans  détractions,  comme  dit  est,  le  second  enfant  masle  qui 
naistra  dudit  présent  mariage,  et  a  luy  son  fils  aisné,  et  audit  fils  aisné 
le  petit-fils  etc.,  descendans  masles,  infiniment  et  de  degré  en  degré, 
l'ordre  de  préférence  de  primogéniture  tousjours  gardé. 

Et  où  le  second  décéderoit  sans  enfans  masles,  il  a  substitué  le 
troisiesme  fils  qui  naistra  dudit  futur  mariage,  et  le  fils  qu'il  aura,  son 
petit-fils  et  descendans,  l'un  après  l'autre,  graduellement, perpétuellement 
et  infiniment,  la  préférence  conservée  aux  aisnés. 

Et  advenant  le  décès  dudit  troisiesme  sans  enfans  masles,  ledit 
seigneur  futur  espoux  a  pareillement  substitué  le  quatriesme,  son  fils 
et  descendans,  l'un  après  l'autre,  d'aisné  en  aisné,  aiix  mesmes  charges 
et  conditions;  et  à  leur  défauts,  lesdits  enfans  masles  que  ledit  seigneur 
futur  espoux  aura,  l'un  après  l'autre,  suivant  l'ordre  de  la  naissance,  et 
les  enfans,  petits-enfans  et  descendans  de  chacun  d'eux,  voulant  que  les 
descendans  de  l'un  ne  soient  appelés  que  quand  la  ligne  masculine  des 
descendans  de  l'autre  sera  finie. 

Et  où  il  n'y  auroit  aucuns  enfans  masles  du  présent  mariage,  ledit 
seigneur  futur  espoux  a  substitué  l'aisné  masle  de  sa  première  fille,  à  la 
charge  de  porter  les  noms,  armes,  timbre  et  cry  de  la  maison  de  La  Fayette . 
Et  en  cas  que  ledit  aisné  décède  sans  enfans  et  descendans  masles  que 
ledit  seigneur  a  voulu  et  veut  être  substitués,  l'im  après  l'autre,  aux 
mesmes  charges  et  conditions,  en  ce  cas  il  a  substitué  l'aisné  masle  de 
la  seconde  fille,  et  ainsi  de  masle  en  masle  tant  que  la  lignée  masculine 
durera;  et  audit  aisné  masle  et  à  ses  descendans  masles,  il  a  substitué 


248  Madame  de  La  Fayette 

l'aisné  masle  de  sa  troisiesme  et  autres  filles,  et  audit  aisné  masle  ses 
enfans,  chacun  à  son  ordre,  et  descendans  masles,  de  degré  en  degré 
perpétuellement,  infiniment  et  sans  détraction,  comme  dit  est,  afin 
que  la  substitution  ne  soit  morcelée  et  divisée,  estant  l'intention  dudit 
seigneur  futur  espoux  que  son  fils  aisné  et  tous  les  enfans  masles  de  luy 
jouissent  desdites  terres  l'un  après  l'autre,  de  degré  en  degré;  et  après 
eux,  audit  cas,  le  second  et  tous  ses  descendans  masles  aussy  de  degré 
en  degré;  et  à  défaut  de  second,  le  troisiesme  et  tous  ses  descendans 
masles;  et  à  défaut  du  troisiesme,  le  quatriesme,  et  ainsy  des  autres  et 
de  leurs  descendans.  Et  la  lignée  masculine  finissant,  l'aisné  masle  de 
la  première  fille  et  ses  descendans  masles,  de  degré  en  degré  ;  et  à  défaut 
de  la  première,  l'aisné  masle  de  la  seconde  et  leurs  descendans  masles, 
et  ainsy  les  autres  filles  et  leurs  descendans  masles,  de  degré  en  degré, 
préférant  tousjours  l'aisné,  et  sans  division  ny  détraction,  soient  appelés 
à  la  substitution  graduellement,  perpétuellement  et  infiniment;  non- 
obstant laquelle  substitution  cy -dessus  stipulée,  toutes  les  dites  terres 
comprinses  dans  ladite  substitution  ne  laisseront  d'estre  chargées 
affectées  et  hypothéquées  aux  conventions  de  ladite  damoiselle  future 
espouse. 

Car  ainsy  tout  le  contenu  cy-dessus  a  esté  convenu,  stipiillé  et 
expressément  accordé  par  et  entre  lesdites  parties,  en  faisant  et  passant 
les  présentes  qui  autrement  et  sans  les  clauses  et  conditions  susdites 
n'eussent  esté  faites,  passées  ny  accordées  entre  elles,  nonobstant  toutes 
coutumes,  loix  et  ordonnances  à  ce  contraires,  auxquelles  est  par  exprès 
desrogé,  voulant,  consentant  et  accordant  ledit  seigneur  futur  espoux 
l'insinuation,  publication  et  enregistrement  estre  faits  dudit  présent 
contrat,  poxor  plus  grande  sûreté  et  validité  de  ladite  substitution,  en 
tous  sièges  et  justices  que  besoin  sera,  pour  quoy  faire  et  requérir 
estre  fait,  il  fait  nomme  et  constitue  dès  à  présent  ses  procureurs  spéciaux 
les  porteurs  desdites  présentes,  auxquels  et  à  chacun  d'eux  il  en  donne 
pouvoir  et  puissance  de  ce  faire,  et  tout  ce  que  au  cas  appartiendra 
et  sera  nécessaire,  promettant  icelles  parties  ces  présentes  entretenir 
sans  y  contrevenir,  soubs  l'obligation  et  hypothèque  de  tous  et  chacuns 
ses  biens,  tant  meubles  qu'immeubles,  présens  et  à  venir,  qu'elles, 
chacune  en  droit  soy,  soubmettent  à  la  justice  de  la  prévosté  de  Paris, 
renonçant  à  toutes  autres  et  à  toutes  choses  à  ce  contraires. 

Fait  et  passé  en  la  maison  de  ladite  dame  de  Sévigné  et  de  ladite 
damoiselle  future  espouse,  sa  fille,  seize  dite  rue  Vaugirard,  l'an  mil 
six  cens  cinquante-cinq,  le  quatorziesme  jour  de  febvrier,  après  midy. 
Et  ont  lesdites  parties  signé  avec  lesdits  notaires  soubsignés,  la  minute 
des  présentes,  demeurée  vers  Marreau,  l'un  d'iceux. 

(Suit  la  procuration  de  François  de  La  Fayette,  évêque  de  Limoges. 
Arch.  de  l'Allier,  B  742,  fo  ii.) 


APPENDICE  III 

(A)  Reconnaissance  donnée  par  François  de  La  Fayette  à  Dame  Marie- 
Magdelaine  Pioche  de  La  Vergne,  sa  femme,  des  bijoux,  objets 
mobiliers  et  autres  valeurs  apportés  par  celle-ci. — Il  février  1655 

Ledit  seignexir  comte  de  la  Fayette  a  recogneu  et  confessé  que  ladite 
dame  Marie -Magdelaine  Pioche,  à  présent  son  espoiise,  à  ce  présente 
et  acceptante,  luy  a  apporté  et  fourny,  et  d'elle  a  reçu  comptant,  un 
rang  de  perles,  ime  paire  de  pendans  d'oreilles,  un  diamant  et  autres 
pierreries;  pltisieurs  linges,  poùicts  coupés,  habits;  un  cabinet  d'Alle- 
magne et  autres  hardes  et  meubles  appartenans  à  elle,  que  ledit  seigneur 
recognoist  estre  de  valeur  de  la  somme  de  sept  mille  livres  tournois, 
suivant  l'estimation  que  luy-mesme  en  a  faite  à  l'amiable;  et  partant 
s'en  contente  et  en  quitte  et  descharge  ladite  dame  son  espouse,  laquelle 
luy  a  aussi  apporté  et  fourny  les  titres  papiers  et  enseignements  concernans 
la  propriété  de  trois  maisons  à  elle  appartenans  de  son  propre,  comme 
héritière  dudit  feu  sieur  de  La  Vergne,  son  père,  et  des  damoiselles  ses 
sœurs,  à  présent  religieuses  professes,  dont  deux  sont  assises  à  Paris, 
l'xme  rue  des  Fossés,  paroisses  St-Germain-l'Auxerrois,  une  autre  rue 
CoquillairC;  et  la  troisième  en  la  ville  de  Calais,  au  lieu  appelé  le  Cour- 
gain,  inventoriez  soubz  les  cottes  vingt-dcTXx,  vingt-sept  et  vingt-huit 
de  l'inventaire  fait  à  la  requeste  de  ladite  dame  de  Sévigné,  après  le 
décès  dudit  feu  sieur  de  La  Vergne,  par  Quarré  et  Marreau,  l'un  des 
notaires  soubsignés,  le  cinqmesme  janvier  et  autres  jours  suivans  de 
l'année  mil  six  cens  cinquante,  et  le  contrat  de  partage  fait  entre  ladite 
dame  de  Sévigné  et  ladite  dame  sa  fille,  et  M.  Jacques  Lepailleur,  comme 
tutevu-  créé  à  l'efîet  dudit  partage  desdites  damoiselles,  ses  sœurs  depuis 
professes,  des  biens  qui  estoient  de  la  communauté  dudit  feu  sieur  de 
la  Vergne  et  de  ladite  dame  son  espouse,  passé  par  devant  lesdits  Quarré 
et  Marreau,  notaires,  le  vingt -neufiesme  mars  mil  six  cent  cinquante 
un  par  lequel  partage  le  premier  lot  seroit  advenu  et  eschu  avixdites 
dames  Marie -Magdelaine  et  damoiselles  ses  sœurs,  contenant  une  grande 
maison,  coiir  et  jardin  lors  occupés  par  monsieur  le  marqiiis  de  Royan 
et  à  présent  par  monsieur  le  nonce  du  Pape  sis  audit  St  Germain-des- 
Près  dite  rue  Vaugirard;  la  moitié  en  la  moitié  qm  est  un  quart  au  total, 
d' un  chantier  scis  hors  la  porte  St  Bernard  de  cette  ville  de  Paris,  et  un 
contrat  de  constitution  fait  au  profit  de  ladite  dame  comtesse  de  la 
Fayette  lors  fille,  par  ledit  Me  Gabriel  Penha,  chevalier,  sieur  de  Saint 
Pons,  son  oncle  maternel,  de  pareille  rente  de  deux  cens  vingt  deux  livres 
quatre  sols  six  deniers  tournois,  dont  le  principal  estoit  provenu  de 
rachat  et  amortissement  de  la  rente  qxii  luy  estoit  eschue  par  ledit 
partage,  à  prendre  sur  lesdits  Rillé  et  sa  femme,  passé  par  devant  Le 
Franc  et  ledit  Marreau  le  sixiesme  septembre  mil  six  cens  cinquante 


250  Madame  de  La  Fayette 

trois.  De  tous  lequels  titres  et  papiers  ledit  seigneur  comte  de  la  Fayette 
se  contente  et  en  descharge  pareillement  ladite  dame  son  espouse, 
ensemble  des  titres  et  papiers  concernans  ladite  dernière  maison  scise 
rue  de  Vaugirard,  qm  sont  le  contrat  d'acquisition,  faite  par  eschange, 
de  la  place  et  fonds  de  terre  svir  laquelle  est  bastie  ladite  maison, 
inventorié  audit  inventaire  soubs  la  cotte  trois  ;  le  décret  fait  en  consé- 
quence d'iceluy  au  Chastelet  de  Paris,  le  vingt-deuxiesme  novembre 
mil  six  cens  trente  quatre,  avec  xme  liasse  de  plusieurs  quittances 
d'ouvriers  qui  ont  travaillé  audit  bastiment,  lesquelles  pièces  ladite 
dame  son  espouse  luy  a  aussi  présentement  foiirnie.  Et  au  regard  des 
pièces  et  titres  inventoriés  audit  inventaire,  concernant  les  dettes 
actives  non  partagées,  elles  sont  demexirées  par  devers  ladite  dame  de 
Sévigné  qm  en  aidera  aux  dits  seigneur  et  dame  de  la  Fayette  toutes 
fois  et  quantes  qu'ils  l'en  requerront,  comme  aussi  sont  demeiirées  par 
devers  icelle  dame  de  Sévigné  toutes  les  autres  pièces  du  susdit  inven- 
taire, à  l'exception  de  la  plus  grande  partie  de  celles  comprises  soubs 
la  cote  vingt  un,  faisant  mention  de  sept  cent  cinquante  livres  tournois 
de  rente  constituée  sur  l'hostel  de  ville  de  Paris,  provenant  du  sieur  de 
Mondoucet,  et  de  deux  cent  dix-huit  Uvres  quinze  sols  de  rente  qm  restent 
encore  par  luy  dus,  le  tout  appartenant  à  icelle  dame  de  la  Fayette, 
le  contrat  de  laquelle  rente  de  deux  cent  dix -huit  livres  quinze  sols 
ladite  dame  de  Sévigné  a  dit  estre  es  mains  du  sieur .  .  .  pour  en  tirer 
payement.  Et  pour  ce  qui  est  des  autres  pièces  comprises  soubs  ladite 
cote  vingt  un,  elles  ont  esté  présentement  deslivrées  auxdits  seigneur 
et  dame  de  la  Fayette.  Et  de  plus  recognoissent  iceux  seigneur  et  dame 
de  la  Fayette  avoir  reçu  aujourdhuy  comptant  d'icelle  dame  de  Sévigné 
qui  leur  a  payé  compté  et  nombre  es  présences  des  notaires  soubsignés, 
en  louis  d'or  et  d'argent  bons  et  ayant  cours,  la  somme  de  huit  mille 
six  cent  vingt  quatre  livres  six  sols,  dont  elle  luy  seroit  demeuroit 
débitrice  par  le  reliquat  de  compte  à  elle  rendu  de  sa  tutelle,  énoncé 
et  daté  par  ledit  contrat  de  partage,  par  lequel  ladite  dame  de  Sévigné 
seroit  demeurée  quitte  et  deschargée  du  surplus  de  ladite  somme  pour 
les  causes  y  contenues;  de  laquelle  somme  de  quatre  mille  cinq  cent 
quatorze  livres  six  sols  lesdits  seigneur  et  dame  de  la  Fayette  se  con- 
tentent et  quittent  et  deschargent  ladite  dame  de  Sévigné,  et  tous  autres, 
mesme  dudit  compte  et  tutelle  qu'elle  leiir  a  aussi  foiirny  avec  les  pièces 
justificatives,  et  consentent  que  dudit  payement  il  soit  fait.  .  .mention 
sur  les  minutes  et  expédition  desdits  compte  et  partage,  sans  que  leur 
présence  y  soit  nécessaire.  Et  est  encore  dû  et  appartient  à  icelle  dame 
comtesse  de  la  Fayette  plusieurs  sommes  de  deniers  tant  povu-  les 
profits  et  intérests  desdites  dettes  actives  que  loyers  des  maisons  et 
arrérages  dédites  rentes  eschues  jusques  à  présent,  dont  ledit  seigneur 
comte  donnera  recognoissance  à  ladite  dame  son  espouse  à  mesure 
qu'il  les  recevra,  et  vaudra  la  présente  quittance  pour  inventaire  som- 
maire des  biens  et  effets,  titres  et  papiers  concernans  les  immeubles  de 
ladite  dame  de  la  Fayette. 

Et  oultre  recognoissent  lesdits  seigneur  et  dame  de  la  Fayette  que 
ladite  dame  de  Sévigné  leur  a  bailli  et  fourny,  et  d'elle  ont  reçu  ce 
joïird'huy  une  tenture  de  tapisserie  de  Flandres,  contenant  hviit  pièces 


Appendice  III  251 

représentant  les  quatre  saisons  de  l'année  et  faisant  vingt -cinq  aulnes 
de  tour,  de  ladite  tenture  de  tapisserie  que  ledit  seigneur  de  la  Fayette 
a  dit  avoir  fait  voir,  ladite  dame  de  Sévigné  fait  don  à  ladite  dame  sa 
fille  à  condition  qu'elle  demeurera  propre  à  icelle  dame  sa  fille  et  aux 
siens  de  son  costé  et  ligne. 

Et  encore  recognoissent  que  madame  la  duchesse  d'Aiguillon  leur 
a  fourny  vin  Ht  de  damas  rouge  cramoisy,  garny  de  passement,  frangé 
et  crespiné  d'or  et  d'argent,  avec  la  coiorte -pointe  de  mesme  étoffe  et 
façon,  lequel  lit  ils  ont  en  leur  possession  et  dont  il  a  plu  à  ladite  dame 
d'Aiguillon  faire  don  à  ladite  dame  de  la  Fayette,  pour  l'affection  qu'elle 
luy  porte  comme  sa  filliole.  Et  laquelle  tenture  de  tapisserie  et  ledit 
lit,  qui  aussi  demeurera  propre  à  icelle  dame  de  la  Fayette  et  atix  siens 
de  son  costé  et  ligne,  ledit  seignevu-  de  la  Fayette  a  estimé  valoir  la  somme 
de  huit  mille  livres  tournois,  qui  est  la  somme  à  laquelle  ledit  seigneur 
de  la  Fayette  dit  avoir  été  estimées  les  dites  choses  par  cevix  qu'il  a 
choisis  pour  cette  effet,  et  se  tient  avec  ladite  dame  son  espouse  pour 
contens  et  satisfaits  de  toutes  lesdites  choses,  en  remerciant  ladite 
dame  d'Aiguillon,  prommettant,  obligeant,  renonçant.  Fait  et  passé 
en  la  maison  de  ladite  dame  de  Sévigné,  l'an  mil  six  cent  cinquante  cinq, 
le  dix  septième  jour  dudit  mois  de  février  avant  midy.  Et  ont  lesdits 
seigneur  et  dame  de  la  Fayette  et  dame  de  Sévigné  signé  à  la  minute 
des  présentes  estant  à  la  suite  de  celle  dudit  contrat  de  mariage  ci -devant 
escrit.    Ainsi  signé:    Le  Franc  et  Marreau. 

(Archives  de  l'Allier.) 

(B)  Dotation  réciproque  entre  M.  de  La  Fayette  et  Mme  Marie- 
Magdelaine  Pioche  de  La  Vergne,  sa  femme,  pour  l'amour  qu'ils 
ont  Vun  pour  Vautre  et  parceqti'ils  n'ont  pas  encore  d'enfants,  de 
l'usufruit  de  tous  leurs  biens  meubles  et  leurs  conquêts  immeubles. 
Paris  le  24  avril  1656 

Par  devant  les  notaires,  gardenottes  du  Roy,  nostre  Sire,  en  son 
Chastelet  de  Paris  soubsignés,  furent  présens  en  leiirs  personnes  messire 
François  de  la  Fayette,  chevalier,  comte  dudit  lieu,  baron  de  Chouvigny, 
Naddes  et  autres  terres  et  seigneuries,  et  dame  Marie -Magdelaine  Pioche 
de  la  Vergne  son  espouze,  de  lui  suffisamment  autorisé  pour  l'effet  et 
validité  des  présentes,  demeurans  en  leur  château  d'Espinasse,  près 
Gannat  en  Boiirbonnois,  de  présent  à  Paris,  logés  à  Saint-Germain-des- 
Près-les-Paris,  rue  de  Vaugirard,  paroisse  Saint-Sulpice,  lesquels  poTir 
l'amovu-  et  affection  qu'ils  ont  et  portent  l'im  à  l'autre,  considérant  que 
de  leur  mariage  ils  n'ont  encore  aucuns  enfants  et  voulant  se  rendre 
tesmoignage  de  leur  mutuelle  affection  afin  de  donner  au  survivant 
d'eux  plus  de  moyen  et  de  commodité  de  vivre  et  s'entretenir  convena- 
blement selon  leur  naissance,  ont  volontairement  recogneu  et  confessé 
s'estre  fait  et  font  par  ces  présentes  don  mutuel  réciproque  et  irrévocable, 
l'un  d'eux  à  l'autre  et  audit  siirvivant  d'eux,  ce  acceptant  par  ledit 
survivant  seulement,  de  tous  et  chacuns  des  biens,  tant  meubles  que 
conquêts  qui  se  trouveront  appartenir  au  premier  mourant  d'eux  au 


252  Madame  de  La  Fayette 

jour  de  son  déceds,  en  quelques  lieux  et  endroits  que  tous  lesdits  biens 
meubles  et  conque ts  immeubles  soient  trouvés  situés  et  assis  pour  dudit 
usufruit  et  jouissance  jouyr,  faire  et  disposer  par  ledit  survivant,  sa 
vie  dvirant,  ainsi  qu'il  advisera  bon  estre,  sans  qu'il  soit  obligé  de  donner 
autre  caution  que  sa  juratoire,  nonobstant  la  coustume  à  laquelle,  et 
à  toutes  autres  à  ce  contraires,  lesdits  seigneiu"  et  dame  ont  dès  à  présent 
renoncé,  le  tout  potu-veu  toutesfois,  et  non  autrement,  qu'au  jovu*  du 
déceds  du  premier  mourant  il  n'y  ait  ]:)oint  d'enfans  de  leur  mariage  qui 
soient  habiles  à  succéder;  et  où  il  en  aiiroit,  ladite  présente  donation 
demeurera  nulle.  Pour  l'insinuation  de  laquelle ...  Fait  et  passé  en 
l'estude  de  Marreau,  l'un  des  notaires  soubsignés,  l'an  mil  six  cens 
cinquante  six,  le  vingt  quatriesme  jour  d'avril  avant  midy.  Et  ont 
signé  la  minute  des  présentes,  demeurée  vers  ledit  Marreau,  notaire. 
Ainsi  signé:  Marreau  et  Lefranc  notaires. 

(Archives  de  l'Allier,) 


APPENDICE  IV 
GÉNÉALOGIE  DE  LA  MAISON  MOTTIER  DE  LA  FAYETTE 


16—7 


254 


GÉNÉALOGIE  DE  LA  MAISO 


Gilbert  du  Mottier  I  (fit  une  fondation  au  Prieuré  de  Soucillange  1025) 

Gilbert  du  Mottier  II  (croisé  1095) 

Gilbert  du  Mottier  III  (Bienfaiteur  du  Prieuré  de  Soucillange  1125.     Croisé  sous  Philippe-Auguste. 
Fait  Chevalier  à  la  prise  du  Vexin  en  1104) 

II 
Gilbert  du  Mottier  IV 

Gilbert  du  Mottier  V — ép. — Alix  le  Brun  (fille  de  Gilles  le  Brun,  Connestable  de  France,  Seigneur 


GUbert  VI 

(fait  chevalier  pour  ses  services 
contre  les  Anglais) 


-ép. — Marguerite  de  la  Eoche  Tournelle  (1300) 


Guillaume  du  Mottier,  Chevalier,  Seigneur  de  la  Fayette — ép. — Marguerite  de  la  Maillade  (1356) 


Gilbert  VII- 


(Conseiller,  Chambellan  du  Roi  et  de  Monseigneur  le  Dauphin,  Eégent 

du  Eoyaume,  Lieutenant  et  Capitaine  Général  dans  le  Lyonnais  et 

Maçonnais  (1418),  Commandant  l'armée  française  à  la  bataille  de  Baugé 

(1431),  Maréchal  de  France  pour  ses  services  contre  les  Anglais) 


-ép. Jeanne  de  Joyeuse 


fille  de  Randon  de  Joyeus 

et  de  Catherine  Aubert, 

Dame  de  Montelschat 


Magdeleine  de  la  Fayette 

ép.  Emeric  de  Bouttier, 

Seigneur  de  Bonnivat 


Antoine  de  la  Fayette 
ép.  Louise  de  Montsoissier 
Mort  sans  enfants 


Jean  de  la  Fayette, 
Chanoine  et  Comte  de  Lyo: 


Antoine,  Grand  Maîtrede  l'Artillerie  1474-1531 — ép.  (1490) — Margueri  te  Rouville,  fille  de  Louis,  Seignei 

. w 

Louis,  Comte  de  la  Fayette-Pontgibaud,  Seigneur  de  Montesclat — ép.  (1525) — Marguerite  de  Vienn 


Jacqueline  de  la  Fayette- 


François  du  Mottier  tué  à  la 
bataille  de  Saint-Quentin        Fonda  le  Couvent  des  Capucins  à  Clermont  (Auvergne)      Comte  de  Lud 


-ép. — Guy  de  Daillo 


I 
Marie  de  la  Fayette 
ép.  Antoine  de  la  Tour  d'Auvergne, 
Baron  de  Murât 


Antoinette  de  la  Fayette 
ép.  (1)  Louis  de  Loup, 

Seigneur  de  Pierrebrune 
(2)  Philippe  de  Rivoire, 
Comte  du  Palais 


Gabrielle  de  la  Fayett«! 
Abbesse  des  Chases 


I  I  I 

Madeleine  de  la  Fayette,  Françoise  de  la  Fayette,  Louise — ép. — (1)  François  d'Apcher,; 

Religieuse  au  Chaze        Abbesse  de  St  Georges  (Rennes)  Seigneur  du  Cheyla' 

(2)  Claude  de  Bourbon 

Comte  de  Chaslus 

i \ 1 \ 

Louise  de  la  Fayette,     Madeleine  de  la  Fayette,      Claude  de  la  Fayette       Charles  de  la  Fayettt 
Fille  d'honneur,  Abbesse  de  St  Georges        ép.  César  de  Chavigni         tué  à  la  bataille 

Religieuse  de  la  Visitation  (Rennes)  de  Blot  d'Estampes  1631 


La  Maison  de  la  Fayette  porte  D'or  à  la  bande  dentelée  de  gueules  et  à  la  bordure  de  vair. 


MOTTIER  DE  LA  FAYETTE 


255 


5  Champestrières) 


Pons 
Branche  des  Campestrières-Vissat 


Jean  du  Mottier 
tué  à  la  bataille  de  Poitiers 
(Au  XVII  e  siècle  on  voyait  encore  son 
tombeau  aux  Jacobins  de  cette  ville) 


Charles  du  Mottier- 


Seigneur  de  la  Fayette-Pontgibaud,  Chambellan  et 
Grand  Écuyer  du  Eoi,  Gouverneur  de  Boulogne 


-ep. 


-Isabeau  de  Polignac, 


fille  d'Armand,  Vicomte  de  Polignac 
et  d'Amadée  de  Saluces 


:e  Rouville 


I 
François 

Branche  de  Saint-Romain 


Jean- 


(Branche  des  Hautefeuille. 
Succéda  à  François,  mort  à 
Saint-Quentin  sans 
laisser  d'enfants) 


-ép 


— Françoise  de  Montmorin, 
fille  d'Annet  de  Montmorin, 
Seigneur  d'Espinasse,  et  de 
Marie  de  Boissière 


Eené  du  Mottier, 
Comte  de  la  Fayette, 
é  à  la  bataille  de  Montcontour 
1569 


II 
Claude  du  Mottier- 


Comte  de  la  Fayette, 
Seigneur  de  Hautefeuille, 
d'Espinasse,  de  Nades  et 
de  Chavigny-Beauregard 


-ep.— 


Marie  de  Toursel  d'Alègre, 
fille  de  Gayard  de 
Toursel  d'Alègre, 
Comte  de  Riverol,  et 

de  Charlotte  de  Beauvais 


Jacques, 
lomte  de  Lyon, 
:  Chartreux 


François, 
Évêque  de  Limoges, 
Aumônier  de  la  Reine 
Anne  d'Autriche 


I 
Philippe, 

Chevalier  de  Malte 


Jean- 


ép. — Marguerite, 
de  Bourbon-Busset 


lude  de  la  Fayette, 
ibé  et  Directeur  de 
Sorbonne 


Jacques  de  la  Fayette, 
Chevalier  de  Malte 


FRANÇOIS— ép.— MARIE-MADELEINE  PIOCHE 
de  la  Fayette  de  la  Vergne 

1616-1683  1634-1693 


Louis,  né  le  18  février  1658,  René  Armand  de  la  Fayette ép. — Madeleine  de  Marillac 

bbé  de  Valmont  (1670),  de  Dallon     Chevalier,  Comte  dudit  lieu.  Brigadier 
i76),  de  la  Grenetière  (1679),  Prieur       d'Infanterie,  né  le  18  juin  1659, 
de  Gondat,  mort  le  2  mai  1729  mort  à  Landau  août  1694 


Marie  Madeleine — ép.— Charles  Bretagne  de  la  Trémouille 

Prince  de  Tarente 
La  famille  Mottier  de  la  Fayette  s^éteint 


APPENDICE  V 

Renseignements  sur  les  Terres  de  la  Famille  La  Fayette 

AxLiER,  L'Ancien  Bourbonnais,  Tome  ii. 

p.  348.  D'Échassières,  nous  allons  nous  diriger  au  sud,  vers  le  bourg 
de  Nades  :  là  il  y  avait  un  château  à  peu  près  semblable  à  tous  ceux  dont 
je  viens  de  parler,  il  présentait  ^xne  enceinte  carrée,  flanquée  de  quatre 
tours  couronnées  de  créneaxix.  Il  est  aujoiird'hui  considérablement 
ruiné.  On  y  a  trouvé  comme  dans  celui  d'Échassières,  des  canons  de 
fonte  et  en  bronze,  des  coulevrines  et  des  boulets.  Nades  appartenait 
en  1409  à  Marie  de  Chauvigny,  femme  de  Pierre  de  Montmorin.  Il  passa 
en  1550  à  Françoise  de  Montmorin  qui  épousa  Jean  Motier  de  la  Fayette, 
et  en  1613  à  Jean  de  la  Fayette,  qui  le  vendit  à  M.  Lenoir,  fermier  général. 
{Cette  vente  eut  lieu  bien  plus  tard.   Voir  l'article  du  Bulletin  qui  suit.  H.  A.  ) 

p.  358.  La  terre  de  Cognât  a  appartenu  d'abord  à  Gilbert  le  Jarric, 
puis  à  la  maison  de  Lafayette  et  enfin  à  la  famille  de  l'Espinasse.  Cette 
dernière  famille  a  possédé  encore  dans  les  environs  de  Gannat  la  terre 
de  l'Espinasse,  qui  avait  été  la  propriété  de  Mottier  de  Lafayette. 
Celui-ci  l'avait  reçue  par  alliance  de  Françoise  de  Montmorin. 

Bulletin  Revu£.  de  la  Société  d'Émulation  et  des  Beaux  Arts  du  Bourbonnais, 
Tome  vin.  1900. 
p.  187.  Notes  en  appendice  à  \in  article  du  Commandant  Du  Broc 
de  Segange.  Chouvigny,  Nades,  La  Lizolle.  Ces  trois  seigneiiries  qui  ont 
donné  chacun  leur  nom  à  une  commune  de  l'Allier  ont  été  longtemps 
révtnies  sous  le  même  propriétaire,  en  commençant  par  la  branche  des 
Chouvigny  de  Nades  dont  nous  regrettons  de  ne  pas  avoir  une  généalogie 
exacte.  Isabeau,  dernière  de  cette  branche,  ayant  épousé  Pierre  de 
Montmorin  en  1409  leur  descendance  directe  conserva  les  trois  seigneuries 
jusqu'au  mariage  en  1543  de  Françoise  de  Montmorin  avec  Jean  Motier 
de  la  Fayette,  auquel  elle  apportait  en  outre  la  terre  d'Espinasse  près 
Gannat.  Un  vignoble  fort  renommé,  situé  près  du  château  de  Chouvigny 
contenant  autrefois  environ  25  œuvres  de  vigne,  porte  encore  aujoiird'hui 
le  nom  de  Clos-la-Fayette:  il  constituait  probablement  la  seule  bonne 
partie  de  la  baronnie  de  Chouvigny  qtii  s'étendait  sur  des  ruines  et 
des  roches  incultes.  Cette  branche  des  La  Fayette  se  termina  au  XYIII^ 
siècle  par  Marie -Madeleine  de  la  Fayette,  qui  épousa  en  1706  Charles 
Louis  Bretagne  de  la  TrémouiUe,  duc  de  Thouars,  Leiir  fils,  Charles 
Armand  René  duc  de  la  TrémouiUe,  vendit  le  16  avril  1734  Nades, 
Chouvigny,  la  Lizolle,  Espinasse  et  Cognât  à  Isaac  Le  Noir,  secrétaire 
du  Roi  (Archiv.  Allier,  B  872). .  .La  châtellenie  de  Nades,  Chouvigny 
et  la  Lizolle  avait  haute  basse  et  moyenne  justice. 


APPENDICE  VI 

Madame  de  La  Fayette  et  les  Affaires  de  Savoie 

Réponses  de  Louvois  aux  lettres  de  Mme  de  La  Fayette,  copiées  sur 

les  Minutes  conservées  aux  Archives  du  Ministère  de  la  Guerre, 

à  Paris. 

A  Versailles  le  11  sept.  1684. 

V.  717,  p.  190.  J'ai  reçu,  madame,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait 
l'homieur  de  m'escrire  le  9  de  ce  mois.  Je  puis  vous  assurer  que  les 
ordres  du  Roy  touchant  les  intérêts  de  Madame  de  Savoie  ont  ete 
adresses  a  Mr  l'abbé  d'Estrades.  Ayant  entendu  lire  au  conseil  la  lettre 
que  sa  Majesté  a  fait  escrire  sur  ce  sujet,  ainsi  je  ne  doute  pas  qu'il 
l'ait  reçue  présentement  et  que  vous  n'en  ayez  bientôt  des  nouvelles. 
Je  suis  madame  votre  très  hiomble  et  très  obéissant  serviteur. 

A  Chambord  le  29  sept.  1684. 
V.  717,  p.  480.  Quoique  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneiu*  de 
m' écrire  ne  désire  point  de  réponse,  je  ne  puis  la  recevoir  sans  vous 
remercier  de  la  continuation  des  marques  d'amitié  qu'il  voiis  plait  me 
donner  et  vous  assurer  que  je  profiterai. .  .avec  le  plus  grand  plaisir 
du  monde  des  occasions  qu'il  vous  plaira  me  donner  de  vous  marquer 
la  passion  avec  laquelle  je  suis  votre  très  h.  et. . .  (Presque  ilUsible. 
Leçon  douteuse.) 

A  Versailles  le  24  novembre,  1685. 

V.  751,  p.  617.  J'ai  receu  avec  le  billet  que  vous  m'avez  fait  l'hon- 
neur de  m'escrire  hier  la  lettre  qui  y  etoit  jointe  et  que  je  vous  renvoie. 
Mr  le  marquis  d'Arcy  a  ordre  depuis  plus  de  3  semaines  de  parler  au 
sens  que  Mme  la  duchesse  de  Savoie  désirera  poiir  la  conservation  de 
ses  revenus,  et  je  suis  bien  ennuyé  si  je  n'ai  entendu  lire  une  lettre  de 
lui  qui  nous  accusoit  la  reception(?). 

Je  soutiendrai  Mr  l'abbé  d'Estrade  lorsqu'il  viendra  ici.  .  .Et  vous 
connaitrez  en  toute  rencontre  que  je  suis  toujours. .  .etc. 

A  Versailles  le  3  janvier,  1686. 
V.  761,  p.  34.  J'ai  reçu  madame  la  lettre  que  vous  avez  pris  la  peine 
de  m' écrire  le  2<^  de  ce  mois.  Le  roi  avoit  déjà  ete  informe  par  Mr  le 
marquis  d'Arcy  du  retranchement  que  Mr  le  duc  de  Savoie  avoit  l'inten- 
tion de  faire  a  Mme  sa  mère,  et  avoit  donne  l'ordre  que  l'on  mandat 
a  mon  dit  sieiu"  d'Arcy  de  concerter  avec  Mme  la  duchesse  de  Savoie 
les  diUgences  qu'il  seroit  a  propos  de  faire  auprès  de  Mr  son  fils  pour  le 
porter  a  lui  rétablir  ce  qu'il  lui  a  ote.  Sa  Majesté  a  résolu  en  même  temps 
de  parler  au  marquis  de  Lapierre  quand  il  prendra  congé  de  Sa  Majesté. 


Appendice  VI  259 

Je  souhaite  de  tout  mon  cœur  que  cela  produise  l'effet  que  désire  Mme 
la  duchesse  de  Savoie.  Soyez  bien  persuadée  de  la  passion  avec  laquelle 
je  suis,  madame. . . 

A  Versailles  le  3  février,  1G86. 

V.  762,  p.  229.  J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'ecrire  hier  avec  les  papiers  qui  y  etoient  joints,  lesquels  je  vous 
renvoie  après  les  avoir  lus.  Je  rendrai  ce  soir  au  Roi  la  lettre  de  Mme 
la  duchesse  de  Savoie  et  vous  dirai  cependant  que  sa  Majesté  donna 
encore  hier  ordre  a  Mr  de  Croissy  après  avoir  entendu  la  lettre  de  jVIr  le 
marquis  d'Arcy  de  lui  mander  de  continuer  les  plus  vives  instances  en 
favevir  de  Madme  la  duchesse  de  Savoie  observant  que  S.  M.  ne  juge 
pas  a  propos  qu'il  sollicite  la  patente  qu'elle  avoit  désire  que  l'on  deman- 
doit  a  M.  son  fils. 

A  Versailles  le  20  février,  1686, 

V.  762,  p.  499.  Ce  mot  n'est  que  pour  accompagner  la  lettre  du  Roi 
cy  jointe  qui  est  la  réponse  de  celle  que  vous  m'avez  adressée  de  Mme 
la  duchesse  de  Savoye  pour  sa  majesté.  Je  suis  Madame  votre  très 
humble  et  très  obéissant  serviteur. 

A  Versailles  le  9  mars,  1686. 

v.  763,  p.  150.  Le  Roy  avoit  donne  l'ordre  a  IVIr  Catinat  de  parler 
a  Mr  le  duc  de  Savoie  en  faveur  de  ]VIme  sa  mère,  et  de  le  presser  vivement 
de  lui  donner  une  entière  satisfaction.  J'ai  cru  que  vous  seriez  bien  aise 
d'en  être  informée  et  je  vous  suppHe  de  me  faire  part  du  détail  que  vous 
apprendrez  dans  la  suite. 

A  Versailles  le  4  avril,  1686. 

v.  764,  p.  115.  J'ai  receu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'escrire  hier.  Je  me  servirai  de  ce  qu'elle  contient  si  j'entends  dire 
quelque  chose  qui  me  le  fasse  juger  a  propos,  sans  quoi,  usant  de  la 
liberté  que  vous  me  donnez  je  n'en  dirai  pas  une  parole.  Je  suis  votre 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

A  Versailles  le  19  décem.  1686. 

V.  771,  p.  384.  J'ay  reçu  le  billet  que  vous  avez  pris  la  peine  de 
m'escrire'^  avec  le  paquet  qm  l'accompagnoit.  J'ai  eu  l'honneur  de 
remettre  au  Roy  la  lettre  qxii  estoit  pour  Sa  Majesté,  qu'elle  a  fort  bien 
reçue  et  je  ne  doute  point  qu'elle  ne  m'ordonne-  de  vous  envoyer  la 
réponse. 

A  Versailles  le  23  janv.  1687. 

V.  779,  p.  435.  Le  billet  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'escrire 
hier  m'a  ete  rendu.  Je  vous  rends  grâces  très  humbles  des  marques 
que  vous  me  donnez  de  l'honneur  de  votre  souvenir.  Je  vovis  suppUe 
d'être  persuadée  de  la  part  que  je  prendray  toujours  a  ce  qui  vous  touche, 
et  que  je  profiteray  avec  beaucoup  de  plaisir  des  occasions  que  vous  me 
donnerez  de  vous  rendre  mes  très  htmibles  ser\àces. 

^  En  surcharge  :  quelques  mots  illisibles.  *  Un  mot  illisible. 


260  Madame  de  La  Fayette 

A  Versailles  le  28  fév.  1687. 

V.  780,  p.  447.  J'ai  receu  avec  le  billet  que  vous  m'avez  fait  l'hon- 
neixr  de  m'ecrire  celle  (sic)  de  Madame  la  duchesse  de  Savoie,  duquel 
je  vous  remercie.  Je  feray  des  nouvelles  qui  l'accompagnent  l'usage 
qu'elle  désire.  Cependant  je  vous  supplie  de  l'assurer  de  la  reconnais- 
sance que  je  conserverai  toujours  des  bontés  dont  il  lui  plait  de  m'honorer 
en  votre  particiilier  en  votre  particulier  (sic)  qu'on  ne  peut  être  plus 
veritable*^. . . 

Ltixemboiu-g  le  21  mai,  1687. 

V.  783  (1),  p.  148.  Je  revois  en  arrivant  en  cette  ville  le  billet  q.  v. 
m'avez  fait  l'honneur  de  m'ecrire  le  16  de  ce  mois  avec  la  lettre  qui  y 
etoit  jointe  que  je  vous  renvoie.  Je  vous  supplie  d'assurer  madame  la 
duchesse  de  Savoie  de  la  continuation  de  mes  respects  (?)  et  du  désir 
que  j'aurai  toujours  de  lui  rendre  mes  très  humbles  services  dans  les 
occasions  qvii  se  présenteront. 

Versailles  le  17  jmllet,  1687. 

V.  784,  p.  327.  J'ai  receu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
m'escrire  avec  les  papiers  qvii  y  étaient  joints  dont  je  voias  rends  très 
humbles  grâces.  Je  vous  prie  de  faire  ma  cour  a  madame  la  duchesse 
de  Savoie  selon  que  vous  lui  escrirez  et  d'être  bien  persuadée  que  je 
suis  toujoiirs  très  véritablement. 

A  Fontainebleau  ce  10  oct.  1687. 

V.  786,  p.  344.  J'ai  receu  le  billet  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
de  m'escrire  Ivindy  dernier,  celles  de  Thurin  qui  y  etoient  jointes  des 
27  et  28  du  mois  passe.  Je  me  suis  acquitte  de  l'ordre  que  madame  la 
duchesse  de  Savoie  me  dorma,  en  témoignant  au  roy  l'inquiétude  qu'elle 
a  de  l'indisposition  de  Sa  Majesté,  de  quoy  elle  m'a  paru  bien  persuadée, 
et  m'a  commande  de  la  remercier  du  compliment  que  ma  dite  dame 
m'avoit  charge  de  luy  faire. 

Madame  Royale  ne  pouvoit  prendre  un  meilleur  party  que  celui 
qu'elle  a  pris  sur  ce  qui  s'est  passe  a  l'égard  du  comte  de  Druent  et  du 
marqiiis  de  Pianesse,  et  Mr  le  duc  de  Savoie  en  ne  luy  en  donnant  auciine 
part  s'est  fait  tort  a  lui  seul.  Il  est  fâcheux  que  ce  prince  n'ait  personne 
auprès  de  Ivii  capable  de  lui  représenter  ce  qu'il  devrait  faire  en  de 
pareilles  rencontres.  Je  vous  supplie  de  m'ayder  a  bien  remercier  Madame 
Royale  de  ce  qu'il  lui  plait  de  vous  charger  de  me  dire  touchant  ma 
maladie.  Je  conserverai  toute  ma  vie  une  reconnaissance  très  vive  des 
bontés  dont  il  lui  plait  de  m'honorer.  Je  ne  pense  point  a  aller  a  Aney 
le. .  .de  cet  automne,  ainsi  je  ne  puis  profiter  de  l'offre  que  vous  me 
faites  du  (château?  chancelier?).  Je  vous  supplie  d'être  bien  persuadée 
de  la  passion  avec  laquelle  je  suis  tout. 

A  Marly  ce  11  mars,  1688. 

V.  802,  p.  78  (Brouillon),  p.  198.  J'ay  leu  au  Roy  la  lettre  que  vous 
m'aves  (adressée  avec  celle  que  vous  m'avez)  fait  l'honneur  de  mescrire 
le  6«  de  ce  mois.  Sa  Mate  ma  paru  bien  persuadée  que  Madame  la  duchesse 
de  Savoye  est  incapable  d'avoir  fait  ce  dont  on  l'a  accusée  et  c'est  dequoy 


Appendice  VI  261 

je  vous  puis  assurer  et  que  je  suis  tousjovirs  vostre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur. 

(Brouillon  daté  du  4  mars.  Mise  au  net  le  5  mars  par  un  secrétaire. 
Le  passage  entre  parenthèses  ajouté  d'une  autre  main  (celle  de  Louvois) 
et  le  quantième  changé.) 

A  Versailles  le  26  mars,  1688. 

V.  804,  p.  155.  J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  rhonneiu:  de 
m'escrire.  Je  demanderai  (accorderai?)  ce  que  vous  desirez  sur  l'affaire 
dont  Mr  de  Boufflers  m'a  parle.  A  l'égard  de  ce  que  vous  a  mande 
madame  Royalle  je  ne  vois  guère  d'emplois  propres  pour. .  .(Suite 
illisible.) 

A  Versailles  le  2  avril,  1688. 

V.  805,  p.  17.  J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'hormeur  de 
m'escrire  le  dernier  du  mois  passe  avec  tous  les  papiers  qui  l'accom- 
pagnaient lesquels  je  vous  renvoyé,  mon  indisposition  m'empechant 
de  voir  le  Roy.  C'est  avec  bien  du  déplaisir  que  je  me  vois  hors  d'état 
de  rendre  le  service  que  je  désirerai  a  Madame  la  duchesse  de  Savoie. 
Je  suis  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

A  Versailles  le  9  juillet,  1688. 

V.  806,  p.  137.  J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'escrire  avec  celle  de  Mme  Royalle  qui  y  etoit  jointe  laquelle  je 
vous  renvoyé.  Je  ne  scay  point  de  charge  a  vendre  dans  la  gendarmerie 
et  je  puis  vous  dire  qii'a  l'exception  des  compagnies  des  chevau-legers 
d'ordonnance,  les  subalternes  montent  toujours  lorsque  les  charges 
viennent  a  vacquer,  que  même  dans  les  gendarmes  du  Roy,  quand  il 
advient  un  changement,  il  n'y  a  jamais  que  les  charges  de  guidon  a 
vendre,  qtii  ne  peuvent  pas  être  remplies  par  un  homme  de  l'âge  et  des 
services  du  gentilhomme  dont  vous  me  parlez.  C'est  tous  les  éclaircisse- 
ments que  je  vous  puis  donner.  Si  après  cela  je  trouve  quelque  charge 
qui  lui  convienne  je  le  serviray  de  tout  ce  que  je  pourrai  pour  lui  en 
faire  obtenir  l'agrément.  Je  suis  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur. 

A  Versailles  le  27  décem.  1688. 

V.  816,  p.  91.  J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'escrire,  a  laquelle  je  ne  puis  repondre  quant  a  présent.  Sa  Majesté 
n'ayant  pas  encore  rien  règle  sur  les  régiments  qui  foixrniront  les  com- 
pagnies l'année  prochaine.  Je  vous  supplie  d'être  bien  persuadée  que 
lorsque  je  ne  reponds  pas  a  vos  lettres  c'est  que  je  ne  stiis  pas  en  état 
de  le  faire,  ne  laissant  pas  que  d'estre  toujoizrs  dans  les  meilleiirs  disposi- 
tions que  vous  pouvez  désirer  et  qui  dépendront  de  vous,  poLU"  vou3 
rendre  services. 

A  Marly  le  1"  avril,  1689. 

V.  846,  p.  21.     Je  vous  adresse  la  réponse  que  je  fais  a  Mr  le  Comte 

de  Masin  laquelle  je  vous  supplie  de  vouloir  bien  Im  faire  tenir.   Le  Roy 

a  fait  escrire  a  Mr  d'Arcy  au  sens  que  Mme  la  duchesse  de  Savoie  peut 

désirer.    Sa  Majesté  a  même  ordonne  a  mon  dit  sieur  d'Arcy  de  laisser 

A.  17 


262  Madame  de  La  Fayette 

entendre  a  Mr  le  duc  de  Savoie  dans  la  première  occasion  nouvelle  qu'il 
en  trouvera  que  prenant  une  part  sensible  a  ce  qui  regarde  Mme  sa  mère, 
que  son  cœiir  le  doit  porter  a  bien  traiter  en  toute  rencontre,  et  que  si 
cela  ne  svLffit  pas  il  doit  se  sovivenir  que  Sa  Majesté  s'attend  que  l'amitié 
qu'elle  a  pour  elle  lui  sera  une  raison  pour  éviter  de  donner  a  Mme  la 
duchesse  de  Savoie  aucun  sujet  de  se  plaindre  de  lui. 


APPENDICE  VII 

Les  Sentiments  du  Sieur  Eosteau  sur  plusieurs  auteurs  : 
Ouvrages  d'Histoire 

L'Histoire  de  Madame  de  Montpensier. 

Si  novis  en  croyons  la  préface  de  ce  livre  ce  n'est  point  icy  une  vérité 
qui  touche  Me  de  Guise  Mad^  de  Montpensier  et  Mons  de  Chabannes  qui 
sont  les  principaiix  acteurs  de  cette  scène,  mais  on  s'est  seulem*  servi 
de  leurs  noms  pour  rendre  la  scène  (?)  plus  considérable  et  plus  vrai- 
semblable. Quelques  uns  croyent  que  c'est  une  advanture  de  ces  derniers 
temps  ce  que  l'on  en  peut  dire  de  plus  asseuré  est  que  rien  ne  peut  estre 
plus  galamment  écrit.  Le  brmt  commun  veut  que  ce  soit  vme  production 
de  Madame  de  la  fayette  assez  cognue  pour  un  des  plus  beaux  esprits 
de  notre  cour,  dautres  y  donnent  part  a  M.  le  duc  de  la  Rochefoucault 
de  quelq.  main  quil  parte  il  ny  a  rien  (mots  illisibles)  peut  estre  q.  le 
personnage  que  l'on  a  fait  tenir  a  M.  de  Guise  sera  moins  approuvé 
estant  contre  la  raison  qu'après  vine  fortune  pareille  à  celle  où  il  se 
venoit  de  trouver  il  eust  si  facilement  oublié  une  princesse  quy  avoit 
risqué  son  honneur  et  sa  vie  pour  luy,  ce  qui  persuade  encore  q.  cest  une 
supposition  de  personnages  et  qiiil  sy  trouveroit  sous  la  véritable 
histoire  de  grandes.  .  .  (mot  illisible). 

MSS.  ex  libris  Bibliothecae  Sancta  Genovefa 
Parisiensis.  Bib.  Ste. -Geneviève,  MS.  no. 
3339,  fo  235.     [Inédit.] 


APPENDICE  VIII 

Quelques  opinions  sur  La  Princesse  de  Clèves 

Dix-septième  siècle. 

(Bayle.)  Nouvelles  lettres  de  l'auteur  de  la  Critique  générale  de  l'histoire 

du  Calvinisme  de  Mr  Maimbourg.   Villefranche,  1685,  in  12°,  T.  n, 

p.  652.    Lettre  xxi,  Section  v,  p.  656.    B.  trouve  les  caractères  de 

La  P.  de  C.  "outrés  et  chimériques." 
Bussy-Rabutin.    Correspondance,  éd.  Lalanne.     1858,  6  vols.  12°. 
Charnes  (L'abbé  de).    Voir  bibliog.  des  ouvrages  consultés. 
Fontenelle.  Mercure  Galant,  mai  1678,  p.  111.   A  lu  quatre  fois  ce  roman 

tant  il  l'admire.    Regrette  que  Nemours  ait  écouté  l'aveu. — "Cela 

sent  un  peu  les  traits  de  VAstrée.'^ 
Merciire  Galant,  mars  1678,  p.  379.    Tout  le  monde  l'attendait.    "Elle 

a  remply  cette  attente,  et  je  suis  certain  que  je  ne  vous  pouvois 

prociirer  iine  lecture  plus  agréable." 
Vahncour.    Voir  la  bibliog.  et  notre  chapitre  sur  La  P.  de  C. 
Voir  aussi  Les  Lettres  de  Mme  de  Sévigné  et  la  lettre  de  Mme  de  la 

Fayette  à  Lescheraine  où  elle  critique  son  propre  roman. 

Dix -huitième  siècle.    (Sauf  mention  contraire  ces 
ouvrages  fiirent  publiés  à  Paris.) 

Chaudon  et  Delandine.  Nouveau  dict.  hist. . . .  par  une  société  des 
Gens  de  Lettres.    7^  édit.   Caen  et  Lyon,  1789,  in,  p.  584. 

Dictionnaire  historique  portatif  des  femmes  célèbres.   2  vols.  1769,  i,  648. 

Gordon  du  Percel  (L'abbé  Lenglet  du  Fresnoy).    De  l'usage  des  romans. 
Amsterdam,  1734,  i,  pp.  13-14. 
L'histoire  justifiée  contre  les  romans.    Amsterdam,  1735. 

Lambert  (L'abbé).  Histoire  httéraire  du  règne  de  Louis  XIV. . .  1751, 
3  vols.  40,  T.  III,  Liv.  rx,  pp.  32-33. 

La  Harpe.  Lycée  ou  cours  de  Litt.  anc.  et  mod.  Paris,  1888,  14  vols.  8°, 
Tome  7. 

La  Porte  (L'abbé  de)  et  Lacroix.  Histoire  littéraire  des  femmes  fran- 
çaises.   1769,  5  vols.  8°,  I,  460-515.    Aucune  critique  personnelle. 

Leiong  (Jacques).  BibUothèque  historique  de  la  France.  T.  iv.  Vie  et 
éloges  des  Dames  illustres,  1775,  Fo,  p.  210.  La  Rochefoucauld 
aurait  foxirni  les  maximes,  Mme  de  la  Fayette  l'intrigue,  et  "le 
tout"  aurait  été  "mis  en  œuvre  avec  autant  d'esprit  que  de 
déhcatesse  par. .  .Segrais. . ." 

Marmontel.  Œuvres.  1819,  7  vols,  in  8°,  Tome  m,  2e  partie,  p.  558. 
Essai  sixr  les  romans  considérés  du  côté  moral.  Trouve  la  P.  de  C. 
séduisant,  mais  dangereux.  Loue  les  bienséances  et  le  sentiment  de 
la  pudeiir  dans  ce  roman. 

Moreri  (Louis).   Le  grand  dict.  hist.. .  .etc.    1759,  T.  v,  p.  67. 

17—2 


264  Madame  de  La  Fayette 

Niceron.  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  hommes  illustres  dans  la 
répub.  des  lettres.   1731,  T.  xvi,  p.  23,  Art.  Segrais.  Cite  le  P.  Lelong. 

Prévost  (L'abbé).  Mémoires  et  aventures  d'un  homme  de  qualité  qui 
s'est  retiré  du  monde. .  .  1808,  3  vols,  in  12°,  T.  ii,  p.  80.  Conseille 
à  son  élève  de  lire  Télémaqtie  et  La  Princesse  de  Clèves  comcme  les 
moins  mauvais  des  romans. 

Voltaire.  Œuvres,  éd.  Beuchot.  1833,  71  vols,  in  8°,  T.  xn,  p.  344. 
Le  Temple  du  Goût,  xix,  127.   Le  Siècle  de  Louis  XIV. 

Dix-neuvième  et  XX*'  siècle. 

Asse  (Eugène).   Art.  sur  La  Fayette  dans  La  Grande  Encyclopédie.   Cet 

article  fourmille  d'inexactitudes. 
Auger  (Louis  Simon).    Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Madame  de 

la  Fayette.    1863,  1875,  1882. 
Baldensperger  (F.).   À  propos  de  l'aveu  de  la  Princesse  de  Clèves,  dans 

la  Rev.  philologie  fr.  1901,  p.  26. 
Barine  (  Arvède).  Madame  de  laFayette  d'après  des  documents  nouveaux. 

(Voir  Perrero.)    Rev.  des  deux  mondes,  15  sept.  1880,  pp.  384-412. 
Cherbuliez  (Victor).   L'Âme  généreuse — La  Princesse  de  Clèves.    Rev.  des 

deux  mondes,  15  mars  1910,  p.  274. 
Ferettini   (Hector).     Étude  sur  Madame  de  la  Fayette.    Brochtire  in 

16  de  24  pp.    Milan,  1901.    Presque  toutes  les  vieilles  erreiu-s  s'y 

trouvent.   Mme  de  la  Fayette  naqmt  au  Havre,  etc.,  etc. 
Fournel  (Victor).    La  littérature  indépendante  et  les  écrivains  oubliés. 

Essais  de  critique  et  d'érudition  sur  le  XVII^  siècle.    1862,  in  16, 

p.  201. 
Girardin  (Saint-Marc).    Co\ars  de  litt.  dram.  ou  de  l'usage  des  passions 

dans  le  drame.     1875,  5  vols,  in  16,  Tome  iv,  pp.  438,  et  suiv. 

Crit.  de  la  psychologie  du  roman. 
d'Hau-ssonville  (Le  comte).   Madame  de  la  Fayette.   Hachette  (Les  gr. 

écriv.  fr.),  1891. 
Hémon  (Félix).  Rev.  pol.  et  litt.  5  avril  1879,  p.  956.  Conteste  l'authenti- 
cité de  la  lettre  de  Mme  de  la  Fayette  au  sujet  de  la  P.  de  C.  publiée 

par  Perrero  dans  la  Rassegna. 
Ibid.,  3  mai  1879.    Le  procès  de  Mme  de  la  Fayette.  La  Princesse 

de  Clèves  et  M.  Perrero. 

Ibid.,  2  oct.  1880.    La  vraie  Mme  de  La  Fayette.     Réponse  à 


l'art.  d'Arvède  Barine. 
Le  Breton  (André).  Le  Roman  au  dix-septième  siècle.    1 890,  pp.  297-322. 
Leeigne  (C).  Madame  de  la  Fayette.  No.  1  de  la  Collection  Nouvelle  chez 

Lethielleux.     1910,  pp.    115,  in   16.    Ouvrage  tiré  de  celui  de  M. 

d'Haussonville. 
Lemontey  (P.  E.).    Notice  sur  Madame  de  la  Fayette  et  Mesdemoiselles 

Deshoulières.    1822,  in  8°. 
Leroi  (Robert).  À  propos  de  la  Princesse  de  Clèves  de  Mme  de  la  Fayette. 

Étude  sur  la  Société  fr.  auXVH*^  siècle.   Société  Havraise  d'études 

diverses.    1899,  l^""  trimestre,  pp.  65-81. 
Leroyer  de  Chantepie  (Marie  S.).     Figures  historiques  et  légendaires. 

Paris,   s.d.   p.    223.     Madame  de   la  Fayette.    M.   L.  de  C.   écrit 


Appendice  VIII  265 

"Le  premier  ouvrage  de  Mme  de  la  Fayette  fut  la  Princesse  de 

Clèvesr 
Margerie  (A.  de).   Madame  de  la  Fayette.    Nancy,  1870,  in  8°. 
(Mayeur  de  Saint-Paul)   Madame  de  la  Fayette,  s.d.  (1814),  1  vol.  in  24, 

pp.  108.    Port,  front,  et  grav.    Un  ramassis  de  citations  au  sujet 

de  Mme  de  la  F. 
Moréas  (Jean).   Variations  sur  la  Vie  et  les  Livres.  Paris  (Mercure),  1910, 

pp.  5-19.    Mme  de  la  Fayette.    L'auteur  insiste  sur  la  modération 

de  Mme  de  la  F. 
Perrero  (A.  D.).   Lettere  inédite  di  madama  di  La  Fayette  e  suerelazioni 

con  la  corte  di  Torino.    Curiosité  e  ricerche  di  storia  subalpina, 

Fasc.  XV,  Tvirin,  1880. 
Praviel   (Armand).    Madame    de   Villedieu  et  la  Princesse  de  Clèves. 

Revue  litt.  bulletin  de  Bibliographie  (Supp.  litt.  mensuel  au  Journal 

de  r  Univers,  fév.  1898). 
Rea  (Lilian).     The  Life  and  Times  of  Marie  Madeleine  Countess  of  La 

Fayette.     London,  s.d.  (1908),  1  vol.  in  8°,  pp.  xii,  336,  20  grav. 

L'auteur  a  abordé  ce  travail  avant  d'avoir  les  connaissances  néces- 
saires de  la  langue  française.    Après  avoir  raconté  l'histoire  des 

lettres  de  Mme  de  Sév.  trouvées  chez  Fouquet  elle  cite  ainsi  la 

lettre  de  Mme  de  Sév.  à  ce  sujet: 

"I  am  most  angry,"  she  wrote  to  Ménage,  "that  Fouquet  shoiild 

hâve  put  my  letters  in  the  casket  of  his  poulets  (hens)." 

Le  mot  entre  parenthèses  (  =  poules)  est  ajouté  par  Mme  Rea 

povir  expUquer  aux  lecteurs  anglais  le  mot  poulets  dans  l'original  !  !  ! 
Sainte-Beuve.    Romanciers  de  la  France.    Mme  de  la  Fayette.    Rev.  des 

deux  mondes,  \^^  sept.  1836,  p.  513.  Article  réimp.  dans  les  Portraits 

de  Femmes  du  même  auteior.    Celle-ci  est  encore  la  meillevire  étude 

sur  IVIme  de  la  Fayette. 
Salomon  (Ch.  ) .    A  propos  de  la  doctrine  morale  contenue  dans  la  Princesse 

de  Clèves.  i?ev.  wmvemtorVe,  1898,  Tome  n,  pp.  1—11.  Art.  important. 
Taine  (H.).    Article  sur  Mme  de  la  Fayette.    Journal  des  Débats,  25  fév. 

1857.    Réimp.  dans  ses  Essais  de  Critique  et  d'Histoire,  et  en  tête  de 

son  édition  de  la  P.  de  C. 
Vapereau(G.).   Dict.  miiv.  des  litt.  1876,  1  vol   8°,  p.  1159.   La  Fayette. 
Voir  aussi  Brunetière,  Doumic,  Faguet,  Herriot,  Lanson,  Lemaître,  Léon 

Levrault  {Le  Roman,  Paris,  Delaplane,  pp.  40-43),  Morillot,  Petit 

de  Julleville,  Pellissier,  etc.,  etc. 
Voir  aussi  la  liste  des  ouvrages  consultés  pour  cette  étude. 


APPENDICE  IX 

Testament  de  Madame  de  La  Fayette 

Au  nom  du  Père  du  Fils  et  du  St  Esprit  fait  le  ll™e  Avril  1690. 

Je  suplie  nostre  seigneur  de  me  faire  la  grâce  d'avoir  une  soumission 
aussi  entière  à  sa  volonté  lors  qu'il  luy  plaira  m' appeler  à  luy  que  celle 
où  il  me  paraist  que  je  suis  présentement.  Mais  comme  ses  dispositions 
sont  aussi  incertaines  que  Iheure  de  nostre  mort  parce  que  tout  despend 
de  sa  providence  je  fais  ce  mémoire  des  choses  que  ie  souhaitte  estre 
exécutées  lors  quil  m'aura  apellée  à  luy  estant  saine  de  corps  et  desprit. 

le  laisse  à  mes  anfans  la  disposition  de  naon  enterrement  et  de  ma 
sépulture  ie  veux  néanmoins  que  ce  soit  a  ma  paroisse  et  avec  le  moins 
de  frais  et  de  despense  quil  se  poura  cest  ce  que  ie  leur  demande  insta- 
ment. 

le  donne  aux  pauvres  malade  (sic)  de  ma  paroisse  la  somme  de 
trois  cent  livres  une  fois  payée. 

le  donne  a  ma  sœur  religieuse  urseline  a  Valancay  outre  et  pardessus 
la  pention  viagère  que  Ion  paye  annuellement  a  son  couvent  et  qui  la 
doit  suivre  partout  ou  elle  ira  outre  cette  pention  qui  est  de  trois  cents 
livres  ie  luy  donne  dis-je  la  somme  de  soixante  livres  chaque  année  sa 
vie  durant  seulement  et  seront  les  dittes  soixante  livres  mist  entre 
les  mains  de  telle  personne  quelle  choisira  afin  que  cette  personne  les 
emploie  pour  le  soulagement  de  sa  santé  ou  autre  chose  a  sa  volonté 
sans  que  cela  passe  par  les  supérieures  du  couvent  ou  elle  sera. 

le  donne  a  Mlle  de  Boiscordier  la  somme  de  cent  livres  par  chaque 
année  sa  \àe  durant  seulement  et  si  la  ditte  Mlle  venait  a  se  marier  la 
ditte  pention  de  cent  livres  s'estindroit  en  luy  donnant  six  cent  livres 
une  fois  paye. 

le  donne  a  Charruel(?)  mon  valet  de  chambre  sil  est  encore  a  moy 
le  joiir  de  mon  deceds  (ratvire)  la  somme  de  cent  (rature)  cinquante 
livres  sa  vie  diu-ant  seulement  (deux  lignes  biffées). 

Mes  enfants  recompenseront  mes  autres  domestiques  a  proportion 
du  temps  et  de  la  manière  dont  ils  m'auront  servie. 

le  donne  a  mes  deux  fammes  mes  vieux  habits  et  mon  vieux  linge 
de  ma  personne  seulement  et  mes  anfans  réserveront  ce  qiiil  leur  plaira. 

le  les  fais  lun  et  lautre  cest  dire  mon  fils  labbé  et  mon  autre  fils 

exécuteurs  du  présent. 

(Signé)     De  La  Vergne. 

l'approuve  les  ratiires  cy  dessus  qui  ont  denviron  quatre  à  cinq 


ignes. 


(Signé)     De  La  Vebgne, 


Appendice  IX  267 

le  feray  un  codicille  par  lequel  ie  regleray  moymesme  la  recompense 
de  mes  domestiques. 

fait  ce  11™"  avril  1690.  (Signé)     Dk  La  Vergne. 

(Plié  et  cacheté  aux  armes  de  Mme  de  la  Fayette — les  écussons 

J^a  Fayette  et  La   Vergne   surmontés   d'une   couronne  de 

marquise.) 
(Au  dos)     Testament  et  codicile  fait  par  moy  et  despose  entre 

les  mains  de  Mr  le  Cure  de  St  Seurin  pour  le  faire  ouvrir  eu 

jour  de  ma  mort. 

Codicile  fait  par  moy  ce  26'"^  Février  1692. 

Jay  fait  un  testament  que  Ion  trouvera  avec  celuy  cy  auquel  j'adjoute 
que  je  donne  et  laigue  aux  pauvres  de  labaye  de  Valmont  en  Normandie 
la  somme  de  mil  livres. 

Jay  donne  par  mon  testament  a  Charruel  (?)  mon  valet  de  chambre 
une  pention  annuelle  de  cent  cinquante  livres  de  rente  laquelle  ie 
confirme  encore  la  ditte  pention  viagère  seulement  et  sera  aux  choix  de 
mes  anfans  de  luy  payer  la  ditte  pension  viagère  ou  de  la  rachetter 
de  cinq  cent  ecus  ime  fois  payé  le  tout  si  le  dit  Charruel  (?)  est  encore 
a  moy  et  non  autrement. 

Je  donne  pareillement  a  Aimée  femme  de  Charge  une  pention  viage 
de  cent  cinquante  livres  la  ditte  pention  non  rachetable  si  elle  est  encore 
a  moy  lors  de  mon  deceds. 

Je  donne  a  du  Mancais  la  somme  de  iTiil  livres  ime  fois  payée  et  toutes 
mes  hardes  seront  partagées  entre  elle  et  aimée  comme  il  est  porté  par 
mon  testament  si  lune  et  lautre  sont  encore  a  moy. 

Je  donne  a  Marie  servante  de  cuisine  la  somme  de  cent  livres  une 
fois  payée  si  elle  est  encore  a  moy. 

Je  donne  a  Bertelet  portier  la  somme  de  trois  (rature)  cent  livres 
une  fois  payée  sil  est  encore  a  moy. 
J'aprouve  la  rature. 

(Signé)     De  La  Vergne. 
A  Valier  mon  valet  de  chambre  la  somme  de  cent  cinquante  Hvres 
sil  est  encore  a  moy. 

Je  prie  ]VIr  de  Croisille  de  donner  les  sommes  portées  par  ce  codicille 
si  lors  de  ma  mort  il  a  encore  de  largent  a  moy  povir  aquiter  les  présents 
lais  du  moins  ceux  qui  sont  en  argent.  Mon  fils  payera  les  pentions  et 
ceux  qui  sont  en  argent  si  Mr  de  Croisille  nen  a  plus  entre  les  mains  de 
celuy  que  ie  luy  ay  donne  a  garder. 

(Signé)     De  La  Vergne. 
Je  donne  a  Mr  Chatrier  un  diamant  de  cinquante  pistolles  pour  ce 
souvenir  de  moy. 

(Signé)     De  La  Vergne. 
fait  ce  2^*^  février  1692. 
Outre  et  par  dessus  ce  qm  est  porté  sur  mon  testament  ie  donne 
encore  a  du  Mancais  si  elle  est  a  moy  la  somme  de  cinq  cent  livres  et 
tous  mes  habits  nestant  pas  iuste  q'aimee  le  partage  avec  elle, 
fait  ce  I2'"<=  T^re  1692. 

(Signé)     De  La  Vergne. 
(Au  dos)     Codicille  fait  ce  26me  février  1692. 


I 


APPENDICE  X 

L'Aveu  dans  le  Roman  :  Les  Désordres  de  l'amour 

La  marquise  de  Termes  est  souffrante  d'une  maladie  de  languevir; 
son  mari  s'inquiète  et  se  tourmente:  résolu  à  tout  faire  pour  apprendre 
le  secret  du  mal  mystérieux  qui  la  dévore,  il  vient  dans  l'appartement 
où  elle  repose  "...  et  surprenant  sa  femme,  le  visage  mouillé  de  quelques 
larmes  qu'à  son  abord  elle  essayoit  de  cacher. . .  . 

"Ne  vous  contraignez  point  poiir  ma  présence.  Madame,"  lui  dit-il, 
"je  suis  moins  un  époux  sévère  que  le  plus  intime  de  vos  amis,  dites-moi 
confidemment  ce  qui  vous  oblige  à  verser  des  larmes,  et  croyez  qu'il 
n'y  a  rien  que  je  fasse  ou  que  je  n'entreprenne  pour  en  arrêter  le  coiu-s." 

"Vous  êtes  trop  bon,"  repartit  tristement  la  belle  malade,  "de  vous 
apercevoir  de  ces  effets  de  ma  faiblesse,  ils  ne  méritent  pas  d'être 
remarqués,  et  ce  sont  des  sensibilités  ordinaires  à  une  jeune  personne 
qui  a  sujet  d'aimer  la  vie  et  qui  se  voit  en  danger  de  la  perdre." 

"Ha!  Madame,"  s'écria  le  Marquis,  "ce  n'est  point  là  ce  qui  vous 
fait  pleurer,  le  malheur  que  vous  feignez  de  craindre  n'est  encore,  grâce 
au  ciel,  ni  déclaré,  ni  prochain.  Et  quand  il  seroit  vrai  qu'il  vous  arrachât 
des  larmes,  vous  ne  feriez  point  d'efforts  pour  me  les  cacher.  Elles 
pourroient  au  contraire  être  expliquées  à  mon  avantage,  la  douleur 
d'être  séparée  de  moi  y  serviroit  d'un  légitime  prétexte;  mais.  Madame, 
ce  n'est  point  cette  crainte  qui  vous  trouble,  vous  avez  des  mavix  plus 
sensibles  et  plus  pressants,  et  vous  m'en  causerez  de  mortels  si  je  ne 
vous  trouve  plus  d'ouverture  de  cœur  et  plus  de  confiance." 

Le  marquis  accompagnoit  ces  paroles  de  caresses  si  touchantes  et 
les  mouvements  de  son  visage  exprimoient  si  bien  le  chagrin  qu'il 
avoit  de  celui  de  sa  femme,  qu'elle  fut  honteuse  qu'il  kii  en  restât  encore. 
Elle  donna  un  libre  cours  aux  larmes  qu'elle  avoit  retenues,  et  serrant 
une  des  mains  du  marquis  entre  les  siennes:  "Ah!"  lui  dit -elle  avec 
une  foule  de  sanglots,  "  que  votre  honnêteté  m'est  cruelle,  et  que  je 
vous  serois  obligée  si  vous  me  témoigniez  autant  de  mépris  et  de  dizreté 
que  vous  me  témoignez  de  tendresse  et  de  considération." 

Un  discours  si  bizarre  ayant  augmenté  la  curiosité  du  Marquis,  il 
n'y  eut  rien  qu'il  ne  mît  en  usage  pour  la  satisfaire.  Il  pria,  il  promit, 
il  employa  jusqu'à  son  autorité  et  fit  des  commandements.  Plus  la 
marquise  tâchoit  à  modérer  ce  désir  plus  il  devenoit  violent. 

"Hé  bien  donc!"  lui  dit-elle,  vaincue  par  ses  importunités,  "vous 
saurez  ce  que  vous  avez  tant  de  curiosité  de  savoir:  quelque  malheur 
que  cet  aveu  m'attire,  il  aura  de  la  peine  à  me  rendre  plus  infortvmée 
que  je  la  suis,  et  en  tout  cas  je  me  sens  si  abatue  que  le  secours  de  la 
mort  ne  me  sera  pas  longtemps  reftisé." 


Appendice  X  269 

Alors  elle  lui  raconta  comme  dès  son  enfance  elle  avoit  eu  lUie 
violente  inclination  pour  le  Baron  de  Bellegarde,  qui  en  avoit  une  sem- 
blable poiu"  elle,  mais  qui  n'ayant  pas  assez  de  bien  potir  satisfaire 
l'avarice  de  son  père  le  marquis  lui  avoit  été  préféré.  "Envisagez-moi 
dans  cet  état,"  poursuivit-elle,  fondant  en  larmes,  "et  jugez  s'il  y  a  vm 
au  monde  plus  malheureux.  Vous  méritez  toute  mia  tendresse,  et  bien 
qu'il  me  soit  impossible  de  vous  la  donner,  je  mourrois  mille  fois  plutôt 
que  de  rien  faire  indigne  de  la  vôtre.  J'ai  banni  le  jeune  Bellegarde, 
et  vous  pouvez  avoir  remarqué  que  depuis  notre  mariage  il  n'est  pas 
venu  en  cette  province;  c'est  par  mes  ordres  qu'il  en  demeure  absent, 
je  ne  lui  ai  point  écrit,  je  lui  ai  sévèrement  défendu  de  m'écrire,  et  quand 
ma  vie  dépendroit  d'un  moment  de  sa  conversation  particulière,  je  ne 
m'y  exposerois  pas.  Cependant,  puisque  vous  me  forcez  à  vous  l'avouer, 
moins  je  le  vois  et  plus  je  sens  le  désir  de  le  voir;  son  absence,  qui  devoit 
l'effacer  de  ma  mémoire,  ne  sert  qu'à  me  persuader  sa  déférence  pour 
mes  ordres.  Je  ne  pousse  pas  un  soupir  où  je  ne  m'imagine  que  les  siens 
répondent,  et  jugeant  de  ses  peines  par  les  miennes,  il  se  fait  en  moi  vm 
combat  de  pitié,  d'amour  et  de  devoir,  qui  semble  déchirer  mon  âme, 
et  dont  les  effets  sont  si  cruels  pour  elle,  que  de  quelque  côté  que  penche 
la  victoire,  elle  me  sera  toujours  également  funeste." 

Cette  belle  affligée  auroit  pu  continuer  de  parler  plus  longtemps  si 
ses  sanglots  ne  l'en  avoient  empêchée.  Le  marquis,  son  époux,  étoit  si 
surpris  et  si  touché  de  ce  qu'il  entendoit  qu'il  n' avoit  pas  la  force  de 
l'interrompre;  mais  enfin  ce  premier  trouble  étant  un  peu  dissipé,  et 
la  tendresse  qu'il  avoit  pour  elle  triomphant  d'un  mouvement  de  jalousie 
qui  le  sollicitoit  au  mépris  et  à  la  vengeance. 

"Ha  !  Madame,"  lui  dit-il  d'im  air  languissant,  "pourquoi  m'épousiez- 
vous,  si  vous  ne  pouviez  m'aimer?" 

"Je  fis  ce  qu'il  me  fut  possible  pour  ne  vous  épouser  pas,"  poxir- 
suivit  la  marquise,  "mais  j'étois  jevine  et  timide,  mon  père  étoit  absolu 
sur  sa  famille,  et  d'ailleurs  je  ne  croyois  pas  mon  amour  aussi  violent 
qu'il  l'étoit.  Comme  il  n'avoit  jamais  eu  de  but  qu'vm  mariage,  je  pensois 
qu'il  cesseroit  quand  l'espoir  de  ce  mariage  seroit  éteint.  Vous  êtes  un 
des  hommes  du  monde  le  plus  accompli:  j'espérai  que  vous  chasseriez 
aisément  Bellegarde  de  mon  cœur,  et  j'avois  im  désir  si  sincère  de  vous 
aider  que  je  ne  doutai  pas  qu'il  ne  réussît.  Mais,  hélas  !  je  me  suis 
trompée,  et  bien  que  je  vous  trouve  infiniment  estimable,  vous  ne 
saliriez  empêcher  que  Bellegarde  ne  soit  encore  l'homme  le  plus  aimé." 

Des  aveiix  si  rares  et  si  ingénus  pénétrèrent  le  marquis  d'une  doiileur 
inexprimable,  il  lui  fut  impossible  de  soutenir  cette  conversation  plus 
longtemps.  Il  se  retira  dans  sa  chambre,  et  faisant  réflexion  sur  la 
cruauté  de  sa  destinée,  il  eut  besoin  de  tout  son  courage  pour  ne  pas 
succomber  au  désespoir. 


LISTE  DES  OUVRAGES  CONSULTES 

Tous  les  ouvrages  cités  dans  ce  travail  sont  mentionnés  ci-dessous,  dans 
l'appendice  viii,  ou  dans  la  bibliographie  des  œuvres  de  Madame  de 
La  Fayette. 

Académie  des  femmes,  comédie  en  trois  actes  en  vers.    B.N.  Rés.  YF  4342. 
Academy,  The.    Jan.  27th,   1906,  pp.  91-2.    The  earliest  modem  novelist 

(Mme  de  La  Fayette).    Par  Edward  Wright. 
Aigueperse,  P.   G.    Biographie  ou  dictionnaire  historique  des  personnages 

d'Auvergne.    Clermont-Ferrand,  1834,  2  vols,  in  8°. 
Albums  de  dessins  et  de  gravures  de  la  commission  des  antiquités  de  la  Seine 

Inf. 
Allier,  Achille.    L'Ancien  Bourbonnais.    Moulins,  1833-8,  3  vols.  F". 
Annales  de  la  Cour  et  de  la  Ville,  1697-8. 
Anselme,  Le  Père.    Histoire  généalogique  et  chronologique . . .   Paris,  Firmin- 

Didot. 
Anti-ménagiana.    Bib.  Nat.  Z  18229. 
Archivfiirdas  Studium  der  neueren  Sprachen  und  Literaturen,  1909.  (o)  Jordan, 

L.  Eine  Handschrif  t  von  Werken  der  Grâfin  La  Fayette  mit  dem  inedierten 

Fragment  eines  Romans.  (6)  Kuechler,  W.  Zu  den  Anfângen  des  psycho- 

logischen  Romans  in  Frankreich. 
Archives  de  Chantilly  (Château),    ms.  Série  P. 

de  l'AlUer.   Docs.  reproduits  dans  les  appendices,  etc. 

de  la  Seine.    Voir  Bégis. 

du  Ministère  de  la  Guerre.    Voir  Louvois. 

du  Ministère  des  Affaires  étrangères.   Corr.  diplom.  de  Savoie. 

Nationales.    Papiers  Léonard. 

Arnaud,  C.    Étude  sur  la  vie  et  les   œuvres  de  l'abbé  d'Aubignac.    1888. 

N.  29.  78  Cantab. 
Arnauld,  Papiers.    Arsenal,  6037,  T.  iv. 

d'AndiUy.   Mémoires.    Petitot,  xxxm-xxxiv. 

Amould,  L.   Racan.    1  vol.  in  8°,  orné  de  port.   Paris  (Cohn). 

Artigny,  L'abbé  d'.    Relation  de  ce  qui  s'est  passé  dans  une  assemblée  tenue 

au  bas  du  Parnasse  pour  la  réforme  des  belles  lettres.    1739,  in  12°. 

LH  285  Sorb. 
Athenseum  français.    16  avril,  1853. 
Aubignac,  FéHx  HédeUn,  abbé  d'.  Conseils  d'Ariste  à  Celimène  sur  les  moyens 

de  conserver  sa  réputation  dans  le  monde.  1665,  1667,  etc.,  in  12°.  R  18668 

B.Nat. 
Macarise.    1663. 

Les  portraits  égarés.    1660,  in  12°. 

Relation  de  tout  ce  que  j'ay  veu  à  Loudun  en  neuf  joiurs  que  j'ay  visité 

les  possédées,  sept.  1637.  ms.  de  19  pages.    Bib.  Nat.  ms.  fr.  12801. 


lÂste  des  Ouvrages  Consultés  271 

Aubignac,  Félix  Hédelin,  abbé  d'.    Royaume  de  Coquetterie.    1655,  in  12o. 

Nouvelle  histoire  du  temps  ou  la  relation  véritable  du  Royaume  de 

Coquetterie.    Arsenal,  B.L.  14702. 
Audigier,  Pierre.   Histoire  d'Auvergne,    ms.  Bib.  Nat.    10  vols.  11477-11486. 

Idem.   Imprimés.   Tome  i,  Clermont-Ferrand,  1894,  1  vol.  in  8°. 

Audiguier.    Diverses  affections  de  Minerve,    1625,  1  vol.  in  12°.  Bib.  Nat. 

Z  19851. 
Aumale,  Le  duc  d'.   Histoire  des  Princes  de  Condé  pendant  le  XVP  et  XVII® 

siècle.   Paris,  1896,  7  vols.  8». 
Avenel,  Le  vicomte  d'.    La  Noblesse  française  sous  Richelieu.    Paris,  1901, 

1  vol.  in  12°. 

Richelieu  et  la  Monarchie  absolue.    1884. 

BaiUon,  Le  comte  de.   Henriette -Anne  d'Angleterre. . .  2^  éd.   Perrin. 

Henriette-Marie  de  France . . .  2®  éd.   Perrin. 

Baluze.  Histoire  généalogique  de  la  maison  d'Auvergne.  Paris,  1798,  2  vols.  F". 
Baret,  Eugène.   De  l'Amadis  de  Gaule  et  de  son  influence  sur  les  mœurs  et  la 

litt.  au  XVIe  et  au  XVII^  siècle.    1853,  Firmin-Didot,  8°. 
Barihe,  Arvède.   La  jeunesse  de  la  Grande  Mademoiselle.    5®  éd.  Hachette, 

Louis  XIV  et  la  Grande  Mademoiselle.  3^  éd. 

Barrière,  F.    La  Cour  et  la  Ville  sous  Louis  XIV,  Louis  XV  et  Louis  XVI. 

Paris,  1830,  8». 
Barry,  Le  P.   Lettres  de  Pauline  et  d'Alexis  à  diverses  personnes  sur  des  sujets 

bien  importants. 
Barthélémy,   É.  M.  de.    La  Marquise  d'Huxelles  et  ses  amis.    Bib.   Nat. 

Ln"  32744. 

Les  amis  de  la  Marquise  de  Sablé. 

Sapho,  le  Mage  de  Sidon  et  Zénocrate.   Ln"  9167. 

Valentin  Conrart.    Ln^^  35404. 

Bary,  René.    L'esprit  de  cour  ou  les  conversations  galantes.    1662.    Z  20072 

Bib.  Nat. 
Beaucaire,  Horricq  de.    Recueil  des  Instructions  données  aux  ambassadeurs. 

Savoie-Sardaigne  et  Mantoue,  1898-9. 
Beaucamp,  de,  et  le  Trix.    Petite  histoire  du  Havre.   L'k  29294  B.N. 
Beaurepaire,  C.  de.    Mélanges  historiques.    L*k  2342. 

Nouveaux  mélanges.    L*k  2342  bis. 

Derniers  mélanges.    L*k  2342  ter. 

Bégis,  Papiers,  aux  Arch.  de  la  Seine. 

BeUeval.    Les  fils  de  Henri  IL    Paris,  1  vol.  8»,  1898. 

Berty  et  Tisserand.  Topographie  historique  du  vieux  Paris.   1876,  Fo  (Histoire 

Grénér.  de  Paris),  Région  du  Bourg  Saint-Germain. 
Besoigne,  Jérôme.   Histoire  de  l'Abbaye  de  Port-Royal.   Cologne,  1752,  6  vols. 

in  12». 
Bled,  Victor  du.    La  société  française  du  XVI^  au  XX®  siècle.  4®  série,  XVII« 

siècle.    1904,  in  12°. 
Bodin.    Recherches  historiques  sur  l'Anjou.    Bib.  Nat. 
BoUeau.    Les  héros  de  Roman,  édition  T.  F.  Crâne. 

Satires,  éd.  Gamier. 

Œuvres,  éd.  Berriat  de  Saint-Prix.    5  vols.  8°,  Paris,  1839. 


272  Madame  de  La  Fayette 

Boislisle,  de.    Voir  Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France. 

Bonafous.    Études  siu-  l'Astrée.    1846. 

Bonneau- Avenant,  Le  cte.  de.  La  duchesse  d'Aiguillon. . .  2^  éd.  1  vol.  in  12°, 

Perrin. 
Bordelon,  L'abbé.   La  belle  éducation.  2©  éd.    1694,  in  120. 
Borély,  A.  E.  Histoire  de  la  ville  du  Havre.    Le  Havre,  1880-1,  Tome  n. 
Bosc,  Le  Père  Jacques  du.   L'honnête  femme.   Lyon,  1640. 
Bossuet.   Oraisons  funèbres,  éd.  Jouaust. 
Bouhier,  Souvenirs  de  Jean.   B.N.  La  2925. 

Bouillet,  M.  N.  Dict.  univ.  d'hist.  et  de  géog.  SP  éd.  Hachette,  s.d.  1  vol.  in  S». 
Bourciez,  E.  E.  J.    Les  mœurs  polies  et  la  litt.  de  cour  sous  Henri  II  (Thèse, 

Paris). 
Bourdeau,  J.    La  Rochefoucauld.    Hachette,  1895  (Gr.  Écriv.  fr.), 
Bourdigné,  Jehan  de.    Chronique  d'Anjou  et  du  Maine,  éd.  Godard-Faultrier. 

Angers,  2  vols.  8°,  1842. 
Bourgeois,  Emile.    The  century  of  Louis  XIV,  its  arts  and  ideas.   Traduit  par 

Mrs  Cashel  Hoey.    London,  s.d.    Gr.  4°,  Grav. 
Bourgoin,  Auguste.   Valentin  Conrart. .  .et  son  temps.   Hachette,  1883,  8°. 
Brantôme.     Œuvres  complètes. . .    1858-1894.     13  vols.     Bib.  Elzév.    Plon- 

Nourrit. 
Brédif,  M.    Segrais,  sa  vie  et  ses  œuvres.   Paris,  Durand,  1863,  8°. 
Brice,  Germain.   Description  de  Paris.    6^  éd.  in  12°,  1713. 
Broc,  Le  vicomte  de.    Les  femmes  auteurs.    Paris,  Pion,  1911,  in  16". 
Brun,  Pierre.   Autour  du  XVIIe  siècle.    Grenoble,  1901,  in  12°. 
Brunetière.    Études  critiques...  8  vols,  in  16°. 

Hist.  de  la  Htt.  fr.  classique.   Tome  i,  1911. 

Brunot,  Ferdinand.    Histoire  de  la  Langue  française.  Tome  m.    En  cours  de 

publication  chez  CoUn. 
BuUetin  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France,  1896.  De  Boislisle.  Les  portraits 

dans  les  écrits  diplomatiques  et  politiques. 

du  Bouquiniste,  1874,  Tome  n,  15  oct. 

du  Bibliophile,  1853,  p.  59. 

Critique,  1891,  p.  191. 

Bure,  Guillaume  de.  Fils  aîné.  Catalogue  des  livres  de  la  Bibhothèque  de  feu 
M.  le  duc  de  la  Vallière.    I^e  partie,  ms.  et  livres  rares,  3  vols.  8°,  1783. 

Bussy-Rabutin.  Histoire  amoureuse  des  Gaules.  4  vols.  1856-76.  Elzév. 
Plon-Nourrit. 

Carte  du  pays  de  Braquerie.  À  la  fin  de  Tallemant.    Voir  Tallemant. 

Correspondance.      Voir  Opinions  sur  la  Princesse  de  Clèves.   Appen. 

Cabinet  des  Titres.    Bib.  Nat.  ms.  Pièces  originales,  2229,  2287,  etc. 

Callières,  de.  De  la  Science  du  monde  et  des  connoissances  utiles  à  la  conduite 
de  la  vie.   Bruxelles,  1717,  1  vol.  in  12°. 

Camusat.     Bib.  françoise  ou  hist.  htt.  de  la  France.    1674,  2  vols. 

Carpenteriana.    Bib.  Nat.    Z  18190. 

Cartwright,  Julia,  Madame.  Memoirs  of  Henrietta,  Duchess  of  Orléans. 
Londres,  1894,  2^  éd.    1900. 

Casati  de  Casatis,  Ch.  ViUes  et  châteaux  de  la  vieille  France.  Duché  d'Au- 
vergne.   Paris,  Picard,  1900,  8°. 


Liste  des  Ouvrages  Consultés  273 

Castelnau,  Mémoires  de  Messire  Michel  de. . .   Bruxelles,  1731,  3  vols.  8°. 
Catalogue  de  l'Exposition  de  l'histoire  de  Paris,  ouverte  à  Paris  pendant  l'été 

de  l'aimée  1911. 
Cercle  des  Femmes,  entretien  comique . . .  B.  Nat.   R  24003. 
Chansonnier  français.    Bib.  Nat.  MS.  9348,  12639,  12667,  15135. 
Chapelain,  Jean.    Lettres,  publiées  par  Tamizey  de  Larroque.    Paris,  1880. 

De  la  lecture  des  vieux  romans,  dialogue,  p.  par  FeiUet.    1870,  8°. 

Poésies  inédites  de. . .  Bib.  Nat.  N.  acq.  MS.  No.  1890. 

Charlanne,  Louis.  L'influence  française  en  Angleterre  au  XVII^  siècle.  1906 
(Lecène). 

Chéruel,  A.  Histoire  de  la  France  pendant  la  minorité  de  Louis  XIV.  Sorb. 
HT.  b.  28a,  8°. 

Choisy,  Mémoires  de.   Petitot,  Lxrn  et  Jouaust  in  12°,  2  vols. 

Collas,  Greorges.  Un  poète  protecteur  des  lettres  au  XVII^  siècle.  Jean  Chape- 
lain... Paris,  Perrin,  8°,  1911. 

Condé,  Papiers  de.    Série  P.  Archives  du  Château  de  Chantilly. 

Conrart,  Papiers  de.  Bib.  Arsenal,  Paris,  MS.  ix,  4°,  xi  (No.  4116),  xxn, 
No.  4127,  etc. 

Mémoires.    Petitot. 

CorneUle.    Érlition  Gr.  Écriv.  Hachette. 

Comhill  Magazine.   May,  1870,  p.  533.   A  Pupil  of  the  Hôtel  de  Rambouillet. 

Corrard  de  Bréban.    Souvenir  d'une  visite  aux  ruines  d'Alise  et  au  Château 

de  Bussy-Rabutin.    Troyes,  1833,  8".     Brochiire  de  30  pp. 
Cosnac,  Le  comte  Gabriel  Jules  de.    Souvenirs  du  règne  de  Louis  XIV.    Paris, 

Renouard,  1866,  8  Tomes  in  8°. 

Daniel  de,  Mémoires  de.     Paris,  Renouard  (Soc.  de  l'Hist.  de  Fr.), 

1852,  2  vols.  8°. 

Costar.    Lettres.    2  vols,  in  8»,  1858. 

Costé,  Pierre.   Histoire  de  Condé.   Cologne,  1693,  in  12°. 

Coulanges,  Mémoires  de  M.  de  (pub.  par  Monmerqué).    Paris,  1  vol.  in  12°,  1820. 

Courtin,  Antoine  de.    Nouveau  traité  de  la  Civilité  qui  se  pratique  en  France 

et  aUleurs,  parmi  les  honnestes  gens.    2^  éd.  Bruxelles,  1675,  1  vol.  pet. 

in  12°. 
Cousin,  Victor.    Études  sur  les  femmes  illustres  et  la  société  au  XVH®  siècle. 

8  vols,  in  16°,  Paris,  Perrin. 
Crâne,  Th.  Fr.   La  Société  française  au  XVII^  siècle,    New  York,  2^  éd.  in  12°, 

1907. 
Crenne,  Helysenne  de.    Les  angoisses  douloureuses  qui  procèdent  d'amours. 

Paris,  1538,  dans  Œuvres  complètes.    Bib.  Nat.  Rés.    Z  2745. 
Cross,  Wilbur  L.    The  development  of  the  EngUsh  novel.    New  York,  1899, 

1  vol.  in  16°. 

Dalibray,  Œuvres  poétiques  de,  éd.  Van  Bever,  1906. 

Dangeau,  L'abbé  de.  Dictionnaire  des  bienfaits  du  Roi.  Bib.  Nat.  MS.  fr. 
7651-66. 

Marquis  de.  Journal. . .  éd.  Soulié,  Dussieux,  de  Chennevières,  add.  inéd. 

de  Saint-Simon,  par  Feuillet  de  Conches,  19  vols,  in  8°,  Firmin-Didot, 

Danjou  Collection,  Tome  vni.    Les  portraits  de  la  Cour. 
Delamare,  Philibert.   Mélanges.   Bib.  Nat.  MS.  fr.  23251. 


274  Madame  de  La  Fayette 

Delà  vigne,  Casimir.    Discours  d'inauguration  de  la  Salle  de  Spectacle  du 

Havre.   Au  Havre,  chez  Chapelle,  1823. 
De  l'éducation  des  dames — pour  la  conduite  de  l'esprit  dans  les  Sciences,  1674. 
Demogeot.   Histoire  de  la  Litt.  Fr.   25®  édit.   Hachette,  12°. 
Derome,  Le  capitaine.   Madame  de  Villedieu  Inconnue.   Mamers,  Imprimerie 

Fleury,  16  pp.  in  8°.    Ex.  de  la  Rev.  hist.  et  archéolog.  du  Marne,  1911. 
Descartes.    Les  Passions  de  l'Ame.    Rouen,  1651,  in  12°. 
Despois,  E.    Voir  Rev.  des  deux  mondes. 
Dom  Liron,  Jean.    Singularités  hist.  et  Utt.    p.  343  et  suiv. 
Dom  Rivet.    Le  Nécrologe  de  Port-Royal.    B.  Nat.  L^d  82. 
Doumic,  René.  Hist.  de  la  Litt.  française,  19^  éd. 
Duclos.   Mémoires.    Paris,  1808,  2  vols.  8°. 

Dulaïu-e.  Hist.  de  Paris  (Hist.  physique  civile  et  morale  de  Paris).  7®  éd.  4  vols. 
Dumont  et  Léger.    Hist.  de  la  ViUe  d'Harfleur.   Au  Havre,  1868. 
Dunlop,  John.   The  History  of  Fiction. . .  3  vols.  8»,  Edimbourg,  1816,  2^  éd. 
Du  Verdier.    La  Floride.    1625,  8°,  2  tomes  en  un  vol. 

Egerton  Collection.    Au  British  Muséum.    Nos.  1687-1692. 

Étrennes  aux  Dames  avec  le  calendrier  de  l'année  1763.    Paris,  Musier,  1763, 

in  32". 
Evelyn,  John.   Diary,  éd.  Wm.  Bray.   Londres,  1906,  4  vols.  8°,  Grav. 

Fabre,  A.   La  Jeunesse  de  Fléchier.   2  vols,  in  8°,  Paris,  Perrin. 

Faguet,  Emile.   Hist.  de  la  Litt.  fr.   2  vols.  pet.  in  8°,  Grav.,  Pion,  1900. 

Fancan,  Le  chanoine.    Le  Tombeau  des  Romans. . .  1626. 

Faret.    L'honneste  homme  ou  l'art  de  plaire  à  la  Cour.    Paris,  1630,  in  12°. 

FeiUet,  Alph.    La  misère  au  temps  de  la  Fronde  et  Saint  Vincent  de  Paul. 

1  vol.  in  12°,  Paris,  Perrin. 
FeUer,  L'abbé  F.  X.   Dict.  hist.    Lyon,  1822,  T.  iv. 
Fémina,  ler  sept.  1911. 

Fénelon.    De  l'éducation  des  Filles.    Paris,  1848,  in  12°. 
Figaro,  Le.   Supp.  litt.  6  jan.  1912.   Idem,  14  déc.  1912. 
Figaro  illustré.   Fév.  1909.   Femmes  de  lettres  françaises. 
Fléchier,  Esprit.   Mémoires  de,  sur  les  Grands  Jours  d'Auvergne  en   1665, 

éd.  Cheruel,  Hachette,  1856,  1  vol.  8°. 
Fodère,  Jacques.    Custoderie  d'Auvergne.    Lyon,  1619. 
Fournel,  Victor.    La  Littérature  indépendante.    Paris,  1862,  1  vol.  in  12°. 
France,  Anatole.    La  Vie  Littéraire.    Paris,  1897,  4"-  série. 
Franz,  A.    Das  hterarische  Portrât  in  Frankreich  im  Zeitalter  Richelieus  und 

Mazarins.    Leipzig,  1905,  8°. 
Frémy.    Essai  sur  les  variations  du  style  français  au  XVII^  siècle.    1843  (B. 

Cantab.). 
Frère,  Edouard.  Manuel  du  bibliographe  normand. . .  Rouen,  1858-60,  2  vols. 
Fromentin,  Eugène.    Dominique.    5^  éd.    Paris,  1890,  in  16°. 
Funck-Brentano,  F.   Le  drame  des  poisons.    9^  éd.    1  vol.  Hachette. 

Gazette,  La.   Passim  de  1649-1694. 

Gérard-GaiUy,  E.  Bussy-Rabutin,  sa  vie,  ses  œuvres  et  ses  amis.  Paris,  1909,  8°. 

Géruzez,  E.  Hist.  de  la  litt.  fr.   17^  éd.  2  vols,  in  12°. 

Goulas,  Nicolas  de.   Mémoires.    Paris,  1879.    B.  Cantab.  LO.  65.  3. 


Liste  des  Ouvrages  Consultés  275 

Gournay,  Mlle  de.    De  l'égalité  des  hommes  et  des  femmes.    8°,  1622. 

GourviUe.  Mémoires,  pub.  par  la  Soc.  de  l'Hist.  de  France,  2  vols.  8°,  1894-5. 

Orande  Encyclopédie.   Louise,  et  Marie-Madeleine  de  la  Vergne  de  la  Fayette. 

Grififet,  Le  Père.    Histoire  du  règne  de  Louis  XIII.    Paris,  1758. 

Guéret.    La  Carte  de  la  Cour.    B.  Nat.  Lb.  37.  34900. 

Guillard.    Généalogies.    Bib.  Nat.  MS.  fr.  25187. 

Guilmeth.    Histoire  du  Havre  et  des  Environs.    B.N.  L^k^B. 

Haase,  A.   Syntaxe  française  du  XVIP  siècle. . .   Paris,  1898,  8". 
Hamilton.   Œuvres.   Paris,  1812,  3  vols.   T.  i  pour  les  Mém.  de  Grammont. 
Haussonville,  Le  comte  d'.   Mme  de  La  Fayette.    Paris,   2^  éd.  1896. 
Heru-y,  C.    Voir  Bibliog.,  Corr.  de  Mme  de  La  Fayette. 
Hita.    Caballeros  moros  de  Granada,  de  las  civiles  guerras  que  hubo  en  ella 

y  batallas  particulares . . .  Saragosse,  1595-1604. 
Hofifbauer.   Paris  à  travers  les  âges.   2  vols.  F",  Firmin-Didot. 
Huet,  Daniel.   Mémoires. .  .trad.  Nisard.   Hachette,  1853,  1  vol.  8°. 

Orig.  des  Romans.    Voir  Zaïde,  BibUog. 

Orig.  de  la  ViUe  de  Caen.    B.N.    Lk  1507  A. 

Correspondance,  ms.  fr.  15188.  Bib.  Nat.  3  vols.  4°. 

Illustration,  L'.    No.  3541,  le  7  jan.  1911.    "Marcelle  Tinayre  et  La  Douceur 

de  Vivre." 
Imberdis,    A.     Histoire   générale    de   l'Auvergne.     Clermont-Ferrand,    1868, 

2  vols.  8°. 
Imbert  de  Saint-Amand,  Le  baron.     Les  femmes  de  la  Cour  des  derniers 

Valois.    B.  Cantab.  Acton.  d.  126.  1869. 

Women  of  Versailles  (Louis  XIV),  trad.,  B.  Cantab.,  pp.  32-43. 

Intermédiaire  des  chercheurs  et  des  curieux,  ix,  326,  382;  xvin,  354;  xxi, 

104,  156. 

Jal,  A.   Dictionnaire  critique.  2^  éd.   Paris,  1872,  8°. 

James,  G.  P.  R.  Life  and  Times  of  Louis  XIV.    4  vols.  Cantab.  VI.  30.  23. 

Joannidès,  A.  La  Comédie  française  de  1680  à  1900.   1  vol.  gr.  in  8°,  Paris,  Pion. 

Joly,  Guy.   Mémoires.   Petitot. 

Jordan,  L.    Voir  Archiv  (a). 

Journal  des  Débats,  22  nov.  1846. 

Kavanagh,  H.   French  women  of  Letters.   Leipzig,  1862,  Tome  l. 

Koerting,  H.    Geschichte  des  franzôsischen  Romans  im  XVII  Jahrhundert. 

2  vols.  Leipzig  et  Oppeln,  1886. 
Kretschmar,  Arno.    Madame  de  Villedieu,  Leben,  Rom.  und  Erzâhlungen. 

Weida  i.  Th.  1907,  8°. 
Kuechler,  W.    Voir  Archiv  {b). 

La  Beaumelle.   Mémoires. . .  6  vols.   Cantab.  Acton.  d.  26.  523. 

La  Bruyère.    Caractères. 

Lachèvre,  Frédéric.     BibUog.  des  recueils  coUect.  de  poésie . . .    1901-1905, 

4  vols.  4P. 
Lacroix,  P.  Le  XVII^  siècle,  lettres,  sciences  et  arts.  1  vol.  4°,  Grav.,  Chromos, 

Firmin-Didot,  1882. 
L'Advocat.    Dict.  hist.  et  bibliog.    Paris,  1822,  8°,  Fayette. 
La  Fare.    Mémoires.    Petitot,  Lxv. 


276  Madame  de  La  Fayette 

La  Fontaine.   Œuvres,  éd.  Gr.  Écriv.   Paris,  Hachette,  1892,  Tome  ix. 

La  Forge,  Jean  de.   Le  Cercle  des  femmes  sça vantes. . .  par  Monsieur  D.  L.  F. 

Paris,  MDCLXin,  pet.  in  12°. 
Lair,  Jules.   Louise  de  la  Vallicre  et  la  jeunesse  de  Louis  XIV.  8",  Paris,  Pion, 
Lalanne,  Ludovic.  Brantôme,  sa  vie  et  ses  écrits.  Thèse.  Paris. 

Tirage  à  part  de  l'appendice  sur  Brantôme  et  La  Princesse  de  Clèves. 

Paris,  189L 

Lalanne  et  Bordier.    Voir  Bibliog.  des  œuvres  de  Mme  de  la  Fayette.    Sect. 

Bibliog. 
La  Morinière.    État  des  officiers  domestiques  du  roy. .  .mis  en  ordre  par  le 

sieur  de.    Bib.  Nat.    Le.  25.  92. 
La  Motte,  de.   Antiquités  de  la  ViUe  d'Harfleur.   Havre  de  Grâce,  1676,  8°. 
Lanson,  G.  L'art  de  la  Prose.  Paris,  Lib.  des  Annales,  1909,  in  16". 

Manuel  de  Bibliographie,  XV!*^  s.  1909,  XV!!"  s.  1910.    Hachette,  8». 

La  Porte.   Mémoires.   Petitot,  lix. 

La  Rochefoucauld.   Œuvres,  éd.  Gr.  Écriv.  Hachette,  3  vols,  et  un  album,  8°. 

Larousse,  Le  Nouveau . . .  illustré.    Tome  v. 

Lassay,  Armand  de  Madaillon  de  Lesparre,  comte  de.    Recueil  de  différentes 

choses.    1759,  4  vols,  in  12°.    1726,  2  vols,  in  4». 
La  visse,  Ernest.    Histoire  de  France.    Paris,  Hachette,  1905,  8°,  Tomes  vn 

et  vm. 
Lebret,  H.   Histoire  de  la  Ville  de  Montauban.    Montauban,  in  4°,  1668, 
Le  Breton,  André.   Le  Roman  au  XVIP  siècle.    Paris,  Hachette,  1890. 
Lefeuve,  Charles.   Les  Anciennes  maisons  de  Paris.    Paris,  1857,  5  vols. 
Lemaire.    Paris,  ancien  et  nouveau.    1685,  3  vols. 
Lemoine  et  Lichtenberger.   De  la  VaUière  à  Montespan.   Paris,  Calmann-Lévy, 

1  vol.  8°,  s.d. 
Lemonnier.    L'art  français  au  temps  de  Louis  XIV.    B.  Cantab.  E.  56.  37. 
Léonard.    Papiers.    Archives  nationales. 
Leroi,  Robert.   À  propos  de  la  Princesse  de  Clèves  de  Madame  de  la  Fayette, 

dans  Recueil  des  travaux  de  la  Société  havraise  d'études  diverses,  1899, 

pp.  65-84. 
LeteUier.   Recherches  hist.  sur  la  Ville  d'Harfleur.    1786. 
Le  Vassor.  Histoire  de  Louis  XIII.  Amsterdam,  1713,  in  12°,  Tome  ix. 
Lintilhac,  E.    Précis  hist.  et  cri  t.  de  la  litt.  fr.    Guédon,  1894,  2  vols.  12o. 
Lister.  Voyage  à  Paris  en  1698.   Trad.  fr.   Paris,  1873,  1  vol.  8°. 
Littleboy,  A.  L.    Relations  between  French  and  EngUsh  Ut.  in  the  XVItb 

and  XVIIth  century.    Londres,  1895. 
Livet,  Ch.  L.   Précieux  et  précieuses.   4^  éd.    1896. 

Longuerue,  Louis  du  Four  de.    Longueruana. . .  Berlin,  1  vol.  12°,  1754. 
Loret.    La  Muse  historique,  éd.  Livet.    Paris,  1877,  4  vols.  8°. 
Loriol.  La  France. .  .biogr.  bibliogr.   Tome  n  par  Viel.   Seine  Inf. 
Louvois.    Minutes  ms.  de  sa  correspondance.    Arch.  du  Min.  de  la  Guerre. 

Paris. 

Magne,  ÉmUe.   Le  plaisant  abbé  de  Boisrobert.   Paris  (Mercure),  1909,  in  16'' 

Madame  de  Châtillon.   Ib.    1910. 

Madame  de  la  Suze.   Ib.    1908. 

Madame  de  Villedieu.    Ib.    1907. 


Liste  des  Ouvrages  Consultés  211 

Magne,  Emile.    Scarron  et  son  milieu.   Ib.    1905. 

Voiture  et  les  origines  de  l'Hôtel  de  Rambouillet.   Ib.    1911,  2^  éd. 

Voiture  et  les  années  de  gloire. . .    Ib.    1912. 

Maintenon,  Madame  de.    Lettres.   La  Haye  et  Leyde,  1757. 

Mallet.   Registre  des  délibérations  municipales  de  la  Ville  de  Pontoise,  1643- 

1660.    Pontoise,  1911,  2^  fas.    Règne  de  Louis  XIV. 
Martin,  Alphonse.  Madame  de  la  Fayette  est-elle  havraise?  Havre,  s.d.  8°,  8  pp. 
Maulde  la  Clavière,  R.  de.   Les  femmes  de  la  Renaissance,  trad.  G.  H.  Ely. 

Londres,  1900,  8°. 
Ménage.   Aegidu  Menagii  poemata,  sexta  editio.   Paris,  1673,  12°,  et  1656. 
Ménagiana. . .  4  vols,  in  12°.    Paris,  1715,  3^  éd. 
Mercure,  depuis  1678  jusqu'à  1774.   Passim. 

Meyer,  Erich.   Die  Grâfin  von  Lafayette. . .    Leipzig,  1905,  8°,  Port. 
Mézeray.     Orasie.    Paris,  4  vols,  in  12°,  1646. 
Michaud.    Biographie  universelle...  Paris,  1815,  8°. 
Michaud  et  Poujoulat.    Collection  de  Mémoires, 
IVIilon.   Notice  sur  la  Ville  de  Segré. . .  1889,  in  8°. 
MoUère.  Éd.  G.  É.   T.  n.   Préc.  Rid.,  etc. 
Monglat.    Mém.    Petitot,  XLix,  L. 
Montpensier,  Mademoiselle  de.    Mémoires,  éd.  Chéruel.    Paris,  1859,  4  vols. 

in  16^ 
Monval,  Georges.    Chronologie  moliéresque.  Paris,  1897,  1vol.  in  16°,  pp.  xn- 

280. 
Morillot,  Paul.   Le  Roman  en  France  de  1610  jusqu'à  nos  jours.   Paris,  1894, 

1  vol.  in  16". 

Morlent.    Le  Havre  ancien  et  moderne  et  ses  environs.    Paris,  Havre,  1825 , 

Tome  I. 
Motteville,  Mme  de.   Petitot,  xxxvi-xxxix. 

Nouy,  Mme  H.  L.  du.   L'Amitié  amoureuse. 

Ormesson,  Olivier  Lefèvre  d'.   Journal. .  .publié  par  M.  Chéruel.   Paris,  1861, 

2  vols.  4». 

Panissé-Passis,  Le  marquis  de.  Les  Comtes  de  Tende  de  la  Maison  de  Savoie. 

Paris,  Firmin-Didot. 
Paris,  Louis.    Cabinet  historique,  15^  année,  1869. 
Patin,  Guy.  Lettres  p.  par  Rôv.  Paris?,  1846,  3  vols,  in  8°. 
Pellisson  et  d'Ohvet.   Histoire  de  l'Académie.    1858,  2  vols,  in  8°,  éd.  Livet. 
Petit  de  Julleville.    Histoire  de  la  Langue  et  de  la  Littérature  française. .  . 

CoUn,  1908,  in  8°. 
Piganiol  de  la  Force.   Description  historique  de  la  Ville  de  Paris.   1765,  8  vols. 
Pinard.   Chronologie  historique  militaire.    1763,  4°. 
Pomponne,  Correspondance  de.    Bib.  Arsenal,  1712,  et  1626. 
Portraits  des  Messieurs  du  Parlement.    Arsenal,  MS.  Fonds  Hist.  de  France, 

420,  4°. 
Poullain  de  la  Barre.  De  l'égaUté  des  deux  sexes.    1673. 
Pradel,  du.  Le  Livre  commode  des  adresses  de  Paris  pour  1692.    Paris,  Plon- 

Nourrit,  2  vols.   Bib.  Elzév. 

A.  18 


278  Madame  de  La  Fayette 

Prévost.  L'abbé.    Mémoires  et  aventiires  d'un  homme  de  qualité  qui  s'est 
retiré  du  monde.    Paris,  1898,  3  vols,  in  12°. 

Racine.   Œuvres,  éd.  Paul  Mesnard.   Paris,  1870,  Gr.  Écriv. 

Raleigh.   The  Enghsh  Novel.   Londres,  1903,  8°. 

Rapin,  Le  Père  René.    Mémoires  sur  l'Église  et  la  Société. . .  Lyon  et  Paris, 

s.d.  3  vols.  8°. 
Relation  véritable  de  ce  qui  s'est  passé  à  la  prise  de  la  Ville  d  Harfleur. . . 

Paris,  Nicolas  de  la  Vigne,  1649. 
Renée,  Amédée.    Les  nièces  de  Mazarin.    Paris,  1856,  8°. 
Retz,  Cardinal  de.    Œuvres,  éd.  Gr.  Écriv.  Hachette,   10  vols,  et  Petitot, 

xxxvn. 

La  véritable  harangue  faite  au  roi  par  Mgr  le  cardinal  de  Retz  pour 

lui  demander  la  paix  et  son  retour  à  Paris,  au  nom  du  clergé  et  accompagné 
de  tous  ses  députés,  prononcée  à  Compiègne  le  12  sept.  1652.  Paris,  V*^ 
Guillemot,  1652. 

Revue  britannique,  1834,  1874,  oct.  1878,  nov,  1869. 

critique,  1879,  p.  394. 

d'Auvergne,  1884,  p.  81. 

de  Paris,  sept.-oct.  1907.   J.  Lemoine.  Mme  de  la  Fayette  et  Louvois. 

des  Deux  Mondes,  1  mars,  1846.    E.  Despois.   Le  roman  d'autrefois. 

1  mars,  1874.   De  Loménie.   Le  roman  sous  Louis  XIII. 

1  sept.  1890.    M.  d'Haussonville.    À  propos  d'un  exemplaire  des 

maximes. 

1  juin.  1904,   Firmin  Roz.    Une  bibliographie  anglaise. . . 

15  mai,  1909.   Emile  Faguet.    Art.  sur  Valincour. 

d'Histoire  Uttéraii-e  de  la  France.   Tome  v,  501. 

Encyclopédique.   Tome  29,  p.  845. 

littéraire.    Supplément  du  Journal  l'Univers.    Fév.  1889. 

poUtique  et  littéraii-e,  5  avril,  1879,  25  avril,  1879,  3  mai,  1879,  2  oct. 


1880. 
-  Universitaire,  1897.    Tome  n,  pp.  363-373. 


Reynier,  G.   Le  roman  sentimental  avant  l'Astrée,  in  8",  Colin. 

Ribier,  Compilés  par.    Lettres  et  mémoires...  2  vols.  F".   Cantab.  Acton.  a. 

26.  178. 
Richelet,  Pierre.   Les  plus  belles  lettres  françaises. . .  1698,  1  vol.  in  12°. 
RicheUeu.    Mém.  Petitot,  xxi-xxx. 
Rœderer,  P.  L.  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  la  société  polie  en  France. 

Paris,  Firmin-Didot,  1835,  8°. 
Rosset,  de.   Les  plus  belles  dames  de  la  viUe  de  Montpellier.     1660. 
Rosteau.    Voir  l'appendice  vn. 

Rothschild,  James  de.   Les  continuateurs  de  Loret.    2  vols.  8°,   1881-1888. 
Roujon,  Henry.   Dames  d'autrefois.    Hachette,  1910,  in  16°. 
Rousselot,   Paul.    Histoire  de  l'éducation  des  Femmes  en  France.     Paris, 

Didier,  2  vols,  in  12°. 
Rousset,  CamiUe.   Histoire  de  Louvois.   Paris,  1863,  4  vols,  in  8°. 
Roux,  A.  Montausier  et  son  temps.   Paris,  1860. 

Saint-Simon,   Le  duc   de.     Mémoires,   éd.   Chéruel  et  Régnier  fils.     Paris, 
Hachette,  1873. 


Liste  des  Ouvrages  Consultés  279 

Saint-Sulpice,  Copies  des  registres  de  l'église  de.    Bib.  Nat.  MS.  Bapt.  32593. 

Mariages,  32839.    Décès.  32594. 
Sainte-Beuve.   Portraits  de  Femmes.   Paris,  Garnier,  s.d.    1  v.  in  16". 

Port-Royal.    7^  éd.    Paris,  Hachette,  7  vols,   in  16°. 

Samfiresco,  Elvie.   Ménage.    Paris,  1902,  in  8°. 

Sauvai.   Antiquités  de  Paris.   Sorb.  HF  m  6.   In  Folio. 
Scarron.    Œuvres.    1786.    B.N.  Ye7811. 

Recueil  des  épistres  en  vers  burlesques  de  M.   Scarron  et  d'autres 

auteurs  pour  ce  qui  s'est  passé  de  remarquable  en  l'année  1655.    Paris, 
Alexandre  Hesselin,  1656,  in  4P. 

Scheuer,  Ernst.   Frau  von  La  Fayette,  eiue  franzôsische  Romanschriftstellerin 

. . .  Bonn,  1898,  in  8°,  pp.  126  (Thèse). 
Schurman,  Mlle  de.   Dissertatio  de  muliebris  ingenii  ad  doctrinam  et  meliores 

litteras  aptitudine.    Lyon,  1641,  8°.    Bib.  Cantab. 
Scudéry.    Clélie.    Le  Grand  Cyrus. 
Segrais.  Les  nouvelles  françoises  ou  les  divertissements  de  la  Princesse  Aurélie. 

Paris,  A.  de  Somma  ville,  1656,  2  vols.  8°. 

Segraisiana.  Paris,  1722,  in  12°.  Notes  MS.  de  Tiu-got  dans  l'exemplaire 

Sorbonne,  Rr.  135,  12°. 

Sévigné,  Mme  de.    Lettres,  éd.  Monmerqué.    Hachette,  Gr.  Écriv.    14  vols, 
et  un  album,  8°. 

Chevalier  de.    Correspondance  pub.  par  Lemoine  et  Saulnier.    Paris, 

1911,  8°. 

SicheL  Edith.  The  Household  of  the  La  Fayettes.  Westminster,  1897,  1  vol.  8°. 
Somaize.    Le  Dictionnaire  des  Précieuses,  éd.  Ch.  Livet.  Paris,  1856,  2  vols. 

Elzév. 
Sorel,  Charles.    De  la  connoissance  des  bons  livres  ou  examen  de  plusieurs 

auteurs.  Paris,  1671,  1  vol.  in  12°. 

Description  de  l'isle  de  portraicture  et  de  la  ville  des  portraits.  Tome  26. 

p.  382  de:  Voyages  imaginaires,  songes,  visions  et  romans  cabalistiques. 
Amsterdam,  1788,  8°. 

La  maison  des  jeux.    1687,  2  vols.  12°. 


Sourches,  Marquis  de.   Mémoires. . .  13  vols.  8°,  Hachette. 

Staël,  Mme  de.  De  la  littérature  considérée  dans  ses  rapports  avec  les  institu- 
tions sociales.   Londres,  1813,  2  vols.  8°. 

State  Papers.    France,    ccxxi. 

Stoddard,  F.  H.  The  évolution  of  the  English  novel.  New  York,  1900,  1  vol. 
in  16°. 

Suzanne,  Le  Général.    Histoire  de  l'ancierme  infanterie  française.   Tome  vm. 

TaUemant  des  Réaux.    Les  Historiettes,  éd.  Monmerqué  et  Paris,  3^  éd.    Paris, 

1856,  8°. 
Tardieu,  A.   Gr.  dict.  hist.  du  département  du  Puy-de-Dôme.   Moulins,  1877, 

1  vol.  4°. 
Tilley,  Arthur.   From  Montaigne  to  Molière.   Londres,  1908,  1  vol.  8°. 

Upham,  A.  H.   The  French  influence  in  English  Literature  from  the  accession 

of  Elizabeth  to  the  Restoration.   New  York,  1908,  in  12°. 
Uzereau,  L'abbé.  Une  page  de  l'histoire  littéraire  de  l'Anjou.  B.N.  8  Z  17253. 

18—2 


280  Madame  de  La  Fayette 

Val,  Guill.  du.  Le  Collège  de  France.    1644.  B.N.  R.  7347. 

Valant,  Portefeuilles  de.   B.  Nat.  ms.  fr.  17044-17058. 

Van  Laun.   A  History  of  French  Literature.   Londres,  1877,  3  vols.  8^. 

Vapereau.    Voir  App.  Critique. 

Vaugelas.    Remarques ...  éd.  Chassang.    Paris,  1870,  2  vols. 

Vaumorières,  Ortigues  de.   L'art  de  plaire  dans  la  conversation.    1695.    B.N. 

R.  25170. 
Vesque,  Ch.   Histoire  des  rues  du  Havre.   Le  Havre,  1876. 
Veyssière,  A.   Archives  hist.  du  Bourbonnais.    Périod.    1891-4. 
Villedieu,  Mme  de.    Les  Désordres  de  l'amour.     12°.     B.N.  Y^  73360.     Ex. 

incomplet. 

Walckenaer.  Mémoires  touchant  la  vie  et  les  écrits  de  Mme  de  Sévigné.  6  vols. 

F.  Didot. 
Wright,  Ed.    Voir  Academy. 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Les  pseudonymes,  les  titres  d'ouvrages,  les  noms  de  personnes  et  de 
lieux  mentionnés  dans  les  romans  sont  en  italique. 


Aiguillon  (Marie-Madeleine  de  Vignerod 

de    Combalet,    duchesse    d').      Voir 

Combalet 
Aimée,    domestique    de    Mme    de    La 

Fayette,  267 
Akakia,  4 

Alamir  [Zaïde],  128,  138 
Alanic  (Mme),  179 
Albret    (César-Phébus    d'),    comte    de 

Miossens,  maréchal  de  France,  44,  88 
Alcandre,  92 
Alègre  (Gayard  de  Toursel  d'),  comte  de 

Riverol,  255 

—  (Marie  de  Toursel  d'),  245,  255 
Alexandre,  89 

Alexandre,  136 
AJlier  (1'),  257 

—  (la  rivière  de  1'),  52,  61 
Almaras  {la  bataille  d'),  134 
Almonl  (la  comtesse  d''),  76 

—  (le  comte  d'),  75,  76 

Alphonse  [Zaïde],    128,    129,    132,    133, 

135,  136,  137,  138 
Amadis  (V),  126,  loi,  162 
Amalthée  (nom     désignant     Mme     du 

Plessis-Guéuégaud),  162 
Amalhée,  92 

Amours  duPalais  Royal  deTurin  (Ze-s),191 
Anaxandre,  162 

Andillv  (Amauld  d'),  90,  91,  110 
Aney,'260 
Angélique  (ia  mère).    Voir  La  Fayette 

(Louise  Mottier  de) 
Angennes  (Angélique-Claire  d'),  66 

—  (Julie-Lucine     d'),     duchesse     de 
Montausier,  12,  66 

Angers  (la  ville  d'),  52,  56 
Angleterre  (Elisabeth  d'),  160 

—  (Henriette  d').   Voir  Orléans  (Hen- 
riette-Anne, duchesse  d') 

—  (1'),  197-8 

Angoisses    douloureuses    qui    procèdent 

d'amours  (les),  154-6 
Anjou  (la  province  d'),  7,  39,  50,  203, 

242,  243 
Anjou  (le  duc  d'),  78,  83 
Apcher     (François    d').    Seigneur    du 

Cheylar,  254 
Aplanie  e     (nom     désignant    Mme     de 

Valençay),  74 
Aplemont  (d'),  13 
Araminte,    nom     désignant    Mme    de 

Plenneville,  82 
Arcy  (le  marquis  d'),  258,  261 
Arenberg  (le  comte  d"),  75,  76,  77 
Arioste  (F),  152 

Amelot  (Marie  de  Lyonne,  Mme),  82 
Armande,  31 


Arthénice    (nom    désignant    Mme     de 

Rambouillet),  34 
Artus,  162 

Asfeld  (Alexis  Bidal,  baron  d').  199 
Astrée(r),ll,  126,162 
Aubert  (Catherine),  254 
Aubignac  (François  Hédelin,  abbé  d'), 

12,  77,  102 
Audoux  (Mme  Marguerite),  179 
Aurélie     (nom     désignant    la     Grande 

Mademoiselle),  74 
Aurore,  49 
Autriche  (la  reine  Anne  d'),  1,  14,  31, 

111,  114,  115,  117,  158,  187,255 

—  (la  reine  Marie -Thérèse  d'),  117 
Auvergne  (la  province  d'),  18,  19,  45, 

49,  51,  52,  59,  60,  62,  63,  64,  140,  141 
Avaux  (Jean-Antoine  de  Mesmes,  comte 

d'),  88 
Avranches  (l'évêque  d').    Voir  Huet 

Babylone  (V impératrice  de),  162 
Bac  (la  rue  du)  à  ParLs,  1 
Baillardeau  (Aiitoine),  205 
Bajazet,  166 

Baldensperger  (Femand),  164 
Balzac  (.Jean-Louis  Guez  de),  217 
Barbin  (A.  T.),  3 

—  (Claude),  166,  178 
Barillon  (le  cadet),  21 

—  (M.),  111  ... 
Barillons    (les),    Paul    et    Antome    de 

Barillon,  88 
Barine  (Arvède),  119 
Bastille  (les  archives  de  la),  36 
Baudrier  (M.),  notaire,  15 
BaufFremont    (Henri    de),    marquis    de 

Senecey.    Voir  Senecey 
Baugé,  en  Anjou,  50 
Bautru  (Guillaume),  comte  de  Serrant, 

18 
Bavière  (l'électeur  de),  199 
Bayard  (Jacques  de),  46,  54,  244,  246 

—  (Louis),  92 
Bayle  (Pierre),  106 
Bazin  (A.),  125 

Béatrix  de  Provence,  reine  de  Naples. 

Voir  Naples 
Beaumanoir  (Henri  de),  60 

—  (Mme    de).      Voir    Rostaing   (Mar- 
guerite de) 

Beaurepaire    (René    de    Sainte-Maure, 

seigneur  de),  13,  14 
Beauvais  (Charlotte  de),  255 
Belasire  [Zaïde],  128,  132,  137 
Belfort,  151 
Bellaigue  (l'abbé  de  Notre  Dame  de). 

Voir  Bayard  (Jacques  de) 


282 


Madame  de  La  Fayette 


BeUegarde  (le  baron  de),  163,  269 
Belval  (l'abbé  de).    Voir  Testu  (Jacques) 
Benserade  (Isaac  de),  86,  106 
Bérard    (Claude),    première    femme    de 

Marc  Pioche  de  La  Vergne,  6 
Bérault  (Claude?),  195 
Berger  Extravagant  (le),  72 
Bertaut,  10 
Bertelet,  portier  de  Mme  de  La  Fayette, 

267 
Berthelot  (le  sieur),  182 
Beuvronne  (la  rivière  de),  90,  92 
Biron  (Charles-Armand,  duc  de),  148 
Blot  (César  de  Chauvigny,  baron  de), 

99,  254 
Boileau-Despréaux  (Nicolas),  31,41,  68, 

86,  89,  106,  110,  111 
Boiscordier  (Mlle  de),  266 
Boisenval,  valet  de  chambre  de  Louis 

XIII,  115 
Boissière  (Marie  de),  255 
Bollard  (Fiacre),  11 
Bonnart  (Robert-François),  39 
Bonnivat  (Émeric  de  Bouttier,  seigneur 

de),  254 
Bonrepas  (M.  de),  110 
Bordier    (Jehan),    la    veuve    de.      Voir 

Bricard  (Marie) 
Bossuet  (Jacques-Bénigne),  31,  86,  106, 

110,  124,  134, 168 
Boufflers     (Louis-François,     duc     de), 

maréchal  de  France,  148,  261 
Bouhours  (Dominique),   128,  135,  170, 

171,  202 
Boulen  {Anne  de),  174 
Boulogne,  255 
Bourbon  (Anne  de),  61 

—  (Claude  de),  comte  de  Chaslus,  61, 
254 

—  (Françoise  de),  182 

—  (la  ville  de),  48 
Bourbon-Busset  (Marguerite  de),   244, 

255 
Bourbonnais  (le),  62,  244,  251 

—  (le  baron  de  Chazeron,  gouverneur 
du),  18 

Bourdaloue  (Louis),  31,  68,  211 
Bourdeille     (Pierre     de),    seigneur    de 

Brantôme.    Voir  Brantôme 
Bourgogne  (la  comtesse  de),  92 
Bouttier  (Émeric  de),  254 
Branche  (la),  179 
Brantôme  (Pierre  de  Bourdeille,  seigneur 

de),  31,  158,  159,  160,  161,  173,  208, 

219 
Brédif  (Léon),  68 
Bretagne  (la),  51 

—  (le  marquis  de  Thémines,  gouver- 
neur de  la),  8 

Brevonne.    Voir  Beuvronne 

Brézé  (Urbain  de  Maillé,  marquis   de), 

2,  4-12,  22 
Briare  (la  ville  de),  57 
Bricard  (Marie),  femme  de  Gabriel  Péna, 

5 
BrinviUiers  (Marie-Marguerite  d' Aubray, 

marquise  de),  36 


Brissac  ( Gabrielle -Louise  de  Saint-Simon, 
duchesse  de),  57 

—  (le  duc  de),  242,  243 
Brosses  (M.  des),  42 

Buckingham  (George  Villiers,  duc  de), 

1627-1688;  121,  123 
Buisson  (Mme  de),  66 
Bure  (Guillaume  de),  fils  aîné,  200,  201 
Bussy  (la  rue  de)  à  Paris,  244 
Bussy-Rabutin     (Roger     de     Rabutin, 

comte  de  Bussy,  dit),  20,  06,  71,  103, 

105,  134,  135,  136,  137,  164,  166,  168, 

170,  243 

Caderousse  (Claire-Bénédictine  de  Gué- 

négaud,  duchesse  de),  90 
Caen  (la  ville  de),  68,  107 
Caen,  les  origines  de,  131 
Calais  (la  ville  de),  2,  249 
Calvaire  (les  religieuses  du),  11 
Cambout,  126 

—  (Marie    du),    duchesse    d'Épernon. 
Voir  Épemon 

Cambrai  (la  bataille  de),  77 

Campestrières-Vissat,  255 

Canaries  (le  roi  des),  132 

Caudale  (Louis-Charles-Gaston  de  No- 

garet,  duc  de  La  Valette  et  de),  18 
Capucins  (le  couvent  des)  à  Clermont, 

254 
Caraccio,  200,  201 
Caractères  (les),  68 
Carlos  (Don),  92 
Cassandre,  221 
Catalogne,  137 
Catinat  (Nicolas  de),  seigneur  de  Saint 

Gratien,  maréchal  de  France,  259 
Caumartin  (Louis-François  de),  89 
Céphale,  49 
Cessac    (Louis-Guilhem    de    Castelnau, 

comte  de  Clermont-Lodève,  marquis 

de),  90 
Chahannes  (le  comte  de),  78,  79,  80,  81 

262 
Chaillon  (le  sieur),  191 
Chaillot  (le  couvent  de  Sainte-Marie  de), 

114,115 
Chalais  (Mlle  de),  12 
Chamard  (M.  Henri),  159 
Champigny,  66,  67,  78,  79,  88 
Champiré,  58,  244 

—  (Renaud  de  Sévigné,  seigneur  de). 
Voir  Sévigné 

Chanoine  (le).     Voir  Longueval,  Fran- 
çoise de 
Chantilly  (le  château  de),  109,  110,  113 

—  (le  marquis  de),  148 

Chanudet  (M.),  curé  d'Espinasse-Vozelle, 

52 
Chapelain  (Jean),  12,  66 
Charenton  (la  ville  de),  18 
Charles  I,  roi  d'Angleterre,  114,  124 
Charles  II,  roi  d'Angleterre,  116 
Charnes  (l'abbé  Jean-Antoine  de),  168, 

171 
Charruel  (  ?),  266 
Chartin  (le  sieur),  9 


Index  des  Noms  Propres 


283 


Chartres  (le  vidame  de),  161 

Chartres  (Mmede),  156, 170, 174, 175, 177 

—  (Mlle  de),  princesse  de  C'ièves,  161 
Chaslus  (Claude  de  Bourbon,  comte  de), 

254 
Châtelet  (le)  à  Paris,  250,  251 
Châtillon  (Isabelle- Angélique  de  Mont- 

morency-Bouteville,  duchesse  de),  69 

—  (M.  de),  88 
Chatrier  (M.),  267 
Chauveau  (François),  39 
Chauvigny,  fief  de  la  famille  La  Fayette, 

49,  151,  244,  251,  257 

—  (Isabelle  de),  257 

—  (Marie  de),  257 
Chauvigny-Beauregard,  255 
Chazaud,  notaire  à  Limoges,  244 
Chazeron  (le  baron  de),  18 
Chennevières  (M.),  10 

Chevreuse  (Marie  de  Rohan,  duchesse 

de),  47 
Choisy  (François-Timoléon  de),  207,  208 

—  (Mme  de),  21,  74,  153 
Chouvigny.    Voir  Chauvigny 
Cicéron.  (les  œuvres  de),  30 
Clays  (le  village  de),  90 

Clelie,  53,  56,  66,  68,  72,  73,  133 

Cléopâtre,  71,  221 

Clermont  (le  couvent  des  Capucins  à), 
254 

Clèves  (la  princesse  de),  personnage  du 
roman,  80,  102,  123.  160,  161,  162, 
170,  171,  172,  173,  174,  175,  176,  209, 
212,  223,  224.    Voir  aussi  Princesse  de 

—  (le  prince  de),  123,  156,  165,  174* 
175,  177 

Clèves  (le  prince  de),  161 

Clos-la-Fayette,  257 

Cognât,  50,  257 

Colbert    (Jean-Baptiste),    marquis    de 

Seignelay,  182 
Combalet  (Marie-Madeleine  de  Vignerod 

de),  duchesse  d'Aiguillon,  2,  7,  11,  12, 

13,  14,  21,  46,  106,  245,  251 
Comminges  (Gilbert  du  Plessis-Praslin 

de     Choiseul,     évêque     de).        Voir 

Plessis-Praslin 
Comtesse   de    Tende    (la),   roman,    157, 

171^,  218 
Condé  (Claire-Clémence  de  Maillé,  mar- 
quise de  Brézé,  princesse  de),  110 
Condé  (le  prince  de),  83 
Condé  (Louis  II  de  Bourbon,  prince  de), 

86,  109,  110,  134 
Conrart  (Valentin),  66,  106 
Consalve  [Zaïde],    128,   129,    132,   135, 

136,  137,  138 
Conversations    sur    la    critique    de    la 

Princesse  de  Clèves,  164 
CoquiUaire  (la  rue)  à  Paris,  249 
Corbinelli  (Jean),  215 
Corinne,  179 

Corinthe  (l'archevêque  de).    Voir  Retz 
Corinthiens  (la  première  aux),  la  bataille 

dite,  20 
Corneille  (Pierre),  48,  111,  177,  218,223 


Cosnac  (Gabriel- Jules  de),  110 

Coster  (Pierre),  22,  42,  52,  55,  56,  71, 

207,  210 
Coulanges    (Marie-Angélique    du    Gué, 

Mme  de),  107,  111,  113,  211 
Coulevain  (Mme  Pierre  de),  179 
Coulommiers,  174 
Courgain  (le)  à  Calais,  249 
Courtin  (Honoré),  112,  182 
Cousin  (Victor),  33,  73 
Crenne  (Hélisenne  de),  154 
Créqui  (François-Joseph,  marquis  de), 

146 
CroisiUe  (M.  de),  267 
Croissy  (M.  de),  259 
Cyrics  (le  grand),  66,  71,  73.  139,  221 

Daillon  (Guy  de),  comte  dj  Lude,  254 

Dalon  (l'abbaye  de),  115,  142,  255 

Danemark  (le).  183 

Dauphin  (le),  107,  145,  146 

Dauphme  (la),  37,  199 

Dauphine  (la)  [la  Princesse  de  Clèves], 

160,  165 
Delphine,  179 
Depoix  (J.),  9 

Descartes  (René),  219,  223-4 
Des  Champs  (M.),  109,  110 
Des  Chases  (Gabrielle  de  La  Fayette, 

abbesse),  254 
Desjardins  (Hortense).    Voir  ViUedieu 
Désordres  de  Vamour  (les),  163,  164, 171, 

268-9 
Despréaux    (Nicolas    Boileau).      Voir 

BoUeau  -  Despréaux 
Dijon  (le  président  du  parlement  de),  48 
Don  Carlos,  92 
Don  Garcie  [Zaïde],  128,  138 
Don  Manrique  [Zaïde],  132 
Don  Ramire  [Zaïde],  135 
Dorât  (Jean- Jacques?),  61 
Dorchain  (Auguste),  156,  157 
Doris    (nom    désignant    Mme    de    La 

Fayett--).  28 
Druent  (le  comte  de),  261 
Du  Bouchet  (Mme),  134,  135 
Du    Cheylar    (François   d'Apcher,    sei- 
gneur), 254 
Du  Guet  (Jacques-Joseph),  157,  210,  211 
Du  Mancais.  domestique  de  Mme  de  La 

Fayette,  267 
Du  Mottier  (Charles),  seigneur  de   La 

Fayette-Pontgibaud,  255 

—  (François),    tué    à   la    bataille    de 
Saint- Quentin,  254 

—  I  (Gilbert),  254 

—  II  (Gilbert),  50,  254 

—  III  (GObert),  50,  254 

—  IV  (Gilbert),  254 

—  V  (Gilbert),  254 

—  VI  (Gilbert),  50,  254 

—  (Pons),  258 

Du  Palais  (Philippe  de  Rivoire,  comte), 
254 

Ébreuil  (la  viUe  d'),  51,  61 
Échassières,  257 


284 


Madame  de  La  Fayette 


Ecosse  (1'),  116 

—  (la  convention  d'),  197 
Elisabeth  d'Angleterre,  160 
Elne  (le  siège  d'),  44 
Empereur  (Y),  183 

Enghien  (Anne  de  Bavière,  duchesse  d'), 
110 

—  (Henri-Jules  de  Bourbon,  duc  d'), 
86,  110,  181,  188,  189 

Épemon  (Marie  du  Cambout,  duchesse 
,  d'),  47 

Epinasse.    Voir  Espinasse 
Érice  (la  princesse  d"),  66 
Espagne  (1'),  183 

Espinasse,  49,  51,  52,  53,  59,  61,  244, 
246,  251,  257 

—  (Anet  de  Montmorin,  seigneur  d'), 
255 

Espinasse-Vozelle.    Voir  Espinasse 

Essais  de  Morale  (les),  209 

Esther,  199 

Estrades   (Jean-François   d'),   abbé   de 

Moissac,  190,  258 
Estrées  (  François- Annibal,  marquis  de 

Cœuvres,  duc  d'),   112,   182 

—  (le  cardinal  d').    Voir  Laon 
Étampes  (la  bataille  d'),  254 
Eugénie,  75,  76 

Eurilas,  58 
Exeter,  116 

Pavart  d'Herbigny  (Christophe-Elisa- 
beth), chanoine  de  Reims,  23 

Fayette  {la  nymphe),  nom  désignant 
Mme  de  La  Fayette,  99 

Féliciane,  nom  désignant  Mme  de  La 
Fayette,  91,  106 

Félicie,  nom  désignant  Mme  de  La 
Fayette,  83,  87 

Félime  [Zaïde],  128,  138 

Femmes  savantes  (les),  111 

Fénelon  (François  de  Salignac  de  La 
Mothe-),  41 

Ferdinand  (Louis-Ferdinand  Elle,  dit),  42 

Férou  (la  rue)  à  Paris,  11,  205 

Ferrare  (l'abbé),  195 

Ferrarois,  domestique  de  Mme  de  La 
Fayette,  82 

Feuillet  de  Conches  (Félix -Sébastien), 
25,  60,  61 

—  (Mlle),  25,  60 

Fez  (le  prince  de)  [Zaïde],  132 
Fiesque  (la  comtesse  de),  74 
Fleury  (le  village  de),  113 
Florençal  (le  chevalier  de),  76,  77 
Florence,  215 
Fontaine  (Garin  de),  50 
Fontainebleau  (le  château  de),  37,  121, 

147 
Fontenelle  (Bernard  le  Bovier  de),  168, 

170 
Force  du  Passe'  (la),  179 
Porests,  244,  247 
Formont  (Maxime),  51 
Fossés  (la  rue  des)  à  Paris,  249 
Foucaut    (le    berger),    nom    désignant 

La  Rochefoucauld,  99 


Fouquet  (Nicolas),  vicomte  de  Melun  et 
de  Vaux,  marquis  de  Belle-Isle,  90, 123 

Pouquières  (Mme  de),  88 

Foumel  (Victor),  221 

Poumier  (Edouard),  64,  141 

France  (Anatole),  94,  100,  125,  167, 
178,  179,  206,  220 

—  (Christine  de),  duchesse  de  Savoie, 
184 

—  (Henriette-Marie  de),  114,  116,  117, 
124 

—  (le  collège  de),  5 
Francion  (Histoire  comique  de),  72 
François  II,  160 

Franz  (Arthur),  67 

Fresnes  (le  château  de),  35,  64,  84,  88, 

90-93,  97,  112 
Fret  (Charles),  205 
Fribourg  (la  ville  de),  147 
Fronde  (la),  14,  16,  20 
Fronsac  (le  duc  de).    Voir  Brézé  (Urbain 

de  Maillé,  marquis  de) 
Frontenac  (Mme  de),  74 
Fronténie,     nom     désignant    Mme     de 

Frontenac,  74 
Furetière  (l'abbé  Antoine),  53 

Gannat  (la  ville  de),  51,  244,  251,  257 
Garde  (Don)  [Zaïde],  128,  138 
Gathon,  59 
Ge'lonide,  nom  désignant  la  comtesse  de 

Fiesque,  74 
George  (le  sieur),  182 
Giraud  (ou  Girault,  l'abbé),  26,  41 
Girault.    Voir  Giraud 
Godeau  (Antoine,  évèque  de  Grasse  et 

de  Vence),  66 
Gombeau,  99 
Gondat,  255 

Gonzague  (Marie  de),  119,  126 
Gonzale.    Voir  Consalve 
Goths   (la   reine   des),   54.     Voir  aussi 

Suède  (Christine,  reine  de) 
Gourville  (Jean  Hérault  de),  112,  113, 

206 
Goutenotoze.    Voir  Goutevantouze 
Goutevantouze  (le  fief  de),  49,  244,  247 
GradafiUe,  162 
Grammont  (le  beau-frère  du  comte  de). 

Voir  Hamilton  (Antoine) 
Gramont  (Antoine,  duc  de),  maréchal  de 

France,  118 

—  (la  comtesse  de),  113 

Grand  Cyrus  (le),  66,  71,  73,  139,  221 
Grasse  (l'évêque  de).    Voir  Godeau 
Grignan  (Adhémar  de  Monteil,  comte 
de),  60,  105 

—  (la  famille  de),  104 

—  (Mme  de).    FotV  Sévigné  (Françoise- 
Marguerite  de) 

—  (Pauline  de),  marquise  de  Simiane, 
141 

Griselidis,  196 

Guarini  (Giovanni  Battista),  96 

Guébriant     (Renée      du     Bec-Crispin, 

comtesse  de),  35 
Guénégaud.    Voir  Caderousse 


Index  des  Noms  Propres 


285 


Guénépaud  (Elisabeth-Angélique  de),  90 

—  (la  rue)  à  Paris,  56 
Ouenelic,  155 
Guenièvre,  162 
Guérard,  graveur,  39 

Guiche  (Armand  de  Gramont,  comte  de), 
117,  119,  120,  121,  122,  123,  124,  162 

—  (la  jeune),  117 
Guillard,  61 

Guise  (le  chevalier  de),  175 

—  (le  duc  de),  78,  79,  80,  81,  262 
Guitaut  (le  comte  de),  103 

Gyp  (Sibylle-Gabrielle-Marie  Antoinette 
de  Riquetti  de  Mirabeau,  comtesse  de 
Martel  de  Jan ville,  dite),  206 

Halle  (Antoine),  41 

Hamilton  (Antoine),  38 

Harfleur  (la  ville  d'),  14 

Harmand  (René),  234 

Haussonville  (M.  d'),  95,  100,  175,  200, 
201,  211,  243 

Hautefeuille  (fief  de  la  famille  La  Fay- 
ette), 49,  244 

—  (Jean  de),  255 

—  (Mottier  de),  grand  maître  de  l'ar- 
tillerie, 50 

Hautefort     (Marie     de),     duchesse     de 

Schomberg-Halluin,  115 
Haute-Serre    (fief    de    la    famille    La 

Fayette),  49,  244 
Havre  (la  ville  du),  3,  7,  9,  11,  13,  14, 

15,  16,  20,  22,  29,  126,  244 
Hélisenne,  154-155 
Henri  TT,  roi  de  France,  157,  160 

—  IV,  roi  de  France,  116 
Herménésilde  [Zaïde],  128 

Histoire  d'Henriette  d' Angleterre  (V),  7, 

114-126,  127,  162,  174,  218 
Hita  (Ginès  Ferez  de),  133,  134 
HoUande  (la),  67,  116,  125,  198 
Honfleur  (la  ville  d'),  14 
Hongrie  (la),  143 
Horace  (les  œuvres  d'),  30 
Huet     (Pierre-Daniel),     évêque     d'Av- 

ranches,  42,  63,  68,  69,  82,  86,  87, 

106-108,  130,  131,  135,  136,  139,  152, 

176,  214,  216 

—  (Pierre-Daniel),  la  sœur  de.     Voir 
Plenneville  (Mme  de) 

Huguenots  (les),  50 

Huxelles  (Marie  de  Bailleul,  marquise  d'), 
111 

l7ifante  (V),  92 
ItaUe  (1'),  183 

Jacques  II,  roi  d'Angleterre,  199 
Jansénistes  (les),  30 
Joli  (Guy),  242,  243 
Joseph  Delorme,  138 
Joyeuse  (Jeanne  de),  254 

—  (Randon  de),  254 

Kuchler  (Walther),  155 

La  Beaumelle  (Laurent- Angliviel  de),  140 


Laboureur  (Jean),  161 

La  Bruyère  (Jean  de),  68 

La  Case  (le  marquis  de),  36 

Lacroix  (Paul),  95 

La  Fayette  (Antoine  de).  254 

—  (Antoine  de),  maître  de  l'artillerie, 
254 

—  (Antoinette  de),  254 

—  (Charles  de),  254 

—  (Claude  de),  abbé  et  directeur  de 
Sorbonne,  255 

—  (Claude  de),  bachelier  en  théologie, 
frère  de  François.  46,  245 

—  (Claude  de),  femme  de  César  de 
Blot,  254 

—  (Claude  de),  père  de  F  évêque  de 
Limoges,  247,  255 

—  (Edmond  de),  sénateur,  60,  61 

—  (François  de),  mort  à  Saint- 
Quentin,  255 

—  (François  Mottier,  comte  de),  3,  6, 
15,  44-65,  114,  116,  156,  157,  189, 
193,  205,  243-252,  255 

—  (François  Mottier  de),  évêque  de 
Limoges,  46,  85,  114,  142,  244,  246, 
248,  255 

—  (Françoise  de),  abbesse  de  Saint- 
Georges  de  Rennes,  254 

—  (GabrieUe  de),  abbesse  des  Chases, 
254 

—  (GUbert  I  à  GUbert  VI).  Voir  Du 
Mottier 

—  (Gilbert  VII  du  Mottier  de),  254 

—  (Guillaume  du  Mottier,  seigneur  de), 
254 

—  (Jacqueline  de),  254 

—  (Jacques  de),  chevalier  de  Malte,  255 

—  (Jacques  de),  comte  de  Lyon, 
chartreux,  254 

—  (Jean  de),  chanoine  et  comte  de 
Lyon,  254 

—  (Jean  de),  Hautefeuille,  255,  257 

—  (Jean  de),  père  de  François,  244, 
255,  257 

—  (la  famille  Mottier  de),  49,  52,  60, 
64,  254-255,  257 

—  (le  château  de),  50 

—  (Louis  de),  abbé  de  Valmont,  50, 
59,  142-144,  152,  197,  200,  255,  266, 
267 

—  (Louise  de),  comtesse  de  Chaslus, 
254 

—  (Louise  Mottier  de),  114,  116,  126, 
197,  254 

—  (Madame  de),  femme  de  René- 
Armand.    Voir  Maiillac 

—  (Madeleine  de),  254 

—  (Madeleine  de),  abbesse  de  Saint- 
Georges  de  Rennes,  254 

—  (Madeleine  de),  religieuse,  254 

—  (Marie  de),  baronne  de  Murât,  254 

—  (Marie-Madeleine  Pioche  de  La 
Vergne,  comtesse  de),  sa  naissance,  2; 
ses  parents,  2-7;  à  Pon toise,  9;  au 
Havre,  13;  la  mort  de  son  père,  14- 
15;  le  second  mariage  de  sa  mère, 
17;    son   beau-père,    19-20;    et  Mlle 


286 


Madame  de  La  Fayette 


La  Fayette  (Marie-Madeleine)  (cont.) 
de  La  Loupe,  20;  sa  mère,  21-22,  56, 
241-243;  et  Mme  de  Sévigné,  23,  104- 
106,  111  (  Voir  aussi  Sévigné  dans 
cet  index);  et  Ménage,  23-31,  82-83, 
194-204  {Voir  aussi  Ménage);  ses 
études,  29-42;  et  l'Hôtel  de  Ram- 
bouillet, 32-35;  la  société  qui  l'en- 
toure, 32-41;  son  mariage,  44-49,  65; 
son  contrat  de  mariage,  244-248; 
les  objets,  mobiliers,  etc.  qu'elle 
apporte,  249-251;  son  mari,  49-51, 
54,  55,  59-65;  dotation  mutuelle  de 
leurs  biens,  251-252;  généalogie  de  la 
famille  La  Fayette,  254-255  ;  les  terres 
de  la  famille  La  Fayette,  257;  en 
Auvergne,  52;  sa  santé,  53,  55-57, 
113,  192-212;  enceinte,  55;  mort  de  sa 
mère,  56;  naissance  de  son  fils  Louis, 
59;  son  voyage  à  Paris,  59;  naissance 
de  son  fils  René -Armand,  59;  date  de 
la  mort  de  son  mari,  59-60;  et  les 
Portraits,  66-71;  l'anonymat  de  ses 
œuvres,  81,  167  ;  à  la  cour  de  Madame, 
87;  au  Luxembourg,  87;  à  l'Hôtel  de 
Ne  vers,  87,  88-89;  précieuse,  87;  à 
Fresnes,  90-93:  et  La  Rochefoucauld, 
93-104,  129-130;  et  le  cardinal  de 
Retz,  21,  106,  241-243;  et  Segrais, 
106,  127-129;  et  Huet,  106-108,  130- 
131;  et  La  Fontaine,  108-109;  et  le 
prince  de  Condé,  110;  et  Bossuet,  110; 
et  Racine,  110-111;  et  Boileau,  110- 
111;  et  Corneille,  111;  est  très  bien 
en  cour,  112;  et  Mme  de  Montespan, 
112;  et  Henriette  d'Angleterre,  114- 
118;  ses  enfants,  140-153,  205;  et 
Brantôme,  159;  et  Mme  de  Villediea, 
164,  268-269;  et  ses  collaborateurs, 
81-83,  127-132,  165-170;  se  déclare 
auteur  de  la  Princesse  de  Clèves,  169; 
son  style,  80-81,  138-139,  176-178, 
215-218;  et  Mme  Royale  de  Savoie, 
180-192,  258-262;  et  Louvois,  180- 
192,  258-262;  historien,  193-212;  ses 
dernières  années,  201-212;  sa  mort, 
204;  son  testament,  266-267;  son 
caractère,  206;  ses  idées  religieuses, 
209;  ses  lettres,  213-218;  l'écrivain, 
218-220;  le  philosophe,  220-224;  ses 
œuvres:  Une  lettre  pour  se  moquer  des 
mots  à  la  mode  {?),  68;  Le  Portrait  de 
Mme  de  Sévigné,  66-71;  La  Princesse 
de  Montpensier,  71-84;  Zaïde,  126- 
139;  La  Princesse  de  Clèves,  154-179; 
La  Comtesse  de  Tende,  171-174;  La 
Vie  de  Madame  Henriette  d' Angleterre, 
114-126;  Les  Mémoires  de  la  cour..., 
196-200;  Caraccio,  200-201.  Voir 
aussi  Doris,  Fayette  (la  nymphe),  Féli- 
ciane,  Félicie,  La  Vergne,  Laverna, 
Lisette,  Ménie,  Sagiette 

—  (Marie-Madeleine  de),  petite-fille 
de  Mme  de  La  Fayette,  152,  153,  255, 
257 

—  (Philippe  de),  chevalier  de  Malte, 
255 


La  Fayette  (René- Armand),  brigadier 
d'infanterie,  50,  59,  144-151,  181, 
190,  201,  255,  266 

—  (René  du  Mottier,  comte  de),  255 
La    Fayette-Pontgibaud    (Charles    du 

Mottier,  seigneur  de),  255 

—  (Louis,  comte  de),  254 

La  Fère  (le  régiment  de),  146,  149,  187 

Lafitte  (Pierre),  179 

La  Fontaine  (Jean  de),  71,  86,  106,  108- 
109,  208 

La  Force  (Jacques  de  Caumont,  duc  de), 
10 

La  Grenetière  (l'abbaye  de),  142,  255 

La  Guiche  (Mlle  de),  fille  du  maréchal 
de  Saint-Géran,  18,  117 

La  Lizolle,  257 

La  Loupe  (Catherine -Henriette  d'An- 
gennes  de),  20,  21,  22,  241-242 

La  Maillade  (Marguerite  de),  254 

La  Meilleraye  (Charles  de  La  Porte,  duc 
de),  maréchal  de  France,  40 

Lamoignons  (les),  150 

La  Monnaie  (l'hôtel  de)  à  Paris,  88 

Lancelot,  162 

Landau,  151 

Langeron  (la  ville  de),  52 

Langlade  (Jacques  de),  181,  202 

Langlée  (M.  de),  196 

Lanson  (M.  Gustave),  223 

Laon  (César,  cardinal  d'Estrées,  évêque 
de),  88,  182 

Lapierre,  258 

La  Rochefoucauld  (François  VI,  prince 
de  Marsillac,  duc  de),  31,  51,  53,  56, 
62,  63,  65,  81,  86,  87,  88,  92,  93-104, 
106,  108,  109,  110,  111,  113,  116,  127, 
128,  129,  130,  133,  134,  138,  139,  156, 
157,  163,  165,  166,  167,  168,  169,  171, 
177,  180,  181,  187,  189,  192,  193,  197, 
202,  208,  210,  211,  216,  262 

—  (Mlle  de  Louvois,  duchesse  de),  191 
La   Rochefoucauld-Randan    (Marie-Ca- 
therine de),  marquise  de  Senecey,  115 

La  Rocheguyon  (François,  duc  de  La 

Rochefoucauld  et  de),  191 
La  Roche  Toumelle  (Marguerite  de),  254 
La  Sablière  (Marguerite  Hessein,  Mme 

de),  211 
Lassay  (Armand  de  Madaillon  de  Le- 

sparre,  marquis  de),  143,  206 

—  (Mlle  de),  143 

La  Tour  d'Auvergne  (Antoine  de),  baron 
de  Murât,  254 

—  (Madeleine  de),  174 

La  Trémouille  (Charles-Armand-René, 
duc  de),  257 

—  (Charles   Bretagne   de),   prince   de 
Tarente,  152,  255,  257 

—  (Charles -Louis  Bretagne  de),  162 

—  (Henri  de),  9 

—  (Mlle  de),  66,  67 

La  Trousse  (Henriette  de  Coulanges, 
marquise  de),  107 

—  (Mlle  de),  107,  215 

—  (Philippe-Auguste   le   Hardi,   mar- 
quis de),  112,  146,  149,  182 


Index  des  Noms  Propres 


287 


Launitz  (le  comte  de),  199 

Lauzun  (Antoniii  Nompar  de  Caumont, 
comte,  puis  duc  de),  112 

La  Vallière  (Françoise-Louise  de  La 
Baume-le-Blanc,  duchesse  de),  118,122 

La  Vallière  (Louis-César  de  La  Baume- 
le-Blanc,  duc  de),  200 

Lavardin  (Marguerite-Rence  de  Ros- 
taing,  marquise  de),  111,  204 

La  Vergne  (Aymar  de).  Voir  La  Vergne 
(Marc  Pioche  de) 

—  (la  famille),  5 

—  (Mme     Pioche     de).      Voir    Pcna 
(ÉUsabeth) 

—  (Marc  Pioche  de),  2,  4-15,  17,  244, 
249 

—  (Marie-Madeleine  Pioche  de).    Voir 
La  Fayette 

La   Vergne  (ville  dans  le  Pays  de  Bra- 

querie),  243 
Laverna,   nom   désignant  Mme   de   La 

Fayette,  195 
Le  Bon,  209 

Le  Boux  (Guillaume),  210 
Lebrun  (Charles),  39 
Le  Cène  (Michel-Charies),  125 
Le  Clerc  (Sébastien),  39 
Lee  (Nathaniel),  178 
Le  Franc,  notaire,  249,  251,  252 
Le  Gendre,  182 
Léger  (M.),  195 
Le  Jarric  (Gilbert),  257 
Leiia,  179 
Le  Loup  (Louis),  seigneur   de   Pierre - 

brune,  254 
Lenclos  (Anne,  dite  Ninon  de),  86,  105, 

106 
Lenglet-Dufresnoy  (Nicolas),  221 
Lenoir  (Isaac),  257 
Lenôtre  (André),  39 
Lens  {la  bataille  de),  77 
Le  Railleur  (Jacques),  8,  10,  26,  41,  249 
Lérida  (la  bataille  et  le  siège  de),  44 
Le  Roy  (Pierre),  4,  5 
Lescheraine,  secrétaire  de  Mme  Royale, 

59,  82,  158,  168,  184,  185,  186,  216 
Lescure     (Mathurin  -  François  -  Adolphe 

de),  220 
L'Esdiguières  (Anne  de  La  Madelaine, 

duchesse  de),  42,  243 
L'Espinasse  (la  famille  de),  257 
Lesueur  (Mme  Daniel),  179 
Lettre  à  la  marquise  de... au  sujet  de  la 

Princesse  de  Clèves,  163 
L'Hôpital  (Charlotte  des  Essarts,  maré- 
chale de),  19 

—  (François  du  Hallier,  dit  le  maréchal 
de),  19 

L'Huillier  (Mme),  116 

Lian court  (la  marquise  de),  88 

Ligne  (Charles-Joseph,  prince  de),  47 

LigneroUes  (M.  de),  160 

Limoges  (la  ville  de),  26,  244 

—  (M.  de).     Voir  La  Fayette  (Fran- 
çois de),  évêque  de  Limoges 

Lionne  (Hugues  de),  marquis  de  Bemy, 
183 


Lisette,  nom  désignant  Mme  de  La 
Fayette,  44,  46 

Lisvart,  162 

Livry,  62,  113 

Llorens  (le  siège  et  la  bataille  de), 
44 

Londres,  198 

Longueval  (Françoise  de),  chanoinesse 
de  Remiremont,  61 

LonguevUle  (Anne-Geneviève  de  Bour- 
bon, duchesse  de),  96,  97,  98,  101 

—  (Henri  II  d'Orléans,  duc  de),  14 
Loret  (Jean),  42 

Lorme  (Charles  de),  56 
Lorraine,  147 

Loudun  (les  possédées  de),  12 
Louis  XII,  roi  de  France,  50 

—  XIII,  roi  de  France,  3,  6,  115,  158 

—  XIV,  roi  de  France,  112,  115,  119, 
121,  122,  123,  139,  144-149,  158,  181, 
183,  184,  188,  190,  191,  197,  198,  200, 
208,  243,  258-262 

Louvois    (François-Michel    Le    Tellier, 
marquis  de),  86,  104,  142,  143,  144- 
151,  181,  183,  184,  187,  188,  189,  190, 
193,  197,  208,  258-262 
Louvre  (le  palais  du),  36,  37,  115,  116 
Lude  (Guy  de  Daillon,  comte  de),  254 
Luxembourg  (le  palais  du),  87,  127 
Lyon  (Jacques  de  La  Fayette,  comte  de), 
254 

—  (Jean  de  La  Fayette,  chanoine  et 
comte  de),  254 

Macé,  99 

Madame.    Voir  Orléans 

Madame,  duchesse  de  Savoie  [La  Prin- 
cesse de  Clèves],  161 

Mademoiselle  (la  Grande),  AGle  de 
Montpensier,  fille  de  Gaston  d'Orléans, 
dite,  36,  66,  67,  68,  74,  81,  87,  106, 
156 

Magne  (Emile),  67 

MaSlé  (Urbain  de).    Voir  Brézé 

Maine  (le  duc  du),  77 

Maine  (Louis- Auguste  de  Bourbon?  duc 
du),  106 

Main  tenon  (Françoise  d'Aubigné,  mar- 
quise de),  86,  143,  199 

Maison  du  Péché  (la),  179 

Maître  du  moulin  blanc  (le),  179 

MaUet  (Ernest),  9 

Malte  (l'ordre  de),  17 

Manon  Lescaut,  221 

Manrique  (Don)  [Zaïde],  132 

Mansart  (François),  90 

Marais  (le),  quartier  de  Paris,  49 

Marans  (la  comtesse  de).    Voir  Montalais 

—  (le  comte  de),  60 
MarciUac.    Voir  Marsillac 
Mare  au  Diable  (la),  179 

Marie,  domestique  de  Mme  de  La 
Fayette,  267 

Marie-Claire,  179 

Marillac  (Madeleine  de),  femme  de  René- 
Armand  de  La  Fayette,  150,  151,  152, 
255 


288 


Madame  de  La  Fayette 


Marillac  (René  de),  chevalier  d'Attichv, 

150,  152 
Marne  (la  rivière  de),  90 
Mami  (J.),  179 
Marollea  (Michel  de),  abbé  de  Villeloin, 

52 
Marquis  de  Villemer  (le),  179 
Marreau,  notaire,  15,  248,  249,  251,  252 
Marsillac    (François    VII,    duc    de    La 

Rochefoucauld,  prince  de),  88,   106, 

124,  181 
Masin  (le  comte  de),  261 
Matha  (le  sieur),  181 
Mathilde  d'Aguilar,  155 
Maule  vrier      (  É  do  uar  d  -  François     Col  - 

bert  (  ?),  comte  de),  66 
Mauny  (Charlotte  Brulart,  marquise  de), 

69,  74 
Maupassant   (  Henri  -  René  -  Albert  -  Guy 

de),  224 
Maximes  (les),  de  La  Rochefoucauld,  93, 

97,  98 

—  de  Mme  de  Sablé,  93 

Mazarin  (Jules),  cardinal,  14,  18,  107, 

124,  183 
Médat  (le  fief  de),  49,  244,  247 
Médicis  (Catherine  de),  reine  de  France, 

158,  161,  173 

—  (Marie  de),  reine  de  France,  116 
Méynoires  de  la  cour  de  France  pendant 

les  années  1688  et  1689,  118,  196-201 

Ménage  (GUles),  11,  13,  21,  23-31,  40, 
41, 42, 49,  52,  54,  55,  57,  58,  59,  64, 66, 
80,  82,  83,  95,  96,  104,  107,  108,  128, 
130,  142,  166,  168,  169,  176,  193,  194, 
195,  196,  201,  202,  203,  204,  210,  211, 
213,  214,  217 

Ménalque,  nom  désignant  Ménage,  29 

Ménie  (la  petite),  nom  désignant  Mme  de 
La  Fayette,  8 

Mérigène,  66 

Merlin  (Éléonor),  femme  de  Lazare  Péna, 
5,  46,  244 

Meudon  (le  village  de),  59,  183,  214 

Mézières  (Mlle  de),  princesse  de  Mont- 
pensier,  77,  78 

Mille  (Pierre),  222,  223 

Milly  (le  château  de),  7 

Mindatte,  83 

Miron  (Jeanne),  2 

Molière  (Hortense- Sylvie  de).  Voir  Ville- 
dieu 

—  (Jean-Baptiste  Poquelin,  dit),  26, 
31,  33,  35,  86,  106,  111,  219 

Monceau  (M.  du),  145 
Mondoucet  (le  sieur  de),  250 
Monmerqué  (Louis- Jean-Nicolas),  213 
Monsieur.    Voir  Orléans  (Gaston,  duc  d', 

et  Philippe,  duc  d') 
Montaigne  (Michel-Eyquem  de),  41,  51 
Montalais  (Françoise  de),  comtesse  de 

Marans,  60,  91,  112 

—  (Mlle  de),  118,  122,  123 
Montandré,  35 

Montargis    (le    sieur    de).      Voir   Péna 

(Lazare) 
Montauban  (la  ville  de),  4 


Montausier  (Charles   de  Sainte-Maure, 
marquis  puis  duc  de),  66,  217 

—  (la  marquise  de).    Voir  Angennes 
Montcontour  (la  bataille  de),  255 
Montelschat   (Catherine  Aubert,   dame 

de),  254 
Montespan  (Françoise-Athénaïs  de  Ro- 

chechouart,    marquise    de),    86,  112, 

146 
Montmorin   (Anet  de),   seigneur  d'Es- 

pinasse,  255 

—  (Françoise  de),  255,  257 

—  (Pierre  de),  257 

Montpensier  (la  princesse  de),  personnage 
du  roman,  78,  79,  80,  262 

—  (le  prince  de),  78,  79,  80,  81 
Montpensier    (Mlle    de).      Voir    Made- 
moiselle (la  Grande) 

Montsoissier  (Louise  de),  254 
MotteviUe  (Françoise  Bertaut,  dame  de), 

90 
Mottier,  ou  Motier.    Voir  La  Fayette  et 

Hautefeuille 
Moulin,  99 

—  (Pierre  du),  18 

Moustier  (le  sieur  de).  Voir  Péna  (Lazare) 
Moutier-les-Jaligny  (le  sieur  de).     Voir 

Bayard  (Jacques  de) 
Murât  (Antoine  de  la  Tour  d'Auvergne, 

baron  de),  254 

Nades,  49,  59,  60,  61,  244,  251,  255,  257 

Nantes  (la  ville  de),  122,  243 

Naples  (Béatrix  de  Provence,  reine  de),  5 

—  (Charles  I'''',  roi  de),  4 
Navarre  (la  reine  de),  78 
Navarre  (le  collège  de),  199 

—  (Marguerite  d'Angoulême,  reine  de), 
74 

Nemours    (Jeanne-Baptiste    de),    Mme 

Royale,  169,  181-192,  197,  216,  258- 

262 
Nemours  (le  duc  de),  3,  80,  102,  123,  138, 

156,  157,  160,  161,  162,  163,  165,  167, 

170,  174,  175,  177 
Nevers  (l'hôtel  de)  à  Paris,  58,  87-89, 

110,  112,  209 
Nicole  (Pierre),  209,  210 
Nielzchéenne,  179 
Nirée,  59 
Nizon,  200 

Noirmoutiers  (la  marquise  de),  79 
Normandie    (le    duc    de    Longueville, 

gouverneur  de  la),  14 

—  (visite  de  Segrais  en),  107 
Notre  Cœur,  324 

Nouvelles  françoises  (les),  74-79 
Novion  (Nicolas  Pothier,  sieur  de),  64 
Nugna  Bella  [Zaïde],  132,  135,  138 
Nugnez  Fernando  [Zaïde],  132 

Oiseleur  (V),  57 

Olonne  (Catherine -Henriette  d' Angennes 

de    La    Loupe,    comtesse    d').      Voir 

La  Loupe 

—  (Louis  de  La  TrémoïUe,  comte  d'), 
20,21 


Index  des  Noms  Propres 


289 


Ombre,  de  V Amour  (V),  179 
Orange  (GuQlaume  d'),  197,  198 
Origène  {traduction  des  œuvres  d'),  107 
Origine  des  romans  {le  traité  de  V),  107, 

131 
Origines  de  Caen  {les),  131 
Orléans  (Anne  d'),  190 

—  (Gaston,  duc  d'),  1 

—  (Henriette -Anne  d'Angleterre,  du- 
chesse d').  Madame,  62,  84,  87, 
110,  114-126,  162,  163,  197 

—  (Pliilippe,  duc  d'),  31,  40,  116,  117, 
119,  121,  123,  124,  133 

Palais  de  Justice  (le)  à  Paris,  3,  58,  62 
Palais  de  Versailles  (le),  38,  39,  112,  152, 

207 
Palais   du   Louvre    (le)    à    Paris.     Voir 

Louvre  (le  palais  du) 
Palais    du    Luxembourg   (le)    à    Paris. 

Voir  Luxembourg  (le  palais  du) 
Palais  Royal  (le)  à  Paris,  76 
Palatine  (Charlotte-Elisabeth  de  Bavière 

dite  la  princesse),  37 
Pape  (le),  199 
Paradis  terrestre  {le),  152 
Pardieu  (Etienne  de),  5 
Pascal  (Biaise),  209 
Passy,  quartier  de  Paris,  1 
Paulet  (Angélique),  12,  34,  66 
Pelissari  (MUe),  109 
Pellisson-Fontanier  (Paul)?,  182 
Péna     (Anne),     femme     d'Etienne     de 

—  (ÉUsa'beth),  2,  4,  5,  8,  10, 11,  12,  13, 
15,  17,  20,  21,  22,  23,  40,  56,  57,  104, 
157,  163,  240-243,  244,  248,  250,  251 

—  (Gabriel  de),  sieur  de  Saint-Pons, 
5,  46,  56,  58,  244,  249 

—  (Hughes  de),  4,  5 

—  (Isabelle).    Voir  Péna  (Elisabeth) 

—  (Jean  de),  5 

—  (la  famille),  5 

—  (Lazare),  sieur  de  Moustier  et  de 
Montargis,  5,  46,  244 

—  (les  armes  de  la  famille),  5 

—  (Marie  de).    Voir  Péna  (Elisabeth) 
Pensées  {ks),  209 

Percel    (Gordon    de).      Voir    Lenglet- 

Dufresnoy 
Perrault  (Charles),  86,  111,  196 
Perrero  (M.),  167,  170 
Perrin  (le  chevalier  de),  166 
Petite  Fadette  {la),  179 
Phèdre,  125 
Philaminte,  31 
Philomèle,  28 

Pianesse  (le  marquis  de),  261 
Picardie  (la),  55 
Piccolomini  (M.  de),  10 
Piémont  (le),  183 
Pioche  (Jean).    Voir  La  Vergne    (Marc 

Pioche  de) 

—  (Marc).    Voir  La  Vergne 
Pierrebrune  (Louis  Le  Loup,  seigneur 

de),  254 
Place  Royale  (la)  à  Paris,  36 


Plaideurs  {les),  53 

Plancy  (Henri  de  Guénégaud,  marquis 
de),  61 

Plenneville  (Mme  de),  sœur  de  Pierre- 
Daniel  Huet,  107,  216 

Plessis-Chivray  (Mlle  de),  18 

Plessis-Guénégaud  (Mme  du),  66,  88, 
90,  91,  93,  97,  112 

Plessis-Praslin  (Gilbert  du),  évêque  de 
Comminges,  88,  91 

Plutarque,  135 

Poilly  (François  de),  39 

Poitiers  (Diane  de),  161 

—  (la  bataille  de),  50 
Poitiers  {la  princesse  de),  79 
Poitou,  142 

Polexandre,  71,  132,  221 
Polignac  (Armand,  vicomte  de),  255 

—  (Isabeau  de),  255 
Pologne  (la),  122 

—  (la  reine  de).    Voir  Gonzague  (Marie 
de) 

Pommereux  (Mme  de),  241 
Pomponne   (C'atherine  Ladvocat,   mar- 
quise de),  89,  141 

—  (Simon  Arnauld  d'AndiUy  de),  88, 
89,  91,  93,  110,  111,  112,  140,  142,  182 

Pons  (Mme  de),  14 

Pont-Neuf  (le)  à  Paris,  88 

Pontoise  (la  ville  de),  8,  9,  10,  11,  15 

Portrait  de  Mme  de  Sévigné  (le),  66-  71 

Port-Royal  (l'abbaye  de),  19,  57,  67, 
88,  96,  209,  211 

Porus,  89 

Praviel  (Armand),  164,  165 

Prévost  d'Exilés  (l'abbé  Antoine-Fran- 
çois), 176,  221 

Princesse  de  Clèves  (la),  roman,  3,  13, 
26,  31,  64,  65,  69,  71,  73,  79,  80,  81,  82, 
87,  101,  118,  119,  123,  128,  137,  139, 
154-179,  180,  219,  220,  221,  222,  224 

Princesse  de  Montpensier  {la),  roman, 
71-84,  95,  123,  127,  130,  156,  157, 
165,  166,  167,  168,  169,  218 

Prost  (Yvette),  179 

Provence  (la),  5 

Pulchérie,  111 

Pusy  (M.  G.  de),  60 

Puy  (l'évêque  du),  50 

Pyrrhus,  136 

Quarré,  notaire,  15,  249 

Quatre  Vents  (la  rue  des)  à  Paris,  244 

Quinault  (Philippe),  109 

Quiquois  {les),  92 

Racine  (Jean),  31,  52,  71,  86,  89,  106, 

110,  199,  200,  218 
Raincy  (Jacques  Bordier,  sieur  du),  96 
Rambouillet    (Catherine    de    Vlvonne, 

marquise  de),  18,  33,  34,  36,  66 

—  (Charles  d'Angennes,  marquis  de — 
et  de  Pisani),  18 

—  (Elisabeth),  18 

—  (le  château  de),  12 

—  (l'hôtel  de),  12,  32-39,  42,  87,  90,  91 
Ramire  {Don),  135 


290 


Madame  de  La  Fayette 


Rancé  (Armand-Jean  de  Bouthillier  de), 

88 
Randan  (M.  de),  160 
Rapin  (René),  jésuite,  30,  209 
Régnier  (l'abbé),  202 
Reims  (la  bibliothèque  de),  23 
Remiremont  (la  chanoinesse  de).     Voir 

Longueval 
Rennes  (l'abbaye  de  Saint-Georges  de), 

254 
Retz    (Jean-François-Paul    de    Gondi, 

cardinal  de),  archevêque  de  Corinthe, 

6,  20,  21,  22,  35,  39,  40,  67,  86,  101, 

106,  156,  241-243 
Reynier  (M.  Gustave),  133 
Richelieu  (Armand,  duc  de),  13,  15 

—  (le  cardinal  de),  6,  7,  9,  10,  13,  22, 
115,  183 

Rillé,  249 

Riverol   (Gayard   de   Toursel  d'Alègre, 

comte  de),  255 
Rivoire  (Philippe  de),  comte  du  Palais, 

254 
Rocroi  (la  bataille  de),  134 
Rohan     (Henri    Chabot,     seigneur    de 

Sainte-Aulaye,  duc  de),  18,  40 

—  (Marie  de),  duchesse  de  Chevreuse. 
Voir  Chevreuse 

Roland,  opéra,  109 
Roman  bourgeois  (le),  52,  72 
Roman  d'une  amoureuse  (le),  179 
Rostaing  (Marguerite  de),  60 
Rosteau  (le  sieur),  121,  262 
Rouen  (le  parlement  de),  14 

—  (le  premier  président  de),  152 
Rousseau  (Jean- Jacques),  140 
Rousaet  (Camille),  187 
Rouville  (Louis,  seigneur  de),  254 

—  (Marguerite),  254 

Royale  (Mme),  de  Savoie.   Voir  Nemours 

(Jeanne-Baptiste  de) 
Royan  (le  marquis  de),  249 
Rudler  (M.  Gustave),  159 
Rueil  (le  château  de),  115 

Sablé  (l'histoire  de),  169 

Sablé  (Madeleine  de  Souvré,  marquise 

de),  12,  93,  96,  98,  101,  106,  112,  142 
Sagietle    (la    nymphe),    nom    désignant 

Mme  de  La  Fayette,  99 
Sainctot  (Marguerite  Vion,  dame  de),  34 
Saint-André-des-Arts   (la   paroisse   de), 

244 
Saint- Barthélémy  (la),  79 
Saint-Bernard  (la  porte)  à  Paris,  249 
Saint-Cloud  (le  village  et  le  château  de), 

85,  117,  125 
Saint-Cyr  (le  couvent  de),  86,  199 
Saint-Denys  (le  baron  de),  6 

—  (le  quartier)  à  Paris,  2 
Sainte-Beuve  (Charles-Augustin),  94,  96 
Sainte-Marie  de  Chaillot  (le  couvent  de). 

Voir  Chaillot 
Sainte-Maure  (René  de).    Voir  Beaure- 

paire 
Saintes    (Louis    II    de    Bassompierre, 

évêque  de),  88 


Saint-Fargeau  (le  château  de),  74,  107 
Saint-Georges  (l'abbaye  de)  à  Rennes,  254 
Saint-Géran      (Jean-François     de     La 

Guiche,    seigneur    de),    maréchal    de 

France,  18 
Saint-Germain  (le  village  et  le  château 

de),  76,  112,  115 

—  (le  quartier)  à  Paris,  1,  2,  34,  89 
Saint-Germain-des-Prés,  244,  249,  251 
Saint-Germain-l'Auxerrois,  249 
Saint-Hérem    (Anne   Legras,    marquise 

de),  61 

—  (François-Gaspard  de  Montmorin, 
marquis  de),  61 

Saint-Honoré  (le  quartier)  à  Paris,  2 
Saint-Jacques  (le  quartier)  à  Paris,  2 
Saint-Jean  de  Lion  (les  comtes  de),  203 
Saint-Lazare,  191 

Saint-Martin  (l'église)  à  Pontoise,  10 
Saint-Maur  (le  château  de),  113 
Saint-Maurice  (le  marquis  ou  comte  de), 

182,  186 
Saint-Maurille  (la  jjaroisse)  à  Angers,  56 
Saint-Michel  (le  quartier)  à  Paris,  2 
Saintonge  (le  régiment  de),  44 
Saint-Paul  (le  comte  de),  96,  97,  98,  176 
Saint-Pons  (Gabriel  de  Péna,  sieur  de). 

Voir  Péna 
Saint-Quentin  (la  ville  de),  255 
Saint-Romain  (la  famille),  255 
Saint-Severin  (le  curé  de),  267 
Saint-Simon  (Louis  de  Rouvroy,  ducde), 

36 
Saint-Sulpice  (l'égUse  et  la  paroisse  de), 

1,  2,  3,  5,  17,  205,  244,  251 
Saint-Victoire  (le  quartier)  à  Paris,  2 
Saluées  (Amadée  de),  255 
Salutaire  orgueil,  179 
Sancerre,  165,  174 
Sand  (George),  179 
Sapho,  68,  81 

Sarasin  (Jean-François),  52 
Saucour.    Voir  Soyecour 
Sauleux  (M.  de),  143 
Saumur  (la  ville  de),  2 
Savoie  (Charles-Emmanuel  II,  duc  de), 

183 

—  (Honoré  de),  comte  de  Sommerive 
et  de  Tende,  173,  174 

—  (la),  141,  1.50,  180-192,  258-262 

—  (Victor-Amédée  II,   duc  de),    183, 
185,  187,  190,  192,  2.58-262 

Scarron  (Mme  Paul).     Voir  Maintenon 
(Françoise  d'Aubigné,  marquise  de) 

—  (Paul),  22,  35,  42,  48,  86,  106 
Schomberg     (Suzanne     d'Aumale     de 

Haucourt,  maréchale  de),  181 
Schomberg-Halluin    (la    duchesse    de). 

Voir  Hautefort 
Scudéry  (Madeleine  de),  12,  14,  59,  66, 

73,  74,  77,  81,  82,  86,  103,  126,  138, 
15.5,  166,  170 

Segrais  (Jean  Regnaud  de),  3,  68.  69, 

74,  75,  77,  79,  82,  83,  86,  87,  95,  96, 
102,  106,  107,  109,  126,  128,  129,  130, 
131,  133,  134,  135,  136,  143,  152,  162, 
165,  166,  167,  169,  171 


Index  des  Noms  Propres 


291 


Seine  (la),  1 

—  (les  archives  de  la),  3 

Senecey  (Mme  de).  Voir  La  Roche- 
foucauld-Randan 

—  (Henri  de  Bauff remont,  marquis 
de),  115 

Sens  (Louis-Henri  de  Gondrin,  arche- 
vêque de),  88 

Serrant  (le  comte  de).  Voir  Bautru 
(Guillaume) 

—  (M.  de),  fils  de  Bautru,  18 
Servien  (Mme),  183 

—  (le  président),  183 

Se  vigne  (Charles  de),  fils  de  Mme  de 
Sévigné,  104,  105,  201,  209 

—  (Charles  de),  frère  aîné  de  Renaud 
de  Sévigné,  20 

—  (Françoise-Marguerite  de),  comtesse 
de  Grignan,  60,  88,  90,  91,  92,  105, 
113,  141 

—  (Henri,  marquis  de),  46,  70,  210, 
245 

—  (le  chevalier  Renaud  de),  2,  4,  17, 
19,  20,  35,  56,  57,  58,  104,  184,  208, 
241,  242,  243,  244 

—  (Mme  Renaud  de).  Voir  Péna 
(Elisabeth) 

—  (Marie  de  Rabutin-Chantal,  mar- 
quise de),  II,  13,  22,  23,  24,  26,  29, 
35,  36,  37,  40,  42,  46,  51,  56,  58,  68-71, 
72,  81,  86-93,  96,  104-113,  141,  145, 
150,  166,  170,  179,  180,  181,  182, 
193,  201,  204,  207,  208,  210,  213,  215, 
217,  218,  243,  245 

Silérite,  nom  désignant  la  marquise  de 

Mauny,  74 
Simiane  (la  marquise  de).    Voir  Grignan 

(Pauline  de) 
Soissons  (Marie  de  Bourbon,  comtesse 

de),  188 
Sorel  (Charles),  136 
Soret  (le  sieur),  9 

Soucillange  (le  cartulaire  de),  203,  254 
Soyecour  (Maximilien-Antoine  de  Belle- 

forière,  marquis  de),  99 
Staël- Holstein    (Anne-Louise-Germaine 

Necker,  baronne  de),  41,  179 
Strasbourg  (la  ville  de),  148,  149 
Strozzi  (Clarisse),  173 
Sublime  (la  chambre  du),  106 
Suède  (Christine,  reine  de),  41,  54,  95, 

96 
Sully  (Marguerite  de  Béthune,  Mlle  de), 

18 
Syracuse,  162 

Taine    (Hippolyte-Adolphe),    95,    177, 

220 
Tallemant  des  Réaux  (Gédéon),  18,  36, 

41,  105 
Tarente  (la  princesse  de),  66 

—  (le  prince  de).    Voir  La  Trémouille 
Télémaque,  221 

Tende  [la  comiesse  de),  roman.  Voir 
Comtesse  de  Tende  (la) 

—  {la  comtesse  de),  personnage,  172, 
173 


Tende    (le    comte    de).      Voir    Savoie 

(Honoré  de) 
Téone,  59 
Termes  {la  marquise  de),  268-2()9 

—  {le  marquis  de),  163,  268-269 
Terre-Sainte  (la),  50 

Testu  (l'abbé  Jacques),  88,  181 

Tharse  {Alamir,  prince  de)  [Zaïde],  128, 

138 
Thémines  (la  maréchale  de),  8 

—  (Pons   de   Lauzières,  marquis   de), 
maréchal  de  France,  8 

Thianges  (Mme  de),  106 
Thionville,  44 
Thouars  (la  ville  de),  67 

—  (le  duc  de).    Voir  La  Trémouille 
Tilladet  (le  régiment  de),  181 
Tinayre  (Marcelle),  179,  222 
Tisiphone,  68 

Traité  des  passions  (la),  223 

Tuileries  (les),  76 

TuUe  (M.  de),  209 

Turcs  (la  défaite  des),  195,  196 

Turgot  (Anne-Robert-Jacques),  7 

Turin  (la  ville  de),  44,  183,  184,  189,  216, 

260 
Turménies  (  ?)  (le  sieur  de),  182 

Uralie,  nom  désignant  Mme  de  Choisy, 

74 
Ursulines  (les),  de  Valencey,  266 
UxeUes  (la  marquise  d').    Voir  Huxellea 

Vadius,  26 
Valant  (le  Dr),  202 
Valençay  (Mme  de),  74 
Valencey  (les  Ursulines  de),  266 

—  (M.' de),  7 

VaUer,  valet  de  chambre  de  Mme  de 

La  Fayette,  267 
VaUncour    (Jean  -  Baptiste  -  Henri     du 

Trousset,  sieur  de),  163,  166,  168,  170. 

171,  174,  220,  221 
Valmont  (l'abbaye  de),  142,  255 
Valois  (la  cour  des),  158 
Vardes  (François-René,  marquis  de),  35, 

122,  124 
Vaugirard    (la    rue    de)    à    Paris,    11, 

15,    20,     32,     63,     204,     248,    249, 

250 
Vaux  (le  château  de),  90,  123 
Vendôme  (César,  duc  de),  2 

—  (Louis-Joseph,  duc  de),  37 
Verjus  (M.),  64 

Versailles  (le  château  de),  38,  39.  112. 

152,  207 
Verteuil,  95,  96 
Verne  (l'abbé  de),  216 
Vexin  (le),  254 

Vichy  (les  eaux  de),  56,  59,  61 
Vienne  (Autriche),  47 

—  (Marguerite  de),  254 

Vies  des  Dames  illustres  (les),  161 

Vieux  bourg,  49 

Villedieu     (Marie  -  Catherine  -  Hortense 

Desjardins  dite  Mme  de),   163,  164 

166 


292  Madame  de  La  Fayette 

Villon  (le  marquis  de),  183  Xaintes  (M.  de).    Voir  Saintes 

Vincennes  (le  château  de),  37,  39 

Virgile  (les  œuvres  de),  30,  52  Yveteaux  (Nicolas,  sieur  des),  34 

Vittoria,  92 

Vivonne    (Catherine    de).      Voir    Ram-  Zaîde,  roman,  69,  72,  127-139,  166,  218 

bouillet  • —  personnage    du   roman,    128,    129, 

Voiture  (Vincent),  12,  34,  37,  56  130,  132,  135,  136,  137,  221 

Zamet  (Sébastien),  le  fils  de,  4 

Walckenaer  (Charles-Athanase,  baron),  Zerbin,  152 

33,  104  Zuléma  [Zaïde],  132,  137 


CAMBRIDGE  :    PBENTED  BY  J.  B.  PEAGE,  M.A.,  AT  THE  UNIVEBSITY  PBESS 


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1805 
L5A85 
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Ashton,  Harry 

Madame  de  La  Fayette