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Full text of "Magazin Encyclopédique : ou journal des sciences, des lettres et des arts"

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M  A  G  A  Z  I  N 

ENCYCLOPEDIQUE  , 


o  u 


JOURNAL  DES  SGIENCES^..^^ 

DES  LETTRES    et  DES   ARTs/ ■■ 

R   E    D    I    G   i:  V;,, 

_,  N^''.'L  HAS 

Par  Mil  LIN,    Noel  et    Wai!.e:n-s. 


II  n'y  a  picsque  plus  d'ouvragcs  periodiques  qui 
scrverit  de  depot  aux  inventions  nouvelles  et  qui 
letraceut  i'histoire  de  I'esprit  humain  ;  ceux  qui 
OTii:  cours  stmblent  ,  pour  la  plupart  ,  evitcr  avcc 
'rttitctation  tout  ce  qui  peut  aliraentcr  Ic  gout  dc s 
sciences  ct  rtieme  de  la  morale.  Seroit-il  done  indi- 
gnc  de  la  Convention  dc  s'occuper  a  reorganiser 
cctte  branchc  de  rinstrnctioft  naiionale  ? 
Gr^GOIRe  ,  Rapport  sur  Ics  encouregemens  ,  recompenses  et 
pensions  a  accdrdcr  aux  Savans  ,  p;:ge    16. 


Vj  e  Journal  ,  auqnel  !a  plupart  des  liommes  qui  ont 
uii  nom  distingue,  une  r6pnlation  juslement  acquise 
dans  quelque  pailie  A^&  arls  ou  de?i  sciences^  tels  que 
les    citojens    Bitaube  ,    Ciienier  ,'  Daubexton  , 

DrLILLE  5  DeSFONTAINES  ,  DoLOnilEU  5  FOXTANES  5 

PoupcROY  ,  Hauy  ,  Heruian  ,  Lacepede  ,  La- 
grange ,  L.AHARPE  ,LaL^-DE^  LaIUARk',  tANGLES  , 

Laplace,  Lesrux  ,  Leroy^  l'Heritier  ,  Men- 
telle,0berlin,Sicard5Suard,  V()LN£y,etc.  etc. 
coritributront  ,   contiendra   I'exlrait    des  piiucipaujc 


•nvrages  nati'onnnx  ;  on  s'attarliera  siir-tont  h  en 
donner  iiiie  analyse  exacle ,  et  a  la  faire  paroitre  le 
phis  proniplenient  possible  apres  leiir  publicalioii.  On 
y  doiiiiera  iiiie  notice  des  meilleurs  ^'crils  imprimis 
chez    i'elianger. 

On  y  ins^rera  les  nie moires  les  y,\us  intc^ressans 
snr  loutes  les  parties  des  artset  des  t^cicnces;on  choi- 
sira  s  jr-tout  ccux  qui  seront  propres  a  en  acc«^lerer 
les  progr^s. 

Ony  publiera  les  d(^coiiverfesin<;('nieu?es,  les  inven- 
tions utiles  dans  lous  les  genres.  On  y  rendra  conipte 
des  e>:p^Tiences  nouvelles,  de  la  formation  et  de  Ton- 
verture  des  Museums.  On  y  donnera  \m  precis  de  ce 
que  les  seances  des  societes  litteraires  auront  ofTert  de 
plus  niteressant ,  une  description  de  ce  que  les  dc'-pors 
d'objels  d'arls  et  des  sciences  renferment  de  plus 
curieux. 

On  y  trouveva  des  notices  snr  la  vie  et  les  ouvrages 
^es  Savans  ,  des  Litterateurs  et  des  Artistes  distiiigurs 
dont  on  auia  a  regretfer  la  perte ,  enfm  ies  nouvelles 
iitteraires  de  toute  espece. 

Ce  Journal  sera  compose  desix  volumes  in-fi'^.  par 
an  ,  de  600  pages  cliacun  ,  et  au  moins  de24  gi'^vures 
en  regard  des  articles  qui  en  exigeront.  II  paroitra 
toas  les  quinze  join-s  un  numero  de  9  i'euilles. 

Le  prix  de  Tabonnem-ent  est  k  raison  dc  lo  .^r. 
pour  trois  mois  ,  rendu  franc  de  port  par  toute  la 
K^publique, 

On  s'adrosse  ,   pour  I'abonnement,  au  BureaT- 
MagaziuEncyclopedique,  rue  Honore,  ]N'-\  94 ;  ei  pour 
les  objcls  relalifs  a  la  redaction , aux  l\edacleurs,ru@ 
de  Provence ,  N^.  48. 

Il_  faut  aflrancijir  les  lettres  et  charger  eelles  aui 
^nlienuent  des  asv'ignalii,  '* 


MAGAZIN 

EN  CYCLOP  ^DIQUE. 


TOME     SECOND. 


^.iwOO' 


M  A  G  A  Z  I  N 

ENGYGLOPEDIQUE, 

o  u 
JOURNAL  DES  SCIENCES, 

DES  LETTRES  et  DES  ARTS, 

R    E    D    I    G    E 
Par  MiLLiN^  Noel  et   Warens. 

TOME    SECOND. 


A      PARIS, 

De  I'lmpcimerie  du  Magazin  Encycilopedique  ^ 
rue  Hoiiorc  ,  r.'  9^. 

L'an  troisieme  (  1796  ). 


M  A  G  A  Z  IN 

ENCYCLOPEDIQUE 

IIISTOIRE  NATURELLE. 


SysTeme  de  la  Nature  ,  de  Charles  de  Linne  ^ 
classe  premiere  du  regne  animal  ,  contenant  Us 
quadrupedcs  vivipares  et  les  cetacees  ,  traduction 
frangaise  par  M.  Vanderstegen  de  Putte  , 
ancien  echevin  de  la  ville  de  BruKelles  ,  d'apres  Id 
ji3."  edition  latine  ,  mise  au  jour  ,  lugmentee  et 
corrigee  par  Gmelin.  Se  vend  a  Bmxelles  ,  chez 
Lemaire  ,  imprimeur-libraire  ,  rue  de  Tlmpera- 
trice  ,   1793. 

Cj15  grand  ouvrage  ,  intitule  Systema  Natures  ,  qui 
est  devenu  le  guide  de  tous  les  naturalistes  qui 
veulent  s'entendre  et  se  concevoir  r6ciproquement , 
n*a  pas  tonjours  eu  l'6tendue  qu'il  a  aquise  depuis  5 
il  ne  consistoit  d'abord  qu'en  douze  pages  in-folio, 
contenant  des  tables  tres-concises  :  ce  fut  sous  cetto 
forme  qu*il  panit  ,  pour  la  premiere  fois  ,  en  lySS.' 
Linneus  n'avoit  que  vingt-huit  ans  quand  il  jeta  la 
base  de  ce  grand  Edifice  qu'il  a  elevc  pour  sa  gloira 
et  pour  le  progr^s   des  sciences  naturelles. 

Depuis  cette  ^poque,  jusques  en  lySS,  il  j  a  eu 
»euf  ^itioiis  du  SjsUma  Natures  5  mais  la  neu- 

A3 


'6  Histoire  naturdU. 

vieme,  piiblice  a  Lcide  ,  ne  formoit  encore  qii'un  petit 
volume  in-8."  de  22,6  pages  5  ce  n'eloil  qu'unejeim- 
priession-de  la  sixienie  edition  de  1748.  Le  plan  do 
rauleur  ne  Int  complet  qu'A  l^poque  de  la  nouvclle 
edition  ,  en  1758.  La  premiere partie  de  cette  edition, 
qui  contenoit  le  regne  animal  ,  formoit  a  elle  seule 
im  volume  de  821  pages,  et  la  meme  partie,  da^is 
la  douzieme  edition ,  a  t'tc  port^e  a  1827  pages.  On 
dul  regarder  ceitedouzieme  edition,  publiee  a  Stock- 
holm en  1766  et  1767  ,  comme  ajant  ete  rendiie  par 
I'auteur  aussi  parfaite  qu'il  lul  etoit  possible.  II  n'y  a 
decrit  que  les  espeoes  qu'il  a\oit  vues  ,excepte  dans 
quelqiics  circonstances ,  et  ses  erreurs  sont  dans  ee 
dernier  cas  excusables,  puisque  ce  qu'il  a  avanc6  n'est 
fondi  que  sur  I'autoritt*  d'autrui  (i). 

Cctte  dditionaeter(^imprim^e  a  Vienne,sans  aucune 
addition  ,  et  cette  relmpression,  quoiquc  tres-infi^rieure 
a  i'edilion  criginale  ,pour  la  correction  tjpographi- 
que  ,  est  devenue  presqn'aussi  rare  et  aussi  cheie. 

J.  F.  Gmelin  a  reforme  et  augmente  cette  trei- 
iieiiie  Edition  ,  on  plutot  il  en  a  donn6  une  quator- 
zieme ,  que  I'on,  peut  meme  regarder  comme  une 
quinzienie,  en  comptaiit  la  reimpression  de  Vienne 
pour  la  quatorzieme.  La  premiere  parlie  a  paru  en 
1788,  et  le  dernier  volume  va  bienlot  etre  acbevc. 

Mais  cctte  edition,  ,  dont  I'objet  est  de  pre- 
senter dans  I'ordre  sjstematique  4labli  par  Linneus, 

(  I  )  Voye?  RcTue  gcu^rale  des  t'erits  dc  Ctiarles  Linneiis  , 
ouvrag3  Iraduit  de  I'anglais  ,  de  Richard  Pultciiey ,  avcc  un 
voluni>j  d'additious  par  A.  L.  Miiliu.  ^Paris  j  Buisson  ,  1789. 
3  vol.  t3.*i 


Systeme  de  la  nature.  f 

Vetat  actuel  de  nos  connoissances  sur  I'HistbIre  na- 
tiuelle,  esi  bien  loin  de  remplir  le  but  que  I'auteur 
s'eHoit  propose  en  ajoutant  aux  genres  et  aux  especes- 
dt'^ja  determines  par  Linncus,  tout  ce  qu'il  a  regarde 
comme  nouveau  dans  les  livres  qu'il  a  consultes. 
Cette  addition  n'a  pas  ete  faite  avec  tout  le  discerne- 
ment  et  avec  la  ci'ilique  qui  auroient  ete  convenables*. 
Aussi  ce  grand  ouvrage  est-il  rempli  d'erreurs  gros- 
sieres  ;  il  presente  une  infinite  de  doubles  emplois  > 
souvent  meme  de  triples. 

Le  citoj'en  Lamarck  en  a  indiqu^  un  grand  nombre 
pour  la  botanique  seulement  ,  dans  les  actes  de  la 
societe  d'Histoire  naturelle  ;  et  on  pourroit  trouver^ 
en  suivant  la  meme  methode ,  un  nombre  conside- 
rable de  pareilles  erreurs  dans  toutes  les  parties  de  la 
zoologie. 

Cette  edilion  de  J.  F.  Gmelin  est  cependanfi 
eelle  que  M.  Vanderstegen  a  prise  aveuglement  pour 
guide  ,  sans  aucun  changement ,  sans  relever  aucune 
erreur  ,  sansy  ajouter  aucuns  details  :  i4  est  vrai  que 
la  partie  des  mammiferes  ^  par  laquelle  il  a  com- 
mence, est  la  moins  faulive.  Cependant  ce  travail 
^toit  tr^s-susceplible  de  perfectiomiement, 

Le  ciloj^en  Poiret  avoit  propos6  vers  1787  une 
souscriplion  pour  la  traduction  des  oeuvres  de  Lin- 
ncus ;  sa  philosopliie  botanique  a  ete  tres-bien  tra- 
duiteen  espagnol ,  et  moins  beureusement  en  francaia 
par  un  ciloyen  de  Rouen.  Le  Species  pLantarum  a 
ete  traduit  en  anglais  ,  et  on  a  public  I'annee  derniere 
une  traduction  du  Systema  dans  cette  langue ;  il  ne 
paroit  pas  que  I'auteur  ait  tcute  d'ameliorer  I'editioix 
de  Gmelin.  A  4 


S"  Hisioiri  naiurelU. 

liS  tracluction  cle  M.  Vanderstegen  n'est  accoin? 
pagn^e  d'aucun  pr^liminaire.  II  nous  semble  cepen- 
dant  qu'il  aurait  dii  rendre  compte  des  principes 
d'apres  lesquels  il  a  redig^  sa  traduction  5  il  nous 
semble  qu*il  auroit  du  au  moins  traduire  la  dedicace 
singulierc  de  Linneus  au  comte  de  Tessin ,  qui  fait 
connoitre  Toriginalit^  de  son  esprit.  La  liste  de$ 
^itions  du  Sysiema  naturce  y  et  la  nomenclature 
des  ouvrages  dans  lesquels  Linneus  avoit  puis6  les 
additions  faites  a  sa  douzieme  edition  ,  les  principe* 
d'Histoire  naturelle  renferm^s  dans  quelques  lignes 
qui  terminent  celte  nomenclature  ,  la  preface  d»- 
Linneus  et  celle  de  Gnielin  :  M.  Vanderstegen  ^ 
omis  tous  ces  articles ,  que  nous  regardons  cependant 
corajne  essentiels ,  et  il  commence  a  la  description  de 
VEmpire  de  La  nature.  II  omet  encore  la  citaliori 
des  differens  passages  de  PEcriture  et  des  classiqu€« 
latins^  que  Linneus  a  fondus  dans  son  discours. 

II  passe  de-la  a  la  description  des  mammif^res  ; 
nous  sommes  faches  qu'il  ait  substitu^  h  ce  mot  le 
nom  de  quadrupede  ,  contre  lequel  Linneus  s'est 
^lev6,  et  qui  est  entierement  coutraire  aux  principes 
qu'il  a  ^tablis,  puisque  les  animaux  compris  dans 
cefte  classe  ont  tous  des  mamelles ,  et  que  tous  n'ont 
pas  quatre  pieds. 

La  traduction  des  noms  des  ordres  ne  nous  paroit 
pas  tonjours  tres-exacte.  Gertainement  le  mot  Jercs 
ne  peut  etre  rendu  par  bites  fauves  /  ce  nom  no 
peut  convenir  au  herisson  ^  a  la  taupe  ^  a  la  be- 
Iette_,  a  la  sarigue_,  etc.,  qui  sont  de  cet  ordre.  Le 
Biot  pecora  ne  peut  pas  iion  plus  se  traduire  p<H? 


Systcme  de  la  nature.  g 

bjsstlaux  :  le  cerf ,  le  muse ,  la  gazelle ,  qui  sont 
dans  cct  ordre ,  ne  sont  certainement  pas  des  bestiaux'. 
Nous  dirons  la  meme  chose  du  nom  d^ordre  beUucE  , 
que  M.  Vanderstegen  rend  Y)aT grands  quadrapddes: 
le  coclion  n'est  pas  u;»  grand  quadrupede ,  et  cepen- 
dant  il  est  compris  dans  cet  ordre  ;  le  crocodile  est 
un  grand  quadrupede  ,  et  cependant  il  n'appartient 
pas  H  la  classe  des  mamraiferes  ,  puisqu'il  est 
ovipare. 

Ijes  noms  des  genres  ne  sont  pas  toujours  plus 
heureux  que  ceux  des  ordres. 

Tout  cela  prouve  la  difficulte  ,  Je  dirai  meine  I'im- 
possibilite  de  traduire  Linneus  en  francais ,  eu  vou- 
lant  s'attacher  strictement  aux  mots.  Personne  n'aime 
plus  que  moi  le  sjsteme  Linneus  ,  personne  n'a  plus 
cherche  a  faire  prevaloir  la  doctrine  de  ce  grand 
naturaliste  ;  ma's  il  ne  faut  pas  toujours  Jurer  d''a' 
prts  La  parole  da  mattre  y  il  ne  faut  pas  recevoir 
jusques  a  ses  erreurs.  II  faut  adopter  ses  principes  ^ 
sa  maniere  de  trailer  I'ilistoire  naturelle  ,  raais  noii 
pas  suivre  aveuglement  tout  ce  qu'il  a  ^crit  sur  cette 
matifere.  Ce  seroit  se  refuser  d'avancer  avec  la 
science  et  ne  pas  vouloir  suivre   ses  progres. 

II  est  vrai  que  les  noms  iiuposes  par  Linneus 
a  ses  ordres  des  m:immif>res  sont  tres-ditliciles  a 
traduire,  parce  qu'ils  n'expiiinent  pas,comme  dans 
les  autres,  les  caracteres  des  animaux  que  ces  oi'dres 
renferment. 

II  est  certain  que  le  nom  primates  convient  bien 
a  riiomme,  qu'on  pent  regarder  comme  le  premier 
des  cuiimauxj  314  singe  encore  qui  approche  de  sa 


ro  Histo'ire  naturelle. 

forme  ;  mais  il  cesse  d'etre  admissible  quand  on  I'ap- 
pliqiie  an  vespertilion,  qiioique  ce  mammifere  ait 
des  daviciiles  ot  des  mamelles  pectorales ;  on  ne  se 
lappelle  plus  que  le  nom  de  cet  Ordre  indique  seu- 
lement  les  mammileres  qui  out  quatre  iiicisiv^es  pa- 
ralleles ;  on  vcut  toujours  qu'il  designe  les  premiers 
et  lesplus  oxcellens,  etoniie  peuts*empecher  de  trou- 
ver  celte  deiiominalion   vicieuse. 

Je  diiai  la  meme  chose  de  hruta  ;  je  sais  bien 
que  ce  nom  sigriifie  seulement,  dans  I'acception  que 
Linneiis  lui  doiiue,  les  mamniifercs  de-pourvus  d'in- 
cisives  ;  niais  comme  il  a  une  acception  morale  tres- 
connue,  c'est  celle  a  laquelle  on  s'arrete.  Dans  cette 
acceplion  ce  nom  peut  convenir  an  bradj^pe  ,  au 
invnne  copliage ,  a  cause  de  leur  insensibilit6 ,  raais 
il  ne  sauroil  etre  applique  avec  justice  a  Telephant, 
qui  de  tous  les  mainmiferes  est  celui  qui  montre  le 
plus  d'intelligence,  et  au  lamantin  qui  se  distingue 
par  sasociabilile  et  par  son  altachement  naturel  pour 
I'iiomme. 

Le  nom  J erce  J  feroces,  carnassiers  ,  est  bien  acquis 
aux  grands  maramiferes  de  cet  ordre ,  le  lion  ,  le 
t;gre  etc.,  mais  il  ne  convient  pas  a  la  belette,  au 
phoque,  encore  moins  a  I'innoceut  didelplie  et  meme 
au  rat  ct  a  la  taupe  ,  qui  n'ont  qu'une  fureur  im- 
puissante. 

Les  ruminans  rc'duits  a  I'etat  domestique  sont  de 
vrais/7eco/'ay  mais  ce  nom  paroit  ridicule,  applique 
au  crrf ,  au  dain  et  aux  autres  betes  fauves, 

BeUuce  souffre  aussila  meme  critique  :  si  ce  nom 
indique,  les  mammiferes  d'une  taille  d^mesuree  , 
coinmeut  peut-il  couveuir  au  pore  ? 


Sy Sterne  de   la  nature.  jy 

Tons  ces  noms ,  dajis  I'acceplio.i  que  leiir  a  donnt^e 
Xmneus,  n'indiquent  que  I'oidre  oii  soiit  ran^n's  \cs 
niammiferes  dont  les  dents  affeclent  la  mcwe  dis- 
position ',  mais  coni.ne,  au  lieu  d'exprimer  cette  forme, 
Jls  sont  tires  de  la  maniere  d'etre  des  mamniifercs  , 
et  que  C(  ux  qui  ont  des  rapports  pour  les  dents,  out 
souvent  des  mauns  <res-dissemb!ables,  il  en  resulte 
que  les  noms  convlennent  au  plus  grand  nombra 
des  especes  que  confiennent  ces  ordres,  mais  que 
pour  les  autresleur  application  est  evidemment  fau^se. 
Ces  noms  ont  encore  Tinconvenient  de  ne  pouvoir 
etre  traduifsdans  aucune  langue. 

M.  Vanderstegen  ne  donne  le  nom  trivial  Linn^ea 
qu'en  latin  ,  el  il  ne  cberclie  point  a  le  traduire  ;  ily 
joint  seulement  le  nom  franr;ais  de  Buffon.  Cepen- 
dant  comme  les  noms  de  BufTon  n'ont  pas  toujours 
ele  imposes  d'apres  les  regies  de  la  critique  admise 
en  Histoire  nalurelle,  il  me  semble  que  I'auteur 
auroit  du  traduire  ces  noms,  ce  qui  se  seroit  born6 
le  plus  souvent  a  leur  dom.er  une  terminaison  fran- 
^aise  ,et  ne  citer  ceux  de  Buflon  que  comme  sjno- 
iiimes. 

L'ouvrage  est  termine  par  une  table  des  noms 
francais  :  une  des  noms  latins  eut  ete  egalement 
necessaire. 

Nous  sommes  d'autant  plus  fondes  a  regretter  que 
I'auteur  se  soit  borne  a  traduire  I'edition  donnee 
par  Gmelin  sans  corrige:-  ses  erreurs ,  que  quelques 
notes  courtes  repandues  dans  l'ouvrage,  et  qui  lui 
sont  propres,  prouvent  qu'it  a  des  connoissances  ve- 
ntables  en  Histoire  naturelle,  et  que  ce  travail  n'au- 
loit  pas  ete  au-dessus  dc  ses  forces. 


u  Histoire   nalurclle. 

Nous  riferons  la  traduction  d'un  des  genres  les 
moins  nombreux,  pour  donner  une  idee  du  travail 
de  I'auteur. 

GENRE     r  I  L 

O  D  O  B  E  N  E. 

Point  de  dents  Incisive s  (  dans  f  adult e  ). 

Dents  canines  superieures  soiilaires. 

Denis  moLaires  consisiant  de  chaquecoteen,  urb 

OS  ride. 
Corps  oblong. 
Ijhvres  geniinees. 
Pleds  postdrieurs  confondus  et  reunls  en^  nar- 

geoires. 
I.  Le  MORSE.  Tricheckus  Rosmarus. 

Dents  canines  sup^rieiires  saillantes  et  ^loign^es. 

Houtt.  nat.  2.  p.  7.  t.  II.  f.  I.  Scbreb.  Saeugth.  2. 
p.  262.  t.  79.  Svst.  nat.  ed.  10.  p.  38.  Briss.  quad.  48. 
Jonst.  pise.  t.  44.  Worm,  mus.289.  Olear.  Mus.  38. 
t.  23.  f.  3.  Bonau.  mus.  269.  f.  27.  Gesn.  aquat.  211. 
Raj.  quad.  191.  Ellis  hudson,t.  6.  f.3.  Martens  Spits- 
berg  78.  t.  I.  f.  B.  Buff.  List.  nat.  XIII.  p.  358. 
pi.  54. 

II  liabite  sous  et  pres  le  pole  arctique ,  principale- 
ment  a  I'embouchure  des  fleuves.  II  mugit  comma 
le  boeuf,  et  ronfle  en  dormant.  Sa  longueur  est 
environ  de  dix-liuit  pieds ;  il  se  defend  vigoureuse- 
meni  contre  ses  ennemis  j  il  se  r^unit  en  troupe. 
Pcux  petites  dexits  incisives  a  la  machoiresup^rieurp, 


Systeme  de  fa  nature.  i3 

torsque  ranlmal  est  jeune.  Dants  c.inines  longues  , 
tres-eloicmees  I'une  de  Tautre  ,  acuminees,  finement 
striees  ,  pesant  quelquefois  (rente  livres ,  et  formant 
un  ivoire  a  fibres  entrecrolsces  ,  qui  ne  jaunit  point 
aisenienl  ,  dont  cependant  le  noyau  tire  sur  le  brun. 
Quatre   dents    molaires  menues  ,  aigues  ,  a  chaque 
cote  des  raachoires  ,  creusees  a  eote  de  leur  sommet 
d'un  enfoncement  plane.  Moustaches   transparentes 
dela  grosseur  d'un  tujau  de  paille.  Narines  en  forme 
de  croissant.    Cou  epais.   Cinq  doigU   aux    piods,  a 
ongles  courts.    Les  Russes  font  de  sa  peau  des  traits 
de  chariots  ,  en  quoi  les    Franrais  viennent    de  les 
imiter.  On  estime  sa  graisse.  Son    squelette  jete  sur 
le  sable ,  const  itue  en  grande  par  tie  ce  qu'on  croil 
€tre  les  ossemens  du  mammout  (i). 
II.  Le  DUGON.  Tdchechus  Dugong. 

Dents  canines  superieures  saillantes  ,  rapproche«s. 
Buff.  hist.  nat.  t.  XIII.    p.  374.  pi.  74-  ^enn.  syn. 
p.  338.  n.  264. 

II  habite  la  mer  depuis  le  Cap  de  Bonne-Esp^rance 
jusqu'aux  iles  Philippines ;  il  est  assez  semblable  an 
'•Morse,  mais  il  a  la  tete  plus  acuminee  et  plusetrolte, 
les  narines  plus  amples  et  posees  plus  haul :  au  lieu 
de  dents  incisives  il  a  un  plan  inclin^  ,  pressv.^  par  les 
dents  canines  ;  celles-ci  inanquent  a  la  machoire  infe- 
rieure  ,  elles  sont  rapproohees  et  Archies  en  dehors 
dans  la  machoire  sup6rieure  :  dents  molaires  larges  , 

(i)  M.  d'Aubenton  a  prouv^  que  les  defenses  et  les  03 
prodlgicux  qu'on  attribuoit  au  Biammout,  appartienneot 
C  pour  U  plupart  )  k  r^l^phajit. 


I^  Hisio'ire  nafureltg. 

distantcs ,  ail  nombrc  de  qiiatre  de  cliaque  c6t^  a  la 
machoire  d'en  liaut,  an  nombre  de  trols  a  la  machoire 
iuforieure.  Deux  matiielles  pectoralcs.  La  chair  du 
Diigou  a  le  gout    de  la  viande  du  bauii'. 

HI.  Le  LAMANTIN.  Tdcheclius  matiatus. 
Point  de  dents  canines. 

Art.  gen.  79.  sjn.  107.  Rondel,  pise.  490.  Gesn.  2i3. 
Hern.  mex.  32,3.  Priss.  quad.  49.  Cliis.  exot.  i33* 
Aklr.  pise.  728.  Raj.  quad.  198.  Buffon  hist.  nat.  XIII. 
p.  277.  pi.  57. 

»^.  a.  Le  La  MAN  TIN  austral.  Triclieclius  nianatus 
au  straits. 

Pileux  ;  piedsa  quatre  doigts  onguicules. 

II  hahite  les  nicrs  d'Afrique  et  d'Amcrique  5 
particidierement  a  I'embouchure  des  fleuves  ,  qu'il 
remonte  tres-souveut ,  sY4oignant  peu  du  rivage.  Sa 
longueur  est  de  huit  h  dixpieds  ,  sa  largeur  de  six 
^  sf"))t  pieds ,  son  poids  de  cinq  a  huit  cents  livres.  Peaii 
d'lm  ix)ir-cendrd.  Dents  molaires  au  nombre  de  neuf 
de  chaque  cot^  des  machoires  ,  carrees ,  couvertes 
d'nne  ecorce  verniss6e.  Vertebres  au  nombre  de 
cinquante. 

v.h.  Le  Lamantin  Boreal.   Tiichechus  inanatujs 
Bo  I  cat  is. 

Sans  poil ;  pieds  dcpourvus  dc   doigts  et  d'ongles. 

II  habite  le  rivage  occidental  de  I'Amerique  et 
des  lies  siluees  enlre  TAmerique  et  le  Kamtschatka. 
II  reuiontc  aussi  tios-frequemipent  rembouclinre  des 
fleuves.  XI  a  vingt-lrois  pieds  de  long  et    pese  hui^ 


Systime  dela  nnlure.  i5 

mille  livres.  Sa  peau  est  brune  lorscju'elle  est  fraiclie  ; 
dessdchde,  elle  est  noire.  Un  os  rid6  de  cliaque  c6t6 
dcs  machoires  au  lieu  de  dents  inolaires.  Vertebies 
au  nombre  de  soixante. 

Jjes  sauvages  de  PAnieiiq«e  lapprivoisent  sou- 
vent  (i);il  aime  la  miisique ;  c'est  le  Dauph'in  des 
ancicns,  II  est  tres-vorace  et  mange  sans  cesse.  Le 
male,  la  femelle  et  leurs  ^etits  vivent  en  8ociote.  lis 
sont  monogames  et  s'accoupleiit  au  prinlems  ,  la 
femelle  fiijant  d'abord  le  male  en  faisant  dans  Teau 
divers  tournoiemens  ;  elle  se  renverse  sur  le  dos  pen- 
dant le  coit.  Lorsque  I'aninial  pait  I'berbe  des  baa 
fonds ,  et  qu'ainsi  la  partie  supc'rieure  de  son  corps 
paroit  a  ddcouvert^  les  oiseaux  s'y  abattent  pour  y 
chercher  de  la  vcrnxine.  II  mugit  comme  le  bceuf. 
Sa  vue  est  foible,  mais  il  a  I'ouVe  d'autaiit  plus  aigue. 
Pieds  ant^rieurs  palmes  presque  comme  ceux  des^ 
tortucs  de  mer;  au  lieu  de  pieds  postei*ieurs  se  trouva 
une  queue    horizontale.    Point   d'oreiiles  externes. 

(i)Gomara, Hist. gen.  cap.  3T,raconte  qu'on  en  avoit  eleVe 
etnourriun  jeune  clans  unlaca  Saint-Domingue,pendantvingl- 
six  ans,  qu'il  etoit  si  doux  et  si  prive  qu'il  prenoit  doucement 
la  nourrilure  qu'on  lui  presentoit ,  qu'il  entendoit  son  nom  , 
et  que  qnand  on  I'appeloit  ,  il  sortoit  de  I'eau  et  se  Irainoit  ea 
lampant  jusqn'a  la  maison  pour  y  recevoir  sa  nourriture  ;  qu'il 
sembloit  se  plaire  k  entendre  la  voix  humaine  et  le  chant  des 
enfans  ,  qu'il  n'en  avoit  nuUe  peur  ,  qu'il  les  laissoil  asseoir 
sur  son  dos  et  qu'il  les  passoit  d'un  bord  du  lac  a  I'autre  sans 
$e  plonger  dans  I'eau  et  sans  lour  faire  aucun  nial.  Ce  fait  , 
ajoute  M.  deBuffon,  ne  peutelre  vrai  dans  toutes  scs  circons- 

tances  ,  car  le  Lamantin  ne  peut  absolumeat  se   trainer  sur  la 

terr«. 


i6  Hislcire  naturdle. 

Narlnes  clistantes ,  r^giilieres.  L^vre  supc^rleure  hdns- 
sie  lie  moiistaclies  roicles,  courb^es.  Deux  mamelles 
jieclorales.  V.  Dccham  et  SteUer.  nou,  comm. 
Petrop.  V.  2.  p.  2.g^  et  sq.  Chair  tres-savoureuse. 
Son  espece  est  voisiiie  du  genre  des  phoques  et  de 
Pordre  dcs  c^tacees.Ce  que  les fictions  ingenieuses  des  s'- 
renes,  si  sou  vent  chanties  paries  poetes,  peuvent  avoir 
de  veritable  ,  naroit  devoir  apparteiiir  au  Lamantin. 

Tons  lesOdobenes  ,  habitans  de  la  mer  ,  vivent  de 
varec  lis  ,  de  coralines,  de  testacees  ,  et  point  de  chair. 

Comnie  M.  Vanderstegen  ne  s'est  propose  que  de 
traduirv3 ,  nous  aurions  desire  qu'il  eut  ,  dans  quel- 
ques  occasions  ,  rendu  d*une  mauic're  plus  exacte 
les  lermes  employes  par  Linneus.  Ses  ouvrages  prd- 
senlent  j  il  est  vrai ,  sous  ce  point  de  vue  de  grandes 
diUlculles  5  et  il  faut  avouer  qu'il  les  a  le  plus  sou- 
vent  vaincues  :  il  sera  infiniment  utile  a  ceux  qui, 
ii'ayant  point  la  connoissance  et  Thaliitude  de  la  langue 
Jatine  ,  ne  peuvent  faire  de  grands  progr^s  en 
Histoire  naturelle  _,  parce  qii'ils  ignorent  la  th^orie 
de    cette  science  etablie  par    le  naturaliste    SuMois. 

Un  travail  plus  utile  encore  seroit  un  sjsteine  de 
ia  nature  complet,  dans  lequel  on  feroit  usage  des 
reformes  infroduites  par  les  naturoilistes  les  plus 
justement  celebres.  II  faudroit  que  la  nomencla- 
ture franraise  fat  fixee ,  corame  I'est  la  nomencla- 
ture lali::c  ,  d'apres  les  principes  ^tablis  par  Lin- 
neus dans  sa  CrUlca  Botanica.  La  society  d'His- 
toire  naturelle  avoit  entrepris  ce  beau  travail  5  elie 
Vendroit  de  nouveaux  services  a  la  science  dont 
elle  a  si  bien  merite,  en  le   terminant. 

En 


Systcme  de  la  nature,  17 

En  attendant  que  notre  vopu  s'accomplisse ,  nous 
indiquons  I'ouvrage  de  M.  Vandeistegen  com  me 
pouvant  etre  utile  dans  les  ^coles,  nous  le  regar- 
dons  comme  fiiiiaimeut  esiimable;  son  auteur  md- 
rite  notre  reconnoissance  pour  avoir  entrepris  un 
travail  aussi  p^nible.  Nos  observations  n'ont  eu 
pour  but  que  le  progres  d'une  science  aussi  nt^cesr 
saire  a  la  cullure  de  I'esprit  et  au  bouheui  de  I'iiur 
nianilv^\  A.  L.  M. 


L  I  T  H  O  I,  O  G  I  E. 

I>ESCRipriONde  rEMERAuoE,  par  le  citoyen 
DoLOMiBU  ,  inspecteur  dts  mines  et  professeuT 
d'Histoire  naturelle  aux  Ecoles  cmtraUs  de  Farh  , 
d'apres  Us  princi'^es  de  sa  nouvdle  miihodc  (i). 

J_i'EiVfERAunE  est  une  pierrecomposee,  dn  troisieme 
ordre,  du  genre  des  gemmes,  dont  les  parlies  cons- 
tituantes  essentielles  sont  la  sUice  pure  ,  VaLuniLae 
et  la  chaux. 

(2)  L'Emeraude  ,  quand  elle  est  parfaite ,  quand 

(i)  Nous  avons  rendu  compte   dans  notre  tome  premier 
page  35,  de  la  methodemineralogique  du  citoyen  Deodat  Dolo- 
mieu.    Cette   monographle  de   I'Emeraude  fera   connoitrs   la 
maniere     dont    il  en^fait  I'application     pour    i^i   descrip- 
tions. A.  L.  M. 

(2)  Je  place  une  espece  d'exorde  A  la  tete  de  toutes  mei 
descriptions  en  faveur  de  ceux  qui  n'ont  pas  I'habitude  du 
langage   uiineralogicjue  ,   qui  oe  connoisseat  point  la  roarahf 

Tom.  U,  '^    B 


1$  Lilhoiogie. 

elle  possede  cette  belle  couleur  verte  qui  lui  est  par- 
ticuli^re  ,  sans  lui  ctre  cssenlielle,  tient  uii  rang  tres- 
distingiK^^  pariri  les  pierres  precieiises  ;  et,  si  elle  n'a 
ni  la  durete  ni  IVclat  respl^^ndissant  des  pierres  de  dif- 
fi^rentes  rouleurs  ,  comprises  dans  I'espece  du  saphir , 
elle  en  est  d(^doinmag6e  par  le  j?u  ravissant  de  sa 
luniiere ,  par  la  gaiete  de  sa  teinte  ,  plus  qu'aucune 
autre  agr^able  a  i'oeil.  La  vue  se  rejiose  ,  sedelasse, 
se  recree  dans  ce  beau  vert,  auquel  on  ne  peut 
comparer  que  celui  dont  la  nature  ,  dans  la  saison  du 
printemps  ,  decore  les  arltres  et  les  prairies.  La  lu- 
miere  qu'clle  lance  ,  dit  Pline  ,  sernble  brillanter 
Fair  qui  I'en-^  ironnj  ,  et  teindre  par  son  irradiation 
Teau  dans  laquelle  on  la  plonge.  Elle  est  toujours 
belle ,  toujours  eclataiffe ,  soit  qu'elle  petille  sous  le 
soleil  ,  soit  qu'elle  luise  dans  I'ombre  ,  ou  niejme 
qu'elle  brille  dans  la  nuit  k  la  lumiere  desflambeayx, 
car  ils  ne  sauroient  lui  ravir  les  agr^mens  de  sa 
couleur  qui  se  montre  toujours  pure.  Tels  sont  les 
^loges,  sans  doute  un  pen  exageres  ,  que  donnent  a 
i'Emeraude  tous  ceux  qui  ont  voulu  la  decrire  ;  mais  , 
en  lui  vojant  taut  de  beautes^  quand  elle  est  dans 
sa  perfection ,  que  de  regrdts  n'eprouve-t-on  pas  de 

lystematique  de  ceUe  science  ;  car  ^  lorsqu'ik  recherchent 
la  signification  d'un  mot  qui  designe  un  mineral  ,  ;e  ne  dois 
pas  leur  faire  lire  avec  ennui  et  degoiit  tous  les  details  d'un© 
longue  description  5  d'aulant  qu'aprejlfibDir  mis  leur  patience 
9  urie  aussi  penible  epreuve ,  je  ne  pourrois  pas  encore  m» 
flatter  de  leur  avoir  donn^  une  iflee  assez  juste  du  mineral 
qu'ils  veulent  sommairement  connoilre  ,  pour  qu'ilspussent 
employer  sa  denomination  dans  le  sen>s  aui  ne  lui  seruit  pa« 
letalcBiept  i^propr«.  .         ^ 


Description  de  VEmerauie.  j^ 

ce  que  la  nature  nous  la'donne  aussi  rareinent  exe-rapte 
des  glarur.'s  ert  des  nuages  qui  la  privent ,  en  partie  , 
de  ses  charnjes. 

L'Emeraude  tieiit  aussi  un  des  premiers  rangs 
parnii  les  pierres  que  le  luxe  e    ploie  a  ia  parure. 

S  Y  N  O  N  Y  M  E  S. 

En  grec  ,    c-^'.a.fa.yScT. 

En  arabe  ,  z^afnarut. 

JEu  latin  ,  sniaragdus. 

En  italien ,  snieraldo. 

En  espaj.nol ,  esmeratdas. 

En  allemand  et  en  su^dois  ,  stnaragd. 

En  anglais ,  enteral, 

Smaragdus  scyticus  ,  bactrianus  ^  cegyptius- 
que;  Plinii,  natur.  histor.  lib.  87.  cap.  5. 

Limotilatls  ;  Plinii ,  natur.  histor.  lib.  Sy.  cap.  10. 

Gemma  neronlana ,  ueL  domltiana  ,  nonnul^ 
Lorumj  antiquorum. 

Borax  Lapcdosus  ,  prlsmallcus  ,  peliucidus  , 
pyramldibLis  truncatls  ,  vlrldis  ,  smaragdus  / 
Linnei.  sjst.  natur.  III.  p.  9. 

Smaragdus  gemma  ;  Cronsted  ,  §.  48. 

Gemma  pelLucidisslma,  duritle  qulnta^  colors 
VLndb^  iti  Lgne  permanente  J  smaragdus  ;  Wal- 
lerii ,  miner,  sp.  108. 

Gemma  smaragdus  ;  Scopoli ,  princip.  mine- 
«al.  §.  54.  5. 

SUex  smaragdus  ;  Werners  ,  mineraj   system. 

sp.    II. 

Emeralds  5  Hills  fossils  arranged^  pag.  140. 
-Ewera/J  3  Kirvans  elem  of  miner,  cap.  8.  sp.  7. 
arv.3.  B.  ' 


10  Li  hilogU. 

Emeraude  ,  pierre  gem  me  ,  verte  de  plusieufs 
teintes  ;  Bornn.  cafal.  Raab,  pag.  66. 

Emeraude  j  Vaimont  de  Bo  metre  ,  2.^  ^dit.  esp. 
189. 

Emeraude  du  Perou  ',  Ronid  de  LLLle  ,  crista!,  ir, 
pag.  245. 

Emeraude  du  Perou  5  Sage  j  analyse  cliimique  1 1 5 
pag.  72. 

Emeraude  ;  Lametherle  j  manuel  de  miliar.  5 
§.  GXIX.  5.  (0. 

DESCRIPTION  METHODIQUE  DE  L'EMEIIAUDE. 

Caracteres   exterieurs. 

*  Aspect  exterleur. 

CouLeur.  Ordinairemeiif  vert  de  pre  le  plus  vif. 

Noia.  Cette  couleur,  que  le  nom  d'Emeraude  rappelle  com- 
munement  ,  n'est  cependant  pas  essentielle  a  cette  pierre  ,  il 
en  est  de  differentes  teintes.  Voyez  les  varietes  de  premier* 
«orte. 

Transparence,  Transparente ,  quand  elle  est  par- 
faite. 

,(i)  11  me  seroit  tres-facile  de  donner  plus  d'etendue  a  ma 
sjnonimie  ,  je  pourrois  y  rassembler  les  uoms  d'un  beaucoup 
plus  grand  nombre  de  min^ralogistes  ;  mais  ,  sans  pretendre 
decider  entr'eux  aucun  rang  de  preeminence,  aucun  droit 
exclusif  k  la  celebrit^^  ,  je  crois  devoir  borner  mes  citations 
anx  ouvrages  mineralogiques  de  diflH^rentes  nations  ,  les  plus 
repandus  ;  A  ceux  qu'il  est  plus  ais^  de  consulter  ,  quand  on 
reutetablirl'identite  du  mineral  que  jed^cris,  avecles  especes 
semblables  ,  dont  il  est  fail  m.:!ntion  dans  les  mineralogies  ^ 
•oit  qu'elles  y  portent  les  memes  denominations  ,  soit  qu'elies 
y  aient  ^te  designees  par  d'autres  noms.  II  manque 
cependant  ici  les  citations  des  min(5ralogies  espagnoles  el 
italiennes  que  je  n'ai  pas  maintenant  sous  les  jeux. 


Description  df  VEvraud'.  ti 

tlclat.  Lcs  faces  naturelles  sout  eclalantes. 
Forme.  Ordiiiairement  r^gulicre. 

Nota.  La  crlstalllsalion  de  rEmt-raude,  selon  les  n'clierclici 
et  les  calculs  d'HaA-y  ,  a  pour  forme  primitive  le  prisma 
hexaedre  droit ,  et  pour  molecule  integrante  ,  le  prisxuc  Uicdr» 
i  base  triangulaire  eqiiilaterale  et  a  pans  carres. 

Surface.  Les  faces  naturelles  paroissent  lisses. 
JSfota.  En  les  examinant   avec  attention  ,   on  apercoit  sur 
ees  faces  des  petites  lames  qui  leur  sont  parallMes. 

**  Disposition  des  masses. 
Les  prlsmes  d'E'neraude  sont  commuu6ment  iso'^s 
enti'eux  ,    et   ordinaireraent   implanles    dans    leur 
gangue  par  une  de  leurs  extremiles. 

***  jTolume  des  masses. 
Le  volume  des  prismes  d'Emeraude  arrive  jusqu*a 
six  pouces  de  longueur  el  deux  pouces  de  diamelre. 

Nota.  On  a  beaucoup  exag(?re  la  grosseur  des  Emeraudes, 
comme  nous  le  disons  dans  les  annotations. 

****  Aspect,  interieur, 
Cassure.  Ordiniirement  vitreuse. 
Conterture.  Esseutiellemeiit  lamellfuse,  les  lames 
parallelesa  la  base  du  prisnie. 

Kola.  Les  lames  qui  composent  I'Emerande  ne  sont  pas 
toujours  faciles  a  distinguer  ,  parce  que  bur  tissu  est  extri*me- 
ment  serre  ^  et  quVlles  ne  delerminent  pas  le  sens  dela  cassura 
accidenlelle  ,  laquelle  d'ailleurs  devient  pleine  qnand  clle 
rencontre  leur  direction.  Mais  en  clii'a/il  cctle  pierre  selon  la 
maiiiCire  d'llavj  ,  on  peut  ob;e  lir  des  cassures  lisses  ,  les  unit, 
parallcles  a  la  base  ,  les  autres  paralliilts  aux  faces  du 
prisme. 

Grain.  Lr.pcrceptible. 

B  3 


^2  Lithologie. 

Figure  desjragniens.  Indetermin^e ,  esquilleuse^ 

*****  Toucker, 
L'Emeraucle  est  froide  et  seclie  an  toucher. 

Caracteres  physiques  de  l'Emeraude. 

Tcsanteurspecifique,  277^2,  d'apms  Brisson. 

Biiret6  spdcifique.  Eslimee  1200,  selon  la  me-" 
thode  de  Quist  5  i5oo,  selon  la  table  de  Lamelherie. 

Nota.  La  durete  de  I'Emeiaude  est  inferleure  a  cclle  des 
_  saphirs  ,  du  rubis  ,  de  I'hjacinte  et  de  la  topase  ;  elle  est 
superieure  i\  celle  de  I'aigne-marine  ,  du  grenat  et  du  crista! 
de  roche  ;  elle  raie  ces  dernieres  pierres  sans  en  recevoir 
d 'impression.  La  lime  ordinaire  ne  I'attaque  pas  ;  la  lime  bicu 
acerce  I'attaque  tr^s-peuet  avcc  dilScuite.  Ellereqoit  d'ailleurs 
nn  poli  vif  et  des  plus  eclatans. 

SoUdite.  Elle  n'est  pas  tres-cassante. 

Refraction,  Double. 

'Eiectriclte.  Tres-electrique  par  le  frollemcnt ,  et 
non  par  la  cbaleur. 

Magnctisine.  Aucune  action  sur  I'aiguille  ai- 
mantle. 

Parla  coULsLOfi,  Ni  phospLorescerxe ,  ni  odeur. 
Par  le  choc  de  fader  _,  elle  dtincele  vivement. 

CaRACTERES   C^IMIQUES  DE  L'EmeRAUDE. 

Decomposition  spontanec. 

J'lgnore  si  la  longue  influence  des  vicissitudes  de 
ratmosphere  produit  quelque  alteration  sur  I'Eme- 
raudc. 

Essai  par  le  feu. 
*  Projetee  en  peudre  sur  ua  fer  ckaujfi. 
Elle  ne  donne  point  de  lueur  pbosphoriqus. 


Description  dc  tEmtraude.  h$ 

**   j^vec  Le  clialLimeaLL,  sans  addition. 
Fille  est  fusible. 

JVoia.  Celle  qui  est  vert?  donno  un  verre  gris  ,  compacte  et 
opaque  ,  espec,;  d'email  j  inais  queiquefois  I'interieur  da 
gloLule  reste  verdatre. 

***  All  chalunieaic  ^  avec  des  Jondans* 
Dans  la  soude.  Elle  se  r6cluit  ea  poussiere ,  se 
dissoLit   diflicilement  et  sans  effervescence  ,  et  elle 
produit  line  masse  vitreuse  verdatre  ou  jaunatre. 

Nota.  C'est  toujouvs  de  I'Emoraude  vcrtedont-il  esiquestioa 
dans   cet  essai  et  daiis  les  suivans. 

Dans  ie  borax.  Elle  se  dissout  plus  vlte  et  plus 
completercent ,  et  toujours  sans  enervescence ,  ct 
donne  une  massa,  vitreuse  de  couleur  verdatre. 

Dans  le  pliospliate  de  soude.  Elle  est  attaquee 
ienteaient  et  sans  effervescence ,  et  donne  une  masse 
vitreuse ,  opaque ,  de  couleur  verdatre. 

****  A  La  ckaleur  ordinaire  da  feu  des  fay  ers, 

Quelques  Eineraudes  vertes  preniieiit  une  couleur 
lilcue,  lorsqu'cUes  sont  mediocremenf  chauffees  ,  et 
la  conservent  tant  qu'elles  sont  dans  cette  situation  ; 
mais  elles  reprennent  leur  teinte  naturelle  en  vefroi- 
dissant.  Celles-la  sont  alors  ,  dit-on  ,  phosphoriques 
dans  I'obscurile. 

Nota.  All  degve  dc  ch;ileur  dos  chaibons  enflaninn's  qui  ne 
sont  point  excites  par  Tuction  des  soullets  ,  TEmeraude  verte 
conserve  sa  couleur  et  sa  transparence  ;  c'est  ce  qui  a  autorise 
M'allerius  a  definir  cette  gLunme  par  les  mots  :  colore  viridi 
ill  i^nc  permaneiite  ,  caractc-re  qui  ne  lui  convient  plus  y 
quand   die  a  cprouve  une  clialeur  plus  considi'rable. 

**'**  AiiJcLL  dcsjournoaux  d'essai. 

B4 


a|  Vtholope. 

Sous  line  moufle  ,  rouble  par  le  feu  pendant 
plus  de  reux  heures ,  I'Eir.eraude  ne  perd,  ni  son 
poids,  ni  sa  couleur,  ni  son  poli  ;  mais  elle  devieiit 
opaque ,  et  ne  reprend  plus  sa  Iranspar^nre. 

Poussee  au  feu  de  fuslcn,  elle  fond  en  un  verre 
blanc  opaque  ou   en  un  en  ail  jaiinatve. 

J^ota.  Au  foyer  du  miroir  ardent  de  Tschirhausen  ,  I'Emc- 
raude  s'est  proraptement  fondue  ,  elle  y  est  de  venue  grise  et 
opaque  ,  s'est  boiirsoufflee  ,  et  a  forme  un  Terre  bleuatre  , 
transparent  ,  assez  tendre. 

Aveci'air  oxi^hne  ,  I'Emerande  se  fond  f^icile- 
ment  en  globules  verdatres,  remplis  de  bules. 

Nota.  Les  dim-rentes  teinles  dn  vert  ,  consetvees  dans  les 
Terres  en  emauxobleaus  par  la  fusion  de  quelques  Emeraudes, 
dependent  sans  doute  de  I'intensit^  de  couleur  ,  et  par 
consequent  de  la  proportion  du  principe  colorant  contenu 
dans  la  pierre  quiaet^  soumise  a  I'essai  ,  nioins  abondant 
dans  celles  qui   donnent  un  rerre  Llanc. 

Essais  Of^ec  les  acides. 

Les  trols  acides  n:in6raux  n'oni  point  d'actlon  sen- 
sible sur  I'Emeraude. 

Nutc.  Trente  grains  d'Emeraude  pulveris(^e  ,  mis  en  longue 
digestion ,  aid(^e  i  ar  la  clialeur  ,  dans  un  des  trois  acides  nii- 
ncraux  ,  perdent  a-peu-pri>s  quatrs  grains  de  leur  poids.  Un 
tiers  dcs  parties  extraites  est  un  oxide  de  fer  ;  le  restc 
apparlient  fl  la  terre  calcaire.  Les  deux  autres  terres  consti- 
taanles  (  la  silice  et  I'alumine  )  resistant  a  toutes  Taction  des 
acides,  si  par  une  fusion  anterieure  dans  un  alkali,  elles  n  ont 
pas  ^te  aUaquees  dans  leur  combinaison  intime. 


Descrif'tion  de   rFmerniide.  sS 

ReSITLTATS    de   L*ANAtYSE   CHI?.:iQUE. 

Malibres    conslituantes   de   I'Enieraude  verte  j 
Waprh  Berginann  J  opusc.  vol.  ri,  p.  96. 

Terre   qnartzeuse 24,00 

Terre  argileuse 60,00 

Terre  calcaire 8,00 

Fer 6,0D 

Perte 2,00 

100,00 

jyaprhs  Achard ^  aiialjse  des  pierres  pr^cieuses. 

Terre  quaitzense 2r,66 

Terre  argileuse 60,00 

Terre  calcaire .      8,33 

Fer 5^00 

Perte _5?^ 

100,00 

T^ota.  La  quanlite  notable  de  fer  qui  se  trouve  dans  TErae- 
raude  verte  ,  I'absence  de  toute  autre  substance  metallique, 
indiquentsufBsamment  quecemeta]  est  le  seul  pricipe  colorant 
dc  cette  gemme  ,  centre  I'opinion  de  quelques  chimistes  qui 
ont  sujjpose  qu'elle  etoit  teinte  par  le  cobalt  ,  pour  cela  seule- 
Jnent  que  par  une  fusion  imparfaite  dans  le  borax  ,  I'Emeraude 
donne  quclquefois  un  ^mail  bleuatre  ,  et  qu'elle  a  pu  pro- 
duire  un  vert  bleu-de-ciel  ,  dans  une  des  experiences  de 
Toscane  ,  au  foyer  d'un  miroir  ardent.  D'ailleurs  la  presence 
du  cobalt  n'a  jamais  ^te  prouv(?e  dans  cette  pierre  ,  ni  meme 
autrement  indiquee.  EUe  est  toute  aussi  gratuite  ,  la-wp- 
position  de  ceux  qui  ont  voulu  qu'elle  fiit  color^e  par  le 
cuivre  ;  supposition  qui  ne  trouve  d'autre  appui  que  les 
rapports  de  couleurs  entre  I'Emeraude^  et  los  malachites.  Je  na 
connois  point  d'analjse  faite  sur  I'Emeraude  blanche. 


«6  Litlioloaiic, 

BEJIARQtTES   St-R.  LA  COITLEUR  DE  L'EMERAtTnE  ,    ET 
VARIETES    QUI    EN   DEPENDENT. 

Varietes  de  preinlhre  sortc. 

La  couleuT^  regardee  comraecaraclerespccifiqiie, 
est  toujours  dans  les  pierres  une  qaalire  douteuse  et 
incertain?.  Les  belles  teintes  qui  ont  valii  a  I'Eme- 
raude  tous  les  eloges  qu'on  s'est  plu  a  lui  prodiguer, 
ne  lui  sont  pas  essentielles  5  011  rourroit  men"'e  dire 
qu'elles  sont  une  parure  qui  altere  la  purete  de  sa 
composition  ,  puisqu'une  composition  n'est  jamais 
plus  jKsrfaite  "que  lorsqii'elle  est  reduite  aux  seuls 
if  rincipes  conslituans  ,  necessaires  pour  satisfaire  aux 
lois  des  affinites.  Car  ce  n'est  que  dans 'Pexact  cqui- 
likre  de  touiesles  malieres  admises  dans  une  associa- 
tion chimique  ,  que  se  trouve  cette  resistance  a  la 
decomposition  qui  bon'C  les  effets  de  toutes  ult6- 
rieures  depurations  ,  lorsque  les  moyens  de  purifi- 
cation, soil  ceux  employes  par  la  nature  seule,  soit 
ceux  UsSites, dans  le^^  arts,  ont  emporle  lout  ce  qui  ne 
se  Irouvoit  pas  a-sez  fortement.enchain^parl'energie 
des  affinil(^^s  cliimiques  ,  pour  resister  a  ce  genre 
d'epreuves.  On  peut  observer  dans  les  pierres,  comme 
dans  les  sels,  que,  lorsque  les  uns  et  les  autres  se 
trouvent  reduitsaux  seu:s  prncipes  necessaires  pour 
les  conslituer,  ce  qu'ils  doivent  etre  esspniiellement, 
jls  jouissent  plus  completerae.nt  ,  i.°  des  proprielos 
pbysiques  et  cbimiques  qui  en  font  des  elrc  s  speciii- 
qucment  distincts  de  tout  autre  5  2..°  de  toutes  le> 
qualites  d'une  agr^gation  parfaite  ,  qui  peut  d'autaut 
micux  s'efferluer  ,    qu'ii  ne  se  rencontre  [oint  de 


Desrription  de  TEmtravde.  27 

mihsfcincc  efrangere  capable  de  porler  quelqn'alh'- 
talion  a  la  forme  des  niolj^cules  int  grantes  ,  ou  de 
goner  leur  plus  exact  rapprochement.  J'auiois  de  la 
peine  ,  sans  doute^  a  faire  entendre  aux  joailliers  et 
aux  amateurs  de  belles  pierreries,  que  le  beau  vert 
veloutc^  dtis  Emeraudes  soit  pour  elles  une  sorte  de 
souillure ,  et  qu'elles  ne  sont  reellement  parfaites ,  que 
lorsqu'elles  sont  assez  completement  depo;)illees  du 
fer  qni  ]es  colore,  pour  rester  entierement  blancncs  r 
ce  qui  Ics  reduit  a  etre  presque  sans  feu  ;  mais  ce 
n'est  pas  la  seule  fois  que  la  pensee  du  naturalisfe  et 
du  chimiste  S3  trouvera  oppos^^e  aux  spe  culations  dti 
commerce,  aux  idees  des  simples  a  iiateurs  ,  et  aux 
caprices  de  la  mode  et  de  la  fantaisie. 

Je  dirai  done  que  I'Emeraude ,  sans  cesser  de  pre- 
tendre  au  nora  speciflque  qui  lui  est  propre  ,  e?t 
susceptible  de  differentes  nuances  et  meme  de  diffe- 
r.?ntes  couleurs. 

*'  Variete  iJ^  Emeraudes  vertes  de  differentes 
]S"UANCES  3  savoir  : 

a.  Emeraudc  du  vert  h  plus  parfait  et  le  plm  pur. 

Noi'a.  Tel  est  le  vert  des  prairies  ,  au  commencemcat  da 
printemps  ;  cett©^  conleur  porle  meme  plus  particulit^remcnt 
■]e  nom  de  i-eri  d'Emeraude ,  parce  que  sa  bcaiite  n'est  com- 
parable a  nulle  autre.  I.es  Emeraudos  qui  en  sent  decorecs, 
sont  regardees  comma  les  plus   ptecieuses. 

b.   Emeraudc  dim  vert  ohscur  t'lrmit  sw  le  noir. 

Kota.  L'Emorauds  dc  celtc  nuance  parcit  coaplctemcnt 
oolre   et  vcioulec  ^  u   la  hnniere   des  flambeaus. 


sS  Litkolofie. 

c.  Em?r'^'iic  cVun  vert  tir  ■nt  snr  le  hUu. 

Nofa.  On  attiibue  cette  nuance  aux  Emeraudes  de  Tan* 
cien  continent. 

d.  Emeran.le  d'un  ve'^t  t'lrant  snr  le.  jaune. 
Iv'ota.  Ou  a   suppose   que  cette  tcinte   plus  claire  et  pluf 
gaie  ,  appartenoit  plus  particuli^reiaent  aux  Emeraudes  du 
Perou. 

Dans  ces  diflerentes  nuances  de  vert ,  les  Emeraudes 
ont  plus  ou  moins  d'inteiisit.'  dans  leur  teinte  ;  celles 
de  Ceylan,  pr  exeinple,  dont  la  nuance  tend  au 
bleu  ,  sont  ordinairem^lit  tres-ijeu  charjees  de  cou- 
leur,  ce  qui,  en  terme  de  joailliers,  se  dit  foibles 
en  couleur, 

Les  belles  Emeraudes  de  cette  premiere  vari^t^ , 
les  seules  qui  soient  connues  dans  le  commerce  ,  se 
montent  sur  le  noir,  comme  les  diamans,  parce  que 
\e  noir,  !  ien  lo'n  d'alterer  leur  couieur ,  la  rend  plus 
rirhe  et  plus  veloutee.  Ce  fund  rcussit  sur-tout  tres- 
bien  a  celles  qui  ont  naturellement  une  teinte  uu  pett 
claire  ;  il  produiroit  un  effet  contraire  sur  des  pierras 
de  toutesaulres  couleurs, 

Variete  2.®  Emeraudes  melangees  de  vert  et 
de  blanc  5  ou  mi-parties  de  ces  deux  couleurs. 

Nota.  On  en  voit  de  telles  dans  la  collection  des  roi« 
d'Espagne  a  Madrid,  Joseph  d'AcOsta  (  dans  son  Histoirc 
naturelle  des  Indes  ,  pag.  157  et  suir.  )  parle  de  cette  sin- 
guliere  variety  ,  comme  I'ayant  observee  plusieurs  fois  ,  en 
il  nous  fait  connoitre  I'opinion  que  I'on  ayoit  pour  lors 
et  qu'il  partageoit  ,  sur  le  defaut  de  maturite  de  cette  sorte 
de  gemme  ;  car  on  supposoit  que  par  un  plus  long  sejour 
daus  leurs  mines ,  ces  Emeraudes  miparties  vertes  et  tianche* 


Le:cnption  d^  rRmcraudc.  yg 

•iirolent  ac^cjuis  la  cl«gre  de  perfection  qui  leur  mancjuoir, 
«t  qu'ellcs  s'y  seroi?nt  compUtrment  colorees;  on  crojoii 
encore  que  la  couleur  commenqoit  A  se  developper  dans 
3a  pierre  par  Tangle  qui  dans  sa  position  naturelie  regar- 
doitle  soleil  levaut  ,  et  qu'eile  s'eteadoit  progiessivemeat 
dans  toule  I'.Hendue   de    leur  masse. 

Les  Emeraudes  que  Bournon  a  decouvertes  dans  lea  mon- 
tagnes  du  Forest  ,  sont  ordinairement  blanches  aux  deux 
extremites    du    priome  ,   et   verdatres   dans   le  centre. 

VaRIET£3.'-'  E:»rERAUDE  PARFAITEM£NT  BLANCHE. 

JS'ota.  On  trcuy§  au  Perou  beaucoup  d'Emeraudes  de  cette 
Tariete  ,  que  je  doi»  considerer  comme  la  plus  pure  et  la 
plus  parfaite  ,  sous  le  rapport  de  la  composition  ,  puisuue 
leur  existence  prouve  que  la  constitution  essentielle  do  i'E- 
tearaude  peut  se  passer  du   princi^je   colorant. 

J'ai  d^couvert  \^ne  Emerande  de  cette  variety  dans  lej 
granites  de  I'ile  d'Elbe  ;  sans  las  autres  caracleres  qui  la 
distinguent  ,  on  auroit  pu  la  prendre  pour  un  cristalde 
Xoche  de   plus   pures. 

II  n'esl  pas  Ijors  de  vraisemblance  ,  que  Ton  de- 
Couvrira  encore  de  veritables  Emeraudes  qui  auront 
beaucoup  d'autres  couleurs  et  d'autres  accidens  da 
towances,  que  ceux  dont  j'ai  fait  meutioii. 

(  La  fin  auXumero  prochiin.  ) 


'    M  E  D  E  C  I  i\  E. 

Froxostjciues  et  prorrhetioue  J.d'Hippograte, 
avec  tons  les  passages  paralUles  ,  ti adults  par 
JLefebure-Villebrvne  ,  bibliothecaire  tie  la  Biblio- 
tJuque    Naiionale.   A    Paris  ,     chez     Theophile 

.  Barrois,le  jeune  ,  libraire  ,  quai  des  Augustins, 
N.®  18,  au  3.e ,  in-i'^  ,  de  172  pages.  Prix, 
5  livrcs. 

I  i  E  succes  de  la  traduction  que  le  citoyen  Ville- 
brune  a  donn^e  des  Aphorismes  d'Hippocrate , 
Ta  engasi^e  a  se  livrera  celle  des  ProfiosUques  et  du 
Frorrhetique  ,  qu'il  avoit  promise  et  qu'il  publie 
aujourd^'hui. 

Le  premier  de  ces  trait^s  est  regard^,  par  tous 
les  erudits  ,  comme  t'tant  veritablement  I'ouvrage 
d'Hippocrate ,  et  comme  le  plus  important  de  ses 
Merits  sur  la  Semeiotique.  Aucun  caract^re  d'authen- 
licite  ne  lui  manque.  La  m^thode  de  cs  grand  homme 
s'j  fait  aiscraent  reconnoitre  :  il  contient  les  syrnp- 
tomes  des  maladies  dc'crits  dans  un  style  aphoris- 
lique. 

II  avoit  ete  deja  traduit  en  fran^ais  par  Pierre 
Verney  en  1742  (i) ,  et  par  Ci:ar]es  Leroy  a  Mont- 
pellier  en  1776  (2)3  Pierre  Low  I'avoit    traduit  en 

(i)  Le  livredes  Presaiges ,  par  Pierre  Verney.  Lyon,  1542, 
4n-8^.  1 553  ,  in-8°. 

(2)  Du  Pronostic  dans  les  maladies  aiguts^  par  Ch.  le  Roy. 
Montpellier  ,  1776  ,  iu-8?.  1784  ,  ia-8^. 


Les  ProriOsliqu-£s  (VH'ippocrate,  3t. 

anglais,  en  1.^97  (i),  et  Jean  Moffat  en  a  ^gale- 
ment  fait  paroitre,  il  y  a  quelques  annt'es  ,  dans  la 
nieme  langue ,  une  version  dans  kujuelle  le  citoyen 
Villebrune  dit  avoir   trouve  plusieurs  erreurs. 

Le  nouveau  traducteur  se  coutente  de  donner 
inie  traduction  exacte  et  aussi  precise  qu'ii  lui  est 
possible  sans  la  surcharger  de  commentaires  ;  il  cite 
seulenient  les  passages  des  autres  &Tits  d'Hippo- 
crate  sur  la  Serneiotique  ,  qui  ont  du  rappor  avec 
ceuxqu'iltraduit,  persuad'if;neja:naisunau'ieur  n'est 
/iiieux  explique  que  par   lui-ineme. 

Optimus  interpres  fjerborum   cjuisque  suorum. 

II  indique  merhe  quelquefois  des  passages  dont 
les  rapports  paroissent  plus  tloignes ;  mais  ces  pas- 
sages prrsentant  des  circonstances  qui  s.^  trouvent 
quelquefois  plus  oumoins  etroitement  liees  avec 
les  sjmptomes  dont  il  s'aiiit,  jettent  dans  la  tra- 
duction un  nouveau  jour   sur  les  theories. 

La  plupart  de  ces  rapprochemens  sent  tires  des 
Coaques  (  preceptes  du  m6decin  de  Cos,  patrie 
d'Hippocrate).  Cependant  ce  traite  est  plac6  parmi 
les    ecrits  supposes  d'Hippocrate ,  les  temoignagee 

(l)  The  booke  of  the  Presages  of  deuyne  Hippocrates 
deuyded  into  tliree  partes.  Also  the  protestation  Which 
Hippocrates  caused  his  schollers  to  make.'  The  whol  newly 
collected  and  translated  by  Peter  Low  ,  Aurelian  doctor  in 
the  faculty  of  thirurgcrie.  Lond.  iSgy.  8. 

The  Prognostics  and  Prorrhelics  of  Hippocrates  translated 
from  the  original  Greek  with  large  annotations  critical  and 
explanatory  ^  to  which  is  prefixed  a  short  account  of  the  lif* 
ef  Ilippocrales  J  by  Johp  >Io£fa,t.  Lond.  J788.  3®, 


3i  Medeciiie, 

anciens  et  modernes  lui  manquent  pour  attester 
son  authenticil^,  et  Galieu  liii-raerae  le  regards 
comme  faussement  attribue  a  Hippocrate.  Aitisi  il 
ne  m^rite  pas  de  faire  aulorit6  pour  bien  connoitre 
la  doctrine  de  ce  grand  homme  sur  Ics  sjmptomes 
des  maladies. 

liC  ProrTliotique  ou  les  PrecUctions  ,  dont  le  ci-^ 
toyen  Villebnme  a  traduit  le  premier  livre ,  est  ^gale- 
ment  ref  arde  comme  suppose.  Le  traducteur  le  croit 
ant^rieur  a  Hippocrate  ;  mais  il  ne  nous apprend  pas 
sur  quoi  il  fonde  cette  opinion  ,  qui  est  contraire 
a  celle  de  tous  les  savans  ;  la  seule  qu'il  allegue 
est  la  conformity  de  certains  passages  avec  d'autres 
des  Pronostiques  ,  et  son  insertion  presque  enliere 
dans  les  Coaques.  Mais  n'esl-il  pas  aussi  probable 
que  le  Prorrhetique  est  tire  des  Pronostiques 
que  de  dire  que  les  Pronostiques  sont  s6uvent  em- 
pruntes  du  Prorrhetiqne  ,  et  dans  ce  sens  ,  Tinser- 
tion  dans  les  Coaques  ne  pourra  pas  davantage 
deposer  de  son  authenticity,  puisque  ce  tra  ta  est 
un  receuil  des  preteptes  attribu^s  au  medecin  de 
Cos ,  a  Hippocrate. 

La  plupart  des  commentateursle  regardent  romme 
Pouvrage  de  Dracon  ,  fils  d'Hijipocrate ;  d'autres 
Pattribuent  a  Thessalius.  Galien  pense  que  c'est  un 
resume  des  Pronostiques  ,  des  Aphorismes  et  du 
traits  sur  les  epidemics.  Jero-re  Mercurialis  pense 
que  c'est  I'^crit  d*un  des  disciples  d'Hippocrate  , 
public  ensuite  au  temps  des  Ptolomees,  et  venduyous 
le  nom  d'Hippocrate  Foes  ne  craint  pas  de  I'atlri- 
buer  a  Hippocrate  iui-mcme^  la  majeste,  lestvle, 


Les  Tronostiqucs  d'Hippocrate.  33 

les  expressions,  les  pens^es,  la  concision,  soiit  les 
moPiis  SUE  lesquels  il  ibnde  celte  opinion.  Cepen- 
dant  tout  s'oppose  a  ce  qu'elle  soit  admisc  :  en  y 
trouve  une  foule  d'obscurites,  des  prnicip.s  moms 
bien  determines,  une  reunion  des  symptome.  clihT'rens 
et  oppos^es.  Harle  pense  que  le  second  hyre  du 
Prorrhetique  doit  etre  place,  plutot  que  le  prem.er, 
parmi   les  Merits  aullientiques  d'Hin-ocrate. 

Quoiqu'il  en  soit ,  cet  ouvrage,  redig6  par  son  fils 
ou  par  un  de  ses  disciples ,  contient  n^cessairement 
sa  doctrine  ;  I'ordre  dans  leqnel  il  est  dispose  est 
convenable.  L'anteur  y  traite  d'abord  de  la  mamere 
de  se  former  de  vrais  symptCnies  ;  ceux  qui  sont 
les  plus  utiles  a  cha.iue  maladie  sont  ensuite  dc- 
ciits  .dans  un  ordre  niellivdique. 

Cet  ouvrase  a  c^alement  ete  tradult  en  anglais 
par  Jean  Moffat.  Cette  enlreprise  offre  plus  de  diffi- 
cullcs  que  la  premiere  :  les  sentences  du  Pronbe- 
lique,  dit  le  citoyen  ViUebrun  ^ ,  sont  quelquefqis  sJ 
serrees,  si  mystl'rieuses  ,  qu'il  est  impossible  d'y 
apercevoir  mem.e  un  sens  quelconque  ,  si  I'on  n'est 
eulierement  familiarise  avec  le  style  des  m6decins 
ancient,  sur-tout  avec  leur  t>ieorie.  Galien  Ivi-meme- 
en  convient  dans  plusieurs  endroits  ,  les  versions  lati 
ijes  fourmillent  d'errenrs. 

Le  citoven  Villebrune  a  suivi  dans  ses  annotations 
la  meme'  m^tbode  que  pour  les"  Pronostiques.  II 
rapnrocl-.e  de  cbaque  ai)borIsme  les  passages  des 
Coacjues  qui  y  ont  leplus  de  rapporf. 

Sa  traduction  nous  a  paru  exacle ;  nous  lui  ferons 
geulement  le   reprochs  de    ne^ibiger   un  pen  tron  la 
Tome  IL  ^ 


34  Mlfecine. 

\)UTC\6  fie  la  langue  franraise.  II  faiit  Li  respecter^ 
ineme  dans  les  ecrits  didactiques  ,  qui  manqueront 
de  clart^  s'il  iianquent  dc  purele  et  meiiie  d'lina 
certaiue  Elegance.  On  lit  dans  la  preface  d'Hippo- 
crate  ,  qu'au  mqyen  des  Pronostiques  ,  «  le  medecin 
sera  plus  en  (tat  de  discerner  plus  directemeut  les 
iralades  qui  sero'nt  dans  le  cas  de  recliapper :  »  celte 
expression  commune  et  triviale  qu'on  emploie  souvent 
dans  la  conversation  ,  n'est  pas  aduifssible  dans  uii 
ouvrage  imprime  ,  et  le  citojen  Villebrune  I'emploie 
fr^^querament. 

Nous  df'sapprouvons  aussi  les  citations  guecques 
Rentes  en  caracteres  latins  ,  et  nous  sommes  persua- 
des que  sur  ce  point  le  citojen  Villebrune  est  de 
Molre  avis,  et  qu'il  n'a  adopts  cet  usage  que  par  des 
consideratiors  (^trangeres. 

Le  citoj'en  Villebrune  prepare  encore  la  traduc- 
tion de  quelques  ouvrages  d'Ffippocrate  et  une  d'A- 
retee.  L'etude  parliculiere  et  profonde  qu'il  a  faite 
des  anciens  m^decins  grecs  et  latins  ,  doit  inspirer 
le  desir  de  le  voir  bientot  terminer  cette  importante 
el  utile  entreprise.  A.  L.  M 


A  N  A  T  O  M  1  E. 

Couhtb  DESCRipnoN  d'il\e  Statue   anatomiq_u£ 
4jiui  se   dimonie    tn   pius  de   5,ooo  parties  ,    par 

I'OATANA. 

Florence ,    17   nlvdse. 

J_iE  Mus?e  d'histoire  naturelle  a  Florence,  oITre, 
ouire  Ics  j-rodiiclionsde  la  nature  dans '.ear  plusgraude 
«^lendue  ,  tout  ce  qui  a  rapp  jrt  aux  sciences  abstraites, 
I'astronomivi ,  la  i  hysique  ,  la  ci  iriie  ,  etc.  On  y 
voit  encore  dans  i't'tat  Is  p!us  p-:rfait  une  immense 
collection  de  pieces  anatonii(}ues  ,  en  cir^? ,  qui  mon- 
trent  dans  le  plus  grand  dv  tail  tousles organes  et  toutes 
les  parties  les  p'us  dcliees  du  corps  liumain  :  0.1  n'y 
a  point  oublie  Tart  d.^  I'acjouchement ,  et  on  y  voit 
representees  jusqu  au\  plus  ji!;portautes  operation^ 
de  la  cbirurgle.  C-^^tte  ro'le;tion,  a  cetle  lieure  meraej, 
remplit  seize  cabinets  ;  Le  tout  est  dessine  avec  des 
couleurs  naturelles,  accompagne  d'e.  plications  ana- 
iogues,  et  les  dessins  sont  au  nombrede  ijSoo  ,  tous 
>de  format   grand   in-folio. 

L'aulei.r  de  ce  tres-important  travail  a  observe  que 
Tnalgre  taut  d'organes  reprvsentes^  en  cire  ,  ,il 
mian  juoit  encore  ,  pour  plus  praide  intelligence  du 
corpsbiunain,une  partie  d  s  plus  utiles  de  'a  1  lioinie, 
la  posit'on  et  les  liens  d 's  or.;nre-;  entr\ux  et 
avec  le  tout ,  c'est-'  -dire,  I'A niton  ie  de  sUuation, 
le  dessus  et.le  le  ous  cles  parties ,  o  jet  le  plus  uiilp 
et  le  pius  oifEcile  qui  ait  rapport  au  corps  humaia. 


36  Anatomie. 

Pour  remt'cller  a  ce  defaut,  que  ni  les  clrrs  de 
detail,  ni  seize  statues  en  cire,  de  grandeur  naturelle 
et  sur  le  point  dVtreachevt'es,  ne  peuvent  remplacer 
sufflsamment ,  Tauteur  a  foit  construire  ,  sous  sa  di- 
rection ,  une  statue.  Cette  statue  est  en  bois  ,  de  gran- 
d'ur  naturelle.  On  ptut  la  demonter;  ellepresente 
a  I'oeil  et  au  tact ,  les  os,  les  ligamens,  les  muscles, 
les  glandes ,  les  visceres  ,  les  arteres  ,  les  veines^les 
nerfs  et  enfin  les  vaisseaux  Ijmphatiques.  Cette  statue 
se  demonte  dans  toutes  ses  parties  ,  et  se  remonte  de 
nouveau.  Les  parties  qui  se  d6montent  sont  aunom- 
bre  d'environ  3,ooOj  et  chacune  de  celles-ci  recevant 
des  vaisseaux  Ijn'phatiques,  des  nerfs,  ofTre  a  I'oeil 
Tune  dans  I'autre,  environ  cent  autres  parties,  de 
fa^on  que  Poeil  voit  trois  cent  niille  parties  au 
moins,  bien  distinctes   enlr'elles. 

Cette  Statue  pent  devenir  homme  et  femme  suc- 
cessivement  5  car  on  pent  au  besoin  j  joindre  les 
organes  des  deux  sexes  :  femme ,  on  pent  la  voir  tant 
en  etat  de  virginity  que  de  defloration  j  on  peut 
meme  ,  si  on  le  vent,  la  voir  enceinte  avec  son 
foetus  et  tous  les  organes  de  celui-ci ,  tant  externes 
qu'internes  ,  non  seulemcnt  comme  foetus  male, 
niais  meme  comme  foetus  femelle  :  male,  on  voit 
la  situation  des  testicules  ,  non  encore  tombes 
dans  le  scrotum ,  leur  structure  ,  i'usage  de  la 
-ver^e  ,  etc. 

II  est  impossible  de  donner  une  juste  idee  d'une 
machine  si  compos^e  ,  en  pen  de  mots  ;  irais  il  est 
/acile  de  juger  des  difficultes  de  i'entreprise  et  de 
sonutilite  pour  I'Analqmie. 


VOYAGE. 

Voyage  a  la  Novvelle-Galles  dv  Sud  ,  a  Botany- 
Bay  ,  Av  PORT  Jackson,  en  1787  ,  17S8,  i78§,- 
par^JoHN  Whi-ie,  chirurgien  en  chef  de  Vetahlisse- 
merit    des    Anglais  dans   cette  parlie    du   globe  ; 
Ouvrage  oil  Con  irouve  de  noiiveaus  details  sur  It 
caraclcre    et  les  usages  des    hahitans  du    Cap    de 
Bonne-Espcrance  ,    de   Cile     Tenerijfe  ,  de    Rio- 
Janeiro   et  de  la  Nouvellc-Hollande ,  ainsi  quune 
nouvdle  description  exacte  de  plusieurs   animaux 
hiconnus  jusqud    present.     Traduit   de  V anglais  , 
avec  des  notes  critiques  et  philosophiques  sur  FHis- 
toire-naturclle  et  les  men  its,  par  Charles  Pougens, 
A  Pans  5    chez   Pougin  ,  imprimeur  -  libraire  , 
rue  des  Peres,  N.o  9  .  an  3^  de  la  Re'publiquc, 
f  1795  vieux-stye  ]. 

1  ous  les  Vojages  aux  iles  de  la  met  du  Stid  ont 
droit  de  nous  intCresser.  Les  decoiivertes  de  Cook  , 
les  Iravaux  philosophiques  de  Banks  ,  de  Forsler  et 
de  Solander,  les-  navigations  de  Bougainvil'e  ,  les 
malheursde  Lapejrouse  ont  rendu  ces  parages  sufli- 
samment  celebres  ,  pour  que  tons  les  re<  its  qui  les 
conrernent,  cxcncut  et  altachent  la  curiosite. 

La  relation  la  plus  consid^-able  ct  la  plusimpor^ 
tante,  imprim^e  depuis  le  Voj:.ge  de  Cook,  c^ioit  le 

c  a 


So  Voyage. 

Voyage  clu  commodore  Pl^lps  ,  tradiiit  en  franrais  , 
en  1792)  et  pullie  cliez  Buisson ,  en  un  vo- 
lume 8.0 

Celle  da  J. -an  White  Iraite  des  memes  objets  ; 
inaiselle  est  precieiise,  puree  cin'elle  cojifirme  qut^* 
ques  details  et  sert  a  en  lei'utcr  d'autres.  Get  o!:>ser- 
valeur  etoit  cl.iiur<iien  en  chef  de  Petabhssement 
dcs  A.i^lais  au  port  Jackson  ,  et  par  cons'jquent  , 
tres  a  portc'e  d'avoir  des  renseio;nemense::acts. 

II  est  parti  le  9  mars  1787.  II  indique  les  precau- 
tions pris.^s  pour  entretduir  la  salubrity  sur  ies  vais- 
seaux  ,  source  }  rincipae  de  la  conservation  de  la 
sant(^  des  gens  de  m.r  ;  la  flotte  conduisoit  a  Botanv- 
Baj  les  crimiaels  condamn^s  a  la  deportation  ;  I'equi- 
page  d^barque  a  Santa-Cm  z  et  a  Rio-Janeiro.  John 
White  fait  une  des  ription  assez  etendue  de  cette 
ville  et  d.'S  moeurs  des  Portiigais  qui  I'liabitent.  II 
donne  aussi  sur  le  Gap  de  Eonne-Esperance  des 
d(^tails  qui  soat  absolu  1  eiit  les  memes  que  ceux  que 
Pon  trouve  dans  les  Vo3^a'.es  de  Sparmann  'et  de 
Levailiant ;  enfin  il arr  ve  a  Botany -Bay ,  Lapejaouse 
et  ses  compa^.nons  J  eloient  alcrs  ,  et  la  meilleure  in- 
telligence areg'ie  entr'eux  et  les  Anglais. 

John  White  s'attache  principalement  a  decrire 
les  pro  lucth^ns  naturelles  du  pays,  et  snr-tout  celles 
du  regne  rninal.  II  est  maiheureux  qu'au  gout  de 
I'observation  il  ne  joigne  pas  des  connoissances 
solides  et  precises  en  histoire  naturelle.  L'ornitho- 
logic  a  fixe  plus  particulierement  son  attention  ;  mais 
il  dome  aussi  des  details  sur  plusieurs  mammiferes, 
la  plupart  du  genre  DLdclphe.  On  aime  encore  4 


Toyigt  a  la  NouveUe-Galks  dn  Sud.         Sg 

lire  quelqiies  fails  relatifs  aux  moeurs  du  pays  et  a  la 
maniere  dont  on  traito  les  dt^portt's. 

Cel!e  Iriicliution  a  206  p/iges  ;  les  notes  que  lo 
citojea  Pou_ens  y  a  jointes  eu  o.it  206  ;  eiies  scmt 
plus  considirabl^s  que  le  texte.  Eiles  aimoncent  un 
grand  amour  pour  les  rccherclics  et  les  discussious 
philologiques  ,  et  d(3s  connoissances  variees  :  nous 
regroltons  seulement  que  leur  auieur  se  soil  trop  fie 
fi  des  dictionnqires,  et  n'ait  pas  toujours  remonte  aux 
sources  ;  le  simple  nom  Linaeen,  fixe  avec  certitude, 
auroit  et^  souvent  plus  utile  que  de  longues  descrip- 
tions J  tirees  d'auteurs  qui  tons  ne  sont  pas  d'uue 
grande  autorilc  en  histoire  naturelle  :  aussi  trouvHra- 
1-on  quelques  notes  superflues,  et  dont  il  auroit  pii 
s'^pargner  le  travail.  II  en  est  cependant  d'autres  tres- 
interessantes  :  nous  indiquerons  piincipalemerit  cells 
du  N.»  97  ,  qui  est  un  resume  fort  bien  fait  et  fort 
curieux  de  tout  ce  quia  ete  ^crit  par  les  Vo;  ageurs 
les  plus  justcment  celebres,  sur  l.^s  arts  pratiques  par 
les  sauvages. 

Si  nous  r?prochons  au  citoven  Pougens  de  n'avoir 
pas  toujouis  remonte  aux  sources  ,  ce  n'est  pas  c[u'il 
ne  les  ait  souvent  consult^es  ;  il  riio  le  plus  frequem- 
meut  Latham  pour  les  oiseaux  ,  et  c'est  en  effet 
Tauteur  de  la  methode  ornithologique  la  plus  com- 
plete et  la  plusetendue.  Linneus  e?tau?si  tres-souvent 
indiqu6  ;  mais  nous  desirerions  que  le  citoyen 
Pougetis  ii'eut  pas  denature  son  nom  ,  en  ^crivant 
Linriee.  Ce  grand  naturaliste  se  nomuioit  Linneus. 
Plufeieurs  noms  propres  danois  ou  suedois  ,  tels  cjue 
Wormius,  Celsius,  Olaus,  Fabricius  ,  out  une  leruu- 

C4 


40  Voyage. 

liaison  latine  qu'ils  ne  perdent  que  qnand  ,  api  es  avoir 
et6  anoblis,  iis  le  font  preceder  du?^o/?.^  c'esl-:VcIire, 
de  :  ainsi  il  faut  ccrire  Liimeus ,  ©u  de  Linne.  L'usag(i 
apr^valii  dt;  dire  Linneus  ou  Linne. 

On  trom  e  dai;s  les  notv  s  du  citoj^en  Pougens  des 
etymologies  saxones  ,  .'  otLiqiies  ou  suedoises  ,  fort 
curieuses  ;  nous  reltverons  ce'pendant  une  erreur 
sansdonteinvolo  itaire,  maisqui  pourroit  occasionner 
quelqne  m^i  rise.  On  lit ,  page  48,  que  choii-kraut 
s\^n\[\s.  feuiUe  de  ckou-  _,  du  nio4  allemand  kraut ^ 
feulUe.  Ce  mot  doit  s'tcrire  saur-kraut ,  et  il  si- 
gnifie  non  pas  sQuXernQxAfeuiUe^  ce  mot  en  allemand 
se  dit  blatter^  mais  pLante  aigrle  j,  qui  a  eprouve 
la  fermenlalion  acide  :  de  saur  ^  aigre  5  et  kraut  ^ 
plante. 

Nous  re:;rettons  encore  que  quelques-unes  des  des- 
crlptions  que  Jolin  White  a  donnecs  des  plantes  et 
des  ar.imaux^  n'aient  pas  e!e  Iraduitesen  entierj  mais 
on  a  craiiU  qu'elles  ne  parus?ent  trop  seclies  ,  ce  qui 
a  engage  a  les  ahr;5ger.  Cependant  il  seroil  a  desirer 
que  ces  descrip lions  fussent  completes  :  les  natura- 
listes  qui  les  voudront  consultcr  ,  seront  toujours 
obliges  de  recourir  a  I'original ,  qui  est  fort  cher,  et 
commetous  les  livres  nouveaux  anglais^  est  d'une  telle 
rarete,  qu'il  h'existepeut-etre  en  France  que  le  scul 
exemplaire  traduit  par  le  citojen  Pougens.' 

II  eiit  aussi  ete  i\  desircr  que  le  libraire  cut  jftint 
au  texte  les  gravures  interessantes  dont  Foriginal  es* 
ac'^ompagne.  II  n'est  pas  le  seul  qui  ,  dans  i'espoir 
d'un  dt  bit  plus  facile  et  plus  prompt ,  ait  ainsi  priv6 
un  ouvrage  utile  de  grayures  interessantes ,  et  qui 


Voyage  a  la  Nouvelh-GaUes  dn  Sud.  41 
sont  absolument  nccessairps  a  son  inteUigenre.  La 
traduction  dii  Voyage  du  commodore  Philips  a 
Botany-Bay ,  qui  a  paru  en  1798  ,  presente  ie  meme 
inconvenient  ;  les  gravures  ont  {{^  supprinu'es  ,  et 
avcc  plus  de  desagr^ment  encore  ,  puisqu'elles  sont 
indiqu^es  dans  le  texte  par  des  nimicros.  Cesgramres 
representent  cependant  des  animaux  absolument  nou- 
veaux  ,  et  qui  ne  se  tronvent  nuUe  part  ailleurs. 
Nous  invitons  done  ,  pour  I'avantage  des  sciences  et 
pour  leur  propre  inieret,  les  lifDraires  a  ne  plus  sc  per- 
mettra  de  pareils  retrancliemens  ,  a  moins  que  les 
gravures  ne  servent  que  d'ornement  et  ne  soi^nt 
pas  necessaires  pour  Pintelligence  de  Pouvrage.  Le 
debit  des  Voyages  de  Sparraann  ,  de  Cook ,  de 
Bruce  ,  de  Mears  ,  etc.  ,  prouve  cjue  les  gravures 
utiles  farorisent  la  vente  d'un  ourrage  plutot  qu'eltes 
ne  I'arretent  ;  et  elles  ont  I'avantage  d'enlever  aux 
contrefactonrs  Tespoir  de  profiier  ,  sans  risques  ,  des 
veilles  d'un  anteur  et  des  premieres  avances  d'ua 
libraire. 

Le  citoyen  Pougens  est  trop  eclairc  po'ir  n'avoir 
pas  seuti  combien  la  suppression  des  grarures  de- 
paroit  son  ouvrage.  Maisil  a  faitcomme  le  traducteur 
du  Voyage  a  Botany-Bay  ,  il  a  prnse  ciu'il  valoit 
encore  m'eux  faire  connoifre  nn  livre  utile  de  celte 
maniere,  que  de  ne  le  jtas  publier.  Le  C  Pougens  est 
un  des  litte'^rateurs  les  plus  estimal^les  et  les  plus 
]ai)0i  ienv.  Malgr^  de^  ijifirmit-'s  qui  dccourageroient 
line  ame  moins  elevee  ,  il  se  livre  sans  relAche  a  des 
travaux  opiniat:es,  et  qui  ont  loujours  jiour  but  les 
progres  de  rinslruction  et  Tulilile  pubiique,  II  a  dej^ 


4«  Voyage. 

public  plusicurs  ouvrages  iut^ressans  :  le  Voyage  dc 
Forster  est  iiii  cles  plus  imj)or}aiis.  II  est  actuellemeat 
orcuj :e  dii  troisieme  volume  ,  que  les  gens  de  letires 
attendent  avec  una  impatience  que  leur  a  inspir^e  lA 
lecture  des  deux  premiers.  A.  L.  M. 


H 1 S  T  O I B.  E    Li  •'£  T  K  R  A  IP.  E. 

JExtRAir  d'ar.e  Uttrc  adressee  nux  Ridactcurs  du  Ma- 
gasm  Encyclopedique^  sur  Cetat  des  monumens  ,  des 
ohjecs  de  sciences  et  arts  a  Avignon. 

XL  N  me  communiquaiit  le  projet  de  votre  Magasin, 
vous  m'avez  invite  a  vous  donncT  des  notices  sur 
i'elat  des  objeis  de  sciences  et  d'arts  dans  les  d^- 
parteir.ens  que  je  vais  parcourir  ,  autant  que  mes 
occupaliuns  pcuiroDt  me  le  permettre  j  je  remplis 
deja  une  partie  de  mes  engagemens  ,en  vous  pariant 
d^Avignon,ou  je  suis  depiiis  nuelcjUes  jours. 

Je  commencerai  par  la  Bibliotheque  ,  ci-devan^ 
Celestine  ,  forraee  par  des  ac  ais  pariicullers  et  des 
dons  du  savant  Gerson.  Les  livres  imprimes  offrent 
pen  de  cboses  remarc;uables. 

Parmi  les  raanuscrlts  ,  qui  consistent  principale- 
ment  en  ouvrages  de  theologie  et  de  piete ,  un  des 
p'us  precieux  est  la  Bible  de  Clement  VII,  in  folio  > 
sur  velin. 

On  y  trouve  aussi  le  decrel  de  Gratien  ,  donn6 
en  1 588  aux  Celestins  parj  Claire  Larti ;  ce  ma- 
nuscrit  paroit  anldrieur   au  XIII'-'"^  siecle  3  ce  qui 


Etat  des  Arts  a  Av'gvon,  4S 

le  f;uf  previimrr  ,  c'est  la  forme  de  la  tbiare  poiu 
tificale  c]ii\)u  voit  dans  plusieurs  des  vpnettes  qui 
decorent  cet  iii-fblio  ;  el'e  ne  pore  point  de  cou- 
ror.ne.  On  ii'ij-n.;ie  pas  que  ce  fut  Eoniface  VIII, 
qui  occupa  le  sit\^e  pontifical  depids  1294  jusqu'a 
i3o3  ,  qui  le  premier  surcbargc^a  la  tbiare  d'una 
ti'ij:)!^  couronne. 

Ce  monument  calb'erapbique  est  de  la  plus  grande 
beaute  ;  mais  mallieui-euse;i)ent  quelques  vignettes 
en  ont  ete  coupeesjet  avc=c  elles  des  fragmens  du 
texle  d^cr  t  cL iriere  ces  vignettes. 

II  existe  encore  dans  c.-tte  bibliotbeque  plusieurs 
autres  inanuscrits  dont  je  croisdevcir  pailer ;  i*^-  une 
Bible,  format  in-4.0  ,  sur  velia  tres-fin,  a  doub'es 
colonnes,  avec  des  iettres  majuscules  enluminees ; 
Tecrilure  est  remarquable  par  la  forme  et  la 
nettete. 

2..^  Un  autre  manuscrit  en  deux  volumes  m- 
fobo  ,  sur  velin ,  contenant  des  dissertations  sur  S. 
Matbieu  par  frere  Auguslin  de  Ancona,  de  Tordr* 
desfreres  bermitcs  de  S.  Auguslin. 

3^.  CapituLa  et  orationes  per  annum  jmanusznt^ 
sur  v(^^lin,  i  vol.  in-folio. 

Parmiles  biWiotbcques  particulieres  on  distingue 
celle  de  Spylre  Caumont ,  oii  j'ai  vu  un  recueil, 
manuscrit,  de  lettrcs  adress^es  a  Sevtre  Caun'ont, 
associe  de  Tacademie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  par  le  president  Boubier,  I'abb^  Botbelin  du 
Fofsy ,  le  cbevaller  Folard  et  d'autres  savans  de  ce 
temps.  On  y  trouveroit  siirement  des  objtts  digae« 
de  salislaire  la  curiosite  des  bommcs  iiistruits. 


^4  Histoire  litteraire. 

On  conserve  dans  les  arcliives  plusiciire  cartiilai'res 
pr^cieux ,  dont  le  plus  aucieii  refiionte  an  commence- 
ment du  X""®  siecle  ,  consistant  principalement 
en  bulles,  privileges,  donations  ou  litres  de  pro- 
pri(5t6  et  de  feodalit^ ;  quelques-uns  rcnferment  des 
objels  qui  semblert  fort  intrressans  pour  I'liistoire, 
presque  tous  avec  leurs  sceaux  j)assablement  con- 
serves. 

Plusieurs  titres  isol^s  sur  parcbemin ,  avec  leurs 
sceanx,  paroissent  originaux  5  les  plus  remarquables 
datent  depuis  le  Xlniejusqu'auXIV"^  siecle.  On  dis- 
tinglieentr'autres  unc  cbarte  imp6riale  de  Cbarles  IV, 
donnee  en  1873  ,  a  laquelle  pendoit  un  sceau  en  or 
fin  ,  qui  d*une  p  rt  represenoit  la  ville  de  Rome 
et  de  I'aulre  la  figure  pedestre  de  cet  empereur, 
parfaitement  gravee  et  bien  conservee  5  maiscomme 
ce  sceau  s'est  trouve  detacbe  ,  ou  a  cru ,  pour  sa 
surete  5  devoir  le  remettre  entre  les  mains  de  I'admi- 
nistration  du  district. 

Cetle  cbarte  imp^riale  ne  tend  qu'a  confirmer 
d'anciens  privileges  accordes  par  les  pr^decesseurs 
de  Cbarles  IV ,  aux  ci-devant  arcbeveques  d'A- 
vignon  ,  depui>  82^2.  II  j  est  particulierement  fait 
mention  des  Juifs  que  Tempereur  prend  sous  sa 
protection  ,  pour  qu'ils  ne  soient  plus  foules  ni  vexes  , 
Cbarles  donne  la  terre  de  Bedaride  a  I'arcbeveque 
d'Avignon. 

L'ecriture  de  ceUe  cbarte  est  parfaitement  belle. 

On  remar  jue  encore  dans  ces  arcliives  ^  sous  la 
mcme  dale  de  iSyS  ,    deux  protestations   originales 


Etat   des  Urts  a  Avignon.  4j 

pnpe  Barthelemy  ,  Tune  et  Pautre  munl^R  de  tretzo 
sceaux  pendans,  en  cire.  Cette  pi^ce  est  egaleinent 
rare  et  curieuse. 

Examiuons  a  present  les  monumens  d'architecture> 
La  construction  du  poitique  de  !a  ci-devant  ^glisd 
metropolitaine,est  antique  ',  I'intcrieur  offre  des  jam- 
beaux  de  pein tares  a  fresque  que  le  temps  a  pres^ 
qu'entiex'ement  d<^giades  ,  entr'aulres  ,  un  Saint 
Georges  qui  d^Iivre  une  Yeinme  d'un  njonstre  qui 
la  poursuit ;  la  tradition^  Iransmis  que  ces  peintures 
sont  Touvrage  d\in  peinlre  itaiien  ,  an.i  de  P^lrarque  ; 
que  la  figure  de  Saint  Georges  etoit  le  v(^rilabl.e 
portrait  de  ce  grand  poete  ,  et  que  celle  de  la  femmo 
^toit  celle  de  la  belle  Laure. 

'L'eglise  des  ci-devant  Cordeliers  n'a  de  reinax- 
quable  que  la  grandeur  de  son  vaisseau  et  la  har- 
^  diesse  do  sa  voii;e.  Elle  renferme  les  tombeaux  de 
deux  personnages  celebres,  celuide  la  belle  Laure  , 
denue  de  tout  ornement,et  celui  du  brave  Crillon  , 
qui  est  d'une  assez  belle  arcbitecture.  " 

Parmi  les  monumens  de  I'antiquit^  que  Toa 
conserve  a  Avignon  ,  et  qui  sont  en  tres-petit 
nombre,  on  remarque  : 

Six  lampes  antiques  ,  en  terre. 
Une  bouteille  a  buile  antique,  en  terre. 
Une  souscoupe  antique,  en  terre. 
On  a  commis  ,  ici    comnie   ailleiu;s  ,  des  d(:gra* 
dalions. 

Les  monumens  des  arts  qui  out  le  plus  souffert , 
sont  : 

PluiieuVs  tombeaux  dans  Ttglise  mttropx^litaine ; 


4^  Htsto're  litteraire. 

enlr'aiitres,  iin^  de  Jean  XXIt,  qui  etoit  fort  remat^ 
t^uable. 

Le  bel  aiitel  des  Domlnicains  ,  surmoiitc  cVun  bal- 
da  u'n  soiitenu  pj^f  des  colonnes. 

Le  magnifique  tombeau  de  rabb(^  de  Simiane 
Lacostr' ,  place  dans  le  <  liccur  de  I'eglise  des  Beiiedic- 
tins.'  Ces  ouvrages,  du  cJjbre  Zvlalhieu  Pereu,  sont 
presque. tons  delruils. 

Un  tombeau  de  la  maison  des  Issaids  ,  dans  la 
ci-devant  eglisp  du  ebapiti  e  dr  Saint-Plcrre  ,  repr^- 
senlant  le  Christ  des  endn  dans  Id  lom'^eaii ,  compost 
de  plusieurs  fi^^uies  colossa'es  de  iriarbre  blaix,  a  ete' 
Jbrt  eridomraag^  5  ce  monument ,  dusiecl^?  de  Fran- 
cois 1j^  y  etoit  d'un  Ires-beau  tr:ivail. 

Tousles  autres  moiceaux  de  sculpture  des  eglises 
d'Avignon  out  ete  ]. rises  et  df'truils. 

Lestonibeaux  des  papes,  dans  la  melropole,  les 
calices  d'or  ,  et  tout  le  trtsor  ,  les  ostensoirs  des 
autres  eglises  ,  dont  plusieurs  enricbis  de  diamans^ 
ont  ete  brists  ou  enleves. 

tin  autre  tombeau  de  marbre,  repres'^nfant  rine 
dar.e  a  genoux  sur  un  prie-dieu ,  a  ete  detruit  dons 
I'eglise  des  Gelestins. 

La  precieuse  croix  d'or  des  memes  rellgieuv  ,  d  jn- 
nee  par  le  roi  Rene  ,  d'un  tres-bon  gout  et  d'un 
travail  fiui  ,  malgr6  la  barbarie  du  siecle  ou  il  a  ete 
fait,  aetebrisee  s-.ir  la  fin  de  1792.  On  en  porta 
un  fragment  a  Tbotel  de  la  raonnoie  de  Marseille^ 
'pour  coimoitre  le  degre  de  puretS  de  l^'or,  et  il 
fut  reconnu   ne  contenir  que  tres-peu  d'alliage. 

A  Gadagne,  dans  i'ec:b"se  du  village  ,  le  tombfeau 


Etat  des  Arts  a  Avignon.  47 

i^emarbre  blanc,  de  la  n::ai>on  de  ce  no:n  ,  corripos^ 
de  dt'ux  figiiras  assez  bien  executees  ,  a  ele  eiitiere- 
inent  dclrnit. 

Je  sais  ,  citovens  .  qne  jVurois  pu  etendre  p'ua 
loin  mes  observations;  inais ,  force  a  d'aulrrs  tra- 
vau\,  loftemps  me  raanque;  il  me  suffit  d'avoir  in- 
db|u^  aux  Scivans  et  aux  vovageurs  instruils,  les 
objets  qui  peu\ent   etre   dignes    de    le.ur    altc;iilion. 


HiSTOlRE    LITTERAIRE 
D  U    M  O  Y  E  N    AGE. 

Notice  sur  Les  poetes  latins  da  ninijen  ogr;  , 
tirde  des  notes  du  po'enie  anglais  de  H^TLEVy 
sur  Id  poesLe  epique  J  inserees  dans  le  4.* 
volume  de  ses  oeupres,  ^  iniprimees  d  Londrcs 
en  1785  (i). 

XL  n'y  a  point  en  de.siecle  entierement  dentil  de 
poetes  ingenieiiK  et  elrgnns,  dit  le  savant  Polycarpe 
Le'SCT  ,  a;  res  avoir  irace  patieininent  les  progres 
pen  conniis  de  la  poesie  latine  pendant  ton-,  les 
siecies  olscur^  (2).  11  est  ( eriain   que  le  nierile  de 

(i)  On  li"ouveraquelqu''s  de-tails  sur  les  o-urrages  de  H&t1^J> 
tlans  les  Mc'ljng's  de  liltpr?.lure  t'trang<>re  ,  d'A.  L.  Mii  n, 
qni  .int  piru  en  6  volumes  ,  Ji  Paris  ,  chez  GogUJt  ,  1786^ 
VoTe!'.  aussi  rEs^irit  d  ^s  journaux. 

{j-i)  Soji  ou^rrage  esl  iiililule  :  JPolje.  Lejseii  hijtoria  po'ildh 


/8  Hisioire  litter  aire  du  mojen  age. 

plusieurs  poe'es  latins,  a  une  ^poque  ou  nous  supi 
cosons  commun^ment  les  hommes  ploughs  dans  la 
4)lus  grossiore  barbarie  ,  est  singuUerenient  remar- 
quable.  Beaucoup  d'eutr'eux  out  fait  des  poemes 
epiqiies  ;  et  comme  ils  decrivent  les  nururs  et  les 
visages  de  leurs  temps ,  un  examen  complet  de  leurs 
Yoemes  pourroit  former  un  ouvrage  curieux  et  amu- 
sant. 

Abbo ,  moine  parisien  ,  de  I'ordre  des  Ben^dic- 
lins  5  a  ccrit  un  poeme  sur  le  si^ge  de  Paris  que 
iirent  les  Normaiids  et  les  Danois  ,  en  886  ,  et  auquel 
31  se  trouva.  Get  ouvrage  est  imprime  dans  le  se- 
cond volume  du  Scdpta  Franco  rum  de  Ducliesne  ; 
et  quoiqu'il  ait  peu  de  merite  poetiqua ,  ou  meme 
qu'il  n'en  ait  point  du  tout ,  il  pent  etre  regarde 
"  comme  precieux  pour  I'liistoire.  Les  vers  suivans  , 
adressses  a  la  ville  de  Paris,  au  commencement  de 
I'ouvrage ,  peuveut  donuer  une  idee  de  ;s@n   s-lvle  : 

Die  igitur  prcepulchra  polls  j  quod  Vanea  munus 
Libai'it  tlbimet  ,  soholes  Plutonls  arnica  , 
Tempore  quo  prcesul  dom'mi  et  dalcisslmus  heros 
Gozllnus  temet  pastorque  benignus  olebat  ! 
HiSCj  inquit  ,miror  f  narrare  potest  aliqulsne  ? 
Nonne  tnis  idem  pisisii  oculis  ?  refer  ergo  : 
Vidi  equldem  ,  jussisque   tuls  parebo  libcnter. 

rum  etpoematwn  medli  ceoi  deciwum  post  annum  a  naio  Christa 
quadringentesiinum  ,  scrculorurn.  tJalce  3  172.I  ,  iia-6°.  On 
y  trouve  la  vie  cle  plusieurs  poetes  latins  ,  modernes  J 
;ie  tatalogue  de  leurs  ouvragfs.  est  assez  incomplet .  L'ouvrage 
important  et  ciulqux  que  le  citoyen  Saint-Leger  prepare  suT 
les  poetes  dumoyen  age,  sa  isfera  d'jivanlage  la  curiosite  dcs 
^ateurs  de  ce  genre  dc  Litterature.  A  L  M. 

Leiser 


Toetes  latino  ^  ibiqveu  4g 

I.ejsera  coiifbndu  ce  poete  avec  un  autre du  m^me 
Rom  ;  mais  F.nbriciiis  a  conig/^  cetle  n  rprise  dans 
sa  BLbtiotlihque  iatlne   da  mo'jen  age  (i). 

(luy  ,  <-vet(ue    d' Amiens  ,  jo58    Jus 'u'en 

1076  a  corit  uii  poeme  heioq  k^  s'lr  ijs^ApL>its  cle 
Giiiilaume-le-Connuerant  ,  dans  lequel  j  suivaut  Or- 
deric  Vital,  il  a  imite  Virgile  el  Sl'ice. 

Gaillaurae  de  la  Pouille  a  compose,  a  la  soil ici- 
talion  du  Pane  Urbain  II ,  un  ]  oeme  en  ciiKrli^/es, 
sur  les  guerres  des  Norrnands  dans  la  Sicile  ,  la 
P6iiille  et  la-  Galabre,  jusou'a  la  mort  de  Ro))ert 
Guiscard  ,  leur  prince  ,  au  fils  duquel  j!  a  adresse 
son  outrage  qui  a  ete  ecrit  eiitre  les  aniiees  ic3o 
et  1099,  imprime  pour  la  pre  1  iere  f'ois  en  i582, 
in-4^,  et  r6imprirae  dans  les  Scriptores  reruni  ita- 
ilcarutn  ,  de  Muratori.  Ducaiige  ,  dais  ses  notes 
sur  I'Alexiade  de  la  princesse  Anne  Comnene  , 
a ,  ^clairci  cette  liistoire  par  de  frequentes  et  lon- 
gues  citations  de  Guillaume  de  la  Pouille;  mais , 
quoiquc  ce  savant  critique  lui  donne  le  titre  d'ecri- 
vain  distingue,  sa  pj6sie  ne  me  paroit  que  fort 
peu  superieure  a  c^41e  du  moine  Abbo  dont  je  ■siens 
de  parler.  Le  lecieur  pent  en  juger  par  le  passage 
suivant  que  je  rapporte  non  seulemcnt  pour  donner 
un  exemple  du  sljle  de  I'auteur  ,  mais  encore  parce 
qu'il  montre  que  les  femmes  de  ces  princes  guer- 
riers  partageoient  avec  eux  tous  '  les  perils  de  la 
guerre. 

(i)    B'hUuJieea  latiua    mediae  et  infimce  laUmtaUs . 

Tome  II.  D 


5«  Histolre  litteraire  dunioyen  ctge. 

U.ror    in  hoc  hello  Roberti  Jorle  sagitia 
Qiuklam    hesajuit  ,  qiice  tnilnere  territa  ,  nullarn 
Dam  spcrahat  openi  ,  sc  pcne  subegerat  hasti  , 
]S\riie,io  cujus  se  cominendare  i^olcbat  , 
Jnstanlis  metuens  0iciiia  pericula  lethi  : 
JIanc   deus  eripuit  j  fieri  liidibria  nolens 
Matronos  iantce  tarn  nobilis  et  venerandce. 

La  priiicesse  Comnene  a  aussi  celebre  le  courag© 
que  cette  heroine ,  qui  se  nommoit  Galta ,  monlra 
dans  le    combat ,  et   il   est  a   remarquer  qu'ells  a 
peint  la  noble  Ainazone   plus  poetiquement  cjue  ne 
Ta  fait  Guillaume  de  la  Pouille.  Gualfredo  ,  Italien, 
qui  prit  possession  de   T^veche  de  Sienne  en  1080 
et  mourut  en  1127,  a  ^crlt  un  poeme  li^roique  sur 
Texpeditiou  de  Godefroy  de  Bouillon  ,  ouvrage  qu*on 
dit  etre  encore    aujourd'hui   conserve  a   Sienne  en 
manuscrit.  Je  crois    que  Gualfredo  est  le    piemier 
poete  qui  ait   trait6  I'lieureux   sujet  des  croisades  , 
qui  a  6!e   ensuite  embelli  par  deux  poetes  latins, 
tres-clegans  ,  Iscanus  et  Gundier   dont  je   parlerai 
tout-cVrbeure,  et  qui  enfin  a  reQu  sa  plus  grande 
gioire  du  genie  du  Tasse.  II  j  a  aussi  sur  ce  sujet 
im  ancien  poeme'  latin  ,  qui  est  I'ouvrage  de   deux 
^cvivains  ri^unis  ,  Fulco  et  yEgidius  ,  ^le  I'exact  Fa- 
Lricius  place  au  commencement  du  XIII'°«  siecle  5 
le  titre  de   leur  ouvrage  est  :  Historla  gestorum 
vice  nostri  ieinporis  Hiero  so  to  niu  tartar,  II  est  im- 
prime  dans  le  4.^  volume  du  Scripta  Francoruni, 
de  Duchesne,  et  il  Test  encore ,  avec  des  additions 
considerables  ,  dans  le  troisi^me  volume  des  Anee^ 
data  d'Jidme  Marteae.  Je  vai«  rapporter  une  partis 


Poi-'tes  latins  ,   eblques.  5i 

^u  commencement  de  ce  poeme,  quels  Iccteur  cu- 
ricux  pent  se  donner  le  plaLsir  de  comparer  avet 
telui  du  Tass?. 

Ardor  inest  ,    inquam  ,  senienlla  f  xaque  menu 
Wersihax  et  numeris  transmit tere  posteiitati 
Qualiter  instinctu  deitatis  ^    et  auspice  cultu 
F.st  nggressa  t^ia  m&morando  iiohills  acta  y 
Qua   sacrosancti  i>iolanles  jura  sepuJchri 
D/'gfia  recepertint  meriii   commercia  prat>i. 
Incjuc  suis  Jrancis  antiqua  resurgere  Troja 
Ccfpity  el  edomuit  Ciiristo  contraria  regno. 

j'ajouterai  seulement  le  portrait   de  Godefroy   : 

Inclytits  ilh  ducum  Godijridiis  culmen  honosqu* 
Omnibus  exemplum  honitatls  jnililiceque-^ 
Sire    hasta  jaculans  cpquaret parthica  tela  f 
Cominus  autjeriens  tei ebraretjerrea  scuta, 
Seu  gladio  pugans  carnes  resecaret  et  ossa  , 
Sii>e-eques  atque  pedts  propellcret  agmina  densa  , 
Hie  inimiciJjis  cunctis  sibi  conciliatis 
Cunctis  possessis  pro  Vhrisli  pace  relictis  ^^ 
Arripuit  cal/em  Christum  sectando  vocantein. 

Le  poeme  finit   par  la  prise  de  Jt'rusalera. 
Laurence  de  Vrrone  ,  qui  ll^urii    vers  I'an  112.0^ 
^crivitun  poeme  lieroVqueeiiylivres,  inxhvX:".  IierLcn% 
in  Majoricii  pisaaoruni.  EduiU  Ugkellus  ,  torn.  3 
JtaLLce  sacrce. 

Mais  ces  anciens  poefe*  latins  moderncs  sent 
frt^e-infurieurs  en  merit  et  en  reputation  a  Phi- 
lip-je  Gault  ^ler  on  Gttut'ii.T  dj  Giitaiilon  ,  le  pre- 
mier des  po(  tes  latins  modernes  qui  paroit  <JVoir 
eu    uoe  eliucellc  du  vrai  g^iii^   j>o6tique.  II    6toiC 


5-2  Hislolre  Utterairt  du  moyen  di;e. 

prevot  des  chanoines  de  To'irntjy  ,  vers  I'an  1200 
suivani  .M.  Warlou  ,  qui  a  dohi  6  plus'eurs  6chan- 
tilloiis  de  son  sijle  dans  la-  secoiide  dissertatiou 
qu'il  a  mise  a  Id  lete  de  son.  exceilente  HistoLe 
de  La  Poesie  angiaise.  J'ajoutfrai  seuleineiil  ici 
que  la  meilLure  edition  de  son  Alexandrelde ^ 
poeine  hcroique  en  div  livres  sur  Ale^:andre-le- 
Grand  ,  et  celle  faite'  a  Lejde  ,  in-4°  ,  en  i558(i). 

Le  jiidicieux  Warton  a  rgalement  fait  connoitre 
dans  la  dissertation  dont  j'ai  deja  parl6  ,  le  m^rite* 
sup^rieur  de  Joseph  Iscanus  ou  de  Joseph  d'Exeler  ; 
et  il  n'a  pas  manque  de  parler  de  deux  pcetes 
^piques  latins  de  la  meme  epoqu;'  ,  qui  ont  beau- 
coup  de  merite  pOur  I^  ie;  q  ::  dans  iequel  ils  ont 
vecu  5  savoir  ,  Gunther  el  G  uiilaume  de  Brctagne  y 
le  premier  etoit  un  moine  dllemand ,  qui  a  ecrit 
apres  I'an  TI08  ,  ei  a  laisse  plusieurs  ouvrages  liisto- 
riques  et  poetiques  ,  c  t  jiarticuiierement  deux  dans  le 
genre  de  Pcpop^e  5  savoir  ,  Ic  Solymaiiunv  ^  poeme 
sur  la  pri;.e  de  J^^rusaldm  par  Godjlroi  de  Bouillon, 
et  un  autre  intitule  Llguruius  ^  sur  les  exploits 
de  I'empereur  Frederic  Barberousse  ,  ouvra'ie  qu'il 
termina  pendant  la  vie  de  ce  prince  ,  le  premier 
ii'a  jamais  el^iraprime,  il  y  a  eu  plusienrs  editions 
du  dernier,  dont  une  a  ete  donnce  par  le  celebr^ 
Melanciiton  en  1569.  On  verra  par  Les  vers  suivans  , 
oil  il  parie  de  lui-meme  .  que  son  merite  nature! 
etoit  estimable  a  beaucoiAp  d'(^^gards  : 

{i)  Je  crois  qu'on  trbuve    un    extrait  <I«  ce  poeioe  dana 
J'Aija^e  liiteiaire  de  Freroo, 


Tories  lathis^  e'h^ques.  5" 

Hoc  <jno(jue  mcjamce  ,  si  desint  ccetera  ,  solum 
Conciliare  potest  ,    quod  jam  per  multa  latenics 
Sceciila  \  nee  clausis   prodire  penotibus  ausas 
Piet  ides  (.idgare  pare  j  priscumcfue  nitorem 
Jledderc  carniinihus  j  laidoscjuc  cllare  po'elas. 

Guillaume  de  Bretggne  efoit  prc'cepteur  d:  Pierre 
Charles  ,  fils  iiaturel  de  Philippe  Auguste  ,  roi  de 
France  ;  il  adressa  a  son  pupillo  un  poeme  inti  ul6 
KarLotls ,  qui  n'a  pas  et-  encore  public  5  ma  is  son 
plus  <.rand  ouvrage  ,  appcle  PkUippis  ,  poeme  hc- 
roiqueen  douzelivres  ,  est  impriine  dans  les  collec- 
tions de  Duchesne  et  de  Pitlioii  ,  et  separea  en t  clans 
im  volume  in-4''.  avec  un  long  commentaire  do 
Barthius.  Malgre  les  eloges  accordes  a  cet  auteur 
par  son  savant  commentateur ,  qui  le  met  au-dessus 
detous  ses  •  conteraporains ,  il  me  paroit  inferieur  , 
pour  la  verve  poetiqus ,  a  ses  trois  rivaux  ,  Gautier 
de  Cuatillon  ,  Iscanus  et  Gunl'icr.  Cependant  son 
ouvrage  n'est  point  du  tout  a  mepriser  quant  au  stj-le  , 
et  il  peut  elre  rcgarde  comnie  un  precieux  tableau 
des  temps  dans  lesquels  il  a  v'^cii,  car  il  joua  lal- 
meme  un  role  dans  un  grand  nombre  d.^s  artions 
qu'il  dccrit.  II  s'est  propose  de  celeLrer/les  exploits 
dc  Pliihppe  AugustiL^  ,  et  il  termine  son  poeme  a 
la  moii  de  ce  monarque  ,  arriv^e  en  I223.  II  adrcs.se 
.son  ouvnige  ,  dans  deux  dedicacespoetiques  Sv^par^es^ 
a  Louis,  successeur  de  Philippe,  et  a  Pierre  Char- 
les, son  fds  naiurel,  qui  ftil  eveque  de  Nojon,  en 
1240  ,  et  mourut  en  1249.  II  paroit  avoir  ete  engage 
a    comi.oscr    soji    pcKMiie  ,     p  ir     V Alexandrcide. 

D  3 


5a  Histohe  litrc'raire  du  nwyen  age. 

de  Gai^thipr,  a  laquolle  11  a  fait  allusion  dans  lc5 

vers  sui^ai>s  adresets  a  Louis  : 

Oesta  duels  Macedum  ceJebri  describere   versa 
Si,  licuit  ,  Guoltere  ,  Ubi  ,  qvce  sola  relatu 
multUago  docuit  te  0ocijerar,ojamce.... 
Cur  ego  quce  no>n  ,  propria  qu<x  Iwnlne  ndi  , 
jS'on  ausim  magni  magnalia  scribere  regis.  , 
Qui    nee    Ahxandro  minor  est  i'irtute  ,  nee  illo 
Vrli  Romuiece  lolum  Cfui  suldidit  orbem  ? 

11  trom-e  aussi  Toccasion  ,  dans  deux  aulres  par- 
lies de  son  toeme,de  rendre  un  nouvel  bo3r-mage 
a  Gaudner  a.ui  il  reconro.t  qu>n  est  inlenei.r  en  ta-^ 
lent  po^tique,  quoi<rae  sou  admirateur  ,  Eartbius, 
n'en  convienm  pas.Leleeleur  pomraiugev  de  leurs 
taltns  respeetifs,  eu  ccmp.^uan.  le  passage  que  M, 
•Wartop  a  cit^  de  VALe^aadrelde ,  ^vec  ks  veis. 
suivans,  dans  lesquels  Gudlau.ue  cle  Bretagne  se 
sert  de  la  meme  coniparaison  que  son  predecesseui  , 
m  comparant  Philippe ,  son  heros ,  a  un  jcune  lion, 

Bex  doht  ereptarn  comiUm  sihi  .Jreudit  ,  ct  irc^. 
Occuhare  nequit  leclos  sub  pectore  motus  , 
JSam  Rubor  iu  vultu  dupUcatus  prodit  aperU 
Quam  gravis  iUustiem  trahiPindignaUo  menicm. 
Qualiter  in  Ijbicis spumante  IcuucuJo  rictu 
SalHbus  unguejerox,    et  dcnUbn.  asper  adanus  , 
Fort's  et  horrisonis  anno  jam  pene  secundo  j 
Cuit'enatcris  venabula forte  per  armos 
Bescendere  Uui  stringentia  s-uTnere.  corpus  , 
Collarigenshirsutajubis  d.csc^vit   in    hosttm 
Jam  retrocederitem  ,   nee  earn  tetigisse  polentem  ^ 
Cum  nihil  exjacto  referat   nisi  dedecus  illo, 
$fe^  mqra  nee  requies  ,  cjuin  j^^n  deghUat  ipsum  ^ 


Po'c'lcs   latins  ,    cpiquts^  55 

jSi  pnuhns  Jwstis  pra'ie)ito  cvspide  scuio 
T'n'p;iiihus  objecto  j  dum  dat  vestigia  retro  ,' 
In  loca  se  relraJiat  tion  imimpeiida  leoni  , 
Sic  piicr    in  comitem  rex  dehacchatur  ,  el  ipsurrk 
Subsequititr  presso  relegens  I'est-gia  gressu. 

Je  rappoiieral  eHCore  ici  le  passage  sui  snt  du 
Xl-'i'e  livre,  parce  qu'il  coiitieiit  un  portra't  anim6 
et  line  comparaison  plus  iieiive  (}ue  la  pr^ce- 
deiite. 

^t  leei>o  in  cornu  ,  qui  niiUi  ivarte  sccundus  ^ 

Bolonides  pugiicp  insislit  J  cui  f'axitnts  iiigcns      ^ 

ISunc  implet  de<rtram  ,   rix  itJli  bujuhi  ,  qualcin 

Jfi  BaccJii  Jegtmus  portasse  capanea  cunas  y 

Qitam  vix  JcBinineo  dejecit  Jupiter  ictu. 

Nunc  culter  vitce  inipatjeiis  ,  nunc  sanguine  pugtsi 

3Iucro  rubens  ,  gemina  e  subliini  rertive  jUlgens 

Cornua  conus  agil  ,  superascjue  eduxil  in  auras 

E  costis  assumpta  nigris  ,  qiuisj'aucis  in  antra 

Bianchia  balenoe  Brilici  coiit  incoJa  pnnti  / 

T~t  qui  magnus  erat  magncv  super  add:ta  mpli 

3Iajorem  Jaceret  pliantaslica  pompa  vidcri. 

u4c  vchit  in  saltus  scopulnsa  Bier i a  salta 

Prcecipili  niitlil  ingenti  corpore  cerium  ,  \ 

Cujiis  multifidos  nu/uei  nut  a  cornibus  annos  , 

Jilense  sub  octobri  nondun  r  e  pteiti.br  e  per  acta  y 

ylnnua  quandit  novis  P'enus  inciiat  ignibus  il.'um  f 

Cursitat  in  cervos-ramosa  J'ronte  inimres  j 

Omnibus  lit  pulsis  rictor  sub  teo/nine  jirci 

Connubio  ccrvam  solus  sibi  subdat  amatam. 

Hand  seciis  e  pcdituni  medio  f  qtiibus  ipse  rotunda 

Ut  castro  cauta  se  circninsepscral  arte  , 

J*rosiliens  volat  in  Thi^inain,  lioberllgenasquc 

JDrocarum  coniilcm  j  Belimeenumque  Philippurr%  .  .] 

JiolonidfS, 

D4. 


^6  His (0 ire  littcraire  du  moyen  age. 

Guillaume  de  Bretagne  fut  immedfatement  rem- 
place  par  i.n  homme  qui  paroit  I'avoir  au  nioins  egal(i 
comrae  pot  (e  latin.  Get  aufeur  se  nominoit  Nicolas 
Dobrai.  II  t'crivit  lui  poeme  lieroique  sur  les  actions 
de  Louis  Vril ,  apres  la  mort  de  ce  monarque  j  et 
il  1^'  d'dia  a  Guillaume  d'Auvergne ,  qui  fut  eveque 
de  Paris  depiris  1228  jusqu'en  1248.  Pour  donner  un© 
idee  de  son  talent  dans  le  genre  descriptif ,  je  clioi^ 
sirai  le  passage  suivant,  qui^  fait  partie  d'uiie  longu& 
description  d'une  coupe  presentee  au  roi ,  lors  do  s'^a. 
avenemeiit  a  la  couronne. 

Parant  intiare  palatta  regis 
Magnifici  cities  j  gratissima  donajerentcs  _, 
Tegmina  qucs   ornant  (Jarils  inscidpla  figurii ; 
JEt  patrem  pctrlce  jvcundd  voce  salutant  , 
F.I  genihus  fexls  picuschlani  dlila  dona..... 


Ojfertur  crater  ^    cjucm  ,  si  sit  credere  dignurn  y 
Perditus  ingeniojahricant  Muhiher  awo  ; 
3Targine  crateris  totus  depingitiir  orhis  , 
Et  series  reriirn  bret^ibus  distinc/a  figuris  : 
lllic  pontus  erat  ,  iellus  ,  et  pendulus  aer  , 
Jgnis  ad  alia  volans  Qxli  super eminet  illis  ; 
Quatuor  in  partes  or  bis  distinguitur  ,  in  gens 
Circuit  oceanus  immensisjluctibus  orbem. 
Ingenio  natnra  suo  duo  luminajecit 
Fea:a  tenore  poli  ,  mundifamulantia  rebus. 

L'auteur  pdnt  ensuile  Thebes  et  Troie  ,  telles  qu© 
c?s  deux  villes  sont  rqpreseiilees  sur  cetle  superle 
coupe  ;et  il  termine  la  descrip  ion  de  cet  ouvrage, 
p-T  Ids  quatre  vers  suivans  ,  assez  bons  pour  \i 
sitcie  dans  lequel  ils  ont  ete  fajts. 


Poc'trs  laths  ,   e'piques.  5j 

TlTaitis  adidteiium  resupino    margin e  pinxit 
Mu'ulbei  f  et  cenerem  la<jiieis  cum  rnaite  ligafif  , 
Plitraqiie  ccelassel stib  rnaigine  ,    scd  piidor  illl 
Obsiat  ,  ct  iugeiiUs  renof-'atur  causa  doloris.  ' 

Ce  pob'me  ,  que  Pauteur  paroit  avoir  laissd  im- 
parfait ,  est  imprirae  dans  le  cinquieme  voIiimig  ({qs 
Script  a  Francorum  cle  DucJiesnP.  On  dit  (jua 
I'Angleterre  a  produil  iin  autre  porte  iieroVqne  (I'uii 
grand  merile ,  qui  a  cek'bre  en  vers  latins  les  e.xptoils 
de  E.icba1i'd  I.^f  ,  et  qui  fiit  nppij'le  GuUeLni'ts 
Peregrinus  _,  parce  qu'il  suivit  ce  prince  dans  !  i 
Teire  Sainte.  Lelancl  en  parle  ,  en  le  npmniait 
GuUlaume  de  Cantio  ^  et  Pitt  I'appelle  le  premier 
sans  contredit  des  poetes  anglais  de  sox\  temps  ;  mais 
je  n'ai  pas  pu  drcouvrir  que  son  poeme  eat  jamais 
^te  imprira6,  et  les  diderens  biographes  qui  en  ont 
parI6  ,  ne  nous  disent  pas  on  se  trouve  le  manuscrii. 

On  presume  ([ue  la  langue  latiae  a  et6  cuUivre 
avcc  encore  plus  de  succes  en  Itaiie,  et  le  relaV.is- 
sement  de  la  pure'le  de  cet  idiome  est  attribue  ( u 
grande'partie  h  Alberlino  Mussato  ,  dor.t  le  savant 
auteur  de  TEssni  sur  Pope  nous  a  fait  coAnoilre  le 
premier  le  mc'rite.  Mussato,  ne  a  Padoue,  c'toitd'mi 
rang  distingue  ,  ct  avoit  de  grands  lalei'is;  mais  il  fut 
rnalhcureux.  II  mourut  en  exil ,  en  1329  ,  ct  laissa  , 
indep^ndaniment  d'un  grand  nombre  de  pisces  moms 
c  (Misid(?rables  ,  un  poeme  beroKiue  ,  inlitul#  :  Do 
gedtis  Jtaloruiii  post  Henricum  VII  Cccsarcni  , 
6eu  de  obsidione  Doinini  Canis  Grand  is  dc 
Verona  circa  inceiiia  Padua ncE  cicitatis  et  con^ 
Jlii^lu  ejus.  —  Quadrioj  dai^s  bquei  je  trauscr.s  cei 


5S  Hntoire  lU'ernire  du  moyin  a^re. 

titrp ,  flit  nne  cot  ouv rnge  est  imprini6  clans  le  dixienao 
volume  de  Muratori  ;  Vossius  ,  qui  pavK'  de  lui 
comine  (run  lii-itorien,  assure  qu'il  coinmanda  dans 
la  guerre  qui  Forme  le  suje!  deson  poi'me. 

Peu  d'annees  anres  la  inort  do  Mu.ssato,  P^trarque 
recut  le  laurier  a   Rome   pour  son   poema   ^pique 
latin  ,   inJiiul^   JJrica  :    ouvrage  qui  a  tellenient 
dechu  de  la  liaute  reputation  qu'il  a  ohtemie  autre- 
fois ,  que  le   grand   admirat^ur  et   entbousiaste  ile 
P^lrarqne,  quia  pnbli6  trois  volu;nes  interessans  in- 
4°.  sur  sa  vie,  arpelle  ch  poeme  ufv  ouijrage  sa/is 
cliateur ^  sans  irn^enUorij  sans  interet ^  qui  red 
pas  mime  Le  nierUe  de  La  uersificatlon  et  duo  sUjLe, 
et  dont  U  est  LmpossibLe  de  souiciiir  La  Lecture. 
Je  dois  cependaut  observer  que  Le  Tasse  ,  dans  son 
Essai  sur  la  poesie  epique,  fait  un  tres-grand  elog,9 
de  I'endroit  de  ce  poeiiie  oii  Petrarque  c^U'bre  les 
amours  de  Sophonisbe  et  de  Masinissa.  En  effet ,  la 
critique  de   c^t    ecrivain  ,  qui  a  rendu  amplement 
justice  an  meiite  de  P6trarque  a  tous  autres  ^gards  > 
me  paroit  infmiment  trop   severe.   II  y  a  dans  ce 
poeme  qni  est  neglige  ,  un  grand  nombre  d'autres 
endroils  qui  sont  con(;;us  aveo  beaucoup  de  force  et 
d'imagination ,  et  qui  sont  exprim^s  avec  une  egale 
^l^gance  de  style.  Je  vais  rapporter  quelques  vers  de 
ce  morceau  que  Le  Tasse  a  honore  de    ses  eloges. 
Ces   vers    peignent    la    douleur    du    jeune    prince 
nuraide  ,    lorsqu*il  est  contraint  d'abandonner  soa 
amante. 

Vohitur  inde  ihoro  ,  (  efuoniam  suh  pec  tore  pernor 
€(9t>ii  amor  ^  lacerantque  truces  prcecordia  euros  ) 


ToFtes  latins  ,  '  epi'jues.  5 9 

Urifiir  f  ini'igilant  moeror  ^  metus  ,  itayjiirorque  ; 
Siepe  e'  gbse'Ltem  lacrjmans  duni  stii/i^it  cniicain  ^ 
Sopjje  thoro  de-cilt  amplexus  et  dulcia  verba 
"•      JPoitquam  nulla  I'alent  i^iolentnjiceiia  dolovi  , 
Inclptty  el  lonQis  sol{ilur  dainna  cjucrclis  ' 
Cina  mihi  niiniuai  ,   t^ita  mihl  daicior  urnnl  y 
ScpJionisba   cale  !  non  tc  ,    mca  cw.a  ,   uidcbo 
J.eniter  cctlieieos  pvst  hue  compoucre  callus  j 
Fffusosque  auro  religantetn  ex  mrtie  capillos  j 
flulcia  non  caelum  mulcentia  verba  JJ:osqu9 
Oris  odurati  sacrelaque  inurmitra  carpain. 
Solus  ero  3  gelidxjiic  insternam  nieinbra  cubili  ; 
uitque  utinam  socio  componat  aniica  sepulchro  ) 
ilt  siniul  hie  vctitos  ,  illic  concordiler  an.nos  j 
Contingat  duxisse  mihi  sors  optima    busti. 
'$i  cinis  aniborum  commix/is  morte  tneduUis 
JJnus  erit  y  Scipio  nostras  non  scindet  ainurcsu 
O  utinam  infernis  etiam  nunc  una  lalebris 
Zlinhra  simus  J  liceat  pariter  per  claustra  t>agari 
Jilyrtca  y  nee  nostras  Scipio  disjungat  ainores» 
Jbimus  una  ambo  flcntes  et  passihus  iisdem 
Jbiihus  ,  ceterno  oonnexijcedere  ;  nee  nos 
Feiieus  aut  jsquos  Scip-'o  interrunipet  amores. 

La  catastroj  lie  bien  connue  de  riafaiiunee  Sopho- 
nisbe  est  racont  e  d'une  m-^niere  riv:^  et  po^lique. 
La  fin  de  sa  vie  et  sa  premitre  entree  chez  lei 
jnorts  sout  pai  ticulieremenl  Irappanles. 

Ilia  manit  pateramque  t^ncns  et  lumina  coelo 
u4.tt aliens  3  sol  alme  j  inquit  j  superiquz  ,  valete  ! 
Masinissa  j  vale  !  nostri  menior  ;  iade  malignum 
f5eu  sitiens  hauiit  non  inotd  front e  renenum  _, 
Tartareasque  petit  violcntus  spiritas  umbras. 

4Vtilta  magis  S/jgios  mii'antum  ohscssa.  corona 
I7jnbra  lacus  suliit  j  puslquam  diiisa  tiijoiraii 


fd  Histoire  littcraire  du  moycn  age. 

Partibiis  haud  cequis  stellt  ingens  machlna  mundi, 
Oblutu  attonifo  slahanl  horrentia  ciiciun 
.Agmina  Pcenarum  ^  sparsoque  rigentia  villo 
Euinenidum   tacitis  inhiabant  rictibus  ova. 
JRegia  vis  oculis  inerat  ,  pallorque  verendus  , 
Fa  retus  egregia  majestasj^rontc  mavebat. 
Indignata  tamen  superis  ^  irataquc  inorti  y 
Jbat ,  et  cxiguo  dejigcns  luinina  Jlexu, 

Je  terminprai  par  P(§trarqiie*  cet  examen  succinct 
dcscjut  'urs  Irop  iK^gl^gi^s,  qui  ontdcvit  des  po'meslie- 
roiVjues   fn  latia  pendant:  Je  coiirs  du   moyen    age. 

Une  circonsfance  partlcu!  ere  me  force  cependant 
a  ajouler  un  autre  nom  a  la  Ilfte  prcctxlente.  Jean , 
abbe  de  Pele?borou\:h  ,,  t^ciivfl  ,  sous  le  regne 
d'Edounrd  III ,  nu  po.nre  h-'roiquo  ,  inlllult'  i  BelUini, 
'Nav'arrense  _,  i366  ^  de  Petro  rege  Ara^ordce  et 
JEdfvardo  principle.  On  dit  qtie  cct  ouvrage  ,  qui 
conlient  f^6o  .vers  ,  est  conserve  en  maiiuscrit  dans  la 
bibliothecjue  Bod'ei'^nne  ;  el  je  Tai  era  digne  d'etre 
connu  ,  pane  qu'd  traite  un  sujet  sur  lequel 
Dryden  nousapprend  qu'il  avoit  eu  autrefois  le  projet 
de  coinj..o  er  un  ;  o  me  epique. 

Parrai  le  grand  nombre  de  po;'mes  epiques  latins 
que  les  siecles  plus  modernes  out  produits,  la  Cliris- 
tiade  de  Vida  ,  la  Sarcods  de  Masenius  ,  et  le 
Constandn  de  Mairbrun  meyparoissent  ceux  qui  me- 
ri-tent  le  plus  qu'ou  y  fasse  attention  ;maisces  poemes 
mei  es  sont  rareraent  lus  ;  et  en  effet,  le  poete  qui  , 
dans  un  age  cclaire ,  aime  mieux  se  servir  d'une  langue 
morle  que  d'une  langue  vivante ,  ne  doit  s'atlendre^ 
ainsi  qu'il  le  mi^rile  peut-etre,  qu'a  fixer  Tattentioa 


Foctes  latins  ,    epiques,  6i 

d'un  petit  nombre  de  snvans  vivant    dans  la   re- 
traite  (i),  A.  M.  H.  Boulard. 


B  I  B  L  I  0  G  R  A  PHI  E. 

Notice  sur  Us  travauK  typograpkiqv.es  et  litie'paires 
des  Anglais  dans  i'lnde. 

iiE  but  de  cette* notice  n'e?l  pas  uni'queraent  de 
rtfro-))!  r  una  lacune  dans  I'iiisloire  da,  la  bibliogra- 
-p'lif^^j''et  de  satsfaire  \n  cuiiosite  de  qiielques  ^a:- 
vans','  nous  voudrions  aussi  exciter  I'emulat  on  de  nos 
concitoyens,  et  iixcr  leur  attention  sur  ..ii  genre  de 
litterature   dont  Timportance    a  etc  jusqu'a  present 

(i)  Note  du  tradiicteur.  Hailey  a.  adop,te  ici  rppinion  d« 
plusieuirs  ecrivains  celebros  de  nos  juurs  ,  qui  bat  ^  je  crois  , 
iiui  aux  Icttres  ,  en  dcccuragcant  ceux  qui  se  liv-roient'a  la 
pocsie  latine.  Uri  grand  pocte  francais  (  UeliHe)  a  observe  que 
renlrave  de  la  rime  suffit  pour  rendre  la  poesie  francais'e 
beaucoup  plus  difficile  que  la  pocsie  latine  ;  Scaevole 
de  Sainte-Marte  a  ccnujose  ua  e.vcellent  poaaie  latin .  appele 
\x  Pcedoitophie^  Qises  vers  franc.ais  sent  pitoyablfs.  Rapia 
ft  auroit  pas  pu  faire  de  vers  dans  notre  langue  ,  et'son  poi-me 
des  Jardins  est  un  ouvrage  tri^s-estimable.  L'art  poi'tique  de 
\ida  est  un  chef-d'oeuvre.  Les  pottes  latins  parleht  la  langue 
univcrselle  des  hommss  ii  siruits  j  Adisson  ,  Buclianan  , 
Dobson  ,  et  beaucoup  d'autres  ont  pa^rle  avec  succi-s  la  langue 
de  Virgile  ;  et  tel  qui  peut  exceller  drns  ce  genre  ,  no  pourra 
pas  etre  boii  poete  dms  un  idi  m_'  moderno.  Ke  nous  privoi  s 
done  d'uucun  ti'ei;t  prtcieax.  Encouragons  tous  ceux  qui 
essai-'nt  ou  i!e  nous  deiaiser  ou^ds  aaus  instiuiis  j  et  J»« 
decouragouus  't^ersoui;e. 


Ca  Typographic. 

meconnuc  ,  cA  pour  Irquel  rous  avons  cercndnni  ail* 
tant  do  moyeiis  qu'auiJiie  autre  naiioii  de  I'Europe* 
Depuis  qiielqiies  aniiees  le  gouvern?ment  anglais 
a  voulu  dinger  la  politique  inlerieurc  et  radmi- 
iiislration  civile  de  toutes  ses  possessions  terri- 
toriales  en  Asie.  Le  Bengale  sur-tout  meritoit  son 
atlentio!!  ; -uae  cour  supr^^me  de  justice-vient  d'j 
^tre  etabiie,  et.ce  royaume  fa't  mainienant  parlie 
inlegranle  de  la  Grand  ■ -liictagiie.  B  eitti'it  il  a 
fallu  s'occuper  des  mojens  d\'tablir  une  coramuni- 
calion  facile  et  directe  entre  Ics  Europeans  qui  gO'ii- 
'Vernent  et  les  ladiens  qui  ob6issent.  Le  langate  et 
Tecriture  sont  incoutestablemeut  les  premiers  de  ces 
mojens  ct  ceux  dont  on  s'cst  jusqu'a  present  le 
inoins  occupe  en  Europe  ,  comnie  I'observe  judicieu'- 
sement  le  r,avaiit  IlaltHd  (r).  L'elegantet  fidele  his- 
torieii  de  I'lnde  ,  M.  Ormes  avoit  appris  par  un 
long  si^jonr  dans  ces  contrees  loiutalnes  et  par  la 
frequentation  desnalurcls  ,  combien  il  est  dangeareux 
de  conficr  cles  iiegociations  politir  iies  ou  coramer- 
dales  a  des  inlerpreles  et  a  des  courtiers  du  pays; 
il  a  fortement  insisle  anpres  de  ses  compatriotes  sul- 
la  necessile  de  n'employer  a  leur  service  cpie  des 
Anglais  Lien  verses  dans  les  langves  de  I'lnde. 
Jieux  ct'leLres  gouverneurs-g6ncraux  du  Bengale  , 
Vansittart  et  Hastings  ,  ne  se  sont  point  bornes  a  de 
simples  invitations  ,  ils  out  pensioinie  des  sayans 
pour  cju'ils  se  iivrassent  eo»:clusivenient  a  cette  <^tude, 

(l)  Aute-iir  de  la  traduction  arglaise  du  code  des  Gentovs  , 
«t  d'une  gramiUHire  Bei^gale  ,  iuiptimec  u  Houglj  ,  dont 
jaous   par'.jfrons  l.icritOt, 


TrCivcikx  typof^rapkiqnes  des  Anglah  dans  Clnle.  63 

et  qu'ils  composassent  des  livres  el(^mentaires.  Qiiel- 
ques-iins  de  ces  ouvrages  furent  iinprim^s  a  Oxford 
et   a  Londres^   mais   leur   expedition    pour   Tlnde 
^pronvoit  ensuite    des  lenteurs  qui    firent  sentir  la 
ji6cessite  d'elever  une  iripri-nerie  dans  I'liide  meme. 
Les  Hollandajs  et  les  rkinois  avoient  deja   form^ 
I'.n  ('lablissement    de  ce    jienre   des  l-  commence- 
ment de  ce   siecle  ,  dans  leurs  coinr loirs  de   Tran* 
^qiiebar  ,  de  Colombo  et  de  Batavia  ;  ils  firent  cons- 
truire    leurs  presses  en  Europe  ♦et  porterent  des  fon- 
tes    de    Tamoule  ,    de   Malay    et    d'Arabe    tout;=s 
pretes  a    m^ttre    en    casse.  h^s    A.iglais    crcerent 
tout   sur  les  lieux  5    un   spul   boii  me  executa    une 
entreprise  quiexigeoit  leconcours  d*un  grand  noml  ro 
d'artistes ;  ses  coups  d'essai  furent  des  cnefs-d'ceuvre 
typographiques.    Get  bomme    vraiment    etonnant  et 
dont  le  uom  m^nte  une  place  distinguee  panri  les 
bienfaiteurs    des  lettres,  est    M.  Ch:u4es  Wdivins  , 
savant  profbnden.ent  verse  dans   le  Sanskrit  ,et  connu 
depuis  en   Europe    par   deux    ouvrages  Iraduits  de 
celte  langue  sacree  des  Brahmanes  (r).  Presse  par 

(0  r.e  Bhagitatguita  ,  el  V Mltopedes  de  Vichnou  Sanaa. 
Le  premier  ouvrage  est  un  Episode  du  Mahahharat  (  I j.  grand* 
guerre  ^Qf,  g^ans  centre  les  Diejs  )  M.  \'\'ilkins  prepar* 
line   traduction  coaiplete  de  ce  poeme  volumineux. 

J'Hilopcdcs  (  iusiruction  utile  )  est  un  recueil  de  fabls, 
compost  par  un  Brahmane  uommc  Viciinou-Sarma ;  on  re- 
^arde  cet  ourrage  dans  I'lnde  comme  le  prototype  des  fables 
attribiu-es  a  Pidpat  ,  Lokman  et  j^sope.  J'en  ai  donne  ua 
•xtraitdans  la  premiere partiede  mes  Fableset  Contes  Indiens, 
prgctJt.<!  d'an  discnurs  tur  la  relijJivn  ^  Us  antiqniUs  »t  /«« 
tnCBurs   da*-  HinJuuM. 


64  TyhO(irap}ue. 

les  soHicitations  de  M.  Hast-ngs ,  et  sans  clou te  par  im 
gout  iiatnrel  pour  tout  ce  vm  a  rapporl^aJaliifC- 
lalure  orientale  ,  il  s'essa"a  sur  les  caraclei^es  ben- 
gales  ique  leurs  formes  embarrass6es  et  de  longueur 
inccale  relident  rel.ejlj^s  aux  proc^'di's  tj;''pographi^ 
cjues.  Sans  alterer  ces  formes  M.  Wilkins  leur  don- 
lia  plus  de  regularity,  et  narvint  a  taiiler  un  nl- 
pliabet  .bengale  d'envno)  ]5o  poin cons  Ir^s-clc' gars 
et  d'llu  beau  fuii.  La  ionte  lui  pr^'senloit  de  nou- 
yelles  difficultes,  il  sut  cgalement  les  surmonter  en 
employ  ant  des  proc  dts  inusitts  parmi  nos  fondeiirs 
de  caracteres  europ^ens  ,  coiiime  de  diviser  une  ligne 
en  plusieurs  corps  ,  de  faire  cirener  les  leltres  de 
maniore  qu'elle  enchevretejit  les  uae  sur  les  autres  j 
de  les  f rotter  an  vif ,  afm  que  plusieurs  p>lombs  ne 
former.t  qu'une  seule  lettre  sans  qu'on  voj/e  les  jonc- 
t'.ons,  etc.  M.  Wilkins  travaisla  ensuite  a  la  casse 
et  forma  des  compositeurs.  Des  1778  on  publia  a 
Hougly  la  grammaire  bengale  de  Halhed  ,  dont  I'exe- 
cution  typographique  lionoveroit  nos  plus  cclebres 
presses  d'Europe. 

Get  lieureux  succes  d(^termina  M.  Wilkins  a  une 
seconde  entrepfise  du  meme  genre  et  non  moin^ 
"considerable  que  la  premiere ,  mais  que  I'expc'- 
rience  lui  rendoit  plus  facile.  Le  Per?an  ,  dont  on  con- 
noit  I'utilit^  indispensable  pour  traiter  avec  les 
Wibdb  ou  princes  musulmans  de  l'|nde  et  avec 
leurs  sujets ,  ciFroit  une  nouyelle  carriere  a  ses  talens 
tvpographiques.  On  s'est  contentc  jusqu'a  present  eii 
Europe  d'imprimer  les  textes  originaux  de  ce:te 
laiigue  ax-ec  de  grotesques  caracteres  arabes,  telle- 

nient 


Travaux  typograpkiquEs  des  Anglais  dansVInde.  65 
rtieint  d^figures  que  les  naturels  de  la  Perse  ou  de 
I'Jjide  ne  peav^nt  les  lire  ,  et  que  les  Europ(^ens,  qui 
s'j  sont  d'abord  accoutumes' dans  los  graminaires 
et  autres  livres  el^inentair^s,  cpiouvent  des  diflicuii6s 
decourageantes  a  la  premier^  inspection  de?  m^iius- 
crits/Maitre  de  son  burin,  M.  V^Tilkins  a  os^  'nva- 
liser  le  Calame  des  p!ui'habiles  Mo unchi/s  ou 
(^crivains  ^ersans,  et  'l6s  a  egales.  II  a  imagiA^  et 
taille  ses  poin-ons  qui  irhrtenl  parfaitement  le  taa-- 
lyq  ^  caractere'cursif  des  Persans  (i),  dans  lequel  sont 
Perils  tons  les  ouvrages  de  littejrature  ,  et  consequem- 
ment  tres-propre  a  la  promulgation  des  actes  du 
gouverneraent. 

«  L.  L  A  N  6  L  E  S. 


HISTOIRE    DES    ARTS. 

}<  0  TiCE  d'une  gravure  de  1467,  trouvee  a  la 
hihUiotheqne  puhlique  de  Strasbourg  ,  par  JtR- 
Jacques  Oberlin  ,  professeur  et  biblifthe'caire. 

X  ARMi  les  Arts  dont  I'inveiition  appartient  k  la 
.nation  aliemande  ,  deux  des  plus  remarquables 
sont  I'imprimerie  et  la  gravure  en  taille-douce.  Elle 
les  fit  Colore  I'un  et  I'autre  au  quinzieme  si^cle,  au 
terns  meme  oii  I'aurore  de  la  litterature  renaissanta 
commencoit  a  pei^er  les  tenebres  de  I'ignorance.  Oa 

(i)  L'impruneric  uationale  possMe  un  caract^re  taaljq , 
plus  Lean  c[_ue  celul  des  Angliis  ;  mais  il  n'a  jamais  servi, 
quolque  lespoin(jons  aijjut  ete  taille*  il  j  a  plus  de  i5o  ans. 

Tome,  11.  £ 


6eJ  Hisloire  des  Arts. 

conserve  arec  soln  les.  premiers    monumens   fypo- 

grapiiiquesj  et  on  les  a  fait  servir  k  moutrer  par 

qu'.'ls  degres  cet  Art  bienfaisant  a  ^Xk^  porte  a  sa  perfec- 

i-Oii. 

Les  amaleurs  de  I'Art  du  desslii  etde  tousceux  qui 
en  dependent,  ne  sont  pas  moins  attentifs  a  recneil  ir 
les  premieres  gravureset  ales  ranger,  aidant  qn'il  se 
]xnit ,  siiivant  la  date  et  les  auteurs.  On  a  d'autant 
)3lnsde  peine  a  former  ces  colie<:lions,que  cesoatpour 
la  plu_  art  des  estampes  isolees,  qu'onavoit  negligees 
depu is  qu'elles  sont  sorties  du  burin.  Eiles  furent  fre- 
que  -ment  emplojees  a  orner  la  partie  ijntt'rieure  des 
reliur.^s.  C'est  la  que  j'en  ai  trouv^  ciuelques-unes 
de  fort  interessantes  dans  des  livres  relies  au  X\^.™« 
siecle,  et  qui  sont  conserves  a  notu  bibliolheque 
publique.  Gelle  -dont  je  parle  ici ,  racriie  d'autant 
pins  i'atlenfiou  des  connoisseure,  qu'elle  porte  sa 
data  et  les  sigles  du  graveur  ,  duquel  on  connoit 
encore  quelqnes  autres  lieces. 

La  gravure  a  5  pouces  8  lignet  de  liaut  et  4pouces 
de  large.  .5ur  le  devant  de  Testarape  on  voit  une 
personne  a  penoux ;  elle  est  sans  barbe,  vetue  d'une 
longue  robe  ;  el'e  est  fort  pensive,  ecrivant  dans  un 
livre  :  a  son  cote  pend  une  boite;  h  ses  pieds  on 
voit  une  ecritoire,  et  a  c6t6  un  ^lui  qui  y  est  attach^ 
pir  une  cLaine,  et  qui  ressemble  a  un  ^tui  d'iastru- 
nent  demusiqu?.  Devant  luise  tient  un  ciigledebo'Jt. 
Derri^re  cet1e  personne  est  une  foret  dans  laquelie 
se  montrent  un  lion,  et  un  clieval  qui  se  cabre.  La  fjrct 
«st  bordv'e  par  la  mer ,  par  laquelle  S.  Ci'ristople, 
ieriant  en  main  un  arbfe  pour  baton,  porte  Jesus^ 


Gravure  de   14^)7.  67 

Clirisf.  On  decouvre  une  ville  dansle  lointaio.  A  c6t6 
seprt^sente  line  autre  ville  forlifice,  au  sommet  d'un 
i-ochcr,  et  dans  les  airs  la  Vierge  toute  enlour(^e  de 
rayons,  avecl'Enfaiit  J^sus  dans  ses  bras.Au  has  du 
rocher  coule  une  riviere  dans  laquelie  nagent  des 
cvenes. 

Le  sujel  de  cettep'anche  paroit  ^Ire  tire  de  TApo- 
caljpse  de  S.  Jean,  chap,  aij  011^  par  une  virion, la 
sainie  cite  de  Jeru  al  m  lui  est  montree  au  sommet 
d'une  haute  monlagne  ;  'es  rajons  dont  est  enlouree 
la  Vierge  ,  seroient  la  pour  rcpr^senter  la  spl?ndeur 
tie  la  cil^,  i]lumin^.e  par  la  gloire  de  I'Elernel. 
li'altitude  de  TEvang^^liste  me  paroit  confirmer  cette 
id^e.  Peut-etie  meme  que  le  fleuve  et  la  foret  font 
allusion  a  ce  qui  est  rapporte  au  chapitre  suivant. 

Quoi  quM  en  soit,  le  burin  est  d'une grande finesse; 
mais  le  dessin  a  de  la  roideur  et  n'esJ  pas  exact.  Les 
plis  de  la  draperie  ont  des  angles  trop  saillans. 

Le  nom  de  i'ariiste  est  un  probleme,  li  Taut  le 
deviuer  par  L:s  sigles  gothiques  E  S^  entre  lesquelles 
«e  lit  I'annee  1467.  M  de  Murr^  savant  litterateur 
de  Nuremberg  ,  dans  VHistoire  de  la  grai^ure 
avaul  le  lemps  cC Albert  Durer  (  ir.s^ree  daus  le 
«ecoud  volume  <.le  sou  Jour-bat  alieuiaud  Hes  Arts 
et  de  la  lUterature  ),  donne  la  description  d'une 
^utre  piece  soitie  de  la  main  du  me:ne  anteur,  et 
marquee  de  la  meme  i^^aniere  que  la  notre.  Elle 
represente  le  mouastere  d'Einsiedlen  enSuiss^^j  con- 
sacre  par  les  an_es.  L'ius  Tiption  porte :  Dls  1st  die 
etii^elwelli  x>a  unsrer  UebenFraube^  den  E  ins  Led' 
lea  (  Gest  La  la  consecration  faite  par  les  anges 
de  la  JSotre-Dame  d'Einsiedlen.  ) 


6g  Histoire  des  Arts, 

M.  Knorr,  dans  son  Histoire  des  artistes  ^  a 
pretend Li  que  les  sigles  en  question  devoient  s'ex- 
pliquer  de  Conrai  Sckwelnhelm ;  mais,  outre  que 
la  premiere  kttre  est  evidemment  une  E  et  non  ua 
C,  ce  Sckwelnhelm^  n'a  point  et^  graveur.  II  est 
en  droit  de  revendiquer  Li  gloire  d*une  invention 
fort  utile  encore,  ajant  ete  le  premier  qui  ait 
imprim6  des  cartes  geograpbiques  5  pratique  qu'il 
pe  quitta  qu'a  sa  niort,  arrives  en  1478.  Au  terns 
marqu6  fleurissoit  la  famille  des  Scfioens  ,  parmi  les- 
quels  le  nommQ  Martin  a  laisi^  beaucoup  de  gra- 
vures.  Si  je  ne  me  trompe  ,  il  y  eut  aussi  un  Ernest 
ou  Ernst  Sckoen,  et,  cela  etant ,  ce  pourroit  bien 
etre  la  I'artiste  auquel  appartiefit  la  gravure  en 
question,  selon  loute  apparence.  Christ  parle  de  la 
meme  gravure,  sans  oser  prononcer  sur  Texplicatjon 
du  nom  de  I'artiste.  Voyez  sou  TraltS  ^crit  en 
langue  allemande  ^  sur  Les  monogranies  des 
pelntres  ^  graveurs  et  autres  artistes.  , 


B  I  O  G  R  A  P  H  I  E. 

Notice  sur  la  vie  et  les   ouvrages    de  CristophE' 

Gabriel  Allegrain. 

iN  ou  s  V€nons  de  p6*rdre  un  de  nos  plus  habiles 
ficulpteurs,  Crlstophe-GabrleL  AUegraln  ,  que  la 
mort  nous  a  enlev6  la  17  avril  1795  (  v.  s. )  5  ^1 
^toit  ag6  de  quatre-vingts  ans  et  demi^  ^tant  116  au 
laaois  d'octobre  J710. 


Notice  5ur  AUegrain,  6g 

Cet  artlite ,  61ev^  dans  le  sein  des  arts  ,  ^toit  hd-« 
ritier  d'un  nom  deja  counu  par  des  fableaux  de  paj-« 
sages  qui  avoient  procure  a  son  pere  et  a  son  ai'eul 
nne  honorable  entree  dans  I'academie  de  peinture. 
Jete  dans  une  carriere  plus  vaste  ,  I'artiste  que 
nous  regretlons^a  rendu  le  nom  ^ Alle grain  vrai- 
ment  celebre. 

Depuis  \e  Paget  jusqu'a  nos  jours,  on  ne  con- 
Boit  pas  de  sculpteur  qui  ait  su  rendre  mieux  que 
kri /d  moelleiLX  et  la  fiaesse  des  chairs.  AUegrain 
tenoit  de  la  nature  seule  un  don  si  rare  el  si  pre- 
cieux  ;  il  I'avoit  fait  germer  en  copiant  cette  vraie 
iii^re  dels  arts ,  en  Pobservant  sans  cesse ,  et  par  ra 
travail  continuel  il  avoit  appris  a  la  bien  choisir , 
et  s'etoit  peaetre  de  la  plus  vive  ambition  d'en  ex- 
primer  les  beautt'-s. 
.  J.l  parvint  a  la  satisfaire  d^autant  plus  sureirient 
qu'il  ne  suivit  aucun  sjsteme  ^tratager  a  son  godt 
particulier. 

II  ^coutoit  avec  plaisir  les  avis  des  statuaires  les 
plus  estinlablbs  de  son  temps  ^et  s|i^cialement  ceux  de 
Pigal  dont  il  avoit  Spouse  la  soeiir  a.  I'age  de  Z2  aus  ; 
mais  il  n'a  jamais  renonce  a  la  ierme  volonte  de 
;n'altendre  de  progres  que  de  sa  niauit  re  de  voii'  et 
de  sentir.  Si  cette  luarclie  dans  les  etudes  a  I'aya©^ 
tage  de  procurer  uu  genre  de  m^ri'te  vraiment  ori- 
ginal ,  eile  a  aussi  le  grand  inconvhiient  de  soulevct 
ccHitre  soi  tons  les  liommes  a  Viei-lles  routinosw^  m 

Cependant  AUegrain  avoit  sa  vbinere  les  difKcutr 
t^s  qui  s'eloient  oppos^es  a  sen-  entree  aTacademid 
*le  peinture  et  de  sculpture.  J£Ue&  »j  remouli-odenr 


7d  Biograf'hU. 

souvent  ■  quand  on  y  apportoit  un  talent  ncuf  ef 
qu'on  n'etoit  done  ni  de  souplesse  xii  d*adresse 
d'esprit.  A'legrain  y  etoit  ignore,  quelqics  membres 
xnemele  n.^prisoient ,  parce  qu'il  avoitcru  a  la  pos- 
sibility d'atteindre  a  la  perfection  ,  en  faisant  avec 
application  les  .ouvrages  les  plus  communs  et  ks 
moins  pajes.  II  disoit  souvvnt  qu'il  avoit  employe 
son  ciscau  assez  long-temps  pour  un  ctTiaiu  Mart  n, 
entrepreneur  de  sculptures  de  batimens  ,  a  raison 
de  sept  francs  par  seniaine,  et  que  ce  genre  de  tra- 
vail n'avoit  pas  ete  perdu  pour  ses  progres. 

En  effet  il  se  pr^senta  a  racad^.mie  et  y  fut  recu 
en  1751 ,  sur  une  Elegante  figure  de  j<une  homme, 
dans  laquelle  Narclsse  nous  paroit  cette  fois  bien 
excufable  d'etre  amoureux  de  soi-merae.  Si  la  tete 
de  cpttp  fig'ire  r'a  pas  la  soLidite  ni  la  grandeur 
de  forme  de  la  sculpture  antique^  on  n'j  pent  pas 
souhaiter  plus  de  navvet^ ,  de  graces  etd'amabi- 
lit^.  Les  proportions  du  corps  ,  I' enseni'd I e  exact , 
rdunis  a  Thanronie  de  toutes  les  parties  ,  les  finesses 
des  passages ,  et  le  choix  heureux  de  ['attitude , 
rcndront  loujours  ce  pr^citux  morceau  digne  d'ua 
artiste  distingu^. 

Maisc'est  avec  une  superiorite  bien  plus  decisive  en- 
code qu*Allegrain  a  manifest^  I'^tendue  de  son  savoir 
dans  une  figure  de  Vdnns  dont  il  fut  charg^  pour  Ma- 
dame Dubarry.  Tout  ce  que  Part  de  scu^pter  pent 
pr^sejiter  de  mo/didesse  et  de  graces,  so^i  dans  Tcs 
iKcuvemens,  soit  dans  {'execution,  se  trouve  rassem- 
bl^  dans  cttte  statue  enchanteresse. 

Quelques  annees  apies  AUegrain.  fit  dans  son  ata* 


Ker  I'exposition  piibliqu€  fl'iihe  Diane  que  les  connoia^ 
Seurs  les  p'us  difficiles  jug^rent  dlgne  de  toute  leiil^ 
admi rat  oh.  Ce  rouveaii  di-'f-d'a-uvre  avoit  la  meme 
destination  que  la  Venus  *  il  rend  diix  yeux  Ie» 
TnoinS  evercps  tout  ce  qui  pruTcaract^riser  la  d^ess^ 
de  la  cbasse  et  !a  sosuf  d'Apolloii  ,  par  des  formes 
plus  soutenues  et  par  un  sfjle  plus  gravre  que  I'au* 
teur  n'en  avoit  enii-Ioje  pour  la  deesse  de  la  Voluptc'. 
La  precision  _du  caracilre  propre  n'eAciut  pas  datw 
la  belle  figure  dont  nous  par'ons,  cfs  touclies  deli- 
cates ,  ces  de'ails  fins  et  prc^cieux  ,  enfin  cefie  per^ 
fection  de  rendu  si  rare,  qui  distingueront  toujours 
les  beaux  marbres  d'Allegrain. 
.,■  .Si  cet  artiste -s'abandonna  quelqu'efois  tro-p-ft^-soft 
gout  pour  les  impressions  souples  de  la  chair,  et  s5 
par  la  quelques-unes  de-  ses^figures  reus  'TOontrent 
.unerabonpoint  un  peii'pxag^r^,  c'est  uri  defautqu*6A 
ne  pcufe  reprdclier  aux  magnifiqiies  statues  qui  furehl 
plac^es  da'nis-  le  jardin  de  Lucienne  en  1780.  Lent 
auteuT'  dut,rapres  un-tel  surc^S'V^tre  piact*  au  rang 
denes  premiers  statuaires ,  et  l*on  ne  manqivapas 
delui  proposer  Purte  de  tQ^  sfcitnes  de  marbres  d<!^ti» 
n^es  a  former  la  galerie  dcs  grands  horames  de  la 
Prance,  dans  le  ctrf^tume  de  Icur  temps.  II  la  refusa^ 
disant  «  qu'il  n'aimoit  pas  a  faire  -t'hlbmtiie  'en 
robe  de  cli'a  nbre  ».  En  efTet ,  le  meiife  de  ca  vrit 
les  beautt's  du  corps  n*etoit  pas  celiH'do.'ce'^iMncl 
sculp  eur.  -Gi r   .  . 

"  Allegrain  n'a  point  fait  dVl^ves  ;  il  es>  mrrtrrt's<:i 
sans  enfaits,  qv.oiqu'il  en  ait'-eu  plus'eu''rS'"vd»? '{JoA 
premier  manage.  Veuf  depi.ii  seize  ans^,  Il  t'»poe:^l 

]i4 


72  Biographie. 

en  17785  Utte  p'ersonne  (\^\  e^visagea  seulewient'Bans 
pp^tjB  union,  \h  bonheur  qu'on  n'j  pouvoit  tronver 
IC|U0  ,paF  !u,n  vif  sentiment  ;c}n  prix  ,  des  talens.       i 

Nous  lerminons  ici  I'eloge  d' Allegrain,  parce  que  ses 
ynoeujcs,  ii^rent  aussi  siniples  et  sa  vie  interijeu^-e  aussi 
pliscuse^que  ses  connoissances  dans  I'art  du.statuair® 
furent  etenidues,  et  que  son  merite  est  digEie  d'eclat 
et  de  c^ebrite.  •    '  - 


El  mi)  uZ:\- 


JsprifiS  jur  la  vie  et  les  qur^gts  de  ^^AN-jAC'Q.m-S 

BARtHELEMY.  •:)  "> 

jJ|,E.ji<Ji^J  AC  Q  u  E  s  B  4:B.T.H  EX  E  M  Y  naqitit  a  Au- 
J»agne,  dans  la  l^iguerie  de  Marseille,  le  20  Janvier 
ji-yi^,.  Jl  perdit  sa  m«i|R  ('M-agd-eleine.Ilastil)  a  Page 
f^qu^tj^l^g.  Son.per^  (^Joseph  BaTth^temjO'f'sieva, 
jefi,  .e3:et^;ant  de  bonne  li€«resa6€nsibTlitt;.'tt.Tou9  les 
>,j,0in3-y  ©r.rivoit-il^  ux-oiS.  perQ-incopscI^e' me  pre- 
i^  ti^Qiti,  p^r.-la  m^ini,  nje  Hjeitioit  dans  uri  endroit 
3>«.foJitfiir«  5  ii  mc  fai&oi|  aMeoiB.janpres  de^ui,  {an-' 
^  d'^it-en'  lapraes  ,  et  isn'exhortoit.  a  pleiirer-la  pliis 
»  tendj-e  des  merest  Je  -pleuroi^  et  soulageois;  sa  dou^ 
»  Ifinr.,  Gfs  scenes  attendrissante-is  et  pendimt  iong- 
»  teipps.i?efi"0uv:elei5s  *J  fipent  \ine:  profonde  impnefsioia 
»  smj.moii; coeiir ?>.  lUen  ne'«y  obli^ra ; et  c'e3t  ainsi 
qu'il  :s'e>pl-inn<Dit'€ncore;(JaAs  les  derniers  temps  de 
sa  vie.  ..       .1  •   - 

,Jj,es,  premjeies  affec'ti'bns  de-:  Tame  ne  peeis^nt 
j^<>.nG  ja;rn,^i^.  J  elles,  ^seides  pr^p^rent  et  a«surent!"le 
fiucces  de  .t'educaUc?ii«  GgMq  de  cet  enfaut 'SeiisiJjkj 


Noticd  sur  Bnrth'Iemy.  fS 

rj^ussit  sans  peine,  et  reponcHt  ^icntot  au-x  e^emrxes 
qu'on  avoit  con^ues  de  lui.  Et^nt  eutrc ,  a  Marseille  , 
au  college  de  I'Oratoire  ,  il  y.ihde  rapides  protres, 
sous  le  P.  Raj-naud,  maitre  Labile  ,  et  conn u  d«^ puis 
par  soa  eloquence  dans  les  chaiies  de  la  ca^ilale.  II 
le  quitt^i  pour  faire  ses  cour5  ds  pliilosopiiie  et  de 
tlieologie  ,  pendcint  lesquels  il  s'appliqua   serieuse- 
jrient  a  I'etud?   du  Grec  et  des  langues  orientales- 
II  sortit  du  s^minaire,  p^oetre,  assuroitTil^.dfiS  v^- 
rites  de  la  religion  ^  imiis  saus  avoir  aucuue.AVJca^ 
lion  particulicre  pour  Texercice  du  iiiinj%^re  .evan^ 
g^lique.  Le  jeune  Bartbelemy  n'avoit  4'.4Pire':  ?<-'"•- 
chant  que  eelui  de  IVtji^de,  et  d'-autre  gput  que  ceiui 
des.  ietti-ea.   II  ne.pppyoit  donc,pius'Tt^$<et)en'-prciv 
vince,  ou  Vou  a  du  temps  sans  mojens ,  des  contiTav 
dictions ^.et  point  d'e/iC()ura-i,ejnens  ;-roii  h-si^id.'es  se 
r^ti:e<fisspnt  et  les  -objets  s^^boUrsouflent.  .Sesjeuxse 
tpurner^nt  •  vecs  Paris.  En.j.aiwivarLt  (^i)  ^  Ueu*  le 
i),QnLUew  de  Iropver  dans  le  .^dvant  de  Buze  un  goide 
_su;;^t  .un  airij^ele  ,  aupres  du';utl  ilvacquit  une 
pai:^ie  do  ,ses,connois5^nces  nujjjiignialiques,  ;\"   ;'    : 
^,j  geJUes-cilui  me.viteT§<it  bjept&t  yiae:pl«c«  a:!' Aca- 
demic des  inscrip.iqns  et^  belles-lettres  (2)  ,  ct  apres 
la  niort  de  son  ami  (3),  la  garde  du  caijihct  d,s 
jnedaiUes.  Louis  XV  sCj^is^ta  -devle  nohiHier  a  eeite 
derniere  plac43  5  avant  me^ie  qtte.d'Arg«HSQn'lui  en 
eutfciit  la  proposition.  ^f>  mindsire  ^e  co^noissoit  en 
liommes  de  lettres  ,  ej,  fiOUsuGrage,:,  q»»fei  i*on:ii*obH 

'  Tt)  En  1744. 

'  '(2)  £11'  1747« 

(^3)  Jiu  1753. 


74  ^lO^rflhhig, 

lenoit  pas  ais^ment ,  valoit  bien  celiii  du  aionarquei 

Des-iors  raccroissement  dc  ce  precieux  depot  de- 
vint  I'obj  tries  so  ns  de  I'actif  B.irtlY''em -.  lis  n'^us- 
sireii*  au  point  que  le  nombre  des  medaJles  anli- 
qii?s  a  tl6  doub'e  par  I'acquisilion  de  plus  de  vingt 
mille,  tirees  dc*  differens  caliiiets  ,  fruit  de  ses  pres- 
santes  sollicitations  aupres  desministres  de  Louis  XV 
et  de  Louis  XVI.  Quelques-unes  assez  rares  soiit 
dues  a  ses  recherchesparliculiei^es  ,  dans  lui  vo  age 
qu'il  fit  en  Italie.  II  y  perfeclionna  sou  gout  pour 
lYtud:?  de^  raoi  umens  anciens  5  s'y  montra  digne  de 
sa  reputation  naissai.t.'  ,  tt  s'acquit  I'estime  d^s  horn*" 
jnes  les  plus  celebres  de  ce  temps  (i\  V^nuti  ^  Pa- 
ciaudi,  Gori,  Passeri  et  O'ivleri ,  saVans  aiitiqtifiir'es ; 
E4ouard  Corsini,  ci  ronolo|^,isle  lumineux  ;  Bosco- 
wits,  Jacquier  et  Le  Sueur,  habilesmatbeiraticiens; 
Assemanri,  gar  e  de  lat' Libli'ofh>que  du  Vatican, 
si  Vci's^  dans  la  btt^rature  syriaqus  ;  Albanl ,  Pas- 
sionei  et  Sj  inelli  j  qui  1  o.ior  i  nt  la  pourpre  romaine 
par  leur  savoir  ;  erfin  ce  Mazoccbi  dont  notre  voya- 
geur  ad:]7iroit  taut  la  piet6  ,  la  modeslie  et  ['erudi- 
tion ,  furent  ceux  qu'il  reel  ere  ha  davantage,  et  dont 
il  r.  cut  I'accue  1  le  plus  dislingu6. 

L'es'time  et  la  reputation  ne  suffisent  pas  pour 
nous  rendre  heureux  ;  c'e:^t  au  sein  de  Tamitie  qu'il 
faut  chercber  les  el(§inens  du  bonlipur.  Barthclemy 
trouva  le  sien  dans  la  cotinoissance  de  la  conitesse 
de  Stainville,  depuis  ducbesse' de  Cboiseul  ,  et  de 
son  mari ,  arabassadeur  de  France  a  Rome.  Qua- 
rarUe  ans  d'un  'attachement  aussi  pir  que  la  verlu, 

CO  En  1755. 


Xotice  snr  B.irthe'hir.y.  75 

n'avoient  pu  eflfarer  ni  affoiblir  rinipression  qua 
fuent  alors  sur  lui  les  qualiu'-s  rar?s  et  toucliautes 
de  cette  respectctble  ainie  :  il  en  racoit  lui-memCj 
cjiielque  niois  avaiil  sa  mort ,  ce  portrait  :  «  Ma- 
»  dame  la  comtesse  de  Stainville ,  a  feine  agce  d« 
»"i8ans,  jouissoit  de  cette  prol'ordo  veiieratioa 
15  qu'on  n'accorde  coiiimuiieiuent  qu'a  un  long  exer- 
»  ci.e  de  vertu.  Tout  en  elle  iiispircit  de  I'interetj 
»  son  a^e  ,  sa  figure,  la  d^licatet^se  de  sa  sant^, 
5>  la  vivacite  qui  animoit  sa  parole  et  ses  actions, 
»  le  desir  de  plaire  qu'il  lui  <^toit  si  facile  de  satis- 
«  faire ,  et  donl  elle  rajjportoit  les  s.icces  a  un  epoux, 
»  digne  objet  de  sa  tendresse  et  de  son  culte  ;  cette 
»  e  treine  sensibilitt'  qui  la  rendoit  heureuse  ou  mal- 
»  heureuse  du  bonbeur  ou  du  malbeur  desauires, 
»  enfin   cette   purele    d'arae    qui  ne    iui  pcrraelloit 

»  pas  de  soupconner  le  ma^  ,  etc »• 

Persou'ie  n'ou]:ba  moins  s.^s  a-nis  dans  la  faveur  , 
que  le  due  de  Gboiseul :  aussi  personiie  n'enconserva 
plus  dans  la  disgrace.'Cequi  pourtantseroit  un  phrno- 
jnene  dans  I'liistoiiv  du  cceur  humain,  si  ce!a  ne  teuoit 
pas  ades  ciiconslances  (|u'on  nous  di-p.^nserade  rap- 
peler.  Appel^  au  m-nistere  ,  et  jouissynt  d'un  grand 
credit ,  cet  bommp  CvlVuie  ;tra  au-devant  du  fidelo 
Barfhelenij ,  el  Tacca  la  ,  comnie  celui-ci  se  plaisoit 
a  ie.r/peler  ,  de  bienfai  s  ,  sans  amais  attendre  d'cn 
eiro  sollicilr.  II  oJiut  pour  Ini  des  pensions  sur  des 
b'-n^fices  et  des  journaux  ,  la  gramle  tr^sorerie  de 
iVglise  de  S. -Martin  a  Tours  (i)  3  enfin  il  le  nonfma 
a  la  pUice  de  s  cn'tair  -general  des  Suisses  et  Gri- 

i^i)  En  1765.  Le  produitnet  de  ce  benefice  etoitde  7000 U 


j^  BiogrnpUie, 

sons  (r).  tine  pareille  fortune  ne  Pdbloult  pas  ;  il  ne 

iui  qu'einpresse  de  la  partager  avec  des  gens  de 

iettres  qti'il  aimoit ,  et  dont  les   besoins  lui  etoient 

Connus.    Quelqiiefois    il    refusoit    pour    qu'on    leur  - 

donnat ,  et  plus  souvent  il  se  depouilloit  en  leur  , 

faveur.  L^  titrs  de  son  revenu  fut  ainsi  sacrifie  ,  oir 

plutot ,   passant  en  d'autres  mains  ,  il  ne  cessa  pas 

d'etre  pour  lui  un  objct  de  jouissance.  Cependant  il 

se  trou\^oit  encore  assez  riche ,  et  pouvoit  se  procurer 

toufes  celles  du  luxe.  Sa  moderation  Pen  pr(^^serva  ; 

il  se  permit  seuleinent  de  dire  :  ct  j'aurois  pris  une 

»  voiture  ,  si  je  n'avois  craint  de  rou^ir  ,  en  trouvant 

»  sur  mon  chemin  des  gens  de  lettres  qui  valoient 

«  mieux  que  moi  ».  Quelques-uris  d'entir'eux  ,   Irop 

ambitienx  pour  n'etre  pas  jaloux,  n'epargnerent  pas 

neanmoins  le  modesta  Barlhcleiny ,  qui  ne  repoussa 

leurs  traits  k\   »e  dejoua  leurs  intrigues   que  par  le 

fcoil  usage  de  sa  fortune.  II  oleva  troisde  ses  neveux, 

aida  le  resite  de  sa  nombieuse  famille  ,    et  vint  au 

secoursdes  infortunes,  sur-tout  quand  ils  lui  parois- 

soient  avoir  un  goiit  decide  pour  les  lettres.  C'etoit  a 

5es  jeux  une  puissante  recommandation  ;  des  etrangers 

meme  en  ressentirent  l^s  eflets.  Mais  la  bienfaisance 

et  la  generosity  ont  leurs  mysteres ,  auxquels  I'amitio 

peut  etra  initiee ,  sans  avoir  pour  cela  le  droit  de  le* 

reveler.  Parsons  do  ic  k  ses  travaux  particulicrs  ,  et 

voj'-ons  ce  que  la  litie^rature  doit  a  ses  veilles. 

Avant  de  parlir  pour  I'ltalie,  il  avoit  hi  huit  m(^ 

(i)  En  Ty68.  Cette  place  valoiL  20,000  liv.  de  rente  ,  et  avcil: 
ete  creee  pour  un  iiomme  de  JeUies  ,  Malezicu  ,  par  le  due  da 
Maine. 


Notice  sur  Barthe'lemy.  77 

moires  a  I'Acadeinie  des  belles-lettres.  Lesu jet  da 
premier  est  peu  impoiiant  ;  mais  les  autres  m('ritent, 
de  la  part  des  savans  ,  beaucoup  d'aflention.  Oa 
adinire  sa  sagacite  5  eu  expliruant  mie  anci.ime  ins- 
criplipn  qui  remonie  vers  Pan  600  avaiU  J.  C.  C'est 
une  liste  des  pretrc^sses  du  temple  d'Apoilon-Amj-- 
cleen ,  ccrite  en  boustrophedo/i  (i)  ^  a  laquelle  les 
auteur>  de  la  nouvelle  diplomatique  ,  malgre  tous 
leurs  efforts,  n'avoient  rien  euteudu.  Son  essai  da 
pala^ogiapliie  numismatique  ouvroit  une  nouvelie 
carriere  que  les  antiquaires  avoient  jusqu'alors  ne- 
gligee. Ses  reflexions  sur  ^alphabet  de  Palniyre  le 
conduisiient  a  une  d6couverte ,  celle  d'en  fixer  les 
(^k^nens  ;  et  il  demontra  que  les  inscriplions  en  ca- 
racterepalmyrenien  5  rapportees  au  nombre  de  treize 
par  Wood  {2) ,  sont  en  langue  sjriaque.  Le  ;n^moire 
qui  reulerme  ces  observations  ,  est  un  viai  clief- 
d'ojuvre  de  discussion  5  jamais  on  n'a  mis  plus  de 
critique  ,  de  savoir  ,  de  penetration  ,  d'agrement 
jiieme  ,  a  trailer  une  mati^re  si  epineuse  etsipeu  sus- 
ceptible d'int^ret. 

De  retour  en  France  ,  notre  savant  academicien- 
rendit  compte  a  sa  compagnie  de  ses  remarques  , 
dont  quclques-unes  ,  entr'autres  celle  sur  la  possi- 
bilite  de  retablir  les  inscriptions  par  la  trace  des 
crampons  ,  avoient  ^chapd  aux  observateurs.  On 
n'avoit  pu  deviner  le  sujet  de  la  belle  mosaic;ue  d^ 
Palestrine  ;  Bartlitlemj  y  t  ouva  le  voyage  de  i'em- 

(i)  C'est-a-dire  •que  les  ligacs  vont  alternativemenl  de 
^roite  a  gauche  ,  et  de  gauche  a  droite. 

(^2)  Dans  i'ouvrage  intitvile  :  let  Ruines  d>:  Falmjre  ^  p.  ^I. 


7S  Biographie. 

pereur  Hadren  en  E  jpte ;  conjectiire  bien  lieureuse  , 
qu'il  exposa  avec  aiitant  de  modestie  que  d'^rudition. 
Eiicoufag6  par  les  eloges  que  son  travail  sui*  ['al- 
phabet de  Pabnyre  lui  avoit  merit^s  ,  il  esp^ra  de 
t^ussir  encore  a  I'egard  de  celui  de  Pht^nicie  ,  bieii 
plus  important  que  le  premier.  II  en  determina  la 
valeur  de  la  plupart  des  lettres  ,  au  niojen  des  ins- 
criptions et  des  medallles.  Svyinton,  docteur  d'Oxford, 
revendiqua  la  priorite  de  quelques  observations.  Cela 
fit  naitre  une  dispute  litt^raire,  a  laquelle  on  donna 
peiit-etre  tropde  suite.  Mais  certainement  Je  savant 
anglais  n'y  remporta  pas  le  prix  de  la  politesse  ,  n£ 
celui  de  la  moderation.  D'ailleiirs  son  adversaire  sut 
tourner  au  profit  de  la  science  ceUe  dispute  ,  qui  lui 
fit  nai're  d'excellentes  idees  sur  l-'S  rapports  des 
laiigues  egjptienne,  pb(^nicirn;ie  etgre  que.  Pellerin, 
celebre  antiquaire ,  ele  a  aussi  quelques  pretentions 
sur  la  preuve  tirce  des  medailles  parthes,  en  faveuf 
de  I'opinion  de  Frcret  ,  jusqu'aloi  s  conjecturale  , 
concernant  I'tre  des  Arsa'cides  (r).  En  cette  occa- 
fiion ,  r'ftinour-propre  se  tut  Lien  tot  de  part  et  d'aulre, 
I'amilie  refusant  de  l'(^couter.  Nous  n'entrerons  pas 
dans  de  plus  grands  details  sur  les  autres  m6moires 
ou  dissertations  ,  lus,  pendant  45  ans  d'assiduit^,  aux 
seances  de  I'arademi:".  lis  sont  au  nombre  de  dix- 
sept ,  et  tous  presentent  des  re:herches  precieuses , 
des  vues  utiles  ,  et  quelques-uns  des  d^couvertes 
lieureuses.  On  n'y  trouve  ni  charlatanisme  ,  ni 
discussions  oiseuses.  Jamais  des  assertions  trop  pro- 
noncees  n'y  indisposent  le  lecteur  j  au  contraire , 

(i)  Fix^e  au  24  octohre  3ii  a^-  J.  C. 


Notice  srir  BnrthiUmj.  79 

K©iivent  les  opinions  les  plus  vraisertblables  y  sont 
proposees  en  forine  de  tloi  t 's.  Par-tout  on  r.  marque 
uii  clioix  adinirai  le  de  preuves  et  une  exactitude 
rare  dans  les  cilalions.  U:  e  critique  judicJeusey  est 
toujours  rf^uiiie  au  m^^rite  du  style.  Et  $•  P  rl  de  con- 
jeclur^-r  fail  une  pariie  es>enti-4ie  de  la  logique  , 
comme  iin  plilos)},hi  moderne ,  Dalembert  ,  I'a 
ddmontrc'^ ,  on  ne  peut  en  voir  de  meill  urs  inodele* 
que  dans  les  mt^inoiivs  dont  nous  paulo<'S. 

Au  milieu  dos  ttud/s  serieus  s,  le  labo^ieMX  Bar- 
thelemj^  se  procura  un  dc'lassemcni  ;  ce  fut  la  com- 
liosiliou  <i'un  romau^  a  la  maniere  grerque,  el  qu'il 
«upposa  traduit  du  Grer.  II  place  la  scene  au  temps 
de  Tlitsee  ,  et  les  diHcivns  exploits  de  ce  heros  for- 
inent  souvent  le  nrud  et  le  denouement  dt:s  a\en- 
tures  de  CarLte  et  de  PoLi/dore.    SJ  ,  comme  daus 
lous  les  ouvrages  de  ce  genre  ,  les  incidens  embarras- 
sent  un  yew  la  narration ,  i!s  so  it  du  mo. ns amines  ici 
avec  b'-aucoup  d'art.    L'iut:r:t  est  j^ur-tout  tres-vif . 
dans  le  Iv ."  et  dernier  livre.  On  ne  pouvoit  mieux 
finir  ;  et  la  passion  s\y  tiouve  exprim^e  av^c  autant 
<le  chaleur  que  de  verile.  EnHn  ce  petit  roman  res- 
pire legout  sain  de  ranliquit.- ,  (*\.  monii*e  c;ue  I'auleur 
la  connoissoit  parfailement.  Du  re^te  ,   il   est   eciit 
avec  une  simpli.  ite  briliante  ,  pleine  de  graces  et 
-d'el^ganc  ^  II  n:^  seroii  pas  meme  difficile  d'y  re?on- 
noitre  !a  plume  qui  devoit  nous  raconler   le  vot/a^ 
da  jeuae  AnacharsLS. 

Euelfet,  Barihelemy  m^dit  )it  d/ja  le  plan  de  cet 
iirportant  ouvrage  ;  et  bieniot  apres  il  Ira.ailla  \ 
rextcuterjde  ni^ni^rt:"a  recouciLer  av««  rtrudiUojj 


•So  Biographic. 

les  esprlts  qu'en  b.-vo\X  diM^C^^hipkUosophlshie.  Ce 
plan  devoit  tout  embras-er,  i|istoire ^jpeligion ,  philo- 
sophie  ,  arts  ,  usages  de  la  GreCe  ,  -avaiit  le  regne 
d'Alexaiiclre-le-Grand.  II  Fallot  en  ecarl.  r  les  dis^ 
cussions  penibles  ,  et  ne  fatiguer  jamais  un  lecteur 
accoutume  depuis  long.-teihps  a  n'txercer  ni  sa 
raison  ^  ni  sa  memoire  ,  et  chez  qui  I'e  tude  devenoit 
irn  tourmeut  am  jij:>u  d'etre  une  jouissance.  Cette. 
triste  verite  sert.a  justiHer  I'auteur  sur  la  forme  qu'i,! 
a  adoptee  ,  et  doiit  bien  des  personnes  Pont  blame. 
Une  marche  trop  didaitique  I'auroit  ^loigne  de  soiH 
tut,  celuide  p  laird  en  inslruisant,  Auroit-il  pu  , 
d'cilleurs,  continuer  sur  le  rneme  ton.  que  son  intro- 
duction est  ecrite  'i  JN"eanmoins  ce  superbe  propjlee  ne 
decore  point  une  masure ,  ni  un  batihient  mesquin  j 
c'est  au  contraire  Tentree  d'un  beau  temple ,  elev6 
a  la  gtoire  (flu  .peuple  le  plus  privilegl^  de  la  nature  , 
et,  par  son  geni.- ,  le  preiuisr  de  toute  I'antiquit^. 
Sans  doute  I'idee  de  faire  venir  Anacliarsis  de 
Scjthie  en  Grece  ,  pour  s'y  instruire  et  couverser 
avec  les  grands  hommes  de  cette  derniere  contree , 
n'est  pas  neuve  ;  e!le  se  trouve  da,ns  les  dialogues  de 
Xucien  (i)  ;  mais  le^dessin  de  I'ouvrage  francais  est 
beaucoup  plus  vaste ,  plus  varie ,  et  I'execution  en  a 
.^t6  pr^sid^e  par  une  intelligence  bien  superieure. 
Loind'imitercesauteursdont  notresiecleabonde,  qui 
dedaignent  de  s'instruire  avant  d'ecrire ,  Barthelemy 
emploja  trente  ans  a  I'assembler  les  materiaux  de  sou 
ouvrage.  Plus  de  20,000  citations  furent  la  base  sur 

(i) Intitules:  Scjtha  sen  hospes^  ^nac/iarsis  she  de  gymna- 

kquelle 


Notice  sur  Bartht'lemy.  8t 

liuiiic'He  il  bcilit.  Rapportees  avec  une  exactitude 
scnipuleus3,  au  bas  de  cbaqi'e  ].a<ie  ,  elles  ccartent 
to'.Ue  idee  de  fiction  que  le  c:iclre  pouvo  t  f'aire 
nailr.' ,  et  fournissent  un  mojen  fa.  lie  d.*  vrriiicalion. 
Ges  citations  n'ont  pas  ete  accumult^es,  comine  csla 
irarrive  que  trop  souvent ,  k  I'aide  des  compilations 
ou  des  tables  demalieres,  inais  d'apres  une  lecture 
reflcchie  des  textes  grecs  et  latins.  Plusieurs  articles 
en  sont  meme  d'ex-  ellentes  apaljses  ;  tel  ert  celiii  de 
la  politique  d'Aristot.^,  que  Tauteur  assuroil  lui  avoir 
coute  une  annee  de  travail.  II  consul  ot  les  p:ens  les 
plus  verses  dans  les  lanL.ues  anci  nnes  ,  sur  le  sens 
des  ]^Ki<sages  obscurs.  II  r  unissoit  ses  amis  pour  leur 
lire  diflerens  inorceaux  ;  et  il  deuiaudoit  a  ciiacun  en 
parliculier  5  suivant  I'objet  de  ses  t tudes ,  ce  qu'il 
pensoit  des  endrolts  quijavoient  qu  Ipe  ra  port* 
II  exposoit  les  difBcultes  et  proposoit  les  doutes  avec 
autant  de  grace  que  de  clart- .  Dins  la  discussion  ,  il 
mettoit  souvent  de  la  c  aleir,  ct  presque  toujours  il 
en  faisoit  -aillir  di's  traits  de  luniere.  Quelquefuis  il 
parolssoit  defendre  le  sentiment  oppose  au  sien  ,  soit 
pour  mieux  s'eclairer  lui-me  'iC,  soit  pour  manager 
davantage  I'amour-j^ropre  de  son  contradicteur  qui 
crojoit  vaincre  ,  en  perdant  sa  r^use. 

Quoique  ,  depuis  di\  ans  ,  foutes  ces  consultations 
lui  eusspnt  6te  favorabl  's  ,  et  qu'on  les  cut  •)our 
I'ordinaire  terininees  en  I'exhortant  a  public-  le 
fruit  de  taut  de  veil  les  ,  il  vou'ut  encore  prr-ssentir 
Je  gout  du  public.  En  conse' u.nice  ,  il  permit  a  ses 
arisde  fa  ir.-^im  primer  deux  frag  nens  de  son  ouvrag.^, 
le  preiuier  sur  la  musique  ,  et  le  second  sur  les  fete* 

Tome.  II  .  F 


Si  Biographie.' 

de  D^los.  Malgre  le  succes  qu'eurent  I'un  et  I'auire  , 
il  ne  se  seroit  pas  cyterinini'  a  mettre  au  jour  la 
lotaljte  ,  sans  la  mort  du  due  de  Choiseul.  Danscette 
crise  ,  I'esprit  avoit  besoin  dc  venir  au  secours  du 
coeur,  par  une  forte  distraction  ;  et  rien  n'etoit  plus 
capable  dc  produire  cet  effet  salutaire  ,  que  la  publi- 
cation du  Voyage  dii  jeaae  AnacliarsLs.  D'ail- 
leurs  I'auteur  s'etoit  ra^nag6  la  consolation  d'y  faire 
revivre  son  bienfaiteur  ,  sous  le  nom  d'Arsame  ,  et 
^y  rappeler  I'epouse  qui  n'a  cesse  de  le  pleurer  , 
sous  celui  de  Pliediine.  II  avoue  que  ces  noms  ont 
^te  bien  souvent  sur  le  point  de  se  meler  a  ces  recits, 
et  finit  par  y  ternoigner  son  desir ,  qu'apres  sa  mort , 
sur  la  pierre  qui  couvrira  sa  ceadre  ,  on  grave  pro- 
fondement  ces  mots  :  «  II  oblint  les  bontes  d'Arsame 
»  et  de  Predime  ».  Pardonronsa  la  reconnoissance,  de 
meltre  dans  la  bouclie  du  philodophe  scythe  un  pareil 
langage. 

La  resolulicm  ^tant  prise  ^  Bartlielemj  travailla 
d'abord  a  revoir  son  manuscrit.  II  s'apeKjut  de  plu- 
sieuis  lacunes  qu'il  ne  balanca  pas  a  re*nplir  ;  et  tons 
les  nouveaux  articles  ,  tels  que  ceux  de  Pindare  , 
d'Aristippe,  etc. ,- ne  portent  cerlainement  pas  I'em- 
preinte  de  la  main  d'un  septuagenaire.  Non  seule- 
ment  ii  j  fit  des  corrections  et  de.>  additions  essen- 
tielles  ,  mais  encore  il  eut  le  courage  lV'j  faire  de 
grands  relrancliem ens 5  espece  da  saciifice  qui  coute 
tant  a  la  jeunesse  ,  et  que  la  vieiilesse  se  permet 
rarement.  Son  amour-propie  ,  aussi  actif  quVclaiie , 
en  le  faisant  triompher  des  ann;§es  et  de&  infirmit(rs  , 
}ui  inspiroit  des  inquietudes  faciicuses.  A  peine  is 


Notice  sur  Barthelemy.  83 

premier  volume  eut  ^(e  imprime  ,  qu'il  voulut  le 
supprimer.  II  fallut  lui  arraclier  en  quelque  sorfe  les 
suivans  ;  i\  couchoit  liors  de  sa  maisori  ,  et  alloil  sa 
cacher  dans  celle  de  ses  amis  ,  pour  ne  pas  fournir 
de  la  copie  aiiv  ouvriers.  Enfin  ,  au  bout  de  troisans, 
fut  fiiiie  uiie  impression  qu'un  autre  auroit  iiatee  et 
fait  achever  dans  })eu  de  mois*  II  disoit  a  scs  amis , 
que  la  chute  de  sa  trlste  conipUatiO/i  ^  c'est  ainsi 
qu'il  appeloit  son  ouvrage ,  ne  lui  seroit  pas  suppor- 
table, et  qu'il  la  previendroit  5  en  ailant  s'ensevelir 
au  fond  de  sa  province. 

Les  eloges  du  public  vinrent  bientot  mettre  uii 
terme  a  ces  agitations  de  I'amour-propre  ,  d'aiUeurs 
justement  allarm^  des  circonstanc. s.  Tousles  esprits 
etoient  alors  prcoccupes  et  pcu  disposes  a  s'eclairer. 
Onne  vouloit  plus  lire  que  pour  se  con  firmer  dans 
son  opinion.  C'eloit  a  I'instant  que  toutes  les  pas- 
sions sortoient  tumultueu?ement  de  I'antre  de  la  dis- 
corde  ,  pour  bouleverser  la  surface  de  PEurope ,  I'a- 
breuver  de  sang  et  y  entasser  des  mines.  Quel  succeg 
pouvoit-on  done  esp^rer  d'un  ouvrage  compose  en 
grand  partie  dans  la  paisible  retraite  de  Chante- 
loup  ,  et  m^dite  pendant  3o  ans  ,  sans  avoir  meme 
en  I'achevant,  pense  a  la  rv^-volution  francaise  -  Rien 
lieanmoins  de  plus  complet  que  ce  succ^s  j  il  sur- 
passa  de  beaucoup  les  esperances  de  I'auteur.  Son 
premier  soin  fut  d'en  porter  un  exemplaire  au  P. 
Raynaud  qui  vivoit  encore.  Ce  respectable  vieil- 
lard  sembloit  n'avoir  attendu  pour  mourir  ,  que  de 
jouir  de  toute  la  reputation  de  son  ancien  disciple , 
place  lui-meme  au   couchant  de  sa  vie. 


84  Biografh'e. 

Elle  fut  assez  prolong^e  pour  qu'il  vit  frofs  Ml* 
t.ons  du  Forage  du  jeune  Anacliarsis  j  et  la 
Iratluclion  qu'oii  s'enipressa  cFen  faire  dans  Icsprin- 
ci  ales  laiv, lies  del'Europc.  Touly  retenlil  des  eloges 
de  cet  ouvrage.  On  se  disp-nsera  de  les  rapporter 
ici  ,  parce  qu'ils  sont  Irop  conuus.  Encore  nioins 
cli(  rchera-t-on  a  les  appr^cier  ;  le  droit  en  appar- 
tient  a  la  posU^rltL'  qui  les  confirtnera  ou  les  inodi- 
fiera  ,   en   prononcant  definitivemeiit  et  sans  appel. 

Parmi  les  reproch.^s  que  cette  posti^rite  severe 
fera,  peut-etre,a  .'A-ademie  francaise,  on  ne  coni- 
plera  pas  celui  de  u'avoir  pas  recu  Barthelemy. 
E.le  le  ftt  solliciter  en  secret  de  se  presenter  ;  il 
n'osoit  s'v  d  lerininer,  lorsqu'il  apprit  que  cette  ccm- 
pai:nie  alloil  ,  inalgre  cela  ,  proceder  a  son  Election. 
Alors  il  reniplit  sans  peine  k's  pn'liminaires ;  et  fut 
re9u(i)  d'une  voix  unanime,  a  la  place  de  Beauz6e, 
homme  vtrlueux  et  granimalrien  habile.  Dans  le 
discours  d'usage,  il  le  loua  en  style  correct  et  avec 
le  ton  simjio  de  la  vertu. 

Louis  XVI ,  qui  venoit  aussi  de  lire  Anacliarsis , 
cliart.'ea  son  niiuistre  (2),  Saint-Priest,  d'offiir  a  son 
auteur  la  direction  g^nerale  de  cette  magnifique 
l.iblioilieque  an  service  de  la:  u.  lie  il  etoit  attach^ 
depuis  pres  de  quarante  ans,  en  sa  qualit6  de  garde 
du  cabinet  des  medaiile?.  A]>res  les  24  heures  qu'on 
liii  avoit  accordces  pour  se  determiner ,  il  remercia 
le  roi  5  en  motivant  son  refus  sur  ce  qu'accoutum^ 

(i)  En  1789. 

(^3  Eu  1790  5  apr^s  la  retraite  de  Le  Noir. 


Sotice  sur   Barfh'lemy.  S5 

a  des  (rav.- ux  1  itcraires ,  il  iie  pouvoit  plus  s'occu* 
per  des  affaires  minu lie  jses  d'un  si  vaste  d^pot. 

Le  sage  Bartl'elemj  etoit  trop  jaloux  de  son  bon- 
heur  pour  se  laisser  seduire  par  l'app'\l  des  grand  'S 
places ;  et  il  savoil  trc^s-bien  que  la  viaillesse  est ,  prin- 
cipalement  pour  I'homme  de  Litres,  celle  de  toutes 
les  saisons  de  la  vie  oii  l'6tude  offre  les  jouissa  les 
les  plus  douces  et  les  plus  necer-Faires.  Au  bn.it  de 
sa  renommee,  ecartant  toutes  les  distractions  q-i'elle 
auroit  pu  encore  lui  donner,  il  reprit  done  Fes  an- 
ciens  travaux.  Une  inscription  crecque ,  qu'il  nt  nma 
niarbre  de  ChoiseuLj  en  I'honneur  du  propiicia-  e, 
ambassacleur  de  France  aupr>s  de  la  Porte  O  lo- 
mane  ,  fi^a  d'abord  son  attention.  Tout  y  fut  bienttt 
dcchiffre  ,  et  rieu  n'j  prt^senta  plus  de  difficulie  aux 
yeux  d'un  savant  si  exerce  dans  ce  genre  d'cTudi- 
tion ,  qu'il  paroissoit  posseder  seul  en  France  dei^ftiir 
la  mort  de  Seguier  (i)  ,  digne  et  vertueux  disciple 
de  I'illustre  Scipion  Maffei.  L'objel  de  cette  inscrip- 
tion n*est  point,  a  la  vcrite,  d'une  grande  impor* 
lance  5  mais  les  obseivations  dont  Tcdileur  raccoin* 
pagne  ,  sont  fort  Judicieuses  et  pleines  d'una  rare 
sagacite  ;  celle  qui  concerne  I'epoque  de  I'iniroducticn 
des  lettres  doubles  en  Grece,,  sur  \es  rtionumens 
publics  (2),  doit  desormais  servir  de  regie  dans  la 
critique  lapidaire. 

Avant   de  mettro   an  jour  cette    dissertation    sur 
le   marbre  de  Clioiseul ,    reveuant  sur    ses  pas ,  il 

(i)    Arrivee  A  Nimes  ,  en  178 4. 

(2)  Sous  Euclide,  Archonle  :\  Athcpes  ,  la  tleuxl^me  annJ« 
ac  la  XCIV.  Olymp.  ti^  av.  J.  C. 

F  3 


S6  ■  Biographic, 

avoit  examine  de  noiiveau   iin  des  premiers  ohjets 
de  ces  etudes,  I'explit  ation  de  quelques  m  dailies 
en  caracteres  samari tains.    Loin   de  la  jnslifier  ,  il 
rev^la  des  erreurs  qu'elle     ontenoit.  «  La  nouvelle 
y>  medaille  ,  disoit-il,  que  je  produis  ,  prouve  que 
3)  )e  me   suis  tronipe.  .  .  .  ».    Et ,  sans  vouloir  rien 
decider:  «  j'aiinerois  mieux  proposer  des  questions, 
»  qu'entreprendre  de  l;-s  rt^soudre  ;  et  je  ne  basarde 
5)  les  reflexions  suivantes  que  pour  en  soUiciter  de 
»  plus  propres  a  repandre.  quelque  jour  sur   ceite 
»  matiere  (i)  ».  Tel  etoit  le  laniage  de  modeslie 
que  ce  savant ,  eclaire  par  une  instruction  profonde , 
u'avoit  jamais  cesse  de    teair.  11  cc  ivoit  encore  : 
cc  Je  ne  mets  pas  beaucoup  de  prix  a  mes  produc- 
31  tions  ,    persuade  qu'av(  c  les  memes  peines  et  la 
51  merae  Constance  ,  un  autre  auroit  ete   beaucoup 
»  plus  loin  (a)  «.  Voilacertaineraent  lavraie  philoso- 
phie  du  savoir  ,  Lien  opposcf^e  a  cette  miserable  va- 
rite  d'une    fouie    d'anliquaires  qui ,  se   livrant  aux 
plus  frivoles  conjectures,  et  les  appuj  ant  de  fecher- 
clies  pueriles,  s'imaginent   faire    des    ouvrages  du- 
rables ,  tandis  qu'ils  ressemblent  a  des  horames  oisifs  , 
peniblement  occupes  a  atiacber  des  toiles  d'ara-gnee 
aux  ailes  d'un  moulin  a  vent. 

Aux  seances  de  I'acad.'mie  des  belles  -  lettres  , 
Barthdemy  n'eut  jamais  d'aufre  langage  que  celui 
dont  nous  venons  ds  citer  quelquss  traits.  II  n'oublia 

(i)  LeUre  aux  auteurs  du  Journal  des  Savans  ,  du  20 
aYril  1790. 

(2)  Letlre  a  Perez  Bayer  ,  du  29  aoiit  1780  3  ad  calc,  d« 
JS'umis  Hehoeu-Sarnarit.  p.  aic 


No  tire  siir  Barthckmy.  87 

pas  qu'il  s'(^toit  forme  dans  le   sein  et  a  I'ccole   de 
cette  compagnie  ,  et  qu'il  lui  devoit  son  existence 
litteraire.  Eii  I'illustrant  a  son  tour  par  ses  travaux 
ou  ses  decouvertes ,  il  crut  a-la-fois  s'acquitter  d'une 
dette  et  accroitre  sa  propre  consideration.   A  elle 
principalement  se  rapportoient  toutes  ses  Etudes  ;  et 
a  elle  seule  son  coeur  faisoit  I'hommage  de  ses  succes. 
La  gloire  de  ce  corps  etoit  la  premiere  do  ses  pensees  , 
et  ic  bonlieur  de  ses  membres  ,  le  plus  ardent  de  ses 
voeux.  II  en  eloit  devenu  le  doj^en  ,  lorsqu'une  des- 
truction procliaine  le  menaroit.  Son  maintien  et  ses 
paroles  exprimoient  assez  la  vive  douleur  qu'il  eii 
ressentoit.    Dans  les  dernieres  assemblees  ,    ou  se 
rendoit  encore  un  petit  nombre  de  ses  confreres,  on 
I'accueilloit  avcc  joie  ;  cnsuite  on  se  pressoit  triste>- 
ment  autour  de  lui  5  on  I'obligeoit  a  presider  5  enfiii 
on  I'ecoutoit  avec  cette  deference  et  ce  respect  que 
Page  et  le  merite  n'obtiennent  pas  toujours.   Peut- 
etre  que  dans  une  adversite  commune  les  hommes 
sont  plus  justes,  ou  moins  susceptibles  d'envie.  Ce 
qu'on  prevoyoit  avec  anxiete  ,  arriva  bientot  ;  L^s 
Academies,  qui  offrofent  depuis  trop  long-temps  I'idee 
fjicheuse  d'anciennes  corporations ,  furent  suppritnees 
par  le  meme  decret  (i).    Elles  ont  sans  doute  une 
part  assuree  a  la  reconnoissance  de   la  posterite  5 
celle  des  inscriptions  et  belles-lettres  se  Test  evidem- 
ment  acquise  ,  en  portant  le  flambeau  de  la  critique 
dans  les  tenebres  de  I'histoire,  en  ralTermissant  parmi 
nous  les  La»es  du  goiit  ,  en  y  conservanl  les  dernieres 

CO  Du  8  aout  I7g3  ,  sur  le  rapport  de  Ileuri  Gvegoire. 


8S  Biographie. 

6tinrelles  de  la  same  erudition ,  et  par  im  legs  iiiap- 
pre-  iablt.,  celiu  du  meilleur  et  dn  plus  vaster  iccucil 
de  litleialure  qui  ait  existe  iusqu'aujourd'iiUi. 

Lorsque,  dai:s  une  tempete,  lesar  resqu'ombrage 
un  clienc^  antique  sont  arracii^s  et  disperses,  celui-ci 
reste  isole  et  23resque  d^rarine.  Tel  fut  le  sort  de 
Barti  ^lemj  ,  apr'^s  la  suppression  de  TAc  adeirie. 
Cependant  il  voulut  encore  resister ,  et  tenir  a  la  vie 
par  de  nouveaux  travaux.  Ce  qu^il  avoit  errit  autre- 
fois sur  la  pal«^ographie  numis  atique  ,  n'etoit  qu'un 
e«sai  ;  il  prit  1&  resolution  de  I'augmenter ,  au  point 
d'en  faire  un  trait6  complet.  Rien  n'(^toit  pluspro:  re 
a  le  distraire,  en  ex'rrcant  sa  sapacite.  II  s'ajiissoit  de 
classer  les  medailes  les  plus  anciennes  ,  et  d'en 
trouver  I'tpoque  aproximative.  Pour  cela ,  «  il  fal- 
si lolt  examiner  de-  suites  no  ;  breuses  de  celles  des 
M  villes  et  d?s  rois  ,  les  comparer  ,  soit  entr'd'es  , 
y>  soit  avec  les  autrcs  monumens  de  I'aiitiquitc  , 
»  saisir ,  conbiner  raille  rapports  souvent  legers  et 
y>  presque  imperceptibles...  ;  remorter  a  Torigine  de 
»  la  gravure  des  medaiPes,  et,  malgre  le  silence  des 
»  historiens,  suivre  cet  art  dans  ses  opt'rations  ^  dans 
»  ses  prcgres  et  dans  les  revolutions  qu'il  a  ^prouv^'es 
»  en  difr':^rens  pajs  ;  se  faire  pour  cbacun  de  ces 
»  pa  \s ,  des  s-  stemes  particuliers  cui  se  rai -portassent 
»  tous  a  un  plus  grand,  et  qui  fut  lui-mem.e  concilie 
»  avec  I'histoire  ('es  arts  en  g(^neral  ,  et  avec  celle 
»  du  commerce,  qui  influe  toujours  sur  le  nombre, 
»  le  poids  t  la  valeur  des  especes  (i)  "•  Les  motifs 
qui    lui  faisoient  entrc-preridre  cet  ouvrage  ,    et  1» 

(i)  Acadepi.  des  inset.  T.  XXIVj  p.  dfi. 


Nofi^e  siir  Barthckmj,  8g 

desir  qii'il  avoit  ,  sinon  de  le  (Inir,  du  moiiis  de 
I'awiriCer  ,  soiit  expriiru''s  dans  ui-e  de  ses  lettres. 
«  II  faiit  se  lh:r;3 ,  y  disoii-il ,  cles  illusions  ;  e'en  est 
»  uiie  ])oar  luol  du  contiiiuer  ii  a  palcograpliie.  C'est 
»  line  diversion  pour  mes  infirnijl's  et  pour  mes 
»  peines....  Ajoutant  ensuite....  La  seule  chose  que 
»  je  regretlerai  en  mourant ,  c'est  de  ne  pas  terminer 
»  mes  Iravaux  sur  les  medailles.  Car  la  carriere  est 
»  immense  ,  et  bien  pen  de  gen-  auroient  la  patience 
»  de  m'j  suivre.  Nt'annioais  je  continue  ,  ayant 
»  besoin  de  renipiir  les  longnes  et  eiernelles  beures 
j>  de  la  joui-nee.  Autrefois  elles  me  paroissoient  tres- 
y>  courtes,  avec  de  la  ieunet.se  et  de  la  sante  ;  main- 
»  tenant  elles  out  le  poids  d'une  journee  ou  meme 
»  d'un  siecle  ,  etc.  (i)  «.  ].a  pai  tie  de  la  grande 
Grece  et  dj  la  Sicile  a  ete  presque  acluv^e  ,  et  le 
reste  auroil  pu  elre  avance  ,  sans  un  projet  qu'il 
n'eut  pas  le  temps  d'e^ecuter,  celui  de  dom.er  une 
quatrieme  Edition  du  Voyage  (VAnacliar:^ is  ^  et  ua 
recueil  de  ses  dilTerens  n^emoires  avec  d.^s  additions. 
iMais  revcnons  ;  et  qu'on  s'anvle  un  instant  sur  la 
derniere  phrase  de  sa  lettre  ;  elle  est  assez  transpa- 
rente.  Onj.voit  I'etat  de  son  ame,  moins  contrisl^e 
par  ses  propres  infortun.  s  que  par  I'iiorrible  catas- 
trophe de  ses  meilleurs  amis. 

La  revolution  ,  apres  I'avoir  prive  de  25,ooo  livres 
de  rente, e!  r:duit  au  pli  s  ^-Iroii  necessaire, I'exposoit 
encore  a  bien  d.  s  dangers-.  II  avoit  tout  a  ciaindre 
de  sa  reputation  ,  dans  c.  tte  aiVreuse  crise  oii  le 
m^rite  connu  fut  d'abord  un  molif  de  suspicion  , 
cnsiiite  un    arret  de    mort.    C  'perdant  cette  meme 

(i)  Du  2.6  prairid  j  I'an  z  de  la  Ri'publiciue, 


go  Biograj  h'e. 

Xi^piitation  le  sauva.  Deiioiic6  avec  plusleurs  mem-i 
Jires  de  la  biiilioth^que  par  un  vil  calomniateur , 
il  est  conduit  aux  Magdeloiiettes  (i)  5  les  prisonniers 
qui  &y  houvoient ,  appreiiant  son  arrivec ,  des- 
cendeut  tuus  au  bas  de  I'escalier ,  et  I'y  reroivent 
avec  une  sorte  d  attendrissement  mel^  de  respect. 
Dans  cet  intervalle ,  Danton  et  Courtois ,  avertis  de 
sa  d(itcntion  ,  font  rougir  le  comite  de  sCirete  ge- 
lier,;Ie  de  i'ordre  qu'on  lui  avoit  surpris  ,  et  a  Pinstant 
il  est  revoque.  Bartlielemj  recouvra  ainsi  sa  libcrte  , 
seize  lieures  seulement  apres  I'avoir  perdue.  La  joie 
qu'il  tn  ressentit  fut  courte  ;  chaque  jour,  son  coeur 
recevot  de  nouvelles  blessures.  Personne  n'j  pou- 
voit  plus  verser  du  bauine  ;  cetle  amie  dont  la  vue 
seuJe  le  consoloit ,  venoit  d'etre  renferm^e  dans  une 
maison  d'avret.  Du  moins  n'en  sortit-elle  pas  pour 
inontersur  un  echafaud,  comme  Bailli.,  Lepelletier 
de  Rosambo  ,  Boutin ,  Lefebvre  d'Ormesson  ,  La- 
JnoiLnon  de  Malsherbes,elc...  cesinnocentes  viclimes 
de  la  tjrannie ,  auxquelles  il  6toit  attache  par  d'au- 
cienues  et  etroites  liaisons. 

C'est  alors  qu'il  se  fit  en  lui  un  cbangement  re- 
rnarquable.  Son  amour,  de  la  gioire  parut  s'affolblir , 
et  il  s'euibarrassa  moins  de  I'avenir  pmu'  lecjuel  il 
avoit  vecu.  Xe  desir  de  plaire  ,  qui  fut  peut-etre 
sa  passion  dominante ,  dcvint  moins  sensible ,  et  son 
caractere  s'exaspera.  Tl  s'iiidignoit  contre  le  genre 
humain  ,  et  lui  prodignoit  les  epitbetes  inspirees 
par  cette  nisoLtbropie  qu'il  est  malheureuse- 
ment  si  facile  d'absoudre.  Dans  ses  acces  d'hu- 
meur  ,   il  disoit  que   la  revolution  ^toit   mal  nom- 

(i)  Le  2  SL'ptenxbi-e  1793.. 


Notice  SUV  Barth-ilemy.  qj 

xnke  ,  et  qu'il  falloit  I'appeler  une  repetation. 
A  la  verite  ,  I'action  de  cetle  Uiade  de  maux  qui 
I'alTligeoit  tant ,  se  raleiitit  un  pen  ;  mais  elle  I'avoit 
dcja  trop  ebraiile.  Le  poids  de  ses  iniirmites  s'ag- 
grava  de  jour  en  jour.  Des  accidens  assez  fr^quens 
avoient  annonco  ,  depuis  qnelque  temps  ,  I'appau- 
Vrissement  de  son  sang  ;  la  fati-ue  d'exister  devint 
moins  supportable,  les  sources  de  la  vie  etant  taries. 
Apres  une  courte  indisposition  ,  il  expira  (i)  entie 
les  bras  d'un  neveu  (2)  auquel  il  avoit  servi  d?.  pere, 
et  qui  le  soignoit  avec  une  piet^  filiale.  Une  heure 
avant  sa  mort ,  il  se  fit  apporter  Horace  ^  et  apres 
avoir  hi  ave.^  attention  la  IV.^  epiire  du  1.^^-  livre(3), 
il  demanda  la  traduction  de  ce  poete  par  Dacier  , 
sans  doute  pour  en  consulter  quelque  note.  A 
peine  eut-il  laisse  echapper  le  volume,  qu'il  entra 
dans  une  douce  agonie,  etfinit  ainsi  tranquillemcnt 
sa  carriere  ,  laissant  ses  amis  ,  dont  plusieurs  ne 
Tavoient  pas  abandonne  dans  ses'  derniers  niomens  , 
converts  des  voiles  lugubres  de  la  trislesse ,  et  abreuves 
de  celte  amertume  profonde  que  le  sensible  Tibulle 
exprime  en  ces  termes  : 

Nunc  et  amara  dies  ^  et  noctis  amarior  umbra  est ; 
Omnia  jam  trisli  tempoiajelle  maJent  (^). 

(i)  Le  3o  avril  1795   (  vicitT  style  ). 

(:i)  Bartheleniy  tk-   Courcai ,  garde  adjoint  du  cabinet  ^es 
nie'claiJles. 

(3)    peut-etre  vellechlssoit-il  k  ces  vers  : 

Onniem  cvede  diem  tibi  diluxise  supiemum  : 
did  fa  sujjciveniet  J  quae  non  speialitur  hoi  a. 

U)  ^-   -■  Eli'S-  4-  v.    W  et  12. 


9?  Biograjh'e. 

Cataiogue  r^Es  ouvrages  de  J.  J.  Barthele-my. 

Ouvrngcs    iniprhncs  sepai e'ment. 

i.o  Les  Amours  de  Carite  et  de  Polynore  ,  ro- 
man   tradiiit  du  grec  ;  1760,  iii-12. 

2.»  Lettre  au  Marquis  Olivieri ,  au  sujetde  quel- 
ques  inoiULinens  phenlciens  ^  pour  seri^lr  de  re- 
pome  a  deux  Lettres  inserees  {par  Su-inton  )  dans 
le  54.'^™'^  vol,  des  TransacUo/is  phclosophiques* 
Paris  _,   Latour^,  1776,  in-40. 

3.*^  Entretien  sur  I't'lat  de  la  musique  grecque, 
pers  le  niUleu  da  IV.'^'^e  slcde  ,  avant  L'^^re  i^uL^ 
galre  ,  in-8^. ,  1777. 

4.0  Voyage  du  jeune  Anacharsis  en  Grece  ,  uers 
Le  milieu  die  IV.cme  slcde  ^  avant  I'' ere  vul^alre, 
Paris  ,  chez  Debure  ,  1788  ,  4  vol.  111-4.°  ,  ou  7  vol. 
in-8.",  avec  ua  atlas  (  dresse  j^ar  Barbie  du  Bo- 
Cuge  ).  Seconde  edition  en  7  vol.  in-o°  ,  1789  > 
troLslenie  edition  ^  idem.  ^  ^79o- 

5.°  Discours  prononce  dans  PAcademie  francaise, 
le  mardl  ^  25  aout ,  178-;. 

6.°  Dissertation,  sur  une  aucienne  inscription 
grecque ,  relative  aux  finances  des  ^ihenlens^ 
contenant  l^etat  des  soinnies  que  fournlrent  pen- 
dant une  annee  J  les  tresorlers  d'une  calsse  par- 
tlcullere.  Paris,  ii  -  .  ,  1792. 
Dans  le  recuelL  des  Memo  Ires  de  f  Acadiinle  des 
Inscriptions  et  belles-lettres. 

l.o  Recherches  sur  le  Pactole ,  lu  en  1748,  m- 


Notice  sur  BnrthcUmy.  q3 

prinid  par  extrait ,  dans    La   partle   historlque 
des  Mem.  T.  XXI. 

2.«  R^Hexions  sur  une  mrda.'lle  de   Xerxes,   roi 
d'Armosate  ,    lu  en   1747.  T.  XXI. 

3.°  Reinarqucs   sur  u  le    inscription   d'AmycL^e 
1749)  ^1^0.  T.  XXIII.  ' 

4.°  Essni  d'une  PalJo^M'aphienu-nis:7iatiqiie  ,  inSo  , 
T.  XXIV.  1     '     >      > 

5.0  Dissertition  sur  deux  mcdailles  d'Anligonus, 
roi  de  Judee ;  1749,  T.    XXIV. 

6."  Remar.iues  sur  quelques  ni('(lailles  publicea 
par  differens  auleurs  ;  1700.   T.  XXVI. 

7.0  Dissertation  sur  les  medailLs  aiabes:  i-53. 
T.  XXVI. 

^.^  Reflexions  sur  I'alphabet  et  sur  la  langue  dont 
on  se  servoit  autrefois  a  Palmjrej  17.^4.  T.^XXVI' 
Iniprlmees  separement ,  iii-4.0  et  ia-folio.  Paris,' 
cliez   Guerln  et  Latour. 

9-*^  M^moire  sur  les  anciensmonumens  de  Rome; 
1757.  T.  XXVIIl. 

lo.o  Pa'flexions  sur  quelques  monumens  pheni- 
cienset  les  alphabets  qui  en  r.^sultent  \  17.58.  T.XXX. 

n.°  Exp  icafion  de  la  Mosaique  de  Palestine  j 
1760.  T.  XXX;  Imprlmie  sc pa  re  merit  et  a^'ec 
une  ,!6dlcace  au  cardinal  SpineUi  -  in-^.^ ,  a 
Pans,   c/iez,  Guenn  et  Latour. 

12."  Rf^li?  ions  u^uerales  sur  les  rapports  des  lan- 
gues  epyptienne,  pbenicieune  et  jire  que  :  1763. 
.Tome  XXXn. 


54  "         h'wp;rnhh'e. 

i3.o  Remarqiies  sur  quelques  m^dallles  (  des  rots 
'J^arthes  )  publiees  par  differens  auleurs-j  1761. 
T.  XXXII. 

14.0  Explication  d'un  bas-relief  egyptien  et  de 
rinscriptiou  ph^uicienne  qui  I'accompagne  5  I76i, 
T.  XXXII. 

1 5.°  Remarques  sur  le  nombre  des  pieces  qu'on 
lepresentoit  dans  le  meme  jour  sur  le  llieatre  d'A- 
thenes;   1770.  T.  XXXIX. 

16.0  Remarques  sur  les  medailles  d'Antonin  ,  frap- 
pees  en  Egvpte  j  1775.  T.  XLI. 

17.0  Mcmoire  sur  quelques  medailles  samaritaines, 
lu  en  1790,  iniprlnie  seutenietiit  par  extrait  dans 
le  ToLimaL  des  Savaas  de  cette  annce  ^  et  reuj^" 
prune  avec  une  Lettre  de  six  pages ,  sur  le 
meme  suet  ^  d  la  fin  de  l^ouvrage  de  Perez 
Bayer,  Intitule  .'Numorum  Hebreo-Samaritanoruni 
vindicice. 


JO.  Plusieurs  articles  dans  le  recueil  d'Antlquik's 
par  le  comte  de  Cajlus  ,  entr'autres  ,  une  expU- 
cation  des  inscriptions  de  cinq  autels  grecs ; 
T.  I,  p.  6r.  Conjecture  sur  une  nioniie ;  T.  II, 
p.  18.  Explication  d^une  medaitle  de  Cliio  ;  id. 
p  145.  etc.  etc. 

2,°  Deux  lettres  sur  les  raedailles  plieniciennes , 
relativement  a  La  dispute  avec  le  docteur  Swinion. 
Dans  le  Jourrial  des  Savans ,  aout^  1760,  et  no- 
vembre  1763. 

3.°  Description    des   Fetes  de    Pelos.    Hans  les 


Notice  SUV  Bar'k^I<my.  gS 

Voyages pittoresq Lie de La  Grece  ^par  M.de  Choi' 
seui-GoLifficr.  C.  IV,  p.  5o,   1782. 

4.0  Notice  ~6ur  des  peintures  iiKxicaines,  eti  nia- 
nuscrit ,  perdue. 


Alien  IE  O  L  O  G  I  E. 

Jj  E  T  T  R  E  da  citoijen  Bussol  an  reprise ntant 
Gregoire J  sur  l'ancienne   cite   de   MaN" 

BEURE    (r). 

Xj  A  situation  favorable  du  pays  de  Montbeliard , 
enfre  le  Jura  et  les  Vosges  ,  au  centre  des  d^par- 
temeiis  les  plus  abondans  en  productions  et  denrt'es 
de  tout  genre ,  aux  bords  des  rivieres  du  Doubs  , 

(t)  Ce  memoire  est  tlr^  d'un  nianustrlt  sur  Fliistoire  cle 
Wurtemberg  et  du  MoalLcliard  ,  que  I'auteur  a  commence  il 
y  a  (juelques  aunc'es  ,  et  qu'il  auroit  peut-etre  publie  dans  la 
suite,  si  par  ses  reclierches  il  etoit  parvenu  a  remplir  des 
lacunes  qui  re^toient ,  el  A  supplcer  au  defaut  des  chartes  et  des 
memoires  qu'il  n'a  pu  se  procurer.  Les  circonstances  et  le 
defaut  de  dooumens  ne  lui  permetffent  pas  de  eoutinuer 
actuellement  ce  travail  ,  et  en  attendant  qu'il  paroisse 
quelqu'ouvrage  sur  I'histoire  de  ces  pays  ,  il  a  appele  I'atten- 
tion  des  savans  sur  ces  restes  ^pars  de  la  grandeur  romaine  , 
dont  il  ne  presente  qu'un  squel^le  d^cliarne  et  sans  draperie  , 
J'ai  puise  ,  dit-il,  ces  details  sur  les  lieux  menies  ,  dans 
les  arcliives  de  Montbeliard  ,  dans  I'ouvrage  de  Schoepflin  , 
intitule  ;  ^hatla  illusirata  y  et  diplomatica  ,  dans  quelques 
fragmens  du  citoyen  Perreciot  sur  le  d^^yenne  d'Ajoye  ,  uuo 
Ancitfiine  relation  de  voyage  ,  en  lan^jue  aik^mande  ,  etc. 


j^g  Arcli/coUgk. 

.Villain  et  de  la  Luzaine,  en  fait  un  st.jo,.r  Ms.i 
aorral>!e  que  salubre.  Les  Ro^nains  sV  plurent,  et 
v^■ornle.■ent  divers  ^lablissemens,  commo  I'altestent 
les  vastesel  superbos  nrnesde  Mandeure,  Ics  ,^,stes 
d',n.  pavo  ei.  raosa-upe  ,  Irouvfs  ,  il  y  a  pen  d  au- 
n.'es  au  feax  ourg  de  Montbeliard,  plusieu,-s  por- 
tions de  rout  s  romai,.es  ,qui  traversent  ce  pays  en 
difirr.ns  sens  et  se  sont  con.ervees  jusqu'a  ce,our, 
ainsi    que  d'autres    n,on,„ne.,s  de    la    glore  de  ce 

^t:^nn:ts;::'des  peuple.  dn  Nord  le  Mont- 
heliard  a  forn.e  une  des  principa'es  d.v.s.ons  de 
rLpire,souslenunr    de    CouUe  d'Aioye  ,  co„u- 

'"^^Lff :::":;  .......  ..it .  c^r  .^^  dn 

conue  e.  la  rfeidence  des  com.  s  d  A,oye  Nous 
avons  encore  une  c'.arle  que  Boronus,  C  comte  de 
MontbcUard  o„  d'Aioye  )  peli.-fils  d'A.bicou ,  duo 
d' Alsace,  V  fit   reclig:r  en  74B. 

Ceae  g;Jnde  vi«e  ,  rapp"1<^e  d.ns  I'i.ineran-e  d'An- 
,onin  et  dans  la  ta^le  Thoodosienne     sous    e  no™ 

latitude,  dans  une  superbe  plaine,  term.nee  par  d« 
clllines  qui  s'abai.sent  en  amphith^A.res  couve.ts 
de  Vs  et  de  iardins,  ..oi.  par  sa  si.ua.on  un 
des  r^n^parts  dc  I'empire  remain  e.  le  s.ege  dun 
;Ld  commerce,  la  riviere  du  Doubs  ,  alors  nav:- 
Lble,  traversant  cette  helle  vallce  ,  coupo,.  la  vd  e 
r^d'eu.    Portons  P-^'^l^^Vii  c.n" 

rt:v:^:r:r:;£:onLtrou.een.re 


Antiquites  de  MandeHve.  q^ 

<Jevs  vestiges.  En  suirant  les  ruiiies  entassees  quel'on 
voit  encore  desle  village  de  Bourguignon  ,  a  I'ernbou- 
cluire  du  Doubs  ,  pros  du  pont  de  Roide  ,  jusfjues 
au  village  de  Valentini&n  ct  au  coteau  de  BeJieu  ; 
on  voit   que  la  longueur  de  celti3  aiicicnne  cile  etoit 
d'environ  deux  lieues ,  et  sa  largeur  d'un    quart  de 
lieue  en  plusieurs  endroits  ,  comnie  depuis  le  chateau 
de  la  Motte  jusqu'au  rocher  de  la  Colusse  et  de  Va- 
lere^  en  d'autres  endroits  eile  etoit  plus  larc^e.  Elle 
^toit  protegee   par  quatre  forleresses  ou    chateaux, 
clui  de  la  Motte  qui  dominoit  presque  toute  la  ville 
et  avancoit  dans    son  centre  ,   celui  de   Belieu    qui 
fennoit  le  passage  du  cote  d'AUeniagne,  et  devant 
le([uel    on   voit  encore  une  voie  militaire  qui   con- 
duit a  Besanr  on  et  a  Bale;  le  chateau  de  Chamabon  , 
au-dessus  do  Mathaj,  sur  le  bord  du  Boubs,  et  le 
chateau  Julien  ,  que  I'empereur  Jalien-l'Apostat  fit 
bdtir  pres  du   pont  de  Roide  ,  pour  fermer  encore 
mieux  le  passage  d'Aliemagne  ,  et  pour  arreter  les 
incursions  despeuples  du  Nord,  qui  menacoient  deja 
de  ces  cotes  I'empire  remain. 

L'origine  de  cette  ville  se  perd  dans  la  nuit  des 
temps.  Suivant  les  religieux  de  Cusance  ,  dans  les 
Acles  de  S.  Ermenfroi,  r6dig('s  vers  I'an  720,  elle 
fut  ibndee  sons  I'empereur  Vespasien  penda  it  la 
guerre  de  Judt  e  ;  mais  il  y  a  quelques  raisons  de 
croire  qu'elle  ne  fut  alors  qu'agrandie  ,  bltie  a  la 
romaine  ,  et  qu'elle  est  d'origine  celtique.  Au  reste, 
sans  m'arreter  ici  a  des  recherches  de  ce  genre,  je 
rne  bornerai  a  faire  mention  de  ce  qui  est  parvenu 
Tome  11  G 


^^g  ArcJ.ceologie. 

a  notre  connolssance  clans  ties  lemps  posterieurs ,  et 
des  mines   qui  subsistent  encore.  ^ 

Celte  cil6    magnitique  ,    a  laqnelle   sa    situation 
avantageuse  devoit  assurer  une  plus  longue  dur6e  , 
ji'existe  plus  aujourd'hui  que  dans  ses  ruines  silen- 
cieuses,  et  dans  quelques  villages  dont  on  a  retenu 
son  nom.    On  y  retrouve    encore    les    villages   de 
Mathaj  ,  Majeslas-,  celui  de  Valentinien  ,  celui  da 
Bourguignon  ,  et  le  pent  de  Roide  ;  de  ch^tives  ca- 
banes  couvrent  les  fondations  d'un  temple  ou  d'un 
palais  ;  la  charrue  se  traine  a  travers  les  decombres 
de  marbres ,  de  tuileaux ,  les  fragmens  de  colonnes 
et  de  statues.  Le  murmure  isole  des  flots  et  la  voix  de 
quelques  agriculteurs  se    font   seuls   entendre  dans 
cette  vallee  jadis  couverte  d'une  immense  population  , 
et  du  bruit  tumultueux  d'un  grand  commerce  ,  des 
arts  et  du  luxe.    J'ai  vu   I'habitant  de  ces  lieux  , 
fouillant  le  sein  de  ce^  vastes  debris  ,  decouvrir  les 
murs  de  plusieurs  grands  edifices  ,  des  fondemens 
nombreux ,  des  portions  de  rues  larges  et  droites  , 
couples  par  d'autres  rues  transversales^  en  tirer  des 
pierres  et  des  marbres  pour   batit  sa  cliaumiere  , 
puis  recombler   ses   fouilles ,  et  ces  restes  de  palais 
avec  leurs  colonnes  et  leurs  marbres  ,  et  la  charrue 
re  tracer  ses  sillons  par-dessus. 

Mais ,  malgre  un  long  oubli  et  les  ravages  des 
siecles,  tout  retrace  ici  la  magnificence  de  la  plus 
graude  des  nations.  Par-toTit  on  foule  aux  pieds  la 
brique  romaine  et  des  fragmens  de  marbre  de  toute 
couleur3  par-tout  on  y  delerre  des  restes  de  batimens  j 


Antiquitis  de  M  and  cure,  g« 

des  troncons  de  colonnes ,  des  sculptures ,  des  statues 
des  fragmens  d'inscriptions ,  des  pieces  de  bois  sculp- 
tees  et  a  demi-brulees  ,  des  medailles  et  d'autres 
monumens.  A  toutes  les  maisons  du  village  de  Man- 
deure  ,  on  apefcoit  des  pio-es  de  coniiches  ,  ou 
d'autres  pieces  d'ancieniie  arciiitecture  5  on  j  trouve 
ties  rn^dailles,  des  unies  ,  des  vas,  s  sculples.  Une 
s'est  meme  ^tablie  sur  un  pave  de  mosaVque.  On 
trouve  a  Sfoulgapdz  et  a  Besancon  d'amples  collec- 
tions de  medailks  et  d'autres  monumens  provenant 
de  Mandeure  ,  et  des  amateurs,  qui  y  out  scjourne, 
ont  form6  en  pen  de  temps  des  cabinets  d'antiquitcs  5 
on  a  place  dans  le  jardin  d'Etupes  cfe  belles  mines  et 
des  colonnes  qu'on  a  tirces  de  Mandeure.  En  1741  , 
on  envoja  au  celebre  professeur  SclioepQin  une  co- 
lonne  millaire,  qui  portoit  cette  inscription  :  IMP. 
NERVA.  TRAJANO  C^S.  AUG.  GERM.DIVI. 
JN^ERVA.  I.  P.  M.  TR.  P.  .-.  P.  COS.  II. 

En  1753,  on  J  trouva  la  statue  d'un  Druide  tres- 
i»ien  conservee.  Elle  fut  envoyee  a  Beiancon  ,  ou 
Ton  voif  aussi,  entre  autres  monumens  dc  Mandeure, 
rinscriplion  d'un  temple  dcdie  a  Castor  par  un  cer- 
tain Tullius  ,^  CASTORI  SACRVM.  TULLIUS. 
EX  VOTO  ;  unHerculegaulois,  d'airain,  uue  co- 
lonne  milliaire  qui  por.'e  le  noni  de  "Erajan  et 
Vesunt,  M.  p.  xxxxiix  5  dos  amuletles  en  bronze, 
des  urnes  de  verre  et  de  terre  cuite,  des  amies  ,  des 
casques,  des^pees,  des  statues.  Le  beau  cabinet  do 
medailles  et  d'autres  antiquites  ,  appartenant  au  due 
de  Wurtember-  a  Stoulgardz  ,  a  reru  de  ricbes  sup- 
plemens  de  Mandeure  ,  parti.ulici-einent  sous  le  due 

G  2 


100  Ardceologie. 

Fr^d^rlc ,  qui  avoit  ordonne  de  remettre  au  Celebre 
Baubin  son  m^decin  ,  tout  ce  que  Fon  y  d^couvriroit 
de  remarquable.  On  lui  remit  entr'autres  une  grand© 
table  de  marbre ,  portant  que  Elavius  Catulus  l^gua 
joixante  et  quinze  niille  deniers  remains  pour  faire 
garnir  le  bain  de  marbre.  On  y  trouva  des  medailles 
d'or  ,    d'argent   et   de  cuivre  ,    jusqu'au  temps  de 
I'empereur  Gratien  (  qui  fut  tue  en  386  )  ;  les  phis 
nombreuses  furent  celles  des  empereurs  Jules-Cesar  , 
Auo^uste  5  N^ron  ,  Vespasien  ,  Domitien  ,  Antonin  , 
Philippe ,  Constant ,  Commode  ,  Trajan  ,  Constantin  , 
Gratien  ,  Gordien  ,  Hadrien  ,  Alexandre ,  Aur^lien , 
Constantin    le    jeune    ;   celles  de  Divse  Fauslinae , 
Plautilloe  Aug. ,  etc.  Quelques  particuliers  de  Mont- 
beliard  se  sont  forme  des  collections  assez  precieuses  , 
corame  celle  du  citojen  Duvernoj  et  le  medailler 
que  I'on  a  envoje ,  il  J  a  quelques  annees ,  au  cabinet 
du  prince  Czartoriski.   H  y  a  pen  d'ann^es  que  1@ 
citoyen  Parrot  ,   fouillant  ces  mines ,  y  trouva  un 
grand  nombre  de  choses  antiques  ,  des  medailles  ,  des 
statues  5   des  anneaux ,  des  pierres  precieuses  ,  des 
sarcophages_,  des  urnes,  un  trident  de  Neptune  ,  etc. 
II  d^couvrit  un  Edifice  immense,  dont  le  has  etoit 
conserve.  Le  marbre  dont  les  cot^s  ^toient  plaques  , 
les  fours  de  brique  places  sous  le  pave ,  de  grandes 
platines  et  caisses  de  plomb ,  des  canaux  de  meme 
jn^tal  qui  y  aboutissoient ,  et  tout  I'arrangement  de 
ee  batiment  montroit  qu'il  avoit  servi  aux  bains  pu- 
blics. Plusieurs  annees  auparavant ,  on  en  avoit  em- 
porte  des  canaux  de  plomb  ,  pesant  plus  de  dix  mille 
livres,  qui  6toient  placds  pres  de  la  fontaine  Mailiere, 


Antiquites  d"^  Mandeure.  ic« 

'd*ou  ils  porfoient  I'eau  dans  les  fonlaines  de  la  ville 
et  dans  les  bains  publics ,  places  les  uns  au  bas  de 
cette  fontaine,  les  autres  au-dessous  dii  chateau  de  la 
Motfe.  On  voit  encore  les  fondemens  d'un  temple 
dans  Tendroit  qu'on  appelle  Montoile,  et  les  restes 
d'un  amphiteatre  au  milieu  de  la  ville  ,  contre  le 
Doubs.  Quatre  families  de  Mandeure  et  de  Mathay 
portent  encore  les  noms  de  Lentulus  et  de  Varron,  et 
se  pretendent  romaines. 

Tout  semble  attester  que  cette  grande  ville  a  et^ 
detruite  par  une  irruption  soudaine  et  par  le  feu  ; 
mais  on  ignore  en  quel  temps.  Suivant  une  ancienne 
tradition  du  pays,  Altila  s'ttant  rendu  maitre  de 
Mandeure ,  dans  son  passage  par  les  Gaules  ,  or- 
danna  de  la  bruler.  Eu  ^-ain  les  preposes  de  la  ville 
et  un  peuple  immense,  prosiernes  dans  la  grande 
place  devantce  conqu^rant5!es  femmesetlespetits  en- 
fans  lui  teudant  les  bras  ,  implorerent  sa  clemence  ; 
Atlila  ,  qui  s'etoit  montr^  gen^reux  ailleurs  ,  fut 
inflexible  ;  il  repeta  d'une  voix  ferme  :  «  Qu'on  em- 
brase  cette  ville  ».  O  mandatuin  durum  !  comman- 
dementbarbare !  s'ecria  ce  peuple  malheureux.  A  I'inst 
tant  cette  magnifique  cite  est  en  fiammes  et  ses  habitaa- 
sont  disperses.  La  tradition  porte  que  ces  dernieres  pa- 
roles de  la  nation  expirante  ,  changerent  l*anciea 
nom  de  cette  cite  ,  et  donnerent  a  la  nonvclle  ville 
qui  sortit  de  ses  cendres  ^   le  nom  de  Mandeure. 

II  est  vraisemblable  qu'Allila  ne  laissa  pas  der- 
Tiere  lui  une  place  si  forte  ,  en  Iraversant  les  Gaules. 
Toutes  les  monnoies  qu'on  a  trouv(^es  dans  les  rui- 
nes  3  sont  des  tcuips  antcrieurs  a  celte  epoque ,  ej 

G  3 


102  Archceolof^it. 

Ton  n'en  a  decouvert  aiicune  des  empereurs  qni 
Tout  siiivie,  ce  qui  sembic  ajouter  quclque  poids  h, 
cette  date. 

Mais,  quoi  qii'il  en  soil ,  Mandeure  reparoit  encore 
qnelques  siecles  apres  Atlila  ,soit  qu'on  I'eut  relevee 
de  ses  mines  ,  soil  que  ceilo  parlie  alt  ete  conscrv^e  , 
ce  qui  paroit  plus  vraisembla])le  ,  a  la  vue  des  mines 
que  Ton  d^couvre  encor-.  Au  commencement  du 
huitieme  siecle ,  les  religieux  de  Gusance  en  parlent 
comme  d'une  ville  considerable  (  dans  les  Actes  de 
St.  Eniienfroi  5  rediges  v.^rs  Ian  720  ).  Nous  avons 
deja  cite  un  acte  que  Boronus  y  fit  rediger  en  748? 
et  sur  la  fin  du  neuvieme  siecle ,  Guj  de  Ravenues 
en  parle  deux  fois  ,  en  la  nom'mant  cii'ltas  Man- 
droda.  On  ignore  en  quel  temps  et  par  quel  fleau 
elle  a  et6  detruite  une  seconde  fois  :  mais  ce  der- 
nier malheur  a  du  etrs  encore  plus  terrible  et  plus 
durable  que  la  furcur  des  barbarcs  ,  puisqu'elle 
n'a  pu  se  relever  des  ruines  sous  lesquelles  elle  est 
restee  ensevelie  jusqu'a  ce  jour  ^  et  que  son  peuple 
nomfcreux  a  et^  detruit  avec  elle.  II  n'j  a  ,  suivant 
Perreciot  (  dans  un  fragment  sur  le  Doyenn6  d'An- 
joy®  )  ?  que  le  bras  pesant  de  la  fecdalite  qui  ait  pu 
I'antantir  ainsi.  Dans  ces  derniers  temps  ,  les  comtes 
d'Ajoje  avoient  fix^  leur  residence  au  chateau  de 
Montbcliard  ,  situe  a  une  lieue  de  Mandeure ,  sur  un 
bit  de  roc  vif ,  d'oii  est  venu  le  nom  de  ce  chateau 
de  la  ville,  qui  fut  insensiblement  donne  a  tout  le 
comt^  ,  dont  la  portion  du 'Porrentruj  a  conserve 
jusqu^a  ce  jour  I'ancien  nom  d'Ajoye. 
Cet  ancien  comte  s'etendoit  ires-loin^  et  compre- 


Anhquites  dc  Mandeure,.  io3 

noit,  outre  le  coint^  actuel  de  Montbeliard  avec  Ics 
sept  terres  qui  en  onl  ete  arrarliees  en  1748  ,le  comle 
de  Ferrette ,  la  ville  et  seigneurie  de  Belibrt ,  Por# 
rentruy  et  le  pays  d'Ajoye ,  le  comte  de  la  Roche,. 
la  baroiiie  de  Granges,  les  terres  de  Clerval  et  Pas- 
savant. 

Quant  au  village  qui  en  a  toujours  fait  partie , 
il  etoit ,  comme  tout  le  pavs,  divise  en  petits  fiefs 
d^pendans  du  comtd  de  Montbeliard.  Les  princi- 
paux  etoient  celui  des  Montagnons  et  celui  des  sei- 
gneuries  de  Grandvillers.  Le  premier  a  ete  reuni 
au  domaine  direct,  le  second  a  el^  vendu  ( je  crois 
en  1222  ),  avec  Papprobation  du  comte,  a  Tarclie- 
Veque  de  Bcsancon  :  la  mouvance  est  res  tee ,  quoi- 
que  ces  eccl^siastiques  n'aient  pas  continue  h  repren- 
dre  de  fief,  les  loix  feodales  les  en  ajant  dispenses. 
Aujourd'hui  il  se  trouve  reuni  a  la  Republique 
francaise  ,  avec  tout  le  reste  du  comte  de  Mont- 
beiiard  (r). 

(0  II  esL  mallieureux  ,  qu'alnsi  qu'il  I'a  annonce  dans  sa 
note,  le  citoyen  Bussol  ne  puisse  pascontinuerses  reclierches  et 
ses  travaux  sur  Mandeure  (jui  est  trts-peu  connue  et  qui 
inerite  plus  d'attention.  Nous  ne  connoissons  sur  cette  citd 
que  les  Merits  cites  par  I'auteur  dans  sa  note.  Cependant  I'aca- 
demie  de  Besancon  doit  aussi  possederquelques  niemoires  sur 
celte  ville.  Le  Long  ,  dans  sa  bibllothcque  de  la  France,  en 
cite  un  ,  ainsi  qu'une  dissertation  de  J.  B.  Guillaume  , 
membre  de  cette  academie ,  sur  une  statue  antique  ,  renjenne» 
dans  une  niche  ,  que  V oh  trout'a  en  17^.3  j  sur  le  ierritoire  da 
Mandeure.  Nous  saisirons  cette  occasion  pour  demander  qu'on 
ne  Inisse  point  perdre  les  meraoircs  manuscrils  de  differenles 
academies  ,    parce  qu'il  y  en  a  plusieurs  de   trC-s-imporlaii* 

G  4 


LITTRATURE     L AT INK 

CoNjvn.iriON  DE  CaTilina  contre  la  Rc'publique 
Romahie,  par  SallusTe  ,  noiwellemenf  traduite  sur 
les  meilleurs  editions  de  cet  auteur  ,  avec  un  dis- 
cours  priliminaire  et  des  notes  litteraires  et  poll- 
tiqucs  ;  par  J.  B.  L.  J.  Billecocii  ,  citoyen  fran- 
cais.  Epig.  Qjiafju&  ipse  miserrimavidi  ,  in-i6  de 
iSg  pages.  Paris  ,  de  rimprimerie  de  Crapelet, 
an  3.*^,  i-jgb  {vieux-style  ).  Maradan  ,  rue  da 
Cimetiere-Andre-des-Arcs.  Prix  6  liv.  et  7  liv. 
10   s.  ,  franc  deport  par   la  poste. 

Xj'acteur  de  cette  traduction  noiivel'e  est  deja 
avantageusemtnit  conn-A  dans  les  lettres.  Jusqu'ici  il 
paroissoit  s'crre  attache  de  preference  aux  ouvrages 
modernes,  sur-tout  a  ceux  oii  I'on  trouve  les  moeurs, 
les  usages  ,  les  productions  ,  les  singularites  des  autres 
pays:  traducteur  fidele  de  Pallas j  de  le  Long ^ 
et  de  Mear^ ,  on  lui  doit  la  justice  qu'il  n'a  pas 
fait  de  son  travail  une  occupation  de  routine  ,  ou  une 
affaire  de  librairie  ,  ce  qui  nVst  arrive  que  trop 
souvent  dans  ce  genre  d'ouvrages.  Un  stvle  soign<^.  , 
des  notes  curieuses ,  des  rapprochemenspiquans  pour 

pour  I'liistoire  des  vllles  et  des  departetnens  :  il  seroit  aussi 
tres-important  que  lecomite  d'instruclion  publique  donnatdes 
ordres  pour  receuillir  tout  ce  qu'on  pourroit  retrouver  k 
Mandeure  ,  et  en  general  pcur  la  conservation  des  monumens 
antiques  ,  dont  on  s'occupe  jnalheureusement  beaucoup  trop 
peu.  A.  L  M. 


Conjuration  de  Cntilina.  io5 

robservateur  pbilosophe  ,  des  reflexions  judicieu  ses 
qui  annoncent  un  esprit  exerce  a  la  meditation ,  carac- 
terisent  ce  que  le  citojen  BLlLecocq  avoit  deja  fait 
paroitre. 

AiiJQurd'hui  il  presente  au  public  un  essai  d'un 
autre  genre.  G'est  une  lutte  centre  un  des  ecrivains 
les  plus  precis  et  les  plus  energiques  de  Pantiquit^. 
Sa  traduction  est  prccedee  d'un  discours  preliminaire  , 
dans  lequel  il  expose  les  motif's  qui  Pont  deci(te  a 
I'entreprendre ,  il  donne  avec  modestie  son  jugement 
sur  les  principaux  traducteurs  qui  Ton  devance  ,  et 
rend  compte  des  principes  qui  I'ont  guide  dans  la 
traduction. 

On  compte  un  as;e^  grand  nombre  de  traduc- 
tions francaises  de  Salluste.  Les  plus  eslimees ,  celles 
qu'on  lit  aujourd'hui  ,  sont  celles  du  president  Do 
Brasses  ,  du  citojen  D.ottevUie  ,  religieux  de  /'O- 
ratoLre^  et  de  Beau:i>ee.  Le  citojen  Billecocq  a  eu 
sur  les  divers  traducteurs  ,  I'avanlage  de  vivre  dans 
un  temps  plus  analogue  a  celui  oii  6crivoit  Thistoriea 
ialin  ,  et  la  ressemblance  frequente  de  positions  , 
de  circonstances  ^  de  luttes  et  de  factions ,  a  du  le 
mettre  plusenc^-tat  d'elever  son  stjle  a  la  liauteur  des 
pensees  de  Salluste. 

On  ne  peut  donner  1«  nom  de  traduction  a  celle 
du  president  de  Brasses ,  qui  scmble  n'avoir  cboisi 
Salluste  que  pour  trouver  une  accasion  de  placer  a 
la  suite  de  ses  ouvrages  les  supplemens  qu'il  avoit 
prepares  lui-rmeme  ,  et  qu'on  regarde  comnie 
d'e.\celleiis  raorceaux  bistoriques. 

La  traduction  du  P.  Dotici'Ute  est  la  meilleure. 


yoG  Litte'rafure  latine. 

Fidele  sans  ctre  litteral,  il  s'attaclie  au  texte,  rnais 
ne  s'j  asservit  pas  scrupiileusemenl.  On  desireroit 
en  Iiii  plus  de  rapidittS  dans  le  recit ,  plus  decarac- 
tere  dans  \es  portraits,  eJ  sur-tout  plus  demouvement 
dans  les  harangues.  Mais  ces  d^fauts  sont  rachetes 
par  un  grand  norabre  d*expressions  heureuses ,  par 
une  diction  elegante  et  pure  ,  et  par  une  attention 
peut-efre  irop  soutenue  a  Her  ensemble  les  idees  de 
sonauteur.  Trois  (Editions  succesgives  fontassez  I'eloge 
des  travaux  de  cet  estimable  litterateur. 

Bcaux^ee  ,  habile  grammairien ,  et  foible  traduc- 
teur  ,  e.^  diffus  et  pesant ,  ou  sec  et  froid ,  peu  noble 
dans  son  sljle,  et  quelquefois  meme  tout-a-fait  tri- 
vial ;  et  ce  sont  precisement  les  defauts  les  plus 
contraires  au  gtnie  de  Salhiste  et  aux  qualit6s 
n^cessaires  pour  le  traduire. 

Le  citojen  Bitlecoq  rend  compte  ensuite  des  prfn- 
cipes  qui  I'ont  dirige.  Ce  sont  ceux  d'un  de  nos 
meilleurs  ipaitres ,  le  celebre  Duinarsais.  lis  sont 
exposes  dans  sa  Metliode  raisonnee  pour  apprendre 
la  Langue  latine  ^  excellent  ouvrage  ,  dont  la  r^im- 
pression'fait  honneur  au  discernement  du  libraire 
c[\\\  I'a  entreprise  ,  et  qui  doit  rester  sans  cesse  entre 
les  mains  des  jeunes  gens  qui  etudient  la  langue  des 
Romains.  Le  resultat  de  ces  principes  est  en  subs^ 
tance,  que  le  traducteur  doit  parler  comine  fau- 
tear  auroit  parte  j  s''U  ai^oit  ecrit  en  La  langue  dco 
traducteur. 

La  traduction  nouvelle  nous  a  paru  noble  ,  fidele, 
Elegante  ;  et  il  est  vrai ,  comme  le  traducteur  s'en 
flatte  ,  qu'il  j  regne  plus  de  clialeur  et  d'energie  que 


Conjuration  de  Catiline.  JO? 

clans  les  precedentes.  Quelques  moiceaiix  donnrroiit 
line  idee  de  sa  maiiiere.  Nous  detachefonsle  portrait 
de  Catiliiia,  son  discours  a  ses  complices  ,  et  le  por- 
trait de  Sempronie  ;  et ,  pour  donner  a  nos  Iccteurs  le 
plaisir  du  rapprochement ,  nous  placerons  le  te.xte 
avant  la  traduction. 

Catilinae  indoles.  L.  Catilina  ,  nohili  genert 
natus  ^fuit  magna  vl  et  animi  et  corporis  ,  scd  ingcnio 
mala  ,  pravoque  :  huic  ah  adolescentia  bella  intestina  , 
cades  ,  rapince  ,  discordia  civilis  ,  grata  fuere  :  ihiqvx 
juventutem  suam  exercuit.  Corpus  patiens  media  , 
algoris  ,  vigilia  supra  qudm  cuiquam  credihik  est  : 
Animus  audax  ,  suhdolm  ,  varius  ,  cujuslibet  ret 
simulator  ac  dissimuJator  ,  alieni  appetens  ,  sui  pro- 
Jusus  ,  ardens  in  cupiditatibus  :  satis  eloquentia  , 
sapientice  pariim  ,  vastus  animus  immoderata  ,  incre- 
dibilia  ,  nimis  alta  semper  cupiebat....  Animus  im- 
purus,  aits  hominibusque  infestns  ,  neque  mgiliis,  neque 
quictihus  se  dare  poterat.  ltd  conscientia  mentem  ex- 
citam  vesahat  :  igitur  color  ei  exsanguis  ^  Jxdi  oculi , 
citus  modo  ,  modo  tardus  incessus  :  prorsus  in  facie  , 
vuUuqucvecordia  inerat. 

Portrait  de  Catilina. 
«  Lucius  Catilina,  ne  d'une  famille  patricienne  , 
avoit  rGcu  de  la  nature  iine  ame  forte  et  un  corps 
robuste  ;  mais  son  esprit  etoit  nnechant  et  deprave. 
Des  ses  premieres  anne'es,  les  guerres  intestines,  le 
ineurtre  ,  le  pillage  et  les  dissensions  civiles  avoient 
eu  des  charmes  pourlui.  C'est  au  milieu  de  pareils 
jeux  qu'il  exerca  sa  jeunesse.  II  supportoit  la  faira , 


lo8  Litter ahire  Laiine. 

les  veilles ,  le  froid  ,  avec  iine  patience  Incrojable. 
Hardi ,  fourbe ,  souple  ^  habile  a  tout  feindre  comme 
a  tout  dissimuler  ,  avide  du  bien  d'autrui ,  prodigue 
^VL  sien  ,  ardent  a  I'excrs  dans  ses  passions ,  il  avoit 
assez  d*(^Ioquence ,  mais  peu  de  Juperaent.  Son  genie 
vaste  asplroit  sans  cesse  a  des  choses  extraordinaires  , 
mcroyables  ,  sup(5rieures  a  ses  forces...  Ce  nionstre  , 
^galement  ennemi  de  Dieu  et  des  homnies,  ne  pou- 
Voit  trouver  de  cabne ,  ni  dans  les  veilles ,  ni  dans  le 
repos,  tant  son  ame  inquiete  6toit  bourrelee  par  le 
remords.  Le  visage  pale  ,  I'oeil  trouble  ,  la  demarche 
lantot  lente ,  tantot  precipit^e ,  tout  en  lui  annoncoit 
la  m^chancete  et  la  fureur  ». 

Nous  n'avons  a  faire  ici  qu'une  critique  l^gere  , 
encore  la  soumettons-nous  au  jugement  du  traducteur 
iui-meme.  Le  mot  de  monsire  nous  paroit  trop  vague 
pour  rendre  celui  d* animus  impurus ,  qui  signifie 
un  coeur  gdt6  ,  gangrene.  Peut-etre  Fauteur  ,  qui 
sans  doute  en  a  senti  I'cnergie  ,  a  voulu  y  suppleer  en 
report  ant  le  mot  de  ni6ckanceti  a  la  fin  de  la 
phrase,  et  en  I'ajoutant  a  celui  dejureur  qui  rend 
vecordia  ;  mais  ce  supplement  n'est  pas  un  equi- 
valent. Nous  ferons  la  meme  observation  sur  le  mot 
trouble  ^  par  lequel  I'auteur  \\?idimi  J oedl  oculi  ^ 
tiait  d'une  grande  force ,  au  lieu  que  trouble  est  foible 
et  n'offre  rien  de  precis. 

Ca'ulinae  oratio.  JVi  virtus  f  des  que  vestra  satis 
spectata  mihi  foret  ,  nequicquam  opfwrtuna  res  ceci- 
disset :  spes  magna  dominationis  in  manihus  frnstra 
fuisset  :  neque  per  ignnviam  ,  aut  vana  ingenia  ,  m- 
certa  pro  certis  cap  tar  em  :  sed  ,  quid  midtis  ct  magnis 


Conjuration  de  Cntiiind.        .  109 

femptstatibus  vos  cognovi  fortes  Jidosqut  mihi  ,  ed 
animus  ausus  est  maximum  atque pulcherrimum  faciitus 
incipere  ;  simul  quid  verbis  eadcm  ,  qua:  mihi ,  bona 
malaque  esse  inteile\i  :  nam  ,  idem  vellc  atque  idem 
nolle  ,  ca  demiim  jirma  amicitia  est.  Sed  ego  ,  qua 
mente  agitavi  ,  omnes  jam  antca  diversi  audistis  : 
caterum  mihi  in  dies  magis  animus  accenditur  ,  ciim 
considero  qua;  conditio  vitas  Juiura  sit  ,  nisi  nos- 
metipsos  vindicamus  in  liber tatem  ;  nam  postquam 
respublica  in  paucorum  potentium  jus  atque  ditionetn 
concessit  ,  semper  illis  reges  ,  tetrarchce  vectigale: 
esse  :  populi  ,  nationes  stipendia  pendere  ;  cueteri 
omnes  ,  strenui  ,  boni  ,  nobiles  atque  ignobiles  ^ 
fuimus  sine  gratia  ,  sine  auioritate  ,  his  obnoxii  , 
quibus  ^  si  respublica  valeret  ^  Jormidiiii  essemus  : 
itaqne  omnis  gratia  ,  potentia  ^  honos  ,  divitia  apud 
illos  sunt  ,  aut  ubi  illi  volunt  :  nobis  rediquerurU 
pericula  ,  repulsas  .,judicia  ,  eges tatem  :  qua  quousque 
tandem  patiemini ,  fortissimi  viri  ?  Nonne  emori  per 
virtutem  prastat ,  qudm  vitam  miseram  atque  inho- 
nestam  ,  ubi  alienee  sapientia  ludibrio  Jueris  ,  ptr 
dedecus  amittere  ?  Veriim  enim  vero  ,  proh  Deum 
atque  hominum  Jidem  I  victoria  in  manu  nobis  est: 
viget  cetas  ,  animus  valet  :  contra  illis  ,  aiinis  atque 
divitiis  ,  omnia  consenuerunt.  Tantiimmodo  tncepto 
opus  est  ,  catera  res  expediet  :  etenim  quis  mortalium 
€ui  virile  ingeniym  est  ,  tolerare  potest,  illis  divitias 
superare  quas  projundant  in  extruendo  mari  ,  et 
montibus  coaquandis  ,  nobis  rem  familiarem  etiam 
ad   neccssaria    deesse   ?    Illos    binss  ,    aut    amplins 


310  Litterature  Lat'inc. 

domus  continuare  ^  nobis  larem  famillarem  nusquam 
ullum  esse  :  cum  tahulas  ^  signa  ^  toreumenta  emunf , 
nova  diruunt  ,  alia  cp-dificant  ,  postremo  omnibus 
modis  pecuniam  trahunt ,  vexant  :  tamen  summa 
lubidine  divitias  suas  vincere  nequeunt  :  at  nobis  est 
domi  inopia  ,  forts  oss  alienum  :  mala  res  ,  spes 
multo  asperior  ;  denique  quid  reliqui  habemus  , 
prceter  miseram  animam  ?  Quin  igitur  expergiscimini  ? 
en  ilia ,  ilia  quam  sape  optastis ,  lihertas  :  prce- 
t^ed  ,  divitia  ,  decus  ,  gloria  ,  in  oculis  sita  sunt ; 
Jortuna  ea  omnia  victoribus  pramia  posuit  :  res  , 
tempus  ,  pericula  ,  egcstns  ,  belli  spolia  magnijica  , 
magis  quam  oratio  mea  vos  hortenticr  :  vel  imp'e- 
ratore  ,  vel  milite  me  utemini  :  ncque  animus  ,  nequ& 
corpus  a  vobis  aberit  :  hkc  ipsa  ,  ut  spero  ,  vobiscum 
una  consul  agam  :  nisi  forte  me  animus  fallit ,  et 
vos  servire  magis  ,    quam   imperare  ,  parati  estis. 

Harangue   deCatilina. 

«  Si  votre  courage  et  votre  devouenient  nem'e- 
toient  sufiisamrnent  connus  ,  en  vain  le  moment  fa- 
vorable seroit  arrive  j  en  vain  I'esperante  d'un  grand 
pouvoir  s'ofifriroit  a  nous  ,  et  je  n'exposerois  pas 
avec  des,liommes  foibles  et  sans  caractere ,  le  cer- 
tain pour  Uncertain  ;  mais  plusieurs  fois  et  dans 
des  temps  difficiles  ,  j'ai  eprouve  votre  audace  et 
votre  fidelite  ,  et  c'est  ce  qui  m'a  determine  a  i'cn- 
treprise  la  plus  genereuse  et  la  plus  bardie. 

»  Je  sais  d'allleurs,  depuis  long-temps,  qu'il  ne 
peat  y   avoir  pour    vous  d'heureux  ou    de  fujaesle 


Canjuration  de  Caidina.  irr 

que  ce  qui  Test  pour  moi-meme  ;  car  to u] ours 
voutoir  ou>  ne  pas  vouloir  une  trume  chose  , 
Voila  li  solide  aniilie.  D6ja  chacuiide  vousa  sdparc- 
ment  appris  de  moi  les  projels  que  je  medite.  Mon 
coeur  s'j  enhardit  de  plus  en  plus,  lorsque  je  r^fle- 
cliis  au  sort  qui  nous  attend  ,  si  nous  ne  savons  bien- 
t6t   nous  rendre   libies. 

Depuis  que  le  gouveruement  est  devenu  comme 
ia  propriete  d'un  petit  nombre  d'hommes  ,  desrois, 
des  tetrarques  se  sont  reudus  leurs  tributaires  5  des 
peuples  5  des  ^lats  leur  paient  des  impots  :  quand 
a  nous  5  citojens  genereux  et  guerriers  pleins  de 
courage  ,  nobles  ou  plebeiens ,  nous  n'avons  plus  ii& 
qu'une  multitude  grossiere  ,  sns  credit ,  sans  auto- 
rite  5  soumise  a  ceux-la  meme  dont  elle  eut  et^  l*ef- 
fioi ,  si  larepublique  etoit  ce  qu'elle  doit  etre.  Aiusi, 
puissance,  lionneurs  ,  richesses ,  influence,  tout  est 
entre  leurs  mains  ,  ou  du  moins  par-tout  oil  il  leur 
plait :  ils  nous  laissent  a  nous  les  dc.ngers  ,  les  re- 
buts ,  les  flelrissures  ,  la  misere.  Jusqu'a  quand  souf- 
frirez-vous  enfia^  braves  compagnons?  Mourir  avec 
courage,  n'est-ce  pas  un  sort  plus  digne  de  vous 
que  de  terminer  dans  I'opprobre  une  vie  malheu- 
reuse  et  deslionor^e,  tristes  jouels  de  quelques  su- 
perbes  dominateurs  ?  et  cependant,  j'en  atteste  les 
dieux  etleshommes  ,  la  victoire  est  dans  nos  mains. 
Chez  nous  ,  la  vigueur  de  I'age  et  la  force  de  I'ame  ! 
cliez  eux,  une  vieillesse  acceleree  par  la  mollesse 
et  par  les  annees  !  II  nous  suffit  d'oser,  te  reslc  se 
/era  de  sol-mime.  Quel  est  en  effet  ie  liornauh 
aucjueL  U  res^e  encore  L'encr^le  d'un  koninie  ,  qui 


^j2  Litter ahire  Latine. 

pulsse  voir  sans  indignation  ces  sang-sues  regorger 
des  richesses,  et  les  dissiper  follement  en  batissant 
sur  les  mers  ou  en  applanissant  des  moutagnes  ,  tan- 
dis  que  nous  manquons  du  plus  etroit  necessaire; 
clever  palais  sur  palais,  tandis  qu'a  peine  avons- 
»Gus  quelque  part  le  plus  humble  %er ;  acheter 
des  tableaux,  des  figures,  des  va^es  de  prix  ,  de- 
molir  leur  maisons  toutes  neuves  encore ,  pour  en 
construire  d'autres  ;  enfin,  tourmenter,  fatiguer  leurs 
revenus  sans  pouvoir  ,  meme  a  foice  deprodigali1^s> 
eonsommer  leurs  ricliesses  ?  Nous ,  cependant ,  quel 
est  notre  partage  ?  la  misere  au-dedans,  au-dehors 
des  creanciers,  des  affaires  en  desordre ,  un  avenir 
plus  affreux  encore.  Que  nous  reste-t-il ,  en  un  mot , 
L'une  deplorable  existencb  ?  R6veilIez-vous  done 
entin  :  la  voici ,  la  voici ,  cette  liberie,  objet  de 
vos  6ternels  desirs  ,  et  avec  elle  les  richesses,  les 
honneurs  et  la  gloire.  Telles  sont  les  recompenses 
reserv^es  par  le  sort  a  neureux  vainqueur.  Que 
cet  espoir,  que  la  circonstance ,  que  le  danger, 
que  les  besolns,  que  les  depouilles,  eclalantes  ,  que 
toutes  ces  considerations  vous  animent  plus  que  toutes 
n.es  paroles.' Je  serai,  moo  ,  chef  occ  soidat  ;  man 
corps,  mon  ame  sont  tout  enliers  h  vous;  et  qnel- 
que  jour,  ]e  Pespere,  fait  consul  par  vous,  ^e  re- 
glerai  avec  vous  nos  interets  communs,  a  moms 
foutefois  que  mo,,  audace  ne  me  ^--^ '^^  ^^ 
vous  ue  soyez  plus  disposes   a  re-.eNo:r  la  loi  qua 

''l^:ierveronsd'abovdquelemc.yZ..-'est 
.,..c  exactement  rendu  par   le   u^ot     UevouemeaL 


Conjuration  de  Catilina.  ll3 

II  faut  faire  attention  que  Catilina  parle  a  des^gaux  ; 
car ,  comma  I'a  dit  Lucain  avec  tant  di  precison  et 
dYnergie,  faanus  quos  inquinat  _,  cequat ;  et 
Catilina  est  frop  adroit  pour  debuter  par  un  ferme 
qui  presenteroit  une  idee  de  superiorite  de  sa  part  j 
aussi  se  sert-il  d'un  mot  noble  ^Jides ^  qui  n'exclut 
pas  I'idee  de  I'cgalite. 

VesperancG  •'^un  grand  pouvoir^  esttrop  va^ue. 
Catilira  tranche  le  mot  :  La  doniination  ,  et  cette 
esperance  n'est  pas  une  illusion  :  spes  cert  a  do- 
tnltiationis.  Je  ri' expo  serai  pas  te  certain.  II 
semble  que  la  sev  ri;e  de  la  langue  exige  :  je 
ne  risquerai  pas.  Toujours  voulolro  ll  ae  pas 
vouloir  une  mime  cho^e  _,  paroit  marqi'er  d'ele- 
gance  et  en  n.erae  temps  d'exactitude.  Cat'lina  ne 
dit  pas  une  meme  chose.  C'est  Lien  plus  ;  c'est  la 
conformite  de  tons  les  intcrets  qui  peuvent  aniir.er 
!es  hommes  :  eadem.  lis  nous  laissent  a  nous ; 
le  traducteur  a  bi.'n  senti  la  force  de  cette  oppo- 
sition ;  Nobis  reLuquai  sunt ,  peut-etre  seroit-elle 
encore  plus  marqu.'e  ,  si  I'on  commencoit  comme 
le  latin  :  a  nouSj  Us  nous  Laissent.  Jusqu'd.  quand 
le  souffrirex^-vous  enjin ,  braves  conipagnons  ? 
'Enjin  ne  paroit  pas  heureusement  place,  llapnel- 
Ions-nous  Boileau. 

D'un   mot    mis   en   sa   place    anseigna  1«  pouvoii-. 

Lie  reste  sefera  de  soL-meme  _,  ne  rend  pas  rh^oani- 
ment  le  tour  heureux  du  latin  _,  ccetera  res  expe- 
diet.  Quel  est  eneffetle  Roinain  auquei  U  reste 
encore  L'energie  d^un  homme  qui  pulsse  ,  etc.  y  le 
latin  est  d'une  simplicite  plus  expressive.  Ce  n't'st 
Jome  II  J£ 


114  Litierature  Latine 

pns  memede  t'encrgie  que  Catilina  dismantle.  C'csl 
iniiqiK-MiieiU  te  ca  racttre  cV  ho  mine  j  virile  Lrigenuun^ 
On  desireroit  cl'ailleurs  que  la  phrase  fat  dobara;see 
deces  vclatils  qui  rcndeiit  sa  uiarche  pes  uile  ,  qucL  , 
auq  el  J  qui.  Les  recompenses  rdservces  par  te 
sort  dil  a  Vheureux  va'uiqueur.  Ici  I'epilhetii 
afFoiblit ;  vainqueur  dit  tout.  Ce  n'est  pas  a  un 
^crivalil  qui  annoiice  autaiit  de  gout  que  le  C.  Bil- 
Iscoq  qu'ilfaut  diie,  avec  Voltaire,  que  le  plus  grand 
eimeini  du  substaiifif  e^t  I'adjectif.  Je  serai ,  moi, 
i:'aef  OIL  soldat.  Le  traducteur  reniarque  dans  line 
note  qn'il  a  dans  lesplirases  suivantes  tacliederendre 
plus  sensible  ,  i^^v  les  7T>us  multipl  es,  I'intenlioii 
qu'a  cue  Calilina  de  paroitre  associer  entJerement 
«on  sort  avec  celui  de  ses  complices,  et  n'avoir  avea 
eux  qu'ua  seul  et  meme  interet.  Cette  remarque 
annonce  une  etude  approfoiidie  ,  non  pas  seulement 
de  la  lettre,  maJs  du  g^nie  de  la  langue,  et  de  I'ar- 
tiuce  de  I'ecrivain.  Mais  par  la  raeine  raison  on  re- 
grettera  de  ne  pas  trouver  dans  la  traduction  I'art 
extreme  qu'il  j  a  dans  ce  mot  ,  si  simple  en  appa- 
rence  :  rae  dace  aat  niilite  utemini ^  qui  semble 
faire  dependre  de  la  volonte  des  complices  le  role 
que  doit  joucr  Catilina,  et  son  abandon  sans  reserve 
a  cette  espece  de  decision  ,  utemiiii. 

Oil  voit  que*,  raalgre  ces  critiques  que  nous  don- 
nons  pour  notres  et  non  pas  pour  bonnes  3  ce  dis- 
cjurs  a  de  la  liberte,  da  la  vi3  et  de  la  clialeur, 
et  ne  paroit  pas  se  resssntlr  de  la  gene  d'une  tra- 
duction. Au  reste  nous  invitons  ceux  de  nos  lact.^urs 
qui  aiment  les  rapprocbemens  ,  a  mettre  en  opposi^ 


Conjuration  de  CatUina.  1,5 

tlon  celui  que  I'abb^  de  S.  Real  met  dans  la  bou.h* 
^ieReaaud  dans  la  conjuration  de  Venise  ,  el  qui 
a  de  grandes  beautes. 

Semproni^  indoles.    In  hu    erat   SemUron^  , 
qu^  multa    scBoe    vtrilis    audacice  ficinora   commi- 
serat  :  hcBc    vudier    genere    atque  Jormd  ,  incetereci 
viro  atque  liberh  satis  Jorlunata  Juit  ;  iittens  grcecis 
et  laUnis  docta  ;  psalUre  ,  saltarc  degantius  ,  rjuam 
necesse    est   prober  ;    ,nulta    alia  ,   g.ce  inslrumenta 
lu.iu-m  sunt;  sed  et   canora    sember   omnia  ^    qudm 
decus  atque  pudicitia  fuit ;  pecumce  an  famae  minus 
Parceret^  hand  facile   discemeres  ;   lubidine  sic  ac- 
censa  ,   ut  scepiits  peteret  vivos  ,  quam  peter etur  ;  sed 
ea  sc^pe  ante  hac  Jidem  prodiderat ,    creditum  abju- 
raverat,   ca^iis  conscia  fuerat  ,   luxurid  atque  inopU 
Pra^ceps    ahierat  ;    verum   ingenium     ejus    hand    ab- 
^urdum  ;  posse   versus  facere  ,  jocum  movere  ,    ser- 
^lone   uti    vcl  modesto  ,    vel    niolli  ,    ../  procaci  ; 
prorsus  mul  tee  facets  ce  ,   multusque  kpos  inerat. 

Portrait    de    S  e  im  p  r  q  .m  a. 

«Parm.  cesfemmos  on  comptoitSempronia  ,  dont 

see  r  t.  ^""^  ^'"-^  --S-  au-dessus  de  sou 
sexe.  Cette  femnie  ,  distinguec  par  sa  naissance  et 
parsa  beaute,  henreuse  epouse  ,  heureuse  mere, 
avoit  une  grande  connois.ance  des  langues  .recrrue 
enatme.  Elle  chanto.t  et  dansoit  avec  ^lus  cC^ac 

en"  o2eT'''''  '  ""  '"""^  ^"^^"^^^  '  ^'  P--Io't 
c^es  mo^eu.  de  l^atmage.    Tout  enfin  ctolt  J.n 

H     3 


n6  Litteraturt    Latint. 

J^ius  grand  prix  pour  clle ,  cjue  la  piideur  et  t<% 
r6>ewe  de  son  sexc.  On  auroit  pu  facilemcnt  dis- 
cerner  ce  (|u'vlle  in^nag'^oi!  be  plus  ,  on  de  sa  for- 
tune ,  on  de  sa  teputalion  ,  itaat  paruenue  a  co 
point  de  dissolution,  quVlle  rechercb.oit  plus  soiivent 
ies  Lommes  qu'elle  n'en  etoit  rechercliee.  D^ja  , 
plusieurs  fois ,  elle  avoit  trahi  sa  foi ,  raenti  a  sa 
conscience  en  niant  des  despots  ,  particip<^  a  des 
as^rjssinats  ;  en  un  mot ,  I'amour  de  la  debaucbe  et 
Texlreme  hesoin  I'avoient  precipitda  dans  tous  Ies 
exces.  Du  reste  ,  elle  avoit  un  esprit  agreable ,  com- 
posoit  fa  ilement  des  v  rs,  plaisantoit  avec  grace  , 
et  parioit  tour-a-tour  le  langage  de  la  modestie  ,  de 
la  tendresse ,  ou  de  la  licence  5  enfin  ,  elle  ctoit  rem- 
plie  d'a;.  remens  et  de  charmes  ». 

Nous  avons  quelques  legeres  critiques  a  faire  sur 
ce  |:assag'3.  Voici  la  premiere.  Apr^s  ces  mots  ,  eUe 
posscdoLt  en  outre  beaucoup  d'atUres  taiens  qui 
ne  soai  Cfue  des  niojjens  de  Libertinage  ^  le  tra- 
du.  teur  ajoute  :  tout  enfin  itoit  d'un  plus  grand 
prix  pour  eUe  ,  que  La  pudeur  et  la  riserue  de 
sonsexe.  Ce  tour  de  phrase  s'emploie  ordin:\irement 
pour  terminer  une  enum^raiiou  ,  el  il  serable  que  ce 
ii'est  pas  la  sa  place.  L'auteur  a  commeiice  par  nous 
peindre  Ies  avantapes  de  Sempronia,  et  il  y  oppose 
ensuite  ses  vices  et  ses  exces.  Aussi  retrouve-t-on 
dans  sa  phrase  le  signe  de  I'opposition.  Sed  ei,  ca-^ 
riora ,  etc.  :  ce  qu'il  ne  falloit  pas  manquer  de 
rsndre  ,  comme  I'exige  la  suite  naturelle  des  id^es... 
Cett3  traduction  ,  La  pudeur  et  La  reserve  de  son 
sexe  J  manque  ,  selon  nous  ,  d'exactitude.  Le  latia 


Conjuration  de  Catilina.  jtf 

dit  decus  et  pudicitia  :  decus  est  la  riputation^  de 
La  vertii  qu'on  exige  dans  les  femmes,  commc  pa- 
dlcitia  en  est  la  reatite.  Si  I'auteur  eut  voulu 
exprimer  la  deceiice  ,  il  auroit  employe  le  mot 
decor.  La  seconde  critique  a  pour  objet  cetfe  tra- 
duc.'ion,  qui  nous  paroit  presenter  un  sens  louche  et 
presque  contra-re  au  sens  de  I'auteur  :  on  n^auroitpio 
facUenient  dlscerner  ce  qu'elle  nicnageolt  leplus 
de  sa  fortune  oll  de  sa  reputation.  Pecuniae  an, 
fanice  minus  parceret  ,  d't  Salluste.  II  semble 
qii'il  faudroit  lb  dioinc.  Un  gout  severe  trouveroit 
peut-etre  aussi  quelque  chose  de  repr^tiensible  dans 
cette  addition  ,  qui  rend  la  phrase  un  peu  trainaute  s 
^tant  pari^enue  dice  point  de  dissolution^  etc. 

On  jugera  sans  doute  ces  critiques  m  nutieuses. 
Nous  n'avons  pas  besoin  de  dif-e  qu'elles  ne  nous  sont 
inspirees  que  par  I'amour  des  lettres  et  par  I'  oteret 
du  gout.  Au  reste ,  des  remarques  de  cette  nature 
tournent  a  la  gloire  d'un  auteur  ,  pirca  qu'e  leS 
prouvent  moins  la  subtilite  de  la  critic/ae  que  la  }  er- 
fection  de  I'ouvrage. 

Le  citoven  Billccocq  annonce  la  suite  des  ^c  f« 
de  Saliuste ,  c'est-a-dire ,  sa  Guerre  de  JugurlLa^ 
et  ses  deux  Lettres  d  Ccsar\,  sur  les  moijeicS 
d'administrer  la  Republique  (  de  Republica  or^ 
dinandd)  :  lettres  trop  peu  lues  ,  trop  peu  mediti'ee 
peut-etre  ,  et  dans  It'squelles  Sallujte  d^^ploie  un© 
grande  connoissance  des  besoins  d'un  Etat  ,  et  des 
talens  ntcessaires  h  ceux  qui  le  gouvernent.  Le- 
premier  coup  d'esscii  du  traducteur  fait  augurer  favo- 
jublementdu  reste  de  son  travail.  Nous  ne  pouvoua 

H  3 


ii8  Littirature  Lathe. 

que  I'exhorter  a  le  coiitinuer ,  et  a  pronver ,  par  cet 
exemple  ,  que  le  j^out  des  lettres  anciennes  n'est  pas 
encore  6teint  parml  nous ,  comme  il  prouve  ,  par  Ics 
notes  qui  tenninent  sa  traduction  ,  que  ,  dans  son 
esprit  ainsi  que  dans  sou  cceur,  I'idee  etle  sentiment 
de  Liberld  sont  inseparables  de  ceux  de  raison  , 
d'juunanit^  ,  de  lumieres  ,  et  sur-tout  de  vertu. 


MELANGES. 

Penseks  et  anecdotes  tirees  dhin  manuscrU 
d'Heha  ult-Sechelles. 

Quel  est  le  pere  de  la  gloire  ?  Le  g^nie.  Quelle 
est  la  mere  du  genie?  La  solitude. 

Pour  I'a^Tie  qui  a  ('te  occupee  par  les  passions  , 
il  n'j  a  plus  que  la   gloire. 

On  demandoit  a  Neivton  comment  il  avoit  pu 
faire  ses  grandes  decouvertes.  II  repondit  ;  en  les 
ckerchant  toujours  ^  mot  sublime  qui  s'applique 
a  tout. 

L'esprit  ne  voit  que  les  ressemblances ;  le  jug^ 
nient  et  le  genie  voient  les  differences.  C'est  que 
les  objets  se  ressemblent  par  les  cot 's  les  plus  gros- 
siers  ^  au  lieu   qu'ils  different  par  les   plus  delicats. 

On  a  bien  dtfini  le  hasard  le  cours  Inapercu  des 


Fense'es  et   Anecdotes..  ucy 

*horp5.  T!  n'y  a  point  de  basard  :   mais  nous  Tap- 
pelons  ainsi  ,  lorsque  noui;  ne  vovons  pas  la  cause^ 

Locne  a  tivs-bien  dit  qua  lo  teinps  if  est  que  la 
succession  de   nos  pensces. 

Oui  Trait  iittention  aux  mots,  trouveroit  souvent 
braucoup  d'idees  dans  un  seul.  Jc  me  recree  n'est 
autre  chose  pour  le  vulgaire  c|U3  juuer  a  la  paume, 
aux  cartes,  etc.  j  pour  le  philosoplie ,  ii  y  voit  une 
seconde  creation  ,  par  laquclle  on  se  retire  soi- 
meme  du  neant. 

M.  Turgot  avo"t  fait  une  cliaine  sjstemafique  de 
toutes  ses  idees,  et  il  liait  chaque  cliose  a  une  autre. 
Cela  peut  etre  fort  bonj  mais  il  faut  savoir  aiors  de- 
tacher au  besoin  un  anneau  de  sa  ciiaaie,  ct  nca 
pas  la  trainer  toute   entiere. 

Tout  raisonnement  juste  est  une  dccouverte. 
J'ai  vu  applaudir  de  simples  raisonnemens  denwcs 
d'eloquence,  mais  frappans   par  leur  justesse. 

La  douleur  a  des  charmes  ,  sans  doute,  et  cela  est 
heureux  pour  I'liomme  destine  presqu'exclusivement 
au  mallieur.  Mais  avant  d'altendrir,  il  faut  y  pre- 
parer ;  autremcnt  les  larmes  ne  viendront  pas  ,  cl^\^QU 
que  touchant  que  soit  ToLjet,  et  des  urnes  sans  dou- 
ceur ,  mais  non  sans  art ,  o])li^•nd^ont  ce  que  des  cen^ 
dres  reelles  n'ont  pu  arracher.  J'cn  ai  un  cxemple 
sous  hs  yeux.  A  Falaise ,  M.  de  Tourny  a  r^- 
pandu  dans  differentes  parties  de  son  jardin  les 
tombeaux  de  son  lere,  de  sa  ieiume  ,  de  sa  fille^^ 

>t4 


I20  Melanges. 

de  son  amie  et  d*une  momie.  Crolriez-vous  que  le 
mieux  enterr^  de  tout  cela  c'est  la  momie  ?  EUe  est 
au  fond  d'un  noir  souterrain  ,  oii  trente  marches  cou- 
duil^it  ,  tandis  que  le  pere,  la  femme,  la  fille, 
I'ami  sont  jetcs  en  plein  (hamp,  comme  des  bette- 
raves.  Aussi ,  je  l^avoue ,  quelqu'interessantes  que 
fussent  ces  inscriptions  :  a  ma  feinme  _,  A  mon 
pere  ,   d  niajitie  _,  je  n'ai  plear^  que  la  momie 

La  plupart  des  gens  qui  ont  fait  des  livres,  ne  les 
ont  fait  que  pour  etudier  eux-m^mes.  C'est  peut- 
elre  une  des  raisons  qu*il  y  a  tant  d*ouvrages  foibles. 

II  J  a  deux  especes  de  caracteres  fermes  j  celui 
qui  attaque,  celui  qui  resiste. 

II  faut  mettre  son  ambition  loin  de  soi ;  il  faut 
la  placer  dans  I'avenir  ^  a  une  distance  oii  les  hom- 
ines ne  puissent  pas  I'atteindre. 

II  y  a  deux  especes  de  g^nie ;  le  g^nie  de  Pes- 
prit,  le  genie  du  talent.  Le  g^nie  de  I'esprit  cree 
des  rapports,  le  genie  du  talent,  des  expressions j 
CorneiUe  a  le  premier,  Racine ^  le  second. 

Franklin  est  I'homme  du  slecle,  dont  la  destin^e  a 
^te  la  plus  extraordinaire.  Egalement  grand  ,  ^ga~ 
lement  cr^ateur  dans  les  deux  genres ,  la  nature  et  la 
soci^te  ;  teraoins  Telectrlcite  et  la  hberle  de  l'Ani6- 
rique  ;  il  a  fait  avec  la  finesse  et  I'etendue  de  sa 
raison ,  ce  que  les  autres  font  avec  leur  enthousiasme. 
II  observoit  tout,  il  decouvroit  >^ans  cesse.  J'ai  oui 
dire  que  sou  foyer  nueme  6toit  entoure  de  ses  d^cou- 


Pense'es   et  Anecdotes.  121 

vertes.  Homme  calme,  tranqiiille,  liuinain,  simple, 
etre  indopeiidant ,  il  se  promit  de  bonne  heure  d# 
n'accorderson  assentiment  qu'aiix  objets  qu'il  verroit, 
apres  les  avoir  biei.  regard^s.  11  pen^oit  quel'uomme 
peut  faire  lui  seul  sa  sante.  II  ciloit  avec  complai- 
sance   cette  pens^e  de  Salomon  ;  UkoininG   sage 

porte  ses  Longues  annees  dans  sa  main II 

en  tie  dans  tout  moins  de  fortune  qu'on  ne  croiL 

Le  fonds  d'lm  grand  talent  est  toujours  beaucoup 
de  raison. 

L'araour  ne  nait ,  ce  me  semble  ,  que  de  la  physio- 
nomie  et  des  man  teres. 

Les  grands  homnies  ,  ceux  qui  Ic  sont  ,  soit  par 
leur  caractere  ,  soit  par  leurs  talens  ,  vivent  seuls.  lis 
en  ont  le  besoin  et  k'  goU.  lis  ne  se  communiquent 
aux  autres  hommes  que  dans  leurs  actions  publiques 
et  solemnelies. 

II  me  semble  voir  beaucoup  d'hommrs  sur  un  toit : 
Ics  uns  tombent ,  et  les  autres  glissent ;  la  vi^i  n'est  pas 
autre  cbose. 

Je  regarde  les  cordons  bleus  et  les  cordons  rouges 
CO  in  me  des  ficelles. 

C'est  un  grand  merite  que  la  sagacite  dans  les  ou- 
vrages  d'esprit  :  cliez  les  aucieus,  ou  tout  ctoit  neuf , 
elle  s'exercoit  sur  les  sentiraens  les  plus  naturels  j 
cliez  les  modenies,  dont  ['instrument  est  forme,  elle 
doit  s'exercer  sur  les  sensations  les  plus  fi>jes  et  les 
plus  dctournees.  II  me  s^nable  beaucoup  plus  difficile 
d'etre  un  moderne  qu'un  ancien. 


3  2S  MelnjiufS. 

Que  cle  geMs  prouvcnt  q>\e  Von  pent  etre  mcVliocrp, 
lUQ'.ue  avec  de  I'esprit!  c'est  que  la  grandeur  et  la 
sijpei  iorile  viennent  de  Tame. 

II  est  important  de  bien  dehuter.  Les  Lommes 
jugiDt  toujours  au  ])ren-.ier  coup  d'oeil  ,  et  leurs 
jugemens  ne  sont  gueres  que  la  rep^iition  du  premier. 

II  V  a  devx  sortes  d'esprit  philosophique  ,  celui 
qui  generalise ,  celui  qui  observe.  Le  second  est  en- 
core plus  precieux  et  plus  rare. 

Pour  les  hommes  ncs  avec  un  pen  de  talent ,  il  n  y  a 
que  deux  sortes  de  livres  a  lire  ,  ceux  qui  font  penser  , 
et  ceux  qui  conliennent  des  fails. 

Diderot  parloit  un  jour  avec  empbase  de  Sliakef^ 
■pear  devant  Voltaire.  Ab  !  Monsieur,  lui  dit 
VoUaire  J  est-ce  que  vous  pouvez  pr^ferera  VirgUe, 
a  Racine,  unmonstred^pourvu  de  gout?  J'aimerois 
autant  que  Ton  abandonnat  VApoilori  du  Belvedere 
pour  le  Saint  Ckristopke  de  Notre-Dame.  Diderot 
resta  un  moment  sur  le  coup  ;  mais  ensuite  :  que 
diriez-vous,  cependant,  Monsieur,  si  vous  vojiez  cet 
immense  Ckristopke  raarcber  et  s'avaucer  dans  Ic* 
rues  avec  ses  jambes  et  sa  stature  colossale?  —  Voi- 
tairejison  tourjfut  atterre  parcetto  image  imposante. 

Je  me  trouvois  un  jour  avec  six  bommes  de  leltres. 
Onse  deraandoit  quel  etoit  le  plus  b.^au  morceau  de 
poesie.  J'opinai  pour  que  chacun  ecrivit  secretement 
son  avis  sur  un  scrutin.  Nous  fumes  tres-6tonnes  de 
voir  que  nous  nous  etions  tous  reunis  a  donner  la  pre- 
ference a  la  peirture  d'Adaai  tt  Eve  dans  le  pa- 
radis   terrestre ,  par  JMlltorb. 


Pf.nse'ei   el   Ane^'dote';.  i^->3 

Le^  pei.timens  })rotlini,ept  le  courage  aclif,  el  la 
philoso[>lKe  ,    \^  courage  passif. 

Le  talent  a  besoiii  aujourd'hui  da  caractere  ,  pour 
recevoir  \\\\  iiouvl^I  6clat. 

Taclte  est  a-la-fois  'in  et  fort  ;  nnesagacite  prodi- 
gieuse  el  uiie  energie  egale  ;  et  puis  c'est  qu*on  sent 
qu'il  se  retierit  ,  et  qu'il  cache  toujours  la  moitie  do 
ce  qu'il  montre.  II  vous  dit  lout ,  quoiqu'il  ecrive 
en  presence  du  ]ion.  II  a  I'art  d'e  re  encore  plus 
soupconneur  qu'arcu.-afeur.  CVsf  un  hi  mn.3  qui 
vous  parle  a  i'oreille  ,  qui  vous  eilraia  et  vcus 
cliarme,  parce  qu'il  y  a  une  sorle  de  plaisir  a  avoir 
pour.  II  donue,  pour  ainsi  dire  ,  ses  idees  sous  le 
manteau.  EUes  sont  souvent  infinies,  parce  qu'elles 
ne  sont  pas  finies.  Telles  ces  mines  dont  le  vojageur 
admire  l'el6vation ,  el  les  Irois  quarls  sont  sous  la 
terre. 

J'aime  a  me  trouver  av\^c  'es  hommes  qui  ont 
concu  et  termine  de  grands  ouvragcs.  On  se  sent  plus 
courageux ,  en  approchant  des  grandes  patiences. 

Les  bons  mots,  les  vrais  bons  mots  naissent  blen 
plus  du  cara:tere  que  de  Tesprit.  Vo  .ez  lous  les  mots 
des  anciens. 

On  demandoit  a  I'im.peratrica  de  Hassle  :  Com- 
ment avez-vous  pu  ^tablir  tant  d'ordre  dans  vos 
finances?  —  En  comptanl  lousles  jours,  r^poudit-elle. 
Alexandre  fit  la  meme  le.  onse  a  cclui  (|ui  lui  di- 
soil  :  Cjipment  se  peut-il  que,  si  ji  une  ,  vous  ayie* 


1 24  MeUnges. 

execnic  tant  et  de  sigrandesclioses?—  Enneremetlant 
rien  an  lendemain.  C'est  aussi  le  trait  par  lequel 
Lucain  caracterise  Cesar : 

Hfil  actum  reputans  j  si  quid  siipci esset  agendum. 

Enfin  Newton  a  fait  aussi  la  meme  rcponse.  V. 
page  1 1 8. 

Les  Ecrivalns  mediocres  rendent  leurs  idees  , 
mais  ne  les  exprimeni  pas. 

On  se  perd  dans  les  villes  ;  on  se  laisse  a  la  cam?- 
pagne ;  il  est  bon  d'aller  de  temps  en  temps  s'y 
3  etrouver. 


P  O  E  S  I  E. 

HERMANN    ET    THUSNELDA, 
Ode  tradulte  de  Klopstock, 


Thusnelda. 


V>0T7VEKT  de  sang  romain  ,  de  sueur  ,  de  poussiere^ 

II  revient  des  combats  sanglans. 
Jamais  les  traits  d'Hermann  ne  furent  si  brillaus  ^ 

Et  jamais  si  vive  lumi^re 

Ne  jaillit  de  ses  yeux  briilans. 

Viens  ,  donne  celte  ep^e  ;  elle  est  encor    fumantej; 

Varus  a  requ  le  tr^pas. 
Respire  ,  et  viens  gouler  le  repos  dans  mes  bras^ 

Sur  la  bouche  de  ton  amante. 

Loin  du  tonnerre  des  combau. 


Hermann  et  Thu<;nelda,  laS 

Hermann  ,  repose-toi  :  que  sur  ton  front  j'essule 

Tod  sang  Pt  ta  noble  sueur. 
Comme  il  brule  ton  front  !  de  Rome  heureux  yainqueur. 

Non  ,    jamais  Thusnelda  ravie 

Ne  sentit  pour  toi  celte  ardeur. 

Non  ,  pas  meme  le  jour  ou  ,  sous  un  chene  antique  ^ 

Hermann  ,  par  I'amour  emporte  , 
FuyantBj  me  saisit  deson  bras  indompte  : 

J'observai  son  ceil  h^roique  ^ 

Et  )'j  vis  rimmortalit^. 

C'est  ton  bien  desormais.  O  Germains  ,  plus  d'alarmes  , 
Germains  ,  dent  Hermann  est  I'appui. 

Houte  au  divin  Augusle  1  il  s'abreuve  aujourd'hui 
D'un  nectar  mele    de  ses  larmes  ; 
Hermann  est  plus  divin  que  lui. 

Hermann. 

Laisse  Ik  mes  cheveux.  Vois  ,  p4le  et  sans  lumi^re  ^ 

Le  pere  ^tendu  devant  nous. 
C^sar,s'il  eut  os6  s'ofFrir  ci  mon  courroux  ^ 

Seroit  ici  dans  la  poussi^r*  , 

plus  pale  et  plus  couvert  d.e  coup»» 

Thusnelda. 

Que  tes  cheveux  ,  Hermann  ,  en  boucles  menacant«$  , 

Ombragent  ton  front glorieux. 
Ce  corps  n'est  plus   Sigmar  ;  ton  p&re  est  dans  le«  cieux  5 

Seche   tes  larmes  impuissantes  j 

Tu  le  reverras  chez  les  Dieux. 

JPar  M.   J.   C  H  K  N  I  K  A. 


125  Tohie. 


Fragment  du  poeine  de  La  Nature  ,  tire  du  r 
ckant^jait  auant  1770. 


Le  sage  aime  a  revcr  dans  un  reduit  champctre  , 
L'agnea.i  (]a'ilvoil  bondir  ,  la  brebis  qu'il  voit  paitre, 
Le  taure;.ii  (fu'II  cnlend  umgir  dansles  valtons  , 
Le  fer  cultivateur  luisant  sur  les  sillons  , 
Les  forels  ,  les  coteaux  et  leur  fertile  pente  , 
TJn  ze^ihii-  qui  s'egaie  ,  une  onde  qui  serpente  , 
Flattent  plus  ses  vCj^ards  ,  moUement  euohantes  , 
Que  le  faste  indigent   des   profanes  cites. 

Eh  !    que  dit  a  nos  coeurs  le  luxe  de  nos  villes  ? 
Ces  palals  eieves  par  tant  de  mains   serviies  , 
Ces  rapides  coursim-s  ,  ces  chars  tumultucux  , 
Ces  dehors  imposaus    d'un   emiui  fastueux  , 
Qu'offrenl-ils  aux  regards?  des  surfaces  trompeuses  , 
Des  plaisirs  inquiets  ,  des  miseres  pompeuses  , 
Le   merite  courbe  sous  le  poids  des  tyrans  , 
Et  de  nos    libertes  les   restes  espirans. 

Je  sals   trop  que  Voltaire  ,  abusant  du  genie  , 
Aut  chaiTipetres   vertus  prodigua  I'ironie  (i)  , 
Et  du  luxe  elalant  les  utiles  progres  , 
A  d'un  vers  di'd^ugneux  insulte  nos  guerets  : 
Jeu  sanglantde  Tesprit!  funeste  badinage  , 
Plus  cruel  que  le  fer  instrument  du  carnage  , 
Qui  ,   depouillant  le  coeur  de  sa  male  lierle  , 
A  lamolesse  ,   a    Tor    vendit  sa  liberty  ! 
(l)  Voltauc  ,    dans  son  Mondain  ,  son  Antlmondain  ,  ect. 
ajfecta  de  prUhcr  le  luxe  ,  la  nudesse  ,    el  de  semer  le  ridicule 
sur   les   ferUis    it publicaines.    C'esL    la  qu'll  se    rnoque  de  ces 
consuls     ei     us     gui    laoouruunt    la    ierre    eux-mtmes    ,     et 
cju  ll    dit    : 

«  Cc  teniMS  profane  est  tout  fait  pour  nos  moeusr  ». 


Tragment  du  poh)ie  dc  la  Nature.  127 

MalliouTRux,  qui  changeoit  arcc  trop  d'imprnclencp, 

Anx  Itslins  des  Ivrans  la  sol)ie  indeperulanec^  ; 

Prodigieux  mortel  !    hoiiinie  uniqu°    ft   divers  , 

Tantot  avfc  les  dieux  plananl   sur  I'lmivers  , 

Tdiitot  ,  jusqu'a  Zo'ile  ,  abaisse  dans  la  lange  , 

De  force  et  de  folblesse  incrojabb  milange  , 

Homme  au-dessus  des  rois  ,  s'il  \e&  eut  ignores  , 

Et  le  dieu  des  taleiis  ,  s'il  les  eiit  vever^s  ! 

Mais  du  cygne  fraocais  (i)  diPaimant   rbariaonie  , 

II  courut   dans  le    Nord  tlatter  la  tjraunie. 

Long-temps  de  rois  en  rois  sou  orgueil  a  rampe 

Sous  iiD  joug  eclalant  que  ses  pieurs  out  trempe- 

Enfin  il  guide  an  port  d'uue   craj  use  vie  , 

H  rademanie  auK  champs  su  liberie  ravie, 

Les  champs  et  la  naluve  aaiment  ses  acceiis  , 

Et  ce  premier  bonhcur  a  sou  dernier  enceni. 

O  maison   d" ^lislipye  .'  6  jardiiis   J' Rpic'u  e  / 

Cast  vous  qu'il  imploroit  dans   sa  reliaiLe  obscure-. 

De  ses  destins    errans   il  a  fixe  le  cours, 

Pres  d'un  lac  et  des  bois  ,  loiu   d-s   trompeuif'S  couvi. 

La  ,  ce  vieillard  fameux  jouit  de  sa   m^iauii^^  ; 

II  rallume  sa  vie  au  flambeau  de  la  gloire  : 

Cornelie  (i)  a  vole  dans  ses  bras  genereux  ; 

II  a  tout  expie  puisqu'il  fait  cl?s  heureux  ! 

Aiusi ,  quaiid  de  Venus  les  tlammes  sont  tteintes  , 

Quand  de  I'ambition  il  sent  moius  les  atteintes, 

Le  cunir  revole  aux  champs  dont  il  fut  separ^  , 

Et  raoiene    au  bonheur  son   hommaga  egir^. 

Hwuieux  qui  ,  soulevant  une  chaii'.o  importune  , 
D^tache  ses  destins  du  char  de  la  fortune  , 
Et  ,  sans  la  fatiguer  de  soupirs  eternels, 

(l)  J.   B.  Rousseau  ,  contie    Uquel    il   s' acharna    duns  ses 
diinicis   ceiiti. 

(l)   Madame  Corneille j,  qui  V a:it9lC\  dg  cejragmeit  unoya 
a  f^oltaiie  ,  en  1760. 


isS  To  hie. 

Cultiv'e  de  ses  mains  les  guerels  paterncls  ? 
Moi  s  envie  paut-etre  et  plus  digne  d'envie, 
Aux  mortels  indiscrets  il  derobe  sa  vie. 
Xoiu  des  cris  inseos^s  d'un  vulgaire  odieux  , 
L'innocence  d 's  champs  rend   I'homme  6gal  aux  dieux, 

Oui  ,    \~x  our   de  Paies  est  Tasile  du  sage  : 
C'est  la  que  de  son  ame  il  fait  Tapprentissage. 
Seul  avec    la    nature  ,  errant  parnii  les  bois  , 
II   contemple   de  loin  la  fortune  et  les  rois. 
Du   songe  des  grandeurs  I'image  passag^re 
Disparoit   devant  lui  comme  une  ombre   16g^re  , 
Et  tous  ces  dieux  mortels  ,  ouvrage  de  nos  mains  , 
Rentrent  a  ses  regards  au  niveau  des  humains. 

Tel,  a  des  yeux  divers  ,  le  meme  objet  varie  ; 
Tel  ,  aux  jeux  du  pasteur    couclie  dans  la  prairie  , 
Le  chene  ,  qui  deploie  un  front   d^mesure  , 
Semble  etre  un    citoyen  de  I'empire  azur(^  ; 
Mais  au  regard  per(^ant  de  I'aigle  vigilante. 
Qui  p^nelre  des  airs  la    voute  etinceiante  , 
L'orgueil  du  chene  rentre  au  niveau  des  sillons  , 
Else  mele  aux  tapis  de  nos  humbles  vallons  ; 
Mais  cetle  aigle  si  fiere  et  planant  sur  la  nue, 
Des  regards   du  soleil   est  a  peine  connue  ; 
Et  ce  meme  soleil  n'est  aux  regards  des  dieux  , 
Qu'une  clincelle  ,  un  point  dans  I'abyme  des  cieux. 

iPar  LeBrUN. 

'y£RS  places  sur  le  bustede  Desavlt  ,  aussUot 
aprts  sa  morL 

Portes  du  temple  de  memoire  , 
Ouvrez-vous  ,  il  I'a  m^rite  : 
II  vecut  assez  pour  sa  gloire, 
Mais  trop  peu  pour  i'humdnile, 

PiGAULT  Le  Bruh, 


POESIES    ERSES. 

T    R   A    T    H    A    L, 
Poeme  (VOssian. 

Ce  morceaujait  portle  d' un  outrage  actuellement  sous  presse  > 
et  qui  doit  seri>ir  de,  suite  a  TOssiAN  c?e  Le  Tourneur.  II 
renferme  plnsieurs  po'ernes  flf'OssiAN  ct  de  quelques  auires 
lavdcs  qui  Jwent  ses  modcles  ou  sef;  imitatcurs  ,  traduits 
sur  Id  (version  anglaise  que  John  Smith  en  a  publiee  ,  SOUS 
le  title  de  Gaelic  antiquities  ,  Edimbjurg,  1780. 

FiLS  du  matin,  les  premiers  pas  que  tu  fais  dans 
ieciel,  Tapparence  de  ta  blonde  chevelurc  au-dessus 
des  montagaes  de  I'Orient,  for ment  le  plus  doux  des 
spectacles.  A  ta  vue ,  les  colcaux  sourient ,  les  val- 
lees  etincelautes  et  leurs  ruisseaux  azures  se  re- 
jouissent.  Les  arbres  elevent,  a  travers  la  pluie,  leurs 
tetes  verdojantes,  pour  aller  a  ta  rencontre,  et  tous 
les  bardes  des  bocages  cojebrcnt  ton  retour.  Mais 
en  quels  lieux  se  retire  la  nuit ,  portle  sur  sesailes 
ten^breuses  ,  lorsqu'elle  te  voit  paroitre  ?  Ou  est  le 
sejour  de  I'obscurite  ?  Oh  se  rcfugient  les  etoiles ,  et 
quelle  caverne  recele  leur  beaute  tremblanto  ?  Dans 
quel  desert  les  bannis-tu  ,  lorsque  tu  parcours  les 
hauteurs  du  ciel ,  et  comme  un  puissant  chasseur, 
les  poursuis  a  travers  les  campagnesdu  firmament? 
Fils  du  ciel,  on  aime  a  te  voir fournir  au-dessus  de  nos 
tetes  ,  ta  carri^re  luraineuse  ,  et  disperser  loin  de  toi 
les  orages.  Tu  plais  encore  ,  au  ir.oment  oii  dispa- 
roit  ta  blonde  ciievelure  ,  ou  tu  t'eufonces  dans  les 
I'onie  11,  i 


i3o  Toesii'i   enis. 

vagues  do  I'Occident  ;  et  Ton  cberit  I'esperance  de 
Ion  reloiir.  Jamais  tu  ne  t'egarss  dans  les  vapeuvs 
de  la  nuit  ;  vaiuement  les  lempeles  s'efTorceat  de 
contrarier  ta  marclie  dans  I'Dcv-^aii  trouble.  Toujours 
pret  au  si.  nal  du  matin  ,  tu  ramenes  tes  aimables 
rajons.  lis  sont  aimables  ;  mais  je  ne  les  vois  point , 
car  tu  ne  dissipes  pas  la  nuit  qui  couvre  les  jeux 
du  barde. 

Mais  le  broullard   des   annees  t'obscurcira   peut- 
^tre    un  jour;    peut-eire ,  s:mb!ables    aux    miens, 
les  pas  de  ta  vieiUesse  se  traineront  avec  lenteur  sur 
Morven.   Alors,  a  I'exemple  de  ta  sanu-,  errant  dans 
le  cielsous  la  forme d'un  disque  sombre,  luoublieras 
le    moment  de   ton  lever.   Tu  ne  repondras  plus  a 
ia  voix  du  matin.  Du  haut  de  sa  coiline ,  le  chas- 
seur regardera  si  tu  viens  ,  mais  il  ne  te  verra  plus. 
Xes  yeux  baignes  de   larmes  ,  «  le  rayon   du  ciel , 
dira-t-il  a  sa  meute,  le  r.  3-on  du  ciel  nous  a  de- 
laiss^s  ».   II   reprendra   tr'stement   le  chemin   de  sa 
butte.  Mais  la  lune  paroiira  dans  sa  splendeur  ,  ei  les 
etoiles  se  rejouiront  dans  la  place  qui  leur  est  assi- 
gn(^e.  Oui  ,  soleil ,  un  jour  tu  vieilliras  !  un  jour , 
peut-etre ,  tu  dormiras  dans  la  tombe ,  comme  Tra- 
thal. 

O  soleil !  ne  te  souvient-il  pas  de  ce  chef?  Tu 
la'as  pu  le  voir  sur  nos  montagnes  ,  sans  elre  frappe 
de  la  noblesse  de  sa  demarche.  Un  jour  il  parcou- 
roit  les  brujeresdu  Gormal ,  rayonnant  de  la  beauty 
du  jeune  age.  11  tenoit  une  lance  dans  chaque  main, 
et  le  bouclier  de  scs  peres  ,  large  comme  ta  face 
iniposante ,  convroit  sa  poitrine.  La  couleur  sombre 


TrnlJinl.  i3i 

de  son  casque  au,'2[me'ntoit  I'^clat  de  ses  joucs  ver- 
meilles,  et  ses  cii-'Viniv  oidojans  floHoieiit  ?ur  scs 
^pa.iies.  En  m  vchant  ,  il  fV  donnoit  !es  luuanges  des 
heros  j  un  vieillard  s  pr/sente  a  lui ;  sosyoux  sunt  rou- 
gis  par  les  pleurs  ;  S3S  jou  'S  en  sont  encore  liuniecL'es. 
«.  Je  viens  ,  dit-il  avec  I'ac.ent  de  la  duulear  ,  ja 
viens  implorer  ton  aide,  si  !u  es  Trntlial,  roi  djs 
lances.  II  fut  un  terns  on,  sur  le  nv^age  lointain  de 
Dula  5  une  multiiude  de  lieros  eiitendit  le.  son  du 
fcouclier  de  Toal-Anna  ,  et  ses  salles  ont  vu  v.u^ 
multitude  d'eti angers  adtnise  a  ses  b.nnquets.  Mais  les 
lieros  n'entendent  phis  le  son  dj  mon  bouclier  ;  et 
mes  salies ,  ou  les  bardes  moduloient  leurs  chants 
antour  d'un  chene  eaibrase,  sont  maintenautfroides, 
solitaires  et  silencieuses.  Morardan  vit  la  beaute  da 
ma  fille.  Je  n'avois  point  d'autre  enfant  qu'tl!-.  11 
en  fut  dpris,  mais  elle  ne  rcpondit  point  a  son  an. our. 
il^dissimula  son  depit  j  mais  un  jour  que  j'etois  sur 
le  rivage  avec  Slisgala,  il  parut  dans  un  esquif  diri'-^e 
par  qualre  rameurs ,  et  nous  obligea  d'y  enirer.  La 
tern  pete  nous  retient  sur  ton  rivage.  Trathal ,  donne- 
moi  une  de  ces  lances  ,  et  viens  combattre  en  ma 
faveur    6  toi  le  prem'u'rdesh()mmes  »  i 

A  ce  di-^cours,  la  joie  et  la  fureur  s'^Ieveren!  a-Ia- 
fois  dans  i'ame  de  Trathal.  II  donna  la  1  nee  au 
vieillard,  et  marclia  sans  craintv".  Le  bruit  de  sa 
course  ressembloit  au  munnure  d'un  ruisseau  cacht^. 
Une  arm^e  se  dc-couvre  a  ses  jeuM  ;  le  vieillard  se 
perd  dans  la  foule  des  gu^rriers ;  le  chef,  dans  sa 
colere  ,  Irve  a  demi  sa  lance  ;  mais  son  auie  lui 
dit  d'tpargner  le  vieiliesse  du  foib  e.  «  O  Trathal  ! 

I  a 


i32  Toestes  erses. 

]ui  dit-elle ,  ne  souiile  pas  ta  lance  de  son   sang ». 

Cinquante  lances  sont  dressees ;  cinquante  glaives 
agiteut  aiitour  de  lui  leurs  flammes ,  pareilles  a  des 
Eclairs.  Colgul  se  montre  au  milieu  des  guerriers. 
Son  visage  est  anim^  d'une  joie  sombre  ,  tel  qu'un 
feu  eiitoiire  d'une  colonne  de  fumee,  tel  qn'un  ra^- 
teore  assis  sur  un  nuage ,  quand  la  lune  est  cach^e  , 
et  que  les  monts  charges  de  forets  entendent  le  bruit 
de  I'orage. 

Colgul  avoit  chasse  avec  Trathal  dans  Dorinessa  , 
et  mesur^  en  se  jouant  sa  lance  avec  la  sienne.  Mais 
qui  pouvoit  chasser  ,  qui  pouvoit  raesurer  sa  lance 
avec  Tratbal  ?  La  vierge  aux  yeux  noirs,  habitante 
de  Dorinessa  ,  poussa  un  soupir  a  la  vue  du  chef  , 
et  d^tourna  ses  regards  de  Colgul.  Colgul  s'eloio^^na, 
renfermant  sa  colere  en  lui-meme  ,  ainsi  qu'une 
Ombre  port^e  sur  son  ouragan  destructeur  ,  s'e- 
loigne  d'un  chene  qu'elle  n'a  pu  briser.  Dans  sa 
caverne  nebuleuse  ,  elle  attend  I'occasion  de  retour- 
ner  avec  le  mugissement  des  venls.  Ainsi  Colgul 
altendit  trois  mois  ,  et  main  tenant  que  Trathal  est 
seul  ,  il  vient  ,  accompagn6  de  ses  mille  guer- 
riers. 

Tu  es  seul ,  o  Tratlial !  maistu  ne  songes  pas  a  f«ir. 
Ta  force  croitdans  le  peril ,  comrae  les  ondes  dTnar  , 
lorsqu'on  les  a  resserrees.  Ton  ame  ,  pareille  aux 
vagues  de  TOcean ,  s'eleve  au  rugisseinent  de  la 
tempete.  Ta  joie  est  terrible  ,  comme  un  Esprit 
nocturne  qui  leve  sa  tele  ai  dente  au. milieu  des  me- 
lucres,  et  voyage  de  collineen  coUine  ,  sur  son  nuage 
toujours  plus  sombre. 


,    Tralhal.  i33 

Le  bruit  des  rochers  qui  roulent  du  sommet  des 
montagues ,  le  bruit  des  flots  quand  Ics  tempeles  sout 
dechainees,  le  bruit  des  bocagjs  dont  la  flamme  en- 
valiit  les  cimes  dessi^cliees  pendaAt  les  tenebres ,  sont 
I'image  de  la  terreur  qui  accompagnoit  Trathal. 
Colgul  et  lui  ^toient  deux  torrens  ;  le  son  de  leurs 
armes  ressembloita  I'^cho  d'unq  valine  ^troite ,  lors- 
qu'on  abat  ses  pins  verdojans.  Leur  choc  est  terrible. 
Tratlial  est  un  orage  qui  rcnverse  la  foret ,  Colgul  est 
line  vague  qui  s'wlaiice  sur  le  rivage.  Mais  la  lance 
de  Trathal  atteirit  le  casque  de  Colgul ,  et  ses  yeux 
^gares  se  couvrent  d'lin  brouillard.  Corran  a  perdu 
son  bouclier  ;  il  est  immobile ,  comme  un  roc  que 
i'eclair  a  d^pouille.  Duchonis  arrete  avec  sa  main  le 
ruissc-au  vermeil  qui  coule  de  son  sein,  et  s'appuie  a 
un  tronc  d'arbre.  Le  casque  de  Crusollis  est  a  ses 
pieds  avec  la  moiti6  de-sa  tete,  a  vant  qu'il  ne  tombe  ; 
et  les  cheveux  blancs  de  Tual-Arma  foule  sous  les 
pieds  des  heros  ,  sont  souilles  de  sang  et  de  poussiere. 
Colgul  ecarte  de  ses  jeux  le  nuage  qui  les  couvre. 
II  voit  aulour  de  lui  ses  guerriers  baignes  dans  leur 
sang.  Tel  que  Tombre  obsoure  du  brouillard  du  Lego, 
il  marche  en  silence  derriere  Trathal  ;  mais  Trathal 
Tapercoit.  Colgul  prend  la  fuite.  II  dirige  ses  pas  vers 
Pesquif,  et  Trathal  le  poursuit  dans  sa  force.  Mills 
fleches  sont  lancees  contre  lui  ^  une  d'elles  perce 
Colgul ;  il  tombe  sur  le  rivage,  a  Pinstant  oii  une  de 
ses  mains  avoit  d^ja  louche  I'esquif.  Trathal  s'j  Jette, 
et  le  tourne  contre  les  guerricj-s  de  Colgul.  Mais  un 
coup  de  vent  le  clia.se  tn  pleine  mer,  et  il  tressaiila 
de  joie  au  milieu  de  sa  gloire. 

13 


1 34  Tocsies  crses. 

X'e}^tise  cle  Trat!;al  eloit  reside  dans  sa  demeure. 
Deux  cnfrins  aimables  ^]evoient  au-dessus  de  ses 
geiioiix  leurs  teles  oinbragees  de  boucles  ondoyanles. 
lis  se  pendient  sur  Sj  harpe,  pend:^nt  que  ses  blanches 
mains  touclienties  cordes  tremblanfes.  Elle  s'avrete  : 
ils  r  r  nu  -i^t  eu.'^i-inernes  1'.  barpe ,  mais  Is  ne  peuvent 
ti-ouver  le  son  ru'ilsadmiroient.  «  Ponrquoi  ,  'disent- 
jls,  ne  nous  r^pond-e'Ie  pas  r  Montre-nous  la  corde 
ou  le  chant  reside  ».  Ell^  kur  dii  dela  chercber  jus- 
qu'a  ce  qu'clle  soit  de  retour ,  et  leurs  doigts  delicais 
errent  parmi  \es  fits  de  m -tal. 

Sulandona  re,^arde  si  sou  biei>-aime  paroit  5  Tbeure 
de  son  retour  est  passee.  «  Tratbal,  de  quels  ruis- 
seaux  parcours-tu  les  rives?  Dans  quelles  forets  tes 
pas  se  sont-ils  ^gares  ?  Puissai-je  de  cette  hauteur  con- 
templer  ta  stature  majestueuse  !  Puissai-je  voir  le 
sourire  egayer  tes  joues  verm  ^illes  Eutre  les  boucles 
blondes  de  ta  jeunesse  ,  tu  ressembles  au  soleil  du 
matin  ». 

Elle  monti  sur  la  colline  ,  serablable  au  niiage 
biancoLimonte  la  rosee,lori»quesur  les  rajonsdu  ma- 
tin, il  s*e!eve  du  vallon  retire-,  et  asJle  a  peine  les 
teles  brune.s  des  buissons.  Elle  dccouvrit  un  esquit 
balance  sur  les  vagues  5  elle  vit  ses  bords  converts 
des  lances.  «  Surement ,  dit-elle ,  c'est  Tennemi  qui 
dresse  ses  lances  ,  et  Tratbal  est  seul.  Uu  senl 
bomme ,  quelque  fort  qu'il  soit  ,  peut-il  combattre 
des  milliers  d'hommes  ?  ». 

Ses  cris  se  font  entendre.  Les  vallees  et  tous  leurs 
Tuisseaux  j  n'pondent.  1  es  jeunes  gens  se  preci- 
piteiit  du  haut  des  montagnes,  et  marcbant  d'un  air 


Triithn!.  i35 

^garc ,  lren)l)]ent  pour  leiir  chef.  Dan?  leur  col^ire 
ils  songeoient  a  fond  re  siir  les  guerriers*  de  Colgiil; 
nials  Tralhal  ^'leva  sa  voix  sur  les  vagues,  et  lenr 
commaiida  de  retenir  leurs  lances.  lis  se  rpjouiren^ 
en  entendant  sa  voix  ,  en  le  vo3^ant  amener  son  na- 
vire  pies  de  la  cote. 

Cependant  on  s'assemble  antour  de  Col^ul  :  mais 
Colgul  avoit  i'air  sombre ^  et  le  feu  ne  jaillissoit 
plus  de  ses  ycux.  Ses  guerriers  I'entouroient,  triste- 
inent  immobiles  ;  irais  plusieurs  d'entr'eux  ^toient 
^tendus  sur  la  brujere  ,  comine  les  feuilles  sechos 
sur  la  plaine  obscure  ,  quand  les  vents  de  I'autonine 
ebranleni  les  che  nes.  Nous  leurs  aidons  a  elever  leurs 
tombes  ,  et  d'abord  noHS  creusons  ce'le  de  Colgul. 
Un  jeune  homine  se  baisse  pour  placer  la  lance  der- 
riere  lui  ;  sa  cotie  d'armes  ,  en  se  soulavant,  se  d<^- 
tache  de  deux  globes  de  neige.  Galmora  tombe  sur 
le  cadavre  de  son  amant.  Sulindona  vient  et  la  trouv© 
expiree.  Elle  reconnut  la  fille  cle  Cornglas.  Ses  larraes 
coulerent  sur  elle  dans  le  tombeau.  Elle  donna  des 
louanges  a  la  belle  de  Soma. 

«  Fille  de  la  beaute,  lu  n'es  plus.  Une  rive  etrau- 
gere  ro(^oit  ta  depouille ;  mais  tu  te  rejouiras  sur  ton 
nuage  ,  car  tu  sommeilles  dans  la  toniLe  avec  Colgul* 
Les  Ombres  de  Morven  ouvriront  leurs  sal  les  k  la 
jeune  ^'trangere  ,  lorsqu'cllcs  te  verront  approcber. 
An  milieu  des  nuages  ,  antour  de  la  table  oii  cir- 
culent  des  coquillcs  vaporeuses ,  les  licros  t'admire- 
ront,  et  les  vierges  toucheront  en  ton  lionneur  la 
barpe  de  brouillard.  Tu  te  rejouiras  ,  6  Calmora ! 
jnais   ton  pere  sera   Irisle  dans  Soma.   Les   pas  da 

14 


i36  Poesies  erses. 

sa  vieilleisse  vont  errrr  sur  le  rivage.  Le  mugisse- 
nient  des  vagues  lui  parvieudra  des  rochers  loin- 
tains.  Calmora ^  dira-t-il  ^  est-ce  tavoix  que  j^ en- 
tends  ?  Le  fils  du  rocher  lui  r^pondra  seul.  Retire- 
toi  dans  ta  demeure  ,  6  Cornglas  !  abandonne  la 
rive  orageuse ,  car  ta  fille  ne  t'entend  pas  5  elle  che- 
Taiiclie  loin  de  toi  sur  le^  nuages  avec  Colgul.  Peut- 
Slre  sur  les  rajons  de  la  lune  ,  elle  visitera  tes  songes  , 
quand  le  silence  habitera  Soma.  Fille  de  la  beaut6  , 
tu  n'es  plus ,  mais  tu  sommeilles  dans  la  tombe  avec 
Colgul  ». 

Ainsi  I'epouse  de  Tratbal  chanta  I'intortun^e  Cal- 
mora.  Mais  qui  pouvoit  louer  Colgul  ?  Lui  et  ses 
gueiriers  ^toient  venus,comms  le  nuage  qui  sort  de 
i'anlre  de  Lano  et  rampe  a  travers  I'obscurit^  dans 
ki  cabane  ^>li  chasseur ,  quand  ses  jeux  sont  fermes, 
et  que  tousles  vents  reposcnt.  Souvent  leurs  Ombres 
ont  soupire  sur  lestristes  brumes  qui  rampent  liumble- 
ment  le  long  destombeaux.  Souvent  on  j  a  entendii 
■  leurs  voix  solitaires.  Mais  tu  ne  les  vois  pas ,  6  soleil  • 
elles  ne  viennent  que  lorsque  la  nuit  envoloppe  les 
collines  ,  quand  tons  tes  rajons  ont  disparu.  Mais  tu 
vois  rOmbre  de  Trathal.  Souvent ,  amidi ,  il  marche 
au  milieu  de  tes  rajons  ,  quand  les  monlagnes  d'alen- 
tour  sont  couvertes  de  brouillards.  Tu  aimesa  epan- 
cher  tes  rajons  sur  les  nuages  qui  portent  le  brave, 
tu  aimes  a  les  deplojer  autour  de  la  sepulture  du 
vaillant.  Souvent  je  sens  leur  chaleur  sur  le  lit  de 
Trenmor  ,  et  a  present  meme,  tu  ecliaufFes  la  pierre 
grisalre  qui  couvre  Trathal.  O  soleil,  tute  souvrens 
des  heros !  car  ils  fiixent  aimables  en  ta   presence,* 


Trathal.  1^7 

Tu  brillas  sur  Morveii  avant  qu'lls  j  re-nssent  le 
jour  ,  et  tu  te  souviendras  d'eux  ,  6  soleil  !  dans  Ics 
temps  a  venir^  quand  cette  pierregrisiitre  seracher- 
cliee  en  vain.  Oui ,  car  tu  subsislcra?  encore  ,  a  dit  le 
barde  des  anciens  jours  ,  apres  que  la  mousse  du 
iemps  aura  pousse  dans  Temom  ,  apres  que  le  vent 
des  ann^es  aura  mugi  dans  Selma. 


NOUVELLES  LITTERAIKES. 

Xj  E  Jury  d'instruction  a  continue  ses  travaux  pour 
le  choix  des  professeurs  aux  ecoles  centrales  de 
Paris  ;  il  a  nomme  les  citoyens  Lacroix  pour  les 
mathcmaUques  J  A.  L.  Millin  pour  L^hUtoLre  , 
CuviER  pour  Vhlstolre  naturelle. 

Les  citoyens  MoatucLa ,  GaiiLard  et  Marmontei 
ont  donne  leur  demission. 

On  a  deja  prc^^pare  dans  quelques  dt^parlemens 
Forganjcation  de  res  Ecoles  ;  il  ne  paroit  pas  ccpen- 
dant  qu'elles  doivent  s'etablir  ,  du  moins  sur  le 
premier  plan  de  leur  institution.  On  n'a  encore  rien 
fait  a  Paris  pour  cette  organisation  ,  que  de  nomraer 
les  professeurs.  II  paroit  que  Ton  attend  la  publi- 
cation de  la  constitution  avec  ses  lois  organlqnes  ,  et 
que  le  projct  est  d'y  reunir  tout  ce  qui  ticnt  a  I'ins- 
truction  publique. 

La  France  vient  de  perdre  encore  un  homme 
celc'Lre,  el  dont  I'existence  (^toit  bien  precieuse  prir 
rapplication  qu'il  falsoit  de  ses  talens  au  joulagement 
de  I'humanite  ,  le  ciloyen  DesauLt^  cliirurgion  en 
clief  de  I'hospice  de  rhumanile,  et ,  comme  BarUic- 
lem^  J  un  des  collaborateurs  de  cc  journal. 


i58  J^ouveilcs  litter  aires. 

Academies    e  t  r  a  n  g  e  r  e  s. 

I.a  socu't6  nconomiqup  de  Florence  vient  de  pro- 
po?er  Irois  prix,  cliaciui  d'uae  medaille  d*or  de  la 
valeiir  de  a.'?  S'quins  :  le  premier  sera  donn^,  a 
I'auteur  d'une  d('cou  erte  utile  et  applicable,  soit  a 
I'agrKullure,  soit  aux  aits  ou  aux  manufactures  en 
Toscane. 

Le  second  et  le  troisieme  seroiit  d^cernes  au.t 
meilleurs  rnemoires  sur  les  deux  points  suivans  : 

i.o  Comparer  les  mei;leures  soies  de  la  Toscane 
avec  les  meiileures  du  Piemont ,  determiner  les  dif- 
frrenc.s  de  ieur  eclat  ,  de  leur  finesse  et  de  leur 
resistance  ,  et  chercher  si  cette  difference  pro  vient  d© 
la  difference  du  climat ,  de  la  nourriture  et  du  trair- 
tement  des  vers ; 

2.°  Determiner  si  le  melange  des  semences  dans  1« 
meme  champ  est  utile  ,  et  ,  en  cas  d'affirmation  , 
Irouver  les  regies  que  Pon  doit  suivre  pour  unir  en- 
semble ,  avec  avantage  ,  dans  un  meme  terrain,  deux 
semonc?s  ou  plus  encore ,  soit  qu'elles  soient  du  meme 
geiiie  ou  nou. 

LIVRES     DIVEKS. 
Chirurgie. 

Leztoni  sopra  Le  maiattle  dellc  vie  urinaria 
del  sig.  Des  AULT  ,  chirurgo primario  neW  Hotel- 
Vleu,  dl  Pangi  ^  tradotte  dal  francese  ,  con 
alcLine  annotaz^ioni ,  perG.  G.  Consini^  med. 
chir.  inPavia;  1794,  dalla  Slamperia  Comini  , 
con  perinisslone  J  b'.'^,  248  pag.  —  Leconssuf 


L'tvres  dirff.  i39 

les  TnalacVi'\s  dej  vcies  iirinaircs  iparM.  Des  vult  , 
premier  chirurgleii  de  PH6t.4-Dicu  ile  Paris ,  tra- 
duites  du  fiancais,  avec  quelques  notes,  par  G.  G. 
CoNCiNi ,  m^decin  et  cbirurgien  h  Pavi^  5  Coinmi , 
1794,8.",  248pa-es. 

Get    ouvrage  ,    co  rme  le   litre  Tannonce  ,   n'est 
qu'iine  traduction.  L'auteur  ,  apres  aVolr  paye  tin 
juste  trihut  d'eloges  au  Journal  de  chirargce  du 
cele-re  Desault^  dont  il  se  plaint  que  les  4  premiers 
tomes  aient  seuls  pen^'tre  en  Italie,  et  qifi!  re«;arde 
comme  un  des  ouvrciges  les  plus  utiles  qu'nn  bomme 
de  Part  puisse  consulter  ,    a  cru  devoir  en  Iraduire 
une  partie  qui  format  un  cours  complet  de  lerons 
sur  les  maladies  des  voles  uriiiairt's.  Les  raisous 
qui  Pont  decide ,  sent  ,   dif-:l ,  «  la  maniere  supe- 
»  rieure  av.ec  laquelle  ces  matit'res  y  sont  traitees , 
»  Petendue  des  connoissances  et  les  vues  nouvelles  de 
»  l'auteur,  la  rarete  des  exemplaires  du  journal  en 
»  Italie  ,  et  la  difficult^,  pour  ne  pas  dire  Pimpossi- 
»  bilite  de  s'en  procurer  dans  les  circ_onstante3  pre-" 
»  sentes  ».  Je  crois  devoir  observer ,  a  cette  occasion  , 
que  les  savans  d'ltalie   se  plaigncnt  d'etre    prives 
depuis  long-temps  de  nos  ouvra^es  d^  science.  J'ai 
ete  moi-m^me  temoin  de  leurs  regrets ,  el  je  sais  que 
les  savans  du  Nord  les  parta-ent."  J'invite  done  toul- 
a-la-fois ,  et  ceux  de  notre  pavs ,  et  le  gouvernement , 
a  s'occuper  des  mojens  de  r'ouvrir  ces  imporlantes 
communications.    Les  notes  dont  le  traducteur  ac- 
compagne  sa  traduction  ,  sont  tiroes  des  observations 
faites  par  lui-meme  dans. les  divers  bopifan-v:  qu'il  a 
f  I  equentes  dans  le  cours  de  quatre  ans.  C'est  aux  gens 
dc  I'art  a  les  juger. 


14®  Nouvdhi  llttcraire. 

HrSTOIRE.  ' 

'Saggio  sulla  rellgione  de  Maomettanl  di  Gtv* 
SEPPE  Calza,  In  Venezia  ,  1794.  Dalla  nuova 
stamperia  presso  Antonio  Fortunato  Stella.  Con 
permissione.  8.°  172  p.  Essai  sur  la  religion  des 
Mahomdtansjpar  Joseph  Calza,  Venise,  1794, 
in-8.o,de  172  pages. 

Cet  ouvrage  ,  d6di6  an  noble  Alvise  Querini,  que 
le  sniat  vient  de  iiommer  pour  resider  en  France, 
en  qiialite  de  nob'de ,  est,  comine  I'auteur  ledit  lui- 
meme,  un  «br^ge  de  la  parlie  dePouvrage  du  Cli«r. 
Muradgia,  intitule  :  Tableau  de  i' empire  Otto^ 
man,  qui  regarde  sp^cialement  la  religion  musul- 
mane.  Ce  qui  pcut  lui  donner  plus  d'interet ,  c'est 
que  Giuseppe  Cal^a  a  reside  cinq  ans  a  Constan- 
tinople ,  attache  a  I'ambassade  de  Venise ,  et  par 
consequent  s'est  trouve  a  portee  de  connoitre  par 
lui-m^me  tont  ce  qui  a  rapport  k  la  legislation 
religieuse  des  Mahometans,  que  le  prejug^  de  Pi- 
gnorance  regarde  ordinairement  comme  priv^s  de 
lois,  et  soumis  au  seul  caprice  d'nn  despote,  tan- 
dis  que  le  despote  lui-meme  est  plus  esclave  de  ces 
lots  religieuses  que  le  dernier  de  ses  sujets. 

Geographie. 
£i?D  Beschreibung  von  Asleiv  tiack  Bank's^ 
BLahe's  ,  Cook's  and  Lloyd's  grossein  engUs- 
chen  werke  mit  x>uz,lehung  der  bestcn  neuesten, 
Bcisebesckrelbungeri  J  fur  deutscke  bearbeltet 
von  August  Christian  BoRjrECK.  —  GioGRA' 
tuiE  dei'Asie,  d'dpres  les  cdebres   ouvrages  da 


Livres  flivers.  14  r 

Banks,  de  Cooks  et  de  Llojd,  el  les  meilleures  des- 
criptions de  vojages  qui  ont  ptiru  depuis  ,  r^digee  en 
allenlcind  par  Auguste-Christian  B  o  r  r  h  e  k.- 
Troisieme  et  derniere  jDartie  ,  Dusseldorf ,  cliez 
Jean-Christian  Danzer  ,  8.«,  un  vol.  de  700  pages. 

Les  deux  premiers  volumes  de^cette  utile  G^ogra- 
pliie  ont  paru  en  1791  et  1792.  M.  Borrhek  ,  dont  le 
nom  est  bien  connu  dans  les  lettrcs  ,  et  qui  professe 
I'histoire  et  I'^loquence  dans  i'universite  royale  de 
Duisburg  en  Prusse ,  n'a  rien  neglig^  pour  la  rendro 
complete,  et  on  pent  la  regarder  comme  de  la  plus 
grande  importance  pour  la  lecture  des  vo\  agenrs  et 
des  historiens  qui  out  (^crit  sur  l'As:e  ,  et  ])Our  la 
parfaite  connoissance  de  cette  contrce.  Le  volume 
que  nous  annoncons ,  termiiie  I'ouv' rage  ;  il  contient 
la  description  de  I'Asie  meridionale  ;  il  commence 
par  la  Turquie  asiatique  ,  et  flnit  par  les  iles  de 
rOc^an  iudien. 

TOPOGRAPHIE. 

Beschreibunq  des  s tacit  arid  repubLlk  Bern,  nebrt 
vieLen  tULz,Locken  nachricfitea  furfrerade  and 
elaheiniiscfie.Bern^  typograpkiscfieti  socLetat, 
1794,8.°,  355  pages.  —  Description  de  la  ville 
et  de  la  republique  de  Berne  ,  contenant  plusieurs 
details  utiles  aux  babitans  et  aux  (Strangers.  A 
Berne  ,  cbez  la  societe  typograpbique  ,  8.*^  ,  un 
vol.  de  355  pages. 

Tout  le  monde  connoit  I'utilit^  de  ces  sortes  de 
descriptions ,  et  combien  elles  sont  agrdables  pour  les 
Vojageurs  curieux  et  attentifs.  On  trouve  dans  cellc-r 


142  NouvdUs  litierairts. 

ci  line  Irstjire  abrej-e^  de  la  \  ille  de  Benic  ,  dcs 
details  sur  Ls  lois,  lesmopurs,  'es  usages,  les  eta- 
Llissemens  civils  et  lilU'raires  de  cette  republi(]ue.  Le 
litre  est  orne  d'nn  fleuron  qui  rep  resent  e«l*elevalioii 
de  la^eetlu'drale,  On  Irou ve  a  la  iin  de  I'ouvrage  deux 
cartes,  !'un?  du  canlon  de  B*  rne ,  I'autre  de  la  ville 
elle-mcme.  Cette  derniere  carle  otrre  aussi  Televation 
de  que".':n3s-iihs  dcs  priiicipaux  balimens  ,  tels 
que  le  po;lail  de  IVglise  Saint-Vincent  ,  le  stift 
et  le  cons'stoire  ,  Ti  opital  pour  les  malades  ,  le 
grand  greui^r  ,  la  Monnoie  ,  et  I'^glise  du  Saint- 
Eisprit. 

BlOGRAPAIE. 

'Adrege  de  la  vie  cles  aaciens  phllo  so  plies  ,  con- 
tenant  f  analyse  de  Lcurs  si/stemes  physiques _, 
reiigieux  et poiUiques ,  avec  Le  reciieil  de  ieurs 
plus  belles  maxinies.  Par  F.  de  Sjlignac  de 
LA  AtoTTE  Fenelon.  A  Paiis ,  de  I'li-nprimerie 
cle  Honnert  ,  rue  du  Colom)  ier  ,  n."  1160.  1795  , 
I'an  3.=  de  la  Bcoublique.  Sj  vend  chez  Morin, 
libreire,  rue  Christine  ,  n."  12,  Prix,  8  livres  et 
9  i:v\  pour  les  deSpartemens. 
Get  abrege  se  fait  distinguer   par  le  stjde  net  et 
concis ,  par  Tor  are ,  la  pre  cislon  ,  Tagrenient  et  la 
variete  qui  y  so  .-it  repartd.;s  ,  avec  ce  cliarme  dont 
Feneion  a  su   embel  ir  tcutes  ses  productions. 

Oct  ouvi ai;e  e?t  particuliereraeni  destine  aux  per- 
sonnesqui  veulent  s'adonner  a  l\'tude  de  la  pluloso- 
phie.  i'.lles  y  trouveront  les  divers  sjslemes  des  dcoles 
de  la  Grerr  ;  cpu.\  d.  PAcadi^^mio ,  ceux  des  Cjniques, 
desCjrc'naiques.  drs  Slo-cien^  j  le  systemede  Pyt'ia- 


Livjes  divers,  14.3 

gore  sur  la  melempsycose  ;  celui  de  Socrate  ,  sur 
I'immorialile  de  Tame  ;  celui  d'Aristota  ,  sur  la  pliy- 
sique  du  nioride  5  celui  d'ipicure  ,  sur  ies  alomes, 
etc. ,  etc^elc. 

Tout  ce  qui  a  cto  ecrit  par  rimmorte'  r(^n;'lon  , 
xi  droit  de  nous  iiileress?r  ;  et  cetle  reitii}  r.^ssion 
d*un  traite  de  lui  ,  devenu  rare  ,  est  asiur(§e  du 
4ucces. 

Arch^ologie. 

MiNERALOGlE    des  HoMER  ^   UOtZ    AuBI^-LoUIS 

MiLLiN  y  aus  deniFranZiOslsckea  mit  aniiier^ 
kungen  and  Bcnc'tlgu.agen,  votz  Friedricr 
TuEODOR  Rink  J  dcr  h^hlLosophle  doctor. 
K-oni'^sbergunxi  Leipzslgj  beij  FriedrLcfi  Nicoto- 
l>Lus  J  1793  J  in-8*^.  ,  126  seiten.  —  Mineralogte 
d'Honiere  ,  par  Aubin-Louis  Millin  ,  traduitedu 
franraispar  Frederic-Thfodore  Rtnk  ,  avec  des 
reraarques  et  des  observations  du  traducteur. 
A  Konigsberg  et  a  Leipsick  ,  cliez  Frederic  Nico- 
lovius  ,  1798  ,  in-8.°  de   126  pages. 

Les  journaux  out  snffi>aminent  rendu  compte  de  cet 
ouvrage,  lors  dz  sa  publication  ,  en  1791  ,  Tiicodore 
Rinck  en  a  entrepris  la  traduct  on  ,  dit-il,a  cause 
de  I'utilit^  (loiit  il  pent  etre  pour  I'intelligence  des 
poetes  et  des  a  .ciens  auleurs.  A.  L.  Millin  a  ras- 
sembl6  dans  cet  ^crit  ,  i^s  details  rrlatifs  anx  ar's 
melallurpiques  dans  la  haute  anti:iuit^'.  L'^dition  ori- 
ginals se  trouvechezGarneri,  me  Serpen  te,  n."  17,  eta 
la  Librairie  Encjclopi'dique  ^   rue  ^de  Vaugirard  , 

D.o    973. 


144  Nouvelles  littiraires. 

Grammaire. 

X^uop'o  VocaboLarlo  it,allario-tedesco  aWaso  rfe' 
principlanU  ,coinpllato  ^a Bartolombjeo  Bor- 
RONi  5  due  toinl ,  8.°,  ciasckeduno  di  540  pag, 
Milano,  i']()^,presso  Giuseppe  Gaieaz^Xii^  stam" 
patore  e  libra  jo  con  approvaziione. —  Nouveau 
VocABULAiRE  italieii  et  francais,a  I'usage  des  com- 
mencans  ,  compile  par  Bartbolorn^e  Borroni  5 
Milan  ,  1794 ,  chez  Joseph  Galeazzi ,  deux  vol.  8.<»j 
de  540  pages  chacun. 

II  existe  deux  dictlonnaires  italiens  -  allemands 
estimes,  ceux  de  CasleUi  et  de  Flathe  _,  imprimes  a 
Leipsick ,  Pun  en  1782,  et  I'autre  en  1785  ,  chez  les 
h^ritiers  de  W eidnian.  Mais  s'ils  ont  le  merite 
d'etre  plus  r^cens  et  plus  complets,  ils  ont  I'in- 
conveiiient  d'etre  voluuiineux  et  chers.  C'est  ce  qui  a 
d«^cid6  BartlioLom^e  Borroni  a  enlreprendre  celui-c  I 
qui  contient  avec  tons  les  mots  en  usage  ,  primitifs 
ou  composes  des  deux  langues,  des  eclaircissemens 
propres  a  aplanir  la  route  aux  etudians  ,  et  qui  , 
par  son  peu  de  volume  et  la  niodicitd  du  prix  ,  est 
d'un  transport  commode  et  d'une  acquisition  facile. 

Le  premier  tome  renferme  le  dictionnaire  italieii- 
allemand  ,  d'apves  Alberti :  et  le  second  ,  rallemand- 
ilalien  ,  d'apres  jF/a/Ae  ^  Ilubner  ,  et  autres  auteurs 
classiques.  L'auteur  y  a  joint  tout  ce  qui  pouvoit 
facililer  les  efforts  des  commencans  ;  je  m'en  suis 
servi  avec  avanlajKi  pour  vaincrv^  les  premieres  ditli- 
cultesj  et  je  crois  qu'il  pent  e!re  fort  utile,  sur-tout 
quand  on  veut  posscder  les  d.  u.\  kaigues. 


L  I  V  R  E  S    D  I  V  K  R  S. 

L'Abeille  francaise.    Paris ,    de  flmpdinerlo 
francaisc  de  Miiemorgue,  rue  desMirainiones, 
N.«  io6  ,  e^  ckex,  Goiiry  Larocfie  ,  an  p assays 
Honorc. 

Le  but  dii  citoyen  Edmond  Cordfor  ,  en  com- 
posant  ce  recueil  ,  a  etc  de  donner  des  lecons  da 
morale  a  la  jeunesse.  On  ne  peut  qu'applaudir  a  son 
intention.  Quelques-uns  de  ces  morceaux  sont  tires 
du  Recueil  de  la  societe  des  neuf  soeurs ,  intitule  ? 
Trlbut  des  muses  ;  d'autres,  des  meilleurs  poetea 
ou  des  meilleurs  prosateurs. 

La  traduction  de  VlUstoirede  la  decadence  de 
i'empire  ronialn^  que  nousavons  annoncee  dans 
rotre  dernier  numem  ,  et  qui  se  trouve  chr^ 
Maiadan  ,  libraire  ,  nre  du  Cimetiere-Andre-du&, 
Arcs ,  SG  vend  25o  liv. 

JirSTOIRE  DE  LA  Con ,  URATTOy  TiE  RoBESPJY.nnE^ 

Vn  vol.  in-8.",  de  220  pages,  sur  be  au  papier.  Piiv, 
7  I'V. ,  el  8  liv.  franc  de  port  pour  les  depar!'--, 
mens  et  pays  conqui^-.  A  Paris,  clirz  Moriu ,  li- 
braire, rue  Cl-ristinc,  u."  12,  cl  chez  ies  marcliand^ 
flp  nouveauits, 


TABLE 

Des  Articles  conteriLis  dans  ce  Nunidro 

HjSTOIRiE   NAi'URELLE. 
g_'iaductioit  JiaiH-aise   (in  Sjstc 


ma   naturce  de  l^iuueus ,    par 
Vanderstegen  ,  page  5 

LiTHOIiOGIE. 

jjcscription  de  I'emeraiide }  par 
Dolomicu  ,  17 

M  E  D  E  CINE. 

Les  Pronosliques  el  le  Frorrhe- 

iiijue  1.  tf  Hippocrate  ;,  traJuil 

eii    froncais  par  Le    Febure- 

'Viliebruae  ,  3o 

Anatomie. 

Dcscn'iJtion  d'unc  statue  anato- 

iniijLie  ,  par  Fontana  ,  35 

11  I  S  T  O  I  R  E. 

S^ctjage  dc  John  IVIiith,  a  Bo- 

tajijBajy  iiad.pai  Poiigens,37 

HiSTOIKE  LltTEKAIRE. 

Sfat  des  Arts  a  Avignon  ,       ^2 

Hist.  litt.  bu  moyen  age. 

Jtk'olice  sur  ics  Foetcs  cpiijttes,  pai 

•Halley  ,  47 

T  y  P  O  G  R  A  P  HI  E. 

jPilchlisseincr.t 
dfs  Anglais  dans 
Laiigl^s, 

HiSTOIEE   DES    ARTS. 

Description     d'unc    gr  autre    di 

J^Sjy  par  Obfriin,  61 

BlOGRAPHIE. 

SSfotice  sur  Alhgrainj  seulptein. 

a 

JS'olui  -un  la  (--/e  et  !cs    oucragc 

de    Jjiirt/uifrnj'-.     Catahgue   iA 

its  out-ragesj  7- 

A  R  C  H  ^S  O  T.  O  G  I  E. 

Jjgltre    sur    les    aniicjuites  de  It 

>.  illi'dc  lifandeurc,  commumquci 

par    la  repri'sentant  Gxc'^oire  , 

95 

LiTTliBATTJRE   LatINE. 

Traduclicn  de  la  conjuration  de 

Catiiinaj par  "Rillecocq^         104 


lypographicjiic 
ins   i'lndc  _,  pa 


61 


MELANGES. 

Anecdotes  et  pciisces  ddtac/u'e-tf 

par  H^xauU-Sech^WeSf         118 

P   o   E   s   I  E. 
Imitation    de  Klopstockj  par  M. 
J.  Chenier,  124 

Fragment  du  po'eme  de  la  Nature^ 
par  Le  Erun^  I2(> 

f^'ers  pour  le  bustc  de  Desaiilt, 
par  Pigault  Le  Bruii,  laS 

Poesies    hi^rses. 
Trathalj  po'eme  d'Ossian  ,     1 29 

NOUVEX.LES    LiTTERAIRES. 
Suite  de   la  nomination  des  pro- 
fess eurs  d    Vecole    centrale    de 
Paris,  I'ij 

Mort  de  Desault,  premier  chi- 
rurgiendei'/iospice  de  Vhuiha- 
nilc,  ,  ibid. 

Academies   pTRANCinEs. 
Socictc  Economique  dc  Florence ^ 
l38 
LiVRES    DIVERS. 
Chirurgie. 
Leziont  sopra    le  malattic  dcllc 
vie    urinaric    del  sig.    Desauil., 
tradotle  dalj'rancese,  con  aitiu-- 
taxiionij  perd.  G.Coucini;,  ibid. 
Histoire. 
Sagcrio  sulla   religionc  de*   JlTac- 
mettanidi  Giuseppe  Calza^  l.\o 

Geograpnie. 
Erd  Bcschrcibung     t^on  Asicn  ^ 
i^on  A.  C.  Borheck,  ibid. 

Topographie. 
bcschrcibung  dcr  siddt   und  tC' 
puhUk  Bciii,  I^X. 

Biographic . 
r^ie     des    anciens   pLilosop/ies  y 
par  Fenelon,  142 

Archeeologie. 

Mineraloi'ic  des  Homer ^  can  Aut 

bin-Loiiis  Miliin  ,  143 

GHnunaixi?. 

Nuoi'o     T'ocaholaiio   itclianc-le- 

d-.sco  da  B.  Bctrom,  1 44 


PE  L'lMPRI^ISiaS    BV     MaGAZIN    ENCYCtOPKDIQVB. 


M  A  G  AZIN 

ENCYCLOPEDIQUE , 

OTJ  / 

1 

JOURNAL  DES  SCIENCES;^;^^^ 
dp:s  lettres  it  des  arts, 

^  t  J)  X  o  t 
P^r  MiLLiN,    NoiLet    Wakens* 

II  ay  *  prcjquc  phis  d'ouvragcs  ppiiodi^ue*  qui 
lervcnt  dc  depot  aux  inventions  oouvcllcx  ct  jqui 
Tetraceiit  Thistoirc  d«  Tesprit  hujfjaiu  ;  ccux  qui 
•  ■I  couTs  «cmblcnt ,  pour  la  plupavt ,  eviter.avec 
StiTecution  tout  ct  qui  peut  alimenicT  Ic^goAt  d«i 
icicnces  et  rjeme  dc  la  morale.  Scroit-il  done  indi- 
jne  de  la  Convcniion  d«e  s'occuper  a  reorganiscj 
cctte  lar4mche  d«  Tinstruction  natiooile  ? 

'S%iiGX>Ilt  ,  'RJipJiOTi   sur   lis   (Ticvura^emens  ,    recompemes    «| 
ptns'nT.i  a  accorder  aux   Savans  ,  pag«    i6. 

Vj  e  Journal ,  auquel  la  plupart  des  hoimnes  qui  ont 
un  noin  dktingu^ ,  une  reputation  justement  acquise 
d^Mi^qiielquepautie  des  arts  ou  des  sciences  ^  telsqueles 
citoy«ns  Bitaube,  Cabanis  ,  Gaillard,  Chemep , 

X)aUBENTON,  DsELILLtE^DesTONTAINES  ,  UOLOMIEO, 
l^ONTANES  jFoURCROY   ,    HaUY  ,   HeRMAN   ,    LaCE- 

^EDE  ,  Laorangi,  Laharpi,Lalandf^  Lamark, 
Langle*  ,  Laplacs  ,  Lebrun  ,  LKRor ,  I'Hkritier, 

MeNTELLEjMoRELLET^  ObERLIW,  SrCARDjSOARD, 

yoLN£T,etc.  etc.  eontiibueroBt  ,  conti«adra  i'ex trait 

iV'.    VI.    Tome   U, 


fles  pvinrlpaux  buvragei  aatioiiaux  ;  ep  s'attaclaera 
lur-tout  ^enfidfiner  une  analyse  exacte  ,  et  a  lafarie 
paroitre  le  plus  pfomptemenf spo^fble  apr^s  leur  pu- 
blication. On  J  donnera  u<ie  notice  dec  meilleurt 
^crit*  imprim6«  chex  I'^tranger. 

On  y  ins^rera  les  m^moires  les  plus  int^resiani 
•ur  toiites  le<  parties  des  artset  des  sciences; on  choi- 
«ira  s  r-tout  ceux  qui  seront  propres  4  en  acc6l^r<^ 
les  progr^s. 

Ony  publiera  les  d^couvertejingdnietjse*,  les  inven- 
tions utiles  dans  tous  les  genres.  On  y  rendra  coropio 
des  experiences  nouvelles,  de  la  formation  et  de  Tou- 
verture  des  Museums.  On  y  donnera  un  precis  de  ce 
que  les  stances  des  soci6t^s  litt^ralres  auront  offert  d« 
plus  int^ressant ,  une  description  de  ce  que  les  dep&tf 
d'objfrtS"  d'arts  et  dei  sciences  renferment  de  plus 
iiurieux. 

On  y  trouvera  des  notices  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
fles  Savans ,  des  Litterateurs  et  des  Artistes  distinguea 
dont  on  aura  a  regretter  la  perte ,  enfim  les  nouvelles 
litt^raires  de  touie  espece. 

Ce  Journal  sera  compost  de  six  volumes  in -8'.  par 
an ,  de  600  pages  chacun ,  et  au  moins  de  24  gravure« 
en  regard  des  articles  qui  ea  exigeront.  II  paroiUa 
tous  les  quinze  jours  on  num^ro  de  9  feuilles* 

Le  prix  de  I'abonnement  est  4  raison  de  iS  lir, 
pour,  trois  mois  ,  r6ndu  franc  de  port  par  ^ute  It 
^^publique.' 

On  s'ndresse  ,  pour  Pabonnement ,  au  Bureau  du 
Magaain  Encyclopedique  ,  rue  Honor^,  N^.  94 ;  et  poiir 
les  objel8  relatifs  k  la  redaction ,  a>ux  R^dacteiirs ,  rue 
cJe  Provence,  W^.  48. 

II  faut  affranchir  les  lettres  et  charter  celLes  qoi 
temtittDQeni  des  assi|^ats. 


HISTOIRE   NATURELLE. 

LITHOLOGIE. 


Suite  de  la  description  de  VEmeravde  .  par 
D.  DoLOMiEU  ,  professeur  d'Histoire  naturelk  , 
aux  Ecol'es  centrales  de  Paris. 

REMARQUES  SUR  LA  TRANSPARENCE  DE 
L'EMERAUDE  ,  ET  VARIETES  QUI  EN 
DEPENDENT. 

VaRIj^TES  de  SEtONDE  SORTE, 

JLes  Emeraudes  sont  encore  plus  sujetes  que  les 
autres  gemmes,  a  etre  glaceuses,  nua-euses  .t  mal. 
nettes.  II  est  extremement  rare  d'en  trouver  qui 
soient  exemptes  de  ces  defauts.  On  peut  done  fixer 
sousce  rapport  trois  vari^t^s'principales  de  TEme- 
raude ,  savoir  : 

Waniite  i.re  Emerauhe  nette  ,  pure  ,  et  aussi 

TRANSPARENTE    QUE    LE    PERMET    LA    GRANDE    IN- 
TENSITE  DE  SA  COULEUR. 

Nota.  II  existe  tr^s-peu  d'Emeraudes  verles,  unpeu  Lautes 
en  couleur  ,  qui  aient  ce  degre  de  perfection, 

VarleU  2.^  EmeHaude  demi-transparente. 

Nota.  Tellss  sont  presque  toutes  les  Emeraudes  d'un  certain 
volume  ;  la  muliiplicite  des  ger^ures  trouble  tellement  leur 
tiauspareuce  ,  que  la  luoni^re  passe  i  peine  a  travers  leui 
luasse.      '  .         . 

Tome  11,  XT 


^^5  lithologk. 

VarLete  3.^  Emeraude  oPAQtJE. 

l^ota.  Enfin  le  passage  de  la  lumi&re  se  trouve  totalement 
inlercepte  dans  certain  s  Emeraudes  ,  non  seulement  par  les 
pua..es  et  gUcjures  auxquelles  elles  sont  si  suj^es  ,  mais  par 
destauiliuresetra-gJres.\leur  composition  ordinaire  par 
d.s  DK^langes  de  corps  lerreux  ou  pyriteux  ciui  oat  et6  enfermes 
dans  leur  masse  lorscju'elle  s'est  agrc^gc^e. 

Eulie  ces  trois  varii:ies  de  transparence  ,  il  7  a 
beaucoup  de  gradations  iaterm6dialres  qui  influent 
surl'estirequ'onpeut  faire  des  Emeraudes.  Car  ce 
nVst  point  encore  autant  la  vivacite  et  I'Intensite  de 
-  leurs  belles  nuances  vertes  ,  que  le  degr6  de  leur 
transparence,  qui  determine  leur  valeur.  Vo^ez  les 
annoUtions. 

BEMA.RQUES  SITR  LA  I^ORME  DE  L'^.ME- 
RAUDE,  ET  VARIETES  QUI  EN  DEPEN- 
J)ENT. 

Variet^s  de  troisieme  sorte. 
a.    Torme   regulien   ou    dctermine'e. 
Les  Emeraudes  ont  une  telle  tendance  a  Fagr^ 
gation  r^guliere  ,  qu'on  les  trouve  presque  toujours 

cristallisees. 

Quoique  moins  sujetes  que  beaucoup  d  autres 
plerres  ,  a  varier  dans  leur  forme,  quoiqu  elles  ne 
fassent  jamais  disnaroitre  le  type  de  leur  figure  pri* 
mitlve,  elles  (^prouvent  cependant  quelques  modih- 
cations  de  forme,  qui  influent,  et  snr  le  corps  des 
pxismes  ,  et  sur  ses  soinaiit6s  ,  c.  qui  ^taUit  diffe^. 
rentes  vari6t6s. 


t)escr?ption  Je  TEmeraude.  14^ 

J^afiiti  i.^^  PftrsME  hevaedre  dboit  ,  tkonquk 

NET  A  SES  DEUX  EXTREMIT^S  ,  ET  TERMINE  PAa 
DES  plans  I»ATt4.LLELES  ENTr'eUX  ET  PEKPE.NDX- 
CULAIRES  SUR  l'uN  DES  PAISMES. 

a.  Prisme    dont  Us   six    facxs   Iciteralei  sont  egalcs 

entr''elles, 
li'ota.  Telles  sont  les  Eraeraudes  les  plus  communes. 

b.  Fnsme  comprime\  dont  ies  deux  faces  oUpOiees  soril 

larges  ,   et  quatre  elroltes. 

c.  Prisjne  dont  trois  faces  larges  alternent  avec  trois 

faces  etr cites. 

JSfota.  Ces  deux  dernieres  modifications  sont  assez  rates  dang 
iles  Emeraudes. 

Cette    forme    prismatique    he'-iedre    est   la    plus, 
simple  qui   puisse  r^suller  de  I'assemblage  r^gulier 
des  molecules  integrantes  de  I'Emevaude.    El.'e  doit 
^tre  consideree  comrae  sa  forme  primitive  ,  d'apn'S 
les  belles  observations  d'Haiij.  Mais,  s'il  esl  ordinaire 
de  trouver  des  prismes  qui  const  rvent  la  face  hexa- 
gone  tres-lisse  et  eclatante  qui  les  termine  naturel- 
lement  d'un  cot^  ,  il  est  tres-rare  dd  reucoiitrer  les 
plans  naturels  dans  les  deux  extrcmit(5s  opposees  ; 
I'un  des  deux  est  presque  toujours  remplace  par  une 
cassure  d*apparence  vitreuse  ,  parce  que  c'est  pres- 
que toujours  par  une  de  ses  extremites  que  le  prisma 
est  engage  dans  sa  matrice.    Tres-rarenient  on  voit 
des  prismes,  couches  sur  leur  gangue  ,  y  adlierer  pai' 
une  de  leurs  faces  lat6ralei,et  avoir  lours  deux  extrc^; 
iDit6s  libres  et  regulieres. 

K  3. 


l^B  ■  Ljthologie. 

C'est    par  des  d'croissemens  sur   les   angles   du 

piisme  pri  uitil,  que  I'Emeraude  passe  a  la  vari6t6 
fiuivante. 

P'ariibe   2.^  Prisme  dodecaedre  droit  ,  TRONQui 

^ET    A    SES    DEUX    EXTREMITe's. 

a.  Prisnie  dont   les  dome  faces  sont  egales  entfelUs. 

b.  Fiisme  dont  les  six  faces  ^  qui  remplacent  les  six, 
aretes  laterales  de  C kexaed)  e  ^  sont  moitie plus  petites 
que  les  faces  laterales  primitives. 

c.  Prisnie   subdode'caedre  ,    dont    les  faces   nouvclles 

commencent  a  ctre  apparentes. 

Tifota.  Cette  ■vari6te  e€t  assez  comraune  dans  les  Emeraudej 
du  P^rou, 

J^drl^'te  S."  Prisme  dont  les  six  angles  soiides 
DU  sommet  sont  remplac^s  par  six  faces,  qui 

rONT  AVEC  LES  ARETES  LATERALES  DV  PRISWE  UN 
AI^GLE  DE  120  DEGRis. 

a.   Ces  six  faces  trigones. 

JVola.  Aussi  long-temps  que  ces  faces  ^tafclies  sur  les  angles 
soiides  de  rextn^mite  du  pvisme  ne  s^etendent  pas  jus(ju'4  se 
toucher  et  ^  empi^ter  les  unes  sur  les  autres  ,  elles  restent 
trigones  ,  et  la  fa.-e  sup^rieure  qui ,  dans  I'Emeraude  ,  se  coa- 
lexve  toujours  ,   devient  dodecag^ne. 

b.   Cis   six  fares   pentagones. 

Zfota.  LoTsque  ces  faces  s'etendeut  jusqu'a  empi^ter  les 
unes  sur  les  autres  ,  elles  d.-vienjaent  pentagones  ,  et  la  faoe 
jupt'^rieure  xedeyient  hexagoive. 


Description  de  rEweraude.  i^g 

Vdriite  4.^  Pristme  dont  les  six  angles  solides 

ET  LES  SIX  ARETES  DU  SOM.MET  SONT  REMPLACES 
PAR  DES  FACES  QUI  FONT  ,  AVEC  LES  FACES  LA- 
TERALES  DU  PRI.SME  ,  DES  ANGLES  DE    l35  DEGRES. 

Nota>  Ces  apparences  de  tronca lures  ,  produitps  par  des 
clecroissemens  qui  se  sont  fails  en  meme  lemps  et  sur  les 
angles  solides  et  sur  les  aretes  ,  donnent  done  un  sommet 
a  treize  faces  ,  savoir  ,  six  faces  pentagones  sur  les  angles 
solides ,  six  faces  trapezo/dales  sur  les  aretes ,  et  la  face  supe- 
rieure  qui  est  alors  dodecagone. 

II  est  possible,  mais  extremem?nt  ivire,  que  les 
sommets  des  prismes  de  L'Emeraude  devieniient  plus 
compIiqiK^s  ,  ou  par  I'addition  de  quekjijes  nouvelles 
faces  qui  s'etai;lissenl  sur  les  angles  solides  ivsullant 
des  premiers  decroissemens ,  ou  par  la  division  des 
faces  qui  caractc^risent.  la  variety  ci-dessus  ;  division 
produite  par  le  prolongement  de  celles  des  faces  lat^- 
rales  qui  ont  rendu  le  prisiue  subdodecaedre  ,  et  qui 
peuvent  s'elendre  jusqu'a  partager  en  deux  les  faces 
^'tablies  sur  les  angles  solides  de  Tiiexaedre  primitif. 
D'ailleurs  ces  difTtrenles  faces  du  somnet  ,  em- 
pietant  inegalement  les  unes  sur  les  antres  ,  peuyent 
donner  a  ces  cristaux  une  apparence  de  complication 
et  d'irregularite  qui  les  rend  quelquefuis  difficiles  ^ 
analyser. 

J'ai  trouve  dans  les  granites  de  Pile  d'Elbe  un 
crislal  parlait  d'Emerande  blanc'ie  qui  appartient  ^ 
celte  variete  ,  laquelle  est  tres-rare. 

b.   Forme  irreguliere  ou  indetermine'e. 

Quelquefois  I'Emeraude  est  teliement  engagt'edajis 

K  3 


i5o  Lithologie. 

ga  gangiie  qu'elle  n*a  pu  prendre  qu'imparfaitement 
les  formes  regulieres  qui  lui  sont  propres. 

On  troiive  anssi  dans  le  commerce  des  Emerandes 
en  masses  arrondies ,  dont  Ics  angles  ont  sans  doute 
^l^  emouss^s  en  roulant  dans  les  eaux. 

Matrices,  gangues  et  substances  le  pltjs  com- 

HUNEWENT     GROUPEES    ET    ASSOCIEES    AVEC    l'E- 
JMERAUDE. 

La  matrice  de  I'Emeraude  varie  beaucoup  dans 
sa  nature  ;  j'ai  vu  des  Emeraudes  de  differentes  cou- 
leurs  adlierer  a  deS  pierres  calcaires  noires,ades 
schistes  argileux  ou  pjriteux  ,  au  quartz ,  au  quartz 
micace  ,  au  granite  de  difT'iente  composition.  Les 
prismes  y  sont  ordinairement  comme  implantcs. 

JVota.  Leplns  beau  groupe  d'Emeraudes  qui  existe  peut-^lrc, 
est  celui  du  tresor  de  Lorette  :  pr^s  de  cinquante  prismes  d'E- 
meraudes verles  ,  de  deux  pouces  de  longueur  ,  sur  un  pouce 
de  grosseur  ,  y  sonL  implantes  dans  une  masse  quarlzeuse, 
tlanche  ,  melee  de  mica  argentin ;  pendant  que  d'autres  Eme- 
raudes sont  comme  empalees  dans  la  masse  meme.  (  La  base 
de  I'autre  groupe  ,  qui  sert  dependant  a  celui-ci  ,  est  faclice^ 
ft  les  Eaieraudes  y  soul  artificiellement  collees  ). 

.  Les  Emeraudes  se  fiouvent  quelquefois  associees  et 
groupees  avec  des  cristaux  de  quartz ,  de  feldspatU  , 
de  schorls ,  de  mica  ,  etc. 

On  voit  aussi  des  prismes  d'Emeraudes  envelopp^es 
*de  spatli  calraire.  de  fijpse  etc. ,  sans  qu'on  puis.rQ  diye 
que  ces  malipresleur  servcnt  de  matrice,  quoiqu'elles 
en  aent  Pdpp^srence  5  mais  il  est  evident  qu'elles 
^put  venuts  occuper  des  ca^-it(^3  ow  rEmeraude  etoil 


Description  de  VEmefaude.  i5t 

i^eja  toute  formee ,  et  que  ce  n'est  qu'accidentellemenf 
^n'ellesse  trouvent  ensemble. 

Assez  souvent  les  prismes  d'EmeraucIes  sont  iii- 
crustc's  et  comnie  saupoudres  de  pyrites. 

Nola.  Oq.  nomme  improprement  mere  d' Emerande  ,  prima 
d'Emeraude  ,  racinc  d' Emeiaudc  y  plasma  di  smeraldo  ,  des 
masses  pierreuses  de  diverses  sortes  ,  telles  que  des  prases  , 
des  quartz  ,  schorls  ,  feldspalh  ,  spalli  fluors  ,  etc.  lorsqu'ils 
out  quelques  nuances  de  vert  ;  non  que  ces  pierres  aient 
reellement  quelques  genre  de  rapport  avec  cette  gemme  ,  oa 
qu'elles  aient  une  origine  semblable  et  des  gites  communs, 
mais  uniquement  parce  que  leur  couleur  plus  ou  moins 
foncee  les  a  fail  regarder  comme  des  Eraeraudes  imparfaitcs  : 
ces  memes  substances  recoivent  aussi  le  nom  Aejausses  Eme-^ 
raiides  ,  lorsqu'elles   sont  cristallisees. 

GiSSEMENT    DE    L'E.ArERAUDE. 

L'Emeraiide  appartient  aux  pa3-s  dits  primilifs. 
EUe  s'j  Irouve  dans  queliues  filons  sleriles  qui  tra- 
versent  ou  les  roclies  composees ,  ou  les  scliistes  ar- 
gileux.  Elle  occupe  aussi  des  cavites  accideutelles 
dans  les  masses  de  quelques  granites. 

Nola.  Arracliee  par  les  eaux  ou  par  quelques.  autres 
accidens  ,  I'Emeraude  pent  se  renconlrcr  aussi  dans  le  lit  des 
rivitTes  el  dans  les  couclics  de  terruins  secocdairc-s  ou  de 
niatii-res  de  transport. 

Patrie  de  l'Emeraude. 
Toutes  les  Emeraudes  qui  sunt  maintenant  dans 
le  commerce  ,  viennent  du  Pdrou.  C'est  principale- 
ment  dnns  le  nouveau  royaume  de  Grenade  qu'elles 
se  trouvent  ;  et  parmi  les  mines  prcf-sentement  ex- 
ploitt'es  ,  on  designe  comme  les  plus  abondant/s  , 
ccllas  de  la  juridiction  de  Santa-l't  et  celles  de  \^ 

K4 


1 52  Lithologle. 

vall^ede  Tunca^  entre  les  montagnes  de  la  Nou-i 
veiU-Grenadc  et  de  Pompa^an. 

JVota.  Lors  de  la  d^couverte  dii  Nouveau-Monde  ,  lesEs- 
pagnols  trouvferent  une  immense  quantite  d'Emeraudes  a 
Pue-'to-VieJo  et  cl  Blonta  ,  sMr  la  cote  S\\  Pdrou  ,  dans  la  pro- 
vince de  Quito  J  et  on  les  transportoit  en  telle  abondance  en 
Europe  ,  que  Joseph  d'Acosta  dit  que  dans  le  vaisseau  sur 
lequel  il  revint  d'Amerique,  -  n  l585,  il  y  en  avoit  deux  cais- 
sons d'un  quintal  chacun.  Ces  premieres  mines  sont  depuis 
long-temps  epuisi'es  ,  et  la  Condamine  remarque  ,  comme 
une  chose  singuliere  ,  que  la  tradilion  des  lieux  ou  etcient  ces 
mines  ,  soit  aujourd'hui  entitrement  perdue  ;  que  des  pro- 
vinces et  des  rivieres  coj^servent  le  nom  d' Esitieraldas  ,  sans 
qu'on  trouve  aucun  des  anciens  travaux  pour  la  recherche  de 
cette  pierfe  ,  dont  la  memoire  n'existe  plus  chez  les  naturels 
du  pays.  Comme  les  Emeraudes  qui  venoient  de  ces 
anciennes  mines  ,  etoient  plus  parfaites,  qu'elles  reflechissoient 
un  beau  vert  de  prairie  ,  depure  ,  riche  et  bien  aviv6,  ce  qui 
n'est  pas  ordinaire  aux  pierres  des  modornes  decouvertes  , 
on  les  distingue  par  le  nom  d'Emeraudes  de  vieille  roche. 

Qucique  beaucoup  d'autres  regardent  la  vraie 
Emeraudc  comme  tellement  propre  au  Wouveau- 
Monde,  qu'ils  la  nomraent  \o\\]o\\vs  Eineraude  du> 
V^roLh  y  cette  gemme  appiirtient  aussi  aux  montagnes 
d«s  anciei.s  coniinens.  Auciennement  'I'Egjpte  ,  la 
Scjthie  5  la  Bactrianeen  fouinissoient  ;  maintenant  il 
s'eu  trouve  encore  a  Cevlan  et  dans  diff^-entcs  con- 
trees  de  I'Asi'e  et  de  I'Europe.  En  Erance ,  on  en  a 
d^couvert  dans  les  montagnes  du  Eore«t ,  du  Cha- 
rollois,  et  dans  celles  de  la  Bourgogne  ;  j'en  ai  ren- 
contre de  blanches  dans  les  granites  de  I'lle  d'Elbe , 
et  il  est  probable  que  les  recberclies  des  natiiialistes 
en  feront  recoiinoitfe  dans  beaucoup  d'autres  lieux  ^ 


Description  de  CEmcraude.  i53 

lorsqii'ils  ne  regarderont  pas  la  couleiir  vcrle  comme 
uii  caiactere  constant  et  essentiel  a  cetle  gemme. 

ANNOTATIONS. 

(  Ann.  i'^^)  On  a  donne  le  nom  d'Emeraude  a 
des  pierres  entierement  differentes  par  leiir  nature,  de 
la  gemme  que  nous  venons  de  decrire  ;  celle  dite 
Emeraude  cLll  Br^siL  ^  est  une  tourmaline  verte, 
transparente  ,  un  peuenfumee  ,  mais  qui  par  la  forme 
de  son  prisme  tt  de  ses  sommets ,  par  ses  stries 
loDgiludinales,  par  sa  propriety  pvroelectrique  et  par 
la  plupart  de  ses  autres  caracteres  exk^rieuis,  pl"j- 
siques  et  cliimiciues,  se  distingue  suffisamment  de 
la   vraie   Emeraude. 

La  couleur  a  etc  une  source  continue'le  d'erreurs 
en  denomination  ^  et  il  n'est  presque  aucur.e  pierre 
Verte  qui  n'ait  porte  quelquefois  le  nom  d'Eme- 
raude. Un  naturalisle  tres-savant  (  mon  ami,  La 
Metherie  )  n'a  pas  lui-meme  ^vite  cette  sorte  de  piege  , 
lorsque,  dans  un  m^moire  insert  dan^  le  Jou  nal  de 
phvsique ,  de  fevrier  1793,  il  a  donne  ,  sous  le  nora 
d'Emeraude,  la  description  d'une  pierre  dont  le  prisme 
est  hexaedre,  mais  dont  la  pvramide  presente  dcs 
formes  et  dcs  decroissemens  qui,n'apparliennent  pas 
a  I'Emeraude,  ainsique  I'a  caicule  le  celebre  Haiiy. 
Cette  pierre,  jusqu'a  present  innominee  ,  n'a  d'ail- 
leursni  la  duretc,  ni  les  autres  qualites  de  I'Emeraude, 
quoiqu'elle  lui  ressemble  par  sa  belle  couleur  verte. 

(  Ann.  2de.  )  L'ai^ue-marir.e  ale  rapport  de  forme 
le  plus  parfait  avec  I'Emeraude  ;  et  connne  ces 
deux  pierres  sont  susceplibles  de  prendre  ({uelque- 


i54  Lithologie. 

fois  les  memes  teintes ,  elles  sont  tr^s-aisees  a  con- 
fondre  ;  elles  ont  6[6  piusieurs  fois  j^nses  Tune  pour 
Tantre  pardes  Daturalisles;  et  presque  tuujours  on  a 
regard^  raigue-marine  comme  une  simplj  variete  de 
I'Emeraude  5  qui  n'eh  difFJroit  que  par  la  foibless'e 
de  ses  nuances.  Mais  en  compara:it  attentivement 
ces  deux  pierres  entr'elles ,  on  reconnoitra  qu'elles 
sont  des  especes'dislinctes.  On  trouvca  parmi  leurs 
caracteres  exttricurs,  qua  i'aigue-niaiine  a  tonjours 
de  slries  longiiudinales  pli'S  ou  moins  prononcc^es; 
les  faces  de  TEineraude  ,  loujours  lisses  Qt  xemples 
de  stries  ,  laissent  au  contraire  apercevoir  quelques 
laines  qui  leur  sor.t  pai;alleles. 

Mois  c'est  dans  les  caracteres  |  hyslcues  que  sont 
les  differences  les  plus  essentielles  entre  ces  deux 
pierres,  L'aigue-marine  est  un  pen  moins  pesante 
et  moins  dure  que  I'Einernude  ;  elle  n'a  qu'une  simplft 
refraction  (  distinction  bien  lemarruable  )  ,  elle  de- 
veloppe  par  la  collision  une  lueur  pLospliorique 
et  Podeur  oui  semble  appartenir  au  quartz ,  ce  qui 
n'arrive  pas  a  I'Em  vaude. 

Enfin  ,  dans  les  ess^'is  cnimiques,  Taigue-marine 
fait  une  assez  vive  effervescence ,  lorsqu'on  la  fond 
avec  cLs  alkalis  fixes  ,  et  elle  se  trouve  par  son  ana- 
lyse coiJenir  une  1  ien  moindre  quantite  d'aluniine. 

Tout  prouve  que  I'aigu''- marine  est  d'un  genre 
infer  eur  a  rEireraude  5  dans  (elk-ci,  la  silice.  plus 
pure  ,  iiuUemeiii  sainree  du  prinripe  qui  peut 
la  faire  passr  a  I'etat  de  quartz,  a  ^te  susceptible 
d'exercer  ]  lus  forlement  ses  affinitcs  avec  I'alumine, 
et  d'en  faire  entrer  une  plus  grande  quantite  daiis 
sa  combinaison. 


Description  de  CEmcraude.  i55 

(  Ann.  3^.  )  I-e  mot  Emeraude  ,   ou  un  de  ceux 
qui  lui  correspondent  dans   les  differentes  lan^ues  , 
ont  pr^sent^  I'id^e  d'une  pierre  precieuse ,  verte , 
dans  les  livres  de  la  plus  haute  antiquii^.  On  voit 
dans  le  livre  d' Esther,   que    la  salle  d'Assuerus 
etoit  psLV^e  d'Eineraiides.  Mais  la  longue  ^nnmera- 
lion  que  les  natnralistes  anciens  font  des  differentea 
pierres    qu'ils   appeloient  de    ce  nom ,   le  volume 
eAtraordinaire   qu'ils  suppos  rt  dans  quelques-unes 
de  ces  pierres ,  doivert  fuire  croire  que  le  mot  Eme- 
raude etoit  pour  eux  un  nom  aenerique  ,  aj^plicable 
a  toutes   les  pierres  vertes.  Cependant   est-il  bien 
certain  que    notre    veritable    Enieraude  se   trouvat 
reellement   dans  le  nombre  de  ceiles  qu'iL'  ont  pre- 
tendu  designer  ?  Cetie  question  a  paru  douteuse  a 
quelques  savans  ,  et  Dutens  cntr'autres  a  cru  de- 
voir  se  decider    pour  la  negative.    Je  serai  d'une 
opinion  conlraire. 

Sans  doute  que  parmi  les  douze  esperes  d'Eme- 

raudes ,  designees    par    Pline ,  les    neuf   dernieres 

especes  n'ont  aucun    rapport   avec    notre  gemme , 

que  celles-ci  sont  ou  des  malachites  ,  ou  des  jaspcs 

verts,  ou  des  prases,  ou  des  spaths  fluors,des  ser- 

pentins  ,  ou    iv.eme.des  gjpses  verts  ^  demi-trans- 

parens,    pareils  a  celui  dont   j'ai  vu   un  echantil- 

lon  qui  vient  des  environs  de  Thebes  en  Egypte, 

et  dont  les  carrieres  doivent  etj'e  voisines  de  rem- 

placem.ent  de  cette  ville  fameuse.  Sans  doule  aussi 

que  les    pierres  de  dix  coud^es  de  longueur,  dont 

parle  Theopliraste  ,   sous  le   nom  d'En.eraude  ,  Gt 

Hpnt  quatve  $uflisoicnt  pour  laire  un  obelisque  dQ 


1 56  Lithologie. 

40  pieds  de  hauteur,  sont  aussi  ctrang^res  a  notre 
E'Tieraude  ,  que  le  cippe  d'Eraeraude  du  temple 
d'PIercule  a  TjT  5  dont  Herodote  fait  mention;  que 
les  ^ravi^.Qs  smaragdes  ^  dont  ^toient  faites  des  co- 
lonnes,  des  slatj^es  collossales  ,  citees  par  Pline  et 
par  differens  autres  ecrivains  de  I'antiquite.  Mais 
pourquoi  ]a  pierre  dont  Theophraste  dit ,  PE/ne-' 
raude  est  rare  ^  et  ne  se  troui^e  jamais  qu^en 
petit  volume  J,  ne  seroil-elle  pas  notre  pemme? 
Corairent  mcconnoitre  la  verifabls  Eir.eraude  au» 
traits  v)fs  et  brillans  ,  a  la  description  animee  ,  et  aux 
difltTens  caracteres  par  lesquels  Pl.ne  a  voulu  la 
dtpeindre  ?  A  quelle  autre  pieire  verte  attribuer 
la  tres-grande  durete  tiue  le  raturaliste  romain 
attribue  a  ces  trois  premieres  e?peces  ,  et  qui  eto^t 
telle  que  le  fer  ne  pouvoit  les  enfamer  ;  duritla 
tanta  est*ut  neqaeant  vuinerari?  Pourquoi  cetts 
tres-l;aute  estimation  des  ]::lus  petites  Eineraudes, 
dont  nous  parlerons  l.ieutot ,  si  celte  pi.  rre  u'avoit 
eu  la  rarete  et  les  proprietes  des  vrais  gemmes  ? 
Je  ne  puis  done  douter  que  notre  Emeraude  ne  soit 
de  meme  nature  que  les  trois  premieres  especes  de 
Pline ,  dont  il  dit :  les  plus  belles  j  les  plus  hautes 
en  couleur  y  celles  qui  sont  le  plus_^u4^ent 
exemptes  de  defaut ,  iiennent  deScyilue  ,  orh 
les  noij-ime  scL/tkiques  ;  les  secondcs  viennent 
de  la  Bactrianne  ;  celles  d'Egypte  o  ecu  pent  le 
troisidi^e  rang  ;  oti  les  tire  des  colUnes  et  des 
rockers  voisins  de  Coptos  ,  vLUe  de  la  T/id' 
baide. 

(  Ann.   4.^  )  Les   joaiiliers    et   les   amateurs  de 


Description  de  CEmtraude.  iS; 

pierrerles  ,  qui   doniient  I'^pitht'te  d'(jripntales  aux 
pierres  precieuses ,  non  pas  pour  dcs  gner  les  lieux 
de  leur  ori;4iue  ,  mais  pour   indiquer   plus   de  feu  , 
dV^claf  et  de  transparence  ,  et  snr-lout  plus  de  durcte, 
ont   aussi   voulu  dislhi.-uer  les  Emeraudes  en  orien- 
lales    et    occidentales  ;    les   premieres  ont    un  plus 
grand  brillant ,  pare-  qu'un  poli  plus  vif  a;  partient 
a  une  plus  graude  durel^  ;   leur   couleur  est   d'ua 
verd    plus   clair  ,   plus  gai ,  un  peu    tirant    sur   le 
jaune  ,  k^s  Enieraudes  occidentales  ont  ,  selon  eux, 
une  couleur  i^^lus  obscure,  tirant  sur  lo  bleu.   Chardiii 
dit  au  contraire    que    c*est   TE  ^  erande  de  couleur 
haute,  tirant  sur  le  noir,  qui  e?t  I'orientale  5  et  que 
celles-la ,  regardees    comrae    les   plus  dures ,    sont 
supposees   venir  d'Eijpte.   On  convient  maintenant 
a'ssez    generalement,  que   toutes  les    Emeraudes  se 
ressemblent    par    L-urs   quali  es    physiques  5   on   ne 
distingue  plus  celles  qui  viennent  du  Perou  ,  de  celles 
qui  appartisnnent   originair'^mcnt    aM*ancien  conti- 
nent ;   et   s'il  exisle    reellement   des    pierres    vertes 
d'un  degr6  de  darel6  bien  superieur  a  I'Emeraude, 
elles  pounoient  bien  appartfenir  a  d'autres  especes. 
Nous  connoissons  des  diamans  verdatres  ;  il  tie  seroit 
point    extraordinaire  qu'il  y  en  eut   d'un    vert    plus 
fonce  encore,  qui  auroient  tic  pris  pour  des  Eme- 
raudes; il  est  possi' le    aussi  que    la  couleur   ver'e 
ne  fiit  pas  dtrangere  aux  sapLirs  ,  ct  alors  ce  qu'on 
nommoit  Emeraude  orienta'e,  s'il  en  existe  reelle- 
ment, appartiendroit  a  des  especes  de  pierres  d'un 
ordre  bien  superieur. 
(  Ann.  5.^  )  Les  Eraeraudes  trouvees  de  nos  jours 


l!)?  Litkoiogie. 

dans    di'fft^rentes    contr^es  de  I'Euro'pe,  eti   Francti* 
meme  ,  et  cell-s  apport(^c«s  de  Ceylan  ,  ne  permelteiit 
plus  de    m!  \'r:'    eti    question   si   cette    gemme    est 
^Iranyere  a  ran-icn   continent)  et  si   elle  est  r(^-ser- 
Vee  aiix  seiile^  montaenes  de  rAm^rique  m^ridio- 
nale  ,  selon    le  raradovo    de  Dutens ,    soutenu   de 
i'opinion  de  Tav^i  ni;^r  et  de  Ghardln.  L'autorit6  de 
ces  doiiv  voyaiieuis  est  csrtainement  d'un  tres-grand 
poids  ,  :  ais  elle  ne  tient  pas  contre  I'existence  reelle 
denotreg^mme  daasnospropres  montagnes.  C^ardin 
et  Taveroier  ont  done  ecrit  que  les  terres  d'Orient 
ne  prciciuiso  ent  point   d'Emeraudes  ,   et   cependant 
ils  conviennent  nu'il  en  evistoit  avant  la  dtcouverte 
de    PAinerique  ;  car  les  anciens  poi?tes  persans  en 
fjnl  aienlion,  en  les  appelant  Emeraudes  d'Egypte. 
Et  du  temps   de    ces    vojageurs   on    connoissoit  en 
Perse  trois  sortes  d'Emeraudes  5  savoir  ,  celle  d'E- 
gj'pte ,  qui    est  la  plus  belle  et   qu'on  nomnie  de 
vieille  roche;  ensuite  les  Eiiieraudes  vieilles  et  les 
Emeraudes  nouvelles.    Pour  accorder  ce   fait  avec 
leur   supposition ,  ces   vojageurs    ont   imagin6   que 
long-temps  avant  que  nous  ne   connussions   le   Nou- 
veau-Monde  ,  les  an  :ens  Peruviens  faisoiintle  com- 
merce avec  les  habilans  des  iles  orientales  de  I'Asie  , 
qu'ils  leur  apportoient  des  Emeraudes ,  et   que  ces 
pierres ,  passant    ensuite  dans    le    continent    et    en 
Egypte  9   se  repandoient  progressivement    jusqu'en 
Europe  ;  et  que  de-U\  venoit  I'opinion  qui  leur  attri- 
buoit  pour  lieux  d'origne  les  pajs  d'oii  le  commerce 
les  apportoit.  lis  appuient    leur  supposilion  de  I'i- 
gnoraace  ou  I'on  est  d'aucune  mine  d'Enieraude  dans 


Description  de  VEmeraudf,  f  5g 

♦out  POricnt ,  et  du  trafic  que  font  encore  mainte-^ 
..antles Ammcains  avec  les  habitans  des  Phiiippfnes, 
afic  dans  lequel  les  Emeraiicles  brutes  entrent  comine 
o,^jet  d'echange,  pour  ensuite  se  repandre  dans  tout 
I'Orient. 

Je  ne  doute  pas  que  ,  depiiis  que  les  mines  du 
P^rou  ont  fourni  au  luxe  de  toutps  les  parties  de 
Tancien  pjonde  uue  telle  quautite  d'Emenudes,  que 
ia  valeur  en  a  beaucoup  dimipue,  toutes  les  m  nes 
autr  fois  exnloitees  n'aient  et^"  pix'squ'aussilot  negli- 
gees, ta  't  cellcs  de  I'Asie  qne  ce'les  do  I'Egv  pte  :  oa 
a  done  bienlot  perdu  les  traces  des  filons  qui  les  don- 
licicnt  ,  coinnie  en  Am^rique  n  e.ne  on  a  t  llement 
ouhlie  k^s  anciennes  mines,  quell  fraditio'.idL'slieu?: 
t[\\\  'es  recc'ljient  est  meme  perdue.  Je  crolsdjnc  qne 
Ls  nouvel'es  Emeraudes,  venues  de  I'Amerique,  ont 
pu  se  coufjndre  pir  leur  parFaite  ressemblance  avec 
les  anciennes,  qu'elles  se  sont  substitutes  a  elles  dans 
le  coamierce ,  mais  que  I'Asie  et  l'£;-ypte  ont  r6el- 
Icment  fourni  celles  qui  ont  paru  avant  la  fameuse 
ddcouverte  du  Nouveau-Monde. 

(  An».  6.«)  L'Emeraude  etoit  a  un  tel  degre  d'es- 
time  chez  les  anciens  ,  que ,  lorsque  LucuUus  ,  ce 
Roraain  si  celebre  par  ses  rirhesses  et  par  son  luxe, 
aborda  a  x^ilexandrie  ,  Ptolemee  ,  ocrupe  du  soia  de 
lui  plaire ,  ne  trouvarien  de  plus  precieux  a  luiofTrir, 
qu'une  Eineraude  sur  laquelle  etoit  grave  le  portrait 
du  monarque  ('^gyptien.  (  PLutarcfi.  in  LucuUo  ). 

On  respectoit  tellement  la  beaut^  de  cette  pisi're  , 
qu'on  sembloit,  dit  Pline ,  etre  convenu  de  ne  pas 
rentamer  avec  le  burin.  Voilci  sans  doute  pourquoi 


i6o  Lilhologie. 

il  est  si  rare  cle  tvouver  des  Hermes  antiques  graves 
sur  I'Emoraucle.  Cepeiidant  le  naturaMste  roraaiii 
coiiviv^nl  »^ue  lesGiCCS  I'ont  quelquefois  emploj^e  a 
cet  usage. 

Les  anciens ,  au  rapport  de  Th^ophraste  ,  se  plal- 
soieul  a  porter  TEmerJude  en  bague  ,  afin  de  s'.'^gajer 
la  vue  par  son  ^clat  et  sa  couleur  suaves.  lis  la  tail- 
loient,  soit  en  caboclion  pourfaire  Hotter  sa  lumiere, 
soit  en  tables  pour  la  r^flechir  regulierement  ,  solt 
plufot  meir.e  en  creux,  pour  reunir  un  plus  grand 
xiombie  de  rayons  et  pour  augmenter  son  jeu  ,  et 
cette  concavite,  d'un  aspect  velout^  ,  renvojoit  les 
images  renversees  qui  venoient  s'j  peindre  en  ra- 
courci  ;  car  c'est  ainsi  qu'on  pent  entendre  ce  que 
ditPIine  d'un  einp.reur  qui  vojoit  dan£  une  Eme- 
raude,  comme  dan?  un  miroir,  le  combat  des  gladia- 
teurs  auqucl  il  assistf^it. 

(  Ann.  7.")  La  valeur  actuelle  de  I'Emeraude  est 
diffi.ile  a  determiner,  parce  qu'elle  depend  raoins  du 
Volume  de  cette  pievre  rue  de  sa  perfection.  Boece 
et  Boot  esti'Dent  UEe  Emeraude  parfaite,  de  quelque 
grandeur  qu'elle  soit,  la  quatrieme  partie  du  prix 
d'un  diaraant.  Savary  donne  une  table  de  valeur, 
qui ,  dit-on ,  n'est  pas  exacte.  Dans  I'estimation  de 
cette  pierre^  on  convient  maintenant  cue  les  pelites 
Emeraudes  pures  et  claires  valent  ensemble  a-peu- 
pres  un  lou  s  le  carat.  Une  belle  En^eraude  du  poids 
d'un  carat  et  demi  ,  d.t  D:  tens ,  pent  valoir  cinq 
louis,  de  d^'ux  carats  ( ix  louis.  Mais  le  prix  an-dela 
de  ce  poids  n'augmente  pas  en  proportion  de  sa 
grandeur  ,  parce  (jue  les  grandes  Emeraudes  sont 
rarement  pures  et  sans  d  J'aut.  Une» 


Description  de  rEmer.iude.  161 

line  Emeraude  du  poids  de  dix  carats  ,  qui  aiiroit 
line  belle  couleur ,  de  la  purely  et  du  for.d  ,  seroit 
d'uii  prix  excessifjs'il  montoit  araison  deson  exireuie 
raret^  ;  cardans  I'estimation  des  diamans  dits  de  la 
couronne ,  une  grande  Emeraude  carree ,  de  la  plus 
belle  couleur ,  mais  mal  nette ,  du  poids  de  16  carats , 
a  ele  portee  a  12,000  livres  (  C'est  la  plus  belle  qui 
existat  dans  cette  collection  de  pierreries  ) ;  pendant 
qu'une  autre  Emeraude  de  bonne  couleur,  mais 
jilaceuse  ,  pesant  20  carats  ,  ne  monte  qu'a  6,coo 
l.vres. 

(  Ann.  8«.  )  VAcosta  j,  dans  son  Histoire  natu- 
relle  des  Indes ,  page  167 ,  parle  de  deux  Emcraudes 
qui  pesoient  au  moins  quatre  arobes  chacune  ,  ce  qui 
faisoit  plus  de  cent  livres.  Mais  cette  grossetu'  paroit 
extraordinairement  exageree,  puisque  GarcUasso  j 
dans  son  Histoire  des  Incas,  dit  que  la  plus  grosse 
pierre  de  cette  espece  ,  que  les  Peruviens  adoroiout 
comme  la  d^esse-niere  des  Emdraudes,  n'eloit  que  de 
la  grosseur  d'un  oeuf  d'autruclie. 

On  conserve  encore  a  present  dans  quelqucs  cn- 
droits  de  I'Europe^  avec  un  respect  religleux  et  avec 
line  estimation  exag^r^e ,  de  pretendues  Emeraudes 
d'un  volume  tres-consid.'rable  ,  lesquelles  ne  sont 
sans  doute  que  des  verres  factici^s  ou  des  tluors.  Tel 
doit  etre  le  morceau  quadrangnlaire  dit  d'Emeraude , 
pesant  20  livres  ,  present  fait  par  Char  emagne  a 
Tabbaj'-e  de  Reichenau  procbe  de  Constance  ;  et  fel. 
est  le  fameux  vase  conserve  dans  le  tremor  de  Genes  , 
et  que  I'on  monlre  avec  une  si  grande  reserve  el  tant 
dc  precaution ,  qu'on  doit  croirc  que  les  possesseurs 
Tome  Ih  L 


l6i  IJthologif, 

dc  cetle  merveille  doutent  euv-i-nemps  dc  sa  grande 
vaieur,  et  craignent  I'exaraen  d'uii  cril  exerce  qui 
en  pourroit  donner  la  vraia  approciatioii.  Ce  vase  , 
r\ommc  S aero  Cantino  ^  dl  snieraLdo  orientate, 
garde  sous  plusieurs  clefs ,  qu'on  ne  peuf  voii-  qu'avec 
line  permission  expresse  du  gouvernenient  ,  et  qu'un 
de'cret  du  s^nat  defend  d'approcher  de  trop  j  res  ,  ce 
vase ,  doni  le  prejiige  de  sa  vaieur  esl  tel  qu^en  i3i9, 
p.  ndant  un  siege  deGc'iies,  il  fut  mis  en  gcige  pour 
line  somme  ecju  valente  a  1200  marcs  d'or,  et  retire 
^  douze  ans  apres ,  par  i'acquit  de  cetts  somme  ,  est 
de  forme  liexagone  ,  avec  deux  petiies  anses  ,  d'une 
Foule  piece.  Son  grand  diametre  est  de  14  p6uces  ; 
sa  hauteur  ,  de  5  pouces  9  lignes ,  et  son  epaisseur  ,  de 
trois  lignes.  La  couleur  de  ce  vase  est  d'un  vert 
fonc6  ;  M.kle  la  Condamine ,  qui  I'a  examine  a  la 
luenr,  des  flambeaux  ,  avec  autant  d'attention  que 
pcrmettoit  la  distance  oil  on  le  tenoit ,  dit  qu'il  n'v  a 
pas  aper.;u  la  moindre  trace  de  ces  glaces  ,  pailles  , 
nuages  et  autres  defauts  de  transparence  si  communs 
dans  les  vraies  Emeraudes  et  dans  toutes  les  pier;  es 
precieuses  d'un  certain  volume  ;  'mais  il  j  distingua 
tres-evddemment  plusieurs  petits  vuides ,  semblables 
a  des  buUes  d'air,  de  forme  ronde  et  o])longue  , 
tels  qu'il  s'en  trouve  coram unement  dans  les  cris- 
taux  ou  verres  fondus  ,  soit  blancs  ,  soit  color^s. 
(  Memoires  de  I'academie  des  sciences,  annee  1767 , 
page  040  ). 

(  Ann.  9^.  )  Les  anciens  attri' uoient  de  grandes 
proprietes  a  I'Emeraude  ;ils  croj^oient  que  sa  couleur 
gaie  la  reudoit  propre  4  chasser  la  trisiessc  ,  et  faisoit 


Description  de  rEmerau^e.  iRS 

d'sparo'tre  los  fanfomes  inelan(o!iques  ,  appelej 
manuals  esprits  par  le  vulgaire.  lis  donnoient  de 
pins  a  TEmeraude  loiitt's  les  pret:'ndiies  verfus  sup- 
posees  dans  les  autres  pierres  pr<^cieus:'S ,  coiitre  le 
poison  et  difTerentes  maladies.  Stiduil.s  par  IVclat  de 
res  pierres  1  riliantes,  ils  s'etoient  plua  leur  im-  gmer 
aulaiil  de  vcrtus  que  de  beautes.  Mais,  aiusi  que-  le 
dil  BufTon  ,  au  phjsique  comme  au  moral ,  les  qua- 
iites  exterieur's  les  plus  brillanles  ne  sont  pas  tonrours 
I'indice  du  mt'rit^  le  plus  reel.  Les  Emeraud^^s  ,  re- 
duilesen  poudie  el  prises  intericuremenf ,  ne  peuvent 
agir  aulrernenr  que  comme  poudre  vitreuse  ,  action 
sans  doute  peu  curative  et  meme  peii  salutairf;  ;  c'est 
done  avec  raison  (  we  Pon  a  rejete  du  nombre  des 
rem^des  d'usage  ,  cette  poudre  d'Eineraude.  et  les 
cinq  tra.miens  precicux  autrefois  si  fameux  dans  la 
inedec  ne  ^aleniqi:.  . 

Sur  TEmeraiide,  coasullez  les  differens  livres  de 
inin<iralogie  ;  les  noles  de  Guettarrf  ^  dans  I'edition 
de  Pline ,  par  Poinsuiet  ;  i'ouvrage  de  Dutens  ^  des 
pierres  precieuse.s  ]  les  voyages  de  Tavcmler  et 
ceux  da   Charciln, 


La 


MA  M  M  A  L  O  G  I  E. 

MtMOiBE  suT  ime  nouvdU  division  des  Mammiferes  , 
ft  sur  Ics  principcs  qui  doivent  servir  de  base 
dans  cettc  sortc  dc  travail ,  hi  a  la  sorlfte  d'His- 
toire  naturelle  ^  h premier  Jloreal  de  Van  troisiime  , 
par  les  citoyens  Geoffruy  et  Cuvier. 

±S  ous  roiis  propoFons  de  soumetire  la  closse  des 
aniinanx  c^  maraelles,  a  ime  revision  pc^nerale  ;  de 
]es  ranger  en  ordre  et  en  genres  aussi  naturelsque 
peiivent  I'etre  des  agregations  qui ,  malgre  tout  le 
soin  qu'on  mel:  a  les  foimer  ,  n'ont  toujours  pour 
base  que  les  abstractions  des  naturalistes;  de  deter- 
miner les  rspeces  avec  precision  j  de  discuter  leur 
synonj'mie  ,  et  d'en  donner  I'enumerati  on  la  plus 
complete  que  l'6tat  actuel  des  connoissances  pourra 
permetlre. 

Avant  de  soumettre  a  la  societe  le  plan  general 
de  notre  nouvelle  distribution ,  nous  allons  lui  pre- 
senter quelques  idees  sur  les  principes  communs  a 
loutes  les  branches  de  I'Histoire  naturelle  ,  et  dont 
cette  dislribulion  sera  Tappllcation  immediate. 

Dfes  les  temps  les  plus  recules  ,  on  apercul  que 
la  no  lure  s'dlo't  plu  a  r^p^ter  certaines  formes  , 
ccrtaines  combinaisons  totales  d'organes  ,  en  les 
difli^rencianf  seulemsrt  par  des  attributsassez  lagers 
de  couleur,  de  grandeur,  ou  de  proportion. 

D>s  les  te;pps  les  plus  reoiilc^s  ,  on  s'habitua  a 
donner  a    loutes  les  especes  qui  se   ressembloient 


Methode  mammalogiqiu.  i65 

flinsi  par  la  majority  de  leurs  ranports,  nn  nom 
substautif  commiin  ,  et  a  distinguer  chacuiie  par  un 
adjeclii'propre  et  parliculier;  ainsi  nous  tro'ivons 
cliez  Jes  an:)iens,  ie  nius  domcsticus  ^  inus  agres- 
tls  ,  muf  cogi/pUus  J  niLis  alpinus  _,  etc.  lis  eui- 
ployerent  cetle  nomenclature  ,  sur-tciut  pour  les 
petites  especes,  et  I'apphquerenl  souvent  d'apres  le 
simple  coup  d'oeil  plutot  que  sur  dts  rapporls  i^els 
et  constans. 

Les  naturalistes  s'eraparerent  de  catte  i.^ee  , 
comme  exlremement  propre  a  soulager  la  memoire. 
lis  r^unirent  ensemble  les  especes  qui  se  ressem- 
bloient  le  plus  par  la  tolalite  de  lour  organisation  , 
et  en  Ibrmerent  les  groupes  auxquels  on  a  donnj  le 
nom  de  genres. 

Mais  comme  la  description  de  toutes  les  pnrties 
par  lesquelles  les  especes  d'un  meuie  ger.rc  se  re:- 
sembloient ,  cut  ete  fort  longue  ;  et  comme  {'exposi- 
tion des  petites  exceptions  partielles  quiserencontrent 
toujours  j.'eat  rendue  ditfase  et  obscure  ,  on  iniaglna 
de  choisir  parmi  tous  ces  rapports  d'organisation  , 
un  des  plus  saillans  ,  et  strr-tout  des  p' us  exclusive- 
ment  propres  a  chaque  f.ea-re,  qu'on  exposa  isole- 
luent ,  et  qu'ou  noijima'  caracttre  essentiet  dib 
genre, 

II  ne  pouvoit  et  ne  devoit  etre  qu'un  liidicciteur 
de  la  ressemblancc  existajite  entie  toul^s  les  e?pec.'s 
du  genre,  uue  espece  dc  cachet,  qui  ne  faisoil  pas 
le  genre  par  lui-meme  ,  mais  n'cn  etoit  pour  ainsi 
dire    que  Teuseigne. 

Comme  ou  n'avoit  d'abord  con:u  les  ge.nres  qutj 

L  3 


1 66  MammaJofi'ie. 

comme  cles  r^miions  foiidees  sur  la  nature  elle- 
nieme  ,  on  ii'avoit  pu  clioisir  arbilrairv'inent  leurs 
caracteres  IndlcateLirs  j  mais  on  avoit  pris  ceux 
qu'offioil  cbacjue  genre  ,  lantot  dans  une  partie  , 
tantot  dans  une  autre  ;  en  sorte  qu'iis  ne  prt^- 
sentaient  solivent  aucun  point  de  conlact  ,  et 
ne  sc  pretoient  a  aucune  comparaison  ;  cliaque 
ji,enr«3  semi;lolt  isole  ;  il  falloit  I'etudier  h.  part;  on 
savoit  bien  que  tel  caractere  etoit  cominun  a  ioutes 
les  especes  du  genre ,  mals  on  ne  pouvoit  etre  sur 
qu'il  excliit  toutes  ceiles  qiii  n'j  appartenoient  pas. 

Pour  remeclier  a  cet  inconvenient  ,  On  imagina 
de  prendre  io\\s,\Qs caracteres  Indicalcurs  dans  les 
diverses  conforniations  d'nn  organe  unique.  II  etoit 
clair  qu'il  ne  pourroit  j  avoir  dans  les  coupures, 
ni  obscurity  ni  incertitude ;  que  toutes  les  divisions 
et  subdivisions  naissant  d'une  dichotomic  rigoureuse  , 
chaque  etre  se  trouveroit  place  par  une  necessity 
iiiatbematique. 

Cependant  cette  idee,  bonne  en  elle-meme  ,  estce 
qui  a  fait  pendant  long-temps  de  i'Histoire  naturelle 
une  sorte  d'art  pueril  qui  ne  consistoit  qu'a  caser 
les  especes,  d'apres  dfes, regies,  variables  au  p;r6  de 
chaque  auteur,  et  avant  la  pluparl  aussi  pen  de  rap- 
port avec  I'ordre  de  la  nature  ,  que  les  places 
qu'oc  uper  t  les  noms  d'homnias  dans  les  dictionnaires 
historiques  ,  en  out  avec  Pordre  de  la  chronologie. 

Cet  o.  gane  unique  qui  devoit  fournir  les  caracteres 
iridic ateurs  ^  fut  clioisi  arbitrairement,  sans  egard 
a  la  valeur  et  a  »la  Constance  «1es  caracterf s  qu'on 
.en  tirait ,  ou  ,  pour  mieux  dire  ,  les  Zoologistcs  (  qui 


Me'lho^e  mnmmalcginne.  167 

nous  occuperont  seuls  ici  )  n'avoient  aucime  idee 
de  ce  calcul  des  caracteres  ,  dont  cependant  les 
botani.sles  avoient  eiilrevu  la  realite,  et  qii'unilliistr© 
niembre  de  ceWc  societe  a  si  bien  develocp^  dans  uu 
ou vrage dont  tout.'s  lesbianclies  de  riiis^oird  riaturelle 
scntiront  bieiUoi  i'heurease  iiiflueace,  qiioiqu'il  n'ait 
et6  dirigi' que  vers  I'uiiJ   d'elles. 

Celle  meprise  dans  les  bases  des  caracteres  brouilla 
bientot  tout.  Ce  ne  furent  plus  das  genres  donnes 
par  la  nature,  qui  fournirent  les  caracteres  iridic 
cateurs  y  ce  Jurent  des  caracteres  indlcateurs 
trouves  d'avance,  qui  determineren!  \^^  genres  \o\x 
du  moins  ,  si  par  un  r(^ste  de  pucleur  ,  on  altera  le 
nioins  cpi'on  le  put  !es  genres  naturels  ,  les  ordres 
qui  ne  j-oat  que  des  genres  plus  elev  's  ,  genera 
SLunnia^  furent  entierement  soumis  a  celtenouvelle 
espece  de  Ivrannje. 

II  faut  done  revenir  a  I'idee  originelle,  suivre  a 
la  leltre  le  principe  expose  par  Linnceus ,  et  qu'il 
a  quelquefois  oublie  dans  la  pratique ,  que  Les 
genres  dolvent  founiir  Les  caracteres  j  et  noii 
les  caracteres  determiner  les  genres  ;  genera- 
liser  ce  principe  ,  I'appliquer  aux  ordres  et  aux 
classes  ;  enfin  ne  jamais  perdre  de  vue  qu'uii 
genre  doit-etre  foude  sur  la  grande  majorite  des 
rapports  ;  et  qu'un  ordre  doit  coutenir  tons  les 
genres  5  et  les  genrv?s  seule  rent  qui  ne  diflerent 
que  par  des  rapports  d'un  degre  inferieur. 

Lorsqu'on  aura  forme  ses  groupes  grands  ct  peiifs, 
d'apres  celte  regie  sure  et  invariable  ,  on  leur  trou- 
vera ,  si  Ton  pent,  des  caracteres  indicateurs  ;  etces 

L4 


^^^  l^inmmnlogie. 

cciracleres,  fussent-ils  meme  impossibles  h  Iroiivrr 
il  vaudroit  mieuv    avoiier    son  iiiipuissance  ,    qt.a 
cle    fmre   des     reunions    ou   dcs   separations  conlra 
nature. 

Mais  nous  sommes  loin  d'admettrecette  impossibf- 
lite;  le  but  de  notre  m^moire  est  au  contra  ire  d'iii- 
diquerj.ar  quelles  voies  on  peut  parvenir  a  foiiner 
descoupures  naturelles,  et  neanmoins  a  leurassigner 
des  caract^res  fixes  et  determines;  a  reimir  eu  un 
jr.ot  les  avantages  de  I'ordre  naturel  et  ceux  d.^  k 
dicholomie,  qui  fait  toujours  la  base  implicite  ou 
df'veloppce  de  tout  sjsteme  artificiel. 

Comme  les  bornes  de  ce  iiidmoire  ,  et  le  temps 
qye  vous  pouvez  consicrer  a  I'entendre  ,  nous  res- 
serrent  un  peu,  nous  supposerons  dans  tout  ce  qu^ 
va  suivre,que  vous  avez  pr^sente  ci  la  memoire  la 
totahte  des  vrais  rapports  nafurels  ,  et  nous  ne  nous 
attacberons  qu'a  rechercher  les  caractcres  ladica- 
ieurs  qui  servcnt  d'enseigne  constaute  a  la  ressem- 
blance  de  ces  rapports. 

Nous  n'avons  pas  tardc  a  nous  apercevoir  que  la 
solution  de  ce  probleme  d^pendoit  de  la  conuois- 
sance  exacte  de  la  valeur  respective  des  caracteres; 
que  par  consequent  les  caracteres  prunaires ,  secoa- 
dcures  ,  ect.  devoient  etre  cboisis  selon  le  de-re 
d'imporlance  des  organes  dans  lesquels  on  ks 
"prend. 

En  effet ,  on  conroil  que  dans  un  svsteme  aussi 
bien  lie  que  Peconomie  animale,  il  est  des  organes 
dontla  conformite  entraine  necessairemeut  cellede 


Mi'hode  m:'immalo,[:iq-ue.  169 

la  plupart  dcs  aulres,et  qu'ou  aoit  pouvoir  les  de- 
terminer pcir    le  raisonnement  et  par  i'expc'rionce. 

'  II  est  clair  que  ces  organes  une  fois  decouveiMs , 
Ic'S  classes ,  les  ordres  qui  les  auront  pour  eiiseigne , 
lie  contiendroiit  que  des  genre  seinblables  par  la  ma- 
jorite  de  Icurs  rapports;  en  uu  mot ,  que  le  probletiie 
d'une  division  naturelle  ,  indjquee  par  des  caracleres 
tranches,  sera  rt'solu. 

Si  nous  considcror.s  mainlenant  les  divers  organes 
d'un  animal,  nous  en  trouverons  qui  consiiUieut  son 
existence  _,  consid^rce  isolement  ;  d^autres  ,  qui  \p 
jrmilent  en  relation  avec  les  autres  elres.  II  est  aJsc 
de  voir  que  ces  dernicrs  organes  doivent  ccder  aiix 
premiers  5  car  Taniinal  est  d'abord ,  et  pui^il  sent 
el  AGiT.  Or  Texistence  ,  la  vie  de  I'auimal  depeud 
d'aboid  de  la  generation  qui  la  hii  doniio,  et  ensniie 
d\i  moauenient  regie  de  ses Jluides  J  qui  la  main- 
tient.  La  generation  e\\a.  circulation  dolxent  done 
fournir  les  caracttres  priniaires  ou  indicate  a  rs  du 
prt  mier  ordre. 

Les  differences  essentielles  dans  le  n)ode  de  la 
gc'-neration  ne  sont  pas  encore  assez  coiinues.  jla 
seule  que  uous  saclnuns  elrc  penerakment  cunstanle, 
est  celle-ci  :  les  f(jetns  de  certains  animaux  sont.  j.;en- 
fermcs  avec  une  portion  toute  prepare©  de;  nqnr- 
riture  ,  dans  une  enveloppe  commune  non  orgauisee, 
de  laquelle  ils  sortent  ou  eclosent ,  quelqucfois  dans 
le  corps  ,  le  plus  souveiit  liors  du  corps  de  lent  mere. 
D'autres  ,  an  contraire  ,  n'ont  pas  leur  pcJrtiou  a 
part ,  ni  d'enveloppe  inorgrinique  ;  is  se  noiuriaSint 
en  pompant  les  sues  du  corps  de  kuir  niero ,  Lt  i^j  le 
quiltent  (ju'cu  quit'.ant  rclal  d-j  ialus. 


170  Mammalogie. 

La  generation  n%i  done  pn  rournlr  qu'une  seuTe 
division  ;  t\st  cello  que  cIkicuu  coiiiioit  entre  les  ani- 
maiix  a  mamelles,  les  seiils  vraimeut  vivipures  ,  et 
en  meine  temps  les  plus  parfaitenient  organis 's  dans 
lout  le  ivste  de  leur  ^conomie  ;  enti'eiix  ,  dis-je  ,  et 
toutes  les  autres  classes  uniquement  oviparcs  ou  gem- 
mipares. 

Les  aulres  organes  du  premier  rang  ,  ceux  de  la 
circulation  ,  presentent  des  caracteres  plus  nombreux. 
Jlsont  servi  en  parlie  a  la  grande  divn'sion  lin^icennf! 
en  six  classes  ;  mais  si  on  leur  avoit  entiereai  i\t 
obei,  nous  n^aurions  pas  ceilc  des  vers,  espece  dj 
classe  de  rebut,  cii  on  a  jet6  tout  ce  qui  ne  pouvoit 
se  placer  ailleurs,  et  qui  est  devenue  par-la  un  ramas 
informe  des  objets  les  plus  disparates. 

Les  classes  elant  ainsi  delerminees  par  les  organes 
primaiies,  il  a  fallu  considerer  les  organes  secon- 
dairc's,  pour  la  determination  des  ordres.  Nous  avons 
Vu  qu'ils  eloient  ceux  par  lesc[uels  les  animaux  sont 
en  relation  avec  les  .autres  etres.  Cette  rel:ition  est 
passive  ,  par  les  organes  des  sens  ,  et  active  y  par 
ceux  du  mouvement,  de  la  preliension  ,  de  la  nutri- 
tion. 

La  presque  totalite  des  mouvemens  de  I'aniraal  est 
calculee  pour  sa  conservation  ,  c'rst-a-dire  ,  pour  le 
preserver  des  dangers  et  pour  lui  Iburnir  des  aUmens. 
La  defense  variant  suivant  les  attaques,  qui  peuvent 
varier  a  I'infiui ,  nVtoit  pas  su:>cepiible  de  donner  des 
caracleres  constans.  Le  mode  de  nourriture  an  con- 
traire   elant  an  dans  cliaque  espoce  ,  devoit  deter- 


Methnde  mammnlogique.  171 

mincT  cl'iine  nianiere  fixe  les  organes  calcuU's  pour 
lui.  Cliacun  sent,  par  exemple ,  qu'uii  a  .iiiial  des- 
tine a  vivre  de  chair,  devoil  etie  muiii  dfs  inovens 
d'atlaquer  et  de  vaincre  ;  que  celui  qui  devcit  vivre 
de  fruit ,  dev  oit  pouvoir  grimper  aux  arl.res  ;  ([ue 
I'hcrbivore  ,  au  coulraire,  pouvoit  resler  coli6  a  la 
terre. 

Les  organes  de  la  nutrition  sont  done  ceux  qui  de- 
terminent  principalement  les  relations  actuves  de 
chaque  animal. 

P^rmi  les  or^anss  des  sensations,  ce  sens-la  doit 
sans  doute  avoir  la  plus  grande  influence  sur  toute  la 
machine  ,  qui  est  le.plus  general ,  le  plus  parlait ,  le 
plus  necessaire  ,  qui  seui  complete  les  idces  acquises 
par  les  autres  sens.  Chacun  sent  que  je  veux  parler 
du  sens  du  toucher.  Qui  lie  idee  aurions-nous  ,  sans 
lui ,  de  tout  ce  qui  nous  environne  ?  Je  reavoie  sur 
cela  aux  auteurs  de  psj  cliologie ,  et  mc  borne  seule- 
ment  a  rappeler  ici  ce  que  plusi.  urs  d'cnlr'eiix  out 
d^ja  remarqu^  sur  I'inljueace  que  doit  avoir  sur  un 
€tre  quelconque  la  plus  ou  moins  grande  perfection 
de  ce  sens.  Quelle  prodigieuse  distance  ne  doit-il  pas 
y  avoir  eutre  les  images  que  se  forment  des  coj  ps 
environnans,  un  cheval,  par  exemple  ,  doiit  le  pied 
se  termine  en  uue  masse  inert c  et  insensible  ,  et  Ig 
singe  ou  I'ecureuil ,  dont  le?  mains  sont  presqu'aussr 
divis6es  et  aussi  delicaies  que  les  notres  ? 

Nous  avoiis  une  raison  de  plus  d'einplojer  prin- 
cipalement le  toucher  parmi  les  organes  des  relaliozis 
passives  ;  c*est  qa*a  lui  seul  il  fournit  des  divisions 
plus  nombreuses,  plusapparentes  et  mieux  tr^mcbtes 
.que  tous  les  autres  sens  ensemble. 


172  Mammalogie. 

Ses  d'vers  degr^s  de  perfeclion  dependent  sur-tout 
de  la  division  plus  ou  moins  prononcee  des  doigts,  et 
de  leur  revetement  plus  ou  moins  delicat.  Qu'on 
prenne  bien  garde  que  je  ne  parle  pas  de  leur 
iiombre  ;  le  nombre  des  parties  ne  fournit  en  Ilistoire 
iiaturelle  que  des  caracteres  dt3  tres-peu  de  valeur. 
C*est  I'ignorance  de  ce  priucipe,  qui  a  ^gare  meme 
ceux  des  zoologistes  auxquels  une  espece  d'iustinct 
avoit  fait  entrevoir  l'im])ortarxe  des  organes  du  toucher. 

Les  organes  de  la  nutrition  ,  consideres  dans  leur 
totalite  5  fourniroi^nt  peut-etre'  dvi's  caracteres  egau-^ 
en  valeur  a  eeux  du  tact,  ou  dii'moins  il  seroit  bien 
difficile  d'assigner  leur  rang,  '^ais  ces  organes  sont 
internes  et  externes  ;  et,  si  la  consideration  des  pre- 
miers pent  et  doit  necessairement  entrer  dans  Iri 
formation  des  ordres  iiaturels ,  on  est  oblige ,  lorsqu'il 
ne  s'agit.que  de  caracteres  indicateurs  ,  de  se  borner 
aux  seconds.  II  est  vrai  que  les  uns  ct  les  autres  sont 
en  rapport  intime  ;  le  manque  de  dents  canines,  par 
exemple  ,  est  toujours  simultanc  a  un  estomac  simple* 
et  a  un  enorme  crcum  ;  le  manque  d'incisives  a  la 
machoire  superieure,  vis-a-vis  de  liuit  a  I'inferieure, 
indique  toujours  un  estomac  quadruple.  Nean- 
moins  ,  les  dents  n'etant  qu'une  partie  assez  petite 
des  organes  de  la  nutrition  ,  nous  avons  soupconne 
qu'elles  ne  nous  fourniroient  que  des  caracteres  du 
tioisienie  rang  ,  c*est-a-dire  ,  inferieurs  a  ceux  du 
lact  ;  et  pour  nous  decider  enlierement  la-dcssus, 
nous  avons  apjiele  i'experience  a  notre  secours.  Pour 
c^trffet,  nous  avons  suivi  I'exemple  des  botanistes  ; 
nons  iivons  corisiderc  les  faiuilies  recoimues  de  tons  , 


Methode  mr.v.malogique.  1^3 

comme  parfaitement  naturelles  ,  afin  de  d(?couvrIr 
lequel  des  deux  caracteres  (5loit  le  plus  constant. 
,  Que  le  nombrc  des  dents  ne  le  soit  pas  ,  c'est  ce 
qui  nous  ctoit  demonlre  depuis  long-temps.  La  fa- 
mille  des  rongeurs  meme  varie  [>our  ce  nombre  ;  car 
les  hjrax,  par  evemple,  out  qnatre  dents  incisives 
en  has  ;  les  lievres  en  ont  quatre  en  haut  5  les  kangu- 
roos,  six  ou  meme  huit,  tandis  que  lous  les  autres 
genres  de  cette  famille  n'en  ont  que  deux  a  chaque 
machoire. 

Mais  I'existence  simultanee  des  trois  series  de 
dents,  les  incisives ,  les  canines  et  ks  molaires ,  ou 
Tabsence  d'une  ,  ou  de  deux  de  ces  sortes,  ou  meme 
de  toutes  ,  soit  en  haut ,  soit  en  bas ,  donne  des  ca- 
racteres qui  d'abord  paroissent  anssi  constans  que  les 
leoumens  des  doigts.  En  effet,  dans  les  ruminans  , 
Pabsence  des  incisives  superieures  ne  souflPre  pas  plus 
d'exception  que  lespieds  bisulques; dans  les  rongeurs, 
on  ne  trouve  pas  plus  de  canines  que  de  sabots  aux 
pieds ,  etc. ,  etc.  Nous  verrons  plus  bas ,  que  meme  les 
chauve-souris  ne  font  pas  una  exception  reelle  a  cette 
Constance  des  rapports  de  dents  ;  irais  il  existe  uii© 
famille  vraimenl  naturelle,  qui  decide  ab^olument  la 
fjuestion  en  faveur  des  caracteres  pris  du  toucher. 
i:ile  comprend  les  cnq  genres,  elephant,  rhino- 
ceros, hlppopotame  ,  tapir  et  cochon.  Onfera,  si 
Ton  veut^  cinq  ordres  de  ces  cinq  genres  ;  car  il  faut 
avouer  qu'ils  ne  se  rapprocheiit  pas  autant  que  les 
genres  des  rongeurs,  ou  des  ruminans,  par exeinple: 
inais  loujours  faudra-t-il  convenir  que  ces  cinq  ordres 
seront  les  plus  voisins  les  ims  des  awtres,  et  qu'ou  ne 


174  Matiwialogie. 

pent  en  intercaler  aucuii  eitr'eux.  Pre.fque  tout  leur 
est  coraniim  ,  epaisseur  de  la  peau ,  rarete  et  duret^ 
des  polls,  longueur  et  m(^])IIite  du  nez  qui  va  croissant 
par  degr^,  du  groin  du  cochon  a  la  trompe  de  I'^le^ 
pbant ,  petitesse  des  yeux ,  forme  trappue  du  corps  , 
nourrilure  vegetale  ,  quoiqu'ils  aient  une  force  suffi- 
sante  pour  s'en  procurer  d'autre ,  besoin  continuel 
d'eau  ou  de  boue ,  pour  humecter  et  rafraichir  ce 
cuir  epais  qui  les  recouvre.  Tout  conspire  pour  de- 
montrtr  leur  grande  affiiiitv^ 

Ell  i lien:  les  caract^res  du  tact  sent  constans  cliez 
eux  5  leurs  doigts  sont  construits  et  reconverts  de 
m^me ,  tandis  que  leurs  dents  varient  a  un  point  qu'il 
est  impossible  d'en  donner  une  description  assez  abs« 
traite  pour  conver.ir  a  ions. 

Voi!a  done  le  rang  de  ces  caracteres  decide.  Les 
tegumens  des  doigts  vont  aidant  Les  dents.  Ce 
priiicipe  une  fois  pose  ,  notre  marcbe  est  devenue 
sure ,  et  vous  allez  voir  avec  quelle  focilit^  nous  en 
avons  deduit  des  ordres  aussi  naturels  qu'aises  h 
d^'signer  par  des  caracteres  tranches  qui  ne  souffreut 
point  d'exceptions. 

Division  primaire  ,  en  trols  embrancheniens* 

Les  tegumens  des  doigts  nous  fournissent  d'abord 
trojs grands  embranchemens.  i."  Les  aaimaux  ma" 
rins  J  qui  ont  leurs  doigts  r^unis  en  nageoires,  de 
raaniere  a  ne  pouvoir  piesque  en  faire  usage  pour 
la  marcbe  :  ils  habitant  dans  I'eau  comme  les  pois- 
sons  5  mais  i!s  ont  besoin  de  respirer  Pair,  au  moins 
de  temps  en  temps  ^  quoique  le  trou  ovale  du  coeur 


Mr'.'h'^de  mammalog'ique.  17$ 

restant  toiijours  ouvert  chez  eux  ,  leur  pennel  de 
plouger  lon--temps  sans  revenir  sur  I'eau. 

a.°  Les  manimlj erts  d.  sabots  ,  dans  lesqueb 
toute  I'extremite  des  doigts  qui  povte  a  terre,  est  en- 
velopp^'C  dans  un  etui  de  matiere  cornee  ,  plus  ou 
nioins  dure.  Tous  ces  animaux  sont  herbivores ; 
rimperfection  dj  leur  touclier  ,  I'inflexibilite  dc  ieurjs 
doigts  ne  leur  permettent  ni  de  grimper  aux  arbres, 
jii  de  rien  saisir  avec  leur  mains,  Aucuu  d'eux  u'a 
de  clavicules. 

3."  Les  inaniinijeres  h  ongies  j  qui  ont  Jeurs 
doigts  libres,  revetus  de  la  peau  ordinaire,  et  munis 
seulement  a  leur  extremile  d'un  ongle ,  plus  ou. 
moins  grand.  lis  sont  susrcjitibles  de  toute  sorte  de 
mouvemens  ,  et  de  tous  les  d^^gres  de  perfection  a 
regard  de  la  prehinsio  1 .  du  toucher,  etc.;  aussi 
sont-ilsinlinimeut  plus  vcirics  dausleurs  formes  et  leur 
genre  de  vie  ,  que  ceux  d.^s  deux  premiers  enibran- 
chemens.  II  yen  a  ,  comnie  nous  le  verrons^  de  car- 
nivores ,  de  frugiv'ures,  cl'iierbivores  ,  etc,  etc. 

Division     second  a  ire. 

i'*.   Du  premier  einhranckenient. 

Les  niani  mi  feres  inariiis  _,  ou  a  pieds  en  foniie 
de  Ufigeoires  ,  fi'nneut  doux  families  ou  deux  ordres  : 
J."  Les  Cetacdes  ,  qui  n'ont  que  les  pieds  de  devant, 
hgurc's  en  nageolre  ,  absolu.nent  inutiles  a  la  niarche. 
Les  piecis  de  derriere  manquent  absoluinent.  Leur 
queue  se  termino  par  une  uageoire  horizonlale.  Get 
ordre  comnrend  les  baleines  ,  iiar.vals,  cachalots  , 
dauphins  et  marsouins. 


176  Mmnmnlfl'>Je. 

2.0  Lcs  maminijdres  amphlbies ;  \h  ont  quntre 
pierls,  lous  en  forme  rle  luigeoire  ,  mais  si  courts 
qu'ils  peuvent  a  peine  leur  servir  n  ramper  sur  les 
rJv<;ges  ;  ce  sont  lcs  phoques ,  morses  ,  et  iainaulins. 

Si  le  norabre  des  especes  l'e>:igeiot ,  on  pourroit 
encore  subdiviser  ces  deux  families,  d'apres  I'ctat 
de  leurs  dents  et  le  genre  de  nourriture  qui  en 
'  ri^-snite,  et  ils  fourniroient  chacun  plusieurs  ordr^s 
fori  analogues  a  ceux  que  nous  observerons  parmi 
les  niamniiferes  terrestres. 

•         2.°  Du  second  einbranckeincnt. 

liv^s  niainmLferes  a  sabots  ^  on  a  doigts  enve- 
lopjx's  de  come  ,  forment  trois  families,  d'aprcs 
le  roinbre  de  lenrs  doigts  ,  et  la  plus  ou  moius 
grande  afiinite  qui  en  r^sulte  entr'enx  et  les 
niamniiferes  a  angles.  La  premiere  n'a  qu'un 
seul  doigt  et  un  seul  sabot  a  cbaque  pied  5 
elic  ne  comprend  qu'im  seid  genre  ,  celui  des-« 
clievaux  ,  animaux  herbivores  et  munis  de  trois 
series  de  dents.  Nous  lui  donnons  le  nom  de  so- 
li pedes. 

La  Ecconde  faraille'a  a  cbaque  -^laddeux  doigt s' 
et  deux  sabots.  G'est  celle  qu'on  a  tQujours  connue 
sons  le  nom  de  runiinans  ou  pleds  foiirclius.  Elle 
*st  herbivore.  Tons  ses  genres  manquent  de  denls 
'incisives  a  la  machoire  superleure  ,  ont  quatre  esto- 
macs,  un  ccrcum  fort  long,  nn  colon  a  plusieurs- 
circonvoln'ions  coneentriques.  Leur  squelelle  a  une 
4;rande  similitude  dans  tous.  Leurs  orbites  sent  lou- 

jours 


Mehode    mammnlogiqiit,  lyj 

jours  complttement  s6parh  de  la  fosse  tenrporaje? 
cs  ii'est  que  pariiii  enx  qu'oii  trouve  des  axiiniauit 
a,  deux  comes. 

La  troisi^me  famille  a  au  mollis  trois  ,  souvent 
quatre  5  quelquefois  cinn  doigts  a  c'aquepied,-  tous 
revelus  de  sabots  parliculiers  ,  comitie  dans  le  tci|nr  , 
le  rliiuoceros  ct  le  coclion  ;  ou  eir^'loppi's  eusemble 
par  une  peau  epaisse  et  calleuse,  coinme  dans  Te- 
lephant  et  i'hippopotame. 

Les  dents   de   cette  famille  sont  co  fonr^es  tres- 

differerament.  lu' elephant  a  en  haul  deux  ^nonnes 

incisives,   qu'on  connoit  sous  le  noni  d  ■  defenses  ^ 

cellesd'en  bas  lui  ^manquent ,  ainsi  que  les    cuiines 

des   d?ux    maclioires.    Les    rhinoceros     manquent 

orfthnaireraent   d'incisi'/es  ;  leurs    canines,   dans    les 

especes  qui  en  out,  sont  le    plus   souvent  eloigndes 

des   raaclielieres    par  un   espace    nud.    Nous    avons 

observe  dans   le   sauelette  du  rhinoceros  unicorne 

J) 
qui  fait  un  des  morceaux   les  plus  precieux  de  la 

colleclion  du  Museum  d'Histoire  natui\lle  ,  deux 
petftes  dents  incisives  ,  de  forme  coiiique  ,  qui  ^  pen-* 
dant  la  vie  de  i'aniindl,  eioient  cachees  sous  la  gen- 
cive.  'U  hippo  pot. line  a  a  cliaque  machoire  quafra 
incisives  coniques,  placees  d'uue  maniere  fort  bi- 
2arre  ,  et  deux  canines.  Dans  les  cochons  ^  les  in- 
cisives Vttiient  Leaucoup  en  nombi'e  ,  et  manquen* 
totaiement  a  quclques  es;:eces.  Leur.;  canines  sont  fort 
grosses,  et  soriies  bors  l.s  levres,  en  forme  de  de- 
fenses. Pour  le  tapir  ,  il  a  dix  incisives  a  chaquel 
mAclioire  ,  et  point  de  canines. 
Com  me  nous  avons  dtja  exposd  les  rapports  com- 
Toni6 11.  M 


,^g  .  Mcunmalogie. 

muns  deces  cinq  genres  ,  nous  ne  les  rdp(<terons  pas 
ici ,  nous  observerons  seulement  que  le  cochon  a  des 
If'gers  rapports  avec  les  rumiiians  ,  par  la  brievet6 
et  presque  la  nullite  de  ses  deux  doigts  lateraux, 
et  par  una  appendice  ds  sou  estomac ,  simple  dans 
notre  roclion  ordinaire  ,  mais  double  dans  le  Pecaii. 
Celte  famille  porlera  dans  noire  sjsteme  le  nom 
de  pacliy demies. 

3.0  Dll  troLsihne  embranch:'mcnL 

Comme  les  inanimiftres  ci  ongles  soiit  plus  nom- 
breuK  et  plus  varies  qu-  les  autres  ,  nous  ne  parvien- 
drons  aux  ordres  que  par  des  subdivisions  rep^^tees. 
Notre  divisLon  secDndaire  sera  prise  des  dents, 
ct  nous  serons  obliges  ,  pour  la  division  tertlalre  ,  de 
Vevenir  aux  organes  da  touclier,  et  d'y  saisir  des 
differences  raoiiis  sensilles  et  raoiiiS  importantes  que 
cei'.es  qu3  rous  avons  em -levies  comme  caractercs 
prlinaires. 

On  les  mammif^res  a  ongles  sont  munis  des  trois 
esoecesde  dents,  o\\  \\s>  mtmquent  de  canines  seule- 
ment, cu  d'incislves  feeulement  ,  ou  a-k-fois  d'iii- 
cisives  et  de   canines. 

■  Ces  trois  dernieres  subdivisions  ne  sont  pas  assez 
nombreuses  en  genres  ,  et  leur,>  genres  .se  rappro- 
client  trop  pour  qu'elles  aient  besoiu  d'etre  encore 
par^a-ees  :  ellesfournironl  done  trois  ordres  ^oxsja^ 
frillies^  savoir  : 

i.o  Les  ideates  :  ils.n'ont  ni.  i'lcisives  ,  ni  ca- 
nines, et  souvent  point  de  molaires.  Lenrs  ongle* 
soiit  fort  grnnd^  ,  et  leur  touclier  pri^squs  aussi  i:u- 
pa.faa  que  daas  ceux  k  su;.oir.  L  uv  corps  eutier 


Methodt  mammal 6'gique,  i^g 

tst  recouvert  de  maniere  a  leiir  lai^^ser  peu  de  s;n- 
slbilite  :  dans  les  manls ,  par  des  (^cailles  imbri'mees  : 
dans  k^s  tatous  ,  par  de  vraies  pieces  de  cuirasses^ 
dans  quelques  fourmilies  meme  .  par  uu  pofl  diir, 
non  flexible,  presque  s"mi>Iable  a  de  Pherbe  seche. 
JjQsmanisel  \Qs,fourniULers^Q\mi\\mi^  al'evception 
d'une  seule  espece,  aueuues  dei.ts,  se  iiourrissent  da 
fouruiis  qu'ils  premient  au  mojen  de  leur  langue 
loi'gue  et  gluante.  Les  tatous  se  nourrisseut  quel* 
quefoh  de  fruits  ou  de  raciiies,  parce  qu'ils  ont  des 
molaires. 

2.0  Les  paresseux.  lis  ont  des  canines  et  des 
molaires,  mais  point  d'incisivs  :  djs  one;les  fort 
grands,  les  mouvemens  d'une  leiUeur  ct  d'une  fui- 
blesse  extiaordinaire*  lis  grimpentaux  arbrcs,  vivent 
de  leurs  feuilies.  Leurs  manielles  situ^es  sur  la 
poitrine  ,  leur  habitude  de  grimper  et  de  s'cisseoiL' 
sur  !e  derricre ,  d'une  part;  leur  estoimic,  tres-di- 
vise  par  des  etranglemens,  et  les  pieds  de  devairt 
d'une  de  leurs  esp^ces ,  qui  ii'ont  que  deux  ou^Ies 
de  I'auire  part ,  semblent  leur  donner  q-ielciues 
rapports  avec.  \es  quadra  manes  et  les  rununans, 

3."  Les  rongeurs.  Coaime  ils  ont  a  la  place  des 
canines  un  grand  espace  sans  dents  ,  aux  rieux  mu- 
choires,  et  que  leurs  incisives,  quoiuue  grandes  et 
pointues ,  etant  placees  a  l'exlremit6  du  levier  des 
machoir?s  ,  ii'ont  qu'une  force  mediocre,  ijs  ne  peu- 
veiit  saisir  Mxement  avec  leur  gueule ;  i's  se  bornent 
done  a  ronger  soit  de  grands  corps  immoljiies ,  soit 
cpux  qu'ils  peuveot  assuj^tir  avec  leurs  pattes  do 
dt;vaut  qui  sunt  biea  divuiees.  .lis   u'attaqueut  donci 


o8i  Mimmnlo^U. 

pa«:  \?%  animaux  v'vansj  a"s  ils  se  noiirrissent  d* 
tallies  sorta;:-  tie  co  p  ,  o:t  v6pt'tau^,  soil  animaux , 
d'(^  orrc  sou  de  boi  ;  qMehjiies-uns  brouteiif  Tlieibe  : 
Ic'ur  port  evl6*ieur  est  pr  i;q':e  le  m6me  dnns  tons; 
son  princii  al  car^ctoie  consist^  dans  !a  longu.^ur  dii 
trail)  de  deniere,  eu  etard  a  celui  du  devant ,  quf 
ne  periret  a  ranimal  de  courir  cue  par  bonds. 
Cette  d;ff,Tence  dev'e  t  toui-a-fait  demesuree  dans 
lesgerboises  et         kangaroos. 

Les  inci3iv2s  sont  ordinairement  au  nombre  de 
deux  ;  dans  la  lievre  ,  celles  du  baut  sont  chacune 
doubles.  Dans  les  liijrax  on  damans^  il  y  en  a 
quatre  en  haf,  5  dans  les  kangaroos  il  y  en  a  en  haut 
liuit  cu  six. 

A  I'interieur  ,  tous  les  rongeurs  ont  un  estomac 
simple  5  des  intesliiis  fori  longs,  un  ccecum  cnorme, 
muni  endfdas,  c\nns  qhdques  genres,  d'une  val- 
vule spiraie.  Leur  cetveau  n'a  presque  aucune  cir- 
convokilion;  les  parties  de  la  g<^meration  sont  tres- 
developpdes,  et  ils  ont  au  prepuce  des  glandes  par- 
ticulieres  qn'on  a  sur-tout  remarqu^esdansle  castor, 
ou  elles  donnent  Tonguent  connu  sous  le  noin  da 
castoreuin. 

La  plupart  grimpent  aux  arbres ;  quelques-uns, 
m^ire  ont  une  espece  de  vol,  au  moyen  de  la  peaii 
de  leurs  flancs  ,  qui  se  trouve  etendus  entre  leurs 
jambes. 

II  ne  nous  reste  a  present  que  les  mammif^res 
munis  des  trois  sortes  de  clents  ;  nous  a'lon^  les  sub- 
diviser,  comixie  je  I'ai  dit,d'cpr^s  la  conformatioi^, 
de  leuvs  crgan.«  du  toucbe  . 


Methode  mammaloglque.  r^i 

Les  uns  ont  les  pouces  s^pare>  aiix  quati*e  pieds; 
d'autres  n'en  ont  qu*au-:  picds  di  demure;  enfm 
ii  enest  ou  le  pouceejt  se^iblabie  aux  autres  doigts, 
et  place  de  meitie  j  armi  ceux-ci ;  Iv^s  uns  jv^arclieut 
.sur  Texlremili  des  doigts  seulcmcnt,  les  anlres  ap- 
puient  en  marcbant  ,  ou  en  ae  ten  uit  arrel<^s  ,  la 
planla  enliere  des  pieds  de  derriere  h  terre  ;  d'autres 
liennent ,  en  queb^ue  sorte  ,  le  milieu  entre  qcs  deux 
manieres.  lis  ont ,  k  la  verite  ,  les  doigfs  seulement 
a  terre ,  mais  leurs  tarsss  et  metatarses  sont  fort 
inclines.  Leurs  membres  courts,  leur  corps  alonge 
leur  donnent  un  air  tout  particuiier  ;  nous  en  fjisons 
un  ordre  a   part. 

Parmi  cenx  qui  appuient  la  plante  enliere,  noi?s 
sommes  aussi  obliges  de  separer  les  animaux  a  grande 
main  revetue  de  membranes,  et  tenant  lieu  d'ailes» 

Ainsi  les  mamuiiferes  a  oniles ,  et  aux  trois  sortes 
de  denis,  nous  fburnissent  six  ordrcs  j  savoir: 

i.o  Les  qLiadramanes  ,  on  mammiferes  qui  ont 
les  pouces  des  quatre  pieds  separes  des  autresdoigts, 
ct  sr.sceptibles  de  leur  etre  opposes  dans  la  prehen- 
sion. Ces  animaux  sont  frugivores  ,  et  essentiellc- 
ment  conformes  pour  grimper  aux  arbros  ,  leur 
s'joiir  ordinaire  ;  ils  ont  avec  I'bomme  plusieurs 
rapports  de  conformation  ;  mais  celui-ci  est  or-^anis^ 
pour  rester  a  terre  ,  marcher  sur  deux  pitds,  ne 
saisir  qu'avec  ses  mains.  Ses  extn'n^iles  poH('rierifS 
n'otit  pas  de  pouces  separes.  Le  bassin  ^Iroit  des 
quadrumanes  .  la  compression  de  leurs  cuisses  ,  Tin- 
f.M-lion  tros-basse  do  leur  muscles  llMisseurs  de  la 
jambe  ,  rarticulation  vieleur.tete  sur  le  c^u,  rendent 

M  3 


jg2  Mammalogie. 

Ja  marcAic  bipede  tres-difBcuItueiise  aux  qiiadru- 
iTiancs  ;  aussi  ont-'ls  tous  les  machoiies  plusou  moins 
proemiiisntes  en  mnseau  ,  et  I'os  incisif  ou  inler- 
iiiaxiUairc  a  la  machoire  sup^rieure.  lis  ont  la 
ver<Te  pendante  ,  les  mamelles  peijlorales ,  I'es- 
tomac  simple  ,  le  ccecum  mediocre  ,  leur  orbite 
est  complet. 

Get  ordre  comprend  les  singer  (  slniia.  Lin,)  , 
les  maids  (  lemur  L.  ) ,  les  indris  ,  genre  nou- 
veau  comprenantdeux  especesdecrites  par  Sonnevat, 
qui  toutefois  n*a  pas  connu  leur  dentition  ,  et  rap- 
portees  par  Gmelin  au  genre  des  raakis.  Elles  en 
difrereni  vjar  leurs  incisives  inferieures,  qui  ne  sont 
ou'au  norabre  de  quatre ,  comrae  dans  les  singes , 
rnais  alongees  et  declives  comme  dans  les  raakis. 
Nous  nous  deterrainerons  peut-eire  aussi  a  faire  uri 
genre  a  p::rt  du  tori  (  lemur  tardigradus  ,  L. )  5  le 
paresseLix  pentadacili edii  Bengale  ,  de  Yosmncr 
(  lemur  cuccwg ,  Boddaei  t  )  ,  en  fera  au.ss^  un  ,  airac- 
terise  par  deux  incisives  en  haut  ,  vis-a-vis  dc  S!-\ 
en  bas  5  le  ^hoyac  ,  auire  genre  nouveau  ,  decou- 
vert  par  «-3  ctioyen  Adanson,  au  Senegal,  et  vx'n 
encore  publie  par  lui  ,  a  de  meme  deux  inci.dvts 
en  haut  et  six  en  bas  ;  mais  elles  ont  une  disposilio'ii 
parlicuiiere .  et  il  a  I'habitus  Irger  et  sautiiiant  des 
gerboises  ,  et  non  ,  comme  le  cucatig  ^  la  lenteur 
d'lm  paresseux.  Enfin  le  tarsier  (  tcir.ur  tarsias  ) 
formri a  encore  un  genre  particulier  ,  qui  n'avant 
que  deux  incisives  a  chaque  machoire  ,  lie  par  ce 
xapijorf  les  quadrumanps  aux  plantigrades. 

S.?.    I^uu5    separons  des  quadrunwrics '  les   an!- 


Me'thode  mammaloglque.  i*^3 

maux,qiu  n'out  p:is  do  [jouc2s  aux  pieds  de  deniere , 
€t  auxquels  nous  laissons  en  parliculier  le  nom  de 
^pediinanes.  lis  en  difTerent  en  lout  le  reste  :  or- 
ganes  de  ]a  nulrition  ,  de  la  peuera  ion  ,  position 
des  mamelles  :  orbites  incompljts  ,  ecf.  Celta  fa- 
mille  comprend  deux  genres  ;  les  dldclphcs  ,  qui  ont 
dix  incisives  en  liaut,  liuit  en  has,  et  ouatre  fortes 
cauines  ,  et  les  phalangers  ,  qui  ont  enliaut  six  inci- 
sives et  quelques  canines  ,  en  has,  deux  seuleaient  j 
grandes  et  alorigees  en  avant  ,  comms  dans  les  ron- 
geurs san?  canines.  On  iie  •  onnoissoit  jusqu'ici  qn'une 
esjjece  de  plialanger(  dldelpkls  orlenialis  ,  Pall  )  : 
ils  avoient  el6  reunisavec.  Irsdidelphes  ,  auxquels  ils 
ressemblent  en  effet  par  la  poclie  da;;?  laquelle  quelques 
especes  de  ces  deux  genres  portent  leurs  peiits  j  mais 
ce  caractere  n'etant  )^::.s  constant  ,  ne  pent  entrer 
parmi   les  giacrlques, 

?iP  Les  ckirqpteres  ,  ou  animaux  a  grande  main 
palnTee.  Nous  coinprenons  dans  cet  ordre  ,  deja 
iiomme  ainsi  par  Blumenbacb,  les  cbauve-souris  , 
et  le  galeopllhecus  de  Pallas,  ow ienivr  ifolans  de 
Linne.  Ces  animaux  pr(fsentent  quelques  difft^rences 
dans  le  nombre  de  leurs  dents  incisives  ,  et  meme 
on  pourroil  croire,  si  on  s'en  rr.pportoit  aux  descrip- 
tions publiees  jusqu'a  ce  jour  ,  que  ces  difference-  sont 
assez  fortes  pour  inlervcnnir  toutes  les  r-'gles  que 
nous  avons  l)asres  sur  !a  coexistence  des  trois  sortes 
de  dents ,  ou  I'absence  de  I'une  d'elles.  Mais  nos 
observations  sur  les  chauve-souris,  vont  au  contraire 
les  confirnier.  Nou^  nous  souimes  assures  que  les 
deux  vavielcs  du  fer  a  c\eval  (  vespertiilo  fctrum 

M  4 


J  §4  Mammalogie. 

equlnumXjm.  )ont  chacime  denx  inclslves  en  hauf. 
La  grands  chauve-souris  fer  de  lance.  Buff.  siippU 
toire  VJI.  tab.  74  _,  en  a  quatre  ,  quoi: fue  Biiffon 
les  lui  aitrefusv'es  ,  parce  qu'il  n'avoit  observe  qu'un 
individu  muiilt'.  II  est  done  assez  probable  que  les 
autres  e  peces  qui  oiit  paru  raanquer  d'incisives  ,  soit 
en  haiit  ,soit  en  bas,  le  avoient  seiilement  ,  on  trcs- 
petites  ,  oil  tomb^es  par  quelque  accident. 

Quoi  (^u'il  en  soit,  le  nombre,  et  sur-tout  la  posilion 
respective  des  dents  nous  ont  fourni  des  ciiractercs 
assez  tranches,  pour  deviser  ce  genre  des  chanve- 
souris  en  plusieurs,  qu'il  seroit  trop  lan^T  d'exposer 
ici  5  et  sur  lesqu?ls  nous  presenterons  inccssammenl  im 
?nemoire  a  la  societe. 

4.0  Les  plantigrades  j  ou  mammlf-Tes  a  orgies  et 
sans  ponces,  appujanl  la  plante  entiere  des  pitds  de 
deiriere  a  terre  lorsqu'ils  niarchent  on  qirils  for.t 
debcut  ,  sont  les  omx&  {  ursus  ,  L.  )  ;  les  ra;oris 
(  ursus  lolor yjj.  )  ;  les  coatis  (  vluerrw  nascLa  ^ 
narica  _,  tctradactUa  et  {-ulpecula  ^  L.  )  ;  les 
blaireaux  (  ursus  metes ^  etc.  )  ;  les  ^^ouXov.s  {ursus 
^ido  ^  luscLis  J  vluenxi  y  fasciata  ^  capensis  j  pii- 
toruis  y  L;  }  ;  les  mangousles  (  vlverra  Ichtieumdn 
€t  niungos  )  5  le  poto  (  pwerra  caLuil  volvula^  L.  )> 
les  taupes  {tal-poe-j  L.  )  ^  {e&  musar'aignes  {so  rex  5 
L,  }  ,  et  les  lierissons  ( erin-aceus  ^  L.  ). 

II  nous  seroit  impossible  d'exposer  les  raisons  des 
jiombreux  cl  angemens  que  nous  avons  faits  dans  les 
genres  renis  jusqu'a  ce  jour,  et  dont  on  vienf  d\ivoir 
^ne  esqujs5e.  Ce  sera  encore  I'obj^t  d'un  raemoiro 
particullci,  Qu'il  nous  sufiise  d'obser^er  que  lous  \e%  - 


animaux  pL^ntig^arles  out  d  s  habinirlcs  trisfrs  ,  tin 
gout  parliculier  pour  les  cavernes  et  I'obscurifi^ ,  wm 
sorte  de  demarclie  rampante  5  que  beaucoup  d?Q)\X\\i 
eu.x  sont  condaniubs  au  soinmcil  pendant  i'hi/cr  j  a 
rinterieur  iis  mraiquent  Ions  de  cGeciim,etn'ont  nu!Ii3 
distinction  enlre  l('s  intestins  grelcs  et  les  gr'  s.  L^i.r 
genre  de  vie  tient  le  milieu  entre  Irs  frii?ivons  \.  ies 
carnivores  ,  car  iJs  se  nourrissenl  egalement  de  diair  ^ 
d'oeufs ,  de  fruifs ,  de  racines ,  etc. 

5.°  Les  mammifer3S  a'ongcf^s  ,  ci  pieds  courts  ,  a 
ra^tatarses  inclines,  ont  recu  de  Haij  le  nom  de  ver- 
niLnea  que  nous  leur  confervons.  lis  manquent  de 
coecuni  jcomme  les  prdcedeus,  viveut  de  chair  ,  sur- 
tout  de  sang  et  d'ceufs  ;  leur  foraie  leur  dcane  la 
facility  de  se  glisser  dans  les  plus  petitcs  ouverlure.". 
Nous  en  connoissons  trois  genres  seulement  :  les 
belettes  ou  musteles  (  musteia  j  L.  )  ,  les  moufffcttes 
(  vlverra  mephitis  ,  I..  )  ;  et  les  loutres  (  inusteta 
Ultra  J  Lutris  at  lutreola  _,  L.  }. 

Enllu  les  nianiiniferes  a  jambc^s  et  tcir?es  releves, 
et  n'appu^-ant  que  le  bout  des  doigts  ,  les  animau-^ 
carnassiei?, ou  betes f(Sroc(spropremenl  d i les, form eiit 
la  d:Tni6ra  famille  d.  s  onguicules  munis  de  trois  soi  tes 
de  dents. 

Celte  famille  comprend  les  genres  assez  connus  d$s 
cklens  J  des  chats  J  et  celui  de  la.  rii^elle.  Nous  le 
placons  ici ,  parce  qu'en  effet  il  ne  marche  que  du 
bout  des  doigts,  et  que  ,  quoique  ass?z  alonge  ,  il  a  a 
rinterieur  un  Cdcum  ,  dont  les  vtrniinea  manquent. 
Ses  on^les  semi-retractiles,  sa  langue  verruqueuse  , 
lui  douuent  des  rappor.s  avcq  les  cliats ,  conime  ga 


jj;5  Mommalogit. 

poche  odoriKrante,  sa  criniere,  la  disposition  cle  ses 
tacUts  l«f  endonnen.  avec  les  hyones.  Ce!les-c,  for- 
mcro»t  aussi  uii  geme  a  part  dans  celte  fam.lle. 

II  ne  nous  reste  qn'n  prc^'sant.r  le  tableau  abregi  do 
,as  ordres ,  de  leurs  caraci;  res ,  ct  la  lisle  des  genres 
que  reus  fc.isons  enl.vr  dans  cUacun.Nous  prevenons 
que ,  n-ayani  jas  eu  le  lenn«  ^^  ■■<'^°"-  P'"''"'"  '*'  "' 
genres ,  ils  ne  sont  adoptes  que  proviso.rement. 

trais    sorus   de  amis  ;  pouces  scpares  auo, 
quatre  pleds. 

Singes. 

In  fin'?, 

Mak's. 

Lory. 

Ciicang. 

K.1  qyak. 

Tarsier. 

Ordre  IL<^  CHIROPTERES.  Dolgts  ongidadds; 
troLs  sones  de  deals  ;  mciLns  aiong^es,  paLnw^; 
membrane  s'tleadantdu  cow  eatre  ies  poeds  ^ 


a  l/aiTus. 


Ga'copitheque. 

Chauve-souris. 

]Sroctilion. 

Njyclere  {N^ct^rls). 

Rou:fsette.  (  Fteropus  ). 


Methodc  fiinmmalogique..  187 

Orpre  lU.e   PLANTIGRADES.   Dolgts  ongui^ 
cules  ;  troLS  sortes  de  deals  ;  point  de  pouces 
s  dp  ares  J  plants  entiere  appuijee. 
Ours  (  Vrsus  ). 
Raton  (  Lotor  ). 
Gloutoii  (  Gulo  ). 
Blaireau  (  Taxus  ). 
Mangouste  (  Mungos  ). 
Coati  (  NasLca  ). 
Kincajoa  (  Potos  ). 
Taupe  (  Tat  pa  \ 
Musaraignc  (  Sorex  ). 
Htrrlssori  (  Erlnaceus.  ). 
Ordre  IV.«  PEDIMANES.   Dolgts  onguLculcs  ; 
tro is  sortes  de  dents  ;  pouces  separes  aux  pueds 
de  denicre  seulenicnt. 

Sarigue  (  Didelphis  ). 
Phalanger  (  Vliaiangista  ). 
Orpre  V.-^  VERMirOP.MES.  Boigts  ongiUculcs; 
tro  is  sortes  de  dents  •  point  de  pouces  separes  ; 
corps  alongcs;pieds  rJappujant  queles  doigls^ 
ni^tdlarses  inclines  ;  menibres  courts. 
M.ox\^ei\Q(Mcpyitis). 
Beletle  (  Mustela  ). 
Lonlra  (  Lutra  ). 
Ordre  VT.<^   BETES  EEROCES,   Boigts  on^ui- 
cules  ;  tro  is  sortes  de  dents  ;  point  de  pouces 
separes;  pieds  nappuyant   que  les   doigts  ; 
menibres  redresses. 

Civelte  (  Cii'-eita  y 


iS8  Mam^yirilogk. 

Hyt'^ne  (  Hj/O'na). 
Ciiiea  (  Cauls  )- 
Chat  (; Fells). 

Ordre  VIL'  RONGEURS.  Dolg^s  ongulcuUs ; 
dents  LncLsii^es  ct  nioLaires  scuLenient  _,  sans 
caiunes. 

Porc-^^pi-  (  Ihjstrix)  ). 
Agouti  (  Cauia ). 
Cri-ior  (  Castor). 
Souvi^  (  Mus  ). 
Marmot te  {.  Arctomjjs  ). 
'EznYem\  {ScUcrus). 
Loir  (  GiiS  ), 
Gtrboisy  (  Dlpus  ). 
Kauguroa  (  Kangurus  ). 
Lievre  (  Lepus  ). 
Daman  (  Hjjrax  ). 

Ordre  VIIT.«    EDENTES.   Volgts  onguiculc's ; 
point  (Vlncisives  ^  ni  de  canines. 

y 

ronrrailier   (  Myrmecopliaga  ). 
Pangolin  (  Manis  ). 
Tatou  (  Dasijpus  ). 

Ordre IX.-^  TARDIGRADES.  Boigts  ongul- 
cuies  ;  point  d'incisi^'es  ;  des  canines  et  dcs 
moLaires. 

Paresseux  (  Bradj^pus  )» 


liWihode  mnmmn'nf^ique,  jg 

Ordke  X.e   PACHYDERMES.  Feeds  d.  sabots  ; 
plus  de  deux  dolgts  aux  pieds. 

Elephant  {Etephantus). 
R'  inocL^ros  (  Rhinoceros  ). 
I-li[>nopotame  (  Hippopotamus  }. 
Tap;r  (  Taper). 
Cochun  (  Sus  ). 

ORDREXLe  RUMINANS.  Pleds  d  sabots  ;  deu^ 
doi^ts  a  chacun. 

Cbameau  (  Camcius  \ 
Chevrotin  (  Moschus  }. 
Cerf  (  Cervus  ). 
Giraffe  (  CametopardaUs  }. 
Gazelle  (  AnUiope  ^. 
Ch^vre  (  Capra  ). 
Brebis  (  Ouis  }. 
JBoGuf  (  Bos  ). 

ORDREXII.e  S0LIPi-;DE3.  Pleds  d  sabots  ;  un 
seal  doL£t. 
Cheval  (  Equus  ). 

ORDREXlII.e  A]\IPIiIBIES.  Feeds  en  nageoires; 
ceux  de  denUre  distuicts. 

Yesixi  niarin  (  Phoca  ). 
Vache  marine  (  llosmarus  ). 
Lamanlin  (  Manatas  ), 
Bugong  (  Trichecus  }. 


3  go  Mammafogie.- 

Ordrt;  XTV.^  C^TACEES.  Pleds  en  nageoires  } 

puuit  iTexircniUes  posle/ieures  disUnctes. 

B;;lei!ie  (  Balana  ), 
Cac'.  alot  (  P/iLjscter), 
Narwhal  (  Mo  nod  on  ). 
Dauphin  (  DeLpliuius  ). 


E  N  T  O  M  O  L  O  G  I  E. 

Notice  des  wanuscrits  de  Lyonet. 

Jacoves  Br£z  ^  de  la  sociHe  d'Histoire  natuTelle  de 
Paris  ^  etc.  au  citoy?n  A.  L.  Millin. 

Utrecht  ,17  thai  1795  ,  v.  st. 
JJans  ma  derniere  lettre  ,  citoyen  ami,  je  vous 
en  annonrois  une  suivante ,  qui  devoit  confenir  I'a- 
iialjse  raisonnie  des  manuscrits  postliumes  du  c6- 
le!:tre  Lyoinet.  Je  me  hate  de  remplir  ma  promesse  , 
et  Je  le  fais  avec  d'aut  nt  plus  de  plaisir ,  que  Iss 
dulails  que  j'ai  a  vous  comm.uniqner  sont  de  nature  a 
interesser  vivement  tous  les  naturaHstes,  et  les  insec- 
tophiles  (i)  en  paiticulier.  Voire  Magasln  Encj/^ 

(1)  Jean  Brez  emploie  '"ce  mot  ,  parcel  c|ue  c'c.st  cehii  sous 
Icquel  il  a  deiigne  un  ouvrage  tres-ioteressant  it  tr^s-biea 
fait,  de  sa  composition,  intitule  :  la  flore  des  insectophiles.  Nous 
oLserverons  cepeudant  que  ce  nom  ,  compose  clu  grec  et  da 
latin  doit  I'etre  ,  d'apr^s  les  principcs  dc  la  s.ine  ciitiqne  , 
banni  de  I'Histoire  naturclle  ,  et  on  doit  dire  ,  avec  tous  les 
savans  de  TEuvope  ,  cntomo.logie  ^  •  entomopjule  ,  entomo- 
lo^iste.  A.  L.  M, 


Notice  des  mdyiu^erits  dt  Lyonnet.  icyt 

dopidique  est  une  excellenle  vole  pour  leur  en  faire 
\mv{  ;  et  je  saisis  cette  occiision  pour  vous  teraoigiier 
toule  la  satisiaction  que  j'ai  eproiivee  ,  en  apprenant 
I'eAi.lence  de  ce  journal,  qui  iraiiquoit  dej  uis  si 
'  long-temps  ^u\  scien-es  ,  au\  leltres  et  aux  arts. 
Vous  ,  et  vos  coliegnes  ,  avez  rendu  un  vrai  service 
aux  sarans  et  aux  g^nsde  lettres  de  tous  les  pays, 
en  r'oiivrant  ponr  ei;?:  ccs  mojens  de  conamunication 
qui  leur  sont  si  necessaires. 

Je  rcvi«iis  an  principal  objet  de  cett:^  leftre. 

Un  ami  que  j'avois  a  La  Ha-e  m'apprit ,  il  y  a 
d^'ja  phiFieurs  aunees_,  que  Lyomst  avoit  l(^gu^  ,  en 
3nourdnt^,,a  un  de  ses  neveux ,  des  manuscrifs  consi- 
derables sur  les  insectes.  Comme  je  me  suis  toujourS 
attache  de  preference  a  cette  par'Je  de  I'iiistoire 
naturelle,  je  n'eus  rien  de  plus  preise  que  de  m'a- 
dresser  directement  au  proprietaire  ,  pour  sav^oir  ce 
qni  en  etoit  ,  et  j'eus  tout  lieu  de  m'en  applaudir. 
II  safisfit  a  mes  deraandes  ,  avec  Li  plus  grande  hon- 
lietete  ,  et  m'invita  d'aller  visiter  moi-mt-me  ces 
papiers  si  inleressans.  Je  fis  done  le  vovage  de 
I/HHaye_,  uniquement  pour  n:e  procurer  cette  sa- 
ti?ia:;tion.  La  r.^alit6  surpassa  de  b.aucoup  I'attente 
que  je  m'en  etois  for:Ti<§e. 

Vous  savez,  citoyen,  qu'il  y  a  dejci  plus  de  3o  ans 
que  le  public  est  en  posses  ion  du  Traite  an  atoniiqu  c 
de  la  Chenille  quiron^e  Le  bols  de  sauLe  j  par 
P.  Lyonet. 

Get  ouvrage,  au«si  6toni-!ant  par  son  origiu-dit^V, 
q\Tc  may.nifique  dans  sjn  execution  ,  parut  a  La  Have 
en  1764,  ei  ne  tarda  pas  de  s'altirer  rc-stime  de  tous 


ip2  Entomologies 

les  savans.  Les  burn.ux  les  plus  judlcleuxretentkent 
de  sjs  eloges  ;  et  ies  piysic'.ens,  dussi  bien  que  les 
naUiraUstes ,  les  moddar.i ,  les  a  atonilsles  et  les  phi- 
losopLes,  ]d  dois  mome  ajonter,  les  graveurs  et  les 
pcintres,  s'empresserent  a  .Vnvi  de  Tadmirer  et  d© 
le  celebrer  ,  [..arce  que  lous  y  trouvererit  matiere  aux 
^k  '*-?s  les  mieux  fohdcs. 

LroNET,  qui ,  aux  talens  d'un  profond  observateur 
joignoit  ceux  d'un  peintre  aero  apli  et  d'uii  graveur 
qui  n'eut  peut-etre  jamais  son  pareil,  s\'toit  d^ja  fait 
connoitre  sous  ces  cUverses  rapports  ,  par  son  travail 
sur  la  T/i^ologie  des  Insectes  de  Lesser  ,  et  par 
les  planclies  des  Meinoires  sur  Les  Potjjpes  de 
Trembley.   Mais  c'eioit  sur-lout  dans  $jn   TraitS 
anatonugue  de  La   ChenUte ,   qu'il  devoit  fair© 
brilkr  ses  talens  exiraordinaires.  Cct  ouvrage  est  ua 
prodige  da  palience,  d'jb^ervation,  d'auaiornie  ,  da 
peinture  et  de  gravure.  L'Histoire  naturelle  ne  pos- 
sede  rien  d'aussi  parfait  h  tous  egards  ;  et  les  planclies, 
en  parlieu'id,  sont  d'une  I  eaute ,  d'une  v.'^rite  ,  et 
d^un  fiid  qu'on  cherc  .eroit  Vcunemaut   ailleurs  ,  et 
qui  leurassurent  I'adiviras  on  de  la  posterile.  Aussi 
Pillustre  CliarLes  Bonnet^  de  Geneve,  juge  corn- 
peteni  en  ces  matlereSi  s*i  en  fut  jamais,  dit-il,  dans 
une  de  scs  leltres  a  I'a-be  SpaLLanzani,  «  qu'il  a 
»  achete  ce  livre  comme  une  des  plus  belles  denions- 
•»  trations ,  eu  fait  ^.  de  re>.istenca  d'une  PREMIERE 
»  CAUSE  «.    —    «    Le  travail    qui  brills  dans  ce 
»   Traite  (  lui  ecrivo";t-il  encore),  surpasse  lout  CQ 
3)  que  je  pourrois  vous  en  dire  ,  et  que  vous  pournez 
w.iinaeiner  »* 


Notice  des  manuscrits  de  Lyonet.  I93 

On  a  vu ,  par  la  preface  du  Trait6  anatomique 
cfeLa  ClienULe  du  sauLe  ,  que  le  projet  de  I'auteur 
^loit  de  donner  un  jour  au  public  I'anatomie  de  la 
ckrijsalldc  ■:-X  deVd  phai^nc ^  aver  autant  de  details 
que  celle  de  la  ckenUie.  Nous  aurions  ainsi  3  vol. 
in-4."  sur  U'.ie  seuieespece  d'insectes  ;  encore  ces  trois 
volumes  ne  compreudroient  -  ils  qu'une  partie  des 
mermlles  que  cet  insecte  pourroit  cflfrir  ,  I'anatomie 
^tant  le  seul  oi>jet  que  notre  naturaliste  a  eu  en  vue. 
Quelque  hardi  que  puisse  paroitre  ce  plan  ,  LYONEr 
s'eu  c'toit  occijpe  avec  ardeur,  et  il  y  auroit  mis  la 
derniere  main,  si  un  facheux  (5blouisseineiit  qui  lui 
survint  aux  deux  jeux  ,  a  Page  de  soixante  ans  ,  ne 
I'eut  empeche  de  continucr  scs  rtcherclies  micros- 
copiques.  Neanmoins,  comm.e  il  avoit  deja  rassem- 
ble  un  grand  nombre  de  materiaux,  et  pousse  fort 
loin  son  travail  sur  la  chrijsailde  et  la  pkaLtne  ^  ainsi 
que  sur  diverses  autres  especes  d'insectes^  il  s'occupa 
a  l(  s  met're  en  ordre  vers  la  flu  de  ses  Jours  ;  et  on  les 
a  reimis  sous  le  litre  d''CEui/res  postkunies  sur  Les 
Insect es  ,  par  P.  Lyonet  ,  en  deux  parlies. 

La  premiere  partie  contient  des  Kssals  anatomic 
qucssur  Li  chrijsaLid&  etiapliaUrie  deia  ckeniU& 
ijui  range  Le  hois  de  sauLe  ,  pour  servlr  de  suite 
axL  Traite  anato  .ique  de  Ui  meme  cheniUe.  Sous  ce 
titra  trop  modeste ,  le  c:^debre  Lyonet  a  expose  au 
grand  jcnir,  et  demontre ,  par  les  fa'its,  tousces  chan- 
geiiiens  si  considerables  et  si  singuliersqui  surviennent 
dans  I'organisaiiou  interne  et  extv^rne  du  meme  ia- 
s^'cle,  a  diverses  ^poques  de  sa  vie.  On  s'etoit  assur6, 
avantlui,  de  ces  changeinens  remarquables.  Swam-, 
Tcrnie   11,  N 


194  Entomologie. 

MERDAM  ,    MaIPIGHI  ,    BeaUMUR  ,    BoNNET    el  DE 

Geer  avoieiit  dit  la-dessiis  des  choscs  aiissi  neuves 
qu'interessantes.  Mais  ils  ignoroient ,  et  nous  ignorons 
encore  profondement,  en  qiioi  ces  changeiiiens  con- 
sistent. Tons  les  efforts  que  d'aulres  naturalisles  ont 
fails  pour  soulever  cetle  parlio  du  voile  de  la  nature, 
ont  dtc  a-peu-pres  in  utiles.  II  etoit  reserve  a  l'itn» 
mortel  Lyonet  de  nous  reveler  ces  profonds  mjs- 
teres  ;  et  il  I'a  fait  avec  une  sagacite  qui  le  met 
au-dessus  de  tous  les  eloges.  Et  s'il  est  vrni ,  comme 
on  n'en  sauroit  doutcr ,  que  la  veritable  science  de  la 
nature  ne  consiste  que  dans  la  connoissance  desJaUs, 
I'Histoire  naturelle  ,  qui  doit  dej^  tant  a  LyoxNET  ,  lui 
sera  encore  redevable  d'un  nouveau  pas ,  et  d'uu  des 
pas  les  plus  importans  qu'elle  ait  jamais  fails.  Nous 
avions  jusqu'ici  raisonne  sur  les  tratisforniatioris  des 
insectes  5  disons  mieux  ;  nous  avions  tdche  de  les 
deviner,  A  I'aide  de  Lyonet  ,  jious  les  verrons  , 
pour  ainsi  dire ,  s'operer  sous  nos  jeux  ;  et  la  lumiere 
brillera  ou  regnoient  auparavant  pour  nous  les  plus 
epaisses  tenebres. 

La  seconde  partie  de  ces  manuscrits ,  que  nous 
designerons  sous  le  titre  d'CEui^res  melees  sur  les 
insectes  ^  n'est  pas  moins  interessante  ;  peut-e!re 
jTieme  le  sera-t-elle  da  vantage  pour  la  plupart  des 
lecteurSj  a  cause  de  la  variete  qui  y  regne.  Ces 
csLwres  melees  contiennent,  enir'autres  ,  des  essals 
anatomic] ues  sur  le  pou  du  niouton  ^  qui  feront 
connoitre  aux  naturalisfes  une  structure  toul-a-fait 
differente  de  cede  des  insectes  qu'on  a  anatomist's 
jusqu'ici,  et  offriront  en  genc^ral  des  particularit^s 
jr^s-curieuse3. 


Notice  dei  manuscrits  de  Lyonet.  jg^ 

VIennent  ensuite  les  poux  des  oiseaux ,  dont 
Pauteur  donne  la  description  et  les  figures  ,  d'une 
maiiiere  qui  ne  laisse  rien  a  desirer.  Apres  eux  pa- 
roissent  les  mlttes  _,  la  tuque  ,  et  quelques  essais  fort 
prdcieux  sur  la  nioucke  de  Saint-JMarc, 

Les  naluralistes  qui  se  sont  inslruifs  a  I'eccrle  de 
Lyonet  ,  de  la  maniere  si  singuliere  dont  s'accouplent 
certaines  arafgnees  ,  lirontici,  avec  le  plus  vif  inte- 
ret ,  les  nouvelles  observations  qu'il  a  faites  sur  ce 
sujet,  depuis  la  publication  de  sa  d^couverte,en  1742. 
C'est  a  celte  occasion  que  Reaumur  lui  ecrivoit,  «  qu'il 
»  auroit  mieux  aime  avoir  fait  son  observation  sur 
»  I'accoupleipent  des  araignees ,  que  d'avoir  ecrJt  un 
»  gros  volume  ».  —  Qu'anroit-il  done  dit ,  s'il  avoit 
eu  connoissan-e  des  recherciies  subsequentes  quo 
nous  annoncons? 

Cetle  seconde  partie  est  terminee  par  des  essais  et 
des  observations  iUY  di verses especes  de  coleopteres  , 
de  niouc}ies-a.-scie  J  de  tipuLes  ,  de  LibeLLaies  ,  do 
ckenUles  J  de  papiiiotis  j  de  phalenes  ^  de  phn/^ 
ganes  ,  ect.  ect.  II  contient  aussi  des  experiences  sur 
la  muliiplication  par  bouture  des  vers  de  lerre ,  avec 
la  description  et  la  figure  du  civevat  inarin. 

Par  ce  l(fger  apercu  ,  il  est  facile  de  ju^ier  que 
ces  deux  voluiv.es d'ceufres post/iumes  de  Lyonet 
reunissenttout  ce  que  Ton  pent  desirer  dansl'ouvrage 
d'Histoirg  natureile  le  plus  accompli  j  et  qu'ils  sont 
fails  pour  etre  recus ,  avec  empressement,  par  tous 
li?s  savans  et  les  vrais  amis  de  la  nature. 

QQ%<xuvrcs  sontaccompagnecs  de  cinquante-quatre 
planches  ,  dont  quatre  ont  et6  grav6es  parXyo/ie^ 

I(  a    • 


igS  Enlomologie. 

meme.  Ses  occupations  re  lui  avant  pas  permis  de 
grivrr  les  auircs  ,  ellcs  I'ont  ete  par  d'habiles  ar- 
tistes ,  sous  sa  direction.  Et  quoiiju'elles  soient  ainsf 
iiif-^rieiires  a  celles  de  Lyonet,  elles  sont  pourtant 
encore  au-dessi:s  de  toutesles  plaitclies  d'llistoire  na- 
turelle  qui  sont  parvenues  a  naa  connoissauce.  Quant 
au  tres-pedt  nombre  de  planches  que  I'autcur  n'a  pu 
inspecter  lui-raeme,  elles  Tont  ^i^  par  son  neveu  Croi- 
S¥.-^  ,  qui  pouvoit  seul  remplacer  I'oeil  vig  lant  du 
B.EAUMUR  HoLLANDAis  ,  parcG  qu'ayaiit  v^cu  fort 
long-tems  avec  lui ,  il  s'est  bien  mis  au  fait  de  sa 
njaniere  de  tra\'ailler. 

Tout ,  dans  ces  manusrrits  ,  se  trouve  done  dans  le 
meilleur  ordre;  et  Hs  pourroient  etre  publies  sur-le- 
chariip  ,  si  lescirconstances  de  I'Europepromettoient 
un  d^bil  propre  A  compenser  les  frais  considerables 
qu'ii  a  fillu  faire  pour  la  gravure ,  et  que  necessitc- 
roit  encore  I'impression. 

Mais  si  nos  voeux  se  r^alisent ,  si  nous  av;ons  le 
houheur  de  voir  une  pai:t  gdnerale  succeder  b  en- 
tot  a  la  plus  terrible  des  guerres ,  le  propri^taire 
des  manuscrits  dont  je  viens  de  rendre  compte,  se- 
roit  a  meme  d'en  faire  jouir  dans  peu  le  public  j 
en  les  proposant  par  scuscription. 

II  seroit  digne  d'un  gouvernement  qui  s'interesse  aux 
progres  des  sciences  ,  de  faire  I'ac  juisiti^i  de  ces 
pr^cieux  manuscrits  ,  et  de  les  meitre  au  jour,  sans 
d^iai.  J'en  ai  propose  Tachat  au  ConiUe  cV Instruc- 
tion pubUque  ,  de  la  part  du  proprielaire  ;  raais 
ma  lettre  est  reste^e  jusctu'ici  sans  reponse. 
Les  deux  parties  des  cc:^p^rc^/?05^/i"^^e5  deLYONET 


Nolice  desmamiserits  de  Lyonct.  ig, 

seront  pr^ct^d^es  de  son  ^'loge  historfque.  J^espere 
que  Je  public  saura  quelque  gr6  a  celui  qui,  en 
% audant  quelques  fleurs  sur  la  tombe  du  natura- 
liste  dj  'a  Haye  ,  lui  f  ra  cor.noitre  ,  comme  il  le 
merite,  un  des  hommc^  ics  plus  extraordinaiies  o^ui 
aient  jamais  e\isr^. 

Oulre  ces  osuvres  milSes  qui  se  sont  trouvc'es 
dans  u:.  ordre  pjrfait,  a  la  mort  de  Lycxet,  il  a 
encore  laisse  un  tres  -  grand  nom!  re  d'observations 
Isoldes  ,  sur  des  feuillrs  volantes.  Je  m'occuperai  a 
les  redi^ier,  pour  en  faire  jouir  le  public,  a  la  suite 
des  OEuvres  melees, 

^  Ce  naturaliste  infatiga^.Ie  avoir  entrepris  dc  faIre 
V/iistolre  des  inscctes  des  siwirons  de  La  Raye ; 
et  il  avoit  d^ja  rasseir.ijit-  la-dessus  une ,  tr^s-grande 
quanlite  de  mateiiaux,  lorsque  la  mort  vint  I'enJever 
aux  sciences  et   sur-font  a  celle  de  la   nature.  II  a 
laiss6  n^anmo.ns  un  monument  de  ce  travail ,  qui 
prouve  tout  ce  qu'on  pouvoit  en  espc-rer,  et  qui  flit 
regretter  bien  vive:Tient  qu'il  n'ait  pu  elre  acheve. 
Ce  sont  deux  volumes  m-/o/^  ,  reniplis  de  dessins 
des  insectQs  des  environs  de  la  Haye  ,  et  dont  laplu- 
parl  se  rapportent  aux  obssrvafions  isol^es  dont  je 
parlois  il  nV  a  qu'im  moni^nt.  Rlen  nc  peut  (Valer 
Padmirafion  dont  je    fus  sa.si  en    par.ourant  pour 
la  premiere  fois  ce«  deux  mag.iifi  ,ues  porto-feuiiies. 
Ce  ne  sont  pas ,  a  propremei.t  parler ,  des  dessuis  qui 
les  rempbssent,  ce  sont  de  verlrables  mlriLatures  , 
et  des  miniatures  telles  qu»on  n»a  pu  encore  Iron- 
ver  jusqu'ici  aucun  artiste  en  etat  de  les  rendre  par 
\^  gravure.  J»espere  cependant    que ,  sous  les  aus- 

N  3 


igS  Entomolos.ie. 

pices  d«  la  paix  ,  nous  pourrons  en  enricliir  le  pu- 
blic ,  si  ce  n'est  dans  une  perfeclion  egale  a  celle 
desdesslns  ,  du  moinsdans  un  degr^  quifera  ^poque 
dans  les  annales  de  Pinsectologie,  avec  les  diwres 
postliumes  que  nous  annonrons. 

A  ces  ricbesses  ,  dont  I'annonce  ne  peut  etre  que 
t;es-intc'ressaiite  pour  tons  les  vrais  amis  de  la  na- 
ture, nous  nous  tiouvons  dans  le  cas  d'en  joindre 
d'aiifres.  II  existe  panni  les  papiers  de  Lyonet  ,  une 
correspondancc  tres-pretieuse  avec  Reaumur  ^ 
BoN^ET  5  Lecat  5  Trembley  ,  ect.  Nous  la  com- 
pulserons  ,  et  nous  en  publlercns  ce  qui  nous  pa- 
roilra  meriier  I'attention  des  savans. 

Je  finirai  cette  lettre  en  faisant  connoitre  au  pu- 
blic un  monument  d*un  genre  aussi  singulier  que 
nouveau.  Si  vous  avez  lu  la  preface  du  Traitc  ana- 
tomique  de  la  chenlUe  qui  ronge  le  bols  dc  saule  , 
vous  y  aurez  vu  que  plusieurs  personnes  s't-toient 
permis  d'elever  des  doutes  sur  la  realitedes  decouvertes 
si  etonnantes  de  I'auleur.  Onalloit  m^mejusqu'a  I'ac- 
cuser  de  n'avoir  fait  qu'un  roman  d'Histoire  natu- 
relle.  La  probite  si  reconnue  de  Lyonet  auroit 
du  le  garantir  de  ces  soupcons  ridicules  j  raais 
il  n'est  rien  malheureysement  qui  puissc  mettre  a 
Tabri  des  censures  des  sots.  Pour  leur  fcrmer  la  bou- 
che,  Lyonet  rep^ta  ses  observations  les  plus  impor- 
tantes  en  presence  de  plusieurs  juges  que  le  public 
ne  recusera  assurrment  pas  ;  Albinus  ,  Mussen- 
UROECK,  Allamand  ,  Trembley  virent ,  au  micros- 
cope deleur  collegue  ,  les  merveilie^qu'il  a  fait  passer 
dans  les  plancbes  de  sou  Traite  anatomlque  ,  et 
la  calomaie  meme  la  plus  astucieuse  dut  se  taii^. 


Notice  def' rn'inuscrits  de  Lyonet.  iqq 

Mais  ce  nVtolt  point  encore  assez  pour  Lyonet. 
D  vouloit  cju'il  rcstat  aprcs  lui  iin  monument  vivant* 
»i  je  puis  m'exprimer  aiusi ,  qui  aUestat  a  jamais  I'au- 
thenticit^  de  ses  belles  decouvcrtes ;  et  sa  patic  nee 
ne  tarda  pas  a  I'eAecuter.  Cast  le  Sijstcnie  neuro- 
logique  coniplet  de  la  CheniUe  da  saute  ^  qu'il 
a  eu  Part  de  degager  des  autres  parties ,  avec  une 
dext^rite  inconcevable  ,  et  de  placer  entre  deux 
verres.  Ce  monument  est  inappreciable  a  mes  jeux  . 
il  mdriteroit  d'occuper  une  place  distinguee  dans  la 
Museum  national  des  Fianrais.  J'avois  pe^ne  a  en 
croire  mes  yeux ,  lorsqu'on  me  le  pr^senta.  Jen'a- 
vois  pas  cru  que  la  patience  humaine  put  ailer 
aussi  loin. 

C'est  tout  ce  que  je  puis  vous  dire  ,  pour  le  moment 
Vous  insererez  cette  iettre  dans  votre  Magasin  , 
si  vous  Pen  jugez  digne. 

Salut  et  fraternite. 
J.  B  R  E  Z  ,  ^e  /tz  Societe  d' His  to  I  re 
nature  lie  de  Paris,  etc. 


PHYSIOLOGIE  VEGETALE. 

TiiEORiE  de  l- evolution  des  houtons  ajeullles 
et  dijleurs  J  par  Jean  Sesebier  ^  biUiothi* 
caire  de  La  licpubUque  de  Genei^e, 

iitJANDonavu  les  feuilleset  les  fleursdans  leurbou- 

toiis  3   quaud  on  s'est  assure  de  la  molesse  de  leurs 

K4 


«oo  Physiologie  vegetale* 

fibres,  on  s'c^tonne  comment  ces  fleurs  et  ces  feuilles, 
qui  ne  sont  presque  d'abord  qu'une  geles  organisee  , 
peiivent  vaincre  la  resistance  que  les  enveloppes  de 
bouton  paroissent  mettre  a  leur  sortie  ;  coinment 
elles  s'echappent  malgr6  la  tenacite  de  la  colle  qui 
agglutine  les  ecailles  dequelquesboutons  5  comment 
elles  surmontent  Paction  reciproquedcs  (Ecailles  pour 
fermer  le  bouton  ,  dont  la  cloiure  est  si  rigoureuse 
qu'elle  a  interdit  pendant  cinq  mois  d'hiver  I'accss 
de  I'eau  dans  des  bonlons  du  maronnier  d'Inde , 
que  j'y  avois  tenu  plongts  ,  apres  avoir  couvert  leur 
section  avec  la  cire  d'Espagne. 

On  a  cru  qu'une  Iniraeur  qui  se  distilloit  alors  ,  etoit 
le  dissolvant  de  cette  colle;  mais  on  ns  connoit 
gueres  comment  cetlehumeur  quia  nourri  le  bouton 
pendant  I'annee  pr^cedente ,  sans  occasionner  aucune 
dissolution,  prend  alors  cette  propriete  dans  le  mo- 
ment oil  eile  paroit  plus  delayee  :  d'ailleurs  eel  obstacle 
Taincu  n'ancanliroit   pas  les  autres. 

On  observe  que  les  poils  qui  recouvrent  les  (^.cailles 
et  le  duvet  qui  enveloppent  les  pelites  feniiles  et 
les  petitesfleurs,  sont  compressibleset  favorisent  ainsi 
la  dilatation  des  ecailles  ^  sans  nuire  aux  parties 
tendres  des  fleurs  et  des  feuilles  qui  cherchent  le 
jour;  mais  ces  parties  sont  si  moUes  qu'elW  semblent 
incarables  de  toute  espece  de  compression  ;  d'ailleurs 
les  feuilles  et  les  petales  quisortent  de  leurs  boutons 
ne  paroissent  pas  coniprim^s. 

Quand  on  examine  avec  soin  les  Ecailles  des  bou- 
tons du  poirier,  on  remarque  bientot  que  cliacune 
d'elles  est  logee  sur   une  espece   de   saillie   forme© 


Theorie  de  revolution  des  boutons  afeuilles.  201 
dins  le  bourrelst  qui  porte  le  bouton,  et  cVst  de 
cette  j  artie  de  Tccorce  que  les  ecailles  semblent 
s'ccbapper.  Au  commfencement  de  I'iiiver  ,ces  saillies 
placees  sur  1-  buurrelet  sont  fort  rapprocbees  j  mais 
lenr  eloigiiemeiit  s'accroit  beaucoup  au  printemps ,  par 
raccioissem.Mit  que  le  bourrclet  prend  en  longueur, 
ce  qui  occasionne  un  cbangeme'-.t  de  situation entre 
ces  c'cailles  5  elles  doivent  sur-tout  s'ecarter  alors  de 
la  feuille,par  I'accroissement  du  bourrelet  en  gros- 
seur. 

Ce  double  ac  roissement  du  bourrel:^t  me  paroit 
la  cause  de  I'ouveiture  et  de  la  diute  des  ^^cailles, 
comme  il  avoit  e!e  celle  qui  les  avoit  vepouss^es 
lorsque  le  boulon  a  commence  de  crriire.  Le  bourrelet 
qui  porte  les  ecailles  ne  pent  cbanger  dans  ses  dimen- 
sions ,  sans  produire  des  cbangemers  dans  la  place 
des  Ecailles  qui  forment  I'etui  de  la  feuille  ou  de  la 
fleur  :  ces  ecailles  tirailleesa  leur  base  par  i-'accroisse- 
ment  du  bounelel  engro'^seur,  se  d(^cbirent  dans  la 
parlie  r<isistante  ,  lorsque  le  bourrclet  du  boutoa 
prend  un  accroissement  grand  et  subit ;  les  ecailles 
qui  cessent  de  croitre  sont  mallrait  es  par  ce  tiraiile- 
ment ,  elles  se  refusent  a  c  Ite  extensio  1 ,  et  elles  S3 
d<;^cbirent  a  leur  base  ;  mais  comme  celte  extension  , 
de  la  base  ct  des  ecailles  est  graducl'e  ,  de  raeme 
que  I'accroissenient  du  diainotre  du  ):onrrelet  ,  cctts 
base  s'etend  tant  qu'elle  v^^gete,  et  elle  i:e  se  dtcliire 
qu'en  cessant  de  vegeter.  Le  dechirement  commence 
toujours  par  undesbords  ,  et  la  partis  de  biree  noircit 
en  se  dessetbant  ;  mais  enfin  Tecalile  entlere  lombe 
bienlot  ,  par  la  me-ne  raison  qui  a  occas.'oiine  ^on 
d^cliireiiieut. 


802  Thys\olo!i:;ie  vege'tn.le. 

Les  ecailles  les  plus  ext^rieures  tiennent  plus  long- 
temps  au  bourrelet,  parce  qu'elles  sont  plus  robustes 
et  plus  vegetantes.  Les  Ecailles  des  boutons  afeuilles 
tombent  plus  tard  que  !es  (Ecailles  des  boutons  a 
fleurs  ,  parcB  qu'elles  sont  raoins  brusquees  par 
i'accroissement  de  leur  bourrelet  qui  se  developpe 
plus  lentement. 

Avec  un  peu  d'atlention  on  voit  d'abord  le  mecha- 
nisme  de  cette  operation ;  les  ecailles  qui  commencent 
a  se  dechirer  par  leur  base  n'ofFrent  plus  la  meme 
resislance  5  le  bourrelet  en  grossissant  ecarte  ces 
Readies  les  unes  des  autres  ,  et  quoique  cet  ecarte- 
ment  soit  tres-petit  a  la  base  ,  il  en  occasionne  un 
tres-remarquable  a  leur  sominet  3  ce  qui  ouvre  la 
porte  au  Louton  gonfle  par  les  sues  abondans  qu'il 
recoit :  a  mesure  que  le  bouton  grossit ,  le  bourrelet 
grcssit  avec  Ini ,  et  I'ecartement  des  ecailles  qui 
s'augmente  ,  devient  proportionnel  a  I'augmentation 
des  fleurs  et  des  feuilles  ,  etil  favorise  ainsi  toujours 
davantage  leur  evolution  qui  est  toujours  plus  de- 
terra  inee  par  les  sues  qui  penetrant  les  boutons  avec 
plus  d'abondance  ;  enfin  les  ecailles  en  se  dechirant 
par  leur  base,  opposent  toujours  une  resistance  moindre 
aux  efforts  de  I'accroissement  du  bourrelet ,  pour  les 
t carter,  et  a  ceux  de  la  fleur  ou  de  la  feuille^  pour 
les  repousser  :  en  sorte  que^  par  cemoyen  ,  la  resis- 
tance devient  toujours  moindre  que  I'efTort  qui  doit 
la  vain  ere. 

C'est  ainsi  sansdoute  que  Taction  du  bourrelet  qui 
s'accroit ,  favorise  le  devt  loppement  des  feuilles  et 
des  fleurs_  avant  I'dpanouissement  :  les  ecailles  ne  se 


thcorh  de  revolution  des  houtons  a  feuill^s  2o3 
Bc'xhirent  pas  alors,  parce  qu'elles  prennent  cl^ac- 
CEoissemont ,  et  parce  qu'eiles  s'etendenl  en  croissl^nt ; 
mais  on  voit  bien  qu'elles  se  reclressent  a  leur  5bm- 
niet,etce  rrdresssment  ne  peutetreproduit  que  par 
raiigmentahon  da  diametre  du  bourrelet  sur  lequet 
ellessonl  placees  ;  mais  elles  ne  tombent  point ,  pares 
qu'elles  sont  susceptibles  d'ex tension  et  de  vegetation , 
et  parce  que  les  accroissemens  du  bourrelet  sont 
plus  pelits  et  plus  nuances. 


B   O  T  A   N   I   Q  U    E. 

Do.M.  CfRTLLT  plantnruni  regno  napoUtam.  — 
Pl ANTES  nires  du  Royaunie  de  NapLes  ,  par 
Dominique  Cyrille  ,  profosseur  de  m^dec  ne  et 
de  philosopbie.  A  Naples.  Fascicule  premier  et 
second  ,  1793. 

li  E  professeur  Cjrille ,  apres  avoir  rellgieussment 
parcouru  les  contrt'es  Napoiitaines  ,  pour  _y  obsrver 
scrupuleusemf  nt  et  avec  regularity  toutes  les  tribus 
qui  apparticnnent  a  I'empire  dc-  Flore  ,  a  non  seu- 
leinent  decouvcrt  bcaucoup  d'especrs  rares  ,  nuns 
bien  encore  i)lusiciirs  d'incdites.  Je  vafs  en  rappeler 
aux  amateurs  de  Botaniquc  quc-lques-unes  qni  ne 
sont  point  decriles  dans  tous  nos  Pbjlographes  nio- 
dernes  ,  el  qui  se  trouvent  dans  le  premier  fascicule 
de  son  ouvrage.  Je  ne  servirai  dcs  phrases  et  des 
dtnominaliuns  latines  du  Professeur  Cyrille. 

10.  Scabiosa  crenata.    Ses  cc  rollules  sont  den- 
udes 5  les  feuilles  radicales  spatulees  et  a  Irois  dents ; 


204  Boianlque. 

les  caulinalres    pinnies ;  les  pinnules  plusieurs  fois 

ti'iparlites.    C'est  la  troisi^me  planche. 

20.  Lainium  hLfiduni.  Ses  fcuilles  sont  en  coRur, 
acuminees  ;  la  coroUe  en  cascue  bifide  ;  les  lanieres 
divarkjuees.  C'est  la  septieme  planche. 

30.  Hijpochccds  mlnuna.Cene  plante  se  distingue 

par  son  pedunrule  epais.  EUe  est  la  dixi^  re  figuree. 

4''.  Plwrmuim  buLbiferum.  EUe  a  la  hampe  simple, 

engrappe;  les  fleurs  penc:  ees.C'est  la  douzienie  figure. 

5«.  Convolvulus  stolomferus.  Ce  liseron  est 
Pobjet  de  la  cinquieme  planche.  II  n'a  ^t6  decrit 
jii.sq  .'a  present ,  que  par  le  professeur  Cyrilb.  W. 


EGONOIMIE    RURAL  E. 

Confitures  d'Airelle, 

Le  citojen  Bosc  a  remis  a  la  scciete  philomalhique 
un  pain  de  confitures  ,  compose  avec  les  hsies  du  vac- 
cinium  myrtlllus  (  I'airelle.  )  D'apres  le  proced6 
employe  par  les  sauvages  du  Canada  ,  pour  faire  leur 
gateaux  de  baiesde  uaccinuun  conjmbosum,  Ce  pro- 
cede  consiste  a  faire  cuire  les  baies  dav.s  un  vase  de 
fer ,  t  a  auomenter  ,  par  la  chaleur  du  four ,  la  dessi- 
cation,  jusqu'a  ronsistance  solide.  Cemojen  de  sub- 
slstance  habituelle  ,  employe  par  les  peuples  sau- 
vages du  noi  d  do  I'Amerique  et  de  I'Asie ,  n'est  point 
a  n^gliger  dans  le  moment  actuel.  Ces  confitures  sont 
tre?-aoreables  au  gout  ,  et  peuvent  etre  tres-abon- 
damment  fabriquees  d  ns  quelques  departemens. 
On  salt  que  les  pL'uples  chasseurs  et  ichtyojphages 


Economic  rurale.  2o5 

du  norcl  de  I'Europe  et  de  I'Asie  ,  les  Lapons ,  les 
Sa-novedes  ,  les  Kamstchadales,  les  Vosliakes,  les 
Kouriles,  ramassi-rit  en  tres-grande  abondancs  les  baies 
des  rubus  articus  et  rubus  kerbciceus  pour  knr 
servir  de  nouiriture  v^gctale  pendant  Thiver  j  raais 
qu'ilsne  les  font  point  desseeber,  qu'Hs  se  contenlent 
de  les  mettre  dans  des  vases  d'ecorce  et  de  les  en- 
fouir  en  terre.  Le  citoyen  Bosc  observe  que  ce  prc- 
ced(^  pourroit  aus  i  etre  employe  pour  conserver  les 
bales  du  vacanum  mijrt'dlus  ;  car  il  a  rennarqud 
que  les  vignerons  _,  qui  font  usage  de  ces  baies  pour 
colorerleurs  vins ,  les  gardent ,  sansinconven'ent ,  d  - 
puis  le  mois  de  juin  jusqu'a  la  vendange  ,  avec  la 
seule  pr^.  aution  de  les  placer  a  la  cave  ,  dans  ^ts 
vases  bien  fernu's. 


G  E  0  G  11  A  P  11  I  E. 

Letire  dej.  D.  BARBit ,  anx  Redacteurs  du  Magasin 
Encyclcpediquc  ,    sur  la  rERRE  de  Kergvelen. 

La  terre  de  Kerguelen> ,  autrement  nppeb'e  tie 
de  la  Desolation  J  est  une  grand?  i!e  de  pres  de 
200  lieues  de  tour  ,  sitnee  an  micli  de  la  niev  des 
Indes,  par  les  49  a  50°  de  latitude  austral?,  et  pir 
les  66  a  6a^  de  longitude  a  I'orJent  du  nu-.idien  de 
Paris  ,  t'est-a-dire ,  par  les  86  a  SS"^  a  I'orient  du 
premier  meridian  ,  passant  par  VUe-de-Fer.  Elle  fut 
d^couverte  ,  en  1772,  par  les  Francais ,  sous  la 
conduile  de  MM.  de  Kerguelea  ct  de  S.  Allouarn, 


£o6  Geogrcfphle. 

et  les  Franrai'sj  retournerent  encore  ,  en  1778,  soua 
la  conciuite  dii  meine  capitaine  Kergue!en.  Pendant 
ces  deux  vojaj^es,  011  leieva  la  plus  graude  partie  de 
la  cote  meridlonale  dc  cette  lie,  toute  la  cote  occi- 
dentalc  el  iine  paiiie  de  la  cote  septentrionale.  Les 
Anglais  ,  a  leur  tour,  visilereut  cette  ile  ,  en  1776  ; 
c'eloit  dans  le  troisieme  \  oj  aye  du  capitaine  Coak  , 
et  dans  sa  traversee  dn  Cup  de  Bonns-Esperance 
a  la  terre  de  Die  men.  Les  Anglais  'on^ereni  sa  cole 
septentrionale,  et  ils  la  releveient  touie  eiitiere  avec 
assez  de  details,  ainsi  que  la  cote  oricntale  ,  en  sorte 
cju'il  neresie  plusacomioitre  qu'une  tres-pttile  partie 
de  la  cote  meriiiionale  de  cette  lie. 

Les  Anglais  lui  donnerent  alors  le  noni  (\^Ue  de  leu 
Desotat.'Oti  J  a  cause  de  son  aspect  aiTreux  et  sterile. 
Eii  eflet ,  sa  partie  orientale  sur-tout  n'est  composee 
que  de  rochers  a  moitie  brises  et  fracasses,  qui  pa- 
roisteut  toujours  prets  a  tomber,  et  qui  a  peine  sont 
recouverts  d'une  legere  verdure.  Toute  Tile  ne  pro- 
duit  pas  un  arbre  ou  uh  arbrisseau  ;  on  n^;  voit  aucune 
trace  d'habitation,  et  les  aniraaux  que  I'onytrouve 
sont  tons  etrangers  :  car  ce  bont  des  phoques  ou  de.s 
oiscaux  de  mer.  Des  fondrieres  et  des  torrens  parois-. 
Sv^.nl  remplJr  I'interienr  de  File,  et  quoique  sous  une 
.latitude  a^sez  peu  ^levee,  le  soramet  de  ses  mon- 
lagnes  est  toujours  couvert  de  n;ige  ,  metne  dans  le 
plein  coeur  de  l'et6.  Ajoutez  a  cela ,  que  Pile  est 
presque  toujours  enlouree  de  brumes  qui  empecbent 
de  se  voir  a  deux  pas,et  le  nom  que  lui  ont  donne 
les  Anglais  sera  pleinement  justifie.  Cependant  il  j 
a  de  bons  liavres,  comme  I'ont  ej)rouve  les  Franrais 


Sur  la  ierre  de  Kerguelen,  107 

et  les  Anglais  5  et  co'nrae  cette  ile  se  trouva  sur  la 
route  dv3  ceuxquivont  du  Cap  de  Bonne-Espera)ice 
a  la  mer  du  Sud  ,■  par  la  terre  de  Ditinen  ,  et 
quVile  peut  leur  servir  de  relache  en  cas  de  besoin  , 
c'est  cequi  m'engage  a  examiner  les  delails  geographi- 
ques  de  cette  ile. 

Nous  avons  dJt  qu*il  ne  restoil  plus  a  connoltre 
qu'uiie  tres-petite  pcirtie  de  la  cote  ineridionale  de  la 
terre  de  Kergueten  /  mais  sa  partie  eccidentale  a 
ju9qu'a  cette  Leure  ete  Lien  mal  figiiive  sur  les  carles, 
si  ce  n'est  sur  celles  de  ceux  qui  I'out  decouverte. 
Xorsque  le  capitaiue  Cook  aborda  a  la  terre  de  Ker- 
gueieii  y  en  1776,  il  avoit  Ires-peu  de  reuselgnernens 
sur  les  decouvertes  des  Francais  dans  cetle  partie  ,  ce 
qui  lui  donna  beaucoup  de  peine  pour  les  comparer 
avec  les  siennes.  Cetle  difficuite  augmenla  encore 
entre  les  mains  des  redacteurs  ds  son  vojage ,  parce 
qu*ils  adopterent  une  mauvaise  carte  manuscrite  des 
decouvertes  des  Francais  ,  qu'on  leur  communiqua, 
et  qui  n'cst  relative  qu'au  premier  vojage  de  M.  de 
Kerguelen.  lis  fireut  meme  graver  cette  carte  sur 
celle  des  decouvertes  du  capitaine  Cook  ,  et  par-la 
ils  donnerent  une  tres-fausse  idee  de  I'etendue  et  de  la 
figure  de  la  terre  de  Kerguelen.  A  la  veiite  ils  ne 
p  iroissoient  pas  trop  se  tier  a  cette  carte  manuscrite, 
et  en  eff- 1  bientot  les  voyages  de  M.  de  Kerguelen  et 
et  de  M.  de  Pages ,  qui  avoient  ^le  presens  aux  de- 
couvertes ,  parurenl  et  vinrent  detruire  ^out  ce  qu'ils 
avoient  fait.  II  ne  resta  done  plus  aux  redacteurs  du 
troisieme  voyage  du  capitaine  Cook  ,  qu'a  dementir 
dans  des  notes  ce  qu'ils  avoient  fait  sur  la  carte  de  ce 
capitaine,  et  c'esl  le  parti  qu'ils  pvir.^iit. 


2»8  Geographies 

N^anmolns  la  carte  du  capitaine  Cook  existe  clans 
soft  troisieme  voyage  avec  les  d6couverte 5 ^ des  Fran- 
^ais  ,  tracv'es  d'.4pres  cette  mauvaise  carte  manus- 
crite  ;  et  cette airte  a  ele  una  soiree  d'erreurs  pour 
les  grographes  qui  iie  lisent  point  et  qui  ne  font  que 
copier.  Je  ne  cil:  rai  a  ce  sujet  que  la  carte  de  la 
terrede  KergueLeti ^  qui  se  trouve  dans  la  nouvelle 
^MncLjclopcdie  niethodique  j  et  qui  n'est  qu*une 
copiei^ervile  de  ci  He  duca-^itaine  Cook.  Si  unnaviga- 
teur  se  fioit  a  cetle  carte,  dans  quel  danger  ne  se  jet- 
teroit-il  pas  ?  II  se  1  ri.-^eroit  sur  la  cote,  tandis  qu'il 
croiroit  encore  en  eire  a  plus  de  12  lieues.  II  est  done 
bien  essenliel  de  comparer  tout  ce  que  I'on  pent 
connoitre,  lout  ce  quia  pu  etre  fait  jusqu'a  i'epoque 
oil  I'on  compose  une  carte.  C'etoit  la  metbode  des 
cel^bres  g.  ograpl;es  Delisle  et  Danville  ;  mais  mal- 
lieureuseirent  on  nesuit  gut  res  leurs  principesaujoi  r- 
d'hui ;  on  se  contente  de  traiter  superficiellement  uie 
matiere  qui  demande  la  plus  serieuse  attention  ,  et  le 
danger  ne  paroit  rien  a  cslui  qui  en  est  ^^loign^. 
J'avois  ueja  examine  toirt  cp  rn\  avoit  ete  fait  sur  la 
terre  deKerguten^  r<'s  t7'''6,  lorsque  J3  ^orrigeai  la 
Mappenionde  de  Danville  ;  j'avois  lu  les  v :  nges 
de  Kerguelen  e^  de  Pag^s ,  ei  c'est  en  cons^queuce 
qu'on  verra  sur  cette  mappemonde  ,  quoiqu'en  bien 
petit,  que  cette  terre  ne  ressemble  qu'en  partie  a  la 
figure  que  lui  donne  la  carte  qui  se  trouve  d  ins  le 
troisieme  vqyape  du  capitaine  Cook.  Je  remarquerai 
encore  que  je  n'ai  trouv6  aucun  article  sur  Xa  terre 
de  Kerguelen  ^  dans  le  dictionnaire  de  geograpliie 
moderne  de  ia  noupeUe  EncL/clopedle  niethodique, 

quoique 


Sur  laterre  de  Kergnelen.  «og 

quolque  cette  terre  fut  connue  a I'epoque  ou  c?  diction- 
naire  a  paru. 

Le  point  de  contact  des  d^convertes  des  Fran';als 
et  des  Anglais  est  la  ba'je  de  L^OtseaUj  qua  les  An- 
glais ont  Hpp3i6  le  Ravre  de,  NoeL ,  et  qui  est  pres 
<lu  Cap  FrancaLs^  la  poiute  la  plus  nord  de  la  terre  d& 
Ker^uelen.Ceite  bayeaeterelex^^e,  ducote  des  Fran- 
^ais ,  par  M.  deRojhegude,  actaellement  depul^, 
•t  les  Anglais  en  ont  aussi  donn6  un  plan  qui  dif- 
fere  peu  de  celui  des  Franrals.  Ceux-ci  ont  cru  qu'il 
existoit  ensuite  un  grand  golfe-  parce  qu'ils  onl  vu  dans 
Test  une  terre  (jui  s'avancoit  vers  le  nord-est  jusqu'au 
48""^  degre  :  cependant  la  carte  du  cnpitaine  Cook 
prouve  qu'il  n*existe  point  de  golfe  Hans  cet  endroit; 
mais  comme  le  capitaine  Cook ,  eu  lono^eant  la  cote 
septentrionale  j  ne  pouvoit  voir  jusqu'au  48'^'<^  degre, 
j'ai  marqu6  en  cet  endroi  ,  sur  la  niappe-motule 
de  DanuUle  ,  des  petites  iles  pour  representer  les 
terres  vues  par  les  Fran-,  ais. 

II  est  temps  actuellement  de  parler  de  rafTecta- 
tion  avec  laquclle  M.  de  Pages  semble  vouloir  s'at- 
trihuer  seul  la  decouverle  de  la  terre  qui  porte  le 
iiom  de  Terre  de  Kergueten.  Daus  toute  sa  rela- 
tion il  ne  nomnie  pas  un  seul  des  officiers  de  I'ex- 
pedition ,  quoiqti'il  y  eut  3  vaisseaux  ,  le  Roland^ 
gros  vaisseau  que  commandoit  M.  de  Kerguelen 
lui-meme,  el  sur  lequel  M.  de  Pages  n'avoi:  que 
Ic  titre  d'ensecgae  ;  la  fr^-gate  I'Olseau ,  commandee 
par  M.  de  Rosnevet ,  et  sur  laquelle  etoit  M.  do 
Rochegude,  etla  corvette /^  Daupkine^  command^e 
par  M.  F^rrou.  Le  Roland  et  la  Dauphlne  n\.p- 

Tome  Hi  g 


sio  Geof^rajhie. 

proclierent  pas  de  terre,  il  ii'j  eut  que  la  fregato 
fOiseaii  qui  debarqiia  du  monde,etde  ce  nombr© 
fut  M.  de  Rocliegude.  D'un  autre  cote,  M.  de  Pages 
nYloit  que  de  la  2."'®  expedition  qui  se  faisoit  dariis 
les  annees  1778  et  1774  ,  quoique  sa  carte  repre- 
sente  les  dt'couvertes  faites  dans  I'expedition  ante- 
rieure ,  parce  qu'elle  est  copiee  sur  celle  de  M.  de 
Ker^^,uelen ;  et  enlin  ,  si  M.  de  Pages  a  mis  dans  sa 
carte  generale  :  ties  noLweiles  australes  uues  par 
M.  de  Pagh  e/z  1774,  il  n'en  est  pas  mo'ns  vra;i 
que  ces  iL's  porleront  toujo  rs  le  nom  de  terre  de 
KergueLeti y  et  que  ,  si  quelqu'un  avoit  droit  d'en  dis- 
puter  la  decouverte  _,  ce  ne  pourroit  etre  que  M.  de 
Saint-A'louarn  qui  fit  le  premier  voya;:,e  avec  M, 
de  KergLielen,  en  1771  et  1772,  et  qui  comman- 
doit  un  des  deux  vaisseaux  de  cette  premiere  expe^ 
difion. 

J.  D.  Barbi£_,  charge  de  la  part'u 
geogra-phique  a  la  Bibliot':.iqus 
natiojiale. 


HISTOIRE    MODERiNE. 

HisToiRE  de  la  guerre  de  frevte  an^.  Par  M.  Freds 
Schiller  ,  traduite  de  Vallemani  ,  ornee  d'un 
portrait  de  Gustave  Adolphe  ,  roi  de  Suede. 
Berne,  chez  Emanuel  Haller  ,  1704.  ,  2  \oI. 
in-8.0;  le  premier  de  3oo  pag.  ,  et  le  second 
de   29J. 

JLi  A  guerre  de  trente  ans  est  une  des  plus  int^re^ 
sanies  epoques  de  I'Histoire  germanique,  et  le  traito 
de  WestpLalie  c.ui  la  termiua,  est  devenu  i'un  des 
principaux  fondemens  du  droit  public  de  I'Allema-' 
gneet  meme  djePEurope  entiere.  CefutTesprit  de  re- 
ligion qui  ralluma.  Tons  les  grands  evenemens  da 
ce  siecle  ont  eu  plus  ou  moins  de  connexion  avec 
ia  revolution  qu'opera  la  docfr  ne  de  Luther  et  de 
Zvviugle  ,  et  il  n'est  en  Europe  aucun  etat  sur  le^. 
quel  cette  revolution  n'ait  eu  une  influence  plus  ou 
moins  immediate. 

L'usage  que  la  maison  d'Espagne  faisoit  de  ses 
forces  imraenses  jCtoit  presqu'entiereraent  dirig6  con-* 
tre  les  sectateurs  des  nouvelles  opinions.  Ce  fut  la 
ri^^forme  qui  alluma  ces  <iuerres  civiL's  ,  qui  ,  sous 
quatre  regnes  orageux  ,  ebranlerent  le  trone  de 
France,  at'.ir^rent  des  armies  etrangc-resj usque  dans 
le  coeur  de  ce  beau  rojaume  ,  et  en  firent ,  pendant 
le  cours  d'un  demi- siecle,  le  tlu-dtre  des  |,liis  fu- 
iieslcs  d^cliirenens.  Ce  fut  la  r^forme  qui  rendit  le 
joug    espagnol   insupportable    aux  Beiges  ,    et  leur 

O2. 


«I8  Histoire  modnne. 

inspira  le  desir  et  le  courage  de  le  secouer.  Toutes 
les  veiii^eances  que  Philippe  II ,  roi  d'Espagne  ,  m^- 
dita  centre  la  reine  Elisabeth  d'Angleterre ,  la  guerre 
sangiante  qu'elle  soutint  centre  lui ,  ne  durent  ieur 
origine  qu'au  profond  ressentiment  du  monarque  es- 
pagnol ,  irrite  de  ce  qu'elle  avoit  pris  sous  sa  pro- 
tection les  protestans  des  Pajs-Bas  ,  et  s*etoit  raise 
a  la  tete  d'une  secte  qu'il  desiroit  ardemmeiit  de 
d^truire.  La  scission  de  I'eglise  en  Alleraagne  fut 
suivie  d'une  loiigue  scission  politique ,  qui ,  si  ell© 
r6pandit  pendant  plus  d'un  siecle  la  confusion  par- 
mi  les  differens  ^tats  de  I'Empire  germanique,  fut 
n^anmoins  utile  en  quelque  sorte ,  en  ce  qu'elle  eleva 
une  digue  centre  I'oppression  dont  ils  etoient  me- 
naces. 

Ce  fut  principalement  la  reforme  qui  donna  aiix  ' 
couronnes  de  Danemark  et  de  Suede ,  le  poids  qu'elles 
out  eu  depuis  dans  \i  balance  de  I'Europe.  Ce  fut  par 
la  reforme  que  des  ^tats  presque  ignores ,  obtinrent 
nne  puissance  qui  etonna  les  politiques.  Ainsi  qu'on 
vit  tout-a-coup  de  nouveaux  liens  unir  les  princes 
a  leurs  sujets,  on  vit  aussi  des  nations  entieres  former 
entr'elles  de  nouveaux  noeuds.  Les  premiers  effets 
de  ce  bouleversemenf  furent  pernicieux  et  lerribles, 
Une  loncue  paix  ,  souvent  interrompue  par  I'animo- 
site  des  differens  partis  ,  fut  suivie  d'une  guerre 
ruineuse  qui  dura  trente  ans  ,  et  qui  du  cceur  de  la 
Boheme  s'etendit  jusqu'aux  embouchuTes  de  TEscaut , 
ravagea  cent  provinces  ,  depuis  les  rives  du  P3 
jusqu'aux  bords  de  1  •  Baitique  ,  foula  les  moissons 
et  mit  en  cendres  des  villes  et  des  milliers  de  vil- 


Guerre  de  trente  ans.  2i3 

lagcs.  C.  tte  guerre,  qui  fit  perir  plus  de  trois  cent 
jniile  soldats  ,  etei<;nit  pour  un  deini  siecle  les  lu- 
mitres  que  les  arts  et  les  sciences  conimencoient  a 
faire  luire  sur  FAUemagne,  et  la  ramena  vers  les 
siecles  recules  de  son  ancicnne  barbaric ;  niais  I'Eu- 
rope  devint  libre  par  cette  guerre  dosastreuse  ,  dans 
laquelle,  pour  la  premiere  foisjclle  s*etoit  envisagce 
comme  une  r^publique  formee  de  divers  dtats  in- 
d^pendans  ,  et  I'beureux  resultat  des  nouvelles  liaisons 
que  cette  guerre  etablit  entre  des  peuples  jusqu'alors 
etrangers  les  uns  aux  autres  ,  sufifjroit  seul  ])our  R-con- 
cilier  le  cosmopolite  avec  les  maux  qu'elle  a  entraines. 
li'active  industrie  en  a  successivement  efTace  toufes 
les  douloureuses  traces ,  et  les  effets  bienfaisans  qu'ells 
a  produits  sent  dcmeupes. 

Ce  furent  les  opinions  religieuses  qui  produisirent 
ces  grands  effets;  elles  siules  rendirent  possible  ce 
que  Ton  a  vu  arriver;  mais  ils  s'en  faut  de  beau- 
coup  que  cl's  importanles  entreprises  se  soient  faites 
uniqueraent  pour  Pamour  de  la  religion. 

Si  Pinteret  des  souverains  n'y  eut  concouru ,  la 
voix  des  theologians  et  celle  des  peuples  n'auroicnt 
jamais  rendu  les  princes  et  les  guerriers  aussi  cons- 
lans,  aussi  z'les  pour  la  nouvelle  doctrine. 

Les  abus  de  I'egliss  romaine  ,  I'absurditt*  de 
plusieurs  de  ses  dogmes,etses  pretentions  oufrees  ne 
pouvoient  que  revolter  les  esprits  et  les  disposer  a 
embrasser  une  religion  ^pur^e  5  Fattrait  de  Pinde- 
pendance  et  les  richesses  du  clerge  devoient  faire 
desirer  aux  souverains  un  cliangement  dans  la  religion  ; 
inais  des  raisons  dVHat  pouvoieut  seules  les  y  rcsoudrc. 

03 


214  Hisloire  moderne. 

Jamais  les  princes  protestans  de  TAllemagne  ne  se 
geioient  armes  pour  la  liberto  de  leur  culte  ,  si 
Cliarles-Quint  ^  dans  le  coui s  de  ses  prosperity's  ,  n'eut 
eiifreint  les  liberies  et  les  droits  dt-s  (^tats  Germa- 
jiiques.  Sans  I'ambJion  des  Guises,  jamais  les  Cal- 
vinistes  de  la  France  n'eussent  eu  a  leur  tele  un 
Conde  ou  i.n  Coli^ny  ;  enjfin  ,  saus  Timposition  des 
dixieme  et  vingtieme  denier ,  jamnis  le  siege  de  Rome 
ji'auroit  perdu  les  Provinces-Unis  des  Pajs-Bas. 

Les  souverains  com;  attoient  pour  leur  defense  on 
leur  a^randissement ,  et  ^e  zele  pourda  religion  leur 
creoit  des  armees  et  ouvroit  les  tr^sors  de  leurs  pen])les. 

Par  un  singulier  encbainement  ,  la  scission  de 
IVglise  se  trouva  encore  r<^unie  a  deux  circonstances 
cans  lesquciles  clle  a-n-oit  vraisemblalleraent  eu 
des  suilps  bien  diJ"irr -utes  .  c'^  oient  la  pres  onde- 
rance  subite  de  la  maison  d'Autriche  ,  qui  menaroit 
la  liberte  de  I'Euione  ,  et  le  ze!e  de  cette  maison 
pour  I'ancienne  fbi.  La  reunion  de  la  maison  d'Au- 
Iriciie  a  la  ligue  protestante  lui  eiit  offert  ensemble 
d'ineslimables  a^  antages  ,  enfr'autres  celni  de  |  ou- 
voir  s'agrandir  ,  a  rexemple  de  taut  d'autres  sou- 
verains ,  aux  de^ens  d'nn  clergo  sans  defense. 
Quelle  consideralion  put  done  I'empecber  d'en  pro- 
iiter?  II  est  difficile  de  croire  que  la  foi  a  rinfaiiii- 
bilite  de  lY^glise  romaine  ait  eu  une  grdnde  part  h 
la  perseverance  religieuse  de  la  maison  d'Aufr'clie. 
Plusieurs  motifs  concoururent  a  lui  faire  prendre 
le  parti  du  caibolicisme,  et  a  se  montrerle  plusfernie 
appui  du  <ie:e  de  Ro  re,  L'Espagne  et  I'ltalie  dont 
§lle  tiroit  unt;  grande  partie  de  ses  forces,  avoient 


Guerre  de  Irente   njis.  2i5 

pour  Rome  eel  attachement  aveugle  qui  distingua 
ies  Espaiinols  des  le  temps  des  Goths.  Le  moiiidre 
j<appro(  hemeiit  vers  la  doctrine  a'  liorr^'e  de  Luther 
et  de  Calvin  ,  auroit  pour  jamais  fait  perdre  au  roi 
d'Espagne  I'araoiir  de  sespeuples  ,  et  peut-etre  Tau- 
roient-ils  precipite  dii  trone.  S?s  vastes  ]orovances  en 
Italie  lui  imposoient  la  meme  necessile,  ct  il  eloit 
contraint  de  Ies  menager  encore  plus  que  sessujc^ts 
d'Espagne  ,  parce  qu^elles  pcrtoient  avec  impatience 
un  joug  etranger  qu'elles  pouvoient  secouer  plus 
facilement.  D'ailleurs  ces  memes  provinces  lui  don- 
noient  la  France  pour  riva-.e  et  le  pape  pourvoisin, 
ce  qui  devoit  suffire  pour  erapecher  la  cour  de 
Madrid  de  se  declarer  en  faveur  d'une  secte  qui 
rejelte  I'aulorite  du   ponlife. 

La  branche  allemande  de  la  raaison  d'Autriche 
paroif  avoir  eu  plus  de  liberie  a  cet  egard  •  mais  si 
elle  n'eprouvoit  point  plusieurs  des  enlraves  qui 
enchainoient  r£spagne,d'autrescirconslances  devoient 
la  retenir.  La  possession  de  la  couronne  imperiale 
que  ne  pouvoit  porter  un  prince  hcr^tique,  altachait 
Ies  successeurs  de  Ferdinand  I.  a  la  cour  de  Rome. 
D'ailleurs  Ics  princes  de  la  branche  allemande  n'e- 
toient  pas  assez  puis?ans  pour  se  passer  dessecours 
de  la  branche  espagnole ,  qui  Ies  leur  auroit  entiere- 
ment  ri'lir^s  ,  s'ils  eussent  paru  favoriser  la  nouvelle 
religion.  La  dignile  imperia'e  Ies  obligeoit  eu  outre 
a  maint  nir  Ies  loix  fondamentales  de  TEmpiie  ,  que 
Ics  proteslans  s'efTorroient  de  renrcrser. 

Tels  sonl  Ies  motifs  pr^pondc'raus  qui  excitcn-cnt 
la  maisou   d'Autricl.e  a  se  placer  a  la   lete  de  la 


si6  His  to  ire  mo  derm. 

]igtje  catholique ,  et  a  soutenir  ce  parti  aux  d^penf 
jneiiie  de  ses  etals  hereditaires ;  et  telles  furent  les 
causes  principales  de  cetle  lougue  gueire ,  souvent 
assoupiie  en  apparence  et  toujours  renaissante ,  dan^ 
laqiielle  la  plupart  des  puissances  de  TEurope  furent 
fiuccessivement  impiiquees  ,  et  ou  Ton  vit  les  TiDj, 
les  Mansfeki ,  les  C'iiristian  de  Brunswick  ,  et  apres 
eux  les  Tureine,  les  Conde ,  les  Luxembourg  et  les 
,Villars ,  d/plojer  tour-a-tour  I'^nergie  des  plus 
grauds  caractejes  et  toutes  les  ressources  du  cou«ii 
rage,  du  genie  de  la  guerre,  et  de  la  plus  profonde 
politique. 

ParUii  les  guerriers  qui  figurerent  sur  ce  grand 
theatre  ,  il  en  est  deux  dont  I'^clat  obscurcit  en  quel-? 
que  sorte  tous  les  autres ,  et  dont  I'auteur  s'egt  plu 
particulier;  ment  a  developper  les  rararteres  ;  I'un  e&f 
i' arrogant  due  de  Fridlande  Wallenstein  ,  gi^neral 
imperial,  I'autre  ie  roi  de  Suede,  le  celebie  Gus- 
tave  Adclphe. 

«  Des  murmures  universels  eclaterent  dans  I'ar- 
ni^e,  dit  M.  Schiller,  quand  on  y  eut  appris  le 
.  rappel  de  Wallenstein  ,  et  la  plupart  des  meilleurs 
pfficiers  se  retirerent  du  service ;  plusieurs  suivirent 
le  general  dans  ses  terres  en  Bobeme  et  en  Mora- 
vie,  et  il  s'en  attacha  d'autres  par  des  pensions 
considerables  ,  afin  de  pouvoir  les  eniplojer  au 
iJesoin. 

»  Son  plan  ,  e^  rentrant  dans  I'ctat  d'un  simple 
particulier,  n'eloit  rien  inoins  que  celui  d'une  vie 
tranquille.  Un  faste  royal  qui  renvironnaclans  sa  re-, 
lrait3  J  parut  byayer  la  sentence  de  son  abaissement, 


Guerre  de  trenle  ans.  217 

Six  portes  conduisoient  au   palais    qu'il   liabitoit  a 
Prague,  et  cent  maisons  furent  den  dies  pour  faire 
place  a  la  cour  de  cet  edifice.  II    fit  batir  de  sem- 
blables  palais  dans  le  resle  de  ses  nombreuses  terres. 
Des  gentilshommes  issus  des  plus  iilustres  maiscns, 
briguerent    i'honneur  de  le  servir ,    et  I'on  en  vit 
rendre  a  i'empereur  leurs  clefs  de  chambeljaii  ,  pour 
^n  venir  faire  les  ionciionsaupres  de  "Waiienj^ein.  Il 
eutretenoit  soixante  pages  qu'U  faisoit   inst^i  ire  par 
les  plus  excellens  maitres  ,  et  son  anticl.amhro  etoit 
gard^e  par  cinquante    satellites.  Sa   table  ordinaire 
n'etoit  jamais  de  moins   de  cent   couverts,   et  son 
maitre-d'botel  etoit  un  homme  de  liaule  naissance. 
Wallenstein  fai^it-d  quelque  vojage ,  il  ^toit  suivi 
par  scs  bagages   train^s  sur    cent  vingl-quatre  cha- 
riots atteles  de  qualre  chevaux  ,  et  sa  cour  Taccom-i 
pagnoit  dans  soixante  carosses,  a vec  ciuquante  che- 
vaux de  main.  La  magnificence  de  ses  livrees,.celle 
de  ses  equipages  et  de  ses  appartemens  repondoicnt 
a  ce  luxe.  Si\  barons  et  autant  de  chevaliers  entou- 
roient  sans  cesse  sa  personne  ,  pour    etre  prets  a 
ex^cuter  ses  moindres  signes  ,  et  douze  patrouilles 
faisoient  la  ronde  autour    de   son  palais  ,    pour  en 
t^carter  jusqu'au  moindre  bruit.  Son  esprit,  sans  cesfe 
occupe  ,  avoit  besoin  du  silence.  Aucun  bruit  dechar- 
liots  ne  pouvoit  se  faire  entendre  pres  de  son  palais  ; 
et  souvent ,  a  cet  effet ,  les  nies   adjacentes   ^toient 
ferm^es  de  chaiues  ;  sa  personne  etoit  nuiette  comme 
toutes  ses  approchtfs  ;  sombre  ,  reuferme ,  impene- 
trable ,  il  eloit  plus  avare  de  paroles  que  de  pr^^ens , 
et  le  pcu  qu'ifc  disoit  eioit  prouuuce  d'un  ton  desa^ 


»iS  His  fo  ire  mod  erne. 

grc'nl-jle  ef  atterrant;  jamais  on  ne  le  vojoit  rire  ,  et 
son  flegme  resistoit  h  toiites  les  seductions  des  sens. 
Sans  cesse  ocrupe  de  gninds  desseins ,  il  se  refusoit 
Ions  les  vains  delassemens  dans  lesquels  tant  d'autres 
passpnt  une  vie  oisive.  Afin  de  se  confier  aussi  peu 
que  possible  a  la  discretion  d'autrui ,  il  soignoit  hii- 
me;re  une  correspondence  elendue  dans  toute  I'Eu- 
roj-je,  et  il  tcri- oit  tout  de  sa  pro|  re  main.  Sa  taille 
etoit  haute  et  mince  ;  il  avoit  le  teint  jaunatie ,  les  cbe- 
veux  rouges  et  courts,  les  yeux  pelits,  mais  6iince- 
lan^.  Unserieux  effrayaiit  sieL',eo"t  sur  s)n  front,  et 
m  prodigclil^,  des  recompenses  [jouvoit  senle  retenir 
au^res  de  lui  la  cohorte  tremblanle  de  ses  servi- 
teurs. 

»  Ce  fut  dans  celte  fastnense  obs  uiile  que  Wal- 
leiiistein  attendit  avec  calme,  mais  non  pas  oisif, 
son  h^uYQ  brillante  et  le  jour  de  la  vengeance  ,  don  t 
les  victoirts  d;^  Gusiave  Adolpbe  lui  fi.ent  bienlot 
pressentir  les  douceurs.  Aucuji  de  ses  plans  vastes 
et  amLiiieux  ne  fut  a'  andoiini' ;  I'mgralilude  del'em- 
pereur  n'avoit  fait  que  le  delivrer  d^ni  frein  incora- 
ni.ode.  L'eclat  eblou  ssant  de  ta  vie  priv6e  trahis- 
soit  relan  onjueilleux  de  ses  vues;  et  prodigue  en 
motiartjue,Ml  paroissoit  regarder  deja  comme  des 
possessions  assurees  ,  les  biens  que  son  ambition  lui 
faisoii:  espc'rer. « 

«  Gustave  eloit  incontestablement  le  premier  ge- 
neral ds  son  siecle  ^  et  le  plus  vaillant  soldat  d'une 
armee  qu'il  avoit  crcee.  Familiarise  avec  la  tacti- 
que  des  anciens  Grecs  et  des  Romains  ,  il  en  avoit 
invent«  une  plus  pariaite  ,  laqueile  a  servi  depuis 


Gnem  de  trcnte  an^.  219 

de  modele  aux   plus  grands  capitaines  qui   lui  out 
succede.    Ce  fut   lui  qui  diminua  les  noinbreux  es- 
cadrons,  pour    facililer  et  reiidre  plus    rapides  les 
Evolutions  de  la  cavalerie  ;  et  dans, la  meme  vue, 
il  separa  les  batailions  par  de  plus  grnnds  espaces. 
II  rangea  sur  deux  lignes  son  arra^e  ,  cpii   aupara- 
vant  n'en  formoit    qu'une  scule  dans  I'ordie  dc  ba- 
taille  ,  afin  cpie  la  seconde  lign?  put  prendre  la  place 
de  la  pren'iin'e  ,  lors.que  celle-ci  se  verroit  conlrainte 
de  plier.  11  reincdia  au  deiaut  du   Irop  pt'tit  nom- 
bre  de  sa  cavalerie,  en  placant  des  fanlassins  enlre 
les  cavaliers  ,  ce  qui  souvent  de'cida  de  la  victoire. 
Ce  fut  de  Gustave  cjue  I'Europe  apprit  a  council  re 
Pimportance  '  de  I'infanterie.    L'Aiiercague  entiere 
a  admire  Texacte  discipline  qui    distiDgu.;.it  si   glo- 
rieusement  sur  le  territoire  de  I'Empire  les  ari:  ees 
suedoises  :  ions  les  exc^s  y   ctoient  srverement  pu- 
nis  ,  et  plus    ri^oureusenient  encore    le  pillage  ,   le 
jeu  et  le  dud.  Les  lois  mililaires  de  la  Suede  alloient 
meme  jusqu'a  prescrire  la  temperance  et  la  so'iriete. 
Aiissi  ne    vovoit-on    lu  or  ni    argent   dans   tout  le 
camp    siu'dois  ,  pas  meme  dans  la  ienie  du  nionar- 
que.  L'o'il  du  general  veilloit  avec    le   meme  soin 
sur  les  mceurs  dusoldat,qu8  sur  sa  bra"'oure  et  sur 
I'exactitudc  du  ser\iwe.  Cuaque  jour  tons  les  regi- 
mens, formes  en  cercle  autour  de  leur  aumonier  , 
faisoient  la  priere    du    matin  et  celle  du  soir  ,  et 
le  roi  lui-meme  donnoit  i'exemple  de  ce  devoir  pieuv. 
Une  devotion  sincere  elevoit  le  courage  qui  animoit 
le  copur  du    grand    Gustave.  Exempt  egalement  de 
ctn  esprit  d'irreli'^ion  qui  aneaulil  \c  frein  ne.cssairs 


2  20  Histoire  moderne. 

aux  passions  du  sauvage  barbare ,  et  de  cette  bigot- 
terie  avilissante  et  titnoree  qui  caraclerisoit  Feidi- 
iiand  ,  Gusiave,  au  faile  de  la  gloire  et  du  bonlieur, 
ne  cessa  jamais  d'etre  horame  et  d'etre  cliretien  , 
mais  aussi  dans  sa  devotion  il  fut  ton  jours  roi , 
tonjours  b^ros.  II  supportoit  de  ineme  que  le  der- 
nior  soldat  ue  son  arm^e  ,  toutes  les  fatigues,  tons 
les  dangers  de  la  guerre.  Au  plus  fort  de  la  me\6e  , 
son  esprit  ttoit  calme  et  serein.  Present  par-tout 
par  ■  ses  regards,  loujours  on  le  trouvoit  affrontant 
les  plus   pressans  dangers. 

«  Le  20  mai  i63o,  apres  qu'il  eut  termine  tons 
ses  arrangemens  ,et  tout  elant  pret  pour  le  depart, 
leroi  pnut  a  Stockhoira  dansl'assemblee  de  la  diele  , 
pour  f^iire  ses  derniers  adieux  aux  diff(6rens  ordres  de 
son  royaume.  Li\  il  prit  entre  ses  bras  sa  fille  Cbristine, 
agee  seulenif^nt  de  quatre  ans  ,  et  qui  au  berceauavoit 
deja  ete  declaree  son  berltiere;  il  la  presenta  aux 
etatsjcomme  celle  qui  devoit  etre  un  jour  leur  sou- 
veraine  ;  il  fit  renouveler  ,  au  cas  ou  il  ne  revien- 
droit  pas  en  Suede  ,  le  serraent  de  fidelite  deja  pret6 
a  ce.t  eiif:int ,  et  lire  I'ordonnance  relative  a  Fad- 
minislratlon  du  royaume  pendant  son  absence  ,  014 
pendant  la  minorite  de  sa  fille.  L'assembl^e  entlere 
fonclit  en  lannes ,  et  leroi  lui-meme  eut  besoin  de 
quelques  raoraens  pour  rappeler  sa  fermete  et  se 
mettre  en  ^tat  de  prononcer  ses  derniers  adieux  ^ 
la  diete.  » 

«  Ce  n'est  point  temerairement  ,  dit-il  aux  quatre 
ordres  de  son  royaume  ,  que  je  me  prccipite  ,  et 
V<?us  avec  moi  y  dans   cetie  nouyelle  et  dangereuse 


Guerre   He  trente  ans.  «2t 

gaerre.  Je  prends  a  t^inoiii  le  Dieu  tout  -  pw?;:  ^.it, 
que  je  ne  vais  pas  conibaltre  pour  satisfiiiic  uiie 
value  ardeur  trueiTiere.L'empereur  m'a  iiif''x'iement 
offense  dans  la  personne  de  mes  amba.s.  :  ;;inrs  ;  il 
a  donue  de  I'appui  a  mes  eimemis  ,  li  jerstcute 
nies  allies  et  iiies  freres  ,  il  foule  au.\  pieds  ma 
religion  ,  et  il  ose  porter  sa  main  jiisque  sur  ma 
couronne.  Les  elats  oppiimes  de  I'A'lemagne  nous 
appellent  avec  instances  a  leur  aide  ,  et  s'il  plait 
a  Dieu ,  nous  leur  donnerons  du  secours. 

»  Je  connois  les  dang  rs  auxquels  ma  vie  va 
^fre  exposee  :  jamais  je  ne  les  ai  evites;  et  il  sera 
difficile  que  je  leur  ^'chappe.  La  providence  divine 
m'a  jusqu'ici  conserve  miraculeusement  ;  ma  s  enfia 
il  faudra  que  je  meure  pour  la  dt^^nse  de  ma  pa- 
trie.  Jevous  remets  a  la  protection  du  Ciel.  Sojez 
justes,  sovez  consciencieu?;  ;  raenez  une  vie  irivpro- 
cha!  le^  et  nous  nous  reverrons  un  jour  dans  i'e- 
ternite. 

»  G'est  a  vous  ,  senateurs  de  men  rojatime  ^  que 
je  m*adresse  d'abord.  Dieu  v-uiile  vous  6claiier  ^ 
vous  reraplir  de  sagesse  et  diriger  tons  vos  con- 
seils  pour  le  plus  grand  bien  de  mon  rojaume.  Je 
vous  recommaude  j  brave  noblesse  ,  a  la  protection 
du  Tr^s-Haut;  continuez  do  vous  monlrer  les  dignes 
descendans  dc  cjs  heros  de  la  Gothie ,  dont  la  va- 
leur  fit  rentier  l'a'ili((ue  Rome  dans  la  poussieie. 
Yous  ,  ministres  de  l'<^glise  ,  je  vous  exhorle  a  la 
tolerance  et  a  la  concorde  :  soy.^z  vous  -  raemesle 
modele  dcs  verlus  que  vous  precliez  ,  et  n'abusez 
jamais  de  votre  empire  sur  les  cueurs  <ie  mes  peu- 


i!2,<2  Ilistoh-i  modeme, 

plv'^s.  Qnant  a  vons  ,  mess'eurs  les  deputes  des  or-< 
dres  des  bonrgeois  et  des  paysans,  je  vons  souhaite 
les  benedictions  du  Ciel ,  des  r^colle^  licureus  s ,  re- 
compenses de  vos  travaux  et  de  votre  iiiduslrie  ;  erne 
vos  granges  soient  toujours  remplies  ,  et  que  vous 
abondiez  en  tons  les  biens  de  cette  vie.  Je  fais  ponr 
vous  tons  J  t;int  absens  c,ue  pivs  ns  ,  le^  voeux  les 
plus  sinceres  au  Ciel.  Je  vous  dis  a  tous  mes  ten- 
drcs  adieux.  Peut-etre  est-ce  ponr  toujours.  » 

Les  pressentimens  du  vertueux  monarquene  furent 
point  vaius.  II  trouva  en  efFet  ,a  mort  dans  leg 
campagnes  de  Liitzrn,  mais  la  n-^ort  glorieuse  d'un 
soldat  5  et  ce  ne  fut  (]u'.  pres  avoir  pousse  ses  con- 
quetes  en  Allemagne,  des  bords  de  la  Baltique  h 
cenx  du  Rliin  et  du  Danuoe  ,  et  fait  trembler  Fer- 
dinantll  sur  son  tro'ie  imperial.  Wallenslin,  le  rival 
de  sa  gloire  et  le  principal  obstacle  au  complement 
de  ses  surces  ,  ne  lui  survccut  pas  Ion:  -temps.  Cc-' 
lui-ci  mourut  assassin^  par  les  ordres,  })ul)]iquement 
avoues,  de  I'emp.  reur.  II  est  permis-  de  soupconner  , 
d'apres  I'auteur  allemand ,  que  Gustave  I'avoit  ete 
par  des  ordres  secrets,  6manes  de  la  meme  autorit^« 

Un  grand  nomjjre  d'ecrivains  de  toutes  les  na- 
tions se  sont  exerct's  a  rapporter  les  ev^nemens  de 
cette  memorable  guerre.  Les  unsse  sont  attaches par- 
ticnlierement  aux  details  militaires ,  les  autres  telsque 
le  P.  Bougeant^  dans  son  histoiip  du  traits  de  JVcst- 
phalie  ^  ont  suivi  le  fil  des  negociations.  M"".  Scltiller 
a  pris  une  marche  diflerente  :  il  ra.  onte  rapidement 
]es  faits  ,  et  developpeavec  soin  et  sous  un  point  de 
vue  philosopliique ,  les  causes  qui  les  out  produits. 


Guerre  de  Iren'c  ans.  2  23 

Son  onvrage  est  seai6  de  traits  de  caractere  et  d'a- 
necdoctes  curieuses.  II  est  a  regretterquerauteurait 
passe  aussi  rapldement  sur  repoque  a  laqiielle  la 
France  prit  part  a  c<"ite  fameuse  guerre.  Peut-etre 
a-t-il  manque  des  inaterianx  necessaires  pour  com- 
pleter a  son  gr6  ce'le  parlie  de  son  ouvrage ,  qui  , 
au  surjiliis  est  tres-intercssant  :  le  stjle  en  esteleve 
<3t  soutenu  et  la  tra.luclioa  paroit  faite  avec  soiii.   L« 


H I S  T  C)  I R  E    LI  TT  E  R  A  I  il  E. 

OBSERVArlo^s  sur  [a  notice  dc  li  Chronique  dc  Pierre 
D\iNDLO  ,  par  U  ciioyen  Orerun  ,  imiree  duns  U 
Magasin    Encyclopecliquc  (i). 

V.>ETTE  C'lronique  ,  dll  le  cito'.e;i  Oberlin  ,  com- 
mence par  la  cre'ation  c!u  mop.de  ,  ct  elle  (init  a 
I'annee  1400.  Plus  has,  OberLn  a\  ertit  que  cette 
chroiiique  ne  remplit  que  aeuj  pages  ^  et  quV/ je 
pourrolt.  que  le  manus  rit  decouvert  ne  coniiutqu'un 
exlrait  de  la  cbronique. 

I.  Qu'est-ce  qu^ur.e  Chroni  jue  commenrant  a  la 
creation,  finissaul  a  Tannee  1400  ,  ct  qui  ne  remplit 
que  ncuf  pa^es  ?  Assuremciil ,  les  fails  do: vent  etre 
bien  presto's  dans  un  si  petit  noinbre  de  p^'ges  ;  a 
peine  Tauteur  a-l-il  j  u  eu  iiidiqucr  seulement  un 
pe  it  nombre....  II  est  evident  que  ces  neuf  j.agesue 
contieuneutreellementqu'imextraittres-suecinct  d'une 
panic  de  la  Chroniqiie  de  Pierre  d'Audlo  ,   qui  est 

(i)  Tome  I  ,  p.  216. 


$24  Histoire  litleraire. 

encore  ^trouver,  quoiqu'on  nous  la  donne  cdttimii 

dt^couverte. 

II.  Le  citojen  Oberlin  ne  donne  pas  une  iddd 
assez   comp  ele  du  siisdit  abreg6  ou   extrait  de   la 
Chronique  d'AndIo,  en  clisant  g(^neraleraent,et  sans 
rien  arlicnler  de  precis,  qu'il  s'^tend  sur  les  ^v^ne- 
mens  arrives  a  Bale   et  a  Colmar.    Quels  sont  ces 
^^vetiemens   sur  lesquels  s^etead   I'abrege    de    neuf 
pages?  Sont-ce  Ijs  faits  de  I'histoire  civile  ,  eccl6- 
siastique  ,    politique  :  ou    bien    ces  faits  appartien- 
nent-i's  a  I'hisl  fire  des  sciences  et  des  letfres?  C'est 
ce  qu'il  falloit  articuler.  Uue  Chronique  ,  comme  tout 
le  monde  s.';ii ,  differe  d'une  autre  Chronique  par  la 
nature  des  fails  qii'  lie  contient.  Telle  Chronique,  a' 
cause  des  details  cju'elle  pr^sente  sur  I'histoire  civile^ 
est  prt-feree  a  i.^lle  autre  dont  I'aute.jr  s*6tend  ou  sur 
les  homines  illustres ,  leurs  actions  et  leurs  ouvrages  , 
on  sur  1:  s  productions  naturelles  d'un  paj,  s  ,  sur  les 
prodiges  que  Ton  y  a  observes,  etc.  Le  biographe 
He  recherc'  e  dans  lesChroniques,  que  les  articles  qui 
ont  trait  a  la  vie  des  illustres  et  des  savans  ;  un  bi- 
bliographe  s'attache  ,  de  preference  ,  aux  indications 
de  livres  anecdotes  ou  perdus  ;  I'astronome  y  chercbe 
des  observations  d'eclipses,-  de  com^tes  ,  ou  d'autres 
phenomenes  celestes  j  ie  naturaliste  n'j  veut  lire  qu^ 
des  descriptions  d'animaux  ,  de  plantes  ou  de  min^- 
raux  :  en  un  mot,  chaque  clause  de  litterateurs  et  de 
savans  cherche  dans  les  chroniques ,  de  ra^me  que 
dans  les  autres  livre- ,  les  faits  qui  appartiennent  ^ 
I'objet  direct  de  ses  6tudes;  Ce  n'est  done  pas  indi- 
quer  suffisamment  le  caract^re  distinctif  d'une  Chro- 
nique y 


Sur  la  Chronique  dc  Pierre  d' ArifUo.  92S. 

nique,  que  dire  vaguement ,  et  sans  ariiculer  rien  del 
partlculier  ,  qu'elle  s'6tend  sur  les  evenemeiis  arrives 
eii:  tel  ou  tel  pays. 

HI.  Dans  le  cours  de  sa  notice,  le  ciloyen  Oberlin 
averlit  qii'un  ouvrage  inter,  ssant  de  Pierre  d'Andlo  , 
,eur  la  constitution  de  I'Empire  germanique,  fut  publie 
d'apres  un  seul  njanuscrit  trouve  a  Heidelberg  ,  par 
Marquard  6<2C/^er  et  par  Tobie  Oelhafen.   i.o  Mar- 
quard  Frefier ^  ^crivain  tres-connu,  et  dont  on  peut 
voir  I'articie  avec  le  catalogue  de  ses  ouvrages  (i)  , 
dans  les  m^moires  du  P.  Niceron,  tome  XXI ,  pag. 
231-248  ,  Marquard  Freker^  dis-je,  est  celui  qui 
publia  I'ouvrageen  question,  en  i6r2,  a  Strasbourg, 
in-4.°  II  seroit  difficile  de  reconnoitre  ce  Fre/ier  sous 
le  noni  de  Sacker  qu'on  lui  donne  ici  ,  je  ne  sais 
pourquoi.  2.°  La  bibliotli^que  nationale  possede  uu 
manuscrit  de  ce  petit  ouvrage  de  Ccesared  nionar-* 
chid  ,  de  P.  d'Andlo;  J'ai  dte  curieux  de  le  voir  , 
dans  I'esperance  d'j  trouver  quelque  particularitesur 

(i)  Parmi  les  ouvrages  de  Frelier,  il  faut  bien  distinguet 
son  Diiecloriam  in  omnesjeie  chionologos  ,  annalium  scrip- 
tores  et  lusloriiios  potissimum  Homani  (rerrnanicique  imperii  j 
livre  excellent  pour  les  lecteurs  des  Chroniques  ,  dont  Jean* 
David  Koeler  ,  professeur  d'Altorf ,  donna  une  bonne  editiou 
a  Nuremberg  ,  en  1720  ,  et  une  autre  en  I734.  L'ouvtage  a  re- 
paru  a  Gottingue  en  1772  ,  in-4.°  avec  des  corrections  et 
des  augmentations  de  George-Christophe  Uamberger-^el  malgra 
«es  diff^rentes  Editions  ,  il  est  trop  peu  connu  en  France. 
L'exemplaire  que  je  possede  de  I'edition  de  1784  ,  est  un 
present  du  feu  cardinal  Garampi,  qui  me  I'envoja  de  Vieane^ 
pendant  sa  noacia^ttre  aupr^s  de  I'empereur. 

Toms  il.  H 


«2(5  Histoire  liricraire. 

I'auteiir,  et  aiissi  pour  comparer  le  volume  manuscrlt 
avec  I'imprime  de  Strasbourg,  1612. 

Ce  manuscrit  latiu  ,  cole  n.o  6o3o  ,  ollm  9980  , 
et  Baluz.  70 ,  est  ecrit  sur  deux  colonnes ,  et  il  n'a  que 
63  feuillels.  On  y  trouve  ,  en  tele^  u\\  Prceconium 
JBasUeenSLS  stadii  _,  en  8  n-.auvais  disliques ,  dont 
\  oici  le  premier  : 

Sisjoelix  etj'ausio  leata   uimiine  semper 
^durea  se  cuinulant  Basllea  scecula    tlbi. 

L'auteur  y  est  qualifie ,  decretorum  doctor  ^  prce^ 
posllus  ecclesicB  coUeglalw  Luteinhacensls.  ASus'^y 
a  I'epoqne  de  la  composition  do  ccite  piece,  Lautem- 
bacli  ^toit  une  egUse  colleglale  j  et  non  une 
abbaje. 

A  la  suite  des  8  distiques  dont  jc  viens  de  parler  , 
on  trouve,  dansle  manuscrit,  I'opuscule  sur  I'Empire 
germanique  ,  public  pour  la  premiex'-e  fois  par  Marq. 
yrelier.  Notre  rnanuscrit  dilfcre  en  beaucoup  d'en- 
droits  de  cette  edition  de  Freher  5  il  sercit  trop  long 
d'indiquer  ici  les  variantes  5  je  me  borne  a  avertir  que 
les  mauvais  vers  qui  sont  a  la  fin  de  la  dedicace  de- 
P.  d'i^Lndlo,  sont,  dans  notre  niaimscrit ,  tout  autre- 
jaient  que  dans  Pimprime ,  dont  je  n'ai  vu  que  Ja  pre- 
miere edition  de  Strasbourg,  1612  ,  sans  avoir  pu 
trouver  cclle  de  Nuremberg,  1657. 

Enfin,  au  dernier  feuillet  de  notre  manuscrit ,  on 
lit  un  avis  qui  apprend  qu'il  fut  donne  par  Jean 
Ottlin  ,  dit  Herrgot,  vlpce  vocis  oraeuto  ^  dum 
erat  infinnus  y  magistro  Jolianni  Video  Surgant^ 
docteur  en  droit,  sou  ami ,  le  samedi  ayant  la  Tous- 


Sur  la  Chronique  de  Pierre  (TAndlo.  227 

saint,  1.490.  Cq  Je^n-VlTiQ  Surgant ,  ou  Surgand , 
est  celui  qui  soigua  I'l'd.iion  faite  a  Bale  par  Nicolas 
Xesler ,  en  1493',  in-folio  ,  de  VHomiUanum  Hiero- 
nijnii  ,  AmbrosU,  AugusUai ,  etc.  :  Edition  citee 
au  tome  i.^r ,  page  556,  not.  i  ,  des  Annales  tjpo- 
erapiiiquei  de  Maitaire  ,  qui  estropie  le  nom  de 
I'auleur,  en  I'appelant  Jo.  Fo/ricus  Surgaa^.  Je 
connois  deux  ouvrages  de  ce  Surgant  ,  savoir  :  un 
Manuale  curatorum ,  imprime  a  Majence  ,  par 
Jean  Schoefrer,en  i5o8,  in-4.0,  reimprim^  a  Bale, 
en  i5i4,  raeine  format  ^  et  un  Rcglinea  studloruni^ 
imprime  aussi  a  Bale,  en  1002,  in-4.0  Get  auteur 
etant  fort  peu  connu,  on  est  bien  aise  de  trouver 
qu'il  en  soit  fait  mention  dans  notre  manuscrit, 
comme  existant  en  octobre  1490  ,  et  comme  docteur 
et  droit. 

Voila  ce  que  j'ai  cru  devoir  dire  a  Pocnasion  de  la 
notice  donnee  par  le  citoven  Oberlin  sur  la  Chronique 
de  P.  d'AndIo  5  cette  notice  ajoute  quelques  }  articu- 
larites  a  I'article  de  ce  P.  d'Andlo  ,  qui  est  dans  la 
bibliotheque  latine  du  mojen  age  ,  par  Fabricius  ;  et 
sous  ce  point  de  vue ,  elle  ne  pent  qu'interesser  I'his- 
toire  litteraire  du  XV.e  siecle.  St.  L*** 


JP  a 


T  Y  P  O  G  R  A  P  H  I  E. 

A  D  R  E  s  s  E  de  la  Convention  Nalionale  au  Feuple 
tranqais  ,  decre'te'edans  la  seance  du  18  vendemiaire  , 
an  trouieme  de  la  Republiqiie  Franqai^e^  une  et  in- 
divisible ,  traduite  en  Arahe  par  P.  Rufin  ^  secre- 
tairc'i'iterpnte  dc  la  Repuhlique  ^  imprimte  par 
ordre  de  la  Convention  Nationale  ^  par  les  soins 
de  Lovis  Laj^gles  ,  Sous-Garde  des  manuscrits  de 
la  BihlioihlqueNationale  ,  p6ur  Ics  Langues  Arahe  , 
Persane  ,  Tartare-Mantchou  ,  etc.  Paris  ,  de  Tim- 
primerie  de  la  Republique  ,  an  troisieme  ,  12 
pages  in-40. 

J\l  ous  avons  public,  il  j  a  qiielqiie  temps,  des  oId- 
servations  utiles  d'lin  de  nos  collaborateurs  ,  Louis 
Langlfes  5  sur  la  Typographic  orientale.  Npus  faisofts 
connoitre  aujourd^hui  un  monument  tjpographique, 
ii^it  pour  rendre  k  nos  presses  leur  ancien  eclat.  La 
Convention  nationale  s'est  occupee  des  mojens  de 
faire  renaitre  Tetude  beaucoup  trop  negligee  des 
langues  orientales  ;  elle  a  foud^  une  ecole  qui,  nous 
I'espdrons  ,  va  bientot  s'ouvrir  ,  et  qui ,  d'apr^s  le 
nom  des  professeurs  qui  ont  et6  clioisis  ,  peut  nous 
faire  pr^sager  les  plus  heureux  su.  ces  ;  elle  a  voulu 
tirer  de  I'obscurlt^  oii  on  les  avoit  Jaiss^s,  les  beaux 
caractkes  qui,  apres  avoir  servi  a  i'irapression  de  la 
fameuse  PoL^gtotte  de  J  Itray  ^  etoient  detneures 
depuis  dans  ua  oubli  total.  La  commission  des  rela- 
tions ext^rieures  a  senti  tout  le  prix  de  ce  tr^sor  j  ell% 


Imjression  Arahe.  929 

n  VII  combien  il  importoit  a  la  politlaue  ef  au  com- 
merce ,  fie  faire  connoitie  les  principes  qui  clin.ent 
la  nation  franraise  depuis  le  9  thermidor.  Aussi 
cette  noiivelL^  production  peut-elle  elre  eiivisagee 
sous  le  point  de  vue  politique  et  commercial  ,  et 
.sous  I'aspect  litleraire.  Mais  ,  sous  ce  dernier  rapport 
ra^me,  elle  est  egalement  tres-propre  a  donner 
line  idee  des  richesses  en  ce  genre  ,  que  pos- 
sede  la  Republique.  La  traduction  a  ete  faite  par 
P.  Rufin ,  et  les  epreuves  ont  ^te  revues  par  Louis 
Langles  :  c'est  assez  pour  faire  avantageuseraent  pr^- 
sumer  de  leur  exactitude.  Le  texte  fran(;ais  ne  laisse 
rien  a  desirer  pour  son  execution ,  il  est  enferme  dans 
\m  cadre  noir  ;  la  traduction  arabe  est  en  regard,  et 
enferm^e  dans  un  cadre  rouge.  II  est  aise  de  voir,  par 
I'inspertion  des 'carac teres  ,  qu'ils  peuvent  rivaliser 
avec  les  lettres  des  plus  beaux  manuscrits  5  ils  surpas- 
sent  merae  en  elegance  et  en  perfection  ceux  des 
imprimes  les  plus  celcbres.  Lidependamment  des 
deux  corps  employes  dans  cette  adresse  ,  I'imprimerie 
rationale  en  possede  encore  un  plus  petit.  Le  noaibre 
des  poin(jons  de  chaque  corps  s'^leve  a  plus  de  dop. 
Le  caractere  persan  ,  dit  taaiik  _,  de  cette  imprimerie, 
est  aussi  beau  et  aussi  rjche.  II  est  a  desirer  qu'il  soit 
(Egalement  employ^ ,  et  que  l¥tude  des  langues  orien- 
lales ,  remise  en  lionneur  et  en  vigueur  ,  nous  procure 
des  drogmans  bnbiles ,  dont  le  nombre  est  aujourd'hui 
trop  peu  considerable,  ce  qui  est  tres-nuisible  a  la 
di[)iomatie  et  au  commerce.  C'est  a  la  paix  qu'i^l  ap- 
p.irliendra  de  donner  un  heureux  essor  aux  Etudes 
vie  tons  \qs  genres  \  mais  on  trouvera  du  jnoins  qua 

P  3 


5  So  Typographic. 

c'est  avoir  bien  m^rite  de  la  patrie  ,  que  d'avoi'r  ,  an 
milieu  du  bruit  des  armes  ,  et  des  troubles  polili- 
ques  J  ouvett  une  route  dans  laquelle  on  pourra  de- 
soniiais  marcher  d'un  pas  plus  sur.  Nous  ne  termine- 
rons  pas  cette  notice,  sans  paj^er  au  citojen  Dubois- 
Lauerne  ,  inspecteur-g^n6'al  de:  rimprimerie  de  la 
Republique,  le  tribut  dV- oges  qu'il  merite  pour  I'in- 
telligence  et  le  zele  avec  lequel  il  a  dirige  cetle 
impression  ,  qui  sera  regardee  chez  toutes  les  nations 
comme  un  precieux  et  curieu?^  monument  de  I'Ai  t 
Typograpliique.  A.  L.  M. 


B  I  O  G  R  A  P  II  I  E. 

KoriCE  sur  la  vie  ft  les  ouvrages  de  Florian, 

C_j  '  E  s  T  Fannee  derniere  ,  le  26  frnclidor  (  12  sep- 
tembre,  vieux  style  ),  que  les  lettrcs  perdirentFloi ian, 
mort  dans  la  commune  de  Sceaux  -  /'  TJnUe  ,  age 
de  39  ans. 

Florian  etoit  ne  dans  la  ci-devant  province  de 
Languedoc  ,  au  hameau  de  Florian,  propriete  de  ses 
percs.  II  etoit  parent  de  Voltaire  par  $a  mere. II  eut, 
des  son  enfance,  le  bonheurde  voir,  d'interesser  ce 
grand  homme.  Sa  famille  le  destinoit  au  service  ^ 
il  J  entia  ;  il  fut  capitaine  de  dragons,  et  cheva- 
lier de  St-Louis.  Le  ci-devant  due  de  Penthievre , 
mort  il  J  a  quelques  ann(^es,  eut  I'avantage  de  se 
Taltacher ,  plus  encore  par  I'amitie  que  par  la  charge 
dont  Florian  fut  tilulaire. 


Notice siir  la  v'e  ct  hs  onvrages  de  Tlorian.  23 1 
Mais  CR  qui  nous  int^TCsse  ici  ,  et  ce  qui  I'lnte- 
rcssoit  bcaucoup  plus  lui-mcme ,  c'est  son  talent 
llrleraire.  II  I'annonca  des  Tannee  1779,  c'est-a- 
dire  a  Page  de  24  ans,  jiar  une  petite  comedie  en 
un'acte'et  en  prose,  inlilulce  Les  Deux  Billets  ^ 
jouce  aux  Italiens ,  et  qu'on  y  revolt  encore  avec 
plaisir.  Encourage  par  le  succes  de  cette  piece,  et 
t'clairc  par  la  chute  d'un  autr^  cssai  ,  Adequln  , 
Moo  J  Dame  et  Valet  ^  tombe  le  5  novembre  de 
la  mcine  annce,  et  jete  au  fen  le  6  du  meme  mois  j 
il  fit  successivement  le  Bon  Menage  ,  le  Bon  Vere  , 
la  Bonne  Isle  re  ^  le  Bon  Fits  ^  etc.  II  crut  qu'il 
t'toit  possible  d'allier  au  theatre  I'interet  et  le  comique- 
Pour  cela  il  jugoa  qu'il  avoit  heroin  A^Aiieqiiin. 
II  adopta  done  ce  genre  da  pieces  ;  et ,  sans  vouloir 
imitcr  ni  Marivaux  ^  m  DeUsle  ^  qui  en  avoient 
tiro  un  ]:)aiti  tres-heureuK ,  il  ctablit  ie  caractere 
de  ce  personnage  d'apres  ses  idess  parliculieres.  On 
s'ac^orde  a  dire  ,  qu'en  lui  conservant  ses/aceties 
berganiasqiies  ,  il  trouva  le  mojen  de  Is  rendre  plus 
intcressant  et  plus  moral.  II  fit  rire  et  pleurer_,  et 
son  Arlcquin  fut  a-la-fois  comique  et  respectable. 
Fiorian  joignit  au  talent  de  composer  ces  petits  ou- 
vrapes,  Tagr^ment  de  jouer  lui-meme  en  societe, 
le  role  d'Arlequin  javec  une  perfection  qui  rappeloit 
Carlin.  Feu  d'Argenlal,  ce  coustaut  ami  de  Voltaire, 
avoit  un  theatre  siir  lequel  Fiorian  et  ses  pieces  plurent 
egalement  a  des  spectateurs  dont  le  goiit  etoit  dif-. 
iicile  et  siir. 

L'academie    francalse ,  en     1779,    avoit  projiose 
po.;r  sujct  du  prix  de  powsie  ^   un  edit  do   ce  terns  , 

P4 


q32  Biographie. 

lequel  affranchissoit  tons  les  serfs  des  domaines.  Le 
prix  fut  remis  deux  fois.  Florian  fit  pour  le  tioisieme 
concoiirs  la  piece  intitiilee  V^ottaire  at  le  Serf  dn 
Mont-Jura.  Elle  fut  couronnee. 

A  cette  ^pociue,  plus  occupy  du  service  que  des 
leltres  ,  il  avoit  a  peine  essaje  son  talent  poet  que. 
Mais  dans  de  frequens  voyages  qu'il  faisoit  a  Fernej  , 
il  avoit  enlendu  Voltaire  parler  de  la  niaui-morte 
^vec  I'indignation  que  lui  inspiroient  tous  les  crimes., 
de  rotre  anc'enne  legislation  ,  et  gt^mir  sur  le  sort 
de  douze  mille  habitans  du  Mont-Jura^  soumis  a 
cette  loi  atroce.  II  fut  inspire  par  l'int(^ret  du  sujet 
et  par  le  nom  dj  Voltaire.  Sa  piece,  dont  le  cadre  est 
heureux  et  dramatique ,  prouva  ,  sinon  un  grand 
talent  pour  Part  des  vers,  du  moins  quelque  habi- 
lete  dans  la  composition  ,  de  I'esprit ,  de  la  sensibi- 
lile  ,  et  ime  d-ctiou  raisonnable  et  pure,  m^rite  dent 
ses  juges  lui  snrentd'aufant  plus  de  gre^  qu'il  devenoit 
tous  le»  jours  plus  rare.  Quelques  anni-es  apres  ,  il 
remporSa  un  autre  prix  de  poesie,  dans  !es  (oncours 
de  la  meme  academie.  II  avoit  tire  son  sujet  de 
I'Ecriture  sainte.  C'est  Tinteressante  ^glogue  de.Boo^ 
Ct  Ruth.  II  envoYa  au  concours  de  1785,  pour  le 
prix  d'eloquence  ,  \\n  eloge  de  Louis  Xll.  Son  ou- 
■vrage  n'oblint  qu'une  mention  honorable.  A  I'imila^ 
tion  de  I'cloquent  auteur  du  sublime  eloge  de  Marc - 
^urele,  il  avoit  imagine  ini  plan  dramaliqr.e  sur  le 
fiucces  duquel  il  paroissoit  compter  beaucoup.  II 
faisoit  lou(r  la  clemence  deceroi  par  la  TrimouUte 
qui  I'avoit  eprouvf^e,  sa  legislation  par  le  garde-. 
4^s-sceaux  Poacher y  sa  yaleur  par  Bajjard.  i^loriau 


Notice  wr  la  vie  et  le^  ouvra^es  de  Florian.  2  j3 
t\e  fut  point  aiissi  heursux  que  Tliomas  son  modMr. 
D'academie  n'approuva  point  la  ftjime  cpi'il  avoit 
a(1ojtt^c.  En  effet,  si  I'idee  de  ce  plan  etoil  Ing^- 
nieuse,  Tex^cution  ^toit  monotone.  Le  prix  fut  donn^ 
dans  le  concours  suivant  ,  a  I'ouvrage  bien  pense  et 
bien  ^crJt  dn  ciio^^en  Nool  ,  actuellement  adjoint  a 
la  commission  d'instruction  publique,  et  ci-devant 
minislre  -de  !a  repiib'iqne  a  Venise. 

Florian   avoit  une  pn'dilecfion  marqiu-e  ponr  ie 
genre  de  la  pastorale.  II  le  trouvoit  avec  raison  peu 
Susceptible  d'interet  dans  I'eglogue  delacli6v".  Vn  re- 
cueil  dVg'ogues  lui  parois?oit  res-em  bier  a  unc^  sui  10 
de  premi{>res  scenes  de  comedies.  II  crovoit  le  drame 
pasloial,  lei  que  VAinlnte  ^  bien  preferable  ,  malgro 
sa  froideiir    pvesque    ineviiabie  ;   mais   le    roman  , 
apres  le  poeme,  lui  parut  le  meilleur  moycn  de  ron- 
dre  la    pastorale  vraiinent   inltressantc.  11  donna  sa 
Galalhee,  en  qualrelivres.Les  trois  premiers  sent  une 
imitation  erabellie  dela  Galath6e  de  Michel  Cervantes. 
Le  quatrieme  livre  est  entierement  de  I'invention  ds 
Florian.   On  sait  que  I'auteur  espagnol  n'avoit  point 
complete  son   ouvrage.  II   donna  quelvjue  terns  apres 
son  Estellc,en  six  livres.  Ces  d  u\  romans,  et  sur- 
tout  le  premier  ,  eureiit  un  succes  qui  s'rst  toujours 
soutenu.  Ge  qui  nous  sembla  caracleriser  le  talent 
de  I'auteur  dans  ces  deux  productions  ,  c*est  I'accord 
contin»'  de  senti  rens  naturels  exprimes  avec  finesse, 
et  de  pens^es  ing^nieuses  rendues  avec  s  mplicite  ; 
c'est  aussi  I'art  de  reveler  avec  grace  les  sensations 
les  plus   mvst^nieuses  des  jennes  coeurs  ,  et  le   doii 
de  peindre  fidelemQiit  les  details  clioiais  d|p  la  nature 


2r>4  Biographie. 

champetrc ,  en  evitant  I'inconvenienf  de  la  pros© 
dans  ces  peintiires ,  cehii  d'^tendre  trop  Ics  couleurs 
et  de  Ics  affoiblir  en  les  chargeanL  Enlin  ,  a  ces  qua- 
litescjuilui  sont  particiilierement  propres,  il  joignit 
le  merile  d'une  narration  rapide  ,  claire  et  soignee  y 
et  les  formes  el^'gantes  d'un  slvle  pur  et  raelodieux. 

II  osa  enlre|;renclre  un  ouvrage  dout  le  caractere 
plus  grave  exigeoit  des  conceplions  bien  plus  fortes. 
II  fit  un  reman  politique  :  c'est  son  Numa  Fom- 
piUus.  Cette  production  ,  digne  d'eslime,  etoit  peut- 
elre  d'un  genre  trop  eleve  pour  son  talent.  Les  six 
premiers  livres  olfrent  des  situations  et  des  details 
pleins  de  merile  et  d'iatt^ret  ;  mais  les  six  derniers 
leur  sont  bien  inferieurs  j  et  en  general ,  si  nous  osons 
le  dire  ,  Pordonnance  de  I'ouvrage  n'a  point  asse,; 
de  grandeur.  Ci  lies  des  conceplions  qui,  dans  ce  genre 
d'ouvrage  tiennent  de  IVpopc'e  ,  en  sont  foibles  et 
communer.Lcs  comblnaisons  descaracteres  produisent 
pen  d'interet  et  peu  d'effet.  La  narration  est  quel- 
quefois  tellement  serree  ,  qu'elle  ressemble  presqne 
a  un  sommaire.  Les  vues  politiques  en  sont  peu 
^tcndues  ;  mais  on  y  distingue  Part  de  repandre  des 
couleurs  locales.  Le  caractere  de  Romulus  a  de  la 
verity ,  et  c'est  une  invention  tres-ingenieuse  que 
d'avoir  substilue  a  la  njmphe  Egerie,  le  vieux  Zo- 
roaslre  et  sa  fille  Anais. 

Elorian  ,  qui  jouissoit  deja  d'ane  reputation  bril- 
lanle  et  si  bien  nieril^e,  fut  adm'S  ,  quoique  tres- 
jeune  encore  ,  a  I'academie  franraise,  le  14  mai 
1788  (  vieux  style ).  II  remplagoit  le  cirdinal  de 
Lujnesj  et  il  fut  recu  par  le  cilojen  Scdaine. 


]\^oUcc  sur  la  vie  ci  ks  ouvrngts  de  Florian.      23  S 

II  voLilut  se  rendrc  plus  digiie  cncorr^  dc  cplte  d'.s^ 
tii.Ciion  ,  a  laquelle  on  attaclioit  al  rs  b:aiicoun  tie 
prix/  II  pui)lia  de  nonveaux  ouvrage.s. 

Son  gout  pour  Micbel  Cerv^anles  et  pour  la  1illr- 
ratufe  espagnole  ,  le  porta  a  composer  dci?  Nou^ 
incites ,  genre  d'ouvrages  tres-culllve  en  Espagae.  II 
en  a  donne  denx  recucils.  Le  choix  et  la  varit'l^ 
des  sujets,  le  ton  proprs  a  rautcur  et^  que  nous  avons 
iadique  plus  haut  ,  en  reudent  la  Itclure  ires-inlt- 
ressante. 

Numa  Pompilius  n'avoll  point  joui  du  succes  (jne 
Pauteur  avoit  espi'-re.  II  crut  qu'en  choisissant  ua 
sujet  enire  le  roman  politique  et  le  rontm  pastoral , 
il  le  traiterolt  avec  plus  de  bonlicur.  Gonz^alve  de 
CordoLie  ou  Grenade  reconquise  ^  en  dix  livres , 
n'eut  pourlant  pas  un  succes  aussi  briilant  ni  aussi 
sou'enu  que  Galatliee  et  qu'Estelle.  Cependaiit  rrt 
ouvrage  fait  encore  beaucoup  d'honneur  a  son  talent ; 
il  est  precede  d'un  precis  iiistorique  sur  Ics  rJaurcs 
d'Espagne ,  compose  avec  mrr-iide  ^  plein  de  ic-^- 
clierclies  interes  antes,  et  ccrit  du  stvle  qui  conviciit 
a   I'iiistoire. 

Elorian  a  aussi  donne  un  volume  de  fables.  Nous 
crojons  que  ces  fables  sont ,  avec  Galailn'e,  celui  tie 
sesouvragesquidoi  fairc  leplusd'iionneurason  esprit 
et  son  talent.  EUes  nous  paroissent ,  s'il  nous  est  permis 
d'enoncer  noire  opinion  ,  bien  superieuves  a  toulrs 
ccUes  qu'on  a  ose  publicr  aprcs  Lafonlaine.  Gala- 
tliee, Estelle  nieme,  et  ce  volume  de  faules  peuvent 
done  assurer  a  Florian  uae  r^putatioa  durable;  et 
si  Ton  songe  au  merit j  de  scs   aulres  productions. 


2  36  Biogrupkie. 

et  a  I'age  ou  la  mort  I'a  enlev^  aux  lettres,  on  ns 
pent  que  d(5plorer  la  perte  pr^matur^e  d'un  homrae 
qui  avolt  do]a  fait  beaucoup  pour  son  honneur  et 
pour  nos  pliiisii's  ;  mais  qui  ,  par  cela  meme,  ^toit 
destine  a  plus  de  };!oire  ,  et  garantissoit  de  nouvelK-s 
}Ou  stances  aux  amis  dcs  arts. 

INous  crojcns  (!u'aucun  d'euxn'avoit  encore  appele 
les  regrets  des  lecteurssurcetecrivain  ingenieux  a-la- 
fois  et  sensible,  et  quia  eule  merite  peu  commundese 
creer,dans  le  genrequ'il  a  adopte,  une  maniere  qni 
lui  est  prople.  II  avoit  presque  acheve  un  poeme  , 
lire  de  Tliistoire  des  Hebre*ix,  intitule  EUez^er ,  et 
qu'on  assure  etre  son  meiileur  ouvrage.  L*auleur  de 
latouchanle  (ragedie  d'Abufar,  le  respectable  Ducis, 
digne  ami  de  Florian ,  s'ctoit  proiuis  de  lui  dedier 
sa  FamiUe  arahc.  II  ne  pent  plus  la  dedier  qu'a 
ses  manes.  Nous  avons  sous  les  jeux  celte  dedi- 
cace  uon  encore  iniurimee.  Sans  doula  on  nous 
saura  gre  d'en  extraire  le  morceau  qui  suit.  11  donnera 
du  caractere  moral  de  Dorian  ,  une  idee  bien  plus 
juste  que  ce  que  nous  en  pourrions  dire  ;  ct  lesc'oges 
donnes  par  I'amitle  (t  par  le  genie,  auront  a-la-fois 
plu,>   d'int.'ret  et  plus  d'autorit^\ 

«  Oconiien  ton  Eliezer  ou  ton  nouveau  poeme 
M  des  H'breux  ,  non  connu  encore  ,  mais  ton 
»  >  l)"f-d'a^uvre  ,  mais  ton  plus  cbarmant  ouvrage, 
»  mais  ecrit  sous  la  dictee  des  Graces  ou  de  Fene- 
>'  loo  ,  encbantoit  antour  de  moi ,  cet  et  - ,  les  bos- 
»  quets  solitaire.-- ,  les  bauts  peupliers  sous  lesquels 
y>  tu-in'en  fis  entendre  la  lecture  !..  O  combien  il  ho- 
»  nore  ton  ame  I   combien  il  aiqute  a  ta  gloire !  A, 


Notice  sur  la  v'e  edes  ouvrages  deFlorian.  237 
*»  fa  gloire  !  Et  je  vois  le  triste  cvj-res  qui  couvie 
»  la  cendre!  N'importe ;  tu  ii'es  pas  mort  lout  en- 
»  liefr.  Tes  ouvrages  sont  entre  les  mains  des  gens 
»  de  gout  ;  Ics  meres  sensibles  et  ve;  tueuses  les  re- 
»  lisent;  leurs  Jeunes  filles  a  leur  tour  en  font  leurs 
»  delices.  Oui ,  ton  nom  vivra  ,  il  sera  immortel  5  il 
>'  vivra  ,  ct  sur-tout  il  sera  aiaie.  O  Florian  !  etoit- 
»  re  avant  quarante  ans  que  tu  devois  nous  etre  ravi ! 
»  Repose,  6  mon  ami!  repose ,  aimable  ^leve  de 
«  Fenelon,  peintre  enchanteur  da  I'innocence,  de 
»  la  valeur,  de  Taraour ,  et  de  la  vertu.  Qu'd  I'as- 
«  pect  de  rinimble  cjpres  qui  attend  la  tombe ,  le 
»  coeur  encore  emu  du  souvenir  de  ta  perte  et  des 
»  douces  impressions  de  tes  ouvrages,  la  benut^  nais- 
»  s.inte  en  approche  d'un  pas  timide  ei  involontaire, 
»  avec  une  douleur  muette,  avec  un  soupir,  une 
«  larme  peut-etre  ;  qu'elle  dise  enfiu  ,  en  regardant 
»  sam^reaffligee:  PoUd  Le  cijprbs  de  Flo  dan  ! 
>>  que  ue  pui.-je^  mon  ami,  j  graver  ces  dernieres 
>>  paroles  qui  t'^chapp^rent  quelquefois  dans  le 
■'^  pressentiment  d'une  mort  prochaine  !  Quand  on 
"  n'a  plus  long-temps  a  vlvre,  it  faut  se  hater 
^>  de  /aire  Le  bien.  j;  V.  B. 


^  D  D  I  T  J  0  N  a  la  notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 

J-J'    B  ARTH  t  L  E  MY. 

Uepuis  rinjpression  de  oette  notice,  on  nous  a 
communique  un  ouvrage  manuscrit  de  Barthelemj  , 
qui  avoit  eciiappe  a  uos  reclierclies.  II  a  pour  litre : 


238  Biographie. 

B.efLexLons  sur  urie  lob  des  aiiccens  Perscs.  C'est 
uti  petit  traite  de  morale  ,  comj)ose  ,  en  lySS  ,  pour 
rinsti-uclion  du  jeurie  d'Auriac  ,  neveii  dii  nuignanime 
et  iiiibrlune  Miilsli' rbes.  Le  roman  de  Carife  ct  do 
Poljdore  avoit  le  meme  objet.  Voici  le  coniraciice- 
inent  du  premier  da  ces  ecrits  :  «  Xeuophon  ,  parlant 
»  de  I'insiilution  des  jeunes  Perses  ,  dit  que,  pour 
»  leur  procurer  de  tonne  heure  la  connoissance  des 
»  loiset  des  formalites  de  la  justice  ,  on  avoit  elabli 
»  dans  les  ecoles  publiques  un  tribunal  ou  ils  venoient 
»  s'accuser  n  utuellement  de  leurs  fautes,  et  qu'entre 
»  autres  crimes  ,  on  j  punissoit  I'ingratilude  avcc 
»  beaucoup  de  ?everite.  II  ajoute  que  ,  sous  le  nora 
»  d'ingrafs ,  les  Perses  comprenoient  tous  ceux  qui  se 
»  rendoient  coupables  enversles  dieux  ,  les  parens ,13 
»  patrie  et  les  amis. 

»  Cette  loi  admirable  ,non  seulement  ordonnoit  la 
»  pratique  de  tous  les  devoirs  ,  mais  elle  remonloit 
»  encore  jusqua  leur  origine  et  les  rendoit  aimables. 
»  En  eiTet ,  si  Ton  ne  ])eut  mar.quLn-  a  ses  devoirs  sans 
»  ingratitude,  il  s'ensuit  qu'il  faut  les  remplir  par  uu 
»  motif  de  reconnoissance  ;  et  de-la  resulte  ce  principe 
»  sublime  et  lumineux,  qu'on  ne  doit  agir  que  par 
»  sentiment. 

y>  II  seroit  a  souhaiter  qu'un  liomme  de  beaucoup 
»  d'esprit  eraplojat  beaucoup  de  temps  a  developper 
y>  cette  grande  Verite  :  elle  est  la  base  de  la  morale 
J)  et  du  bonheur.  Car,  lorsqu'on  a^uit  par  amour  ,  on 
39  agit  sans  peine  ;  et ,  lorsque  I'amour  est  bien  regl6  , 
j»  on  est  lieureux  «. 

Ji'auteur ,  apres  (juelques  phrases  dict^es  par  la 


Addltkon  a  la  notice  sur  Barthelemy.  239 
motlestie  ,  termine  son  prt-ambule  en  ces  termes  : 
«  Relativement  au  passage  de  Xenophon  ,  ces  rd- 
j)  Aexions  auront  pour  objet  la  religion,  les  parens, 
»  la  patrie  et  les  amis  >\...  EUes  ne  sout ,  comme  il 
I'assure  lui-meme,  que  «  le  d^veloppement  de  celle- 
»  ci  :  c'est  dans  le  ctEur  que  tout  riiomme  reside, 
7>  ct  c'est  la  uniquement  qu'il  doit  cliercher  son 
«  repos ,  sa  gloire  et  son  bonheur  ».  Ri^n  de  mieux 
d^veloppe  que  toutes  les  sages  reflexions  de  Barthe- 
lemy. Tout  est  anim^  par  une  imagination  brillanfe, 
mais  bien  r^gU^e.  Une  elegante  simplicite  repand 
de  Pinteret  sur  ses  lecons.  Point  de  clioses  triviales  ; 
toutes  les  veiites  s'y  trouvent  prL'sentccs  sous  un  nou- 
vcau  jour.  Quclques-unes  ir.eme  doivent  fixer  Tatten- 
tion  du  philosophe.  Telle  est  colle-ci  :  «  L'amour  de 
y>  la  patrie  n'est  autre  chose  que"  l'amour  de  ses 
»  devoirs  5  mais  un  amour  noble  ,  dcsiuteresse  ,  qui, 
y>  loin  de  se  nourrir  de  I'opinion  des  autres  hommes, 
»  saura  dans  le  besoin  sc  sufflre  d  Lu.l-meme  «.... 
La  reflexion  suivante  m^rite  encore  d'etre  rapportee... 
«  Voyez  autour  de  vous  une  multitude  erapressee  , 
»  dont  les  ames  cherchent  a  se  joindre  \  la  votre  ,  et 
»  dont  les  jeux  ne  vous  renvoient  que  des  regards  d^ 
»  reconnoissance  et  d'araour.  Quel  spectacle !  Non  , 
^  la  presence  des  ingrats  ne  le  troublera  point  ;  ils 
»  fuiront  la  votre  ;  on,  s'ils  osent  I'affronter,  vous 
»  serez  venges  par  la  douleur  int^rieure  qu'ilsdprou- 
»  veront.  Car  on  a  beau  s'armer  d'impudence,  rien 
»  n'elface  dans  une  ame  le  souvenir  d'un  bienfait. 
»  recu,  et  il  faut  qu'elle  se  livre  necessairement  aux: 
S  douceurs  de  la  reconnoissance  ou  aux  horreurs  d« 


240  Biographie, 

»  la  baine  « Juste  ciel  I  que  vais-je  ajouter  t 

L'homnie  corrompu  par  lasoci^le,  balancera  rare- 
jnent  ;  il  preurira  ce  dernier  parti  ,  et  au  temps  des 
vengeances  ,  celui  il'une  revolution ,  il  (f'gorgera  ou 
fera  rgorger  son  bienlaiteur.  Quand  on  lisoit  dans 
La  Rochefoucaull ,  qui  ecrivoit  apres  la  fronde  :  «  Les 
»  lioiivnes  liaissent  menie  ceux  qui  les  ont  obliges  ,  et 
»  cessent  de  liair  ceux  qui  h  ur  ont  fait  des  outrages  »... 
on  ne  vouloit  pas  le  croire  ;  aujourd'hui  nous  pouvons 
en  dire  davantage  ;  mais  hatons-nous  de  revenir  ^ 
I'ouvrage  de  B.irtii^lemj. 

Avec  quel  charme  ue  decrit-il  pas  le  temple  de 
PAmilie!  «  Da.is  uii  des  plus  beaux  cantons  de  la 
J)  Grece  ,  s'elevoit  un  temple  d'une  architecture 
31  simple,  majestueuse  et  solide.  II  dtoit  consacr^  a 
»  I'Amitie  ,  et  fumoit  jour  et  nuit  d'un  encens  qui  , 
»  loin  d'etre  agr^able  a  la  divinity ,  irritoit  sa  jalousie* 
3)  Sanscesse  entouree  d'adoraffeurs  mercena^res  ,  ellt? 
»  ne  vooit  dar.s  leur  coeur  <jue  des  liaisons  mai 
»  assorties  et  presque  toutes  corrompues  dans  leura 
»  principes. 

«  Uii  jour  elle  dit  a  un  ami  de  Cresus  :  Porte  ail- 
»  leurs  tes  offrandes  magnifiqups  ;  ce  n'est  pas  a  moi 
»  qu'elles  s'adressent ,  c'est  a  la  fortune.  Elle  r6pondit 
3)  a  un  Ath^nienqui  se  disoit  ami  de  Solon  :  Tes  voeux 
»  sont  I'ouvrage  de  ta  vanit6  5  en  te  liant  avec  un 
»  homme  sage  ,  tu  n'as  cherch^  qu'a  partager  sa 
»  gloire  ,  et  f  ire  oublier  tes  vices.  Elle  dit  a  deux 
»  femraes  de  Samos ,  qui  s'embrassoient  c^troitement 
»  aux  pieds  de  sa  statue  {  Le  goiit  des  plaisirs  vous 
■f>  unit  en  apparence ,  mais  vos  ca^urs  sent  dechires 

par 


Amnion  a  la  not'ire  dc  Barthe'emy.  241 
«  par  la  jalousie,  et  b  seront  biv^ntot  par  la  Lalne. 
»  Enfiu  deux  Sjracusains,  Damon  et  Pythias,  vin- 
)v  rent,  en  pre.-eiice  de  la  deesse,  evpriiner  des  senli- 
»  mens  tendres  et  sinceres  par  des  sons  mal  arti  ules. 
))  Jj  recois  voire  horn nage ,  Irur  dit-e  11' ,  et  je  le 
»  rerois  des  main^  de  la  vertu  :  je  fais  plus,  j'aban- 
»  donne  un  temple  trop  long-temps  souille  par  des 
»  sacrifices  impies ,  et  je  n'eu  vcux  plus  d'aalre  qus 
»  vos  ccpurs.  Allez  ,  vivez  1  eureuv  ,  vous  aure^ 
»  bientot  besoiu  de  iron  secours,  AUez  montrer  au 
»  tyran  de  Syracuse  ,  a  Tuuivers  et  a  la  posterlte,ce 
5)  que  pent  I'amitie  dans  des  aimes  comme  les  volres '\.. 
Vient  ensuilj  I'aventure  b^roi  |ue  de  Damon  e*  de 
Pylliias  ;  elle  ne  pouvoit  etre  mieux  araence.  L'un 
et  i'autre  ,  philosophes  pytbagoriciens  ,  ne  furent  , 
dans  leur  devouement  mutuel ,  que  fideles  aux  prin- 
cipes  sacr^s  de  leur  ecole  ,  sur  Pamitie.  Suivant  notre 
auteur  ,  «  I'esprit  n'en  sauroit  etre  1' unique  lien, 
»  Comme  il  ne  cbercbe  qu'a  briller  ,  et  qn'il  ne 
»  pent  souiTrir  aucnn  ranii ,  ni  au-dessus,  ni  acot^du 
i)  sien  ,  il  esl  naUirellement  destructeur  de  cette. 
»  egalite  si  necessaire  dans  un .  commerce  de  senti- 
»  mens.  Parmi  les  difK'M-entas  sortes  d'esprit ,  celui  dt} 
»  saillie  et  de  logerete  est  le  plus  oppose  k  I'amitie  , 
»  parce  c[u'il  se  nnirrJt  grossierement.de  son  amour- 
»  propre  ,  et  qu'il  se  sacrifie  sans  peine  celui  des 
>>  autres.  Elle  s'awCommoderoit  mieux  de  cet  esprit 
«  flnetdelicat,  qui  senible  ne  s'exprimer  que  pour 
«  plaire,  et  qui  laisse  entrevoir  plus  qu'il  nV^xprime. 
»  Mais  observez  qu'il  ne  plait  en  effet  (ju'en  prenant 
»  la  tflnt-are  du  sentiment  J  ot  qu'il  reste  toujours  a. 
Tome  II.  Q 


S42  Bh^^'o'  h'e. 

»  savoii' si  ses  graces  S'/chiisanles  ne  sont  pas  le  fruit 
»  de  Tusage  du  mondj  on  de  i'hj}K)crisie  du  coeur. 
JO  II  faul  dire  a-ppu-pres  la  meme  clo'e  de  c<M  esprit 
»  d-  sag.-sse  et  de  rellovion  .  dont  le  sui'ra^e  est 
«  d'auUii  t  plus  ficit  eur  cui'il  paroit  etre  I'cfF.'t  d'une 
5)  meditation  profoude.  Ces  deux  sortes  d'esprit,  ainsi 
»  que  le  gout  des  arts  e'  d  s  talons  ,  sont  tres-agrcables 
»  dans  le  commerce  de  I'amitie.  lis  duivent  I'embellir, 
M  et  non  la  former  »...  De  ces  observations  ,  Barthe- 
lemy  conclut^ju?  le  coeur  doil  etre  I'unique  lien  de 
I'amitie  ,  et  que  celui  des  veritabl.  s  amis  ne  pent 
avoir  d'autres  fondemens  que  I'amour  de  la  vertu  et 
la  conform ite  des  caracleres.  Mais  nous  crojons  en 
avoir  assez  dit  poii;-  faire  desirer  la  pu])lica'ion  de  ce 
charmant  opuscule  ,  digne  de  la  plume  tPun  discipld 
de  Platon ,  ce  pbilosophe  eloquent ,  dont  Barthelemy 
a  ^te  I'habile  interprete  (r)  ,  et  sou  vent  I'Leureux 
iraitateur. 

On  lit  a  la  page  72,  du  dernier  n.°  de  ce  journal , 
que  J.  J.  Barihclemj  ^toit  ne  a  Aubai  ne  ,  dans  la 
viguerie  de  Marseille  ;  pour  parler  avec  exactitvide  , 
il  falluit  diie  ,  d  Cassis  j  prts  d'Aubagne  j  dans 
la  cl-deuant  i^iiruerle  (fAix.  S.  C. 


"c 


(i)  Voyez  les  cliap.  LIV  et  LIX  du  Voyage  cl'Anacharsis, 


IN  U  JM  I  S  M  A  T  1  Q  U  E. 

Observatioxs  sur  un  grand  nomhrt  de  MciailUs 
de  LiciNius  le  jeune  ,  par  le  citoyen  Gourd  in  , 
bibliotlncaire  a  Rouen. 


X^iciNius  ,  siirnomme  le  jeuxe  ,  pour  le  rlislln- 
giier  de  son  pere  ,  n'etoit  age  ((ue  de  vingt  mois, 
liit  Aure'ius  Vi  •lor  (i)  ,  lors^iu'en  3i7,  il  fut  cre6 
C^sar.  II  ne  jouit  de  ce  tilre ,  comme  nous  l'.ip- 
prend  Theopl  ane  ,  que  jusqu'a  la  fin  de  323  qu'il 
en  fut  depouille  par  Coiistcinlin-le-Grand  ,  son  oncle 
mafeniel  (2).  Enfinil  perdit  la  vie  dans  la  douzic-me, 
ou,  comma  d'aulres  le  veulent    (3j  ,  dans  la  qua- 

(i)  M.  Lc  Beau  ,  dans  son  Hislnire  du  Bas-Empii  e  ,  X.  I 
p.  3oo  ,  a  prefere  au  temoignage  d'Aurelius  Victor  celui  6e.& 
liistoriens  qui  font  nommer  Licinius  .  Cesar  ,  non  par  son  on- 
cle ,  mais  par  son  pere,  ce  qui  est  plus  nuturel.  Au  reste  la 
chose  est  ici  fort  indifferente. 

(2}  Le  traducteur  ,  comme  Ton  voit,  a  corrige  une  faule 
<jui  se  trouve  daiis  le  texle  ,  on  on  lit  KmgAf^i-^  au  lieu  de 
x,ci)v;eivTt)i}i-  Cette  faute  ne  se  trouve  point  dans  le  manuscrit 
du  Vatican  ,  ni  dans  celui  de  M.  Peyrez  ,  ainsi  qu'on  le  fait 
voir  dans  les  variantes  ,  p.  5l3. 

(3)  M.  Le  Boau  fait  raourir  Licinius  dans  sa  douzii-m'e 
annee  (  Hist,  du  Bas-Emp.  t.  I  ,  liv.  4  ,  p.  449  ).  11  ne  devoit 
point  etre  plus  age  ,  selon  Cassiodore  (  in  u4urel.  Cassioddri- 
Consules  ,  Joan.  Caspiniani  Comment,  p.  191  )  ,  qui  le  fait 
assassincr  un  an  apres  son  pere.  Ducangc  (  Faniil.  Blzanliii. 
p.  44  )  veut  que  Licinius  fut  dans  sa  quatbrzieme  ann^e  lors- 
qu'il  peril.  11  semLle  ,  d'aprts  les  expressions  d'Eutrope,  qu'il 


144-  '   Numismalique. 

torzieme  ftnnee  de  son  Age.  Voila  tout  ceqiie  I'lu's- 
toiie  nous  apprcnd  de  ce  jeune  et  malhciircux  prince 
que  ses  bonnes  qualitcs,  scion  Eutrope  ,  rcndoient 
digne  d'un  meilieur  sort.  Les  medailles  qui  portent 
pour  k'gende  LICINXVS  JVNIOR  NOB.  CAES  ; 
et  eJles  sout  en  assez  grand  nomhre,n'ont  pu  etre 
frappees  que  depuls  le  premier  de  mars  Siy  ,  jus- 
qu'au  commencement  de  323.  EUes  ne  devrolent 
par  consequent  offrir  que  les  traits  d'un  enfant  de- 

etoil  encore  plus  age  :  "• Piimiim    necessitate  proseciitus 

■»  egregluin  rii  uni  ,  el  sororis  filiiun  ,  commodoe  indolis  ju~ 
J'  fenem  intcij'ccit  ».  (  L.ib.  X.  ).  La  qualite  de  vir  egiegius 
ne  peut  certainement  convenir  a  un  enfant  de  neuf  a  dix  ans  , 
ce  qui  prouve  cju'il  n'est  point  probable  que  Liclnins  alt  ete 
tue  la  meme  annee  que  son  p^re  ,  comme  quelques  hisloriens 
le  font  entendre  ,  nl  meme  un  an  apres  ,  conune  le  dlt  Cassio- 
dore  ,  et  comme  on  pourroit  le  conclure  du  Chronlcon  Pas- 
chale  ,  p.  282  ,  ou  la  mort  de  Crispe  est  placee  un  an  apres 
la  defaite  de  Licinius  le  pc-re.  Laplupart  des  historiens  s'ac- 
cordent  a  dire  que  la  mortde  Liciuius  suivit  de  pres  celle  de 
Crispe  ,  et  altribuent  I'une  et  I'autre  a  I'ambitiou  et  aux  ca- 
lomnies  de  Fausta.  Pompeius  Laetus  le  dit  expressement  : 
«■  Illud  sat  perissimile  insidiis  Faiislcp  clrcwnventum  Crispum 
■u  occubuisse  tie  periiia  in  mililaiidojiliis  ohesset  et  propterea 
^  paulo  post  suhlatiis  Licinius  junior  j<.  (  Rom.  Histor.  Com- 
pendium ).  Mai»  ces  historiens ,  comme  le  remarque  Ducange  , 
dans  ses  notes  sur  le  Chronicon  Paschale  ,  p.  556  ,  ne  s'ac- 
cordent  point  sur  I'annee  dans  bquelle  Constantin  fit  perir 
son  fits  aine.  Par  consequent  il  ne  nous  est  pas  possible  de 
marquer  precisement  a  quel  agt^  fut  assassine  le  jeune  Lici- 
nius. Au  reste  ,  il  nous  suffit  qn'il  ail  ele  dv-pcuille  du  titre 
de  Cesar,  aussitot  apres  la  defaite  d-  son  pere  ,  pour  que 
ses  medailles  appartiennent  aux  epoques  que  nous  kur  avons 
£x6es. 


Mcdailles   de  Litiniiis.  24. ^ 

puis  rAQ;c  de  c|euv  ans  jiisqu'a  celiii  de  liult  5u  neuf 
tout  au  plus.  Ccpeiiclant  la  iiieclaille  qui  n)'a  ('ic 
cpmnuiui(iu-'e  offre  ,  ainsi  (jue  plusleurs  autres  gra- 
V('('s  dans  Jes  JSuniismala  Rom.  Iniperator.  de 
D.Baiuluii,p.  198  ,les  trailsd'unndolescent  ,au point 
que  leP.  Ilardouin  (i) ,  qui  a  public  quelques  medail- 
les  de  ce.  prince  ,  n'lie&Ile  pas  de  lui  donner  vingt- 
deuxans. (  i\'a/7uj/7i.  scecuU  Cotistatitlnl ,  p.  469). 
La  seconde  difficulte  est  d'appliquer  a  ce  j.eune 
prince  le  revers  de  notre  medaille  ,  semi^lable  a  plus 
de  vingt  cinires  diff^'rentrs  pour  la  maticre  ou  poiu* 
le  module  ,  ou  bieu  frappees  en  divers  endroits.  Ce 
revers  presente  dsux  ca})lifs  assis  et  encliaines  au 

(l)  LeP.  1'\  a.xAo\y\r\^^Nitn}'.  sma  I  a  scpculi  ConstLinlliiian!  ^■^.  ^69  ) 
Tapporle  plusieurs  m^dailles  de  Licinius  le  jeune,  entr'autres 
celle-ci  :  D.  N.  LICIN.  LICINIUS  NOB.  C.  <t  Capite  galcaio 
3  c.)m  hastd  -"  (  Hamero  dextro  iinposita  ,  dit  une  note  nia- 
iiuscrite  ajoiitee  a  la  marge  de  I'exeinplaire  dt;  la  bibliotbt-que 
dcs  capucins  de  Rouen  ')  a.  et  clvpco  ,  riiltu  annorum  ciiciler 
s   XXII.    lOVI    CONSERVATORL    omnind    ut    in    nummo 

3>   I.icinu  pat  lis.  Similiter  ^      decennalia   vota   lerU6  ,    ul  ibi 

J'  injra  S.  M.  AN.  T.  11.  societatis  mercatorum  primes  Narbo- 
»  nensis  Iributum  octavnm  ,  est  ex  ccie  ininimo  in  t.'icsaiiro 
»  legio  ».  Ou  pouiToit  faire  plus  d'une  remarque  sur  cette 
explicalion  ;   mais  ce    n'est  point  ici   le   lieu. 

Lc  meme  autenr  ,  apr^s  avoir  rapporle  plusieurs  medailles 
seuibiables  a  la  noire,  pour  le  revers,  dit  : «  P^ictoriam  a  Liciuio 
j>  junioi  e  relatam  hoc  anno  hi  nummi significant  j> .  Alais  quelle 
est  cette  annec ,  et  de  quelle  victoire  s'agit-il  ?  C'esl  ce  que 
le  P.  llardouin  ne  dit  pas,  c'est  ce  qu'il  lui  eiit  etd  impossible 
de  prouver  par  le  temoignage  d'aucun  bislorien.  Get  auteur  , 
Irunipe  par  I'insjection  meme  des  m(^^dailles  a  prouonc^  avec 
un   pcu  Irop   de  precipilalion. 

Q3 


8  4^  Nnmismatique* 

pied  cl'un  trofL('e;au1our  :  VTRTVS  EXERCITVS, 
et  dans  le  champ  les  lettres  initiales  de  Tempo- 
rum  I'eUcitas.  Or,  loutes  ces  cKosps  ne  peuvent  con- 
vciiir  III  ciii  fils  qui  ^toit  un  enfant ,  ni  au  pere,  quoi- 
quMl  fill  grand  homme  de  guerre^  parce  que-depuis 
li'  temps  oil  U  ciea  s-n  fiJs  Cesar  ,  en  817  ,  jusqu'aii 
com  i  ei)  eraetit  d>,^  82  ,  qu'il  d^clara  la  guerre  k 
son  beau-frere  et  son  collv  gne  ,  on  ne  le  voit  paroitre 
ni  da"sl'arni('e(!e  Cris]:)e  qni  dc'fit  les  Francs  vers  la 
jBn  d  820,  ni  dari'-  c(  lie  de  Conslanlin  qui  vain- 
quit  le?  Sarraries  en  822  ;  qu'au  contraire  pendant 
crt  ill  rvalle  il  sp  livrcit  aux  exces  de  la  debauche 
la    plu^  effrv'nee ,  comme  Eusebe  nous  I'alteste  (i). 

Le^  monumens  paroissent  don?  ici  en  conlradic- 
tion  av  c  L\s  bistoriens.  Pour  delerininer  a  qui  nous 
devons  ajoufer  fo   ,  j-osons  qnclques  priricipes. 

II  t  si  certE^in  que  qiiand  un  fait  est  rapporte  par 
des  bistoriens  snn«;  f^tre  "ontredit  par  d'autres  ,  il  doit 
etie  adm's.  Je  dis  le  fait  en  lui-  reme,  parce  que 
lis  c'i-corst;.iv  es  cpii  I'acco  pagnent  peuvent  ctre 
alt/ires  ,  cban;  res  ,  denaturees  meme  selon  Tigno- 
rauce  ,  les  prejugi^s  ,  I'interet  ou  la  passion  de  celui 

(t)  Pcm   (inins  Loslus  semble  donner  a  entendre,  ilj.sl  i, 

qii'i  Y  a  eii  plusicurs  guerres  entre  Lieinius  et  Conslantin  : 
m;:is  il  est  le  seul  qui  s'exT rime  ainsi.  Tons  sunt  d'asca 
a  dire  que  Liciuius  ch'rchtjit  a  rendre  son  collegue  odienx  , 
que  plusieurs  fois  il  trama  sa  ^erte  ;  aucun  ne  parle  de  guerre 
entr'enx  do-  uis  que  Licinius  le  jeune  fut  cr(^e  Cesar  ,  et  avant 
I'an  3i3.  I!  re  f.-mt  done  entendre  par  ces  mo  Is  :  iiiodd  pox  , 
moau  ;c!liirn  ,  rien  autre  chose  sinon  qu'il  ne  regnoit  poinJ 
\iue  Yentahle  conccrde  enirc  ces  deux  empereurs. 


Mc'daillej  de  Lirinin<;.  24.7 

qui  Irs  rnppoi  te.  Aiii>i  ,  par  example  ,  Scins  sortir 
de  notrc  sujct  ,  Ics  liistoriens  s'r.cco  dent  a  dire  que 
.i^iciniiis  ie  pt'ie  a  6u''  assassin".  Co  fait  ne  p"ufc 
e!re  levp  [ue  eii  doiite  ;  niais  sa  mort  doit-elle  elre 
aHrii:!uec  a  uue  veugeance  afroce  de  ConstHntiii  qui 
jui  a\  oit  so!enm.dlement  proir.is  !a  v'e  ?  C\'s\.  sar 
quoi  les  historiens  nesonf  point  d'arco  d    (  ).   Cest 

(r)  Dans  I'ouvmge  inlituk'  :  Pnlilia  SS.  PP.  nnslroriint 
rnelrop/mm's  el  ^l/e.randi  i  y  doDt  I'Hxtrait  se  trouve  dans  la 
bibliotlit-que  de  Pliotlus  ,  p.  i^-C^.  On  lit  que  Licinius  fut 
tu6  pour  avoir  excite  une  sedition  dan^  le  lieu  de  son 
exi'. 

Thcophane  ,  p.  14  ;  Cadrenus  ,  t.  I,  p.  284  ;  Zonaro  ,  p.  3.  , 
discnl  de  meuie  que  Licinius  souleva  les  barbares.  Sozomene 
pt  Taulcur  da  Cluonicoii  Paschale  ,  disent  sim  lement  quo 
Licinius   a   el.e  assassine  ,  sans  entrev  dans  aucun  detail. 

Eutro  e  ,  ]iv.  10  ,  et  Aureiius  Viclor  donnent  ;\  entendre 
qu"a  peine  arrive  a  Thessaloaique  il  y  fut  elrangle  par  ordra 
de   Costantin. 

Pomponius  Lastus  ,  et  Zonare  (  p.  3  )  pretcndcnt  que  Cons- 
taulin  consulta  le  Scnatsurct;  qui'  devoit  faire  de  son  pri- 
sonnier  ;  que  le  Senat  en  rcnvoya  Jc  jugeni-jnt  aux  soldatsqui 
le  luerenT. 

On  rt'marque  aiseraent  dans  ces  recifs  difTi'-rens  I'espTil 
qui  anime  les  historiens.  Les  ecrivains  paiens,  sans  oser 
exruser  Licinius  ,  cherchent  A  rendre  odieux  Constantln  , 
que  les  ecrivains  chretiens  ont  peut-etre  Irop  cherche  a  dis- 
culpef  dans  celte  occasion  ,  comme  dans  plusieurs  autres. 

Aw  teste  ,  il  seroil  bien  singulier  qu'ils  se  fussent  tori.<» 
trompps  ,  et  que  Licinius  txile  dans  les  Gaules  ,  y  fut  mortde 
inaladie;  c'est  cequ'as^ure  Jean,  Pretre  de  Nicomedie,  dan.s  la 
vie  de  Saint  finsile  ,  eveque  d'Amasi'e.  Sou  temoignage 
doit  etre  d'un  grand  poids  ,  puisc[u"il  dil  :  T.ilten's  Duiidai 
etsiiiipla   liliucjujie  sluJui    <jua'cutiu/uc  riJ/  ,  atidi>i  ,   Jidi* 

Q  4 


548  Niimi'm-tuiue. 

sur    qiioi    on    pent    elever    des    doiilos    legitimes. 

Mais  qnaiid  iin  fait  rrpporie  prir  les  historiens, 
sp  trouve  contrcdil  par  11  r,  p'and  nornhre  de  me- 
dail.'es  snr  P.-int  quite  descjiie'llf^s  on  ne  pent  avoir 
ancnn  soiipcon  ,  quel  parli  prendre  ? 

Eecourir  aussitot  a  Pj^noranre ,  a  I'iiTiperitie  ,  k 
I'iiiexactitnde^  a  la  ivauva'se  foi  des  morietaires  ,nVst- 
ce  point  s'exposer  amoi  Irer  souvent  sa  propre  igno- 
rance ,  ou  presumcr  vn  pen  trop  de  ses  connoissan- 
c.^s  ,  et  se  tirer  d'une  'J.ffi.ulle  avec  plus  d'adresse 
que  de  sinc'rite  ?  Wesl-cp  point  donntr  quelquefois 
du  poids  a  i\Qs  explicalior.s  1  izarres  et  tbrcees  ,  a  des 
conjee  ures  hasard.'es  et  sans  fondement  ? 

D'une  autre  cote,  r'j  recourir  jan^ais  ,  attribuer 
aux  niedailles  une  sorie  d'infaillibiiite  historique  , 
n'est-ce  point  s'exposer  a  eire  souvent  le  jouet  del'er- 
reur  on  de  I'im posture  ? 

Quand  \es  meedailles  contredisent  les  hisloriens  ,  il 

En  effet  x  avoit  ete  temoin  des  persecutions  que  Liciniiis  avcit 
exercees  centre  les  chretienSj  etn'eloit  par  consequent  point 
interesse  a  flatter  ce  prince  -.  on  ne  voit  point  qu'il  le  fut  k 
.en  imnoser.  Voici  son  recjt  :  «  Liciniinn  cum  J  ere  ad  mortem 
»  usque  hiipeiator  (  Constantmilis  )  casligasset  ,  regali  et  qua- 
3>  ciimque  ilia  priiic'ipatus  poiesiate  priialum  in  G  alii  am  de- 
it   mandai>ii ///«/«  morte  punjre  noluit Ei  autem ,  ioio 

i>  Senalii  audienle  ,  dixit:  luge  el  pcpnitentiam  age...  iii/iilumi- 
M  7uts  taiiitii  diiina  pcena  i  eJiementey  ilium  aggressa  est;  in 
■»  ea  cm  in  regioue  ,  ad  quant  missus  est  ,  dijji  cilia  qiicvdam 
-V  ulcera  ,  lemedia  ejus  malitice  coiia,iuenlia  ,  similem  illiy 
j>  quaui  Macrimiauns  passus  Jueral,  plagam  attulenint.  Cian 
■>>  igiiur  graviter  ingemiscei  et  et  solum  f>eium  Deum  a  se  lepro- 
^  batumjuisse  conjessus  es^el^ex  ]iao  i^ita  miser  ai^uhusjuit  «, 
(  Suvius^  26  aprilis.  ) 


Mf'daHlrs  dc  I.irnhis.  549 

faut^avant  lout  ,  exa  viner  les  ieiTirs,les  circons- 
taiKCs  dans  lesquels  elles  out  et'j  frappces.  En  g^nic- 
ra!^  ceiU'squi  apparticnnent  a  des  tea-psde  iroubies, 
dv'  despotisms  ou  d'anarchie  ,  doivcnt  elre  pi\>s- 
que   lonjours  sii^pecles. 

D'aj  res  ces  priacipes  ,  que  je  crois  ju^tes,  il  nVst 
pru!-etre  pas  loujours  aussi  diilicile  qu'il  le  paroit  de 
concilier  souvent  i'Lisluire  avec  les  monuniens.  Ces 
pnncipes  vont  done  in'aider  h  r^soudre  I'ospece  de 
probleme  que  presente  nofre  ra^daille. 

J'obscrve  d'abord  que  cctfe  medalle  et  toutes 
eel  les  qui  lui  resseinblent,  soitpourle  revers,  '^olt  pour 
I'inscriplioa  ou  les  lettr^s  qui  se  trouvenl  dans  le 
champ,  n'ont  dii  etre  fappees  que  dans  le  cours 
des  annees  321  ,  322,  et  tout  au  plus  tard  an  coni- 
meticement  de  323" ,  cVst-a-dire  ,  avant  la  ba^aiile 
d'Andrinople  ;  parce  que  des  cette  bataille  Licinius 
Ic  [Ore  fut  vaincu ,  ensuile  battu  sur  m:r  par  Crispe , 
eiffm  defait  a  Cbrysopolis  par  Constantin  ,  depouii!6 
de  la  poiupre  ,  rel^gue  a  Tliessalonique  ou  il  Tut 
assassin(:i.  Or  des  niedaUIes  qui  sur  leurs  revers  a:i- 
uon'.cnt  la  victoirc ^  la  i'cJcur  des  che/s  et  des 
soldats  y  la  /ilicite  des  temps  ,  une  heu reuse 
t  ra  ncju  lit  Lie  J  r\G  ^ewwQwi  cerlainenient  appaitcuir 
tout  au  plus  cju'au  ,oiii'n'encement  de  cette  annee , 
en  supposant  qu'on  ait  voulu  c61ebrer  les  exploits 
du  pere  sur  les  medailles  du  ills. 

Mais ,  si  le  pere  ,  comnie  nous  I'avo  ^s  deja  rs- 
marque ,  depiiis  cjue  *on  fils  eut  ete  rie6  Cesar,  n'a 
pris  les  armes  (^u'en  celle  ainu'-e  ou  il  a  topjoui's  ete 
vaiiicu  J  el  s'il   est  peu  probable  que  le  fils  ait  <^l9 


2'>o  Nnwjsmntirjuc. 

dans  le  campde  son  pere  ,  ainsi  qu'il  le  jTsroIt ,  pni's- 
que  Liciniiis,  avant  la  bataille  do  Clirjgopolis  ,  cr  a 
Crsar,  Marti!  ien  ,  mailre  des  oOiciers  d.  son  pa- 
..lais  (i),  poinquoi  ce  graud  nonibre  de  iii  dailies? 
Car  Bancii'.ri  en  rapporle  ]-rrs  de  frente  snr  le.squelles 
on  aniionce  les  vicioi  res  de  cet  en  fan!.  C'esf  que 
ces  ir.edailles   ne  presentent    que  des  faits  ,  si  j'ose 

*  dire,  en  espcrancej  c'est  que  Ics  reveis  offrent  des 
voeuxtt  nun  des  monuinens. 

Voici  sur  .(|iioi  je  fonde  cetle  ex  lication  ^  qui, 
selon    noi,  n'est  point  une  simple  conjecture. 

Conslantin  travai'loit  avec  aideur  a  la  popaga- 
tion  de  a  rt  1  gion  clireliennequ'il  vcnoit  d'enbrasser. 
Par  son  ordr.  ,  dit  i'liisiorien  Socrate  (2),  les  lemples 

(r)  "  Constant-no  node  casira  Liclnii  irriimpente  ,  Licinius 
"  J  i^i^cnn  fctiit  .  Bizantiurnque  Juoa  lolucri penemt,  ibi  Mar^ 
■»•  iimanuitv  ojficioium  mogistium  Cci-saiem  cieal  ».  (  Auid. 
J^ictoris  epitome.  ) 

C-2J  AaAoj  Kii-js-Mrtvo;  ^V)  o  ,Sctj-iX?'j;  tu  th  k^i^^  (p^ov^v  .  .   ~ 

(tVTois  aya^.f^ara,.  (  Sociat.  liii.'  i  ,  cap.  3.  ).  "  Kl  Constant 
'j>  tihits  quiJein  imperaiar  cundla  aaehal  lanquam.christianus  , 
^-  gcnlilium'^teinpla  clatidehs'  oc'  diiiuens  et  statitas  in-ii.lis  po- 
•J*^J.itas  publicans  ».  L'expressiun  ^ytyaji^um  ,  publicans.,  pre- 
.  sentji  deux  idees  ;  i.**  cells  de  devoiler  les  mysteres  pour  en 
liioiUrer  le  ridicule  ,  I'lnfanai-  ^  et  les  exposer  au  inepris ; 
2.'-^  telle  de  f ai re  y unlive  lea  stalues  ,  Jes  vases  places  danS 
les  Lemples  :  nous  prelerons  cette  deniii^re  idee  ,  conihmeQ 
par  ce  passage  du  C'hionicon  Paschale  :  tto-vtu  T<Anhiha. 
a«i5vre£Viju  Ka,rt?(^tyZ)  ,  y.c/.i  7.-xyrci  avrav  u^ttXzTO  rot  ^f5;^«(«r<« 
Kcii  x,TijfAairoi  .y  Kcii  TTciTDt?  ra;    z:-i.K>-y,T:o!,^  th  x^tsoa    t7Hy.i)criv  y 

•  Tiu-Jrc&g  -r'o-j;  ,'V;^<5<«V'j'f.  «  Omnia  ubique.idola  dejecit  ,  eorum- 
^•»  (jtie   pecuniis    omnibus  et   posscssionibiis    ablatis ^   uiaii'ersas 

■».  Chiisti  ecclesias  omnesque  christianos  its  donai.'il  --^  (  p  iCi. 


Me  dailies  de  L'lr'inuis.  25 1 

drs  faux  cUeiix  (^toieiit  oii  fermrs  on  alwtfus,  lenrs 
statues  vendues  ail  profit  des  e^  lisrs  et  (le.«  c'  rrti^ns. 
Llciiiius  ,  ail  coiitiaire  ,  deseileur  dii  clirisiic.- 
nisme  ,  qu'il  n'avoit  point  enibraGS-  d.^  boiinci  fci  , 
et  livre  ,  dit  le  nieme  aiiteur  ,  a  toutcs  1  s  sii[;er.s- 
tilons  du  paganisms,  avoit  pour  les  chivlit-ns  une 
haiue  qu'il  porta  jiisqu'a  la  fureur  et  a  I'eMra  a- 
gance  ,  conime  nous  I'a.^surent  Sozomene  ,  Eu- 
scbe^  Tl  ro[jhane  ,  Cedren.  C'est ,  Sclon  Socrate  et»- 
I'auteur  d'un  ouvrage  cite  par  Pliotius  ,  et  coinme 
I'assure  posltivement,  apr>s  les  lii^toiiens  du  teir.ps, 
J.  B.  Egnati  (i)  ,  aux  sentiniens  opposes  qui  ani- 
moient  ces  deux  empereurs,  qu'il  faut  rapjorterla 
guerre  qui  eclata  entr'eux,  I'au  323.  Mais,  des  plu- 
sieurs  aiinees  avant,  Licinius  Iramoit  la  perte  de  son 
colleguo.  Les  paVejisne  Tignoroient  pas;Ils  faisoient 
des  vocux  pour  le  succes  des  entrepriscs  de  relui  qui 
prolegeoit  leuvs  dieux  et  leurs  autels  ,  coinme  ils  de- 
siroieiit  la  pei  te  de  celui  qi.i  s'en  ttoit  d  clare  Ten- 
iitnii.  Dans  les  colonies,  sur-tout  ,  on  montroil  sans 
d^guisenieat  le  desir  que  I'on  avoit  de  voir  Licinius 
tiiomphcr  de  son  collegue;.c'est-a-dire  ,  de  voir  les 
superstitions  paiennes  se  retablir  sur  les  ruines  du 
cbristianisiue.  On  se  fiat toit  que  Licinius,  a  en  jnger 
par  ses  dispositions  ,  opercroit  cet  heureux  cbange- 
ment.Puur  I'y  engager,  onlui  faisoit  enlrevoirqu'en- 
fin  sous  le  rjgne  de  son  fils ,  vaincjueur  de  la  race 
des  Conslanlins  ,  on  gouteroit  les  douceurs  de  la 
paix  ,de  la  felicite  ,  ou  ,  cequi  etoit  une  meraediose  , 
que  le  culle  des  dieux  jouiroit  de  sou  antique  L- 
(I)  Lib.  I. 


2  5  2  JV  u  m  is  mat'iqnt. 

l)erl<^ ,  reprieridroit  son  premier  eclat.  Voilapourquoi 
sur  les  medailies  de  cct  enfant ,  on  le  veil  tantot  cou- 
ro.iiie  de  laiiiiers,  fanlot  le  casque  en  tete,  ou  rev^tu 
du  paludamentuin  5  qu'on  lui  donne  sur  la  noire 
la  couronne  radiale  ,  qui  est  une  sorte  d'apotheose  : 
voila  pourquoi  sur  tant  de  revei-s  on  Irouve  les 
marques  de  la  vicfoire  ,  qu'enfia  on  y  lit  dans  le 
champ  les  leltrc-s  initialesde  Tenipomni  FeUcitas , 
Beata  TranqullUtas, 

Ci  qui  m'autorise  a  interpreter  ainsi  notre  medaille 
et  toutes  celles  qui  lui  resseniblent ,  et  a  "en  fixer 
la  date  aux  annees  821,  322,  ou  tout  au  plus  tard 
au  commencement  de  323  ,  c'est  le  sujet  meme  de 
la  guerre  qui  s'alluma  cette  ann^e.  Que  ce  soit  Li- 
cinius,par  liaine  pour  Constantin  et  pour  le  chrJs- 
tiauisme  ,  qui  Tail  declaree  ,  comme  le  disent  Tauleur 
extrait  par  Photius,  pag.  1407,  et  Eusebe ,  dans 
U>i\  hisfoire  eccles'astique ,  livre  X ,  chap.  VIII  5 
ou  bien  quece  soit  Constantin  qui  ait  pris  les  armes 
pour  arreter  les  violences  que  Licinius  exercoitcontre 
les  Chretiens-,  comme  I'assurent  Socrate  ,  livre  I , 
chap.  IV;  Tli^ophane,  pag.  iSj  Cedren,  t.I  ,p.  283, 
pen  nous  importe.  II  suffit  que  le  motif  de  cette 
guerre  fut  d'un  cote  la  defense  de  la  religion  chr^- 
tienne  ,  de  I'autre  relle  du  paganisme,  pour  que 
notre  ex])ljcation  soit  fondee.  Or,  outre  le  t(^moi- 
gnaie  des  1  istoriens ,  on  en  a  la  preuve  convain- 
cante  dans  !e  discours  mcme  que  Licinius  tint  h  ses 
troupfs  ,  a\ant  la  bataille  d'Andrinople ,  rapport^ 
par  Eusebe  dcins  la  vie  de  Constantin.  «  Mes- 
»  amis  5  leur  dit-il ,  en  leur  presentant  les  idolcs  , 


Me  failles  de  Licinius.  j53 

»  volla  les  dieux  qu'acloroient  nos  ancetres  ,  voila 
»  Ics  objcTs  cl'un  culte  consacrt'!  par  I'antiquile  des 
>)  temps...  Celui  cjui  lous  fait  la  guerre  ,  la  declare 
»a  nos  peres,  il  la  declare  aux  dieux  memes , 
»  etc.  ». 

La  contradiction  qui  paroif  re^-ner  cntre  Piiisfoire 
el  les  revers  des  medailles  de  LicinLus  le  jcunCj 
peut  done  se  lever  a  I'aide  de  I'histoire  meme. 

Quant  a  ce  que  la  tete  de  ce  prince  offre  des  traits 
au-desius  d^;  l'a.ie  d'un  enfant  de  liuit  h  neufaiis, 
cette  dilKcnlte  s'evanouit  aisenient,  lorsque  I'oa  sat 
combien  a'crs  les  arts  elolent  declius  de  leur  per- 
fection, et  que  I'on  fait  rcllexion  que  cos  medailles 
ont  ete  frappees  loin  de  P».oine.  Celle  doiit  je  parle 
I'a  ele  a  Treves,  comme  on  le  lit  dans  rexergue  : 
PercLissn  TRei^lris.  Or  ,  les  mom'taires  des  colonies 
copioient  ordinairement  les  tetes  des  [:rinces  d'apres 
d'aulres  m;'dailles.  Eh!  combien  un  portrait  ne  s'al- 
tere-t-il  point  par  des  copiv^s  sou  vent  peu  soicncos, 
on  faites  par  djs  artistes  mal  Labiles  ,  parnii  les'juels 
on  peut  mcttre  celui  de  Treves,  si  i'on  examine  Ig 
irauvais  gout  et  Tincorrcction  du  dessin^  sur-lout 
dans  le  revers  ? 

A  cette  raison  g^nc'^rale  ,  on  en  peut  ajonler  une 
qui  regarde  parficulierement  les  medailles  de  Licl- 
nuts  Ic  jeune.  Le  mondtaire  d3  TreVcS  ,  oninu^ 
ceux  des  autres  colonies,  savoit  que  ce  prince  avoit 
^t6  rrde  Cesar  en  m^ms  temps  qua  Grispe,  (ils  aino 
de  Constantin  ;  il  pouvoit  done  les  su^jposer  Tun  ct 
Tautre  a-peu-pres  de  meme  age.  II  n'ignoroll  point 
en    outre   que   Licinius    avoit   ety  consul    avcc   son 


^4'  NumismfiVque. 

oncV  ,  des  Tan  819  (i),  et  qiioique  dans  res  temps 
le  ct)!isulat  lie  liil  plus  qu'uii  nom  rpii  Si-rvoil  seii- 
lemenl  a  iixcr  la  date  de&  actes  piibliis ,  cepcndant 
ceiix  qui  n'cn  rtoieut  [.as  tpnioins  ne  pouvoieiit  guere 
j\na;.,nir  c:r.\iii  empertur 't.!  (!ne  Constanlin  sa  fut 
<isso:i  ,  pour  collegue  dans  le  consulat ,  un  enfant 
de  Cjiiaire  as. 

II  ii'est  done  point  oionnant  que  ce  moiietaire  et 
plusieurs  antres  aieul  donni  a  Llclulus  les  traits 
de  radolesceuce. 

Tel  est  Pe  plication  que  js  crois  poiivoir  donner 
de  cctte  medaiilp  ;  ({iielf  ne  fond(^e  nu'elie  me  pavoisse, 
je  la  soumets  volontiers  aux  lumieres  des  prrsonnes 
plus  instruites  que  moi  dans  la  science  numisma- 
niatique. 

(i)  Le  Chronicon  PascJiale  ne  fait  point  men  lion  du  con- 
snlaL  (le  Licinius  le  jeune  :  il  esl  etonnant  que  celte  omission  , 
ou  plutot  ceLte  faule,  ne  soit  point  coviigee  dans  les  notes,  puis- 
que,  dans  les  pieces  cpii  sont  ajouiees  pour  I'eclaircisement  de 
cat  ouvrage  ,  on  trouve  Licinius  le  jeuue  ,  consul  avec  Cons- 
tantin.    (   P^.  Paschalis  centum  aanorum,  p.  470.  ) 

Cassiodore  le  met  de  meme  consul  en  32i  ;  il  est  bon 
cl'observer  que  la  claronique  de  ce,t;  auleur  ne  s'aecorde  point 
avec  celles  des  autres  historiens.  11  fait  donner  a  Licinius  le 
titre  de  Cesar,  en  Sig,  marque  la  mort  de  son  p^re  en  828,  etla 
sienneen  3i9.(//J  ^«'".  Cassiodori  ConsuUs  Joan.  Cuspiniani 
Commentar.  p.  491.) 


LITTEKATURE  FRANCAISE. 

R  O  M  A  N  S. 

CLLESTT^rE.ou  /a  Flctime  r'rs  r^^sages ,  par 
CuAnr.OTTE  Smttu,  autcur  d'Anna  ,  el  dc 
1  Oyh,hnc  cl,  Chnreau  ;  traduU  He  rAnglai.  , 
SLir  la  troc  sicme  edition  ,  par  la  crnycnne  R 
4  vol.  in-r2  ,  imprimes  sm-  .aracl^e.  ckXJ 
l)iclo(,et  sur  papier  earn'  fin.  Vvh: ,  24  iv.  hro- 
cl.e,  et  28  \\v.  10  sons  ,  fVan  cL-  port  par  la  pos  c 
poiirles  dc'parte^^.enset  ponr  les  pavs  (c>«  juis! 
A  Pans,  Chez  F.  Bui.son  ,  librairc ,  rue  Hautc- 
Ftniille,  11'.  20. 

A     • 

-^  >^eize  ans  on  aime  les  romans.  Le  caeiir  est 
n-uf,  la  eevivp,  I'imauinafon  fraicLe  ,  les  emo- 
tions sont  fK-iles;  et  I'a^ne  encore  ,  «re  ,  ponr  qui 
la  vertu  n'esf  pas  nne  chimere,  se  repait  a  ec  d/-- 
li-esdes  illusions  tharmant.s  qii'on  ne  perd  que 
trop  f6t.  Dans  un  age  a-ance  il  n'est  pas  rare  de 
revenir  encore  a  ce  gout  ile  la  premiere  jeujiesse. 
II  sembleqne,lass6  de  la  trisle  recrlire^,  on  airne  h 
cherci.erdaus  un  monde  deal,  des  elres  qui  fassent 
oublier  ceuv  dont  la  connoissance  nous  a  si  cruel- 
lement  drlromi)es.^L'hi<toire  ne  nous  offre  que  irop 
souvent  le  spectacle  amigpant  de  1'  nfrigue  en  cre- 
dit et  du  crime  heur-uv.  C'est  nn  !  esoin  pour  I,  s 
nmesscnMbles,  de  clierc!:er  quelquefois  dans  le  pa-s 
des  fi  lions  ,  des  iivagps  douces  et  des  sealimens  r,f- 
fecluenxqui  les  consolent  -des  tableaux  rembrunis  , 
<le  lY-o.snie  et  de  la  sechercsse  qu'c.Ics  ren  ontrent 


sjG  Litle  ratine. 

dans  le   rronde.   Les   romans  auront  done  toujoura 
dis  lecieurs. 

PaiMu  les  romanciers,  les  Anglais  se  sont  dlstln- 
f[u6s  par  le  soin  qu'ils  out  eu  de  prrsenter  iin  ]ini-^ 
losoplie  ,  des  caracteres  ,  des  peintures  de  mcx3urs  , 
et  des  nuances  de  senti  nens  et  de  passions  qui  ont 
contribue  aenmhir  I'histoire  du  coeur  hutnain.  Ciiez 
eux  les  femnies  ont.aussi  cultive  avec  succes  cette 
I'vanche  de  litreralnre.  Madame  Behii  ,  restima- 
tie  auteur  de  Cecilia^  et  plusieurs  an  Ires,  se  sent 
fait  lire  avec  un  vif  interet.  Chaiiotte  Sinitk  a  pris 
11  n  rang  honorab'e  parmi  ces  auteurs.  VOrpfieLlne 
diL  chateau  ^  fHerititre  gaUolse  avoient  commen- 
ce sa  repntalion.  Le  roman  que  nous  annoncons 
ii'est  pas  indigne  de  ses  aines.  Une  intrigue  peu 
compliquee  ,  mais  naturelle  ,  des  peinturts  vives,  des 
passions  ,  des  sentimens  verlueuv  ,  nne  sensibilito 
vraie  ,  ces  nuances  delicates  qu'il  n'est  donne  qu'aux 
femraes  de  saisir  ,  caractciisent  eel  ouvnige  5  c'est 
line  femtne  aus^si  qui  I'a  traduit,  et  c.'es;  avec  plaisir 
que  nous  dirons  ici  que  le  sljle  nous  a  paru  pur  et 
iiaturel  ,  a  qnelques  expressions  pres  ,  oi^i  Madame 

B. n'a  pu  se    defendre  de   ce  neo'.ogisme  qui  a 

deja  si  cruellemant  defigurj   la  langue.  Voici  I'ana- 
Ivse  du  roman. 

Ladj  Mortimer  ,  restee  veuve  a  trenfe  ans  ,  passs 
sur  le  continent  avec  ses  deux  enfans,  Georges  et 
Matilde.  Seduite  par  la  siluaiion  rianie  ct  par  le 
beau  climat  d'Hieres  sur  la  cote  de  Provence,  elle 
y  fixe  son  sejour.  Dans  une  abbcije  de  Bernardines  , 
oil  elle  avoit  plac6  sa  fille  3  ciie  trouve  m:e  orphe- 

line 


Cekitine  ,  on  !a  Victime  des  preiage^  ,  i'j-j 

line  nomm(''e  Celcstine  clont  on  ignore  la  naissance, 
el  ilont  l:-s  graces  enfantiiies  lui  causent  le  plus  vif 
intercf.  El  e  forme  le  projet  d'aller  arraclicr  I'ai- 
iTiahle  enfant  au  sort  qui  la  menace  ,  et  apres  quel- 
quesdi^ficul{cs  que  Lady  Mortimer  leve  ^  prix  d'or, 
ellc  la  prcr.d  sous  sa  protection,  quoiqu'elle  n'ait 
])u  se  procurer  aucun  eclaircissementsur  le  mjster^ 
de  sa  naissanco. 

C^lcstine  devenue  membre  de  la  famille ,  se  rend 

de  plus  en  plus  digne  des  bontes  de  Lady  Morlimer. 

Elevee  avec  ses  enfans  ,  la  douce  intimity  qui  regne 

entr'eux    allume  insensibleraent ,  dans  le  coeur   du 

jeune  homme,  una  passion  qu'il  se  d^guise  d'abord- 

«t  lorsque  sa  mere  ,  au  lit  de  la  mort ,  lui  fait  pro- 

mettre   qu'il    epoust-ra  sa  cousine,    dont  les  grands 

Liens  repareront  lo  d^iabrement  de  sa  fortune  ,    il 

voit  avec  efFroi  qu\m  sentiment  plus  fort  que  toule 

Taison  le  rend  rebelle  aux  dernieres  volontes  dt;  ta 

respectable  mere  ,  et  que  Gelestine  a  decide  du  sort 

du  reste  de  sa  vie.  Lady  Mortimer  meurt,  et  laisse 

a  Gelestine  5  pour  souvenir  de  son  attachemenl,  un 

legs  qui  assure  son  ind^pendance.  La  jeune  orphe- 

Lne  a  concu  ,  pour  Id    fils  de   »a   bienfaitrice,   une 

passion  dont  elle  ne  £e  rend  pas  d*abord  trop  compte 

a  elle-raeme  ,  mais  dont  ellene  reconnoit  la  violence 

qu'avec   I'impossibilit^   d'etre   jamais  h   Mortimer, 

<lont  le  mariage,  avec  Lady  Ossoiy,  sacousine,  est 

annonc^comme  tres-procliain.  Humilice  par  Matilde 

deveuue  Lady  Molineux  ,  et  ne  trou\  ant  plus  dans 

I'amie  et  la  compagne  de  son  enfance  qu'une  femQje , 

vame,  dissipee,  insensible,  Uautaine,  qui  I'acoable 


2  58  lAthnture. 

du  poids  dc'  sa  siipbiiorile  ;  senfant  d'ailleurs  la  n(5- 
cessite  de  fuirl'hommequ'elle  afme,qiii  luia  dtklar^ 
sa  passion,  et  dent  le  respect  pour  la  m^moire  de 
£.1  hieufaitrice  5  el  la  delicatesse  lui  dofendent  d'en- 
couraj^er  les  esperances ,  elle  prend  la  r^solniion 
d'ailer  cherclier ,  dans  un  asyle  solitaire  ,  des  forces 
conlre  un  penchant  trop  cber  et  contra  le  danger 
de  rencoutrer  trop  soavent  Mortimer.  Elle  execule 
sou  dessein,  et  se  r^fugie  a  Tliorp  Heath  avec  un« 
jcune  personne  nommee  Jessy ,  qu'elle  a  irouv^e  dans 
la  voiiure  puhlique  ,  el  qui  lui  raconte  ses  aveu- 
lures. 

Mortimer  apprend  sa  fuite.  Indigne  de  la  con- 
duite  de  son  beau-frere  ,  il  rompt  avec  la  famille 
Ossorj  qui,  voulant  presser  le  mariage,  s'etoit  servi 
de  Molineux  pour  enlacer  le  jeune  homme  dans  un 
piege  inexiricable.  Vavasour,  son  ami,  le  sert  de 
*a  bourse.  Mortimer  arrive  h  Thorp  Heath,  annonce 
a  Celestine  que  ses  engagemens  sont  rompus,  et  la 
presse  deconronner  son  amour  par  le  don  de  sa  main, 
lies  objections  d'un  coeur  qui  aime  sont  ais^nient 
levies  par  l*amour.  Celestine  se  rend,  les  preparatifs 
«e  font ,  la  ceremonie  est  sur  le  point  d'avoir  lieu  , 
lorsqu'un  jour  une  lettre  force  Mortimer  de  parlir 
Lrusquement  pour  se  rendre  ^Exeter.  Celestine  attend 
sonretour  avec  toute  I'anxiet^  qu'on  peut  s*imaginer  j 
mr.is  elle  ne  recoit  que  des  lettres  mjsterieuses  qui , 
en  la  hvrant  aux  plus  cruelles  conjectures ,  n'offrent 
h  son  imagination  aucun  espoir  ,  aucun  terme  a  son 
iiijCprlitude.  Dans  sa  derniere,  Mortimer  annoncoit 
qn*il  ne  pouvoit  fixer  le  tejus  d»  sun  retour. 


Ci'lesline  ou  la  Victiine  des  presages.         «59 

C^lestlne ,  pour  distraire  un  cocur  profond^ment 
al?lig6,  \accepte  un  asile  qui  lui  est  offert  ])ar  un 
respt'clable  recteur.  Le  plug  jeuue  de  ses  fils  ,  nomme 
Monlai^ue,  prend  ,  dans  ses  jeux ,  un  amour  raal- 
lioureux   qu'elle  lebut.^  ,   loin   de    I'encourager ,  en 
drciajaul    formellement  son   intention  de  n'^couter 
aiicune  proposition.  Pour  ^ciiapper  a  ses  persecutions , 
ainsi  qu'a  celles   de  Vavasour  ,  ami  de  Mortimer  , 
qui  se  croit  en  droit  de  le  remplacer,  elle  fuit  en 
Ecosse^  avec  une  madame  ElpLinstone,  femme  ver- 
tueuse  et  int^ressante  ,  dont  le  frere  a  epouse  la  jeune 
Jessj. 

Dans  la  rou!e,  la  petite  Verole  qui  prend  a  un  des 
enfans  de  madame  Elphinstone,  fournit  a  C^lestine 
line   nouvelle  occasion  de  faire  briller  la  bont6  de 
son  coeur.  Une  dame  d'un  certain  age,  que  le  hasard 
conduit  dans   la  meme  auberge  ^  est  toucb^e  de  sa 
conduite  et  de  sa  sensibilite ,  et   concoit  pour    ell* 
rattacliement   le   plus  vif.   Cette   dame    est    Lady 
Howard.  Elle  presse  sa  nouvelle  amie  de  la  suivre 
a  Londres  j.et  de  passer  ses  jours  avrc  elle.  L'amante 
de  Mortimer  refuse  ,  et  va  enterrer  dans  un  desert 
de  I'Ecossc  j  tant  de  graces  et  do  verttis  faites  pour 
6*re  I'oriiemeiit   des  plus  brillantes  societes. 

Nous  pas«erons  rapidement  sur  son  scjour  en  Ecosse , 
qui  n'otiie  d'autre  a>enture  remaccjuable  ,  que  I'ap- 
parilion  du  jeune  Montague.  Trop  profondement 
/iprls  pour  renoncer  a  toute  esp^rance  ,  il  a  fui  d'Ox- 
ford  ,  el  a  suivi  les  pas  de  notre  b^roine.  II  arrive 
a  temps  pour  rendre  des  soins  a  madame  Elpliins- 
toue,  h  laquelle  ujii    accjideut   tragique  enleva  sou 


c6o  IJtferainre. 

mari ;  etCelestine,  quoique  persistant  a  ne  pas  en- 
courager  iin  amour  qu'elle  ne  veut  jamais  ecoiiter, 
est  forc^e ,  par  la  malheureuse  situation  de  son  amie  , 
a  souffrir  que  Montague  les  accompagne  jusqu'a  Lon- 
dres.  lis  soat  rencontres  par  Timpetueux  Vavasour 
qui  ne  voit  qu'avec  depit  un  rival  dont  sa  vanit6 
c'indigne,  et  Celestine  ne  calme  ses  eiiiportemens  , 
qu'eu  engageant  Montague  a  retourner  chez  le  rec- 
teur  ,  son  pere.  Vavasour  est  porteur  d'une  lelfre 
de  Mortimer  ,  ou  ce  jeune  liorame  d^voile  enfm  a 
son  amante  le  mvstere  qui  a  cause  son  brusque  depart. 
Une  trame  ourdie  par  la  mere  de  Lady  Anne  ,  qui 
n'a  pas  renonce  a  I'idee  del marier  Mortimer  avec 
6a  fille  ,  I'a  force  de  fuir  ceile  qu'il  aime  ,  dans  Tin- 
certitude  ou  il  est  si  elle  n'est  pas  sa  soeur,  et  jusqu'a 
ce  moment,  toutes  ses  recherclies  ont  ete  vaines. 
Vavasour  proiite  de  I'espece  d'abandon  ou  se  trouve 
Cdestine  _,  pour  la  presser  de  lui  donner  sa  main. 
II  n'est  pas  mieux  recu  que  le  jeune  Montague  , 
dont  les  vertus  ont  pourtant  ete  appreciees  par  Ce- 
lestine qui  lui  a  vou6  l'amiti6  d'une  soeur, mais  dont 
le  coeur  reste  toujours  fiddle  a  son  premier  attache- 
ment. 

De  retour  a  Londres  ,  I'orpbeline  accepte  un  asile 
chez  Lady  Howard ,  qui  paroit  d'abord  pencher  en 
faveur  de  Vavasour,  mais  dont  la  predilection  ns 
tarde  pas  a  se  declarer  en  faveur  du  jeune  Montague. 
La  nouvelle  en  passe  la  mer  ,  et  s'en  repand  jusqu'eii 
Itaiie  ,  oil  elle  trouve  Mortimer  qui ,  dans  son  depit , 
pense  a  conclare  avec  sa  cousine  Lady  Anne  Ossory  , 
Iin  matiage  dont  ia  seule  idee  I'a  toujours  fait  fremir 


Ce'Ieitine ,  on  la  Victim/',  drs  presage's  ,        261 

d*efifroI.  Differentescircoiistances  presententlesamans 
I'lm  a  I'auire,  comme  engai^es  dans  des  desfinees 
cantiaires  a  leurs  premiers  voeux  ,  au  point  de  se 
regarder  miiluellement  comme  inlideles  ,  lorsque 
I'union  clandestine  de  Ladj  Anne  avec  un  Irlandais 
degage  Mortimer  d'un  hvmen  que  sa  reconnoissance 
pour  son  oncle  le  d  'cidoit  a  conclure  contre  le  voeu 
de  son  coeur.  II  cherche  des  distractions  dans  dti 
nouveaux  vo^^ages  ,  et  s'enfonce  dans  les  Pyrenees , 
oil  le  liasard  le  conduit  dans  un  vieuY  cliAteau  ,  dont 
le  proprjetaire  liii  raconte  ses  malheurs  et  sa  deli- 
vran:  e  quM  doit  a  la  revolution  de  France.  Dans  le 
cours  de  la  conversation ,  Mortimer  reconnoit  avec 
transport  qu'Jl  est  I'oncle  de  cette  jeuns  orpheiine 
^levee  a  Hicres  au  convent _,  oii  un  barbare  grand- 
pere  I'avoit  condamnee  a  etre  ensevelie ,  au  moment 
de  sa  naissance.  Ilrepart,  ivre  d'amour  ct  de  joie, 
traverse  rapidement  la  France ,  et  arrive  en  Angle- 
terre  ,  oil  il  trouve  sa  Celestine  encore  libre  et  ne 
respirant  que  pour  lui.  Lady  Howard  embrasse  avec 
joie  une  niece  dans  I'enfant  qu'elle  avoit  adopte.  Un 
heureux  hymen  metuu  terme  a  ces  longuessoufirances 
des  deux  amans. 

Nousne  laisseronspasnos  lecteursdansrinquii'tude 
sur  le  sort  de  l'ijil(^ressant  Montagne.  Le  retour  et  lo 
bonheur  de  son  rival  le  jettent  dans  une  maladicqui 
fait  craindre  d'abord  pour  sa  vie  ,  et  ensuite  pour  sa. 
raison.  Les  ^poux  se  servent  ,  pour  le  gu^rir  ,  de 
Tctonnante  ressemblance  d' Annette,  cousiue  de  Ce- 
lestine, avec  celle  qu'il  a  aim^e.  I J  s'accoutume  tel- 
lement  a  cette  nouvelle  Celestine  jplus  c  )mpla;sa  iie^ 

H  3 


962  Littcrature. 

plus  attentive  que  la  premiere,  qu'il  vient  a  la  chhlr 
avec  line  ardeiir  egale  a  ceile  qui  avoit  caus6  soii 
mallieur  ;  au  .retour  de  sa  raiscn  ,  la  i-econnoissance 
acheve  ce  que  I'instlnct  a  commenct^ ,  et  son  union 
avec  Annette  ne  lui  laisse  plus  licn  h  envaer  a 
son  rival. 

Telle  est  la  trame  principals  de  ce  roman.  On  voit 
que  le  funds  en  est  simple  ,  et  qu'il  ofFre  quelques 
Ynoyens  us^s.  Mais  on  sait  aussi  que  ces  sortes  d'oLf- 
vrages  vivent  de  details  3  et  les  develoj^pemens,  nows 
le  repetons  avec  plaisir ,  en  offrent  quisont  pleinsde 
graces  et  de  naturel,  et  qui  en  rendent  la  lecture  ex- 
tremementattachante.  F.  N. 


P  o  E  s  I  E. 

}pR  J  GM  ENT  (Viine  traduction  de  fEpttre  de 
Pope  ,  au  docteur  Arbuthnot. 

Portrait    d^Adisson. 

\A  V epoque  oii  cette  epitre  parut  a  Londres  j  ^disson  j  ai^- 
teur  de  la  celebre  ii a^edie  de  Caton  ,  etoit  secretaire  d'eJat. 
JPope  crut  avoir  a  se  plaindre  de  lui  ,  et  it  s'en  fcngea  par  Ics 
vers  suivans.  La  vengeance  et  la  satjre  sont  malheur eusemcnt 
trop  communes  ,•  mais  ce  qui  ne  Vest  pas  y  ct  soni  lesjormes 
■piquantes  de  ce  portrait  oil  j  contre  I'usage  ordinaire  des  auienrs 
de  ce  genre,  I'eloge  est  mile  a  la  satjre  et  ne  fait  que  la. 
rendre  plus  saillante.  II  a  reuniles  bonnes  et  les  mauvaiscs 
^ualites  de  son  ennemi  ,  et  il  est  probable  quAdisson  en  Jut 
d'autant  plus  blesse  que  Pope  apoit  ete  plus  juste. 

Si  ma  muse  ,  ^  ces  minces  aiueurs  , 

,Veut  bien  donaer  le  i^om  d'heureuat  copipilateurs , 


VorlraU  aAfisson.  «63 

Que's  ens  !  Oui  ,  dlsent-iU  ,  clans  sa  fureur  extreme  , 

li  lancera  ses  traits  contrs  Adisson  lui-meme. 

£^1  bien  !    qu'ils  meurent  done  dans  kur  obscnrite. 

Mais  representez-TOus  un  ecrivain  \ante  , 
P]ein  de  grace  et  d'esprit ,  sachant  penscr  et  vivre  , 
Aimablc  en  sfs  discourSj  sublime  dans  unlivre, 
Partisan  du  bon  gout  ,  arnoureux  de  I'liorneur, 
Fait  pour  un  nom  celebre  el  ne  pour  le  bonheuv ; 
Mais  qui  ,  comma  les  rois  que  I'Orient  riWcre  , 
Fense  nebien  rrgner  qu'en  etoufTanl  son  frCre  ;  (i) 
Concurrent  dedaigneux  et  cei  cndant  jalcux  ; 
Qui,  devant  tout  aux  arts  ,  les  persecute  eu  vous  ;  (2) 
Blamant  d'un  air  poli  ,  louantd'un  ton  periide  , 
Cherchant  a  vous  blesser ,  mais  d'une  main  timide; 
Fiatte  par  mille  sots  et  redoutant  leurs  traits  ; 
Tollement  obligeant  qu'il  n'cblige  jamais  j 
Dont  la  haine  caresseet  le  souris  menace  ; 
'  Bel-Esprit  a  la  cour  et  ministre  au  Parnasse  ; 
Faisant  d'une  critique   une  afikire  d'etat ; 
Ainsi  que  son  hdros  (3)  ,   dans  son  petit  Scnat  , 
Reglant  le  peuple  auteur  ,  tandis  qu'en  son  extase. 
Tout  le  cercle  ebalii  se  pame  a  chaque  phrase. 
Parle  !   qui  ne'rirait  dc  ce  portrait  sans  nom  ? 
Hais  qui  ne  pleureroit  ,  si  c'etoit    Adisson  ? 
Et  qui  n'auroit  pitie  du  contrasie  bizarre 
D'une  ame  si  commune  et  d'uu  talent  ai  rare  ? 

Par    Del  IL  L  B. 

(i)   f^oUaire  a  pris  ce  vers  a  ^ddisson  3  il  est  juste  de  U  lui 
rendre. 

(2)  On  salt  qitt  Us  Uttres  a^oicnt  Jalt  la  Jortunc  d'^i' 
diss  on, 

(3)  Colon, 

"  4 


Fragment    cCuth  poeme    non    linprinid 
intltuU  :  Clialon-sur  -  Maine  ,   par   t  a  b  n  e 

d''  E  G  LAN  T  I  N  E. 

Fahrc  d' Eglantine  Jit  paroitre  en  1786^  dans  les  Etrenne.t 
dti  Parnasse  J  un  morceau  de  ce  poeme.  11  n'acoit  pas  eiicoi  e 
pris  a  cetfe  epoque ,  entre  les  po'eies  coviiques ,  cclie  place 
drstinguee  que  hti  as  sin  en  t  principalement  le  Philiute  de 
Moliere  et  I'lntrigu*  ^pistolaire.  Ceu.x  qui  aiment  assez  les  rers 
pour  les  hie  tons,  remarquerent  dans  ce  premier  jragment , 
ail  milieu  d'ldees  et  d'expressions  bizarresj  plusieurs  t^ers  da 
suite  qui  annoncoient  a-la-Jois  de  la  renej  du  naturcl  et  de 
Voriginalite.  Le  morceau  que  nous  impriwons  ,  sur  one  cnpic 
de  sa  main,  iffVe  peut-Hi e  encore  plus  de  bizarrerie  ;  mais 
nous  au'ons  pease  que  la  reputation  de  Vauieiir  et  sa  dcstinee 
politique,ajouteroientquelqii'interct a  celuique  les  t-crs  pcuvent 
d'ailleurs  inspiier  comme  essaide  sapremiere  jeunesscy  dansun 
genre  qui  exigc  bien  plus  de  gout  et  d' elegance. 

Cent  fols  je  me  suis  dit  :   6  si  jamfiis  le  sort  , 
Au  gre  de  mes  souhaits,  me  clioisissoit  un  port  ! 
Je  le  ^oudrois  ici.  Ma  blanche  maisonnette 
Regardf^roit  Bu«sy,  Chalon  ,   Moncoy,  la  Fretle. 
Cliarmante  seulement  par  sa  simplicite  ; 
J'y  logerois  les  moevirs  ,  I'amour,  la  liberty. 
La  nature  ,  les  avis  ,  dan*  cetle  solitude  , 
Seroient  mes  goiits  cheris  et  ma  plus  douce  ^tude. 
O  quel  rare  plaisir,  alors  que  dans  I'ete  , 
Vers  le  milieu  du  jour,  Fair  brule  dilat(^  , 
Secouru  de  Biuliin  ,  de  Linne  ,  de  Barrere  ,  (i) 
D'6parpiiler  au  frais  ma  moisson  priutanniSre  } 
Dechoisir,  d'elaguer  ,  par  des  soins  amoureux  , 
Les  ramoaux  d'une  plante  et  ses  appas  fibrenx  , 
Et  d'un  doigt  delicat  ,  au  papier  didactique  , 

(i)  Natiiralistefrancais  ,  auleur.de  la  France  Ec[uiaoxiale> 
et  d'uuc  Histoire  dcs  oiscaux. 


Ch''on.^-sur-Mnrne  ,  Po'we  t65 

D'oteiidre  et  inavier  leur  forme  analomii^ue! 
I.e  Velar  dea  chanteurs  ,  le  soucliet  parfumc'  , 
Et  la  Menthe  gtrsde,  el  le  Trefle  embaum^, 
Chacun  ,  pour  se  ranger  dans  sa  verle  faraillr, 
Auroit  quitle  Vordsmie  ou  le  bois  ds  Cri/ziile. 
Des  trcaors  dc  la  terre  ,  aiasi  rechanliiloa 
TapLseroit  sans  frais  mon  riant  pavilltni. 
Sans  le  secours  du  luxe  fft  de  sa  main  couteus*  , 
Mes  pinceaui  orneroient  la  SparjulJe  frilleu**. 
Seulement,  pour  donner  aus  cadras  d#s  Umbiis  , 
line  forme  diverse  ,  et  meme  un  peu  de  prix  , 
Des  vieui  jours  de  Chaion  ,  vappelant  la  memoire  , 
J'j  Toudrciis  r«cueillir  »a  plui  antiqje  Lislcire. 
Ici,  Turne,  la  lampe,  ou  I'arme  des  Gaulois  , 
Mapprendroifnt  et  leur  culle ,  et  leuri  moeuvs ,  et  leura  lois» 
Plus  loin ,  quclque  penate  ,  ouvrage  sans  scie^c-  , 
Me  montreroil  quels  dieux  se  lit  Ic'ur  ignorajjcc. 
Je  saurais  qu'A  Cbalon,  et  pr^s  de  Mtnnecy, 
Mercure  eut  des  autels  et  Cjth6ree  ausoi. 
Mes  sludieux  amis  ,  des  muses  soiiiaiies 
y  fiend voient  comme  moi  st  rendre  IriLutairef  , 
Soit  qii'il  fallut  d'Elise  ,  aux  ciis  ncirs  ,  aui  yeui  pers  , 
Resserrer  les  appas  en  un  ijrique  reri, 
Ou  soit  que  d'une  aubade  ,  i  la  blonde  Angelique  , 
II  fallut  preparer  le  tribut  harmonique. 

Tel.t  parurent,  tels  sent  ,  lelis  brilleront  vos  goiits, 
Chalonois  :    ces  plaisirs  sont  cheris  parmi  tous  , 
Une  fete  ,  un  hymen,  qutlque  douce  aventure  , 
De  vos  vers  chaque  jour  remplisscut  la  mesurv?. 
An  midi  de  la  France,  aux  confins  montueux 
Qu'arrosent  vingt  torrens  et  I'Aude  tortueui  , 
Tel  ,  doue  comme  vous  d\m  petulant  genie  , 
Tout  im  peuple  poete  ,  armc  de  I'ironie  , 
A  force  de  chansons  ,  de  lyriques  tr^vaux  , 
Terrasse  la  sottise  et  combat  ie$  rivaux. 

Loin  de  moi  ces  climats  oi\  de  sa  main  doree  ^ 


«66  Tocsle. 

Plutus  forme  awx  Fran9ais  une  ame  hypti  boree. 
Des  remparts  lyonnais  me  preservent  les  dieux  f 
Le  multiple  Bareme  ,  A;  olion  de  ces  lieux  , 

Y  bouche  les  es;  rits  deson  livre  bizarre  , 

Et  d'un  fraia  jouvenceau  compose  an  vieil  arare, 
Contraiat  par  son  talent  ,  si  quelque  jeune  e«prit 

Y  goiite  de  Boileau  le  poeilque  ecrit  , 
Plutus  le  desherite  ;   et  grace  k  ranatherae  , 
Lr  ginie  est  un  yice  ,  et  la  rime  un  blaspheme. 


L  E  T  T  B-  E 

Alix  Redacteurs  cLll  Magasin  Eacijdopddique, 

■p 

-L  ERMETTEz-Moi,  Cito}'ens ,  c!e  rcclair.er  coutre  !a 

fbiUe  d'impres'?ion  la  plus  etrange.  Je  la  trouve  dans 

la  Fragment  dii  poeme  de  la  Nature  ,  insere   dans 

votre  dernier  numero.  Je  dis  ,  en  parlant  de  Voltaire  : 

Degoute  des  rois,  et  retire  enfin  dans  sa  maison  de 

rampagne,  comme  dans  un  port,  apres  les  orages  da 

ia  vie  la  plusagitee^ 

Enfin  il  guide  au  port  une  orageuse    vie  , 

ce  qui  a  un  sens  clair  et  poetique.  Au  lieu  de  cela ,  oa 
a  imprlm^ : 

Enfin  il  guide  au  port  d'une  orageuse  vie  , 
ce  qui  offre  un  non-sens ,  ou  un  &Qn&  ridicule  et  inex» 
})licable. 

On  s'est  aussi  trompe  dans  la  note,  sur  ce  vers : 

Cornelic  a  vole  dansses  bras  genereux. 
C'est  le  nom   que   Voltaire  donnoit    lui  -  meme  a 
M.iie  Corneille  ^  lorsque  je  le  soicmai^  ay  nojji  d# 


Lftlre  I.e.  n?-:n.  _  267 

la  ;  loire,  comire  I'n  ti\^s-blen  dii  Pa'issot,  dedonner 
lui  as'le  ft  dcs  secuurs  au  saiij;  du  grand  Coiiieilit;  : 
cc  flit  la  jeiine  Mademoi-elle  Conieille  (jue  ]^-  lui 
envoyai,et  non  JMadanic  Conu\'llo  ,  comuiti  \ous 
riiiipriniez.  Elie  11'  iii  excite  an  un  infi'rot. 

La  note  snr  le  Moiidain  et  rAnti-Mondaiu  u'cst 
pas   lion  plus  ce  f{a'elle  dev;  oil  etre. 
Salut  et  frateniitL' , 

Le  Brun. 

P.  S.  J'ajouteqne,  dans  raon  Eclielle  des  eires  5 
qui  termine  ce  fragment ,  il  failoit  iuiprimer : 

Tel    aux  regards  perraas  ce   I'aigle   vigilarite- 

et  non  pas  ,  'let  au,  regard percant  ;  pour  corres- 
pondre  aux  regards  du  soifil  ct  aux  regards  dts 
Die  ax. 

J'ajoate  aussi  nn'anivs  ce  vers: 

II  a  touL  expie  puiscfu'il  fait  des  Iicuveux; 

vers  qui  deiv^ande  grace  pour  Voltaire,  parce  qu'ure 
J)onn'^  arlion  repare  biea  des  ouvrages  indiscrels ,  il 
faPoit  un  aliuca  bien  niarqut^  ,  et  ne  pas  I'unir  aujc 
vers  : 
Aiusi  (juaud  de  ^'eiius  !es  flammes  sunt  iteiiUei  ,   etc. 


SPECTACLES. 

THEATRE    DE    LA    RUE    FEYDEAtJ. 

Trenilere   representation    de   Pis  on  ,  ^tragedle 
en  cinq  actes, 

Jl  isoN  ,  Iragedie  en  cinq  actes,  donnee  pour  la 
premivTe  fois  le  i3  prairial ,  a  eu  pen  de  succes. 
L'tUiteur  est  le  citoyen  Petilot,  que  I'on  dit  tres-jeune  , 
dont  cette  piece  est  le  debut,  et  que  Pirreusile  d'uu 
premier  outrage  ne  doit  point  decourager  ;  en  effet  , 
le  public  ,  toujoi^rs  juste  ,  et  les  amis  des  arts  ont 
remarque  au  milieu  des  dcfauts  de  cette  tragedie  , 
quelques  parties  de  talent  sur  lesqueiies  on  pent  fon- 
der des    esperances. 

On  sait  qu'une  tragedie  ,  intitu](^e  Epicharis  j  con- 
tinue d'avoir  sur  le  theatre  de  la  B.epublique  le  succes 
qu'elle  obtint  dans  sa  nouveaute.  Comme  le  sujet 
d'Eplcharls  a  des  rapports  avec  celui  de  Pison  y 
I'auteur  da  la  premiere  a  declare  dans  les  journaux  , 
que  la  piece  du  citoyen  Petitot  a  efe  coraposee  et  finie 
dans  le  meme  temps  que  I'autre.  Ce  tdmoignage  , 
rendu  par  le  citoj^en  Lc'^gouve  a  son  jeune  concurrent, 
est  interessant  a  rappeler  ,  parce  qu'il  est  un  exemple 
de  Pemulation  fraternelle  qui  aniiiae  les  hommes  de 
lettres  dipnes  de  ce  nom. 

On  connoit  cette  conspiration  de  Pison  contre 
N^ron  ,  conspiration  si  terrible  ,  dit  Tacite  ,  mais 
qui  ^choua.  C'est  le  sujet  de  la  tragedie  de  Pison. 

Voici,  en  apercu  g^^neral  ,  le  fonds  de  cette  piece ^ 


Pis  on  ,  trc^([^g.  2?Jg 

dontlo  pinna  trop  pen  de  m^lhode  et  d'ensemhje  , 
pour  (jn'on  puisse  TexposTT  dans  ses  details  avec 
regular  itc. 

Qiielques- iins  des  personnages  ititeres>ans  que 
fournit  Phistoire  ,  se  retrouvent  dans  !a  Liag.'die,  tels 
que  la  veiiuHuse  Octavie,  le  porte  Lucain,  el  le  philoso- 
phe  S^iieque.  P  fson  et  Lucain  sont  a  la  tf'te  des  con- 
jures, parini  le>quels  s\'toient  jeles  a  Pen vi,  s^naleurs, 
chevaliers  ,  soldats,  des  femmes  iiieme,  et  par  haine 
pour  le  prince,  et  par  interet  pour  Piion.  Dans  la 
tragef^die,  c'est  par  a?nour  pour  la  patrie  que  Lucain 
conspire  ;  et  il  j  joue  le  role  que  Tacite  donne  a 
Lat^ranus  ,  consul  d^signe  ,  et  Tun  des  conjures. 
Lucain  veut  associer  S(^neque  a  la  gloire  de  ses 
projets  ,  tandis  que  les  autrps  conjures  demandent 
Senequelui-memepoursecoiide  victi  1  e.  Maiscomme 
N^ron,  qui  avoit  ropudie  Octavis  ,  vient  de  la  rap- 
peler,  ebparoit  ainsi  c^dcr  au  repentir,  S6ieque  , 
qui  juge  les  moeurs  de  Rome  trop  contraires  a  I'esprit 
de  I'ancienne  republique ,  et  qui  foude  quelque  espoir 
sur  le  rappel  d'Octavie,  combat  I'exaltation  du  jeune 
Lucain,  et  refuse  de  partager  ses  desseins.  Cependant, 
lorsque  la  voix  publique  accuse  Neron  de  I'einbrase- 
ment  de  Rome,Seneque  enlre  enfin  dans  la  conspiration . 
Mais  elle  est  bienlot  decouv'erte  par  la  trabison  d'un 
affranchi  de  Scevinus,  et  Neron  consomme  ses  ven- 
geances par  la  morl  de  tous  les  conjures.  Sen^que  est 
du  nombre  de  ses  victlmes  ;  il  vient  mourir  sous  les 
jeux  nieme  de  Neron ,  et  L s  menaces  prophttiques 
de  ses  derni^-res  paroles  portent  un  moment  le  troubls 
dans  Tame  du  tyran. 


a-t)  Jheaiie  dc  la  me  Fty.icau, 

La  veil  (able  criliquo  c'prouve  une  secrete  repu- 
gnance, ime  peine  reoi'e  a  s'exercer  sur  le  premier 
ouvrage  crun  ):mnr:  talent,  taiil   un  debut,  meme 
inalheureux  ,  a  crinteret  par  lui-iiieine.  Mais  ,  a  son 
tour ,  le  vrai  talent  reclame  la  censure,  comme  une 
pi-v^uve  d'cstime  ;  et,  s'il  nous  est  pcrmis  d'enparler, 
I'iiiteret  de  Part  exige  tonjours  I'applicaijon  de  ses 
pvincipes  ,    dans  I'appreciatiou  d'lm  ouvrage  ,  cpiel 
qu'en  soit  I'auteur.  C'est  conformonient  a  ces  senti- 
mens  et  a  cette  verite,  que  nous  prenons  la  liberie^ 
de  presenter  quelques  observations  sur  c?{\e  tragedie. 
Les  conspirations  ont  toujours  iburni  beaucoup  de 
sujets  a  la  scene.  En  general,  comme  on  I'adit,  on 
s'interesse  au    succes    d'une  conspiration  ,    d^abord 
parce  que  c'est  une  conspiration.  Si  ,   dans  les  pre- 
r.Tiers  actes  de  Cinna,  on  s'interesse  conire  Auguste  a 
Cinua  et  a  Erailie,  assur^ment,  dans  une  conjuraiion 
centre  uu  monstre  tel  que  5^fcTon ,  les  conjurt  s  s'em- 
parent  hien  plus  fortement  de  tout  I'interct.  La  f^ro- 
cite  de  Neion  rend  pour  eu\-    plus  grand  encore  lo 
dauger  d'etre  decouverts.  Mais  si  I'on  doit  sans  cesse 
trembler  qu'ih  ne  le  soient,  il  nous  semble  qu'ils  n© 
cloivent  point  Petre,  lorsqu'il  n'j  a  point  de  specla- 
teiir  qui  n'ait  pris  dans  son  coeur  le  parti  du  motif  qui 
les  anime.  Brutus,  la  Mort  de  Cesar,  Romesauvec, 
ar.odeles  d('^s::sperans  dans  ce  genre  ,  autovisent  cctle 
opinion.  La  conspiration    de  Pison   ^cboue  dans  la 
tragedie  ,  ainsi  cue  dans  Piustoire,  On  sent  combieix 
ce  resultat  bislorique  contrarie  Pint^ret  dramatique  , 
sur-tout  lorsque ,  par  la  contexture  de  la  piece,  comme 
dans  la  tragedie  de  Pison  ^  les  conjures  sent  decouverts 


Vr.on  ,    tra;:e.i;(.  27 1 

des  la  fin  dii  qualrieme  a(  le ,  et  quele  cinquiomc  arte 
etilier  prcsenle  le  triomplie  du  tjran  et  I'exercicesan- 
glant  de  sa  vengeance.  Anssi  le  public  a-t-il  liau- 
tement  manifesleson  mtcontentemenl. 

A  c©  vice  da  su jet ,  plus  sen^i'le  encore  par  un 
manque  d'arl  dans  la  coudnite  de  I'aclion  ,  s'en  joitil 
un  autre  plus  dominant ,  parce  qu'jl  suit  le  cours  da 
tout  Pouvrage  :  c'est  le  caractere  de  Neron. 

S'il  a  fallu  tout  Tart  de  Racine  pour  presenter  avec 
fuccesei  vcrile  ce  monstre  naissant,  dans  la  tragedie 
de  Britaimicus,  comment  espdrer  de  faire  supporter 
le  spectacle  de  cet  etre  feroce  ,  hideux  des  crimes  qu'il 
a  commis ,  des  crimes  qu'il  commei; ,  des  crimes  qu'il 
mMite?  "Nous  le  disons  avec  regret  :  la  tragedie  da 
Pison  n'oflre  point  ces  conceptions  faites  pour 
produire  I'effet  dont  parle  Boileau  ,  et  que  I'admirabiQ 
llacine  a  si  bien  realise  : 

II  n'est  point  de  serpent ,  ni  de  monstre  odicux  , 
^ui ,  par  Part  imit^- ,  ne  pulsse  plaire  aux  yeux. 

Mais  si  I'auteur  n'a  point  eu  Tart  de  rem^- 
dier  a  ces  deux  vices  de  sou  sujet  ,  il  a  su  du 
moins  profiter  des  moyens  qu'il  lui  offroit  dans  des 
personnages  int'ressans  par  leur  caraclere  ,  tels 
qu'Octavie  ,  Lucaiu  et  Seneque.  La  verite  historique 
se  retrouve  daus  le  role  de  la  malbeureuse  et  sensible 
Octavie.  Lucaina  I'exaltation  de  son  age  et  de  sou 
lal'ut  ;  SL'ueque  a  la  raison  d'une  longue  experience 
et  le  calme  d'ua  esprit  pliiiosopbique.  C'est  peindre 
les  mocurs  avec  vtlrit.'-  :  el  Tauteur  a  joint  a  oe  merits 
#elui  de  uietlre  en  cQutra;l3  ces  deux  personnages, 


cy*  Spectiu'es. 

dans  UKe  scene  bien  liee  a  Paction  ,  I^ien  dialosuee  , 
bien  condiiite  ,  on  Ton  a  remai\]ue  de  la  suite 
d  ins  les  idees  _,  de  la  noblesse  et  de  la  pnrok''  dans  la 
diction  ,  delafermelc  et  de  iV^isance  dans  la  tonniure 
des  vers.  Octavie  n'a  point  paru  altacbre  assez  ba])i- 
leinent  a  Taciion  ;  et  ea  |j,eneral,  c'est  ce  inanque 
d'liabilete  dans  I'oidonnance  de  la  piece  ,  qui  a  nni 
parti-ulieremcnt  au  succes  de  cette  tragcdie.  Mais 
I'anteur  a  mis  quolqnefois  dans  la  bourlie  de  celle 
ineme  Octavie  des  vers  int^ressans  par  le  sentiment  et 
le  xiaturel. 

Les  observalions  que  nous  venons  de  lasardcr, 
coniiiinent  i'opinion  que  nous  avons  d'abord  enoncee 
qu'il  est  dans  cette  tragedie  quelques  parties  de  ta- 
lent snr  lesqnelles  on  pent  fonder  des  esperances. 
C'est  dans  cette  persuasion  que  nous  osons  prendre  la 
liberte  de  faire  aussi  quelques  remarqucs  sur  la  ma- 
niere  dont  la  piece  a  paru  ecrite  et  versifi6e. 

Tons  les  jours  on  entend  dans  la  society  des 
liommes  de  lettres  vieillis  dans  I'e  tude  de  Tart  d'^ciire, 
se  plaiadre  et  s'^tonner  a-la-fois  de  cette  s^curite  , 
en  effet  etrange  ,  avec  laquelle  on  basarde  au 
grand  jour  des  ouvrages  dont  le  genre  e:>ige  I'el^- 
gance  et  le  cbarme  d'une  diction  harmonieuse  et 
pure  5  et  dans  lesquels  I'examen  le  raoins  seve- 
re trouve  trop  souvent  la  langue  violee  ^  et  les 
principes  du  stjle  absolument  mcconnus.  Nous  n'a_ 
vons  point  le  droit  d'^noncer  aussi  bautement  cetle 
opinion  ,  mais  nous  sommes  forces  d'en  rCs^onnoitre 
la  v6rit^.  Heureusement  elle  est  loin  d'etre  entic' 
rement  applicable  k  la  trag(^die  de  -Pison,  Le  me- 

rite 


Pis  on  ,  tragedie.,  278 

rite  de  diction  que  nous  avons  cru  pouvoir  remar- 
quer  dans  la  sc^ne  doiit  nous  avons  parl^  ,  entre 
I.upain  et  Sen^que  ,  autorise  h  penser  qi:e  I'auteur 
en  a  le  talent  ,  et  en  sent  la  mcessit^.  Cependant 
il  nous  semble  avoir  oubli^  Tun  el  T  ulre  dans  deux 
morceaux  adaiiraules  dans  Tacite  ,  «.t  que  I'auteur 
de  Pison  a  du  ,  par  cela  nieme ,  soigner  plus  par- 
ticulierement.  C'est  le  discours  de  Stne([ue  a  N^- 
ron  ,  lorsqu'il  lui  demande  k  se  retJrer  de  la  cour ; 
c'est  ensuite  le  tableau  de  i'incen  Je  de  Rome.  Mais, 
6i  nous  osons  le  dire  ,  le  stjle ,  dans  ces  deux  mor- 
ceaux est  sans  couleur  et  sans  efFet ;  la  versifica- 
tion en  est  f'aible  et  commune.  Ce  dernier  defaut 
se  fait  c^ussi  trop  senlir  dans  le  cours  d^  tout  I'ou- 
vrage.  On  ne  sauroit  trop  r^p^ter  ce  que  V^oitaire 
se  plaisoit  a  nous  redire  :  Cest.  ici  que  Voa  volt 
la  necessite  ab^oLus  de  faire  de  beaux  vers  , 
c^est-di-dire  ^  d'etre  eloquent  de  cette  eloquence 
pro  pre  au  caracthre  da  personn,age  et  ci  la  si^ 
tuation  j  de  n' avoir  que  des  Idees  jusLes  et  na^ 
turelles  y-  de  ne  passe  permettre  un  mot  vlcleux^ 
une  construction  obscure  J,  une  syllabe  rude ;  de 
ckanner  Vorellle  et  f  esprit  par  une  elegance  con- 
/^Via^.  Ilfaut  convenir  qu'ilest  excessivemeut  difficile 
de  remplir  ces  conaitious.  C'est  une  raison  de  plus 
de  nous  les  rappeler  sans  cesse. 


Totne  U, 


THEATRE    DE   LA   REPUBLIQUE. 

Premltre    represenration  de    Tartuffe  niro* 

LUTIONKAIRE  J  OU  La  SUITE  DE  l'ImpOSTEUR* 

JL  ARTUFFE  REvoLUTiojMNATRE,  coTTK^^dJe  en  trois 
actes  et  en  vers ,  jou^e  pour  la  premiere  fois  le  21 
prairlal ,  n'a  point  eu  de  succes.  Celte  piece  est  du 
citoxeii  Lemercier. 

L'auteu  de  c  tte  comddie  est  Jeune  enrore  ,  il 
ne  se  decouragera  point  sans  doule.  11  faut  qu'^il 
ne  regarde  son  ouvrnge  qxie  comme  iin  troisieme 
essai  qu'un  autre  plus  heureux  pourra  suivre.  II  a 
d^ja  donne  au  theatre  una  tragedie  intitul^e  Met^a- 
gre  ,  et  un  drame  en  vers ,  intitule  Lovelace.  II 
avoit,  dit-on,  seize  ans  lorsqu'il  fit  MeLiagre  ,  jou6 
il  y  a  dix  ans.  C'etoit  annoncer  un  ialent  bien  pr(^- 
core.  Loi^elace  _,  quoique  cet  outrage  n'ait  point 
reussi ,  a  prouv^  des  progres ,  et  son  Tartuffe  re- 
volutionnaire  5  malgrc  I'echec  qu'il  vient  d'essuyer, 
annonceassez  de  dispositions  pour  que  le  C.  Lemer- 
cier  puisse  se  flatter  d'obtenir  un  jour  des  succes  dans 
cette  carriere. 

Cette  piece  n'est  point  du  tout  la  suite  de  P//71- 
posteur ,  comme  le  PkUinte  ,  de  Fabre  d'Eglan-. 
line  ,  est  la  suite  du  Mysantkrope.  Le  Tartuffe  r^- 
Volutionnaire  n'est  veritablement  que  la  parodie  du 
Tartuffe  de  Moliere.  C'est  le  meme  plan  ,  ce  sont 
les  m^mes  motifs  de  scenes,  ce  sont  les  meraes  si- 
tuations. Que  n'est-ce  aussi  le  nieine  style  ?  Seule^ 
jnent ,  au-lieu  de  tromper  sa  dupe  par  le  nwjsqua 


LeTartuJfe  re'rolntionnaire.  tyS 

da  la  devotion ,  Tartuflfe  la  trompe  par  le  ma<;r|ua 
du  patriotis  ve.  C'est ,  si  vous  vouh-z  ,  une  imita- 
tion modeste  et  foibl'.?  du  c  Lef-d'ceuvre  de  la  scene 
Comiqup,  mais  ce  n*en  u'est  point  la  suite  orgueilleuse. 
On  ne  doit  done  pas  accuser  I'amour-proore  de 
I'auteur  ,  d'une  erreur  qui  a  pu  nuire  a  son  succes. 
Le  sujet  que  le  citoyen  Leinercier  a  voulu  trai- 
ler,  exige  un  esprit  plus  mur ,  un  oLservateur  plus 
exerc6  j  et  le  talent  du  stjle  qui ,  a  ce  qu'il  pa- 
Toit  ,  n'est  plus  assez  un  objet  d'ctude  pour  quel- 
ques  jeunes  ecrivains.  Cependant  il  seroit  injustede 
Xie  pas  reconnoitre  dans  I'idee  et  la  composition  de 
cet  ouvrage,  de  I'esprit,  dt^  la  faci'ite ,  et  quelques 
intentions  comiques.  Par  exemple  ,  l*auteur  a  pa- 
rodie  d'une  maniere  assez  plaisanfe,  une  parlie  de 
la  scene  admirable  ou  Orgon  se  cache  sous  la  table. 
Bans  la  parodie  ,  il  se  carhe  dans  une  armoir© 
sur  laquelle  on  vient  poser  les  scelles  ,  mais  ii  en 
sortau  moment  ou  Tartuffe  va  les  Lriser  ,  pour  s'em- 
parer  des  efTets  au  porteur  que  Tarraoire  renferme* 
Ce  mojen  de  d^sabuser  Orgon ,  est  gai  et  thealral* 
Mais  Id  scene  en  elle-meme  est  dc'pourvue  de  ce 
bel  eiise.nble ,  de  cette  unite  de  but ,  et  de  ces  pre- 
parations habiles  qui  contribuent  a  faire  de  h  scene 
de  Moliiire  un  clief-d'oeuvre  inimitable.  La  seconde 
repr(^sentc)tion  de  cette  piece  a  eu  n-.oins  de  defa- 
veiir  ,  et  on  a  rendu  justice  a  ce  que  I'ouvrage  pent 
offrir  de  louable  ^  soit  comme  parodie,  soit  comire 
ex]  ression  de  quelques  v6rites  politlques  que  I'indi- 
goation  commune  a  deja  popular.sjes. 


S  a 


'  LITTRATURE     A.RABE. 

T^otiCE  sur  La  (,'le  et  les  ollv rages  du  Hharyry. 

Abou-Mohhammed  el  Qacem  ben-A'ly-ben-Moli- 
liammed-ben-0'feman  ,  suruomrad  H  Hkarijiy  (  le 
Hliarjrien,  parce  qu'ilhabiloit  ifAarj!/-^  pelit  bourg 
de  Perse,  naquit  a  Bassorah,  I'aii  de  I'begire  446 
(  1054  de  I'ere  vulgaire  )  ,  et  inourut  en  5r5  (  1121  )  , 
sous  le  regne  de  Mostarclied ,  vlngt-iieuvieme  kbaljfe 
Abbacjde  ;  on  I'a  surnomme  aiissi  aL  Baffry  (  le 
Bassoryen  ),  a  cause  du  lieu  de  sa  naissance.  II  est 
celebre  parmiles  Arabes  ,  sous  le  nom  du  Hhar^ry  , 
pardes  discours  acad(^miques  ,  qui  passent  encore  au- 
Jourd'bui  pour  des  chefs-d'oeuvre  d'eloquence.  Ces 
discours,  nommes  en  arabe  nieq&mat  (i)  (  mot  qui 
correspond  aux  Lieux  c&mmuns  de  nos  ilieteurs  )  , 
sent  d'lm  style  tres-recLerche  et  enlremele  de  vers, 
li'auteur  se  flatte  lui-meme  ,  dans  sa  preface,  d'avoir 
perfectionn6  Part  de  bien  dure  ,  et  6puise  toutes  les 
richesses  et  les  graces  de  la  lajigue  arabe ,  tant6t/?oar 
falre  coaler  les  Larmes  de  ses  auditeurs  ^  et  tantot 
pour  eueUler  le  rire  sur  leurslhvres.  Ces  discours , 
qui  sont  au  nombre  de  cinquanle ,  roulent  sur  diffe- 
rens  sujets  de  morale  ,  et  quelquefois  sur  des  sujets 
erotiques,  converts  d'un  voile  si  ingenieuseraent  tissu, 
qu'on  ne  sauroit  le  penetrer  sans  elre  profonuement 
,yers6  dans  la  langue  arabe. 

(i)    Ce    mot  revient  a  notre  expression    stance    acade» 


Notice  stir  la  vie  el  Ic^  ouvrngcs  du  Hharyry.      2-jj 
Void  1 'anecdote  a  laquelle  on  attribue  la  composi- 
tion des  meqdniats y  dont  un  au!re  auteur  arabe  lui 
avoit  donn^  I'exeniple. 

Le  Hharyry  allolt  souvent  s'asseoir  dans  le  temple 
des  Hharamjlres.  Un  jour  il  vit  entrer  un  vieillard  , 
convert  de  lambeanx,  dont  I'exterieur  annoncoit  la 
misere,  mais  qui  g'expriiroit  avec  Elegance.  Bien- 
totil  est  entoure  de  curieux  3  on  lui  deraande  quelle 
est  sa  patrie  ?  —  Seroudje  ,  repond-il  :  son  nom  ? 
—Abou  Zeld J  etc.  Les  a\  entures  de  ce  vieillard  en- 
flamment  I'imagination  du  Hharvrj  ,  qui  entreprend 
aussitot  de  les  orner  des  charmes  de  ['eloquence  et  de 
la  popsie.  Cette  piece  ,  qui  forme  le  quarante-huiti^me 
meqamehj  parvint  jusqu'au  visir  du  khaljfe  ,  il  la 
trouva  digne  d'etre  mise  sous  lesyeux'de  son  maitre. 
iLe  monarque  en  fut  si  content,  qu''il  accorda  des  re- 
compenses al'auteur,  pour  continuer  de  cultiver  ce 
genre  delittt?ralure. 

,  Les  quarante  premiers  di^cours  furent  composes 
h.  Bassorali.Le  Hfearjrjlesporia  avec  lui  aBayhdal, 
et  les  montra  a  plusieurs  savans  de  cette  vil(e  j  ceu.x- 
ci  nierent  qu'il  en  fut  lauteur '  et  les  aflribuoient 
a  un  Africain  c(^l^bre  par  son  Eloquence.  Le  gou- 
verneur  de  la'ville  le  fit  appeler  an  dyv/m  ,  et  luf 
demanda  quelle  ^toit  sa  profession.  Je  cullive  les 
lettres,  rep'ond  t-il  ;  eh  bien  ,  compose-nous  a  I'ins- 
tant  quelque  morccau  d'imagination.  Le  Hharvrj 
prend  un  c'alame  et  du  papier  ,  et  se  retire  daiiS 
un  coin  du  djvan  ,  ma's  le  Tres-Haut  ne  lui  ins- 
pire rien  5  il  se  leve  et  se  retire  tout  confus.  Plu- 
sieurs beaux-esprits  qui  avoient   jele  des  doules  sur 

S  3 


27 S  Litterature  arahe. 

ses  talens  ,  ne  manquerent  pas  de  le  plaisantrr  stir 
sa  deconvenue.  Celui-ci  leur  repondit  en  publiant 
des  meqamats  plus  ^loquens    encore  que    les  pre- 

cedens. 

Get  ouvrage  I'exposa  a  d'autres  d^sagremens.  Les 
dcvots  Musulmans  crurent  y  voir  le  dessein  impie 
de  prouver  qu'il  ^toit  possible  d'ecrire  avec  une 
Elegance  egale  a  celle  qui  distingue  le  Koran  ,  et  il 
y  a  toute  apparence  qu'ils  ne  se  trompoient  guere. 
Quoi  qu'il  en  soit  ,  comme  les  devots  de  tous  les 
temps  et  de  tous  les  pajs  sont  des  ennemig  dange- 
reux  ,  Pauteur  crut  devoir  se  justifier  et  s'attacha  , 
dans  la  preface  de  ses  meqamats  ,  a  repousser  une 
pareille  imputation, 

Le  Hharjry  etoit  d'une  petite  faille  et  d'une  fi- 
gure desagr(5able  )  ce  qui  Texposoit  a  de  frequens 
parcasmes  de  la  part  des  Arabes ,  qui  attachent 
beaucoup  d'importance  aux  avantages  exte'rieurs  ; 
il  se  contentoit  de  leur  repondre  :  Vhomme  n'est 
homme  que  par  ies  deux  plus  petltes  parlies  de 
son  Indlvidu^  par  sa  tangue  et  par  son  coeur, 

C'est  toujours  cet  Abou  Zeid  ,  el  Suroudgi  qui  est 
le  heros  de  ces  meqamats.  C'est  une  espece  d'a- 
venlurier  ,  de  Ousman  d'Alfarache  ,  un  vrai  Pi- 
caro  ,  dont  le  metier  est  de  vivre  aux  d^pens  de 
qui  il  appartiendra  ,  et  dont  les  tours  d'adre?se  sont 
quelquefois  plaisang  et  toujours  varies.  On  en  jugera 
par  cette  piece.  L.  L  a  n  g  l  e  g. 


r 


SEANCE    A    RAMLfl. 

Quarante-cLnq Lii^me  mecanie  d^Hliaryry. 
El-Harith-ben-Hemma3I  dit  : 

Depuis  que  j'ai  eiitendu  dire  a  des  gons  sages  et 
ex'perimt'ntes ,  que  les  voja^^^e^i  6toient  le  miroir  des 
merveilles  ,  je  n'ai  jamais  cesse  de  traverser  les  de- 
serts et  d'affronter  les  lieux  les  plus  perilleiix  ,  pour 
cherclier  a  voir  des  choses  rares  et  extraordinaires. 
Ma  curiosite  a  (^te  sou  vent  satisfaite  ;  mais  parrai 
ce  qui  m'a  le  plus  frappc  dans  mes  courses,  je  me 
rappelle  toujours  avec  une  nouvelle  satisfaction  ,  ce 
qui  arriva  au  Cadi  de  Kamle  ,  dans  le  tems  quft 
i'etois  cliez  lui.  Ce  Cadi  etoit  un  honirae  riche  et 
puissant,  dont  les  verfus  honoroient  le  siege  qu'il 
occupoit.  Un  jour  il  se  presenta  a  son  tribunal  uii 
vieillard  couvert  de  haillons,  avec  une  femme  qui 
pnroissoit  fraicbe  et  belle  ,  sous  des  vetemens  qui 
annonroient  aussi  la  misere.  Le  vieillard  alloit  com- 
nienceva  parler  et  a  dire  sesraisons,  lorsque  la  jeune 
personne  ,  qui  I'accompagnoit,  Ten  empeclia,  et  reje- 
tant  derri^re  son  epaule  le  voile  qui  couvroit  son 
visage  ,  elle  dit    d'un  ton  ferme   et  hardi  : 

«  O  toi ,  Cadi  de  Raml6  ,  qui  sais  dispenser  d'uue 
y  main  Equitable  les  graces  et  les  chatimens ! 

«  Mets  des  bornes  a  la  coiiduite  in  juste  d'un  cpoux 
■»  qui  jdepuisque  jeJui  appartiens,  n'afait  qa'un  seul 
»  et  unique  p^lerinage. 

"  El  je  ne  me  plaindrois  point  encore,  si,apres 
>•  avoir  legalement  rempli  le  preceple  ,  il   eut  fait 

de  U'nij>s   a  autre  les  visiles  de  surerogatioa  quq 

S  4 


2 So  Litter nfure  arahe. 

3)  recommande  le  docteur  Elbi  Jousouf,  dans  sei 
y>  commentaires  sur  ce  devoir  religi  'uy. 

»  Mais ,  loin  de  la  ,  il  a  toujours  ppfsev^r*^  dans 
»  son  cruel  s--st>'me  d'indiff  rence  ,  qnoiqi.'il  n'ait 
M  jamais  eu  a  ine  rejDrocher  aucun  manque  d'egard  , 
»  ni   de  complaisance. 

«  Ordonnc-Uii  done,  seigneur,  ou  de  me  donner 
»  des  preuves  d'un  amour  conjugal,  ou  bien  depro- 
5)  noncer  un  divorce  eternel. 

»  Aulrement,  jo  ne  n'ponds  point  que ,  sourde  a 
y>  la  voix  de  I'bonneur,  je  ne  parcoure  une  carriere 
))  ignominieuse  ». 

Le  Cadi  se  tournanl  vers  le  vieillard  ,  kii  dit  :  a  Tu 
»  en  tends  les  plaintes  c{\\e  ton  ^]-.ouse  forme  conJre 
»  toi  ,  e{  les  menaces  qu'elle  te  fait.  C'est  a  toi  a 
»  decider  maintenant,  si  tu  veux  remplir  envers  elle 
M  les  devoirs  que  te  prescrit  la  lo;  ,  ou  bien  courir 
»  le  risnne  d'etre   deshonore  ». 

Le  Clieikh  s'assit  alors  sur  ses  geiioux,  et  il  rcpondit , 
avec  une  eloquence  oui  surprit : 

a  Cadi  equitable  ,  prete  I'oreille  a  ma  justification  , 
»  et  ne  juge  pas  ma  conduite  envers  mon  epouse  , 
»  anssi  coupable  qu'eile  pent  te  le  paroitre. 

»  Si  je  m'eloigiie  de  son  lit  ,  ce  n'est  point  cer^ 
y>  tainement,  et  Dieu  en  est  tcmoin  ,  ni  par  raepris 
»  pour  elle,  ni  par  qu.^lque  attacliement  [criminel 
»  do:it  mon  cceur  soil  epris, 

»  N*en  accuse  que  le  sort ,  le  sort  cruel ,  don  I  les 
M  rigueurs  ne  cessent  de  s'appesantir  sur  moi,  apies 
»  m'avoir  enleve  tout  ce  cjue  je  possedois. 

j»  Ma  maison  est  aussi  depourvue  des  choses  les 


Mccame   d'^Hh-^ry.  281 

5)  phis  iK^ccssalros  ,  que  Ic  con  de  ceHe  belle  est  cIl- 
»  pourvu    des    onienieiis  qui  devoient  le  parer. 

»  !C.or--qiie  la  fortune  me  rioit,  aucua  Arabe  de  la 
>)  tribu  de  Ben  el  Uzre,  n'a  mieux  contiu  que  inoi 
ji  raniour  et  ses  lois  j  mais  dansl'etat  oii  je  me  frouvo  , 
5»  je  m'6loIgne  des  femmes  ,  autant  que  pent  le  laiic; 
«  un  anacliorete  chaste  ot  pieux ,  qui  craint  la  scdwc- 
3)  tion. 

»  Non ,  ce  n'cst  point  par  aversion  quf  je  me 
>)  prive  de  cu'.tiver  mon  clianip.  Je  crains  seulement 
^  les  epin3s  qui  pourroient  y  naitre. 

«  Ne  condanuie  done  pas  un  l:omme  qui  se  trouve 
ji  dans  unc  situation  si  deplorable  ;  jettc3  plulot  sur 
»  lui  un  regard  favorable ,  et  daigne  e\cuser  les  pa- 
3)  roles  indiscrefes  qu'une  legitime  defense  Pa  mis 
3'  dans  le  cas  de  prononcer  », 

A  ce  discours,  qui  parut  faire  impression  sur  I'es- 
prit  du  Cadi ,  la  femme  s'e  hauffa ,  et  S9  di>posa  a 
le  confoudre.  Que  la  mort  me  delivre  de  toi ,  lui 
dit-elle  ,  imbecillj  vieillard  ,  qui  n'es  bon  ni  a  ma 
procurer  d'iieureux  jours,  ni  a  me  faire  passer d'a- 
greables  units!  Quoil  ce  sont  les  enfansqui  t'eiTiaientl 
et  ne  sais-tu  pas  que  la  Providence  pend  soin  d.^ 
tout  ce  qui  existe.  Ta  mefiance  ,  ta  pusillanimite , 
criminelles  aux  yeux  deDieu  et  aux  yeux  des  homme?, 
prouvent  assez  la  demence  et  mes  malheurs.  Maudit 
soil  le  jour  oii  je  me  decidai  a  te  donner  la  main ! 
«  Femme,  Femme,  reprit  le  Cadi,  un  pen  de 
»  moderation.  Ta  cause  me  paroit  juste  ,  et  tu  la  de- 
»  fends  avec  tant  de  force  et  d'energie ,  que  si  l'<^- 
»  k)quente    Klausa  venoit  disputcr  a\ec  toi  ,    lu  la 


«S2  L'tteralure  arahe. 

»  forcerois  an  silence  ;  rrais  si  ton  rpoux  n'a  dit  que 
»  la  "^rite  ,  et  s'il  n'est  pas  douteux  a  tes  yeiix  que 
»  son  indigence  soit  aiissi  graiide  qu'il  I'expose,  Iti 
>»  dois  un  peu  compatir  au  sort  d'un  homnie  qui 
»  a  deja  trop  d'embarras  a  ponrvoir  a  ses  besoins  > 
»  pour  penser  aux  plaisirs  que  tu  exigi^s  de  lui  «.    ] 

Elle  ne  rejiliqua  point ,  et  se  mit  a  fixer  la  terre 
avec  un  air  tioub'e  et  des  jeux  enflamm('s  ,  qui  sem- 
bloient  annoncer  que  des  reflexions  dlionneur  et  de 
pudicite  alloient  acliever  sa  defaite.  Le  vieillard  se 
tourna  vers  elle,  et  lui  dit:  »  Pese  biea  la  reponse 
»  qi.e  tu  vas  fcu're  ,  ^t  prends  garde  de  traliir  la  ve- 
»  rit^,  ou  de  d;^guiser  ce  que  tu  sais  aussi  bien  que 
»  moi  »' 

«  H^Ias  !  h 'las  !  dit-elle  ,  en  poussant  im  profond 
»  g^misse'ment ,  que  nous  reste-t-il  a  dire  apres  une 
»  dispute  si  scandaleuse  ?  Est-ce  bien  a-present  quM 
s>  s'agit  de  taire  nos  secrets  ?  De  tes  levres  et  des 
»  miennes  il  n'est  sorti  que  des  paroles  de  verile  ; 
»  mais  en  ouvrant  la  bouche,  nous  nous  sommcs 
»  couverts  d'opprobreet  d'ignominie.  Et  plut  au  Ciel 
»  que  nous  fussions  devenus  muets  avant  d'arriver 
»  a  ce  tribunal  »  !  En  finissant  ces  mots,  elle  se  couvrit 
le  visage  de  son  voile  ,  pour  cacher  sa  confusion  , 
et  elle  S3  n^it  a  pleurer  si  amerement ,  que  le  Cadi 
ne  put  s'empecher  de  s'attendrir  et  d'accuser  la  for- 
tune d'injustice  envers  le  vieillard  et  sa  femme.  A 
I'instant  ,  il  se  fit  ap porter  un  paquet  de  deux  mille 
medins,  et  il  leur  dit,  en  le  leur  presenrant  avec  un 
air  plein  de  bont^  :  «  Acceptez ,  je  vous  prie  ,  le  don 
»  que  je  vous  fais  3  servez-vous  en  pour  vos  besoins 


i  et  pour  vos  plaisirs.  Tout  cc  qui  me  res\e  encore 
»  a  vous  lecominander  J  c'est  de  vivr-deciornna's  avec 
»  les  Vgards  mutuels  que  prescrlveni  les  iiceuds  c;ue 
»  vous  avei  formes  ». 

Le  Cheikh  et  son  epouse  temoigereut  an  C^idi 
leur  vive  reconnoissance  ,  et  ils  se  retirrreiit  avec 
une  apparence  de  paix  et  de  bonne  larmonia, 
qui  causa  a  son  cceut  sensible  et  genereux  ,  la  plus 
douce  satisfaction. 

Apres  qu'ils  furent  partis  ,  le  Cadi  commen^aa 
faire  I'eloge  de  leur  esprit  et  de  leur  eloquence,  et 
il  deraanda  a  I'assem'  K'e  ,  si  quelqu'un  i)ar  hav^ard 
ne   connoitroit  point  ces  deux  person nagc'^. 

Le  premier  hiiissier  du  tribunal  pril  la  pnrola 
et  dit  :  le  Cheikb  est  ce  fameux  Surou'lji  ,  dont  le 
genie  et  les  connolssanres  font  I'admiration  de 
lout  le  monde  ;  et  la  feinme  qui  raccompagnoit  , 
est  sa  legitime  epouse.  Mais  quant  au  proces  donh 
il  a  ete  question  entr'eux ,  je  gagerois  que  cVst  une 
ruse  du  Ciieikli  ,  et  un  de  ces  tours  qui  lui  sont 
familiars. 

Get  eclaircissement  piqua  vivementramour-propre 
dii  Cadi  J  et  mortifie  d'avoir  pu  donner  dans  le 
pif'ge ,  il  rerommanda  avec  bumeur  au  menie 
bomme  qui  soupcounoit  leur  bonne  foi  ,  de  les 
joijidre  et  de  les  lui  araener. 

Celul-ci  se  mit  en  devoir  d*executer  ses  ordres  , 
et  il  partit  avec  precipitation.  Quelque  temps  apres 
il  revient,  en  se  frappant  la  poitrine  ,  en  sigtie  du 
mau\ais  surces  de  ses  tentatives.  E!i  bien !  lui  dit  le 
Cadi,  fais-moi  part  de   tes  decouvertes  et  ne  raede- 


^S^  tilte'rature  arnhe, 

guise  rlen  ,  quelque  chose  ddsagreable  que  tu  aies  ^ 

m'ap  prendre. 

L'emissaire  r^pondit  :  Jaloux  de  reussir  dans  la 
commission  dont  vous  m'avez  charge  ,  j'ai  parcouru 
la  pkipart  des  rues  et  des  carrefours  de  la  ville  , 
jusqu'a  ce  qu*enfia  je  les  ai  atteints  ,  comme  ils 
oommencoient  deja  a  prendre  le  chemin  de  la  plains 
et  a  s'eloiguer  d'ici.  J'ai  mis  tout  en  usage  pour  les 
engager  a  retourner  ^  en  leur  faisant  de  votre  part 
'les  plus  belles  promessevS.  Mais  le  ruse  vieiliard  a 
touj  )urs6te  inebranlable^,  6t  il  m'a  fait  entendre  qu'il 
croyoit  plus  sage  de  se  contenter  de  ce  qu'il  avoit 
obtenu  et  de  renoncer  a  toutes  les  esperances  que  je 
lui  donnois.  Sa  femme  ne  pensoit  pas  de  m#me  ,  et 
elle  insistoit  pour  qu'il  prit  le  parti  de  se  rendre  a 
mes  invitations.  Lorsque  le  Cl-eikh  vit  son  obstina- 
tion  a  lui  donner  un  conseil  que  la  raison  et  la  pru- 
dence desaprouvoient  ,  il  la  saisit  par  le  has  de  sa 
tunique,  et  lui  dit  : 

«  Ma  cLere  amie  ,  ccoute  ce  petit  avis  ;  fa's-en 
ton  profit  ^et  ^vite-moi  de  plus    longs  commentaires. 

yi  Lorsque  tu  auras  enlev^  quelques  dattes  d'un  pal- 
mier ,  prononce  contre  lui  le  serment  du  triple 
divorce. 

»  Et  ne  sois  jamais  ten  tee  d'y  revenir  ,  quand 
meme  tu  saurois  que  le  proprietaire  I'auroit  livre 
a  la  discretion  des  passans. 

»  Un  filou  hal  ile  ne  doit  plus  se  montrer  dans  un 
lieu  oil  il  s*est  fait  connoitre  par  quelque  tour  de 
son  meiier. 

•»  Et  quant  a  toi  5  me  dit-il  5  en  m'adressant  la  pa-^ 


Micame  d' Hhnryry .  285 

role  5  je  suls  fach^  da  la  peine  que  tu  as  pris^  ; 
lu  peux  t'en  retouvnerdece  pas,et,si  tu  le  trouves 
a  propos  J  djs   de   ma  part   a  celui  qui  t'a  eiivove  : 

«  Ne  regrette  jamais  le  Lien  que  lu  as  fiiit.  Les 
hommes  cesseroieiit  de  t'en  tenir  c  ompte ,  et  le  C.el 
jie  repandroit   point  sur  toi  ses  bc'ii^dictions. 

»  Ne  t'ofTensepas  d'uiie  petite  ruse  qu'un  indigent 
emploie  pour  exciter  ta  piti^. 

»  Sa  situation  rend  excusable  les  mcnsonges  de  sa 
lan<;ue. 

«  Et  si  Ion  amour-propre  soufTre  de  s'etre  laiss6 
tromper .  souviens-toi  que  le  clairvoyant  Ciieikh- 
El-E':h-Arin   a  ete  iroinpe  avaiit  toi  ». 

Par  ma  foi,  dit  alors  le  Cadi,  on  ne  peut  rien 
dire  di  plus  consolant  et  deplus  adroit.  Pr.^nds  vite 
ces  deux  manteaux  et  cette  bourse  ;  taclie  de  les 
atteindre  ,  et  presenle  leur  de  ma  part  ce  uouveau 
don  ,  en  les  assurant  de  la  disposition  ou  jc  suis  de 
me  laisser  toujours  tromper  a  i'avenir  pari'tloquence 
des  gens  maliieureux. 

El-Haritl'-Ben-;  emman  ,  en  terminant  le  rdcit  de 
cette  avenlure  ,  avoue  que  dans  tout  le  cours  de  ses 
voyages',  il  n'a  rien  vu  de  plus  singulier  ,  et  que 
jamais  meme  il  n'en  a  entendu  ra.onter  de  sem- 
blable. 


Venture. 


LIVRES     DIVERS. 

BOTANIQUE. 

u^NNjLS  den  Botanlck ,  herausgebeti  von  Paulvs 
JjSTERi  j  sechtes  stuck  —  Ain>'ales  de  Bo- 
taiiit]ue  ,  r(^digees  par  Paul  Usteri  ,  sixieme 
partie  ,  1798  ,  in-S".  177    p. 

11  y  a  d(^ja  quelques  annees  que  cetle  collection 
de  M.  Usterl  se  continue  avec  un  succes  soutenu 
et  meritc.  Le  premier  article  de  ce  num^ro  est  aq- 
compagn6  d'uue  figure  du  jardin  botanique  de. 
Mantoue  ,  par  Dominique  Nocca.  L'abb^  Joseph 
Olivi  donne  ensuite  Tex  plication  du  ph^nomene  du 
xnouvement  progressif  d'une  conferve  infusoire  (  La 
nuztiere  verte  de  'Priestley  )  vers  la  lumiere.  M. 
Sennebier  y  insere  sa  theorie  sur  les  boutoiis  ^ 
fleurs  5  que  nous  avons  reproduitedans  ce  num6ro. 
liC  meme  Nocca  ,  d^ja  cite  ,  decrit  Irois  plantes 
nouvelles  du  jardin  de  Mantoue  ,  sous  'e  nom  de 
Salsota  hyssoplfoLia.  SoLanum  parvlfoiium  et 
■B.li>ina  brasULensLS.  On  Irouve  ensuite  une  disser- 
tation d'Alojsius  Gelmelti ,  sur  la  racine  appelee 
Vuli'airement  Calaguala  ^  et  sen  usage.  M.  Usieri 
lermine  ce  fascicule  par  une  notice  des  principaux 
ouvrages  sur  la  Botanique  ,  qui  out  paru  dans 
Tannee. 
ISfeue  Annalen  der  Botanlck  ^  herausgeben  von 

Dr.  Paulvs   TJstehi.  Zurlck  ,   1794.  In-8^  de 

157  pages  et  trois  planches. 

Celte  septieme  partie  des   annales  de  Botanique. 


Lhre!  diven.  287 

do  M.  Usferi  ,  paroit  sous  le  litre  do  Noiwettes  An^ 
nates  tie  Boianique  ^  premiere  partle.  Le  bui  de 
l';iii)eur  est  que  ceux  qui  n'oiit  pas  pu  ss  procti- 
rer  li-s  six  pren'ier^s  parti. -s  ,  et  qui  commenceut 
a  rel'e-ci  I'ac  ui^ition  de  ses  Auuales  ,  .Mient  cepen- 
danf  '!u  ouv  .T.e  complet.  Ce  fascicule  est  dedi6 
■  .]■  ,;  1  S.  .i  ii'hi/r.  Le  premier  memoire  offre  une 
;'\;lle  els';!  i.ition  d.'s  lichens,  par  C.  TT.  Per- 
soon.  Le  viluyen  Venleuat  ,  1  otaiiisle  fran  ais  ,  dis- 
iin,^ue  ,.  s'  n  ojvupe  depuis  long-temps  ;  il  sera 
c.urienx  de  comparer  les  deux  melhodes.  M.  Usleri 
in. prime  dans  ce  nuraerotou^  les  memoires  pu- 
!:<;>  dans  le  premier  voknne  des  actes  de  la  so- 
"  t '^  d'histoire  iiaturelle  de  Paris,  qui  traent  de 
ui  Bolauiquej  il  ter:iiine  par  un  evtrait  de'diffe- 
rens  onvrages  suv  cette  science  ,  et  par  la  notice  d'A. 
L.  Millin  ,  sur  Rcmi  Willemet  ,  botanisie  franrais , 
luort  dans  I'Inde  ou  il  alia  pour  faiie  des  reel. er- 
dies  d'liistoire  nature! !e.  Ce  fascicule  est  arcom- 
pague  de  trois  pla.iclies  representant  plusieurs  es- 
peces  nouvelles   de  lichens. 

H    I    s    T   o    I    R   E. 

VHisTOiREclc la  reuoLutlnn  deFran-ce^prec^d^e de 
f  expo s6 rapid e  des  administ rations  successlves 
quifont  delerniiaee.  Nouv.  ed  tion  ,  revue  ,  corri- 
gf'e  et  augmontee  ,  par  deux  Amis  de  !a  l;berte.6 
vol.  in-i6.  Prix  82  liv.,  el  franc  de  port ,  35.  Paris, 
Garnery,  1  Lraire  ,  rue  Serpente  ,  N^.  17.  1792. 

II  sera  long-tem- s  encore  difficile  d'^crire   I'Lis- 
loire  de  la  revolution  francaise  ;  mais  ,  jusqu'au  mo- 


s88  Livres  fivers. 

meat  ou  le  burin  d'un  Tacite  se  salsira  de  ces  m^- 
morables  dvenemens ,  il  sera  utile  de  ramasser  des 
faits.  CV si  I'avantage  que  presente  cet  ouvvage  ,  dont 
la  premiere  edition  a  eu  du  succes  ,  et  qiii  de  plus 
a  le  merite  de  lier  les  faits  entr'eux.  L'editeuv  I'a 
reimprime  dans  un  format  plus  commode  qui  le  rend 
portatif. 


Avis  aux  Sous  cri  pteur  s. 

Ceux  de  nos  Souscripteurs  dont  Pabonnement  n'a 
^te  fait  que  pour  les  six  premiers  numeros ,.  et  qui 
sont  dans  I'intention  de  le  renouveler,  sont  invites 
a  le  faire  avant  le  r5  messidor  procbain,  s'ils  desirent 
recevoir  chaque  nu;nero  a  mesure  qu'il  paroitra. 


LIVRES    DIVER^l 

ECONOMIE      RURALE. 

3iMioth^qu^  pkysicO'dconomlque  ,  instructive  et 
aitiusante.  Ann^e  1795 ,  vieux  siylj ,  ou  14.^"  anuee, 
conte/iant  des  niimoLres  j  observatluns-prati' 
Xjaes  sur  liiconomle  rurale  ;  les  nouvelles  ad'- 
couvertes  les  plus  InUres sanies  dans  les  arts 
uUtes  et  agreables  y  la  descnption  et  lajigure 
des  aouvelles  machin^es ^  des  Lastruniens  qa^ont 
peat  y  employer  d^aprhs  les  expidences  des 
auteurs  qui  les  ont  iniaginies  ;  des  rcceiics , 
pratiques  j  procedds  _,  mddicamens  noui/eaux 
externes  ou  internes  _,  qui  peui;ent  sennr  aux 
kumnies  et  aux  animaux  y  le  nioyen  d'aircter 
oude  prdi^enir  Les  a<:cidetis ^d'y  remidlcr  ,  de 
se garantir  des  fraudes  ;  de  nouvelle^  vues  ^r 
piusieurs  points  d'econotjue  doniestique  j  et  crt 
general  sur  tous  les  objeU  d^utlUte  et  d'agrc^ 
merit  datis  la  vie  civile  el  priu6e ,  etc. ,  etc. ;  re-^ 
cueillie  et  publi^e  par  les  citoyens  Parmentikb  ^ 
Deyeux  ;  a  vol.  in-ia ,  de  100  pages.  Prix ,  i5  liv, 
bioclie,  et  18  liv.  franc  de  port  par  la  poste  pour 
I6S  departemeiis  et  pour  les-pajs  loaquis.  A  Paris, 
eliez  P.  BcissoN,  libraire  ,  rue  Hautefeuille  , 
n.o  20. 

La  collection  complete  forme  22  volumes ,  avec  56 
planches  ou  I4annees  ,  qu'oo  peul  detacher  ;  les  20 
premiers  vohniK  s ,  qui  forineiit  1 5  anuses ,  sc  vendcat 
cliacun  6  liv.  Jiroclj^ ,  et  7  liv.  10  sols » franc  de  ]  ort. 
La  i4.«  ann^e,  qui  comprend  2  volumei^se  veud 
|5  (iv.  J  et  i8  liv.  franc  de  port. 


T  A  B  L  E 

Ves  Articles  contenus  dans  ce  Numiro* 


L  1  T  H  O  L  O  O  I  «.^  I 

tiidte  Je  la  dtscrifjtion  de  I'ime- 

■  iiude  ,  par  Dolowieu,  •  ag.  14.5 

MAMittALOOIK. 

Is Dtwelle  classification  dcs  rnam" 

tnijetes  ,  par  Cuvier  el  Geof- 

fiuj  ,  164 

JSWTOMOLOGIE. 

JVotice    siir    les   marmsciils   de 

L;on«t  ,  par  3.  Brex  ^  190 

Vhysiologie  vkgetalb. 

Siir    l'ii>vluUon   des    houtons    a 

Jletirs  ,  par  J.  Seunebier  ,199 

BOTANIQUZ. 

Sf^lantce  regni  napclitanif  autore 
iUoxn.  Cyrillo.  3o3 

ECONOHIE  KUHALE. 

Confitures    de   bales  d*  air  ell  e  , 

par  L.  Bosc  ,  204 

Q  to  G  V.  Kf  n  11.. 
Sur  la  tsrrt  de  Kei ^^ucicn  y   pa 
3.  Barfcie  ,  2o5 

HlSTOIRl    MODERNE. 

J-Jisioir£    de   la  guerre   d»   sept 

arisy  traduile  de  I'allemandj  de 

Sihiller,  211 

HiSTOlBl  LlTTtRAlRl. 

Oh'eri'ations  stir  la  notice   don 

nee  par  Oberlin  ,  de  la  chroni 

t^ue  d'Andlo  3  par  S.  h.       3a3 

T  YPOORAPHIl. 

Traduction    arabe   de    VaJresse 

Bu  peuplg  Jrarifais  ,  sortie  des 

presses  nation  ales  ,  2uS 

B106RAPHIK. 

Satire  sur  Florian  ,  a3o 

Stippltrnent  a  la  notice  sur  Bar- 

tbeleifay  ,  par  S.  C.  aSy 

NTTMISMATXQ.trE. 

Ohseri-ations  sur  un  gtan'd  nom- 
hre  de  7nt- dailies  de  Liciniiis  h 

jsune  f  par  Gourdin.  343 


Litt:6rature  Fran9ais2. 

Cclestine  j    oti    la    ticlime    def 

prcsat^es   ,      ronran    traduit  dt 

l' anglais  ,  par  la  cil.  IX,,      a55 

P    O    E    8    I    E. 

Fragment  d'ime  tiaduction  do 
I'epitre  de  Pope  au  dncta.  ■■  Ax-^ 
bulhnot.  Fortiait  d'Adi*t<ju  , 
par  Delill« ,  a6a 

Fragment  d'un\po'eme  nan  im- 

prime  y    irilitule    Chdlon-  sur" 

Marne,  par  Fabre  d'Eglimtine, 

264 

J^ettre  de  Lrbrun  avx  r^dactenrs    | 
du  .Magasin    encjclopediquc  ^ 

Spectacles. 

Pison  f  trag6diey  26S 

Le    Tartuff'e    rh'olutionnaire  ^ 

on    la  iuite     d<i    I' Imposteur   ■ 

comedie  ,  iy*  0 

Litter ATtTAE  arabs. 

Notice  sur  la  vie  ct  les  oui'rages 
tlu  Hhat3rTy  ,  parhan^H  276 

Seance  ii  Ramie  ,^  truduil*  par 
Venture ,  279 

LlVRE*-  BITERS. 

Boteni^ue. 
Annals  den  Botanick,  herausgc 
ben  von  PauIu»*Usteri^  jet/Kt/f* 
stuck  J  286 

Neue  annalen  der  Botanick,  la- 
rausgeben  vcn  Dr.  Paulus'Us- 
teii  f,  286 

Histoire. 

Histoire   de    2a     ret-'olutiQn    de 

Ftanpe  J    precede e  de  V expose 

rapide  des  adjninistrations  si^C" 

cessii^es  ^ui  I'onl  dettrmhice  , 

287 


Se    L'iNrRXMXRIS    £¥  MA0AZI9XirCTC]kei>i9XQVS. 


M  A  G  A  Z  I  N 

ENCYCLOPEDIOUE , 

JOURNAL  DES  SCIENCES, 

DES  LETTPvES    ft  DES   ARTS, 

RE    D   I    G    i 

Par   M  I L  L  I  N ,     N  o  E  L  et    W  a  21  e  N  5*  ^^ 

11  n')'  9.  pre»,quc  plui  d'ouviagcs  ptfrir><ji-';u€8  qui 
fcivent  <lc  depot  aux  inventions  uouvcI!c«  ec  qui 
retraccut  I'histoirc  tl«  Tesprit  liutnaia  ;  ccux  qui. 
oat  cours  scmblcnt  ,  pour  la  plupart  ,  eviicr  jvzc 
ȣfcctation  tout  cc  qui  peut  alimcatcr  le  gout  dia 
•cicaces  et  r.iemc  dc  la  morale.  Seroii-il  douc  indi- 
gne  dc  la  Coiiventioa  dc  s'occupcr  it  rcorganiscr 
cette  braachc  dc  rinstruciion  natioii-ile  ? 
CuiGoiRt  ,  Rapport  sur  les  encevra^tmcns  .,  recompenses  ■  ei 
ptnslens  r.  accorda  e«x  Suvans  ,  page    i6. 


V^  E  Jo'trnal ,  ar.quel  la  r.l',ip-ivt  Jes  hoinmes  qui  ont 
Ui\  Dom  r{i>-tifipr.6,  line  n^^piuailoii  justemeaK-^(fq.nise 
«la7is(|'jelqiic:  piirtie  des  aits  ou  nes  sciences _,  k'.'s  que  les 
citovens  ^itaoei^,''  Ca»axi«  5'CTjiur.  \F*r. ,  CrjENiFH, 
Daubexto??,  3>et.ilt;e,3^fsfoHtaisks,I)olomif.p, 

•FONTANES  ,  FoDRCPOr  ,  ilAUT  ,  i^KRJTAN  ,  LaCF.- 
P  KOK  ,  L  AOrx  >.  NCE  ,  LaTT  ARPi  ,  L  A  f,  AiN'D.*'  j  L.'>!51  AK  K, 
LaNGLF.S,  LaPI.Av;:-:  ,  LfERHN,  LfiROY  ,  I'Mep.itier, 
Mi:..TKr.LE,MoftF,LLLT^OBf:RLIN,  SlC AR  r  ,Su  '  RD, 

,YolCNEY,etc.  etc.  oontribuerout  ,  contiendra  I'extrait 

jS".  ViL    2ome  U. 


ftfs  principaux  ouYragea  natfonaux  ;  ofi  s'attacTier« 
siir  -  tout  a  en  donncr  iiiie  aiialj.se  exacte  ,  et  h.  la  faire 
paroitre  le  plus  promptement  possible  api  cs  leur  pu- 
blication. On  y  donnera  une  notice  d«s  meilleurs 
Merits  imprimis  chez  Pcliaiiger. 

On  y  ins6rera  les  ni^moires  les  ]»lus  int^ressana 
6iir  toules  les  parties  dcsartset  des  sciences  5  on  choi- 
sira  s:  r-lout  ceux  t^iii  serojit  piopres  ^  €u  accdldrar 
les  progr^s. 

On  y  publiera  ]es  d^couvertes  ingenleuses,  les  inven- 
tions miles  dans  tons  Irs  genres.  On  y  leiidra  comptc 
des  experiences  uouvelles,  de  la  lormalion  et  de  Pou- 
verture  des  Museums.  On  y  donnera  im  precis  de  ce> 
que  les  sc'^unces  des  societes  litteraires  auront  offert  de 
|jhis  interessant  ,  une  description  de  ce  que  les  depot* 
d'ubjeis  d'arts  et  des  sciences  reuiernient  do  plus 
curieux. 

Ou  y  trouvera  des  notices  siir  la  vie  et  les  ouvMg«s 
ties  Savans  ,  des  Lillerateurs  et  des  Artistes  distingu^s  > 
dont  on  aura  k  regretler  la  perte,  euiia  les  nouvelies 
litteraires  de  toute  espece. 

Ce  Journal  sera  c^mposd  desix  volumes  in-8''.  par 
an ,  de  600  pages  cbacun ,  et  au  tnoins  dei^  gravures 
©11  regard  des  articles  qui  en  exigeront.  II  paroiitra 
tous  les  quiuze  jours  un  num^ro  de  9  feuilles, 

Le  prix  de  I'abonnement  est  ^  raison  de  25  liv. 
ronr  truis  mois  ,  rendu  franc  de  port  par  toute  U 

ilepnbli(|ue. 

On  s'adre.sse  ,  pour  I'abonnement,  au  Bureau  du  | 
MngazinEncyclopedique ,  rue  Honor^,  N°.  94 ;  et  pour  | 
Jes  objels  re'atifs  k  la  redaction ,  aux  Redacteurs  ,  rut ' 
de  Provence,  N^.  48. 

II  faut  afTrancbir  les  lettres  ei  charger  celles  qui 
«OQtieuxieai  doe  ai^igQats. 

,1 

I 


PHYSIQUE. 

HYDROLOGIE. 


Memarques  sur  Les  cnnnolssances  physiques 
lies  aiicienSf  par  M.  Guillaume  Falccnsr ^ 
McdccLii ,  menibrs  de  la  SocLet^  royale  de 
JLondres  ,  traduUes  par  A.  M.  B.  Bo ulard  ( i ). 

ij  A  superiorit ''  des  modernes  sur  les  anr.!ens,dai.s 
la  plupart  d-^s  branciies  de  Ja  pliilosophienatnrelle, 
est  gentTaieaient  admise  coiT-.me  une  v^^rile  rfcon- 
nue  ,  et  elle  est  assurt  meiit  bie  i  o  dee,  N-'anmoins 
je  suis  porfi^  ^  croire  que  i'kr-orance  des  anc^ens 
a  6te  e.\a^eree  ,  et  qu  lis  ont  connu  ,  au  moins  co;}i  .,e 
fails  et  cjniine  sujels  d'observaliofi ,  pli'S.eurs  clo- 
ses qu'on  p  nseen  f'^.icral  qu'ils  o.»t  ignor^f-s.  M.  Du- 
tens  a  depluye  beaiicoup  de  sagacUe  et  dVrtidition 
sur  '-e  sujet  dans  ses  rec'erc-  es  tres-m^cnieusrsi-i/r 
Vongine  des  d^couuerles  attribueei-  uu.x  mode/-' 
nes  ;  je  deir.aude  aussi  qu'il  me  ^oit  jjerir.is 
d'_y   ajoiiter  seulemeut    uii   petit     ncniibi'e    de     fais 

(i)  Ces  remarques  sonl  tiree<*  du  prt-mler  volume  des  nse- 
Xnoires  de  la  societe  lilt«rair»  et  ibi  osophl^aed-^MaBchestpr, 
qui  o'.it  parn  k  L  mdres  ''U  178.1.  Celic  soci  te  lit.Jraire 
donnoit  des  enconratjemens  aux  it"unes  g  ■  5  qui,  quoiqu'i# 
n'en  fussent  }-as  mfmbies  ,  lui  iisoient  dvJ  hoa$  njurceaa^ 
»ur  la   lilterature.   Note  du  traduclcui . 

Tome  IL  X 


Sf)0  Hydro  login. 

qui   se  sont  prc'senles    en    lisant    cet  oiivrage    (i); 

i,°  Je  (Tois  qu'on  regarde  M.  Black  comme  ay  ant 
decouvert  le  premier  que  I'eau  qui  a  bouilli  gele 
plus  alsement  que  celle  qui  n'a  pas  subi  cette  op6- 
tation. 

Mais  Ics  anciens  savoici^t  que  Peau  qui  avoit  6t6 
Ciiauffee,  etoii:  devenue  par-la  plus  facile  a  con- 
■geler. 

Aristate  (2)  observe ,  u  que  Peau  se  glace  plus 
»  aisi-ment  lorsqu'elle  a  ete  cbauffee  auprravant,  et 
»  que  ce  fait  etoit  meine  connu  de  quelques  peu- 
»  pies  larbares,  siiu(^s  sur  les  ]:!ords  duPontEuxin, 
»  cul  faisoieut  usage  de  la  glare  corame  d'une  es- 
3)  pere  de  cimen!:  pour  leurs  buftes  ,  et  que  I'eau 
)i  qu'on  faisoit  geler  a  cet  cfPet  eloil  d'abord  cbauffee, 
»  afin  qu'elle  put  deveuir  plus  prompt .^ment  con- 
»  Crete  »  (3). 

(l)  II  est  aisc^  de  voir,  par  I'explicallon  qne  I'suteur  donne 
fle  que'qncs-iuis  des  pheiiomi^nes  dont  il  parle  ,  que  ce  me- 
moire  a  ete  composi  il  y  a  quelques  annees  (  1785  )  ;  cepen- 
daut  j'ai  cru  devoir  en  accc'-.ter  la  traduetion  qiu  nous  a  ^le 
offerte  par  le  ciioyen  Boulard  ,  parce  qu'il  contienl  uu  lap- 
prochement  de  faits  ptecieux  pour  riiistoiredes  connoissances 
physiques  des  anciens  ;  mais  }'ai  pense  qu'il  y  f^lloit  joindre 
quelques  notes  ,  pour  detruirc  les  erreurs  qui  s'y  trouvent ,  et 
qui  soHt  dues  au  temps  on  il  a  ete  fait,  epoque  k  laquelle 
la  doctrine  pneumatique  n'etoit  pas  aussi  generalement 
admise,  et  ou  la  revolution  cliimique  n'etoit  pas  encore 
totalement  operee.  A.  L.  M. 

(2)  Aristot.    Meteorolog.  L.  i.  Cap.    12.  p.   14.5. 

(3)  II  est  probable  que  c-s  peuples  faisoient  Louillir  kur 
cau  pour  la  prdparatiou  de  leur  cimen t  ,  par  une  autre  raisoa 


Connoissances  de^  anchns.  t^i 

PlineCO  P^ii'Ie  anssf ,  conime  d'utie  cIcVouvprfp  de 

Neroii  ,  de  I'operalioii  de  faire  bouillir  I'eau  «ji,'oq 

se  proposoitdc  faire  geler  ,  afia  d'accelerer  sa  con- 

creliQii. 

Ati.eiiee  (2}  remarque  cgalemont  r:ue  leshabitans 
d.^  Pile  C^mole  metloienl  dans  leurs  n^frigerans  de 
eau  qui  avoir  rte  t'chauffee  p.r  les  rajons  u  so- 
Itil,  et  qu'ds  faisoient  des  rr'-primandes  a  ceux  qui 
les  servoient,  si  I'eau  qn'il.  prenoient  pour  la  ron- 
verdr  en  glace,  n'avoit  pas  ete  cbaufli^e  aupaia- 
vani.  ^ 

On  trouve  dan^  le  sixieme  livre  et  dans  la  qua- 
trie.ne  section  des  Epidomiqnes  d'Hippocrates ,  un 
passage  qui  nie  paroit  avoir  quelq  ,e  rapport  a  ce 
^sujet,  quoique  jenemeflatte  pasde  T^claircir  snlie- 
xenient  (3). 

II  est  question,  dans'  ce  copsell  ,  de  la  preparation 
de  I'eau  qui  doit  etre  hue  par  le  malade  5  Hippo, 

que  ccIlerapport^eparAristote;  car  le  retour  d'une  saison 
moa.sr,sour*?use  auroii  fait  foudre  la  glace  et  emporte  le. 
Jiai  itauons  ,  et  le  froid  qui  r^gne  sur  les  bordsdu  Poat-Euxia 
(la  mer  Noive  )  n'est  ni  asse^  fort  ,  ni  assez  constant  pour 
n  avoir  point  a  craindre  un  parcll  retour :  on  doit  done  rm^^er 
ce  procede  au  nombre  des  fables  ;  mais  U  recit  d'Aristote 
prouve  toujours  son  opinion  sur  ce  sujet.  A  L.  M. 

CO  Plinc.  L.  3r.  cap.  3.  II  faut  lire  ainsi  dans  le  texte  an- 
gluis,  au  lieu  de  cap.  i3.  ,  le  livre  3i  de  Pline  ne  contient  que 
dix  chapilres  ;   c'cst  une  erreur  Ijpugrapliique.  A.  L.  M. 

(2)  Athenaei  lib.  3.  p.  t^S.  124.  Edit.  Casaubon. 

(3)  f^co^   x:p,^„fty    ri  y,iy  a;  ^i^^rtii   rov   ui^a  ,    to  c^e  ^, 

T  % 


,02-  Hydrologif.. 

crates  ordoniie  que  ce  soit  de  I'ean  qui  ait  boiiilli, 
el  qii'on  fasse  celto  operation  avec  de  I'eau  exposee 
fi  I'air  ,  et  partie  avec  de  I'eau  tenue  dans  un  vais- 
seau  ferm^  (i). 

Le  j)ut  du  premier  de  ces  preceptes  t'loit  de  faire 
l)ouil!ir  ou  de  chauffer  Teau  ,  et  le  but  du  second 
^toit  de  la  r-efroidir.  En  effet,,je  presume  qu'on  la 
faisoit  bouillir  pour  en  ciiasser  Fair  ,  et  qu'ensuile 
on  la  couvroit  pour  qu'elle  ne  put  pas  en  absorber 
de  nouveau  ,  ce  qui  auroit  retarde  son  refroidisse- 
mentj  suivant  la  tbeorie  moderne  (2). 

(t)  Quari<5  I'eau  a  Jjo^illi,  11  faut  avoir  soin  que  I'air  puisse 

enlrer  clans  le  ralsseau  ,    qua  k  vaisscau  ne  soit  pas  enti^re- 

mentpleia'^qti'il  ait  un  couvercle.   Hipocrates  ,  loco  citato, 

(3)  Loin  que  I'accis  de  Telr  soit  contrairc  a  la  congelation^ 

il  la  favorise  au    sootreire  ;  I'eau  bien  enfermee  ne  se  ge'e 

que  Ir^^-lenteuicnt  ,(3it  Fottrcroy  d.»ns  sachimie  ;  etd^s  qu'on 

debouchc  le  vaisseau   daos  lequel  elle   est  CQntenue  ,  elle  se 

g^'e  ]beaucou,p   plus  facUement  ,  quelquefois    dans    I'instant 

Meme   oa  clJe  reroit  le  contact  de  I'oir  ;  la  meme  chose  arrive 

dans  la    cristsllisation  <Jcs  sels  ;  ainsi  rbpini.>a     emise  par 

M.  Falconer^  n'est  nullement,  coihme  ill'gvaace  ,  conforme  a 

Jachimie  moderse  ,  elle  "lui  est  contraire.La  pesanleur  de  I'air 

opposapt  un  obs'.acle  a  la  diletation  de  i'eau  ,  doit  en  efFet  en 

apporter    rn  ^   sa   cono;c''ation   :   rien  ne  prouve     noh   plus 

tru'Hi[)pocral3S  recoDurande  de   faire  bouiUir  I'eau   que   ses 

.  inalades  devoient  baire  froi4e   pour  acceierer  sou  refroidisse- 

jneiit  -y    ne    devons-nous    pas   presumer    qu'il    etab'issoit    ce 

pxecepte  pour    obteisir   une  eai\    moius   dnre  et  plus    ,  ure. 

ll,es  clnmisles  et  les  mi^decioa  modernes   recommandent  ega- 

Jement  defaire  boui"Iii-l''".au  que  Ton  veul  boire  avec  securite , 

parce  que   rebullidon   lui   cal^ve  le   principe  odorant    desa- 

greable    qu'^l  e  peut  contenir,  et  fait  precipitex  vine  pailie  des 

ge'.s    calcaires.    Vojez  Ciiimie  de    Fottrcroy ,  T.  i.    pago 

^2A.  ^.  L.  M. 


Connoi^snnces  des  anrhns.  5^3 

Qnoi'qiie  Galien  n'explique  point  ce  passage  en- 
iK're.nent  (i)  de  la  meme  manierf  que  je  PaF  fait , 
il  p/nsc  qu'llippocrates  parle  de  f.ire  bouillir  I'eaJ 
qn'oii  doit  ])oire  ensuite  froide,  d'aulant  plus  qu'il 
lecommande  ce  qui  est  fiold,  dans  la  phr«s3  qui 
precede  inimediatcment  celle  dont  nous  nous  occu- 
pons.  Galien  e^piique  I'obscuriie  de  ce  passage,  en 
disant  que  cesouviages  d'Hippocrales  ne  furent  pas 
destines  a  etre  publit^s,  mais  qir'il  ne  les  t^crivit 
que  comme  des  notes  particulieres  pour  aider  sa 
memo  ire. 

Gahen  Ini-meme  connoissoit  tres  -  bien  cette 
propriet<^  de  I'eau  bouillie  ,  qui  consistc  k  re- 
Iroidir  plus  rapidement  et  h  un  plus  grand  d.^gre 
«  Lorsque,  di^l ,  nou.  voulons  domier  M'eau  le 
-  plus  grand  degie  de  Trold  qu'il  est  possible  d'ob- 
«  tenir,  nous  commen.:ons  par  la  chaufler ,  ensuite 
»  nous  entourons  de  neige  le  vaisseau  qui  la  contient  5 
»  ou  SI  nous  n'avons  pas  de  neige ,  nous  la  plarons 
»  dans  iin  puits  cu  sur  le  couPMnt  d'lme  source  ,•  et  sa 
»  tem])erature  se  change  plus  aisement  de  cette  ma- 
»  niere  ». 

Galien  atrribue  cet  efiet  a  la  rarefaction  que  IVnii 
a  eprouvee  auparavant;  mais  il  est  endent  qu'i!  se 
ti  ompe  a  cet  egard  ,  puisqu'apres  avoir  H('  refroid^e  , 
I'eau  est  aussi  condensee  qu'auparavant.  Peui-etre 
la  veritable  cause    de  ce  pucnomene  est  clle   celie 

(0  Cependant  Galien  paroh  penser  que  IVau  doit  boui'lir 
dans  un  valsseuu  decouvert  ,  e.  que  quand  elle  est  descei.due 
dansle  re-ngerant,  il  fauU'enL-rmer  de  mani^re  h  exclura 
t'^ttt  (ur.   Qaltn.  comm,  m  lib,  ^i  ,  g  4.  Epidcm.  rJippocr. 

T  3 


294  Hydrologie. 

qiron  en  donne  en  gtMieral ,  savoir  I'cxpnlsion  de 
l'a,ii"5  mais  comment  cette  expulsion  contribue-t-elle 
a  favoriser  le  refroidissement  ?  Cela  vienl-il  de  ce 
qu'aprts  (jiie  I'eau  a  rte  privee  d'une  portion  de 
son  air,  une  partie  de  ,-a  c.  alenr  lalente  est  sortie 
avec  lui  ,  et  I'a  rendue  ainsi  plus  susceptible  d'etre 
fticilement  refroidie  ?  Oj  1g  refroidissement  est  -  il 
plus  facile  5  a  cause  de  I'expulsion  de  Pair,  parce 
que  Fair ,  etant  uni  avec  I'eau  ,  et  devant  en  e.tre 
separe  lorsqu'elle  gele ,  ;)eut ,  par  son  attraction  aveo 
I'eau,  exiger  un  plus  grand  degre  de  froid  pour 
enetredega^'^,  quM  n'en  auroit  fallu  pour  geler  I'eau  , 
si  elle  n'avoit  pas  eu  a  vaincre  cette  attraction  (i)? 

II  faut  cependant  remar  uer  que  Galieji  dit ,  non 
seulemeiit  ,  que  I'eau  qu'on  a  fait  clsauller  est 
plus  aisee  a  geler  ,  mais  menie  qu'elle  prend  plus 
aisement  claque  degre  de  froid  inferieur ^  fait  qui 
meriteroit  d'etre  constate  par  des  experiences. 

2.°  Je  crois  que  le  fait  de  la  production  du  froid 
par  I'evaporation  des  fluides  (2)  ,  est  regardc  conime 
un^^  decouverte  moderne  ,  et  il  me  paroit  ponvoir 
I'etre  a  juste  titre.  Cependant  ,  il  semble  que,  qnoique 
ies    modernes    auteurs  de  cette   decouverte    I'aient 

(i)  Ce  phenomt'iie  est  probablement  dd  au  dt^gagement  de 
I'air  :  le  calorjqvie  que  I'eau  lic^uide  et  tr^'s-echaiiff'ee  coiuient 
en  exces,  se  dissi  ;e  plus  faci'emcnt,  et  le  rapprochement  des 
molecules  de  I'eau  se  fait  avec  plus  de  promptitude  et  de 
force.  A.  L.  M. 

(2")  Get  effet  depend  de  ce  qu'un  corps,  qui  de  solide  dcvieni 
flnide ,  abs.;rbe  plus  de  calcrique  qu'il  n^Gn  aroit  avaiji^ 
Cliimie  de  Fourcroy.  T.  i,  p.  i35.  A.  L.  M, 


Conho'issancc  dcs  andens.  2r5 

ignoi:c',  ce  fait  ^-toit  hes-connu  des  anciens ,  et  non 
seulement  des  Grecs ,  niciis  vrtrnc  des  Egyptlens. 
^  Athenee  dil  que  «  Pmtagorides  ,dans  sa  descrip- 
tion de  la  navigation  d'Antiocl-us  sur  le  Nil  on  sur 
TEuplirate  ,  rapporle  le  mojen  dont  on  se  servoit, 
dans  ce  pajs ,  ponr  r.-froidir  les  flnides ,  et  qui 
consisfoit  a  les  cbauffer  d'abord  en  les  exposant  aii 
soleil,  ensuile  k  les  passer,  et  a  les  mettre  dans 
dc&  vases  de  terre  ,  a  la  parfie  la  plus  elevee  ,  la 
plus  decouverte  et  la  plus  expos^e  du  baliraent  , 
pendant  que  deux  enfans  etoient  occupes ,  lonie  la 
nuit,  a  veiljer  a  ce  que  les  parois  exterieurs  des 
\-d&Qs  fussent  ton  jours  Immides.  lis  conservoient  en- 
suite  ce  degre  de  froid,en  convrant  ies  vases  avec 
do  la  paille.  Ce  procc^de  ,  dit-il,  refVoidi^soit  i'eau 
a  un  !el  point  ,  qu'ils  n'avoieut  pas  besoin  de  alaqe 
(I)  «. 

Galien  dc'crit  ainsi  le  moycn  dout  on  faisoife 
usage  a  Ale^andrie,  pour  relroiuir  I'cau  ;  Vers 
le  couclier  du  soleil  ,  on  jetoit  Teau  qu'on  avoit 
d'abord  chanffee  d.-uisdes  jarres  suspendues  Ci\.\x  par- 
ties les  plus  elevees  du  batiraent_,  avec  lesfenetres 
ouvtrles,  a  Poppositj  du  point  d'ou  le  vent  soutiloit. 
Avant  le  coucber  du  soleil ,  on  placoit  les  jarres  sur 
la  lerre  ,  on  en  mouilloit  les  parois  extt^rieurs,  et 
on  les  couvroit  de  feuilles  froides  ct  pleines  de  sues , 
telles  que  celles  de  la  laitue  ,  afin  que  I'eau  put  con- 
ser\er  le  degre  de  froid  qu'elie  avoit  acquis  par  cc 
proced(§  (2). 

(r)  Alhcn.  p.  124. 

(::)  Gulen.  Comm.  iulib.  6.  Ejnilora,  Ilippcc,    coram.  6. 

T  4 


«()6  Hydrologie. 

Le  moyen  dont  on  se  sert  actuellcment  tlans  les 
Iiides  orientales  pour  faire  de  ]a  glace  ,  ressemble 
a  beaiicoup  d'^gards  a  celui  dont  ii  vieut  d'etre  parle. 
Oil  creuse  des  {vsses  dans  des  plaines  vastcs  et  de- 
couvertes ,  aux  endroits  tivs-exposes  a  la  circulation  de 
I'air  ,  ct  ronstquer.mpijt  a  I'evaporation.  Ces  fosses 
sont  joTicli^s  de  roseaiix  ,  afin  d'admettre  la  circu- 
lation de  i'air  de  tons  les  cotes,  el  on  place  dcssus 
des  vases  de  terre  peu  profoiids,  remplis  d'eau  , 
et  dont  la  tCvture  est  si  poreuse  qu'elle  laisse  filtrer 
I'eau  a  travers,  de  maniere  aconserver  I'exter  eur  tou- 
jours  huii.ide  ,  et  produisent  par  consequent  le  frold 
par  tvaporatior!.  On  a  fait  anssi  houillir  ,  auparavant , 
I'eau  qui  sert  a  cet  usage.  II  n'est  pas  necessaire 
de  remarf[uer  combien  ce  procede^  ressemble  a  celui 
qui  a  ete  ci-devant  cite  ,  et  combien  il  est  vraiscm- 
blable  ,  d'apresl'i'rmutabilite  des  anciennes  n-.cx3urs, 
que  c'etoit  un  usage  d'une  antiquite  tres-re- 
culee  (i). 

3."  Queiques  autres  decouver'es  ,  telles  que  I'eva- 
poration  cle  I'eau  en  forme  d'air,  et  la  facilite  que 
la  C-  al  !i"  L't  I'ag.'ation  procurcnt  a  celte  Evapora- 
tion ,paro'ss-nt  n'avoir  pas  ete  incoimuesdes  ancicns, 
quoiq  e  1  urs  id'Vs,  a  cet  egard,  fusseut  fort  eloi- 
gnees  d'etre  claires. 

L'huraidite  ,  dit  Aristote  ,  qui  est  autour  de  la 
terre ,  etaiit  convertie  en  vapeurs  par  le  soleil ,  monte 

dans  I'atmospliere.  Lorsqu'elle  s'est  eleveCjla  cha- 

(l)  \oytz  I'exlraitdu  m^inoire  snr  la  maniere  dont  on  fait 
«Ttificieliement  de  la  glace  a  Benaris  ,  Magazin  JEiicj elope- 
ii<£ue  ,  torac  I ,  p.  i5i,  A.  L-  JJI. 


Connoissnnce  des  ancient.  297 

leiir  a  I'aicle  de  laqiu  lie  eile  y  est  pervenue  ,  quilte 
la  vapeur(ouconime  diroit  le  docteur  Black, deviant 
sensible),  et  ensuite  la  vapeiir  reprend  de  nouveaii 
de  la  consistance  et  quitte  sa  fonue  d'air  pour  rede- 
venir  de  I'eau  (i). 

«  La  raisoii ,  dit  Aristote  ,  pour  laquelle  la  rosee 
»  et  la  gelc'^e  blanclie  ne  prenuent  pas  une  forme  cou- 
»  Crete  dans  (\ci  situat'ons  ('■levees,  c'est  que  I'air 
M  y  est  tres-agite  ,  ce  qui  dissout  (2)  la  consistance 
»  de  I'eau  >-.  Ibid.   cap.  no. 

La  doctrine  de  la  chaleur  latente,  du  docteur 
Black',  ne  paroit  pas  avoir  el6  entierement  incomiue 
des  anciens. 

«  La  neige  J  dit  Arislote,  ne  pent  etre  formee 
»  sans  que  le  froid  doirine  ,  parce  qu'il  y  reste  encore 
y>  beaucoup  de  chaleur.  Car  une  nuee  ou  une  vapeur 
^'  contient  beaucoup  de  chaleur  qui  est  un  reste  de  ce 
»  feu  qui  a  absorbe  I'liumidite  de  la  lerre  ». 

Aristote  dit  ici,  que  1©  nuage  ou  la  vapeur  con- 
tenoit  encore  de  la  chaleur  ou  du  feu,  et  il  s'accorde 
i usque  la  avec  le  sjstene  du  docteur  Black  5  mais 
ce  (1(^1  ni,M-  a  deiouvert  que  ,  loisque  la  condensat  ou 
se  fait,  !a  chaleur  qui  etoit  cacliee  auparavaut  deviv-ni 
alcrs  seusibl    (3). 

(t)  Mcieorol.  1.  I.  c.  9. 

(2)  Og  ^ixX'ift  ry^v  THU'JTrjV  (ru^arty.  N.  H.  Le  mot  grec  iraf- 
«5-<,' signiiie 'la  consistance  ,  la  forme  solidede  ({uelque  chose  , 
dans  sa  signification  primitive,  et  il  est  souvcnt  applic[ue  k 
IVau.  Voyez  le  Lexique  de  Budee,  au  mot  s-j^ua-tg. 

(3)  Le  systeme  de  la  chaleur  latenic  ,  du  docteur  Black  ,  se 
rapproche  beaucoup  de  celui  du  cahr;i}ue  dy  Lavoisier  €t  de* 


29'^  -i^ylrologie. 

4.'^  Les  anriens  connoissoient  parfaitement  la  cause 
pour  lanuelle  I'air  efoil  plus  cliaucl  aupres  de  la  terre 
qu'a  cles  n'gions  plus  elevees.  Aristole  explique  ce 
pbeiiomene  par  la  reflexion  des  rayons  du  soldi  (i) 
de  dessus  la  suiface  de  la  terre ;  c'est  aussi  la 
ra  son  que  Seneque  (2)  en  donne.  Gependant  je  crois 
qu'ou  attriljTie  gen^ralement  celte  decouverte  _a 
Newton. 

5.0  Aristote  (3)  donne  une  cause  de  la  concretion 
soudaine  des  grains  de  grele,  a  laquelle  il  attribue 
avec  beaucoup  de  probabilite  leur  grosseur  :  cause 
que  je  n'ai  point  trouv^e  ailleurs,  et  qui  est  peut-e!re 
la  S3ule  veritable.  II  observe  cc  que  c'est  en  general 
daiis  un  temps  chaud  que  la  grele  lombe  en  plus 
grande  quantite  »  ;  et  c'est  a  ce'te  premiere  chaleur  , 
qiii  doit  avoir  affecfe  la  vapeur  et  !'eau"que  cel!e-ci 
contenoit,  qu'il  attribue  la  congelation  soudaine  de 
la  grele  ,  de  la  meaie  maniere  que  I'eau  ,  prealaJjle- 

clilmistes  pneumatistes  franoais.  Ces  deux  sjstemesfont  egale- 
ment  regarder  la  ohalear  oomme  une  matiere  existanle  par 
elle-meine  et  inherente  aux  corps  qyu'elle  pen^tre.  Ce  passage 
d'.ArlGtcte  nrouve  que  I'o^jinicn  de  regarder  la  chaleur  comrae 
un  corps  ,  n'est  pas  nouveJJe  ;  mais  il  y  a  loin  de  la  a  la  belle 
theorie  que  Black  et  sar-t-out  Lavoisier  en  ont  de- 
duite.    A.  L.  M. 

(l)   Meteor.  Lib.  I.  c.  13.      ' 

(2}  Quod  radii  soils  a  terra  resiliunt  ct  in  se  reciirntnli. 
Honim  duplicatio  proxima  quceque  a  terrls  caHJacit.  Quce 
ideo   plus  hah enl  t&poris  ,    quia  sohm  his  scutiimt. 

Senkca.   ISat.  qiicss^.  I.  4.  ^ecl.  8. 

(3)  Mc'LcoroTog.  dc  Giandine. 


Connoissnnre  des  nncien<;.  209 

inent  chauffee,  gele  plus  aiseraent  et  plus  promple- 
ment    i). 

6.'''  Pareillcraoiit  !e  fait  de  la  separation  de  Pair 
avec  I'eau  qui  se  trouve  relVoidie  par  cet  evcnement , 
lie  paroit  pas  avoir  ct(^  iiiconrui  dc-s  anciens.  Proija- 
blemenf  cV.-^t  la  cequ'enlendoit  Hippocrates,  lorsqu'il 
a  dit  «  que  Ics  parties  claires,  L  gores  ct  donees  de 
I'eau  s'evaporentflorsqu'elles  sp  gelent  »  :  opiuion 
qu'ii  I'aroit  qu'Aristote  lira  de  cette  source. 

Aulu^elle  (2)  explique  ce  passa.e  d'Ari^iote  , 
comine  si  I'air  etoit  comprise  ,  a':;si  qu'il  I'est  en 
elTet  ]-)ar  I'i^au ,  lorsque  celle-ci  devient  concrete  ;  et 
Macrobe  (3)  exprime  la  meme  chose  dans  des  termes 

(l)  Lcs  nrincipes  de  la  clihnic  pnenmalique  c  nt  fait  con- 
noitre  la  cause  de  la  formalion  de  la  grele.  E'Je  est  due  a  la 
recompositiori  de  I'eau  operee  par  la  combustion  iostantanGe 
du  gas  llydrog^ne  ct  de  I'air  vital,  occaaionnee  par  I'^tin- 
celle  electrique  ;  a  proportiou  que  cette  eaa  perd  de  son  ca- 
lorique  dans  les  differeutes  regions  ou  elle  passe  ,  elie  ap- 
proche  davantage  de  Telat  de  glace  et  elle  devic  :t  dc  la  neige 
ou  une  grele  plus  ou  moius  grosse  et  plus  ou  ruoins 
iorte.  A.  L.  M. 

{2),  Quoin'nm  cum  atjiia  /rif^orc-  aeris  chirnUir ,  cl  ccit  f 
iiecesse  est  fieri  evaporaiionem  ,  et  quamdam  quasi  aiirain 
tenuissiwam  exprimi  ex  ed  et  cmanare  :  id  autcm  ,  inquit  j  in 
ed    let'issiniiim  est  quod  evaporatiir. 

AuLUG.  Ge'l.  noct.  attic.  IX.  5. 

(3)  Omnis  aqua  y  inquit  ^  hahet  in  se  aeris  tchuissiini poi" 
iiuneni  ,  qua.  salutaris  est  :  hcbet  que  tericawjccxem  ^  qua  est 
corpulenta  post  terram.  Cum  ergo  aeiis  Jriooic  et  oelu  coacta 
calescity  necesse  est  post  cpaporolionem  iclul  cxprimi  ex  Hid 
iiuram  tenuissimam  j  qua  discedente  coni^cnial  in  coaguluin. 
Mackob.  Satura.  L.  Vll.  c.  iz. 


3oo  Hydrologie. 

plus  clalrs  et  plus  distincls,  et  ii  semble  dire  qn'il 
etoil  iiecessalre  que  I'eau  se  sepamt  d'avec  son  air*, 
poiir  qu'elle  se  'congelat. 

•7.0  On  s'est  souvent  imagine  que  le  fait  de  Peau 
qui  s'eleve  a  son  niveau  dans  les  tuyaux,  etoit  une 
dccouverte  raoderne  ;  mais  je  crois  qu'elle  avoit  ele 
faite  par  les  anciens ,  et  que  les  aqueducs  qu'ils  ont 
construits  a  si  grands  frais  pour  charier  Teau  ,  ri'ont 
pas  ete  construits,  parce  qu'ils  ignoroie  t  quo  des 
tuvaux  auroient  produit  le  meme  eiTet,  mais  parce 
qu'ils  etoient  persuades  que  I'eau  qui  coule  dans  des 
tuyaux  de  ploiib,  est  moins  saine  que  de  I'eau  qui 
passe  dans  un  canal  decouvert.  Palladius  prouve 
clairement  que  c'eto't  la  leur  motif  (i). 

Vltruve  e>prime  la  meme  cli05.e,  ouoique  en  Jes 
tcrmes  beau  oup  j-^lus  obs  urs  (2)  ;  et  Pline  domie  des 
preceptes  particuliersa  ce  sujel  (3). 

(1)  Si  cfuis  mojis  interjecius  occurrit  out  per  Jatera  ejus 
aqttam  ducemiis  ohlicjuam  ,  aut  ad  aquce  caput  speluncas  lihra- 
bimus  per  quariim  structurain  perveniat.  Sed  si  se  vallis  inter- 
serat ,  erecias  pilas  rel  arcus  usque  ad  aquce  justa  vestigia, 
construemus  ,  aut  pluinbeisj'islulis  clausam  dejici  patiemur  ct 
explicata  valle  consiir^ere.  Ultima  ratio  cst  j  ylumbiis  Jis- 
tuJis    ducere  j  quce  a./uas    iwxias  reddu'lL 

(2)  Vitruv.  I   8,  c.  7. 

(3)  L.  3i,  c.  6. 


M  I  N  E  B.  A  L  O  G  I  E. 

WoY,AGES  dans  tes  deux  Slcltes  et  qiieiqucs 
parties  de  L^Apenaln ,  par  L\ibbe  Lazare 
Spallanzani  y  proftsseur  d'Histoire  Nata- 
reUe  d  L'lJnwersUe  de  'Pavlc ,  ct  surintendanA 
duMusee  public  de  cette  v'die.  Tome  2.  Pavie 
1792.  De  riinprimerie  de  B.ithasar  Coinmini, 
in-o^.  avec  figures. 

X-iE  second  tome  de  I'excellent  oiivrage  du  c;'lebre 
Spal'anzani,  aiissi  int'resscint que  le  premier,  traile 
enSierement  des  iles  de  Lipari.  Ges  i!es,  au  no  nbre 
de  dix,  siluees  dans  li  moditerranee ,  entre  la  Sicile 
et  I'ltaiie  ,  portent  en-.ore  ies  nanis  de  yulcanios. 
et  JEoLice.  Leur  nature  volcanlque,  quoique  connue 
d.-s  anciens  ,  est  devenue  sealement  dtir.s  ces  der- 
niers  remps  I'objet  d.?s  observations  des  pUjsiciens  , 
sur-tour  d-  >  elles  de  M.  De.luc,  du  chevalier  Hamil- 
ton ,  pt  de  I):;odat  Do'ou-ileu  ;  mais  ,  outre  que  ces 
natnrali.-^tes  n'pnt  pa=5  porte  leur  examen  sur  loutes  , 
iiseu  out  encore'.n<Sg]!g^:  biendescirconstance.s.  Notre 
ac.teur  ^;'est  charge  d'eii  parler  d'u.'e  mauiere  ('ten- 
due  ,  et  en  donne  une  description  Iribs-fidele  daiis 
siv  rliapitres  que  ce  tome  renferme. 

Notre  auleur  ,  dans  le  dlxieme  chapitre  d  >  I'ou- 
vraie  ,  et  !e  premier  des  six  que  nous  annoiicoris  , 
pavle  du  Stroraboii.  Cette  ile  situce  a  3o  niilles  do 
Lipari  et  k  5o  de  la  Sicile,  a  une  figure  coiijue 
doui  la  base  ,  qui  s3  divide  en  dt^ax  ,  pr($seiite  une 


3os5  Minernlogie. 

circonf/rence  de  '^o  nillK^s  environ  ,  et  vers  le  milieu 
desa  lianteiir  ,  uu  voka^i  tre:>-r.'Connu  parses  erup- 
tions coiUinuelies  j  il    verse  de  ,^',rands  fleuves  d'o- 
deiir  sii!j)hiireus3,  et  lance  uue  grele  coniinuelle  de 
laves  .s;o;.g!'.. uses  de  difTv'r  ^isdiiaie.'res,  acconipaj^nee 
d'uii    bruit  ecl;ila,ni     '    I'uue    poussiere  tres-fiue  de 
scories  brunitres    i  rjugealrv-s  le-eres  ^  d'une  nature 
pTAsque  vitreusi^  ,  et  auxqu  lies  on  donne  le  nom  de 
ce.id'-  s.  Da  -s  les  plus  gra  ides  ('ruptions  ,on  voit  en 
Fair  pi  US  de  mille  morceaux  de  lave  ,  a  la  hauteur 
d'un   demi  mille  et  quelquefois  meme  d'un    iriille, 
coiiinie  TauleurTa  -'ppris  d  sinsulaires.  Les  moindres 
jets  de  piei  res  ns  vont  pas  au-dela  de  5o  pieds  ,  et 
sor.t  touiours  accompagn^s  de  fracas  propoi  tionnes. 
La  vive   luii.iere  qui  se  developpe  pendant   la  nuit 
au-dessus    do   volcaa  j    et     les    laves    emflaramees 
furme}it,reun)es  ,  des  ravons  divergens  lonibant   sur 
ie  penchant  dv^  a  monagne,  une  grele  deTeu  rou- 
lant  ,  repand  sur  le   sol    un    beau   jour    et   produit 
uii    sjiecta'Je  imposaiit    et   iiiajestueux. 

Spallanzani  rt^forme  I'erreur  du  chevalier  Ha- 
milton qui  ,  trompe  sans  dout '  par  I'tHoignement  , 
avoit  cru  que  le  cratere  du  Siromboli  estau  sommet 
de  la  monia-iie  ,  tandis  que,  d'apres  le  temoi^-^nage 
des  habitar.s  et  la  tradition  ,  il  resulte  que  ,  depuis 
plus  d'un  si^cle  ,  il  e>t  place  au  milieu  environ  de 
la  hauteur  de  la  montagne.  L'auteur  s'est  convaincu , 
enexaminant  le  volcan  de  pres  sur  la  montagne  meme, 
proche  du  cratere,  que  les  intermittences  des  erup- 
tions, regardees  par  des  vojageurs  comme  periodiques, 
eloient  raremenlde  trois  a  qualre  secondes,  et  devoient 


Voyage  de  Spallanz.ini.  o55 

j)ar  consequent  vire  considerc'es  coiiime  perp,'tnelles. 
Pour   bieu   examiner  ce    volcan  ,    notre   courageux 
-auteur  ne  n-.^gligea  aucune  occasion   et  de  jour  el  de 
iiuit.  II  youlut   vnrin   contempler   I'iutorieur  du  cva- 
ti-re  ,  pour  rcmarquer  les  plu^noinenes  cjui  s'offroient 
a   sa  vue.  Ajant  done    rencontre   une  pelile  grotte 
dans  une  roche  au-dv^ssus  du  cralere  ,  lequel  a  840 
pieds  de    circonft'rence  ,    il    se    confirma    dans    la 
premiere  idee    qu'il    s'eloit  formce  dct  son    peu  de 
proibndeur,  et  vit  que  les  parois    internes,  incrusfes 
en  quelqu'endrolt   de   subslances   de  couleur  jaune , 
probablement  de   sel    ammoniac   et   de    soufre  ,  se 
retriecissoient  en  descesidjut  en  forme  de  c ')ne  tronque 
€l  renverse.  Jusqu'a  une  certaine  hauteur  ,  Je  cralere 
est  rempli  d'une  mati^re  lic{uide  emflammee,  agitee 
seiisibleincnt  d'un  mouvement  intesfin    ct    trouble, 
pt  d'un  autre  mouvement  cuassant  en  haut  la  matiere 
liijuefiJe  de  laqucUe  s'elovoient  des   buDes  d'un  dla- 
me  re  de  plusieurs  pieds.  Lorsque  celles-ci  se  crevent 
vlhs  cbassent  les  laves  embrasnes  et  encore   serni- 
fUiidesquis'unissent  enti'elles  lorsquelles  se  heurlent 
a  peu  de  distance ,  et  se  brisent  au  moment  du   choc 
quand  elles  ont  perdu  leur  fluidity. 

D'apres  les  diverses  particularitc'^s  qu'offre  ce  vol- 
can ,  les  hahitans  du  Stromboli  predisent  les  varia- 
tions de  I'atmosphere.  Pendant  tout  le  temps  que 
notre  auteur  resta  dans  celte  ile  et  dans  I'EoIie , 
il  trouva  que  les  predictions  n'etoient  pas  tolalement 
aver^es.  Une  chose  digne  d'observation  ,  c'est  que  ce 
trajet  de  mer  oii  tombent  le^greles  du  Stomboli,  n'est 
piesque  jamais  rempli  dti  mat  ere  volcanique.   Les 


"^4  Mineralogic. 

liabltans  des  iles  Eollennes  crolcnt  que  la  mer  en 
ce  lieu  est  satis  fond  et  en  rendeut  raison  en  disant 
que  toutesles  laves  qui  j  tombenl  soiit  reportees  au 
cratere  par  des  routes  ignonx^s  ,  et  qu'il  se  fait  aussi 
iin  flux  continuel  de  laves  du  voican  a  la  mer  et 
de  la  mer  au  voican.  XJn  tel  plic' nomine  e xplique 
invec  tant  d'absurdite  par  les  insulaires  ,  s''  nlend 
aisement  par  les  soins  infaiigables  de  notre  natura- 
liste.  Les  laves  qui  tombent  en  grele  ,  sont  X\<gs,- 
spon^/ieuses  et  se  brojeiit  facilemeni  :  il  arrive  de-la 
c|u;^  plusieurs  d'elles  sont  reduites  en  poudre  avant 
d'arriver  a  la  mer,  et  que  d'autres  qui  y  tombent 
enfieres  ,  se  broveiit  aussi  par  le  choc  frequent  et 
alternatif  produ't  par  les  ondes  en  courroux  ,  le 
inouvement  des  eaux  t'tant  presque  toujours  imp^- 
tueux  dans  ce  bras  de  mer  qui  offre  une  profon- 
deur  de  plus  de  124  pieds.  Toutcs  les  scories  i 
ensuile  etaut  reduites  en  poussiere  ,  celle-ci  est  i 
tiansporteeailleurs  p>ar  la  violence  des  courant,  et  de  \ 
cette  maniere  ne  remplit  pas  cet  espace  de  mer, 

Les  productions  du  Slromboli ,  ob  et  du   chapitre 
XI.^  on  le  IIi*^  de  ce  tome  ,  se  reduisent  au  sable 
scories  ,  au  tuf ,  aux  pierres  ponces  et  au    fe 
L'ile  fournit  trois  especes   de  scories.    La  premiere 
especeest  tres-leLere,d'unecou[eur  entre  le  noir  et  le 
g:is,  et  offre  quelques peti is m.crceaux  recou verts d'un    ' 
vern's  vitreux.  Les  autres   espeCv<^s  en  general  sont 
coniposees  loar  la  plus  gra;nde  partie  d6  fi!s  vitreux    ; 
.s^mi-lranspaiviis.  Li  deux ie me  espece  de. scone  dont   ' 
se  forme  la  gre'e ,  quoique  pen  different?  delapre- 
Miiere  est  cependaat  trois  fois  plus  pesante  ,   sans    i 

fibres 


ler.  \ 

;hapitre  | 

)le  ,  aux  I 

er  poll,  I 


Voyage  de  Spallanzan'u  3o5 

fibres  ,et  ne  prcsente  que  de  tr^s-l^gers  signes  de  vitri- 
iicaiion.  E!le  est  tres-porense  ,  de  tex  ure  iiniforme  , 
d'uii.  grain  peu  fin  ,  de  cassure  irreguJiere  ,  de 
mediocre  dureti^  ,  peu  scintillante  avec  I'acier  ,  d'une 
odeur  un  ]  eu  terreuse  ,  et  attire  Taiguille  aiinai'lee  a 
la  distance  d'une  moitie  de  limine  ou  six  poi'its.  iCnfiti 
la  troisieme  especj  de  scorie  est  aussi  legere ,  ren- 
ferme  du  spatli  ;  elle  appartient  a  I'ancien  voican, 
et  so  trouve  a  peu  de  profondeur  de  i'ile  ,  sous  le 
sable.  Avant  de  terminer  ce  cbapitre  ;  I'auteur  rap- 
perte  quelques  experiences  faites  en  exposant  a  Pac- 
tion du  feu  des  fourneaux  divers  jaspes  et  porpljjies 
de  iieux  non  volcanises.  11  en  resulie,  1.°  que  la  base 
des  porphjres  ^gjp liens  n'est  certainement  pas  da 
jaspe  ,  mais  probablenient  de  la  pierre  calcaire  ; 
2.0  qu'en  coiifrontaiit  les  resultats  des  breches  por- 
p'ijriques  alterees  par  le  feu  volcanique ,  avec  ceux 
ahercs  par  le  feu  des  fourneaux  ,  les  premiers  out 
p^rJai  leur  premiere  forme  et  ont  6te  vitrifies  5  le 
feu  du  Slromboli  ne  les  allere  pas  au  point  de  les 
priver  totalemeat  de  leur  structure. 

Avant  d'abandonner  ce  qui  a  tra^t  a  I'hisfoire  du 
volcan  de  Stromboli  ,  I'auteur  rapporte  re  qii'en 
ont  ^crit  les  anciens  3  il  en  resulte  que  I'epoque  la 
plus  anclenne  ,  a  notre  conuoissance,  de  ses  incendies  , 
est  de  290  environ  ,  avant  I'ere  chretienne,  lors  du 
legned'Agathocle  ,  fameux  tyran  de  Syracuse  ;  puis' 
ensupposant,  faute  de  temoignages,  que  ce  volciuiait 
d^s  lepos  de  plusleurs  siecles  ,  on  prouved'ailleurs 
oue  ses  eruplions  non  interrompues  ne  s'elendent 
pas  au-dela  d'un  periode   de  200    aus.    Quant  aujc 

Tome  11,  Y 


5o^  Mineralogie. 

substances  qui  alimentent  uii  feu  apssi  continue!, 
*  Spallanzaniatlribue  cet  effet  a  I'iminense  quantite  de 
soufre,cle  pvrotes,de  fer  et  probableiiient  encore  an 
petiole,  qiioiqu'il  n'ait  pu  decouvrir  aucuu  indice  de 
cebituiiie. 

Le  douzieme  cliapltre  ou  lo  troisieme  de  ce  torae, 
offre  une  tres-coiirte  descriplion  de  Basiiuzzo  , 
Bollero ,  Lisca  Bianca  ,  Dattolo  ,  Panaria  ,  et  des  sa- 
lines qui  out  (§te  deja  soigneusement  examinees  par 
Deodat  D  lomieu.  Les  cinq  premieres  iles  sont 
au-dessous  de  Li  pari  et  de  Stromboli ,  et  quelques-unes 
sont   plutoi  des  rocliers  que  des  iles. 

Basiluzzo  ,  a  deux  mille  de  circonff^'rence  et 
est  peu  elevee  au-dessus  de  la  mer.  Sa  superficie 
est  seulement  sii.steptible  d'une  tres-petite  culture  , 
Tie  presentaut  qu'une  legere  couche  de  lave  d(^com- 
pos^^e  5  au-dessous  de  laquelle  on  decouvre  la  lave 
solide,  graniteuse  en  p'lusieurs  en  droits,  et  sembiable 
a  celles  dont  le  reste  de  Pile  est  fonr,e. 

Boltero  et  Lisca  Bianca  sont  deux  roc  hers  formes 
principalement  de  laves  decomposees  aulrefois  par 
des  vapeurs  arides  et  abondantes  de  sulfate  d'alu- 
niiue  ,  ou  jjien  d'alun.  Pres  de  ces  rocbers  I'auleur 
trouva  dans  la  mer  une  source  de  gas  bvdrogene  sul- 
furise  ou  d'air  h^patique ,  accompagn^  d'une  cbaude 
exbalaison  qui  faisoit  elever  le  mercure  dans  le 
tbermomclre  de  Reaumur,  a  ri8  d.  et  i  ,  la  tenip^ra- 
lin-e  de  I'atmospb&re  6\!int  a  20  d.  j  ,  ce  qui  de- 
jnontre  que  sous  ce  lieu  ,  qui  paroit  etre  une  conli- 
iiuation  du  rocber  de  Bolteio  ,  il  exisfe  toujours  des 
indices  de  feu. 


Voyage  de  Spallanianl.  3  )/ 

A  pcu  (le  distance  de  ces  deux  rozhers  on  en 
frouv^e  un  autre  nomme  Dallolo,  forme  aussi  de  laves 
encore  plus  decomposjes;  etplus  pr^s  de  Lipari  on 
voit,l'ile  de  Panaria,  coaiposee  de  granii  volcanisi  jCn 
partie  decompose  ,avec  une  cu-conf^'ence  de  plus  de 
8  milles,  et  une  petite  elevation  sur  !a  mcr.  D'apr^s 
I'exameLn  de  tous  ces  rochers  et  ilots  ,  not  re  auteui- 
se  range  de  Popiuion  de  Deodar  Dolomieu  ,  c'est- 
a-dire  ,  cpie  cliacun  d'eux  ne  doit  pas  son  04;- 
gine  a  un  vo'can  pariiculier  ,  mais  qu'ils  sont 
les  debris  d'une  ile  t;es-ancieniie  ,ea  partie  detruite, 
et  probablement  de  TEuoniinos  ,  la  septieme  des 
Eoliennes  ,  situ6e  selon  Strabon,  a  gnuc  le  en  aliant 
de  Lipari  en  Sicile,  oii  sont  actueJIement  lesilots  doiit 
nous  venons  de  parler. 

La  derniere  ile  que  nofre  auteur  examine  dans  ce 
cbapitre,est  celle  appelee  ancienuement  Gem^lla,  le 
aujourd'hui  Saline^  a  cause  du  sel  coinraun  pu  muriate 
de  sonde  que  Ton  e  tr.iit  dans  un  angle  de  la  plafie. 
Son  circuit  a  plus  de  5  lieues  ( i5  milles  )  son  e  tr^- 
mil^  se  tcrmine  en  trois  pointes  ,  et  ^st  formi'e  d'nn 
amas  de  laves  de  couches  distinctes  ,  provenant  de 
la  hauteur  de  ces  montagnes,ou  I'on  \oit  quelque 
vestige  de  cratere. 

Le  XIII«  c'  apitre  est  relatif  a  Vol'-ano.  Cette 
ilea  3  lieues  |  (  ir  milles  de  circonference  )  et  ren- 
ferme  ,  par  le  moven  d'une  Ian  .ue  de  lerre,  pro- 
duite  par  une  grande  erupt  on  volcanique  ,  un 
ilot  dont  le  sol  est  roug^.  El'e  a  la  figure  d'un 
triangle  scalene,  triangle  qui  a  deu  coles  inv''<.aux  , 
dont  les  deux    cotes   qui    s'enfoncent    dans    la   nier 

V  2, 


3o8  Miner  alogie. 

sont  composes  de  superficies  de  laves  haules  de  plu- 
sieurs  pieds ,  qui ,  brisees  paries  ondes,  forment  main* 
tenant  comme  une  muraille  verticale,  sur  laquelle  on 
distingue  des  couronnes  de  couleurs  ,   nuances    et 
pastes     differentes  ,    toules    cependant   pen    diffe- 
rentes    de    celles    des  autres   volcans ,    excepie   les 
deux  suivantes.  La  premiere  prtsente  dans  sa  super- 
ficie  un  vrai  ciment  tres-noir,  tres-brillant^  tout-a- 
fait  opaque  ,  aisement  friable,  et  cor.tenant  du  spath. 
Ce  ciment  offre    encore    des  bosses   pars;^mees   de 
festons  et  de  gros  fils  qui  sont  tous  dans  la  direc- 
tion de  la  montagnea  la  mer.  L'interieur  prtsente  une 
lave  grisatre  et  rougeatre  ,  apre  au  tact,  ierreuse  , 
d'odeur  argileuse ,  a  base  de  pierre  de  corne ,  et  du 
feldspath.  L'autre  espece  de  lave  se  trouve  sur  le 
lit  et  dans  I'eau  ,  en  forme  de  globes, avec  plusieurs 
proprietes  destufs  volcaniques;  mais,  a  la  diffi^rence 
de  ceux-ci,son  grain  approche  du   verre.  L'auleur 
attribue  la  molesse  de  cette  lave,  non  aux   acides 
sulfuriques    qui  n'j   existent  pas  ,    mais  au    refroi- 
dissement  subit  de  i'eau   lors  de  sa  fusion  ,   augu- 
rant  cela  des  scissures  qu'elle    manifeste   et  de  la 
friability  de  ses  parties.    Celle-ci   et  les  autres  laves 
paroissent  etre  des    productions  du  craterc  principal 
qui  est  eloign^  de  'a  mer  de  200  pas  environ,  Celui-ci 
est  rempli  de  terre ,  et  conserve  encore   la    forme 
d'un  cone  renverse  ,  d'une  profondeur  de  80  ]  ieds 
et  d'une  circonference  au  fond  de  70  picds  environ, 
et  aux  bordsjd'un  sixieme    de  mille.    Autour   du 
cratere   de  Volcanello  s'elevent  des  trriin^es   d'une 
fumee  blanche  5  etdesfentes  d'ou  elle  sort  on  voit 


Voyage  de  Spallanzam.  Sog 

de    temps  en  temrs,  pendant  la  nuit ,  sMlever  de 
petites  flainraes. 

Avant  de  visiter  le  principal  cratere  de  Vulcano  , 
Spallanzani  voulut  voir  la  grotte  existante  dans  cette 
lie  5  assez  celebre  a  cause  de  son  eau  thermale : 
son  fond  est  de  mediocre  grandeur  et  encrout6  d'alun, 
de  scl  ammoniac  et  de  soufre.  La  descente  est  in- 
commode, I'odeur  de  souffre  ,  la  cbaleur  de  I'air 
et  la  difficulte  de  respirer  ne  permettent  pas  d'y 
Tester  long-temps.  L'eau  tliermale  ne  monte  pas  k 
So  d.  du  thermometre  de  Reaumur ;  et  outre  une 
6iianation  sulfuriquCjle  sel  commun  et  lesel  ammo- 
niac qu'elle  contient ,  developpentune  quantity  con- 
stderable  d'acide  aerien  ou  carbonique  dans  I'^tat 
de  bulles  aeriformes. 

Pour  demontrer  que  la  decomposition  des  laves 
est  produite  par  les  exlialaisons  acides  sulfuviques  , 
et  non  par  I'acide  murtatique ,  comme  le  pretend 
Lesage  ,  dans  ses  Elemens  de  niineralogie  ,  notre 
celebra  auteur  termine  ce  cbapitre  en  rapportant 
les  ex-periences  qu'il  a  faites  sur  cet  objet  en  pnr- 
ficulier  ;  il  en  resulte  que  c'est  a  I'acide  sulfurique 
que  Ton  doit  la  decomposition  des  laves ,  et  Lesage 
en  seroil  convaincu  ,si,au  beu  de  decider  de  son 
laboraloire,  il  eiit  visite  les  volcans. 

Dans  le  XlVe  cbapitre  notre  auteur  continue 
de  parler  de  Volcano,  et  rappelle  brievement  les 
observations  qu'ont  faites^e  cetie  montagne  enflara- 
m6e  Bartoli  en  1646  ,  Orvi  le  hoUandais  ,  en  1727  ; 
Guillaume  Deluc  qui  est  le  seul  qui  ait  penetrc^'  dans 
rinterieur    du     cratere  ,    en    1767 ,    et    Deodat 

V3 


1 0  Mineralogie. 

DolomieiT  ,  sept  ans  avaiit  notre  natural isfe.  En 
crmparant  ccs  observations  avec  les  siennes  ,  et 
consultant  encore  lis  tciiioignages  de  Tlincidide, 
Aristoie,  Po^yl.e  ,  Stiabon  ,  Diodorc,  Fazeilo  et 
Cluvier,  Spa  Innzani  conclut  que  Volcano,  semblable 
au  Vesnvc  et  a  I'Etna  ,  a  ^te  soumis  a  des  cLan- 
gemens  decralores  dans  di verses  ('rn;  tio!is  ,  niafsque 
depuis,  Taliment  du  feu  c'lant  devenii  moins  abon- 
daut ,  les  eruptions  ont  et6  plus  petltes  et  moins 
irt'quenles.  II  resulte  aussi  da  I'autorite  des  auteurs 
cites  ci-dessr.s,  cue  le  feu  d^  cette  montasne  est 
tres-ancien ,  puisqu'il  bru!o"t  du  temps  de  Thuci- 
dide  qui  florissoit  475  ans  avanl  I'ere  cliretienne; 
I'auteur  en  infere  avec  raison  que  ces  embrase- 
menS' doivent  avoir  une  dpoque  bien  plus  re- 
culee ,  puisque  I'ile  est  toute  form^e  d'^ruptions  vol- 
caniques.  ' 

Cetle  lie  ,du  cote  de  Lipari ,  n'offre  a  la  vue  an- 
cun  vegetal ;  ce  nVst  qu'a  I'ouest  et  au  sud  qu'elle 
est  revetue  en  parlie  de  chenes  et  d'yeuses. 

Les  divers  phenomenes  que  pre>ente  Vulcano , 
servent  aux  Lipariens  actuels  comn:e  is  servoient 
aux  anx;ieiiS  ,  au  dire  de  Poljbe ,  pour  pronostiquer 
les  variations  da  I'atmosph^re ,  et  Tespece  de  vents 
qui  doit  soiiffler  5  mais  notre  auteur,  lors  de  son 
sejour  dsns  I'de  ,  ne  s'est  jamais  apercu  de  la  ve- 
rjte   de  ces  pronostics. 

L'ile  de  Lipari  forme  le  sujet  du  XV.«  cbapitre 
que  notre  auteur  divise  en  deux  parties  :  dans  la  pre- 
miere il  parle  des  couches  de  terre  de  cette  il6 
autour  de  la  mer  3  dans  la deuxieme, de  ce  qu'il a de^ 


Voyage  de.  Spallanxanl.  Jjr 

convert  dans  son  intt'rieur.  La  premiere  partle  est 
seulemeut  dans  le  tome  que  nous  annont^'ons. 

La  ville  de  Lipari  s'elend  sur  le  ri\  age,  en  forme 
d'ampliilhealre.  Son  port  est  en  avant ;  c'cst  de-la  que 
notre  auteur  c.ommen(  a  ses  observations.  Les  im- 
inenses  debris  des  laves  qui  tombent  a  plomb  dans 
la  mer,et  sur  lesqnels  est  construit  le  cbateaude  la 
\-ilIe,  font  nne  vase  de  feldspatb ,  d'un  grain Knet  com- 
pact ,  de  cassnre  ^cailleuse,  seche  au  tact,  et  scin- 
tillante  avec  I'acier.  Pour  donner  une  id^e  plus  par- 
faite  des  principaux  objets  dccrits  dans  ce  tome, 
Tauteur  I'a  orne  de  oravures  representant ,  i.«  Vol- 
cano de  Stromboli  ;  2.0  la  caverne  dans  Hie  de 
Volcano  ;  3.o  le  cratere  principal  de  cctte  ile ;  ^.<> 
la  ville  de  Lipari ;  5.°  son  cliatt  au^  6.oet  7.0  Campo- 
Bianco  vu  eu  face  et  de  cote. 


ENTOMOLOGIE. 

Rapport  fait  a  la  Societc  (VHistoire  nnturelle,  sur  U 

CALENDRJER     E\TOMOLOGJ(llJS     de    M,    GiORNA    , 

par  A.  L.  Millin. 

JL'ouvRAGE  que  'a  societe  m'a  cbnrge  dVxami- 
Jierpour  lui  en  rendre  comp}e,est  intitnl^  :  Calen- 
DARio  ENTOMOLOGico  ,  ossla  osserva&lonl suLto 
stagLonLproprie  agC  Insetti  net  cUina  pienionfese 
e  partLcoLarmcnte  ne'  I  contornl  di  Torino.  Du 
GioRNAfigUo.  To/-mo^  1791.— Calenhrier  ENTO- 

V4 


5n  Entomologie. 

MOLOGiQrE,ou  observations  suricssaisons  propres 
a  chaque  Insecte  y  dans  le  cLlmat  pleniontals  ^  et 
prlncipalenienL  dans  Les  environs  de  Turin. 

C'esl  a  Linneus  que  Ton  dolt  I'invention  de  ces 
petits  traitcs  qui  an'ment  loutes  les  parties  de  I'his- 
toire  catureJle  ,  en  les  faisant  considerer  foiis  les 
rapports  les  plus  singuliers  et  les  plus  capables  do 
contenter  la  curiositc  et  de  plaire  a  I'imaginalion, 
II  a  principalemerit  appliqu6  cette  nielLode  a  la 
boianique;  mais  il  a  aussi  eml:elli  par  ce  inojen 
toutes  les  autres  branches  de  la  science  de  la  nature; 
et  plusJcurs  de  ses  prefaces,  plusieurs  de  ses  disser- 
tations peuvcnt  etre  considerees  comme  d'excellens 
mal^riaux  pour  une  poelique  de  I'lustoire  naturelU'. 
Tout  chez  lui  a  de  la  vie  et  du  sentiment  :  s'il 
examine  comment  les  fleurs  s'ouvrent  et  se  ferment, 
il  paroit  les  avoir  surprises  dans  leur  ^om/TzetY  (r); 
si  Pheure  oii  s'opercnt  ces  differens  phenomenes , 
est  I'objet  de  ses  considerations,  il  trace  fhorloge 
de  Flore  (2,).  Les  diff(^rentes  epoques  de  la  germi- 
nation ,  de  la  foliation ,  de  la  floraison ,  de  la  fruc- 
tification ,  etc.  forment  le  caiendrier  de  la  deesse  (3). 
S'il  decrit  I'uuion  des  sexes  dans  les  vcgetaux ,  il 
paroit  r^v^ler  le  mjstere  de  ieurs  amours  b'gitimes 
ou  illegitimes  ,  inconstans  ou  fideles.  II  semble  pe- 
n^ter  les  secrets  les  plus  caches  de  I'hymen,  et  il 
nous  transmet  les  d(^tails  les  plus  interessans  de  ces 

(l)  Somnus  plantarum. 
(a)  Horologium  Fierce, 
(3)  Calendarium  Flora. 


Culendrier  entcmologlque.  3i3 

noces  riantes  (i).  Lcs  divers  cLanfiemens  d'etat  des 
plantcs  ,  del'Iiomrae  ,des  insectes  ,sont  pour  lui  des 
nietaniorplioses  {2.)  qui  ont  au-dessus  de  celles  des 
anci€ns  le  racrite  de  la  vtrit^.  On  diroit  qu'il  va 
nous  f^iiie  partager  le  nectar  (3)  qu'il  a  puise  danS 
les  fleurs  ;  enfin  ,  quoiqu'il  rapporte  tout  a  una  cause 
.premiere  pour  laquelle  son  ame  religieuse  montre 
le  plus  saint  respect ,  la  mjthologe  des  Grecs  avoit 
tellemcnt  frappe  son  imagination  vive  et  brillante  , 
qu'il  la  transporte  a  Fliistoire  naturelle^  qui  autre- 
fois lui  donna  en  partie  la  naissance.  II  n'ecrit  sur 
aucun  sujet  sans  se  croire  inspire  par  la  divinite 
qui  y  preside.  S'il  decrit  les  plantes  d'un  pays ,  son 
ouvrage  pcrte  le  nom  de  Flore.  Si  ce  ne  sont  que 
celle  d'un  petit  canton  ,  celui  d'une  nymphe  leur 
suffit,  et  c'est  celui  de  Chloris  qu'il  lui  substitue.  S'il 
s'attache  aux  animaux  ,  il  donne  a  ses  ecrits  le  nom 
de  Faune.  Si  les  troupeaux  altirent  plus  particuli^ 
rement  son  attention  ,  Pari  obtient  cet  l.onneur  ,  et 
la  terrible  Laches  is  qui  file  la  destinee  des  bommes 
et  des  empires  ,  n'en  est  point  elle-n:eme  privee  , 
lorsqu'il  Iraite  des  ovenemensbistoriques  (4).  S'il  nous 
apprend  a  connoitie  des  animaux  dont  la  plupartsont 
juiisibles,  on  croiroit  qu'il  vientd'assisteral'ouverture 
de  la  boite  de  Paadore  (.^).  Rien  ne  se  fait  pour 
lui  dans  la  nature,  sans  Lois  ^  sans  police,  sans  ceo- 

(i)  Sponsalia  plantarum. 

(2)  MetamorpJiosis  humana  J  meCamorphofis plantarum  j  elc. 

(3)  Neclaria  ftoruvj. 

(4)  Lac?iesis  Laponica. 

(5)  Pendora  injectorum. 


3 14  F.niomologie. 

nomie  ,  ei  cei  ensemble  de  luerveiries  qii'il  nous  pre* 

•sente   nous  tratisporte  ct  nous  enchante. 

ToTif  prend  un  corps ,  uue  ame  ,  un  esprit  ,  un  visage  • 

Chaque  vertu  devient  une  divinite  j 

Wiuerve  est  la  prudence  et  Venus  la  Leaufe. 

Ce  n'est  plus  la  vapeur  qui  produit  le  tonnerre, 

C'est  Jupiter  anne  pour  efirayer  la  terre. 

Un  orage  terrible  aux  yeux  des  matelols  , 

C'est  Iseplune  en  courroux  qui  gourmande  les  flots  ; 

Echo   n'est  plus  un  son  qui  dans  I'air  reteutissc, 

C'est   une  n^-jnphe  en  pleurs  qui  se  plaint  dc  Narcis&c, 

Les  an'eurs  qui  son!  vcnus  apresLiiineiis,qui  sorrt 
sortis  de  sou  ecolcjou  qui  en  out  adopte  lesprln- 
cipes,  out  suivi  la  nieme  mauiere  de  decrire  et  de 
proceder^  et  ont  ainsi  banni  de  la  science  la  secbe- 
resse  et  la  monotonie.  "Fabricius  est  un  de  ceuxqui, 
relalivemeut  a  la  connoissance  des  insectes  ,  Pont  fait 
avec  le  plus  de  succes. 

M.  Giorna,  le  fils  ,  a  bwsfA  consider^  I'iiistoire 
nr^lurelle,  et  principalement  i-Eiitomologie  ,  dont  \\ 
s'occupe  5  sous  le  meme  point  de  vue.  L'ouvragequ'ii 
eoumet  a  la  societe,  et  qu'elle  m"a  cliargc  d'examiner , 
en  est  la  preuve. 

II  rend  compte  ,  dans  une  courte  introduction , 
d'.'s  raotifs  qui  I'ont  engage  a  le  composer.  II  en- 
avoit  insert;  deux  trimestes  en  i'^?>()  ,  dans  un  journal 
ilalien  intitide  :  Glornale  Sclentifico  Letterano. 
Une  Ivongue  maladie  I'a  force  a  interrompre  ce  tra- 
vail ;  lor3([u'il  a  voulu  le  reprendre  ,  le  journal 
scientifique  et  litleraire  avoit  cesse  de  paroitre.  II  a 
Teiir.prime  cet  ecrit5mois  parmois,  dans  k  Biblio- 


Cdendrler  enlomologiqne.  ji"! 

thcqiie  ultramontalne,  Bihlioiheca  uttramontana, 
et  il  I'a  eusuite   pii!;lie  sopart-menf. 

Le  but  de  M.  Giorna  a  rte  de  faire  connoitre  les 
insectes  qu'on  pouvolt  irouvt-r  dans  les  difltTens  lieuK 
el  dans  leiirs  differens  erats  pendant  lous  les  temps 
de  Tannee.  II  eniploie  les  noms  laluis  et  iVanvais 
de  I'ouvrage  de  Villcrs  ,  qui ,  comme  Ton  sait  ,  e^t 
rcdig(^  d'apres  lesystenie  de  Linneus.  II  demerit  toules 
les  especes  qui  ne  sont  point  inscrites  dans  le  cata- 
logue de  Villers,  et  qu'il  croit  pouvoir  regarder 
comme  nouvelles.  Son  pere  qui  leur  a  impost  les 
noms  sous  lesquels  il  les  desipne ,  les  possede  dans 
sa  collection  ,  et  se  propose  d'en  publier  les  figures 
et  une  description  plus  elendue. 

Tous  les  pays  ne  nourrissent  pas  les  memes  insectes ; 
les  cpoques  ou  ils  se  trouvent  dans  les  divers  cli- 
niats  sont  diflerentes ;  ainsi  cet  ouvrage  ne  pent  guider 
d'une  maniere  bien  exacte  que  les  compatriotes  de 
M.  Giorna;  mais  il  peut  servir  de  raodcle  pour  de 
semblal)les  compositions  appliquees  a  d'aulrescon- 
trres.  Le  citoyen  Bosc  avoit  entrepris  un  semblable 
travail  pour  Paris ,  la  societe  doit  I'encour^iger  a 
le  contiuuer. 

M.  Giorna  indique  le  terns  oil  il  a  trouve  cbaqre 
espece  ;  mais  il  ne  pretend  pas  qu'on  en  doivc  con- 
clure  qu'on  ne  les  rencontre  qiraux  memes  epoques 
et  que  dans  les  lieux  qu'il  dt  signe. 

Pendant  les  deux  premiers  mois  de  I'annee,  Jan- 
vier et  fevrier,  la  campague  n'offie  que  le  triste 
spectacle  d'arbressansfeuillages  ,et  de  pres  depouill^s 

de  leur  verdure.  Les  insectes  paroissent  avoir  perdu 


5i6  Enlomologie. 

leur  faciilte  reproductive  ,'cppendant ,  celui  qui  pen- 

seroit  qu'on  n'en    pourroil  pas  alors  faire  rdcolle  , 

se  Iromperoit ,  et  il  perdroit  I'occasion  de  se  procurer 

<ies  especes  qu'il  clierciieroit  en  vain  dans  une  aulre 

saison. 

A  Tapproche  de  la  saison  rigoureuse  ,  plusieurs 
insectes  cherchent  un  asile  dans  des  lieux  ou  ils 
peuvent  etre  a  Pal  ri  du  fiod.  Ils  sVnfoncent  sous 
la  lerre  ,  se  cacbent  sous  i'ecorce  ,  dans  i'interiewr  dcs 
arbres  ,  dans  les  coins  des  niaisons,  dans  les  fentes 
des  rochers  ,  dans  les  trous  des  murailles  ,  sous  les 
pierrrs  ,  et  ilsy  passent  tranquillei-pent  la  saison  des 
fioids  ,  ou  dans  I'etat  parfait ,  ou  dans  I'etat  de  larve  ; 
d'aufres  meurent  ,  apres  avoir  depose leurs  oeuf's  dans 
difTt^i-ens  lieux  vers  la  fin  de  Pautomne. 

On  en  compte  peu  dans  la  classe  des  Lepidoptercs 
qui  se  cachent  ainsi  dans  leur  ^tat  parfait  et  ne  sor- 
tent  que  dans  les  journees  chaudes.  Ces  Papillons 
sont  le  Dore  ,  VAtaLante  ^  le  C.  Blanc  ,  le  FapiUon 
dit  Nerprun  et  VAntiope. 

11  est  inutile  ,  dans  ceWe  triste  saison  ,  de  se  munir 
de  pinces  et  de  raquette  5  mais  ,  avec  un  couteau  pour 
creuser  la  terre  an  pied  des  murs,  on  peut encore 
trouver  des  larves  de  Phalenes  ,  desScolopendres  , 
et  plusieurs  especes  de  Carabes.  CeuX-ci  se  tiennent 
cepeudant  le  plus  souvent  sons  les  pierres  le  long 
des  ruisseaux  ,  a  rexceplion  du  Carabe  crepitant  qui 
s'enfonce  toujours  en  tcrre.  Les  Coccinelles  se  trou- 
vent  le  plus  communcinent  rassernbl^es  dans  les  fentes 
des  murs  ,  et  sur-tout  ,  dans  les  embrasures  des  fe- 
cetres ,  oii  Ton  trouve  encore  un  grand  nombre  de 


CriUndrier   cntomologinue.  817 

petits  Insectcs  des  classes  des  HemiptLres,  des  No- 
vroptcres  et  des  Diptferes,  aux  pieds  des  dilTl-rens 
arbres.  Leur  creux  oITrira  aussi  d'aulres  especes  de 
Nvinplics  et  de  Larves  ,  dc  Lucanes  ,  de  Ceiambyx  , 
de  Scarab6s.  Les  vieilles  masures,  les  cliautlerspre-. 
sentcnt  encore  a  I'entomologiste  le  meme  espoir 
d'une  cliasse  heureuse. 

All  mois  de  mars,  la  terre  s'ccIiaufTe  iin  peu  , 
la  pluie  et  les  nciges  sont  iiioiiis  frequenles  j  alors 
paroussent  un  grand  nonibre  de  papillons  et  \xm  foulo 
d'autres  insectes,  dont  M.  Gioi'na  donne  la  lislv?.  Nous 
lie  pouvohs  nous  etendre  sur  cetle  nomenclaluie  qui 
e.<t  faiteavec  autant  de  soin  qiied'exactitude,  et  qui, 
quoique  born/e  au  PiY^morit ,  peul  encore  etre  api}lica- 
ble  dans  les  lieux  oii  la  temj-)eralure  est  a-pou-pres 
la  meme.  Le  noni  trivial  laliu  est  loujours  accom- 
pagiK^  du   svuonyme   francais. 

M.  Gibrna  dj-crir  ,  en  passant,  plusieiirs  especes 
rouvelles  dont  il  donne  a  la  fin  de  son  ouvrage  une 
liste  particuliere.  II  seme  dans  ses  notes  iXas  ob- 
servations qui  annoncent  nn  naturaliste  aussi  exerc6 
qu'altentif,  et  un  esprit  tres-judicieux.  II  j  relieve 
le*  en\  urs  d.'s  mt'tliodistes  dans  la  classifica- 
tion dc  que'ques  inseclcs  ,  fait  connoitre  ds 
douijles  emplois ,  si^paie  des  cspe  es  n.al  -  a  -  pro- 
pos  rennies.  II  y  joint  raissi  quelques  d(*tails  cu- 
vienx  sur  les  nia^urs  des  iusectjs  ,  la  manicre  de  les 
cliassor,  etc. 

Dans  une  des  notes,  il  cite  nn  fait  remarqnable 
sur  VEplienicra  horaria  ,  rEpiiemaire  lioraire, 
nppelee  ainsi ,  comme   on  sail  ,  parce  quVlle  ne  vit 


3i8  Entomologie. 

dans  I'^tat  paiTait  qu'une  null ,  et  qu'elle  meurt  aux 
premiers  myoiis  du  inatin.-.  Le  pere  de  M.  Giorna 
a  observe,  vers  le  milieu  de  Janvier,  cet  iusecte 
fixe  a  la  vitre  d'une  feneUe,ou  il  resla  jusqu'a  la 
fin  de  fcvricr,  et  d^s  que  le  temps  ss  radoucit,;il 
s'envola.  Le  cito^-en  Villers  avoit  dcja  observe  dans 
•sa  description  de  VEp/iemera  parpula,que  I'exis- 
tence  de  tons  les  Epbemeres  n'ctoit  pas  d'une  aussi 
eonrte  dur^e  que  celle  altribuee  a  I'Ephemere  bo- 
raire  ,  et  que  cette  circonstance  se  bornoit  h  Tespece 
qui  sert  de  nourrifure  aux  poissons. 

M.  Giorna  enricbit  aussi  I'Entomologie  euro- 
peenne  d'un  sup.^rbe  Lc^pidoplere  ,  que  les  natura- 
listes  avoient  dit   n'appartenir  qu'a  I'Afrique. 

Le  papillon  JasLus  ,  qui  a  ete  trouvc  en  1788  k 
Nice  en  Provence  ,  ou  Ton  en  a  pris  plusieurs  in- 
dividus  dans  un  canton.  M.  de  Suffren  en  avoit  fait 
dessiner  I'oeuf ,  la  larve  et  la  cbrjsalide.  M.  Giorna 
nous  en  donne  la  description. 

II  decrit,  dans  un  autre  passage,  la  maniere  de 
prendre  ces  beaux  Lppidopteres,  bl^t^qMs,  Spkiax. 
II  faut ,  dit-il ,  les  surprendre  a  I'entrce  de  la  nuit , 
lorsqu'ils  sortent  pour  prendre  leur  nourriture,  et 
qu'ils  viennent  se  poser  ,  le  plus  communement ,  sur 
la  belle-de-nuit  et  la  balsamine.  On  pent  ainsi  se 
procurer  des  especes  qu'il  seroit  tres-difKcile  d'avoir 
aulrement.  Le  clair  de  lune  favorise  beaucoup  cette 
cbasse. 

M.  Giorna  a  insere  dans  son  catalogue  les  especes 
cities  par  Allioni,  dans  les  MisceUanea  Taurl- 
ncusla  ,  et  qu'ii  n'a  pu  Irouver  lui-meme.  Elles 
gont  indiqu^es  par  une  croix. 


Calendricr  entomologhjue.  3  [9 

L'ouvrage  est  termine  par  unesynonymie  ilalienne, 
latiiie  5  francaise  et  piemonlaise  des  phiutcs  cities 
dans  le  calendiier. 

Nous  rpgardons  ce  petit  traifd  coniinc  ties -im- 
portant, et  nous  desirous  que  la  patience,  le  zele. 
etl'exactitudede  M.  Gionia  trouveut  des  iuiilateuis. 


B  O  T  A  N   1   Q   U   E. 

Nomenclature  botankijie  contcnant^  i.'^  Cck plica- 
lionet  traductioTt francaise  des  noms  ct  termcs  latins^ 
relatifs  a  touta  Us  parlies  de  la  plante  ;  2.°  C enu- 
meration melhodiquc  des  classes  ,  ordres  ,  genres  , 
et  de  Icurs  caractcrcs  essentids  ^  d'apres  le  systcvir 
de  Linui  ;  3.°  la  connoissance  de  ce  systeme  et  la 
maniere  de  s''en  servir.  A  Vtisage  des  elives  de  CecoU 
de  saute  de  Montpellier  ,  par  GouAN  ^  professeur 
national  de  Botanique  et  de  matiere  medicate  ert 
cilte  e'cole. 

Iflsl  utile  est  quodjacimns  ,  nulla  est  gloria.  PHiTEDR. 

A  Montpellier,  chez  G.  Isar  et_  A.  Riciiard  , 
imprimeurs  de  Tecole  dc  sante  ,  place  d'Enci- 
vade  ,  N.o  208,  troisieme  anneeRcpublicaine. 

I  i  E  professeur  Gouan  e>t  un  des  savans  les  plus 
illustres  que  la  France  puisse  se  elorifier  de  posse- 
der.Ilapubli?  sur  Tiiistoire  naturelle,  et  princlpale- 
nient  sur  la  Botanique  et  sur  la  Zoologie  ,  des 
ouvrages  d'un  orJrc  superieur,  et  Taits  pour  inscrir* 


320  Botanique. 

son  nom  parmi  les  restaurateurs  de  la  scleace.  Ami 
de  Linneus  avec  lequel  il  a  entretenu  peuda  -t  plu- 
sieurs  auuees  une  correspondance  non  inttrro-rpue, 
il  a  ete  un  des  premiers  a  repandre  ses  principes, 
a  etablir  en  France  la  veritable  thdorie  de  I'liistoire 
naturelle.  Son  Hortus  et  sa  Flora  nwns  pelicnsls  ^ 
ses  Platitoe  rariores  ,  son  Ict/iyoLogie  ,  rendent 
principalement  sa  memoire  immorielle  :  et  les  noni- 
breux  disciples  qu'il  a  formes  dans  I'universit^  de 
Montpellier,  qui,  pendant  long-temps  a  pu  seule  le 
disputera  l'universit6  d'Upsal ,  attestent  I'etendue  de 
ses  connoissances ,  et  son  zele  infatigable  pour  la 
science  qu'il  cherit ,  et  dont  il  a  si  bien  m6rite. 

Lorsque  I'on  a  forme  les  t'coles  de  sant6  ,  le  nom 
du  citoven  Gonan  devoit  se  presenter  un  des  pre- 
miers a  la  penseej  et  a  qui  pouvoit-on  nueux  con- 
fier  la  cliaire  de  Botanique,  qu'a  ce!ui  qui  a  donne 
des  preuves  d'un  savoir  si  etendu  dans  cette  partie  ? 
Mais  quand  il  a  voula  commencer  ses  lecons  ,  il 
s'est  bientot  apercu  de  I'impossibilit^  oii  seroient 
f;es  Aleves  de  se  procurer  des  livres  eiamentaires  de 
Botanique.  Les  meil'eurs  sont  en  efFel  devenus  tres- 
rares,  tres-cliers  et  fort  au-dessus  des  facultes  p^cu- 
iiiaires  des  eSudians.  II  a  cru  de  son  devoir  de  leur 
en  composer  un  ,  et  il  a  pens6  que  le  mieux  seroit 
de  r^diger  une  noniericiature  a  leur  usage. 

Ce  petit  ouvrage  ,  qui  renferme  beaucoup  decboses 
dans  peu  d'espace  ,  merite  bien  en  effel  le  nom  da 
JSoiuencAatsur.  La  qualification  Aq  Diet lonna ire  ^ 
que  le  (iloyen  Gouan  hii  donne  trop  modesleraent 
dans  sa  preface,  ne  lui  couvient  meme  pas,  puisque 

les 


Nomtndature  loianinne.  3f| 

\iis  mots  qii'il  expliqiie  sont  rang(^'S  dans  un  ordre  m^- 
tliodique,  et  non  pas  dans  un  ordre  alpha'.jetique  : 
ordrc  qui  n'est  ulilc  que  pour  rappeler  des  faits 
oubKes,  mais  qui  ne  peut  donner  aux  thieves  la  serie 
d'idees  nccessaires  pour  former  une  science,    t* 

Llnneas  avoit  fiit  Ic  meme  travail  a  la  tele  de  son 
Sj/stcnia  vegetabUiiun,  II  j  doime,  sous  le  nora  de 
Termini  J  une  introduction  danslaquelle  il  explique 
par  une  courtc  phrase,  et  dans  un  ordre  raeiljodique, 
tons  les  termes  qu'il  a  eaiployes  dans  ses  descriptions. 
Ce  petit  trai^e  a  paru  avec  plus  d'etendue,  en  1762, 
sous  le  nom  de  Termini  botanici.  C'est  la  CXIII.« 
de  ses  dissertations  ,  et  elle  est  inseree  d^ns  le  sixieme 
volume  de  celte  intcressante  collection  qu'il  a  puLliee 
sous  le  titre  di^AnieniLes  acadimiques. 

'Les  Term^ini  ont  ete  reimprimes  pliisfcurs  fbis 
st'paienient  ,  principalement  dans  les  universit^s 
d'Allemagne.  Ce  petit  Iraite  ofTre  Pana-yse  des  prin*^ 
cipcs  botaniqu3S  et;yblis  par  Linneus  dans  sa  preface 
de  -VHortLis  cliff'ortianus  ^  dans  sa  Pkitosophia 
botaiiLc^.1  ^  et  dans  ses  autres  ouvrages. 

Le  c.6!ebre  Forster  a  eteiidu  ce  plan  aux  autres 
parlies  de  THisloire  naturelle.  Ilapublie,  en  1788, 
sous  le  titre  d* Enchiridion  j  un  manuel  dans  leque! 
il  donne,  dans  un  ordre  nidthodique  ,  Texplication 
desterme^  ornitho logic/ lies  J  des  termes  icIitijoLo^ 
giques  et  L\e?,termes  entonioto^iqucs.  Non  content 
de  presenter  aux  jcunes  g^-ns  un  guide  sur  pour  par- 
venir  a  la  coimolssance  dos  oiseaux  ,  des  insectes  et 
des  poissoiis ,  il  a  aussi  conclu  son  oiivrage  par  des 
Termini  botanici  ,  c'cst-a-dire  3  qii*il  >i  reimpiiin^ 
Tqiuq  il  X 


3g8  Botaniqut. 

cenx  de  LInneiis  avec  quelques  changemens  dans  la 

disposition  el  quelques  additions. 

Le  citoven  Gouan  a  profit^  de  ces  divers  travaux  ; 
il  suit  en  general  la  derniere  edition  des  Termini  ^ 
r^dig6e  par  Forster  ;  il  prend ,  avec  Linneus  et  avec 
lui,  les  plantes  depuis  la  racino,  et  s'eleve  jusques 
aux  organes  de  la  fructificalion.  II  cite  le  terine  latin 
etabli  pour  designer  chaque  partie  5  et,  apres  i'avoir 
traduif  5  il  Texplique  par  une  phrase  f'lan 'aise. 

II  seroit  de  la  derniere  importance  d'avoir  une 
noraenclalnre  franraise  invariablement  fixee  pour 
toutes  Irs  parties  d  '  I'Histoire  naturelle.  Les  Ang'aJs 
et  les  Esiagnolsy  sont  a-peu-pres  parvenus  dans  leur 
Jant.'i:e  ,  et  il  seroil  anssi  facile  de  le  faire  dans  la 
notre.  La  France  possede  beaacoup  de  naturalislcs 
cejfhres  ;  Paris  en  renfernie  qui  jouisseni  en  Europe 
d'uno  ct'lebrit^  merit^e  ;  ils  devroieat  rt^unir  leurs 
effoiis  pour  arref^^r  ce  grand  travail.  La  societe 
d'Hisioirena'ur.'lle  s'.toit  propose  de  IVntreprendre  ; 
mais  les  circonstances  ayant  occupe  ailleurs  plusieurs 
de  ses  membres  ,  Font  empecliee  jusqu'ici  de  s'j- 
livrer. 

L'ouvrage  du  citojen  Gouan  est  deja  un  pas  fait 
vers  I'etablissement  d'une  noruenclature  franraise  5 
mais  je  ne  craindrai  pas  de  le  dire  ,  avec  le  respect  dii 
h.  un  aussi  grand  maitre  ,  ses  explications  sout  en  ge» 
n^ral  savantes  et  exactes ,  mais  ses  noms  francais  ne 
me  paroissent  pas  avoir  toujours  la  precision  qu'oa 
auroit  droit  d'exiger. 

Je  pense  que  le  nom  latin  doit  eire  le  plus  souvent 
Jfranclse,  ainsi  que  les  noms  composes  du  ^rec,  quand 


Komenclaltire  holamque.  3«5 

Cela  peut  se  falre  d'une  maniere  convenable  au  g(^nie 
de  noire  langue.  CVst  !e  raoyen  qu3  la  rfOinen^ 
clature  fran .aise  ne  s'eloigne  pas  trop  de  la  nornen- 
clatiire  laline  qui  doit  lu:  servir  dti  rype  ,  puiscitie  c'est 
dan>  la  laugue  latiiie  qu'clle  a  etr-  priiMitisement 
fivc-e  ,  el  que  Irs  rao'.s  qui  la  canipose;>t  -e  doi\  '.'ril  pas 
tire  re;.,ard«"s  coinnie  appaiienant  prc'cisf'iaoiit  a  la 
la  langue  laline,  iiiais  roiiiin*^  composart  la  langue 
pariiciiliere ,  r.u  mcjen  de  iariueile  tons  c?\\k  qui 
ciiltlvent  I'HJst'jire  nafurelle  . 'enteiident  entr'cax. 
C'est  en  suivant  ce  prinripe,  que  es  Arglais  et  les 
Espagnuls  sont  ^arvenus  a  donner  ;es  meilleur-s  tra- 
ductions cominci.  do-s,  onvrages  fie  Liivneuo. 

Leciioven  Gouan  areccjn:  u  cette  veiiie.  Le  plus 
sou  vent  il  rend  le  inol  latin  par  un  mot  fran^ais  qui 
a  prescjue  la  in^me  consouTiance ,  et  i!  v  ajoute  outre 
i'explication  un  autre  mot  irancais  equivalent.  Ainsi 
il  dit : 

Perenn'is J  perenne,  vivace. 

'Biennis J  bienne,  bisanni.eUe, 

Ici  il  auroit  pu  traduire  siinplement  parj^^dceou 
bisannuelie  J  sans  que  le  sens  fut  altt're  ;  niais  il  y  a 
des  cas  ou  rinexactjtufie  de  la  tn.ductiori  peut  donner 
des  idees  fausses.  Ainsi  il  traduit  : 

AphylLus  y  efeuili^c^  :  <:e  qui  fair  pensr^r  que  la 
planle  a  perdu  ss  feuill  s  ,  tandis  que  le  mot 
apkytle  indiqueroit  tres-bien  qu'elle  n'cn  a  jamais 
eu. 

Scaber  ;  scabre  rendroit  raieux  ce  mot  que  rude, 
Les  cilojens  Desfontaines  et  Lamarck  I'ont  sonveut 
employe  ,  et  il  e.^t  g^neralement  recu  dans  la  uomea-; 
clature  i'rancaise.  X  2 


324  Botnnirjne. 

JRecilnatimi  seroit  tres-bien  tra  iiJt  par  reel  InS  ;  il 
semble  que  ces  mots  incLines  ^  reclines  j  Inflichis  , 
dejlcch Is  J  expriment  a\ec  exaciitude  la  direction  des 
feuilles  ou  des  brandies  vers  la  racine  ou  vers  la  tige- 

Panduriformc  ;  !e  c  toven  Gouan  traduit  en 
vlolon  :  cette  pedte  p'  rase  ne  devroit  etre  que  Pex- 
plication  du  mot  pandur. forme  y  qui  peut  aussi  bien. 
passer  dans  la  angue  franca  se ,  que  cnicifornie  , 
hy po crate rif  o rnie  .,  etc. 

Le  ci  oyen  Gouan  Iraduit  les  mots  sagittatum , 
hastatum y  par  en  fer  de  JLhclie ^  de  pique  ;  les 
inots  sagitte  y  hastd  seroient  plus  simples  ,  el  sont 
nieme  deja  re  us. 

J-  np  pousSv'rai  pas  plus  loin  mcs  observations, 
qui  n'ont  pour  objet  que  de  voir  fixer  invaiiablement 
la  nomv  nclature  franraise  de  I'Histoire  nafurelle  , 
comTT^e  le  seul  mojen  de  faire  faire  a  cette  science  de 
veritables  progres  :  car ,  quand  les  noms  ne  sont  pas 
fi.\^s,  les  idees  se  confondent. 

Apres  les  termes  ,  le  citojen  Gouan  donne  les 
genres  de  Linneus ,  ce  qui  ne  se  trouve  pas  dans  les 
Termini  de  Forster.  II  traduit  le  tableau  qui  precede 
le  Systenia  vegetabiiiuni.  Ce  ta!  lean  des  genres, 
en  offrant  le  caractere  essentiel ,  celui  auquel  on  doit 
toujours  s'attacher  pour  trouver  la  difference,  est 
d'une  grande  utilite.  Le  manque  d'un  seniblable  ta- 
bleau rend  1' usage  de  la  NouveUe  Flore  des  en^ 
virons  de  Paris  impraiicable.  Le  ciiojen  Gouan 
donne  le  nom  latin ,  puis  un  nom  francais  ,  el  le  ca- 
ractere en  francais.  Ce  petit  tableau  est  tres-proprei 
procurer  des  progres  rapides  aux  Aleves. 


Nomcncl'ituft  hotnnlque.  3«5 

C'est  sur-tout  ici  qu'il  convient  de  fiver  Ir's  noraj 
d'luie  inanicre  stable.  La  plupart  des,  novns  francais 
Jie  sont  proprcs  qu'a  donner  des  id'es  faiisses  ,  ea 
allnbuan  a  un  genre  line  plaute  cpii  appartieni  a  un 
autre.  Ainsi  ou  appelle /)'s-^Q?a^Y/e;/^j  etc.  ,  une  foule 
dc  plantes  qui  ne  sont  ni  Ijj^  j>  nl  ceuUlet  •  les  nums 
d^arbres y  c^herbes  soni  cncoiv  inultij)lies  de  la  ma- 
niere  la  plus  coiuraire  aux  progies  de  la  science.  Lo 
meilleur  parti  est  de  faire  passer  laiis  la  lan^ue  fran- 
caise  les  noins  generiques  latins,  qnand  Js  n'ont  pai 
de  fioms  gcneriqiies  correspondans.  Tout  le  mond© 
es  habitue  a  dire  un  solaruim ,  uu  geranium  ^  sans 
s'apercsvoir  inerre  que  ces  mots  sont  latins  ;  et  ils 
vaient  bien  ceux  moretie  ^  bec-de-grue  ^  ( tc. ,  par 
lesquels  on  les  traduit.  D'ou  ce'a  vient-il  ?  De  ce 
qu'eu  effet  ce  ne  sont  pas  precisement  des  noms  latins  r 
ce  sont  les  noins-propres  des  plantes  ;  il  faut  done  les 
conserver  dans  ]eur  intrgrii^  dans  toutes  les  Ungues 
oil  on  les  introdnil,  on  du  moinsalterer  tres-peu  leur 
terrainaison  ;  et ,  de  cette  maniere,  la  nomenclaiure 
sera  nioins  confuse.  II  suflira  ensuite  de  rapporter  les 
noms  vulgaires  dans  la  synonymie. 

Lo  citoyen  Gouan  a  en  general  adopts  ces  prin- 
cipes  ;  il  conserve  le  plus  ^DUvcBt  les  noms  d.jns  leur 
integriie  ;  mais  il  en  est  qu'il  nous  paroit  tiaduire 
Jiial-a-propos  par  le  nom  ruh-aire  :  telsqun^/i  lUrea, 
Y-avJltcLria  ,  jus  tic  la  par  carinentine  ,  utricularicu 
par  LeiitlcLilait^  ^  crlop/wruni  ]^ar  Unalgrete.  II 
ir.e  senible  qu'il  auroit  pu  dire  p/v; Hi rea  j  justicia, 
ulricuialre  _,  eriophorc  y  etc.  ,  coirine  ai'Ieurs  il 
ejDploie  gratiole  ^  Xiixtlpkore  ^  nionarde ,  poij/c^ 

X  3 


3s6  Botanique. 

ndme,etc.^  sans  faire  autr?-  chose  que  changer  im 
peu  la  termirtcn^on  :  ainsi  il  rendroit  samoLus  par 
Samola  y  etuonpas,  comine  il  le  f;iit,  jiar  /nouron 
d'caLb  y  car  il  sait  bien  que  le  samote  n'est  pas  un 
moi.ron. 

C:*s  observations  ne  portent  pas  sur  I'ouvrage  du 
citoyen  Gouau  j  il  a  su  vi  la  roiite  ordinaire  ,  et  dont 
OD  commence,  mais  trop  lentement,  a  s'ecarler.  Ces 
xnoyeus  d'amc'.ioralion  parliculiers  ,  (jre  je  propose 
dans  !a  roineucL-ture  fraiicaise,  peuvent  t  trealtaqtics 
et  defendus  ;  et  on  ne  sanroit  feiiie ,  a  juste  litre ,  a  un 
auteur  un  veiita..le  repro;.lie  de  ne  pas  Ics  avoir 
adopt^s. 

Le  citoj'en  Goiian  repvoduit  a  la  fin  de  ce  volume 
im  pelit  t\ril  (ju'il  c.voit  public  en  1787,  etqui  a  pour 
objet  rexplicalion  du  Sj'sleme-de  Linneus  (r). 

Ritr.  de  plus  utile  qu'un  semblcible  expose  faii: 
pnr  un  iionime  du  in('-}ite  du  citojeu  Gouaii ,  et  qui 
connoit  si  biea  le  sujet  dont  il  traite.  La  lecture  de 
ce  traite  pf^ut  epargner  a  reux  qui  commencv  iit 
retude  de  ia  Botanque,  et  qui  veulent  la  posseder 
th/oriquemeiit ,  Li -n  des  relards  et  des  clfficultc's.  II 
esi  d'ai'tant  plus  precis  u:  ,  qu.^  le  nombre  d*aussl 
bon.<  ouvrage  eU-mentaires  est  trcs-rare. 

Ce  petit  rrait(^  est  le  fruit  de  heaacoup  de  re- 
cberclieset  de  travau5r.  L'aufeur  commence  par  une 
exposition  des  ouvragos  botaniques  de  Linneus.  II  exa- 
mine ensuite  si  ce  (*rand  naturaliste  auroil  mieux  fait 

(1)  En  voiri""  le  titre  :  Explteation  du  Systemg  hotanique  du 
chevclitr  Linii6,  ;7our  setvir  d' introduction  a  V  etude  de  la 
JBotani.jue  ,  par  M.  Gouan.  MontpelUer  ,  1787  ,  ia-80. 


J^ovimclature  hotanique.  327 

de  rhoislr  la  fleiir,  on  le  fruit,  ou  la  semence  ,  pour 
base  de  son  systeine.  Le  cltoyen  Gouan  est  fort  ploign6 
cle'   le  penser.    Les  parties  sexucUes  etant  les   j)lu5 
coiistantes,  et  olTrant  un  moins  grand  nombre  de  di- 
visions ,  ont    mt^rite    d'etre   prtferees.    Le   citojen 
traite  du  plan  general  dii  systeme  ,  puis  de  Gouan 
chaque  classe  en  particuliiM*  ;  il  s'attache  a  justiBer 
liinueus  des  aberrations  qu'on  lui  repro'^he  5  il  veut 
prouver  qu'elles  sout  pen  nombreuses  et  peu  embar- 
rassantes.  II  fait  connoilre  quels  sent  les  caracieres 
sur  lesquels  Linneus  a  etabli  en  g^i^ral  les  genres  da 
chaque  ciasse  ,  et  ind  cpie  l.?s  aberrations  ;  raais  il  en 
annonce  si  peu,  qu'on  ne  pent  pas  s^efapeciier  de  lui 
soupcoiiner  beaucoup  do  prevention  ;  car  il  est  impos- 
sible qu'un  aussi  habile  naturaliste  que  le  cit.  Gouan 
re  les  connoisse  pas  toutes.    D^ms  I'examen  de.  la 
XXIV^  classe ,  il  donne  un  tableau  trei-curieux  des 
Iravaux  sucressifs  eulrepris  sur  les  piantes  cry'pto- 
games,  pour  decouvrir  les  par.ies  de  la  fructification 
et  illustrer  le  systeme  de  Linneus.  Apres  I'examen. 
detail  le  du  svsteme,  le  ciloven  Gouan  donne  lemojeu 
de  s*en  servir.  II  conseille  de  pref^Tcr  le  sy  sterna  an 
genera  y  parcequ'il  iudiquelec  ractere  essentiel ,  et 
de  ne  recourir  au  genera  que  dans  des  cas  do  doute. 
Celte  m^'thode  me  paroit  en  effet  prefc'rable  a  cell& 
qu'on    snit    ordinairement.    II    donne  le  moyen  de 
n'etre  pas  eiMbarrasse  des  aberrations ,  qui  est ,  apr^s 
avoir  cherche  les  piantes  dans  les  classes,  de  voir  les 
gt  nres  marques  en  Icttres  italiques  ;  ce  sent  ceux  qui 
font  e-  ception  ,  il  faut  alors  les  chercl.er  a  leur  pfece* 
Le  citoyen    Gouaii   trace  aiix  commen  ans  la  ma- 

X4 


328  ,  Botanique. 

rnkre  la  pins  commocle  de  d('-terminer  les  graniens  j 
et  les  syngencsiques  J  dan?  le  si/stema  de  Linueus, 
Dans  la  premit^re  c'dilion  ,  il  lerrainoit  ce  pett  cu- 
vrage  p  r  une  explicalioii  de  plusieurs  termes  de 
liinneus,  bien  raa]  dt'iiiiis  dans  plusieurs  aulres  ou- 
vrages  modernes.  Cetle  partie  de  son  travail,  quoiqiie 
tres-courle,  rtoitinfuiiment  utile  etciirieus;\  L'auiear 
n'a  pas  d^cldi'^  la  question  des  ai  errations  ;  il  prouve 
seulemenl  que  Linneus  nc  pouvoit  pas'les  eviter  dans 
son  sjsterne^  et  qu';..lies  i.  j  sont  pa,s  aussi  frequentes 
iii  ai:ssi  diffici'rs  qu'on  le  peiise.  Mais  cVst  pr^c'sement 
led.'fiuit  dn  svsiene  <  ii'i!|nc  dtiend  pas  sur  la  dilace- 
jat'on  des  families  et  des  genres  les  plus  naturels.  11 
est  vrai  qu'il  a  essaj^c  de  prouver  que  les  parties 
sexuel'es  etoient  les  seules  que  Linnsus  a  du  clioisir 
pour  base  de  son  systenie.  Cela  suppose,  il  en  con- 
clui  qu'il  lui  ^toit  impossible  d'en  laire  moiiis.  CVst 
preciscnient  la  une  pctiljon  de  principes,  et  le  rai- 
sonnenient  n'est  pas  conLiUant.  11  r-^pporte  aussi  les 
passages  de  Haller,  favcrables  a  Liniieus  ,  mais  il  ne 
dit  rien  de  ceux  qui  lui  sorit  contraires.  II  attaque 
avec  vigucur  et  avec  justice,  dans  sa  premiere  Edi- 
tion ,  les  divers  antagouistes  ds  Linneus  qui  affectent 
de  le  traiiei  avec  mopris.  Sojons  plus  justes.  Le  &ys.- 
teme  de  Linneus  a  des  defauts  ;  mais  tons  les  autres 
sjstemes  arlifioiels  oifi'cnt  les  memes,  et  iis  n'ont  pas 
la  menie  precision  ni  la  meme  facbite.  La  v.  connois- 
sance  que  lui  doivent  les  vrais  savans,  durera  aussi 
iong-te;i;ps  que  la  science  ;  mais  il  a  fonrni  des  armes 
po^^  le  combaUre,  e!  c'est  dans  ses  (Merits  qu'ils  trou- 
veront  les  moj/tus  de  le  surpasser.  Le  citoven  Gouan 


Nomenclature  hotarnqne.  3:^ 

avoit  rngrig(^  le  cifoyen  B.onssc"l  a  enfrf.-prerdre  la 
continualioii  du  Vltiax  de  Bauliin.  I!  seroil  I)!o,ii 
a\  antaoeiix  pour  la  Botanique  ,  que  quelqu'un  voul.'it 
se  charger  de  ce  travail. 

.Ce  nouvet  ouvrage  du  cifoven  Gor.an  ofTre  de.st(5- 
moignages  d'une  ricf.'e  erudition  ].)otani(iue  ,  cl'une 
connoissaiiceintin^e  d  s  o-jvra.^^es  de  Linneu«.  II  est 
d'une  graude  uti-il6  pour  Ics  commenrans ,  et  hsgens 
instruits  j  trouveront  encore  bien  des  cliosos  a  a^;,- 
preiidre.  A.  L.  M. 


ANA  T  O  M  I  E. 

Anatomie  de  La  FJiine ,  parFiAyDRiN. 

X^E  citovv'^n  Pinel  a  rendu  compte  a  la  societe 
d'Histoire  naturellc  ,  dans  uue  de  ses  doruieres 
stances,  de  deux  menioires  envoj^s  depuis  quel-tue 
temps  a  la  soc'^te  par  le  citoven  Flandrin.  Dans  I'un, 
il  donne  la  composition  d*une  liciueur  propre  a  faire 
des  preparations  anatomiques,  au  moyen  de  la  ma- 
ceration. Gette  liqueur  est  un  melange  d'eau  et 
d'acide  sulfurique,  dans  des  proportions  lelles  qu'il 
reste  encore  a  I'ac  ide  sulfurique  assez  de  force  pour 
detruire  le  tissu  celluiaire  ,  mais  point  assez  pour 
aitaquerles  subslauces  membraneuses ,  tendiueuses  et 
rerveusesqu'il  tient  reunies. 

Dans  Tauire  me'moire,  lecitojen  IFlandrin  CM.erche 
a  determiner,  a  I'aide  de  cettc  liqueur  d^ssolvante  , 
la  tcrniiiiaison  de  la  reliiie.  II  a  apercu  disUiicleincut 


33o  Anatomie. 

les  fibres  de  cette  membrane  tres-minee  s'entrelacant 
avec  celles  de  la  choro'de ,  pt  s'j  perdant.  Le  cito^en 
Piuel,  enreridant  justice  a  I'inleref  de  cettedecbii- 
verte  ,  auroit  desire  que  le  cilojeu  FKiudrin  I'eut 
lyndue  plus  claire  et  plus  certaine ,  par  une  pr^par^^- 
iiou  aiialomique,  iiiise  sous  les  jenx  de  la  societe  , 
ou  j:ar  une  bonne  figure.  L-  cilo  ven  Flandrin  a  aussi 
cherche  a  prouver  la  division  de  la  rctine  en  deux 
membranes  5  mais,  d'apres  ly  rapport  du  ciojen 
•Pinel,  i[  n'a  pas  obtenu  dans  ce  iravail  le  meme 
sucv.es. 


ANATOMIE     COMPAREE. 

Memoire  silt  le  Larynx  inferieur  des  Oiseaux  ,  lu  a  la 
Seriiii  (THistoire  naiiirelle  ,  par  G.  Cvvjek  ,  Pi  c- 
fesssur  d'Histoire  naturellc, 

JuA  pe'fectiou  de  la  voix  humaine  depend  sur-lout 
de  la  courbure  proportionnee  des  voutes  du  nez  et 
du  palais,  de  la  grande  jflexibilitc  de  la  langue  et  des 
Icvres  5  enfin  de  la  forme  de  Touvrrlure  de  la  bouche, 
qui  est  petite  et  entiereinent  situt'e  dans  le  meme 
plan.  La  plupart  des  quadrupedes,  denues  de  ces 
avantages ,  ou  cbez  lesquels  la  nature  semble  avoir 
pratique  certaines  cavites  dans  le  larj^nx  ^exprespour 
denaturcr  leur  voix  (i),  n'oiil  done  que  des  cris  plus 
ou  moias  aigres  ,  plus  ou  moins  confus,et  aucuu  d'eux 
n'est  parvenu  a  articuler  des  sons. 

(0  T-^e  larynx  ^u  claeval,  dc  TanSj  du  dtochon  .  dj^'orang- 
o\JiaD2  ,  du  sapajou  ouarine  ,  etc. 


Larynn  infhieur  dts  o'lseaux.  33 1 

Les  oiscaux  paroissent,  au  premier  coup  d'oeil,  en- 
core plus  mal  pai'lag  'S.  Une  bouclie  de  corne  ,  sans 
levres,  souvent  presque  sans  cavitd,  point  de  vrale 
arri^re-bouclie  ,  uiie  langiie  cartilagineuse ,  inflexible, 
un  larvnx  nieme  beaucoup  plus  simple  que  ce'ui  des 
quadrupedes,  ne  promettent  pas  d'abord  dcs  effets 
bieii  satisfaisans.  Cependant  cette  classe  d'animaux 
nous  fait  entendre  les  sojs  les  plus  varies ,  les  plus 
enchanteurs  ;  ceux  ineme  dont  la  voix  n'est  pas 
agr^able,  nous  surprennent  par  sa  force  et  son  ^ten- 
due  ;  quelques-uns  enfm  savent  imiter  la  nulre  et 
arlicuier  ties  paroles. 

Les  anaton.istes  ont  done  dii  recliercLer  avec  soin 
les  instrumens  caches  qu'emploio  ici  la  nature ;  ils  ont 
vu  que  la  divrc-e  et  le  voluine  de  la  voix  des  oiseaux, 
avoient  leur  source  dans  les  grands  reservoirs  a  air 
qui  occupent  leur  abdomen  et  leur  poitrine  ;  ils  ont 
reconnu  qu*outre  le  larynx  superieur  et  ordinaire  , 
tons  en  avoient  un  autre  a  la  bifurcation  de  la  tra- 
chee  ;  M^^'^j  si  la  resonnance  de  la  voix  produite  par 
le  larynx  ordinaire,  n'est  guere  considerable,  celle  de 
I'autre  I'est  en  revanche  beaucoup,  vu  qu'il  est  sus- 
pendu  au  milieu  d'une  cavi'^remplle  d\.ir  et  tapissee 
par  une  m-'mbraue  bieu  tendue  sur  un  os  elaslique. 
lis  ont  fait  senlir  que  cette  voix,  produite  dans  I'in- 
t^rieur,  peut  etre  modiRee  de  mille  manieres  par  la 
structure  de  la  tracbee  qu'elle  est  obligee  de  traverser, 
landis  que  cet  organe  n'influe  nullement  sur  la  voix 
des  quadrupedes  ,  qui  ne  se  forme  qu'a  son  issue. 
Aussi  la  trachee  est-elle  dans  les  quadrupedes,  d'une 
I'j  r.yant  qu'un  seul  usage 


3? 2  Anatomic  compnree. 

de  trcinsmettve  I'air  du  ]  oiimrn  ru  'arvnx.  Dans  les 
oiseau.  ,  a  .  co  itr.sir  ,ou  lii  trac  <  e  modiile  esscDliel- 
lyaeiit  1  v-ix,  ou  ellvri  liiii  Je  ccr,>s  de  I'insfrument 
mubicffi,  sa  lignrc ,  sa  consislaiice,  sa  grandeur  ,  sa 
courliure,  variant ;')  I'infini. 

II  \'  a  dcja  p'usienrs  observadons  de  piiWiees  sur 
les  drT' reus  articles  que  je  viens  dVnion-cT  sommai- 
rcireiit,  et  nous  Jcynis  toule  r.connoissance  a  ceux 
qui  s'en  sont  ocrup6s  ;  cependant  on  pent  encore 
glanvT  sur  1^  urs  traces,  et  je  crois  avoir  encore  re- 
cueilli  i.ueltju  s  epis  ,  apres  leurs  riches  moisons. 
J'espere  a  (tir  1'  onneiir  de  vous  coramuniquer  suc- 
cessiv^ll:col  es  observations  sur  le  larjnx  superieur, 
sur  la  tr\c!.^e,  etc.  Aujourd'hui  je  ne  m'occnperai 
que  des  dilTv  rentes  strucliir.^sdu  laryi'X  inferieurdans 
les  dliTc^rentes  espec.  s  :  suj-t  pres  u'iutact  ,  du  moiils 
a  ma  connoissance.  II  en  exists  a  la  vcrit^  quelqnes 
descriptions  ('pars  s  ;  mai.>  Je  ne  sache  pas  qu'ori 
en  ai;  djnnc  des  suites,  ni  des  coinparaisons  de- 
tailleex  (i), 

(i)  Herissajit  a  donne  les  figures  ,  et  de  courtes  descrlptious 
des  larynx  *rjferieurs  de  I'c.ie,  du  canard,  el  d'un  hare,  dans 
les  mc^nioires  dei'Acad  'taie  des  Sciences. 

Viq-d'Azyr  ,  dans  un  mt^moire  sur  les  organes  de  la  voix 
des  animaux  ,  i  ;s6re  dans  le  meroe  recueil  ,  annee  I779  , 
par'e  fort  bvievement  du  larynx  inferieur  d's  oiseanx  ;  il 
tombe  meme  ^  cet  ^'gard  dans  deserreurs  assez  fbrtes,  notam- 
ment  celle-ci^,  que  les  o:seaux  dojit  la  voix  est  la  plus  agrea- 
ble  ,   ont  l(?s   organes  les  plus  simples. 

Ent;n  lece't^bre  irlityoiogiste  Blocli  ,  dans  nu  recneild'ob- 
scrvali  ns  ornltholog'ques  ,  infis'r.^  parmi  ceux  de  la  Societ 
des  Cujrienxdc  la  aature,  de  Berlia  ,  tome  III ,  aocee  l^^3^  ^ 


Larynx  infe'riew  des  eiseaufi,  333 

Ce  que  j'en  offre  aujourd'liui ,  est ,  je  I'aroue  ,  pu- 
core  bieii  incom.  let ;  iiia's  il  ii'est  pas  facile  a  mi  seul 
homme  de  se  prourer  autant  d'especes  qu'il  faudroit 
pour  ^erfectfonaer  ce  travail  :  celte  ^baucbe  poiirra 
du  moiiis  donner  Tid^a  a  qu?lque  amatiur  de  la 
icience  ,  d'evaminer  les  oi;eau.\:  cjui  lui  lomberont 
sous  la  main  ,  et  de  suppleer  a  ce  qui  iious  manque. 

Dans  tous  les  oiseaux ,  la  tracli  e  artere  est  form^e 
d'anneaux  carlila^ineux  enliers  ,  et  n'a  pas  ces'gment 
membraneux  qui  s'observe  dans  les  quadrupede?.  Les 
deux  broncbes  an  contraire  sont  formes  d'anneaux 
brises ,  de  faron  que  le  cote  par  iequ>il  les  broucl.es 
se  regardent  ,  est  ferme  par  une  mem'-raue  sans 
cartilage.  Les  anneaux  les  plus  proclies  de  la  Iracliee 
sont  ordinairement  plus  grands  ,  et  toujours  moins 
courbes  que  ceuK  qui  sont  plus  pres  des  pouraons  ; 
ceux-ci  se  courbent  toujours  davanlage,  et  a  Penlree 
du  poumon  ils  se  ferment  presque  cntierement.  Il 
r^sulte  de  celte  structure,  que  Tespace  membraneux 
du  bronche,  qui  est  tr^s-etroit  ve;s  la  poumon,  s*e- 
largit  de  plus  en  plus,  souvent  assez  subilement,  et 
prend  vers  la  bifurcation  une  forme  ovale  plus  ou 
moins  grande. 

On  conceit  que  Pair  chasse  des  rdservoirs  et  du 

decrltles  noeuds  de  la  bifurcation  de  plusicjrs  oiseaux  palmi- 
pedes ,  et  en  donnc  d  s  figures  exactes  ;  ilindique,  plutot 
qu'il  ne  decrit ,  les  muscles  de  la  bifurcation  du  corbeau.  Voili 
tout  cc  qui  est  venu  a  ma  connoissance  sur  ceUe  mati^re  :  jc 
n'ai  meme  connu  le  memoirc  de  M.  Bloch  ^  (juc  dopuis  1j\  rf- 
daclion  de  celui-ci. 


^3^  AnrJomie.  compark. 

poimion  par  les  muscles  dii  thorax  et  de  Pabdomen  f 
venant  a  frapper  cette  ir^mbrane,  doit  y  pioduire 
une  rivsonnance,  a-peu-pres  tomme  celul  de  Tint^- 
rieur  d'un  tan. hour  cbranic  par  la  peau  supt'rieure  , 
en  prodnit  une  sur  I'infdrieure,  et  que  celle  r^sou- 
nance  doit  varier  selon  que  la  membrane  est  plus  ou 
inoins  forte  ,  plus  ou  moin?  ^l^stique,  plus  ou  raoins 
tendue. 

L'air  passe  ensuite  dans  la  trachee  par  Textr^uiite 
•up^rieure  du  1  ronche  ;  et  on  sent  que  le  son  doit  en- 
core eire  raodifie  par  I'etat  de  rouvertnve  qui  la 
transmet,  et  que,  si  la  membrane  dont  ie  viqns  de 
pailer  reprosente  une  peau  de  tambour,  rextremit^ 
du  brouche  represente  les  anches  d'un  instrument 
a  vent. 

Or  non  seulement  la  membrane  et  I'ouverture  va- 
rient  d'une  espere  a  Pautre,  mais  eiles  sont  encore 
constituees  de  maniere  a  pouvoir  varier  jusqu'ii  i\n 
certain  point,  au  gr^  de  I'oiseau  :  de-la  ia  diffcnmce 
des  voixdesdiverses  especes,  et  lesmodulaiious  de  la 
voix  du  meme  oiseau. 

Entrons  mainfenant  dans  le  detail  de  la  structure. 
Ilj?  ad'abord  une  paire  de  muscles  commune  a  foutes 
les  especes  :  ce  sont  les  Larijtigi.ens  infiricurs  et 
extemeSjde  Vicq-d'Azvr.  lis  ont  leur  attacljelive, 
a  ia  face  interne  des  deux  apo[)hjses  Iriangulaires  du 
sternum  ,  auxquelles  les  coles  s'arlicuient  ;  leur 
forme  est  celle  d'un  cordon  cljarnu  ;  iis  se  porlent 
obliqueinent  en  liaut,  en  dedans  et  en  arriere,  vout 


Larynx  inferieur  des  oiseaux.  3^5 

^e  coller  a  la  tracbde  a  que^que  distance  au-dcssns  de 
sa  bi'una[ion  ,  et  se  conlinucrt  sur  la  plus  {.rande 
parlie  de  ia  lonpiieur.  L'lisage  de  ccs  mnsc'^s  est 
d^ibarsser  le  larjnx  inferieur  ,  de  raccourci.-  les 
bronches,  et  par  cons/'quent  de  diminr.er  la  tension 
de  la  membrane  ovale.  I!s  doivent  aussi ,  dans  qnel- 
ques  rirconstan.es,  porter  la  trachee  en  avant,  et  lii£ 

fair  •  faire  un  angle  avec  le  plan  commun  des  deux 

bronches. 

Voila  ,  pour  ainsi  dire  ,    la  seule  partie  qui  se 

trouve  genera'ement  ;  tontes  ies  aulres  varient,  et 

Dous  allons  passer  en  revue  leurs  diverses  combi- 

liaisons. 

Commenons  par  la  plus  commune  ,  quoiqne  la 
plus  corapliquee  ,  celle  des  oiseaux  clianienrs  (  pas^ 
seres  ^  L.  )  :  et,  pour  avoir  un  suj;^t  de  comparaison , 
prenons  pour  exemple  celle  de  Vetourneaii(^stur/ius 
Vulgaris  ). 

I."*  Les  derniers  anneaux  d3  la  irac'-^e  ,  tab.  i.^®, 
A ,  1 ,  2,3,  a  ,  a  ,  se  r^unissent  en  une  piece  longue 
de  deux  ou  trois  ligncs  ,  ^-peu-pres  cvlindrique  diins 
le  liaut,  et  6va.s^e  par  en  bas,  oii  elle  a  deux  pointes 
obtuses ,  une  anterieure,  b,  b,  I'autre  post^rieure, 
reunies  par  un  osselet  trans\  ersal ,  c ,  c,  dv?  facon  q':e 
la  trachee  s*ouvre  infc'Mieurement  par  deux  trous 
oval(>s,  faisant  Tun  avec  Tautre  un  angle  obtus  5  cha- 
cun  communique  dans  nn  des  !  ronclies. 

2.°  Les  trois  premiers  anneaux  de  chacjue  broncbe 
soiit  plus  rapproclies  et  plus  plats  que  les  sui ,  ans  ;  ili 
vont  en  s'alIoDgea:>t  par  derriere  du  premier  au  troi- 


336  An  n  t  ami  e  comb  arte. 

si^me,  defacon  que  I'extremito  post^rieurederelui-ci 
faJt  une  especf  de  saillie  ,  d ,  parce  que  le  quatriome 
aiHieau  diminue  subitement.  A  peine  leur  courbure 
fait-elle  un  arc  de  60  d.gres  ;  la  corde  de  cat  arc  est 
remplie  par  la  menibmne  tympaiiifonne,  dont  j'ai 
parle  plus  I'aut ,  f.  Le  premier  recourbe  son  extr6- 
irit^  anterieure,  e,  vers  la  face  interne  du  brouche, 
oil  elle  s'articui*'  avec  un  petit  cartilage  ovale,  g  ,  qui 
est  C0II6  a  la  membrane  tjmpani forme ,  f.  Voila 
a-:  eu-presle  sou  letre  de  ce  larvnx.  On  voit  que  la 
coupe  transversaie  du  Lronche  est  d'ai^ord  presque 
circulairie  ;  qu'eii  remonlant ,  elle  devient  un  segment 
de  cercle  qui  se  rt'tre.it  dans  un  sens,  en  s'^lar^issant 
dans  I'autre  ;  qu'eufin  I'entree  de  Tair  danslatrachee 
se  fait  par  deux  irons  ovales. 

3.°  Get  appareil  est  garni  de  di^  muscles  ,  cinq  d© 
cbaquecote  ;  je  vais  les  decrire  successivement ,  et  en 
indiquer  Pusage. 

Tab.  i.'^^  A.  f.  5.  6.  7.  a.  a.  a.  Le  coirstdcteur  Lon- 
gitudinat  atUSrleurde  La  niembraae  tympanic 
forme  , 

Muscle  long,  situe  \  la  partie  lalerale  anterieure 
de  la  bifurcation.  Son  attache  fixe  est  au  corps  de  la 
trachee,  a  quelques  li^nes  de  hauteur  ;  il  colle  ses 
ftbres  a  plusieurs  de  ses  anneaux  5  descendant  un  pen 
oblic{uement  en  avant,  apres  avoir  form6  un  ventre 
sensible  ,  r6imit  ses  fl:  res  en  un  petit  tendon  ,  qui 
ft'insere  a  P.*  tri'm.te  anterieure  du  troisieme  demi- 
anneau.  II  fait  mont^r  cette  e.^tr6mile,  el  tend  par-I^ 
toute  la  partie  de  la  membrane  qui   se   trouve  au- 

dcssous 


Laryjix  iufcrieur  des  oisraw:.  33  j 

dessous  de    cet  auneau  ,    dans   le   sens    de    sa  lon- 
gueur. 

h.  h.'  b.   Le  constrocteur.  ioiigitudirMi  posterieur 
de  La  mcnibrane  tyniyanl/onne ^ 

Est  fort  semblahle  au  pri^cedent  ,  et  a-peu-pres 
parallel:'.  II  coUe  ses  fibres  d«  nieiiie  a  la  parlie  la- 
t^rale  poslerieure  de  la  trachee^  el  insere  son  tendon 
a  I'extremit^  post^rieure  du  troiaieme  detiii-anneau. 
Son  effi^t  sur  la  membrane  est  pareil  a  lcIuI  du  pre- 
cedent. Lorsqu'ils  agissent  ens.M'ble  ,  ils  rapprochent 
la  totalite  des  trois  deini-anneaux ,  et  font  ^lisser  le 
premier  sous  Tare  externe  de  la  tracliee  ,  ce  qui 
diminue  considerablement  son  ouverture.  ia  parlie 
suj)crieure  de  la  membrane  doit  se  trouver  relachee 
par  leur  action  ,  puisque  I'espace  au-dessus  du  Iroi- 
sieme  ynneau  est  diminue  5  mais  c'esl  a  quoi  rejnc'Jie 

10  constricleur  transversal. 

c.  Le  petit  constricleur  longLtudlnat. 

Ce  muscle  est  du  doul)Ie  plus  court  que  le  prece- 
dent, et  entier.Mnent  cach6  par  lui.  II  a  son  aliacl.e 
fixe  a  la  parfie  infcrieure  poslerieure  de  la  traih,:''e,  et 
insere  son  tendon  a  I'exlremite  poslerieure  du  second 
I  :mi-anneau.  Son  action  est  semblable  a  cellc  du 
precec'.ent. 

d.  Le  constricleur  oblique 

Est  situe  a  cot^  eten  avantdu  precedent,  el  egale- 
men!  cache  sousle  constricleur  longitudinal  pos.'ericur. 

11  va  ob!i([Mementde  la  Iracbee  «  rexlr/'mite  posle- 
ToniQ  U.  y 


33S  Anatomic  comparu. 

rieure  dii  deuxleme  demi-anneau  ,  il  doit  le  lirer  en 
liaiit  et  en  dehors  ,  par  consequent  paiiiciner  de 
Faction  des  prec^dens  et  du  suivant. 

e.  e.  Le  constrlcteur  transversal. 

Ce  muscle  est  situe  a  la  meme  hauteur  que  les  pr^- 
cedens,  en  partie  a  decouvert ,  en  avant  du  cons-' 
trlcteur  arilirleur  y  et  en  parlie  cache  sous  lui.  II 
n'est  pas  plus  long  que  les  deux  pr^cedens ,  mais  beau- 
coup  pkis  gros  ,  ventru ,  et  de  forme  a-peu-p res  ovale. 
II  prend  son  origine  sur  le  dernier  anneau  de  la 
h-achee  ,  se  porte  obliqricment  en  has  et  en  avant,  et 
s'insere  en  parlie  a  Texlremil^  anterieuredu  premier 
anneau  ,  et  sur-tout  au  petit  cartilage  qui  s'articule 
sur  elle.  II  rapproche  cet  anseau  de  la  trachee,  le 
rend  moins  courbe  en  ecartant  son  exircmite  en 
dehors,  et  co-nsequemment  il  retr^cit  cette  parlie  de 
la  glotte  ;  mais  sa  principale  action  est  de  tirer  en 
avant  le  petit  cartilage  ,  par  consequent  de  t^ndre 
avec  force  et  dans  le  sens  transversal  la  partie  supe- 
ricure  de  la  membrane  tjrapaniforme ,  ce  qui  pent 
etre  necessaire  pour  certaines  modifications  de  la  voix, 
mais  sur-tout  lorsque,  les  autres  muscles  relachant 
cette  partie  superieure  en  meme  temps  qu'ils  tendent 
le  reste,  il  etoit  besoin  d'un  muscle  qui  mit  le  tout  a 
I'unisson. 

Le  larvnglen  inferieur  et  externe  se  colle  a  la  tra- 
chee ,  dans  cette  espece  ,  entre  les  grands  constric- 
teurs.  II  est  marque  ,  f ,  f,dans  les  figures.  Ce  muscle 
est  tres- petit  dans  les  oiseaux  chanteurs  ;  je  crois 
avoir  remarque  qu'il  a  plus  de  volume,  a  proportion , 


Larynx  inferieur  des  oisenux.  30 ^ 

dans  ceu\-  dont  le  larynx  inferieur  est  moins  compli- 
que  ;  peut-etre  qu'ajaut  molns  de  n.ojen  de  changer 
I'ttat  de  I'oroaiie ,  I'oiseau  est  oblige  de  i'ebraiilcr  plus 
souvent  en  masse  etque,  pourcetteraison  ,  le  musc'e 
con.mun  grandit  a  mesure  qn'il  y  a  moins  de  muscles 
particuliers. 

^   La  structure  qtie  je  viens  de  dt'crire  ,  se  retrouve 
a-peu-pres  dans  ies  moineaux,  les  cl.ardonnerels,  les 
mesanr^es,  les  plncons  ,   Is  merles,  les  gnves  ,'  les 
mauvis,  lesbruants,  les  alouettes,  etc.  On  pru',  je 
crois,  la  regarder  comme  commune  a  tout  I'ordre 
passcrcs,   les  hlrondelles  et  engoulevens  evceptes 
Les  petites  differences  qui  peuvent  se  frouvef  dans  la 
grandeur  respective  des  cartilages  et  des  muscles 
seroient  difficiles  a  determiner,  et  il  le  seroit  encore 
plus  d'apprccier  leur  influence  sur  la  forniaiion  de  la 
voix.  J  >   trouve  encore  la  meme  structure  dans  les 
corbeaux,  l.s  corneilles,  les  geais  et  les  pies.  Aussi 
cette  partie  de  I'ordre  plcw  ^  de  Linneus,  a-t-ells 
paru  depuKs  long-temps  plus  voisine  des  pas^eres 
qnc  des  aulres  ^enres  auxquels  Linn<^   I'a  associt^/ 
Ciiacun  se  le   porsuadera ,  en  parcourant  la  cl^aine 
iiaturelle  qmli^Acsetourneaux  aux  lo riots ,  cei^d 
aux  rolUers,  aux  corbeaux  et  aux  olseaux  de  pa^ 
radus  ;  mais  cet  objet  est  elranger  au  sujet  de  ce 
memoire. 

la  connoissance  que  nous  venons  d'aCquerir  d.^s 
larynx  ,rifcrceurs  a  dcx  muscles,  qui  caracterisent 
ces  o,seaax,  nous  explique  le  singulier  talent  de  la 
P  upan,  a  .miter  toute  sorie  de  sons,  a  apprendre  h 
^-baiiler   des  airs ,  enfin  pourr|uoi  ceile  classe  seule 

X  2. 


54>  Anrtomie  comparce. 

r.ous  fournit  tousles  oiseaux  chanleurs.  II  est  vrai  que 
pliisieurs  de  cette  meiiie  classe ,  teJs  que  les  corbeaux  , 
etc.,  ont  la  voix  Iros-desagveable ;  maiscedefaut  leur 
vienit  de  Ja  duretc  ds  leur  tracbee  ;  et ,  puisque  le 
CO!  beau  ,  !e  geai ,  etc. ,  imiteut  la  voix  de  I'bouime ,  ii 
falloit  bicn  que  leurs  organes  eussent  dans  leur  genre 
uu  haul  deur6  de  perfeclion. 


Nous  alloiis  maintenant  passer  a  une  autre  struc- 
ture, molns  bien  fournie  de  muscles,  mais  plus  siu- 
gubeie  par  la  foriue  des  cartilages  ;  c'est  celle  des 
perroquels.  On  s'imagina  bien  que  Voiseau  paiieur 
^pa^  excellence  ne  doit  pas  etre  place  dans  les  degrt's 
inferieurs,  quant  a  I'organisation  de  ses  inslrumens 
vocaux.  Yol'-i  ce  que  j'ai  OAsprve  dans  le  perroquet, 
iioinni6  par  Bufibn  ama&one  d^  teie  jaune  (  psU- 
tacus  oclirocephatus y  L.  ).  Les  derniers  anneaux 
de  la  tracb.ee  sont  souries  ensemble,  et  ferment  uu 
tujau  cyiindrique  un  pcu  aplati  par  les  cotes.  Le 
dernier  de  to  us  est  presque  quarre  ,  etant  aussi  aplati 
par  devanl  et  par  derriere ,  ou  il  a  deux  pointes  assez 
aigurs  (  tab.  i.  B.  f.  4, a.  a. ).  II  n'j  a  pas  de  cloison 
dans  rintt'-rieur. 

De  celte  ouverlure  pendent  les  broncbes  ,  forinant 
deux  tubes  njembraneuv,  garnis  des  pieces  cartilagi- 
neuses  qui  Kuivesil.  i.'°  Le  premier  demi-anneau  :  ici 
il  est  tour  plat,  tes-^Iargi,  ajar.t  presque  la  forme 
d'un  croissant ,  dont  le  cote  convexe  seroii  tourne  en 
liaut.  Ses  pointes  scut  aigues  et  tournees  en  bas.  II 
n'est  pas  vertical,  mais  dans  une  situation  Ires-obli- 
que, son  bord  sup6icur  s'appuj-ant  coulre  le  bordde 


Ldfyna  Infer Uur  dcs  oiscau>!.  3|i 

la  traclice,  et  I'autre rentraivt  presqne  jusqu'a  toiiclH  r 
celui  de  son  correspondant.  Voyez  h  ,  b.  2.°  Les  trois 
demi-ann.aux  siiivans  so:it  encore  a;  solun.ent  plats, 
et  sondes  en  une  pla(;rte  demi-circiilaire,  anx  extre- 
miles  de  laquelle  on  voit  encore  leur  distinction.  La 
position  de  cette  plaqne  est  en  tont  I'inverse  de  la 
pr^cedenle  ;  elle  s'incllne  en  sens  contraire  ,  et  c'e.st 
son  cote  convcxe  qui  est  toui  ne  en  has  et  en  debors. 
Vovez  d,  d.  3.'  Les  cinquieme,  sixi>me  et  septieme 
demi-anneaux  ,  c,  c  ,  sont  sondes  a  la  plaque  prece- 
dente,  etentre  eux  dans  leur  milieu  seulement.  Leurs 
exfremitcs  s'ecarient  en  se  couvbant  vers  le  baut.  I!s 
sont  plats,  et  dans  le  meme  plan  que  la  plaqne  qui 
les  precede.  4.°  Les  anneanx  qui  suivcnl  ont  la 
forme  ordinaire  jusqu'a  I'entree  du  broncbe  dans  Ic 
jfounion. 

Le  cote  par  lequel  les  broncbes  S3  regardant ,  est 
membraneux  ,  et  les  deux  memln-anes  s'unissent  , 
a  la  bauteur  des  pointes  du  prsnuer  demi-annean. 
De-la  ,  jusqu'a  la  tracbt^e  ,  elles  ne  forment  qu'un 
•eul  canal  5  et  le  retrecisse  nent  qu'il  epronve  enire 
les  Lords  inferieurs  de  ce  demi-anneau  ,  pcut  eire  a 
jus!e  litre  nomme  la  glolle  dece  larynx. 

J'al  observ6  six  mus:les  dans  le  perroqn  t  ,  trolsde 
cbaqne  cote.  Une  paire  relacbe  I'ouverlure  de  la 
^^lotie  ;les  deux  autres  la  coutractent. 

I."  Le  premier  (  tab.  i.B.  i,  2, 3,e.  e.  )asoY>attacbe 
fi\e  an  p^nultieine  anneau  de  la  tracbre-artere.  II  des- 
cend presque  perpendi  nlairement ,  d'nbord  appuye  ' 
sur  le  Laxateur ^  ensuite  coinine  ca  fair,  sans  tou- 

Y  3 


3^2  Anat,om'u  comparce. 

cher  a  rien  ,  et  va  s'ijiiplanter  clans  le  centre  de  ren  - 
nio^clesanneaux  cirquieme,  sixitMue  el  septietne.  II 
soulev-e  celle  parlie  ;'et  comme  die  est  soudee  i  la 
plaque  seiDi-circulaire  ,  d,  il  ne  peut  prodnire  cet 
efK't  ,  qu'en  faisant  rentrer  le  bord  supwrieur  de 
cei:e  placjue  ,  par  consequent  en  resserratit  la  gloHe. 
i."  Le  second  iruscie,  f,  f,  peut  eirs  nomme 
I'auxiliaire  du  precedent.  Ses  fibres  occupent  une 
ceitaine  etendue  le  long  de  la  Iraclieo  ,  a  sa  foce 
anh'rieure  ;  parvenu  a  la  hauteur  de  I'origine  du 
precedent  ,  il  s'ecarie  en  arriers  et  de  cote  ,  ef  s'y 
colle  par  un  tendon  assez  mince.  Je  ne  vois  pas  qu'ii 
ait  d'autre  usage  que  de  le  seconder  dans  ses 
fonctions. 

3.°  Le  laxateur  de  la  giotte  ,  g,  est  situe  sous 
\&s  deux  autres  musdes.  Ha  son  aitaJie  tout  le  long 
du  bord  de  la  trachee ,  a  une  forme  demi-ovale  ,  et 
descend  en  s'epanouissant  jusqu'au  bord  infeiieur  et 
concave  du  dernier  demi-anneau  5  son  ef^let  est  d'e- 
carter  ce  bord  en  dehors,  et  d'elargir  I'ouverture  de 
la  glotte. 

J'observe  que  les  deux  premiers  mns  les,  en  fcr- 
inantla  glotte,  tendent  en  meme  temps  la  raem])rane 
tjmpanifornie ,  puisqu'ils  la  tirent  dcs  deux  cotes: 
ce  qui  doit  contribuer  egalement  a  re^dre  le  son  plus 
aigu.  Quant  a  celui  qui  dilate  cette  ouverture  ,  il 
Ji'augmente  pas  la  tension  de  la  ?nembrane,  puisque 
celle-ci  \q.  remcnte  pas  jusqu'a  la  hauteur  du  carti- 
lage en  forme  de  croissant  ;  par  cons^'quent  il  ne 
detruit  pas  ,  comrae  il  arriveroit  par  celle  tension  , 
le  sou  grave  ^  elTet  de  i'ouverture  plus  grande  de  la 
gloHe= 


Larynx  infer ieur  des  oiseaux.  843 

Oiidoii  s'etonncr  que  les  deux  structures  de  larjnv, 
les  plus  compliqu^es  que  nous  coiinoissions,  soient  si 
pcu  analogues entre  elles,  que  la  nature  semblc  avoir 
travaille  sur  un  plan  different.  On  de.-ireroit  trouver 
(\'s  nuances  intermediaires  qui  enchainent  toutes  scs 
},roductions  ;  mais  il  faut  remarquer  que  le  genre  des 
perroquels  est  tres-eloigne  de  tons  ceux  de  notre 
pays,  que  nous  n'avons  pas  la  faculle  de  dis^equer 
les  toucans,  les  barbus,  et  autres  genres  par  Icsquels 
ils  sc  rapprochenl  graduellement  des  passeres  j  et  ou 
nous  trouverions  pro1.>ablement  des  siructures  de  la- 
rynx in  fcrieurs,  qui  tiendroient  plus  ou  moins  de  ces 
deux  extremes. 

De  ces  larj-ux  a  trois  paires  de  muscles  ,  nous 
sommes  obliges  de  passer  iramcdialement  a  ceux  qui 
n'en  ont  qu'une  :  je  ne  connois  aucun  larynx  a  quatre 
muscles.  Ceux  a  deux  sont  nombreux  ;  mais  ils  difie- 
rent  par  le  noml^.re  des  anneraix  elargis  et  par  la 
longueur  du  muscle.  II  est  evident  que  ceux  oa  le 
muscle  qui  descend  de  ia  trachee  va  saisir  le  premier 
anneau  ou  le  second,  ?ont  susceptibles  de  dilalalions 
et  de  constrictions  mains  variees  que  ceux  oii  il  des- 
cendroit  jusqu'a  des  anneaux  plus  inftrieurs,  telsqr.e 
le  quatrieme  ou  le  cinquieme  ;  par  consequent  ce 
sont  ceux-ci  qu'on  doit  regavdcr  comme  les  plus  par- 
faits  ,  et  ,  pour  les  ranger  i-D(iihodiquement ,  seloa 
I'ordrs  que  nous  avons  adopte ,  nous  comnieuceroni 
par'eux  notre  enumeration. 

L?  muscle  le  plus  etendu  se  trouve  dans  les  oiseaux 
dc  proU  nocturnes.  H  va  saisir  le  seplieme  anneau, 

Y4 


3,1^  AnrAomie  comparie. 

J'al  observe  la  birurcation  dans  le  hil  ou  on  n;oyrn 
^wc^Std'X  otus  ,  la  c'oiiette  ou  grande  cl  evcche , 
slrlx  funerca  J  et  roffrave,  strix  Jlaniniea.  EUe 
est  la  meme  dans  toules  ces  especes. 

Le  dernier  anneau  de  la  trachee  est  partage  en 
deux  par  une  cloi-^on  o?s  use.  Lcs  sept  premiers 
deiin  anneaux  des  bronch.^s  voni  en  auriTientant  par 
drrrieie,  dn  ptemier  au  s 'ptieine  ;  le  huirieme  di- 
ir.inue  snb^te.rent.  Par  devant,  ccs  sept  anneaux  out 
un  angle  obtus,  qui  jrodult  en  avant  de  la  bifurca- 
tion \m  aplal!;-se  1  cnt  ovale.  Le  sep'ieme  demi- 
a  neau  ,  t:ui  est  le  plus  lorg  de  tous  ,  est  aussi  le  plus 
c'pais  el  le  plas  coirtpact.  Un  musde  ong  el  plat 
s'ai'.ache  a  son  inilieu,  et ,  passant  par-dessus  ceux 
qui  le  precedent,  va  se  coller  au  bas  de  la  tracbee. 
SontfTet  est  de  tendre  la  nj'en^.bran?  tjmipaKiforme  , 
qui  :ci  e^:i  fort  grande  ,  ilnd  et  iransparentr.  Le 
muscle  laryngien  inferieur  couvre  le  prtVedent  dans 
sa  silualion  nalurelle ,  et  produit  un  elfet  c  ontraire  ,  en 
relacbanl  la  n  einbrane,  comme dans  tousles oiseaux. 
Vojez  tab.  i.  C. 

Apr^s  les  oiseaux  de  nuit  Tienl  le  coucon  ,  dent  le 
larynx  infc'rieur  a  beaucoup  de  rapper's  avec  le  leur  ; 
on  sail  que  son  cri  se  rapprpcbe  aussi  en  quelque 
f:i  on  de  celui  du  grand  due ,  strLx  bubo  ( lioa-hoLi ). 
Cinq  djml-anneaux  seuleinent  vont  en  s'clargissani  , 
et  le  cinquieme  est  serablable  au  septieme  des 
clioucltes  ;  mais  sa  courbure  se  dirige  en  sens  con- 
traire.  II  n'y  a  pas  non  p'.us  ici  cet  aplatissement 
ovale  qu'ou  remarque   dans   les  choueties  ,    et   le 


I 


Lnrynx  inferienr  de^  oiseaiix.  345 

muscle  qui  unit  le  cinqu'erae  anneau  a  la  traclu'e ,  se 
porte  uu  pen  obiiqucnent  en  avant.  Les  larynj^iens 
inferieursqnittent  la  lra<  bee ,  et  se  portent  au sternum, 
a  nne'haut'jur  plus  nrande  que  clans  le^  cliouettes.  Le 
cinquicme  demi-ani  eau  a  a  rinieiieur  un  bourrelet 
de  matiere  graisseuse,  recouvorte  par  la  membrane 
interne  du  bronche  ,  qui  fiiit  une  forte  sailiie  ,  et  re- 
trc'cit  considi^rablement  le  pa.^saue  dc;  I'air.  EnCn  les 
derniors  anneaux  de  la  tracliee  ne  sunt  pas  d*une 
seule  piece ,  mais  formes  de  deux  demi-anueaux  5  e* 
la  cloison  qui  srpare  le  dern'er  en  deux  an<hes  ,  ne 
fait  pas  corps  avec  lui  ,  et  n'y  tit.'nt  que  par  les 
membranes  quileursont  communes.  Voyez  lab.  i.D. 

Le  hdron  ,  le  tutor ,  et  proba'  Icment  tout  le 
j^cnre  ardea  ,  out  aussi  uu  seul  musclj  constricL:iur, 
attache  au  cinqiiie:r.e  d^mi-anneau. 

Ces  oiseaux  ,  auxquels  leur  voix  enorme  devoit 
f  lire  supposer  des  or^a-.ies  tres-particullers  ,  n'ont  de 
lemarquable  qu^me  grande  elasticlte  et  unp  separa- 
tion tres-marqude  de  leurs  demi-auneaux  ,  e.t  une 
membrane  tjiiipaniforme  large  ,  mince  et  elastique. 

Des  oiseaux  qui  out  I'stla  :lie  moble  ne  leur  muscle 
constilcteur  ,  ius(*rc'c  au  cinquieme  den  i-anneau  ,  je 
suis  oblige  de  1  asser  aux  oiseaux  ou  cc  n  uscle  s'inscre 
au  second  :  je  n'en  conrois  pas  011  il  soit  attache  aux 
anneaux  interuu^diaires. 

Troisdes  genres  que  j'al  examines  ,  appartiennent  a 
cet  article  :  XespeLlcaiis  ,  les  inariins-pcdieurs  et  les 
engoulci'ens.  Commcnrons  par  ceu\-ci ,  comrae  ap- 


346  Anatoniie  comparer.. 

procliant ,  par  ]e  resle  de  Icur  conformation  ,  des  paS' 

seres  dont  nous  avons  deja  parle. 

Les  derniers  aiineaux  de  la  Irachee  de  I'engoulevent 
(  caprunutgus  europoeus  )  ^  loin  d'etre  sondes  en- 
semble ,  comme  dans  les  oiseaux  a  voix  forte  ,  sontau 
contraire  tres-minces,  et  separes  par  de  larges  inters- 
tices ;  le  dernier  n'a  point  de  do  son  transversale.  Les 
demi-anneaux  s'clargissenl  jusqu'au  sixicme  ;  ensiiite 
ils  radiminuent  et  s'arrondissent  par  degres  ,  comme 
dans  tons  les  oiseaux.  Le  muscle  constricteur  va  du 
bas  de  la  trachee  au  second  demi-anneau  des  bronchcs. 
,Vojez  tab.  I.E. 

Dans  le  genre  pelecanas  de  Linne  ,  j'ai  examine 
le  larvnx  inferieur  du  cormoran  (  petecarius  carbo  ) 
et  du  fou-de-bassan  {petecanus  bassamis  ).  Voici 
ce  que  j'v  ai  observe. 

Le  dernier  anncau  de  la  trachee  n'a.  point  de 
cloison  transversale  ;  il  est  taille  des  deux  coles  en  bee 
de  plume,  et  a  en  avant  et  en  arriere  une  pointe 
aigu(^.  Le  premier  demi-anneau  place  presqiie 
parallelement  au  bord  de  la  trachee  ,  est  fort  cpais  et 
tres-convexe.  Le  second  lui  adhere  int'mement ,  et 
donne  I'altache  mobiite  an  muscle  constricteur.  Le 
iroisieme  anneau  etant  droit  et  foit  plat  ,  ii  exists 
entre  lui  et  le  precedent  un  espace  membraneux  qui 
pent  elre  regarde  comm&  une  seconde  membrane 
tjmpaniforme  ;  elle  fait  une  saillie  convexeen  dedans 
du  bronclie.  Les  anneaux  qui  suivcnt  se  courbent 
toujours  davaniage  ,  et  le  neuvieme  fait  le  cercle 
enlier.  La  memi/rane  tympaniforme  est  done  ici  en 


La^ynH  inft'r'eur  des  ciseau:^.  347 

]  vjJnte  alongee  vers  le  has  ;  en  hauf,  clle  renionli^ 
jiisqu'a  la  llgne  qui  va  cl'ime  poinle  de  la  traclu'e  a 
I'anlrc.  Voyez  tab.  i.  F. 

Dans  le  martin-peclieur  (  alccdoispida  ^  L.  )  , 
le  dernier  annean  de  la  traclu'-e  est  longet  diir,  s'eva- 
sant  en  cone  Ironque,  ayant  en  avant  et  en  aniere 
line  l^gerc  c'cliancrnre,  entre  lesquelles  est  siluee  la 
cloison  transversale  qui  le  partage  en  deux  aiiches 
ovaies.  Les  anneaux  vont  se  "raccourcissant ,  et  s'ar- 
rondissant  gradnellement  a  mesure  qu'ils  descendenl. 
Le  muscle  constric  teur  ,  a  ,  est  etendu  enlre  le  has 
de  la  hachee  ,  et  le  second  derai-anncau  ,  auquel 
il  insere  ses  fibres  en  les  epanouissant.  Vojez  tab.  i.  G. 

Nous  allons  maintenant  trailer  de  ceu\-  des  larjnx 
a  un  seul  muscle  ,  oii  il  a  son  altache  mobile  au  pre- 
mier d^mi-anneau  des  bronches.  lis  lont  nombreuv  ; 
j'en  ai  vu  de  tels  dans  les  beccasses,  les  vanneaux  , 
les  foulques,  etc.  5  et  j'ai  lieu  de  crore  qu'ils  se  rc- 
Irouveroient  dans  tous  les  oiseaux  de  rivage  {gratia: , 
L.  )  a  bee  foible,  tels  que  piuvlers  y  clievallers  ., 
inauberhes  y  auoccUes ^  etc.  Cependant  il  ne  faut 
pas  trop  donner  a  Tanalogie  ,  car  nous  avons  dt'ja  vu 
uans  ce  memoire  ,  et  nous  vcrrons  encore  qu'elle 
iiVst  pas  toujours  la  meme  cnlro  les  formes  e.\tc- 
rienres  et  les  structures  des  larj  nx  int^^rnes. 

Dans  la  beccasse  (  scoiopax  rusiicola.  L.)  ^  nons 
lrv)uvons  uno  particularife  que  nous  n'avions  pas 
I  acore  remarquee.  Les  qualre  derniers  anneaux  de 
la  Iracliee  sent  fendus  par  derriere ,  et  meme  leurs 


548  Analom'ic  cQinparcc. 

extre-mit^s  s'y  ^carlent  considtTablement.  Les  AQu^z 
membranes  tyrapaniformes  se  contiiuent  par  derriere 
jiisqu'a  Panneau  qui  reste  entier ,  de  sovte  que  la 
ligne  <1e  leur  reunion  n'est  pas  perppndlrulaireal'axe 
de  la  trac  hee  ,  comme  il  arrive  ordinairenient ;  mais 
elle  le  coupe  ol.liquement  en  doscendant  d'arriere 
en  avant.  Le  premier  demi-anneau  est  plus  large, 
et  donne  Tattac-l  e  au  muscle.  Les  autres  dimiuuenl 
graduellement.  Voye?  tabl.  I. 

Dans  la  beccasslne  {scoLopax  gallltiago)^  le 
dernier  anneau  de  la  trachee  seulement  est  fcndu, 
et  ses  exfremites  sont  peu  ^carlt'es.  Onne  s\tonnera 
pas  de  cette  difference  entre  deux  especes  si  voisinesj 
si  on  fait  attention  a  la  difference  de  leur  son  de 
voix. 

Dans  la  foulque  on  nioreUe  {JuLLca  atra  ,  L.  ), 
nous  observons  quelque  ciiose  d'acalogue  a  la  struc- 
ture de  la  beccasse.  Les  deniiers  anneaux  de  la  tra- 
chea sont  fendus  fciv  derriere;  mais  la  membrane 
qui  les  reunit ,  est  epaisse ,  presque  carlilagineuse  , 
et  les  membranes  tjmpaniformes  ne  remojitent  pas 
plus  liaut  que  les  Jjrouches.  Lesdemi  -  auneaux  de 
celles-ci  n'ont  rien  de  parlicnlier.  lis  vont  en  dimi- 
nuant  graduellement,  a  compter  du  premier.  Celuf- 
ci,qui  est  le  plus  gros  j  s'attache  au  bas  de  la  tracliee  , 
par  un  muscle  assez  long  qui  s'insere  k  la  partie  pos- 
terieure.  Vojez  tabl.  i.  K. 

Qiioique  la  poule  (Veau  (  j'uUca  ckloropus  )  , 
s>)it  d'un  genic!  tres-voisin  de  la  foulque,  elle  s'en 
eloigne  sensiblement  par  la  structure  de  sa  bifurca- 
tion. Le  bas  de  la  trachee  est  soude ,  osseux ,  com- 


L  a  lynx  infer  leur  des  ohenux.  3  _|  (-^ 

prime  lateralement,  et  parfa-6  par  une  c]oison_,  en 
deux  anches  loiigiies  et  etroitcs.  Le  iriiuscle  constric- 
teur  est  fort  court  ,  large  et  epais.  II  sa^sit  le  premier 
tiemi-anneau  ,  qui  est  le  plus  gros  et  le  plus  long. 
Lcs  aulres  diminuent  graduelleraent  ,  comme  dans 
Ics  oiseaux  prccedens.  Vojez  tabl.  i.  H. 

Le  vanaeati  {tringa  vanellus ,  i. ) ,  a  le  Las  de 
sa  trachee-artere  forme  en  triangle  Equilateral ,  don  t 
un angle  serolt  iourne  en  avant.  Les  deux  oiiverlures , 
en  forme  d'anches  tres-^tro.'tes ,  sout  paralleles  aux 
deux  cotes ant^rieurs  du  triangle.  Elles  soat  separees 
par  u.ne  sorte  de  plancher  osseux  Ires  -  concave  en 
dessous  ,  de  facon  que  la  partie  posterieure  de  la  tra- 
chee  est  fort  echancree.  Le  muscle  constricleur  est 
situE  fort  en  arriere,  et  saisit  I'extremite  du  prexiier 
demi-anneau.  Les  bronches  sont  conformees  comme 
dans  les  oiseaux  precMens.  Vojez  tabl.  i.   K. 

Nous  aliens  malntenant  passer  a  la  derniere  clasFe 
des  larjnx  inferieurs  ;  ceux  qui  u'ont  point  de  musc'e 
propre.  lis  ne  peuvent  chancer  d't^tal  qu'au  mojen 
du  muscle  laryngien  inferitjur,  qui  est  fort  gros  dans 
cjs  especes  J  et  ils  ne  reprenneaf,  iorsque  ce  muscle 
cessed'agir,  que  le  degre  de  tension  que  leur  donne' 
Jeur  elasticile  uaturelle.  Je  trouve  de  ces  sorles  dij 
larynx  dans  les  galliuact'S,  et  dans  plusieurs  oiseaux 
palmipedes  ;  cependanl  nous  ^avons  deja  que  tons 
les  palmipedes  ne  sout  pas  de  cetleclasse,  puisque 
nous  avons  trouve  uu  muscle  constricleur  au  larynx 
du  cDrmoran. 


33o  Anatomic  comparie. 

Je  vals  d'abord  decrire  la  bifurcation  da  canard. 
(  anas  boSckas  ^  L.  )•  Quoiqu'elle  I'ait  6te  parplu- 
sieiirs  anatomisles  _,  il  lie  sera  pas  inulile  de  la  p^/f- 
senter  de  noiiveau  dans  ie  lableau  coinparalif  que 
je  donne  ici.  Voici  ce  que  j'ai  observe  dans  les  ca- 
nards ,  tant  sauvagcs  que  domestiques. 

Les  derniers  anneaux  de  la  Irachee  sont  sourlrs 
en  un  seul  corps  presque  osseux ,  ou  ils  ne  se  dis- 
linguent  que  par  quelques  slries  transversales.  Voyez 
labl.  2.  A.  f.  I.  a.  Ce  c  rps  reste  cj  lindrique  I'es- 
pace  de  quelques  lignes  ;  il  est  cependant  un  peu 
aplali  par  devant.  II  forme  ensuite  deux  gonflemens; 
I'un  est  a  droite,  peu  considerable  ,  ressenible  un  peu 
a  une  portion  de  cone  tronque ,  dout  la  base  se  pro- 
longe  enarriere,  en  angle  un  pati  aigu  ;  I'autre  gon- 
fiement ,  situe  a  gauche,  ressemble  a  une  grosse 
vessie  irregulierement  arrondie(c)5et  produit  ante- 
rieurement  vers  le  bas  une  forte  saillie  pjramidale  , 
B. ;  sa  face  droite  est  un  peu  aplatie  vers  le  bas  , 
et  le  bord  infcrieur  y  est  ecnancrt-  en  arc  de  courbe. 
Toutes  ces  parlies  soiit  formees  d'un  cai'tiIaL,e  opaque, 
tres-din',  revetuexterieure^'Tent  d'une  cellulositeassez 
epaisse  ,  abreuve  d'une  humeur  mucilagineuse,  et 
sur  laquelle  rampeni  des  vaisseaux  sanguins. 

Endessous,  cette  capsule  a  deux  ouvertures  ;  I'une, 
qui  donne  issue  a  Fair  vena^it  du  bronche  droit ,  est 
sous  le  gonflement  en  cone  tronqu6 ,  de  forme  alon- 
gee,  renfennee  entre  deux  arcs  de  cerv  le  d'environ 
soixante  deg^eschacun.  L'autre  est  presque  circulaive  ; 
c'est  oil  communique  le  bronciie  gaucbe.  Pour  bicu 
connoitre  i'intt^rieur  de  ce  singulier  tubercule  ,  fji- 


Lnryns  infer'mir  des  oisenux.  J-">i 

Vons,  par  I'anche  du  bronche  droit ,  une  section  pa- 
rallele  a  I'a.ve  de  la   trac'uee.  ( Vove.  fig.  3  ).  On 
voii  qu'il  y  a  unc  cloison  qri  remonte    a  plusiems 
U.nes  de  hauteur ,  D.  ilg.  3  ;  mais  elle  ne  tient  a  Ii 
imcWe  que  par  sa  partie  poster;eurc.  En  arriere, 
a  y  a  un  interslice  anguleux.  B.  fig.  3.  -  Coupons 
cette  cloison  ,  nousverrons  que  derriere  elle,  se  fait 
la  communication  du  bronche  gauclia  dans  la  cap^ 
sule  ,  et  celle  de  la  capsule  dans  la  trachce.  Ces 
deuK  trous  sont  separes  I'un  de  Taulre  par  une  autre 
cloison  perpcndiculaira  a  la  premiere,  de  facon  que 
Pair  venant  du  bronche  gauche   ne  pent  parvenir 
danslatraolu^e  ciu'apies  avoir  pass6  par  la  capsule, 
tandis  que  celui  du  bronche  droit  y  parvient  unme- 
dialement.  II  a  pourtant  aussi  une  dilatation  ,  nla.s 
tres-pelite ,  e  ,  fig.  3,  qui  occupe  une  partie  de  la  sadlie 
pyramidale. 

Les  entries  des  In-onches  sont  garnies  de  mem- 
branes cp^isses  ,  an  Iravcrs  desquelles  suinte  une 
humeur  muqueuse  fort  abondante  ,  que  se;  aient  dcs 
glandes  fort  semblables  a  celles  qui  fonrmssenl  la 
synovie  ,  et  placecs  entre  la  membrane  et  le  cartilage. 
La  face  par  laquelle  les  hrouclies  se  regardant , 
est,  comme  dans  tons  les  oissaux  ,  si  implement  meai- 
braneusc.  Leur  face  externe  est  revetue  de  forts  demi- 
anneaux  ,  sans  aucnn  u.uscle  propre.  Les  laryngiens 
inferieurs  se  collent  a  ki  tra  bee  iaim^diatenient  au- 
dessus  de  ses  gonilemens. 

Tel  est  le  larjnx  inferieur  du  canard  male. 
Dans  le  moriUon  (  anas  JuUguLa ,  L. ) ,  ^^  ^^i^"^ 
de  la  capsule  de  gauche  est  comprime  d^avant  en 


3.")  2  Anaiomie   co  nip  arte. 

av^i^re.  Sa  base  posK'rieiire  fait  uii  angle  saillant, 
a  5  r.  2  (  tab.  2.  E.  )  ;  Tantrrieure  ,  b,  f.  i  ,  se 
confourne  en  iin  c.iiial  osseux  qui  ,  iTiOntant  dans  la 
tracliee,  eiablit  line  communJcalion  enfre  elle  et  la 
capsule.  II  y  en  a  une  au^re  sous  sa  parol  interne  , 
f.  f.  5  ,  longue  et  6tro  te.  Les  parois  de  la  capsule 
sent  mernbraneiisps,  renforcees  d'un  reseau  osseux. 
Voyez  fig.  I  ,  2,  3  et  5.  Le  septum  a  deux  ecLan- 
crures,  et  est  reiilbrcc  de  deux  aretes  osseuses  sail- 
lantes.  Vojez  g  ,  fig.  4.  Les  roemlDranes  tympani- 
formes  son!  gras,s;^s  et  epaisses.  Un  ligament  raem- 
braneux  va  de  Tune  a  I'autre  ,  h  ,  fig.  i.  Tout 
I'intLTieur  du  canal  recourbe  est  revelu  J'nne  mem- 
brane graissenre. 

Dans  le  tadorne  (  anas  tadorna.  ^  L.  ) ,  le  cartilage 
est  d'une  nature  mince,  cede  sous  le  doigt,ei  re;  rend 
sa  figure  avec  un  pelt  craquement.  Les  gonllemens 
sont  a-pen-pres  6gaux  et  semblables  de  cLaque  cote  ; 
chacun  d'eux  est  sopare  du  Injau  de  la  tracliee  par 
une  memlirane  epaisse  percee  d'un  trou  ovale  ;  c'est 
par  ce  Iron  que  i'ciir  provenaut  des  bronclies  circule 
dans  les  capsules.  Les  inuscL'S  sont  ici  comaie  dans  le 
canard. 

)3an3  ce  genre,  les  femelles  out  leur  Infurcalion 
autrement  conformce  que  celle  des  males.  Voici  celie 
dela  canne. 

La  derniere  piece  de  la  t^Ac^.pe,  longue  de  qua!re 
liviics,  s'evase  fortement  par  en  bas,  lab.  2.  B.  f.  t 
et  2 ,  a  ,  a  ,  en  avaiit  et  en  arriere  ;  son  boT'd  itiferleur 
a  une  ^Khancrurc  arrondie.  Une  cloison  ossense  tra- 
verse d'une  ecliancrure  a  I'autre,  et  remoiite  dans  le 

canal 


Laiyrix  hfcrieur  det  oiseavx.  353 

canal;  en  haut,  celte  cloison  est  ter.mn^e  oLKque- 
ment  ea  courbe  re«lrante  ,  b  ,  f.  3.  L?s  hroncLes  sont 
corjform^s  com.nerUns  tons  k^s  oiseanx.  Leurs  demi- 
anueaux  se  raccourcisse.t  et  se  recourbem  a  mesare 
qu'ilsapprochent  du  poumoii. 

Un  efft^t  bieii  naturel  de  cette  d:-ff(:^rence  de  confor- 
mation  paroit  etve  la  difference  eatre  la  vol.  aigre  et 
forte  de  la  canne  ,  et  les  coassemens  sourds  ei  .vav^s 
■du  canard.  Cependant ,  dans  les  es  .eces  de  ce  oenre 
dont  le  cri  re.semble  a  un  sifflement ,  teves  aue  anal 
penelops,  L. ,  anas  autumn ai U  ,  anas  krborea 
on  trouve  ^galement  ces  grandes  ca.sules  car^ilaoir 
Reuses  qui    semb'eut   devoir   produire  un  son  b^n 
different  ; ,  ai  eu  occasion  de  m^^v.  assurer  su,-  Vanas 
penelops  ',ui  a  exactement  .on  larynx  n.f.^rieur  cun^ 
torm^  comme  le  canard  ordinaire  :  celui  de  Varus 
penelops  femelle  est  le  meme  qn.  cc  lui  d.  no.re  ranne 
Les  hades  or.,  aussi  leur  larynx  inferieur  bour- 
souflc   en  capsules,   mais     un    pen   autrement  cue 
dans  les  canards  ;  11  y  a  meme  ici  en  quelaue  corte 
quatre  membranes  tympaniformes ,  an  lieu  d'e  de..x 

Le  dess.n,  tab.  ^.  D. ,  et  la  descripiion  sulvante 
sont  faus  d  apres  la  piette ,  ou  petit  harle  pie ,  Fergus 
aLbeUus,  L.  ;  le  renflement  du  c6t6  droit  est  a^.ssi 
petit  que  dans  le  canard.  Celui  du  col^  .aud.e  fait  h 
1  eAtcr;eur  une  espc.e  de  crochet,  a  ,•  vers  le  i  aut  ii 
est  comprime  en  toit  dont  I'angle  seroit  fort  aigu.'  Ii 
n  a  U  qu»une  seule  arete  osseuse  qui  fait  lesommet  da 
toit ,  b.  Des deux  c6tc's  de  cette  aiele  sont  deux  meir.^ 
brancs  tres-dnes,  transj  ar.ntes  et  \:;,.n  (endues.  Celle 
dedevant,  c,  est  piu;^  considerable  que  la  posterieure. 
Tome  IL  2 


354  Anatomie  compark. 

Ce  rcnnair.ent  de  gauche  forme  une  grande  capsule' 
donl  la  base  e.-,t  osseuse  et  sailiit  en  avanf  el  vers  la 
traclic'e,  par  une  convcxite  sinueuse,  d,  d.  Ea  eiile- 
va  \t  la  paroi  anterieTire  de  celte  siniuisite  (  f.  3  ) ,  on 
voit  (in'elle  contient  le  canal,  p^  par  leqiiel  cslte 
capsule  communique  a  Panche  gau( h:  de  la  tracliee,  f. 
Elle  esi  separ6o  de  I'or^fice  du  bronclie  gducbe  dansla 
capsule  (  g  )  ,  par  un  ^  ror.ontoire  membraneux  h  , 
forme  par  la  membrane  tympauiforme  de  ce  bronf  he: 
ainsi ,  comme  dans  le  canard,  Fair  ne  parvient  du 
bronche  gaucbe  daws  latracijeCj  qu'an  ts  avers  de  la 
capsule.  Celui  du  bronclie  droit  s'y  rend  immediate- 
. liient,  mais  par  une  auclic  plus  etroite.  Tout  riate- 
rieur  de  cet  appareil  est  garni ,  comme  dans  le  canard, 
d'nne  membrane  graisseuse.  II  n'j  a  d'autre  muscl» 
que  les  larjngiens  inferieurs  ,  qui  prennent  ioutau  bas 
de  la  tracb^e. 

Je  n'ai  pas  disseque  de  piette  feme'le.  J'ai  bien  eu 
I'oiseau  reprc-sente ,  n.*^  450  des  Pianclies  eiiluini- 
nees  _,  que  Brisson  et  Buffon  donnent  pour  ia  femelle 
de  la  piette.  Corame  j'6tois  alors  dans  la  meme  er- 
reur,  je  fus  fort  surpris  de-lui  Irouvcr  un  larjnx  infe- 
rieur  ,  parfaitement  semblaljle  a  celui  de  son  pretendu 
male  ;  mais  ayant  continue  ma  dissection,  je  vis  que 
cet  oiseau  ^toit  lui-meme  un  male ,  et  par  cons'iquent 
d'une  espece  differente. 

II  a  le  manteau  noiratre ,  I'aile  somblable  a  celle  de 
la  piette ,  la  poitrine  ondee  de  gris  ,  la  gorge  et  le  coii 
blancs,  et  la  tete  rousse.  Ces  carac teres  suflisent  pour 
le  distinguer  de  tous  les  harles.  On  pourroit  lui  donuer 


Laryns  hife'rieur  des  oiseauK.  355 

pour  nom  trivial  niergus  rnusteiarls  ,  que  lui  a  d<'ja 
impost  Gessner,  av.  p.  i33  (i). 

^Lc  genre  de  I'oie  ,  qui  paroit  d'abord  plusvoisin 
des  canards  que  iie  le  sont  les  liarles  ,  en  diflere 
Cependaut  davantage  par  la  structure  de  sa  i3;(ur- 
cation.  Voici  ce  que  j'eu  ai  observe  dans  Toie  (  anas 
anser)  et  dans  le  cravant  (  anas  bernicla  ). 

La  trachee  qui  est  Fort  "vosse  dans  le   liaut  ,  di- 
minuesiugulieremant  vers  la  bifurcation  ,oii  elle  a  ^ 
peine  deux  lignesde  diametre:  a  pres  de  deuv  pouces 
de  distance  de  1 1  biiuication  ,  les  anneaux  se  sou- 
dent  ,  et  la  trachee  devient  un  tul)e  osseux  ,  un  pen 
comprime  vers  ie  k^s.   Sou  ex'.remite  inferieure  est 
un  quarre  long  j   sur  les  deux  plus  longs  -cotes  est 
iinpriinee  un^espcce  d'arcnde  dent  le  bordest  releve. 
Ce  qnarre    long  est  parlage  selon  sa  longueur  par 
une  cloison  osseuse  en  deux  anclies  etroites.-Les  bron- 
cLes  tiennent   ciiacuu  a  la  trach6e ,  par  un  tuvau 
comprime  et  raembraneux  ,  sans  aucunanncau  ,  I'es- 
pace  de  quatre  lignes.  Le  preaiier  aimeau  n'est  in- 
tGrrom])u   du  cote  interne    que  d'un  arc   d'euviroii 
CO ".   Le  second  Test  a  peine  du  dixieme  de  sa  cir- 
conference.  Les  snivans  foi.t  le  cercle  eniier  ,  mais 
sont  ncanmoius  brisks  a  lenr  cote  interne. 

Les  muscles  larjngiens  inferieurs  coaune  a  Tordl- 
naire. 

(i)  Pour  completer  les  connoissances  sur  les  noeuds  de 
la  trachee  des  canards  el  des  harlcs  ,  vojez  dans  le  memolre 
dejiV  cite  de  M.  Bloch  ,  la  iigura  et  la  description  de  ceux; 
d'anas  clan<:ula,  anas  circ'ia  ,  anas  mmyla  ,  anas  querceduta  , 
et  de  fiiergiis  merganser.  C'est  une  loi   geperale  ,  que  les   ii- 

melles    manquent  de   renileaiens» 

Z  2 


356  Anatoniie  crmparce. 

Dans  la  perdrix ,  le  has  de  la  traclit'e  est  com- 
prini6  d'avant  en  arriere.  Ses  aniieau.v  sont  mince® 
et  ln>s-disliiicts.  Le  deniicr  de  tons  a  une  forme;  sin- 
j-uliere.  Par  derri^re  i)  est  elargi ,  ct  fait  deux  an- 
gles sailLuis,  C,  f.  2,  a.  a.  Par  devant  il  a  une  pointe  b? 
qui  se  porte  obliquemeni  en  avant  el  en  bas ,  du 
bout  de  laquelie  part  une  trav-crse  osscuse,  qui  rc- 
moDte  k  la  partie  post(3rieure  de  Tanneau.  Les  demi- 
anncaux  des  bronciies  sont  tous  rninces  ,  sans  rieii 
de  particullL^r. —  J^q  coc]  et  le  diiiclon  different  peu 
(ie  la  perdix. 

La  callls  a  son  dernier  anneau  formd  commo 
de  la  reunion  de  deux  ,  en  avant  et  en  arriere  se 
fait  rei7iarquer  un  assez  gros  tubercule  ,  auquei  tient 
le  presnier  demi-anneau  ^iQs  broncbes.  Gelui-ci  ^lant 
courb^  en  arc  ,  et  tournant  sa  convexiteen  bas  ,  laissa 
enir©  lui  et  la  irachee  un  espace  membraneux  ,  G. 
f.  3,  a.  a.  Les  autres  denii-anneaux  ,  ainsi  que  les 
membranes  tympauifonnes  et  los  muscles  larjngiens 
infdrieurs  jOiit  la  structure  orclinaiie. 

Plusiears  oiseaux  tres-differens  des  gallinac^s , 
appartiennent  encore  a  cetta  classe  ,  c'est-a-dire  que 
leurs  larynx  infc^rieurs  sont  sans  muscles  propres. 
Teis  sont  les  Inipes  ,  les  oiseaux  do  prole  dluraes  j 
(^jaicones^  L.  )  ,  etc.  Je  i  6serve  leur  description 
pour  la  suite.  J'en  ai  assez  dit  poor  faire  connoitre 
le  soin  avcc  lequel  la  nature  a  travail  16  cet  organe 
parliculier  aux  oiseaux,  et  la  prodi^jeuse  variety  qui 
regne  dans  sa  structure  ;  variete  dont  peut-etre  an- 
cun  autre  organe  ne   pourroit  fournir  un  exemple. 


Lnryv.K   infir'inr  da  oisea'ix.  SS; 

Ce.^  d'.'tails  sufrir,oient  pour  faire  pivsum^r  que  Tir^- 
fluence  du  larynx  inferio-ir  dc.'oit  etre  ties-^'r«nde 
dans  Ics  modifications  de  la  voix  dcs  oisraux.  J'ai 
V'oulu  m'assuvijr,  par  une  cxpc'rience  di^cisive  ,  qu'il 
pent  a  lui  seal  produire   un  son  ,  une  voix. 

J'a'  coupe  a  un  merle  vivant  la  trachde-ariere 
vers  le  milieu  de  ?a  long'jeur  ;  j'en  ai  separ^  lescL-ux 
bouts  coupe's,  et  d'ailleurs  ils  sVcartent  naturellc- 
ment  p.ir  I'actlon  des  larvngiens  infc^iieurs  qui  nVst 
phis  balancte  par  cslle  des  hjo-tbyroidiens  ,  ni  par 
r<^lasticite  da  la  lra::hee.  A3'ant  ensuits  secout*  Toi- 
seaii  d*une  maniere  que  je  sa\ais  devoir  le  faire  crier, 
dans  son  ^tat  ratiirel,  il  a  crie  tres-sensiblement ,  et 
a  diverses  reprises,  quoique  son  cri  fut  beaucoup  plus 
foible  qu'anparavant. 

II  est  done  demon tr(5  que  ce  larvnx  produit  une 
voix  qui  est  augment^e  pai-  la  trachee  ,  et  encore 
modifiee  par  le  larynx  sup^rieur.  La  slmcture  et  les 
fonctions  particulieres  de  ces  deux  derniers  organes  ^ 
feront  le  sujet  d'un  aulre  memoire  que  j'aurai  aussi 
riionneur  de  vous  communiquer. 

Je  sens,  mieux  que  personne,  combienle  memoirs 
actuel  est  encore  imparfait ;  je  sais  que  beaucoup 
d'oiseaux  y  manquent  encore  ;  que  dans  ceux  qui 
y  sont  decrits  ,  il  eut  fallu  observer  plus  ex 'ctement 
les  differences  entre  les  deux  sexes  ,  lorsque  leur  voix 
differe,  constater  avec  plus  de  detail  les  dimensions 
et  I'dlat  de  la  membrane  tjmpaniforme  ,  la  con  dis- 
tance et  Telasticitc  des  caTtilages  ;  comparer  les  voix 
des  diverses  especes ,  avec  I'etat  de  leurs  organes  ,  etc. 
Aussi  j'espere  me  livrer  unjour  aces  recherches,, 

Z3 


3;,8  Anatomie  ccmparce. 

si  voiis  daignez  m'encourager  par  voire  approbation  , 
el  sur-toiU  si  voiks  jiigrz  (jue  ce  travail  merite  Ifi 
peine  d'etre  corrige  et  reclilie   par  voiis. 

S   T  A   T  1  S  T  I  Q  U  E. 

Rexseignemens  sur  lAmp.rioue  ,  lasscmlfla  pnr 
Thomas  Cooper  ,  ci-devnnt  de  Manchester  ^  trn- 
duita  dc  lan^Jai'^  ivecune  carte ^  in-8.*^,  292  p-'^gcs. 
Prix  ^  i-J  liv.  €t  i6  liv.  io  s.  franc  de  poi-t  par 
1??  poste.  Paris  ,  chez  Maradrtn  ,  rue  da  Gimefeiere 
Aridre-des-Arcs ,  N.o  9  ,  an   troisicme  ,  ijgS. 

^U  TTiilieu  des  troubjes  qui  ont  dtsole  I'Europe  , 
les  regards  des  amis  de  la  liberie,  de  I'humaniN'^  et 
des  arts .  se  sont  portes  plus  d'lmc  fois  vers  PAmeriqu;", 
comme  le  seul  pays  qui  put  promettre  les  ayantagcs 
d'un  boil  gonvernemenl  ,  la  liberie  ,  la  paix  ,  et  la 
mesLire  d'egalile  que  la  sociele  doit  adsnetire  pour 
evitpr  cett3  disproportion  qui  enorgueillit  les  uns  , 
liumilie  los  autres,  et  aigrit  ceux  meme  qu'elle  avi'if. 
On  a  1  eraarque  que  I'Angleterre  seule  a  deja  fourni  ua 
nombre  considerable  d'cmigrans  a  I'Amerique  ,  par 
la  raison  qire  la  conformite  de  langage  et  de  moeurs 
rend  leur  naturalisalion  plus  facile.  Un  ouvrage  qui 
prescnte  des  renseigneraens  exacts  sur  les  moj'ens  et 
le  but  de  celte  (''iingration  ,  pent  done  oilrir  ini  grand 
jnleret,  ne  fut-ce  que  par  Tidce  coiisolante  qn'il  est 
sur  la  terre  un  asile  pour  les  etres  souilrans  ,  quelle 
(|ue  soit  la  cause  d*e  leurs  soiiffraaces  3  un  eivsee  oii  les 


Rcv.u^ignemens  sur  VAmhiqiK.  Sf) 

hommes  sensibles  et  rertiieiit  pouvent  tronvcr  une 
nouvelle  vie  riclie  de  repos ,  d'innocence  et  de  bon- 
lienr.  Mais  ceite  donee  ilUision  n'est  pas  complete  ; 
et  les  details  de  Touvmr^e  prouvrront  que  I'eiiiigiation 
et'l«  premier  etablissemcnt  ea  A-nerique  supposcr.t 
dt'-ja  des  fonds  considerables. 

L'auteur  expose  clans  sa  prt'face  les  motifs  qui  Tont 
decide  a  pubber  cet  ecrit.    Avec  mie  fortune  me- 
diocre et  une  nambreuse  famiUe  ,  une  grande  predi- 
Mcclionen  faveur  du  gouvernement  americain  ,  nr.o 
persuasion   inlime   que   TacreAe  polinqtie  qui  nQ 
prcvaiit  deja  que  trop  dans  sa  pciiiie  ,  prut  amc- 
ner  cje  fTicheux  resuitals,'Tb.  Coop.r  prend  le  paiU 
de  quitter  un  pays  dont  le  svilemc  poliii  ;ue  ne  v>vut 
plus  lui  convenir.    H  qui'.te  I'Anglelene,  an  mois 
d'aoCit  1-93  ,  et  sVmbarque  a  Nexv-York  ,  pour  re- 
venir  en  Europe,  en  fevrier  I794-  «  ^  "^^'^^  ^'^'^°'^^ 
r,  d'Amerique,  dit-il  ,  je  fus  accable  de   tant   de 
>r  questions  sur  Petatdelasociete  dans  ce  continent, 
»  sur  les  movens  d'y  vivre  ,   et  snr  les  motii^  qui 
>v  pouvoient  engager  a  sV  (^lablir ,  que  je  me  decilai 
.  a  n'pmidre  par  la  vole  de  I'impres^Jion  a  cellts  de^. 
«  ces  questions  qu'on  me  fai^oit  le  plus  souvent ,  et 
,>qai'  me  parurent  etre  de  I'importance  la  plus  g^- 
>,  ne:ale.  Voila  ce  qui  a  occcnsionne  ra  publication  de 
«  ctfouvrage,  que  ye  ri'hnrois  point  basardee,  si  js 
«  n^ivois  et6  plelnemeiTt 'cimVaTnc^  que  les  rensei- 
„  onemens  qu'il  contiei.t  C  M^«i>^  p-eu  ^tendus  )  , 
«  seroientar^rL^abies  A  une  'ctasse  nonibreuse  de 
»  iet-treurs  dans  ce  po'/s  >■>. 

L'auteur  commence  par  discuter  to;ites  fcs  raisons 

Z  4 


3"o  Slatutlque, 

^(:n6T^i\c9>  qui  peuvent  engager  a  passer  en  Am^rique. 
II  paicourt  rar-ideinent  tous  Xef,  motifs  hrH  du  prix 
des  terras  ,  des  denic'es  et  des  travaux  ,  de  la  consti- 
tution politique  ,  des  loix  ,  du  climat ,  etc. ,  qui  peu- 
vent i:n're  }:cnicber  pour  un  ^tal  plutot  que  pour  uii 
an!  re. 

II  erclut  successivement  les  i^tats  m^ridionaux  , 
comins  1.1  Gcorgie  tt  les  deux  Carolines ,  k  raison  de 
I'extremc  cba'eiir  du  rliiiat  el  de  I'esclavage  quiy 
doininent ;  ie  New-Hampsliire,  le  Massachusett  etle 
Connecticut  (  j  compris  le  pavs  de  Vermont  et  la  pro* 
vince  de  Maine),  a  cause  de  I'jnten^it^  et  de  la  duree^ 
t\u  froid  5  de  la  division  des  proprict^s  et  de  la  cherts 
<In  terrain  ;  R.hode~Islarid,  plus  propre  anx  paiuragef 
fju'a  la  culture  des  grains,  par  rapport  a  la  grande 
division  des  proprietcs  et  a  leur  tendance  a  diminuer 
de  valeur  plutot  qu'a  en  augmenter  ;  le  New-Jersej, 
romme  Tuar^cageux  ,  mal-sain  et  tourmentedefievres 
et  de  mousliques ;  le  Delaware ,  par  les  memes  raison s 
auxuueiles  se  joignent  I'intolerance  religieuse  de  sa 
(onstifutioii  et  l*esclavage  des  negres  ;  le  Maryland 
et  la  Virginie  ,  par  les  cbaleurs  excessives,  insuppor- 
tables  pour  un  tempcrainent  anglais ,  qui  regnent  dans 
ces  deux  ^tals ,  et  l*impossibibt^  de  s'y  faire  servir 
autrement  que  par  des  negres  esclaves. 

La  vallee  de  Shenandoah  _,  si  recomn^andee  par 
Brissot ,  est  ^galement  rejet^e.  Les  objections  (in  es 
de  \a.  cuaJeur  du  climat  et  de  la  culture  par  les  es- 
claves,  rcvieniient  dans  toute  leur  force,  parrappoit 
a  la  plus  grandc  partie  de  cette  valine ,  qui  s'ttend 
depuis  Wiiucliester  en  Virgiaie  jusqu'a  Carlisle  et  au 


Rcnsei^ncjrrvs  sur  VAmerique.  3"i 

Susquehannah  clans  la  Pensylvanie.  D'ailleurs  lb  ter- 
rain esl  tiop  cher  pour  promettre  les  avantages 
qu'offrent  les  pavs  ou  il  est  a  b;is  prix  ;  et  coraiiie  li 
vallee  esf  prinripalement  peuplt-e  d'AIlem  nds  et  rle 
Hollandais,  elle  est  plus  convenable  pour  des  emi- 
grans  de  ces  nations. 

L'impatience  de  nos  lecteurs  nous  devaacc ,  et  >e 
porte  depuis  long-temps  sur  le  Kentucky,  cet  EU 
Dorado  dont  on  nous  fait  des  peinlures  si  s<'dui- 
santes.  Th.  Cooper  ue  paroit  pas  partaf^er  tout  I'en- 
tbousiasme  des  vojageurs  pour  cette  terre  promise.' 
Ses  raisons  soot  ,  i.''  le  danger  des  evcursions  des 
Indiens,  et  les  demeles  frequens  nvec  eux,  qui  obli- 
gent  au  service  personnel  de  la  milice  ,  et ,  en  cas  de 
reinplaceraent ,  a  payer  des  taxes  considerables  ;  2.^ 
la  necessity''  d'euipUiyer  a  la  culture  des  esclaves  lou^s 
par  les  propri^laires  ,  qui  forment  environ  le  sixieme 
du  nombre  total  des  habitans  ;  3.°  la  disette  des  eaux 
necessaires  a  ragriculture  ;  4.0  la  vente  au-dessus  dc 
leur  valeur  r^elle,  d^s  positions  desirables  sur  le  bord 
de  rOhio ,  oil  I'on  est  en  surete  ;  5.°  les  proces ,  fruits 
de  la  negligence  du  bureau  des  terresen  Virginie,  qui 
accorde  souvent  plus  d'un3  patente  pour  le  meme 
terrain  ;  6.°  I'tloignemeit  des  conin:\Mnications  avec 
I'Europe  ;  7.°  la  nature  grasse  du  terrain  et  riiumi- ate 
du  climat,  qui  rendrnt  tres-difficile  la  confection  des 
cbeinins  ;  et  enlin  la  rarete  et  la  i  hert6  des  comro- 
dites  europeennes ,  dont  il  est  si  p^aible  a  \n\  Europ^en 
de  se  passer.  Malgr6  ces  inconveniens,  i'auteur  con- 
vient  pourtant  que  le  voyageur  Imlav  ,  qui  a  donne 
du  Kentucke  une  si  flatleuse  de£cripiiou  ,  a  dit  la  vc- 


3  '•'■2  StatistiqM. 

rile,  e\  redouble  par-la  le  deslr  que  Ton  a  de  voir 
paroitre  ici  une  bonne  traduction  de  ce  voyage  iule- 
ressaut.  Nous  in^^ilons  uu  homme  de  lettres  qui  s'en 
occupe,  a  presser  sou  travail  que  la  publication  de 
cet  ouvra^e  doll  fairc  attendre  avec  impatience. 

Piestent  I'etat  de  New -York  et  la  Pensjlvauie  ,. 
entre  lesquels  on  pent  se  decider.  L'auteur  en  donne 
les  details  les  plus  e^:acts  ;  agriculture  ,  transports  > 
jiiojens  (Tindustrie ,  i!  a  tout  evaraiue ,  et  rend  compie 
de  tout  avec  autant  de  sagacite  que  de  precision.  II 
pousse  I'exactitnde  jusqu'a  donner  !e  prix  de  toutesles 
denrees  dans  les  differens  lieux  oii  I'on  pourroit  etre 
le  plus  tente  de  s'etablir  5  le  taux:  des  auberges ,  en  un 
mot,  tousles  renseignemens  qui  peuvent  faire  juger 
de  la  cherts  de  la  vie  et  dfs  ressources  ofTertes  aux 
colons.  II  decrit  de  la  maniere  la  plus  circonsfanciee 
les  maisons  rusliques  et  les  plantations  americaines  ;  it 
cite  toutes  les  manufactures,  tons  les  metiers  ,  toules 
les  professions  qui  peuvent  reussir  dans  ce  pays  5  il 
donne  toutes  les  insiructions  necessaires  sur  la  traversL^e 
d'Europe  en  Amerique  ;  enfin  ,  en  faveur  des  com- 
inereans,  il  a  place  a  la  suite  de  ses  letlres  un  prix 
courant  de  Pliiladelpbie  ,  et  un  autre  cle  Londres  ; 
diverses  tables  du  cbange  et  du  cours  des  monnoies 
dans  les  Elals-Unis  5  des  droits  d'importations',  que 
pajeut  en  Araerique  les  diverses  m^ircl>andises  ^  uii 
tiat  de  sa  population  ,  etc. 

L'auteur  profere  la  Pensylvani-^  a  I'etat  de  New- 
York  ,  })arce  que  le  cli  rat  y  est  phis  &ec ,  et  par  con- 
sequent plus  favorable  a  la  sani6  5  vin  peu  plus  cLaud , 
et  par  consequent  plus  propice  a  la  vegetation  3  et , 


Reniieievemms  svr  rAmhiquc  3^3 

dans  cette  meme  Peiisylvanie ,  il  donne  la  prcf^ference 
aiix  j,aities  septentrionales  des  comtes dc  Nortlimiber- 
land  ,  dj  la  Luzerne  et  de  Noithair.pton  ,  et  an  comlo 
d'A!l/ganv.  Ses  raisons  soatia  proximitc'  d.'s  brandies 
du  Sus([ueli,inna!i  ,  pour  IransporlvT  Ks  d'-nrees  a 
riiiladelphie  et  a  Baltiinore,  I'^tal  encore  inhabit^ 
des  conilL-s  d'All-'ganj  et  de  Nonimmb.  rla'd  ,  etc... 

On  voit  que  c'est  un  peu  reslreindie  i'etendue  que 
Timagination  inquiete  des  Europeens  mal  a  Taise  aime 
asefigurer.  La  chalf ur  da  I'einigration  so:a  encore, 
refroidie  ,  si  I'on  observe  ,  d'apies  I'auteur  ,  que  , 
pour  acquerir  une  possession  mediocre  ,  qui  dor.ne 
tout  au  plus  la  subsistance,  il  fciut  une  premiere  nii^.c 
d'environ  cinq  mille  livres  sterling  ,  argent  courant 
d'Anieri([ue  ,  somme  qin'  ,  d'apres  revaluation  de 
I'auteur,  en  la  multipliant  par  trois  et  divisant  par 
cinq  ,  donno  environ  72  niille  livres  de  notro  monnoie, 
en  numeraire.  I!  est  vrai  que  ces  premiers  fonds ,  mis 
dans  la  culture  et  non  pas  dans  une  luanufdcture  , 
peuvent  s'aracliorer  ra^^idemcnl. 

Pour  compltler  I'ouvrage  ,  M.  Cooper  y  a  joi  t  la 
consliiutioncdos  Etits-Unis,  le  dernier  chapitre  d'uu 
ouvragp  compose  a  Phiiadeloliie  et  pea  connu  en 
France  ,  et  un  £etit  6crit  du  cel6bre  Frauislin,  destine 
a  i'iiistruclion  de  cenx  qui  peuvent  desinr  de  passer 
en  Ameriqne  5  e!  qui  paroit  plutol  calcule  pour  ea 
faire  passer  1\  nvie ,  que  pour. la  faire  naitre. 

L'ecrit  dont  il  est  quv-'slioa  ici  ^  a  pour  titre  :  Coup 
d'(jeU  surles  Eiats-  Lhns  cf  Ante li que  ^  insere  dans 
une  suite  de  paplers-aouvcLles ,  a  dijjerens  tenipSj 
entre  Ics  annccs  1787  et  1794, /.'fi/\Tonch  Coxe , 


^64  ^tatlstiqne. 

dePhUadelpfuCy  appiuje  de  plbces  autheailquer-^ 
te  tout  tendatU  db  prdsciUrr  les  progrds  et  I'ctat 
present  de  i%  Uherte  civile  et  reUgleuse,  de  Lipo- 
pLilaHoa ,  de  PoQiiculture  ^  dcs  e.rportations  ct 
Importations  J,  dcs  peclie/ies  ^  de  la  navigations^ 
de  la  construction  des  valsscaux  ,  des  nianufac^ 
tares y  et  dit  per/ectlonnenient gt'neral.  Get  ouvrage 
a  pani  a  Piiiladelphic,  en  1794,  '"^vec  la  geograihie 
des  Elats-Uiifs,  dQ  Morse  ,  que  Ton  peut  regnrder 
coinme  vine  vcrifahlo  Statis'ique,  et  dont  la  traducJion 
est  pret3  a  efre  iivn'e  a  I'iuipression.  Get  ouvrage  im- 
portant, &\[  etoit  traduit,  domieroit  ici  les  idees  les 
pins  justes,  les  plus  pnicu^es  et  les  plus  compK-tes  sur 
j'etat  actual  des  Etats-Uiiis.  F.  N. 


B  I  O  G  R.  A  P  II  I  E. 

INoTicE    sur    Charles  -Fra-scois   Lhomond  , 
uistituteur, 

VvHARLEs- Francois  Lhomon'd,  ne  en  1727,  a 
Chauhips,  diocese  de  Nox/on  ,est  mort  le  3i  decembre 
dernier,  vieux  sfjle.  II  fit  ses  etudes  a  Pars,  an 
college  d'lnvilie  ,  en  qualite  de  boursier,  et  i!  eii 
devint  depuis  principal.  Nomire  professeur  au  college 
app?  1^  alors  du  Cardinal  Lemolne^  Lhomond 
jll^erromp■t  sa  licence  oii  il  se  distinguoit  ,  et.desce 
mome  t ,  ilse  consacra  a  I'eduratiou  des  cnfans  dans 
les  classes  inferieures  ,  sans  avoir  jamais  voulu  accep- 
ter les  classes  superieures  qui  lui  furent  offertes  plus 


Kolice  sur  CltarUs-Franccis  thomoni.  36 S 
tVunc  foi^.  Un  gout  cl^cid^  ratlarhoit  de  prcTc'rence 
au.x  plus  jeunes  enlans,  dont  I'txlucaliun  I'a  coiis- 
tiiiiaaient  occupi^  pendant  plus  de  20  ans  qu'il  pro- 
fess:!. Ce  gout  I'a  suivi  jus;!ue  dans  sa  retraite  dont 
il  a  charra6  les  loisirs  par  la  composition  de  diflerens 
o'jvrages  destines  parliculierement  a  rinstruction  de 
la  jeunesse  ,  et  qui  lui  valurent  une  gratification  do 
l*avant-djrniere  asseinbiee  dii  clerg6  ,  sans  qu'il  Teut 
rechercliee,  et  menie  sans  qu'il  sut  (pi'ou  la  soUi- 
citoitensa  faveur.  Simple  et  modeste  dans  ses  mceurs 
et  dans  ses  jnanieres  ,  LLoraond  se  refusa  toujours 
aux  benefices  et  aux  digait^secclesiastiques.Ses  (^xrits, 
dont  voici  le  catalogue^  prouvent  dans  I'auleur  un 
jagement  excellent  reuni  a  une  piete  solide. 

1°.  De  vLris  lUuslrUjus  urbls  Jtomce-^  in-aj.  II  y 
en  a  eu  5  editions. 

2°.Elemens  de  la  Grammaire  latiiLe^  in-12,.  J'en 
al  vu  une  neuvi^ine  Edition. 

3°.  ELcinens  (tela  Gramtnaire francalse  ,  in-12. 
II J  en  a  euaussi  9  editions. 

4°.  Epitome  Historice  nacres,  in-12,  cinq  <5dit'ions. 
5°.  JDoctririe  chrcUerme  ^  iu-12,  Irois  Editions. 
6".  Abr6ge  de  Plustoire  de  ViglLse  ,  in-12  ,  deux 
('dilions. 

7".  Histolreabregde  de  La  lieligion.  Paris  17(^1 , 
in-12.  C'e-t  la  premiere  edition. 

Ces  diffcrens  ouvrages  ^lemenlaires  ont  paru  svc- 
cessivement  depuis  1780.  La  multitude  d'^ditions  que 
Ton  en  a  faites ,  en  prouveroit  seule  i'utjUi<^^  lis  se 
trouv^ent  tons  ^  Paris,  chez  Colas,  libraire  ,  place 
Sorbonne. 

St.  L***. 


A  K  C  II  M  O  L  O  G  I  E. 

jRappo  R  T  an  no  in  ties  co  mites  (VlnstmctLom 
pubUq.ue  et  des  Finances  ,  reunis ,  sur  Ceta- 
hlissemeni  du  Mtiscum  national  des  An- 
tiques;  par  Rabaut  ,  depute  da  departcnient 
du  Garden  La  Convention,  iiationate  ^  daas  i  a 
seance  du  so  prairiai. 

J^E  savant  Barlhelemy  a  torniine  sa  glorleuse  car- 
riere  an  moment  oii  vous  venlez  de  recompenscr  S6S 
travaux  et  de  siibvenir  aux  besoins  de  sa  viei!!esse. 
Cet  hom-.me  ce'.ebre  dans  la  Eepublique  des  lettres 
par  plusieurs  ouvrages  sur  lesantiqiiites,  sur-tout  par 
son  Voyage  d^ Aaacharsis ^  est  mort  a  quatrc-vingts 
ans ,  emportant  avec  Ini  I'eslime  des  bommes  vertueux: 
et  les  regrets  des  gens  de  lettres.  Vous  avez  rendu 
im  hommage  solerr.nel  a  sa  memoire,  et  paje  a  ses 
travanx  un  tribut  de  reconnoissance ,  en  renvovant 
an  comite  d'instrwction  publique  la  demande  de  notre 
coUegue  Dussaulx,  relative  au  neveu  de  ce  littera- 
teur illustre. 

Le  comite,  qui  s'c'toit  deja  occupe  du  vide  que 
la  mort  du  savant  Enrthelemj  a  laiss^  dans  la  partle 
des  antiquit^s,  croit  ne  pouvoir  m  eux  honorei  sa 
memoire  qu'en  vous  proposant  d'ntiliser  I'int^ressant 
d^poL  confie  a  sa  sur/eillance,  et  qu'il  avoit  aug- 
mentc  par  ses  soins  et  illustre  par  ses  dc^couvertes. 
Votre  comite  d'instruction  va  vous  en  presenter  les 
moyens. 

Un  de  ses  membrcs  a  ete   cliarg^  de  vous  faire 


Museum  des  Antiques. '  'S^)f 

wn  rapport  sur  retablissement  d'un Musdum  des  art- 
tiques  5  ce  rapport  vous  serasoumis  quar.d  vousaurez 
termini  la  discussion  des  grands  objets  qui  vous 
oc  ciipent. 

Nous  v6us  proposon.^seulemenl  aujourd'hui  de  pre- 
. parcT  G^'tte  institution,  en  etahlissant  un  pioltssiHir 
pour  classer,  ctiquctcr,  decrire  et  demoutrer  ces  fuo- 
luiniens.  Volis  aurez  ainsi  ,  pour  le  irjoment  oii  la 
nation  joniia  da  r.>pos  que  vous  lui  preparez  ^  une 
science  toute  prete  ,  une  co!l<  ction  reduite  ei*  sj-steme  ; 
et  les  monumens  de  tons  les  siecles ,  recueiliis  et 
classes  coniaie  dans  un  tableau  ,  preser)teront  a  TutMl , 
a  i'e.'-prit,  a  la  memoire  ,  a  I'iDiagination  ,  a  i'indus- 
tric,  les  invenlions  que  les  savans  et  les  voyageurs 
aiijont  pu  rc'cueillir  chez  tous  les  peuples  et  dans 
tous  les  siecle?. 

La  science  de  I'antiquit^  est  absolument  abandon- 
nee  en  France  depuis  I'aneantissement  de  la  sociele 
litleraire  qui  en  faisoit  son  unique  occupation  :  et  il 
ne  faut  pasqu'onait  a  vous  reprochcr  d'avoir  laiss6 
perir  une  seul?.  connoissance. 

Celle  des  antiques  est  d'ailleurs  Ires-importante  5 
on  lui  doit  le  bon  ^out  dans  tons  les  arlsqui  dependent 
du  dcssin  ,  et  personne  n'ignore  le  parti  que  I'An- 
gleltrre  a  su  tirer  de  ses  vases  etrusques  pour  le  per- 
feciionnement  de  ses  manufactures  et  I'accroissement 
de  ses  revenus.  Sans  la  connoissance  de  I'antiquite, 
le  peintre  ,  leslatuaire  ,  I'arliste  dramaliquo  ,  riiomme 
de  leltres  ,  le  savant,  rhumme  d'etat  ineme,coni- 
ineltroient  chaque  jour  des  fautes  de  costinne  ,  des 
anacLronismes  quidcslionoreroient  leurs  produclion^i3 


3')8  Archccologie. 

queUjuVstimablesqu'elles  fussentd'ailleursi  sans  cette 
(rfude  ^explication  des  auteurs  anciens  seroit  im- 
possible. Les  monuniens  nous  pr^sentent  le  stjie  des 
differento5  Opaques  5  ils  nous  instrnisent  ,  en  parlant 
aux  jeux,  des  usages  civils  ,  religieux  et  railitaires 
de  tous  les  peuples  5  enfin  ils  sont  n<^cessaires  a  PHis- 
loire ,  dont  ils  c^clairent  la  niarche ,  jrcctifient  les 
t'lreurs  et  prouvent  les  assertions. 

Ce  sera  done  rendre  iin  service  important  aux  arts, 
aux  sciences  et  aux  leltres ,  que  d\»xposer  au  public 
la  colieclion  des  antiques,  qui,  a  Texceptipn  desme- 
dailles  et  des  pierres  gravees  releguee  dans  des  es- 
]3eces  de  magasins  ou  de  greniers ,  est  actuellement 
sans  utilite,  et  se  trouve  dispersee  sans  ordre  aux 
Augustins  5  a  Nesle  ,  a  Sciinte-Genevieve  ,  a  la  salle 
d'arraes  de  Clianliily  ,  au  garde-meuble  national  et 
^u  depot  qui  est  a  la  bibiiotlieque.  Celie  collection, 
niise  en  ordre  ,  sera  une  des  plus  belles  de  I'Europe. 
Franrois  pre^rier  ia  commeuca  ,  les  M^dicis,  le  car- 
dinal Mazaria,  plusieurs  savans,  divers  cabinets  , 
en  particulier  celui  de  Gajlus,  I'ont  enrichie.  Depuis 
peu  ,  les  collections  acadtiniques,  ce  qui  s'est  trouv^ 
dans  les  e^tilises  ,  ce  qu'ont  laiss6  les  ^migr^s  ,  a  rendil 
cette  collection  plus  nombreuse  ;  et  il  est  k  pr^voir 
qu'elle  s'enrichira  de  ce  qui  existe  chez  plusieurs 
particuliers ,  dans  les  dc'partemens  ,  qui  ^  lorsque  cetld 
collection  sera  devenue  une  ccoie  nationale ,  s'em- 
presseront  5  lui  en  porter  le  trJbut. 

Get  ^fablissement,  digne  d'une  nation  amis  des 
sciences  et  des  arts ,  rivalihera  un  jour  avec  ies  plus 
bi^aiix  qui  existent  dans  ce  genre.  Eckel  a  yiennz  , 

Heyne 


r,a;,r    d^J 


Larynx   mf    des    Oiseaiix 


tna^    Incirdl.^  p.'33g  .ri.  U 


^^  d.l  Larynx  mi',  des  Oiscaiw 


Museum  da  Antiques.  3'jg 

Heviie  a  Gotlingue,  Ernesti  a  Leipsick  ,  dc^^inontrent 
ou  out  demonlie  celte  science  avec  succes  :  le  c^- 
lebre  Oberliii  depuis  treute  ans  I'enseigne  avec  (clat 
a  Strasbourg,  et  y  aUire  une  mullilude  d'ctra.-!gers 
qui  contribuent  a  son  opulence. 

Get  etablissement  manque  sans  doule  i  Paris;  et 
lorsque  cette  s  ience  ,  qu'un  homme  instruit  regards 
comma  necessaire  ,  y  sera  enseign^e,  el!e  confri- 
buera  a  multiplier  le  nombre  dcs  etrangers  qui ,  apres 
la  revolution,  attires  par  'a  beautede  noire  climat, 
par  les  iois  sages  qui  feront  le  bonheur  d'un  peuple 
libre  ,  par  les  sciences  qui  y  seront  enseignees  ,  vien- 
dront  nous  visiter  ;  et  qui,  devenus  les  amis  d'ua 
peuple  Lospitalier,  ami  des  arts  et  de  la  liberte,y 
fixeront  leur  demeurc,  et  nous  apporieront  le  tribut 
de  leurs  lumieres  et  de  leur  industrie. 

Le  respect  ^;u  au  grand  age  et  aux  talens  de  Bar- 
tbelemy  avoit  empeche  jus:[u'ici  voire  coniitc  de  le 
charger  d'un  travail  ibrt  au-dessus  de  ses  forces  phv- 
siques-,  ou  de  le  confier  a  d'autres  savans.  Voici  le 
moment  decomraencerrexecutiondece  grand  desscin. 
L'augmenlation  de  frais  sera  legere  ;  les  avantages 
pour  les  progrcs  de  PinslruLtion  seront  si  grands  , 
que  nous  n'avous  pas  liesit^  a  vous  proposer  cet 
(IJtablissemeut. 

L'Aiclurologie,  ou  la  science  de  I'anfquite ,  se  par- 
tage  en  differeutes  classes,  dont  cliacune  suHiroit  pour 
occuper  la  vie  er.tiere  d'un  bomme  laborieux.  Elle 
reuferme  les  inscriptions,  les  diplomes,  les  statues 
le.-  bas-reliefs  ,  les  pierros  gravees  ,  les  peintures  , 
les  mosa\|ues,  les  madaillcs  ,  les  inslrumeus  civilsj 

Tonic  IL  A  a 


3/0  Archazologie. 

religleiix  et  milltalres.  Joignons  a  la  connolssanca 
matcrielle  de  ces  objels  celle  des  lamuies,  dcs  dates, 
de  la  ^eographie  ancieiine  ,  qu'il  faut  avoir  pour 
parvenfr  a  une  explication  cxacte  des  monumeus ,  et 
nous  aurons  une  idee  juste  de  I'immensite  de  cette 
diude. 

Le  conservateur-professeur  de  la  collection  des  an- 
tiques sera  ciiarge  de  classer  ces  divers  monuinens , 
d'en  dresser  des  catalogues,  et  de  les  d^crire  dans 
des  cours  publics. 

II  traitera  de  la  numisinaiique  ,  de  la  toreutique, 
et  de  la  paleo-rapbie  j  il  ensei^nera  a  expliquer  les 
iiiedailles,  a  reconnoilre  les  pierres -gravees ,  et  si 
decbitlrer  les  inscriptions  et  b^s  titres. 

II  traitera  de  I'art  cbez  les  anciens ;  il  tracera  soui 
histoire  5  il  fera  connoitre  le  gout  et  le  style  des 
differens  peuples ,  et  appliquera  ces  connoissances  a 
celles  de  I'art  cbez  les  modernes. 

II  expliquera  paries  monumens  les  mceurset  les 
usages  de  tous  le:s  peuples ;  il  se  transportera  avec 
ses  (Sieves  dans  le  monde  ancien ,  et  le  leur  fera  par- 
courir  en  iijdiquant  les  monumens  qui  existent  encore, 
ceux  qui  ont  ete  delruits ;  s'ils  ont  ete  decrits  ou  figures  ; 
s'ils  sonl  in  d its  ,  etc. 

Le  comite  d'instruction  publique  prendra  des  me- 
Sures  pour  que  la  collection  des  antiques  soit  promp- 
tement  expose.e  au  public.  Cbaque  morccau  portera 
line  eti(|uette  qui  indiquera  Touvrage  ou  il  est  figure 
ou   d^crit. 

Votre  comitu  voys  pioposQ  le  projet  de  decret 
suivaid  ; 


Museum  des  nnt'iqics.  3-1 

La  convention  nalionalc,  a'res  avoir  cnt,  ndu  le 
rapport  de  ses  coniites  d'mslru;.  tion  pub.iqUL-  et  des 
finances,  decrete : 

I.  Les  antiques  ,  telles  que  les  m^dailles  ,  les  mon- 
noies,  les  bronzes,  les  inscriptions ,  les  pierrt^s  gra- 
vees ,  recueillies  dans  la  bibliotlieqnc  et  dans  d'aiitres 
maisons  national-^s,  seroiit  deposees  mclhodiqu  :ment 
et  offertes  an  public  dsns  des  saLes  de  cet  etablisse- 
nient. 

II.  II  sera  nonune  ,  par  le  comite  d'inslrucljon 
pnblique ,  un  conservateur-professcur  et  un  conserva- 
tcnr-bibliothdcaire. 

III.  Le  conservateur-jirofesseur  se'^a  charge  de  dis- 
poser la  collection  d'uiie  maniere  methodique,  et 
d'enseigner  dans  des  cours  publics  ct-  qui  a  rapport 
aux  inscriptions,  aux  medailles  et  aux  pierres  gr.i- 
vccs,  I'histoire  et  les  progres  de  Part  ciiez  les  an- 
ciens,  celle  des  ma^urs,  des  costumes  et  des  usages 
de  Tantiquit^. 

IV.  Le  conservateur-l^ibliollijcaire  sera  charge  des 
dc^'tails  bibliograpliiq'jes. 

V.  Ces  deux  conservateurs  auront  cliacun  5ooo  1. 
de  traitement  par  an. 

VI.  La  commission  d'instruction  est  chargee  de. 
] 'execution  de  ce  decrel. 

VIL  Le  rapport  sera  imprim^. 

Lc  comit6  d'instruciion  ])ublique  a  nomme  con- 
servateur-professeur  le  citoven  Aubin-Lonis  Millin, 
un  des  r^dacteurs  de  ce  journal  ,  et  le  cito^eii 
Bartlieicmv  ,   coiiservateur-bibliolh^caire. 


LITTRATURE     PERSANE. 

Memothes  sur  diverscs  Antiqultes  de  la  Perse  , 
€t  sur  les  MedaUies  des  rois  de  la  dijaastLG 
des  Sassanides ;  saw  Is  de  CHistoire  de  cette 
dynastle  jtraduiie  da  persan  de  MifxKhond  j, 
-par  A.  J.  SiLVESTRE  de  Sacy ^  de  fAcade- 
mie  des  Inscriptions  et  BeUes-Lettres.  A  Paris, 
de  i'imprimeric  nalionale  executive  clu  Louvre  _, 
M.  DCC.  XCIII,  iii-40.  5  de  429  pages,  sans  Pa- 
verlissement  et  la  notice  sur  Mirkhoisd  el:  sur 
PEmir  A  L  I  -  S  c  H  I  R  ,  de  16  p.  Get  on  vrage  se 
vend  chez  D  E  b  u  R  e  ,  libraire,  rue  Seipente, 
]^^  6. 

X.e  Journal  des  Savans  venoit  de  nnir,et  aucun 
autre  de  ce  genre  ne  s'impriujoit  a  Paris,  lorsque 
ces  m^moires  parurent.  C'est  pourquoi  ils  n'ont  pas 
^t^  annonces ,  et  que  pen  de  personnes  les  connois- 
seirthr  II  est  de  noire  devoir  de  les  tirer  de  cet  es- 
pece  d'oubli  qn'ils  ne  meritent  certainement  pas.Lns 
dans  les  seances  de  PAcademie  des  Belles-Lettrcs, 
en  1787,  1788,  1790  et  1791,  ils  aurojent  eu  sans 
doiite  le  sort  de  beaucoup  d'autres  qui  sent  rcst^s 
dans  le  porte-feuiUe  de  Isurs  auteurs,  ce  corps  litte- 
raire  etant  s'lppriiiie  ,  et  la  suite  de  son  recueil  n'aj  ant 
point  ete  publiee  ,  si  le  citojen  de  Sacj  n'avoit  point 
pris  le  parti  de   les  faire   imprimer  separement. 

Ces  jnemoires  sont  au  nombre  de  quatre  :  le  pre- 
mier concerne  les  inscriptions  et  les  monumens  de 
iC^akschi-Rouslaiii  3  le  second  j  les  iiiscriptioas  aral^es 


Anliquites  de  la  Terse.  SyS 

et  pcrsanes  de  Tcbeliel-Mlnar ;  le  troisieme ,  Ics  m^- 
dailles  des  rois  de  Perse  de  la  dynastie  des  Sassa- 
nides,  et  le  qualrieme,  icsmonuuiens  et  les  inscrip- 
tions de  Kirmunschah  on  Bi-Suloiin  ,  dans  le  Cur- 
distan.  «  Le  premier  ,  le  troisieme  el  le  qvialrienie  , 
»  dit  Tauleur,  n'ont_,  pour  ainsi  dire ,  qu'iin  meme 
>'  ol»;et.  Les  ir.onumens  que  j'y  explique  appar- 
y>  tiennent  tons  an  meme  pays,  sont  ecrits  dans  la 
»  meme  langue  ,avec  les  memes  caracterca,  et  serap- 
»  rapportent  a  des  epoques  peu  ^loignees  I'une  de 
»  I'autre,  puisqu'ils  sont  relatifs  a  drs  princes  dc  la 
>5  dynastie  des  Sassanide?.  .  .  .  Le  memoire  qui 
M  tienl  la  seconde  place  dans  ce  recueil ,  a  pour  objet 
3»  plusieurs  inscrijitions  dont  I'epoque  est  inoius  c'loi- 
y>  gnce  ;  les  unesecrites  en  anciens  caracteres  arabes  , 
>)  remontcnt  au  quatriemesieclede  I'hegire  jlesautres, 
»  ecriles  enlangue  arabe  ou  p.'rsane  ,  et  en  caracteres 
y*  modernes  ,  sont  du  neuvieme  siecle  de  la  meme 
»  ere  ;  les  unesetles  autresapparliennentades  princes 
3)  inusulmans.  Si  I'on  ne  considere  que  I'ol.jet  de  ce» 
5)  inscriplions ,  Icur  age  ,  la  langue  et  le  caractere  dans 
■-)  lesquels  elles  sont  ecrites ,  elles  n'oflrent  aucun 
^5  ra;  port  avec  les  menu  ,]■  ens  qui  sont  le  sujet  des 
»  trois auties m^moires  ;  raais elles se  Irouvent gravces 
>i  sur  les  mines  des  memes  edifices  oii  se  voicnt  les 
«  inscriptions  expliquees  dans  le  premier  menioire , 
))  et  c'est  ce  qui  m'a  determine  a  lour  donner  place 
))  dans  ce  recueil  «. 

Apres  avoir  compare  et  discute,  dans  le  premier 
memoire  ,  les  difTerenlcs  copies  des  inscriptions  qui 
y  sont  rapport^cs  ,16  ciloveu  de  Sarv  donne  avec  rai- 

'  A  a  3 


374  Litleralure  persnne. 

son  la  ppf^fcrence  icelle  qu'apuLliee  Niebiihr.Il  monfr(^ 
que  ct^s  inscriptions  grecqucs,  gravies  sur  les  ruiues 
de  Naksclii-Roustaiii,  ne  soiit  que  la  traduction  de 
celles  en  caracleres  inconnus,  pres  desquelles  on  les 
voit  placoes.  E-1,  s  lui  paroissent  de  deux  genres  dVv 
critiire  differens  ,  I'un  tres-ap],rochant  de  la  langue 
Pehlv ie  ,  et  I'autre  qu'il  conjecture  appart^-nir  a  un 
autre  particuliere  aux  liabitans  du  Dilera  ;  mais  ricn 
ne  pent  ctre  certain  a  cet  egard,  que  le  texte  des 
inscriptions  grecques.  II  est  parfeitement  retab'i  par 
noire  auteur  qui  les  explique  ensuite  de  cette  nia- 
niere  : 

I'-.  A.  No.  3.  «  C'est  ici  la  figure  du  serviteur  d'Or- 
y>  musd  ,  du  dieu  Sapor  ^  roi  des  rois  de  PIran  et 
55  du  Touran  ,  de  la  race  des  dfeux  ;  fils  du  serviteur 
y*  d'Orniusd  ,  du  dieu  Ardescliir  ,  roi  des  rois  de 
»  I'Iran  ,  de  la  race  des  dieux  j  petit-fils  du  dieu 
»  Babec ,  roi  >i. 

2".  B.  N".  3.  i<  Cest  ici  la  figure  du  serviteur  d'Or- 
»  musd  ,  c!u  dieu  Ardescliir  ,  roi  des  rois  de  I'Iran; 
»  de  la   race  des  di^ux  ,  fils  du  dieu  Babec,  roi  ». 

3".  C.  N".  3.  «  Cest  ici  la  figure  du  dieu  Jupi- 
»  t.  r  ». 

Les  Grers  ,  qui  travestissoient  la  religion  de  toi:s 
les  peupies  et  ramenoient  tout  a  leurs  idces,  aiuont 
sans  doute  mis  icj  pour  Ornuisd,  le  nom  de  Jupiter, 
clivinite  etrangeie  aux  Perses.  C'( st  la  reniarque  du 
tr.  ducteur,  qi:i  I'auroit  pu  appujer  par  des  exeinples 
,encore  plus  frappaus  qu'on  ii'en  trouve  dans  la  Cjro- 
pedie  da  Xcnoplion  ;  niais  revenons  aux  denx  pre- 
mieres inscriptions.  Nulle  difif^iculle  sans  doutCj  si  dans 


Aniiqultes  de  la  Terse.  Syj 

■^inG  traduction  qui  doit  etre  scrupuleusement  litte- 
rale,  on  n'eut  pas  qualifie  S'por,  roi  de  VIraii  et 
du  Touran  ,  Ardeschir ,  ou  roi  des  rois  de  Vlran  ,  au 
lieu  de  Sapor,  roi  des  rois  des  Arianietis^  et  d?s  Ana- 
rlanleiis  ^  d'Artaxare  _,  roi  de&  rois  dc  s  Arlanieiis^ 
etc.  ^  Jesquels  motsse  ljse!;t  dans  hs  inscriplions  grec- 
ques.  Le  savant  de  Sacj  prou\-c  tres-bicn  que  ,  soiisle 
iiom   d'lran ,  les   ecrivains    orientaux  compronnent 
toule  I'l'tendue  ciu  pays  qui  est  renfermee  entrd  J'Eu- 
plirate  ,le  golfe  Persique,lc  Gihon  et  I'lndus  ;  comme 
ils  designentpar  le  nom  de  Touran.,  toute la  partie 
de  I'Asie  qui  est  au-dela  du  Gihon.  Seroit-il  par  la 
autorise  a  inst'rer  dans  sa  traduction  ,  les  mots /m/z, 
et  Touran  r  D'ailleurs  je  pense  qu'il  a  existe  un  grand 
peuple  sous  le  nom  d'Ariens  ou  Areiens  ,  d'Araniens 
et  d'Anaritniens  ,  qu'il  occupoit  dans  la  haute  Asie, 
au  nord  de  la  Perse  ,  tout  ce  qui  etoit  conipris  entre 
rinde  et  la  nier  Caspienne  ;  iU'toif  maitre  de  !a  Bac- 
triane  ;  Zathrausle  avoit   ete  son  legislateur  (r) ;  et 
c'estvraiserablableraent  chez  lui  que  les  philosophes 
Sanianeens  SG?\TeuX  ■:onnoilre(2).Du  moins  les  Mages 
de  I'Arie  ont  ete  cclebr.  s  5  ils  ad.reltoicnt  pour  cause 
premiere,  ou  principe  actifde  I'Univers,  le  Tout  in- 
telligent (3).  Ce  peuple  ne  fut  connu  des  Grecs  qu'au 
temps   des  conquetes  d'Alexandre  ;  il  avoit  gtc  an- 
,    paravant   subjugue  |;ar   les  Pc'rses  :   voila  pourquoi 
leurs  monarques  conlinuerent  de  prendre  le  titrc  dc 
roi  des  rois  des  Arianicns  et  des  Anarianiens.  L'Arie, 

(i)  niod.  Sic.  L.  I.  S.  94. 

(::)  Observ.  prel.  sur  l'£zoiir-vednni.  p.  40. 

Q^j  Diifnasctn.  cxc.  op.  Wolf.  Ajieccl,  gfaecT.  II. 

A  a  4 


3-^6  Liiterdturt  persnne, 

proprcment  dile  etolt  son "  beir.eau ,  et  en  conserve 
encore  aujourd'bui  le  nom  dans  celui  de  sa  capitale  , 
H/rat,pres  de  laqu'elle  on  voil  Ics  ruines  d'un  des 
plus  anciens  pyrc'es  de  la  haute  Asie. 

Le  cito\en  de  Sacy  nionlreensuite  le  rapport  qu'il 
y  a  entre  les  inscriptions  du  Naclschi-Roustam  et 
les  bas-reliefs  cpii  les  accompagncnt.  II  trouve 
dans  ceux-oi  un  tableau  allegorique  de  ['insurrec- 
tion d'Ardeschir  on  Artaxerxe  contre  A  rdevan  ,  de 
ses  combats,  de  sa  victoire  et  de  la  defaite  du  prince 
Arsacide.  «  L'objet  du  combat  entre  ces  deux  rivaux 
»  est  repr^stnte  par  le  diadcme  que  chacun  d'eux 
»  tacbe  d'arrr.cber  a  son  r.dversaire  ;  les  combaltans 
»  sont  distingues  par  des  caracteres  qui  indiquent 
»  leur  orii^ne,  et  oui  ne  pouvo'ent  manquer  d'etre 
»  facilemeut  saisis  par  les  gens  du  pays ,  etc  ». 

Les  anciennes  inscriptions  de  TcheheL-Minar ^ 
I'antique  Perse'polis  ,  ne  sont  point  robjet  du  second 
memoire,  comme  on  I'a  dc^ja  dil ;  c'est  une  enigma 
que  I'aut.ur  ne  pretend  pas  expliquer;  mais  il  s'at- 
tache  a  relever  les  meprises  que  des  ecrivains  ce- 
iel  res  an;  faites  sur  les  autres  monumens  ecrits  ,  soit 
en  caracteres  cufiques  ou  ancien  arabe ,  soit  en  langue 
arabe  ou  persane  ;  les  premieres  sonlau  nombre  de 
trois  5  etilest  qnesnon,  dansl'ime,  de  la  prise  d'ls- 
palian  ,  en  844"  de  I'bfgire,  ce  qui  necessite  une 
digression  ou  Ton  admire  une  connoissance  profonde 
de  I'bistoire  de  I'Orient.  Dans  le  nombre  des  inscrip- 
tions de  la  seconde  class:^ ,  on  rcniarqnera  celle-ci , 
en  langue  persane  :  «  Parmi  Irs  souvenirs  de  la  Perse, 
»  depuis  les  siecles  deFeridoun,  de  Dbohak  et  de 


Antiquites  de  la  Terse.  ^77 

«  Djemscnld,  en  connois-'.ii  quelqu'un  dontlolrmie 
»  ait  ete  a  I'abri  de  la  destruction ,  of  ciui  n'ait  point 
y>  ete  rcnverse  par  la  main  de  la  foriune  ?  Le  Iror.e 
«  de  Salomon  (  que  la  paix  repose  sur  luij  n'cloit- 
y  il  pas  port»'  sur  les  ailcs  des  veuts  le  matin  ct  Ic 
>•  soir  ?  Ne  vois-tn  pas  cependanl  qn'il  s'est  evanoui 
»  et  a  ete  reduil  au  neant  ?  Hcuienx  I'hommc  qui 
»  marche  accoinpfigne  de  la  science  et  de  la  justice! 
»  Cultive  I'arbrede  la  vertu  ,  tu  mangeras  cerlaine- 
»  nement  le  fruit  du  parfait  conlcntemenl  *.  .  .  . 
Au-dessous  on  lit ,  en  arabe  : 

«  Ceri  a  ete  ecrit   par  Ibraliiin  -  Sultan ,  ^\s  de 
y>  Scbahrohli,  en  I'annec  826". 

L'aufeur  de  cette  inscription  fait  allusion  ,  sulvaut 
la  remarque  du  citoyen  Sacy  ,  a  unc  faille  rapportee 
par  d'Herbelot ,  dans  sa  BibliolUeque  orienlale  :  «  Sa- 
))  lomon ,  exerrant  un  jour  ses  chevaux  a  la  cam- 
«  pngne,  et  I'heure  de  la  priere  du  soir  elant  venue  , 
»  il  descndit  aussilot  de  son  cbeval ,  et  ne  voulut 
«  pas  permetire  que  I'on  employat  ce  teras-la  ale 
))  mener  a  I'ecur'e  ,  noa  plus  cjue  tous  Ics  aulres  ; 
3)  en  sorle  qu'il  les  abandonna  comme  n'avant  plus  de 
))  maffrcs  ,  elant  destines  pour  le  service  de  Dieii. 
>5  Pour  r(^compcnser  ce  prince  de  sa  lidelile  ct  de 
51  son  obeissance,  Dieu  lui  envo  a  un  vent  doux  ct 
3)  agr^able  ,  mais  fort ,  qui  le  porta,  depuis  cc  lemrs- 
5)  la,  par-tout  ou  il  vouloit  aller  ,  sans  qu'il  eutbe- 
*  roin  de  clicva!  «.  II  est  fait  anssi  mention  de  cellc 
faldedans  I'Alcoran  ,  sur.  21  v.  8r  ,  el  sur.  38.  v.  83. 
Les  autrcs  inscriptions  de  cette  classc  sunt  du  memc 
genre  ;  nous  ne  rapporterons  qu^me  partic  dc  la  cin- 
quiomc  J    de     Tau    881   ,    cgalemcnt  en   persaii   : 


SyS  L'lUrature  persane. 

«...  Cliaque  feuille  d'un  arbrisseaii  porte  I'em- 
»  preinte  du  visage  d'un  liomme  illustre  (dont  les 
»  cendres  nourrisseut  Ics  racines  )  ;  claque  portion 
»  de  terre  que  le  pied  foule ,  est  la  cendre  d'un  roi. 
»  Vis  satisfait  de  ton  sort ,  si  tu  veux  plaire  a  ton  cr^a- 
»  teur,  il  tournera  iin  jour  un  visage  de  bontc  vers 
»  le  mortel  qui  aura  embrasse  la  pratique  des  bonnes 
»  opuvres  ».  Voila  le  caraclereni^laucolique  etreflechi 
des  Orientaux  ,  etleur  genio  seutencieux.  Cortes,  rlen 
n'est  plus  propre  a  reveiller  nos  idees  sur  les  vicis- 
situdes huinaines,  que  la  vue  des  antiques  mines  de 
Perscpolls.  Le  citojen  de  Sacj  ne  s'est  point  occupe 
des  fcimeux  bas-reliefs  qu'on  y  voit  encore.  Peut-t-tre 
tasarderons-nous,  sur  cet  objet  interessant,  quelques 
conjectures  5  dans  un  des  numeros  de  ce  journal. 

Parmi  les  medailles  des  rois  que  ren ferment  les 
collections  pubiiques  et  les  cabinets  des  curieux ,  il 
en  est  une  classe  que  les  autiquaires  ont  cru  devoir 
range--  a  la  suite  des  mc^dailles  des  Parllies  ,  et  attri- 
i)uer  aux  rois  de  Perse  de  la  djnastie  des  Sassanides, 
mais  sur  laquelle  neanraoins  ils  n'ont  eu  jusqu'a  ce 
jour  que  des  conjectures.  Le  citoj^en  de  Sacj  les  change 
en  certitude,  par  la  comparaison  qu'il  a  faite  des  carac- 
leres  des  legendes  de  ces  medailles  ,  avec  ceux  des 
inscriptions  deNakscbi-Roustain.Cet  heureux  rappro- 
chement offre  des  discussions  pleines  de  sagacil^  y 
mais  qui  ne  sont  gucre  susceptibles  d'analjse.  II  faut 
done  que  nous  passions  de  ce  troisieme  memoire  , 
au  quatrieme  fiur  les  monuraens  de  Kirmonschah  , 
ville  du  Curdistan ,  sur  la  route  des  caravanes 
qui  se  rendent  de  Bagdad  a  Hamadau  ,  et 
-eituc^e   a    une    lieue  d'une    monlagne  exlremement 


Ant'iquites  de  la  Ferse.  079 

hiule    et  tics  -  escarpee  ,    connue    sous    Ic   nom  de 
Bi-Sutonn. 

C'est  au  pied  de  cette  montagne  que  se  Irouvc  un 
ancien  monument  que  les  gens  du  paj's  apj.elent 
2ak/it-Rustam.  II  consi<te  endessalles  taillees  clans 
le  roc  vif ,  en  forme  de  portic|ue  ,  sur  les  murai'.lcs 
desquolles  on  voil  des  bas-reliefs  dont  les  figures  , 
la  plupart  colossoles  ,  soiit  tres-faciles  a  reconnoitre. 
II  S'  roit  trop  long  d\'n  donner  ici  une  descri['tiuii 
detaillc^e.  EUe  resulle  de  la  comparaison  que  le  Cit. 
de  Sacj  fait  avec  beaucoup  de  soin  et  di^  disccme- 
ment  des  trois  lelat.ons  d'Otier,  d'Emmanuel  de 
St- Albert,  et  de  i'abbe  de  Beaucliamps.  Quelques 
savans,  entr'aulres  le  p^^ographe  Danville,  avoient 
ete  tentes  de  rapporJer  ce  monument  au  temps  de 
Semiramis.  Noire  judicjeux  auleur  est  porte  an  con- 
traire  a  en  meltre  I'epor-ue  a  celle  de  la  dvnastie  des 
Sassanides.  II  en  donnc  d'abord  pour  rai?on  ,  la  tra- 
dition du  pays  ,  qui  attribiie  plusieurs  de  ces  uionu- 
mens  a  Khosroes  Parviz  ,  des  inductions  fortes  qu'il 
tire  de  plusieurs  passages  d'auteurs  persans,  enlin  des 
inscriptions  qu'il  public  d'apres  la  copie  de  I'abho 
de  Beaucliainps.  II  y  a  reconnu  les  caracleres  et  la 
langued^s  inscriptions  de  Naksclii-Roustara  ,  et  des 
me  lailles  des  Sassanides.  LVxplication  en  est  snivie 
de  discussions  gvammalicales  et  historiques  qui  font 
infinimen  d'  onneur  a  la  penetration  et  au  savoir  da 
cilovcn  de  S.icj.  Ces  qualitrs  de  I'esprit ,  sans  la  reu- 
nion desquelles  on  ne  pent  faire  un  bou  onvra'^e  , 
-.c  trouvent  ;  ar-touldans  lelnide  ce  jeuneet  laborieux 
ccrivain.  Elies  void  meme  juscpa'a  txciler  noire  admi- 


38o  Litteratiire  persane, 

ration,  quelqiies  efTorts  que  nous  fassjons pour  nous 
en  garantir.  Nous  crojy'ons  que  tout  lecteur  instrult 
partagera  ce  sentiment,  et  apercevra  sans  peine, 
dans  ces  qualre  meinoires ,  Taurore  d'un  savant  du 
premier  ordre.  Puisse  sa  modestie  nous  pardonntr 
cettc  annonce  consolante  pour  les  amis  des  letires, 
accabies  des  pertes  successives  que  celles  -  ci  out 
cprouv^es  en  France. 

La  traduction  de  I'liisloire  des  Perses  de  la  dv- 
nastie  des  Sassanides  remplit  pres  de  la  moitie  de 
ce  volume.  C'est  un  vrai  present  pour  la  litterature. 
Nous  ne  connoissions  auparavaut  Mirkliond  que  par 
des  extraits  infideles  et  informes  qu'on  trouve  a  la 
suite  du  voyage  de  Teixeira.  L'ouvrage  de  cet  liis- 
torien  tres-cclebre  dans  I'Orient,  qui  est  ecrit  en 
langue  persane,  a  pour  titre  leJardin'de  la  purcUj 
ou  Histoire  des  prophetes  ,  des  rois  et  des  ki-.alifes,  et 
se  trouve  dlvise  en  neuf  parties,  I'introduction  et 
I'appendix  y  etant  compris.  II  ecrivoit  a  la  fin  du 
neuvierae  siecle  de  I'hegire ,  c'est-a-dire  ,  au  com- 
mencement du  quinzieme  de  notre  ere.  Un  style  sec', 
pen  nalurel  et  surcharge  de  m^'laphores  ,  des  recils 
exagercs  ou  fabuleux,  des  details  oiseux ,  stcriles  et 
frivoles,  point  de  deve.'oppement  et  de  suite  dans 
la  narration  des  fails ,  pen  de  portraits  bien  traces  , 
et  beaucoup  de  maximes  triviales  ;  voila  ccqui  carac- 
terise  tous  jes  bisloriers  orientaux,  arabes  et  persans, 
et  en  particuiier  Mirkliond.  Neannioins,  pour  ceux  qui 
voudront  oubiier  quelques  inslans  les  grands  ecii- 
vains  de  la  Grece  et  de  Rome,  et  desireront  con- 
noitre  I'esprit  et  les  moeurs  des  grandes  nations  d& 


Anliquiics  de  la  Persi.~  3^T 

I'Asie,  ils  ne  peuvent  se  dispenser  de  lire  les  pre- 
miers liisloriens  c[ue  iiousvenons  de  iiommer.  En  con- 
sequence il  seroir  fort  utile  d'en  traduira  les  princi- 
paiix;  et  nous  iuvilons  le  citojen  de  Sacy  d'achevcr 
sa  traduction  de  Mirkliond.  EUe  est  bien  ccrite  et 
represcnte  fidelement  I'original.  L'auteur  en  rend 
menie  toutes  les  expr.'ssions  m^taplioriques  ;  par 
exemple,  il  y  est  dit  qaie  tousles  rois  s'empressereut 
d'envoyer  cles  pr^sens  a  Ardescliir,  et  «  qu'ils  cei- 
»  gnirent  laccinture  dela  soumission  etde  la  d^pen- 
»  dance  ,  suspendirent  a  leurs  oreillcs  I'anneau  de 
5)  la  servitude  et  de  Pesclavage ,  et  jelerent  sur  leurs* 

»  epauies  le  havnois  de  I'obeissance que 

»  Barham  arracba,  jusqu'aux  racines,  Varbre  de  la 

»  violence  et'de  la  tyrannie,  et  planta  Varbrisseato 

y>  de  la  justice  ,  etc.  »  .    .    .   Parmi  les  exagerations 

de  MirkhondjOu  peutrcmarquer  celle-ci  :  «  Au  temps 

»  de  Nouschirvan  le  souverain  de  la  Cliine  babitoit 

.3)  un  palais  pave  de  perles  et  de  pierreries,  dans  lequel 

M  etoicnt  deux  ruisseaux  qui  arrosoient  dcs  arbres  de 

»  camphre  et  d'aloi'S  ,  dont  Fodeur  se  r^pandoit  a 

»  deux  paransages  a  la  ronde  ;  il  avoit  dans  soubaretu 

y>  niilie    femmes,  toutes  lilies  de  rois,  etc.  »  .    .    . 

Mirkliond  parle  encore  d'une  filb  haute  de  sept  coli- 

dees,  et  dont  les  paupieres  dcsceiidoienl  juscpi'a  ses 

joues  ,  envoyee  des  Indes  a  Nousd<irvan.  Ce  fut  sous 

son  re<:ne  que  la  ccnuoissance  dii  jeu  d'eebecs  vint 

du  menii^  p^}'"^  7  t?u  Perse.  Si  I'etrange  anecdote  de 

la  ra:s5ance   de  Schapour   n'eloit  pas   trop  lougue , 

elle    luerileroit  d'rire  rappoitce   ici  ;  niais  finissoiis 

>ar  la  iiia.\iiiie  d'un  autic  priucc  do  ce  noiu  : «  L^ 


3o2  Litterature  per  sane. 

»  mccl-anceta  est  iiatiirelle  a  tous  les  liommes,  et 
*  nul  ii'en  est  exempt.  Lorsque  riioiiinie  s'cn  rend 
y>  maltre  et  parvient  a  la  vainrre,  elle  demeure  ca- 
y>  cli(^e  ;  mais  si  elle  se  rend  maitresse  de  I'liommej 
5^  alors  elle  paroit  au-dehors  ». 


LITTEE.ATURE     LATIN  E. 

HiERONYMi  de  Bosch  Canneii  de  j^qaalltate 
hominum ,  c'cst-a-dire ,  Pocine  sur  l^Egallte  des 
/lommes  ,  par  Jerome  de  Bosch.  Am..t;ndam  , 
cliez  Pierre  den  Heiigst ,  1798 ,  iii-4.0  de  80  pages. 

VvE  poeme  plililosophique  est  partage  en  deux 
livres  ,  dont  nous  allons  presenter  d'abord  I'analvse 
sommaire. 

^         Llvre  premier  (  de  664  vers  ) 

Le  poete  ,  apres  une  invocation  a  Astrce  et  a  la 
Sagesse,  peint  I'ecaljte  d^  iV\?:e  priraitif  de  ce  siecle 
d'or  ,  si  vante  dans  'a  f.ib'e  ,  ct  qui  ,  pour  notre 
malbeur  ,  est  aujourd'hui  si  loin  de  nous.  Laissant 
ensui'e  le  domaine  d?s  iiciions,  il  annonce  qu'il  va 
prendre  la  nalur^  ,  la  veritc^  ,  la  raison  pour  guides  : 
I'ofateur  roinaia  ,  dont  il  fait  un  pompeux  eloge  , 
avoit  parle  leur  langage  avant  lui,dans  son  Traits 
des  Lois. 

L'tgaliie  des  homines  eclate  dans  leur  commune 
origlne  et  dans  la  maniiTe  uniforme  dont  ils  sont  in- 
troduits  sur  la  scene  de  la  vie  j  dans  ces  facuUes  pre- 


Tol'me  sur  rcgallte.  28J 

Cieuses  qui  leur  sont  communes  a  Ions ,  savoir  ,  le  don 
de  la  parole,  celui  de  la  raison,  ceiui  des  sens  ex- 
ternes  et  inti-rnes,  dans  leur  commune  fragility,  dans 
la  necessite  de  mourir,  impost'e  a  tons.  —  Cependant 
aucun  objet  dans  la  nature  ne  ressenible  parfa  tement 
a  un  autre.  Les  liommes  different  entr'eux  par  leur 
caractere,  leurs  moeurs,  leur  constitution  phjsique  , 
leur  temperament  plus  on  moins  vigoureux ,  plus  oa 
moins  loible,  leur  application,  leur  prudence  ,  leur 
instruction.  Ceux-la  sont  doublcment  digncs  d'elogcs, 
qui  embellisseut  par  la  vertu  leurs  qualites  Jntel- 
lectuelles. 

Quoique  les  facultes  physiques  et  morales  soienf 
inegalement  reparties  entre  les  hommes ,  la  culture 
des  sciences  et  des  arts  les  rapproclie  par  une  g^ne-» 
reuse  emulation.  La  vertu  est  a  la  port6e  de  tous  , 
attendu  que  la  nature  a  grave  dans  le  coeur  de  tous  urt 
sentiment  exquis  du  bon  ct  du  beau  ;  ce  sentiment^ 
riuanc6  a  Pintini ,  porte  dans  tous  le  m^ir.e  cachet  , 
celui  d'une  lumiere  et  d'une  force  divines.  Mais  il  se 
degrade  et  s'eteint  par  la  mauvaise  education  ;  —  cc 
qui  engage  I'auteur  k  rechercher  Porigine  du  mal 
moral  et  celle  des  calamites  qu'il  a  trainees asa  suite. 
Pour  cet  efiet ,  il  decrit  les  commencemens  de  la  so- 
ciety humaiae.  La  simplicite  et  la  bonne  foi  furent 
son  premier  apanage  ;  mais  le  regne  de  ces  vertus  fut: 
de  trop  courtc  duree ,  et ,  a  mesure  qu'elles  s'eclip- 
serent,  des  ;'  aux  inno  r.brables  fondirentsurle  genre 
humain.  Les  desordres  actuels  de  Petal  social  deri- 
vent  de  <  ette  source.  Une  reconnoissance  sans  borncs 
est  due  a  ccvix  qui  s'appliqueiU  a  les  j-epajier.  ^iusi  la 


o'-Ji  ^''  Litteratnre  latine. 

societe  civile  a  pris  la  place  de  la  soclele  natarelle. 
Les  loix  seuks  peuvent  dcvenir  le  mainlien  de  ce 
nouvcl  crdrc  de  clioses.  —  Malheurs  de  I'iinarcliie. 

—  L'uiiivers  entier  ne  subsisle  riu'aii  nKryeii  de  Tordre 
et  des  lois  destinees  a  le  regler.  —  Les  loix  doivent 
etre  simples ,  claires ,  fondees  siir  la  raison  et  sur  la 
nature.  —  Demeiice  de  ceux  qui  les  meconnoissent. 

—  Les  hommes  ont  un  besoiii  indispensable  les  mis 
des  aiitres.  —  Image  des  rapports  sociaux  dans  les 
abeiiles.  —  L'inegalite  des  conditions  n'exclut  per- 
sonne  de  la  sagesse  ,  c!e  la  v^rlu  ,  ni  du  bonlieur,  fruit 
de  I'une  et  de  I'autre.  —  Les  dons  de  la  fortune  niet- 
tent  aussi  de  I'in^galile  parmi  les  bommes.  Le  comble 
de  I'opprobre  seroit  de  vendre  a  ce  prix  sa  liberie. 

—  Tableau  liideux  de  Fes  lavage.  —  Mais  une  su- 
bordination Icgilime ,  dans  I'etat  civil  aus.^i  bien  que 
dans  I'etat  doniestique,  n'est  pas  incompatible  avec  la 
liherte.  L'liomme  libre  est  esclave  des  loix..  —  De- 
voirs   respectifs    des    superieurs    et    des    infc'riears. 

—  Censure  des  maitres  insolens  ,  iniques  ^  oppres- 
seurs.  —  Les  Grecs  et  les  Roniaius  ,  pour  obvier  cice 
d'L^sordre ,  avoient  6labli  des  fetes  solemnelles  ,  qui 
ofTroient  Timage  de  I'egalite  primitive.  —  Ainsi  le 
^souvenir  ne  s'en  est  jamais  efface  parmi  les  bommes. 

LU're  second  (  de  600  vers  ). 

Le  poete,  apres  une  nouvelle  invocation  a  Astr^e, 
decrit  un  asile  cbampetre  et  un  sanctuaire  auguste  , 
liabitt's  par  la  vertu.  II  d^couvre  dans  celte  enceinte 
fortunee  1-is  vrais  principes  de  I'egcilite,  et  les  devoirs 
sacres  qui  en  resuitent.  La  religion  recoit  ses  hom- 

niages. 


Po'nm  s.ur   Cei^nlite.  385 

ir.ages.  Son  cnltc  ,  s'il  esl  nf'ce^snire  ,   n'en  est  pas 
moins  essenlielleinent  iibre.    Elle  esl  le  l.ea  le  j^lns 
puissatit  ds  I'etat  social,  et ,  an  milieu  cle  riuegalite 
Desrangs,qiu  en  est  iiiSi'^parable,  elle  j  entretient  la 
I'ralernite  d'airections.  L'aulorite  supreme,  d.uis I'etat 
social,  doit  resider  en  un  seul  on  dans  qiielmi  s-!:ms. 
Des  devoirs  dc  ceux  appeles  a  ^puveraer.  —  Jusqn'^ 
quel  point  il  faut  supporter  de  mauvais  princes.  — 
Tarquin  le  Superbe  ,    expul  e  j)ar  JBrutu^,  ne  pent 
ctrc  r^labli  par  Porsenna.  —  Elat   de  Rome  a  cetle 
^poque.  —  Lorsqu'il  s'eK^vc  nn  grand  proces  en  ire 
luie  nation  et  le  chef  qn'e'le  avoit  mis  a  ?a  tele,  il  fant 
ss  donner  de  garde  que  d'un  cotv^  laliaine  ,  le  rossenti- 
nient  ,  la  calo.miie  n'imposent  an  prince  c\t-s  torts 
controuves  et  imaginaires  ;  de  I'antre,  que  la  licence 
populaire  ne  foule  a  ses  pieds  les  regies  de  la  justice. 
—  Le  pen  pie  doit  ecouter  la  \oi\;  des  sages ,  ct  res- 
pecter les  autorites  emantes  de  lui-meaie.  ^  Fflicitd 
d'un   peuple   docile  a  ces  prt^ceptes.  —  Tableau  de 
I'liarmonie  sociale  cjui  en  resulte.  —  Le  poefe  la  com- 
jDare  a  c^dle  produite  par  des  instnmiens  bien  accordes, 
et  a  ct'lle  qui  regne  autre  les  corps  c  lestes.  —  La 
moyen  le  plus  assure  de  produire  celle  liarmonie,  est 
que  le  cherain  des  lionnenrs  suit  egalement  ouvert  a 
tous,  et  que  le  meriteseul  y  conduise.  —  La  veritable 
noblesse  est  purement  persoimelle.    Celle   que  nous 
derivons  de  nos  aVtMix  n'est  point  a  nous_,  rien  n'est 
plus  vain  que  ses  titres  et  ses  decorations.   —   Les 
Americains  out  reronuu  ces  veritos ,  et  ils  les  ont 
sanclionuees  par  leur  couslitulion.  —  V(ihix  ardeus 
pour  (|ue  I'opulencej  I'anibition  et  unc  jal«nis3  envio 
Tofne  IL  ^  b 


386  Li.tterature  latlne. 

lie  trouMent  pas  ce  bonlieur.  —  Consells  cle  la  sagpsse 
a  ct't  eiFet.  —  Rien  nVst  j)!us  a  craindrc  qii'tme  hai- 
neuse  difTatnation.  —  Admirahie  loi  des  Perses,poLlr 
en  ('carter  l.s  dangers.  —  Pour  une  infinite  d'aiities 
devoirs ,  il  n'esl  rien  de  m.illeur  que  de  livrer  les 
liommes  a  la  droiture  de  leursens  moral.  —  Exemple 
des  Scytlies  Nomades.  —  Les  lois  ne  penvent ,  ni  tout 
prevojr,  ni  tout  prcvenir.  —  La  grande  versatilite 
des  circjnslances  et  la  mullipli.ile  de  nos  rapports 
apporteni  d'ailleurs  des  nuances  iunorabrabies  a  nos 
o'ni;.  a;ior!S.  —  Les  administrateurs  sur-tout  ont  be- 
soin  de  connoitre  a  fond  la  nature  hmmaine.  Cast 
dans  i'^tude  de  Piiistoire ,  dans  I'experience  et  dans 
Tobservation  ,  bien  plus  que  dans  des  traitcs  scientifi- 
ques,  qu'ils  puiseront  cette  connoissance.  —  L'inp-a- 
titude  ,  pour  ne  pas  tomber  sous  le  ressort  des  lois, 
n'en  est  pas  moins  un  vice  des  plus  odieux.  —  Devoirs 
respectifs  des  epoux,  des  peres,  des  enfans.  —  En 
un  mot  I'obeissance  seule  aux  lois  eternelles  et  Im- 
prescriptibles  de  I'ordpe  et  de  I'hairmonie  universclle  , 
peut  assurer  la  veritable  ^galite ,  ainsi  que  le  bonheur 
de  tous.  Par  elle  seule  le  regne  d'Astree  pourra  re- 
flenrir  sur  la  terre. 

Tel  est  le  precis  de  ce  poeme ,  dont  la  conception 
annonca  encore  plus  de  courage  que  I'exccution  ds 
talent.  II  falloit  cependant  un  talent  tres-distiugu^;  , 
et  sur-tout  trrs-rare  aujourd'hui,  pour  remplir  celte 
tache^  comme  I'a  fait  M.  de  B.  Nous  savonscombien 
I'art  est  diiTicIle  et  la  critique  ais(^e.  Ainsi  nous  ne 
reprocherous  a  I'auteur,  ni  ses  liaisons  incobereutes 
j^l  ses  transitions  forcees  en  plu?ieurs  endroits,  ni  les 


Toi'me  sur   Vcgalite.  3S7 

redondances  fr^quentes  qui  Aous  out  frappt's  dans 
son  style ,  ni  le  technique  de  sa  versification  ,  qui 
souvent  nous  a  semble  trop  sentir  le  tra\  ail,  —  Un 
poeme  didactique  a  sur-tout  besoin  d'etre  animo  par 
des  images  et  de>  faits.  Nous  regrettons  que  M.  de  B. 
en  ait  manque  plnsieurs,  qui  cnlroient  absolument 
dans  son  sujet,  et  qui  aurolent  pu  lui  fournir  des  epi^ 
sodes  int^ressans.  —  Oui ,  nous  en  voulons  sur-tout  k 
M.  de  B.  de  n'avolr  pas  dit  un  seul  mot  sur  fes  Ba- 
taves,  ni  au  passt^  ni  au  present,  ni  a  I'avenir.  — 
Mais,  plutot  que  de  multiplier  des  reproclips  dictes 
par  Peslime  meme  que  nous  porfons  au  c'ar?ictere  et 
aux  talens  de  M.  de  B.,  nous  allons  extraiio  de  son 
ouvrage  deux  on  trois  morceaux ,  qui  mettront  nos 
lecteurs  a  portee  de  lui  rendre  justice. 

Dans  l*endroitdu  premier  livre  ou  il  annonce  que, 
laissant  de  cole  toutes  les  subtiles  disputes  des 
sophistes  ,  il  a  de  preference  consult^  Ciceron 
sur  la  raatiere  qu'il  se  propose  de  traiter  3  voici 
comment  il  s'exprime  :  (  v.  no — 120). 

Unus  me  teuitit  j  ciijus  modn  J^iilmin a  Ungues  , 

JLngeniumqite  sagax  sliiptiit  rnodo  libera  Roma  j 

^rpinitm  in  paliiam  me  duj:if ,  meque   locat.it 

Sub  i^eteri  fatem  JJariance  leginine  quercus  ; 

Hie  ubi  naturcr  nionstrat  pvimordia  Ifgis  ; 

Hie  ubi  disseruit ,    quid  mentibus  insita  nostris 

Recta  relit  ratio  j  quid  coiifirmala  requlrat. 

TJt  data  sit  nobis  ,   a  numine  tracta  Deo'rum  , 

QufP  y  /aelenda  jubens  J  prn/iibel  contraria  j  ad  omrnss 

Iinplendiis  partes  ct  nos  inritat  lioncsti. 

Voici  quelques  vers  dt laches  du   tableau  du    com* 

Bb  2 


3g8  Littcratv.re  latine. 

nieucement  de  la    socicte.  (  L.   I,  v.  867-  874  ). 

tV  ;•////  in  Icvtam  p'enerem  genus  omne  animantum  , 
Sk-  quoque  naius    homo  sociaJem  dcgerc   tntam  , 
Vt  J  nil  ardaihs  calcai  ibus  Ictus  amorls  , 
Coiijugis    ufjlatue  sc   se  piojccil  in  vlnas  ; 
JJumqlc  propagandcejlagrarecupldiaeprclis 
Ccepis.sct  J    vitamaue  parens  curare  crealiS  j 
€onsiUo  pollens  legU  loca  lata  ,  n.ccrcnt 
Isci^ejcicegcneri  J    ne^-e  inclenientia  cxh. 

Uii  pea  plus  has  vieiU  cs  lableau.  (  v.  Sgi  -  401.  ) 

Cernimus    innocufr    qiutJes    in  limme   pitce 
Dh-ersinn  pueros  inter  se  hidere  ladum  : 
In   medUs  jucunda  jocis  concordla  regnat, 
JPinglt  e  t  unanhnls   Icneras  dementia  malas. 
Gaitdla   longajorent,    longce  nisemina  culpce 
Jn  teneros  animos  amor  iujccissct  hahcndi. 
Ihmc,  simul  acplacait  puerls  les  una  duohus  , 
^mbitio    placidam  depeUit  J.ernda  paccm  , 
'        Tamque  din  ignarce  pertarbat  corda  j  men  tee  , 
Donee  amicitice  dlsrupit  amalile  innclum, 
Fralernosque  animos  in  mutaa  prccUa  misit. 

Wous  ne  citerons  qu\in  seul  morceau  du  deuxleme 
livre.  L'auteur  parlo  du  bonlieur  donl-il  suppose  que 
PAmf  rique  a  joui  avant  I'arrivee  des  Europeens. 
(  V.  319  —  36o  ). 

Talis  erasjorsan  ,  cum  nondum  audacter  Ibems 
Vellficatus  aquis  ,    largosque  cupidine  prcedce 
Captus  ,    inignotaspeneirasset,    America  ,  terras  , 
Scque  tiocum  nondum  trlhus  adderet  orlcm    : 
Anglia  rirginice  ,  Canadce  cum  Gallia  nondum 
Jura  daret ,  nullusque  eos  ingressus  opimos 
Hostls  agros  ,  fmcundco   iUeclus  muncre  gl^bcv  : 


Tonne  sur  re;^alhL     .  889 

Ncc  funthns  grcmto  pretiosa  metalla  prnfundo  j 
udigcnti  cupldis  peragrata  Peninia  naiitis  ; 
Mexico  et  inv,enlo  nondum  scnsisset  in  awo 
J'l'inicieni  latitare  tuam  ,  ledasque  sub  viidis 
JPionler  opes  se  posse  capi  Calijorma  scuct. 

M.  de  B.  a  dedit'  son  poc?me  a  son  ami,  M.  DanieL 
TV ytteabach  ^  prof'esseur  d'histoire  ,  d'antiquitt^s  , 
de  litterature  aucienne,  dVloqueiice  el  de  poesie  h 
Amslerdam.  L'amilie  de  t^^ls  liomraes  honore  la 
science  et  les  letties  (i)  3  leur  exemj.le  est  nn  nol>lG 
aigiiillon  pour  une  jeunesse  a  vide  de  la  phis  belle  de 
toutes  les  glolres,  celle  de  I'instruction  et  de  la  vertn. 
Helas!  ils  pleurent  encore  tons  les  deux  Icnr  eleve 
favori,  im  de  leiirs  disciples  vraiment  etonnant  par 
son  genie  vaste  et  prccoco  ,  Pierre  KLewland  , 
mort  a  Leide  le  14  novemi)re  1790,  ayant  a  peine 
atteint  la  trentieme  annee  di^  son  age.  Depuis  seize 
mois  5  il  avoit  ete  appele  a  remplir  dans  la  ct'lebre 
universile  de  cede  ville  nne  chaire  de  geometrie  ,  de 
phj^siqne  ,  d'architecture  civile  et  mi!i*aire  ,  d'bj- 
draulique  et  d'astronomie.  l.e  pvofi'ssenr  Van  Swln^ 
den  ,  successivemeut  son  maitre  ,  son  ami  ,  son 
collegne ,  en  a  publie  ,  en  Ian;::ne  liollandaise  ,  nn 
eloge  rempli  d'intt'ret.  Les  miises  baiaves  ,  couverles 

(i)  Nous  avons  exjiose  les  pvincipaux  litres  littcraires  de 
I'un  et  de  I'aiitre  dans  une  note  coinmuniquee  tl  Charles 
JPougens  pour  sa  traduction  du  voyage  de  Forster  ,  et  qui  s'y 
trouve  dans  le  deuxicme  yoluine.  Nous  regrettons  seul;-- 
menlque  ce  litterateur  estimable  ait  mele  a  cjuelques-unes  de 
nos  notices  des  details  qiiilui  sont  venus  d'uue  autre  mam  , 
el  de  riuexaclitude  destjuels  uoui  no  vuulons  pas  Olrert-sp'.'u- 
Babies. 

Bb  3 


3go  Litter ature  la  tine. 

dedenil,  ont  jet^  d'autres  fleiirs  sur  sa  tombe.  Nona 
nous  proposons  d'extraire  des  difftrenles  productions 
necrologiques  auxquelles  cette  perte  a  donne  lieu  , 
une  notice  biognipliique,  qui  ser?  comme  un  modeste 
fleuion  atlache  a  une  iniinortelle  couronnv^,  et  nous 
aimons  a  croire  que  les  redacteurs  du  Magaslfl  Encij- 
clopedlque  ne  nous  refuseront  pas  I'insertion  de  ce 
morceau.  P.  H.  Maron. 


LITTER  ATURE   FRANC  AISE. 

LINVILLE    ET    FANNY, 

NOUVELLE. 

JliiNviLLE  ,  abandonne  par  une  maitresse  adoree  , 
egare  par  la  plus  vive  douleur,  devint  injusteet  bi- 
zarre j  il  pensa  d'abord  bien  mal  de  la  Irop  aimable 
et  perfide  Zena,  puis  de  quelqu'aulre  feinmejpuis 
enfin  de  toutes.  Celte  injustice  s'etendit  sur  I'huma- 
nil(^  entiere.  Des  voyages  entrepris  dans  celle  dis- 
position ,  le  confirinerent  dans  son  erreur.  Trop  sou- 
vent  les  objets  qui  s'ofFrent  a  no^  regards  prennent 
la  teinte  de  noire  esprit.  Un  elre  beureux  qui  vojage , 
voit  par- tout  des  sites  romantiques  ,  des  cbemius 
parsemcs'de  fleurs  ,  desruisseaux  murmurans.  Cbaque 
cabanne  est  I'asile  du  bonleur,  cbaque  villa  celui 
des  arts  et  des  plaisirs  ;  tout  a  pourlui  des  foniies 
agr^abies,  c'est  la  magie  du  bonheur.  Est-il  un  elre 
flisez    mallieureux   pour  qu'il  i\\ii  pas  au  moinSj 


LinvilU  et  Fanny.  ?jr)t 

pendant  de   courts  instnns  ,  orne  de  quelques  fleurs 
la   liaiae  peiiib'e  de  ses  jours  ?  Linvillc  I'avoit  perdue 
celte  erreur  delicieuse,  il  voyageoit   pendant  I'ete ; 
li'S  campagnes  eloient  axid&s ,  les  c':cmias  couverls  6.3 
poussiere^  la  thaleur  excessive.    Dans  les  cliamj^s  , 
de  ma.ieureuK  nioissonneurs  sea.bloicnt  subir  dans 
toute  son  ^tendue  la  peine  riponreuse  portee  contr© 
tous  les  liommes.  La  mi  tre  s'oIBoil  par-tout  a  ses 
jeux,  elle  eniouroit  sa  voiture  a  chaque  relais.  Tous; 
les  lleux  qu'il  parcouroit  lui  offroient  les  memes  ;:as- 
sions ,  les  memes  vices ,  I'interet  personnel  regnant 
par-toutetanimant  desetresquine  different  en!  'eux 
qiie  par  le  langage  et  I'liab  llc'renl.  Les  ruines  de 
ITtalie  etoient  a  ses  veux  celles  du  nio!:de ,  lout  doit 
finir  ainsi  ;  le  monument  qui  s'eleve,  n'est  separe  de> 
celui  qui  s'ann^autit ,  que  par  un  espa;  e  qui  paroit 
un  poiut  dans  la "  succession  des  temps.  Les  sciences 
se  perdent ,  les  arts  s'oublient ,  tout  se  dc'tiuit ,  et  le 
bonheur   aus^i5  ajoutoit   Linville  en   soupirant !  Ls 
carnaval  de  Venise  lui  rappela  ces  bals  de  I'Opera^ 
oil  le  masque  Svfrt  de  bandeau  et  de  vol'e  a  I'amour  ; 
il  lui  rctra';oit  cct  heureux  hiver  passe  au  seiii  deg 
plaisirs,  marque  par  des  fetes  elsur-tout  par  le  bon- 
heur d'etre  airae.  Au  milieu  d'une  foule  inconnue 
et  indlfferente  ,  ses  jeux  clierchoien t  avec  empresse- 
ment    des  traits  qui  pussent  ressembler  a  ceux    de 
r.nfidelle  Ztna  ,  ces  traits  qu*il  fuyoit,  qu'il  vculoit 
ha^r,  et  que  tout  pelguoit  a  son  souvenir.  Prt^s  de 
deux    annees   s'ecoulerent  dans  cat  exil  volonlairc. 
Le  temps,  ce  reinede  infaillible,  avoit  dimiuue  ses 
regrets  saus  cependant  ics  dctruire.  Juti^ue  de  par^ 

Bb  4 


3-)2  Litterature  franqaise. 

coiiri'r  des  lieux  ou  il  n'avoit  roiit^,  ni  les  charmes 
rie  I'amilie  ni  les  plaisirs  de  ranioiir,  il  se  crut  gu^ri 
parce  cjiril  vouioit  revenir  dans  sa  palrie,  et  la  re- 
.  voir  sans  danger.  Ce;tle  revoUuion  lui  fil  eprouver 
iin  in>!anl  de  ]i!aisir;  depuis  long-temps  il  ne  Ic  con- 
jioissoit  plus.  Les  preparaiirs  du  voja^^^e^  leretour, 
la  vue  de  vses  parens  ,  .de  ses  amis  ,  des  lieux  qui 
I'avoient  vu  naifre ,  lout ,  dans  \es  premiers  momens, 
lui  fit  croire  que  Is  calme  se  retablissoit  dans  son 
ame  ,  et  que  I'avenir  pourroit  encore  etre  agreable 
■pour  liii  ;  vricas,  ce  moment  d'ivresse  ,  occasionn^ 
par  la  nouveautc  dos  O' jets ,  s'evanouit  quand  le 
]ilaL-:ir  devieni  habitude.  Ne  avec  une  ame  ardent?  , 
lendre  ,  porteca  la  melancolie,,  une  imagination  trop 
active  ,  uiie  memoire  trop  fidele  ;  il  retrouvoit  par- 
tout  ks  traces  de  son  bonheur  et  le  souvenir  du 
mallieur  qui  lui  avoit  succede.  II  revit  Zena ;  elle 
lui  fit  pcu  d'impression  ;  elle  avoit  ri  de  son  absence  , 
persifl;''  s:i  dou'eur  ,  sa  sensiiilil^:  ,et  donne  dans  mille 
travers  qni  lui  avoient  aiitant  niii  dans  Pestin  e  des 
gens  senses ,  qu'ils  avoient  altere  sa  fraicheur  et 
gate  ses  graces  naVves.  LinvillenePaimoit  plus  ;  mais 
il  I'avoit  aimee.  Ce  nVloit  plus  elle  qu'il  regrettoit, 
jnais  ie  sentiment  qu'elle  lui  avoit  inspir^.  Une  mu- 
sique  teudre  le  faisoit  rever  tristement.  Le  lever  du 
soleil ,  une  belle  soiree  d'ete ,  ces  nuits  oii  I'astre  bril- 
lant  cpii  les  I'claire,  semble favoriser  I'amour  et  n'exister 
que  poi:r  lui,  renouveloient  sa  douleur  ,  en  lui  rap- 
pelant  ses  plaisirs  ,  sans  lui  biisser  ineme  la  consola- 
tion de  les  desirer  encore  ,  car  il  meprisoit  Zena^et 
ne  pouvoit  plus  I'aimer. 


LinvUU  et  Fanny.  3-)1 

Telles  otolent  les  dispositions  de  Linvillc  ,  lorsqu'il 
apprit  c[u'utie(lesespareiites,ttabliea  Paris depuis son 
abs.'iice  ,  v  etoit  dans  ce  moment ,  et  devoit  bientot  le 
quitter  pour  se  rendre  dans  ses  terres.  L'honnetete  , 
bien  plus  cpie  le  goiit ,  le  condnisirent  chez  cetle  pa- 
rente,  qu'il  n'avoit  vi'.e  qu'iine  seule  fois,  dans  \m 
autre  vovage  qu'elle  avoit  fait  a  Paris,  depnis  pres 
de  dix  ans.  II  Irouva  pres  d'elle  nne  jenne  personne 
qu'elle  lui-pr^senta  comme  sa  fille  ;  il  la  salua  sans 
y  faire  grande  attention.  Fanny  n'avoit  rien  de  ce 
qui  fraj)pe  an  premier  abord  ,  elle  n'eloit  ni  tres- 
grande  ni  Ires-jolie.  Sapl'.ysionomie  eloit  douce  ,  spi- 
rituelle  et  pleine  de  sensibilile  ;  mais  il  fal'oit  I'ob- 
server  pour  y  trouver  tout  cela.  Ses  traits  n'etoient 
vraiment  agreables  que  lorsque  le  plaisir  les  ani- 
n.oit  et  faisoit  nailre  le  plus  joli  sourire.  Dans  ce 
moment  5  s  lencieuse  et  profondement  occupee,  elle 
regarda  beaucoup  Linville,  I'ecouta  avec  attention, 
mais  sans  lui  parler  et  sans  en  etre  remarquee. 

Madaired'Holcy  pria  son  parent  de  la  voir  souvent 
pendant  lepeu  d'instans  qu'elle  avoit  encore  a  passer 
a  la  ville;  il  sV  trouva  meme  engog^  par  quelques 
services  qu'il  j  ourroit  lui  rendre 'pour  des  affaires 
de  fwmille.  Quelques  jours  apres  il  y  retourna  ,  et  n'y 
vit  point  Fanny  ;  il  demanda  de  ses  nonvelles  :  elle 
est  sortie^  lui  dit  Madame  d'Helcy ;  je  I'ai  engagee, 
prescpie  malgr6  elle ,  dans  une  partie  agreable.  Depuis 
plusieurs  mois  son  caractere  cbance^elle  etoit  trcs- 
gaie  ,  elle  ne  Test  plus  ;  apres  avoir  beaucoup  desire 
de  veniraParis,  elle  m'a  vivement  sollicit^e  pour 
le  quitter.  La  campagne,  disoit-clle,  r^tabliroit  sa 


3g4  Liltirature  francaise. 

sant($ ;  elle  en  avoit  besoin.  Pour  lui  faire  plaisir  , 
j'ai  abandonne  plug  d'nne  affaire  essentielle;  mais 
depuis  queique*  jourt  ellc  ne  parle  plus  de  partir, 
sans  en  paroitre  plus  ^^me  ,  plus  disposee  a  s'amuser. 
Son  esprit  a  perdu  de  son  egalit6  ,  memc  de  ses 
graces ;  car  ,  si  je  ne  craignois  de  vous  paroitre  un 
juge  trop  partial,  je  pourrois  dire  qu*elie  est  reelle- 
jiiciit  aimable.  Linville  cbangea  de  conversation  , 
parla  d'affaires  et  sortit*  II  rencontre  lannjr,  elle 
rcntroit  avec  une  amie  de  sa  ni^re.  C'est  Linville, 
dit  cette  derniere,  lorsqu'elles  furent  assises,  je  n& 
ie  crojois  ni  de  relour  de  se»  voyages ,  ni  gueri  de 
ses  erreurs.  De  ses  erreurs  !  reprit  madame  d'Helcy 
d'un  air  m^content.  Peut-on  donner  ce  noni  a  I'atta- 
cliement  le  plus  vif ,  le  plus  vrai ,  a  la  conduite  \a 
plus  discrete  et  la  plus  honnete?  Linville  a  pu  aimer 
avec  trop  d'abandon,  il  a  pu  etre  trompe,  trahi  ^  mais  il 
eit  incapable  d'une  erreur ,  et  moinsejacore  d'un  mau- 
vais  precede.  L'arnie  ne  c^da  pas  ,  et  la  discussion  iut 
longue.  Fannj-  purut  Tecouter  avec  attention ,  mais 
sans  J  prendre  d'autre  part  :  un  instant  apies  elle 
aortit ,  sans  en  paroitre  plus  gaie  ou  plus  triste. 

Avec  une  figure  tres-franche ,  personne  ne  I'etoit 
xnoins  que  Fanny  ;  on  lisolt  sur  sa  phvsionomie  ce 
qui  lui  faisoit  plaisir,  elle  ne  le  disoit  jamais.  II  eloit 
xnoins  facile  de  saisir  \qs  nuances  du  chagrin  et  de 
la  contrari^le ,  sur-tout  depuis  qu'une  reverie  ha- 
bituelle  etoit  devenus  son  etat  naturel.  Fanny  tou- 
clioit  a  sa  vingt-troisieme  annee ,  et  Fanny  n'avoit 
encore  rien  aim^  ,  on  le  soupconnoit  du  moins,  car 
daus  sa  conduite ,  rien  n'en  avoit  dojine  I'indice.  Douce 


Linv'ilU  ft  Fr.nny.  ^g") 

ct  gaie  dans  son  enfance ,  vive  ,  etourdic  dans  I'a- 
dulescence.  Sa  leg^re^o  et  sa  oi^lancolie  semhloi'^nt 
«*etre  suivis  sans  intermediaire  ,  et  cela  sans  motifs 
apparens ,  sans  alteration  de  santc  :  on  I'a-cusoit 
de  caprice  ,  de  Lizanerie  j  n.ais  pen  de  teirips  suint 
|jour  decouvrir  une  cause  plus  singuliere  el  plu^,  dou- 
loureuse. 

Depuis  quelques  mos  oa  couroit  en  foule  h  cetie 
piece  bizarre  et  t^jnt  cn'tiqn^e  ,  ou  I'auteur  s'ecartant 
des  regies  ordinaires,  a  peint  I'a  i  our  dans  tout  son 
^garement ,  ou  ISina,  sans  raison  et  presque  sans 
decence ,  interesse  ,  emeut  ,  enlraiue  les  ames  sen- 
sibles  _,  les  etres  o  ganis^s  pour  I'amour,  et  levolte 
ceuT  qui  ,  souiiiet!aut  tout  a  1'  nalj'se  de  la  raison  et 
aux  bienseanccs  da  tht'aire  ,  voier.t  seulemfut  en  elle 
line  inseusi'e  ,  et  le  delire  de  I'esprit  dout  abusa  I'au- 
teur. 

Linville  ,  tristc  et  malheureux  ,  vit  Nina.  11  en  fut 
enchant^.  Comme  elle  est  intcreisante ,  disoil-il  chez 
madanie  d'Helcy ,  celte  inrortiinet  que  I'amour  6gare  ! 
quelle  fr^pression  !  que  de  sentiment  !  la  mosique  est 
d'une  verile  !  d'uue  ni^'ar.colic  !  .  .  .  Jamais  op^ra 
ne  m'a  Innt  toucb^.  ¥anny,  trmoin  de  ses  ^loges, 
demand©  k  sa  ni^re  de  Vy  mcncr,  avec  une  viva- 
city qu'ell?  n'avoit  pas  I'iiabitude  do  montrer  pour 
exprimer  ses  dcsirs.  Avec  sa  teTidre  mere  ils  ^toient 
satisfaits  aussilot  qu'iis  ^toient  connus.  On  donnoit 
Nina  le  lendemain  ,  la  parlie  s'urt'angea;  on  y  va  , 
ct  Linville  les  ac  onipagne.  Pendant  le  spectacle  , 
Fanny  ,  alteniive  et  silencieusi? ,  parut  nc  voir  ,  n'en- 
leudre  que  Nina.  Au  inomant  oii  cette  denii^re  dit 


5rj6  Li  It  era  tu  re  J)  an  ca  Use. 

a  SMI  pore  :  «  Vous  avez  ure  fille....  vous  In  rendrZ 
bipii  heureuse  ;  sur-tout  ne  la  conlnujez  i)as  daus  le 
choix  de  son  coBur  I  ceia  fait  un  iiial  !  .  .  «.  A  cc 
mot,  dis-je  ,  Fannv  lit  un  cri ,  loii  ba  dans  inie  pro- 
fohde  reverie,  et  parut  ne  ]^as  entendre  le  resle  de- 
la  piece;  elle  n'en  fit  ni  I'eloge,  ni  la  crilique,re- 
pondlt  par  niODOsyllabes  a  tont  ceqn'on  liii  dit  pen- 
dint  la  soiree  ,  et  se  retira  le  plulot  qn'il  liii  fm  pos-^ 
si.ble.  Les  jours  suivans  ,  il  faiiui  I'arracher  de  son 
appartement ,  r-lle  \\'e\\  voiiloit  plus  sortir  ;  elle  inontra 
de  riiumeur,  de  I'impatience,  tint  des  }}ropos  sans 
suite  et  souvent  inintelli^Aibles  ;  sa  table,  son  secre- 
taire etoient  converts  deceltefoule  d'historiettes  anx- 
qeelles  Nii  a  servoit  de  modele.  Elle  paroissoit  les 
lire  avec  cette  avidite,  cet  empressement  q-i'on  a 
ponr  lesohjets  qui  frappent  fortement.  On  ne  ponvoit 
Ten  dislraire,  elle  les  repetoit  de  menjoire  ,  lorsc  n'on 
les  otoit  de  des^ons  ses  yeiix  ,  on  sembloit  ne  s'oc- 
Cuperderien.  Enfin  qninze  jours  snffirent  pour  assurer 
la  triste  madame  d'Helcy  ,  que  sa  fille  avoit  aussi 
tolalement  perdu  la  raison  que  Nina,  et  qn'il  seroit 
niohis  aise  de  la  lui  rendre. 

L'c'garement  de  Fanny ,  la  douleur  de  sa  mere 
firent  siir  Linville  nne  impression- proportionnee  a 
la  vive  sensibililc  doni  le  ciel  I'avoit  ponrvu.  La  si- 
tuation de  sen  arae  en  angmentoit  la  force  ,  et  il  sV- 
loimoit  quelquefois  que  cet  ev-enenient  ent  pu  ajouler 
tant  de  trislesse  a  scs  douloureuses  reflexions. 

Madame  d'Helcy  ,  ne  vonlant  ni  conlrarier  sa  fille , 
ni  lui  faire  essaycr  ces  remedcs  inrertains  et  fati^ans 
qui  aug'.ucnlcnt  Ic  mal  au  lieu  de  le  diminuer  ,  piil  ie 


LinvllU  el  Fvmy.  3  jj 

parti  de  retourner  a  la  campagne  ,  et  de  tout  attcndra 
dii  temps  et  de  la  nature.  Elld  chargca  Linvitle  d'une 
idFaire  qui  exi^eoit  des  soins  ,  le  pria  de  la  terminer, 
el  de  venir  ensuile  a  sa  tene.  Pouvoit-il  cxistcr  un 
instant  ou  son  aniitle  Ini  fuf  plus  necessaire  ?  il  pro- 
init  d3  se  trouvjr  le  lendemain  au  moment  du  de- 
part. Il  n'avoit  point  vu  Tannj  depuis  le  commen- 
cement de  sa  maladie.  Avec  quel  inter^t  ses  jeiix 
se  fixerer.t  sur  les  siens  qui  paroissoient  a  peine 
Tapercevolr  !  il  ne  Tavoil  jamais  trouvee  si  jolie  :  sa 
parure  en  desordre  ,  son  air  egare  ,  mais  pourtant 
doux  et  sensible  ,  lui  firent  ^prouver  pour  la  premiere 
fois  une  emotion  qu'elle  ne  lui  avoit  jamais  faile.  II 
reit^ra  iimadame  d'/jelcy  la  promesse  de  se  rendre 
pres  d'elle  le  plulot  qu'il  lui  seroit  possible.  Fannj', 
dans  ce  moment,  montoit  dans  la  voiture  ;  elle  s'arr^ta, 
porta  sur  sa  mere  et  sur  Linville  des  regards  in- 
quiets  et  surpris  :  «  II  viendra,  dit-elle.  .  .  lui.  .  . 
pourquoi  ?  .  .  Qui  esl-il?  On  n'aime  pas  les  mallieu- 
reu?i  ,  il  aie  viendra  pas  .  .  ».  Madame  d'Helcj  disoit 
adieu  a  Linville  et  I'einbrassoit  en  pleurant.<t  Vous 
pleurez,  dit  Fanny  en  joignant  les  mains  ;  vous  fait- 
il  du  chagrin  ?  .  .  Ah!  si  vous  saviez.  .  .  si  jepouvois 
dire.  .  .  Mais  non  .  .  ».  Illle  s'arrela ,  rt^^rit  son  air 
sombre,  et  ne  parla  plus  jusqu'a  son  arrivt'-e  a  Helcv. 
Gettemaisou  ,  sitnee  tians  un  endroit  solitaire,  etoit 
tenue  avec  soin.  Une  des  ailes  du  chateau  se  pro- 
longeoit  jusque  vers  un  bois  dont  les  premiers  arbres 
touchoient  presque  aux  fenetres  du  cabinet  qui  la 
terminoit  ;  cela  donno't  a  cjt  appartemont  un  air  de 
retraite  et  de  mclanculie,    quo  sa  decoration  au<^- 


S-iS  Littc'rature  Jrnncaise. 

jnentoit  enrore.  C'^to; t  un  salon  d'etude ;  on  y  trouvoit 
une  bibliotheque  ,  les  busies  en  marbre  des  homines 
ics  plus  c^l^bres  de  la  Grece  et  de  Rome ;  quelques 
tableaux  repr^sentant  les  d(^saslres  de  la  nature  ,  des 
globes  5  des  cartes  geograpbiques,  tels  t^toient  les  or- 
nemensde  ce  salon.  C'est  la  que  Fanny  vola  en  descen- 
€ant  de  voiture  ,  et  elle  declara  qu'elie  a'en  vouloit 
plus  sortir.  Les  repr(fsi  ntations  Taigrirtnt,  les  prieres 
la  trouverent  inllexible,  et  il  fa  lut  avoir  pourcelte 
manie  la  condescendancequ'on  avoit  pour  tant  d'au- 
tres.  Pendant  plusleurs  mois,  elle  y  meua  co';stam- 
ment  la  meme  vie  ;  elle  n'en  de  endoit  pas  I'enlree  ; 
a.  quelque  hetire  du  jour  qu'on  Vy  surprit,  on  la  trou- 
voit a  la  meme  place ,  le  meme  livre  sous  ses  yeux , 
ouvert  au  meme  feuillet.  Quelquefois  elle  ecrivoit ; 
on  trouva  de  ses  billets,  ils  etoient  sans  suite,  lea 
idees  en  Etoient  tendres,  tristes,  mais  sans  objct  de- 
termine ;  on  n'en  pu  tirer  aucune  luraiere  sur  ia  cause 
de  sa  maladie  et  ses  singuliers  »ffets.  \ 

La  situation  deFannj,  sombre  et  mc'lancolique, 
in  a  is  en  apparen.e  calme  et  tranquille,  donaoit  a. 
madame  d'Helcj'^  I'espoir  de  lui  voir  recouvrer  un 
jour  ses  cbarmes  et  sa  raison  5elle  s'en  applaudissoit 
avec  une  amie  ;  Fanny  etoit  pr^-;  d'elle  ,  et  sembloit  , 
h  son  ordinaire ,  ne  rien  voir,  ne  rien  entendre.  On 
remet  une  lettre  k  niadame  d'Helcj,  elle  est  d^  Lin- 
ville.  II  annoncela  fin  et  Pheureux  succes  des  affaires 
qu'on  lui  avoit  confiees  ,  il  vient  en  reudre  compte, 
il  sera  a  Helcy  presqu'aussitot  que  son  epitre.  L'air 
le  plus  anime  prit ,  sur  le  visage  de  Fanny  ,  la  place 
de  son.  abattement  habituel  5  elle  se  levca  ay'ec  pr^* 


Linvilie  et  Finny.  S^g 

cipltallon,  fixa  sur  la  lettre  de  Linvilie  des  regards 
ag!i(5s  ,  ;)iiis  levant  Ics  jeux  an  ciel  ,  e!Ie  dit  du  Ion 
le  (  lus  loucljant :  «  Mon  Disu  que  je  soufTre;  raamanj 
»  cachez  moi.  .  .  qtron  ne  me  voie  pointy  ne  ni'ex- 
ji  po^ez  pas  a  des  rejiards  qui  me  feroient  mourir  », 
Madame  d'Helcj  Fassura  qu'elle  ne  verroit  et  ne 
seroit  vue  que  des  personnes  qui  ne  pourroient  pas 
la  g^ner  ;  elle  atttibua  c  tte  vive  Amotion  a  I'idee  de 
son  elat ,  et  a  la  sorte  de  honie  qu'elle  resse:;loit 
dVn  avoir  un  t'traKger  pour  t^moin. 

L'agitalion  de  Fanny  ne  se  calma  point.  Pendant 
la  soiree,  elle  parut  meme  augraenter,  et  sa  mere 
la  quitta  a  regret  pour  recevoir  Linvi!I(\  Elle  lui 
par!a  de  ses  chagrins  ;  il  parut  s'y  interesser  vivement ; 
niais  uialgre  la  confiance  et  ramitic  qui  remjlirent 
cetle  soiree  ^  elle  leur  parut  longue  et  bien  triste. 
Ce  ne  fat  qu'au  bout  de  deux  jours  que  Fa  uix'  con- 
sentit  a  voir  Linvilie  ;  son  nom  la  faisolt  rougir,  sa 
presence  I'embarassa  et  parut  lui  ^tre  penible  ;  raais 
peu-a-peu  elle  sembla  s'y  accoutumer,  et  ledemanda 
meme  qudlquefois.  Dans  ces  moraens,  Fanny  agit^e, 
^niue  ,  paroissoit  vouloir  confier  quelques  secrets  a 
Linvilie;  elle  le  regardoit  d'un  air  liinide,le  pr^- 
paroit  a  I'ecouler  ,  lui  demandoit  de  I'atlention  et  c:e 
la  discretion;  puis,  parolssant  s'arreter  avec  effort, 
elle  s'eioi,unoit  ,  f^s  yeux  se  rempli.^soient  de  larmes  , 
et  elle  le  conjuroit  de  la  quitter,  de  la  Liisier  h  elle- 
meme. 

De  semblables  scenes  souvent  rep^t(''es,  faisoirnt 
sur  Linvilie  une  iir.press'on  que  cbaciue  jouraugincn- 
toil  3  il  ne  pouvoit  se  ivndre  compte  de  I'espjce  d'io- 


400  Litte'ratiire  frnncaise. 

UVet  que  Fannj  avoit  fait  naitie  clans  son  ame;il 
crut  loiig-tcmps  qu'il  ii'etoit  (  xcite  que  par  la  pitie  ; 
niais  les  traits  de  Fannj^  lui  I'loienl  tou'ours  presens ^ 
il  souflroit  par-tout  ou  ii  ne  la  voyoit  pas.  Dans  ce 
cabinet  solitaire  oi!i  souvent  lis  passo'ent  des  heures 
saus  so  parier,  il  oublioit  ses  nialhours,  ses  resolu- 
tions, ses  projets  ,  il  oublioit  juscju'a  Zeiia,  Fannj 
avoit  tout  cliango  pour  lui.  Combieii  il  se  reprochoit 
d'aimer  un  elve  qui  ne  pouvoit  r;'^pondre  a  sa  teu- 
dresse  1  il  en  accusoit  sa  bizarre  deslinee  ,  il  vouloit 
partir,  ne  ]a  revoir  jamais.  .  .  Mais  quitter  inadaine 
d'Hclcy  ,  TabaiKlonner  a  sa  douleur  ,  il  j  auroit 
de  I'ingratitude,  et  il  ne  pourroit  s'j  deter ininer. 

Apres  plus  de  six  semaines  ae  trouble  et  d'inquie- 
tude,  celte  situation  devint  si  penibie  pour  Linville  , 
que  ne  se  sentantplus  la  force  de  la  supporter,  il  pre- 
texta  des  affaires  ,  et  fixa  le  jour  de  son  d^^'parr.  On 
le  dit  a  Fanny,  ?ans  trop  de  precaution,  et  cette 
nouvelle  parut  I'agiter  plus  que  la  surprendre.  La 
veille  de  ce  jour  qui  devoit  separer,  peut-etre  pour 
jamais,  doux  etr^  s  aussi  interessausque  malheureux , 
jFannj  parut  plus  triste  et  plus  sombre  qu'elle  ne  I'a- 
voit  jamais  ete.  Ses  reveries  avoient  Pair  de  porter 
sur  nn  or. jet  qui  I'orcupoit  foricment  et  ne  I'aban- 
donnoit  pas.  Vers  le  soir,  elle  prit  un  air  plus  serein 
pour  demander  a  Linville ,  s'il  comptoit  lui  dire 
adieu  le  lendemain  :  il  repondil  que  c'etoit  son  pro- 
jet  ;  n'j  manquez  pns  ,  hii  dit-el!e  ,  je  veux  vous 
parier  a  vons  seuJement  j  vous  le  ^  oulezbieii ,  ajoufa- 
t-elle  ,  en  jelan!  sur  sa  mere  un  regard  crainlif  et 
timide.  Apres  un  geste  d'apprcbaiion  de  madame 

d'ZIelcj  , 


Lhiv'dle  et  Faiivy.  40, 

tVlTc'lcy  ,  Fnnnv  reprlt;  Eh  l)icn  !  clone,  deniain  ii 
clix  hemes  :  laissez-moi  a  pr(''sciit  ,  j'al  bcsoin  d'etre 
sen  If. 

Liiiville  se  rendita  I'heure  conveiuie  dans  I'appar- 
Xemvnt  de  Fann v  ;  son  air  abailu  ,  ?a  parure  simple 
et  neghgee,  im  regard  incertain  ou  un  rtste  d'ega- 
remeiit  se  faisoit  a  peine  remarqner,  I'id^e  qu'il  la 
vovoif  ponr  la  dernit-re  fois,  tout  contribnolt  a  dmou- 
voir  Lfuville.  Fann.-  ferma  laporteavec  I'airdu  plus 
giand  mystere,  puis  s'approchant  de  Linville,  la 
rougeur  sur  le  front,  mi  cahier  a  la  rriciin,  e!le  le 
pria  de  le  hre  la  ,  a  Tinstant  ,  mais  sans  la  regarder 
sans  lui  parler,  sans  dire  un  mo!;  elle  exigca  sa 
parole^  qu'il  donna;  puis,  le  faisant  asseoir  sur  un 
fanteuil,  a  demi  tourne  vers  elle  ,  elle  lui  donna  lo 
papier  qu'elle  tenoit,en  le  priant  encore  de  le  par- 
rourr.  Linville  surprls  et  ne  sachant  que  penser 
puvrit  le  ca'iier  et  hit  ce  qui  suit  : 

«  Fanny  a  Linville. 

)>La  unit  el  le  silence  regncnt  surTunivers,  tout 
dorf  ,  tout  est  tranquille ;  moi  seule  agit^e  par  mille 
sentimens  pcniblos,  je  veille  ponr  la  douleur  ,  ct 
n'exisleqneparrom]  red'espoirfiuimereste.Demain, 
Linville  ,  demain  vous  parte/  !  Incertaine  encore  sur 
ce  que  je  dois  espc'rer  ou  craindre  ,  livrre  an  doute  , 
a  la  plus  vive  incniielude,  je  vais  parler  puisqu'il 
lie  m'est  plus  possible  de  me  taire.  Vous  devez  me 
^olr  avant  voire  d(5part,  vous  me  I'aviez  promis, 
(f  Get  instant,  sans  doute,  d/cidora  de  mou  sort... 
J'einploie  ia  unit  qui   le  prck-tjde  a  tracer  ceiecrit, 

To/?ie  J  J.  C  c 


4fi2  Llttcratnrc  francahe, 

il  va  declur'n*  le  voile  que  depuis  long-temps  jV^teiicls 
sur  mes  seiitimeiis  ,  vous  allez  me  coimoitre  ;  rendez 
justice  a  mon  ca^ur,  pardcnnez  une  feiiUe  dont  le 
bonheur  devoit  etre  le  p'lix  ,  et  sur-lout  parcourez 
cet  eorit  avaul  de  dire  un  mo  I  ,  do  jeter  un  regard 
sur  Fauuj  ». 

Linville  ,  t^tonn^de  ce  preambule  ou  il  voj^oit  tant 
de  clioses  5  ou  ii  crojoit  en  devirier  tant  d'aiitres, 
s'arre.a  pour regarder  Fani^y ,  assise pres  d'une  table, 
]a  tele  appuy6e  sur  ses  mains ,  caciiant  son  visage  ; 
elb'  ne  vit  point  ce  mouveniv-nt ,  ne  cLangea  pas 
d'attitude.,  ce  qui  n'p  .cla  a  Linville  la  promesse  qu'il 
avoit  faile  5  et  le  rainena  avec  un  trouble  marque 
a  Tecrit  qu'il  lenolt. 

«  Mon  caractere  a  toujoursete  une^nig-iie  ,  merae 
pour  cette  mere  si  bonne,  si  tendre,  qui  Teiudia 
long-temps  pour  me  rendre  heureuse ,  et  n'v  rtussit 
pas.  N6e  vive  ,  gaie  _,  mais  plus  sensible  enrore  ,  mon 
eufance  fut  paisiLle  ,  j^arce  que  cette  vive  sen.sibi- 
lite  n't'toit  pasdeveloppte  ;  quandl'espoir  du  b(.n-  eur 
embelUt  I'aurore  de  ma  vie,  je  vis  lous  les  objets 
sousce  point  de  vue  flatleur,  dont  je  matin  d'un  beau 
jour  etlereveii  de  la  n  iure  ornent  de  rians  pavr-ages. 
Cbaque  jour,  ckaque  annee  en  obscure  il  i'eclat,et 
mn  course  ^loit  a  peine  commenc^e,  que  d/ja  lasse 
et  fafguee,  le  courage  me  manquoit  pourl'achever. 

)^  Jugeantd'apres  mon  coeur,  je  cms  a  I'amour.  A 
la  verite  je  n'en  IrouvaJ  que  I'ombre  ;  seduite  par  les 
apparences ,  je  crus  a  I'amilie  des  ferames  ,  j'accordai 
lamienne,  j'aimai  sincercment,  et  je  fus  trompee  , 
cruellement  trompee!  Qn  m'offiit  des  liommages  ^ils 


Lhw'lU  et  Tminy.  ^r.^ 

enro-ent  pu  m'rblouir ,  mals  le  coeur  n'v  etolt  pour 
rit  n ,  !a  vaniic  eu  laiMjit  uu  commerce  ;  et  la  mienne, 
dirigee  par  cPantres  principes  ,  cii  m'eclairant  sur  ie 
n:otif  et  le  but  de  ta-  t  de  faussetes,  ma  s?rvit  de 
sauve-oarrJe ,  en  m'eiilevant  encore  une  erreur  qui 
ni¥.toit  y]\hve. 

«  Ce  c|u'oti  a,  pelle  plaisirs  dans  le  monde  ;  Cv?  qui 
paroit  le  d/eii  de  la  fonle  qui  le^;  po.irsult,  est  Lien 
peu  d;;  ri;ose  a  I'cjeil  de{roin])e  qui  ].  s  ob^;'rve  et  n'y 
prut  tror.ver  le  ciujrme  du  teu'Jre  iuteiet  qui  en  fait 
tout  le  prix.  QuVst-ce  qu'im  ba! ,  une  as^embl^iUa 
soupcr,  oil  toul  est  i:idiiTereut ,  oii  on  ne  desire,  oii 
on  n'att.md  rieu ,  oii  aucuu  regard  ue  peut  porter  la 
trouble  et  le  pialsir  dans  votre  ame,  ou  I'o.i  est  tour- 
a-tour  Pobjei  de  la  crit  que  ou  d'elogs  tronip^nirs? 
Je  ne  vis  dans  c:  tumulte,<iu'un  long  ennni,  ur-e  fa- 
tigante  contrajnte.  NV  plus  slier,  parut  nns  singu* 
larit-  ;  y  porter  Tbumeur  et  ies  tristes  reflexions  qui 
m'a^.itoient ,  me  firent  paroitre  aussi  deplacce,  aussi 
ennuyeuse  que  j'y  avois  i'-^ir  ennuvtV.  Ma  mere,  in- 
quiete  pjur  ma  sanle,  Tali  nee  dc's  qupsliojis  oisei:ses 
et  des  observat  oiis  mali».v"e>j  rvie  Ht  de  te-n.lres  re- 
procbes  ,  de  vives  inslanres  pour  lui  confier  mes 
peines.  Des  peines...  ,  lui  dis-je  ,  je  n'en  ai  point  ; 
rien  ne  m'occupe ,  je  ne  desire  rirn  ,  je-n'ai  rien  a 
dire,  rien  a  confier  j  le  monde  me  deplait  et  ni'en- 
nuie ,  voila  tout. 

»Quv"lquys  affaires  exigeoient  que  M.^  d'Ke'cy  se 
rendita  Paris;  j'cn  teinoignai  une  Joie  qui  la  decida 
bien  pronq)tement  a  ce  voyage.  Les  premi.-rs  mo^ 
ir.en^  de  mou  s6jour  y  furent  agrcables  ,  miile  objuLs 

C  c  2 


4^4  LiiUratnre  franchise. 

iioiivepuxfirent  diversion  a  mes  irlees  h.^biluelles.  L© 
d  i\d-je  ?  un  es])oii'  vague,  incerlain,  me  coiiJuisoit 
par-tout  ;  ,1  ue  tardoit  pas  a  ni'abandonncr,  inais  il 
dounoit  du  ressort  a  moii  ame  ,  il  flattoit  le  vocu  secret 
de  moil  ca  ur  5  et ,  toujours  trompee,  je  crojoia  tou- 
joiirs  ne  plus  I'etre.  G'est  l:i  que  j'  ntandis  parler  de 
yous  pour  la  pivmicu-e  fois...  Jamais  ma  mere  ii'avoit 
pro;  once  votre  uom  devant  moi  ;  awroit-ells  craint  et 
prevu  la  vivc  impressior.  que  vous  deviez  m^  faire  ? 
J.'aventure  cruelle  qui  ^ous  avoit  fait  quiltrT  votre 
palric,  etoit  trop  rcceule,  trop  sin^uliere  aux  jeux 
d'un  nionde  frivole ,  pour  n^elre  pas  rappelee  quenid 
on  parloit  de  vous.  Je  Penteudis  souvent,  sans  y  rien 
comprendre.  On  vousblv^moit,  on  rioil  de  eel  exces 
de  scnsibiiife  j  on  persiffloit  I'esprit  romanepque  et 
bizarre  qui  n'avoit  pu  supporter  une  iiifldtlite,  qui 
avoit  prcfcrti  de  se  taire  ,  de  s'c'oirner,  au'piaisir 
piquant  de  se  venger  de  I'infidele.  Cctte'bizarreri^  , 
donl  je  trouvois  la  justiRcaiion  dans  mon  coeur,  fut  le 
premier  attrait  qui  me  porta  vers  vous.  Les  t^logesc'e 
jTia  mere  el  de  tons  les  gens  senses  do  votre  connois- 
sance  en  augmeinert-ntla-iorce.  Je  vous  aimai  sons 
vous  connoitie.  Vous  futes  un  elre  ideal ,  mais  clicra 
mon  cceur ,  auquel  se  rapporterent  toutes  mes  penst-es. 
Alors  jenVus  plus  rien  a  cberciier ,  et  je  fuscontente, 
sans  ctre  heureuse.  La  solitude  et  la  retraite  devinrent 
I'objet  de  mes  desirs,"  parce  que  je  vous  y  trouvois 
$ans  trouble  et  sans  distractions.  Je  pressai  ma  mere 
de  retourner  a  la  campagne,  pour  etre  plus  a  moi- 
nierne,  c'esl-a-dire  ,  plus  a  vous.  Quand  on  annoura 
votre  relour,  avec  quel  eiupresseuuni ,  quelle  impa- 


Lhwille  et  Fanny.  ^o3 

tience  j'attenHis  le  monienl  do  vous  voir  !  il  nrri^-a 
sans  etro  pr^^vii  ,  sans  etre  annojici.  Je  troiivai  en 
vous  toufes  les  ])erfertions  fjont  moii  imagiiialioa 
vous  avoit  orn^  ;  c'eloit  le  son  de  voix  que  je  desiiois, 
]es  regards  que  je  in'etois  pejnls  cent  fois,  I'espritqni 
pouvoit  me  sedui)-e...  Mais  \\('\i\s\  jo  ne  Irouvois  point 
dans  raimable  Linville  celte  doncc^  impalience  dont  je 
mV'tois  flaltc\-.  II  parut  a  peine  me  voir,  nj  me  parla 
point  ;  et  j*en  fus  aussi  loutliee,  quc"*i  ,  repondant 
tlepuis  long-teraps  a  mon  amour,  i!  eut  pour  la  pre- 
miere fois  cesso  de  I'eiilendre.  Comme  je  retyreftai 
a'ors  de  ne  pas  posseJer  celte  beaute  frappante  qui 
subjugue  an  premier  coup  d'>i-il  ,  cet  esprit ,  ces 
^mzes  briiianles  quiallirent,  seduiseat^ei  lout  naiire 
I'ainour! 

«Desce  jour  lieureuxet  fa{al,}e  devinsmalheureuse^ 
Lien  mali.enreuse!  Mecontente  de  vous,  de  raoi,  d© 
I'nniversentier,.  ce  fat  en  connoissant  I'objet  de  ma 
tendresse  ,  que  je  sen  lis  le  tourment  de  Tamour.  Les 
idees  les  plus  e.vtrr.ordinaires  ,  les  projefs  les  plus 
bi/arres  m'o;cu;;oieut  tour-a-tour.  Souveui  ,  apres 
dj  longues  et  faligantes  reveries,  j'c'tois  etonnee  et 
fciciiee  de  relrouver  ma  raison  5  cent  fois  je  desirai 
I'avoir  perdue,  pour  perdre  votre  souvenir. 

»Tel.'e  ('t)it  ma  position,  lorsque  I'eoge  que  vous 
fifes  de  Ncncij  vint  m'e:lairer.  Le  plus  singu'ier  des 
pro;ets  fut  adopte  ,  «'X(^xute ,  avant  d'avoir  tte  r  llechi, 
calcule  :  je  n\  n  vis  que  le  piix  ;  je  m'aveugiai  sur 
tout  iereste.  Les  propos  dn  public,  la  douleurd'une 
more  trop  Jendre,  rinc^fitude  du  svcces ,  r"en  nii 
m'arrcta.  Inl.Tes-:er  Linville ,  en  etro  aimee  ! . . . .  ce 
boidieur  pouvoit-il  s'acheler  Irop  cljsr  ? 


4 0 6  Liticrature  fra n r. ais e : 

»La  vive  impression  que  N:iia  avoit  faile  sur  pla- 
sieurs  jcunes  •  eroonnes  ,  les  suites  fuiiestes  qu'elle 
avoit  eues,  et  qui,  vraies  ou  fausses,  s'etoient  repan- 
dr.es  clans  le  pubii.  ,  me  parureni  d(  s  raisoius  sndi- 
sanles  ponr  doniuruiiair  do  verity  au  rnie  quej'allois 
jouer.  D'ailieurs  la  mt'laiKoiie  profcnide  a  laquelle  on 
me  vojoit  livree  depuis  long-teraps,  rin^ga]it(^  de 
mon  humeur  pouvoient  paroilre  comme  ies  ayant- 
coureurs  d'une  maladie  que  la  represenlatiori  de  Nina 
avoit  seulemeiitd^veioppc'e.  Voussavexk^  resle.  Que 
lie  puis-J3  vous  peindre  Pespece  de  s'.utiincnt  qui 
m'agita  an  moment  oii ,  partant  pour  iielry  ,  je  vis 
vos  regards  se  fixer  sur  moi ,  avec  cet  int^ret,  celte 
sensibilite  que  la  pitie  ne  donae  pas,  mais  que  I'a-* 
incur  seul inspire  ?Dans  ce  premier  instant  de  surprise 
etdcjoift,  J8  fas  ssr  le  point  de  tout  dire,  de  lout 
avouer;  )Y.ais  c'eut  ete  perdre  le  fruit  da  mc!s  peines, 
et  ii  fallut  attendre. 

3)  A  votre  arrivee  chez  ma  mere,  vous  me  trouvales 
dans  le  mewie  ^tat  ,  la  maladie  n'avoit  pas  fait  de 
progn\s  ,  n'avoit  pas  eprouve  de  dirninuiion  ;  j'cii 
reglois  Ifes  etfcts,  et  les  tenois  au  md^e  point ,  je  crus 
apercevoir  ,  duns  votre  conduite  avec  moi,  un  interet 
que  vous  paroissiez  vous  reprorher ,  et  dont  quelq«e«* 
fois  vous  vous  dissimulit  z  la  cause.  Ramane  #ouveat 
pres  de  la  raalheureuse  Fanny ,  vous  aviez  Fair  de 
vousy  plaire ,  \o$  r?)',ards  peipnoient  la  teadresse  5 
c'etoit  a.'-scz  pour  flatter  son  espoir,  mais  pas  asscz 
pour  la  convaincre.  Auijnce  quelquefois  par  la  plus 
douce  espiTance,  je  voulois  parler,  j'en  formois  !e 
projet  3  jc  fixois  le  jour  ^  rbeure,  le  moment  3  il  arri- 


Linvllle  el  Fniny.  407 

■volt,  et  je  le  laissois  coulvn-  sans  rieii  dire  ;  prete  k 
ouvrir  la  bouclie,  je  ne  voyois  plus  que  de  Tiu-  ertl- 
tiidt? ,  des  tiontps  allreux,  ct  Tijistant  fatal  qui  alloit 
ancantir  lout  te  qui  ni'atraclioit  a  la  via. 

«Cetle  cruelle  indecision  dtn-oroit  encorCjSi  jon'avofs 
^te  forc^e  de  la  surmonter  ,  par  la  crainte  de  vous 
voir  eloigner  sans  retour.  Mais,  incnpable  de  parler, 
de  m'expii  uer  raoi-nieme  ,  j'ai  voiilu  vous  instruire 
parecrit:  j'ai  rassemble  mes  idees  5  vous  ventz  d© 
voir  mes  sentiiuens,  raon  amour  jConnoissez  Ics  reso- 
lutions qu'il  m'iuspire. 

p)Si  la  trop  malheurcuse  Fanny  doit  renoncer  a  I'cs- 
poir  d'etre  aimt^e  de  vous,  si  votre  coeur,  encore  iv 
Ze-na,  se  livre  au  regret  de  I'avoir  perdue,  an  desir 
de  la  rctrc;-ver  ,  si  je  me  suis  trompee  aux  marques 
incertaines  de  votre  attachement  ,  rendez-moi  cefc 
inutile  et  funeste  ^crit ,  gardez  le  silence  sur  mon  er- 
reur,l'lionneur  vonsen  impose  la  loi.  OuMIez Fanny, 
tout  est  lini  pour  el!e  :  i'amour  qui  I't'-gara  pouvoit 
seul  la  rendre  a  la  raison ,  au  bonheur ,  a  la  socleie  5 
en  renoncant  a  lui ,  elle  renonce  3  tout  le  res'3  ;  cette 
solitude  sera  son  torab?au  ,  un  amour  mailieureux  et 
sans  espoir  ne  tardera  pas  a  I'y  faire  descendre.  La 
toiirnure  de  mon  caractere  ,  I'energie  qui  lui  est  })ro- 
pre ,  la  suite  que  j'ai  niise  d-uis  nn  s  proj-'^ts ,  tout  doit 
vous  con'  ain  n'eque  ce  parti  est  prisirrevocabbment  , 
et  que  vous  feriez  de  vains  efforis  pour  m't- n  detour- 
ner.  Mais  si  Linville  ne  fut  pas  s?ulement  aninie'  par 
la  j)itie  et  la  compassion  ,  s'il  sut  caclier  sonsxe  voile 
des  s<rntimeus  dont  on  lui  pro;net  d'ecouter  Tavea 
avec  transport  3  si  Fann}^  lui  est  cIutp  ,  s'il  I'uime 

G  04 


^oS  littirnture  francaise. 

autant  qu'il  en  est  alme  ,  un  regard  suffit  pour  Pf;is- 
triiire,  poar  lui  (hire  oublicr  ses  peines ,  ses  chagritis, 
Ci  com;  lera  ses  vocmx  ». 

Linville  leve  alors  sur  Fanny  des  yeiix  remplis  de 
lannes  el  de  la  plus  douce  expression  ;  sesyeux  char- 
mans  '(^toient  aussi  fixes  sur  les  siens  ;  leurs  regards 
confondus  dirent  et  expliquerent  tout  5  ils  s'enteudirent 
sans  dire  un  mot,  san>  prononcer  une  parole.  Ma- 
dame. d'Helry  fut  appelee  ,  instruite  ;  Linville  ne 
paitit  point  ;  ils  furcnt  unis,  se  fixerei\t  a  Hel?y  ,  et 
visitercnt  souvent  le  cabinet  solitaire  ou  s't^toit  fait 
rhenr.'ux  denouement.  Ils  le  revirent  tou jours  avec 
plaisir  ;  ils  furent  lieureuxl'un  par  I'autre,  ch^rircnt 
leur  bonheur ,  et  ne  crurent  pas  I'avoir  achete  trop 


PC)  E  S  I  E. 

La    Priere    LifiU'erselle. 

On  connoit  la  P  rid  re  unu'erselle  de  Pope.  Le 
lecieur  pent  so  rappel^r  la  traduction  en  vers  de  cet 
hjmne  ,  par  Lefranc  de  Pompiguan ,  ecrivain  digne 
de  beaucoup  d'eslime ,  mais  qui  eut  le  tort  et  le  raal- 
heurcl'oulra2;er,  dans  son  discours  ^Pacademie fran- 
raii^e  ,  des  homraes  de  lettres  et  des  pbilosopbes  dout 
les  talens  el  les  travaux  honoroient  la  France.  Vol- 
taire 5  qui  lui  avoit  pardonn^  le  larcin  du  plan 
d'Alzire,  ne  lui  pardonna  point  I'insulte  qu'il  osoit 
faire  a  ceux  meme  paruii  lesquels  leurpropre  volonto 


LaPiicre  im'vr.rselle.  409 

venoit  de  le  placer.  Lefranc  de  Pompignnn  fnl  long- 
temps  tounn^-  en  rirlicule.  Voltaire  iie  til  \nAn\  grace  a 
la  Iraihutioii  dc  la  Priere  univcrsi^'lle.  II  nrpporte 
cetle  pi^ce  dans  SL'S  a?uvres,  voUnnc  drsFacelies,  et 
il  I'a  accoinpagnec  d'o'^servalious  curieuses.  Et  sans 
doiitc  riniperfecion  de  la  piece  de  Lefranc  avoit 
engage  Turcot  a  traduire  de  nouv'eau  cet  hymne  du 
poete  anglaig.  Nous  sommrs  a«sez  heureux  pour 
poll  voir  ofTrir  aux  locteurs  cede  traduction  nou  coiinue 
du  puLlic,  et  que  nous  avbns  ecritc  de  la  main  nieine 
de  I'auteur.  Turgot,  comnic  on  le  voit  dans  les  m<'^- 
moires  sur  sa  vie,  par  ie  citoyenDupont  ,cjUivoit  ia 
potsie,  en  meme  teir.ps  qu'il  se  livroil  aux  etudes  dz 
rhom me  d'etat,  lantilv  ad'accord,  disoit  Yoltairf? 
dans  ses  conseils  a  an.  journallste  ^  entre  I'csprit 
de»  belles-lettres  et  celui  des  afTairVs!  Celte  Priere 
universelle  de  Pope  est  duo  vrais?mblab!einent  a 
Vhijmne  de  CLcaiitJie.  Comme  lacomj'araison;ue  la 
piece  du  poete  grec  peul  elre  int('res?anie  pour  les 
eixwh  de  rantic[uite  et  de  la  potsie ,  nous  crovorsqu'oii 
nous  saura  gre  d'v-n  presenter  aussi  una  traductio!i 
en  vers,  par  Bougainville.  Tre^peu  de  persouiies 
connoissent  cclte  traduction.  On  a  eu  ,  il  y  a  quelqus 
temps,  beaucoup  d'ln-mnes  a  TEtre-Supreme.  Uno 
ou  deux  de  ces  pi'ces  peuvent  meriter  d'e're  rappro- 
cliees  de  I'byume  de  C!e  uitlio  el  de  celui  de  Pope. 
Mais  il  est  asscz  sif>gnl'er  qu'a  cc^tle  t'poque,  prrsonne 
jTait  son^e  aux  vers  du  poelo  grec  ,  niaceux  du  poi'te 
anglais.   IS'ote  des  redacteurs. 


410  Tocsie. 

DEO    OPTIMO   MAXIMO, 

Au   DiEU   TOUT-PUISSANT    3     INFINIMENT   BON. 

X    £HE  de  tout  ,  o  tol  qu'en  tout  temps  ,  en  tout  lieu  ^ 
Out  adore  les  saints  ,  ]es  barbares  ,  les  sages  ! 
Sous  inille  noms  divers  objet  deleurs  bommageSj 
Jeliovah  ,  Jupiter  ,    ou   Dieu  ! 

Eire  cacW  ,  source  de  I'elre  , 
Impenetrable  Majesle  ! 
A  ma  foible  ruisun  toi  qui  a'as  fait  connoitre 
Q'«^e  sa  foiblesse  et  sa  boutc  ! 

Tu  m'as  donne  dii  nioins,  dans  celte  nuiL  obscure. 
Be  voir  le  bien  ,  le  mal  ;  k  defense  et  la  loi  : 
Tandis  que  tes  decrets  enchainent  la  nature  , 
Tu  m'a^  fait  libre  eomine  toi. 

Que  tnon  coeur   dans  lui-meme  et   dans  sa  propr^  cslime  , 
Trouvant  un  jugc?  austere  et  jamais  corrompu  , 
Redoute   moins   I'cnfer  qu'il  n'abhorre   le  crime; 
Desire  moins  le  ciel  qu'il  n'airpe  la  vertu. 

Loin    de  moi    cette  erreur    impie 
Qui  m^connoit  tes  dons  ,  qui  tremble  d'en  jouirl 
Goiiter  ,    cherir  les  biens  dont  tu  s^mes  la  vie  , 
C'est  payer  tes  p^^sens  ,  te  plaire  et  t'obeir. 

jVIais  je  ne  eroirai  point  que  ta  munifi-cence 
A  ce  globe  ou  jerampe  ait  borne  ses  effets  , 
Qu'errantautonr  de  moi  dans  IVtendue  immense^ 
Mille  mondes  en  vain  appellent  te*  bicnfaits. 

Que  jamais  men  orgueil ,  usurpant  ton  tonnerre, 
l^e   s'arroge   le  droit  d'eu  dirigcr  les  coups  , 
De  lai;cor  I'anatheme  et  de  juger  la    lerre  , 
Jjiterprel^  ignorant  d(?  ton  secret  courroux. 


LaTriere  universeUe.  411 

Si  je  marche  dans  la  justice, 

Jtiscfu'au  termt'  affermis  mes  pas  ; 
Si  mon  coeurs'e^ara  driiis  le.s  stnti.TS    du  vice  , 
Monlre-inoi  le  cliCTnia  ({ue  jt;  ne  connois  pas. 

Quclt£u«.s  biena  quVi  mes  voeiix  refuse  ta  sagessc, 
Ou  que  verse  sur  m>u  ta  libv-raiite  , 
Du  innrmMre  insolent  preserve  ma  foiblesse  ; 
Et  defends  ma  raison  conlre  la  vanite. 

Si  tu  m'as  vu  ,   st-nsible  aux  malheurs  de  mes  fretes  , 
Preler  ik  leur  deumts  un  voile  officieux  , 
Adoucis  a  ton  tour  tes    jugemcns  severes  , 
Sois  indulgent  pour  moi,  si  je  le  fus  pour  eux, 

Je  connois  mon  n^ant  ,  mais  ;e  suis  lonouvrage. 

Quel  que  joit    aujourd'bui  mon  sort  , 
Sois  mon  apnui ,  mon  guide  ,  et  soutiens  mon  courage, 

Ou  daus  la  vie  ou  dan*  la  mort. 

Donne-moi   le  necessaire  , 

La  subsistance  et  la  paix  : 
Si  de  tant  d'aiilres  biens  quelqu'un  m'est  salutaire  , 
Tu  le  saii  ,  tu  peux  tout :  j 'adore  ,  et  je  roe  lais. 

Ton  temple  est  rimmenslte  memo  : 
Tes   autels  sont  le   ciel  et  la  terre  et  !cs  mers. 
(>ha;ar  des  etres  ,   chantcz  votre  mailre  supreme  ! 
Eduto  ,  bj-mne  eternel  j   Ordrc  de  I'Univcrs  ! 

par  Turcot. 


Traduction    de    i'hijnine    de    C/caalhe  ,    par 
Bougainville. 

X   KRE  et  maitre  des  Dieux  ,  auteur  de  la  nature  , 
Juniter  ,  6  sagesse  !  6  loi  sub'i'Tie  et  pure  ! 
Unite  bouveruine  u  qui  tons  ies  mort^-'is  , 


4'«  Foe'nf.': 

Sovs  wV.h  nom?  divers,    ^It-veiit  des  autels  ; 

^  Jp  t'fid(  re  ,    rius  caurs  te  dolvent  leur  homrnage  , 

Kous  3o:;wu^s  tds   fufani  ,  ton  ombre  ,  ton  image  ; 
!>•■  t   lit  vp  qui  r?«i,ire  ,  anime  par  tes  mains  , 
4- c->l(-br  r  la  goire   invite  les  lujm<iins. 
B?n;  soi.s  a  jamais  !  ma  voix  rt  c  ..nnoissante 
C  nsocre  ses  accens  a  tabont->  puissante. 
Tu  regis  i'uuivers.  Ce  toul-ilimite 
Qui  re  ferme  la  ti^rre  en  s  n  immMisile  , 
Ce  tout   barm.)nieux  ,  einune   de    loi-meme, 
S'applaudit  d'obc'ir  a  ton  ordre  supreme  ; 
Ton  souffle  iulciligent  ciroule    en    cc  grand    corps  , 
En  fcconde  la  masse  ,    en  raeut  tuus   les  ressorls  j 
La   fondre  et'ncelante  en  ta  main  redoutable  , 
Porte  un  ctTroi  vengeur  dans  i'arae  (Ju  coupable. 
Present  a  tons  les  temps  ,  tu  remplls  lous  les  iieux  , 
La  terre  ,  I'ocean  ,  le  ciel  I'oiTre  a  mes  yeux. 
Tout  derive  de  toi  ^  j'en  exeepte  nos  vices  , 

J  Nos  injustes  projots  ,  nos  fureurs  ,  nos  capiicGS. 

Par  toi  r ordre  naq^it  du  chaos  (^Ignce  ; 
Chaque  etre  tient  le  rang  ;  ar  loi  seul  assigne  : 
Par  toi  des  {•ItJ'mi.'ns    la  discorde  est  bannie , , 
Et  des   biens  et  des  maux  la  constanle  harmonie  , 
Les  enchainant  entre  eux  par  lui  secret  lien  , 
Forme  de  leur  accord  un  rrniude  ou  tout  est  bien. 
L'homme   insense  qu'aveugle  un  jour  periide  et  sombre  j 
Cherclie  par-tout  ce  bien  et  n'eu  saisit  que  I'ombre  ; 
T.'i  loi  s?nle  •;  ta  loi ,  vrai  Hambeau  des  humains  ^ 
De  la  feiicile  leur  monljre  les  chcmins. 
JViais  I'un  dorl  inutile  au  sein  de  la  paresse  ^ 
L'autre  boit   de  Venus  la  coupe  encbanteresse  : 
J^e  la  soif  des  grandeurs  cet  autre  est  dc-vore  , 
Ou  sCrche  aupri^s  de  Tot  dont  il  est  altc're. 
Grand  Dieu  ,  pi're  du  jour  et  mai;re  da  tonnerre  , 
Du  crime  el  de  I'erreur  daigne  purgc^r  la  terre, 
AiTraucliis  la  raison  du  j';n.g  dc  ses  I  Trans  , 
Parie  ,  laisse  eutrcyoir  aur  la'-'iieLs  ignora;is 


Hy mn t  de  Clen nthe.  4.3 

Dcs  ^terneres  lois  le  plan  s.^ge  et  sublime. 
Puisse  a'ors  cle  aoi  coenri;  le  concert  uuanime 
Te  rend  re   un  pur  hommage    t'g;ii  a  tes  bienfailS  , 
El  {ligne  enlin  de  toi  ,   s'il  peul  I'etre  jamais. 
Ame  de  Tunivers  ,   Dieu ,  par  qui  tout  respire  , 
Qu'a  celc'brer  ton  noni  le  monde  entier  conspire  ; 
Que  la  terre  a  I'envi  s'unisse  avec  les  cicux  : 
C\kt  it  devoir  de  riiumme  9t  le  bonheur  des  Dieui. 

Note. 

Zcnon  ,  aiiteiir  de  la  secte  des  Stoicieiis,  eiil  pour 
siiccesseur  dans  son  ecole  ,  Cieantlie  qui  se  rendit 
celebie  par  ses  pot''sies  philosopliiqucs.  Clement  d'A- 
lexandrie  nous  en  a  conserve  un  fragirent  precieux 
s;.ir  le  Bien  ou  Bon,  ef  Stobee,  Ectog.  Phys. ,  I'lij^Tine 
cju'on  vient  dc3  lire.  II  est  plein  de  I'orce  et  d'eleva- 
tion  ,  et  on  en  peut  difficilement  rendie  \es  expres- 
sions heureuses ,  prises  dans  la  langue  de  I'imft- 
ginalion ,  celle  des  Grecs.  Nous  avons  sous  les  vxn'X 
deux  aulres  traductions  de  ce  bei  liynine  ;  la  pre- 
miere, en  latin  ,  de  Jacob  Duport  ^  habile  lieMenisle 
d'Anglelcrre  ;  et  la  >econde  ^  en  italieu  y  de  Jerome 
Pompei,  noble  Veronois.  Ce!le-cin'"cst  qu'uce  para- 
phrase ;  et  quoique  I'aulre  soit  plus  lillJ'rale  ,  ell« 
manque  encore  de  precision.  Ala  verite ,  Boujrainville 
lie  s'ecarte  pas  absolument  du  texte;  mais  toujours 
foible  et  inexact ,  il  n'en  offre  que  I'Dmbre.  D'ailleurs 
il  n'a  rien  entendu  au  principe  igne  j  et  a  cefle  raison 
cu  loi  universelle  du  systeme  stoicieu  .  sur  latjuello 
le  judicic'ux  Musheiiri  ne  s'est  pas  Irompe ;  voyez 
fa  savunte  note  concemant  un  passage  de  eel  hyiiiiiej 


414  Pocsie. 

In  Cudjvortli.  syst.  datell.  T,  l^p.  664.  A^  anl  do 
traduire  de  semblaliles  }.ieccs  ,  il  Taut  se  pcnoirei* 
des  idecs  de  leur  auteur,  approfoiidir  Ics  do,'!i;ii,es 
de  leur  secie,  el  c'tst  inali  eureusem.-nt  ce  que  Bou- 
gainville e\.  beaucoup  d'autres,  avaut  et  apres  lui, 
n'ont  pas  fait.  II  resuhe  de  la  ,  qu'en  lisanl  sa  fra- 
duction  ,  on  seroit  porte  a  I'atlriijuer  plutot  a  u:i  plii- 
losophep'atonicien,  qu'au  second  maitreduporti'jue  , 
si  le  nom  de  Cleantlie  ne  se  Iroiivoit  pas  au  titre. 
Malgre  ces  observ^alions ,  on  ne  peut  qu'applaudir 
aux  efforts  de  Bougainville^  et  y  reconnoitie  son 
talent  pour  la  poesie.  Des  Tape  d?  25  aus ,  il  avoit 
compose  une  Iragedie  sor  la  mort  de  Pii  lippe  ,  pere 
d' Alexandre.  De  beaux  vers  qui  en  out  efe  pu:  lies  , 
font  regrettor  que  tout  I'ouvrage  n'alt  pas  ]?aru.  11 
n'auroit  pas  ete  vraisemblablement  condamne  a  Pou  ]  Ji, 
si  une  mort  premaluree  n'eut  pas  enleve  aiix  leltres, 
a  I'amitie  et  a  la  vertu  ,  cetestima})le  ecrivain  ,  dans 
sa  quarante-unieme  annee,  le  21  juin  1763.  Voy. 
son  eloge  par  le  Beau  ,  son  ancien  maiire  ,  et  sou 
successeur  dans  la  place  de  secreiaire  de  rA>  ad  i;;ie 
des  Inscriptions  et  Belles  -  Lettres  ,  torn.  XXXI  5 
pag.  374.  S.  C. 


NOUYELLES  LITTER AlilES. 

J-^  ou  s  ap]:>renons  par  une  letlre  de  Constantinople, 
que  les  naturali.stes  francais,  Bruguiere  et  Olivier, 
soEt  partis  de  cette  ville  a  la  fin  de  septembre  der-^ 


Nouvelles  Vitlernires.  41  5 

Tiiov ,  avec  les  fn-mans  necossalres  pour  Icur  surete 
et  pour  faciliter  leurs  rCcherclies. 

Outre  ces  voyageurs ,  il  existe  encore  dans  le 
Lv^vanl  uu  artiste  inlinimeiit  pr^cieux  par  ses  con- 
noissauces  sur  les  monumeus  rle  Ja  Grece  et  des 
pays  voisins ,  le  citojen  Fauvel  :  sa  passion  pour 
les  arts  et  pour  I'antiquite  lui  a  fait  ii\er  sa  resi- 
dence a  Atl-enes  ;  il  faut  csperer  que  le  comil6 
d'iustruction  prendra  des  mojens  pour  rend're  scs 
travaux  utiles  a  la  R6publique. 

Lycee    des    Arts. 

Seance  pubtique   dtu    20  pralriaL. 

II  y  avoit  long  -  temps  que  le  Lvc'e  des  Arts 
ii'avoit  eu  de  sea'ice  puLlique ,  &  cau^e  des  r J- pa- 
rations  faites  a  la  sallc. 

La  seance  du  20  prairial  a  attire  un  graad  nombre 
de  spectateurs. 

D'apres  le  rapport  des  citovens  Maimer  e  et  Lu- 
nel  ,  on  a  decerne  une  inedaille  au  citoven  Gar- 
deur  ,  pour  des  ardoises  artificieiles  ^  fabriquc'es 
au  mojen  d'uneespece  de  feutre  compose  des 
parties  filamenteuses  de  plusieurs  plantes,  telles  que 
le  TournesoL  _,  la  Grande  Ortie  et  autr>  s  ,  con- 
solid^  par  dumacbefer  pile  et  d'autres  ra::tieres  em- 
ployees dans  la  compositon  ordinaire  des  cimens; 
cnfin,  lie  et  rendu  impt'metrable  a  I'eau ,  au  moyeii 
d'une  buile  siccative  qui  aclie.e  de  lui  donuer  la 
consistance  n^cessaire  pour  etre  employd  comme 
les  ardoises    ordinaires.   Cette  composition    forme 


^i5  Nouvflles   littn-rAvfS. 

line  loiinrc  tros  -  Ic'gcre  ,  e^  Fartiste  a.  fourm  (le« 
tcliajitillons  de  diverses  pariios  A'auvent ,  ainsi  que 
de  decorations  exterieures  d' edifices ,  qui,  n'avaiit 
encore  pour  preiiueie  base  que  de  la  mati^Te  de 
vieux  cartons  pU6.  ,  ii'ont  souffert  aucune  aUera- 
ticn  sensible  depirs  vin^.t  anne^s.  Une  poriion  de 
Faiivent  qui  est  a  Teulree  i\n  Lycee  des  Arts,  est 
couverte  avec  ces  nouvelles  ardoises  ariilicielles  ; 
et,  lualgre  la  riguenr  de  I'liivcr  dernier,  malgre 
GuVUcs  n'aicnt  encore  pour  base  que  du  c^rtonj 
pUe,  le  degel,  les  pluies  et  la  grande  ardeur  du 
soleil    u'j  out    produit  aucune  allevalion   sensible. 

Le  citoyen  Dillon  a  lu  un  vappcrl  sur  les  trav.  ux 
du  citoven    Touroude  ,  ariiste   mecaiicien  ,  ci-de- 
Tanl  facteuv  de  piano,  et  dont  le  genie  s\st  povte 
tout  a  coup   vers   les   besoins   urgens  de   la  Rcpu- 
blique  :  il  a  construit  plusicurs  forcries  dc  canons; 
jl  a  imag-ne  une  macbine  a  tourner  les  loiu-  lions; 
t'lilin  un  r.owP'Cflw.  soujiet  de  forge  dc  canipagnc, 
fait  en  bois  ,    qui  ne  pent   pas  etre  alK're    par  les 
iBJures   de  I'air,  et  pour  lequel    il   ne    faul  que   la 
di-^ieu^e  partie  de  la  peau   qui   est  employee  dans 
l.-s   soumels  ovdinaires.  'J'ous   ces    perfecbonnemens 
ne    prescntenl    que    des    applications  beureuses   de 
jnovens  d(^ja  connus;  mais  iis  prouvent  le  zeie.au- 
taut  que  rinlelligence  de  barliste.  Le  Lj  cee  lui  a 
aussi  donne  une  medaille. 

Le  citoyen  Lefebvre,  agent  g6i6ral  de  la  ci-devant 
soci^^tci  d'agriculture ,  a  lu  uu  M6moire  inleressant , 
sur  ia  culture  de  rolivier. 

Le 


JS'ouvelles  litter  ail  fs.  417 

Le  sec'/'lalio  a  exprlmL*  les  rc-nels  du  L"C(5e  sur 
la  perte  clu  citoyen  Dassault. 

On  a  accordo  la  mention  honorable  a  une  shn- 
plificilion  d'avanl-train  ])0!i:-  les  c  ariots  rl,'  I'ar- 
mee,  par   le  ciloy  n  SchniU/i  y  ouvrier  c  arron, 

Sur  le  ra]:>port  du  cito.en  Desaudray,  luie  me-i 
dniilc  a  ete  deceriiee  au  citnjeji  ParmeiitLer  {i) 
ouvrier  toi:rnrur  en  ivoire  et  en  os,  pour  des,  rou~ 
ieaux  cannelcs  qui  suppl/ent  parfeiterfient  a  -eax 
en  acier  et  en  ciiivre,  employ(^s  si  disppiidieusement 
dans  les  filatures  de  cotorj  a  I'ang'aise. 

Uue  autre  a  ete  donnee  an  ciXo-^ew  .Juhert  (  2) ,  ser- 
rarier, pour  diiferen-es  serrures de  suret ',  f^rniettn-esa 
bascules  et  auties  ouvrnges  dc'lleais  de  serruren'e 
dan-  lesquels  le  genie  inv-cntif  esl  ac  ompagne  da 
I'eecution  la  plus  parfaite  ^.\  du  poli  le  pius  b?au 
de  TaciiT.  Le  rapport  a  eie  iait  par  Ics  citojens  Trou- 
ville  el  Du  :  as. 

Lecitoyen  Beauvllet,  sculptenr,  a  fait  l^o-^^mage 
au  Lycee  des  Arts  d'une  statue  de  la  lijjertt'.  On 
irrvlte  les  amaleurs  a  venir  la  voir. 

Le  secretaire  a  annon  e  Pouvertur,^  des  seances 
do  la  societ:''  nationale  d'a.  rculture,  commerce  et 
manufaclure,  ^tailie  au  L;  c^e  des  A.rts. 

Sur  le  rappor:  du  citoy.  n  Da  en,  uue  couronna 
a  ete  decc-rnee  au  cilf)ven  OLU'ier^  manufacturier , 
faulourg  Antoine,  rue  de  la  Roqu  tt«,poursa  fa- 

(i)  Le  citoyen  Piirmrntler  dompurorue  dc  ]a  Tixeranderle, 
cliez  le  ciloycn  Foiilaine,  meroii^r. 

{2)  Le  citoye.i  Auhert.  demeure  rue  des   Lombards. 
ToniQ  11.  D  d 


4iS  Kouvellas   llilhmres. 

brication  impoiianle  cL;  niLniurn  on  tnine  orange ^ 
indiisliie  prccieuse  qu'il  a  enlevdC  aux  Ani;lais ,  et 
(ju'il  a  iondee  avec  une  in  cll^enre  et  ties  delails 
de  peiTeclion  diiznrs  dj  la  plus  sL!ieii>.e  attention. 

lid  seance  a  el6  Jeimlni  e  pur  un.  concert  dans 
1  cpiel  les  jeunes  artistes  Laiioml  el  BonClier  ont 
execute  de  la  maniere  la  plus  saiislaisante  un  con- 
ceito  de  violon  de  Vio  li ;  il  a  ete  termine  par  des 
conp'ets  snr  la  mort  du  rcjjit'seniant  Feroud,  clian- 
Xds  par  le  citoyen  Clienard,  avec  cetle  i'acilils  qui 
caracterise  le  viai  ialent. 

Les  sr]e'n:~es  et  les  arts  out  perdu  ,  le  14  prairial , 
im  de  'eurs  amis  les  plus  cliers  ,  dans  la  personne 
du  citoyen  Daiiibourney ,  raort  a  sa  maison  de  cam- 
pagne  d'Oissel  ,  oii  il  s'Ltoit  retire  depuis  plusieurs 
annees. 

Tout  le  nionde  sait  et  pent  apprecier  avec  quel 
zele  infatigable  et  guide  par  les  seules  hunieres  d'un 
genie  fait  pour  inventer  et  perfectionner ,  il  tira  une 
science  du  neant^  reduisit  a  des  print ipes  fixes  les 
proc^des  pen  surs  de  Part  du  teintiu-ier  ,  interrogea  la 
iia!ure,  Ti.it  a  conlributiou  tons  les  vegetaux  qu'elle 
nourrit ,  les-  tbrra  de  se  dt5pouiller  de  leurs  parlies 
colorantes ,  el ,  par  des  combinaisons  sans  nombre,  de- 
cupla  celui  ties  couleurs  les  plus  usitees  dans  nos 
manufactures  d'eloITes  e:i  lain.'.  La  reconnoissance 
pui^liquen'oublierapas  ceque  nous  devonsases  soins, 
pour  la  culture  de  la  garance  en  pariicuiier  ,et  pour 
tant  d'autres  innovations  utiles  qu'il  seroit  Irop  long 
d'cnumercT.  Artiste  savant  ct  litterateur  ,  il  juignoit 


Koiivt'U'i  littirahfu  419 

a  ces  avantages  reujoueinent  et  raniabilit:!'  qui  e;i 
doublent  encore  le  pri^ ;  les  ;irti  et  •l(?s  liunmies 
iravoient  point  de  nieilleiir  ami. 

Le  cabinet  du  Stalbouder  est  arrive  en  griiule 
paitie  do  la  Hollande  ;  i5o  caiss  s  out  et  ■  p')riees 
an  mns6um  d'Histoire  natiiielle  ,  et  on  en  a  le:.d  en- 
core un  grand  nombre.  Toute  la  zoologie  i\  ('ij  l  ree 
des  caisses,  elL^  est  exposje  dans  I'amplrib  ..Ire  : 
on  y  remarque  tons  ces  aniniauK  si  bien  dt'-criis  par 
Bodaert  ,  Alkcmand,  Camper  et  Vosmaer;  plusieurs 
de  ceux  apportcs  de  I'fnde  et  figures  dans  les  i;rands 
Ouvrages  de  Seba  ,  de  Martyn  ,  etc.  Oa  y  \  oit  nii 
squelette  de  rhinoceros,  deux  peanv  et  un  sjueletle 
de  giraffe,  un  squeletle  de  sin^^e  sansqu.  ne,  inronnu, 
un  singe  satvre  ,  et  une  foule  de  mamniifercs  no:i- 
veaux  qui  sfront  bienlot  connus  1  ar  les  soiiis  du 
savant  et  infali^.able  proiesseur  GeofTroj.  L'oruitlic- 
logie  est  cgalemeut  fres-precieuse  ;  les  oiseaux  sont 
enfermes  dans  des  cages  particulieres  ou  sous  des  b 0- 
caux ,  et  sont  en  grand  nombre;  mciis  la  quanlite 
d'insec'tes  pris  au  Cap  ,  a  Batavia  a  Suriua;n,  est 
prodi;:ieuse  ;  ce  sont  ceux  qui  out  servi  auv  grands 
ouvra.es  de  Merian  ,  de  Cramer  el  de  Sepj).  0:i 
voit  aussi  nn  nombre  considerable  de  bo  a'ux  ren- 
fermant  des  iimj^hibies,  lelrap  des  o.i  s^n-pe ns  :  le 
savant  Lacepede  j  trouvera  des  matc'riaux  po  r  u'l 
supplement  a  son  ouvrage.  La  quanlite  d'oeufs,  da 
peaux  et  d'oi.j.  ts  ace 'Ssoires  est  considerable.  La  mi- 
neralogie  i^-e^t  pas  ciicore  debad-J^.^ 

D  d  2 


LIVRES     DIVERS. 

A    S    T   R    O    N    O    M    I    E. 

AiyTPONOMisciiES  Jalirbuck  fur  das  Jalir  i'-/(^i* 

—  ALMANACHaslroiioniiqiie  pour  /'aiuiee  1797,  par 
J.  E.  Bode.  Berlin  ,  1794,  8.«  ,  s52  p. 

IIlSTOIRE      NATURELLE. 
BOTANIQUE. 

IcoNES  plantarum  sponte  ncsccntium  in  rcgnis 
Danlcc  el  Noivcgicc  j  el  la  ducatlbus  Slesvici  , 
JloUaticE  et  Oldenburgij  ad  U  lust  rand  a  in  opus 
de  iUdem  plantls  ^  reglo  jussi.i  exaranduin  ^ 
florcc  nomine  inscriptum  y  edUce  ii  Mabthsio 
Vabl  j  pi'Oj,  regio.  Volum.  VT ,  conti- 
nens  Jasclculos  XFJ,  XVII,  XVJU,sevL 
tabulas  DCCCCI-MLXXX,  in-folio  ,  1792. 

—  Figures  des  plantes  qui  croissent  spoiila- 
nement  dans  )es  royaumes  de  Dai:iejijarck  et  de 
JSfo'werge  ,  etc. ,  ouvrage  fait  par  ordre  du  roi,  et 
public  pai-  Martin  V/sHI.  ,  professeur  royal,  pour 
JCiiire  suite  a  la  Flore  danoise,  conteuant  les  fasci- 
cules XVI-XVIII  ,  c'v  st-a-dirc  ,  de  la  plaiiche 
DCCCCI  a  celle  MLXXX  ,  in-folio,  1792. 

Tout  le  T-nonde  connoit  le  iDagnifique  ouvrage  des 
profess;  urs  Oedcr  el  Muller.  Les  fascicules  que  nous 
aiinonronsen  sont  1)  conlinuaticn  ,  e!  le  merite  du 
p^oie.-seiir  Val.l  est  un  snr  ^.arant  que  cette  bel  e 
enirej.rise  ne  degf'nerera  pas. 

^EVES    Magax:in  f'ur  dic  botanik    in    i/irem 


IJvre<i  divers.  421 

ganxien  umfange  herausgegcberi  j  von  J.  J. 
RcEMER  y  ersicr  band  _,  336  s.  ,  i"}'-)^  ,  t"-"  — 
NonvEAU  Maoastn  botanique  ,  daus  lout"  son 
^teiidue  ,  r^'d-g '  par  J.  J.  Romer  ,  premiero 
panic,  lie  335  pa.es,  1794 ,  8.° 

Cet  ouvrage  est  absoluinent  dans  le  meme  genre 
que  celiii  du  professeur  Usteri,  que  nous  avons  an- 
nonce ,  tome  II ,  p.  286. 

Mais  ce  champ  ne  se  peiU.  tellement  moissontiev  , 
•Que  Ton  xx'y  trouve  encor  ^uelv^ue  chose  a  glnaer. 

Les  articles  les  plus  curienx ,  contenus  dans  ce  au- 
m^ro,  sent  un  supple;!ient  a  la  Flore  aliemande  ,  par 
M.  BoRKHAUSEN  J  —  un  fragment  d'line  disposiiioii 
systemaiique  des  ver^taux  ,  par  Jos.  Gaertner  ; 
—  un  esSfii  d'une  melhode  des  cbampignons  ,  par 
C.  H.  Persoon  ;  —  quelques  descriptions  de  planies, 
tirees  ales  manuscrits  de  Gaertnep.  j  des  observaiions 
botaniques  du  professeur  Nocca  5  —  fragmens  biblio- 
grapbiques  pour  la  connoissance  de  la  lilt^-aliire 
bolanique  anglaise  ,  francaise  et  ilalienne  ,  dans 
Panntk^  preredenie,  par  le  redacleur  ;  —  oi:ser\'alIons 
failes  par  le  professeur  Vahl,  pendant  ses  voyviges 
dans  les  parties  septetilrioniles  de  la  Norwege  :  les 
pi  ncbes  sont  tres-bien  exccutees. 

AusTVAHL  scoehner  uad  scJtener  geuwckse  ,  ais 
eine  for1setz:>ung  der  Ainerikanischen  gs^ 
U'crchse.  Erstcs  hundert ^tab.  t-5o_,  1795,  8.'' 
—  Choik  des  plus  belles  plantes  d'Ameritpje  ,  pi-e- 
niicie  ceuturie,  plancbe  i-So,  1795,  8.° 


422  L'wrea  divers ^ 

I/auUm  a  rlioisl  ]cs  pins  rares ,  et  les  a  copiees 
d'cipres  les  iiieilleurs  originaux. 

Tb^ite  de-s planlcs  les  nioins  fnquenfes  ,  qui 
croLssent  fuiiurellcmcnt.  dans  les  cnvLrons  des 
i^illcs  dc  Cufid  ,  d'Alost  ,  de  Temionde  et 
Bru:rcl!cs  J  rapportees  sous  les  ddnonilnallons 
des  .-node rues  et  des  ancieiis ^  et  arrangees  sui- 
uanlle  sysicine  de  LLnneus  :  auec  une  expU- 
cation  des  tcrnies  de  la  nomenclature  botani- 
qi^c ,  les  no  ins  -rancais  etjlaniands  de  chaque 
planle y  les  lieux posltlf^  oil  elles  croissent'j  et 
des  observations  sur  leurs  usages  dans  la  me- 
decine y  dans  les  aiiniens  ,  dans  les  arts  et 
niitiers  ;  par  M.  Roucfl.  A  Braxelles  ,  chez 
L'jPiairo  ^  iniprimeur-libraire  ,  rue  de  I'lmpera- 
trice  ;  et  a  Paris,  chez  MM.  Bossaage  et  compagnle, 
1794,  8.%  118  pages. 

L'academie  des  sciences'el  belles-lettres  a  Bruxelles 
])rop^)sn  ,  ea  ijS'],  ceite  question  :  «  Quelles  sont  les 
i>  plamcs  qui  croissent  spontaueraent  dans  les  Pays-Bas 
»  autrlcliieiis,  dont  il  n'a  ele  fail  mention  par  aucun 
»  des  auteurs,  tant  anciens  que  modernes  ,  qui  ont 
»  t'crit  sur  la  Botanique  desdites  provinces  ou  des 
»  pays  voisins  >?.  C'esl  ce  programme  qui  a  engag^ 
M.  Roucel  k  publier  cette  Flore.  On  j  remarque 
f  rincipalement  27  especes  ,  que  les  auteurs  qu*il  a 
cousuliv's  n'oni  pas  connues  ,  ou  qu'ils  ont  regardees 
comn'c  eiiaugeres.  II  seroit  adesirerque  les  amateurs 
de  la  Bolanique  composassent  ainsi  des  Flores  parti- 
culiei-es  des  cantons  qu'ils  habilent.  Ce  seroit  le  vrai 


moyen  crnvoir  un  systcmo  n^'-in'ra!  y.]n^  complot. 
L'ouvrage  de  M.  Roiicel  est  ni  rc'il'  d\m  dictionnair.i 
des  iermes  t.-chni'Mies,  et  t  r  riiu'  pir  deux  tHbU-'S, 
I'une  Ifitino,  rcuiliv  flaniande  ,  des  jzenres  et  des  es- 
pece^.  Mais  il  y  manque  (ef;ui  rent  rcdre  un  otir^_^ 
vraie  de  celt.-  ualuiv,  rtil-  lOur  les  co  iimeu  ans  , 
line  table  syslemati  lue  qui  imisse  faiie  ais;'m;iit 
Irouver  le  genre  ,  en  u'orrrant  que  son  caract>ie 
esscniiel. 

Vdkasttjt.  e!c.  c  a.  r!.  Essai:  rl'un  (raitc  l  ti- 
me ntaire  de  Botanique^  tradu  it  ea  f/anoLS, 
sur  raiUioii  allemande  ^  ei  enrlchi  d' observa- 
tions et  d'une  notice  concemant  rUcstoirc  Uttd- 
raire  de  ceite  science  en,  Danemarck ;  par 
Henri  Stfifexs.  A  Copenhaguo  ,  chez  Bu  h, 
1794,  in-o°.  de  400  pn-fs,  avec  ^rav. 
Nous  n'orfi-ironsanos  lecleursque  Tesqulsse  de  V^U- 
toire  litteraiie  de  la  Eolanique  en  Daiicniavck  ^ 
enonc.ee  sous  ce  titre. 

Le  premier  ecrivain  danois  qui  ail  rcnl  sur  la 
botanique,  est  Henri  Smith  ,  bour?.iiemestre  et  pre- 
]H)S(''  auK  poids  publics  a  Malmoe,  a'lebre  dans  sort 
temps  par  scs  connuissances  empyriques  en  medecine 
et  en  holani(;ue.  Scs  ouvrages  publies  depuis  i52o 
jusquVn  1527,  ne  s.)ut  guere  qu^^le  compilation 
sterile.  II  y'parle  d^ni  certain  Clas  (on  Nicolas) 
Vrne^(\\\\  des-lors  avoit  plants  un  javdin  l^otanique 
a  Schonem.  —  Au  commencement  du  dix-s-plieme 
siecle(  ir)02-ir,39),  un  nomni^  Votmiz:er,  pvopa- 
tlement  allemand  de  nation,  publia  ?i  Co]ienl'ague  , 

D  d  4 


424  IJvrr^  d'vers. 

nil  recnell  ds  bolaniriue;  et  vers  le  meme  lemps. 
Christian  IV  accorda  ini  terrain  pour  la  i iilture  dcs 
plantes  exotiques,  doiit  ii  confia  rinspectioii  a  uii 
professour  de  phvsi  uc.  11  en  cliargea  iin  autre  de 
vojager  dans  le  pays,  ct  d'e>ainiiier  les  plaiites  in- 
digenes.—  Olaus  IJ  Grniins  se  dislirajnia  dans  cette 
carriere.  11  recueillit  un  c;jbinet  d'liisioire  itaturelle 
Ires-nir  eiix  ,  dont  nne  <:rande  partiese  conserve  encore 
dans  le  Cabinet  des  Arts —  Simon  Paati^  appele 
de  Nostock  a  Copenna*  u."  en  1689,  p  >ur  y  cnseigner 
la  botanioiie,  I'arsaloinie  et  la  chiriirgie,  passa  pour 
un  des  plus  savaus  botauistes  de  son  temps.  II  a,  le 
premier,  onvert  uu  cours  de  botanique,  et  faisoit 
avee  ses  ele^es  de  freqnentes  excursions  a  la  cam- 
pagne.  II  mourut  en  1680  ,  age  de  7^]  ans  ;  niais 
depuis  long-temps  ses  forces  ne  lui  pennettoient  pas 
de  couiinuer  ses  travaux ,  et  il  fut  reni})lace  par  Olaus 
'Sorrichius.  Celei-ci  est  autcur  d'un  discours  de 
cxperinieniis  botanicls  ,  qui  prouve  la  vaste  ^^f  lidue 
de  se.s  connoissanc;  s.  — -  Peder  KL/liing^  daiiQis,  lui 
snccecla,  et  ii  n'etoit  pas  sans  m:'^rite.  —  Les  deux 
Buchi^ald  ^  VA-re  et  Ills,  qui  er.se.'<inoient  la  botj- 
niqne  an  coinraenceraeDt  de  ce  siecle,  eiuient  des 
]]OiTimes  foit  ordinaiies.  —  Holm^  eleve  de  Luine  ^ 
qvA  pen  de  temps  apres  (u'il  eut  (^tr  norame  ]>ro- 
fesseur  d'economie  ,  mourut  en  1759  ,  et  dont  la  perte 
prc'inaturee  fut  nn  mallieur  reel  pour  ( ette  science  , 
est  du  moins  ,  qu-nnt  a  la  partie  des  plautes,  prefe- 
rable a  Oeder  ,  quoicuie  celui-ci  ait  acf;nis  nne  repu- 
lation  raeritee  par  sa  Flora  danica.  Get  ouvrage^ 
a  cte  continue  par  Olton~J' redenc  Muller^  ixUeimmd, 


Livrcs  divers.  4^.^ 

et  on  dcrn-cr  liaii  j-ar  f^ahl  ,  Tiin  des  plus  illustres 
bolanistes  de  nos  jours.  La  botanique  a,  en  gthieral , 
troiive  dans  ces  derniers  tt  ms  plus  de  protection  et 
d'encoiiragemeut ,  et  elle  a  de:^  o  ligations  particu- 
liere>  a  la  societt3  d'Histoire  naturelle,  form('e  en 
1788  ,  par  AbUdgaard.  Sou  elude  est  cependant 
toujours  n('<iliopo^  comme  nVlant  pa^  du  nombre  de 
ceiles  qui  meuent  le  plus  surement  a  la  fortune. 

Beaux-arts. 

ISeues  Museum  fur  ki'mstler  und  ■unsdleb- 
liaher  ,  keraasgcgcben  i^Ofi  Joh.  George 
MEL'SEL^erstes  and  z^uet/tes  stiick — Nouveau 
Museum  pour  les  arts  et  pour  les  arlislPS ,  redig6 
par  George  Meusel  ,  premiere  etseconde  parties  , 
Leipsic,  1794,  8.0 

Chaque  Iriuicstrr  doit  voir  paroitre  una  partie  de 
cet  inU-ressant  recneil  ;  los  deux  que  nous  aniioncons, 
renferment  plusieurs  articles  tres-curieux  pour 
I'liistoire  df  sarts.  Les  prinrinaux  sont  uu  traite  sur 
Tart  de  modeler  en   cire ,  j^ar  M.   Exgelschall  ; 

—  sur  Ic  Christ  et  Is  douze  A:)oires  de  RapH'^el  ; 

—  sur  un  tableau  de  Wouvermans,  galerie  de 
Manneim  ;  —  sur  un  paysage  de  Gera  rd  Laipessf, 
dans  la  meine  galerie  ;  —  notice  sur  la  vie  et  sur  les 
ouvrages  de  Gottfried  Mathias  Eichler  ,  graveur 
a  Berne  ;  —  ra.'porl  de  la  bible  avec   I'ant  que  ; 

—  ca  alugue  alphab^lic.ue  des  artistes  de  Dresde  ; 

—  sur  quel([ues  morccau.\  orJgiii:iux  d'ALUERT 
Pi'Riia,  etc. 


4^6  L'wrc.5  divers. 

ECONOMIE      POLITIQUE, 

Xe  commerce  ct  le  gonvcrnenicnt  ,  conslda'ej 
rclatweineiit  fun  db  Cautre.  Ouvrage  elenieii' 
taire  ,  par  Cabbe  de  Condillac  ,  de  L\icade- 
fiUc  francaise  .,  et  tncnibre  de  la  socieLe  royaLc 
cPagricuUure  d'' Orleans- Prix  12  U(;.j  et  fianc 
t^e  poet  i3  Uvrcs  10  s.  Nou telle  euttion, 
A  Paris,  clez  Lelellier  ,  rue  Haufe  -  Fciiiiie  , 
W.°  34  ,  ( t  Mara  an  y  lihraire,  rue  du  Ciuictirre- 
Andre-des-Arcs  ,  nii  troisieme  (  1796  ). 

Cet  ouvragp  est  trop  connii  pour  que  nons  en. 
cfonnioiis  uiie  analyse  exacle.  Nous  nous  contenle- 
rons  de  rappelcr  q  I'il  est  divise  on  trols  parties. 
J>ans  la  pre nirro  ,  Tauteur  donne  sur  le  commerce 
«v^s  notions  elt-menlaires',  qu^il  determine  d'apres  des 
siTppositions  ,  el  dcveloppe  les  principes  de  la  science 
t^conomfque.  Dans  la  deuxicme^il  fait  craut res  su-)- 
positions  pour  juger  de  I'influence  que  le  commerce 
el  le  gouvemenient  peuvent  avoir  i'un  snr  Paulre. 
I^ans  la  troisieme,  il  les  considere  tons  di^.wx  d'apres 
les  fciits,  ofin  de  s'appuyer  sur  rexperience  ,  aulant 
que  sur  le  raisonna.reut. 

On  doit  sav'oir  g  e  anx  libraires  de  s'aUacher  a  la 
ri^impression  de  pareils  ^-crits  qui  peuveiit  donner 
des  notions  utiles  dans  un  moment  ou  Fon  songe 
serieihsement  a  recomposer  I'ordre  social.  Nous  ne 
decidons  pas  entre  les  ^conomistes  et  leurs  adver- 
^iires ;  mals  nous  croyons  I'ouvrage  de  Condillac 
digne  d'appeler  toute  ratlentiou  du  legislateur  et 
de  rhominc  d'etat. 


Livifi  divers.  427 

E  C  O  N  O  M  I  E     D  O  M  E  S  T  I  Q  U  E. 

De  panis  nuiltifarici  matena.  —  Mollrro  pronre 
a  fairedu  pain  ck*  divcrses  sortcs,  luir  Ciiarlks 
CHRisTrANFLEiscHi-.R,  cU:  MailH^boiug  ,  conseil- 
ler-medecin,  1793,  iii-4.^'  ,  Wertomberg. 

Ce  rfest  pas  ici  line  eniimeralion  simple  ,  arulc  et 
seclie  ,  des  yegc^tauN:  iu'ces<aires  et  propres  a  la  paiu- 
fication  :  Ton  y  trouve  iion  seuleraent  leur  I  istone 
naturelle,  iTinls  bien  cncori  I'analvse  de  leuvs   pi  111- 
cipes  pliysicpies  et  mrdicinaux,  la  qual'.te  de  cliaque 
espece  de  pain,  avec  des  vemart[ues  infliiiment  inte- 
ressanles.  II  y  est  d'abord  question  des  nrain.s  ce- 
reales  ordinaires  ;  ensemble  des  plantesqui  donn^nt 
des  seraences  parasites  qui  se  melent  avec  les  fromen- 
tacees  ,  et  qui  cependant  ne  sont  pas  nuisibles  ^  la 
sant^  ;  viennent  ensuitcles  aiitres  plantes  distnbuc'es 
par    classes  ;    savoir  ,    les   semences    d^    bcauconp 
de    graminees  ,   divers?s  sorles   de    noix ,   de  baies 
farineuses  ,  de  fruits  legnniineux  ,   les  glands^    les 

graincs  huileuscs ,  les  racines  tuberensci ,  el  la  nio.  lie 

sechee  de  cerlains  fruits. 

M  o   11'  A   L   E. 

Instruct  TON  stlrecs  de  I'e.xempte  des  animaux, 
SLir  les  devoirs  de  ici  jeunessc  ,  d  i'usagc  des 
6coies  priniaires  ;  ouvrage  auUiiit  uttiequ'a- 
musaiit,  nouu.  edit,  revue  ,  corrl^ee  el  auQ- 
mentee ,  a.wec  celte  rpigraphe  ;  Vade  ad  for- 
nicamo piger  jconsidera  uUis  ejus.  Prov.  iu-i6  , 


42 S  Livres  divers. 

194  p.  Paris  ,  chez   Maradan,  rue  du  Cimetiere- 
Andre-des-Arcs  ,  N".  9  ,  an  troisieme. 

La  premiere  edition  de  ce  petit  ouvrage  a  el^ 
enlevee  rapidejnent  ,  et  il  nous  a  paru  meriter  ce 
prompt  dei)i!  ,  par  le  clioix  des  exernples  que  I'au- 
teur  cmpioic,  et  par  la  maniere  de  les  prv'^senter. 

Sermons  sur  le  prLx  des  clioses  Les  plus  inipor^ 
tq^nies  de  ce  mon.de  ,  traduits  de  L\iUemand 
de  M»  ZoLLiJWFEii  ,  pas  tear  de  fegUse  rc^ 
Jormee  de  Leup suck ^  par  31.  de  LafeauXj  2  vol. 
grand  in-S".  A  Lausanne  ,  cbez  J.  P.  Heubach 
et  conipagnie. 

Ces  sermons,  au  nombre  de  vingt ,  roulent  snr 
la  solitude  ,  la  vie  fhampetre  ,  le  prix  de  la  sanfe  5 
des  peines  et  des  adversites,  des  luniieres  parmi  les 
liomnies  ,  de  la  vie  active  ,  du  boniieur  domestique  , 
de  la  vie  sociale,  de  I'amiti^  ,  de  la  science,  du 
commerce  ,  des  ricliesses,  de  I'iinportance  du  corns 
de  la  vie  liumaine  sur  la  terre  ,  de  la  s6nsibilite  , 
des  plaisirs  des  sens,  des  plaisirs  spirituels,  desbon- 
neurs  ,  de  la  vertu  ,  et  sur  la  maniere  d'apprecier 
les  Glioses  du   monde. 

Chorographie. 

Itineratre  dii  pays  de  Vaud ,  dci  goiwer'- 
nenient  d^'ALjle  et  du  comte  de  NeufclidteL  et 
VaUengin.  Benie  ,  chez  la  nouvelle  Societe  ty- 
pographique  ,  17945  in-8".  ,    J 16  pages. 

M.  Derdiout  Yan  Barclieai  a  doun^  ,  en  1790,  im 


Lwrfs  diver f.  429 

Illneraire  de  la  valk'e  de  Chaumouu!  ,  d'ane  partie 
da  has  Valais  ct  des  moiit;:gnes  voislnes.  II  a  cu  du 
siK  ces,  et  on  a  siiivi  pour  celui-ci  le  meme  plon.  L'ati- 
teiir  donne  dans  ciiaque  arlicle  des  indications  sur 
la  lo})o;^irapliie  ,  le  commerce  ,  i'histoire  nalurelle  et 
les  moiiumcnsde  cliaque  canton  :  c'est  un  ^uide  aussi 
sur  qu'agreable. 


ARCRyEOGR 


A    P    H    I    E. 


'All'  excellent.""'"  architetto  Lf.oneDufourny 
sopra  uti'antica  JiguiL/ia  ^  leitera  rt't  Antomo 
GuATTA.vi  roniano  assessors  delie  antlchitct 
ant'uj  uarlo  dl  S.  M.  Lire  di  Fotonia.  —  Leftre 
d'ANToir^E  GuATTAM,  antiqiiaire  dii  roi  f!e  Po- 
lopne  5  a  ['excellent  archifecte  Dufourny  ,  sur  \\\\ 
vas?  antique  de  lerre,  1792,  in-j.'.  ,  21  pages, 
avec  une  plane!. e. 

Ce  vase  appartenoit  a  rer.vovc  de  France  a  Naples; 
il  a  c''t('^  trouvv  dans  la  Si  ile ,  et  II  poiie  de  ces  fi  ures 
perpcndiculaires  et  sveltes  auxquclks  on  donne  le 
nom  d't'trusques  ou  plutot  de  grccques  ancicnnes. 
Ces  figures  sont  an  nombre  de  trois;  les  deux  ante- 
iiuires  qui  font  principal  ment  I'objet  de  cctle  disser- 
tation sont  en  regard,  l*une  vetue  d'une  longuerobe  , 
la  tete  couverle  d*i.n  casque,  la  lance  a  la  main, 
et  ajnnt  nn  bouclier  orne  d'une  couronne  de  laurier, 
tient  a  la  aiain  droite  un  vase  j^lat  dans  lequel  une  figure 
de  feaime  ailce,  roetFec  d'une  espece  de  diademe 
de  plumes  ,  et  tenant  de  ia  main  gaucli^  un  caducec, 
verse  une  liqueur.  M.  Guatlani  discule  savair.ment 
les  attrii5uts  de  chaque  figure  ,  ct  il  ^tablit ,  par  diflc- 


43o  Livres  divers. 

reus  rapprocliemens ,  que  la  fij',ure  arnide  esl  M'nerve 
vfctorieiis  ^ ,  a  laquelle  le  genie  de  quelque  cit6  puis- 
saiile  de  l-i  Sirile  ,  verse  de  I'eau  pour  laver  le  sang 
doiit  ses  mains  sont  teintcs  ,  apres  liii  avoir  procure 
line  n)('morc;bIe  vlcloire.  Le  lieu  ou  le  vase  a 
a  ('\&  trouv6  ,  son  siyle^,  le  sujet  et  le  culte  que  les 
SvracusaiiisiendoientpliisparticuiiereinentaMinerve, 
lui  font  conjecturer  que  la  vicloire  dont  il  esr  ici 
question,  est  celle  reinportce  avec  le  secours  de  la 
deesse  par  les  S^'racusaius  ,  centre  les  cliefs  des  Athe- 
iiiens  ,  Nirias,  Alcibiade  et  Lamacus.  Si  les  preuves 
de  M'  Guatlani  ue  sont  jias  ceriain?s,  elles  sont 
du  moins  ingeuieuses.  L'ariisie  auqnel  cette  disser- 
tation est  adressee  ,  est  francai^,  c'est  le  citojen  Du- 
for.rnv  ,  arrive  depuis  peu  de  Rome  avec  une  foule 
d'objets  precieux  pour  l''.istoir3  des  arts.  Iljav^cu 
long-temps,  et  il  y  a  meme  laisse  des  monuraens, 
entr'autres  I'Ecole  et  Le  Jardin  botanlque  de  Pcu' 
lernie  ,  dovit  M.  Guattani  dit  que  I'on  pourra  fairo 
dater  le  r<^tablisse:nent  de  I'ancien  stjle  dorLco- 
grec ,  perdu  depuis  tant  de  siecles.  La  dissertation 
est  terminee  par  une  plauche  qui  represente  le  vase 
de  demi-grandeur,  et  les  figures  de  grandeur  na- 
turelle  5  et  quelques  m^dailles  de  Si  He,  necessaires 
a  l'e>:pli cation. 

La  troisienie  figure  ,  plar^e  sur  le  derriere  du  vase, 
enveioppec  dans  son  mauteau  ,  ress>?mble  a  c:s  figures 
sans  nombre  qui  so  reiicoutrent  ordinairement  der- 
riere le  sujet  princ'pal  p'.^int  snr  les  vases  grecs 
applies  elra^ques.  Qi:e  ce  solt  le  proprii'taire  ou 
Parllste ,  c'es!  cj  cpi'on  peu!  pr.'su.mer  ,  mais  ces figures 


^         I.ivrcs  d'.fcys.  4^1 

n'ont  enrove  cle  expliquees    nulle  part,  crune  ma- 
nicre  salisfaisaiite. 

Voyages. 

Travels  through,  north  and  south  Carolina^  c/.r- 
—  Voyages  dans  la  Caroline  sejjlentrlonale  tt 
ineridlona'e,  la  Geor^ie  ,  la  Fiords  orientale  (* 
occidentale  ,  le  p^ys  dcs  Iroquois,  le  terriloi. c 
eteudu  des  Muscogulges  on  de  la  cor.federatlon 
dcs  Creeks, dans  la  contr(5o  des  Cliadaws  ,  contp- 
nant  iin  expose  du  sol  et  des  productions  de  ccs 
regions  ,  avec  des  observations  sur  les  niceurs 
des  Indiens,  et  des  planches  en  taille  douce  ;  i^ar 
GuiLLAUME  Bartkam  ',  8.« ,  de  020  i^ges.  A 
Londres  J  chez  J.  Johnson  ,  1^95. 

Ces  Voyages  ont  ete  publi's  a  Pliladelphie  ,  en 
179.)  ;  ils  furent  commences  en  1778  ,  et  n'ont  ete 
<icheves  qu'en  1778.  Le  but  de  leur  entreprise  etoit 
d'observer  et  de  decouvrir  les  productions  rares  et 
utiles  de  la  nature  dans  les  trois  regnes.  Barlram  doil 
elre  avantageusemcnt  connu  desnaturalisles.  Son  p t* 
a  ^le  c<^lebre  parmi  les  botanistes  ;  el  il  a  non  seule- 
j-nent  profite  de  sl^s  instructions  ,  niais  encore  heritc 
de  son  ardeur  pour  les  reclierchcs  d'objets  naturels. 
Anx  d'jscriptionsdes  diverses  produciions  de  la  nature 
qn'il  a  rencontrees ,  il  a  soin  d'ajonier  un  precis  des 
inoenrs,des  coutumes,des  usages  et  du  goavftrnemenl 
des  prin  ipales  hordes  de  sauvages  qui  habiteal  L'S 
pays    Uniilroplies    des    provinces    nieridionales   de* 


432  Lhres  divers. 

Etats-Unis  de  PAmericrue  ■^eptenfrionale.  II  regue^ 
dans  tout  cet  ouvrage,  une  amtnite  qui  ne  pent  man- 
qiier  de  plaire  a  tons  les  lecteurs.  Bartram  paroit  n© 
rieu  rapporter_,  qu'ii  n'ait  vii  et  exa  r.in^  \m  nie:iie, 
Quatre  sections  divL^ent  cos  Voyages,  et  chaciin© 
d'elles  offre  didtrens  ciiapitr^^s.  Elles  ouvrenl  par  une 
jjreface  et  une  iniiodiittion.  Dans  la  premiere  section, 
Bartram  rend  comple  de  son  vojaie  de  Philadelphie, 
et  de  tons  les  endroiis  qu'il  a  parnonrus  dans  I'Ame- 
rique  seplenlrioriaie.  La  seconde  section  conlieit  ses 
excnrsions  dans  l'e5t  de  la  Floride,  et  la  descrij»tion 
des  etablissemens  indie^is  snr  les  deirieres  de  cette 
province.  Cetie  partie  est  !a  rlus  considerable  et  la 
plus  interessanie.  La  troisieme  ren'erme  le  voyage 
cliez  les  Iroqnois,les  Greeks  snpc'rieurset  les  Cbactaws, 
en  remontant  le  fleuve  du  \'ississipi,  le  midi  de  la 
Georgia,  et  en  res  enantaPliiladelpiiie.  Laquatrietne 
section  comprend  un  precis  des  usages, 'des  moeurs, 
des  coutumes  et  du  goaveniemeiit  de  ces  dilferens 
peuples. 

LiLLERATURE. 

IBiBLiOTHECA  CLASSIC  J  _,  sLuc  LexLcon  nianuale  ^ 
quo  noniina  propria  pleraq  ue  _,  a  pud  scrcptores 
grcecos  et  roinanos  inaorlme  classLcos  obuia  y 
iUustranUir.  Deventer  1794  ,  in -8.'^ 

C'est  la  traduciion  de  I'ouvrage  aiiglais  de 
Lempriere  ,  mais  corsidcTablement  augmente  et 
ameliore. 


le  prix  f'e  I'abonnement ,  pour  I'elranger,  est, 
fra.  c  d     port : 

d(-  9  ri  dillers  en  or ,  | 

df  36  hvres  en  es.^tcs,      f  pour  I'ann^e. 

de  20  floiins  de  Hollaude  ,  J 

de  5  rixdallers  eji  or  ,  ]| 

1  i.  V  I   pour  6  mois,  ou  IZ 

d     20  livres  en  esj).5ces ,       J.  ^  ' 

de  II  florins  d:' Holl  nde  ,  J 

On  s'abonne ,  pour  la  Suisse  , 
a  Basle ,  chez  J.  R.  Preisvep.ch  ; 
a  Berne ,  chez   la  SocietL-  typographique. 

Pour  les  Pajs-Bas  et  Liege,  • 

a  Bruxclles  ,  chez-  Horgnietz. 

Pour  Ja  Hollande, 
a  La  Have  ,  chez  Van  Cleef  5 
a  Lejde  ,  chez  Murray  ,  freres ; 
a  Amsterdam,  chez  ChaxVglion. 

Pour  TAllemagne, 
a  Leipsick ,  chez   Voss  et  Compagnie. 

Pour  le  Nord  _, 
a  Hambourg ,   chez  Hoffmann. 
Pour  ritalie  , 
a  Livourne,  chez  Masi  et  Compagnie. 

Pour  iMnglet-erre  , 
a  Londres  J  chez  Johnson  3  St.  Paua  Church  Yard; 

u'r 


f 


T  AB  L  E 
!Bes  Articles  conlenus  dans  ce  NutnAro. 

HyDROLOGIE.  I    NOUVELLES    LlTTERi^IKEj.  - 

Connoissances /lydi ologiifUcs des]  p'oyo^eurj   natuialLtejfj       414 

anciens ,  parGr.Td\concT,-z2)C\  Lvei'e  des  ^^its  ,  4^5 

MiNERAl.ociB.  ■Mortde'DdiVahontvxs.j  J  418 

iP^0Y0s.e  dans  Les  Deux»Siciles  ,   Cabinet  du  Siathoudcr  a  Paiis  ^ 

yor   Spallanzani  ,  3oi ,  ^icj 

En'tomologis.        I  Litres  diveri. 

Rjpporl  iur  le  Calendrier  entn~\  Astrojvomie. 

7>:ologiquc  de  M,  Gibrua,   3ll  Z ,-^.^o^t,A,t,onov,nsc}us  Jar^ 
B  o  T  /  N  I  Q  u  >:.  ,     i,,,,,y,,, 

ISomenciaienr    Hninmqm  ,    pav  -^    Botauique. 

^°"^"-,  ^^^'^  YsLh\,JconeiplantarumSiteci(X, 

^natomieaciuK.i  :rc,parm^n-  j     j_  Roej^er  marazinjur'^d?^ 

AnATOMIL   COMPAKl^E.  _^V„e,-iA«„i;rcA<J« G^ivc^c/^.e  4'il 

5»/  /c;  i>an/7.T   i/,/er.V,7r  af^  o.-  Roucel^  PlanUs  dss  eni>iron,  c.s 

scaux.parG.CnvMT,       33o      Biuxelles,  421 

bxATiSTlovE.  H.  Slaphtns,  Tmi7t' t7t?mf«/.  c'^ 

;^a;-  Cooper,  ^5b  Eeaux-Arls. 

BiOGRAPHlE.  J     Q     Meusel,    Bluseum  Jiir 

X^.^Lce    snr    Charles  -  Francois       ^Uristh-r ,  423 

Jjhomond  ,    mstitutew  .    par  ^.  .  ,.. 

c     T  '  36 '  i.conoraje   /'oiidfiuc. 

ArcHj^elooie.  CoiidiJJac  ,  ^t;    Canut.eice   et  I0 

Snr  I'^iahlis  semen  Ufun  Mushori       <^'>"  vemement,  4^6 

des  ^diitUjues,  var   Rabant  ,(        Ecouomie    dcinostifino. 

3(36  Pan  is   vmltijnua  mate.ia,  427 

LlTTI^^RATtTRiB    PER^AKNJS.  Morale. 

udnticiiiites  de  la  Perse j  pa:  Si!-  Instructions  tuees  de  VexempJe 

vestreSacy,  373      dcs  auimauxj  ,^27 

LlTTERATURE     LAri?!E.         Zoill  Kofer,  6"<?77/:on.r  ,  420 

jPoi'-/,.e    .v.vr  riigallt^  ,,par  JA-  Chocograrl.'if-. 

rdmedeBosci,  382  ^^'''-'■^"^^"/'^r^  -3 

I.ITTERATURE   FrANCAISE.'       ■  ArehiSog'' 

lLini--llleetFannj ynoutcUe.  par  -^^    Guatlani  ^    j,  ,     .;    ///.■  .7/;<  ca 
lacil.J....,  •    :;-o     Jg'dvia,  429 

,    P   O   ^   6   I  E.  Voy-ges. 

Xiz  Priere  wiifersef'le j  traduits  Bartraru^  Ttaicls)  481 

</«   Pope,   />ar^ur]rot  ,    408  LiiUhalure. 

Traduction  de  I' hyn'^ff^deC.lean-  Blhliotheca  classica  j  483 

//(*_,  /j^?  Bougal 


M  A  G  A  Z  I  N 

ENCYCLOPEDIQUE  , 

o  u 

JOURNAL  DES  SCIENCES, 

DES  LETTRES    et  DES    ARTS, 

R   E    D    I    G    E 


Par    M  I  L  L  I  N  ,      N  0  E  L    et     W  A  R  E  N  5.    Va 


II  u'y  a  presquc  plus  d'ouvrages  pcriodlques  qui 
jeivent  Jc  depot  aux  inventions  nouvcllcs  el  r.i 
xetraceut  I'liistoirc  dc  I'cspril  liuniaiu  ;  rcux  qui. 
OBt  cours  sciiiblent  ,  pour  la  plupart  ,  eviter  uvcc 
;iffcctation  tout  cc  qui  pent  aliiiicnier  le  gout,  df » 
sciejices  ct  r.ieme  dc  la  mora.Ic.  Seroit-il  done  indi* 
{^nc  ds  la  Convcntioa  dc  s'orcuper  a  reorgauiscr 
cctic  branchc  dc  I'instiuciioii   nationalc  ? 

GRf.colKS  ,   Rapport    sur    Us    encoxiragcvinis  ,    ruomper.ses    tt 

s;oni  a  ntcOrder  aux   Savans  ,  in'ee    iG. 


<  J  E  Journal  ,  aiiquel  la  plupart  cics  iioinrjies  qui  out 
WW  iioin  distingue,  uue  reputation  justemcnt  aajuise 
(lausqueicine  partie  ties  arts  ou  de.s  sciences ^  lelsque  ies 
cilovens  liir.xr'UE,  Cabanis  ,  Caillard  ,  Ghemi:r , 

DaUBENTON',  D£MLrE,DF.SFONTAINES,  JJoLOiMIEL', 
I^'ONTANRS  ,  FoURCROY   ,    HaUY  ,  1£eRMAN   ,    LaCE- 

PLDK  ,  Lagrange,  Laharpe,Lala.M)E^  Lamark, 

L  ANGLES,  La  PL  A>CK  ,  .LeBRUN,  LeROY  ,  i'HKRlTIER, 
Mj:NTELLi£,MoaELLKT  J  ObERLI.V,  SiCARD  ,SjARr, 

VoLNEYjete.  etc.  Gaiilribiieront  ,  coutieudra  TeAUait 

iV-.  nil.  Tome  IT. 


1 


8<?s  pvlrtcipaux  ouvrflges  r.ationanx  ;  on  s'altachera 
sur-  torn  a  en  doniier  une  ciualjse  exacle  ,et  a  la  falre  ■ 
paroitre  le  plus  prom])temciii  possible  apres  leiir  p'!-  * 
hlicatioK.  On  y  donueia  nne  iiolice  des  meilleurs'| 
(^ci'ils  imprim6s  cliez  i  .  ,■ 

On  3'-  ifisorcra  les  ni('nj(i.'res  les  plus  int<^ressans 
snr  toutes  les  parties  desarlset  des  sciences; on  clioi- 
Sira  swr-tout  ceux  qui  serciil  proprus  a  en  accelerer 
\c&  progres. 

Oil  J  ]5iil)]Lera  les  deconverfes  ingr^iienses,  les  inven- 
tions utiles  daii.s  Ions  !.  -  ";  V  reudra  coniple  « 
des  experiences  uonve!!  .niion  et  de  Pou- 
verture  des  Mnseuuis.  Un  _y  (ioiiueva  nn  precis  do  ce 
Cjiic  les  seances  des  societes  litleraires  auroiil  oflert  do 
})!u>  interessant  ,  une  drscription  de  ce  que  les  depots 
d'ohjets  d'ai  Is  et  des  sciences  reni'ernient  de  plus 
cnr:ee.x. 

Om  y  tronvera  des  notices  sur  la  vie  et  les  onvrnpjes 

fles  S.unns,  des  Lilterdleiirs  el  des  Artistes  distingi'es 
d'vit  on  aura  a  r'^< '■'■'"■ -v  '-'i  perie ,  eiilin  les  nouvelles 
iairiiiircs  dc  low! 

Ce  Journal  sera  oivipose  desix  volumes  in-8°.  par 
an,  df!  600  pnii^es  cli.ui;i) ,  <■!:  au  inoins  de  24  ^.'ravuves 
en  regard  des  ail  ides  f|!ii  en  exigei-ont.  It  paroilra 
tous  les   quinze  jours  un  nuuiero  de  9  f'euilies. 

Le  prix  de  I'cibonneinent  est  a  raison  de  25  liv. 
pour  trois  mois  ,  iendu  IVanc  de  port  par  toule  la 
llepublique. 

On  s':  1 -.^  -^  ,  pour  rcbonnemeut ,  au  Biirenn  dn 
Mfigf»/n'n  E!;rvc!()j>ediqut ,  rue  Horiore,  IN".  94  ;  el  pour  ' 
^es  objeis  relatiTs  a  la  redaction  jaux  Rcdacteurs,  rua  - 
<le    Pro;  -   ''V'.  ^\. 

II  fail!  ..iMruiciur  !.'s  ^eltres  et  charger  cclles  qui 
ot)ulieuiie«l  des  assicuats. 


H  E  L  M  I  N  T  11  O  I,  O  G  I  E. 


Second  Memoire  sar  L'orgaaLsalLon  et  Les  rap- 
ports des  aniinauxci  sang  blanc  _,  dans  ieqaei 
orttraile  de  la  structure  des  ^oli.usques  et  de 
leur  decision  en  ordre  ,  tu  h  La  societe  d^liis- 
toire  tiatureUe  de  Fans  y  Le  ii  pralrial  ^  aru 
trolslbine  ^  par  G/CuriER^professeur  d'llis- 
toLre  natureUe. 

O  E  vous  al  preseiite  ,  dans  mon  dernier  meraoire, 
des  considtrations  geiitrales  sur  I'ojgaiiisation  et 
les  rapj.orts  de  tons  les  aniiiiaux  a  sang  blanc,  des- 
qu?Uos  il  nous  a  paru  resjlter  qii'o  i  dsvoit  en 
faire  six:  classes,  toutes  distingiiecs  par  la  co  .for- 
mation des  organes  da  premier  van?  ,  des  premiers 
mobiles  de  la  vie  aniinale  ,  du  cotur  et  du  cer- 
veau. 

II  s''a;"jt  aujourd'hui  de  descendre  a  la  considd- 
ration  particuliere  d'une  de  ces  classes,  et  j'ai  clioisi 
celle  que  j'ai  determinee  sous  'e  no  n  de  nioilusques  , 
comme  la  plus  jDarfaite  ,  et  cependaut  la  moins 
connue  pariii  celles  oil  les  obscM'vatioiis  anatomiques 
sont  possibles. 

Nous  sav^ons  dcja  que  tons  les  moLLusques  ont 
un  C'cenv  musculaire ,  et  uu  systeme  complet  de 
vaisse:iux  ,  et  qu'une  partie  de  ces  vaisseaiix  Torment 
un  r6>eau  expose  a  I'clement  ambiant  ,  ou  ,  en  uu 
sen  I  mot ,  des  branch  les. 

Tome   11.  E  e 


434  Helm  ill  lliol o^ici 

Ici  ,  commc  drais  !;•  2-cr-le  cb  la  nr.liirc;  ,  celfc 
rouformitt''  chins  les  organes  primaircs,  eii  enfraiiic 
line  pnreills  dans  la  inajoiile  des  aulrcs,  el  nous 
ai.'ous  cxposer  a  la  suite  de  ci  caraclere  central  tt 
essentiel  ,  uiie  infinite  d'aufres  carac^eres  qui  ner 
sont  sans  douto  que  des  resuliats  ,  des  especes  de 
consequences  plijsiologlques  du  premier  ,  quoiqne 
]eur  di^pendance  mutuelle  ne  nous  paroissa  pas 
tonjoiu's  sensible.  Cestainslqus  dans  les  mamnaiferes , 
du  seal  caraclere  C\\\nQ  gen'ralion  reellement  vivi- 
pare  _,  on  en  c!edail  unein'iniie  d'aulres  projirietes: 
la  lactation  ,  la  ijilocularite  du  c:rur,  lacbaleurdu 
S9.v.^  ,  les  quaire  pieds  ,  I'exislence  des  levres  ,  la 
langue  cliarnue  ,  la  naiiive  des  legumens  ,  etc.  etc. 
Connoissez  seulemcnt  le  caracttTa  primairs  &'un 
elre ,  vous  coanoissez  de  suita  prcsque  tons  s3s  ca- 
racleres  secondaires. 

II  y  a  cepejulsnt  une  observation  imporlante  a, 
faire  ;  ell^  a  et,'  bion  developpce  pour  la  bolaniqiie, 
par  le  citqyen  Jussieu  ;  c'est  que  ,  a  raesurc  que  les 
caractercs  bnisscnt  d?  raug  ,  iLs  diiniiiuent  aussi  de 
Constance:  aiiisi,  da!:is  les  inammiferes  ,  I'exislence 
des  p  eds  u'elant  qu'un  caactere  serondalr.i  ,  n'cst 
a  la  verite  j  mais  totaleraent  en  defaut  ,  mais  se 
trouve  ccpendant  raasquee  quelquefois  ,  ronirre 
dans  les  ailes  des  cliauve-souris  ,  et  les  nageoiri^s 
post/'iieures  des  pboques  j  on  meme  elie  se  trouve 
d(^naturee  dar.s  I'usage,  comme  dans  ies  nageoir^s 
pcct v)raies  des  cetact'es  :  rieu  ne  prouve  raieux  ponr- 
lant  la  rigueur  des  lois  auxqnelles  la  nature  seml^le 
assujelie,  que  ces  especes  de  delours,  si  on  ose  paiier 


Aniniatix  a  sang  hlanc.  435 

.'iinsi  ;  ricn  11c  ri'n'|:(jchoit  ,  ]^ni^qu'il  fal!cit  des 
Jiapeoires  iiux  retr.ct'xs,  de  les  fcrmer  dr  la  ninnirve 
la  plus  fiirple,  par  des  osscU  ts,  comirie  cellos  des 
poijs^ons.  Cependant  elle  ii'a  joint  pr!s  c  lie  \o\q  ; 
(•lie  leura  laisse  de  veritaMes  bras,  m  iinis  d'.uiM'rr.s, 
jadius ,  cubitus,  d'os  du  carire,  de  pi.alanges  ,  etc. 
die  a  rendu  lout  cela  inutile  a  la  prt'heibiou  ef  a 
la  iranlie  ,  Ta  er.\  elopjx'  d'une  seule  ni  ml  rane 
jiou  decoupee  5  eii  uu  mot ;  ellt*  a  fait  uiie  na-eoire 
avec  un  1  ras. 

Vous  vojez  done  qu'i!  3'  a  toujours  une  scrte  de 
Constance  dans  les  c<-iracleres  secondaires  ,  malfir^ 
leur  d(^'guiscmcnt ;  les  caractere.-  teiiiaires,  ou  du 
troisieme  rang,  en  out  bien  moins  :  les  po;l<  ,  ]  ar 
excm])le  ,  quoiqne  oislant  dans  presque  tous  les 
anan.inifcrics,  manquent  cependanl  dansquelques-uns, 
les  cetactes,  ou  v  sont  en  parte  remp.Iaces  j^ir  des 
t'pines  ou  des  ecailles  ,  comma  dans  les  tatous  y  les 
manis  ,  les  /i6rLssons ,  etc. 

J'cspcre  qu'on  n.e  pardonnera  de  commc  nrcr  par 
une  dicrcssion  ;  tons  ks  m^moires  generaux  quo 
j'ai  presc  ntt's  jnsqn'ici  a  la  socii'te  ,  ayant  eu  pour 
oh'el  ra]'plirat;on  a  la  zcolojAie,  du  principe,  aussi 
fee ord  (jue  sur  ,  de  la  subordination  des  raracteres  , 
je  }  cnse  cpie  tout  ce  qui  contribue  a  eclaircir  ou 
ii  dcu.onlrer  le  principe,  va  direclcmcnt  a  raou 
],:ut. 

Rcvcnons  a  la  structure  de-  niotlusqucs. 

Art.  I.  ciLi  niaiilcau. 

La  parlie    de    leur    corj^s    la    pins    app:u-ente  ^ 

E  e  2 


436  Helnilntfiologie. 

i'extci'Ieur  ,  a  (^4e  nominee  le  manteau.  II  est  com- 
pose d'une  double  membrane ,  doiit  l'interval!e  est 
rempli  d'mi  parenchjme  plus  ou  I'noiiis  lerrae  , 
de  vaisseau-:  el  d;i  fibres  musculairoS  ;  sa  forme  , 
ses  altaclies  diifereni  bsaucoup  ,  comme  nous  le 
verrons  ;  mais  il  est  toujours  done  d'uiie  ssnsibilite 
exquise  _,  et  merae  garni,  dans  plusieurs  especes,  d'or- 
ganes  parlJculiers  deslinc^sau  toucher. 

L"^  manteau  existe  g^neralement  dans  tons  les 
molLLLnqiies  que  je  connois,  et  je  ne  me  rappells 
j3oint  d'en  avoir  obssrv6  dans  d'autres  classes.  Nous 
aurions  done  ici  un  car.'5ctere  ext;'rieur  ,  indicaleur 
des  primaires  internes  ,  comme  les  polls  le  sont 
dans  les  quadrupedes ,  les  plnraes  dans  lesoiseaux, 
les  Readies  dans  lespoissous,  les  enveloppes  cornees 
dans  les  insectes. —  llapp?lez-vous  ici  ,  citoyens  ,  c^ 
que  je  vous  ai  dit  precederament  snr  i'imoortance 
•de  tons  les  carac teres  pris  des  organes  du  toucher  , 
et  voj'ez  comment  des  princip^sune  fois  bicn  etabli- , 
donnent  des  conchusions  sures  et  Inmineuses. 

Gonsiderons  le  mantea  i  d'aborddans  les  bivalves, 
ou  il  est  presqne  toujours  mieux  developpt^.  Ily  est 
forme  de  deux  grands  lol;es,  tonjours  rrunis  par  le 
dos.  Tel  est-il  dans  les  huirres  ,  ou  sa  bordure  est 
un  muscle  epais  ,  j^iarni  par-tont ,  et  comme  frang6 
de  tentacules  \  dans  les  acardes  et  les  monies  ,  ori 
sonexhvmite  infcrieure  seulement  est  garjn'c  de 
tenlacules  5  dans  les  bucardrs,  les  cames  ,  c^tc. ,  ou 
son  extr^^'mii^  inf^'-ricure  forme  d.'ux  anneaux  ou 
tules  plus  ou  moins  susceplibles  d'alongament 
qu'on  a  pris  pour  dts  parti  s*du  corps  rcem'j  ,  mais 


'Aiiiniaux  a  sang  blanc.  437 

qui  ii'appartienneiit  ccTtaiuenieiit  qu'aii  manfeau. 
li'un  tie  ces  tubes  ,  contiuu  au  rectum  ,  sert  ri'anus  ; 
I'autre  est  une  espcce  de  Irouipe  pour  aspir^r  I'eau 
ou  I'air,  lesftiire  passer  sur  les  hrancliies ,  et  de  la  a 
la  bouche  qui  est  a  I'extrt'^miie  ()j)posee  de  I'aninial. 

Dans  un  grand  iiombre  de  <c;!res,  le  manteau 
n'est  pas  ouvert  par-devaut,  comine  dans  ceu:;  que 
nous  venous  dc  cit;a-,  mais  ferme  en  tujuu  ,  ct 
ouvert  seulement  aux  deux  extrcuiifc's  ;  telssontles 
teredo  ,  pluSieurs  p/ioLades  ,  et  je  crois  les  salens  ^ 
ou  niauclies  de  coulcau. 

Ou  duit  aussi  regai'der  !es  ascldies  et  l^sbiphores 
comjiie  des  moliusques  dont  le  manteau.  est  ferme 
par-dcvant.  II  est  ouvert  aux  ^leux  extremites  dans 
les  blfjliores  ,  et  a  une  seulement  dans  !es  ascidies, 

Mais  daus  tons  les  a):inia;ix  dont  nous  venous 
de  parler  ,  le  manteau  est  coUe  entierement  a  la 
tete  ,  ou  du  moins  a  la  partie  qui  peut  porter  ce  nom  , 
parce  qu'elle  conlient  la  bouc  e  ,  I'enveloppe  comrae 
un  capucuon  ,  et  la  rend  immobile  et  incapable 
de  se  monlrer  au  dehors. 

G'est  ce  oaractere  precis  ,  et  de  la  plus  grande 
imrortan  e  '  dans  reconomie  de  I'animal  ,  par  la 
fuiblesse  et  rimperlection  qu'il  lui  donne  ,  que  j'ai 
iidople  pour  former  mon  troisienie  ordre ,  coamie 
jioiis  verrons  plus  bas. 

Eaus  !es  aulres  moLlusques  ,ceux  qui  ont  la  !efe 
libre  et  m.obile  ,  le  manteau  exftite  ^gnlement  , 
quoi'Mi''ave,-.  moins  d'ainpleur  et  des  formes  dii!i-- 
lenlcs  ;  ainsi  ,  dans  les  patelles  il  est  ovale  et  rvXouvre. 
tout  le  corps  j  dans  les  poicellaincs ,  il  pent    en  SQ 

Ke  3 


^38  Heimitithoiogle. 

repliant  ,  envelopper  la  coquiile  ;  dans  les  tliely?^ 
il  ne  ivcoilvre  que  le  dessus  do  la  tet3  par-delei 
laquelle  il  s'eleijd  comme  iin  voile;  dans'les  lapljsies, 
il  vz\  tc  ancre  siir  le  dos  et  comme  fendu  presquo 
jus  ju'a   la   qume. 

Dans  K-s  liina^ons,  il  est  rogne  de  pres,€t  forme 
une  cavile  assea  serr^e  qui  contient  les  branchies  ; 
ccU.3  cavite  qui  dans  les  liniar-ons  serroit  de  pres 
le§  branchies  ,  est  dans  les  seiclies  d'une  ampleur 
^norme  et  regne  jusqu'a  re-iremite  posterieure  :  car 
la  par  lie  (i  'on  a  nonirate  jac  dans  les  seiches  ,  est 
leur  man. lean  ;  ce  qu'on  a  noinm^  nageoires  sont  ses 
lobes,  et  ce  qu'on  a  nommc  le  dos  est  vraiment, 
quant  a  la  posiiion  ,  analogue  an  p'pd  du  limaron  , 
quoi.su'il  i^e  serve  pas  a  marcher  ,  p-irce  que  les 
tentacules  de  la  seiche  lui  sont  plus  commodes^;;* 
pour  cot  effet ;  le  vtai  dos  est  le  devant  du  i-a:  : 
pent-;  tie  s'ctonnera-t-on  que  dans  la  marche  de  la 
seich.e,  ce  que  j'appelle  le  dos  aille  en  avant;mais 
j'observe  que  si ,  comme  cet  animal ,  nous  marchions 
snr  Iv-S  mains  ,  et  les  pieds  en  I'air  ,  ce  seroit  aussi 
le  dos  qui  iroit  en  avant. 

Art.  II.  Des  hranc/iles. 

Si  nous  passons  a  la  consideration  des  branchies 
dci  mullus  sues  ,  nous  y  trouverons  egalement  iden- 
tile  d.:;  Conformation  essentielle  ,  el  varicr6  infinie 
de  foriH'  s  exterieures. 

De.ns  les  bivalves  et  les  aJcZ/i/^j" ,  cesont  quaire 
feuilkls  paralleles,  semllables  a  ceux  des  poissous. 
Les  arlciioles  et  les  venues  pulmojiaires  j  formenl. 


Anlniaux  ci  san.^  bltir.c.  ^^ 

ties  strles  pamlleles  eiitr'elles  et  perpcn:iiciilaiies 
a  la  longueur  des  fcuiiiets.  Ccs  branclii.-s  soiit  situees 
(los  deux  coit's ,  eiitre  le  corps  c  t  le  nuiiiteau  ,  dn 
la  ir.eaibraue  iut^^rne  duqucl  dies  soiit  desduplivd- 
tures. 

'Di\v,s  les  patdles  ,  e'.Ies  entoureiit  aussi  lecor;:s  ; 
mais  ce  soiit  une  iiiiiuite  de  petits  fcuiliels  Iriangu- 
laires  ,  Ibrmant  une  espece  de  cordon  sur  ki  srrlkce 
iiiferieure  du  maiiteau. 

Les  Limacoas  les  ont  comme  un  plexus,  a!laci:es 
au\  y.ar^is  d'une  cavite  partlculiere  dans  laqueile 
I'elei.i'^'.it  ambiant  entre  piir  uue  ouveiiuie  elroite  , 
s'ouvran;    et  se  lennaiU  alleniativement. 

Dans  les  Lapiijsles  ^  les  brancliies  sout  des  feuill.^ts 
pliCv's  dans  la  graiide  echaucruro  d\i  maiileau  ,  et 
rerouvertes  d'une  piece  cartilagineuse  et  mobile. 

Les  doris  les  out  entleremeiit  a  djcouveri;,  siir 
I'extremile  posterieure  du  maiiteau. 

Nous  uo  connolssons  pas  bien  celles  d.^s  thctU, 
Je  pense  qu'e.les  sont  dans  une  cavite  comme  celles 
des    liii.acoiis. 

Da.'.s  les  selckes  ,  il  y  en  a  ^qxx^  paquets  ,  iiu 
de  cliaque  cote  du  corps  ^  dans  la  cavi'.e  du  sac. 

C-'tte  revue  grneraie  nous  apprciud  que  les 
nioUusques  ont  tous  leuu  brancliies  absolument 
separees  des  autres  vis.-er^s,  soitqu'elles  aicut  una 
cavite  particuiicre ,  ou  qu'elles  soicnt  lotaKnient  a 
decouvert. 

Celte  circonsfancc  ne  Lur  est  commune  qu'avec 
les  cruslacees.  Ell^  rappro.he  ccs  deux  class: sil'ani- 
jiiaux  5  des  animaux  a  s^iiig  rouge  ,  en  les  dilleren- 

1:04 


440  HeLmintkotogle, 

ciant  des  autres  animaux  a  sang  blanc  ,  qui  out  fo;is 
leursorgancsrespiraloires  meles  et  cnlrelaces  dans  la 
meme  cavje  avec  ceiix  de  la  digeslioii. 

Art.  III.  Organes  dec  mouvement. 

Les  organcs  du  movvcment  piogressiF  de  li 
pliipart  des  inoliusques  ,  coDsislent  en  un  disqiie 
iTiusculeux  ,  ovcile  ,  gUi^ineux  ,  qui  leur  seit  de  pied  , 
et  doiit  les  moLivQjneiis  ondulatoires  produisent  una 
espece  de  rainpcnient.  Tuns  ceux  de  la  fainilledes 
Uniacons  en  sont  doues.  II  eviste  an»a  dans  la 
plupart  des  bwatves  :,  souvent  clles  I'ont  enrorebien 
mieux  organise,  et  propre  a  former  des  fils;carla 
partie  qui  file  dans  les  bucardes  ,  les  nioules  ,  etc. , 
est  veiitablement  le  pied  ,  dont  rtxlremJe  ,  sil- 
lonnee  d'uiie  goultieie,  saisit  une  inalieiertsineuse 
produite  par  des  glandes  ])ropres  ^  et  la  tire  en  Icn^s 
fils  5  par  un  procc'de  semhlable  a  celui  qui  nous 
founiit  dcs  fils  mctalliqnes.  Le  pied  man  ne  toia'e- 
lement  a  quelques  bivalves ,  et  je  crols  que  c'est 
toujours  a  celles  dont  les  valves  sont  ia(S;ales  ;  dii 
nioii;s  je  ne  connois  p:r.  encore  de  coqnille  in^qui- 
valve  dont  I'animal  ait  nn  pied.  Si  ce  fait  est  un 
jour  reronnn  pour  genenil,  outre  qu'il  formera  une 
belle  ioi  zoologique ,  il  confirmera  ceriaities  divisions 
forniL-es  sur  les  coquiiles  seules. 

On  pourroit  en  iniagini.ji'    une  raiscn    rlan?ib;e  ; 

c'est  que  les  vai /es  sunt   inegnles  daos  "les  espo  es 

qui  doivent  rrsfer  au  me.ne  lieu,  afin  que  I'une  1  j 

maintienne  par  sonpoids,  et  qua    i'aulre   qui    doit 

seule  s'ouvrir  tt  se^  former ,  toii  \\wi  faciieuieiif  mobile 

;,  raiscn  do  sa  likitrcte. 
ax  •-' 


Anlinaux  h  sang  bianc.  44T 

Les  bivalves  cyliiidriques,  a  nianleau  feniu  j)ar 
clevant  ,  font  s  ;itir  leur  pied  par  uiie  des  exti\' miles 
do  leur  co',;iiiilv^  ;  il  f:e  leur  sorl  poi  t  a  ramper  , 
mais  ssuleiiieiii  as'eiifoncer  d  vis  certalnes  m:itler?s  , 
ou  a  en  soriir.  C't'st  le  cas  des  soLens  ^  des  teredo  _,  etc. 
C;  tie  parliculr.ritt'"  fournini  encuro  c!esf;aract^resg<'- 
Ileliques  ,  crautaKt  ]^liis  beaux  qu'ils  seront  en 
rapport  intimp  avec  les  principaux  traits  des  mueurs 
des  auimwux. 

Le  moiivcmciit  progress:!" des  seicliPS  s'exuculc  rar 
des  inojens  Lien  diiferens.  Elles  out  autoiir  do  la 
bouche  des  orga'ies  niusculaires  ,  en  coaes  alonges? 
tres-raobiles  ,  d'luic  longueur  et  d'une  grossc'ur  de- 
mesurees  .  garnjs  j  ar-!out  ;!e  sucoirs  en  forme  do 
venfonse.  Cliaqiie  parlie  de  cr-s  organes  ,  auxquels 
on  a  ]ai.ssi"  le  t!o;n  trop  vague  dii  tentaciiles  ,  pent 
s'attacher  fi\^ment ,  par  le  moyen  de  res  suooirs ,  aux 
corps  eirangers ,  et  I'aniinal  s'ensert  comme  de  pieds 
et  de  nageoircs  ;  c'cst  sur  cette  considv'Tation  que 
je  separe  les  sciclie's  des  iitnacons  ,  ct  que  j'en  ferai 
nil  ordre  a  part  5  que  je  placerai  le  premier  ,  a  cause 
de  sa  plus  grancie  pprfevlion. 

Art.  IV.   Organes  de  la  digestion. 

Les  differences  dans  les  organes  de  la  digeslion  _, 
soni  ,coninie  loulcsles  autres  ,  reparliesselon  ccrtai  ;es 
lois. 

D'abord,JMie  Ironve  d2  mandibulescornees  d;uis 
fiucun  animal  a  let-:!  im mobile.  Comme  i!s  ws 
peuvent  se  nouirii;  que  de  Teau  c^u'iis  poriipci.t  on 
que  les  nets  leur  apporleii"  ,  des   mandibules    kur 


44^  Helniintkologte. 

t?usi.enl  c'!3  iautiles.  Leur  bouche  est  f^iife  en  sncrtii', 

et  ellc  a  an  pi  arjiix  uiic  valvule  fort  sciisiLIe  dr.rrs 

rin:i[rc. 

Jc  cTjis  an  rontraire  que  tons  les  molljsqiies  a 
tele  iriobile  ont  cU^s  mnchoiiv^s  ,  soit  en  forme  de 
hec  .  comma  1  s  .^tirl^es,  soit  d'arc  denleJe  ,  co  me 
les  limacons  ,  soit  de  courhe  carlilagineuse,  comtiio 
Ics  patel!es.  Si  co  lait  so  tror.ve  gejiojal  ,  iioiis  aiiroi^s 
enrore  li  un  strp,  r:,o  caiv.r}->re  dlsiiuciif.  Notre  i^.ro- 
jnier  ordro  so  distinguait  parsespieds  iiombreux' des 
deiix  suivcU's.  Le  troisieme  se  distingiiera  des  deux 
premiers  ,  par  i'absencc  cei  irandibuies. 

Ties  seiches^  dont  !a  houche  a  des  armes  si  Icri-ibies-^ 
senourri,<^ei;t  de  cabps  ,dVcrevisses  ,  de  cociuilL'iges. 
Si  leur  bee  bris3  ess  animaiix  ,  leur  estomac  est  bi?n 
confbrme  pour  l:^s  brojer.  C'esl  un  vrai  gi^^zier  sem- 
blable  a  ce!ui  des  oisc'aux,et  muni  e;:alemeut  d\ine 
velouk'e  prcscjue  cartilapueuse.  Pour  rendre  la 
resseir.iyance  plus  co;rp!ete  ,  ils  ont  en  avant 
d3  ce  gcvjer  un  veritable  jalot,  on  dilaSalion  glau- 
duleuse  de  I'a  sopbage.  Une  Ibis  le  pvlore  pass^  , 
j;ous  {.'ouvons  ia  stiucUire  des  poissons  ;  je  veux  dire 
ijiiC  le  canal  intestinal  revolt,  pr€s  de  son  origine  , 
t;n  grand  ceecum  glanduleux  ,  comme  ily  en  a  tant 
daijs  bcaucoup  dj  ];oissous  qu'on  a  supjiose  rcmpiir 
c:Iiez  eux  les  foiiciions  de  j^ancrc'-as.  Ces  reunions 
de  caraciercs  pris  dans  des  cUisses  si  dirpiirales , 
clof.nent   toiijours  le  nafuraliste. 

Dans  les  autres  mollusqnes ,  le  canal  intestinal  est 
genera.'ement  plus  simple.  Cependant  rhujire  a  un 
sejoi.d  csloiiiae  ,  de  forme  coiiique    et  ride  longitu- 


Aninia.iLx  a  san'i^blanc.  44^ 

clinalcmer.f,  qui  a  ^-(  s  olJice^  J'eiUrcc  et    tie  soriij 
a  la  me:nc3  exhenVite. 

Le  Ibie  existe  dans  tens  Irs  m:)lIt5sqM?> ,  com-nc 
nous  Tavous  VII  (hns  mon  djnKcir  inen:o:r?.  Dans 
\^s  s3Lcltcs  J  il  est  sinipc,  st';)arc  (b  I'i'Uer.Ji:! ,  et 
y  versc3  la  bile  par  deux  canauv.  Dr.ns  Is  Uniacofis 
et  leurs  analoguei  ,  il  est  divisd  en  lub^s  ,  eii'.re 
les'uels  ies  inleslins  ravnpeijt,  et  il  vers^  sa  liqirur 
par  nil  canal  unique.  Dans  les  biwahcs  ,  c\i:t  unc 
s.ulc;  ir.asse  dans  riiUc'riLHir  de  !aquelie  I'iutcslin  fUit 
ses  circonvolntion-^  ,  le  foie  v  verse  sa  liqueur  par 
nne  inCihile  de  pores. 

Le  i;enve  dQspatclles^  quoicpie  d'ailli^urs  riussem- 
hlabk^  aux  limarons  ,  a  nraiunoins  le  loie  cl  sis 
caiiauv  excreteurs  comma ^  les  bwaUcs  ;  or,  ces 
patellcs  se  rapprorlient  aussi  des  bivalvjs  par  la 
stri:ct;!ve  de  leurs  braxi.ies,  comme  je  Fai  erpo-;*? 
plus  haul.  Eappv  lez-vous  ,  je  vous  prie,  ce  qu-  j'^i  dit 
dans  men  dernier  memo're  sur  la  c  oexisli^nce  conslante 
du  foie  et  des  brancbies  :  vous  n'eii  screz  que  plus 
frappi's  Aw  nouveau  rapport  q'^e  nous  dc'couvroas 
ic:  enlre  ces  deux  orpan  .v.  C'c.,t  ainii  que  la  r»liy- 
siolo.  ie ,  I'ar.aioniieiel  la  zo.^do,  ie .  'aideronl  muSufl'-c- 
ment ,  lors  ru'ca  Ijsctudira  sous  leurs  vraio  pcii:Uci.3 
\  ne. 

Je  ne.  liouv.^-  poi.it  de  mm:  n:6scii!ero  duns  la 
plupait  des  n-o'lu?ques.  Tl  me  siMVib'e  que  Ci:xi\s  cenx 
dont  rintislin  ranq:>e  davs  le  foie  ,  les  veined  rac-rae 
du  foi3  ,  portent  le  cJijle  au  cceur.  Les  ariimaux 
a  sa!ig  blanc,  n'auroijnl-iis  ^a.;  de  vraij  c/icuUi- 
lion  san£,uii:e  ?  Leur  eocur  seroii-ii  siii^p'ciueiit  une 


444  Helnilnt/iologle. 

sorte  de  cisterna  c/iyti  ,  qui  transmettroil  aux  parties 
le  fluide  Ijn  phatique  que  lui  auroieiit  apporte  les 
vaissraux  al^sori  ans  ?  J'avoue  que  j'ai  pense  dcpuis 
lonp-temps  que  le  hiatus  ^^norme  qui  est  entre  les 
animaux  a  sang  rouge  et  ceux  a  sang  blauc  ,  iiuli- 
quoit  dans  la  princii:)e  de  la  vie;  de  ceux-ci  ,  des 
differences  plus  graiides  que  celles  qui  j  sont  appa- 
rentes  ;  p;tr  1^  on  expliqueroit  la  cou'enr  hjanclie 
de  I^ur  fluide  noui  ri:ier,  c  t  rimpossibilite  qi:'!!  y  ^ 
eu  jnsqu'ici  de  ti'ouver  I'oripine  de  la  gia)\'e 
circulation  dans  k^s  liniacons  et  les  blvahes.. 

Les  vaisseaux  puunonairos  des  liniacons  ,  qui  sont 
ccrtainemcnt.  tons  vt-ineux ,  ne  nous  ^toni-croient  plus^ 
puisqu'ils  ns  ?eroient,  conuiie  toutesles  autres  veines, 
que  des  vaisseanx  absorhans. 

On  concevrait  Tusa.e  du  vaisseau  dorsal  des 
inscctes  et  des  vers  ,  et  son  defiiut  de  branches.  Co 
seiolf  un  reservoir  recevant  le  chyle  iramediale- 
ment  des  inles;ins,  et  dans  lequel  les  vaist^eaux  ab- 
sorbans  le  pomporoient  par  leurs  racines  ,  beaucoiq? 
irop  delites  pour  efre  apper.ni?s  ;  on  cntreverroit  k-s 
raisons  de  la  position  extraordinaire  du  caiur  de 
beaucoup  da  bivalves,  au  milieu  duquel  traverse 
le  canal  mtestinai.  Si  le  coeur  doit  simplement  rece- 
voir  le  chyle,  coinmentpouvoit-iletre  lnicu^  place? 
le  cajsal  intestinal  rAi  qu'a  transsuder  ,  ct  le  cceur  sj 
reniplit.  Certes  ,  cette  cause  Hnale  seroit  plus  a.briis- 
sible  que  de  supposer  ,  comme  le  font  quelqnesaua- 
tomistes  ,  que  fe  coeur  entoure  l*inleslin  pour  kivo- 
riser  le  niouvement  perista'tifjue,  conime  si  les  {i]3res 
tirculaires  de  r.nlestiii  iiVlO'eat  pas  suilisruil.spouv 
cela. 


'Aiuinaux  a  sang  hlanc.  44$ 

Enfin,  la  distance  entre  les  animaux  a  sang  blanc 

qui  ont  un  Cijpur  et  ceux  qui  en  sont  totalem  nt  de- 

pourvus  ,  scroit  diininuee  ;  ce  Si3ruil  un  saut  de  moins 

enlre  les  families  nalurelles. 

L'id.^e  que  je  viens  de  developper  est  peut-etre 
t^m/raire  ;  aiais  ie  nevous  U  donne  quccotnin:'  une 
liypolhese.  Ne  pardonneriez-voiis  pas  a  un  homins 
occu!)e  de  rjcliei\hes  souvent  peniljles  et  rebutantes  , 
de    se    reposer   quelqucfois  pas  des  reves  ? 

Un3  objection  forte  est  sans  doute  la  circula- 
tion Ires-paiTaite  des  seiclies  ;  mais  atissi  obs.^rve-t-on 
dins  les  seiches  un  rudiment  de  m^'sent>re  ,  des 
glandes  blan  iiatres  ,  rao!l^s  ,  fort  considc'rab  es  , 
silu^es  dans  Ie  voisin.ige  de  i'intesUn  ,  colleges  a  la 
veine-rave  ,  et  s'y  d  ■gorgiant  p  ir  plusieurs  canaux 
fort  visibles.  Peut-etre  est-ce  encore  ici  une  de  ces 
nuances  qui  lient  les  classes  les  plus  disparates  ;  peut- 
^tre  la  seiclie  se  rapproc'.  e-t-elle  acetegard,  co  .  me 
a  laut  d'autres  ,  des  arimaux  plus  pari'aits. 

Pour  achever  ce  qui  rega  de  la  d'gestion  ,  je  vais 
dire  deux  mots  de  I'anus.  II  est  remarquabl-  que 
dais  tousles  moUasques  ,  il  est  Ires-pres  des  bran- 
ciiies  ,  ou  du  moins  de  I'endroit  par  ou  Ie  fluide 
ambiant  s'y  rend.  On  avoit  bien  quelques  exemples 
analogue-  dans  certains  poissons  ,  dans  les  larves  de 
quelques  dipit'res  ,  etc.  5  raais  dans  aucune  classe 
celte"  proximity  n'elojt  aussi  genc'rale. 

Art.  V.  On]anes  des  sensations. 

Je  ne  m\'irrc:erai  pa<;  beaucoup  a  dccrire  les  ter- 
tacules.  C^  sont   les   parties  les  mieux    conuues  d.s 


44^)  Ilel/nuU/i  olog'e. 

inoUiisqiics  ;  on  s'en  os\.  mene  sorvi  po'ir  divisor  en 
i^enre  les  aniinaux;  d.^s  uIli'.■alv^s,  quouju'll  y  nit 
des  caractrTes  bien  plus  iinpyrlaiis,  coinme  nous  le 
verrons  dans  la  suite. 

J'obs'^rve  seulemenl  c\\\?.  les  d^ux  ordi-es  a  Jcto' 
mabiie  ont  leurs  lent  ;c  d  \s  a  la  iv'ta  ;  C3u-:  doiit  !a 
tet3  e;t  enveioppee ,  n'ri;i  avoiant  pas  besJm  la,  ils 
les  ont  a  I'anus. 

Vous  ro  nioissez  deja  snmsamm?nt  les  yenx  et  los 
oreilles  das  seiches.  Dans  i'ordi\^  qr.  les  suit  ,  los 
llmaco.'is  it  analogues,  on  na  d  ^co  ivr3  q  e  d.}s 
veux ,  encorsextrenir^ment  p^elils.  Dans  no. re  troisleme 
ordre  il  n'j  a  iii  yenx  ni  orsilles. 

Art.  VI.  Organ cs  de  la  gi:i6ratlon. 

I.^,s  diflL^rences  dans  la  g-'ner:itlon,  se  trouventrv'- 
parlles  selon  les  me'-nies  Irois  coupures  qua  tons  les 
caracteres  nonsindiquent. 

Les  seicbes  ont  les  sexes  Sr'pares ,  le  m:\le  arros3 
de  sa  kite  les  oeu  fs  pond  us  par  la  feinelle  ;  on  n'est 
pas  bien  sur  encore  s'il  n'j  a  pas  un  accomplenient 
preliminaire. 

Les  limacons  et  lenrs  analogues  reunissent  les 
denx  sexes  dans  le  m^me.  individu  ;  mais  ils  out 
]jesoin,  pour  c  I  re  fecond^?,  d'un  accouplem^nt  reci- 
proque ;  cependant  la  liquetir  senu'nale  de  rnnnese 
porte  pas  sur  les  orufj  de  Pciulre  ,  car  il  esl  demontre 
parTarialoniie  ,  que  ( ela  ne  se  pent.  La  verge  n'est 
point  percre  ,  et  le  teslicule  so  d'c'iarge  d?.ns  la 
lualrice  mtme  et  fort  loin  de  la  verge  5  mais 
rirritation    produile   par    le    spasme    venerien     est 


Aiiiinaux  a  sang  blanc.  447 

JUS  doulG  necGosaira  pour  faiv3  desctiiclre  lc5  uiafs 
ri  la  semence  dans  un  r»'ceplacle  coimnun  ,  qui 
( st  la  malrice. 

Lg  troisi-m?,  ordre,  l:^s  bivalves  et  h^nr  analogue^, 
n'oiit  point  d'accouplement,  ils  sont  fjconds  isuL- 
nienl  ,  ct  tons  Ics  individns  pondonl  d.-s  a-ufs-en  cer- 
taines  saisoiis.  II  est  assez  singalier  que  les  ocnCs  d:i 
mUiUis  analimus,  du  mjja  pictoruni  ,  tt  s.vii 
doutfi  de  boaucoiip  d'autres  ,  se  trouvent  places  cii 
crrlaines  paisons  dans  la  duplicalure  d:s  brriUCliics. 
Mcrv  I'a  observe  le  proaiicr ;  il  doMnoit  menit;  aux 
branchies  le  iiom  d'ovaire ,  et  ciicercliail  le  ]^oum(Ki 
dans  un  lout  antre  lieu.  .Te  I'ai  vu  egalcment  ,  cl  j'ai 
appris  depuis  peu  que  c  i:e  remar.iue  a  encuic;  ulo 
faile  par  d'autres  personnes. 

Assuremtnt  un  amcTteur  d'craliliiC:S"s  auroit  dequoi 
s'exercer  sur  un  animal  sans  tele,  dont  le  r.cluni 
traverse  le  cccur  ,  et  qui  a  son  poumon  poiir  ov  i- 
duclas.  C'e^  ponrlant  le  cas  d^  la  -yioule. 
Aucun  moUusque  connu  n'est  pemmipare. 
.Te  rt^sume  toutes  les  consideralions  repandues  dans 
ce  meraoire  ^  ct  j'en  tire  les  caracteres  de  la  classe  et 
de  ses  ordres. 

Les  JioLLUSQUEs  soni  une  classe  d'animan?v-  quia 
])Oiu'  caraceres  inlerieurs  la  p,eneration  ovipare,  le 
sang  lilanc,  I'exislcnce  du  ccrur ,  des  vaisseaux  et  des 
lirar'.cbies  ,  le  foie  ;  c-t  pour  caracteres  cxlc^Micurs  , 
le  nianlean  cl  les  leiitacu^es. 

Cetfe  classe  doit  se  diviser  en  Irois  ordres  : 
i*^.   Les  CEPiiALOPODES.  Lcur    t.'le  est  lil^re  ,  mo- 
bile el  couronnec  de  jirauds  lunlaculcs  sur  lesquels  ils 


44?  Ilclniinthologie. 

niarclient.  La  cavite  dcs  Ijrancliies  repr^senle  im  sac 
dans  lequel  la  tete  pent  s'eiifoncer  j)lus  ou  molris.  lis 
ont  des  yeux  grands  ,  pouivus  d'iris  ,  de  procps 
ciliaircs ,  da  crislallins ,  de  vilre ,  de  clioro/de  ,  ct  de 
sclv^rotlque  ;  des  oreilles  a  sac  sim  ■'  ■  et  a  uii  seu* 
osselet ;  des  machoives  cornees,  ties  -  forles.  Leurs 
sexes  sont  separ^s. 

Cet  ordre  comprend  les  seicb.es  ,  quo  je  divlse  en 
seiches  et  en  poulpes.  Je  presu  i  e  qii'il  faudra  y 
rap;  ortei- aiissi  les  clio ,  mals  n'-^n  a^^ant  po'nt  dis- 
s/'que,  je  ne  piiisraffiniier  positivenie;5t. 

2°.  L?s  GASTEROPODES.  L'lir  tete  est  libre,  mo- 
bi-le  ,  et  porte  deux  ou  quatre  ,^etits  tentacules;  ils 
rampent  sur  un  disque  musculeux  place  sous  leur 
corps  longitudiualement ;  leurs  branchies  varient  en 
position  et  en  figure.  H  J  a  deux  yeux  fort  petits  ; 
im  renforceraent  corn6  unique  a  la  levre  superieure. 
Ils  sont  hermaphrodites,  et  ont  le  besoin  et  les  organes 
de  I'accouplenient  r^ciproque. 

Get  ordre  comprend  les  I'unax  y  les  LapLijsies ^ 
jcs  dorls  J  les  thetys  ^  les  tnjjxliies  j  les  ducwes  _, 
les  pLanaires  J  les,  chitons  j  les  patelles  ^  el  loutes 
les  coquiiles  univalves  contournees  en.  spirale ,  k  s 
nautlles  except^'s  ,  s'il  est  vrai  que  la  seiche  qu'on 
J  trouve  ne  soit  pas  un  bote  parasite. 

3".  Les  ACEPHALES.  Leur  tete  est  cclL'e  et  enve- 
loppee  dans  la  partie  superieure  du  sac  ,  comme  dan^ 
im  capuc'ion  ,  ou ,  pour  mieux  dire  ,  ils  n'ont  pas 
de  tete  du  tout,  mais  seulement  une  Louche,  sanS 
dents  ni  mandibides.  On  ne  leur  trouve  ni  veux  ^  r.i 
oreilles.  Leurs  branchies  sont  quatre  feuilleis  sXvl'^s 

transversalement 


"Anlmaux  du  sang  blanc.  44^ 

transversalement  ;  leur  pied,  une  masse  chnrnue, 
sitiK^^e  entre  les  braiicljies,  c[ui  mancjue  quL^lquefois. 
lis  se  ff'coiident  isoltMiient  et  ;  omlei  t  dtis  ueufs. 

Get  ordre  compreud  les  ascidies  ^  \.'?,  bipkores  ^ 
toiites  les  bivalv.'S  sans  exception  ,  et  paniu  les 
muLlivaLvcs  J  \es  phoLades  j  les  teredo  ^  el  proba- 
blement  aussi  les  balanits  et  les  anatiftres. 


M  I  X  E  R  A  J-  O  G  1  E. 

Plerres  Jle.rib  ies. 

J_iE  cito^^en  FLcurLau  de  Bellevue  a  presente  a  la 
sociele  d'Hi?toire  natur 'lie  ,  d;in^  nwe  dc  >es  der- 
iiieresseajices,  des  pieiTesai.xqiK'll  s  il  a  c'')mmun  que 
la  propriete  d'etre  flexibles,  }.av  d  s  |  r  ;ced  s  ties- 
simples  ,  et  inseres  dans  la  Journal  de  Piiys'qae 
d'auut  T792.  11  a  et6  con  Uiil  a  cette  d;'coiiverte  j^ar 
vm  marhre  flexible,  qu'il  tronva  sur  le  m(,nt  Saint- 
Goihard  5  on  ne  connoissoit  encore  qir-  deux  pi'erres 
flexii)les,  dont  on  ignovoit  absoluinent  le  gissement  : 
la  premiere ,  un  gres  fri;ib'e  micac? ,  qui  vient,  dit  on , 
du  Bresil  ;  la  seconde  ,  uu  marbre  blanc  du  pala's 
Bor^lie;-e  a  Borne.  Le  narbrecpril  venoitde  f.-ouver, 
avoit  tons  les  caracleres  d."  cekii  du  palais  Boigliese. 
Le  ciloven  Fieuriau  en  examina  avec  sjin  la  siluntion 
et  la  nature.  II  vit  n'i!  et.-il  place  vers  le  sommet 
d'une  nionlagne  et  e\])osc^  a  u!i  dessecli3ment  con- 
tinual ;  UP  son  i  rain  etoit  cristallin  et  f  )rf  gros ;  enfin 
il  y  a  reco'snu  la  propriete  des  dolomies  ,  de  ne  se 
dissoudie  que  lentement  dans  les  abides ,  et  avec  une 
Tome  IL  i'  f 


*4^o  ^Uneralogie. 

effervrsceUce  tres-l(^gere.  II  aconclu ,  avec  Dolomleu  ,' 
que  la  flexibi]itc  des  pierres  etoit  due  a  un  tcartemenk 
tres-con^iderable  de  leurs  molecules  cristallines ;  et  les 
movens  qu'il  emploie  pour  leur  communiquer  cette 
propri^le,  prouvent  encore  celle  assertion  :  ils  con- 
sistent a  faire  eprouver ,  par  un  feu  capable  de  les 
faire  devenir  rouges  ,  un  long  desst'cbemsnt  aux 
pierres  que  Ton  veut  rendre  flexibles  ,  ct  a  les  amener, 
par  une  flexion  L'gere  et  gradue^e  entre  les  doigts  ,  a 
la  flexibility  qu'elles  doivent  conservcr.  II  faut  qu'elles 
aient  un  grain  cristallin.  Celles  a  cassure  terne  ou  vi- 
treuse  n'acquierent  jamais  cette  propriete.  Le  feu  ,  en 
ecarfant  les  molecules  crisiallines  pendant  un  long 
temps  bors  de  Icur  sphere  d'al traction  ,  ne  leur  permet 
pas  de  se  remettre  ,  par  le  refroidissement ,  dans  !eur 
premier  etat.  Alors  b  s  corps  soumis  a  cette  action 
acquierent  un  volume  plus  considerable,  absorbent 
I'eau  en  assez  grande  quantite  ,  et  leurs  molecules  ne 
tenant  plus ,  pour  ainsi  dire  ,  pTr  attraction  ,  mais 
seulement  par  enlacement,  ils  deviennent  tres-fragiles. 
Le  citqyen  Fleuriau  a  present^  a  la  so:  iele  du  marbre 
de  Carareetdu  gres,  devenus  flexibles  par ce precede. 


M  E  D  E  C  I  N  E. 

Observations  medicAles  sur  la  Suisse ^  faltes 
oaiis  un  vojjage  dans  pLusieurs  cantons^  par 
Le  cUoijeii  Drloubs. 

On  s'esi  beiucoup  elulie  en  Me  'eoine  pour  pro- 
noiicer  sur  ^influence  ae  I'at  Aiosphere  sur   le  corps 


I 


OhsercatLons  sur  la  Suisse.  40I 

humain  ;  dcpuis  Hipt-ocralcs,  des  liomnies  C('l;^bres 
ont  siiivi  scrupulcusement  les  temperatures  qui  se 
succedoient  pendant  une  suite  cl'muees,  et  out  dd- 
tmillc  les  efT.-ts  cju'ils  croyoieu!  en  eire  les  resultats. 

Les  iaslruclions  que  nous  off  eut  leurs  monumens, 
mtrilent  notre  juste  reconnoissaiice  ;cependant,  puis- 
que,  de  I'aveu  meme  de  ces  illusires  obsenateurs,  la 
meme  constitution  aerienne  ,  observ^e  a  differentcs 
epoques,  n'a  pas  produit  les  memes  maladies,  et  en 
a  meme  engendre  d."  contraires  ;  et  com nu'  nous 
vo.  ons  les  fruits  des  memes  arbr-s  diffe- er  en  quelque 
cliose  fLaque  annre  ,  il  paroit  que  i'mflueiice  de  Tat- 
mospbcre  y  a  fort  pen  de  pari. 

Ma  reconnoissanc  '  euvers  '  es  liommes  qui  m'ont 
instruit,  me  porte  a  reco.nmander  le  m^me  travail 
aux  amis  du  genre  humain.  Je  pense  que  chaque 
endroit  a  une  temperature  ,  une  constitution  qui  est 
locale  ;  eile  ne  depend  point  de  la  con.stiiution  gene- 
rale,  mais  elle  peut  en  etre  modifiee  :  o"\  diroit  que 
Pair  ne  conserve  cette  quali  ^  qu'aulant  qu'il  y 
croupit  ;  a  mesure  qu'il  en  est  chasse  ,  il  perd  ce 
caractere  local  pour  se  laisser  inlluencer  par  le  ter- 
ritoire  voisin  ^  qu'il  inonde.  II  j  a  done  une  constitu- 
tion generale  qui  v.iri.-  snivant  les  saisons  ;  rautreest 
pa:  ticuliere  ,  locale,  et  depend  de  cans  s  locales. 

On  obsv'rve  cette  difference  bien  marquee  dans  le 
caractere  de-;  maladies  ;  om  verra  dans  le  cours  de 
celtedisscrlation  ,  que  I'on  rei'contre  la  fievr.'  bilieuse, 
parexempe,  avec  un  c  inct^re  malin  dan>  un  en- 
droit, taiiciis  que  cette  meiiicfievresera  treL-benigaa 
a  une  pv.tile  diitauce  de  la. 

Ffa 


'4.^2  Medeclne. 

La  constitution  locale  depend  en  partie  des  emana»» 
tlons  des  veg^taux  qui  viennent  sur  les  lleux  ,  et  des 
jTiineraux  qu'on  y  rencontre  :  le  site  lui-meme  con- 
tribue  encore  a  l¥tablir. 

Apres  avoir  coup^  une  grande  quantite  de  gero- 
fliers  dans  Tile  de  Ternate,  Pair   en  devint  mal-sain. 
li'odeur  de  Vapfiron  doit,  assure  Pline  ,  occasionner 
ie  retour  d'une  maladie  quelconque.  L'air  des  mon- 
.tagnes  de  la  Suisse  est  sain  5  on  le  doit  a  sa  iegeret^  5 
mais  le  baume  des  vegc'taux  n'j  entre-t-il  pour  rien  ? 
On  sait  que  l'air  du  Perou  dissout  le  plomb  ou 
augmente  son  poids  5  dans  les  lieux  oii  il  y  a  beaucoup 
de  mines  de  cuivre,  les  liabitans  ont  les  dents  g^ne- 
ralement  affect^es  ;  les  mines  d'arsenic  du  Cap  de 
Bonne-F«p^rance,  si  elles  sont  long-temps  ouvertes, 
corrorapent  l'air  a  faire  perir  les  animaux  des  envi- 
rons.   Corabien  ne    co  npte-t-on  pas   de   grottes  en 
Europe  ,  oil  les  exhalaisons  souterraines  reunies  s'e- 
cliappent  et  font  perir  tout  ce  qui  les  approche  ?   Les 
montagnes  calcaires  ,  suivant  le  t  'moiguage  de  Black 
et  de  Priestley ,  exiialent  une  grande  quantite  d'air 
nie[Jiytique  ;  la  marne  se    dissout    facilement  dans 
Pair ,  qui  se  trouve  necessairement  surcharge  de  ces 
differens  principes  ,   et  devient  par-la  plusou  moins 
salubre. 

lie  site  lui-raerne  j  contribue  encore  ;  je  me  borne- 
rai  dais  ce  Tiioment  a  uuseul  exemplequi  m'a  frapp6 
plus  d'uiie  fois. 

Clii:;pis  est  m\  village  du  Valais ,  dans  \?  dizain  de 
Sirre  ;  il  est  situ6  a  I'embouchure  de  la  vallee  d'An- 
lievie^  et  doiiiiC  par  cette   grande  vallee  dont  le* 


Observations  sur  la  Suisse.  453 

jnontagnes  peuvent  avoir  six  t  cuts  tois;'s  d'elevalion. 
Ces  mo'itagnes  tr;^s-fer!iles  sont  occupies  pendant 
r^te  par  un  ^'randnombre  de  l^estiaux.  II  semble  one 
les  exhalaisons  de  ces  animaux  devroieiit  se  dissiper 
par  un  air  continuellement  agile,  et  suivre  I'impul- 
sion  des  vents  ;  cependant  tons  ceux  qui  passent  a 
CIn'i  pis  pendant  l'('te  ,  rencontrent  cette  meme 
odenr  qu'oii  sent  dans  tous  les  clialelsde  lamontagne, 
et  qui  >  lent  aboulir  la  par  sa  pesanteur  specLfique ,  et 
pes  r  sur  les  liabiians  de  ce  village  ,  qui  sont  petils  , 
laids,  et  coninie  «'crases  d'un  pareil  fardeau.  Si  oi» 
jelfe  un  coup  d'oeilsur  tous  les  habitans  d?s  embou- 
chrres  des  \  allons  valaisans  ,  on  observera  les  memes 
resnilals  ;  le  crelinisnie  le  plus  complet  j  regne ,  les 
liabitans  sont  petits  ,  laids  et  parosseux.  Mais  d'oii 
vieiit  que  le  cr  ti-nsine  de  Tvlartiguj^  passe aujourdliui 
a  Moulhai  ,  qui  en  e,st  eloigne  de  quatre  lieues? 

Les  liabiians  de  la  Suisse ,  situes  au  pied  du  Jura  , 
ofTrent  d  s  varieics  bi^n  frappanies  :  en  sortant  de 
Neuc' atcl  pour  rentrer  dans  le  canton  ds  Berne,  a 
peine  a-t-oii  passe  le  pont  de  Bienne ,  qu'on  trouve 
un  a!:lre  p.npip,  un  autre  lan.age,  un  autre  habil- 
len.ent.  Qui  pourroit  en  designer  ies  causes  topogra- 
pliiquesr  E '.  suivant  la  n^cme  chaine  de  montagnes 
pour  entrer  dans  le  canton  de  Soleure,  on  observe  un 
changement  marcjue  dans  deux  portions  du  meme 
village  ;  dans  la  paiiie  qui  appavtienl  au  canton  de 
Soleure,  lonl  par^it  mieux  ;  le  sang  y  est  deja  beau, 
on  y  trouve  d'ai:tres  fi;iures  :  en  sorlanl  de  ce  nieuie 
can!  n  uour  alier  a  Aran  ,  on  rencontre  encore  un 
iiOLiveau  changcmciit  3  les  belL's  Ancinandes  tout 


4.')4  Medeclne. 

phis  rf^fl  'cliiVs.  Les  causes  ;vorales ,  je  le  sals,  poiivent 

y  contribuer  ;  mais  je  voudrois  encore  qu'iui  nalura- 

liste  in'en  e  pH  uint  !es  causes  nlivsiques,  Duisque  la 

menie  religion  ne  produit  pas  d'uiie  nvuiiere  uniTovme 

ces  memes    effets    dans    lout    le  canton  ou   elle  est 

exerc^e. 

Quplquesba'iles me  lecins  de  Neucliatel  out  obs'erv6 
que  les  rera'des  qui  leur  ont  r^ussi  dans  cette  capi- 
tale^  n'ont  ]'lus  prodnit  le  erne  effet  dans  les  raemes 
maladies  a  Bienne,  qui  n'en  est  qu'a  cinq  lieues  de 
distance  :  dans  cliafjue  locality  ,  les  maladies  pre- 
sentert  a  I'oeil  observateur  des  difT^'ences  marquees 
dans  les  symptoi^es  et  dans  les  moyens  d'obvier  a 
ces  memes  maladies. 

Quand  les  medecins  auront-ils  determine  ponrquoi 
les  ecrouelles  sont  end;-Miioues  siir  la  coie  d;i  lac  de 
Geneve  el  a  Geneve  meme  (i)?  j^ourqnoi  le  s'^orbut 
a  aussi  sa  localite  (2)  ?  pourcjuoi  il  j  a  pen  d'ecrouelles 

(i)  Pourquoi  I'hyihropisie  de  cerveaii  seroit-elle  plus  com- 
Jnune  a  Geneve  ?  pourquoi  n'observe-t-on  ii  Bienne  ni  guitre 
ni  gravelle  ?  I'eau  de  Bienne  est  la  meilleure  qu'on 
co;,noisse. 

(2)  A  Lenzbourg  les  fievres  se  i  rolongcnt  facilement , 
pavce  que  la  constitution  y  est  scorbulique  :  ]a  plitysie  puru- 
iente  s'y  annonce  au  printenis  ,  ou  en  automne  ;  il  y  a  encore 
dans  ce  pays  beaucoup  d'liydropisies  de  cerveau  :  i!  n'y  a 
point  de  lievres  intermitientes  a  Berne,  et  on  n'y  connoit 
pas  les  fievres  lentes  nerveuses.  La  fic^vre  quarte  est  pins  o;  i- 
niatre  a  Sarnest,  canton  d'Unerwa  den  ,  que  par-tout  ailJeurs. 
Les  ph  uresies  entrent  ici  encoxe  plus  facileiuent  "en  suppura- 
tion ,   cl  sci   liubiiujs  out   une  tlisposltiou  aux  bernies. 


OhscrvatLons  sur  la  Suisse.  455 

a  Neucbatel  (i)?  pourquoi  on  observe  peu  de  fievrcs 
tierces  a  01  ten  (2)  et  a  Berne  (3)  ,  et  beaucoup  plus  a 
Saint -Aubain  et  h.  N.'ncliatel?  pourquoi  les  maladies 
de  poitrine  entrent  plus  facilement  en  suppuration 
dans  un  endroit  que  dans  un  autre  ?  Pourquoi  a  Saint- 
Aubain  on  n'observe  pjint  d'epidemies,  ma's  scu'e- 
meiit  d^s  maladies  de  saison  ?  pourquoi  le  ja':;p  reus- 
sit-il  mieux  a  Yverdun  que  par-tout  ailleurs?  Quand 
les  medecii;s  sauront  determiuer  les  causes  de  i'ende- 
inicite  des  maladies,  ils  en  developperont  par-la  I3 
caractere ,  et  la  raaniere  d'3'  obvier  sera  bien  claire 
et  sure. 
II  paroit  qu'une  correspoudance  exacte  et  suivic 

(1)  Les  bydropisies  sont  tres-frequentes  a  Neuch;Uel  ;  on 
diroit  que  les  habitans  y  naissent  avec  une  Jispositiou  parti- 
cu'iere  k  de  teiles  ma'adies  ;  on  y  observe  une  molesse  ,  ua 
air  d'apathle  chcz  les  femmes  ,  qui  ont  les  pieds  tr^s-gros. 
Les  Bernolses  sout  mieux  prises  ,  eUes  ont  les  pieds  mieux 
fails  et  sont  moins  exposees  a  celte  maladie.  Les  aperitifs  ne 
leusissent  nulle  part  mieux  qu'a  jS^euchateL 

(2)  On  n'observe  presque  jamais  la  petite  verole  a  Oltcn  ; 
quoique  dans  cette  villa  la  constituti'JU  bileuse  et  pituitcuse 
y  predomine  ,  cependant  TeraJt-q-ie  n'y  tcuSsit  pas  comme 
en  Valais  ,  il  y  faut  des  purgaiifs.  Les  habitans  d'OIten  qui 
ont  ete  travailles  par  des  afieotions  d'ame  ,  tnoubenl  ,  la 
plus  faciiement  qu'aiileurs  ,  dans  la  pbtyiic  quo  suit  bieul6t 
I'bydrupisie. 

(3)  Pourquoi  la  dysscntcrie  seroit-elie  end^-mique  k  Aran  , 
el  n'observc-t-ua  pas  l;i  drs  ibumatismcs  ?  Les  Auctions  de 
poitrine  y  suppurcnt  tr;'s-facilemcnt  ,  ce  qui  est  rare  i 
Aig'e  dans  le  pays  do  Yaud.  A  Baden  la  phlysic  est  iu- 
coiinue. 

If4 


456  MMeclrie. 

pourroit  ^claircir  tous  les  doutes  ,  du  moi'ns  en  granda 
partie  ;  tiitiis  c"  aqiie  medecin  a  sa  faron  de  voir  et  de 
sentir  ,  d'apres  lacpelle  il  jiige  et  prononce  ;  car 
quelles  graiides  vari  t^\s  d\>pinion  ne  renconfro-t-on 
pas  siir  le  nieme  cas?  W  faudroil  done  que  le  meme 
ceil  vit  tout  par  lui-nieme  5  el  ,  pour  prendre  ^^s  ren- 
seignexeus  plus  i^octiC- ,  il  f.uidroit  uii  sejour  plus  on 
moins  loi!g.  Jo  fis,  en  1794,  un  voyage  de  ce  genre 
dans  toule  la  Suisse  ;  mais  je  n'ai  pn  poursuivre  bien 
Join  mes  recher;  hes ,  a;"ant  ^\.b  oblig6  d'abr(^ger  mes 
s^'jours.  J'esperois  que  le  zele  de,  mes  confreres  auroit 
sup;  Ine  a  ce  manque  de  temps  ;  mais  ces  medecinsde 
mauvaise  bumeur ,  qui ,  par  leurs  duretcs,  ontraleuti 
mon  zele  ,  doivent  enfia  sentir  que  leurs  pro- 
cedrs  ne  iresont  pas  personnels,  malsqu'ils  respirent 
im  egoi'sme  qui  ne  s'allia  jamais  avec  le  v.^ritable  amour 
de  rhu  ^aii  te.  Considerons  maintenant  les  localites 
sous  un  autre  point  de  vue. 

La  terre,Mui  dimnoit  naissance  s'lr  les  monldgnes  de 
la  Suisse  a  des  aromates,  transportoe  sur  les  cotes  du 
]ac  de  Gw^neve  ,  lournit  d'autres  sinqDles  qui  sont  Lien 
differens  des  premiers.  Une  puissance  ,  encor?  inde-^ 
terminee  par  c.s  naturalistes ,  paroit  dt'teruiiner  la 
nature  d:  s  vegetaux.  Le  mUlefoLlum  desmontagnes 
a  une  essence  bien  dififerente  du  nuiU'foiiuni  des 
pajs  plats.  Les  animaux  des  montagnes sont  plus  gais 
que  ccux  des  plaines  ;  qu'on  mette  en  parallele  un 
boeuf  qui  pait  sur  les  bords  du  lac  Leman  ,  avec  celui 
qui  descend  du  Sibe  thai  et  du  Gessenai :  quelle  diffe- 
rence ?  Le  heurre  fait  sur  les  Alpes  est  bien  plus 
exquis  que  celni  qu'on  fait  a  Geneve,  ou  aillcurs. 


Ohsen'alions  sur  la  Suisse.  4^7 

^vec  .mecreme.ramrorl^e  avec  soin  de  nos  mem-- 
tagnes  ;  il  y  a  un  je  ne  sa  s  c,uoi ,  u„  p,inc.p.  local    r) 
caelum  q„rM,l:.i......  Hn„.  On  n.  peu,  aUr.U.er  ces  ,,     - 

„ome„es  a  I'iull.eMCe  <te  l'al,.o.  lu-re ;  ,lj  a  des  ,.y  » 
oi,  les  fo  -Ciuns  se  font  a  m  rveillo  ,  et  d'autres  ou  ,es 
crudit.'\s   paroisseut   par-font. 

On  allrftuem  peu:-e..c.  pour  canse  de  re,  crudW-s, 
Iceanx  ;'  on  in  ulpera  les  lerre.  par  lesquelles  les 
eanv  fiUren,  :  ,.ai,,  on  s.  lo  •  p^-  ^'  'f^^  '^■'  "* 
memo  nature  louv.iisieat  tie  la  bonae  et  de  la  mdu- 


vais.-  ean. 


La  hauteur  de  nos  montagnes ,  le  p-u  de  temps 
pendaat  lequel  le  soleil  ^lardc  scs  Rayons  sur  les  hab.- 
tans  de  nos  vallons,  pourroit  passer  pour  otre  cause 
de  res  n'sullats  ;  niais  I'observation  prouve  le  con- 
iraire.  Les  habiia  .s  de  Sierre  ,  qui  out  le  ^f^^J'''^ 
Leurecpar  jour  plus  long-!emrs  que  ceuK  de  Marli- 
.uy.  n'en  sent  pas  moins  stupid.s.  Faudroit-i  latln- 
Wala:eg.r.,ede,^ur,ouasasd3UUte     les^^^ 

p^nc'trantdesiTiontagnaids:  cct  air  qui  peuelre  plu.> 
faci!e,r.e.,t  les  en' rallies  de  la  terre ,  vivifie  lout ,  et 
esl  I'agent  de  tout  ce  qui  s'opere  ? 

(r)   D'ou   vientqu'auVourg  d.  S.Int-Pierr.  en  Valais  ,  oh 
ron    vU    p.u,    de  frou.35.    4ue    dins    ^^     -Ues     paro^ss. 
de  I'Eatrcmont,   trouvc-t-o„  ,    plus    qu'adlcurs  ,  des  enfans 
crui    o.t  une   anlipathle  raturelle  pour   le   fromage 

r  es  ulcires  aux  jambes  sont  commun  a  Aigle  et  en  \a  a:s. 
ov'i  le  scorbutetles  ecrouelles  font  ravage  ;  b  fievre  lemc 
nerveuse  en  ravage  tour-a-tour  les  parois.ses.  La  l^pre  es 
dans  certains  districts  du  Valal..  A    Zmich  ,  luuUe  m^ndo  a 


4'"^^  Medeclne. 

M.  Grunnor  pretend  qu'on  clofl  la  non-apparlMoii 
c^e  la  pr,  te  e:i  Suis-e  depuis  Tan  1629,  a  Paugmenfa- 
liori  des  glaciers  5  mais  il  se  trompe  :  les  observations 
que  j'ai  iailes  d^posent  contre  lui.  On  verra  dans  uii 
de  rnr«  m^moires  sur  la  peste,  qu'elle  j  existoit  il  n'j  a 
pas  si  long-t  mps  ;  elb  HoW  a  la  v<§rit^  peu  r^pandue  ; 
niaisPairdes  montagnes,  lorsrjue  les  <;r.:mdes  foi-tes 
de  nei.:e  ont   li.:ii,  ergendre   loiijours  des  maladies 
d'un  mauvais  caractt're.  Lanj^lioiis  croit ,  avec  Beau- 
coup  d'autres  physiciens,  que  I'eau  de  glace  est  la 
plus  legere  ;  mais  en  iisant  les  experiences  d'llippo- 
crates  a  cet  f'gard  ,  on  verra  qu'on  se  trompe'  Ne 
seroit-ce  point  a  la  leg^rete  de  Pair  qui  se  mele  avec 
lese^ux  ,  qu'on  doitaltribuer  leur  bonte  ?  cette  qualite 
de  Pair  influe  sur  les  fruiis ,  qui  pourrissent  facilement 
OQ  Pair  est  pesant ,  et  abondent  f  n  acide  on  la  legerete 
est  plus  dccidc^.'Le  sale  des  montagnes  ds  !a  Suis  e 
doit  encore  a  cet  air  sa  qualite.  Vojons  actuelleracnt 
Pinfluence  de  Pair  sur  le  moral. 

li'esnr  t  est  plus  pur  sur  les  monlagnes  ,  les  facultes 
de  I'ame  ont  plus  d'energie  j  vojez  les  cliants  po^- 
tiques  du  crlehre  Haller  ;  mais  d'oii  rerurent,  les 
Suisses,  leur  esirit  et  leurs  loix  ?  Suivant  le  rapport 
de  plusieurs  savans  ,  \vs  Ht-lvetiens  sont  des  Celtes. 
HetvL^  terme  celtique  qui  signifie  chasseur^  annon- 
ceroii  que  ce  peuple  n'est  poiiit  tine  nation  celte 
qui  se  r^^fugioit  sur  ce  territoiro,  mais  une  nation 
indigene  qui  vivoit  dec  basse  j  les  animaux  qu'on  y 
ren:ontroit  ,  les  forets  immeuies  qui  s'y  trouvoient, 
pouvoient  suffire  a  cette  pelite  penpladc.  Si  ('eutete 
une    emigration    des  Celtes,    clle   ne   &y  seroil  pas 


Observations  sur  la  Suisse.  4^)9 

porl.'e,  d'lin  terrain  cultiv^  et  civilis<^ ,  dans  des 
forets  ,  pour  n'j  vivre  que  de  la  chasse  :  si  les 
Celtes,  suivant  I'opinion  de  Debo  .ijat ,  ont  su  bap- 
tiser  lome  la  Suisse  ,  il  leur  fant  necr:^Sairement  ac- 
corder  un  grain  de  sel  ;  or  ,  t  omment  ce  peuple  se 
seroil-il  d^Muiiure  jusqu'a  ne  coiiuoilre  que  les  res- 
sources  de  la  chasse  ?  Oa  doit  al  andonner  ,  j^'  pense, 
ces  opiiiions  ;  et  pourquoi  lair?  sortir  fcous  les  peuples 
les  uiis  (!e.^  aiMres  .'  La  ualure  est  par  -  tout 
feconde  ,  et  .'•i  elle  a  su  produire  des  goitres  en 
Suisse,  pourquoi  n'auroit-elle  pas  d'eile-meme  fait 
sortir  la  tige  de  ce  chairpignon  (i)? 

Les  Hetuis  ^  depourvus  de  loule  idrereliiieus?  , 
eurent  de  la  peine  (nsuite  a  distinguer  I'Elre  Su- 
preme, avec  'a  deciidence  de  la  nature  ou  lesrevers  • 
du  sort,  ils  les  envisageoient  conme  les  ouvrages 
d'un  cs[irit  malin.  Dans  le  quatorzi^me  siecle  e j:ore  , 
ils  faisoient  intenter,  jar  Belial ,  un  proems  a  J.  C. 
Le  demon  (2)  v  6toitpresque  ador'  ,  alin  (ju'il  ne  fit 
pas  du  mal  aux  bnb'tans.  Get  esprit  de  crtdulite 
n'a  pu  etre   dclruit  ni  par  les  Celtes  ,  ni  paries  Car- 

(i)  La  mnnie  de  faire  sortir  ]es  nations  !ps  un.?s  des  autres,  a 
gagne  aussi  un  fameux  auteurdenos  jours,  qui  croit  que 
les  Samoy^dej  sent  sorlis  de  lu  Finlande;  mais  les  Samoy^des 
sent  plus  ancier.s  que  cos  Labitans  de  la  Finlandt;  ;  je  m'en 
xappoTle  a  un  auU-ur  qui  a  ecrit  400  ans  avanf  I'ere  vu!- 
gaire. 

(2)  J'ai  un  111-4  o  ^'"  quatorzl&me  sii^cle  ,  qui  fraite  au  long 
de  CO  I'ameux  procL-s  ,  et  dit  que  Dieu  i- p<' re  remit  la  cause 
de  son  liJs  a  TarbiUc  de  SiiiQuiuu  ,  dc  Mojsc  ,  d'lsaii  ct 
d'Ariiiule. 


4^o  Medecine. 

^hacinols  ,  ni  par  ]es  Roniciins  ,  qui  vi'nreiit  succes- 
5ivement  dans  nos  contrecs.  Les  .HeU'is  ^  enrerevant 
Ic  nt  cle  ces  nations,  conscrvert^nt  lenrs  superstitions  5 
et  la  religion  de  ceux-la  plioit  sous  ie  joug  du  culle 
de  cen>-ci  ;  les  arts  et  les  sciences  penctrerent  dans 
les  Gaules  avec  beaucoup  de  difficultcs,  et  lout  ce 
qui  y  paroi.^soit  avoit  ie  sceau  mystique.  Ce  que 
les  Utivls  ont  Ie  plws  soigneuseraent  conserve  ,  c'est 
i  amour  qu'i's  ont  encore  aujourdljui  pour  les 
montarnes,  leurs  premieres  meres  r.ourricieres.  Le 
besom  guidoit  leurs  vues,  et  dans  ur.e  grande  partie 
d©  I'Helvttieon  mtfnage,  encore  actuellement  ,  plus 
ies  animaux  que  les  bommes  5  la  sortie  de  ceu.\-ci 
est   encore  permise. 

Parce  qn'on  rencortre  cbez  les  Helvetiens 
quelques  rils  qu'ils  ont  appris  dcs  Gebes  ou  des 
Romains  5  pourra-t-on  inferer  de-la  que  les  Helve- 
tiens descendent  des  Geltes?  On  se  fait  un  crime? 
dans  .quelques  districts  de  la  Suisse  ,  de  tuer  certains 
animaux  ;  mais  ce  peuple  seroit-il  descendu  de  Py- 
thagore?  Dans  un  vieux  manuscrit  que  j'ai  ,  il  est 
simplement  dit  que  Ijs  Celies  arriverent  dans  les 
Gaules  a  difft'rentes  reprises,  ce  qui  cmnonceroit  des 
petites  recrues,  et  non  pas  une  emigration  com- 
plete. 

Une  naiion  tartare  venere  ^es  liaules  montagnes, 
les  Gaulois  et  les  Romains  avant  eux,  eurent  aussi  une 
veneration  pour  les  montagnes.  Mais ,  quoi  de  plus 
^tonnant  que  de  I'observer  encore  de  nos  jours  ? 
Tous  nos  pelerinages  sont  dans  des  lieux  escarpes , 
s'iis  veulejil  faire  fortune.  Des  moiiies  se  logerent , 


Observations  stir  la  Suisse.  4^1^ 

en  i3i8,  dans  des  troiis  pratiques  dans  des  rocs,  et 
on  y  observe  en  Suisse  encore  des  cellules. 

En   feuilletant  les  ouvrages  d'Hippocrates ,    et  en 
apprcciant    dilTerens    passages,    on    seroit    porte    a 
croi'.e    que    cette    veneration     est    I'efiet    de    la    loi 
naturtile.   Ee   feodalisme  ,  en  conslruisant  des  cha- 
teaux sur  des  pains  de  sucre  ,  peut  en  imposer  ;  non 
seulement    I'em placement    de   la    forteresse ,    mais 
encore  Popinion  ,  qui  considere  tout  ce  qui  est  eleve 
au-dessns  de  la  sphere  commune ,  quoique  les  forces 
plijsiquesj  manquent  souvent.  II  n'y   a  pas  de  pays 
on  il  ait  en  autanl  de  guerre  qu'en  Valais,  parce  que 
chaque  riche  particuher y  t-ouvoit  des  emplacemena 
iavorables  pour  cor.struire  des  chateaux  5  k's  eveques 
avoient  aussi  Ls  leurs. 

Tons   les  hommes   aiment  les  montarnes  ,    parce 
que  rhomme  est  ne  sauvage  ,  et  que  la  mor.tagne 
nous   approche  d^  la  condition  primitive  ;   tons  les 
habitans  des  campa-nes  choisissent ,  ]>our  I'^tabhsse- 
ment  d.;  leur  demeur?  ,  on  une  co'.line,  ou  une  ele- 
vation :  sortez  rhomme  de  cetle  sphere,  \e  hemve 
le  snivra  par-tout;  il  vent  borner  les  operations  de 
son    intelligence   a   la    circonference  que  la    nature 
tra-a  k  son  berceau.    La    perspective    de  s'etahlir 
ailleurs  gagne  fort  peu  de  montagnards  ,   qui  n'oc- 
cupent  cependant  pas  le  site  le  phis  commode  dc  la 
Suisse.  L'asperite  du  sol  les  rend  rustres  ,  et  ils  ne 
rencontrent  rieu  oii  ils  puissent  mieux  reposer  leur 
imagination  ,    que    la   ou  la    nature   prit    le   limon 
pour  les   iormerj  la,   d'oii  Prom^ih^e  atte.gnit  U 


I 


462  Medecltie. 

soleil   pour  en   arrachcr    une   etincelle    et  les  ani- 

mer  (i). 

Demander  d'ou  sortirent  les  premiers  liabitans  de 
I'Helv^tie  5  c'est  demander  d'ou  sortirent  les  loups  , 
les  mouclies  et  les  insecles  de  la  Suisse.  Si  la  meme 
terre  ne  produit  pas  par-tout  les  memes  aromates  , 
pourquoi  toutes  les  nations  auroient-elles  la  meme 
origine  ,  les  memes  prrjuges,  L^s  n  emes  supersti- 
tions ?  Les  nations  non  civili.ees  qui  formerent  peu  k 
peu  un  efat  social ,  adopterent  d'elles-memes  diffe- 
rens  r'ts  et  differentes  opinions  5  celles  qui  ss  rap- 
procherent  a  cet  egard,  ne  descendent  pas  plus  les 
unes  des  autres  ,  que  la  reaoncuLe  glaciate  de  la 
SIberie  ne  descend  de  la  renoacLiie  gtaciale  du 
Valais. 

(i)  On  serolt  tente  de  croire  que  la  nature  des  rayons  du 
tfoleil  n'est  pas  par-tout  ia  meme  ,  qu'elle  vavie  ainsi  que  ses 
cfiets;  ondiroit,a  en  juger  d'apres  quelques  observations,  que 
ie  soleil  a  pour  chaque  pays  une  intlu;^ijce  pjrticuli^re  ;  I'in- 
tensite  et  I'effet  de  sa  clialeur  dependent  et  du  corps  qui  ali- 
mente  le  feu  ,  et  de  la  nature  de  ceiui  qui  le  recoit. 


ARTS     C  II I  M  I  Q  U  E  S. 

Kecueil  de  procedes  et  d'expLTLences  sur  les 
teiaiures  soLUies  que  nos  vcgclaux  Lndlgtiies 
coniniuniquent  aux  laities  el  aux  lainages  j, 
par  le  cUoj^en  Dambour^ey  ^  negocuant  ch 
KoLiea.  NouveUe  idition  ^  revue  ^  corrigce  ^  et 
dans  laquelLe  se  trouve  rcjondu  Le  supple^ 
merit  qui  a  puru  depuis.  A  Paris  ,  chez  Aubry  , 
libraire,  rue  Baillelte  ,  N."  2.  A  Rouen,  cbez 
veuve  L.  Dnmesnil  et  Montier,  rue  de  Socrates, 
N.o  6  ,  an  2..^  de  la  Ropublique  franraise  ,  (  1793  ). 
Iii-8.°  de  389  pages ,  saus  les  tables. 

Xj'historiquk  litterairc  de  cct   ouvrage   exig-^    le 
preaml)ule  suivant  : 

II J  a  plus  de  quinza  ans  que  le  citojen  Dambour- 
nev ,  alors  secretaire  de  la  ci-devant  academie  des 
sciences  ,  arts  et  belles-lettres  de  Rouen  ,  m'entrete- 
noit  de  ses  operations  cbiraico-tinctoriales.  «  J'ai  fait , 
»  me  disoit-il ,  pendant  deux  ans  ,  des  experiences 
21  assez  inutilement,  pour  exlraire  la  fecule  bleue  de 
»  nos  plantes,  dans  lesquelles  je  crojois  reronnoltre 
«  quelqu'analogic  avec  Tanil.  Je  vi^ns  ausi  de  m'oc- 
«  CLiper  d.' la  rec'.crc' e  des  plantes  qui  contienneut 
y>  assez  de  nitre ,  tout  form^ ,  pour  fulminer  ou  ful- 
>'  gurer  en  Ijrulant ,  et  la  liste  en  est  ^Ja  considerable. 
«  Mais  comment  en  extraire  ce  nitr  ,  sans  le  decom- 
»  poser?  C'est  a  quoi  e  n'ai  pu  parvenir.  E  )ullition  , 
«  infusion  J  putrefaction,  simple  expression,  evapo- 


464  ^Arts  cliLinlques. 

»  ration  tres-lente,  meme  an  solcil ,  iie  ir'ont  clonn6 
»  que  des  sels  denatures ,  dans  lesqu,  is  !e  nitre  dumi- 
»  noit  ,  mais  que  la  base  alkaline  n'a  pu  retablir. 
y>  Cependant  cbacune  de  c?s  plantes  en  poudre  m'a 
3)  donne  beaucoup  d'acide  nitnc[ue  ,  par  Pintermede 
J)  d'acide  suirnriqu?.  Mon  but  etoit  d'afTrancbir  la 
»  nitridcalion  des  longneurs  et  de  la  puaateur  qu'elle 
:»  enlraine  par  Li  voie  ordinaire.  Je  vois  le  nitre 
»  prrsque  par-tout ,  sans  pouvoir  le  sa'sir.  Les  extraits 
»  ne  m'offrent  que  des  sirops,  dont  l\''paisseur  s'op- 
»  pose  a  la  cristallisalio  j  '  et  a  peine  -a  fermentation, 
»  memeputride,  detiuit-elle  celte  raucosit^  ». 

An  commencement  de  1780,  le  citoven  Dambonr- 
jiej  me  f'oisoit  part  ciu'a  i'instir  de  ma  ])-:ytogra]diie 
economique  ,  il  en  redigeoit  uiie  qui  cjntenoit  un 
cours  d'e^  pc^riences ,  i^our  faire  voir  quelles  cou  eurs 
solides  peuveut  procurer  sur  ies  laines  les  ois,  fruits, 
fleurs  et  racines  indigenes,  'e  me  trouve  dej;; ,  isoil- 
il,  i36  bonnes  couleurs  ou  nuan  es,  et  a  peiuesnis-je 
entr6  dans  la  carriere.  Cela  nous  prouve  cjue  les 
tresors  de  la  nature  sont  inepuisables  ;  il  ne  nous 
manque  que  le  couiage  tt  le  loisir  de  les  tirer  de  sou 
sein.  Sur  la  fia  de  la  meme  ani'.ee,  le  cilojeu  Dam- 
bonrnej  avoit  ol  tenu  821  nuances  de  couleurs  solides 
sur  laine  5  extraites  de  veg'taux  du  dt'i-arlernent  du 
Calvados.  II  ne  me  manque  plus,  dit-il  ,  c  i!e  du 
bleu  pour  complc^ter  ma  fuco-grapliie,  je  chercbe 
vainement  depuis  une  ann^e  actuellement  revolue. 
Mais  la  decouverte  etla  facilite  d'employer  en  grand 
le  vert  natif  et  solide ,  sans  melange  de  bleu  et  de 
jaune,  m'encournge  a  poursuiyre  mou  travail  ,   qui 

d  a  lieurs 


Couieurs  i-'cgttaies.  465 

iVai'leurs  m'amuss  beancoup  pnr  la  vnricte  des  plie- 
nomenes  imprevus  qu'il  me  pivsenle.  Je  compte 
niaiiiteaant  (  en  1782  )  plus  de  700  produifs  soliiles 
Mir  laine  ;  vous  yoyez  que  ma  phytogiaphie  indigpna 
tinctuiiale  avance.  Ma  s,  depuis  ce  temps,  Ic  citoyen 
Danii.odrney  s'est  perseveramnient  orcupc^  du  meitie 
travail ;  il  a  portc^  a  plus  de  i.^oo  nurincrss  solides  ses 
iiiporlantes  decuuvc^rtcs. 

Ce  rcrueil  ,  pivcieux  au\  arts  et  auK  .sciences  , 
indique  done  avec  certilude  a  nos  ma  ^uCaclures  les 
fruits,  les  fleurs ,  les  bois ,  les  plautes  et  les  raciues 
indigenes  ou  naturaiise's,  propres  a  suppleer  les  raa- 
tic'rcs  colorantcs  que  I'elranger  ne  nous  fouri  it  (;u'a 
grands  frais.  II  ensei^ne  avec  clarte  des  proctdi's 
simples  par  lesquels  on  ])eut  aiseinent  inultiplieu 
leurs  nuancps  et  consolid'.  r  leurs  couieurs.  Le  citoyen 
I>ambourney  n'a  ^pargi  e  ni  rcclierches,  ni  travaux  , 
iii  veilles ,  ni  depenses ,  pour  trouver  dans  le  sein 
meme  de  sa  patrie  des  moyens  fac'les  et  pen  dispen- 
clieux,  de  donner  a  hos  manufactures  une  preponde- 
rance sur  celles  qui  nous  environment.  II  a  reussi. 

La  premiere  Edition  parut  en  1786  ;  deux  ans 
apres,  le  citoyen  Dambourney  fournit  unsuppb'ment. 
Cetle  nouvelle  edition  oifre  toutca  les  experiences 
primitives  et  consc^cutives,  classees  par  ordre  alpb'a- 
betique  des  no.ns  francais  d<  s  vegetauxquiont  fourui 
des  nuances.  Une  ta})le  gen^rale  et  alphabetique  des 
couieurs  ,  ainsi  qu'une  autre  t:ible  des  v^-getaux  ,  ter- 
minent  cet  ouvrage^  ct  lacilitent  Us  dilTerentes  re- 
cbercbes. 

Je  leruiiiicra!  cet  article,  en  rappflant  quelques 
loiii.e  11.  .  O  g 


i^df,  ''Arts  chlnilqaes. 

traits  du  Jiigement  p  ononce  siir  ce  livre  par  les  com- 
inissaires  de  la  ci-devant  acadeniie  de  Rouen  ,  les 
citoj'Pn  Pinard  ,  Gosseaume  et  Mezaize. 

«  Avec  quelle  sensibility  le  cifojen  Dambourney 
at-il  du  voir  son  travail  fructifier  dans  ses  mains, 
et  les  substances  ,  les  plus  viles  en  apparence  ,  lui 
fournir  les  plus  riches  et  Irs  plus  solides  couleurs! 

»  Qu'il  s'applaudisse  des  produits  s  'duisans  de  la 
fumeterre  ,  du  pcuplier  d'ltalie  ,  du  sarrazin  ,  du 
bouleau,  du  noyer,  de  la  bruvere,  de  la  gn ranee, 
et  sur-tout  des  taics  de  la  bourdaine.  II  faudroit  tout 
citer,  d^tailler,  pour  montrer  I'ciendue  de  la  recon- 
noissance  qn'il  merite. 

»  C'est  dans  celte  ]:elle  suite  d'operalions  qu'il  est 
interessant  de  le  voir  interroger  sans  cessela  nature, 
revenir  avec  empressement  sur  les  couleurs  les  plus 
faites  ,  par  icur  6clat,  pour  temp.Ter  son  ardeur  i^r— 
J3atiente»  les  combiner,  essayer  meme  de  les  decom- 
poser, dans  la  vue  d'en  extraire  de  nouveaux  tresors. 
Mais  que  ci'ennuis  devores  ne  supposent  pas  de  si 
nombreuscs  experiences  ;  Les  racines  ,  les  fleurs  ,  les 
fruits  Iss  plus  coJores ,  sont  toujours  ceux  qui  t  ennent 
le  moins  ce  qu'iis  semblent  prometire  ,  ou  blen  la 
couleur  la  plus  s^duisaute  s'evanouit  a  i'epreuve  qui 
doit  en  certifier  la  solidite.  Qu'on  reflecliisse  mainte- 
nant  aux  tenlatives  lieureuses  on  infruclueuses  que  le 
citoyen  Damhourney  a  dii  faire,  el  dont  les  nuances 
qu'il  prdsenle  ne  sont  que  le  r^esullat  ^  et  Ton  commen- 
cera  a  prendre  une  juste  idee  de  I'etendue  de  ses 
operations. 

y  Saus  perdre   de   vue  sou  o])jet  principal  ,  il  a 


Couleurs  u^gctaies>  4^ 

chercli6  tous  les  moyens  de  roinmiuii{;ucr  an  fil  ct  au 
colon  les  riches  couleurs  qu'il  a  su  fixer  siir  la  laine  ; 
et  I'inulilite  ineme  de  s^s  operations  est  une  acquisi- 
tion reelle  pour  la  science  ,  puisqu'elle  dispense  a 
i'avenir  d'une  infinite  de  tentatives  fastidieuses  et  sle- 
riles ,  les  personnes  qui  se  proposeroient  de  parcourir, 
apres  lui,  cette  nouvelle  carriore. 

»  Observateur  atteutif ,  r(5dacleurfidele,  lecltoven 
Dambourney  ne  paroit  occup^  ,  dans  tout  le  rours  de 
son  ouvrage  ,  que  du  soin  de  transmettre  daris  toute 
leur  integr  le  les  procedes  qu'il  de  rit,  les  n-anipula- 
tions  particuiieres  qui  lui  out  reussi  le  mieux  ;  dv-  !aire 
passer  enfin  son  exactitude,  son  intelligence,  s'il  est 
possible ,  dans  l'an:e  de  tons  ses  lecti^urs. 

»  On  relrouve  par-tout  dans  cet  ouvrage  cette  pre- 
cision ,  ce!te  cltU'tc  -ui  decelent  un  artiste  maitre  de 
son  travail,  I'iutcret  qui  fait  estinier  la  srience,  la 
candeur  et  la  modeslie  qui  font  clierir  le  savant. 

WiLLEMET. 


B  E  A  U  X  -  A  R  T  S. 

P  E  I  N  T  U  R  E. 

FrJgmens  (Van  manuscrlt  de  Diderot  ■,  sur  le. 
saioti  de  Peinture _,  de  I'jGS  (i). 


Premier    fragment. 
Servandoni. 

C_^E  Servandoni  est  un  liomme  que  tout  I'or  dii 
Perou  n'enrichiroit  pas.  G'est  le  Panurge  de  Rabe- 
lais, qui  avoit  quinze  niille  mojensd'aniassereitrente 
jnille  de  depenser.  Grand  macliiniste  ,  grand  arclii- 
lecte  ^  bon  peintre ,  sublime  decorateur  ;  il  n'j  a 
aucun  de  ces  talens  qui  ne  lui  ait  valu  des  sommes 
immenses.  Cependant  il  n'a  rien  ,  et  n'aura  jamais 
rieri.  Le  roi  ,  la  nation  ,  le  public  ,  ont  renonce 
au  projet  de  le  sauver  de  la  misere.  On  lui  aime 
autant  les  dettes  qu*il  a  ,  'que    celles  qu'il  feroit. 

(i)  Quoique  ces  reflexions  aient  pour  sujet  les  tableaux 
exposes  a  un  tres-ancien  salon  ,  elles  ont  cependanl  un  rap- 
port direct  a  la  theorie  generale  de  la  Peinture.  Nous  n'avons 
d'ailleurs  extrait  que  les  rcinarques  sur  les  tableaux  les  plus 
connus  ,  faits  par  les  luaitres  les  plus  distingucs  ,  il  est  inte- 
ressant  de  savoir  le  jugement  cju'en  a  porte  un  homuie  aussi 
cel^bre  que  Diderot  ,  d'apprecier  son  gout  en  Peinture  ,  do 
juger  de  la  mani^re  dont  il  s'exprime  ,  en  parlanl  des  arts  ,  et 
de  pescr  les   motif  sur  lesquels  il   appuic  ses  decisions. 


Salon  de  1765.  4^9 

Deux  dessus  de  fortes.    Tableaurt  de  4  pled^  8 
pouccs  J  sur  2  plcds  4  pouces de  liaut. 

L'lni  represente  des  ruincs  et  mi  tropliec  d'ai- 
mes.  L'effet  de  la  lumiere  en  est  beau  ,  il  est  bien 
colorie;  mais  je  lui  pief6reroIs  celui  oii  Ton  voit 
un  tombeau  avec  des  roclu  rs ,  et  une  chute  d'e:iu: 
quoiqu'on  puisse  ecrire  au-dessous  de  tons  !es  deux,  ca^ 
jiiots  qui  reufermeut  un  des  mjsleres  de.  Part  :  Par- 
vus viderl ,  sentiri  niagnus.  On  sent  grands  des 
objets  qu'il  a   peints  petits. 

Si  I'Hercule  Farnesen'est  qu'une  figure  colo?sale  oh. 
toules  les partiesde  detail,  la  tete, -ec ol,  les bras,  le dos , 
]a  poitriiie  ,  le  corps ,  les ;  uisses ,  les  jarabes  ,  les  pieds, 
les  articulations,  les  muscles,  les  veincs,  ov.l  suivi  prc- 
porliDiinellement  i'exageralion  dela  grandeur  ,ditcs- 
inoi  pourquoi  celte  figure ,  reduile  a  la  hawleurordi- 
liaire,  reste  toujours  un  Herculc  ?  Pourquoi  ,  re- 
duite  a  quinze  pouces  de  hauteur  ,  c'est  encore  un 
Hercule  ?  Cela.  ne  s*expli/,ue  point,  a  moins  qu'il 
n'y  ait  a  ces  productions  enormes  quelques  fjrmes 
afierlees  cjui  gardeut  leure<ce;,  taud  s  que  les  au- 
tres  le  jierdeut.  Mais  a  ({U.-lles  parties  dc  ces  figu- 
res appariient  cette  cxageralion  permancnte  quisub- 
siste  au  rrilieu  de  la  reduciiou  proportiounelle  des 
autres  ?  Je  vais  taoher  de  vous  le  dire.  Pcrmeticz 
que  je  romp?  par  quelqu'ecarl  qui  nousdvlasse,  la 
nionoloaie  de  ces  descriptions  et  reinuii  d  s  mots 
para.-ites,  heurti  ^  empale  _,  vrai  ,  naturci  ,  bleiv 
colnricy  been  cclaire  J  cliaudement  fait  ,  frold  ^ 
dar  .  sec  J  nioldleux  j  rpie  vous  avez  t:jiit  entcndus, 
Si.ns  tc  quo  vous  les  cnler.diez  encore. 


470  Beaux-Arts. 

Qu'est-ce  que  rilercule  de  la  fable  ?  C'est  im 
hoiv.me  fort  ct  vigoureux ,  qu'elle  arme  d'une  massue, 
et  qu'elle  occiipe  sur  les  grands  chemins  ,  dans  les 
furets ,  sur  les  raontagnes,  a  combatlre  des  brigands 
et  a  ecrascr  des  nionslres.  Voila  I'eiat  donne.  Sur 
quclli^s  par'ties  d'unlvomrae  de  cet  etat,  Texageration 
pennan-nte  doit-elle  principalement  lomber.'^  Sur  la 
tele  ?  'Now  :  on  ne  con\l)at  pas  de  la  tete ,  on  n'ecrase 
pas  de  la  tete.  La  tete  gardera  done  a  la  rigueur  sa 
proportion  naturjlle  ,  conformement  a  la  hauteur  de 
la  f]£,ure.  Sur  les  pieds  ?  Non  :  il  suffit  nue  les  pieds 
portent  bien  la  figure  ;  et  lis  lie  feront ,  s'ils  sent  aussi 
a-peu-pres  proportionnes  a  ia  hauteur.  Sur  le  col  ? 
Oui  ,  sans  doute.  C'est  I'origine  des  muscles  et  des 
nerfs  ;  et  le  col  sera  exageie  de  grosseur  un  peu  au- 
dela  de  la  ;  roportion  donnee.  J'en  dis  autant  des 
ei"^aules,  de  la  poitrino,  de  lous  les  muscles  de  ces 
parlies,  mais  sur-tout  d^-s  mufTJes.  Ce  sont  les  bras 
qui  portent  la  massue  et  qui  frappenf.  C'est  la  que 
doit  etre  vigoureux  un  tiie!;r  d'hcmmes,  un  ecraseur 
de  beies.  II  doit  avoir  dans  les  cuisses  quelque  exces 
const^^nt  et  de  Peiat  (i)  ,  -  puisnu'il  est  destine  a 
grimper  des  rochers,  a  s'enfoncer  dans  les  forels  ,  a 
rodvT  sur  les  grands  chemins.  Tel  est  en  effctl 'Here ale 
de  Gljcon.  Regardez-le  bieu  ,  et  vous  y  reconnoiirez 

(l)  Ct3ci  rappeile  un  mot'de  feul'abbo  Arnaud  sur  lui  de  nos 
acteurs  cjiii  jouisil  crlors  avec  succt^s  dans  Ja  coioedie  et  dans  ja 
trcgc'die.  Qucicpi'un  vantoil  son  talent  dans  ce  deriiier  genre. 
A  ia  boKne  heure  ,  dit  I'abbe  avce  son  accent  meridiona!  tp.ii 
pjoutoit  eiicure  au  piquant  de  S(-.s  snillies  ,  —  a  la  bonuuhenr*' ; 
mais   il  n'a   pastes   cuisses  tragittues.    li'ote  des  r^Jacteuis, 


Salon  de  1760.  471 

un  svsl^me  exag^re  dans  ccrta^ncs  parties  d -'sign cos 
]^ar  la  condition  de  I'iioiiiine  :  exag-'^raiionqui,s'arioi- 
blissant  insensibleineiit ,  s'en  va  avcc  im  art ,  un  gout , 
un  tact  sublimes,  recherclier  les  jjroportioiis  de  la 
nature  commune  a  ses  deux  exlr^mitc's  et  a  loutes  les 
2>arties  quo  la  condition  de  I'homme  laisse  sans  Ibnr- 
tion.  Supposez  a  present  que  ,  d'uii  Hercule  de  huit  a 
iiruf  pieds  de  baut ,  vous  en  iassiez  ,  sur  une  echelle 
p'us  petile,  nn  Hercule  de  cinn,  pieds  et  demi.  Cesera 
encore  un  Hercule ;  parce  qu'au  milieu  de  la  reduction 
de  ton  les  \es  parties  d'une  nature  ordinaire  et  com- 
mune, il  J  ei  a  d'autres  (lui  ,  quoiqu'aussi  reduit-s 
proportionnelleinent ,  garderont  cependant  leur  exces. 
Vous  le  verrez  pel  It  ^  vous  le  sentirez  grand.  Plus 
la  peTiie  non  evageree  d'une  nature  onliuaircet  com- 
mune sera  voisine  de  la  pariie  qui  garde  son  exces  , 
plus  vous  la  trouverez  afToiblie  ;  plus ,  an  coulraire  ,  la 
distance  enlre  la  partie  exageree  et  la  partie  non 
exageree  sera  grande ,  moins  vous  en  apercevi  ez  la 
disproportion.  Tel  est  encore  le  caractere  de  I'Hercule 
de  Gljcoiu  C'est  de  la  tele  au  col ,  el  non  des  cuisses 
aux  pieds  ,  qu'on  sent  forlcment  le  passage  d'une  na- 
ture a  I 'autre. 

iMaintenant,a  cote  de  cet  Her.ule  ,  imaginez  quei- 
ques-unes  de  ces  natures  k'geres,  elegant,  s,  sveltco; 
uniMercure,  par  ex.^mple.  iFait.s  d^croitrc  Tune  dt> 
ces  figures  ,  en  meme  proportion  que  vous  fere/^ 
croitre  I'aulre.  Que  le  Mercure  prenne  successivemefll 
Ion  I  ce  que  I'Hercnle  perdra  dc  son  exagc  ration  per- 
ii>nnente,et  (jue  THcrcuie  prenne  anssi  successivemewt 
lout  ce  quo   Ic  Mrcure  pcrdri*  de  sa  iegerete  de  coa- 

G  g  4 


47^  Beaux-Arts. 

dition  ei  d'etaf.  Suivez  cette  met.miorphosG  fdeale, 
jus^ju'a  cc  que  vows  ciyez  deux  figures  reduiles,  qui  se 
resscnd^Ient  pan'aiteiriont  ;  et  vous  aurez  rencontre 
les   proportious  de   i'Aulinoiis.    Qu'esl-ce  done  que 
PAndnous:  C'esi  un  ho  mi  me  ([ui  u'esl  d'aucun  t'tat  ; 
•  c'est   un   faineant  qui  n'a  jaaiais  rien  f^iit ,  et  dout 
aucune  des  fonctions  de  la  vie  n'a  allere  les  piopor- 
lions.  L'H.rcide  e^t  I'exiieme  de  I'homme  laborieu?;, 
I'Anlinoiis  est  Pextrenie  de  I'homme  oisjf.  II  csl  ne 
grand    com  ;>e  il  est.    C'cst    un   mo  .ele  prirailif  et 
con.iL.un  ;  c'est  la  figure  tsiie  vous  choisirez  pour  la 
plier a  toutes  sortes  de  conditions,  soit  par  I'exogera- 
tion  de  quelques  parties  pour  les  natures  fories,  soit 
par  Paiioiblissement  de  cas  parlies  pour  les  natures 
legeres  ;  et  c'est  la  conr.oissance  plus  on  moins  pro- 
fonde  ,  plus  ou  moins  cxacte  que  vous  aurez  des  cou- 
dilions  ,   qui  determinera  les   parties  sur  lesqucdles 
rexccs  ou  I'aiToib'issemenl  doii  tomijer.  Le  diiliciiede 
la  chose  ne  consiste  pas  dans  ce  choix  5  ce  n'est  pas  la 
le  sublime  de  Glycon.    Ce  que  je  vous  deinar.d-  ^ 
c'est  que  votre  sjsteme  aiile  insensiblemeiit ,    drs 
pf;r!ies  que  vous  aurez  afloihlies  ou  exng  'rees  ,  se  con- 
fondre  dans  la  nal.ire  (ommuue  des  antres  parties, 
avec  tant  d'art  et  de  scieftce ,  que ,  f;rand  ou  petit, 
je  reconnois?e  toujours  voire  soklat  ,  si  c'est  a  I'efat 
ndiita:re  que  vous  ajez  condn"t  I'Antinoi's  ;  votie 
porte-iaix  ,  si  c'est  un  portj-f.iix   que   vous   en  iivcz 
fail. 

Mais  si  c'est  le  diru  de  la  lumiere,  si  c'e.U  le  vain- 
quenr  du  ser;  eat  Pitlion  ,  si  I'etat  exi^e  de  la  (bice, 
*de  la  grace ,  de  la  grandeur  el  de  la  vtluciie  'i 


Salon  de  17').).  478 

A.lors  vous  lalssercz  a  I'Antinoiis  loules  ses  propor- 
(ious  dans  les  pariies  sup-rieurcs  :  je  dis  ses  propor- 
lions,  et  noil  son  caractere  5  car  cc  sont  dvux  riioses 
(livrrses  ;  et  en  repandant  I'alteralion  seule:i'ent>sur 
les  janibes  et  les  cuisses  ,  d'ou  elle  ira  recherclier  par 
gradation  les  parties  su])^'rieures  de  l'Antino''is  ,  vous 
aurez  I'Apollon  du  Belvedere  :  vigoureux  d'enhaut, 
veloce  par  en  has. 

C'est  ainsi  qirun  maquignon  experimentf'  se  foririe 
I'idee  d'un  beau  clieval  de  bataJIle.  Le  cbeval  ds  ba- 
taille  est  une  nature  moyenne  entre  le  clieval  de  trait 
le  plus  vigoureux  et  le  clieval  de  course  le  plus  leger. 
Et  soyez  sur  que  deux  bommes  consoinmes  dans  le 
maquignonage,  ont,a  de  Ires-peiites  diuerenccs pres, 
la  meme  image  dai.s  la  fete,  ct  avec  lous  les  relours 
delicats  de  Texag^ration  ou  de  raiToiblissenicnl  a  la  na- 
ture ordinaire  et  comuuine. 

Voila,  mori  ami,  ua  (^c  iiantillon  de  la  melaplij- 
sique  du  dessin.  Toule  science,  lout  art  a  la  sieune, 
a  laquelle  Je  genie  s'assu;6tit  par  insfirct  sans  l9 
savoir.  Par  instinct?  Oh!  la  belle  occasion  de  mc(a- 
plijsiqtior  encore!  Ce  sera  pour  une  autre  fois,  vons 
ii'y  perdraz  rien.  II  ;.  a  sur  le  dessin  des  cbo«es  plus 
fines  eu.ore ,  que  vous  ne  perdrez  pas  davanlage. 

B    A    U    D    O    U    I    N. 

Pcintre  en  ir.iniature,  lion  garron  ;  qui  a  de  la  fi- 
gure, de  la  douceur,  de  I'esprit  ;  uii  peu  lihertin  , 
K      mais  qu'vS;-ce  que  cela  fail?  Ma  fenime  a  s?s  qua- 
rnnle-ciiiq  ans  passes  ,  et  il  n'aj  proc   era  pas  de  ma 
iiiL: ,  ni  lui.  rxi  ses  coinposiiio.is. 


474  BaiLx-Arts.  ^ 

II J  avoit  au  salon  line  qnantilede  peh'ts  tableau:* 
de  Biiudouin  ,  places  dans  I'embrdsure  d'line  fenetre; 
et  toules  les  jeunes  filles,  apres  avoir  promen^  leurs 
regards  djstraifs  siir  quelqiies  tableaux  ,  finissoient 
K  iir  tournee  a  I'endroit  ou  I'on  vqyoit  la  paijsanne 
quereiUe  par  scJmkre  ,  el  le  cued  Lear  de  cerises. 
A  un  certain  age,Non  lit  plulot  uu  onvrajie  lihreiiu'im 
bon  ouvrape ,  et  I'on  s'arrete  plutot  devanl  nn  tableau 
ordurier  quo  da  van  t  nn  bon  tableau.  II  y  ameme  des 
vieillcjrds  qui  sont  punis  de  la  conlinuite  de  leurs 
debauches,  par  b  gout  sterile  qu'ils  en  out  conserve. 
Qr.elques-uns  de  crs  vieillards  se  Irainoient  aussi,  be- 
quille  en  main  ,  dos  voute  ,  lunettes  sur  le  nez  ,  aux 
petites  infcuiiies  de  Baudouin. 

L  E      C  O  N  F  E.S  S  I  O  N  N  A  L. 

Un  confessionnal  est  occup6  par  un  pretre.  II  est 
enloure  d'un  troupeau  de  jeunes  filles  qui  vienuent 
s'acciiser  du  pecbe  qu'elles  out  faii ,  ou  qu'elles  feroic  nt 
voloniiers  :  voila  pour  Toreille  gauche  du  confcsseur. 
Son  Oreille  d;  oite  entendra  les  sotiises  des  vielllcs , 
des  vieux,  et  des  petits  morveux  qui  occupent  ce  cote. 
Le  basard  ou  la  pluia  a  fait  entrer  deux  grands  egril- 
lards  daus  I'egiise.  Les  voila  qui  ruent  tout  a  travers 
le  troupeau  des  jeunes  penitentes.  Le  scandale  s'eleve. 
Le  pretre  s'elance  de  sa  hoite  5  il  s'adrcsse  durement 
a  nos  jeunes  elourdis  :  voila  le  moment  .lu  tableau.  Le 
pretre  est  a  moitie  bors  dii  confessioimal  ;  il  a  Pair 
indigue.  Un  de  ces  jeunes  gens ,  la  lorgnette  a  la  main  , 
I'airironique  et  mej^risant,  la  iete  retournf^e  vers  le 
coafcoseur^  est  tent^  de  lui  dire  sou  fait.  Son  cama- 


Salon  r!e  1765.  475 

rnde,  qui  prcssent  que  raffaire  p^ut  devenir  grave, 
cherche  a  I'entrainer.  Les  jeunes  filles  out  la  pUipnrt 
les  yeux  hypocrilemenc  baisses.  Les  vieilles»et  les 
vieillards  soiit  qohitouccs.  Les  marnioiisjts ,  places 
<lern>.re  leurs  parens  ,  sourienr.  Cela  est  pUisanf  ; 
Ilia's  la  piet '  de  nulre  archeveque  qui  n'entcnd  pas  la 
plaisanteric,  a  foit  oter  ce  morceau  du  salon  (r). 


Greuze  s'est  fait  peintre  predirafeur  des  bonnes 
iiiCEurs  ;  Baudonin  ,  peintro  prc'dicateur  d-'S  mau- 
valses  ;  Greuze  ,  })eintre  de  famille  et  d'honnetes 
gens  ;  Baudouin  ,  peintre  da  petites  maisons  et  de 
libertins.  Mais  hcureusement  il  n'a  ni  dessin  ,  ni 
genie  ,  ni  ( ou'eur  ;  et  nous  avons  du  genie ,  du  dessin  , 
de  la  couleur ,  et  nous  serous  les  plus  {"oris.  Biuidouin 
.me  disoit  un  jour  Ic  sujet  d'un  tableau.  II  vouloit 
montrcr  cbez  ur.e  sage-fenirne  nne  fille  qui  vient  d'y 
accouclier  claMdestinemcnt  5  et  que  !a  misere  for- oit 
d'ahandonner  sou  enfaot  aux  eurans-trouvcs.  Eli  I 
que  ue  placez-vous,  lui  reporulis-je,  la  scene  da;is  uii 
prenier,  et  que  ne  me  n^onlrez-vous  un  lionnt'te 
femme ^jue  le  meme motif  coutraint  a  1 1  nenie artiou ? 
Ce^a  sera  plus  beau ,  plus  toucbant  et  plu>  bonnete. 
Uii  grenier  prete  plus  au  talent  que  le  laud  3  d'un;; 
sago-femme.  Quand  il  u'eu  codf^  aucun  saciilice  a 
Tart,  ne  vanf-il  pas  miiuv  metlre  en  scoric  la  verlu 
prv  lerablernent  au  vice?    Voire  composition  n'ins- 

(i)  No»r,  vfiio  la  plcte  eclairee  du  prelat  n'a  pas  ete  choqure 
dn  cueilleur  da  ceiisef  ,  ni  de  \aL  fiilc  que-eUz* y  inals  seulc- 
MiLjil  du  '.onJ(ssionnal.  (  Note  a'g  M.  G.) 


47^  Beaux-Arts. 

pirera  qii'une  pilic  sterile  ;  la  mienne  Insplrera  le 
meme  sentiment  a\^  c  fruit,...  «  Oh!  Gela  est  trop 
serien*.  Et  puis ,  des  niodeles  de  filles ,  j'en  ircmverai 
tant  qu'il  mc  plaira  «...  Eh  bien  !  voulez-voiis  uii 
sujet  <:ai  ?...  v  Oui,  et  me.ne  un  peu  gravelenx,  si  vous 
ponvez  :  car  Je  ne  m'en  dt'feiids  pas  ,  j'aime  la  gra- 
vehire,  et  le  public  ne  la  Lait  pas  «...  Piiisqii'il  voiis 
en  faut ,  il  j  en  aura  ,  et  vos  mocleles  seront  encore 
rue  Fromenteau...  «  Diies,  dites  vite  «...  Tandisqn'il 
se  froltoit  les  mains  d'aiss,  imaginez,  continuai-je  , 
iiD  fiacre qiii  s'en  va  entre  onze  heures  et  midi  prendre 
le  chcmin  de  Saint-Denis.  An  miUcu  de  la  rue  Saint- 
Denis  5  unc  des  soupentes  du  fiacre  casse  ,  et  voila  la 
voiture  siir  le  cote.  Les  glaces  de.  ])ois  se  baissenl  ,  la 
portiere  s'ouvre ,  et  il  en  sort  nn  inoine  avec  trois 
filles.  Le  Uioine  se  met  c\  courir  pour  se  soustraire 
au\  regards  du  pu])lic.  Le  caiiiche  du  fiacre  saute« 
d'a  cote  dg  son  maitre,  suit  le  moine  ,  I'atteint ,  et 
saisit  des  dents  sa  longue  jaquelte.  Tandis  que  le 
nioine  se  demene ,  pour  se  debarrasser  du  chien  ,  le 
fiacre  qui  ne  veut  pas  perdre  sa  course ,  descend  de 
son  siege,  ct  va  au  moine.  Cependant,  une  d  -s  filles 
pressoit  avec  sa  main,  ou  avec  la  lame  de  son  couteau, 
Tine  l:oss3  cpi'une  de  ses  compagnes  s'etoit  faile  au 
front ;  et  I'autre  a  qui  Paventure  paroissolt  comique  , 
loute  debraillee  et  les  mains  sur  les  cotes ,  eclatoit  de 
Tire.  L:  s  marchands  et  les  marchandes  en  rioient 
aussi  soug  leurs  portes  5  et  les  polissons  qui  s'etoient 
assembles  autour  du  moine,  lui  crioi^ent  :  «  Ah!il  a 
chie  au  lit  ^  ah!  il  a  chie  au  lit  »....  Cela  estorcellcn^, 
ditBaudouin  »,...  et  meme  un  pcu  moral ,  ajoulai-je  : 


Salon  de  176.".  477 

C'est  du  moins  le  vice  puni  ;  et  qui  salt  si  le  moine  a 
qui  ce  coutre-lemps  est  arrive  ,  il  y  a  liuil  jours,  fai- 
saut  un  tour  au  salon  ,  ne  se  reconnoitra  pas ,  et  ne 
rougirapas?  Et  u'cst-ce  riea  que  d'avoir  fait  rougir 

un  moine  ? 

G  R  E  u  z  E. 

Voici  votre  peintre  el  le  mien  ;  le  premier  qui  se 
soit  avise  parmi  nous  de  dormer  des  moeurs  a  Viv  t ,  et 
d'encLaiuer  des  evenemens  d'apies  le.-xjuels  il  seroit 
facile  de  faive  uu  romaii.  II  est  un  p.^u   vain,  n.jire 
peintre  ;  mais  sa  vanite  est  ci  lie  d'un  enfant  ,  c'cst 
I'ivresse  du  talent.  Otez-lui  cette  naivet'-  qui  lui  fait 
dire  deson  propre  ouviage  :  «  Voy  z-mo;  cela  ,  cVst 
cela  qui  est  beau  « !  vouslai  oUm-.-z  la  verve  ,  vous 
(^teindrez  le  feu,  et  le  genie  s\  clipsera...  Je  Grains 
bien/,  lorsqu'il  devi.nidra  modeste,  qu'il  n'ait  raisoa 
de  l^etre.  Nos  qualites,  certaines  du  moins,  tienn-nt 
de   pres   a   nos  dt'fauts.    La   plupart    des    honnctes 
fi^/nmcs  ont  de  rhunieur  :  Ics  grands  artiste;  out  un 
petit  coup  de  haclie  a  la  tete.   Prescpie  toutes  les 
femmes  galantes  sont  genereus?s  ;  les  devotes  ,  les 
bonnes  meme,  ne  sont  pas  exemptes  de  la  mt'disance, 
II  est  difficile  a  un  maitre  qui  sent  qu'il  fait  le  bien  , 
de  n'etre  pas  un  pen  despote.  A  qui  passera-t-on  les 
defauis  ,  si  ce  n'est  aux  grands  hommes?  Je  hais 
toutes  CCS  petites  bassesses  qui  ne  montrent  qu'uiie 
ame  abjecte  ;  mais  je  ne  hais  pas  les  grands  crimes  : 
prcmierement ,  parce  qu'on  en  fail  de  beaux  tableaux 
et  de  belles  tragedies  ;  et  puis,  c'est  c|ue  les  grandes 
ct   sublimes  actions  et  les  grands  crimes  portent  le 
meme  caractere  dYnerg  e.  Si  un  hommc  u'eloil  y-as 


478  Beaxu-Arts. 

capable  d'incendicr  vine  vi!le,  uii  autre  homme  ne 
seroit  pas  capable  de  se  prccijriler  dans  un  goulTre, 
pour  la  sauver.  Si  Tame  de  Cesar  u'eut  pas  ete  pos- 
sil^-le,  celle  de  Caton  ne  Tauroif  pas  tte  davantage. 
X-'homme  est  ne  citoyen  ,  tan  tot  du  T^nar?  ,  lantot  de 
rCljmpe.  C'est  Castor  et  Pollux ,  un  beros  ,  uii  sce- 
lerat  ;  Marc-Anrele ,  Borgia  :  dlvenls  sIluUIs  ^  ovo 
prognatus  eodem. 

La  Jeune  filte  qui  pi.eure  son  oiseau  :  Ta- 
bleau ovale  J  de  deux  pleds  de  liaut. 

La  joHe  elegie!  le  cbarmant  poeme  !  la  belle  idjlle 
que  Gessner  en  feroit !  C'est  !a  vignette  d'un  morceau 
de  ce  poete.  Talleaii  delicieuxl  le  plus  agr<^abie ,  et 
peut-etre  le  plus  intcressant  du  salon.  La  pauvre 
petite  est  de  face  5  sa  tete  est  aopujee  sur  sa  main 
gaucbe.  L'oiseau  mort  est  pose  sur  le  bord  sup^rieur 
de  la  cage,  la  tete  pendante,  les  ailes  trainantes,  les 
pattes  en  I'air.  Le  job  catafalque  que  cette  cage  !  que 
cette  guirlande  de  verdur  ■ ,  qui  sei-p^nte  antour,  a  de 
grace  !  La  pauvre  petite,  ali  I  qu'elle  est  affligee  ! 
qu'elle  est  naturelle/t^ent  p'acce  !  que  sa  tele  est  belle  ! 
qu'elle  est  elegamment  coefTee  !  que  son  visage  a 
d'expression  !  Sa  douleur  est  profondr.  EHe  est  a  son 
maltieur  jelle  j  est  loute  entiere.  O  ia  beHe  main!  la 
belle  main  I  le  beau  bras  !  Vojez  la  verite  des  details 
de  cpsdoi^it-,  et  ces  fossettes  ,  ct  cette  mo'esse  ,  et 
cette  teinte  de  rougeur  dont  la  pression  de  la  tete  a 
colore  le  bout  de  ces  doigts  dtlicats,  et  le  cbarme  de 
tout  cela.  On  s'approcberoit  da  cette  main  pour  la 
baiser,  si  on  ne  respecloit  cette  enfant  et  sa  douleur. 


Salon  de  1765.  4^5 

Tout  cnchante  en  elle,  jusqu'a  son  ajustement.  Ce 
nioiK-lioir  de  col  est  jet(^  d'une  mani'n-e!  il  est  d'uno 
souplosse  et  d'uiie  legc^rete  !  Qucind  on  apcrroit  ce 
tableau ,  on  dit  :  dv'licieux  !  Si  Ton  s'y  arrete  ,  ou 
qii'oii  J  revienne ,  on  s'c'cri'."  :  delicieux:,  dclicicux  ! 
Bientol  on  so  surprend  conversant  avec  ceile  enfaiit, 
et  la  consolant.  Cela  ei^t  si  vrai ,  qu3  voici  cs  que  jc 
me  souviens  de  lui  avoir  dit  a  diflf.' rentes  reprises  : 

Pauvre  p  tile,  votre  doule-ur  esf  I'ien  proforide, 
bien  rc'flt'clnel  Pourquoi  cet  air  reveur  et  melancoli- 
c]ue?  Quoil  pour  un  oiseau  1  Vous  ne  p!eui*ez  pas; 
vous  etes  atHi'gee  ,  et  la  pensce  accompar  ne  voire 
aiTlirtion.  C"] ,  pelite  ,  ouvrez-moi  votre  v(jeur , parlez- 
iiioi  vrai.  Est-ce  bien  la  mort  de  c.^t  oiseau  qui  vous 
retire  si  fortement  et  si  tristement  en  vous-meine  ?.... 
Vous  baissez  les  jeux  ;  vous  ne  repondez  pas.  Vos 
pleurs  sont  pr6ts  a  couler.  Je  ne  suis  pas  pere  ,  je  ne 
suis  ni  indiscret,  ni  severe...  Eh  bien!  jeleconcois: 
il  vous  aimoit  ;  il  vous  le  juroit,  et  le  juroit  depuis  si 
long-temps  !  II  soadVoit  taut  I  le  movc^n  de  voir 
soulfrir  ce  qu'on  aiine!....  Eh!  laissez-inoicontinuer ; 
pourquoi  me  fermer  la  louciie  de  votre  main?...  Ce 
37^.atin-l^....  par  malheur,  votre  mere  eloit  absente. 
II  vint.  Vonsetiez  seule.  II  6toit  si  beau  ,  si  passionne, 
%i  tendre  ,  si  charraant!  II  avoit  tant  d'a  nour  dans 
lesyeux  ,  tant  de  v6rit('  dans  les  expressions!  II  disoit 
de  ces  mots  qui  vont  si  droit  a  I'ame !  et  en  les  disant , 
il  tloit  a  vos  genoux...  Cela  se  conc;oit  encore  :  il 
tenoit  une  de  vos  mains.  De  temps  en  temps  vous  y 
sentiez  la  chaleur  de  quelquv-^s  larmos  qui  tomb  )ient 
de  ses  yeux,  et  qui  cou:oient  le  loj)g  de  votre  bras. 


4H0  '  Beau.r-Artu 

Voire  mere  no  reveuoil  toujours  point.  Ce  nVst  pas 
voire  faute  ;  c'cst  la  faute  de  votre  mere...  Ne  voilii- 
1-il  pas  que  vous  pleurez  de  plus  belle?...  Mais  ce  que 
je  vous  en  dis  ,  u'est  pas  pour  vov:s  faire  pleurer.  Et 
pourquoi  pleurer?  II  vous  a  proniis  ;  il  ne  manquera 
a  rien  de  ce  qu'il  vous  a  promis.  Quand  on  a  Pt('  assez 
heureuvpour|rencontrer  une  enfant  charmanle  conime 
vous,  pour  lui  plaire,  pour  s  j  attacher,  c'  st  pour 
lontela  vie...«  Ei  nion  oiseau  «?..  Mon  ami ,  ellesouril. 
Ab  !  qu'elle  ^toit  belle  '.  Ah  !  si  vous  I'aviez  vu  sourire 
(3t  pleurer!...  Je  coatinuai  :  Eh  bien!  voire  oiseau  ? 
Quand  on  s'oublie  soi-merae,  se  souvient-on  de  son 
oiseau?  Lorsque  Tb^ur-*  du  retour  de  votre  mere  ap- 
procba  ,  votre  tendre  ami  s'en  alia.  Qu'il  eut  de 
peine  a  s'arr  jcher  d'aupres  de  vous'...  Vous  me  re- 
£>;ardez  ?  Eb  !  oui ,  je  sais  tout  ce!a.  Combien  il  se  leva 
et  se  rassit  de  fois '.  combiea  il  vous  rb's  et  redil  adi,-u  , 
sans  s'en  aller  1  combi-n  de  fois  ii  sorlit  et  renlra! 
qu'il  eloit  bnuvux  ,  contnl,  Iransporte  !  .Te  viens  de 
le  voir  cbez  son  pere.  II  est  d'une  galte  cbarmanle  , 
d'une  gaite  qu'ils  parlatent  tons  sans  pouvoir  s'en 
defendre...  Et  ma  mere?  Votre  mere?  A  peine  f  t-il 
parti ,  qu'elle  rcntra.  Elle  vous  trouva leveuse  comme 
vous  I't  tiez  tout-a-1'lieure  ;  on  Test  toujours  comme 
cela.  Votre  mere  vous  parloit ,  et  vous  u'entendiez 
pas  ce  qu'elle  vous  disoit  ;  elb-  vous  conimandoit  une 
chose,  et  vous  en  faisiez  une  autre.  Quelques  pleurs 
se  presen'.oient  aux  bords  de  vos  paupieres  ;  vous  les 
reteniez  de  voire  mieux  ;  on  bien  vous  d;'lourniez  la 
tete  pour  les  essuj-er  furtivcment.  Vos  di?tractions 
conlinues    impatienterent    votre    n>ere  5   elle    vous 

£roiida 


Salon  de  176.').  481 

gronda  ;  et  ce  vous  fut  uue  occasion  de  plourcr  sans 
contrainte  et  de  soulager  votre  coeiir...  Continuerai-je,' 
petite  ?  Je  Grains  que  ce  que  je  vais  dire  ne  renouvelli 
votre  peine.  V(his  le  voulez?...  Eli  bien!  votre  bonric 
in6re  se  reprorlia  de  vous  avoir  alllig^*e  ;  fl'e  s'appro- 
ch  I  de  vous  r,  elle  vous  prit  ies  mains  5  elle  vous  baisa 
le  front  et  Ies  joues  ;  et  vous  eu  pleurates  Lien  davan- 
tage.  Votre  tete  se  pencha  sur  elle  ,  et  votre  visage  , 
que  la  rou^^ieur  coniiivencoit  k  colorcr...  tenez  ,  tout 
comme  le  voila  qui  se  coiore...  alia  se  caclier  dans  son 
sein.  Combien  cette  bonne  mere  vous  dit  de  choscs 
deuces,  et  combien  ces  choses  douces  vous  f.iisoient 
de  mail  Cependant  votre  serin  avoit  beau  s'e^osiller, 
vous avertir ,  vous appeler,  batire  des  ailes, se plaiudra 
de  votre  ou!  li  ;  vous  ne  le  voyiez  point,  vous  ne 
Tentendiez  point  ;  vous  eti'Z  a  d'autres  pensces.  Son 
eau  et  Sd  graii'.e  ne  furent  point  ren<;:vplees  ,  et  ee 
matin  I'oiseau  n'etoit  plus...  Vous  me  regardez  en- 
core ?  Est-ce  qu'il  me  reste  encore  quelque  chose  a 
dire?  Ah!  j'entends,  petite.  Get  oiseau  ,  c'est  lui  qui 
vous  Tavoit  donn^.   Eh  bien  !    il  en   retrouvera  uu 
autre  aussi  beau...  Ce  n'est    as  touteucore.  Vosyeux 
se  fixent  sur  moi  et  se  remplissent  de  nouveau   de 
larmes.  V"'y  a-t-il  done  encore  'i  P.  irlez  :  je  ne  saurois 
vous  deviaer....^  Etsi  la  mort  de  cet  oi?cau  n'etoit  quo 
le  presage!...  Que  ferois-je  ,  que  deviendrois-je ,  s'il 
^toit  ingrat  »  ?  Quelle  id<^e  I  ne  craignez  rien  ,  pauvre 
petite  ;  cela  ne  se  pent  ;  cela  ne  sera  pas.,.  Quoi  \ 
mon  ami,  vous  nie  riez  an  nez  ;  vous  vous  moquez 
d'un  grave   pcrsonuaga  qui  s'occnpe  a  cousoler  un 
enfant  en  peinture ,  dela  pejte  de  son  oiseau  ,   de  la 
Jo  me  II.  H  il 


•482  Beaux- Arts. 

pcrte  de  toul  ce  qu'il  voiis  plaira  ?  Mais  voyez  done 
comme  elle  est  belle ,  comme  elle  est  iiiteressantel  Je 
ii'aime  point  a  alHiger  ; inalgro  cela  ,  il  ne  me  d^plai- 
jrolt  pas  Irop  d'etre  la  cause  de  sa  peine. 

Le  suje;  de  ce  petit  po^.ne  est  si  lin  ,  que  beauconp 
de  personnes  ne  I'onfpas  entendu  ;  ils  ont  cru  que 
cetle  jc'une  fiile  ne  pleuroit  que  son  serin.  Greuze  a 
deja  peint  une  fois  le  meme  sujet.  11  a  place  devant 
ini3  glace  feU'e  une  grand.^  fiUe  en  satin  blanc  ,  pe- 
Ii6tree  d'une  profonde  m<-lanco1ie.  Ne  pcnsez-vous 
pas  qu'il  y  auroit  autaat  de  betise  a  attribuer  les  pleurs 
de  notre  jeune  fille  a  :a  perte  d'un  oiseau  ,  que  la 
in^lancolie  de  I'autre  jeune  fiile  a  son  niiroir  casse  ? 
Cette  enfant  pleure  autre  cbosi^,  vous  dis-je.  D'abord 
vous  I'avez  entendue,  elle  en  convient,  et  son  afflic- 
tion reflecbie  le  dit  de  rest?.  Tant  de  douleur !  a  son 
Sge '.  et  pour  un  oiseau !...  Mais  quel  age  a-t-elle  done  ? 
Quelle  question  m'avez-vous  faite ,  et  que  repondrai- 
je?  Sa  tete  est  d?  quinze  a  seize  ans  ;  et  son  bras  et  t-'a 
main  ,  de  dix-liuit  a  dx-neuf.  C'est  un  defaut  de 
cette  con^.position  ,  qui  devient  d'autant  plus  sensible, 
que  la  tete  6tant  appuj4e  contre  la  main  ,  une  de  ces 
parties  donne  tout  contre  la  mesure  de  I'autre.  Placez 
la  main  autrement,  et  Ton  ne  s'apercevra  plusqu'elle 
est  un  pen  trop  forte  et  trop  caracterisee.  C'est  que  la 
tete  a  et6  prise  d'apres  un  modele  ,  et  la  main  d'apr^s 
im  autre.  I)u  r.  ste  elle  est  tres-vraie  cette  main ,  tres- 
belle,  tres-parfaitement  color:ee  et  dessinee.  Si  vous 
voulez  passer  a  ce  tableau  cette  tacbe  legere  ,  avec  un 
ton  de  couleur  un  pen  violatre  ,  c'est  une  cliose  tres- 
telle.  La  tete  est  bien  eclaiiee,  de  la  couleur  la  plus 


Salon  de  1765.  483 

agr('^al)lc  qiTon  puisse  domior  a  une  blonde ,  car  el^e 
est  blonde  notre  petUe.  Peut-elre  dennaiuleroit-oii 
que  cet'e  tele  fli  un  pen  plus  le  rond  de  bosse....  Le 
mouchoir  ray6  qirelle  a  autonr  du  col ,  est  large  , 
Icger,  du  plus  beau  transparent  :  le  tout  fortement 
touc.be  ,  sans  nuire  aux  finesses  d3  detail.  Greuze  peut 
avoir  fait  aussi  bien  ,  mais  pas  mien  v. 

Lorsque  le  salon  ful  tapissd.  on  en  fit  les  premiers 
lionneurs  a  M.  le  marquis  de  Marigny.  Le  direct,  ur 
ordonnateur  des  :irts  s'y  rendit  avec  le  cortefie  des 
artistes  favoris  qu'il  admet  a  sa  table  ;  les  aulres  s'y 
trouverent.  II  alia,  il  resarda  ,  il  appronva  ,  il  de- 
daigua.  La  Pleureuse  de  Greuze  I'arreta  etlesurprit. 
Ccla  est  beau  ,  dit-il  A  I'artiste  f[ui  lui  repondit : 
Monsieur,  je  le  sais  :  on  me  loue  de  reste  ,  mais  je 
manque  d'ouvrage.  C'est,  lui  repondit  Vern't ,  que 
vous  avez  une  nuee  «i'ennemis  ;  et ,  parmi  ces  en- 
nerais,  ily  en  a  un  quia  Tair  de  vousaimer alafolie, 
et  qui  vous  perdra.  Et  qui  est  cet  ennemi  ?  lui  de- 
manda  Greuze.  C'est  vous ,  reprit  Vernet. 


G  E  0  G  R  A  P  H  I  E. 

Proposttton  d'une  nouvclie  metfiode pour 
enseigiier  la   Giographie  ^  par  J.  D.  Bahbik 
cfiarg6  de  la  partie  gco^nipulque  a  La  bLbiio^ 
theque  natlonale. 

JLiE  but  d'une  mctbode,  dans  une  science  quelcon- 
que  5  doit  elre  de  conduire  ceiui  qui  IVtndie  ,  giadut;!'' 

H  h  a 


4^4  Giogrnpfile, 

lement  et  com  me  pas  \  >  as,  par  toiites  les  veriteS  que 
cetle  science  ren'erme,  jusqu'a  la  plus  sublime,  s'il 
ejt  poss'ble  ;  fon  po'nl  de  depart  doit  etre  celui  qui 
est  le  plus  h  |  or;ee  d;s  ^I>ves  ;  sa  marclie  doit  etre 
«im];ile  el  naturel  e ,  et  l<\s  qualites  qu'on  exige  d'elle 
S!>i;t  !a  clarle  et  la  precision.  Toutes  ces  conditions  se 
trouvent  r^unies  dans  les  meliiodes  que  Pon  emploie 
depuis  quelque  temps  pour  enseigner  la  chimie ,  la 
phvsique  et  les  matliematiques  5  aussi  ces  science* 
so:  t-eiles  ties-suivies  ;  dans  la  demi^re  sur-tout ,  les 
1/as- s  sent  des  ver  l6s  qui  ne  peuvent  etre  meconnues 
de  Pf'^tre  le  moins  intelligent :  d.^^a  on  s'^  leve  par  de- 
grees ,  1a  sphere  s'agranclit  ,etlVtudiant  p.  rvient5sans 
s'.n  douter  ,  au  plus  liaut  point  de  la  science.  En 
Gtograpliio ,  ta  marche  est  diamelraltment  opposee  ; 
on  coir.meuce  par  transporter  son  cleve  au  plus  baut 
point  de  la  science ,  et  de-'a ,  par  des  routes  qui  lui 
sont  in  onnues,  on  le  ramene  au  point  d'ou  il  auroit 
di'i  partir. 

C.^lte  marcbe  n';  st  certainement  pasnaturelle  ;  elle 
ne  lient  point  a  I'esprit  d^analyse ,  qui  vent  qu'on 
ne  juj2,e  que  par  coraparaison  5  et  comment  les  ^leve^ 
|o;irr^ient-ils  jnger  par  co.i^paraison  ,  lorsqu'ils  ne 
connoissent  pas  les  oLjels  qui  sont  le  plus  pres  d'eux? 
Voila  '  ouf  tant  comment  on  a  ense)ga6  la  G 'ograpliie 
jusfjn'a  pre?e:it.  On  me  dira,  peut-etre,  que  I'^tudeda 
la  G6>^ra  lii;^  etant  se(  h„  ct  monotone,  il  falloit  sur- 
prer.dre  Prittention  des  eleves  pour  une  science  dont 
ils  aurojent  pu  d^lourn.  r  l.s  yeux  ,  par  de  grandes 
expositions,  paries  tableaux  des  grands  effets  de  la 
nature,  et^en  les  iVappaul  ainsi  d'etonnement ,  les 


Mitkode  d'easelgaentent.  4^5 

forcer  pour  ainsi  dire  de  se  livrer  a  un  genre  dY'tn.  I0 
qui  deiiiaiidc  dvi  I'lipplicalioii  et  du  travail.  Jecon  ois 
que  toiiles  ccs  expositions,  tons  ces  iabltaux  peuvent 
€tre  utiles  dans  un  traits  part  culi  r  ;  mais  je  ne  ciois 
pas  qu'il  faille  commencer  par- la  dans  une  m^thode 
qui  doit  etre  simple  comnie  la  nalnre  ,  et  (jui  doit 
prindpalement  etre  adaotee  aux  connoissances  de 
Pt'leve  pour  lequel  elie  est  fa'te. 

Eneffet,  la  marche  que  Ton  a  toiijours  sn-vi^en 
G^ograpliie,  est  plus  capaile  de  surprendr  •  I'atten- 
tion  que  de  la  captiver.  Tons  ces  grands  princip?*; , 
tons  ces  rapports  de  la  terre  avec  le  c\A  ,  frapiient 
l'ima«ination  d  s  eleves  ,  mais  ils  ne  la  flxeut  pas  ;  re 
sont  autant  d'^clairs  i\\A  eblouissent  et  qui  disjinrois- 
sent ,  parce  que  rien  ne  pr-'pare  a  en  souteair  Teclat ; 
tientot  apres  ^  Peleve  se  Irouve  engag6  dans  desd  tails 
qui  sont  d'antant  plus  obsrurs  pour  lui ,  qu'il  n'a  noint 
d'objet  de  comparaison ,  et  enfin  il  ne  se  re(oitio't 
que  lorsqu'il  est  airive  an  terme  d"  sa  carrifn\\  C'est 
un  hommt'  que  l*on  a  fa't  voyager  p  nla.t  l.^  nuif ,  et 
auqnel  il  ne  reste  presqu'aucun  sonven'r  de  son 
TOjage.  On  sent  coinbien  une  pareille  methode  doit 
insfirer  de  dc'goiifs  pour  la  science  qu'e'le  en  egne, 
combien  clle  doit  causer  d'cnnnis  k  celui  ({ui  la  s'u't. 
De-la  vient  sans  doute  I'indiff  rence  de  bien  (Xes,  ^pws 
pour  une  science  qui  n'est  pas  la  premiere ,  ^^  als  qui 
ae  lie  k  toutes  les  autres  ,  et  dont  le  besoin  se  faltsentir 
dans  tons  les  momeni  de  la  vie. 

En  mathematique^,  dont  Tetnde  n'tst  ]^ps  "ous 
s^che  et  nioins  monotone  cjuecellf  d  •  ia  Gcog-ap' jV  , 
la  marciie  est  bieii  ditf«rente  5  on  fail  passer  '^  n  el6v« 

Hh  S 


4B6  Giograp/iie, 

du  connu  a  I'inconnu  ,  on  le  mene  de  d^couTerte  en 
dfconveite ,  I'interet  va  toujours  croissant,  et  enfifi 
il  parvient  aux  v^rit^s  les  plus  sublimes.  En  Geogra- 
pliie  ,  n?  pourroil-on  pas  suivre  la  me  •  e  marciie?  II 
lie  peul  y  en  avoir  qu'une  pour  toutes  les  sciences, 
Vanalyse  ^  et  ourquoi  ne  I'appliqueroit-  on  pas  A  la 
Gdo„rap";ie  ''*  Dira-t-on  que  cette  inarc'ieseroil  bonne 
poui'  p^rfeiMionner  cetie  science  ,  mais  qn'elle  ne  pent 
serv'ir  pour  i'enseignv^r  ,  II  seroit  etrange  que  le  cliemin 
qui  doit  mener  a  la  perfection  d'une  sciene  ,  ne  ftit 
point  crlui  qui  put  servir  a  I'enseigner.  S'il  y  avoit 
ainsi  deux  routes  oppos^es,  alors  toutes  mes  idces  se- 
roient  brouill^es ,  et  je  dirois  :  cessez  d'enseigner,  car 
il  v^aut  mieux  reculer  ies  bornes  de  nos  connoissan^  es 
que  de  nous  trainer  ti)ujours  dans  le  sentier  de  I'en- 
iiuveuse  routinc\  Maisje  crois  que  VanaLyseesi  aussi 
applicable  a  la  Geograipiiie  qu'aux  autres  sciences. 

Voici  done  comme.l  je  procederois  : 

Je  connn^nccrois  par  les  details.  Je  ferois  re'  on- 
iioilre  a  mes  f leves  ce  qu'ils  out  sous  les  jtux  ;  je leur 
indic;uerois  les  quatre  points  cardinaux  du  monde  ? 
])ar  leur  position  meme  5  je  leur  presenterois  ensni'e 
un  plan  de  la  commune  qu'ils  habitent ;  je  leur  ferois 
cliercher  sur  ce  plan  leur  demeure  ,  et  je  leur  ferois 
juger  de  la  distance  d'u  1  point  a  un  autre,  par  celle 
qu'ils  connoissent.  Je  leur  expliquerois  ce  que  c'est 
que  I'^clielle  d'un  plan  ;  et  ,  en  leur  pr^s^^niant  un 
pied  on  un  n)etre ,  je  leur  ferois  juger  de  la  proportion 
di.ns  laquelle  on  est  oblig^  de  reduire  ce  pied  ou  ce 
metre  ,  pour  pouvoir  faire ,  sur  une  ft  uille  de  papier , 
im  plan  assez  eteudu  3  je  leur  ferois  remarquer   les 


Melliode  d'enscigiiement.  487 

rivieros,  los  ruisseaux  ,  les  arbrcs  ,  et  je  leur  feruis 
comparercusobjets  aveclcs  ol>jets  iiemes. 

De-la  je  ferols  passer  mes  el^ves  a  I'etude  cl'une 
carte  topo|2;rapluqiie  conteiiaiit  une  [ins  graude  cten- 
due  de  I>a3's.  Je  leur  montrerois  leur  co  1  mane  re- 
duite  au  point  de  n'y  poiivoir  pkis  reconnoiire  leurs 
niaisons  ;  je  leur  ferois  remarquer  la  proporliou  dans 
laquelle  les  objcts  du  p'ari  sont  lY^duilssiir  cede  carte  ; 
je  leur  parlerois  de  IVclielle  ;  je  leur  ferois  remarqtier 
les  rivieres  et  les  ruisseaux  qu'ils  aurolent  vus  sur  le 
plan  ,  et  coinbien  ils  sont  devenus  petils  stir  cette 
carle  j  je  leur  ferois  juger  des  autres  rivieres  et  ruis- 
seaux, par  coriiparai.^ou  avec  ceux  qu'ils  coinioilroieiit 
dcja  ;  je  leur  apprendrois  a  juger  de  la  distance  res- 
pect ve  des  diOergns  objels,  par  I'ecliLlie. 

Ensuiie  je  passerois  a  une  carts  cliorograi  hique. 
La,  leur  commune  ne  seroit  plus  (ju'an  point ;  je  leur 
expliquerois  les  diETerens  signes  dont  on  se  sert  pout 
dislinguer  les  objets ;  je  leur  montrerois  les  montagnes  , 
les  bois ,  les  ports  de  mer ,  les  bancs  de  sable ,  etc. ;  je 
leur  indi'^,uerois  ce  que  sign'fient  les  fiies  de  points, 
c'est-a-dire ,  les  divisions  ;et  je  leur  dirois  qu'il  ini- 
povte  lorl  p«u  de  quelle  couleur  est  lave  nn  pa;,  s, 
pourvu  que  ces  couleurs  ne  se  <  onfondent  pas  ;  fju'il 
lie  faut  pas  croire,  comme  plusieurs  personnes  se  i'i- 
magiuent ,  qu'une  couleur  est  affeclee  a  un  pays  plutot 
qu'a  uu  autre.  La,  je  leur  ferois  un  petit  ta:}leau  de 
riiisloire  du  }'avs  et  d'  ses  productions,  jnais  Ires- 
k'ger ,  pour  ne  pas  Irop  cnipleter  surd'aiitres  scienc;es. 

De  la ,  je  Iransporterois  mt'S  Aleves  sur  la  carle 
d'uii  grand  pavs  ,  comme  la   France.   I  i\  kur  com- 

H  h  4 


488  Gdograp/iue. 

mune  lie  seroit  egalement  qu'un  point ,  ou  meme 
elle  ne  paroilroit  ])lus  5  je  leur  ferais  jugerde  ce  que 
reiil'erine  cetie  carte,  par  comnaioisonavec  ce  qu'ils 
auioient  vu  sur  la  carte  ciorograpbique  ;  je  leur 
expliquerois  ce  que  c'est  que  le  millaire  ou  la  iieue; 
je  leur  dounerois  une  idee,  mais  tres-legere,  de  la 
lougiiudu  et  de  la  latitude  ,  pour  j  revcnir  lorsque 
nous  en  serious  a  I'appliratiou  de  i'aslronomie  a  la 
Geo^'rapliie  ;  je  leur  frrois  ainsi  pa: courir  succinc- 
te:nent  TEurope  ,  sur  differentes  cartes  des  grands 
paj's  qui  la  composent  5  je  leur  parlerois  des  diffe- 
reutes  mesures  d'usage  dans  ces  pays  ,  et  ;e  leur 
dirois  uu  mot  du  gouvernemeut  et  des  moeurs  des 
-ha!  itans  du   pav"". 

Qih'ind  ines  eleves  en  seroienf  la  ,  je  leur  mettrois 
sous  les  yeux  une  carte  d'Europe  ;  je  leur  ferois 
refoHnoitre  Ics  diff^rens  pays  dont  nous  aurions 
parle ;  je  les  leur  ferois  comparer  entre  eux  ,  pour 
en  connnitre  la  grandeur  respective;  et  j'ai  lieu  de 
cioire  qu'ils  en  coa:prendroi«nt  facilement  I'elen- 
due  ,  puisque  nous  serions  partis  de  points  qui  leur 
sont  ties-connu3  ,  de  la  connois  auce  de  leur  com- 
mune et  de  la  proportioa  dans  laquelle  on  est  oblige 
de  rcduire  le  pied  ou  le  ,  metre  ,  pour  donner  des 
cirles  plus  ou  moins  generates.  Apres  la  carte  d'Eu 
r  jpe ,  je  leur  prc-«cnterois  successivement  I'Asie  , 
I'AiVique  et  J'A'i'erique. 

Je  leur  mettrois  ensuite  sous  les  yeux  une  mappe- 
monde.  On  voit  que  je  vais  toujours  en  sens  inverse 
des  luetliodt^s  ,  qui  descendant  des  tableaux  les  plus 
gf'neraux   aux  particuliers  j    pour  moi ,  je  conduis 


Meikode  d*enseignenient.  489 

mes  ^Ifeves  des  tlclails  aux  objeta  generanx*  ,  et  Ton 
sent  que  par  cg  mo^en  ils  ne  cessent  d'avoir  des 
points  de  compare!  son.  Je  leur  explitjuerois  ce  qu'? 
c'est  qu'une  uiappemoiide ;  je  leiir  ferois  recon- 
noitre, snr  cctte  niappemonde,  I'Europe ,  TAsie  , 
I'Afvique  et  l'Am(f^rique  ;  je  lour  ferois  comparer 
entr'elles  ces  quatre  ])arties  du  mond<^' ,  fwnr  en 
connoiire  I'etcndne  rpsp«ctjve  ,  quoiqu'il  y  ait  bien 
qiielque  cliose  a  dire  par  rapport  au  relrecissement 
quVprouvent  les  mappemondes  ,  an  centre  de 
chaque  hemisphere  5  je  leur  ferois  remarqner  les 
lies  et  le  grand  continent  de  la  Nouvelle-Hollande, 
qus  I'on  ne  pent  represcnter  siir  les  carles  particu- 
lieres  des  qua  I  re  parties  du  n.onde  ;  je  Icnr  ferois 
remarquer  qu'il  y  a  plus  de  terres  vers  le  nord  que 
vers  le  sud  ,  et  je  leur  ferois  mesurer  le  cercle  entier 
de  la  terre.  C'est  alors  que  je  leur  expllquerois  en 
d(§tail  ce  que  c'est  que  la  longitude  et  la  latitude  ; 
pourquoi  elles  sent  ainsi  nomnu'esj  et  comment  on 
est  oblige  d'avoir  recours  a  I'astronomie  pour  fixer 
la  position  de  differeiig  lieux  sur  la  terre. 

De-la  5  preuant  un  globe ,  je  leur  ferois  com- 
prendre  que  la  terre  est  ronde  ,  et  il  me  semble 
qu'ils  sentiroient  cetle  vt'rit^  d'une  maniere  d'autant 
plus  sure,  qu'ils  auroienl  etudie  tons  les  details  des 
terfes  immenses  qui  couvrent  le  globe.  Ce  ne  seroit 
plus  pour  eu\  un  paradoxe  ,  comme  cette  verity  le 
devient  ,  lorsqu'avant  d'etre  prepares  on  leur  po>e 
en  fait  que /a  lerrc  est  ronde.  I/'liomme  ignorant, 
I'enfant  ,  qui  ne  voi^'ut  de  tout  Tunivers  que  leur 
foiUe  horizon  ,    ue  peu\enl  concevoir  CL^tte  hvpo- 


49^  Gcograpli  he. 

thes':';  tout  leur  sembL>  ii)cliqucr  Ic  contraire ,  le 
niveau  dcs  caux  ,  ra-pli/ip.b  di^s  nia;sons  ,  leur 
TIT  arc  e  r.  eiiu  ;  el  &'il  en  e-\  quehiucs-iujs  clout  la 
curiosil^  se  trcnve  ]){(|u.e  par  cettc?  su;  position,  et 
qui  cbercheut  a  en  pen.  Irer  les  raisons,  ombien  j  en 
a-t-il  ij(^n  se  lontei  tent  tie  ce  c|u'on  leur  en  dit,  etcjui 
craignent  de  s'erga  cr  tlaii,^  les  details  d'une  seience 
qui  n'uffre  que  fles  d^.outs  et  de  robscurit6  ? 

Ensute  je  Jeiir  expliquerois  les  cercles  de  la 
sphere  •  je  leur  parlerois  des  cinq  zones  ^  je  leur 
dirois  quelque  chos-  de  la  rotation  de  la  terre  sur 
son  axe  j  je  leur  expliquerois  pourquoi  le  jour  et  la 
iiuit,  I'ete  et  I'iiiver  reg«:^nt  en  nieme-teraps  sur 
la  terre  ,  et  je  leur  ferois  faire  quclques  operations 
sur  le  globe,  pour  ciierclicr  la  difference  d'iicure 
enlreplusieurs  lieux. 

C''est  la  oil  finit  le  domaine  de  la  G6ogra])liie  ;  ce 
qui  est  au-dela  appartient  entierement  a  i'astrono- 
inie.  Cependant  ,  pour  mettre  mes  eleves  dans  le 
cliemia  de  cette  science  ,  je  leur  parlerois  succinc- 
tement  de  la  revolution  de  la  terre  autour  du 
soleil ,  de  celle  de  la  June  autour  de  la  terre  ,  des 
eclipses  de  soleil  et  de  lune  ,  et  eniin  de  la  place 
qu'occupe  la  terre  dans  le  syslenie  du  monde.  Je  les 
quitterois  la. 

Je  pourrois  ensuite  reyenir  sur  differentes  branches 
de  la  Geographic,  comme ,  par  exemple  ,  sur  la 
Geographie  physique  et  la  Geographic  ancienne,  qui 
lie  sont  pas  autre  chose  que  des  applications  de  la 
Geographie  a  la  phjsique  el  a  I'histoire  ,  et  j'ai  lieu 
de    croire    que  iiies  eleves  y  feroient  des  progres 


Mithode  d'ensclgneincnl.  491? 

d'ciufant  plus  rapides  ,  qu'ils  seroient  d^ja  tr^s-ins-' 
triiifs  dans  la  Gvogrnphie  positive.  II  v  auroit  encore 
qiielques  autres  petiles  branches  de  la  Geographie  , 
que  Ton  poiirroit  e:''ploiter ,  comiiie  la  Geogra  liio 
polltijiie,  et  rijydrugrapliie.  La  Gccgripliie  poli- 
tique presenteroil  aom  un  meme,,/o;nt  de  vue  la 
descr){jiion  des  deferens  pavs  app^irtenant  a  une 
meme  p  issaiice  ;  elle  en  incliqueroit  les  relations 
respectives  ct  cc-lles  que  ces  pays  peuvent  avoir  avec 
d'autres  puissances,  et  par  ce  rtioven  elie  pjurroit 
elTe  t;vs-utile  a  la  diplomatic;  I'liydrograpliie  ren- 
fermeroit  lonles  les  connoissances  g^ograpiiiques  qui 
sont  n(^^cTssaires  a  la  navigation. 

Voila  la  niethode  tjue  j'avois  h.  proposer  pour 
I'enseigneinent  de  la  Gt'-ograpliie.  Elle  tient  essen- 
tie!l'/ment  a  la  mdrche  analijtlque  de  tontes  les 
sci  nces ,  et  c'est  par  cette  raison  que  je  la  crois 
beaucoup  p'us  utile  que  toutes  celles  que  I'on  a 
suivies  jnscpi'a  present.  J'espere  que  I'on  ne  s'ima- 
ginera  pas-  que  c'est  dans  I'intention  d'innov^er  que 
j'en  fais  Ici  la  proposition  ;  cette  m^tliode  est  le  fruit 
de  mon  experience  a  moi-me-ne  ,  et  c'est  en  la 
suivant  que  j'ai  appris  la  Gt^ographie  seul  et  sans 
maitre. 


H  I  S  T  O  I  R  E. 

VotAge  d'Egypte  ET  DE  jVuBZEj  parFBFDEBIC* 
Xouis  JVoRDEy  J  noLwette  ddltion  _,  soigneuse- 
meat  conferee  sur  rnngLnate  ^  ai^ec  des  notes 
et  des  additions  tlrees  des  auteurs  anciens  et 
niodernes  j  et  des  gdographes  a  rates  j,  par 
L.  L Angles  J  sous-garde  au.x  manuscrots  de  to, 
BihiLothhque  nationale.  pour  iesianguesarabe, 
persannCj  tarLat*e  r/iantckou  y  etc.  j  nienihre  de 
ta  CommissLcn  tcmporaire  des  arts  ^  adjointe 
ciLL  comit6  d" Instruction  pubUque  j  trois  vol. 
gravd  i!i-4.'>  orn-s  de  i6o  planches.  De  I'inipri- 
n^erle  de  P.  D'^dot ,  Taiiie. 

Xje  voyage  de  Fr^dtTic-Loiiis  Norden  est  suffi- 
samment  coiinu  de  t(-us  les  amateurs  de  I'antiquite. 
L*exactitude  avec  laqueiie.  11  a  figur^  j  la  naivelw 
avec  laquelie  il  a  d4cin  'es  r-ionumens  de  I'E- 
gj'pto  ,  Tout  fait  recliercher  avec  empressement 
par  les  savans  et  les  curieir:,  et  W  a  ^[6  traduit  dans 
pluieurs  langiies.  II  est  en  effat  de  la  dernitire  im- 
portance, puis'que  son  auteurest  le  seul  Europ^en  qui 
aft  cntrepm  jnsqiri.i  ua  voyage  de  la  liaute  et  basse 
EoJpf3  ?  et  e  ]:,lau  d'apres  k'f.juel  il  I'a  execute,  a 
^te  suivi  depuis  Kii  par  tons  ceux  qui  out  d^crit  et 
dessin(^  les  monuniens  de  rarchitecture  des  anciens, 
CVst  Ini  qui  a  iu  agine  de  donner  ces  ^I^vatious  , 
res  coupes  g^ometrales  et  tons  ces  details  qui  serablent 
nous  d^convrir  le  secret  de  rarcliitecte  ,  et  doat  les 
artistes  connoissent  hlen  toute  I'utilite.  Le  texte  d© 
scs  relations  ome  de   pr^cieux  eclaircisgemeiis  sur 


yoijage  en  Egypte,  49S 

les  d.^scriptions  qu  '  les  ancleus  nous  ont  transmises 
des  njinbreuv  et  immortcls  moiiumeus  de  I'Egj'pte, 
Nordeii  ii'a  cenendant  pas  consacrd  unique ment  son 
cravou  a  nous  rctra  er  les  productions  de  I'art  ;  159 
planches  soi^nc^usement  executees,  ofTrent  alterna- 
tivenient  le  cours  du  Nil  avec  tout  s  ses  cataractes  et 
tons  sc's  details,  des  ruin.-s  iniposantes,  des  Edifices 
anl^rieurs  aux  siecies  coniuis  et  qui  ont  fali^u6  IcS 
efrorts  d.  1  temps  ,  des  cit^s  nombreuses  ,  de  riches 
plantations  de])a]miers,  des  chanins  ferliles  sans  cul- 
ture' ,  et  d'arides  d.'sei  ts.  Plein  de  coiifiance  dans  un 
guide  aussi  sar  ,  on  s'engage  avec  lui  dans  les  (a- 
naux  ^Iroils  des  pyiamid.^s  pour  arriver  jusqu'a  la 
cLambresupulcLrale  etau  sarcoj.hage  :  de  leursom- 
met  vous  vontem^  lez  les  canipagr.es  verdoyantes  du 
Delta  ,  qui  contraste.t  si  fortement  aveo  Paride  plaiue 
des  momies.  E;nbarq  e  sur  le  Nil  dans  un  letter 
qandjali  ,  la  curios  le  vous  appelle  souvent  a  terre. 
Alexaudrie  ,  M  mphis,  Syene  ,  la  ville  du  Soleil  , 
I'antique  Thebes  aux  cent  pories,  ne  sont  pas  encore 
aneanties,  et  on  trouve  un  sujet  in^^puisablede  medita- 
tions dans  ces  mines  imperissables. 

Tel  est  I'inttTet  souteiiu  que  I'oii  trouve  dans  la 
lecture  de  ce  vo\age,  ([ue  Pun  peut  regarder  comiue 
un  des  pus  utiles  et  des  plus  curieux  que  ce  siecle 
aitproduits.  Norden  Pentrei  rit  en  ^l"^! ->  P^i' Purdre 
de  Christian  VI ,  roi  de  Danemarck  ,  qui  avoit 
distingue  son  talent.  II  avoit  alors  29  ans  3  il  ^toit , 
dit  son  biographe  ,  sage  ,  eclaire ,  d'un  courage 
qu*aurnn  peril  ni  aucune  fatigue  ne  rebutoit  ;  ob- 
^ervateur  habile ,    grand  desainateur  et  bon  mathe- 


494  ULstoire. 

nnalicien  ,  et  joignoit  a  toutes  ccs  qualitcs  un  gout 
delicat  et  sur.  Une  forle  envie  d'examiiier  sur  les 
lieux  les  raerveilles  cle  I'Egypte  ,  avoit  pr^venu  en 
lui  I'ordre  qu'il  en  recut  ,  et  il  s'etoit  prepare  a  ce 
voyaae  par  des  lectures,  par  des  etudes  et  par  des 
excursions  daus  les  (tifrerentes  parties  de  la  France 
et  de  !*iralie  les  plus  uliles  a  connuitre ,  et  par  des 
liaisons  avec  les  artistes  et  les  savans  les  plus  dis- 
tinpuc's  de  PEurope,  parmi  lesquels  out  peut  prin- 
cipal;') tient  citJT  ie  baron  de  Stoscli  ,  celebre  par 
sa  collection  de  pieces  gravies  ^  et  plus  encore 
par  i'araitit^   de  Winckelman. 

II  revint  en  Europe  le  21  fevrier  i-^SS  ,  appor- 
tant  avec  lui  un  ample  recueil  de  dessins  et  un 
grand  norn'ore  de  m^moires  et  d'observations  sur 
des  feuiiles  separees.  Le  roi  voulut  qu'il  rcdigeat 
aussitot  la  relalion  de  son  vojage ,  afin  qu'elle 
put  etre  pnbliee  pour  I'instruction  des  curieux  et 
des  gens  de  lei  ties. 

II  revit  ses  memoires  et  ses  dessins  ;  mais  I'assi- 
duite  avec  laqueile  il  se  livroit  aux  devoirs  que  lui 
imposoit  son  etit  d'officier-  de  marine  ,  retardoit 
beaucoup  I'ouvrage  ;  divers  voyages  I'interrom- 
pirent ,  et  nne  mort  prematuree  I'enleva  a  Paris  , 
en  1742,  a  I'iige  de  84  ans. 

II  eut  la  prevojance  de  j.remrttre  ses  manuscrits 
dans  des  mains  fideles.  Daneskiold  se  montra  zele 
pour  la  gioire  de  son  ami ;  le  roi  ordonna  d'achever 
I'ouvrag'^,  et  que  les  dessius  fussent  graves  par  le 
celebre  Marc  Tuscb- r  de  Nuremberg  ,  artiste  qui 
joignoit   k  ses  taleus  le  goul   de   Tauliquite  ,  et  qu- 


Voyage  en  Egijpte.  495 

avolt  ete  I'ami  de  I'aufeur.  Quoi  ju'll  eut  formc^  le 
projet  de  renonccr  absolament  an  burin  ,  il  con- 
sentit  cepcndanl  a  se  charger  d'lin  travail  qui  pon- 
voit  honorer  la  raemoire  de  son  ami  ,  er  il  vii;t 
pour  cet  effet  a  Copenhagiie  ,  ou  la  mort  I'a  ega- 
lei7ient  euleve  au  milieu  de  sa  cavriere  ;  il  avoit  eii 
cependaut  le  temps  d'achever  toutes  les  planches ,  a 
I'exception  de  la  i59.«  qui  represente  la  vue  de 
Deny,  du  portrait  de  I'auleur  ,  et  de  la  mcdaille 
qu'il  avoit  imagn^e  pour  ilUislrer  sa  memoire. 

Les  savans  charges  de  la  redaction  de  I'ouvrage 
s'en  acquitterent  avec  la  plus  grande  fidelite  5  ils 
r.e  se  permirent  au.  nne  addition,  aucun  change- 
ment.  II  lut  puljlie  en  francais.  Le  premier  volume 
parut  en  1752,  le  second  eu  1755  (i).  Les  journaux 
les  plus  accrddites  dans  I'Europe  s'empress^rent  de 
I'annoncer  et  d'en  faire  I'e  oge. 

Un  savant  anglais,  Templeman ,  en  entreprit  la 
traduction  et  I'a  publi^e  en  1767  (2).  Cette  edition 
snlendide  ne  laisse  rien  a  desirer  ,  elleest  pent  etre 
meme  plus  belle  qne  I'^dition  originale.  II  I'enrichit 
de  notes  courantes  dans  lesquelles  il  rapporte  ce  qui 

(0  Voyage  d'Egyple  et  de  Nubie  ,  par  Frederlc-Louls 
Norden.  Ouvrage  enrichi  de  cartes  et  de  figures  dessinees  sur 
les  lieux.  Copenhague  1732.  —  1755  ,  2  vol.   grand  in-folio. 

(2)  Travels  in  Egypt  and  Nubia,  by  F.  L.  Norden  trans- 
lated from  the  original  published  by  command  of  the  King 
of  Denmark  ,  and  enlarged  with  observations  from  antient 
and  modern  authors  ,  that  have  written  on  the  anti- 
quities of  Egypt.  By  D.  Peter  TempUman.  London  ,  1757, 
in-fo!.2  vol.  et  8.^  2  vJ.  Cette  traduction  a  el6  ellc-meme 
tradiiite  en  allemand. 


496  HLstoire. 

pouvoit  le  plus  illuslrer  son  auleur  ;  mais  ccs 
notes,  qiioique  remplies  d'erudition,  prouveiit  qu'il 
ii'otoit  pas  beaucoLip  plus  vers6  que  les  edileurs 
danois  dans  la  litt^nature  orientale ,  sans  cela  il 
auroit  Joint  aux  citations  des  auteurs  grecs  et  latins 
celles  des  nombreux  ouvrages  des  Arabes  sur  TE- 
g^ypte. 

C'est  ce  que  le  citojen  Langl^s  a  fait  pour  cette 
rouvelle  edition  francaise;  il  a  resi  ect6  scrupuleu- 
s°ment  le  texte  ,  mais  il  I'a  rectifi^  dans  des  addi- 
lions ;  toutes  les  notes  de  Templeman  ont  et© 
conservees  ,  mais  il  les  a  rejetees  vers  la  fin  de 
I'ouvrage  avec  celles  qu'il  a  tirees  d'Abulfedha , 
d'Abdelatif  et  de  Maqrizy  ;  ii  les  a  toutes  fondues 
dans  la  table  p,eograp!!i(jue  ,  pour  ne  point  detour- 
iier  I'atlention  du  lecteur  ,  et  pour  donner  a 
ces  tables  plus  d'interet  ;  nous  crojons  cependant 
que  celte  forme  qui  force  de  tenir  continueilement 
deux  volumes  a  la  main  u'est  pas  la  plus  commode, 
et  qu'il  auroit  6te  preferable  de  mettre  ,  comme  l*a 
fait  Templeman  ,  les  notes  au-dessous  du  texte. 

N'ajant  pas  voulu  herisser  ses  notes  de  caracteres 
Strangers  ,  le  cilojen  Langles  a  rassembld:  tous  les 
mots  et  les  passages  arabes  sous  le  titre  ^additions 
e\  corrections,  Cjelte  portion  de  son  ouvrage  a  t>te 
itnprimee,  d'apres  la  permission  du  comite  d'instruc- 
tion  ,  a  I'imprinierie  de  la  Republique  ,  avec  les  ma- 
gniiiques  caracteres  arabes  de  Vitray  (i). 

(l)  Magazia^  t.  II,  p.  i28,'!jgne  anti'penulti^me,  lisez  poly-^ 
glof/e  de  le  Jqv  ,  impriincut  par  f-^ilraj  ,  au  lievi  de  poljglvlte 
de    yitraj, 

r^ous 


Voijagcen  EgLjpte.  ^gy 

Nous  observeioiis  qu'il  est  vcrita  lenient  lioiitc^nx 
pour  les  plus  celobres  imprimcurs  d(^  Paris  et  meme 
do  lu  E.epuLliquc,  tels  que  lesDitlot,  Ivs  Pierre,  et 
autres,  de  iie  point  posseder  uii  seal  caractere  d  s 
laiigiies  oricntales  vivintes.  On  sait  c-u;?  la  p'upart 
des  iniprimeriesd'Augleterre,  d'AlieM;agne,  d'I:alie 
et  meme  d^  Madrid,  sont  nuuiies  au  moins  de  font3s 
d'arabe.  Naus  ne  parlous  pas  des  riohes  collections  rle 
caracleres  orientaux  de  la  Propagande,  de  Bodoni  k 
Panne,  de  Br«it-Kopf  a  Leips'ck  ,  des  presses  de 
Clarendon  a  Oxford  ,  qu3  nos  or-.ueilleux  arti.-tes 
croient  elmcer,  en  taillan.  avocplas  de  grace  quelqnes 
kttres  de  I'alpliab.t  fmncais. 

Les  geogra plies  remarqueiont  sans  donts  av.^c 
plaisir  les  additions  faites  anx  cartes  donf  la  directioa 
est  due  aw  ci.toyen  Brion  pere ,  connn  dej^uis  lona- 
tenips  par  ses  lalens  et  ses  nonl)rr'ux  travMux.  I!  a 
trace  d:  ssus  les  dcgr^s  de  longitude  tt  de  latitude  ;  les 
premiers,  suiva.it  la  double  maniere  de  les  conrter 
du  meridien  de  IMsIe-de-Fer  et  du  m(  ridien  dt- Paris. 
On  troMvera  aussi ,  sur  la  carte  generate  du  cours 
du  Nil  J  les  ^chelles  des  ditf '-r.  nt 's  mesures  itine- 
raires  d'E.i:ypte  et  de  France,  dressee.-;  par  le  meme 
geo:  raplie.  La  disrosition  inverbe  de  ces  cartes,  oii 
le  nord  se  Irouve  en  !>as  et  le  inidi  en  liaut,  a  du  i^tre 
conservee  :  i'anteur  les  a  dessinees  ainsi  en  remontant 
le  Nil ,  pour  donuer  im.'  idee  plus  j'iste  d-^  sa  marche, 
L'ediein-  a  copie  Hdelement  sur  ces  memes  cartes  les 
noms  de  lieux  ,  tels  que  Norden  les  a  dounes 
avec  le  soin  d'en  indiquer  la  v/rltabl"  prcKn- 
cialion  dans  a  tabb-  ^^^ograpiiique ,  et  v.eme  d ms  le 

To /tie  IL  I  i 


4<)8  lUstoLre. 

cours  du  texte,  enlre  deux  parentheses.  Qiiant  aux 

mots  aiabes ,  I'aiteratioii  trop  sensible  d^s  caracteres 

autorisoit  a  ies  ecrire  plus  corrcctement  et  sur-lout  plus 

lisiblement. 

On  a  eu  pour  le  dessin  le  menie  respect  que  pcur  le 
texte  ;  I'avtiste  s'est  fait  un  devoir  de  n'ajouter  aucun 
ornement  et  de  ne  supprimer  aucun  detail.  Nous 
clevons  cependant  a  la  verite ,  d'avouer  que  leur  exe- 
cution n'est  pas  en  g(^n^ral  assez  soignee ,  et  qu'il  s'en 
faut  bien  qu'a  cet  egard  I'cdition  francaise  puisse  le 
disputer  anx  editions  danoise  et  anglaiso  j  la  suppres- 
sion des  vignettes,  des  fleurons  et  des  autres  ornemens 
disperses  dans  I'in-folio  ,  et  leur  reunion  dans  des 
■planclies  scpar^es  ,  ne  sauroient  non  plus  ^tre  ap- 
prouvees  ;  ces  vignettes  sont  faites  pour  \qs  places 
qu'elles  occupent,  et  en  priver  I'ouvrage  ,  c'est  lui 
faire  perdre  de  son  elegance  et  de  sa  majeste. 

L'exccution  tjpograpliique  ,  due  au  citojen  Didot 
l'ain^,est  aussi  soignee  qu3  tout  ce  qui  sort  de  ses 
presses  justement  celebres. 

Ce  premier  volume  que  nous  annonrons  ,  contient 
la  preface  avec  la  vie  de  I'auteur ,  sa  correspondance 
avec  le  baron  de  Stoscli ,  Ies  details  sur  I'anciejme  et 
la  nouvelle  Alexandrie ,  sur  le  nouveau  Caire ,  sur 
Ies  pyramides,  avec  Ies  remarques  sur  la  pyramido- 
graphie  de  Joim  Greaves.  Les  planches  qui  accom- 
pagneat  cette  tioisieme  partie  ,  sont  au  nombre 
de59. 

Le  prix  de  chacun  des  trois  volumes  de  eel  ouvrage 
est  de  120  liv.  pour  le  papier  ordinaire  ,  et  de  3oo  liv. 
sur  papier  velin.  A.  L.  M. 


EcLAiRcissE.uENT  sur  ies  Vdpres  slcUoe 


'fines. 


l^E  massacre  des  Franrais  en  Sicile  ,  connu  sous  le 
iiomde  ye^prcs.uUcennes.esi  mi  cn'cniement  qui 
pour  etrc  arnve  plus  de en-,  siecles  av.nf  nous,  n'cu 
me-ntepas  moms  notre  attention.  II  o'Sve  unc^  le  on 
salutaire  a  res  hommfes  .ue  la  prosp.rile  po,  fe  roujours 
a  la  licence,  et  qui,  dans  leu:-  d.^I,re  ,  oul.li..„t  ce'fe  * 
important.^  v^r.te     que  /.  jour  des  vengeances  est 
ie  LeademaLn  de  i' injure.   Le  re  it  que  l.s  in.fo- 
nens  out    fait  de  cet  evenement,   ne  s.lsfair  point 
un  lecteur  eclain^  II   re.u  te  d.  leur  redr  des  diili- 
cultcs  qu.  m'ont  paru  conme  autant  de  proUemes 
et   pour   la    solution    de.^  ncll^s    je    .n'adressois    a' 
i  hunime  le  plus  vevs6  dans  h'-tude    do    I'hi.toir'^ 
le    savam   Brequigny.    L'c<  laircissement    qu'on    va 
lire  est  la  reponse  a   mes  quesiions.  Tout  s'v  trouve 
M  saoement  discute  ,  qu'on  me  saura  gre    L  I'avoir 
pubhe.     Ce    n'est    pourtanl    .u'avec   un    sentin^ent 
de  douleur  ,  parce  qu'd  nie  r«ppell.  la  perte  raceme 
de  I  auteur  de  cet  ecrit ,  arrivee  le  i5  messidor  (  3  juil, 
et  )  ,  dans  sa  cpialre-vingt-deu^ieme  annee.  Pendant 
Je  cours  de  ^a  lor.gue  carnere  ,  I.vre   sans  cesse  a  des 
jravaux  utdes  etm6me  necessaires,  i[  n'ambi.icma  ni 
la  fortune,  ni  la  renommee.  Le  plaisir  de  b.n  /aire 
fntson   umquebut;    et    ceLn"    de  communiquer  ses 
Inmicrcs  ,    sa    seule  sau.faction.  La   s  .here    de    se. 
vasles  co-moissauces  nVtoit  eiroii<3  nu'aux    yruv  de 
sa  modeslie.  Jamais  il  n'eut  m  enviJu>c  ni  ennemi.. 
Aucune  parsion  ne  troubla  le  cauue  de  sou   ame  , 

li  2. 


'5oo  Hlstoire. 

et  rameiiile  de  ses  moRiirs  fut  inalterable.  De 
cnielles  soufFrances  remplirenl  les  derniers  momens 
de  sa  vie  ;  il  les  supporla  avec  courage  et  sans  que 
la  douceur  de  son  caractere  se  deincntlt.  II  est  mort 
au  sen  de  la  tendresso  et  de  la  verln,  c*est-a-dire  , 
tntre  It  s  bras  de  ses  respect<)ble.s  filles.  Mais  I'amitle 
que  je  lui  avois  vouee  me  fait  onblier  ici  que  le 
droit  de  le  louer  apparticnt  a  son  digne  eieve  ,  au 
Z('le  coop(^rateur  de  ses  tiavaii'^  ,  en  un  mot,  a  son 
heritierlitt^raire.  Aussi  s'cst-il  charge  de  nousdonner 
une  notice  sur  la  vie  et  les  oiivrages  du  sage  et 
rnodeste  Br^quignj,laquelle  doit  elre  inseree  dans  un 
desnumeros  de  ce  journal.     S.  C. 

JJkpuis  votrelelfre  du  24  juillet,  mon  cber  ami, 
j'ai  relu  tout  ce  qcie  -j'ai  trouve  a  ma  portee  sur 
Les  Vepres  siclUcnnes  j  j'ai  eu  recours  anx  annales 
d'ltalie  ,  de  Muratori  ;  a  I'i.istoire  de  Sicile  ,  par 
Fazelli  5  a  I'histoire  des  rois  des  Deu>-Siciles  de  la 
maison  de  France  ,  par  d'Egli  5  a  I'histoire  gene- 
rale  de  Sicile,  par  Burigny  ;  a  I'hisvtoire  de  Naples, 
par  Giannone  5  aux  histoires  d'Espagne  ,  par  Ma- 
riana ,  d'Herreras  ;  au\  h  sloriens  de  Provence  Gauf- 
fridi  et  Papon  5  j'ai  meme  confere  avec  ce  dernier 
sur  le  point  d'iu'stoire  dont  il  s'agit ,  qu'i!  avoit  exa- 
mine avec  grande  attention.  Tons  ces  auteurs  citent 
exactementlc  pen  d'ccrivainscontcmporains  qui  nous 
xestent  ,  Malaspina  ,  Barthelemj  de  Neoccistro  ,  Vil- 
lani  qui  ecrivoit  environ  60  ans  apres  eux  ,  et  uue 
ancienne  chronique  de  Sicile  ,  imprim(^e  dans  le  troi- 


Vvpres  SLCLUeniies.  5or 

siemp  volume  du  Tr.\«;or  des  anc.doles  do  Martcne. 
Ell  com]»incJiit  leiiis  recils  ,  voivi  cc  qui  ine  paroit 
en  resuller  : 

La  r(H'olutioii  qu'oii  deslgne  coiniiuinc'ment  sous 
Je  nom  de  Vvpres  sicUlennes  ^  et  qui  euleva  la  Si- 
cile  a  Ciiarles  d'Aiijou  ,  en  1282,  avoil  etc  pivparee 
d'assez  loin  ,  niais  1%  xplosion  eu  f'ut  suJiite,  et  I'ius- 
tant  n'fn  fut  determine  que  par  uue  circonslauce 
imprevue.  EUe  n'eclaia  pas  meine  dans  loute  Pile, 
en  meine  temps,  cximme  on  le  dit  ci'ordiiiaire  ;  et 
on  auroit  pu  en  interrompie  Teffet,  ^i  on  avoil  pro- 
file de  pres  d'nn  mois  qui  s'ecoula  avant  que  cet 
efTet  se  fut  propag^  de  Palermo  a  Messine.  Je  \  ais 
enlrer  dans  quelques  delaiis. 

On  sait  que  C  aric:-  d'Anjou ,  frere  de  Sainl-Loiiis , 
avant  ac.ep'.e  du  Pape  I  invesl'ture  du  rovaume  de 
Si(i!c,  en  a\oit  depouiile  Mainfrov  ,  tue,  en  1266  , 
dans  uue  halailte  qui  avoit  deci  le  du  sort  de  i'lle.  II 
eloil  dv'  la  poliliqu  >  de  Charles  d'ecarter  ceux  qui 
avoieut  paru  les  plus  de\;;ues  a  Main'Vov  ;  niais  il 
les  persecuta  avec  acbarnement  (i).  II  confisqua  leurs 
biens  et  lesdi.-iribua  aux  Francais  qui  I'avoienl  suivi. 
II  accaljla  d'impots  ses  nouveaux  sujels  ;  et  ce  qui 
les  iiriloit  plus  encore,  il  autorisi ,  par  rimi)uuittS 
la  licence  la  plus  revoltante  a  laquelie  se  lirerent 
sesFvaui-ais  ,  dans  mi  pavs  qu'ii  spmbloit  ai)and;nner 
a  leur  disc^-etion.  Les  bistoriens  cout.Mnporains  attc^- 
lent   t'enorinii^    de    ces    exces.    Des    bulles  de  Cl(^- 

(0  Kx  Malasplin  ,  lib.  3  ,  c.  16  ,  IMuratori  ,  ivinal.  ,  torn* 
7.  /  .  3j2  J  Fa^elli  ,  dc  rebus  SUiUa-  ,  />.  ^5o. 

li  i 


^02  Hisioire. 

mcnif  TV  (i)  ]iii  reproc!  ent  sa  condniie  tyranniqae, 
et  hii  en  rcpn'sentcnt  le  danger.  Ces  sages  remon- 
trat.cv-s  lie  le  toi'c:  ereiit  point,  et  il  devint  de  plus 
ei  ]  his  odi<'u\  auv  Sicjlieiis. 

Paimi  ceux  qui  avoieiit  le  plus  de  sujets  de  se 
plaiidre  (2; ,  etoitnn  nobie  citoyeii  de  Salerue,  Jean- 
de  Procida  ,  air  si  apyel-  paiee  .  ii'ii  etuit  seigneur 
d'u  e  petite  ile  de  ce  notu.  11  avoii  ele  fort  attacbe 
a  Mainfiov  ^  c-t  en  consequeiice  J^es  bi.-i:s,  qui  etoieiit 
consi  I6rables,av  )ientet'jco  fisque^.OnprT'tendineme 
que  1'  onneurde  y^  f(  mme  n'avoit  point  ete  respecte. 
Pi\>foiuleraeui  bless  •  ,  brulant  du  desir  de  se  venger,. 
assez  ;;abile  pour  en  s^isir  roccasion/mai;  assez 
patient  ]jour  Tatten're  ,  il  trouva  sans  peine  nn  asile 
aupres  du  roi  d'A:ra  on,  dosit  le  fils  aroit  epouse 
Constance  ,  tiile  de  Maiiifn^y  son  ancien  mailre  ,  et 
mon!a  sur  le  trone  d'Arra:ion ,  en  12-^6,  sous  le 
roni  de  Pierre  III.  Sa  femme  lui  a^  oit  porte  ses  droits 
snr  celui  de  Siciie  ;  et  Nicolas  IITqui  avolt  -te  nomm6 
Pape,  en  1-^78,  ne  laissoit  point  esperer  a  C' arles 
les  niemes  secours  que  ctux  dont  il  eloit  assure  sous 
les  papes  j  reced?ns.  Ce  concours  de  cifconstaiices, 
joint 'au  meconlentement  des  Siciliens,qui  croissoit 
toujouis  ,  parut  a  Procida  la  conjoncture  la  plus  fa- 
vorable a  ses  resse:>timens. 

EUe  ne  Tetoit   pas  moins  aux  droits  du  roi  d'Ar- 

(l)  Epist.  Clem.  JP^  }  thesaiiy.  annec.  toni.  4  ,  p.  448  y  etc^ 
Haliialdtis,  aJ  aim.  1266  ,  u."^  17  ,  etc. 

(2)  ?*Tnrolori  ^annal.  /.  7  ^  p.  537-  Costanzo,  hist.  sicuK 
lih.  2.  Gianuone  ^  Jtist.  di  JS^opol.  lib.  20  ,  cap.  5.  Fazelliy^uM 
supra. 


VCprcs,  sicUiennes.  5o-3 

ragon  sur  la  Sicile  ,  s'll  vou^oil  Ics  faire  valoir.  Pro- 
cida  I'y  excita  Ibitoinent.  Ce  prince  i'rcouta  ;  ma'S 
il  alleguoit  le  dcfaiit  de  moycns.  11  iiiariquoit  sur-loiit 
d'argent  ,  et  il  en  falloit  beaucoup  pour  tenJer  nne 
pareille  entreprise.  Procida  so  cl<ar^ea  d'en  obfeilir 
de  Michel  Palt'ologne  5  emperenr  de  Conslanliiiople, 
a  qui  il  savoit  que  Ciiarles  prujeloil  de  faire  la  gnerrc , 
pour  soutenir  les  ]ir^tentions  a  I'empire  de  Constan- 
tinople que  reclamoit  Philippe,  devenu  son  gei.dre  , 
depuis   1273. 

Le  projet  de  Prorida  pint  au  roi  d'Arragon  ,  ct 
Procida  (i)  ]  arlit  si.v-le-cliamp,  degnise  sons  Tlia- 
hit  de  cordelier  ,  de  peur  d'etre  reconnu  eu  Sicile  , 
oil  il  crut  devoir  [)as>er  d'abord  pour  sonder  tacite- 
teinent  les  dispositions  des  SicilJens.  II  les  Irouva  aussi 
irritf's  centre  les  Fran^ais  qu'il  le  souliaitoit.  II  se 
rendit  aussitot  a  Constantinople  :  ( 'ctoit  en  1279.  II 
etoit  muni  de  letti^es  de  creance  du  roi  d'Arragon  ; 
il  obtint  de  Teraperenr  une  audience  secrete;  il  Ini 
decouvrit  les  projels  fo;mes  contre  lui  par  le  roi 
de  Sicile ;  il  lui  fit  sont'r  en  meme  temps  les 
moyens  de  les  faire  ecliouer ,  en  snscitant  a  son  en- 
nenii  une  guerre  dans  s-^s  ]-;roprPS  etat«,  soit  par  la 
rcvolte  des  Siciliens,  qu'on  3^  porteroit  aist  ment  , 
soit  par  une  invasion  du  roi  d'Arragon  qui  s'y  en- 
gageroit ,  si  on  lui  fonrnissoit  quelques  subsides.  L'em- 
pereur  adopta  ce  plan,  en  siq^posant  la  n'alite  des 
vues  hostiles  de  Charles,  dont  il  voulnt  prealable- 
ment  etre  assure.  Procida  n'eut  pas  de  peine  a  Tert 
convaincre  ;  et  il  en  obtint  non  sculement  des  pro- 

(i)  Fazelli  et  Muralori  ^  nhi  supra. 

li  4 


5o4  Ills  to  ire. 

in.sses  fIV.rgeiit  r.iais  dcs  L  ttrrs  pour  le  pape  arc* 
qi.i  ii  iwo'ii  I'U  lie  ^.Tandes  relations  aw  >i,jvl  de  la 
n  '.M'ioii  d.'  i'egljso  g[\  cque  a  i'cgHse  latiiK\ 

Procida  5  ir.uni  de  ccs  i  tiros,  pa>sa  aupies  du 
pa;  e  dc:n!  i:  \vA  '  ien  acciuilH,  ct  lo  m\X  dans  les 
ii.t'relo  du  i  oi  d'Ar:agO!i,  d'iiutaiit  \\\\s  aisroent, 
que  ]e  pape  eloit  persomic  llement  mecoiitrMl  du 
roi  de  Sici'c.  Procida  relourna  en  ore  dans  celte  ile  , 
ef  vexlni  b.  Con^lantuiopl.^  ou  i'  aclK  va  >a  i!('go  ia- 
tlon  avec  Tei-  percnir  ;  enfin  jl  en  paiiit.en  1281  , 
avcc  uii  envov  e  d.'  ce  r  riiice  ,  charg?  de  p  irter  an 
roi  d'Arragon  une  assez  ^jaze  £o;:!ime  d'argent. 
Durant  ces  courses  rau.llipliees,  qui  a  oient  consume 
b^'uicouji  de  kinps,  il  c'toit  arrive  un  cveuement 
qui  po  ivoit  dtVoncert  r  !cs  projeis  de  Procida.  Le 
pa])e  Nicola?  Ill  ctoit  mort  des  le  mcis  d'aout  1280  , 
fc!  on  uvoit  eJu  ,  ea  sa  piace  ,  1j  22  fVvrier  de  I'an- 
jn'e  siiivajite,  Llarliii  liT,  aussi  ailache  a  Cbarlcs 
que  Nico'.is  kii  eloi!  con'raire  ;  niais  ce  coiilie-teinps 
n'avoit  point  arrt  te  1\  mpereur ,  et  m  changea  rien 
aux  ei^gagenuMis  du  roi  d'Arragon  ,  qui ,  des  qu'il  eut 
jdcu  le  secoiiis  d'argen!  (:ucreiriperenr  lui  euvojoit, 
s'occu;)a  d'armcr  une  tlo  te,  sons  '  reti:'^  le  de  pojter 
la  g-ierre  en  Afrioue  contre  les  Sarrasins  ,  mais  en 
off  t  j-our  pratiter  d'u;;e  r?volle  en  Sicilcj  que  Pro- 
cida lui  aniion^oil   cjmme  prochaine. 

L    K  i  d    France  et  !e  nouveaii  l^ape,  devoues  au 

roi  de  Siciie  ,  inioraus  de  cet  ar.    'ment,en  tiront 

d  mander  le  molif  au  roi  d'Ariaron.  lis  se  coiiteu- 

toreiil  du  prtlexte,  e!  C  arl;\<  sj  cvoyant  lien  a!T;>rmi 

.  tur  son  troiia  ,  ne  prit  au  une  mcsure  ni  coutre  I'in- 


Veprcs  slciUennes.  5o5 

vasion  d'liii  souverain  piiiss.uit ,  qui  avoit  des  pr^'len- 
tiojis  foiidct'S,  iii  coiiire  le  sou'ev.^metii  deses  j5roi)res 
sujets  exc^dt's  par  des  ve  ations  de  joiT  en  jour  plus 
iiUoleral^es.  Pro:ida  ,  toujours  d-'^guis/',  parcouroitla 
Si'.ile,  >.'xc!laii!,  ei)tieleiiant  p.ir-loul  la  f(  iMienialioii 
qui  dcviiit  extreme.  II  avoit  ci.arge  la  mine  ;  luais  ce 
fut  ie  hasard  Cjui  eii  causa  I'explosioii. 

L'liistorieii  de  Sicile ,  Fa/elli,  avoue  (jue  ,  selon 
ropin  on  commune  adoptee  de  son  lemps  sai-iout  par 
les  t'crivaiiis  fran'ais,  la  revolution  fut  roxcculion 
d'uu  j)laa  trace' par  Procida.  EUe  sui:j)ose  qucle  jour 
et  I'lieure  oii  il  devoit  s'execuler,  etoieiit  convenes  ; 
que  le  signal  etoil  le  sou  de  la  cloche  c[ui  annoiiceroit 
riieure  dts  Vepr!\s,  ef  qn'a  I'lustanl  tous  les  Francais 
seroient  ei:orues  dans  Telenflne  de  Tile.  Mais  Fazelli 
ajoute  que  les  liistoriens  miv-ux  instruils,  particulie- 
remeut  ct  ux  de  Sicile,  deientent  celte  opinion.  II 
cite  meme  (i)  un  diplome  du  roi  de  Sicile  Pierre  II, 
d'ou  U  r(';;uile  (jue  cetle  revoluiion  n'eclata  d'abord 
qu'a  Palji me  et  aux  environs,  etque  ce  ne  iut  qu'a 
d; verses  reprises  que  les  autres  lieux  de  Pile  secouerc nt 
le  joug  des  Francais. 

Voici,  selon  ces  i.isloriens  ,  comment  les  ciioses  se 
passerent.  CYtoil  I'usage  a  Palerme  d'aller ,  tousles 
.  ans  ,  la  derniere  des  fe!es  de  Paques  (2)  ,  a  I'heure  de 
Vepres  ^  visiter  ca  devatio!i  et  en  grande  foule  la 
ci.a})t-lle  du  Sai!it-Es;)rit  ,  a  600  pas  de  la  ville. 
L'autCLir  que  je  cite  ,   dit  qne.cet  usa.u-  S'.ibsisloit 

(1)  P.  455  et  161.  I,e  diplome  est  du  19  mai  ij+o. 

(2)  Tcilio   dominiccc  vauncct.onii  d:c  ,  Fa2v.'lii  j  p-  433. 


5o6  Ilbstolre, 

encore  do  son  temrs.  Cette  fete,  en  1282,  tombofi 
ill!  3r  mars.  Les  habitans  de  Paierrae  (i)  sortirenE 
done  ce  jour-Ia  (2)  a  V  eiire  des  Vepres,  et  sf^  ren- 
dirent  a  la  ciianelle,  selon  la  coiitume.  S^iiis  doute  la 
fermenlalion  qui  r/^noit  parmi  Je  peu,)le  ,  faisoit 
craindrfi  quelque  desordie  ,  et  le  gouvernemmt  avait 
fait  defendrc^  qu'on  vint  a  rassernb'ee  aver  des  arines. 
L :s  Franra's  c'.ari:;^s  de  veiller  a  I'exenition  de  ret 
ordre  ,  pr;'t.-  ndire;it  que  la  defens."  sVteridoit  aux 
femmcs  comrre  aux  horaraes  ;  et  ,  sous  prt'te.xte  de 
s'assurer  qn'elles  n'avoi?nt  pas  d'armes  ca;  hees  sous 
leurs  habits  ,  iLs  se  comporterenl  avcc  une  licence 
insultante. 

Un  d'eux  s^'lant  adrefse  a  une  femme  de  qualite  , 
les  Siciliens  indi_^nes  assommerent  Tinsolent  a  coups 
de  pierres.  Ses  conipatriotes  voulurent  prendre  son 
parti ,  et  le  iuniulte  devint  pen^'ral  ;  on  courut  a  Pa- 
lerrae ,  en  crian!  aux  ar  nes  contre  les  Francais.  On 
Jes  rrassacra  dans  la  ville.  Ceux  qui  ^foieut  dans  la 
citadelle  J  furent  forces  et  tues.  Avant  la  fin  dn  jour, 
on  en  ^gorgea  5obo.  Les  jours  suivans,  les  Palermi- 
tains  se  repandirenl  dans  les  lieux  voisins,  et  y  con- 

(1)  Fazelli,  ]Mnratori  ,  d'Egli  ,  hist,  du  rqy.  de  Sicihj  t.  2  _, 
/».  2.02.  Papon  ,  /list,  da  proi>.  t.  2.  y  Z  ,  p.  70  ,  etc. 

(2)  Plusieiirs  protendenl  c[ue  cc  fat  le  3o  mars  ,  et  Fazelli 
le  clit  aussi  ,  maiiilajoute  que  c'etoit  la  troisieme  fete  de 
Paques  ,  ce  qui  dcsigne  le  3l  mars  ,  j.uisqu'en  12.2)2.  Piiques 
toinboit  au  29  de  ce  mois.  II  n'y  a  gut-re  d'apparence  qu'ii 
se  soit  trouipe  sur  les  feles  ,  pnisqu'il  parle  d'un  usage  annuel 
qui  avoit  lieu  de  son  temps ;  inais  il  a  pu  se  tromper  sur  le 
ealcui  du  jour  ou  Lomboil  la  Paque  j  en  liiSa. 


Vcp res  sicLlicn  n  es.  Soy 

tlniiorpnt  le  ma?saciv  ,  sans  dist'nction  dMge  ni  do 
sexe.  lis  a!loic:it  m^me,  di!-on,  cliei\  her  les  enfaiis 
desFranrais  jii^qu^;  dans  le  s'^in  de  Unirs  m(M-es.  On 
reconrioil  a  cetie  rajie  le  car.icljre  atroce  d'luie  ven- 
geance loiig-lemps  conccntr/c. 

II  n'est  fait  ancune  menlion  d-  Pro  ida  diirant 
cette  insnrrcciioi  sondainc.  Ce  qui  venoit  de  se  passer 
etoit  si  pen  I'efK^t  d'une  conjuration  doiil  la  uiarcbe 
eiit  ete  combinee,  que  les  Palerm'tains  ,  apres  le 
massacre  des  Francnis,  ne  savoienl  a  qui  S3  donner. 
lis  eleverent  la  banniere  du  pape  ,  et  le  p'-oclamerrnt 
leur  souverain.  lis  igiioroicnt  que  ce  pape  •  toit  I'ami 
declare  du  roi  dont  ils  venoicnt  de  briser  le  joug,  et 
qu'il  reietleroit  icur  ofTie.  Ils  ignoroient  I'appui  que 
l  ur  pn'paro  t  'e  roi  d'Arragon  ,  et  le>  droits  fju'il  alloit 
rcclamer.  Procida  n'avoit  rien  laissv^  tran-pir^r  d^^  ce 
secret  important.  Peut-etre  meme  n'ctolt-il  pas  alors 
dans  Pile  ,  ou  il  ne  restoit  jamais  qu'a  I'abri  d'nu 
d^guisement.  Le  souievementdes  Palermitains  n'ctoit 
done  jusqne-la  qu'une  revolle  tumuliueuse  ,  sans  plan 
et  sans  chef. 

Ils  ne  laissercnt  pas  de  la  sonteuir,  et  entrcprlr:^nt 
de  la  rendie  gent'rale.  lis  foreeient  les  nostes  oii  il  y 
avoit  d-sFianais,  qn'iis  pass>re:it  an  fd  de  IVpee. 
Le  gonvcrneur  de  M'S:riiie  lenta  vainement  d'a-.roter 
leurs  progres  ;  scs  -..aleres  et  sos  troupe^  furent  rcnons- 
sces  ;  et  Messin-  r-sta  s?ule  continue  queitpie  teinjis 
par  la  gan.ison.  Mais  les  Fraujaisqui  lacomposoi'iit, 
conlinuoient  d'irriter  les  Labilans  par  la  maniere  d.nit 
ils  les  traitoient ,  ct  Mcs.^ine  prit  enfin  le  iiieme  parli 


5oH  Hlstoire. 

quePalerme  (r).  Le  29  d'avril ,  les  Messiiiois  ahat- 
lirent  le  drapeau  de  Ciiorle.s  d'Aiijoii ,  el  (fdeverenten 
la  place  reteiidard  de  la  croix  (  c'etoit  celui  de  leur 
ville  ).  lis  dt^puterent  aussitot  vers  les  Palertiuiains  , 
pour  leur  aiinoncer  qu'ils  se  reuuissoient  a  eiix  ;  ils 
t^ier  nt  tons  lo.^  Fran  aisqii'ils  j-encojitrerent ;  le  reste 
sVnfuil  et  se  disii  a  (2).  Le  massacre  ne  Put  done  pas 
grndral ,  com  11  e  a  Pilerme  ^  m:iis  il  u'y  eul  que  deux 
Franrai;,  dans  toule  la  Sicile,  qui  f:ireni  volontaire- 
iiieiit  ^j-arg;!('s. 

Tous  les  historlens  out  iionimc  \^  prem'er  ,  ce  fut 
GmWawme  Desporcelets  (3),  cleva'ier  provencal, 
qui  commandoit  i\  Calassasiiii ,  dans  le  val  de  Maz- 
zara,  du  role  de  Palenno.  L'autre,  beaucoup  moins 
connu,  efoit  Philippe  Scalainbre  (4),  gouvirnrur 
du  val  deNoto,  au  Midi  de  Catane.  lis  durenl  I'un 
€t  Pauire  la  vie  a  la  rcpulaion  dv-  leurs  vertus.  Aiusi 
la  verlu  etoit  encore  respcctee  cliez  les  Siciliens  ^ 
au  nnlieu  de  leurs  fnreurs;  ct  cela  prouve  bien  que 
Peaces  de  leur  vengeance  ne  vim  quo  de  I'exces  de 
I'oppression.  L'espoir  d'un  gouvernemeiit  plus  doux 

(i)  Fazelli,  Miu-atori. 

(2)  Colla  morte  ed  espulsione  di quont'i  Francesl  si  troi-'oi ono 
in  quella  parte.  Muratori  ,  p.  489.  Leandre  Albert!  suppow 
aussi  cjue  le  carnage  ,  quoique  grand  ,  n'cuveloppa  pas  tons 
les  Francais  qui  eloient  dans  le  canton.  Dcscvill.  della  isola 
diSicil.JoI.  33. 

(3)  Barthelemy  di  neo  Castro  ,  cp.  i5  ,  ct  Papon  ,  hist.  d» 
jPjoi'.  t.  3  f    p.  72, 

C4)  Burigny  .  IL^t,  de  Sicile  ^  t.  2  ,  p.  186. 


Vei'Tes  sicUienn.es.  5oq 

aiiroit  prt'venu  In  revolte  ou  rappele  la  soum'ss  on  ; 
mais  Cliarlrs  ne  connoissoit  point  cv.s  in^Miagcnieii.s, 
que  la  violence  dc  son  carat tere  ne  liii  permit  jamais 
d'emplovcr. 

II  otoit   avec  le  pape  a  M  >ntt'fi  iscone  (r),    lors- 
qu'il    a   prit    la    d'Tection    d.'   la    Siiile  ciiliLTC.   II 
tomba   dans    le    plus     violent    acces   de  coli're  j  il 
donna   sur-le- champ  ordre  a  la   flotte  qii'il  avolt 
prepar^e  conir?   rempeicur    de   Constantinople,   de 
iTiettre  a  la  voile,  et  partit  ponr  assiet;er  Mcssine  5 
il  comp!oit  snr  les  secours  <:u-'il  envova  demander 
a«   roi  de  France  ,    et  le    pape   I'aida    des  fonds 
qu'U  avoii  dans  ses  trc.os.  Les  Si  ili^^ns  fnrt'ut 
effrayes  ;  le  pa;;e  ne  Is  voular.t  point  pour  sujets, 
ils  se  reduisirent  a  le   pri -r  de  sol ii  iter  lenr  pardon 
anpres  de  Chr.rles  ;   et  les  Messinois  assicgf^s  ofiiiPvfnt 
de  capituler.  Toutes    lenrs   propositions    furent    re- 
jetees  avec  duretc.    C'  arles    vouloit  qu'ils  se   ren- 
dissent  a  discretion  ,  et  ils  resolurent  de  se  defendre 
avec   I'opiniatrete    du   desespoir.    On  etoil  alors  au 
mois  d'aout  ,    et  ils  ne  se  dontoicnt  pas  encore  des 
secours    (jue   Procitla   leur  avo.'t    pr.^parc's.  II  sent  t 
que   c'efoit   I'mstant    oii    les  Siciliens    ne  ponvoient 
balancer  a  se  jeter  dans  les  bras  du  roi    d'Arra^on , 
et  oil  ce  prince    ne   devoit   plus   drllerer  de  les  lei.r 
Guvrir. 

II   etoit  parti  de  Catalogue  des  le  6  juln  (2)  avec 

(1)  Fazelli  ,    Muratori  ,  etc.    ai  ubi  suyra. 

(2)  Fazelli  ,  Muratori  ,  ubi  supra.  Ileneras  hist,  d'  Espni^ne , 
t.  ly  J  p.  33o  de   la  liuducl.JiaiiJai^t. 


5io  lUstoire. 

uiic  flolte  nombreuse  ,  cnargee  de  troupes  de  de1)ar- 
que:!;!. lit  5  et  masquaut  toiijoiirs  ses  vrais  desseins 
sous  rappareuce  d'une.'  guerre  contre  les  Sarrasins 
d'Afiiqu^',  il  avoit  pris  terra  a  A'-Coll  ,  pros  de 
Couslantiue,  oli  ,  apres  quelques  legeres  hoslililes  , 
il  allendoit  des  nouvelles  de  Procida  j  qui  s'etoit 
glisse  cbns  Palerme.  Celui-ci  fii  pari  aux  i  riucipaux 
liabilans  de  Tile  de.-;  ressources  qui  s'ofFroient  ,  et 
d:s  conditions.  Eiles  furent  acceplees  avec  empres- 
seineiit.  II  fut  conveiiu  qu'ils  reLonnoitroieiit  le  roi 
d'Arragon  pour  n  aitre.  Aussilot  Procida  se  jeta 
dans  un  petit  batiment  (i)  avec  trois  Sicillens  ,  qui, 
eii  qiialile  de  syndics  de  I'ile  enticre  ,  etoient  de- 
putt's  aupres  du  roi  d'Arragon  p(>ur  I'mvitdr  a  venir 
en  prendre  possession,  lis  furent  accueiilis  comme 
Procida  le  leur  avoit  proniis.  Le  roi  d'Arragon  fit 
sur-Ie-champ  partir  pour  Palerme  deux  envojds, 
charges  de  recevoir  le  ser.v.ent  des  Si.ilicns,  tant 
en  son  nom  ,  qu'au  iioin  de  la  reine  Constance  sa 
femme,  a  qui  la  souveraine  6  de  la  S/cde  appar- 
tenoi!  ,  cornme  fille  ( t  1  ertiere  de  Mainfrov.  Le 
serment  fut  pr^le  par  les  !  abitans  d_^  Palerme  et 
par  les  seigneurs  de  Tile  ,  qui  s'y  etoient  rendus. 
Des  que  le  roi  d'A  ra_on  en  eut  rern  la  nouvelle, 
il  ]^assa  lui-mr-me  a  Palerme,  ei  v  fut  couronne  roi , 
le  ID  aout, 

Prrt  de  qu'tter  TAfrique  ,  ilavoit  eci  if  a  Edounrd  I , 
roi  d'An<.'leterre  ,  une  Kllre  oii  U  lui  faisoil  part  de 
la  deputalion  des  Sicilieus,  et  de  la  resolution  qu'il 

(l)  IL^d  J  etc.  Ginmioiie  ,  ubi  sups  a  ,  y.  62.  Fazelli  _,  p.  4,54. 


Vcprcs  siclllctincs.  Srr 

avo.t  prls3  (I'eiii!  rasser  cei:e  occ.is'on  de  recou- 
vrtr  un  ro  aume  sur  lequcl  sa  femine  et  ses  iils 
avoient  des  drolls  incoatestable-;.  Celte  leilre  est  iin- 
priinc^e  dans  le  recueil  de  Ryuicr  (i)  ,  et  confirine 
en  grande  ]jar!ie  ce  que  ja  viens  de  dire. 

Le  roi  d'Arragon  ne  tarda  pas  a  nuirclier  vers 
Messine ,  dont  le  sii'-ge  fut  leve.  II  y  eiitra  les 
premiers  joirs  d'octobre  (2),apres  que  sa  flotte  eut 
bath)  (3)  celle  de  Charles  ,  qui  se  vit  lorce  de  quitter 
Ja  Si.ile  ;  et  les  liabitans  soumis  au  roi  d'Arragon, 
Pierre  III ,  n'eurent  plus  a  redouter  que  les  foudres 
de  Mariin  I,  dont  ils  s'efTra)  erent  assez  peu  :  «  Vous 
»  nous  ave/  juges  indignes,  lui  disent-iis,  de  la 
»  grace  de  St.  Vierre  et  di  la  voire.  Celui  qui  a 
»  soin  des  grands  et  des  pelits  a  envove  a  uotre 
»  secours  un  auire  Pierre  que  nous  n'attendionspas  ». 
Nouvelle  preuve  que  la  n<^gociation  avoc  ce  prince, 
qui  avoit  dure  plus  de  deux  ans  ,  s'etoit  faite  par 
Procida  ,  sans  que  les  Siciliens  en  fussent  instruits. 

On  ne  s'accorda  pas  sur  le  nombre  des  Fiancais 
massacres  par  les  Siciliens  ;  les  uns  le  font  monter 
•a  28,000  J  les  aulres  diniinuent  ce  nombre  de  plus 
de  moitie.  On  en  compte  5ooo  (f^gorges  dans  le  mas- 
sacre de  Pak'rme  ,  et  3oo  >  dans  celui  de  Messine. 
II  est  probable  qu'il  en  p^rit  moins  dans  les  autres. 
lieux  ,  d'oii  ils  »urent  le  loisir  d'ecliapper  ,  car^  de 
Taveu  des  bistoiiens  ,  il  s'en  ^chappa.  Aiusi  je  me 

(i)  Rymcr  ,  t.\.,  part,   a  ,  p.  20G. 

(2)  La  2  octobre  selou  Henerag  ,   etlc  10  selon  Giannone. 

(3)  Fazelli  ,  p.  453. 


5t2  Hist  aire. 

ranuerois  volontlers  de  ropiiiion  do  rruv  qui 
crcl'iil  qn'oii  peut  seduire  la  pcrte  tolale  des  Fraii- 
cais  a   doiize  iiiil'e. 

Je  crO!S_,  mon  cl;er  ami,  fine  ce  qi^e  je  viens  de 
dire  repond  a  loutes  les  questions  que  vous  m'avez 
faites  ,  sur  ce  qn'on  a  jupe  a  propos  de  nomnur  les 
T'cpres  SicLlicnnes.  Ce  rom  convenoit  a:  s?z  a  ce  qui 
se  passa  ,  en  1282,  a  Pcilerme  et  aux  environs,  le 
snr-leodemaln  de  Paques.  Mais  c'est  mal-a-propos 
qn'on  '  etendn  cette  denomination  a  la  revolution 
gcnernle  qui  en  fnt  la  snitr\  Cette  rrvolntion  ne 
s'J'tant  faite  qn'a  plusieurs  reprises  ,  a  des  intervalles 
ess?7.  eloi^ines  les  uns  d':'s  autres,  et  avec  des  cir- 
constances  absoluraent  differentes  ,  cette  denomina- 
tion commune  a  p-oduit  une  telle  confusion  ,  qu'oii 
a  cru  que  le  massacre  qui  s'etoit  fait  a  Palermo, 
a  r  eure  de  vipres  ^  s'^trvit  fait  par  toute  la  Si  ile 
a  la  meme  lienre  ;  ce  eni  a  conduit  a  supposer 
qii'il  s'etoit  fait  a  nn  signal  conveiiu  5  et  ce  nom  de 
Vtpres  s icUie lines  ^  dont  on  se  servoit  pour  de- 
signer cet  affreux  cvenement ,  a  donn.e  lien  d'ima- 
giner  que  ce  signal  avoit  ^t6  le  son  de  la  cloclie  des 
vepres. 

On  voit  ,  p'?r  le  recit  exact  des  faits,  combien 
to"tes  ces  suppositions  sont  ^loignees  de  la  verite. 
li'insurrection  de  la  Sicile  ne  fut  point  nne  con- 
juration :  il  n'v  eut  point  de  conjures.  Ce  ne  fut 
point  nn  plan  concerte  pour  etre  execute  a  certain 
signal  ,  et  par-!ont  en  mom©  temps  ;  ce  fu!  I'ex- 
piosion  sondaine  vi  tumuliuense  d3  haines  accu- 
mulees  J     comiiie   presque    loutes    les    iusurectioris 

con  I  re 


Veprcs  SLcUiennes.  5r3 

rontre  les  gouvernemens  onpresseurs.  Procida  la 
prc'vit  ,  sans  doiit;^ ,  et  la  liata  en  ccliauffant  Is 
esprits,  mais  il  ii'en  d<'terinina  ni  I'liistaiit  ,  rii  lo 
mode.  EUe  se  seroit  tentee  saus  lul  ;  mais  sans  lui, 
cll3  auroit  cclioue.  Carles  factieiix  fureiit  un  mo- 
ment decoiira.czc-s  ,  et  demandoient  praco  ,  qiuiiid 
Procida  leiir  annonca  les  ressources  qu'il  leur  av  oit 
menagees  a  leur  inscti.  Giannone  et  la  phipart  des 
historiens  bnt  done  admis  bien  gratiiitenienl  le  secret 
qn'ils  supposent  que  les  Sicillens  gaiderrnt  mer- 
veilleusement  sur  ces  ressources.  On  ne  leur  en  fit 
part  que  lorsqu'il  u'y  eut  plus  do  secret  a  garder  : 
on  n'aurait  pu  meme  leur  en  fai:^  part  plutot, 
puisque  Is  roi  d'Arragon  avoit  resolu  de  ne  se 
declarer  que  lors^ju'il  n'y  auroit  plus  ,  de  !eui-  part, 
rien  a  craindre.  Mais  ce  qn'on  doit  admirer  , 
c'esl  I'adress",  la  Constance,  I'aclivite  de  Procida, 
durantpres  dc  trois  ans  de  negocialions  et  d'intrigues, 
dont  il  sut  cacher  I'objet  a  ceux  qu'elles  intt'res- 
soient  le  plus,  et  qui  al-outirent  a-la4bis  a  v^enger 
tes  injures  personnelles  ,  a  affranchir  ses  concitojens 
d'un  joug  tyrannique  ,  et  a  servir  les  li.'ritiers  legi- 
times de  son  ancien  sou^erain. 

Brequigny. 


Tome  11.  K.  k 


HISTOIRE    LITTERAIRE. 

OnsERrATiONs  du  citoyeii  Oberlin  surles  obser^ 
vatioas  dtt  cLtoyea  Si.  L***  Inserees  dans  Ic 
Magaslfi  EncLjcLopedLque  J  tome  II ^  p.  2,23. 

.1  i  A  critique  ,  en  fait  de  litl6rature ,  sert  a  decoumr 
des  vtrites,  a  eclaircir  des  doutes,  a  relever  cles  er- 
reurs.  C'est  iiii  service  que  les  litterateurs  se  rendent 
inutuellement.  G'estace  tilra  que  le  cltoyen  Si.  L*** 
a  droit  a  ma  recomioissance.  II  me  semblecependant 
qu'il  auroit  pu  s'epargner  la  peine  de  nous  dire  com- 
ment ii  falloit  s'j  prendre  pour  donncr  une  notice 
complete  d'une  cbronique  dunt  on  fait  la  decouverte. 
Personne  m  I'ignore.  Mais  dans  le  cas  dont  s'agit ,  je 
n'avois  promis  qu'unc  notice  sar  la  decoiuverte  de 
la  chrojiique  de  P.  d'Andlo ,  d'apres  les  renseigne- 
mens.que  raon  ami  m'en  avoit  Fournis.  Je  ne  pourrai 
sitisf  ire  lacuriosit^^du  citoyen  St.  L***  etla  mienne, 
que  Icrsqne.j'aurai  I'ouvra^.re  memesous  les  jeux. 

Le  citoyen  St.  L***  appuie  beaucoup  sur  une  er- 
reur"  par  laquelle  le  nora  do  l:relier ^  si  connu  ,  a  et6 
converii  en  cekii  de  Sacker.  II  ajoule  ,  qu'il  ne  salt 
pourquoi?  II  preiend  qu'il  est  lien  difficile  cl'j  re- 
con  iioitre  le  nom  de  Freker.  Je  parie  qu'aucun  litt6- 
r-'iteur  n'aura  de  la  peine  a  faire  la  decouverte  qu'il  a 
faite.  D'ailknirs,  quant  an  pourquoi ^  il  n'avo  t  qu^a 
s'adresser  aux  redacteurs  du  Magasin ,  qui  lui  au- 
roienf  appris  que  c'est  une  faute  d'impression  3  que  , 
dans  moil  manuscrit,  il  y  avoit  Freherj  et  que  je 


Heponss  ducltoi/cn  Obeiiln.  5i5 

nV'US  pasplutot  iu  rarlicle  imprime,  que  je  Ics  priai 
de  mettre  dans  les  errata  deux  fautes  Irop  grossieres 
pour  ii'efrcp  as  relevees,  celle  dont  il  s'agit,  et  une 
autre  qui  se  tronve  a  la  page  suivante  ,  oli  il  faut  lire  , 
do  gpt  die  welt  gesc/iLiff  (  loisque  Di.u  crca  le 
monde  }. 

Je  finis  par  une  rcniarque  v^  faire  sur  le  nom 
d"*  Ulricas  Surgantj  dont  il  est  'ait  mention  dans  les 
observations  du  ciioyen  St,  L***.  Surgaut  j  dans 
Maittaire,  est  une  faute  d'impresslon.  Le  nom  de  P^ol^ 
rlcLis  n'est  point  fau!if.  Dans  le  dial  h  te  suabe ,  on  fait 
sooner  avec  1'^^  ou  oll  alleniand  un  o  ^  que  i'on  avoit 
coutume  autrefois  de  placer  ou  au-dessus  de  i'a  ou  v , 
ou  a  cote ,  de  facon  qu^  Uolrlcus  ou  Volrlcus  se 
prononce  Ouolrlcus.  Nj  connoissant  pas  celte  ma- 
iiiere  de  prononcer ,  on  a  trfmsforme  dans  VHl^tolre 
lltteralre  de  France  k'  nom  de  I'eveque  Uto  encelui 
de  Voto.  C'est  de  I'o  place  autn^fois  au-dessus  de  Vuj 
que  vient  I'usage^de  metlre  dans  Tecnture  alienianda 
un  demi-cercle  sur  Vu. 


Kk  1 


B  I  O  G  R  A  P  H  I  E. 

JVoTicE  siir  JM.  de  HEnTZBERG  J  minlstre  d'etat 
et  ciiratcur  de  L'Accidcnile  des  sciences  de 
Berlin, 

_l\(Io^steuR  le  comte  de  Hcrtzkerg,  minlstre  d'elat 
et  du  cabinet  de  S.  M.  !e  roi  de  Prusse,  chevalier 
de  I'orrire  de  I'Aiglo-Noir,  etoit  originaire  d'une  an- 
cieime  faiialle  d'AIIeuiagne ,  ctab;ie  depuis  le  trei- 
zieme  siecle  en  Pom^ranie ,  ou  ses  ancetres  se  dis- 
lini.;uereiit  par  les  services  les  plus  eciatans,  reiidus 
aiix    electeurs  de  Brandebourg. 

Les  electeurs  n'ayaiit  point  assez  de  troupes  sur 
pied,  la  noblesse  poraerMnienne,  ctant  extremement 
no.  "ibreuse  ,  alioit  servir  les  souverains  efrangers.  Le 
pere  de  M.  le  comte  de  Hertzberg  passa  an  service 
ciu  roid.?  Sardaigne,  ets'y  distingna  pendant  la  guerre 
dela  siiccession  et  dans  loules  les  balailles  auxquelles  il 
se  trouva  presque  loujours.  Ala  paix^M.deHertzberg 
revint  vivre  an  milieu  de  sa  famille,  et  jouir  deS 
esp^ianccs  que  lui  donnoit  son  fils,  clonl  la  facility 
pour  acquerir  tontes  les  connoissances  Immaines ,  etoit 
elonnante.  II  I'envoja  de  bonne  hc-nre  h  Pnniversite 
de  Halle  ,  on  Is  jeune  eleve  cut  le  bonbeur  de  I'en- 
conirer  des  professeurs  ceUbrcs  ,  des  pbilosophes  , 
des  jnrisconsultes ,  des  savans  dislingnes.  VoKT  ,  Bobe- 
iier,  Lndierq,  Schmaiis  elevercnt  son  genie  aux  pins 
liautes  conceptions.  Le  droit  public  devint  sur-tout  son 
etude  favorite,  et  c'est  dans  I'bisioire  ancienne  et 
iTioderne  qu'il  alia  saisir  Ic  lil  des  revolutions  sur 
lesquelles  s'appuie  le  droit  pul^lic  des  nations  5  c'es 


Notice  sLir  M.  dc  Jicrtx^herg.  5i7 

la  qn'il  snivit  la-marche  des  enpires,  et  qu'il 
aperrut  ces  donnees ,  plus  c  irconscritps  qii'-m  ne 
pense  ,  qui  scvvent  de  l-as;>.  a  la  morale  et  a  la 
politique  toujouis  versatile  des  elafs. 

Danscetage  oil  les  passions  parlv-'t>llmpcvlcuseirienr, 
ou  on  glisse  sur  Ics  superficies  ,  oii  ,  avec  de.  la  forlnne 
ct  dela  iialssance  ,  on  se  croit  dispense  de  former  son 
cceur  et  de  cultiver  son  esprit ,  ou  vil  sortir  dr  la  plums 
de  M,  1q  conile  de   Hertzler-;   des  ('^crits  lumineux 
sur  les  points  les  plus  imporiaus  dn  droit  public  ct 
de  riiisloire   d'Alleaagne  (i).  Le  miimtre  de  Berlin 
ne  crut  pas  devoir  laisser  le  jeune  auteur  loin  de  la 
capitale  et  loin   dcs    affaires.  Fiodt'ric    le   Grand  , 
qui   savoit    non    senlement    apprecier    les  i.omnies 
de  m^^riie  ,  mais  deviner  ceux  qui  pouvoient  le  deve- 
nir,  plara,  en   1740,  le  jeune  de  Hertzberg  dans 
le   departement  des  affaires  etrangeres  ;  peu  apres , 
il  I'envoya ,  en  qualite  de  secretaire  d'amijassade  , 
a    Francfort-sur-k-Mein  ,  pour    assister  a  rclection 
de  Fcrapereur  Francois  prcMr.ier. 

A  son  retour  ,  M.  de  Hcrtzber.?-,  contlnua  do  tra- 
vail ler  an  departement  des  afTaires  ^tranG:.eres  et  aux 
archiv  s  ;  ( 'est  la  qu'il  agrandit  la  spbere  de  ses 
connoissances  ,  et  qu'il  se  n,it  <\\  clat  de  pouvoir 
defendre  un  jour  les  drolls  et  les  pretentions  de  Frc- 
di'ric  le  Grand.  II  avoit  dc'ja  commence  de  foJiruir 
an  roi  les  savans  e:< traits  sur  lesquels  cc  monarqne 
composoit  I'iiistoire  de  Brandebourg  ,  et  a  ecrit  dans 
la  suite  Thistoire  de  son  temps.   C^^  travail  le  rap- 

(i)    De   (tnionlba;  ct   coniitiis  d^jUxclibus.    J::j  pitlucun*. 


5 1 8  Blograph  ie. 

proclia  du  roi  qui  ne  laissa  plus  echapper  ancnne 
ocrasion  de  liii  temoignersa  confiance  et  de  le  charger 
des  j)Uis  iiiipoiiaiiles  rotnniissions. 

En  lyao,  moiirut  le  conseiller  prive  d'YIjern  ;  Ie 
roi  donna  aussilot  a  M.  de  ISerlzberg  la  direction 
des  archives  secrc  tes  de  tiat .  Le  dv  sordre  y  regnoit ; 
mais ,  grace  a  re.«piit  methodique  du  noiivel  adini- 
nistrateur  ,  la  co  ifusion  disparut ,  et  on  ne  vit  jamais 
un  depot  aussi  bien  tenu. 

L'Acadcmie  de  Berlin  ayant  propose  un  prix  sur 
I'aiicipnne  pcpulcition  de  la  Maiclie  ele-ctorale  de 
Brandebourg  ,  M.  de  Hert/.berg  remp'it  le  Vfru  de 
I'Academie  qui  lui  adjugea  Ie  prix,  et  qui,  suffisam- 
ment  instruite  de  I'ei-udiiion  et  des  talens  du  jeune 
Candida t  ,  Ie  rectit  an  ncn;bie  de  ses  n^einbres.  Dans 
le  meine  tt mps  ,  Ie  roi  le  nomn.ason  conseiller  priv6 
d'ambassade. 

Trois  annccs  apies  ,  il  fut  noramr  premier  secre- 
laiie  d'etat.  I.a  conimenca  ,  pour  ne  plus  finir,  ?a 
carriere  po'itiqsje  et  une  cliaine  non  ioterromjjue  de 
travaux  dont  I'Europe  a  souvent  leconnu  Fimpoi- 
tance.  De  sa  plume  >ont  sorlis  des  memoires  et  des 
depe'clies  les  plus  inttressanlcs  de  ce  teiTps,  qu'ou 
regardeia  comme  un  monument  j  recic-ux  ,  ton  tes  les 
fois  que  la  politique  cberchera  des  lumiorcs  et  uii 
guide  sar   dans  les  i'eciierciies  des  laits. 

Ce  fut  (n  17.^3  que  se  pr^para  celte  cj^joque  si 
3T)^morabiC  poui-  les  anna'es  de  TEurope^  et  si  glo- 
liCuse  pour  ia  Prusse ,  epOf:iie  terrible  qui  promena 
dans  tcute  PAilemaciie  ie  iL  au  dc  la  guerre  ,  et  qui 
doiina  ii?u  au  -rand  Frcueric  de  deploj'er  ses  taleas 


Notice  sur  31.  de  Jicrtx.-bcrg.  5jq 

niililairos,  son  courage  el  tuiiles  les  ressoiircos  de 
son  gdnie.  C'csl  alors  que  le  roi ,  deji  recomman- 
(Inble  1  ar  son  amour  pour  les  sciences  et  pour  ks 
arls  ,  odVit  nux  mis  un  gn.nd  niodMe  ,  un  lieros  (|ui 
d.^voit  effacer  les  plus  puissans  iiioiiarcjucs  et  laiiscr 
line  renommee  ('Mernelle. 

Ce  fut  en  1756,  que  le  roi,  inslruil  d'une  ligue 
formee  contre  lui,  vouhinl  Juslifier  ses  deniarci;es 
aux  jenx  de  I'Europe  ,  rotnii  a  M.  de  Hertzberg 
les  pieces  qui  serrircnt  an  nanifeste  qui  preceda  son 
invasion  en  Saxe.  Ce  nionarque  ayaiit  trouvd  dans 
les  arc:.ives  de  Dresde  la  ccrr(  snoiidar.ce  secrele  de 
la  cour  de  Sa>c,  dcpuis  1706,  ordonna  a  M.  do 
Hcrlzberg  els  composer  _^ce  niemoire  qui  a  ck'-  si 
univtrsellenient  esfime  ,  avant  pour  litre  .-  Mc- 
moire  raisoiine  sur  La  conduite  des  cours  de 
Fierine  et  de  Saxe  ^  el  sur  tears  desseins  daii- 
gereux  contre  le  roi  de  Prusse ,  apec  les  pieces 
originates  et  justificatiues  (i).  On  n'a  point  ou- 
Ll.c  quelle  sensation  il  produisit  dans  tons  les  ca- 
binets el  sur  les  etranger>  ,  et  avec  qut-lle  r.i[,id;t.i 
il  clla^^^ea  I'opinion  publique  a  IVgard  du  grand 
Fr/'d.'ri-. 

Pendant  que  ce  monarque  condjattoit  avec  lant 
de  glo.re  a  la  te  e  de  son  annee  ,  j^our  conserver 
sa  courjnne  et  son  existence  politique  ,  M.  de 
Herl;d)erg  prouvoit  aux  j)iinces  d'Alleniague  coni- 
])i(Mi  il  t^oit  dangereux  que  le  svsterae  de  i'eni])iie 
flit  (h'truit  ,   et  qu'il  le  scroit  par  Ic    renversenient 

(i)  On  vendit  A  ^'^icaue  aiOjOOOCxeinplairos  de  ce  lut-iuoii*', 
dans  un  jour. 

Kk  4 


520  Biographle. 

dc  la  monarclilt"^  prussienne  ,  qui  seule  etoit  assez 
forie  }oiir  rc'sist.T  aiix  puissances  qui  teiiieroicuit 
d'alleicr  sa  conslilutiou.  Cc  n'etoit  point  sculcmeut 
le  ir.inistre  d'elat  qui  parloil ,  on  retrouvoita  cliaque 
page  l'e{  anrlien:e!it  d'uu  palriote  parfaitonient 
instruit  c!e  la  i  aiure  tt  do  ia  constituiiou  genna- 
iiiqiie.  ' 

Ce  patrlotisme  r\e  s'exhaloit  pas  loul  cnlicr  dans 
scs  cciiis,  M-.  de  Hertzbcrg  en  n'servoit  uuc  grande 
pariie  pour  voler  au  secours  de  I'tlal.  En  1758, 
la  Pomeranie-Ultcrieure  et  'a  foiteresse  de  Stvrlhn 
furcnt  nieuacejs  d'une  invasion  par  Irs  Suedcis  ; 
les  tionpes  re<.n!iere3  conibalioierit  sous  Frc'dcric  11, 
dans  les  canr-.agnes  de  la  Silc'sie  ;  il  ne  re.stoii  a 
Siellin  que  queiqnes  bataillons,  M.  de  Hertzherg  ne 
perd  pas  un  moment  ,  il  a^spmb'e  les  elals  de  Po- 
meranie,  et  les  eagage  a  lever  douze  balaiilons 
d'inranterie  ;  le  roi  lui  euvoja  des  officiers  pour 
\:s  exercer,  ct  la  ;/a:■ni^o^  de  St^'tiin  fut  bien'ut  en 
ela!  do  braver  i'erinenii.  M.  de  Hertzberg  ne  quilla 
pciint  la  ];iume,  lant  que  dura  celte  guerre  desas- 
■{leuse  ;  il  prrparoit  dans  tous  les  cabinets,  c}\^z 
toutes  les  nailors  ,  des  revolutions  utiles  a  Frederic, 
la  mort  de  PimpE'rairxe  ElisabeiU  kii  procura  un 
succes  si  long-temps  et  si  secrerernent  mesiage.  La 
fa.-e  des  e.da.ires  clirrr.gca  ,  !e  successeur  d'Eiisabcth 
etoit  pnit'lrc  des  motifs  dont  M.  deHcrlzbrrg  I'a'  oit 
instruit  5  les  pnissanctsbelligerantcs,  ^clairt'es  a  leur 
lour  el  epuistks,  desioiejit  la  paix  5  la  conr  d.3 
Sa-e  jarla  la  preiniere  ,  et  la  prjpesa  eii  Alle- 
iiih'gne  ;  etle  fit  des  inst -nces  au:r  cours  de  Yienno 
et  de  B(.^riia. 

\ 


Notice  sur  M.  dc  Ilcrtx^her^  1^21 

Ces  Irnis  puissances  convinrent  enfin  cronvojer 
leurs  pleiiipotentiaires  an  cliateau  cl'  Hubertsbourtj,. 
M.  ck;  Herlzhjig  fiit  cliarge  de  concliire  ,  au  noni 
de  son  inaitre  ,  ceUe  paix  memorable.  Apies  qucl- 
ques  difiiciiht's  qm  le  miiiistre  prussien  eut  la 
gloire  d'aphmir  ,  die  fr.t  sig".<?e  ,  It;  i5  fevrier  1768. 
Cclle  paix,  qui  est  un  d.'s  pla=;  grands  soutieiis  de 
la  consfifution  germaniqi;c  ,  sera  a  jamais  glorieuse  , 
puisqu'elie  relablit ,  apres  une  lutte  opiniatre  centre 
I'Europe  enliere  ,  le  grand  Frederic  dans  tons  scs 
etals  ,  et  qu'e  le  ramcna  le  caliiie  en  Europe.  Une 
guerre  ausii  coiiipliquee  dans  son  origine  ,  et  qui 
annoncoit  na  r^nivcrsement  total  dans  I'ordre  poli- 
tique, flit  tcrminre  par  unc  negocialion  courle , 
gracj  a  I'liabilete  de  M.  dc  Hertzberg  ;  Fred(^n'icII 
lui  tcnioigna  son  contentement  par  ces  paroles  : 

Vons  av^ez  fait  la  paix  co:nme  j'ai  fait  la  guerre, 
un  centre  trois. 

A  j-JC-iiie  le  roi  fn!-il  rentrs  dans  ses  rtats  ,  qu'il 
nomma  M.  de  Hert/.berg  son  ministre  d'etat  et  dii 
cabinet.  Depuis  ce  temps  I'Europe  a  connu  son 
mdrite  de  plus  pres  ,  toufcs  les  cours  out  apprecie 
la  justcsse  de  S3s  plans  ,  et  rccounu  la  sagesse  de 
scs  operations. 

L'Aulriclie  ,  la  Russie  et  le  roi  de  Prusse  avant 
j(^?olu  de  faire  vaioir  leurs  droits  sur  une  partie  de 
la  Pologne,  M.  do  H?rtzberg  prouva ,  d'ur.e  ma- 
iiiere  incontestable  (i)  ,  ct  par   des  faits  averes  ,  les 

(i)  Get  ecrit  a  pour  liir«  :  Expose  des  droits  de  S.  M.  le 
roi  de  Prnsse  ,  sur  le  duche  dc  PomorcUie  et  snr  plusieurs 
aiilr 's  dlsiricls  da  Ilojaumc  de  Pol- guL"  ,  ivcc  les  pieces 
justlftcatives. 


522  BLographie. 

droils  dn  grand  IFnVit'vic  sur  le  diic'l'^  de.  Poir.c- 
rellie  ,  dont  ses  aiicelres  avoient  ct^  depoiiilles,  et 
sur  le  port  de  la  Visiule.  II  eut^  ]iar  le  liaile  de 
1773.  J  le  plaisir  de  voir  n'unir  a  sa  palrie  ,  11011 
seulement  toute  la  Prusse  occideiitale  ,  inais  encore 
le  dislrict  annexe  aiitj-efois  a  la  Nouvelle-Marclie  , 
avec  la  ville  de  Dav.tzlck.  Par  cette  acquisition ,  les 
parties  essenlielles  de  la  monarchie  prussieniie  furent 
rapprocliecs ,  ct  composent  un  corps  de  puissance 
stable  ,  en  etat  d'entretenir  des  correspondances 
suivies. 

La  inort  de  I'elccteur  Maxirailien -Joseph  de 
Baviei's  (i)  donna  lieu  a  ces  prc^tentions  trop  conniies 
de  la  cour  de  Vienne,  qui  attirerent  touie  I'atten- 
tion  du  grand  Frederic.  M.  de  HertzLerg  porta  le 
flandjeau  dans  ces  contestations  ,  que  I'interet  per- 
sonnel prenoit  plaisir  a  rendre  obscures  ;  ses  in6- 
nioires  p^uvent  etre  rCijardes  comme  le  plus  ex- 
cellent code  du  droit  public  d^Allemagne  el  de  sa 
constitution  actuelle  (2)  5  on  y  voit  briller  en  outre 
ime  logique  male  ,  un  ton  ferme  et  noble  ,  une 
clarte  et  une  precision  qui  sied  si  bien  quand  on 
fait  ecrire,  parler,  ou  penser  un   roi. 

Le  grand  Frederic,  convaincu  des  talens  eminens 
de  M.  de  H?rlzberg_,  iie  cessa  de  le  consulter  dans 
toutes  les  alfraires  d'etat.  II  eut  la  plus  grande  iii- 

(i)  Expose  des  motifs  qui  ont  engage  S.  M.  prussienne  i 
s'opposer  au  clemembrPiucnt  de  la  Baviere.  Consideration 
sur  ]a  succession  de  Baviere. 

(2)  M.  le  comte  de  Hertzberg  a  compose  d'aulres  c^crits  sur 
eette  discussion  j  qui  £«ut  dans  ^1  iaiigive  aliemande.. 


Notice  sur  M.  de  Hcrt^hcrg.  r>i''^ 

f\ucncc  sur  les  delineations  qui  se  tiuivnt  pendant 
I'liiver  a  Berlin  ,  et  sur  les  r/'gociatbns  qui  pr6c(  - 
derent  la  paix  de  Tescl.en  ,  a  laquelle  il  ent  ^ecre- 
tcment  une  part  si  decidee  ,  que  le  grand  TrM-  r,c 
consacra,  par  un  monument  allegorique  ,  la  mc- 
moire  du  nt'-gociateur  ct  de  la  paix. 

Pendant  le  se^our  que  FnWric  Ht  a  Breslau  ,  ce 
mouarque  se  plmsoit  a  aoitcr ,  durant  son  diner , 
des  points  de  litlerainre  et  d'liisioire  ancienne  ; 
M.  da  Herlzberg  saisit  I'occasion  que,  le  roi  lui 
offrit  enfin,  de  soufeuir  Pexcellence  de  Ic^.  langue  et 
de  la  littprature  alieniande,  dontle  raonarque  n'eloit 
point  persuade'.  Celtj  dispute  donna  lieu  a  une  cor- 
respondance  entre  le  roi  el  son  ministre,  el  produisit 
la  disserlaliou  sur  la  litl('ral':re  allemande,  qui  se 
trouve  dans  le  recueil  de  I'academie. 

Le  roi  avant  soutenn  que  rAUeniagne  n'avolt  point 
t'le  anci  nnement  la^  palrie  de  ces  peuples  qui  out 
delrnil  Tempire  ron.a'.u  ,  M.  de  Herlzberg  prouva 
le  coniraire,  d'apres  les  anciens  l.i.>tor;e;is ,  dans 
un  dis.ours  qu'il  piononra  a  racademi  ■  d;?s  science?, 
le  24  Janvier  1780.  IS'ous  pouvons  atErmer  que  celie 
diss  rtalion  s-ra  coiVipiCe  pour  une  des  n;e  lleures 
productions  historiques-  de  ce  siecle  ;  on  y  voit  dis- 
cutcr  sans  pe^lanlerie,  sans  une  surcharge  oiseuse 
dc  citations,  wn  poinf  important  d'ldsloirc  tivs-dil- 
ticile  £i  i'tlaircii-  ,  el  que  pea  de  savans  eussent  ap- 
prof;jndi  avcc  clartc  et  mtlhode.  Depuis  celte 
/e,>oque^  M.  de  Hcrtzberg  sVst  impose  I'obligation 
di-^  lire  lous  les  a-isd  s  dissertations  intercssantes,  la 
p-bipart  desL^uellds  sout  un  compte  rendu  de  sjn  mi- 


5^4  Biograp/iie. 

nislere ,    et    un   tableau    annuel    des    ameliotatlons 

onlonm'es  par  ¥it  cL'hic. 

M.  de  Hortzbcrg  le  fait  connoitre  sous  une  forme 
pivcieuse;  on  aime  a  descendre  avcc  lui  dans  tous 
les  details  de  la  vie  privee  du  grand  Frederic  ^  et 
irouver  I'ljomme  sensii>le  ,  simple,  cccupe  sans  re- 
lache  du  soin  de  multiplier  sa  population  ,  en  donnant 
a  ses  peuples  des  mojens  d'etre  heureux.  Quand  on 
a  la  connoissance  morale  du  caractere  de  M.  de 
Herlzberg,  on  ne  doute  point  que  le  ministre  n'ait 
souvenl  dirige  les  vues  bienfaisantesdu  roi. 

La  publicile  que  M.  de  Hertzherg  a  donnee  par 
ses  disserlaiions  aux  operations  de  la  monarcbie 
prussienne  ,  a  cerlainemeut  conlnbu^  a  lever  ce 
voile  dont  les  gouvernemens  de  ['Europe  crojoient 
devoir  s'envelopper  5  ils  se  mouvoient  dans  le  cercle 
obscur  d'une  politique  sourde  et  secrete.  M.  de 
Hertzberg  a  fait  sentir  qu'un  bon  gouveniement  5 
loin  de  perdre ,  a  tout  a  gagner  par  une  sage  pulili- 
cile.  Ces  discours  tiendront  lieu  d'annales  pour  les 
dernieres  epoques  du  regne  du  grand  Frederic,  et 
bonorcront  la  memoire  de  ce  roi,  bien  plus  que  de 
vains  elogesj  M.  de  Hertz]5erg  ,  en  parlant  de  lui, 
ne  sait  le  louer  que  par  des  faits  averc^s. 

II  est  pen  de  rois  qu'on  puis5?e  comparer  au  grand 
Frederic;  il  est  pen  de  minislres  qui  osent  s'assi- 
miJer  a  M.  de  Hertz ';erg.  II  en  est  pen  qui  aient 
fourni  une  carriere  aussi  longue  et  aussi  active.  On 
n'aura  point  de  peine  a  croire  que  le  ministre  du 
grand  Frederic,  durant  un  regne  si  aiiite,  et  doiU  le 
ministerc  a  etc  tenu  dans  une  continuelle  observa.- 


Notice  sur  M.  de  Hertz^her^.  525 

tion,  a  da  etro  oc.up6  tout  entier  ;  tiiai's  c^  qui  est 
difficile  a  croire,    c'est  qu'il  ait  Irot've  des  momens 
pour    cuhiver    les    Ictties  ,    pour  enlr'prendrft  des 
recherclies    qui    demaudent    toute     ['attention   d'un 
Lomme  oisif  et  tranquille.   Ses  com  oi?>ani  e.s  econo- 
miques  et  ses  plans  pour  ran.elloratioii  i\o  rasrieul- 
ture,  feroient  seuls  I'eioge  d'uu  citoyen  qui  se  seroit 
consacr6  a  une  pareille  etude  :    non  seulemeut   les 
details  de  I'industrie    nationale  et  du  coinm  rce  lui 
sont  famlliers  ,  mais  il    est    encore  le    cn'ateur  de 
C€tte  branche  nourriciere  de  la  prospi'rite  desttals. 
II  entretient  en   outre  une  correspoudance  presque 
universellc  dans   toutes    les    ]-)ai-ties  de   i'Eiirope.  II 
regne  dans  ses   lettres  un   fonds  d'amt^mite   qui  an- 
nonce  un  bon  coeur  ,   une  ame  droite  et  un  carac- 
tere  uni ,    aussi   eloign^  des  pretentions  du  rang  et 
de  la  Kaissance  ,  que  de  ces  maneges  avec  lesquels 
on  parvient    a    ediafauder  ces  renommees  viageres 
qui  s\'^vanouissent    avec   I'homme  et  aveo  le  credit 
du  moment.    Nous  pouvons  affirmer  que  dans  tout 
ce  que  je  viens  de  dire  sur  M.  de  Herlzberg  ,  nous 
m^ritons  d'en  etre  crus  5  la  correspoudance  qu'il  veut 
bien  entretenir   avec  moi ,    en  offriroit   des  preuves 
non  (Equivoques  ;  mais ,  pour  n'etre  point accus^  de  trop 
de  prevention  ,je  vais  transc  rire  I'eloge  qui  en  a  ete 
fait  par  un  alleuiand,  fameux  par  ses  malliours,  par 
Treiik  ,  dont  le  livr:'  est  dans  toules  lc5  mains. 

«f  A  peine  fus-je  arrive  a  Berlin,  dit-il,  que  le  grand 
et  tr^s-renonnne  miuisire  d'elat,  comte  llertzberg  , 
me  re:;ul  avec  toute  la  bonte  imaginable  ;  cjuiconnoit 
comme  moi  cct  liomme  respectable ,  fchcil-jra  I'elat 


K26  B'ographie. 

qui  sait  I'esfimer  et  i'e'n|-)loyev  ;  son  liabilete  clans 
les  affaires,  son  erudition  litteraira  et  politique,  sa 
connoissaiice  ties  laugues  et  sur  toulesles  sciences  dans 
lesqnellcs  il  est  tres-verse  ,  sonl  Ires-dlgnes  d'ad  t  ira- 
"lion  5  son  parler  est  uiiv3  ^'locution  epurc'e  ;  son  carac- 
fere  noble  ,  son  coeur  pt^tri  de  sentimens  elevc's,  sou 
zele  effervescent  pour  la  patrie ,  son  amour  ;  our  le 
sotiverain  ne  sont  point  fondes  sur  des  prejuges  ;  on 
le  distingue  enrore  a  son  assiduite  infatigable  dans  le 
travail,  a  sa  fermel6  mab' ,  a  son  amabilita  dans  la 
socitHe  ;  sa  maison  est  le  premier  bospice  des  etats  ; 
il  parle  au  paysan  avec  affabilite ,  aux  pau vres  necessi- 
teux  avec  bonle. 

»L'ennemi  de  la  patrie  merae  pent  compter  sur  sa 
parole  ;  la  duree  de  la  puissance  prussienne  est  son 
unique  but ,  mais  sou  coeur  est  incapal^le  de  mettre 
en  usage  la  politique  de  Machiavel  ;  il  sait  eluder  les 
ruses  de  ses  adversaires,  recevoir  les  gens  baulains 
avec  iierte  ,  et  eloigner  avec  prudence  I'orage  5  il 
jemplit  par  lui-meme  tous  les  grauds  devoirs  de  son 
poste.  II  ne  chercbe  pas  a  mani fester  sa  grandeur 
par  de  splendides  repas  ,  ni  par  de  brillan^  Equipages  ; 
il  enricbit  I'etat  autant  qu'il  peut  ;  il  cousent  a  vivre 
comme  un  simple  citojen  ,  pourvu  qu'il  voie  tout  le 
mondehenreuxautour  de  lui.  Brukbick,  sii  maison  de 
carapague  pres  Berlin ,  n'est  pas  Chanteloup,  raais 
c'est  un  modele  pour  les  patriotes  qui  desirent  ap- 
prendre  P^conomie  5  c'est  la  qu'il  se  delassy ,  tous  les 
niercredis  ,  de  ses  grandes  occupations.  Ses  services 
importans  ne  content  annuelleraent  que  cinq  mille 
6cus  au  moiiarque  3  il  v'it  avec  econoniie ,  et  il  bribe 


Kotoce  surM.  dc  Ilertx^herg.  [\2'j 

lorsque  la  biensc'ance  Texige  ;  alors  il  piiise  dans  sii 
caisse ,  et  non  clans  le  tr^'sor  piil)lic  '\ 

Telles  sont  les  expressions  non  sii'^p'^cffs  d'lin 
liommc  qni ,  dans  son  otivra^ie,  sarrifle  loules  les 
considerations  ^  la  plainte  et  ou  r  ssontiinent  de  se^ 
inalheurs.  Qui  ne  desireroil  de  retroiivrr  h  la  tefe  <]cJ 
radministralion  dc  sa  patrie  un  minisire  cIoik^  de  ta-it 
de  qnalif(^s?  Qui  n'enviera  M.  le  comte  de  Hertzberg 
alaPiusse? 

x^Lpres  la  qnerellc  sur  la  Baviere  ,  M.  do  Ilert/.b^rg 
€ut  une  brillanle  occasion  de  donner  luic  nouvelle 
preuve  de  son  habilef(5  ct  des  ressonrces  deson  g"nie, 
en  fixant  pour  ain<i  dire  le  s^stenie  de  I'Allemagne  et 
presque  celui  de  I'Europe  ;  il  discr.ta  les  droits  de5 
princes  de  rempire  gersnanique,  dtvi  loppa  los  prin- 
cipes  flottans  e!  compliques  de  e  vaste  corps  dV'tat ; 
et  de  cette  di-;cnssion  il^en  est  resu't,4  V union  germa- 
nique  J  dont  le  but  est  de  conserver  I'cquilibred^ 
I'empire.  On  ?ait  a^  ec  quelk^  clialeur  il  a  negocie  , 
lant  eu  Hollande  qu^a  la  cour  d.^  France,  pour  piv- 
venir  les  suites  d.?s  dissentions  qui  troubloient  la  palx 
interieure  des  Provin  es-Uuies. 

Lor.^que  le  *!,rand  Frederi-  senllt  approcher  le  lerme 
de  sa  vie,  il  a])p?!a  ,  six  seaia^ines  avaiit  sa  mort , 
ISI.  de  Herizberg  a  Polsdam,oii  il  s'entretcnoit  tons 
les  jours  avec  lui.  Ce  ministrey  resta  jusqira  son  dvT- 
uicr  mo  nent ,  ety  recueillit  le  dernier  soupir  du  roi. 

Frederic-Giiillau'ne  a  suivi,  d'une  nianiere  cjuifait 
honneur  a  son  coeur  ,  les  int?ntions  de  Fr/deric  le 
Grand,  en  conferant  a  M.  de  Hertzberg  son  ordre  de 
TAi^le-Noir.  et  eu  lui  accordiul  toute  sa  confiance  5 


SaS  Biograpkie.  ^ 

M.  de  Hertzberg  I'accompagna  dans  toutes  les  pro- 
vwices,  ]-our  y  pomvoir  a  la  solemnito  dosliominages 
qiroM  read  a  ciuique  roi ,  n  son  avenemonl  an  tione ; 
il  alia,  en  qualitv'  decomniissciire  prini^ipa!,  cnPomc- 
ranie,  pour  (aire  prcter  au  roi  le  serment  da  cette 
province.  DiiTerenL'S  preslaiions  fnrent  successive- 
meiit  faites  aver,  beancoup  d'oidre  ,  par  les  sages 
mesnres  que  M.  de  Herlzberg  avoit  prises.  II  fit 
frapper  a  ses  d(''peRS  les  niedaiiles  dii  regne,  qu'il  dis- 
tribuaen  Prnsse ,  en  Pomeranie  ,  en  Sil 'sie,  et  dans 
relec-torat  d^',  Brandebourg,  oii  il  remplissoil  les  fonc- 
tions  de  Ghaffcelier.  Le  roi  hii  confera,  a  son  retour, 
le  titre  de  coi;>le,  et,  pen  de  t  mpsapn^s  ,  le  nomma 
curalenr  de  I'aca.'iemie  des  sciences  ;  la  voix  publi- 
que  lavoil  deja  appele  a  celte  prcsidence  ,  dont  il 
eloit  si  digne.  Les  sciences  et  les  muses  oni  rarement 
des  protechHirs  d'un  mcrite  au;-si  eminent. 

Depuis  ce  temps,  sa  favear  chancela  qne^qnefols  ; 
mais  son  merite  re  fut  jamais  ni  meconnr} ,  ni  eclipse  j 
-et  en  monrant  dans  un  age  avance  ,  il  a  emporte  les 
regrets  du  royaume  et  meme  de  la  coiir. 

M.  de  Hertzberg  est  mort  a  Berlin ,  le  27  de  mai 
1795  ,  a  la  suite  d'une  raaladie  de  nerfs  ,  ag6  de 
soixante  et  dix  ans.  II  avoit  e^e  miaistre  pres  d'lui 
demi-siecle. 

Cette  noiice  est  tiree  d'un  ouvrage  nouveau  par 
M.  de  Meyer  J  dont  voici  le  titre  :  CEuvres  polLti- 
ques  de  M.  le  co'tnte  de  Hertz>bergy  miaistre  de 
S.  M.  le  roi  de  Frusse  ^  precedees  d^une  notice 
sursa  personne  et  si.ir  Les  emplois  qLi^lL  a  succes- 
swenient  rempLis  ;  3  vol.  S.*^ ,  prix  3o  1.  ,  et  36  1. 

franc 


Notice  sur  M.  dc  Hcrt:iberg.  529 

franc  de  port  par  la  poste.  Berlin,  et  se  trouvc  a  Paris, 
cliez  Maraclcm  ,  rue  du  Cinutiere-Aiiclie-dL's-Arcs  , 
N.o(j,  ail  troisiome  (  1795). 

Le  ]5rejnior  volumo  coiilleat  des  dissertations  sur 
divers  objels  (U^  politique  et  (riiistoir.^  ;  eiles  sout 
trailecs  avec  autant  de  phiiosophie  que  d'erudi- 
tion  ,  el  n'ofrreal  que  de  grauds  resultats,  des  bases 
fondaiaeutales  el  des  raalieres  iiiiportantes  et  pro- 
Ion  des. 

On  tro  ivc  dans  le  second  toutes  les  pieces  publiqnes 
de  la  cour  de  Berlin  ,  depuis  1756  5 1'iiistoire  poiilique 
de  la  guerr3  de  7  aus  ,  celle  de  Bdviere  et  du  par- 
tage  de  la  Poloiine  ,  et  toutes  k's  graudes  o|)erations 
du  regne  de  Frederic  IL 

L3  troisieme  renferme  des  pi>ces  et  actes  diplo- 
matiques.  11  est  termine  par  deux  memoires  ,  I'un 
sur  le  vrai  carav-^tere  d'une  bonne  hisloirc  ,  et  I'autre 
sur  I'administration  intf^rieure  de  la  Prusse  pendant 
I'annee  1788.  Get  ouvraze  offre  des  notions  utiles 
aux  diplomates  et  aux  liouimes  d'ciat. 


A  il  C  li.  /E  O  L  0  G  I  E. 

JExTnJj'r  cVuiie  tcttre  de  J.  J.  Barthelemy  y 
an  Comic  d' A  hues  son-  ^  sur  les  aiiiiquLtcs 
de  La  France  merUiionale. 

J\!  ous  n'avons  pas  voulu  pc'Mi^'trer  en  Italic,  sans 
Jeter  un  coup  d'ceil  sur  b^s  anliquites  (|ui  sidj^isteut 
encore  dans  les  parties  mtridionales  d.'  Id  France. 
Tonic   11.  L  1 


53o  Arclia^ologie. 

ALjon,  nous  avons  vii  plusieurs  inscriptions  qui  out 
dt  ja  ^te  pnbliees  ,  et  d'aufres  qui  ne  Tout  jamais  6t6  , 
line  entr'autres  d'un  particniier  qui  faisoit  tout  le 
marili  ,  il  naissoit  le  inaidi ,  il  inoaroit  le  n  ardi  ,  il 
s'efoit  marie  le  mardi ,  elc. 

Nous  avons  vu  l'arc-de-triomp1ie  d'Orange  ;  il  est 
com]  os6  de  Irois  arcades  el  charge  de  bas-reliefs 
representant  des  combats,  des  trophees  ,  des  instru- 
mensde  guerre  ,  des  tridens,  des  bees  de  navire,  etc. 
Xes  antiquaires  sont  partag's  sur  le  temps  et  Pobjet  de 
ce  monument ;  les  utis  le  rapportenl  a  Marius  apres  la 
defaile  des  Cimbres,  d'autres  a  Jidcs  Cp?ar  apres  la 
conqucte  des  Gauks  ;  d'autres  enfiu  an  siecle  d'lla- 
drien.  Le  gout  du  Iravail  et  d'autres  petiies  circons- 
tances  nous  out  fait  juger  que  la  s.conde  de  ces 
opinions  etoit  la  phis  probal-le.  Ce  monument  a  ete 
grave  plusieurs  fois  ,  et  ne  Pa  jamais  et<'^  exarJem.ent. 

On  Irouve  encore  dans  cette  viile  les  reslps  d'uu 
theatre  an^nen  ;  les  gradins  sont  presque  tousdctruits , 
mais  la  scene  est  demeuree  dans  son  entier.  C'est  uu 
niur  d'environ  no  pieds  de  hauteur  et  de  pres  de  828 
de  lom'ueur,  orne  d'arcades ,  et  co.!!struit  avec  des 
pierres  d'environ  deux  pieds  en  ouarre  ,  taillees  et 
imies  ensemble  avec  un  artinfini.  Le  gout,  la  soU- 
dil^ ,  la  grandeur ,  tout  se  trouve  reuni  dans  ce  monu- 
ment  pr('cieux. 

Si  I'impression  qu'ou  en  reroit  pouvoit  etre  effacee, 
ellele  seroit  sans  doute  par  le  pont  du  Gard  et  les  an- 
tiquitGS  de  Nimes. 

Le  pont  est  un  ouvraf!e  des  plus  grands,  des  phis 
beaux  et  des  plus  hardis  qi.e  les  RomaJns  uoiis  aieut 


Antlqultes  de  la  France  mirldlonale.  53i 
laiss('^s  ;  et  I'imngidation  est  e{fiajee,  quand  on  pense 
que  ce  moiiiiineiit  n'  'toit  destine  qu'a  SDtitcnir  tin 
atjuediic  ])onr  transporler  la  pelite  liviei'/  d'Enra 
aupres  d'CIzes  jiisqu'a  Niines,  ou  I'on  ir.iuvoit  I'Aiil- 
leuis  les  eaiix  abondantes  d?  cetio  font.'.ine  c/'lebrequ^ 
ne  farit  jamais  et  (}ui  siihsisfoit  dii  temps  des  Roniuint^ 

Maisc'est  a  Nimes  prinipa-emnil ,  ou  tout  devicnt 
«n  o!  jet  d'admiraffon  pour  \\\\  ai;iiquair(\  C'est  la 
qu'oD.  trouve  I'ainphillit'atre  ie  iiiieux  consaivt^  de  Ions 
ceux  qui  subsist  nt,  et  celte  maison  quair(!fe  cpi'on 
regarde  depuis  long-teinps  co.unie  Ie  chef-d'teuvrede 
rarchitectiire  ancieiiiTe  et  Ie  desQspoir  de  la  ninderiie. 
Cependan  on  ne  jouit  de  ce  spectacle  qu'avec  une 
s'^rfe  de  douieur.  CJn  peuple  irossier,  lo/'  dans 
I'interieur  et  sur  les  gradins  nieme  de  I'ainphi.litaire  , 
Ie  drgrade  sans  cesse,  et  detruit  inipun^nienr  ce  que  les 
flaninies  avoienl  epargne  tlu  temps  deCliar'es  Mnrtel. 

Dans  lis  tra\-au\  de  la  nouvclle  fontaine,  on 
a  vu  des  onvriv-rs  barbares  rautile  ■  des  sEatues  ,  des. 
Fno^aiques,  et  rLM)longt'r  dans  les  londemens  des  ins- 
criptions que  Ie  h.isard  lenr  laisoit  d6cou\Tir.  \a?.s 
sbins  de  M.  'Ie  S!.  Priest  enoutsiuve  quelques-uiies 
de  la  iurour  de  ces  i(  ouociasles  ;  rais  ces  sums,  i|ui 
s'etend^iit  sur  tons  les  mouimiens  de  Nimes,  ne  sau- 
roient  tn'ompher  dj  la  negliv^enra  dus  s;:i.ahernes. 
Plusieurs  personnea  d-^  gout  it  digues  de  foi  nous  out 
attesl^  qu'oii  a  vu  quelquefois  des  enTans  assit^ger  la 
maison  quairee  ,  el  detruire  les  ornemeiis  d'archi- 
teclure  qui  la  decDr.int  ,  pour  y  prendre  des  nids 
ti'oiseaux.  On  nous  a  nioi)ti\';  les  traces  de  ces  di.  - 
prcdatioiis  \  nous  avr^ns  vu  Ivi  belles  f'eailles  d'acau* 

Li  i 


55^  'Arcluvoiogie. 

tliC  qui  forment  fes  cliapiteaux  d?s  coloiines,  brisees 
a  coups  de  pierre,  et  nous  avons  irgrette  qu'un  si 
heau  monument  ne  ful  point  a  ecu  vert  de  pareilles 
insultes.  Ind^pendamment  des  outrages des  hornmes , 
la  maison  quarrec  a  beaucoup  soufRnt  des  injures  dii 
lemps  ;  un  (\es,  murs  a  perdu  son  a-plomb  dans  Ja 
paiiie  du  milieu  ,  vraisemMablement  par  le  toit  dont 
on  I'a  Tecouvert,et  paries  ouvrages  qu'on  a  construits 
en  dedans  de  I'edifice,  lorsqu'on  avouluen  faire  une 
('glisp. 

En  sorlant  de  Ninies,  nous  avons  vu  a  Si.  Remy  tui 
arc-de-triomphe  en  I'hov-neur  ^'un  general  romain  , 
et  son  lombeau  place  lout  auprcs.  Ces  deux  monu- 
mens  ,  dont  on  n'a  donne  que  di^s  dessins  inforraes  , 
meme,  dans  les  memoircs(  de  Tacademie  des  belles- 
lettres  5  meriteroienl  d'etr^  dessines  plus  exactement, 
etr.  ... 

De  Marseille  ,  le  3o  aoijt  ,  lySS. 
AddiTioisi, 
Les  plalntos  que  Baribele:ry  fait  au  ministre,  dans 
cetle  icltre  ,  sur  les  de^graclations  de  la  maison  quarr^e 
a  Nimes,  C-loieiit  Ires- fondles  ;  mais  la  gen^rosil^  de 
Seguier  a  depuis  tout   i-^par^.    I!   entendit   un   jou*- 
3nettr3  aux  enclicres  ])ou»-  i5oo  liv.  la  reslauration  de 
ce  monument.  Jr-ipp6  du  danger  qui  Je  menacoit ,  il 
parla  au  conseil  de  ville ,  et  fit  cesser  ces  eacheres.  En- 
suite ,  malgr^la  modicite  de  sa  ibrtune  ,  il  en  emploja 
plus  6.^  14,000  liv.  i  faire  les  reparations  ncfcessaires , 
«ou6  «a  seide  direction  ;  et ,  }2,race  a  ses  soins  ,  ce  1  eau 
znonumeui  est  aujourd'hui  en  bon  c'tat.  StSguier  avoir 
^llemeatfollicitu'le  d^'biaiemeat  des  arenes,  et  offert, 


'^AiitiquiUs  dii  la  France  nicrUlLoiialc.  533 
pour  y  contribucr,  deux  inaisons  qii'il  possedoit  dans 
reiict'irite.  Cl^  lie  fiit  iicanuioiiis  quo  peu  dc  te;nj)S 
avarit  ]a  r^xohifioii ,  qii'ou  se  d(;tormiiia  a  celte  vv.~ 
treprise  si  desir^^e  par  Bartaeiemy  ;  j'i^iiore  jus^^u'ou 
on  I'a  po tissue. 

Dans  des  notes  manuscritcs  de  ce  dernier  sa^^lnt  , 
on  troiive  luie  addition  a  ce  qn'on  vient  de  lire 
dans  sa  lettre  ,  sur  les  anli^uil^'s  de  Saint-Remy ,  Tan- 
cien  Glanutn.  II  explique  rinscription  da  muusole 
on  cdnotaphe  ,  SEX.  L.  M.  JV'TJEI  C.  F.  PA* 
RENTIBVS  SVEIS  ,  j^ar  ces  rnols  ,  SexUus  , 
Lucius  J,  Marcus  .,  Julll  Call  filii  ^  parent Ibus 
suis.J)cL\\s  ce  c;inton  ,  on  ecrivoil ,  d'npres  la  pronoii- 
cialion  ,  EI  pour  I  ;  riiiscription  de  I'arc  d'.i  Saint- 
Cl:amas  en  fournit  la  preuve.  Celui  da  Sainf-Remy 
avoit  ele  erige  en  rhoiineur  de  Cains  Julius  ,  auqnel 
ses  trois  fils,  Sexlius,  Lucius-  et  Marcus  elcerent  le 
tonibeau  qui  est  a  droile  aupresdu  monument  de  sa 
gloire.  II  est  place  sur  un  teitre  qui  domiue  une 
grande  plaiue ,  dans  laquello  vraisemblablein?nt  ce 
Julius  avoit  remporto  qnelque  avantage  signale  .vir 
les  ennemis.  L'arc  d'Orange  sa  trouvea-peu-pr^sdans 
la  nienie  situation. 

Ces  deux  arcs  et  celui  d:^  Carpentras  ,  cpntiiuic 
Bartlu'lrniy  ,  sont  du  memo  travail  ct  du  nienie  gout. 
Pour  fixer  le  temps  oii  ils  ont  hx  construirs,  il  faudroit 
connoitra  Page  de  ce  CaVus.  Or  uons  voyons  sur  les 
medaille^s  attribuees  vulgairemcnt  ii  C^sar,  un  tropl:<:^e 
orne  de  boucliers  et  d'autres  armes  Fort  semblables  a 
celles  qu'on  Irouve  gur  lo«  monumeiis  dont  il  es(  ici 
question  ,  lesquelles  portent  cetle  legende   !  IMP. 

LI  3 


534  ^ArchccologLe. 

Cv'ESAR.  Peut-elrc  ces  medaiiles  pourroient  se  rap* 
poi  tor  a  revcLeinont  cjui  a  fait  elever  ces  arcs  ,  et 
qu'elles  appartieiment  a  ua   cUs  ancelres   cle  Juks 

Cc^sar. 


MejiArques    sur  ii/ie   l/iscripllon  decourerle 
a  Ninics'. 

Uatvs  Ips  malli;>urf^ux  fronblos  qui  ont  apitc-  la  ville 
d?Ni.,  es,  qiielque.s  catliolicjues  s'etoie.it  vefirjic^s  et 
def:'r.(ius  dans  in:e  tour  voisijitj  de  la  salle  de  spec- 
la-.-le  ;  pour  safisf;iire  le  peuple  ,  on  abaltil,  en  1790  , 
cetic  tour,  qui  cachoit  ujie  ])aitis  de  inur  aiiliquc?,  et 
line  porie  an-dtssus  de  laquelie  on  lisoit  rinscriptioii 
ci-Jointc. 

La  premiere  li-ne  de  cette  inscription  n'ufifi-e 
auciine  diiliculte  irammati'  ale.  II  n'en  est  pas  de 
iT'cnie  du  dernier  n  ot  de  'a  seconde  :  COLonloi 
DAT  ;  ceia  na  ire  paioit  pas  du  style  lapidaire.  II 
fciudruit  (|u'il  y  eut  EEG.l.T  ou  P.EFECIT  ,  comme 
Fun  \oit  S(;r  lous  -ei  n.oiiumeas  de  ceile  esjiece. 
D'aiilenrs  on  pent  cruire  qu'U  aianque  a  la  liu  qucl- 
ques  mots  ow  letlres.  Ncaumoins  le  sejis  n'en  est  pas 
Oouteux  5  et  nous  apr>Luoas  par  la  ,  qu'Aupusle  fit 
<f-lev»^r  a  se^  dq  ens  les  mars  et  les  portes  de  la  ville 
ds  Nimes. 

Les  litres  qu'on  domie  a  ce  prince ,  mdrilent 
quel;;ues  observations.  Je  remaiquerai  d'abord  que 
c;(!iui  (X*IniperLiUjr  e^^t  ruclcjueibis  suivi  d-J  (,1'JiTres 
roniains  J  mais  alors  A  se  hoiive  icp;'i6  dans  .'ins- 
ciiption,  et  pU.ce  .siez  ordiiiain-nK'nt  apies  ia  puis- 
sance IribiUjiLiciiiie  :  ce  qui  bO  \  oit  entry  autrcs  sur 


|.  llldcfoj     Sncyd. 


N 


'I^PWEST-VIfl 


7 


injcri/ition  t/c 


nu^oj    SncyU    I  U.  p .  .f  .74  . 


r 


INPC/^£SmDlvhFA'(»S.COS-XI-TRlBMESTVI[I 


PORTAS-1 


:)S-  COL   DA'tc- 


'_-^ 


in,\-riphi>n  Jc  /a  vor/e    Jc     Nu 


I 


IncrifUoii  de  N lines.  535 

celledeNnples,  TLUBVNIC.  POTEST.  XXXU  , 

IMP,  XVI MVRVM  TVRHIiIS^Vh:  llEFE- 

CIT  (i).  \,K^^  habilans  (L-  Nini^s  negligerent  celle 
ri'petitioii ,  sans  doute  glorieuse,  puis^iu'eile  df-siaioit 
le  nombre  d;js  victoiies.  A  celle  ^po.ue  ,  Augusts 
avoit  deja  rec-u  plusieurs  ibis  uu  pareil  iioiuieur ;  maii 
ce  mot  n'ctuit  deveiiu  son  jn-cnom  que  Ireize  ans 
auparavant  I'an  720  de  la  fV)iuiatioii  de  Pvonie(2). 

Cependant ,  ni  la  dale  aiouk'e  au  mot  iniperator ^ 
ni  celle  du  consulat  iie  servcut  a  delenniiier  les  cve- 
nemeus  publics  5  cei  a\  anlage  est  da  a  la  connoissance 
de  I'aniiee  dans  laquelle  ies  enipereurs  exerroient  I3 
puissance  iribnnitienue.  Getle  anm'e,toujours  marquee 
sur  leurs  monnmeus,  est  d'une  grande  ulilit.^  pour  la 
chronolo-ie(3).Toutefoisilscoiilinuoier.tad..il.  rdeleur 
dernier  consulat  ;  de  maniore  qu'entre  le  XI  et  le  XII 
d^  ceu.\  d'Augnste  5  il  y  a  un  esnace  de  dix-sept  aus  , 
lequelse  irouverempli  par  autaut  d'ann^es  d'exercice 
de  la  puissance  tribunitienne.  II  est  fait  mention  de 
la  VllI-,  et  du  XI^  consulat,  sur  Tinscnption  de 
Wimes  :  ce  c(ui  prouve  qu'elle  se  rapporte  a  i'an  788 
on  73'-;  de  la  meme  ere  ,  ce  prince  ayant  ete ,  liuit 
ans  aupaiavant,  invesli  de  celte  puissance  pour  touts 
sa  Vie.  Taclle  dil  qu'Auguste  eul ,  trente-sepl  aimees 
consi.'cn lives,  la  puissance  tribunilienne  (4)  :  ce  qui 
sj  Irouve  conlirnie  par  Tiuscription  du  pont  dc  Ri- 

(l)  ^(j.   Spot!  misc.  p.    265. 

(li)  Di'j  Cass.l.  XLlI,s.  41. 

(3)  ScNViirU  dc  ^-Jug.  Cas.  Tiib.  pot,  s.  20. 

U)  Auu.l.I.c.  IX. 


"36  ^Archcco  Logic. 

mini ,  et  par  I'epoqiie  de  sa  niort ,  arrivee  Tan  767* 
On  cloit  encor^"  observer   que  ces  annt'Cs  tribuni- 
tieuncs  fl*e!oicnt  pas  comme  cfelles  des  autres  charges  r 
dans  )esquelk  i  on  cntroit  en  fonction  011  aux  Idesde 
fl«^cembrc  on  imx  Kalendes  de  Janvier  ;  l(.\s  eniperenrs 
lie  datoient  Pexercice  do  leur  piiissance  iribnnit.enne 
qne  du  jour  oil  ils  y  avoient  tte  promus.   Un  passage 
uc  VelifrusPcir:ercaUis  fi)  nous  ajjprend  qu'Auguste 
i^'en  ful  revc'tu  que  le  V  des  Kalendes  de  juillet ;  de 
sorle  qu'on  ne  peiit  fixer  precisenient  ia  date  de  Tins- 
crlption  de  Nimes  ,  laquelie  aura  ete  posee  on  les  six 
derniers  n:!ois  de  I'an  788  ,   ou  les  six   premieis   de 
I'dnn^^esuivante.  Ce  prince  efant  mortle  XIV  des  Ka- 
lendes de  septembve  (^),  on  peut    done  supposer 
qu'il  avoit  commencd  la  38.^  aniiee  de  si   puissance 
tribunilienne.   Il  ne  s'en  demit  jamais,  il  la  partagea 
seulement    d^abord    avec    Agrippa  ,    ensuite    avec 
Tibere.    Mais  il  conserva  loujours  en  entier  le  sou- 
verai-n  ponlilicaf  ^  dont  il  entra  en  possession  apres  la 
iiiOrt  de  Lepide(  3  ),  postcrieure  de  troisans  a  Tins- 
cription  de  Nimes  ,    ou  par  consequent  le  tilre  de 
Pontifex-Maxiinus  ii'a  point  ete  doniie  h  Auguste  , 
comme  sur  tous  les  autres  monmiiens,  depuis  cette 
epoque.   Cclni  de  Pater   Patrice  ne  potivoit  ^ga- 
leivient    lui   etre  decerne  ,  puisqu'il  ne   le  prit  que 
I'an  75ii ,  suivaat  laremarquedu  savant  Noris(4}. 

(i)  Hist.  1.  II,  c.  cm.  F'id.  Hyppol.  op.  t.  I,  p,  ic^ 
i-S)  Dio.  1.  LVI,  s.  3o 

(3)  33io  Cass.  1.  LIV5  »•  27. 

(4)  Ccuolaph.  Pisdu.  c.  Hi_ 


Inscription  de  Is  tines.  537 

Les  murs,  dont  il  est  qucslion  dauscclle  Inscription  , 
sont  ceux  de  I'ancienne  enreiiile  de  la  ville  de  Niuies. 
Ellc  avoit  environ  trois  mille  toi^es  do  circonfcTence, 
si,  coinine  on  le  croit  ordinairemen.t  ,  la  Tour- 
Magiic  e;i  faisolt  parlio.  Ces  nuirs  fureut  elevt's 
k)rsqu'Aii<^nste  y  envoya  nne  colonic  romaiac ,  ct 
detruite  dans  presqne  tonte  son  etendne  par  Charles 
Martel,qui,eu737deJ.C.^milh'feuauxportcsctc\nx 
arenes(i).  Ge  qui  en  reslcdul  ctie  incorpore  dans  !a 
iiouvellB  enceinte  que  les  habilans  formerent ,  d'upi  os 
la  permission  qn'ils  en  obtinrenl  par  nne  chartc  par- 
ticulicre  do  Raimond  V  ,  comic  de  Toulonse(2}. 
Cesdernicres  murailU'Sont  snbsislc  jusqu'aujonrd'hni, 
Tnalt',re  les  nouvcUes  foriifical  ons  qnc  Ic  due  do 
Rohnn  fit  construire  a  Nimes  ,  et  la  demolition  qui 
en  fut  ordonn^c  par  Louis  Xllf  ,  en  i63o. 

La  gdnerosite  d'Augusle  a  Tcgard  des  habitans 
de  Tancienne  ville  de  Nimes,  devoit  n^cessaircment 
exciter  leur  reconnoissance  ;  el  il  est  trcs-probable 
qn'ils  la  pousserent  ,  dans  cet  age  de  servitude, 
jusqu'a  I'exprimtr  par  des  momimens  d'une  cou- 
pable  adulation.  Ce  qui  sembleroit  favoriser  les  ing^- 
nieuses  conjectures  de  Sc'guier  sur  la  dedicace  du 
temple  appele  vulgairemeut  31aison  quarrce.  II 
s'est  flatte  d'y  retrouver  sur  le  frontispicc  les  noa)s  do 
Lucius  et  Caius  .,  His  adoplils  d'Au^iuste.  E:i  ap- 
plaudissant  a  la  sagacite  de  ce  respectable  savant,  jo 
n'ai  pu    me  dissimuler   les   dilllLuit^s    qu^oU're    son 

(1)  D.  Valss.  hist,  dc  Lang.  t.  I  ,  p,  40^. 

(2)  Menard  ,  hisl.  dc  liinics  ,  i.  L 


538  Airha'ographie. 

explication.  On  iie  trouvc  pasd'exeirple  cPiin  leinple 
consacre  aux  fils  ou  aiix  j^difs-lils  dcs  empereurs  ^ 
pendant  Ic  ngtie  de  cciix-ci ,  dont  il  f'alloif  lu'ces- 
sairenienl  avoir  la  permission  ,  el  ]v  doule  qu'ils 
I'eussent  von  In  donner.  Qnoiqno  la  villc  do  Pi*e 
ii^oubli  :t  rien  pour  houoicr  la  memoire  de  Lucius  i  t 
de  Caius  ,  dont  le  premier  ^toit  son  pairon  ,  e!le  ne 
leur  (^leva  point  de  temple  ,  raaisnu  simple  cenotaphCy 
n^ec  un  autc'l  ])our  y  iaire  des  Jibatioias  ,  dts  uf- 
frandes  et  des  sacrifices  funebres  (i).  Parmi  les 
nionumens  qu'Auguste  et  Livie  corsacrerent  a  !a  nie- 
iijoire  de  leurs  pelit£-lils,  le  principal  qncnousremar- 
qnonspst  nn  I;ois  d'arbres  touiours  veris,appele  Nenius 
Ccesamm  {£).  j^Udle  partonne  voit  c[ue  des  temples 
leur  eussLiit  eUi  dedies,  ni  pendant  leurvi«  ,  ui  apres 
leur  mort.  Les  vifs  reprets  que  CMusa  li  perte  de 
Germanicns^  dans  tout  i'erapire  ,  dont  il  etoit  la 
j^loire  et  le  soutien ,  ne  lirent  pas  imaf^iner  de  pa- 
reilles  consecrations  ,  uniquemenl  reservees  aux 
enqjereurs  et  aux  imperatrices. 

On  nie  repondra  sans  doute  que  ^'argument  dont  ie 
me  sers  ici  n'etant  que  negatilV,  ne  deanit  point 
I'explicat  on  de  Seguicr.  En  veriie  ,  je  serois  bien 
portL^a  me  la  persuader  moi-meme  ,si  lous  les  trous  de 
la  frise  et  de  i'arcliitrave  eussent  eie  employes  dans 
la  combinaison  des  le.tres,  el  si  par-la  I'iiiscriplion 
qui  en  r^sulte  ne  nous  preseutoit  pins  aucun^  diiiicult^. 
Mallieureusement  il  reste  nn  ii,raud  nombre  de  ces 

(i)  Decret.  Pisaii  j  ad  L.  Cics ,  etc. 

C^)    t^uL  Nuru  Ceiiotapli.  fh.  C  XVIIL 


Inscription  dc  ytmes.  .').'^9 

trous,  sur  lesqiiels  Siguier  s'expHque  en  c<*s  term fs  : 
«  L'ouvricT  ii'ayant  pas  fait  lei  trous  h  la  liauleur 
»  proportioniicUe  des  tenons,  avoit  tfe  ob'ige  cWn 
»  iaire  d'antres  loisqu'il  voiilut  i^cser  les  lettrf^s , 
»  atin  qu'ellfs  ne  fii?sent  iif  Irop  haiites  ni  tro)) 
»  basses  ....  cela  ne  nic  causa,  ajonle-t-il,  plus 
«  de  peine,  ce  fut  une  nouvelle  preuve  rie  ma  de- 
»)  couverle  (i).  .  .  »  N'en  concluroit-on  pas  le  con- 
traire?  L'artiste  avoit  sous  les  ytux  les  letfr.'Sj  et 
les  pla:;oit  les  unesa}.  res  lesautres  ;  il  pouvoit  prendre 
mal  ses  niesures  pour  une  ou  i'.eux  :  nmls  il  est  dif- 
ficile de  croire  qu'il  con'inviat  de  s«  tromper  jiisciu'a 
la  fin.  C'est  sur-tout  la  premiere  ligne  qui  se  troupe 
surchargee  de  ccs  faux  tiousj  et  on  j  voil  m.caie  les 
traces  de  lettres  diiFtTentt's  de  celles  que  St'i^uier  a 
cboisi.s.  Je  dois  le  dire  pour  son  bonneur,  il  n'eioit 
pas  lui-menie  anssi  cowvaincu  de  la  certitude  de  sa 
decuuverte,  qu'il  le  paroit  dans  sa  dissertation.  Les 
magislrals  de  Kimes  en  ajant  t^te  frapp^s  ,  et  la 
crovau'i  cerfaine,  iui  prcposerent  de  Iaire  r(^^tahlir, 
sur  la  facade  du  temple ,  I'iiiscription  t^-lle  qu'il 
venoit  de  I'iinaginer.  II  ne  voulut  pas  y  cons.ntir  (  t 
les  exliorta  a  ne  point  adopter  si  l^^ren^ent  son  expli- 
cation. Ce  Irait^caie  je  ticnis  de  lui-meme  ,  e.^t  I'effi't  de 
celle  sage  meiiance  etde  cette  rar."  mode^tie  dont  il  ne 
se  di'parlit  jamais.  Les  doutes  sur  sadecouverte  I'em- 
pecb>rent  meiue  d'en  puljlier  une  autre  de  ce  genre  i 
et  faite  d'apres  les  nieir.es  procc'dc's  ;  je  \  cnx  parlor 
de  cc^le  de  I'inscription  t[u'ii  suppoj.oii  nvclr  exiite 
au  frontispicc  de  I'ancien  temple  da  Vieuue  eu 
(_!')  Dissjrt.  iur  la  mjibcu  '^uarrce. 


540  ^ArcliceoLogie. 

Daiipliin.^ ,  cLargc  jadii  en  t'glisc  ,  sous  le  noili  de 
K.  1).  de  la  /7e. 

Uii  voja^cur  tjes -instruit  ,  Henri  Swinburne, 
tipres  avoir  expose  ropiniou  de  Seguler  ,  ajoiite  : 
«  Cos  ar;^uiliens  sont  plausibles;  mais  ,  i  mon  avis  , 
»  il  en  esld'autres  qui  niG  paroissent  sans  replique, 
»  qu'on  pi  lit  deduire  d'un  e;  amen  exact  de  I'inte- 
»  rieur  do  ce  temple  ,  et  qui  les  dcfruiscilt  entiere- 
»  ment*  La  comparai.son  que  j'.ii  iaile  entre  ce 
>  bAtinient  et  les  nionunicns  leconuus  du  siecle 
»  d'Aupusle  5  me  persuade  absohnnent  -qu'ils  ne 
«  sont  pas  du  meme  temps,  et  qn'il  s'est  passe  an 
»  nioins   wn  siecle  entre  les    didit^rentes  epoques   de 

*  leur  conslniclion.  Dans  la  maiscn  quarree ,  j'r<p- 
jf)  perrcis  luic  p'ofusion  et  nne  recherche  d'orne- 
y>  mens  qu'on  ne  Ircuve' point  dans  I'archilecture 
»  plus  5iinpie  du  siecle  d'iki'guste ;  il  y  a  aussi  une 

*  grand?  dilTcience  dans  les  proportions.  L'expli- 
«  cation  de  M.  Set:,uier  auroit  en  plus  de  poids  sur 
y>  mon  espri  ,  si  je  n'avois  pas  vu  claiiement  que 
'^  la  disposition  de$  trons  n'tioil  pAs  toujours  nni- 
"  forme  a  la  rc'petition  de  la  mcme  let(re  ,  et  qu'il 
«  y  en  avoit  aussi  pkisieurs  dont  il  n'a  poisit  fait 
»  usage,  en  placant  les  lettrcs.  11  rend  raison  de 
5)  cetle  redondanre  ,  en  suppo^ant  qn'iis  sont  ce  que 
>j  les  peinlres  appeilent  penttmentL  ^  on  des  erreura 
■y>  que  les  ouvriers  rectifioienl  ensnite ,  en  en  taillant 
»  d'aulre^  (r)  «.  Les  observations  de  M.  Swinburne 
sar  le  temps  do  ia  coustruclion  de  laraaiyon  quarree 
»era3  paroissent  pas,  comme  ^  lui ,  sans  replique^ 


Inscnptlon  de    Humes.,  5:^tf 

!es  artistes  ayunt  reconnu  cet  Mific©  disne ,  pav  la, 
justesse  de  s.'$  proportions  ,  .dj  Ti^-ociuc^  1 1  plus 
brillaulc  de  Part  cbez  les  roaiains,  Mais,  fiit-il , 
suivaut  raiicicniio  opinion  j  du  rigne  d'lla- 
drien  ,  cela  viendroit  eacore  k  Tappui  de  mos  rc- 
marqiiee,  qui  n'oat  point  entierement  cchappe  a  la 
sagacit6  du  voyagcur  ani^lais. 

Peut-6tre  que  des  inscriptions  dinercatesr  ont  ^te 
pos{'es  succeislveaient  h  la  frisa  do  la  maison 
quarree ;  ce  qui  aura  ^te  la  cause  d^  co  gi'and 
norabre  de  tr©us ,  et  de  la  diHijuU^  qu'il  y  a  da 
les  employer  tous.  D^  pare'llea  variations  sur  les 
jiionumcns  publics ,  ont  <'t6  PefTet  de  la  kaine  ou 
ctilui  de  I'adulatiou.  L'bistoire  en  ofire  un  grand 
nombre  d'exemples  qu'il  est  inutile  de  rapporter ;  o:i.. 
se  conlentera  ^eulement  de  remarquer  qua  dans  c« 
der,nier  cas  le  changement  devpit  etre  adopts  d'au- 
tant  plus  volontiers  qu'i!  c^pargnoit  de  ^raudi  frai«. 
de  construction.  S.  C. 


LITTERATUKE     GllECQUE. 

Vie  de  Xenofhon  j  suivie  (Vun  ecctraii  kLsto- 
rique  el  raisonne  de  ses  oiivrages  :  ou  se  troupe 
La  traducUon  de  pLusieurs  opuscules  de  cet 
auteur y  qui  n'oal  pouit  encore  pa ru  en  J^raa- 
cais  J  tels  que  fapoLogie  de  Socrates  j  terminee 
par  la  traduction  complete  et  nouueUe  i  du 
Banquet  de  JLenophon,  A  paris  ,  chez  Gail  ,  au 
coll^gc3-de-France  5  place  Gambrai,  et  Nyon  jeune  , 
li!  raire  ,  pavilion  cles  Quatres-Nations  ,  an  3/'  da 
la  Republique  Francaise  ,  in-8.o  de  5o  pages. 

jliN  rendant  compte  de  la  traduction  du  professeiir 
Gail ,  dont  les  amaleurs  de  la  litteratnre  grecque 
desirent  la  continuation ,  nous  avons  atinonce  qu'un 
savant  disiingue,  que  les  lettres  disputt-nt  aux  mathe- 
matiques  ^  le  C.  Fortia,  s'occiipoil  d'une  vie  de 
Xenopbon  et  d'une  notice  de  ses  ouvrages  ;  cette 
vie  a  paru  depuis  ,  c'est  celle  dont  nous  publions 
I'exlrait. 

Ce  sera  un  fort  beau  pr6ambule  a  la  traduction 
des  oRuvres  comyjletes  de  cet  ecrivain  grec  ,  pbilo- 
sopbe ,  lilti'rateur  et  guerrier.  Le  citoyen  Fortia  a 
enirepris  un  travail  fort  etendu  sur  son  auieur,  et 
cette  monograpliie  d'iiistoire  littcraire  est  un  des 
ouvrages  Ls  plus  curieux  et  des  mieux  faits  qui 
aient  pari!  en  ce  genre. 

Le  C.  Fortia  rend  compte  lui-nieme  ,  dans  uue 
courle  preface ,  des  principes  qui  I'ont  dirige  pour 


Notice  lies  ouvrages  de  X^nnpfwn.  r^jfl 
Pex^xution.  II  a  rejete  toute  citation ,  tout  apparcil 
scieiitilique.  On  ue  pent  nit  r  ce]  endant  que  ,  sans 
imiter  ceux  qui  font  ,  par  cLs  cital'ons  multip'iees 
el  fdoiles,  un  grand  etalaue  d'tTuilition  ,  il  est  utile 
d'indiquer  avec  precision  les  passages  sur  le.squels 
on  a'ppuio  ses  femaic[ues  ,  pour  leur  (iorincr  plus  de 
credit,  et  eviti  r  des  poines  a  cen  <  qui  out  le  temjis 
d  !  recourir  au<  sources.  Sans  parler  des  savans  du 
dernier  siecle ,  de  reux  de  I'Allemagne  et  do  I'Au- 
gleterre,  cjui  out  rendu  auv  lettrcsdesi  ^^-raud?  se;-vices, 
et  qu'on  affecteeu  grneral  uu  peu  troj)  de  ni('priser  ,  le 
celebre  traducleur  cVHcrodote  ,  le  C.  Larclier , 
rimmcvtel  auieur  des  P'oijages  du  jeune  Ana- 
ckarsis  ^  Bart:,eleiTvy ,  se  sent  asiervis  a  cef  usage, 
et  leur  conduite  a  cet  egai'd  peit  faire  autorite. 

Le  citojen  Fortia  a  suivi  ave..  rai.son  la  mediode 
du  profond  lielieni;t8  LardiLn- ,  en  ecrivant  la  letLre 
s  a  la  fin  des  mots  dont  la  tenninaison  est  en  e  , 
cowwnc  Soc rats sS\ J  AsUagcs  yil  faudroitquo  Vow  jnit 
aussi  dive:  JMaiidane  ^  llerodotos  \  mais  ces  ter- 
n\inaisons  seroieat  trop  contraires  a  rnsage»  Cepen- 
dant  celui  de  denaturer  ainsi  lesnoms  projiresest  Ires- 
inal  imaging,  il  leur  fait  p-rdre  la  physionomie  da 
leur  pays  ;  il  est  certain  cpie  Vcs  fXm  Grccs  et. 
\lls  des  Latins  se  coiifondent  dans  notro  e  nuit't , 
et  que  ,  sans  nne  instruotion  preliminaire  ,  on  ne 
devineroit  pas  lecjuel  d'Arsace  ,  dL^  Laius  on  fV Ho- 
race est  perian  ,  gr^-X  ou  roinain.  O  i  ue  >auroit  trop 
dire  pourquoi  on  ne  prononc.^  pas  VirgdiLLS  roaiiiui 
on  fait  Brutus  ;  uiais  un  ouvva  e  renipli  dj  ces  nonis 
rendusa  leur  termiuaison  priaiitivj ,  devien  Iroit  au- 


544  Ijitteratnre    prcquC. 

joiird'hiii  clioquant  par  le  roncours  Irop  nombrPn:isf 
tie  SODS  Insolites^  il  vant  mieux  vSe  conformer  .•  iix 
usages  recus.  La  rectification  dc^ja  introduiie  par  le 
C.  lurcher  pent  elre  jiourlant  admise  sans  incouve- 
uienl  ,  sur-loiit  nyant  I'araiitage  d'avoir  6le  aiissi 
adopt(^e  par  un  litteralcur  du  iiKhile  du  C.  Fortia. 
Revenoiis  a  son  ouvrage. 

II  comnirnce  par  nn  expose  tics-bien  foit  de  la 
vie  de  Xcnophon  ,  de  ses  etndes  i)hiiosopliiques  sous 
ia  conduite  de  So  rates ^  de  ses  e.vploits  niilitaires  , 
de  sa  fameiisc'  relraite  a  la  tete  de  dix  m;lle  Grecs 
fju'il  ramen€  dans  leur  palrie,a  travers  niilJe  dan- 
gers ;  de  ses  travaux  ]KiMr  venger  la  memoire  de 
son  inaitre  clieri  5  (':e  plu^ieiu's  des  act'oiis  de  sa  vie 
priv  t  e ,  ct  enfni  de  sa  n^ort  ,  dor.t  ii  fixe  I'epoque 
a  I'annee  3^9  avant  notre  ere.  II  discute  ave  ^  aii- 
tant  d'erudition  que  de  clarte  les  opinions  des  savans 
qui  ont  eu  sur  ces  eveiienicns  (\e^  idres  differentes 
des,  siennes.  Prinripalement  celle  du  C.  Larclier , 
cpii  n'admet  point  qne  Xeiioplion  ait  ete  saiiv6  par 
Socrates  a  la  batail!e  de  Delium  ,  parce  qn'i)  cette 
epoque  il  ne  devoit  avoir  que  cinq  ans ;  chacun 
d'eax  se  fondo  sur  un  point  de  cbronologie  qn'ils 
etablissent  difl 'remment  ;  on  sait  conibien  il  est  dif- 
ficile d'accorder  entr'eux  les  chronologistes  ,  les 
^tymologistps  ct  les  gcologues. 

Une  autre  opinion  qne  le  G.  Fortia  atlaqne  t'^ale- 
ment  ,  c'est  cclle  de  Voltaire  sur  la  retraite  des  dix 
iiiille.  Celui  ci  n'altaclie  ]3oint  autant  d'iinportancs 
que  les  antres  ecrivains  a  cette  action  niilitaire  ;  il 
croit  la    retraite    de  Prague  ,   par   le  marecnal  d3 

Bel.'sle 


Notice des  outrages  de  Xcnophoti:  545 
Belisle  tivs-supuri.ure  ;  le  C.  Forlia  regaidc  ,  au 
coutraire  ,1a  ic'lraitede  Xuioplion  coinine  iin  d  'i  |.la^ 
hauts  fails  qui  aient  pu  illiK.iier  1111  j.c::eial  ;  il  y 
a  ,  je  crois ,  iiiojeii  de  les  concili.;r  tons  lus  deux  ; 
la  retraite  de  .X^nophon  est  uii  des  grauds  evene- 
mens  rnilitaires  de  i'auliquite ,  considtiee  rclative- 
meiir  aux  connoissances  qu'on  avoit  alors  de  la  tac- 
tique ,  et  I'opin  on  de  Voltaire  ;^'est  ui:e  erreur 
qu'eu  ce  qu'ii  I'apprecie  d'apres  les  coiinolji^auces 
mo  denies. 

Le  C.  Fortia  relevc  avec  les  t'gords  dus  a  u;i  grand 
^crivain  ,  quelques  erreurs  cchappees  a  Voltaire; 
mais  son  euthousiasme  pour  son  auteur  le  rend 
quelqiiefois  injuste  a  son  tour  5  ainsi  il  reproclie  a 
Voltaire  d'avoir  dit  que  Xenoplion  (f-toit  un  apen^ 
lurler.  Lui  qui^  dii-il  ,  avoit  decouvert  le  premier 
ie  mojen  de  r^diger  en  corps  de  morale  la  docirine 
deSocrates  !  Cependaut  Volltiiry  n'a  suremen'  pas  en- 
lendu  ce  mot  aveiitunerd-ans  lesensbas  et  abject  qu'on 
lui  donne  pour  designer  un  liomme  qui  fait  loutes 
sortes  de  metiers  ,  entreprend  toutessorles  d'affuires 
pourvu  qu'il  y  trouve  son  profit  ;  mais  ce  mot  a 
toujoursservi  a  designer  les  hommesqui ,  conduits  par 
une  inquietude  naturelle  ,  vont  ch^rcher  les  combats 
dans  une  terre  ^trangere,  et  ^  en  ce  sens,  Xpnoplion^ 
qui  abandonne  sa  palrie  et  s'arrache  a  Tamiti^  dd 
Socrates  pour  servir  dans  i'armoe  du  roi  de  Perse 
peut  meriter  le  noni  d^aventurler. 

Si   je    voulois    discuter  a  mon   tour  les  dilTerentes 
opinions  disttut^cs  par  le    C.  Foriia  ,  il   me  laudio.t 

Tome  XL  M  m 


546  Liticratitre  grecque. 

faire  aussi  un  livre ,  et  ce  ne  scrolt  pas  avec  aiitani 

de  talent  et  de  Succes. 

De  la  vie  de  Xeiioplion  il  passe  a  une  notice  de- 
tailL'e  de  ses  ouvivigps,  de  leurs  dlflf.':rentes  editions, 
des  dilTerentes  Iradiictions  laliiies  et  fran.  aises  qui  eii 
ont  ete  fc!it>?s  ,  dv  s  imitations  auyquel'es  ilsontd  nne 
lieu,  desdisserlatio;  sdont  ilsontete  I'objet.  M.HarleSj 
dans  ie  tome  troisienie  de  sa  nouvelle  t^dition  de  la 
Bii.liolbe que  grec  ue  de  Faltricius,  avoit  deja  en- 
trepris  le  meine  travail;  niais  celuidu  C.  Fortia  a 
I'a  antage  d'etre  complet  relativetnent  aux  ouvrages 
francdls  ,  et  ce  litterateur  a  su  donner  h  son  livre  une 
forme  qui  pent  le  faire  lire  avec  plaisir  et  avec  in- 
ti'ret.  II  est  mal.;eureux  qu'il  ix'y  ait  pas  fait  entrer 
un  extract  des  travaux  des  Anglais  ,  des  Allemands  , 
des  Ita'iens  ,  etc.  sur  Xenophou.  Ce  defaut  rend  en- 
core celte  mouograpliie  d'hisloire  lltiv'rnire  incom- 
plete ,  et  ob  iv^era  tou;olirs  le  "Franrais  qui  voudra 
counojtre  ce  que  les  elratigers  out  ecrit  sur  Xeno- 
plion  ,  de  rt  courir  a  la  B  bliotlieque  grecque,  si  consi- 
derablera>  nt  enricbie  par  le  savant  ITarlef.. 

En  exposant  son  opinion  sur  les  ecrits  relatifs  a 
Xenophon  ,  et  les  motifs  qui  lui  font  prc'^ferer  une  tra- 
duction a  u!;e  autre  ,  le  C.  Fortia  est  guide  par  une 
saine  critique  ,  el  s'exprime  toujours  avec  celte  ame- 
nite  dont  le  verita!)!e  bomme  de  letlres  ne  doit  ja- 
mais s'ecarter ,  lant  qu'il  n'est  dirige  que  par  un 
amour  vrai^  d;^  Part  qu'il  cullive.  Son  stjle  a  de  la 
noblesse  et  d^  la  coriect'on ,  et  il  sait  altaclier  dans 
les  parties  qui  en  paroiss^nt  le  moins  susreptibles. 
Or  trouve  a  la  fin  de  I'ouvrage  nu  catalogue  ds 


Notice  des  outrages  de  Xenophon.  547 
119  edilionsou  traductions  lalines  et  {Vancaises  des 
dil^Rrens  ouvrages  de  Xciioplioii  ,  et  encore  peul-on 
liii  reprocher  quelqu'omis«ion  ,  inais  il  est  plus 
aisede  trouver  une  fautj!  dans  des  listes  qui  exi-ent 
autanl  depalienceet  dereclieiches, quede  les  compo- 
ser; le  ijlaisir  de  decouvrir  une  legere  errjur  dctnsles 
tvavaux  qui  ont  a'osorbe  plusieurs  ann^cs  de  la  vie 
d'un  savant  distint^ue,  ne  peut  couteuter  que  I'igno- 
rance  et  la  mediociite. 

Le  citoyen  Fortia  a  insere  dans  cet  ouvrage  la 
traduction  de  quelques  morceaux  com p lets  non 
encore  traduits  en  francais  a  I'epoque  oii  il  a  ei^ 
Compose,  tels  que  VApoLogie  de  Socrate  j  traduite 
d.-'puis  par  le  savant  professeur  Gail  ;  et  le  Banquet 
de  Xenophon  J  tr:iduit  par  un  de  scs  amis  ,  littera- 
ieur  eslip.::a]:le,  Pierre  Lamonlagne. 

Eti  traitaiit  de  la  Cjropedie,  il  a  rassevbl^  les 
divers  traits  de  I'liistoire  dePanlht'ej  qu'Jlar-unis 
ensuite  pour  en  composer  une  histoire  plus  suivie  et 
plus  detaillee  de  cette  epouse  fidele  et  gt'n.Teuse* 
Ouoique  cette  liinoi:e  se  trouve  dans  toutcs  les  tra- 
ductions de  la  Cjrop^'die  et  dans  le  Voyage  d'Ana- 
chavsis  ,  de  Bartiielemy ,  !e  citoven  Fortia  I'a  iraduito 
et  presentee  avec  tant  d'cloquenve  ;  elle  a  nn  carac- 
tere  si  noble  et  si  fouclianl,  que  ceux  qui  ne  la  con- 
roissent  point  sevont  assurement  bien  aises  de  la  lire, 
et  que  ceux  qui  Tojit  di'-ja  lue  ne  seront  pas  facht's  de 
la  retronviT  sons  cette  nouvelle  forme.  Nous  la  dou- 
nerons  dans  un  de  nos  prochains  uumeros. 

Mm  a 


IJTTERATUKE   ANGl.AISE. 

Lettres  de  MrLAnr  Montague  ,  pendant  ses 
VOL/ages  en  Europe ^  en  Asie  ei  en.  Afilque  , 
contenant  3  entre  autres  relations  carieuses  , 
des  details  siir  La  reL'bglon  J  Le  go  uv  erne  meat  et 
les  niceurs  des  Tares  ;  traduction  nouvelie  , 
avec  pLusieurs  additions  tirees  de  La  dernihre 
idltlon  anglaise  ■>  imprunee  a  Paris  chez, 
Theoplule  Barrels  ,  en  1790,  deux  volumes. 
A  Paris,  chez  Bailly  ,  libraire  ,  rue  St.-Honor6, 
baiTiere  des  Sergens  ,  I'au  3".  de  la  Republiqu  , 
3795. 

X/Es  Lettres  de  Milady  Montague  ont  ete  tradultes 
d-ins  toutes  les  lanpnes  ;  nous  en  avons  deux  versions 
fran  aises ,  et  tnules  deux  so«t  infideles.  La  premiere, 
imprimee  en  176,3  ,  a  Amsterdam ,  est  la  plus  exacle  , 
mais  le  style  n'en  est  pas  supporla]  le  ;  la  seconde  , 
rublieeaParisen  1764,  et  reimprimee  eu  1788,  est 
d'une  main  plus  exercie  ;  le  style  est  assez  aise  et  assez 
correct;  mais  on  peut  lui  reprocher  des  omissions 
importantes  qui  d.'naturent  I'ouvrage  et  ne  laissent 
qu'une  aride  description  des  voAages  ,  au  lieu  de 
faire  connoitre  les  tournures  d'esprit  de  la  Scvigne 
anplaise.  Les  plus  importantes  de  ces  omissions  sont 
les  morceaux  de  poesie  inseres  ]iar  Milady  Montague 
dans  ses  Lettres ,  et  qui  pcuvent  faire  appvecier  sou 
merite  pour  ce  genre  de  .talent  ;  I'autre  omission  est 
celle  des  plaisanlorics  t-u'elle  se  permet  quelquefoia 


Lett  res  de  Mlladij  Montague  r)49 

siir  !es  reliqucs  et  sur  des  points  de  discipline  ,  on  siir 
des  ceremonies  de  lY^glise  de  Rome,  ain>;i  que  snr 
les  mceurs  franraises.  L'auteur  a  sans  doute  cle  force 
par  les  censeurs  a  relranchcu- ( es  legeres  epigrammes, 
souvent  tres-justes,  toujoiirj  pardonnahlcsaune  pro- 
testante  et  a  une  Anglaise  ,  qui  font  encore  appr^fier 
la  dt-Iicatesse  de  son  jugement  et  la  fin'^sse  de  son 
esprit.  II  etoit  n^ce«saire  ,  dans  ceft.Mi  juvelle  traduc- 
tion ,  de  rendre  a  Milady  Monla^.ue  tout  ce  qui  lui 
apparlient. 

L'ancientradncteurnpconservoif  lias  les  expressions 
franraises  de  Miladj  Montague,  c  t  nous  ]-rivoit  ajnsi 
du  plaisir  de  juger  comment  elle  pensoit  quelquefois 
en  francais. 

La  preface  de  i'^'diteur  anglais  ,  celle  de  I'am.ie 
de  Montague  ,  sont  ^galement  suj)pri;i.ees.  On  j 
trouve  aussi  une  foule  d'inoxacti'.udes.  Celle  d'ap- 
peler  Ce  Heros  l\imante  du  passionne  Leandre  , 
Hero  J  dont  I'Listoire  est  si  coniuie,  n'cst  pas  la  m.oins 
considc^rahle. 

L.^s  lelires  de  Miladj  Monlajzue  m^ritolcnt  qu'uu 
homme  altcntif  et  exerce  a  e.  r:'re  en  donnatune  nou- 
velle  tradiiciion.  Nous  ne  ferons  pas  l*analjso  d\iu 
ouvrnge  si  connu  :  il  siillit  d^  rappeler  qu'aucun  ou- 
vrige  ue  peint  les  Turcs  dans  lour  iiiterleur ,  avec  d?i; 
coulours  plus  vraies  et  plus  inti-ressantes.  El'e  a  vu  ce 
qu'une  femrne  seule  pouvoii  voir,  et  son  esprit  etoit 
capable  des  ol  servation.-s  les  plus  Knes  ;  c'esi  aelle  que 
nousdevons  I'inoculalion,  don  I,  a  son  relour,  elle  pro- 
voqua  la  pratique  en  Angleterrc.  Eiifin  ce:te  amLas- 
'  M  lu  3 


55o  LUtl(^raturc  an^lalse. 

sailrl-e,  liee  avec  tons  les  homines  distingocs  par 
quehjue  genre  de  mcrile  que  ce  fat, qui  parloit  toules 
les  langues  moderuas ,  poss.^doii  les  laiigues  aucip.nnos 
et  reunissoil  des  coiuioissances  ires-variees  ,  est  iine 
femme  tr:  s-ceiebre  a  jusle  titre  ;  et  lout  ce  c;ui  tend  a 
la  faire  blen  oonnoilro  ,  ne  peut  etre  que  Ires-avanla- 
geuseraent  re^u. 

La  nouvelle  trarkr  tion  est  du  citoyen  A.,  conini 
par  dcs  travaux  uliles  d.:ns  i'assembiec  tu-itionai.^  cons- 
ti^uaiito  ,  dont  il  eloit  imeinbre,  et  oii  il  s'^st,  princi- 
pa'emeiif  occiine   des  finances;  comme  Turgot ,  li 
<ultivoit  la  poefcieen  vneme-tenvps  qu'il  se  livroil  aux 
eludes  de  I'l^omtne  d'etat;  quelques  pieces  fugitives^ 
quolques  chansons  du  citoyen  A.,  com poseesseu le- 
nient pour  la  socitte,  ont  paru  assez  agreables  pour 
francb'r  le  cercle  anquel  elles  eloienl  desiinees ,   et 
pour  devenir  popalaires.  C'est   encore  le  c;is  de  rc- 
peter   le    mot    que    nous  avons    cile    de    Voitair-, 
clans  ses  conseils  a  uii  jourcalisle,  qu'ii  ,v  a  beaucoup 
d'accoid  eutre  1  esprit  des  belles  lettres  et  celui  des 
affa  res.  tons  les  grands  orateurs  gre-.s  et  romains 
ont  ete   bomraes  d'etat.    Xenopbon   cloit  !itterate-ir 
et  guerrier  ;  Cesar  ,  bistorl;^!  et  general ;   l^Hopila? , 
Lamoigr.on,  etc.,  ont  ete  litlerateurs   et    n  agisjrats. 
Le  citoyen   A-  .    .    ,  oblige  de  se  cacber  pendant 
les   ^n'enemeus    de    I'annee    1794,  a  fait  de  I'etuds 
des  laugues  I'occupeition  de  sa  solitude.  La  iradu:- 
tion  est  en  effet  le  travail  qui  convient  le  mieux  dajis 
celte   posiiion ,   il   exige  peu    de    Hvros ,    on   peut 
le  repreadre  et  le  c|uitt«r  a  volonle  j   il  distrait  des 


Lett  res  de  MUodjj  Montague.  ^fii 

pens(5es  tristcs  ,  melancoliqiies ,  sans  priver  tofa!e- 
nient  du  charme  que  ,  loin  de  tout  ce  qu'oii 
alme  ,  on  eproirX'e  quelquefois  a  s'y  livrer  ;  enfin  , 
r.Hiteur  que  Ton  traduit  devient  ,  pour  ainsi  dire  j 
notre  consolateur  et  notre  ami  ,  le  plus  clr.  r 
compagnun    de  notre  solitude. 

11  est  fiise  de  voir  que  le  ciloyen  A.  s'est  beaucoup 
ailache  au  sien.  II  ne  s'est  permis  aucnne  otTiission  , 
il  a  resiitue  a  leur  veritable  place  le<  six  letlres  de 
rnilady  Montague  ,  qui  out  paru  si'parer,  en!  ,  en 
176M.  Nuns  avons  comi.are  sn  tr;:cluLtiou  sur  I  ori- 
ginal, et  ele  nous  a  paru  par-loul  Ire.^-HclM'^ ,  saus 
que  le  stjle  peniil  rimde  la  correction  et  de  TeK- 
gr.nce  qui  lui  cou\  if  nt. 

C'esl  sur  I'edilio^ide  Tlieophile  Barrois,  de  1790  , 
que  le  ciloyen  A.  a  fait  cette  traduction  ;  il  en  a 
adopie  jusqu'au  forn-'at  ,  ahu  que  djns  les  bi!;lio- 
tliecjues  on  put  les  placer  a  cote  I'une  de  Pautre. 
Cet  Guvrage,  ainsi  tralte  ,  outre  son  merile  lilt^raire 
et  ragrenieut  qu'il  procure  };ar  sa  lecture ,  peut  de- 
venir  utile  a  ceux  qui  vculent  etudier  ia  langue 
anglaise  sans  luailre  ,  par  la  facilite  qu'il  lour  doa- 
nera. 

Le  cifoyen  A.  .  .  a  imit-.'  en  vers  tous  les  nior- 
ceaux  de  poesie  ;  inais  ,  alin  de  ne  rien  faire  pcrdre 
deson  ori^iinal,  il  a  aussi  traduit  ir  meme  morceau 
en  prose,  ligne  par  ligne.  Sf's  traductions  en  ver* 
sent  en  gerun-al  henreusement  fail-js ;  nous  alloiig 
citer  le  n  orceau  qui  nous  a  paru  avoir  le  plus  o«* 
n.eritej  c'est  aussi  le  plus  cou::idcral;!e. 

M  ai  4 


552  LUterature  anglaise. 

T^ERS  composes  a  Vera ^  dans  un  Kiosck  dont 
la  vueit'etcrid,  sur  la  vlUe  de  Constantinople  _, 
a  la  fin  duniols  de  decembre  171 8  j  par  milady 

Montaigne. 

Oui  ,  grand  Dieu^  e'en  pst  fait,  je  borne  mon  en\ie 
A  terminer  ines  jonrs  dans  une  metaiiie 
Qui  s<  il  oliancle  en  hirer  ;,qu'"  j'y  scnimeille  en  palx  ; 
Qu'unbois  ,  pend;inl  I'ete  ^  rn'oiTre  un  ombrage  eials  j 
Qu'du  print:>m])s  ,   d'un  rocher  crouse  par  la  n;iture  , 
Coule  paisiblement  une  onde  vive  et  pure. 
L -i:!  dc  moi  ces  fossi's  ,  ces  su;:erbes  caiiaux  , 
Ces  tubes  arrondis  pnnr  tourmenter  les  eaux  ; 
Je  ne  veux  ni   bssssins  ,   rii  gevbes  ,  ni  cascades. 
Ces  cuvrages  de   I'art  sont  FeHToi  des  naiades. 
Si   Pcnijne  sourit   a  mon  pelii  jardin  , 
Jc  n'ai  plus  q^u'un  d?sir  ,  c'est  un  air  doux  et  sain. 

Paries  vents  destrucleurs   notre  ile  dominee. 
Sous  le  poids  ties  giacons  gomit  emprlsonnee  ; 
Les  arbres  Qepouilips  dans  nos  sombres  cHmats, 
Oat  change  leur  verdure  en  de  Iristes  frimats. 
T,:s  ciseaux  cperdus  vont  ,  loin  de  leurs  aslles  , 
Cliercber  ua  ciei  plus  beau  ,  des  forels  plus  tranc|uilles  ; 
La  TomisK  n'a  pJus  d'un  fleuve  que  le  nom  , 
.  Sa  nyrn-  he  so-iiajre  en  pleure  Fabandon  ; 
Dans   l^s  ^  rc'-s  blanchissans  plus  de  danse  riantc  , 
Les  jeux  sont  eblouis  de  leur  paleur  brillanle. 

Mais  ds  I'aslre  du  jour  les  rayons  bienfaisans  , 
De   cons  tan  res  mcissons  couvrenl  ici  les  champs  ; 
L'ete  ,  favorlsant  ces  plaines  fortunees  , 
Avcc  le  priutems  senl  partage    les    aunees  ; 
Et  rautoinne  ,    a  jaai-ija  reunie  avec   eux  , 
De  I'hiver  ne  craJut  point  le   retoiir  nebuleux. 
Si   la  reine  des  flenrs  avec  le  jjnir  expire  , 
II  o'est  point  d'interregne  en  so^j  aimable  empire  ; 


Letlres  de  Milady  ]\f(uUague.  553 

Et ,  plus  frais  que  lent  mere  ,  on  voil  ses  rejctons 

Eiiibeliir  les  bosquets  de  leurs  jeuiies  boutons. 

Pres  d'eiix  mot]cslement  nait  I'humble  violelte  , 

Ce  motlMe  fjuchant  d'uae  vcrtu  parfaite  ; 

Sa  douce  oflt-iiv  sVxhalc  tvec  simplicite  , 

Et  sa  liciie  ooiileur  dccore  la  beaute. 

La  jonqiiille  ,  avcc  Tor  de  son  riche  petale  , 

De  I'aiirore  naissanle  ose  elre  'a  rivale. 

Les  oiseaux  font  entendre  a  ton'.e  lieure  ,   en  tons  licux, 

Daus  !cs  plaines  de  I'air  leurs  clianls  melodieux  ; 

Dcs  limpiJes  ruisseaux  ,  sous  un  cii.'l  sans  nuages  , 

Le    cristal  u'esl  jamais  terni  paries  orapes  ; 

D"s  vallons  ,  des  coteaux  les  gazons  sont  charmans  ; 

Toujours  I'orubre  des  bois  prolAge  les  amcns. 
Quel  spectacle  !  la  mer  ,  de  fertiles  campagnes  , 

Une  vaste  cite  ,  I'Asie    el   s^s  montagnes  , 

Qui;sorit  de  ce  tableau  le  cadre  interessaut. 

Je  vjis  sur  tous  res  monls  un  sommRt  imposant  , 

C'est  rOlj'mpe  ,  ou  souvent  les   puissances  celestes 

Donnerent  aux  mortels  des  exemples  funestes. 

Je   ne  me  lasse  point   d'un  spectacle  si  beau  , 

A  mi?s  yeux  etonnes  il  est  toujours  nouveau. 

En   contemplant  ces  tours  j  ces  aigui'ies  antiques  , 

Tous  ces  croissans  dores  ,  ces  domes  magniiiques  , 

Je  me  dis  :  U  repose  un  stupide  sultan 

Confondu  dans  la  tombe  avec  le  conqu^rant; 

L'un  ne  pour  le  mepris  ,  I'autre  vainqueur  du  monde; 

Tous  deux  onldisparu  sous  leur  voutc  profonde. 

Ce  temple  se  vantoit   jadis  d'etre  clirelien  ; 

De  son  notn  ,  de  sa  gloire  il   n'existe  plus  rien  ; 

Ses  aiitels  reyer(5s  ,  donl  la  noble  structure 

Devoit  moins  son  I'clat  a  \\>x  qu'a  la  sculpture  , 

Par  un  z'le  bavb.ire  onl  ete  venversi'S  ; 
Je  cherche  vaincment  leurs  rosles  dispersi'-s, 
Tu  fus  seule  epargnee  ,  o  celebre  Sopbie  , 
Ton  nom  oemesur vit ;  oiiii*  qncL?  ignouiinie! 


5v^4  LittcratLire   angtalse. 

Au  Heu  cle  tam  de  rois  dans  tes  murs  prosternej  , 
Tu  vols  par  les  dervis  tes  manes  profanes. 
Vo  Id  ta  desiinee  ,  6  yille  impti-iale  , 
Qui  du  nionde  voulois  etre  la  canitale  ! 
Que  soni  i's  dcvenns  cea  imruenses  palais 
Par  taia  cle  souverains  eJeves  a  grands  frais  , 
On  ies  arts  de  la  GnH-e  ,  avant  leyr  decadence  , 
Prodig.joient  a   'eiivi  ie  luxe  etl'e  egance  ? 


La  iix^rerit  hnirs  cnurs  des  rois  volujjtaeux  ; 
Et  d'a litres  ,  ;i  t;.i  voi.v  ci'un   primal   org-ueilleux  , 
Bassemtnt  traver.tis  i*n  pauvies  solitaires  , 
Cuaiig.-rc'nt  ces  pa  cis  en  triste.?  moiiujitres. 

Ou  sunt  tie  i'.tuj  c^s  fails  Ies  aiiciens  mon-iniens  ? 
T'f  nunb.re  ,  I'ciiralu  meme  est  i  rise  par  le  teiups  ; 
Le  inAmf  coin  de  terre  enseveJit  suns  Tlierbe 
Le>    noTiis  du   ;  fyice  obscnr  ^  di^naonarqiie  superbe. 

La  de  tout  I'uaivers  ,    pouvvcT  i;}!ustes  lauri^iTs  , 
TJne  seconde  Ilel^ne  asseniLIa  Ies  guf  rrJcrs  ; 
Sa  beau'ie  ne  fut  poial  I'excuse  cle  leurs  araies  , 
Mais  Ta  religion  emploie  aussi  ses  charaics. 
Tel  d'enlre  eux  ,    dont   le  bras  du   trone  ^ut  i'appt3i  , 
Ryugiroit  pour  son  ncm ,  s'il  vuyoit  aujourd'liui    ■ 
Ses  foibfes  d^scendans  plonges  dans  la  misere, 
Leurs  Veux  pourroient  encore  inspire-  un  Homtre ; 
Mais  chez  Ies  Grecs  ,  fletris  par  de  gr^ssiers  travaux  , 
S'il  est  quelques  beautes  ,   il  n'est  pas  nu  iieros. 

Oublions  ces  debris  de  ]eurs  grandeurs  passees  j 
Sur  Ies  lisurpateurs  proinenor.s  nos  ]>ensees. 
Quelle  rariete  d'arnies  ,  d'hahiicmens  ! 
De  fourrures  du  nord  ,    de  perles  ,  de  turbans  , 
Je  vois  se  deoloyer  la  pompe  orientale  ! 
Seroit-ce   d'un  Su  tan  la  marche  Iriompbale  ? 
Ce  n'est   que  son  visir  ,  maisnon  mcins  redoute. 
Son  panacbe  flottant  marque  sa  dignite  , 
Sc'g  etriers  sent  d'or  ;  et  mille  pierreries 
De  sa  vicliy  parure  ornent  Ies  Lroderies^ 


Lett  res  de  MUadij  Montague.  555 

5ix  esclavcs  k  pied  ,  v  t  is  superbemt-Dt , 
Chercbent  a  contcnir  sou  coursier  petulant  : 
II  resifite  i\    des  uiiiins    qu'il    >  atoit  meconnoitre  , 
II  senible  ^  artoger  loiiL  I'oigueil  do  son  uuilre. 
l)e  gardes  ;  rt-s  de  lui  quel  nombrcMix  oscadron  ! 
Voyez  ,    au  gve  des  yenis  ,    voliigv-r  sur  leur  front 
Les  J  lumagos  brilians  Ai'!,  oiseaux  de  I'Asie  ; 
Ilsmo(itt«iit  des   coursiers  que  fuurnil  I'Arabie. 
Le  peujde  ,   k  cet  aspect  ,    courb^  ,  respectutux  , 
Conserve  eii  sa  bassesse  un  air  reHjiieux. 
Au.ssi  mor  u!  que  lui  ,    le    cortege  en  silence 
Vers  I'auguste  Divan  tr-inquillement  s'avance. 
Sur  des  objets  plus  gais  ramenons  nos  regards  ; 

Cent  vaisseaux  sur  la  n|Nr  yoguenl  de   toules  parts  ; 

Ce  melange  eclatant  de  mats  et  de  dorure  , 

De  palais  ,  de  jardins  ,   de  domes  ,  de  verdure  , 

De  CCS  tableaux  divers  rirr.^gaiarife  , 

Dans   sa  cunfusion  plait  a  l'a;i!  enchante. 

S'ils  emeuvent  men    ame  au  milieu  de  I'tlude, 

C'est  qu'ils  sont  loin  de  moi  ,  loin  de  ma  solitude. 

Ici  d'un  sr.eleral  ,  ou  d'un  fat  ennuyeux  , 

Les   insolens  sncces  ne  choquent  point  mes  yeux  ; 

Je  n'entend.s  point  sifflcr  les  serpens  de  i'envie  ; 

JV^cbappe  au  fade  encens  de  I'humble  hypocrisie  ; 

Periide  adulateur  ,  je  ne  veux  rien  de  toi , 

La  retiommce  a  peine  arrive  jusqu'a  moi. 

A  I'abri  du  scandale  el  de  rimperlincuce  , 
Je  ne  crains  plus  enifnTaffeusemedisance  , 
Dont  la  langue  cfuel  e  aime  tant  a  noircir 
La  jeunesse    qui  fuit  les  atlraits  du  plaisir. 

Los  autrcs  i-norc?au's  so;t  diveives  iniilations  des 
autours  anciens  ,  iiue  d^claralioit  d'a;r:oar  turqiio,  et 
les  vers  de  Pope  sur  miladj  Montague. 

Le  dtrnitr  volume  est  termini  )Dar  des  notes  tiCi- 
cuurtes,  servant  a  riiitcUigci'ce  de  la  traduction  ou 


5o6  Lute  rat  are  anglause. 

du  texte  ,  et  par  une  tcible  dps  chapltres ,  pour  re- 
tracer  plus  aiscmeiit  les  d^lails  que  les  leltres  ren- 
ferment. 

Nous  ne  pouvons  qu'encourager  le  citoyen  A.  a 
s'extr.er  snr  dautres  auteurs,  et  a  cul  liver  un  genre 
de  lilti'iaUnv  utile,  et  plus  difficile  qu'on  ne  le 
croit.         A.  L.  M. 


p  o  E  s  I  :e, 

V  E  R  T  U  1\T  N  E     E  T     P  O  IM  O  N  S , 

FRAGTiJENT  (ILL  jCIVj-  Uvrc  clcs  Metamorpkoses 
d' Ovule  (i). 

-t   OMONE  ,  SOUS  Procns  ,  c1(n-nier  roi  d.-'s  Altains  , 
Fit  fleurir  i'arl;  Iieureax  de  ooigner  les  jardins, 

(i)  On  sait  que  le  cltoyv-iO  S'.  Ange  est  occupe  depnis 
long  -  temps  de  la  trc.ductioti  des  iietiimorphoses  d'Ovide, 
dont  il  a  deja  puLlie  piusieyrs  livres  ;  il  louche  a  la  llu  de 
rouvlage  ,  et  11  va  bipnlot  dormer  le  cjualorzieme  livre  ,  dans 
iecfuel  se  IrouA^e  celte  fable  Ae' F'eriumne  et  Pomone  ;  c'est  le 
premier  morceau  sur  lequel  il  s'est  essay^  ;  ce  fut  son  succes 
qui  le  delermina  a  se  charger  d'une  si  longue  et  si  difficile 
entreprise.  Ce  morceau  fut  insc're  alors  dansle  Journal  de  lec- 
ture ;  mais  il  I'a  retravaille  encore  pour  le  faire  reparoitre 
dans  son  quatorzit'ine  livie.  II  i:'y  a  qu'unc  cjuarajitauie  de 
Ters  qui  subslstent  tels  qu'ils  out  ete  imprimes  ,  il  a  rt'taLli 
I'e;  isode  d'Anaxarllle  qu'il  avoit  alors  supprime.  Cette  his- 
toire  ,  et  les  changem?ns  considerables  fails  :i  ce  fragment 
de  traduction  ,  le  reudent  absuluincnit  neuf  ,  rt  c'egt  ce  qui 
nous  engcgt'  a  roiTiir  a  r4'v.s  kcteur^.  A.  L.  M. 


VerlLiinne  ct  Pomone.  55^ 

Jamais  dans  les  vergers  une  main  plus  habile 

IVe  cultiva  des  fruits   la  richcsse  lorlile , 

Kp  sut  mieux  diriger  un  flexible  arbiiss;'au, 

L'etcndre  en  espalier  ,  le.courber  en  berceau. 

Amanle    des  enclos   eiiriohis  par    rautoniiie  , 

EUe  dut  a  ces  soins  le  beau  nom  de  Pcmone. 

Sur  le  bord  des  etangs  ,  dans  le  fond  des  forets  , 

La  ligne  ,  ou  Tare  en  main  ,  on  ne  la  vit  jamais 

S'adonncr  a  des  jeux  tjui   n'onl  pas    su  Ini  plaire. 

Armee  ,  au  lieu  de  traits  ,  d'une  serpe  leg^re  , 

Dans  I'ecorce  entr'ouverte  elie  insure  un  bouton  , 

Du  rameau  ,  cjui  I'adopte  ,  Stranger  nourrissoa  ; 

Et  des  jets  dereglcs  reprimant  la  licence  , 

Emonde  avec  le  fer  leur  sterile  abondance. 

El'e   sait  d'une  source  ^  en  pavtageaut  son  cjurs  , 

Eiitre  ses  plants  divers  ,  menager   les  secours  ; 

Et  conduisaut  son  onde  ,  A  leuri  pi.-ds  altiree  , 

Abreuvevde  fraicheur  la  racine  alteree. 

Ce  sont  la  tous  ses  soins  ,  %^^s  plaisirs  les  plus  doux. 

Son  amc  effarouchee  au  seul  nom  d'un  epoux  , 

Des  faveurs  de   Venus  craint  la  trompeuse  amorce. 

Pour  ^carter  loin  d'elle  et  la  ruse  et  la  force  , 

Un  rempart  de  verdure   enferme  ses  jardins  , 

Enclos  impenetrable   aux  amoureux   S3'lvain3. 

Tous  les  Dieux  des  hameaux  envlolent  sa  cjiiquet*. 

Pan  ,    qui  du  sombre  ;  in  se  couronne  la  tele  , 

Les  Faunes  bocagers  ,  et  ce  dieu  dent  la  faulx 

De  nos  fruits  murissans  ecarte  les  oiseaux  , 

Des  Satyrcs  badins  la  riante  jeunesse  , 

Sylvain  plus  jeune  encore  en  sa  verte  vieillesse  , 

Essayerent  cent  fois  de  lui   plaire  ;  et  centfois  , 

Pour  cacher  leurdepit  ,  s'enfuirent  dans  les  bois. 

Verlumne  ,  dieu  des  frnils  que  septembre  colore. 
Sans  etre  plus  aime,  I'aima  plus  qu'eux  encore. 
O  que  n'invenla  point  son  amoureux  espoir 
Pour  altirer  sa  yua  ,  et  sur-lout  pour  la  voir  ! 


558  Po^sle. 

Tanlot  d'nn  moisonneur  rcrabrnni  par  le  linle  , 

II   pr.>nd  I'habil    rustlque  el  ]a  rudosse  male, 

£a  gerbe  sur  sa  tete  est  chargee  en  faisceaux  , 

Et  son  bras  demi-nu  s'est  armc^  d'line  faulx. 

Tanlot  tel  qu'un  faneui-  ,  des  tresses  de  verdures 

lEnftelacent  sans  arl  sa  noire  cbevelure. 

Si  d'un  fouet  qui  fend  Pair  il  fait  sifflf-r  les  noeiids, 

Vous  diriez  qu'il  revient  de  deteler  scs  boeiifs. 

Porte-t-il  une  epoe  ,  iineserpe  ,  uneligne  ? 

li  est  soldat  ,  pechenr  ,    ou  faconne  la  vigiie. 

Un  jour  couvrantson  front  sous  de  faux  cheveux  gris, 
Emprnnlant  d'nne  vieille  et  I'age  et  les  habits  , 
Courbe  sur  un  baton  ,  dans  I'endlos  de  Poinone 
II  entre  ,  et  voit  ses  soins  dans  lesdoa*  de  I'Automne. 
Admirant  et  ses  fruits  ,  et  son  teinl  ,  et  s^s  jeux  , 
Oui  ,  vons  etos  plus  bflle  encor  que  ces  beaux  lieux  , 
I>ui-dil~il,  et  Ini  donne  ,  en  louant  son    ouvrage  , 
Des   baisers   qui  n'ont  point  la  froideur  du  vieil  age  j 
Puis   sur  un  verL  gazon  ,  va   s'asseoir  a  pas  ients  , 
A  I'ombre  des  rameaux  sur  sa  tele   pendans. 
La  domine  un  grand  ornie  ;  uae   vigne   I'eiubrasse  , 
La  grappe   autotir  ele  lui  serpente  et  s'entrclace. 
Voyez  ,  lui-dit  le  dieu  ;    vojez  ce  couple  heureux  : 
L'orme  ,  epoux  de   la  vigne  ,  emlielli    ar  ses  noeuds  , 
Charge  de  ses  raisins  ,  et  sans  elle   steri  e  , 
N'aurnit  que  la  baute  d'un  feuillag^e  inutile  • 
El  la  vigLie  qui  monte  el  s'eleve  avec  lui  , 
Arrachee  a  ses  bras  ,  ramperoil  sans  appui. 
Un  exemple  si  bc-au  n'a-t-il  rien  qui  vous  louche 
Et  faut-i:    que  toujours  I'hymen  vous  efiarouche  ? 
Ah  !    ne  resistez  plus  a  des  noeuds  si  charmans. 
Helt^ne  et   Penelope  aurojit  eu  moins  d'amans. 
Que  dis-je  ?  a  tous  les  vceux  ce  cour  inaccessible  , 
Que)  coeur  a-t-il  trouve  ,  qu'il  n'ail  rendu  sensible  ? 
Morleis  ,  dieux  ,  demi-dieux  ,  dedaigues  tantde  fois  , 
Tout  aspire  ^  vous  plaire  j  d  vivie  sous  vos  ioix. 


Vertunine  et  Pomonc.  5:T9 

Mais  si  vous  eles  sage  ,  et  consu'lez  vous-m?me 

Ma  vieillesse  prudenie  ,    et  moii  caur  ,  c^ui  vou:,  i-ime... 

Plu«  que  tons  vos  amans  ,    et  que  vdus  ne  pen^ez  • 

Fuycz  un  noeud  vu'gaire:  uiin-z  ,  mais   choisissez. 

Quel  autre  que  Vertunine  est  digne  de  Pomone  ? 

Je   Ic  connois  :  suivez  I'avis  que  je  vous  donne, 

II  n'cst  pas  mieux  connu  de  lui  meme...  el  c'est  moi 

Qui  reptmds  de  son  coeur^   qui  repouds  de  sa  foi. 

Jamais  on  ne  le  vit  ,  de  rivrge  en  rlvagc  , 

Porter  i  viiigt  beautes  un  indiscret  honima<re. 

Cet  heureux  coin  du  mondeest  pour  lui  I'uuivers  • 

Et  ce  ruissoau  voisin  ,  la  Larri.'^re  des  mers. 

II  vous  vil,  et  c'est  vous  qu'il  aima  la  premiere  ; 

C'est  vcus,  vous  que  Vertunine  aimera  la  dcmiere. 

Que  lui  faut-il  de  plus  pour  etre  voire  epoux  ? 

Comme  vous  il  est  jeune  ,  uimabic  comme  vous  : 

"V'lngt  fois  changeant  de  forme,  a  vous  plaire  docile, 

Ordounez  ,  et  pour  vous  tout  lui  sera  facile. 

Reunis  par  vos  goiits  ,  unissez  vos  dcstins.. 

Comrae  vous  il  habltc  ,  il  aime  les  jardins  ; 

Et  si  du  so'n  des  fruits  vous  faites  vos  delices, 

Dea  fruit*  ,  sur  son  aulel  .  il  recoitlos  premices. 

De  ces  foibles  presens  s'il  a  ;  aru  jaloux, 

C'est  qu'offcrts  par  vos  mains  ,  ils  deviennent  plus  dou», 

Mais,  et  le  don  des  fleurs,  et  le  tribut  des  p  antes, 

Qui  croissent  k  I'envi  sous  vos  mains  diligentcs 

Et  1  hommage  des  fruits  par  vos  soins  cullivcs. 

Quel  cLarme  ont-ils  encor  ,  our  ses  sens  captives  ? 

A  son  cosnr  qui  soupire  ,  il  faut  une  autre  ofTrande. 

C'est  votre  amour  enfin  que  son  amour  demonde  : 

Oui,  croyez  que    resent  aux  lieux  oii  je  vous  vois  , 

Celt  lui  qui  vous  implore,  et  parle  par  ma  voix. 

Craignez     s  dieux  vengeurs,  Venus  etsa  colere, 

Et  Nemesis,  tonjours  aux  ingrats  sisert-re. 

Quand  on  abeaucoup  d'age  ,  on  a  beaucoup  aopris; 

Et  je  veux  vous  «iter^  pour  vaincre  tos  mepris  , 


S6o  Poesle. 

\]n  exemple  effrayant ,  conuu  de  Chypre  entiere  , 
Et  qui  doit  vous  lleclui.-  ,  et  vous  rendre  moins  fiere. 

Par-toutd'Anaxar^te  on  raiUoit  la  beaute. 
Iphis  la  vit  J  Ipliis  ,  nc  dans  I'obscurite  , 
El  ra^lgre  les  aieux  .  qui  la  rendoieut  si  vaine  , 
Ne  put  voir  ,  sans  rainier  ,  cette  belle  inluimame. 
II  combattit  sa  fiamme  et  voulat  I'etouffer, 
Mais,  belas!  sa  raison  ne  put  en  triompher. 

II  va  chercher  V  bjetqui  ca   live  son  ame  ; 
D'abord  a  sa  nourrice  il  dt-clave  sa  flamme, 
'  Auiir(>s  d'Anaxarfete  esp^re  son  secours, 
L'im  loreau  nom  des  soins  qu'elle  a  pris  de  ses  jours, 
Flatte  le  raoindre  esclave  admis  a  son  service  , 
Et  tache  ,  a  ses  desirs,  de  le  rendre  propice. 

Interprete  timide  ,  un  amoureux  billet  , 
Souvent  est  de  ses  feux  le  messager  discret. 
Quelquefois  ,  a  la  porte  il  suspend  des  guirlandes , 
De  pleurs  et  de  baisers  liumecte  ces  offrandes  ; 
Et  la  unit ,  sur  le  seuil  ,  couc^e  jusqu'au  matin , 
II  se  plaint  aux  verroux,  qu'il  injurie  en  vain. 

Plus  sourde  que  la  mer  qui  se  gonfle  et  qui  gronde, 
Quand  I'aslre  des  cbevreaux  s'abaisse  dans  son  onde  , 
Plus  dure  que  le  fer  dompte  sous  les  marteaux  , 
Pins  dure  que  le  marbre,  aux  rocliers  de  Pares  , 
Son  amante  ,  insensible  aux  tourmens  qu'il  endure  , 
Joint  rinjure  aux  refus  ,  et  I'outrage  a  I'injure  , 
Le  condamne  a  souiirir  ,  et  lui  defend  I'espoir. 
Cen  est  trop  :  pour  Iphis  ,  mourir  est  un  devoir  ; 
Et  sur  le  seuil  barbare  ,  a  sa  maitresse  altiere  , 
II  adresse ,  en  ces  mots  ,  une  plainte  derniC-re  : 

Je  cMe  ,  objet  ingral ,  je  cede  ,  et  ne  veux  plus 
T'importunpr  encor  de  mes  voeux  superllus.  ^ 
B.ejwuis-toi ,  cruelle  !  et  prepare  une  fete  : 
Trioxnphc,  etde  laurier  vas  couronner  ta.tete. 
Tuleveux  :  je  reno  '<e  a  la  ciarte  du  jcur. 
Si  ton  orgueil  long-temps  s'est  plaint  d«  vxon  amour  , 


Rcdevubla 


Vertumnc  ^t  Pomone,  S6i 

Redevable  k  ma  main  qui  va  finir  ma  via, 

Tu  me  loucras    du  moins  de  t'avoir  bicn  ser/ie  ; 

Mais  a  ma  deruicre  beure,  ^pris  de  ta  beautd  , 

Crois  qu'avant  roon  amour"  je  perdivii  la  ciaite. 

Et  ne  presume  :  oiut  <jue  pat  la  reo -nimee  , 

Des  appreU  de  ma  mort  tu  seras  iiiftrm^e  : 

Je  serai  devant  toi  ;  temoin  de  raon  malbsur  , 

Tu  pourras  eu  repailre  ct  tes  yeux  et  ttu  coeur. 

O  vous  ,  dieux  inimorteLs  !  si  vous  dai^at'<c  m'entendte, 

Vengez  au  moius  le  nom  de  Tamaut  ic  plus  ttudre  j 

Qu'il  vive  J  quaiTd  je  meurs  ,  et  qu'uja  long  souveuir 

Transmette  ma  memoire  aux  sicclei  a  venir. 

II  dit;  et  sur  la  porte  encore  de  {leurs  uraee  , 
De  fleurs  doct  tant  de  faii  ses  maii'.A  I'ouL  ccuronn^e  , 

Atlaclie,  Tail  en  pleurs  el  les  deux  bras  tendus, 

D'liomicides  JIcms  aux  barreaux  suspeiidus, 

Le»  voila  ces  festons  digues  de  toi  ,  ciuelle  ? 

Bit-il  ;  et  q-and  il  meurt,  encor  tourn6  vers  elle, 

Dans  Ic  cordeau  fatal ,  qu'il  serie  par  son  pcids, 

Demeure  suspeudu  sans  Laleine  et  sans  v.ix. 

Deses  pieds  tremblotans  la  douleur  convuiiive 

Ebraule  les  verroux  At  la  porte  plaintive. 

On  ouvre  ;  on  voit  les  nc8«ds  ,  instrumens  da  trepag  ; 

On  vcut  les  detacher  ;  chacun  s'empresse....  Helas  ! 

II  a'est  p'.us  temps  :  Iphis  a  vu  sa  dernier^  beure. 

On  le  porte  ^  sa  mere ,  en  sa  triete  demeure. 

E;ie  lerre  en  ses  bras  son  malheureux  Iphis  j 

Dt  cent  fois  i  la  mort  redemaudant  son  lils, 

EUe  dit,  elle  fait  tout  c»  qu'en  sa  mise-re, 

Une  mere  e«t  capable  et  de  dire  et  da  faire. 
Elle  accompagne  enfin  la  pompe  de  sun  dcuii, 

Etsuit,  en  sanglolant,  le  funebre  cercueil. 

ha  marche  du  convoi  ,  lugubre  et  gcmijsante. 

Passe  devant  le  seuil  d'ui-e  insensible  amante 
Qr.'un  Dieu  punil  deja  par  des  reurords  vengeurs- 

A/iaxar<^te  amend  les  sauglou  et  ics  pleura. 

Tornc  IL  N  a 


B6i^-  Podslt. 

Voyons  ,  dit-elle ,  an  moins  la  pompe  fun^raire. 

Mais  enfin  son  orgueil  eut  un  juste  salaire. 

Tourn^s  vers  le  cercueil,  ses  yeux  sont  obscurcis  ; 

Elle  vent  reculer,  ses  pieds  sont  endurcis  : 

Elle  s'efforce  en  vain  de  dc'tourner  la  lete  • 

Seg  muscles  sont  roidis  j  son  sang  glaee  s'arrete. 

Tout  son  corps  ,  autrefois  si  vain  de  sa  beaute  , 

ipe  son  coeur  insensible  a  yris  la  dureti^. 

Ce  n'est  point  une  fable  ;  et  Venus  ,  dans  son  temple  , 

A  Salaraine  encore,  ofFre  ce  grand  exemple. 
-Ou  y  voit  la  statue  j  elle  instruitles  ingrats. 
Profilez  de  Texemple  ,  ct  ne  I'imitez  pas. 

II  dit  ;  et,  depouill^  de  sa  fausse  vieillesse, 
Le  dieu  chang.e  etparoit  revetu  dejeunesse. 
Beau  comme  le  soleil ,  quand  ,  d'un  nuage  obseur , 
II  sort  etincelantde  son  feu  le  plus  pur. 
Peut-etre  il  eut  suivi  son  araoureuse  audace  , 
Peut-etre....  Mais  lanyraphe  ,  eprise  de  sa  grace  , 
Deji\  tremble,  soupire,  et  ressent  tous  ses  feux. 
C'cn  est  fait  :  elle  cMe,  eL  Vertumne  est  heureux. 
Par  Saint-Ange. 

N.  B.  Ceux  qui  veulent  se  procurer  les  six  premiers  Hvres  , 
dej4  publi6s  ,  de  ceite  traduction  ,  sont  prc?enus  que,  depuis 
la  mort  de  Valleyre  ,  aine  ,  on  doit  s'adresser  k  Cailleau,  im- 
primeur  -  libraire  ,  rue  Galande,  eta  Moutard  ,  im^rimeur- 
librairs  ,  rue  des  Mathurins. 


NOITVELLES     IJTTERAIRES. 

JURY    DES    ARTS. 
Avis  aux  Artistes  et  aiix  amateurs  des  Arts. 

Xj'assembl^e  du  Jury  des  Arts  se    proposant   de 
ft'occuper  iucessamment  de  la  discussion  et  redaction 


Jiiry  dcs  Arts.  5?? 

d*iin  sijstimc  g6neraL  d^'^nscigncnient  et  iV encou- 
ragement pour  les  arts  du  dessin  ,  qui ,  eij  K*s  ro- 
gencrant ,  pui.'^se  les  porter  an  (fegr^  de  peiTecJioti 
(lont  i!s  sout  susceptibles  ,  et  assurer  a  ja  !  ais  eur 
prospeiitc''  ;  considt^raiit  combiv-n  il  irhpor'eaa  su.ces 
de  son  cnlroprise  ,  de  r,-unir  anx  luinieies(]ii\'li\'  peut 
trcuver  dans  son  sein  ,  dies  dc  tons  les  ciloyens  qui  \ 
par  etat  on  par  gout,  se  soiit  occupf''s  dcs  arl> ,  a" 
arrcte,  d:ins  sa  s.'ancc  du  ii  messivloi- ,  qu'il  seroft 
fait  en  son  nom  ,  par  la  voie  des  journaiix:  <  i  papiers 
publics,  nne  invitation  aux  artistes  et  amalems  des 
arts,de  voulo'r  bien  contribuf-r  de  toutes  ieurslaniieres 
a  la  perf-'ction  d'un  travail  aussi  iniporlatil. 

En  con^-eqii'-nc3  les  artistes,  les  amat'urs,  et  of'- 
neralement  tons  les  citoj^rns  qui ,  n  V'ta?it  ])as  etrangers 
aux  arts,  et  s'lntc'ressant  a  lenrs  progres,  ont  r^ih'chi 
sur  les  niojens  et  les  iuj-t'tulions  les  plus  propres  a  en 
favoriser  la  culture  vt  a  les  faire  fleurir,  sont  invites  a 
communiquer  an  Jury  le  rt^sullat  de  lenrs  mediia- 
tiohs,  soit  en  venaut  eux-memes  en  doiuier  1  Ttnre 
dans  ses  seances  qui  se  tiennent  pul  liqu>ment  au 
Louvre  dans  la  salle  duliaocoon  ,  tousles  priaiidisde 
cbaqne  decade  ,  depuis  six  heures  du  soir  jusqu':^ 
neuf,  soit  en  envojant  a  I'adresse  du  president  die 
Jurij  des  Arts  ^  seant  au  Loui^'re  j  lenr  nK^moifes 
avec  leurs  noni?,patrie  et  dem -ure  ,afiu  que,  dans  'e 
cas  on  le  Jnrv  f/roit  usage  de  ces  malerlau; ,  il  puii^e 
I'aiie  lionneuracLacun  de  ce  qui  Ini  appartient. 

Leon  Pufourny,  secn-laire. 


N  u  a 


M6^  T^ouvette  lUtiralre. 

LYCEEDESARTS. 
Siance   publique  du   20   messLdor. 

C^HARLES  Desaudr\T  a  ouvert  la  seance  par  un  dii- 
Cours  sur  la  necessi.^  cle  porter  sur  les  objets  de 
simpte  perfect  CO  nnement  dans  Les  arts  et  manLi" 
factureSj  un  regfird  aussi  vigilant  que  sur  les  sublimes 
invetitions  et  les  d^rouverles  qui  indirjuent ,  il  est  vrai, 
la  supeiiorite  du  genie,  mais  dont  les  fruits  sont  lents 
et  difficilenneiit  coristat(^s  par  I'operience  ,  tandis  que 
les  prewTiers  viennent  sans  cesse  ameliorer  la  concur- 
rence dans  nos  echanges  avec  I'^tranger,  et  peuvent 
finir  par  d(5cider  en  noire  faveur  la  balasce  avec  le 
reste  de  rEurope. 

Le  citoyen  Iloiiel  a  lu  nn  rapport  %\ir  les  nom- 
breuses  industries  qui  concouren!  a  la  fabrication  des 
papiers-tentun  s,  sur  bi  ■[■crfection  de  leiir  ensemble 
dans  les  irsnnfactuve^  des  ci-devant  ReueiUoti  et 
Arthur  ;  et  mention  honorable  des  c  toy  ens  Jaque- 
xrart ,  Benard  et  Robert,  qui  ont  port^  dans  ces  fa- 
iriques  ,  acluellem  nt  superieures  a  ton  les  celles 
d*Ang;elerre ,  rt-cononi^e,  !e  bon  ^out,  el  la  variel^ 
des  dessias  qui  en  font  justement  la  reputation, 

CI  arlesDesandray  a  fait  un  rapport  snr  une  prepa- 
ration des  aidoises  01  Jinaires  a  la  raaniere  anglaise ,  •! 
lur  un  crayon  an  nioyen  duquel  en  peut  ecrire  et 
chiffrer  sur  ces  ardoises  aussi  long-tempi  qu'on  1« 
veut  5  avec  la  faciiite  d't  ffiicer  cbaque  fois  ce  que  I'on 
t  trace  ;  par  lo  cit  yen  CoUbert  ^  rue  Poupde  , 
ii»o  3.  ^  Get  objet ,  qui  paroit  d'abord  assez  peu  in- 


t>ycee  des  Arts.  S6S 

t^ressant,  fst  pourtant,  selon  !e  rapport(*ur,  le  niln- 
cip'-'  de  la  l^gM'U*  de  la  main  et  de  Id  Jxillc  denture 
des  Anglais  j  d'ailleurs ,  dans  im  moment  oil  le  papier 
est  si  cher,  celte  m^thode  devie  .t  tr  s-i'Couo  nique 
poiir  leseiifans,  el  scroit  d'un  usage  trej-avantageux 
dans  les  ecoles  prima  ires. 

Le  citoyeii  Mai/ierbes  a  fait  un  rapport  sur  des 
toiles  vernies  a  la  ii^anii^re  angiui^e,  par  I'artiste  de 
flarmc  ,  rue  Laz^are.  QA  artiste  a  obtenu  la  men- 
tion honorable  et  la  m^dailie. 

Le  citoven  MUet-Mareau  a  fait  un  rapj)ort  sur 
I'art  de  rimprinerie,  el  pai  ti,  uliere.reut  sr.r  la  su- 
perl^e  t'ditiou  de  la  derniero  adresse  de  la  Couvenlion 
a  la  Nation  Francaise,  traduite  en  arabe  ^  dansle« 
plus  beaux  caracteres,  et  doe  aux  soins  des  cito3^ent 
Kirfin  J  I.angles  ,  et  Vuboij -Lav erne  iuspec- 
teur-g  neral  de  Pimprimche  de  la  Rc^nuLlicjue.  Le 
livcee  lenr  a  decerne  la  mention  iionorabie  et  des 
xn^dailles. 

Charles  Desaudra^  a  lu  nn  rapport  sur  d^  nou» 
vc'Ues  jambes  mi'caniqnes  ,  en  hois,  e.t'tiittes  par  le 
C.  Sonneck  Ivanest  ^  artiste  Jiu'catiirien  ,  dcmeu- 
Tdiit  rue  de  Greueile-Germain,  n."  82.  Ces  jnmbes 
ont  tous  les  mouvemens  nalurels  dans  le  gcnouil ,  le 
larse  et  le  mefatarse.  Elless'attachent  tres-faci lenient, 
ne  genent  point  dans  la  marciic  ,  sont  d^me  tres- 
grande  l^g(^rel6  ^  dispensent  de  s'aider  de  bequiiles, 
ii'exigent  pas  nieme  une  canne ,  et  remplacent  par- 
faitement  une  jambe  coupe  e  an-dessus  du  genouil, 
ou  merae  jusqn'au  haut  de  la  cuisse.  Pluijieiirs  de- 
fenseurc   de  U  .patiie,   cbaxg^  de   ces  houorablet 

Nn  3 


$66  ^"ou velles  Lutera  Ires. 

blessures  ,  ont  paru  et  marche  clans  la  salle ;, 
^vec  tant  d'aisance  ,  que  I'asserabl^e  en  a  tt^moign^ 
§a  surprise  et  sa  satisfiiction  par  ies  pliis  vifs  applau^i 
disscnieus.  L'artiste  Soniicck  a  obteiiu  la  mention 
honoi\ib!e  et  la  in^daiUe; 

Le  meme  rapporteur  a  fait  connoifre  line  nouvelle 
construction de  cuves  et  lo^:neaux  de  forme  carree ,  qui 
pruvpnttlre  ('tallis  dans  le  plus  petit  village  ,  paries 
ouviiers  Ies  plus  ordinaires,  aumei'leur  marche  po.> 
sible,  pour  remplacer  Ies   tonneau\  et  cuves  ordi- 
naires qui  manqu  nt  de  tout  cote  ,  et  dont  Ies  ouvriers 
sont,Jres-rarcs  dans  Ies-  campagnes.    Les   cuves  ont 
cela  d'avantageux  quVlles  ont  an  fonds  nobile,  qui 
cbsce'jd  ires-fac;lement  a  mesure  que  Fon  en  tire  le 
yiii  ,  de  nianlere  qu'il  ne  reste  jamais  en  vidange. 
—•  Ce  perjecllonnement  deyient  d'auiant  plus  utile 
dansce  moment,  que  nous  apprenons  que,  faine  de 
tO:^neaux,on  prepare  en   Bour.ogne    et    a  Orleans 
des  fosses  en  terre  glaise   pour  y  pouvoir  conscrver 
levin  de  la  r^colte  p:ochaine.  Gotte  invention  a  eu 
la  mention  honorable. 

Chailes  Desaudraj  a  invite  le  public  a  ailer  voir 
la  rc.eute  ediicaiion  de  vers  a  sole ,  suivant  la  m^- 
thode  de  Beihezen  ,  qui  va  etre  commencee  par  la 
C.«    Laplass;e  ,   aux    ci-devant    FeuiilanJines ,  rue 

Jacques. 

II  fait  un  rapport,  sur  Pappli-alion  des  meca- 
r-iques  auglaises  ^  Xa  fi^^a^ture  de  La  laLne  ,  par  I'ar- 
tisle  ir^^yre-r,  m^caiitcien  jobjet  du  plusgraud  iiit(het 
pour  ies  cair^paiue,  et  pour  la  France  ,  celle  uou- 
■veiie  industrie  se  tvouvant   ibudee  eulieremeut  sur 


Liures  divers.  $6j 

une  matiere  premiere ,  pour  laquelle  il  ne  sera  plus 
necessaire  de  s'adrcsser  a  rc'lrn:;g;^r. 

II  en  a  lu  un  autre,  par  Desaudraij  ,  sur  Ics 
divcfs  systemes  dc  fortifiiHlions  dos  places  fortes, 
et  particulierement  sur  celni  de  la  Joriijlcation 
perpcndicuLalre^  et  des  batteries  casematdes. 

DIscours  du  general  Moutalep.  bert  a  ce  sujet.  — 
Get  inger.ieur  a  obtenu   la  raen  ion  honorcil)le. 

La  seance  a  ete  termini'e  par  un  concert  dans  lequel 
la  C.®  Carori  a  execute  sur  U;  piano  un  concerto  qui 
a  ete  generalement  applaiidi. 

LIVRES     DIVERS. 

Theglogie     morale. 

Lettres  sur  La  religion  ^  par  Desalignac  de 
Lamotte  Fenelon  ^  Lin  volume  in-12.  ^  lm~ 
primd  sur  beau  papier.  Prix  5  liv.  10  sols  ,  et 
6  liv.  franc  de  port  par  la  poste.  A  Paris  ,  chez 
Morin,  libraire  et  commissionnaire,  rue  Christine, 
n.o  12.  II  faut  afFrancbir  les  leltres ,  et  faire  charger 
a  la  poste  celles  qui  contiendrout  das  as5igr-ats. 

Tout  ce  qui  a  ete  ecrit  par  I'immorfel  auteur  de 
T^lemaque,  est  recherche  a  juste  litre.  Quelle  que  soit, 
sur  le  sujet  qu'il  traite,  la  differer.ce  d.s  opinions,  on 
le  lira  avec  interet ,  comme  on  app!audit  aux  vers 
par  lesqu'^ls  lo  citoj'en  C  .^niera  si  bien  peiut  son  ca- 
ractere  dans  la  piece  qui  porte  son  nom, 

Statistiqui. 

Le  commerce  et  le  souvernenient  conslder^s  reld^ 

N  n  4 


568  Zlvres  divert, 

tiverncnt  Pun  d  Uaatre  ;  ouvrage  cUrnentalre  , 
par  M.  Cahb^,  dc  Condtllac  j  de  I'acadimlc 
Jrancalse  y  et  niemhrc  de  la  socidtc  rotate 
d'agriculture  d'OrUans  j  nouveile  iditipiv  j 

T^is  covsili  expers  male  niit  srut  : 
f^'itn  tgmperctain  di  quoqu6  protehuitt 
Jn  majns    .    ;    .    » 

J   vo!.    A  Paris  ,  c}iez  Blanchon  ,  libraire  ,  rue 
Haute-fcuille  ,  n.^  14  ,  an  3. 

]S[ous  avons  deja  annoric^  utie  aiitre  edition  de  cet 
onyrage,rhez  iin autre  libraire  :  I'^mpressftment  qu'on 
met  k  le  reimprimer  ,   prorve  sa  reputation  et  son 

utilite. 

Morale. 

Xb  Vatriotisme  da  coeur  et  de  Vesprlt ,  oa 
0 Accord  des  devoirs  et  des  droits  de  Ckommc 
pour  le  bonlieur coniinun, 

Zes  MalAbtes  du  coeur  et  deCespsltj  par  le  cit. 
Leclfrc  ,  auteur  de  I'Hisloire  physique  ,  morale  , 
civile  et  politique  de  la  Russie ,  et  de  plusleurs 
antics  ouvrages,  2  vol.  in-8^,  prix  i5  1.  pour  Paris, 
et  i8  liv.  ,  franc  de  port,  pour  les  departemens. 
Versailles ,  cliez  Leb'anc,-  imprimeur,  rue  Cliance- 
lier-l'Hopital ,  n''.  14. 

.    Et  se  trouve  a  Paris,  chez  A.  CI.  Forget ,  impri- 
meiu-librairc  ,  rue  du  Four-Honore ,  n°.  487. 

B    O    T    A    N    I    Q   tJ    E. 

'IcoNEs  et  descrvptiones  pLaiitarum  ^   quas  aut 


Liwres  divers.  569 

sponte  on  Hispania  c  re  scant  ^  aut  in  hortls 
hospitantur. — Descriptions  et  (igures  des  ['laiitca 
qui  croi«ent  spontandinent  en  Espa^ue  ,  et  de  celles 
qu'on  y  ,cultiv  e  dans  les  janiins.  TtMiies  premier  et 
second.  A  Madrid  J  de  I'lmpruncrie  ro^aic  ,  1791  , 
1794  ,  in-folio. 

L'ab;*6  Antolne-Joseph  Cavanilles ,  de  Valence, 
en  Espagne  ,  docteur  en  theologie ,  mp.rahre  de  I'a- 
cad/;i.nie  des  sciences  d'Upsal  ,  corres])ondant  de  la 
society  d'agriv  ulture  da  Paris  ,  da  la  socic't6  es- 
pagnole  de  Basagonde  ,  connu  dans  Pempire  de 
Flore  par  dix  cxcellentes  dissertations  sur  difTt^rens 
genres  de  plantes  difliciles  a  connoitre  ,  vient  d'en- 
treprendre  iliistoire  de  la  botanique  d'Espagne.  La 
description  des  plantes  des  deux  preinifrs  volumes 
presente  par-tout,  dans  I'aiiteur,  ua  plijtographe 
zel^' pour  la  sciene,  et  en  menie-temps  infiuimeut 
6claire.  Le  second  volume  traite  de  presque  toutes 
les  plantes  indigenes  et  naturelles  au  rovaunie  d« 
Valence.  Apres  la  description  et  I'histoirenaturelle  de 
cliaque  plante,  on  trouve  des  assertions  qui  rcpandeut 
beaucoup  de  jour  sur  plusieurs  points  es'jentiels  de 
la  botanique  ,  apres  quoi  il  donne  des  details  pli/- 
siques  sur  \e&  nioatagncs  de  Penagolosa  ,  Aiiana, 
Mariola  ,  Enguera  ,  et  de  la  vallee  de  Cofigr.tes. 

Le  4  avril  1796, 1'abbe  Cavanilles  ecrit  de  Madrid , 
qu'il  vient  d'iionorer  un  de  scs  genres  nf.uveaux  du 
nom  de  son  ami  M.  Willdenow  ,  savant  liotaniste 
yrussien.  Ce  nouveau  genre  se  trouve  gravodansla 
planchs  89. •  de  son  volume  iconologique  ^  oii  il  est 


57®  Litres  divers. 

nomme    TVlil  'enoiva  glaadulosa.   La  plante  eit 

channaiite ,  ■.  e   ^eiire   est  vokin  de  celui  des  Ta- 

gcies. 

BiBLIOGRAPHIE. 

^LLGEMEixEn  Biicfier  ieoclcon  yetc.  Diet  ion  naire. 
hihUograp/iiqiie  generaL  ^  ou,  catalogue  aipha- 
betique  des  livres  unprinzes  en  ALieinagne  eC 
dans  les  pays  adjaceas  j  avec  les  noms  des 
libra  ires  el  leurs  prix  j  par  GuillAumb 
Heinsius.  a  Leipsic  k  ,  dans  rimpriiiierie  de 
I'auteiir  5  5  vol.  111-4.°   ^79'^>  ^794- 

HEi]^srr7s,qni  est  tont-a-!a-foIs  Tauteur  et  le  llbraire 
de  ce  recueil  lexiqiie,  a  employ^  les  noras  des  au- 
teurs  par  ordrc  aJpLab^tique ,  comme  ^tant  le  plus 
facile  a  !a  recliercbe  (\qs  lecteurs.  II  promet,  pout 
les  annt'es  1797  et  1798,  un  voluine  de  supplement. 

Voyages. 

Hetsen  in  verschiedene  provinx^en  des  Ka-nig" 
reiclis  Neapel.  —  Voyages  en  differentes  pro- 
vinces du  rojaunie  da  Naples  ^  par  Charles 
Ulisse  pe  Salis  Marschlins,  tome  premier,  avec 
figures,  a  Zurich  ,  chez  Ziegleretfils,  grand  in- S"*, 
de  442  pages  ,  avec  dix  figures  ,  dont  quatre  re- 
preseeJent  des  obj  ts  d'histoire  naturelle  j  elles 
sent  enluminees  j  les  autres  sout  noires. 

Fm  du  tome  second. 


TABLE     DES     ARTICLES. 


A  S  T  R  O  N  O  M  I  E. 


J.  E.  Bocle  Aslronomischcsiahrbucb,  filri7g2.    .     Page  420 

II    I    S    T    O    r    E    E       N    A    T    U    R    E    L    L    E. 

Cabinet   du  Stathouder  a  Paris 419 

Htdrologie. 

Connoissances  hyclrologiques  des  anciens  ,  par  G.  Fal- 
coner   289 

M    I    N    E    R    A    L    O    G    r    E. 

Description  de  TEmeraude  J  par  Dolomieu 17 

Suiie  de  la  description  de  I'Euieraude  ,  par  Dolomieu.  I45 

Voyage  dans  les  Ueux-Siciles  ,  par  Spallanzani.      .      .     .  Sot 

Sur  les  Pierres  flexibles,  par  Fleuriau  de  Bellevue.     .     .  449 

B  o   T  A  N  I   Q  u   E. 

Nomenclatenr  botanique,  par  Gouan Siq 

Iconcs  planlarum  ,    aut.  Cavanilles 568 

Plantaeregni  neapolitani,autoreDom  Cyrillo 2o3 

Annals   der  fcotanick  herausgegeben  von  Paulus  I'sleri  ; 

Sechstes  Stiick 286 

ISeiJe  annalen  dcr  Botanick,   faerausgegcben  vcn  Paulus 

Usteri zQS 

J.  J.  Rcemer  magazin  fiir  die  botanick 420 

Vabl  ,  Icones  plantarum  Daniae 420 

Boucel  ,  plautes  des  environs  de  Eruxellcs ^21 

Amerikanisclie    Gev^'a:chsc 421 

H.  Stephens  ,  Traite  elenienlalre  de  Botanique.      .     .     .  423 

P    H    Y    S    I    O    L    O    O    I    E       V    E    G    E    T    A    J,    E. 

Sur  i'evolulion  des   boutous  a  Heurs  ,  par  J.  Senntbior.  199 


S^  Table  des  articles. 

MAWMIFinES. 

TridnctioB  francaise  du  Systema  naturae  de  Linneo*  , 
par    Vandi  rst<'gen 5 

Ko»velIe  ela^sificatioD  dps  Mantimif^r«.i  ^  par  Cuvier  et 
GeofTruy jg^ 

Ektomologie. 

Notice  «UT  les  manuscrlts  de  Lyonet  ,  par  ^ean  Brex.     .     I90 

Ka|»j;ort  »ur  le  Calendri.T  ent"mol'.»git£ue  de  M.  Giorna.     3lX 

K    E.  L    M    1    N    T    B    O    L    O    G    I    S. 

Organ isaiio-B  des  animaiix  a.  f.:v:z,  biano  ^  par  G.  Cuvier.     433 

A    N    A    T    O   M    I    E. 
B»srn.ption  d'nne  statu?  auatcinic]:ie  ,    ,  ar  Fontana.     .       S5 
itnatemie  de  Ja  Ketine  ,    av  Eiandrin 3^9 

pHYSIOtOGTE        COMPARJ^E. 

Sar  le  Ljrrynx  infcri'?ur  des  oiseaux  ,  par   G.  Cuvier.     .     33o 

M   E    D    E    C    I    N    E. 

Iic*  pronostiques  el  le  prorraptiqup  i  crHippocrateSj  tra- 
4niis  en  l'ran(^;ais  par  V?  Febvre  VilleLrnne.     ....       3e 

tgsioai  .<iopTa  le  rnalattle  deile  rie  urinarie  del  sig.  De- 
sauU  ,  tradotte  dal  francese  ,  con  ftnnotazioni  ,  per  G. 
G.    Coiicini /^. 

Observations  nn^dtrales  suv  la  Suisse,  parDeloges.     .     .     45a 

E  C   O  N   O  M  I  E      D   O  r.J  I  S  T  I  0  X7  J. 

Soc:"(?te  econorait'i'.e  de  Flcfence l38 

C  .nSturrs  d:^  b?.*?s    d^airelle,  par  L.  Bosc.     ....     ^04 
Pa:iis  raultlfaria  maferisr 427 

A  K   T  S     C  H    t  M  T  0  U  E   S. 

Sar  la  tejjiture  tire?  des  vi'geta»jx  ,  par  Dambournej.     .     463 

Statistique. 

Conutjsrce  et  Gouverneraent,  par  Gondii Jac.     ....     563 
Cocidillao  ,  i«  Cojom^rc*  »t  le  G<"-iveirjieiBent.     .     ,     .    426 


Ta b l€s  desa rttcles,  573 
Theologie    moral  k. 

Lettreasutla  religi  D  ,  parFeu^Ion 5^7 

Philosophic. 

Vie  dea  ancieBS  philosopheSjparFeneloo I4J 

Morale. 

patriotisma  du  cceur  et  de  l>s;>rit,  par  Lecicrc.     .     .     ,  563 

Anecdotes  ot  pensees  d6tach»''«j  ,  par  Ildrault  -  i)echell«5.  Ii3 

Instru-clious  tirees  del'exeuipjedes  animaux.     .     ^     .      .  4217 

Beaux-Arts. 
description  d'ane  gravure  de   1.^67  ,  par  Oberiin.     .     .       65 

J.  G.  Mcusel  ,  Musoam  fiir  Kuriiller.     • 4^5 

Traginens  sur  le  lalvjn  de  peinlure  de   I765  ,  par  Dide- 
rot  468 

Geographie. 

Nouvelle  m^thode  pour  ensciguer  la  gJographie,  par  J. 

D.Babid 483 

Erdbesclireibung  von  Asicii  ,  von  A.  G.  BorbecV.     .     .  lb, 

Sur  la  terrede  Kergue]en,par  J.  Barbie 2oi 

T  o  p  o  G    R  A  p  n  I   E. 

Beschreibung  der    stadtund  republik  Bern 14I 

Itineraire  du   pays  de  Vaxid 4i8 

Voyages. 

Kouvelle  Edition  du  vojage  de  Norden  ,par  L.  LanglJj.  494 

Bartram's  Travels 43i 

Reisen  in  d?s  Kopnigreich  ISeapel. 670 

Voyage  de  John.   W'bith  ,  k  Bjtany-3ay  ,  tradult  par 

Pou-ers 37 

Rensei^nempiis  sur  l'x\in^ric£ue, par  Cooper 358 

J.ettres  dt'  miliidy  Montague  ,  traduites  par  A.    .     .     .  S^S 

H    I    S    T    O    I    R    E. 

Observations  snr  les  Vepri>s  siciliennes  ,  par  Breqtiigny.  499 

Sag^iosullj  religlane  de  Irraomettani  di  Giuseppe  Cal^a.  l^d 
Hiitoire  d?  Ja  guerre  de  sept  ans  ,  traduit^deraUeinand 

A«    S-hiliw «l<» 


574  Table  des  articLes, 

Hisloire  (3e  la  tevolution  de  France ,  pr^cedee  de  I'expos^ 
rapide  des  administrations  succcssives  qui  I'onl  deter- 
mia^e 287 

BlOGRAP    HIE. 

Nolice  surle  mlnistrellertzberg  ,  par  M.  Meyer.     .     .     .  5i6 

Notice sur  Allegrain,  sculpteur 68 

Notice  sur  la  vie  etles  ouvrages  de  Bartlielemj,  —  Cata- 
logue deses  ouvrages :     .     .     .  73 

Notice    sur  Floriau. 2?>o 

Supplement  a  ]a  notice  sur  Bartludeniy ,  par  S.  C.     .     .  287 
Nolice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  du  Hhar^'ry  ,  par  Lan- 

gles 276 

Notice  sur  Charles-Francois  Lhomond,  iustiluteur  ,  par 

S.L 364 

HiSTOIRE      LTTTERAIRE. 

H^ponse  du  cit.  Oberlinaucit.  S.  L 614 

Guili.  Heinsiua    aligemeiues  Biicher  lexicon 670 

Jijcee  des  Arts 564 

Etat  des  arts  a  Avignon 43 

Suite  de  la  nomination  des  professeurs,  a  I'ecole  centrale 

de    Paris iSy 

Mort   de   Desault  ,   premier  chirurgien  de  I'hospice   de 

I'humanite. lb. 

Observations    sur  la  notice  donnee   par   Oberlin  ,  de  la 

chronique  de   d'Andlo  ,  par  S.L 223 

Vojageurs    naturalistes 414 

Lycee  des  Arts 415 

Mort  de   Dambourney. .^^18 

Jury   des  Arts 563 

BiBLIOGRAPHIE. 

Bibliotheca  classica ^33 

Typographie. 
JEtablissemcnt   typograpliique    des  Anglais  dans  I'lude  , 
par  Langlcs 6i 


Table  des  articles.  5j5 

Traduction  arate    de   I'adresse   aa   Peu   le    Fianqnls  , 

sortie  des  presses  natlonales. 228 

ARCHiEOLOGIE. 

>Iineralogie  des  Homer,  von  Aubin-Louis  Millin.     .     .  143 
Sur    I'elablissement    d'un  Museum   dej  autu|ues  ^   par 

Rabaut.   .     .    « ZCG 

Auticjuites  de  la  Perse  ,    par  S3'lve4re  Sacy 3^73 

Arch^ographie. 

Letlre  de  J.  J.  Barthelemj  ,  sur  les  antlquites  de  la 
France    meridionals 529 

Lettre  sur  les  antiquites  de  la  vllle  de  Maudeure  ,  com- 
muniqu6e  par  le  representant  Gregolre 95 

A.  Giialtani  ,  sopra  un'antica  figulina.   .' 429 

Remarques  sur  uuc  inscription  decouverie  a  Nimes  , 
par   S.   C 534 

N    U    M    I    S    M    A    T    I    Q    U    E. 

Observations  sur  un  grand  nombre  de  medailles  de  Li- 

cinius  le  jeune  ,  par  Gourdin 24S 

LiTTERATURE       ARABS. 

Seance  a   Ramie  ,    traduit    par  V..'riture.     .....     2'JQ 

LiTTKRATURE       GRECQtlE. 

Kotice   sur  les   ouvrages  de  Xencphon  ,   par  Fortia.     .     54a 

Litter  A"  TURE     latin  e. 
Traduction  de  la  conjuration  de  Catilina  ,  par  Billecoq.     104 

POE    SIE        LA    TINE. 

Poeme  sur  I'egalite  ,   par  J(5r6me  de  Bosch 38a 

G    R    A    M    M    A   I    R   E. 

Kuoyo  Dizzionario  italiano-tedesco  da  B.  Borroni.     .     .     144 

POESIE       FRANCAISE. 

Imitation  de  Klopstock  ,  par  M.  J.  Chenier 124 

Fragment  dn  poeme  de   lu  nature  ,  par   Lc  Biun.     .     .  126 

Vers  pour  le  buste  de  Desault ,  par  Pi^aultLs  Brufl.     .  i^g 


576  Table  dcs   articles. 

Fragment  d'ufte  traduction  de  I'^pitre  de  Pope  au  docteur 
Arhuthnot.  Portrait  d'Adisson  ,  par  Delilie.     .     .     .     26% 

fragment  d*un  poome  non  imprime,  intitule  :  Cbalons- 

sur-Marne  ,   par  Fabre  d'Eglanfine ^64 

Lettre  de  Le  Brun  aux  redacteurs  dii  Magasin  Encjclo- 
pedique 266 

La  Pri^re  universelle  ,  traduite  de  Pope  ,  pag-  Turgot.   .     408 

Traduction  de  rhjmne  de  Cleanthe  ,  par  Bougainville.     411 

Veriumne  et  Pojiione  ,  fragment  du  XIV  livre  des  Me- 
tamorphoses d'Ovide  ,  par  St.  Ange 556 

Vers  composes  k  Pera ,  dans  un  kiosck  ,  par  milady 
Montague 55a 

Po^SIE        ERSE. 

Trathal ,  poeme  d'Ossian laj 

Romans. 
Celesline  ,  on    la  Victime  des  prejug^s  ,  reman  traduit 

de  I'anglais  ,    par  la  cit.   R a55 

Linville  etFanny  ,  .nouveile  ,par  lacit.  J 890 

T    H    ]S    A    T    R   Ev 

I/fi  Tartufie.revolutionnaire,  ou  la  suite  de  I'lmposteur, 

comedie ^74 

Pison  ,   trag^die 268 


Fin   d§   la  taih  du  torn*  ttcond. 


5^. 


Le  prlx  do  I'abonnement ,  pour  I'etranger,  est, 
franc  de  port  : 


ir  I'annde. 


de  9  rixdaLers  en  or,  1 

de  36  I  ivres  en  es;-.^ces  ,  r  pou: 

de  2o  florins  de  HoUande  ,  j 

de  5  rixdaliers  en  or  ,  "J 

de  2o  livres  en  espoccs ,  l  P°"^  ^  ^^'^^  ""  ^* 

de  II  florins  de  HolLmde  ,  j       ""'n^^i«s- 


On  s'abonne,  pour  la  Suisse  , 
a  Basle  ,  cliez  J.  R.  Preisvebch  ; 
k  Berne  ,  cliez  la  Socit'te  tjpographique. 

Pour  les  Pajs-Bas  et  Liege, 
a  Bruxelles ,  chez  Horgnietz. 

Pour  la  Ilollande, 
a  La  Have  ,  cliez  Van  Cleef  j 
a  Lejde,  chez  Murray,  freres; 
a  Amslerdam,  chez  Changuiqn. 

Pour  TAllemagne, 
a  Leipsick ,  chez  Voss  et  Compagnie. 

Pour  le  Nord, 
a  Harabourg ,  ci.ez  Ho;ffmann. 
Pour  I'ltalie , 
a  Livourue,  chez  Masi  et  Compagnie. 

Pour  I'Angleterre  , 
aLondres,che2  JoHNso:NaSt.  Paui,  Church  Yard. 


TABLE 

Des  Articles  conteiius  dans  ce  Nunidro. 

II  E  r,  M  1  N  T  H  0  I-  0  G  1  E.      .Bcmarqiies   stir   line  insc,  iptwn 
On-yni.uifion     des    auim^vx    a    dJcoiuertv  a  J\h,ies  ,  .>J4 

.ariM    hlanc.   par  G.    Cuvior,'     LlTTi^RATUKU    GUICCQUE 

e  ^33  JS'uticc   siir   Us  ouprm^es  ac  vit- 
j   iiophnn  )  par  Ic  ('.  i'-rliH  ,  ..14a 


MlNERALOGIE 
Siir  les  pleri  i's  fUxihi'-s 


C.  rieui  iavx  J«  Bel 

M  E  D  E  C  I  N  E. 

Ohscrvalions    mcdicnh-.-:    siir   la 
Suisse,  par  le  C.  tel;^^"^  3  •h'o 

Arts  chimiqvks 
S 


parle     LtTTKiiATU 
,  ,_  L^ fires   de    A 

1      44*5 

'        '^     Iraduct.  rioii. 


Pers  coinpos:  s  . 
K'osck  J    par 

P    O    K 


.Ji/7^.t>'  ^^"^■■ 


'^ji 


ur    la  ieintarc    llrce  des  rea^.  VertumncelJ'onroncJra^n^ent 

'^  .  I   scs  d  Oi'idi  3  par  le  C.  Saint- 

B  E  A  u  X  -  A  R  T  s.      ^     !  At  f-e  ,  556 

:fras.niens  sur  le  salon  de  pc in-     jsfoUVELLES  LlTTEiVAlRKs. 

iure  de  into  ,  par  Diderot^  46B  j^^^y.  ^^^  ^^^,.f^  ,  553 

G  i5  O  G  R  A  P  H  I  E.  j  Lycee  des  Arts  ,  !ju4 

Ji^owelleinethodeponr  e.-iseigner>  LiVRES   BIYER.S. 

/<,•  Gcogiaphie,  par  J.  D.  Bar-j  Tlu^ologie  morale. 

hie  J 

Voyages. 


J^ou^'elle  edition   dti  P'ojage  de 

iVo7dcn  J  par  LangUs  ,        492 

H  I  S  T  O  I  R  E, 

y.claircis semens  sur  les  f^t'pres 
^uciliennesypar  BTcquigny  ,499 

HiSTOIRE  littx^raibe. 

Tiiponse   du    C   Oberiin  aa  C. 

'S.L.  ^1-^ 

B  I  O  G  R  A  P  H  I  E. 

Jfotlce  sur   le    j>iiiiislrc    IJcrts- 
lerq  ;  par  ill.  Meyer  ,  5i  6 

ARCK.T.r.OGiK. 
J^ettre  de.  J  ..J.  BarlJu-Ien^- ,  sur 
hs  antiquitcsde  la  France  me- 
ridian ate  y  ''^-,< 

Addition  cicetts  hitrc  y         ^S2 


^"     Zeitres   sur    la    Religion  _,   pai 
Feneion  ,  ••'07 


Stalistique 

Le    Conimeiof  et  le  Goueeme- 

nient  J  par   Condiiiac  ,         667 

Morale. 
Pattiotisme  du  co-ur  ,  563 

Les  maludi'cs  du  carnr  el  de-  l'i\''- 
prit  .  par  le  C.  .Le  C  trc  ,     563 

Bolajiii|i!.e^ 
Icones    plantaruni     Hispaniir  , 
autoie  Cavanilies  ,  50d 

Biogra);bis. 
Guill.     Ileiu.sius     AUgerndncs 
Buclier  lexicon  ,  ^'/O 

Voyages, 
B.ciscn  in  eerschiedcne prerrnjen 
des  Kucnis^reich  Neapels  ,   573 


PE  L'I.J^PRIMSRIF.    BVMAeAZIN    ENCTCLOPiDI'^UE.^