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AVERTISSEMENT
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ans le volume qu'il
Dublia sous ce litre :
Us Secrets de la Presti-
digitation et delà Ma-
(fie, Robert Houdin
exprirnsHt l'intention de donner prochai-
nement une suite à cet ouvrage. La mort
ne lui permit malheureusemeat pas de
réaliser ce projet. Mais il a laissé des-
matériaux suHisants, sinon pour former
OD traité complet do In pri^Udigitatinn.
!▼ AVERTISSEMENT.
comme il le désirait, au moms pour
composer un nouveau livre des plus in-
téressants.
C'est celte œuvre posthume que nous
livrons aujourd'hui au public. Non -seule-
ment elle est instructive et amusante en
ce qu'elle révèle les curieux secrets de
r habile enchanteur, mais encore, grâce
aux dessins qui en accompagnent le texte,
elle permet aux gens du monde de mettre
eux-mêmes en pratique ce que Robert
Houdin appelait modestement ses tmcs^
et ce qui n'était pas moins que de mer-
veilleuses applications de la mécanique et
de la physique, souvent dignes du génie
de Vaucanson.
L'ËDITEUli
INTRODUCTION
DANS LA l'EMEURE UE L'AUTEUR
Saint-Gervai*. — te Menrf. — On aàetgê flectriqua. — V-ijui
de rei»nn .lire à quatre cents mètre* d'éloignement 1s nombre cl II
Dilure lies vUileors qui entrent dans une demeure. — Bi'lle m
Icllres inilii[u]ni, à dlslancc, l'espèce et 1i quantité des di^pjches.
— Coimnent on parrlenl à ossurer 1 «on cheval l'enclitude des
repos et rîntfgrilf des râlions. — Itéreil irr^jïs'iblp, — |Inil<-
«■tioQ de l'iieure sur tout le> cadrans. — Grotsc EonDerio'a'boi-
logi! SB remonlant par le Ta-«t-Tient des domestiques, et eeli sani
^'ils s'en doutent. — rrocfdf poar breer la euisinièra i préçuti
le dincr i l'heure que l'on désire. — GoatrAkur de U température
d'uni! serre, — Aïertiiseur d'incendie, — Voleur» prie au Irébu-
ehcl. — Tir n\ pirtolet et couronnement du Tainquenr par l'élcc-
trieiU' — dieniia de Fer aérien.
IgU possède et j'habite à
, Saint-Gervais, tout près
lie Blois, une demeure
dans laquelle j 'ai orga-
nisé des agencements,
je dirais presque des trucs, qui, sans être
v.ii INTRODUCTION
aussi prestigieux que ceux de mes séances,
ne m'en ont pas moins donné dans le pays,
à certaine époque, la dangereuse réputation
d'un homme possédant des pouvoirs sur-
naturels.
Ces organisations mystérieuses ne sont, à
vrai dire, que d'utiles applications de la
science aux usages domestiques.
J'ai pensé qu'il serait peut-être agréable
au public de connaître ces petits secrets
dont on a beaucoup parlé, et j'ai cru ne pou-
voir mieux faire, pour leur publicité, que de
les placer en tête d'un ouvrage plein de ré-
vélations et de confidences.
Si le lecteur veut bien me suivre, je vais
le conduire jusqu'à Saint-Gervais, l'intro-
duire dans mon habitation, lui servir de ci-
cérone, et, pour lui épargner tout dépla-
cement et toute fatigue, je ferai en sorte, en
DANS LA DEMEURE DE L*AUTEUR. n
ma qaaiîîé d'ex-sorcîer, que son voyage el
sa visite s'exécutent sans changer de place.
A deux kilomètres de Blois, sur la rive
gauche de ia Loire, est un petit village dont
le nom rappelle aux gourmets de savoureux
souvenirs. C'est là que se fabrique la fameuse
crème de Saint-Gervais.
Ce n'est pas assurément le culte de cette
blanctie friandise qui m'a porté à choisir cet
endroit pour y fixer ma résidence. C'est à
V amour sacré de la patrie^ seulement, que
je dais d'avoir pour vis-à-vis cette bonne
ville de Blois qui m'a fait l'honneur de me
donner le jour.
Une promenade, droite comme un I ma-
juscule, relie Saint-Gervais à ma ville natale.
a.
IKTKODUCTiaW
Sur l'extrémité de cet I tombe à angle droit
un chemin communal longeant notre village
et conduisant au Prieuré.
Le Prieuré, c'est mon modeste domaine,
que mon ami Dantan jeune a nommé, par
extension, l'abbaye de F Attrape.
Lorsqu'on arrive au Prieuré, on a defvafnt
t>oi:
1* Une grille pour l'entrée des voitures ;
2* Une porte, sur la gauche, pour le pas-
sage des visiteurs ;
3' Une boîte, sur la droite, avec ouverture
à bascule, pour T introduction des lettres et
des journaux.
La maison d'habitation est située à
quatre cents mètres de cet endroit; une
DANS LA DEMEURE DE L'AUTEUR. «
allée large et sinueuse y conduit à travers
un petit parc ombragé d'arbres séculaires.
Cette courte description lopographique
fera comprendre au lecteur la nécessité des
procédés électriques que j'ai organisés à mes
portes pour remplir automatiquement les
fonctions d'un concierge.
La porte des visiteurs est peinte en blanc
Sur celte porte immaculée apparaît, à hau-
teur d'oeil, une plaque eu cuivre et dorée,
portant le nom de Robert Hôudin; celte in-
dication est de la plus grande utilité, nul
voisin n'étant là pour renseigner le visiteur.
Au-dessous de cette plaque est un petit
marteau également doré, dont la forme in-
dique suffisamment les fonctions; mais,
pour qu'il n'y ait aucun doute à cet égard,
œie petite tête fantastique et deux mains de
même nature sortant de la porte, comme
zti INTRODUCTION
d'uD pilori, semblent indiquer le rïiol
Frappez, qui est placé au-dessous d'elles»
Le visiteur soulève le marleau selon sa
fantaisie; mais, si faible que soit le coup,
là-bas, à quatre cents milres de dislance,
un carillon énergique se lait entendre dans
toutes les parties de la maison, sans blesser,
pour cela, Toreille la plus délicate.
Si le carillon cessait avec la percussion,
comme dans les sonneries ordinaires, rien
ne viendrait contrôler l'ouverture de la porte,
et le visiteur risquerait de faire une longue
faction devant le Prieuré.
H n'en est pas ainsi. La cloche sonne in-
cessamment, et ne cesse son appel que lors-
que la serrure a fonctionné régulièrement.
Pour ouvrir cette serrure, il a suffi de
pousser un boulon placé dans le vestibule.
C'est presque le cordon du concierge.
DAr^S U DEMEDRË DE L'AUTEUR. x ..
Par la cessation de la sonnerie, le domes-
lique est donc averti du succès de son service.
Mais cela ne suffit pas : il faut aussi que le
visiteur sache qu'il peut entrer.
Voici ce qui se passe à cet effet. Eu même
temps que fonctionne la serrure, le nom de
Robert Houdin disparaît subitement et se
trouve remplacé par une plaque en émail,
sur laquelle est peint en gros caractères le
mot Entrez !
A cette intelligible invitation, le visiteur
tourne un bouton d'ivoire, et il entre en
poussant la porte, qu'il n'a pas même la
peine de refermer, un ressort se chai^eant
de ce soin.
La porte une fois fermée, on ne peut plus
sortir sans certaines formalités. Tout est
rentré dans Tordre primitif, et le nom propre
a remplacé le mot d'invitation.
-XIV INTnODUCTION
Celle fermeture présenle, en outre, une
sûrelé pour les maîtres du logis. Si, par er-
reur, par enfantillage ou par maladresse, un
domestique tire le cordon, la porte ne s'ouvre f
pas; il faul pour cela que le marteau art été
soulevé et que ravértissement de la cloche
se soit tait entendre.
Le visiteur, en entrant, ne s'est pas douté
^u*il a envoyé des avertissements à ses fu-
turs hôtes.
La porte, en s'ouvrant et en se fermant,
^ exécuté aux différents angles de son ou-
verture et de sa fermeture, une sonnerie
d'*un rhythmeparliculier.
Cette musique bizarre et de courte durée
peut indiquer, par l'observation, si l'on reçoit
une ou plusieurs personnes^ si c'est un hor-
titué de la n:aison ou un visiteur nouveau,
5i c'est enfin quelque intrus qui, ne con-
DANS LA BËMEURE DE L'ÂUTEUIl. xt
naissant pas la porte de service, s'est four-
voyé par cette ouverture.
Id j'ai besoin de donner des explications,
car ces effets, qui semblent sortir des lois
ordinaires de la mécanique, pourraient peut-
être trouver quelques incrédules parmi mes
lecteurs, si je ne prouvais ce que j'avance.
Mes procédés de reconnaissance à distance
sont de la plus grande simplicité et reposent
uniquement sur certaines observations d'a-
coustique qui ne m'ont jamais fait défaut.
Nous venons de dire que la porte, en s'ou-
vrant, envoyait, à deux angles différents de
son ouverture, deux sonneries bien distinctes,
lesquelles sonneries se réjjélaient aux mêmes
angles par la fermeture. Ces quatre petits
carillons, bien que produits par des mouve-
ments différents, arrivent au Prieuré espacés
par des silences de durée égale.
XVI INTRODUCTION
Avec une aussi simple disposition on peut^
ainsi qu'on va le voir, recevoir, à Tinsu des
visiteurs, des avertissements bien différents.
Un seul visiteur se présenle-t-il : il sonne,
on ouvre, il entre en poussant la porte, qui
se referme aussitôt. C'est ce que j'appelle l'ou-
verture normale : les quatre coups se sont
suivis à distances égales : T)nn!...dnn!...
(Innî... drin!... On a jugé au Prieuré qu'il
n'est entré qu'une seule personne.
Supposons, maintenant, qu'il nous vienne
plusieurs visiteurs. La porte s'est ouverte
d'après les formalités ci-dessus indiquées.
Le premier visiteur entre en poussant la
port-^, et, selon les règles prescrites par la po-
litesse la plus élémentaire, il la lient ouverte
3ANS LA DEMEURE DE L'AUTiilUR. zvu
lusqu'à ce que chacan soit passé; puis la
porte se referme lorsqu'elle est abandonnée.
Or, Fintervalle entre les deux premiers et les
deux derniers coups a été proportionnel à la
quantité des personnes qui sont entrées;
le carillon s'est fait entendre ainsi : Drin!...
drin!... drin!.., drin!... Et, pour une
oreille exercée, l'appréciation du nombre
est des plus faciles.
L'habitué de la maison, lui, se reconnaît
aisément : il frappe, et, sachant ce qui doit se
produire devant lui, il ne s'arrête pas, comme
l'on dit, aux bagatelles de la porte; on ne lui
a pas plus tôt ouvert que les quatre coups
équidistants se font entendre et annoncent
son introduction»
irni liNTRODUCTlO:^
Le mendiant voyageur qui se présente h
celle porte, parce qu'il ne connaît pas la
porle de service, soulève timidement le mar-
11 n'en est pas de même pour un visiteur ^
nouveau : celui-ci ti'appe, et, lorsque paraît
le mot Entrez j sa surprise l'arrête; ce n'est
qu'au bout de quelques instants qu'il se dé-
cide à pousser la porte. Dans cette action, il
observe tout ; sa démarche est lente et les
quatre coups sont comme sa démarche :
Drin!.... drin!.... drin ! .... drin! .. ..Ouse
prépare au Prieuré pour recevoir ce nouveau
visiteur.
DkyS LÀ BEUEURE DE L'AUTEUR. m
teau, et au lieu de xoir, selon l'usage, quel-
qu'un venir iponv lui ouvrir, il est témoin
d*un procédé d'ouverture auquel il est loin
de s'aUendre; il ci*aint une indiscrétion;
il hésite à entrer; et, s'il le fait, ce n'est
qu'après quelques instants d'attente et d'in-
certitude. On doit croire qu'il n'ouvre pas
brusquement la porte. En entendant le ca-
rillon : D...r...i...n/... d...r...L..n!...
d...r...i...n!... d...r...i...n!... il semble
aux gens de la maison qu'ils voient entrer
ce paiTvre diable. On va à sa rencontre avec
certitude. On ne s'est jamais trompé.
Supposons maintenant qu'on vienne en
voiture pour me visiter. Les grilles d'entrée
sont ordinairement fermées, mais les co-
1
XX INTRODUCTION
chers du pays savent tous par expérience
ou par ouï-dire comment on les ouvre. L'au-
tomédon descend de son siège; il se fait^
d'abord, ouvrir la petite porte; il entre. Ah!
par exemple, en voilà un dont le carillon est
distinctif. Dnnldrinldrinldrin! On com-
prend au Prieuré que le cocher qui entre
avec une telle précipitation veut faire preuve
vis-à-vis de ses maîtres ou de ses bourgeois
de son zèle et de son intelligence.
Noire homme trouve appendue à Tinté-
rieur la clef de la grille qu'une inscription
lui désigne; il n'a plus qu'à ouvrir les portes
à deux battants. Ce double mouvement s'en-
tend et se voit, même dans la maison. A cet
effet est placé dans le vestibule un tableau
sur lequel sont peints ces mots : Les portes
DES grilles sont. . .
A la suite de cette inscription incomplète
DANS LÀ DEMEURE DE L'AUTEUR. xxi
viennent se présenter successivement les
mois OUVERTES OU FERMÉES, sclou que les
grilles sont dans Tun ou Pautre de ces deux
élals; et celte transposition alternative vient
prouver matériellement la justesse de cet
axiome : « Il faut qu'une porte soit ouverte
ou fermée.»
Avec un tel tableau, je puis, chaque soir,
vérifier à distance la fermeture des portes
de la maison.
Passons maintenant au service de la boîte
aux lettres. Rien n'est plus simple encore.
J'ai dit plus haut que la boîte aux lettres
était fermée par une petite porte à bascule.
Cette porte est disposée de telle sorte que,
lorsqu'elle s'ouvre, elle met en mouvement
L-
^ — -
un IINTUODUGTIOIH
au Prieuré une sonnerie électrique- Or, Ife
fadeur a reçu l'ordre de mellre d'abord
d'un seul coup dans la boîte tous les jour-
naux, el d'y joindre les circulaires, pour ne
pas produire de fausses émoLions; après
quoi, il introduit les lettres, l'une après
m
l'autre. On est donc averti à la maison de la
remise de chacun de ces objets; de sorte
que, si Ton n'est pas matineux, on peut^
de son lit, compter les diverses parties de
son courrier.
Pour éviter d'envoyer porter les lettres à
la poste du village, on fait la correspondance
le soir; puis, en tournant un index nommé
commutateur j on transpose les avertisse-
ments, c'est-à-dire que, le lendemain matin,,
le facteur, en mettant son message dans la
boîte, au lieu d'envoyer le carillon à la mai-
son, entend près de lui une sonnerie qui
DANS LÀ DËI1£UU£ D£ L'AUTEUR. zxin
l'averlît d'y venir prendre des lettres; il se
sonne ainsi lui-même.
Ces organîsalions, si agréablement utiles^
présentent cependant un inconvénient que
je vais signaler ; ce qui m'amènera à raconter
incidemment au lecteur une petite anecdote
assez plaisanle sur ce sujet.
Les habitants de Saint-Gervais ont une
qualité que je me plais à leur reconnaître :
ils sont très-discrets. 11 n'est jamais venu
à ridée d'aucun d'entre eux de toucher
au marteau de ma porte d'entrée autre-
ment que par nécessite.
Mais certains promeneurs de la ville y
mettent moins de réserve, et se permettent
quelquefois de s'escrimer sur les accès-
mi INTRODUCTION
soires électriques, pour en voir les effets.
Bien que très-rares, ces indiscrélions ne
laissent pas que d'être désagréables.
Tel est l'inconvénient dont je viens de
parler, et voici l'anecdote à laquelle il a
donné lieu :
Un jour, Jean, le jardinier de la maison,
travaillait près de la porte d'entrée; il en-
tend quelque bruit de ce côté,et voit bientôt
un flâneur de notre cité blésoise, qui, après
avoir fait manœuvrer le marteau, s'amusait
à ouvrir et à fermer la porte, sans s'in-
quiéter du trouble qu'il portait à la maison.
Sur une remontrance que lui fait l'homme
de service, l'importun se contente de dire
pour sa justification :
— Ah ! oui, je sais ; ça sonne là-bas.
Pardon ! je voulais voir comment ça fonc-
«
tionnait.
DANS LA DEMEURE DE HAUTEUR. zi?
— S'il en est ainsi, monsieur, c'est
bien différent, reprend le jardinier d'un
ton de bonhomie affectée. Je comprends
\otre désir de vous instruire, et je vous
demande pardon, à mon tour de vous
avoir dérangé dans vos obser^'ations.
Sur ce, sans paraître remarquer l'em-
barras de son interlocuteur, Jean retourne
à son ouvrage en continuant déjouer l'indif-
férence la plus complète. Mais Jean est un
malin dans la double acception du mot ; il
ne se trouve pas suffisamment satisfait, et,
s'il refoule au fond de son cœur son reste
de mécontentement, c'est pour avoir une
plus grande liberté d'esprit dans un projet
de représailles qu'il vient de concevoir et
qu'il se propose de mettre, le jour même,
à exécution.
' Vers minuit^ il se rend à la demeure du
6
xin ■ INTRODUCTION.
personnage ; il se pend à sa sonnette et ca*
rillonne de toute la force de ses poi^-
gnets.
Une fenêtre s^enlr'otivre au puemier
étage ; puis, par son entre-bâillement, parait
un tête coiffée de nuit et enapourprée par
la colère •
Jean s'est muni d'une lanterne; il en
dirige les rayons vers sa viclime.
— r- Bonsoir, monsieur, lui dit-il d'un ton
ironiquement poli; comment vous portez-
vous ?
— Que diable avez-vous donc à «onner
ainsi à pareille heure ? répond la tête d'une
voix courroucée*
— Oh ! pardon , monsieur^ reprend Jean
en paraphrasant certaine réponse de son
interlocuteur ; oui, je sais, ça sonne là-hautj
mais je voulais voir si votive sonnette fonc-
DANS LA DEHEURE DE L'AUTEUR. nvii
4ioimail aussi bien que le marteau du
Prieuré. Bonsoir, monsieur !
Il était temps que Jean s'éloignâl; le
monsieur était allé diercher, pour la lui
jeter sur la tète..., une vengeance de nuit.
Pour conjurer celte petite misère, je pla-
çai sur ma porte un avis engageant chacun
à ne pas toucher au marteau sans nécessité.
Avjs inutile ! Il y avait toujours une néces-
sité pour frapper, c'était celle de satisfaire
ane ou plusieurs curiosités.
Ne pouvant échapper à ces persistantes
indiscrétionSjje pris le parti de ne plus m'en
taquiner, et de les regarder, au contraire,
comme un succès que m'attiraient mes
procédés électriques.
MviH INTRODUCTION
Je n'eus qu^à me féliciter, plus lard, de
ma conciliante détermination ; car, soit que
la curiosité locale se fût émoussée, soit
toute autre cause, les imporlunités cessè-
rent d'elles-mêmes, et maintenant il est fort
rare que le marteau soit soulevé dans un
autre but que celui de pénétrer dans ma
demeure.
Mon concierge électrique ne me laisse
donc plus rien à désirer. Son service est
des plus exacts ; sa fidélité est à toute
épreuve; sa discrétion est sans égale ; quant
à ses appointements, je doute qu'il soit
possible de moins donner pour un employé
aussi parfait.
Voici maintenant certains détails sur un
DANS^ LA DEMEURE DE L'AUTEUR. xxiz
procédé à Taide duquel je parviens à assurer
à mon cheval Texactilude de ses repas et
l'intégrité de ses rations.
Il est bon de dire que ce cheval est une
Jument, bonne et douce fille quasi majeure,
qui répondrait au nom de Fanchelte, si ta
parole ne lui faisait défaut.
Fanchetle est affectueuse et même cares-
sante; nous la regardons presque comme
une amie de la maison, et c'est à ce litre
que nous lui prodiguons toutes les douceurs
qu'il lui est donné de goûter dans sa. con-
dition chevaline.
Ce petit préambule fera comprendre ma
sollicitude à Tendroit des repas de notre
chère bête.
Fanchette a une personne affectée à son
service de bouche; c'est un garçon fort
honnête, qui, en raison même de sa probité,
b.
XXX
INTRODUCTION.
ne se formalise aucunement de mes pro-
cédés... électriques.
Mais, avant ce serviteur, j'en avais un
autre* C'était un homme actif, intelligent,
et qui s'était passionné pour l'art cultivé
jadis par son patron* Il ne connaissait
qu'un seul tour, mais il l'exécutait avec une
rare habileté. Ce tour consistait à changer
mon avoine en pièces de cinq francs.
Fanchette goûtait peu ce genre de spec-
tacle, et, faute de pouvoir se plaindre, elle
se contentait de protester par des défail-
lances accusatrices.
Cet escamotage étant bien constaté, je
donnai le compte à mon artiste, et me
décidai à distribuer moi-même à Fanchette
sou picotin réconfortant.
Je dis moi-même ; c'est beaucoup avancer,
car, je dois le confesser, si ma bête eût dû
DANS Là demeure DE L'AUTEUU. xxzi
compter sur mon exactitude pour faire ses
repas à heure fixe, elle eût pu éprouver
quelques déceptions à ce sujet.
Mais n*ai-je pas dans Téleclricité et la
mécanique des auxiliaires intelligents et
sur le service desquels je puis comp-
ter?
L'écurie est distante d'une quarantaine
de mètres de la maison. Malgré cet éloigne*
ment, c'est de mon cabinet de travail que se
fait la distribution. Une pendule est chaînée
de ce soin, à l'aide d'une communication
électrique. Ces fonctions ont lieu trois fois
par jour et à heure fixe. L'instrument dis-
tributeur est de la plus grande simplicité :
c est une boîte carrée en forme d'entonnoir,
versant le picotin dans des proportions
réglées à Pavanée.
« Mais , me dira-t-on, ne peut-on pas
xxxn INTRODUCTION.
enlever au cheval son avoine aussitôt qu'elle
vient de tomber? »
Cette circonstance est prévue ; le cheval
n'a rien à craindre de ce côté, car la détente
électrique qui fait verser l'avoine ne peut
avoir son effet qu'aulant que la porte de
récurie est fermée à clef.
c< Mais le voleur ne peut-il pas s'enfermer
avec le cheval ? »
Cela n'est pas possible, attendu que la
serrure ne se ferme que du dehors.
c< Alors, on attendra que l'avoine soit
tombée pour venir la soustraire. »
Oui ; mais alors on est averti de ce
manège par un carillon disposé de manière
à se faire entendre au logis, si on ouvre la
porte avant que l'avoine soit entièrement
mangée par le cheval.
DANS LA UEUCUl&B DE L'AUTEUR. ixiui
La pendule dont je viens de parler est
chargée, en outre, de transmellre Theure à
tleux grands cadrans placés, Tun au fronton
de la maison, l'autre au logeraenl du jar-
dinier.
a Pourquoi ce luxe de deux grands
cadrans, me direz-vous, lorsqu'un seul peut
suffire pour l'extérieur ? »
Je vous dois, lecteur, à ce sujet, une
explication justificative. Lorsque je plaçai
mon premier cadran électrique dans le fron-
ton du Prieuré, c'était dans le double but
d'indiquer l'heure à toute la vallée, et de
donner aux gens de la maison une heure uni-
que et régulatrice.
Mais, une fois mon œuvre terminée, je
XX1X7 HîTRODUCTION
m'aperçus que mon cadran était plus utile
aux passants qu'à moi-même. J'étais obligé
de sortir pour voir l'heure.
Je me creusai vainement la tète pendant
quelque lenips, pour parer à cet inconvé-
nient. Je ne voyais d'autre solution à ce pro-
blème que de bâtir une maison en face de la
mienne pour regarder mon cadran. Toutefois
une idée beaucoup plus sioaiple vint enfin me
sortir d'embarras : le pignon du logement
du jardinier était en vue de toutes nos fe-
nêtres, j'y plaçai un second cadran et je h
fis marcher par le même fil élecliique que
le premier.
Celte heure se communique par le même
procédé à plusieurs cadrans placés dans dif-
férentes pièces de Thabilation.
Mais à tous ces cadrans il fallait une son-
Berie unique, une sonnerie pouvant être
DANS LA DEMEURE DE L'AUTEUR.
coèendiie des habitants du Prieuré, ainsi que
de toul le village.
Voici ce que j'organisai pour cela ;
Sur le faite de la maison est une sorte de
campanile abritant une cloche d^un cert»n
volume, dont on se sert pour l'appel aux
beures des repas.
Je plaçai au-dessous de cette cloche un
rouage suffisamment énergique pour soule-
ver le marteau ai> temps v^ulii. Mais, comme
il eût fallu remoaler chaque jour le poids
de celle machine, j« me servis d'une force
perdue, ou pour mieux dire non utilisée,
poiftr remplir automatiquement cette fonc-
tmi. A cet effet, j'établis entre la porte
battante de la cuisine, située au rez-^le-
chaussée, et le remontoir de la sonnerie,
placé au grenier, une communication dis-
posée de telle sorte qu'en allant et venant
XXXVI INTRODUCTION
pour leur service, et sans qu'ils s'en doutent,
les domestiques remontent incessamment
le poids de ce rouage. C'est presque un
mouvement perpétuel dont on n'a jamais à
s'occuper.
Un courant électrique distribué par mon
régulateur soulève la détente de la sonnerie
et fait compter le nombre de coups indiqués
par les cadrans»
Cette distribution d'heure me permet
d'user, dans certains cas, d'une petite ruse
qui m'est fort utile et que je vais vous con-
fier, lecteur, à la condition de n'en pas
parler; car ma ruse, une fois connue, man-
querait son effets Lorsque, pour une cause
ou pour une autre, je veux avancer ou re-
tarder l'heure de mes repas, je presse se-
crètement sur certaine touche électrique
placée dans mon cabinet, et j'avance ou je
DANS LA DEMEURE DE L'AUTEUR. xzxrii
retarde à mon gré les cadrans et la sonnerie
de la maison. La cuisinière a trouvé que le
temps passe souvent bien vite, et, moi, j'ai
gagné en plus ou en moins un quart d'heure
que je n'eusse pas obtenu sans cela.
C'est encore ce même régulateur qui,
chaque matin, à l'aide de transmissions
électriques, réveille trois personnes à des
heures différentes, à commencer par le jar-
dinier.
Celle disposition n'a rien de bien mer-
veilleux,et je n'en parlerais pas si je n'avais
à signaler un procédé assez simple pour
forcer mon monde à se lever lorsqu'il est
réveillé. Voici le procédé. Le réveil sonne
d'abord assez bruyamment pour que le dor-
meur le plus apa Ihique soit réveillé, et il
continue de sonner jusqu'à ce qu'on aille
déranger une petite touche placée à l'extré-
xxxvui INTRODUCTION
mité de la chambre. Il faut, pour cela, se
lever ; alors le tour est fait.
Ce pauvre jardinier, je le tourmente bien
avec mon électricité! Croirait-on qu'il ne
peut pas chauffer ma serre au delà de dix
degrés de chaleur, ou laisser baisser la tem-
pérature au-dessous de trois degrés de froid,
sans que j'en sois averti ?
Le lendemain matin, je luis dis :
— Jean vous avez trop chauffé hier soii ;
vous grillez mes géraniums I
Ou bien :
— Jean vous risquez de geler mes oran-
gers; le thermomètre est descendu, cette
nuit, à trois degrés au-dessous de zéro 1
Jean se gratte l'oreille, ne répond pas ;
DANS LÀ DEMEURE DE L'AUTEUR. xxxtt
mais je suis sûr qu'il me regarde un peu
comme sorcier.
Cette disposition thermo-électrique est
également placée dans mon bûcher, pour
m^avertîr du moindre commencement d'in-
cendie.
Le Prieuré n'est point une succursale de
la Banque de France ; toutefois, si modestes
que soient mes objets précieux, je tiens à
les consCTver, et, dans ce but, j'ai cru de-
voir prendre mes précautions contre les
voleurs. Les portes et fenêtres de ma de-
meure ont toutes une disposition électrique
qui les relie avec le carillon, et sont organisées
de telle sorte que, lorsque l'une d'entre elles
fonctionne, la cloche résonne tout le temps
de son ouverture.
XI INTRODUCTIOK
Le lecteur voit déjà rinconvénient que
présenterait ce système si le carillon réson-
nait chaque fois qu'on se mettrait à la fenê-
tre ou qu'on voudrait sortir de chez soi. Il
n'en est point ainsi : la communication se
trouve interrompue toute la journée, et n'est
rétablie qu'à minuit (l'heure du crime), et
c'est encore la pendule au picolin qui est
chargée de ce soin.
Lorsque nous nous absentons de la maison,
la communication électrique est permanente,
et, le cas d'ouverture échéant, la grosse
sonnerie de l'horloge, dont la détente est
soulevée par l'électricité, sonne sans cesse et
produit à s'y méprendre la sonnerie du
tocsin. Le jardinier et les voisins mêmes
étant avertis de ce fait, le voleur serait facile-
ment pris au trébuchet.
1
DANS LA DEMEURE DE L'AUTEUR. lu
Nous nous plaisons souvent à lirer au pis-
lolet. Nous avons pour cela un emplacement
fort bien organisé. Mais, au lieu de la Re*
nommée traditionnelle, le tireur qui fait
mouche voit soudain paraître au-dessus de
sa tête une couronne de feuillage. La balle
et réleclricité luttent de vitesse dans ce
double trajet ; ainsi, bien qu'on soit à vingt
mètres du but, le couronnement est in-
stantané.
Permettez-moi, lecteur, de vous parler
encore d'une invention à laquelle rélectricit^
est tout à fait étrangère, mais que je crois
lut INTRODUCTION
devoir, toutefois , vous intéresser. Dans
mon parc se trouve un chemin creux que
Ton se voit quelquefois dans la nécessite
de traverser. Il n'y a pour cela ni pont ni
passerelle* Mais, sur le bord de ce ravin, on
voit un petit banc; le promeneur y prend
place ^ et il n'est pas plus tôt assis qu'il se
voit subitement transporté à Faulre rife.
Le voyageur met pied à terre et le petit
banc retourne de lui-même chercher uu
autre passager.
Cette locomotion est à double effet : il y a
une même voie aérienne pour le retour.
Je termine ici mes descriptions ; en les
conlîniiant, je craindrais de tomber dans ce
ridicule du propriétaire campagnard qui,
dès qu'il tient un visiteur, ne lui fait pas
plus grâce d'un bourgeon de ses arbres que
d'un oeuf de son poulailler.
DANS LÀ DEMEURE DE L'AUTEUR. ZLia
D'ailleurs,iie dois-je pas réserver quelques
petits détails imprévus pour le visiteur qui
viendrait lever le marteau mystérieux au-
dessous duquel, on se le rappelle, est gravé
le nom de
Robert Houdin.
I
THfiATRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES
DE ROBERT HOUDIN.
1
vaut d'aborder le
^ fond de mon sujet,
I il est à propos, je
[•crois, de donner
quelques renseigne-
ments sur la salle de spectacle créée par
moi sous le lilre de Théâtre des soirées
fantastiques de Robert Houdin\ et dans
laquelle j'ai présenté, pendant de longues
années , le plus grand nombre des expé-
riences que je vais décrire ici.
1. Le ptdtlic a considérableinenl abrégé ce tilre : le Dom
Mol de Bobert Houdin désigne aujourd'hui le tliÉâtre et le
genre de ipeclacle.
4 MÂGIË ET PHYSIQUE AUUSANTE.
Je pense être agréable au lecteur en
faisant précéder cette description d'une
anecdote dont les détails, si j'en juge par
rirapression que m'en cause le souvenir
après plus de vingt ans d'intervalle, ne
peut, manquer d'exciter vivement son in-
térêt.
J'ai raconté, dans mes Confidences^ com-
ment de mécanicien j'étais devenu prestidi-
gitateur; mais ce que je n'ai pu dire, pour
des raisons que je vais exposer plus loin,
c'est à quelles bizarres circonstances je dois
d'avoir pu construire mon théâtre avec des
ressources pécuniaires beaucoup plus mo-
destes que ne l'exigeait celte entreprise. Je
puis mamtenant parler de cette affaire, et je
le ferai d'autant plus volontiers que mon
récit me fournira l'occasion de donner un
souvenir de reconnaissance à un homme
i
THÉÂTRE DES SOIRÈbiS FANTASTIQUES.
dont ce qui va suivre fera connaître le noble
cœur cl la délicale générosité.
Cette entrée en matière sera également
une dédicace à mon bien regretté bienfaiteur
et ami.
En 1843, n'étant encore qu'un horloger
constructeur de curiosités mécaniques, j'eus
Toccasion de vendre une pendule de pré-
cision à M. le comte de l'Escalopier.
Celle pièce, à laquelle j'avais porté tous mes
soins, me valut plusieurs visites de mon
noble client en vue de m'adresser des félici-
tations. J'eus tout lieu de croire, depuis,
que mon client, grand amateur des arts en
général et que la mécanique intéressait par-
ticulièrement, n'était pas fâché, tout en
payant un tribut mérité au mécanicien, de
lui faire une visite de temps à autre. Il
trouvait là, chaque fois, une nouvelle curio-
MAGIE BT PHYSIQUE ÂUUSANTE.
silé en train d'exécution et, sans façon, il
s'asseyail près de mon établi pour me voir
travailler.
A cette époque, ainsi que jeTai dit ailleurs,
tout en m'occupant avec mes ouvriers d'ob-
jets d'une fabrication productive, je confec-
tionnais aussi les pièces mécaniques qui
devaient figurer, un jour bien éloigné peut-
être, dans les séances publiques que je me
proposais de donner.
Une intimité relative s'étanl par suite éta-
blie entre M de TEscalopier et moi, je fus
tout naturellement amené à lui parler de
mes projets de théâtre, et, pour les justifier,
je lui avais donné, à plusieurs reprises, un
échantillon de mon savoir-faire en preslidi-
gitsition. Guidé sans doute par ses sentiments
de bienveillance, mon spectateur m'applau-
dissait toujours et m'encourageait vivoraenl
THÉÂTRE DES SOIUÉËS FANTASTIQUES. 7
à pousser à bonne fin la réalisation de mes
projets. M* le comte de l'Escalopier, pos--
sesseur d'une forlime considérable, habitait
un des magnifiques hôtels qui entourent la
place que l'on a appelée Royale ou des Vosges^
selon la couleur du drapeau de nos gouTcr*
nanls. J'occupais un modeste appartement
rue de Vendôme, au Marais, et celte dispro-
portion dans l'importance de nos demeures
n'empêchait pas le comte et l'artiste de se
donner entre eux le nom de cher voisin et
souvent aussi celui d'ami.
Mon voisin donc, très-partisan de mes pro^
jets, ainsi que je viens de le dire, m'en
entretenait sans cesse ; et, pour m'exercer^
disait- il, à ma future profession, jwur
me donner l'assurance qui me manquait
alors, il m'invitait souvent à passer la soirée
en compagnie de quelques intimes que je
8 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
me faisais un grand plaisir d'amuser avec
mes tours d'adresse ; c'est ainsi qu'à la suite
d'un dîner offert par M. de l'Escalopier
à l'archevêque de Paris*, avec lequel U était
lié d'amitié, j'eus l'honneur d'être présenté
au digne prélat comme un mécanicien, futur
prestidigitateur, et que j'exécutai devant lui
une séance composée des meilleures de mes
expériences.
A cette époque, je puis le dire sans y
chercher aucune satisfaction de vanité ré-
trospective, j'étais assez adroit. Ce qui me
porte à le croire, c'est qiie ma nombreuse
assistance se montra émerveillée et que
monseigneur lui-même m'adressa un com-
pliment autographe que je ne puis m'em-
pêcher de relater ici.
1 Monseigneur kîire, le martyr des barricodes de 1849.
TUËATRE DFi^ SOIRÉES FANTASTIQUES.
J'avais réservé pour la fin de ma séance un
tour que, pour me servir d'une expression
qui m'élail familière alors, je possédais au
bout de mes doigts. Yoici sommairement en
quoi il consistait : après avoir fait examiner
avec soin par mes spectateurs une grande
enveloppe de lettre cachetée sur tous les
joints, je l'avais remise au gran l vicaire de
monseigneur en le priant de la garder entre
ses mains. Puis, remettant au prélat une
petite feuille de papier, je l'avais prié d'y
écrire secrètement une phrase, une pensée.
Le papier fut ensuite plié en quatre et osten-
siblement brûlé. Mais à peine venait-il d'être
consumé et les cendres dispersées, que,
remettant Tenvcloppe à monseigneur, je le
priai d'en faire l'ouverture. La première
enveloppe étant dépouillée, on en trouva une
autre également cachetée ; puis, après celle-là|
u
10 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
une aulie el Ton aniva ainsi à décacheter
une douzaine d'enveloppes sortant les unes
des autres, la dernière contenait le billet
intact et regénéré; on se le passa de main en
main el voici ce que chacun put y lire :
« Sans être prophète, je vous prédis, mon-
sieur, de grands succès dans votre futui'e
carrière, »
Je demandai à Monseigneur Affre la per-
mission de conserver cet autographe; ce
qu'il m'accorda avec une grâce charmante*.
A partir de cette soirée, M. de TEscalopier
ne cessa de m'engager à frapper le grand
ooupy comme il disait, et il insistait sou-
vent sur ce sujet.
1 . Ce billet fut conservé par moi comme une pieuse relique ;
je lit avais réservé une plaee secrète dans an portefeuille qpK
je portais toujours sur moi. Dans le voyage que je fis en Âl<;éric,
i*eus le malheur de perdre mon portefeuille et Tobjet précieux
qu*il reniermait.
THEATRE DES SOIREES FANTASTIQUES. 11
A ces amicales instances j'opposais Texé-
culion inachevée de certains Irucs qui m'é-
taient indispensables; ce qui n'était pas
l'exacte vérité. La cause réelle de mes ater-
moiements olait l'insuffîsance de mes res-
sources pécuniaires. Â lort ou à raison , je
mettais une certaine fierté à ne pas faire cet
aveu, espérant arriver par mon travail au
but que je me proposais. Pourtant, mi jour,
à bout d'arguments sur cette question tant
de fois traitée, je fus obligé délaisser entre-
voir la vérité.
— Gomme cela se trouve à merveille, me
dit le comte avec une bonhomie charmante,
j'ai précisément chez moi une dizaine de
mille francs dont je ne sais que faire; obli-
gez-moi donc de me les emprunter pour un
temps indéterminé ; vous me rendrez là ua
véritable service.
12 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
N'élanl pas préparé à celte délicate propo-
sition, je refusai. Pourquoi? je ne saurais le
dire au juste; sinon qu'il me coulait d'asso
cicr apiHori les intérêts d^un ami aux éven-
lualités de mon entreprise.
M. de TEscalopier essaya par divers
raisonnements de vaincre des scrupules
dont il soupçonnait la cause; n*y pou-
vant parvenir, il me quitta visiblement con-
trarié.
Je fus quelque temps sans le voir, ce qui
m'attristait beaucoup; car, je dois le dire,
ses visites, jusque-là très-régulières, étaient
pour moi d'un grand charme et me donnaient
une excitation salutaire pour mes travaux,
mon noble voisin m'était devenu, en un mot,
indispensable; j'étais sur le point d'aller le
trouver, lorsqu'une après-midi je le vis en-
trer chez moi ; ses traits étaient contractés et
THEATRE D£S SOIRÉES FANTASTIQUES. 13
il paraissait èlre sous le poids d'une extrême
émotion .
— Mon cher voisin, me dit-il en m*a-
bordant, puisque vous ne voulez pas absolu-
ment être mon obligé, c'est moi qui viens
aujourd'hui solliciter d'êlre le vôtre Voici
le fail : Ma mère^ ma femme et moi, nous
sommes sous le coup d'un danger imminent,
d'un affreux malheur. Ce malheur, vous
pouvez peut-être le conjurer. Vous allez en
juger, ccou lez-moi.
» Depuis plus d'un an, on me vole dans
mon secrétaire des sommes parfois assez con-
sidérables. Ne sachant à qui m'en prendre,
j'ai successivement renvoyé tous mes domes-
tiques; j'ai pris aussi toutes les précautions
et sûretés imaginables : surveillance, change-
ment de serrure, secrets aux portes, etc.,
rien n'a pu déjouer l'adresse et la perfidie
14 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
da malfaiteur. Ce matin encore, je viens de
constater ]a disparition de deux billels de
mille francs. Concevez- vous, ajouta lecomle,
tout ce qu'il y a d'horrible dans la position où
se trouve notre famille; le voleur, quel qu'il
soit, si j'en juge par son énergique audace^
peut, s'il se trouvait pris sur le fait, nous
assassiner les uns ou les autres pour se sau*
ver... Voyons, ne pourriez- vous trouver au
plus tôt un moyen de découvrir ou de pren-
dre même cet audacieux coquin?
— Monsieur le comte, répondis je, vous
savez bien que mon pouvoir magique ne
dépasse pas la longueur de mes doigts, et^
dans le cas présent, je ne vois pas ea-quoi
je pourrais vous être utile.
— Ce que vous pourriez foire? répliqua
mon voisin ; mais n'avez-vous pas un pms*
sant auxiliaire dans la mécanique?
TlIfcAÏUE DES SOIREES FANTASTIQUES. 15
— La tuocauiqnc?... alleiidcz doiicl...
Vous me mêliez sur la voie d'une idée. En
effet, je me rappelle que, étant au collège^ •
j'ai déjà, dans eertaine circonstance, à l'aide
d'une machine d'invention bien primitive
sans doute, découvert un gaillard qui me
volait impunément mes richesses d'écolier.
Avec ce point de départ, je pourrai peut-êlre
combiner quelque nouveau piège à voleur.
Laissez-moi y réfléchir; demain, vous aurez
de mes nouvelles.
Une fois seul, poussé par celte excitation
fébrile que les inventeurs savent si facile-
ment provoquer, j'eus bientôt trouvé la solu-
tion du problème qui m'était proposé. Je fis
immédiatement le plan de celte machine, et,
sans plus tarder, je me mis à l'œuvre en me
faisant aider de deux de mes ouvriers qui
passèrent avec moi toute la nuit. Â huit
JT5 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
heures du matin, mon travail était terminé
et prêt à être mis en place.
M. de TEscalopier, chez lequel je me ren-
dis, avait été préalablement prévenu par un
mot de moi, et il avait, sous différents pré-
textes, éloigné tout le monde de la maison
afin que personne n'eût connaissance de no-
tre installation.
Pendant que je travaillais à cet agence-
ment, le comte, qui en ignorait les résultats,
ne cessait de me témoigner son élonnement
de me voir la main droite enveloppée d'un
gant fourré et très-épais. Je ne lui donnai le
mot de cette énigme que lorsque mes dispo-
sitions furent entièrement terminées.
— Tenez, lui dis-je, après avoir fermé le
secrélaire, supposons que je sois le voleur;
je mets la clef dans la serrure, j*ouvre
avec précaution, et à peine la porte est-elle
UÊATRE DES SOIRÉES FAI9TÂST1QUES. 17
entr'ouverle que..., à cet inslant, un coup
de pistolet retentit, et sur le dessus de mon
gant se trouve imprimé en caractères inef-
façables le mot voLECR.
Voulant expliquer au comle les effets qui
venaient de se produire :
— L'explosion du pistolet, lui dis-je, est
pour vous donner Talarme et vous avertir,
quelque part que vous soyez dans la maison ;
puis, voyez-vous, aussitôt que le secrétaire
en s^ouvrant laisse une ouverture suffisante,
cette griffe portée par une tige et poussée par
un ressort vient s'appliquer sur le dos de la
main qui tient encore la clef. Cette griffe
n'est, à proprement dire, qu'un instrument
à tatouer; ce sont des pointes très-courtes,
et très-aiguës, disposées de façon à former
le mot VOLEUR. Ces pointes traversent un
tampon imprégné de nitrate d'argent qui,
18 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
par le choc, se répand dans les piqûres et
rend leurs marques ineffaçables pour la vie.
A ces explications y M. de rËscalo{âer
devint sérieux et presque Iriste.
— Mon Dieu ! mon cher ami, me dil-if ,
que ferions-nous là? il n'appartient qu'à la
justice de flétrir un coupable. Celte marque
indélébile, dont le malheureux ne pourrait
se débarrasser que par une horrible mutila-
lion, ne peut-elle pas, en le classant indéfi^
niment parmi les ennemis de la société, lui
fermer la porte du repentir? Dn tel procédé
serait inhumain et même injuste.
» El puis, ajoula*il en témoignant un sen-
liment d'horreur^ ne peut-il arriver que, par
suite de distraction, d'oubli, de fatale erreur,
quelqu'un des nôtres fût viclime de nos
sévères précautions, et alors...?
J'avais, dès les premiers mots du comlc,
THEATRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES «9
reconnu la justesse de son appréhension et
de ses craintes ; aussi, Tinlerrompanl :
— C'est juste, lui dis-je, je n'avais point
songé à tout cela, mais il n'y a rien de perdu ;
je ne vous demande que quelques heures pour
apporter à l'instrument une modiGcation qui
ne vous laissera rien à craindre ni à désirer.
Je courus m 'enfermer dans mon atelier*
et, avant la fm de la journée, j'avais rap-
porté rinstrument modifié : à la place de la
griffe d'impression, j'avais mis une sorle de
griffe de chat pouvant faire sur la main une
légère traînée, une simple égratignure sus-
ceptible d'être facilement guérie. Nous refer-
mâmes le secrétaire et nous nous séparâmes,
mon voisin et moi, en attendant les événe-
menls.
Pour stimuler la cupidité du voleur, M. de
l'Escalopier fit venir plusieurs fois son agent
20 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
de change, on compta ostensiblement de
l'argent, on simula des sorties, un petit
voyage, une absence complète des maîlriîs
de la maison. L'appât fut inutile, car la
semaine se passa sans qu'il y eût aucun
résultat ; le comte, en venant me voir chaque
matin, m'abordait invariablement par ces
mots : Ci Rien encore I »
Dans la famille de TEscalopier, le surna-
turel commençait à prendre certain crédit.
Quant à moi, je me creusais en vain la tête
pour trouver une explication à mon insuccès.
Nous étions au seizième jour d'attente et
j'avais fini par prendre mon parti sur l'ennui
que me causait celte affaire, quand, dans la
matinée, je vis soudain entrer M. de l'Es-
calopier; sa figure était toute bouleversée
— Nous tenons enfin le voleur, me dit-i.
en s'essuyant le front, comme un homme qui
THÉÂTRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES. 21
vient de faire une rude besogne ; mais, avant
de vous le faire connaître, je veux vous
raconter ce qui vient de se passer.
» 3'élais ce matin dans ma bibliothèque,
qui, vous le savez, est assez éloignée de ma
chambre à coucher, lorsqu'une détonation
se fait entendre. Reconnaissant aussitôt le
signal de notre piège, mais n'ayant aucune
arme près de moi, j'arrache une hache d'une
panoplie et je cours sus au voleur. Dans ma
précipitation, je commettais là une grande
imprudence; j'ignorais à quel homme j'allais
avoir affaire et mon arme pouvait ne pas
suffire à me proléger. Quoi qu'il en soit, une
fois arrivé, je pousse violemment la porte
et j'entre résolument. Jugez de mon saisis-
sement, en me trouvant en face de Bernard*,
1. Je change le nom pour des raisons que Ton devra com-
prendre.
22 XAGIE ET PHYSIQUE AMDSANTE.
mon homme de confiance, mon factotum ^
presque mon ami, un homme que je tutoie
depuis plus de vingt ans. Eperdu, ayant à
peine conscience de ce que je vois, et ne
sachant que penser :
» — Eh bien, Bernard ! balbuliai-je, quel
est ce bruil, et comment te trouves-tu en ce
moment dans ma chambre?
» — C'est bien simple, monsieur le comte,
répond Bernard avec une certaine assurance:
je suis venu, comme vous Tavez fait vous-
même au bruit de la détonation, et, cri arri-
vant, je viens de voir un homme se sauvant
parrcscalicr de service; j'en ai été telle-
ment saisi, que je n'ai pas eu la force de le
poursuivre; il doit cire hors de la maison
déjà.
» Sans phis de réflexion, je descends en
toute hàle jusqu'au bas de l'escalier quîl me
THÉÂTRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES. 23
désigne. Mais quoi ! la porle est fermée et
la def est de mon côté.
» Une affreuse pensée me vient à Tespril :
— Si c'était lui !
i^ Je remonte et, celte fois, la vérité m'ap-
paraît dans toute sa laideur. Je remarque que
Bernard lient sa main droite derrière son
dos; je la lire violemment à moi, cl, lui
montrant le sang qui la couvre :
» — Malheureux, lui dis-je en le repous-
sant avec horreur, voici la preuve de Ion
crime !
Cet homme, qui loul à T heure encore
essayait de me duper, se jette à mes ge-
noux en implorant ma clémence. Je n'écoute
rien, je m'éloigne de lui en ayant soin de
l'enfermer à clef.
» Yous connaissez, ajouta le comte, mon
excellent docteur G.. .; c'est un homme d'un
24 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
bon conseil ; je courus le trouver ; je lui ra-
conte ce qui vient de se passer, et, après nous
être consultés sur ce qu'il y avait de plus
sage à faire, nous revenons à Thôtel.
» — Voyons, dis-je sévèremen t à Bernard,
depuis quand me voles-tu?
» — Depuis bientôt deux ans.
» — A quelle somme s'élève ce que tu
m'as pris?
» — Je ne saurais le dire au juste... Une
quinzaine de mille francs, peut-être !
» — Va pour quinze mille francs, lui dis-
je ; je t'acquitte du reste; car tu me trompes
sans doute encore... Et oii as-tu placé celle
Sfomme?
» — J'en ai acheté des rentes sur TÉtat
dont les titres sont dans mon secrétaire.
» Nous le conduisons à sa chambre, où il
nous remet des valeurs équivalentes à la
THÉÂTRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES. V5
somme qu'il disait m'avoir volée; après quoi,
séance tenante, je lui fis écrire la déclaration
suivante :
« Je soussigné déclare avoir volé à M. le
» comte de TEscalopier la somme de quinze
» mille francs que je lui ai prise dans son
» secrétaire à l'aide de fausses clefs.
» Bernard X...
» Paris, le... »
» Enfin le docleur, prenant la parole, lui
dit d'un ton sévère :
» — A partir d'aujourd'hui, il est de votre
intérêt de rentrer dans une vie honnête et de
racheter ainsi voire infâme passé; sinon,
cet écrit, dont je reste le dépositaire, sera
remis à qui de droit, et alors vous irez
donner a la justice les détails de votre
aveu. Sortez! et souvenez-vous que les
2
■^t\
MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
portes de cet hôtel vous sont à jamais fer-
mées. »
Bernard mourut Tannée suivante ; son an-
den maître, toujours prêt à pardonner, donna
quelques larmes à son souvenir en m'assu-
rant qu^il était mort sous le poids de ses re-
mords.
Son récit terminé, M. de TEscalopier tira
•de sa poche un portefeuille, en sortit des
papiers roulés ensemble et me les présen-
tant avec une charmante expression de bonté :
— J'espère, mon ami, me dit-il que vous
ne me refuserez pas maintenant la satisfaction
de vous prêter cette somme que je dois à
votre intelligente adresse ; prenez-la ; vous
me la rendrez quand vous voudrez, et qu^il
soit bien entendu que ce remboursement ne
se fera que sur les bénéfices réalisés dans
votre théâtre.
THEATRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES. 27
A celle olïre généreuse, rémotion me gagna
et je restai quelques instants sans pouvoir
articuler une parole.
Toutefois, faisant un effort sur moi-^
môme, je me levai, et, sautant au cou de
mon noble ami :
— Tant pis pour Tétiquetle 1 lui dis-je,.
que je vous embrasse pour tant de bonté 1
Celle accolade fut le seul acte de garantie
que M. de TEscalôpicr voulut accepter de
moi*.
Grâce à l'augmentation de mes finances, je
pus donner cours à mes projets de consti'uc-
lion, et je fis sans plus tarder b«^tir^ au Palais-
Royal, une salle dont, en quelques mots, je
vais décrire l'intérieur et les abords.
1. L'excellent accueil que le public fit h mes représentation»
me permit, un an après r ouverture de mon lhé«1lre, de m*ac-
^Uer enveis mon généreux créancier.
28 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
Les galeries qui entourent le jardin du
Palais-Royal sont divisées par des arcades dans
lesquelles sont installés des magasins qui
passent à juste titre pour renfermer tout ce
que Paris possède de plus riche, de plus élé-
gant et de meilleur goût.
Au-dessus de ces arcades, il existe au pre-
mier étage de vastes appartements occupés
par des établissements publics , cercles ,
cafés, restaurants, etc. C'est dans l'empla-
cement de Tun de ces appartements, au
n** 164 de la rue de Valois, que je construisis
mon théâtre, embrassant, comme largeur,
trois arcades et, comme longueur, la dislance
entre le jardin et la rue de Valois, c'est-à-dire
toute l'épaisseur du bâtiment. Les dimen-
sions de cette salle étaient, comme on le voit,
fort restreintes ; c'est à peine si deux cents
personnes pouvaient y être contenues; il est
t
tuëâtre des soirées Fantastiques. 29
vrai que les sièges étaient confortablement
divises en stalles.
Si les places étaient peu nombreuses, le
prix en était assez élevé ; ce qui établissait
une compensation en faveur de mes inté-
rêts.
On en jugera par le tableau suivant :
AvanUscciies 5 francs.
Loges. 4 »
Stalles 5 »
Galeries 2 »
Les enfants payaient place entière.
Dans le principe, ces places dites de gale-
ries portaient le nom de parterre ; c'en était
en effet. Mais, plus lard, m'étanl aperçu que
beaucoup de personnes hésitaient à prendre
des places de ce nom, j'avais eu recours à
l'euphémisme et j'employai le mol de galerie
pour les désigner; ce qui m*avail fort bien
2.
30 KAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
réussi, car, parmi les occupants de ces places ^
les dames étaient grandement représentées*
Ma scène était petite et proportionnée, du
reste, à la grandeur de la salle ; elle repré*
sentait une sorte de petit salon Louis XY blanc
€tx)r, uniquement meublé de ce qui était in-
dispensable à ma séance. On y voyait une
table de milieu, deux consoles et deux petits
guéridons. Une tablette de même style ré-
gnait dans le fond de la scène dans toute sa
largeur; j'y déposais les objets devant servir
à l'exécution de mes séances. Le parquet
était couvert d'un riche tapis.
Il y avait à la droite et à la gauche de ma
scène une porte à deux battants ; cette lar-
geur d'enlrée était nécessaire pour Pintro-
duction de certaines pièces mécaniques*
La figure suivante complétera cette expli-
caliou»
TilËATKE DES SOEItlLS FANTASTIQUES. M
La porle pratiquée sur le côté droit de lu
scène communiquai L à une chambre où, le
soir, je préparais mes cxpi'Tiences cl qui, dans
la journée, me servait d'atelier. Une grande
leuêlrc donnant sur le jardin du Palais-Royal
rendait cette pièce fort plaisante ; c'est là
que j'ai exécuté grand nombre de trucs dont
je vais donner la description.
II
DISPOSITIONS SGÉNIQUES
POUR LA PRESTIDIGITATION THÉÂTRALE.
*ameublemenl de la
scène d'un prestidigi-
tateur n'est pas seule-
av.- ment disposé ponrcliar-
^ ' mer la vue des specta-
teurs, ii sert aussi à faciliter l'exécution
d'un graud nombre de prestiges. Les tables
surtout ont d'importantes fonclions à rem-
plir : ce sont elles qui, le plus souvent, sont
chaînées de faire apparaître ou disparaître
des objets trop volumineux pour être cou-
M HaGIB El PHYSIQUE ABUSANTE.
tenus dans les mains ou dam les poches c'e
l'opéra leur.
Les anciens prestidigitaleurs' trouvaient,
en cela, de grandes facilités dans l'ornemen-
tation même de leurs tables. Ces meubles
élaienl recouverts de tapis richement dé-
corés qui tombaient jusqu'à terre, ainsi que
le rejirésente la figure ci-dessus.
1 , Comie, Bosco, Philippe, pour oe citer que ceux dont uns
partie de la géaératioD p^nie peut encore sToir conaorvé la
DISPOSITIONS SCÉNIQUES. 57
Il n'élail pas rare de voir sur la scène
quatre ou cinq de ces tables et quelquefois
plus encore. Pour détourner l'idée de leur
véritable destination, on les chargeait de
flambeaux et d'objets de toute nature ayant
apparence d'utilité pour la séance.
Au fond de la scène et dans toute la lar-
geur régnait un gradin à plusieurs étages
chargé également d'instruments en cuivre
poli qui, le plus souvent, n'avaient aucun
trait à la prestidigitation. Cette collection
hétéroclite et éblouissante était encore re-
haussée d'éclat par un nombre considérable
de lampes et de bougies \ Cette exposition
brillante, que le prestidigitateur d'alors nom-
mait pallas ', avait pour but, ainsi qu'on le
1 . Philippe est celui qui a le plus abusé de ces éblouissantes
exhibitions : iln*ayaitpis moins de cinq cents bougies sur la scène.
2. En parlant d'une riche et brillante mise en scène, on disait
aussi : « C'est très-pal laseux. » .. »
3
38 MAGI£ £T PHYSIQUE AMUSANTE.
dit \ulg.\i rement, de jeter de la poudre
aux yeux.
Lorsqu'en 1844 je m'occupai de l'inslal-
lalion de mon théâtre, j'apportai de no-
tables modifications aux dispositions scé-
niques de mes devanciers. La plus importante
fut la suppression des longs tapis de table
sous lesquels le public, avec quelque rai-
son, a toujours supposé un auxiliaire pour
les prestiges de l'escamotage. Je remplaçai;
ces immenses boîtes à compère par des tables
et des consoles en bois doré, genre Louis XV,
dont je donne un échantillon.
Le nombre de ces tables fut très-restreint :
une table de milieu (celle, que représente la
gravure ci-contre) deux consoles de côté et
deux petits guéridons légers. Dans le fond,
une large tablette de même style sur laquelle
étaient disposés les instruments qui devaient
DISPOSITIOSS 8GËNIQUES. 8»
servir à Texécution de ma séance*. On n'y
voyait, comme précédemment, aucune de
ces énormes cloches en métal poli ou verni
Fîg. 2.
sous lesquelles se mettaient les objets que
Ton voulait faire disparaître. Je les avais rem-
placées par des appareils en cristal opaque
i. Tous les prestidigitateurs, je dois le dire, s'empressk'ent
d'adopter ces modifications, à Texceptioa toutefois du Tieiii
Bosco, qui, jusqu'à son dernier moment, ne voulut démordie
DÎ de ses tapis longs ni de ses manches courtes.
40 mâgië et physique amusante.
_ ■ ■ • ■ I ■ I ■ -^
ou transparent. La boîte à double fond, les
instruments de cuivre ou de fer-blanc verni
avaient été complètement proscrits de ma
scène.
La tenture de mon petit salon était blanc et
or. Le luminaire se composait uniquement
de quatre girandoles et de deux petits can-
délabres rocaille placés sur ma table du mi-
lieu. Mais pour que le public pût distinguer
les moindres détails de mes exercices, j'avais
pourvu ma scène d'un système d'éclairage
qui y répandait une lumière suffisante sans
que la vue des spectateurs en fût blessée. A
cet effet, j'avais établi derrière la frise du ri-
deau d'avant-scène* une herse ' au gaz garnie
1. La frise du rideau d'avant-scèno est cette P'*riie courbe de
draperie derrièra laquelle le rideau se cache en s'éleyant.
2. Une herse de théâtre est un long tuyau à gaz sur lequel
lont adaptés, à distances très-rapprochées, des becs à papillon
formant en quelque sorte un ruban lumineux dans toute la
longueur de la scène. •
DISPOSITIONS SCÉNIQUES. 41
d'un réflecteur qui projetait une vive lumière
sur ma table du milieu, ainsi que sur les deux
consoles, seuls endroits où s'exécutaient mes
exercices de prestidigitation.
Les réformes que j'avais apportées à la
forme et à T ornementation des tables ne sup-
primaient aucune des ressources qu'elles
avaient fournies jusqu'alors à la prestidigi-
tation ; on en jugera par les détails qui vont
suivre.
Ainsi que je viens de le dire, il n'y avait
sur ma scène que trois tables : une au milieu
et deux sur les côtés ; ces deux dernières,
en forme de consoles, étaient fixées aux lam-
bris du décor. J'avais également deux petits
guéridons très-légers que je transportais au
besoin sur le devant de ma scène pour les
expériences qui exigeaient un rapprochement
des spectateurs.
42 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
— *-
C'est sur ma table du milieu (figure 2)
que se faisait la présentation du plus grand
nombre de mes expériences; celle table
n'avait d'autre apprêt qu'une servante garnie
de sa gibecière et d' un jeu de pédales . J 'ai dé-
crit dans un précédent ouvrage* et j'ai indi-
qué par figure, à la page 315, la disposition
et l'utilité d'une servante : « C'est une ta-
blette placée derrière la table du côté opposé
aux spectateurs, sur laquelle sont déposés à
l'avance les objets que l'on doit faire appa-
raître dans le cours de la séance. Au milieu
est une petite boite carrée construite unique-
ment en étoffe garnie de ouate et capitonnée
pour lui donner une certaine consistance.
Cette boîte est placée là pour recevoir sans
^ruit les objets que Ton y jette subtilement
1. Les Seo'ets de la prestidigitation et de la magie.
DISPOSITIONS SCÉNIQUES. 45
pour les faire disparaître aux yeux des spec-
tateurs.
Le jeu de pédales appliqué soas la fnce
interne de la table sert à faire fonctionner
ies automates et pièces mécaniques que Ton
présente aux spectateurs. Ces automates étant
censés obéir à commandement, il faut que
celte intelligence mécanique soit guidée par
un compère, et c^est par l'intermédiaire des
pédales qu^on obtient ce résultat.
La pédale est un assemblage de trois fils
d'acier ; deux d'entre eux sont fixes et for- ,
ment ce qu'en terme de mécanique on ap-
pelle une cage ; le troisième est mobile et
peut s'éleva au-dessus des autres, lorsqu'on
tire la ficelle. Le ressort qui est en dessous
est chargé de ramener la tige à sa place,
lorsqu'on lâche la ficelle*
Quand plusieurs de ces pédales sont pla-
44 mâgië £t physique amusante.
cées sur une même ligne, à côlé les unes des
nulres, "elles forment ce qu'on appelle un
jeu de pédales.' Supposons, ainsi que je
l'avais moi-même, ce jeu composé de dix pé-
dales ; les dix ficelles passeront à droite el à
gauche par les pieds de la table en s'ap-
puyant sur des poulies, et, dirigées sous le
théâtre, elles aboutiront à un clavier et y
seront rangées dans Tordre qu'elles occu-
pent dans la table.
Lorsque les tiges s'élèvent au-dessus de la
table, elles rencontrent les pédales corres-
pondantes, qui sont placées dans le socle de
la machine; lesquelles pédales font mouvoir
soit un bras, soit la tête, soit toute autre
pièce de l'automate ou de la machine.
Les tables de côté, ou consoles fixées au
lambris du décor, sont garnies de différentes
trappes dont la destination est spéciale à tel
DISPOSITIONS SGÉNIQUES. 45
OU tel Iruc. Une ouverture, pratiquée dans le
décor à la hauteur de la console, permet au
servant d'y introduire le bras pour son ser-
vice. Le dessous des consoles forme un
caisson fermé de toutes parts, afin que les
objets qui passent par les trappes ne puissent
tomber à terre. Ge caisson, qui a environ
vingt centimètres de hauteur, est dissimulé
par la moulure de la table et par la frange
d^or qui y est attachée.
En dehors de ces tables appropriées au
service ordinaire de la séance, il y en a
d'autres qui sont spécialement organisées
pour un seul truc et que l'on met en scène
pour la circonstance. Telle est celle qui sert
à l'escamotage d'une personne. Nous en fe-
rons plus tard la description, lorsqu'il
s'agira de ce truc.
Le servant remplit sur la scène les fonc-
3.
éè MÂGIE BT PHYSIQUE IMUSANTE.
tîoBS du préparateur d'un professeur de
physique ou de chimie ; il s'occupe de four-
nir à ropérateur tout ce qui lui est néces-
saire pour reïéculion de ses expériences, el
souvent y à Tinsu des spectateurs, il con-
tribue au succès de certains presti}>es. Ce
servant, quel <iue soit son costume , doit être
d'une taille inférieure à celle du preslidigi-
taleur, afin de ne pas trop meubler la scène
de sa personnalité; un jeune garçon remplit
très-bien ce rôle» Je me faisais aider en
scène par l'un de mes fils, qui avait pour
costume celui que la mode imposait à son
âge (il avait treize ans en 1844)*
Il existe un secoiwJ servant, dont le public
ignore l'existence; celui-là, c'est Valter egù
du prestidigitateur, c'est la main invisible
qui est chargée de cerlaii^s apparitions,
soustractions et aihstitutîo&s réputées œu-
DISPOSITIOISS SGÉNIQUES. 47
vres de la magie. Ce servant se lient dans la
coulisse, l'œil et Poreille au guet, et, dans
certains moments convenus à l'avance, il
joint sa coopération à l'adresse et au boni-
ment du prestidigitateur. Celte fonction
exige une grande adresse, une attention sou-
tenue et surtout une grande vivapité dans
l'exécution. Les femmes s'en, acquittent à
merveille.
III
TOURS DE MOUGHOIH.
't armi les objets que te
I public confie aui presti-
l (iigitatfturs pour l'exécu-
lion de leurs tours, les
[ inouchwrs el ks fou-
lards jouent an grand rôle.
Je me propose de donner, en temps et
lieu, la descripliofi de tours dans lesquels
figurent des mouchoirs, tels que Voranger,
le dessèchement, la combustion instan-
tanée, etc.
52 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
Voici, en allendant, lyj joli petit tour
inédit s'exécutant avec un mouchoir. Je
m'en servais dans mes séances sous forme
d'intermède. Je le donne comme étant d*un
très-grand effet.
MOUCHOIR S'EVAPORANT DANS LA MAIN.
« Les magiciens d'autrefois, dites-vous,
n'étaient assujettis à aucune des misères de la
vie; ils n'éprouvaient ni le froid, ni la faim,
ni la soif, tant qu'ils étaient dans l'exercice
de leurs conjurations. Toutefois, leurs rap-
ports brûlants avec les chauds potentats d'un
autre monde les exposaient, le plus souvent,
à un excès de température dont le résultat se
' traduisait par une abondante transpiration.
» Ces magiciens, en jouant avec le feu,
• • •
TOURS DE MOUCHOIR. 53
étaient incommodés par Peau dont s'inon-
dait leur visage. Mais ils s'en débarrassaient
en s'essuyant avec leur mouchoir, comme
l'eussent fait de simples mortels.
» L'un d'eux, que cet exercice ennuyait
sans doute, avait imaginé un singulier moyeu
d'abréger cette besogne siccative : son mou-
choir, après son service, allait de lui-même
se loger dans sa poche.
» Je connais ce procédé cabaHs tique, et, si
vous le voulez bien, je vais vous en donner
la représentation.
» Supposons donc que, pour les raisons
que je viens de donner,.il faille m'essuyer le
front : je prends à cet effet mon mouchoir
dans ma poche... Le voici...»
On s'essuie le h'onl, on s'évente avec le
mouchoir; puis, en le frappant ciUrc les
deux mains, on le fait s'évanouir aussitôt.
U MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
■■■' ' ■■■■ — ■■■■III ■■■i--ii.,^, ■■■_■_ ■■■ ,^
« Savez-vous, messieurB^ où est le mou-
choir?. •. Non!... Eh bien, je vais toUs le
dire : il est retourné dans ma poche* . * »
On sort, de nouveau, le mouchoir de la
poche, pour le faire évanouir une seconde
fois.
« Vous voyeï, messieurs, combien la be-
sogne se trouve ainsi abrégée : on n'a qu'à
prendre son mouchoir dans sa poche, mais
on n'a pas besoin de Ty remettre. »
Ce plaisant intermède produisait le double
effet de suspendre un instant ma séance et
de reposer mes spectateurs.
Voici comment le tour s'exécute :
l"" Attaches un mouchoir par le milieu
avec une ficelle*.
i . D faut éviter dans eette attache toute grosseur pouvant
faire obstacle à rintroduction du mouchoir dans la manche, cet
inconTénient s'évite en cousant la ficelle après le mouchoir.
TOUaS DE MOUCHOIRS* 55
2* Introduisez rextrémîté libre de celle
ficelle dans la manche droite de votre habit,
passez-la derrière voire dos et failes-la redes*
cendre par la manche gauche.
En tirant la ficelle près du poignet
gauche, le mouchoir remonte dans la
manche droite. C'est cette opération qu'il
s'agit de faire, sans que le public s'en aper-
çoive.
Pour cela faire, attachez reitrémité libre
de la ficelle après le poignet gauche; et, pour
déterminer la longueur de la ficelle, il faut
que les bras étant droits et allongés, la corde
soit tendue et que le mouchoir soit rentré
dans la manche.
On comprendra maintenant que, si l'on
tient les bras un peu courbés et rapprochés
du corps, la ficelle devienne libre et permette
au mouchoir de pouvoir sortir de la manche.
56 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
En allongeant les bras en avant, la corde
se tend et le mouchoir rentre dans la
manche avec la promptitude de Téclair.
Lorsqu'on arrive en scène, le mouchoir est
dans sa cachette ; on met les mains derrière
le dos comme pour le prendre dans la
poche, mais en réalité c'est pour le sortir de
la manche à l'aide de la main gauche.
En ramenant le bras par devant, h mou-
choir est en paquet dans la main droite, ce
qui sert à cacher son attache mystérieuse.
Après que le mouchoir a rempli son
office, on écarte et on allonge les bras, en
frappant vivement les mains l'une contre
l'aulre, et ces mouvements combinés, tout
en faisant rentrer le mouchoir dans la
manche, dissimulent les mystères de l'opé-
ration.
On peut répéter l'expérience, puisqu'il ne
«' - '
TOURS DE MOUCHOIRS. 57
- ■ Il
s'agit que de mettre les mains derrière le
dos, sous prétexte de prendi^e le mouchoir
dans la poche.
Ce tour, je le répète, est d'un effet très-
saisissant; il peut sembler d'une exécution
difficile, mais que Ton ne se décourage pas j
avec un peu d'exercice, on doit aisément en
venir à bout.
IV
LE COFFRE LOURD.
' armi les illusions que
( j'ai imaginées pour ..
f disons le mot , duper
^ mes bons spectateurs,
': je ne crois pas, toute
modestie à pari, avoir jamais rïen inventé
d'aussi hardiment ingénieux que l'expé-
rience que je vais décrire.
Il ne s'agit pas ici du cofire Lourd dont j'ai
donné l'explication dans mes Cmifidences^,
1 . Confidence» de Btbrri Houdin, tome il, page 365, et le»
SeertU <U la pratidigitalion, page 93.
62 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
maïs d'une addition que j'y avais faite pour
dépister l'esprit investigateur du public.
Au risque de me répéter devant les per-
sonnes qui ont lu le livre que j^ viens de
citer, je crois devoir, d'abord, dire quelques
mots sur la manière dont j'avais présenté
ma première expérience du coff7'e lourd;
puis ensuite nous décrirons le truc âoAt il
s'agit ici.
Le coffre lourd élait un petit coffret qui,^
placé à un certain endroit parmi les specta-
teurs, pouvait, à mon commandement, de-
venir lourd ou léger. Uu; enfant pouvait le
soulever sans peine ou bien l'homme le plus
robuste ne pouvait le bouger de place» .
Poiir comprendre les dii^posilions de ce-
truc, il est nécessaire que je ^onne une courte
explication sur certains eff^ électriques qui
en forment la base ?
LB GOFFRB LOURD. C3
A l'aide de réiectrîcilé, chacun le sait
maintenant, on parvient à aimanter un mor--
ceau de fer. Cet aimant artificiel, que l'on
«
nomme éleclro-aimant , conserve son pou-
voir d'attraction tant que le courant éleclrique
circule antonr de lui ; mais, sitôt que le cir-
cuit électrique esl interrompu, le morceau
de fer perd complètement son aimantation \
On produit de cette façon des aiiilanls d'une
r
force d'attraction si considérable, que, lors-
qu'un rtiorceau de fer est en contact avec e^ix,
nulle force humaine ne saurait l'en détacher.
C'est sur ce principe que je fondai l'arti-
fîce du truc, \e coffre Ichwày que je présenfâis
dans mes séances. '
Au inilieù da patHerre et sur une plancha
' i. .Voir, pour la eonstructipn de ces électro-aimants, l$s ou'-
▼rages de physîqHe, et notamment ceux qui traitent spéciale-r
ment de Félectricité : le comte Dumoncel, £.daiond Becquerel.
■v.
64 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
»■ ■ ^ ■ — ^^w^i^^^— ^^B^fc^— — ^^- ■■ ■ ■■■ ■ ■ ■■—■■■Il M
qui me servait Ae prciticable pour communî-
quer anrec mes spectateurs, j'avais pratiqué
une ouverture dans laquelle était logé un
puissant électro-aimant dissimulé par une
étoffe mince qui,4e recouvrait. Les fils élec-
• • •
triques commuiriqUaient secrètement à la
coulisse, d'où devait arriver, à mx moment
^onné, le courant nécessaire à l'aimantation.
Sous le coffret qui devait être attiré par l'ai-
mant, il y avait une forte plaque de fer in-
crustée dans le^bois et dissimulée |)ar une
feuille de papier couleur acajou, qui semblait^
faire partie* du corps de la boîte.*
Ces dispositions prises, lursquej^ liwis le
coffret au-dessus del'électro-aimant, on pou- i
vail le soulever sans -peine ouv s'épuiser vai- .
Dûment à vouloirle bouger de place, selon^quc
»m'
certain compère invisible ouvrait ou fermait
le circuit pour le passage deTélectricité.
Lorsque, eï3 1 ^*^- .^ : >"^»^iiiii ':* i"^'' î"''
la première i^^- *^ j'iiéij.iiipfii':*- -^ ' '^^
magnétiques e^L^^:-^^: -iicnuiiife di y" '- ^'
me gardai bien d'éz Li^^t ii%^^ h\*^*:^*i':i "^ s'-"
celte merveille d^ -î^ i^'-iWn-^. e: y: i**- "-*
beaucoup plu^ a-^^^^i-'-'^^^i^i > lu* in*- r'>''î'>'-
de préseiler 1^ O'J/t'^^ iOti^u ';jiîi::>* «'i*
exemple de ntagi^ ^irrix^t^ ^,,^^* j^ -<j'>i
le secrel. Je 1^ 3<^^^'^ ^ *ii-j[ k^j\u\u< Wih
irailalion d'un f^t ^^^^*^*J^^tjjiqut, c' n-^*' v
fable que je débitais a ee ^^j^» . ^ (> ^^..f ,
disais-je, nae s«ert <3^ co. 'r^ de bùî^'U;i4#f Mti*;
j'y renferme des valeurs ^ dau^ ^ r;;i. , J. j,<;
^ meJopne auctta »>^*^ ^-'ur \^ ,j^,,^ ,,. I,^,r* ij,
' laiwléedesvoI«o^'*^»A£, r^^nl*;!!.^ ^^ Um'
• au-dessus uœ itapos>i^^ou utajj„<?..j,i, ':: /'
suis sûr de le reiroarer à l^^ ^^^ ^^^^ .^ ^.^^
laissé. En voiei la f^'uv^ , Suj»i/.,>^m.^ .,..'
• ce coffreldoiit ^^^^ ''^"^ 4*. %.M)(io, '., 1/ <
66 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
» * - I I ■ ■ ■
reté contienne quelques mille francs en bil-
r
lels de banque, ce qui serait très-facile à
emporter ; eh bien, il tne suffit d'étendre la
main au-dessus comme ceci ; et vous pouvez
vous assurer maintmiant que l'homme le
m
plus fort s'épuiserait en vain pour le sou-
lever. »
A près divers essais infructueux, j'ajoutais :
« Et cependant, à mon commandement,
le coffre cesse d'être lourd et vous voyez que
je l'enlève facilement avec mon petit doigt. »
Plus tard , lorsque l'électro-magnétisme
fut plus connu, je jugeai à propos de faire
unfe addition au coffrg Umfd^'i^onr détourner
ridée du procédé quô j'employais <lan^ cette -
/ •
ppérience ; et wid comâient je présentais
ce nouveau truc qui, aux yeux ^u public,
n'élâil que le coipUaire ^u truc précédent u
« Messieurs, disais-je, pouTjotjs prouver .
LE COFFRE LOURD. «7
que la pesanlear que j'imprime an coffre est
réelle et ne tient à aucun artifice extérieur,
je vais le suspendre à Tune des extrémités de
cette corde et, en prenant l'autre bout, vous
pourrez juger quelle est sa puissance attrac-
tive. » Cela dit, j'accroclèâis le coffre; après
quoi, je priais un spectateur de vouloir bien
le soutenir en Pair en prenant la corde par
Taulre extrémité, ce qu'il faisait assez faci-
lement. « Pour le moment, disais-je, ce
coffre est ti'ès-léger; mais, comme il va deve-
nir très-lourd à mon commandement, je
prierai cinq ou six personnes d'aider mon-
sieur, pour que le coffre ne vienne pas à Uen-
Iraîner et même à Tenlever. »
Aussitôt ces disj^osilions prises, le jcoffre
desce»daR, entraînant et soulevant même
toiis les spectateurs qui siattachaient à la
corde •
88
MAGIE El PHYSIQUE AMUSANTE.
La mécanique fait tous les frais de ce pres-
tige ; seulement, son action est tellement dis-
simulée, q,ue nul ne saurait s'en douter.
•Nous allons maintenant donner une ex-
plication plus détaillée, et, poiy cela, nous
aurons recours à la figure suivante. •
•>
Fig. 5.
Lorsqu'on regarde la chapg et ga poulîte,
tout porte à croirfi quft, ainsi que cela a Jieu
d'ordinaire, la corde passejpar-dessus cette
LE COFFRE LOUAD.
dpraière en entrant d'un côté.el en sortant de
Taulrè ; mais il n'en est pa»«insi, selon qu'on
peut le yoir en suivant les lignes, ponctuées
qui, passant par la chape, traversent le
plnfond et vont s'attacher de chaque côté
d'une dt)uble poulie qui se trouve à l'étage
. supérieur .r
Cq qui portera l'illusion', c'est que, avant
de suspendre le coffret au crochet, si Ton .
tire^ celui-ci, la corde, enroulée sur la double
poulie supérieirtre, se déroule, tandis que le
morceau de corde du côté opposé s enroule
de la même quantité. Or, pour le spectateur, ^
ce lirage de corde à droite et â gauche jiro-
' duit le même effet que si la corde passait
seulement sur la poulie qui est visible^
Pour peu que l'on connaisse les lois dp la
mécanique, on voit que les forces de l'homme
. qui lient la manivelle en nain sont plus que
70
MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
décuplées et qu'il peut lutter avec avantage
contre les forces^ réunies des cinq ou six
spectateurs.
Cette expérience ne peut guère s'exécuter
que dans une salle dont le plafond n'esl pas
très-élevé.
LES CENT BOUGIES ALUIMÈES D'UN CODP
DE PISTOLET. '
1r
Of»
i nous disons cent bour-
• (jieSy c'est pour conser-
ver au truc dont il s'agit
ici le litre sous lequel il
3 a été présenté; car, ainsi
qu'on le verra plus loin, on peut en allumer
davantage.
Ce truc qui n'est, à vrai dire, que l'appli-
cation en grand d'une ancienne expérience
de physique nommée le briquet électrique,
a été présenté pour la première fois par le
74 HAGU ET PHYSIQUE AMUSilME.
prestidigitateur Dobler, dans les séances
qu'il donna, en 1840, au théâtre Saint-James
de Londres.
Pour bien faire comprendre les disposi-
tions du truc des cent bougies, etc., nous
allons d'abord rappeler celles du briquet
électrique. La figure suivante nous aidera
dans cette description
A est l'extrémité d'un tuyau ou bec condui-
sant à un réservoir de gaz hydrogène; B et G,
deux petites tiges métalliques très-fines, et
LES CENT BOUGIES. 75
dont les pointes sont très-rapprochées Tune
deTaulre. L'une de ces liges 6 est isolée sur
une tige de verre ; Tautre G est fixée sur
une côlomiette en ^we immmmq^mA
avec le sol.
Lorsque le gaz s'échappe par le bec A, il
se rend directement sur la mèche de la
bougie D, en passant entre les pointes B etC^
et si, à cet instant, ou introduit une étincelle
électrique à l'endroit de la pointe B, celle-ci,
en se dirigeant vers Faulre pointe, traversera
le gaz et Tenflammera. Cette langue de feu
ainsi dirigée allumera la mèche de la
bougie.
En faisant de légères modifications de
formes, et en multipliant les becs de gaz,
les pointes et les bougies, on aura l'expé-
rience de M. Dobler.
Dans la figure que nous donnons ci-
76 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
après, on peut voir celte nouvelle disposi-
tion.
n-. s.
Tous les supports S des tiges sont des
corps isolants, excepté le dernier, quel que
soit leur nombre. Tous les becs 6 sont fixés
sur un même tuyau qui doit leur fournir
le gaz. Les lettres 6 indiquent les bougies.
Ainsi que dans l'expérience précédente,
on ouvre le robinet principal et le gaz s'é-
chappe par tous les becs. Dans le même
instant, on fait passer Tétincelle par Tune
des tiges qui se trouve à l'extrémité qui est
isolée^ et, aussitôt, rélectricilé, franchissant
toutes les interruptions dans un temps inap-
LES CENT BOLGIES. 77
préciable, enflamme, comme nous Tavons
dit, les jets de gaz et par suite toutes les
bougies.
Pour plus de sûreté d'inflammation,
après que Ton a préparé à Tavance la mèche
de la bougie en la brûlant un peu, on l'enduit
d'essence de térébenthine à l'aide d'un
pinceau.
Plus le nombre d'interruptions dans les
liges est considérable, plus il est néces-
saire que l'étincelle ait de puissance, pour
vaincre toutes ces résistances dans son par-
cours.
Aulrefois, la décharge venait d'une puis-
sante machine électrique; mais, si puissant
que fût cet instrument, il arrivait souvent,
lorsque le temps était humide, que la pro-
duction d'électricité était insuffisante et que
Texpérience ratait. Aujourd'hui, avec la bo-
78 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
bine d'induction de Rhumkorf, on n'a rien
à craiiidire de ces caprices, pourvu que la
grosseur de la bobine soit en rapport avec
le nombre de bougies qu'on veut alluma.
I
VJ
SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES,
APPARITIONS FANTASTIQUES.
i
' e truc des spectres est
I l'une des plus curieu-
i ses illusions que l'op-
\ lique ail jamais pro-
*• duiles; lesapparilions
qui en icsultenl sont du plus saisissant cdfcl
et ne laissent aux speclaleurs aucun doute
sur leur apparente réalité.
Ainsi que dans le tableau ci-après, ou
voit , par exemple , deux personnages en
scène. Ils marchent et se meuvent en tous
62 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
sens ; on les entend parler l'un et Tautre et
tout porte à croire que leur organisation,
sinon leur costume, est en tout point sem-
blable. Pourtant F un est un personnage en
chair et en os ; l'autre est un être immaté-
riel, un spectre impalpable.
L'être réel essaye vainement de saisir le
fantôme; il le frappe de son arme; il passe
même au travers de son corps, ainsi qu'il le
ferait en traversant un nuage. Celui-ci n'en
est point déformé pour cela; il reste intact;
il continue même de gesticuler comme
pour braver son adversaire et finit, enfin,
par s'évanouir; l'homme seul reste en
scène.
Celte étrange expérience est due à certains
phénomènes de catoptrique dont nous allons,
d'abord, donner l'explication et que nous
reprendrons un peu plus loin pour indiquer
84 MAGIE ET PHYSIQUE ÂMUSAKTE.
les dispositions scéniques propres à leur or-
ganisation.
Un fait des plus simples fera tout de suite
comprendre le principe sur lequel repose le
phénomène dont il s'agit ici.
Disposez verticalement sur une lable une
glace sans tain, ou à défaut, un morceau de
verre de vitre, exempt de bouillons et de
stries, ayant une trentaine de centimètres de
hauteur sur autant de large. Mettez, ensuite,
une bougie allumée à 10 centimètres environ
en avant de cette glace et placez derrière un
livre qui fera rofïîce d'un écran. La figure 2
ci-contre donnera l'idée de cette dispo-
sition.
En regardant par dessus le livre B, dans
la glace, vous y verrez Fimage réfléchie de
la bougie C que cet écran cache à votre vue
directe, et cette image vous apparaîtra vir-
SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES.
85
tiiellemenl en D, derrière la glace, à une
distance égale à celle dont l'image réelle C
s'en trouve éloignée.
Si, tout en conservant la vue au même
endroit, vous avancez la main derrière la
Fig. 2.
glace, vous pourrez passer les doigts à travers
la bougie I), et ce corps, qui vous semblait
opaque, deviendra tout à coup impalpable et
diaphane.
A la place de la bougie C, mettez un corps
blanc vivement éclairé, vous aurez la repré-
^6 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
sentation du truc des spectres que Ton re-
présente au théâtre.
Il est bien entendu qu'il ne faut pas dans
la salle d'autre lumière que celle nécessaire
à l'expérience.
Pour expliquer l'effet qui se produit
ici : Lorsqu'une glace sans tain est placée
dans un milieu également éclairé, elle ne
donne de réflection ni d'un côté ni de l'autre
de ses faces, ainsi, du reste, que cela a lieu
pour les glaces ou vitres d'une fenêtre, lors-
que l'inlérieur et l'extérieur de l'apparte-
ment reçoivent la même quantité de lumière.
Mais, si l'un des côtés de la glace devien*
plus éclairé que l'aulre, ce dernier, dans ce
cas, perd en transparence et gagne en ré-
flection, en raison directe de l'abaissement de
l'éclairage ; Fobscuiité faisant ici l'office d'un
, tain plus ou moins dense.
SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 87.
Voyons maintenant l'application de ce
principe aux scènes théâtrales dites les spec-
tres vivants et impalpables.
La figure 1 représente une scène entre un
spectre et un homme vivant. Elle indique
Tensemble du procédé employé pour pro-
duire cette illusion. Dne glace sans tain,
convenablement inclinée, se place entre les
acteurs et les spectateurs. Sous le théâtre et
en avant de cette glace est une personne vêtue
d'un linceul blanc et éclairée par les rayons
éclatants de la lumière électrique ou de la
lumière Drummond (gaz oxi-hydrogêne).
Dans ces conditions, l'image du spectre -ac-
teur , étant réfléchie par la glace, apparaît aux
spectateurs et se place virtuellement der-
rière celle-ci à une distance égale à celle du
côté opposé où se trouve le sujet.
Cette image, d'après les principes de rô-
8S MAGIE ET PHYSIQUE AMISANTE.
tlection que nous avons expliqués plus haul,
n'est perçue que parles speclateurs ; Tacteur
qui esl en scène n'en voit rien, el, pour que
celui-ci puisse mettre de la précision dans
ses attaques sur le spectre, on est obligé de
faire à Pavancc sur le plancher un repère
au-dessus duquel doit se produire, pour le
spectateur, l'apparition spectrale.
Pour la réussite de Pexpérîence, il est né-
cessaire de se conformer aux indicalions sui-
vantes :
V La glace doit être d'une grande pureté
d'exécution pour ne pas être vue des specta-
teurs. Le moindre bouillon dans la matière
pourrait révéler sa présence.
â*" La scène doit être très-faiblement éclai-
rée et, par contre, Tacteur-spectre doit être
inondé de lumière. C'est à cette condition
que la glace sans tain dont le pouvoir réflé-
■*
SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 89
chissant est très-faible pourra produire une
image éclatante.
5*^ L'acteur chargé du rôle de spectre doit
se tenir dans une inclinaison telle que son
image réfléchie soit dans une position verti-
cale. Nous indiquerons plus loin les règles à
suivre pour déterminer cette inclinaison.
^ Les images des objets dans les miroirs
plans étant symétriques de ces objets^ il est
nécessaire que l'acteur-spectre agisse en sens
inverse des mouvements naturels; ainsi, s'il
brandit une arme, ce doit être de la main
gauche pour que la réflection le représente
agissant de la main droite.
5° L'endroit sous la scène où se meut le
spectre-acteur doit être tendu d'étoffe d'un
noir mat ; sans quoi le fond en se réfléchis-
sant sur la scène viendrait former à côté du
spectre un plan qui pourrait éveiller des
90 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSj^NTE.
soupçons. Le velours noir est Pétotïe qui
absorbe le plus les rayons lumineux. A défaut
de velours, un drap léger ou simplement une
étoffe de laine peuvent également conve-
nir.
DIMENSIONS DE LA GLACE.
Les dimensions de la glace qui doit servir
à l'expérience se règlent pratiquement de la
manière suivante :
Après avoir déterminé sur le parquet de la
scène l'endroit où doit se faire l'apparition
spectrale, on plante verticalement à cet en-
droit une planche ayant la hauteur et la lar-
geur du fantôme. Puis, fixant un fil * de
1. Dans le langage technique du théâtre, le fil est employé
par les machinistes pour le mot ficelle, qu*on ne prononce
jamais devant eux sans être passible d*une amende.
SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 91
chaque côté delà base de ce repère, on le con-
duit, en le tendanlsur le parquet, jusqu'aux
avant-scènes, ou jusqu'aux places de droite
et de gauche les plus rapprochées delà scène.
L'angle formé par ce double fil donnera la
largeur de la glace à toutes les parties de la
scène où on conviendra de Finstaller. Quant
à la hauteur, rien de plus facile encore à
déterminer : on attache au sommet de la
planche un troisième fil que l'on conduit, en
le tendant, jusqu'à la place de face la plus
élevée du théâtre. Cette ligne indiquera la
hauteur à laquelle la glace doit s'élever;
quelle que soit son inclinaison. Ces trois fils
représentent les lignes extrêmes de vision
de l'assistance ; tous les regards doivent donc
trouver place sur la glace pour la réflection
dfe l'image spectrale.
En la plaçant dans les limites tracées par
02
MAGIE ET PHYSIQUE ÂUUSANTE.
ces fils, la glace sera d'autant pins grande
qu'elle sera rapprochée des spectateurs et
vice vei'sâ.
INCLINAISON DE LA GLACE
S.jpposons, ainsi qu'il est marqué dans
la figures ci-dessous, que l'apparition doive
Fig. s.
se fane en  à cinq mètres de distance du
bo! d de la scène.
j
SPECTAES VIVANTS ET IMPALPABLES. 03
Dans ces conditions, plaçons notre glace
6 en B à deux mètres en avant de A et incli-
nons-la à 20 degrés.
EMPLACEMENT ET POSITION DE L*AGT£UR-SP£GTnE
Tirons une ligne G de prolongation et des-
cendons-la sur le papier jusqu'à environ trois
ou quatre fois la longueur de la glace. A
partir de rextrémité de cette ligne, décrivons
deux traits avec le compas ; Tun de E en G,
l'autre de A en D et réunissons-les par une
ligne GD, qui devra former avec la glace un
angle semblable à celui que forme avec cel le-ci
la ligne E A.
L'emplacement de la ligne GD et son in-
clinaison seront ceux que devra prendre
04 MAGIE £T PHYSIQUE AMUSÂKTE.
- - -. . -
Facteur pour que son image se trouve dans
une position verticale à l'endroit EÂ.
On devra comprendre que plus la glace se
redressera, moins Tacleur sera penché, mais
plus aussi il remontera au-dessus de la
scène. Dans ce cas, les bords de la trappe, en
s'élevant pour cacher Tacteur, viendraient
cacher une partie de son image aux specta-
teurs placés aux stalles et à Forcheslre,
La figure 4 montre les effets optiques de
la glace placée dans les dispositions que
nous venons d'indiquer. L'endroit où se fait
la réflection est variable pour tous les spec-
tateurs, selon la place que chacun d'eux oc-
cupe. Ainsi, pour le spectateur le plus élevé,
l'image sera sur la glace de A en B, tandis
qu'elle sera deC en Dpour le plus bas placé.
On remarquera que, à quelque endroit que se
fasse cette réflection, les angles d'incidence
SPECTRES TIYANTS ET IMPALPABLES.
95
égalent les angles de réfiection, et que ces
mêmes angles d'incidence sont également
égaux à ceux correspondants de l'image vir-
Fig. 4.
tuelle que nous avons tracée derrière la
glace.
Lorsque l'acteur-spectre ne doit pas bou-
ger de place, il s'installe sur un support
9G MAGIii; ET lllYSIQUE AMUSANTE.
ayant rinclinaison voulue, ce qui ne l'em-
pêche pas de gesticulera son aise. Mais, s'il
doit marcher, l'inclinaison du corps lui offre
des difficultés. Toutefois, comme il ne doit
se diriger que dans une direction parallèle
au plan de la glace, il peut, protégé par le
vêtement qui le drape, plier la jambe du côté
où il est penché, ce qui lui permet de mar-
cher assez facilement dans une inclinaison
de 35 à 40 degrés. Mais cette démarche est
toujours un peu guindée; il vaut mieux en-
core disposer derrière l'acteur, dans une in-
clinaison convenable, un support mobile à
roulettes qui peut être dissimulé par le vê-
tement du spectre. Ce support n'empêche
pas l'acteur de mouvoir ses jambes; il peut
donc, ainsi soutenu, marcher en avant et en
arrière dans la ligne suivie par le support.
Dans certains cas, l'acteur tient ses jambes
SPECTHES yiVANTS ET IMPALPABLES. 97
immobiles, et, le chariot sur lequel il est ap-
puyé étant lire par une corde, le fait avancer
vers les acteurs véritables, ainsi que le ferait
Fombre d'un spectre. Ce mouvement est
d'un effet très-saisissant*.
NOUVELLE APPLICATION DU TRUC DES SPECTRES.
Dans Tannée 1868, on représenta à F Am-
bigu un drame {laCmriné) tiré d'un épisode
de mes Confidences, et dans lequel figurait
un automate joueur d'échecs que j'avais con-
struit pour la circonstance. Mes collabora-
i. On peut remédier à rinconyénient de rinclinaison de
l*acteur en mettant à la place qu'il doit occuper et dans une
position pai*allèle à la glace sans tain, une glace étamée de
petite dimension (2 mètres sur 1 mètre environ). Dans ce cas,
Facteur se tiendrait droit devant cette glace, et c'est sa réflection
qui serait réfléchie. 11 serait éclairé par la lampe que Ton
placerait devant lui à côté de la glacd étamée.
98 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE*
leurs, Âdenis et Gaslineau, m'avaient de-
mandé pour le dernier acte une apparition
fantastique. J'eus recours au truc des spec-
tres et je le présentai dans des conditions
qui lui donnèrent un cachet de nouveauté.
On en jugera par ce qui suit. Le drame se
passe en Russie, sous le règne de Cathe-
rine II. Au dernier acte, un nommé Pouga-
tcheff, qui, grâce à sa ressemblance avec
Pierre III, veut se faire passer pour le défunt
monarque, cherche à soulever le peuple
russe pour détrôner Catherine IL Un savant,
M. de Kempelen, dévoué à la czarine, par-
vient, à Taide de procédés scientifiques, à dé-
jouer les projets criminels du faux préten-
dant.
On est au milieu d'un site sauvage, au fond
duquel se dessinent de sombres roche is.
Pougatcheff est entouré d'une population
SPiCTRES VIYANTS ET IMPALPABLES. 09
qui racclame. M. de Kempelen s'avance,
démasque Timposleur, et, pour achever de
le confondre, il annonce qu'il va évoquer
Tombre de Pierre III. A ses ordres, un sar-
cophage sort du milieu d'un rocher, il se
dresse, il s'ourre et laisse apparaître un fan-
tôme couvert d'un linceul. Le tombeau re-
tombe, le spectre reste debout. Le faux czar,
bien que saisi de frayeur , semble vouloir
braver cette apparition qtfil Iraile de chi-
mère. Mais le haut du linceul tombe et Ton
voit apparaître les traits livides et décompo^
ses de Tex-souverain. Pougalcheff, croyant
avoir raison de ce cadavre, tire son sabre, et,
d'un seul coup, il lui tranche la tête qui
roule à terre avec fracas. Tout aussitôt, la
tête vivante de Pierre III apparaît sur le
corps du fantôme. Pougatcfaeff, irrité de
plus en plus par ces fantastiquéS'apparitions,
100 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
court au speclre, lesaisilpar ses vêtements
et le repousse violemment dans le saico-
phage. Mais ^ la tête ne quitte pas sa place ;
séparée du coiTps, elle reste suspendue dans
l'espace, roule des yeux menaçants et sem-
ble défier sou persécuteur. La fureur de Pou-
gatcbeff est à son comble ; saisissant son
sabre à deux mains, il croit pourfendre d'un
seul coup la tête de son mystérieux adver-
saire; il ne traverse qu'un corps impalpable
qui, toutefois, se rit de sa rage impuissante.
Son arme se lève de nouveau ; mais, à ce mo-
ment, le corps de Pierre III,en grand costume
et revêtu de ses insignes, se forme au-des-
sous de sa tête. Le czar ressuscité le repousse
d'un bras vigoureux et lui dit d'une voix vi-
brante : « Arrête, sacrilège! » Pougatcheff,
épouvanté, confondu, confesse son impos-
ture... Lefafttôme s'évanouit.
I
SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 101
Voici les dispositions de celle mise en
scène. Un acleur, revêtu du brillant costume
de Pierre III, est couché sur le support,
dans l'inclinaison que nous avons indiquée;
son corps est couvert d'une pièce de velours
noir qui doit empêcher, pour un certain temps,
roule réfleclion dans la glace. La lèle seule
est à découvert et pourra se peindre dans h
glace, lorsque lalumière électrique réclairera .
Le fantôme sortant du sarcophage est un
mannequin dont la tête a été modelée sur cel'c
de l'acteur représentant le czar. Cette lêlc
peut être facilement détachée du corps.
Tout a été disposé et repéré de façon à ce
que l'image virtuelle du czar Pierre III coïn-
cide avec le corps de l'acleur-fanlôme.
A l'instant où la tète de celui-ci lombe a
terre, la lumière électrique vient éclairer in-
sensiblement la tête de l'acteur Pierre III,
0.
102 MAGIE ET PllYSiaUE AMUSANTE
qui, se réfléchissant dans la glace, semble
naître sur le corps du fantôme. Une fois ce-
lui-ci renversé, on lire subitement et d'un
seul coup la couverture qui couvre le corps
du czar, et la lumière électrique, en l'inon-
dant, reporte son image à l'endroit où se
trouve déjà la têle.
if
it •
Si Ton veut organiser le truc des spectres
dans une salle où il n'y ait pas de sous-scène,
on d oit changer les dispositions réfléchissantes
et les organiser ainsi que le représente la fi-
gure 5 ci-contre. SoitÂBGD la scène, dont
CD est le devant, ÂD et BG lés coulisses^
G l'acteur -spectre, H son image virtuelle,
SPECTRES YIVANTS ET IMPALPABLES. 109
G la glace, foniiant avec le devant de la scène
un angle de 50 degrés.
L'acteur C est invisible aux spectateurs ;
Fig. 5.
son
corps, vivement éclairé par la lumière
électrique ou celle de Drummond, porte son
image dans la glace G et parait être virtuel-
lement en H. Les points UK sont divers
rayons visuels de l'assistance qui viennent
U'i MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE.
prouver que, quelque part que Ton soit dans
la salle, les lois de la réneclion sont observées
pour que le spectre paraisse toujours en H.
Après les diverses explications que je viens
de donner, on comprendra facilement cer-
taines dispositions scéniques que j'ai oi^a-
nisées pour produire des apparitions spec-
trales, que Ton pourrait appeler , d'après
l'expression anglaise, les dissolving spectres,
les spectres fondants.
L'organisation dont je veux parler a clé
faite, pour mon propre agrément et aussi
pour celui de mes amis, dans un petit chalet
construit ad hoc au milieu de mon parc.
Pour ce spectacle, je n'ai point établi de
places assises; les quelques spectateurs qui
y assistent se tiennent debout devant une
ouverture AB, figure 6, représentant, en petit,
une avant-scène théâtrale. Cette avant-scène
SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES.
105
OU proscenium, indiquée par ABCD, se trouve
contenue dans le chalet. L'annexe GËDF est
construite en dehors et contient la scène où
se passent les prestiges optiques. La dispo-
Kl
Fig. 6.
silion de cette annexe a été prise pour que la
lumière du jour puisse pénétrer facilement
par les trappes IJ, lorsqu'elles sont ouvertes.
G est la glace formant avec le plancher KL
un angle de 70 degrés. T est Tobjet qiii doit
lOG MAGli: ET PHYSIQUE AMUSANTE.
être réfléchi dans la glace i>our paraître vir-
tuellement en S, lorsque le jour Téclairera,
Cet endroit S est également destiné à mettre
des objets qui seront vus directement à tra-
vers la glace 6 par les spectateurs. L'œil
indique la position moyenne du point de vue
des assistants.
Avec ces diverses dispositions, voici cer-
tains effets que l'on peut produire : La scène
commence par s'éclairer insensiblement en
passant par toutes les gradations entre le
plus faible crépuscule et le grand jour. On
voit alors apparaître en S une pierre tumu-
laire surmontée d'un hibou. Quelques in-
stants après, l'image d'une sainte Vierge
semble se mêler au lugubre tableau ; puis
cette statuette, se dessinant de plus en plus,
finit par prendre la place du tombeau qui
disparaît. La Tierce subit à son tour une
SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES 107
transformation : ses joues se colorent, ses
traits s^animent; elle devient vivante sous
les traits d'une jeune fille vêtue de blanc et
xx)uroimée de fleurs. Ces fleurs deviennent
bientôt un énorme bouquet au-dessous du-
quel se forme insensiblement un vase qui
prend la place de la jeune fille
Cette scène pourrait se prolonger encore :
il ne s'agirait que de substituer des objets
nouveaux à ceux qui ont dé[à paru.
EXPLICATION DE LA SCÈNE PRÉCÉDENTE.
Avant de commencer rexpérience, la pierre
lumulaire dont nous avons parlé doit être
placée en S, tandis que la statuette de la
Vierge est en T.
iOS MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
La salle et la scène doivent êlre dans unr
obscurité complète. Pour cela faire, toutes
les ouvertures et particulièrement les trap-
pes IJ doivent être hermétiquement fer-
mées.
Maintenant, si, à Taîde d'un tirage quel-
conque, on ouvre insensiblement la trappe I,
le jour éclairera graduellement l'objet placé
en S qui sera vu directement par l'assis-
tance. Lorsque cette trappe sera complète-
ment ouverte, on la refermera tout douce-
ment^ tandis qu'on ouvrira dans les mêmes
proportions la trappe J. Le jour éclairera la
Vierge placée en T, et, à un moment donné^
il en résultera que les deux images (directe
et réfléchie) étant également éclairées, se
confondront ensemble. Mais l'image T, ga-
gnant insensiblement de la lumière tandis
que l'image S en perd, finira par êlre seule
SPECTRES VIVÂ^TS ET IMPALPABLES 109
visible aux spectateurs, et la substitution
sera achevée.
L'obscurité ayant été faite sur la scène
par la fermeture de la trappe I, la jeune fille
pourra prendre la place de la pierre tumu-
laire qu'elle enlèvera ou qui s'enfoncera sous
la scène, et elle restera inaperçue jusqu'à ce
que cette trappe, en s'ouvrant de nouveau,
vienne l'éclairer. Cette ouverture s'est faite
en même temps que se fermait la trappe J ; il
y a eu, comme précédemment, mélange des
deux images et substitution. Lorsque la Vierge
est, à son tour, dans Pobscurité, on la rem-
place par le vase de fleurs, qui doit se substi-
tuer virtuellement à la jeune fille par le pro-
cédé que nous venons d'indiquer.
Ainsi le spectateur qui est en pourra
voir en S quatre différents tableaux; savoir :
1"* L'image directe du tombeau ; 2^ ce même
Uê MieiE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
K ' L I I ■ «
objet confoiidu avec l'imaga virtuelle de la
Vierge placée en T, laquelle est également
vue seule; S" cette image confondue avec
l'image directe de la jeune fille placée en S,
laquelle se yoit également seule; Â"" celle
image se confondant avec le vase de fleurs
placé en T et dont l'image virtuelle finit par
rester seule sur la scène.
Dans Torganisalion de cette expérience; il
e^t important que les distances entre la glace
et les objets soient bien les mêmes, pour que
leurs images réelles ou virtuelles se rencon-^
trent bien au même point sur la scène.
Le truc des spectres a été imaginé, en
1S63, par M. Pepper, direcleur du Paly-
technic ImtitvUon de Londres j et représenté
dans cet établissement, où il ei^cita la plus
vive curiosité.
Dans la même année, M, Hoitein, direc-
»PECTa£S VIViUTS fiT IMPALPABLES. lit
tear du théâtre impérial du Chàtelet, acheta
de M. Pepper le secret des spectres pour les
faire figurer dans un draine intitulé : le Se-
cret de miss Àwrore. M. Hestein ne recula
devant aucun sacrifice pour assurer le succès
de ce prestige* Trois énormes glaces sans
tain, de cinq mètres de oôlé chacune^
furent réunies l'une près de Tautre et pré-
sentèrent une large surface pour la réflection
de l'acteur^spectre et de ses évolutions. Deux
lumières Drummon (oxy4iydrogène] étaient
consacrées à celte expérience.
Mais, avant que ce truc fût organisé poui
sa nouvelle destination, plusieurs théâtres
de Paris, en dépit d'un brevet d'invention
bien en règle de M. Pepper, en avaient déjà
annoncé la représentation.
M. Hostein ne put empêcher ce plagiat :
malheureusement pour lui et plus encore
112 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE
m ■ < ■ ■ ■ *
pour rinventeur, les imitateurs avaient dé-
couverl au ministère de Tintérieur un brevet
pris, une dizaine d'années plus tôt (20 ocr
tobre 1852), par un nommé Séguin, pour
un joujou nommé le polyoscone, lequel jou-
jou était fondé sur les mêmes principes que
le truc des spectres.
En présence de ce malencontreux précé-
dent qu'il ignorait, M. Pepper , bien qu'étant
le véritable inventeur du truc dont il s'agit
ici, dut céder la place à ses nombreux imi-
tateurs* en reconnaissant la vérité de cet
impitoyable axiome devenu cliché à force
d'applications vraies : Rien de nouveau sous
le soleil.
1. Les prestidigitateurs Robin et Lassaigne furent ceux qui
surent à Paris mettre ce truc le plus convenablement en scène.
vu
lE PANIER INDIEN
e panier indien a été
;)r(îsenlé à Londi-es en
! 865 par le colonel Slo-
(!are,dans son Théâtre
du mystère, Egyptian
hall, Piccadilly.
On a dit que ce truc avait été rapporté de
l'Inde par le colonel magicien ; dans ce
cas, si l'on en juge par ce qui va suivre^
la mise en scène première du panier in-
dien a dû être considérablement modifiée
110 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
pour sa présentation devant le peuple an-
glais.
Au lever du rideau, on voyait, sur une table
légère et dégarnie de tapis, un panier en
osier de la forme d'un carré long.
Le colonel entrait en scène ; il était suivi
d'un charmant enfant portant avec aisance
le costume traditionnel des princes in-
diens : la robe blanche de cachemire bro-
dée d'or; la coiffure surmontée d'une
plume de paon soutenue par une aigrette de
diamants.
— Que vois-je? disait le colonel, un des-
cendant de cette nation qui a égorgé les
Anglais I
— Je ne suis qu'un enfant, soupirait le
prince.
— Cela ne m'empêchera pas de te mettre
à mort.
LE PANIER INDIEN. 117
— Grâce! grâce! s'écriait rinnocent.
— Point de pitié, tu vas mourir.
L'enfant voulait fuir mais le colonel le
saisissait, et, Fenievant à bout de bras, il le
plongeait dans le panier, dont il fermait et
bouclait le couvercle. 11 tirait ensuite son
épée^ et, après en avoir vérifié Tacuïté en en-
fonçant la pointe dans le parquet, il en
frappait le panier à coups redoublés et le
transperçait de part en part.
A chaque coup, l'enfant jetait des cris de
douleur; Tépée reparaissait, chaque fois,
teinte du sang de la victime. Puis les cris
s'affaiblissaient de plus en plus, et bientôt
l'on n'entendait plus rien.
Le public était sous l'impression d'une
indicible terreur; les daraes demandaient
grâce et se couvraient le visage de leur
éventail,
7.
il» MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
Les hommes criaient :
— Assez ! as«ez !
On était irrité, exaspéré; tant était réelle
celte scène de carnage. Peu s'en fallut qu'on
ne fît un mauvais parti au colonel Slodare.
Mais celui-ci, changeant subitement de ton
et, prenant un air souriant, s'adressait ainsi
à l'auditoire :
— Dois-je vous rappeler, mesdames et
messieurs, que je ne présente ici que des
illusions? Calmez-vous donc, je vouspricy et
soyez sans inquiétude sur le sort de moK
jeune Indien, qui est en ce moment sain
et sauf, puisqu'il a quitté son élroite pri-
son .
Le magicien, ouvrant alors ïe panier, mon-
trait qu'il était vide. L'enfant, en effet, n*y
était plus.
Pendant qife l'assemblée s'extasiait, le cd-
LE> PANIER INDIEN. M9
X
lonel indiquait du doigt une loge de face
dans laquelle le jeune prince indien, frais et
dispos, prenait de joyeux ébals, et, de sa pe-
tite main, envoyait des baisers à ra$sislance,
ainsi qu'à son bourreau pour rire*
EXPLICATION.
Le panier du colonel Slodare était posé sur
une table semblable en tout point à celle
que nous ^allons décrire pour te décapité
parlante Une fois enfermé, Fenfant ouvrait
une trappe pratiquée dans le fond du pafiîer,
et correspondant avec l'ouverture de la
table ; puis , prot^é par les deux glaces
élamées qui y réunissent les pieds de ce
meuble, il^ se glissait derrière ce double
120 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
■-- ■ ■ ^
écran et, de là, il poussait les cris de
détresse exigés par la mise en scène. Puis
enfin, la comédie étant terminée, il passait
sous le théâtre et se rendait à la loge qui lui
était réservée.
Une éponge imbibée de couleur rouge et
placée convenablement dans le panier, si-
mulait le sang et en imprégnait Tépée qui la
traversait.
On doit comprendre que, dans ce truc,
le colonel se gardait bien de passer devant sa
table; sans quoi, ses jambes se seraient
réfléchies dans les glaces et eussent ainsi
dévoilé au public les secrets prestigieux du
panier indien.
Au dire du colonel Stodare, ce tour qu'il a
rapporté de l'ïnde est tel qu'il l'a vu exécuter
par les enchanteurs de ce pays. Celte asser-
tion n'est vraie qu'en partie : c'est bien le
LE PANIER INDIEN. 121
même panier, en effet, mais ce n'est pas la
même mise en scène.
Les Indiens qui pratiquent ce truc depuis
longtemps sur la voie publique n'ont jamais
fait usage de la fameuse table à glaces dont
ils doivent même ignorer l'existence, puis-
qu'elle est d'invention récente.
Ce qui a sans doute forcé le colonel de
modifier cet escamotage, c'est que, pour se
conformer à la méthode de ses confrères en
magie, il lui eût fallu revêtir la robe tradi-
tionnelle des magiciens indous; ce qui se
fût, certes, fort mal accordé avec son cos-
tume américain, et les insignes de son grade.
Le véritable tour du panier indien est
beaucoup plus simple de présentation que
celui que nous venons de décrire. On en
jugera par la description suivante, que nous
donnons comme très-exacte.
h •
i22 HÂGIE ST PHYSIQUE AMUSANTE.
Le panier étant semblable à celui du co-
lonel Stodare, nous nous dispenserons d'en
faire une seconde fois la description. Nous
ne parlerons que de Tescamolage de V^dfont
^t de son apparition parmi les specta^
tenrs.
Une fois l'enfant enfermé dans le panier
^i est posé sur le sol, l'Indien boucle le
c;ouTercle ai^ec des lanières de cuir, et, pour
faciliter cette opération, il appuie k ^noa
sur le psnier. Le fond se trouvant umsi
tourné vers l'opérateur, l'enfant sortpw une
trappe habilement pratiquée dans le panier
et se eacbe Tivement sous la robe du magi-
cien^ doDi la position facilite cette introduc-
tion.
Puis, tandis que celui-ci transperce le
{Kwier de s«a éféê et que toute l'attentîoii
se porte à cel endr(yt, }e petit Indien , s'é^
LE PÂniER INDIEN. 122^
chappant de derrière la robe, s'éloigne un
peu de l'assistance sans être vu et revient
ensuite se mêler aux spectateurs en poussant
des cris de joie. Le magicien montre alors
que le panier est vide.
Au dire de la personne qui m^a commu-
niqué ces renseignements, ce truc, ainsi exé-
cuté, est d'un effet saisissant.
i
124 MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE.
DEUXIÈME MANIÈRE D'EXÉCUTER CE TOUR.
Le panier indien peut s'exécuter d'une
autre façon, sans avoir recours à la table
du décapité. Deux simples tréteaux suffisent
alors pour supporter le panier, dans lequel
se trouvent certaines dispositions pour ca-
cher et faire disparaître aux yeux du pu-
blic Tenfanl que l'on y a enfermé.
Les figui'es suivantes feront aisément
comprendre l'organisation de ce truc.
La figure 1 représente le panier, ouvert,
prêt à recevoir l'enfant. La figure 2 est la
coupe de ce même panier lorsqu'il est fermé
et qu'il contient le Jeune acteur.
On voit en A et B un double fond mobile
LE PAHIER INDIEN.
dont le centre de mouvemenl est en C. Ce
doub'e fond est plus fidèlement représenté
dans la figure 3. Mais alors il a changé de
place, ainsi que nous allons l'expliquer'.
Pour faire disparatlre Tanfant, on abaisse
1. Les personnes qui s'occupent de machinerie théâtrale
comprendront ce truc d'autant plus lacilemeat qu'elles doiTeot
186 . HACIE ET PRTSIQIfï ABCSAHTE.
le dessus du panier, en le tournant vers le
public. Mais le fond du panier A et la partie
^ qui en dépend ne prenoent pas part à ce
mouvement. Le poids de t'eD^Dl, appuyant
:sur le fond A, le kvee à rester en place, et.
par ce fait, la partie B vient boucher le fond
du panier, ea suivant la ligne ponctuée
(fig- 2).
Pour pouvoir passer l'épée à travers le
panier sans risque de blesser l'enfanl, le
le reconnaître pour avoir été emplojé dam cerfaiiua féeries
KHu la nom de la Ml* de TarhfMR.
LE PANIER IUDIBII. f«7
-■--■--■■ ■ ■
magicien agit avec certaine» réserves et
prend des précautions : il a des repères
indiqués sur \e panier pour enfoncer son
épée, et pour êlre sur qu'il n'y aura )7a9
d'erreur^ il est conyenu avec ren£ant qu'en
enfoncera très^peu l'épée et que, une fois en**
trée dans le panier, il la dirigera lui-même
pour ne pi» en être blessé. Il y a suffisam^
ment de place dans le panier pour que l'en-»
fant se replie vers l'une ou l'autre de ses ex-
trémités»
Il nous reste à expliquer comment on
peut faire apparaître l'enfant dans une loge,
bien qu'il reste enfermé dans le panier r il
faut pour cela avoir deux enSaints de même
taille et portant le même vêtement et k
même coiffure.
Un des deux enfants entre en scène avec
le magicien^ qui, pour une cause ou pour
428 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
une autre (cela dépend du boniment), an-
nonce qu'il va l'enfermer dans le panier.
Mais, afin qu'il ait moins peur dans celte
étroite prison, il lui met un large bandeau
sur les yeux. L'enfant, effrayé cependant de
ces préparatifs, s'échappe des mains du
prestidigitateur. Il est ressaisi toutefois par
son bourreau à l'instant où il vient de fran-
chir une porte latérale de la scène, et plonge
sans rémission dans le panier.
Cette petite scène a pour but une sub-
stitution de personnage : l'enfant sosie ayant
également un bandeau sur les yeux se tient
près de la porte dans la coulisse, et vient se
substituer à la victime à l'instant où celle-ci
se dirige vers la loge dans laquelle elle doit
apparaître. Le nouveau venu, que l'on prend
facilement pour le fugitif, est enfermé dans
le panier et se livre à la comédie que nous
LE PANIER INDIEN. 120
venons de décrire; puis, lorsqu'on le fait
disparaître derrière le double fond du panier,
son camarade, dont on connaît la figure
pour ravoir vue découverte, paraît dans la
loge et adresse ses salutations enfantines à
rassemblée.
vin
MANIFESTATIONS SPIRITE&
'ascension d'un corps
humain et son balan-
cement dans l'espace ;
!e soulèvement d'une
table et son transport
d'un lieu à un autre sont des faits médianimi-
ques grâce auxquels M. Home, le célèbre mé-
dium américain, a, pendant quelque lemps,
passé parmi nous pour un être surnaturel.
La science a pu imiter ces prestigieux
phénomènes et des hommes intelligents en
134 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
ont fait le fond d'une exhibition Irès-intéres-
sanle\
Ces illusions scéniques ont sur le prestige
réel l'avantage de ne dépendre aucune-
ment du bon vouloir des esprits de l'autre
monde, el d'être, par ce fait, d'une réussite
assurée.
EXPOSITION DE L'EXPilIHCfi.
La scène sur laquelle les manifœtitkms
spirites doivent se produire est Tide de tout
meuble, à l'exception d'une table d'appa-
rence assez lourde et d'une ehaise. La tabie
6^ reléguée sur le côté de la scène.
La porte du fond s'ouvre ; un monsi^n
1. Cette expérience a été imaginée en 1868 par HM. Peppcr
et Toldii et ropréseatée par eux II Po^^icdbw liMltiirfitti^
^
lUAIPESTATiaiVS SPIRITBSL f%
esklre^ tenant par la mai» une dame qu'rl
présente à Tassistance comme un sujet mé-
dian! mique d'une grande puîssance. Cet ex*
posé t^miné, le monsieur prend la cdiaise»
h pose au milieu de la scène^ et la dame
s'y assied.
Le pseudo-médium commence par débar-
rasser la dame d'un gros bouquet qu'elle
lient à la main ; il va le déposer sur un des
coins de la table et revient avec le plus
grand sérieux se livrer sur son sujet à des
passes plus ou moins magnétiques.
Bientôt la dame s'endort oc( semble s'en-
dormir^ et 7 tout en restant assise sur sa
chaise, elle s'enlève en l'air el s'y balance
doucement, sans qu'il soit possible de dis-
lingner aucun support qui la soutienne;' elfe
étend ensuite languissamment la main vers
la table, et tout aossi'dl celle-ci s'éfôve à son
136 MAGIE El PHYSIQUE AMUSANTE.
tour et s'approche assez près d'elle pour
qu'elle puisse y prendre son bouquet, qui,
du reste, se présente sous sa main. La table
retourne ensuite à sa place, et bientôt la
dame, descendant mollement à lerre, se ré-
veille, se lève de sa chaise et quitte la scène.
EXPLICATION.
La chaise et la dame sont soulevées par
une glace lians tain placée au-dessous
d'elles dans une position verticale et faisant
face au public. La table est enlevée par le
même procédé , mais avec une organisation
différente. Voici quelles sont les dispositions
de ce truc:
Au milieu de la scène et sous le parquet
MANIFESTATIONS SPIRITES. 137
sont placés, dans une position verticale, deux
«
montants de bois à coulisse dans lesquels
peut glisser une glace épaisse et bien trans-
parente. Par des dispositions mécaniques
qu'il est facile de se figurer, la glace, en
glissant dans les coulisses, peut s'élever ver-
ticalement au-dessus du parquet en passant
par une fente qui y est pratiquée. Un pla-
teau en bois d'une soixantaine de centimè-
tres carrés, solidement fixé sur les bouts
supérieurs de la glace, sert à supporter la
chaise et la dame qui s'y assied. Ce plateau,,
lorsqu'il est soulevé par la glaqe, peut être
facilement caché par les jupons de la dame
qui tout naturellement tombent dessus.
Mais le plateau, qui est à fleur du plan-
cher, laisse, en s'élevant ,. une ouverture
béante qu'il est bon de boucher aussitôt. A
cet effet, un second plateau, pousgépar des
8.
138 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
ressorts ou contre-poids, vient se substituer
au premier ; puis il se retire lorsque celui-
ci vient reprendre sa place.
La glace qui supporte la chaise, si elle
est suffisamment épaisse, n'a pas besoin
d'être plus large que le plateau. Du reste, sa
position verticale lui permet de supporter
un grand poids sans risque de se briser.
Les montants dans lesquels glisse la glace
peuvent être convenablement reliés ensemble
pour ne plus former qu'un cadre solide. Ce
cadre, garni de roulettes à sa partie infé-
rieure et placé sur un petit chemin de fer,
peut glisser à droite ou à gauche et trams-
porter la personne enlevée pour simuler son
balancement dans l'espace» Il faut, pour cela
foire, qu'il y ait, pratiquée dans le parquet,
une fente suffisamment longue pour que fo
glace puisse s'y pomener à l'aise. Voici
û
f
MANIFESTATIONS SPIRITES. 159
quelques précautions à prendre pour la réus^
site de l'expérience :
1"* Afin de dissimuler les fentes et les joints
d'ouverture, on couvre le parquet d'un tapis
à bandes de couleur foncée. Un morceau de
ce tapis doit être également placé en raccord
sur le plateau du dessous.
2"" La lumière qui éclaire la scène doit
être diffuse et assez faible pour donner une
dcmi-obseurité. Cet état de lumière se rè-
gle, du reste^ par le tâtonnement. La glace
ni ses bords ne devant être aperçus d'aucune
partie de la salle, il faut donc diminuer Fin*
tensité de la lumière jusqu'à ce qu'on ait
obtenu ce résultat f plus les spectateurs sont
éloignés^ moins ce demi-jour est néces-
saille
La lumière de la rampe ne convient pas
pour cette eipérience, parce qu'elle <k>nne
if-^
■r.iw
140 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
des reflets dans la glace et qu'elle en dévoile
ainsi la présence.
5"" Il est bon que la dame qui paraît en
scène soit vêtue de blanc et que la chaise et
la table soient également d'une couleur ten-
dre afin d'être plus facilement distinguées
dans la pénombre.
L'enlèvement de la table et son trans-
port se font par les mêmes procédés que
cenxindiqués pour l'enlèvement de la chaise;
seulement, la glace est en dessus de l'objet
au lieu d'être en dessous. Au lieu de soule-
ver la table en la poussant du bas, elle l'é-
lève en l'attirant vers le haut. Dans le pla-
fond est pratiquée une fenle à travers la-
quelle descend une glace qui est fixée au-
dessus de la table. La glace, en s'élevant par
les mêmes procédés que ceux que nous avons
décrits pour la chaise, enlève la *able et la
HâMIFESTâTIONS SPIRITËS. 141
dirige vers la dame. A cela près de leur
action inverse, ces deux trucs n'en font
qu'un.
Il serait mieux, pour Teffet scénique, de
placer la table dans un des coins de la scène
et de la faire arriver jusqu'à la dame en lui
faisant suivre une ligne diagonale.
Voici maintenant, pour Tenlèvement de la
lable , un procédé beaucoup plus simple et
surtout moins coûteux que je propose, sans
aucune idée de critique, pour le truc précé-
dent :
On ferait une table ayant une apparence
massive, mais qui serait par le lait très-lé-
gère. Cette table serait construite en carton,
en bois mince ou en lames de liège; on la
suspendrait avec des fils de fer très-minces^;
1. On Tend dans le commerce du fil de fer presque aussi fin
çi'un cheveu qui serait suffisamment résistant pour cet objet.
142 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSARTE.
ces fils passeraient par des fentes également
très-minces pratiquées dans le plafond. A
quelques pas; il serait impossible d'aperce-
voir ni les fils nî la fente, même avec plus
de lumière que dans le précédent truc. C^esl,
du reste, un procédé que j'ai employé et qui
m'ci très-bien réussi*
IX
LE BUSTE DE SOGRATfi.
ueTon se lïgare, isolé ef
suspendu au milieu de
la scène, un buste vivant
représentant les formes
physiques de Soci'ale.
Cette réduction du grand philosophe ne
l'empêche pas de parler et de s'annoncer
lui-même par quelques vers élégiaques. Co
noble Athénien lui donne la réplique dans
un dialc^ne qui molive le jeu de la physio-
nomie du plus sage des sages de la Grèce^
146 VAGIE ET PHÏSIQVE AMUSANTE.
Telle esl la mise en scène de ce truc ingé-
nieux représenté dans la figure ci-dessous :
if 1
BXPLICATIOn.
A B G D (fîg. 2) est une coupe de la scène
où se passe le prestige. Une glace étamée
G G, tenant toute la largeur de la scène, est
placée diagonalement dans la pièce en par-
tant de la partie supérieure du fond B jus.-
LE BUSTE DE SOGKATE.
147
qu*auprès de la rampe C el forme ainsi avec
le parquet un angle de 45 degrés.
Au milieu de celle glace esl un Irou pai
Fig. 2.
lequel Tacteur passe sa lête el son busle.
Voyez la figure.
Disons encore que le plafond el les deux
côtés de la scène sont tapissés par un même
U8 ÎIAGIB ST PHYSIQUE AMUSANTE.
: , 1 . —^
papier de tenture ^t qu'ils sont vivement
éclaiVés par la lumière de la rampe G ou
par des becs de gaz placés derrière le ban-
deau A. .
D'après ces dispositions, voici ce qui se
passe : le plafond A B se réfléchit dans la
glace et son image paraît être aux specta-
teurs la tenture du fond B D, qui est cachée
par la glace.
*
Par cette réflexion que l'on ignore, il
semble que l'on voie les trois côtés de la
scène et aucune supposition de glace ne
venant à l'esprit, on peut croire que le buste
est isolé dans l'espace .sans aucun sou-
tien.
Si les spectateurs ne dominent pas h
scène, le personnage qui est en scène peut
se tenir près de îa glace, sans crainte qu^n
voie son image en raison de l'inclinaison âe
LE BUSTE DE SOCRATE.
149
la glace. Dans un théâtre où généralement
les places sont três-élevées, Fadeur serait
#
oblîgé de se tenir en dehors de la scène cl
plus bas que la plancher*
CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE.
L ette expéi'ienceimaginée
parM.WheasIone, le cé-
lèbre physicien aidais,
a été présentée à Londreg
< hPolytechmcInstUwtiûn
dans l'année 1855.
Voici quellfs sont les dispusitions scéni-
ques de ce prestigieux phénomène :
Sur le milieu de la scène sont rangées en
un demi-cercle quatre harpes d'Érard, qui
doivent reproduire les sons d'instruments
154 MAGlË.i;r PHYSIQUE AMUSANTE.
_ . •• * — — .
«
dont on doit jouer dans les caves profondes
de rinslitut. Ces instruments sont un piano,
un violoncelle, un violon et uneclarinettCo
A cet effet, on a fixé sur les tables d'har-
monie des harpes quatre petites tringles
verticales en bois de sapin de deux centimè-
" très environ de diamètre qui, descendant
perpendiculairement, traversent la scène et
les plafonds inférieurs el vont jusqu'à la
cave se fixer : la première à la table d'har-
raonÎB du piano, la seconde à l'ame du vio-
loncelle, la troisième à l'âme du violon, la
quatrième à Tanche de la clarinette.
Afin de pouvoir, au besoin, interrompre
les vibrations entre les instruments et les
harpes, on a coupé les tringles à quelques
centimètres au-dessus de la scène, ce qui
ne les empêche pas de porter Tune sur
l'autre et de transmettre les vibrations. En
CUniEUSE EXPËRIEnCE.D'ACOUSTIQnE. IGS
faisant tourner les harpfô sur elles-mcmcs
on opère la séparation des tringles.
Nota. — Les tringles doivent être isolées
des planches, à travers lesquelles elles pas-
sent pour empêcher des vibrations qui pour-
raient être nuisibles à l'effet. Cet isolement
se produit en faisant les trous plus grands
que les ligesou en soutenant celles-ci par des
corps les moins susceptibles de vibrations.
450 HÂGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
- ' ■■ ■ ■ ■ ■!■ m^
I
Voici comment M. Pepper procède à l'ex-
périence:
En frappant sur la tringle n* 1, il avertit
le pianiste de toucher son instrument. Les
sons amenés par la tringle et répétés parla
table d'harmonie de la harpe correspondante
sont parfaitement entendus par tout l'audi-
toire; ils n'ont presque rien perdu de leur
force, et pas une note de l'air joué n'est
altérée dans son timbre, son ton, sa succes-
sion, son mouvement. Mais, si, pendant que
Tairjoue, on fait cesser, en tournant la harpe,
la communication ou le contact des tringles,
on n'entend plus rien, absolument rien.
M. Pepper procède de la même manière
pour les trois autres instruments et les trois
harpes ; il constate que le son qui n'est en
aucune manière entendu, quand les tringles
de la table d'harmonie ne sont pas en contact
CURIEUSE EXPËRIEMGE D'ACOUSTIQUE. i57
avec la tringle de l'instrumeat, est perçu,
dès que le contact est rétabli, aussi bien que
si les instruments étaient sur la scène.
M. Pepper, en frappant sur les quatre
tringles simultanément, avertit les musi-
ciens de jouer un quatuor : le quatuor est
transmis, avec une grande exactitude, aux
tables d'harmonie, et ce concert sans musi-
ciens apparents produit une émotion singu-
lière parmi les assistants. Enfin, au beau
milieu du quatuor, M. Pepper faisant tour-
ner successivement les quatre harpes, inter*
rompt leurs communications avec les in-
struments, et le concert finit, non pas faute
d'exécutants, puisque ceux-ci n'en conti-
nuent pas moins à faire résonner leurs in-
struments, mais parce que les vibrations
sonores, n'étant plus renforcées par les tables
d'harmonie, restent à l'état rudimenlaire de
158 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
»■ ■■■■■ ■ ■» il—i.i ■ ,, , m^.- m . m , m I ^— ^i^^^^^^^ ■ i ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■^■^— ^^^
mouvemeat mécanique et s'éleignenl dans
Tair.
Au point de vue d'une exposition scienti-
fique, celle expérience est fort bien présen-
tée et produit un très-grand effet ; mais, sous
le rapport du prestige scénique, on eût pu en
tirer des illusions merveilleuses et en faire
d'excellents trucs; en admettant toutefois
que le principe n'en fût point divulgué. Il
s'agirait, pour cela, d'apporter quelques lé-
gers changements à la mise en scène de
cette exhibition et de la présenter sous un
tout autre aspect.
En voici deux exemples que je vais don-
ner :
De quelque manière que soit présentée
cette expérience, la modification la plus im-
portante à apporter, c'est que le phénomène
se passe aussi près que possible des specla-
CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. 159
leurs, ^Rn qu'ils soient bien convaincus de
la réalité des faits qu'on leur annonce ; car,
à une certaine dislance, il est difficile de s'en
rendre compte, et le public, généralement
soupçonneux, pourrait très-bien supposer
qu'on le trompe et que les sons, au lieu de
sortir des harpes, viennent simplement de la
coulisse ou même du dessous de la scène.
Alors, adieu le prestige et ses illusions 1
11 faut donc établir une estrade parmi les
spectateurs, et au milieu d'eux, si cela est
possible. Le dessous de cette estrade serait
garni d'un certain nombre de supports en
bois de sapin parmi lesquels se confondraient
les liges vibrantes. Ce dessous, du reste, se-
rait caché par une draperie que Ton pourrait
relever au besoin, pour montrer qu'elle ne
cache ni musiciens ni instruments.
Celte disposition prise, el en se confor-
160 HAGIE ET PHYSIQUE AHUSÀMTK.
manl aux principes énoncés dans l'expé-
rience précédente, on mettrait sur Peslrade
deux harpes communiquant par des tiges
avec deux autres harpes placées dans les
caves entre les mains de deux harpistes.
On pourrait alors annoncer Texpérienoe
des
HARPES ÉOLIENNES JOUANT SOUS LE SOUFFLE
D'ESPRITS MÉDIANIMIQUES.
On comprend tout Tétonnement que peut
produire un pareil spectacle : deux harpes
parfaitement isolées jouant un duo, s'arrê-
tant l'une ou l'autre ou toutes deux au com^
mandement du pseudo-médium; puis re-
commençant sur un nouvel ordre; cela tien*
drait du merveilleux.
i5
CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. 161
Nùta. — Pour transmettre mystérieuse-
ment aux musiciens Tordre de jouei' on de
s'arrêter, une personne placée dans un coin
de la salle pourrait sur certains gestes du
physicien ou même sur Fordre précis s'adre&-
sant aux prétendus esprits, toucher, à l'insu
des spectateurs, un bouton communiquant à
une sonnerie électrique placée dans la ca^e.
L'expérience étant ainsi présentée, il ne
serait pas nécessaire que tes musiciens
fussent placés dans une cave; il suffirait
qu'ils se tinssent dans un appartement infé-
rieur d'où Ton n'entendit pas le jeu des in-
siruments à travers le parquet de la salle.
Voici encore un autre truc, ne dilTéranl
qne par la mise en scène des expériences
précédentes, mais présentant des faits beau-
coup plus mystérieux.
Aux qualre coins de l'estrade dont nous
162 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
— . ■■ ■ ,.. ■ ■ -ii,
avons parlé plus haut sont placés quatre
petits guéridons dont le pied central est
creux.
Ainsi que dans la démonstration expéri-
mentale de M. Wheaslone, un piano, un vio-
loncelle, un violon et une clarinette sont
installés dans un étage inférieur ; les tiges
de sapin qui y sont fixées montent perpen-
diculairement jusqu'à Teslrade, traversent
les pieds des guéridons et aboutissent un
peu au-dessus de leur tablette. Ces tiges,
ainsi que nous l'avons déjà dit, doivent être
dans tout leur parcours, isolées de tout
corps vibrant pour ne rien perdre de leurs
propres vibrations. Ces dispositions étant
faites à Tavance, voici comment on procé-
dera à Texpérience dont il s'agit et que Ton
peut nommer un concert des esrrrits (Tun
autre monde.
CURIEUSE ËXPËRIEriCE D'ACOUSTIQUE. 163
\:ONGERT DES ESPRITS D*UN AUTRE MONDE.
On présente au public quatre cassettes en
bois de sapin très-mince et qui sont fermées
à clef; en annonçant que Ton y tient enfer-
més certains esprits qui, sans le secours
d'aucun instrument, exécutent d'excellente
musique. Cela dit, on dépose les cassettes au-
dessus de chacune des liges conduisant aux
divers instruments. On doit comprendre
déjà que ces cassettes remplacent les harpes
et tiennent lieu de tables d'harmonie. On a
soin de les placer de façon que leur fond
inférieur appuie bien sur Textrémilé de la
lige de sapin. Quatre petits pieds sont adap-
tés à ces cassettes pour isoler le fond de la
164 MAGIE ET PHYSIQUE AMîlSANTE.
tablelle du guéridon et les empêcher de va-
ciiler.
Ainsi que dans la démonstration expéri-
menlale, on frxippe un coup sur les cassettes
pour avertir les musiciens de jouer de leurs
instruments ensemble ou séparément; ce
-coup, donné lorsqu'ils jouent, sert à les faire
arrêter.
Comme le public entoure l'estrade, il lui
ost possible de s'assurer que les sons sortent
bien des cassettes, ce qui doit produire un
-effet très-saisiissant.' - .
Mais il péiil aussi venir à l'esprit de quel*
« •
<}ues personnes que les boîtes contiennent
des macbines capables de reproduire ces
sons, ainsi que cela a lieu, du reste, dans
les boîtes à musique. Dattis ce cas, l'observa*
lion qui pourrait en être faite. serait d'un
très-heureux effet pour le succès de Texpé*
CURIEUSE EKPÉHIiJSiCSl D'ACOÏÏStl<}UE. i^
ê '
rience, puisque, lorsque le concert est ter-
miné, on ouvre les cassettes pour montrer
qu'il n'y a rien dedans et qu'on les remet
^tre les mains des spectateurs afm qu'elles
soient mieux examinées.
Comme corollaire de œs diverses expé-
riences, je vais donner ici la descriptium de
deux petits trucs, tirés des mêmes principes
et que j'avais organisés chez moi pour l'a-
grément de mes amis: Je premier de ces
trucs portait le nom de
ESPUIf FRÂÎ>PBU^
C'était une im i talion parlielie de cette expé-
rience médianimique au moyen de laquelle,
à certaine époque, quelques personnes auto-
risées par une puissance souveraine ot»U
tee MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
conversé avec de& esprits invisibles d'un au-
tre monde *.
Mon truc des esprits frappeurs était orga-
nisé dans une salle à manger qui me seiirait
également de petit salon pour mes intimes.
J'avais choisi cette pièce parce que la table
me servait à cacher certain artifice de l'ex-
périence.
Voici comment le truc était présenté:
1 . Je dois avouer ici que je n*ai jamais eu la bonne fortune
d'assister à aucune de ces mystérieuses conversations, bien que
je Taie vivement désiré. Dans Tannée 1857, un de mes amis
qui, en raison de son ardente foi dans les facultés surnaturelle^
de M. Home, avait un accès facile près de lui, essaya vainement
de me faire assister à Tune des séances intimes du célèbre
médium américain ; celui-ci éluda toujours cette rencontre, et
je dus me contenter des merveilleux récits qui me furent
donnés par les personnes privilégiées. Sans vouloir contester en
rien la véracité de faits que je ne connaissais que par ouï-dire,
je crus pouvoir me permettre de reproduire artificiellement
Tune de ces merveilles et je construisis mon esprit frappeur.
Si la puissance spirituelle des médiums existe réellement, ce
n'est certes pas cette innocente plaisansepe qui pourra leur faire
du tort
CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. 167
Prenant en main une tige en fil de fer d'un
mètre cinquante centimètres environ de lon-
gueur, dont chaque extrémité se terminait
par un crochet, je la suspendais au plafond
en la passant dans un anneau ou piton qui
s'y trouvait fixé. Au crochet inférieur je pas-
sais l'anse d^un petit coffret de bois de sa-
pin, lequel se trouvait ainsi suspendu à
quarante centimètres environ au-dessus de
la table.
On s'asseyait autour de la table ; on se
tenait par la main afin d'établir un cercle
magnétique, et, après quelques instants d'un
sérieux recueillement que je provoquais par
un maintien d'une inspiration imperlur-
bable, on procédait à la constatation de l'es-
prit qui, selon que je l'avais annoncé, était
enfermé dans la boîte.
— Esprit, êtes- vous là?
iéS UAGïE ET PHYSIQUE AHUSAKTE.
Trois forts conps frappés dans h boîlc
donnaient une réponse convaincante aux as-
sistants.
Chacun, alors, de faire des qpaesttons aux-
quelies l'esprit répondait le plus laconique-
ment possible ; car, on fesait, dans ce genre
de conyersalion , les causeurs de l'autre
monde nous sont bien inférieurs sous le
rapport des procédés du langage : ils sont
obligés, pour exprimer un mot, de séparer
les lettres qui le composent et d'indiquer
chacune d'elles en frappant un nombre de
coups correspondant au nombre de Fordre
cpe cette lettre^çciipê dans Talpliabei. Un
co^p' pour A ; deux pour B ; trois pour C .n. . ,
etc. ; ce qui ne laisse pas que d'être très-long
pour certains mots ; mais on est patient lors-
qu'il s'agit d'être témoin de faits aussi mer-
veilleux.
N
CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. t69
Au bout <i« quelques instants de couver^
salion^ Vesprit prenait brusquement congé
de rassemblée en répondant par le mot adieu
à Tune des questions posées^ et, quelque iu^
sistance que Ton mît à continuer la séance,
on n'entendait plus rien.
La boîte se trouvant placée à hauteur de
tête, chacun avait pu constater que les coups
en sortaient réellement ^ aussi Tétonnement
était-il grand lorsque^ décrochant cette cas-
sette et l'ouvrant^ je la âiisais circulet^ poiDr
être examinée.
Il arrivait le plus souvent qu'on me quit-
tâfl sans savoir au juste à' quoi s'en tenir sur
la nature de cette expéiîence.
L'idée de ce truc m'avait été éxf^ée
par l'expérience de M. Wlieastoïfô que j'ai
relatée plus haut; seulement, j'en avais con-
sidérablement modifié les dispositioifô^ ainsi,
10
170 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
au lieu de faire monter les vibrations so-
nores par une tige de bois de sapin, je les
faisais descendre par un fil de fer jusqu'à la
cassette qui servait de table d'harmonie
pour renforcer les sons.
Voici comment ce truc était organisé. La
boucle, fixée au plafond, avait comme pro-
longement une tige métallique qui traversait
le plancher et venait aboutir dans l'appar-
tement supérieur et se fixer à une petite ta-
blette en bois de sapin. Cette tablette était
supportée par de petits piliers en caoutchouc
pour empêcher ses vibrations de se commu-
niquer au parquet de l'appartement. Un
électro-aimant, placé sur cette tablette, était
disposé de façon à pouvoir frapper sur le pro-
longement de la tige métallique. Enfin, une
touche électrique placée près de mon pied
droit me permettait, en la pressant, de fer-
CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. 171
mer le circuit et de frapper ainsi le nombre
de coups en rapport avec la réponse que je
voulais faire. C'était alors, on le comprend,
m
Fig. 2.
mon pied qui remplissait le rôle d'esprit
frappeur.
Les explications que je viens de donner
et la figure ci-dessus indiquent suffisam-
ment ce qui se passe dans celle prestigieuse
lis MAGIE ET PHYSIQUE AHUSÂI^TE.
expérience : le bruit de la percussion pro-
duite par réleetro-aimanl se renforce sur la
tabletle d'harmonie, et celle-ci transmet ses
vibrations à la casselle par rinlermédiaire
de la grande tige métallique. Les spectateurs
n'enlendent que les sons qui semblent sor-
tir de la cassette.
Lorsque la vogue des espnts frappeurs fut
passée et que mon truc n'avait plus sa raison
d'être, je le transformai en un autre truc
plus intéressant encore et que je nommai :
LES ONDES SONORES.
Cette modification était très-simple : c'é-
tait toujours U même cassette suspendue au
plafond comme précédemment; seulenient, la
tabletle du haut était remplacée par une de
CURIEUSE EXPÉRIENCE D*iCOUSTIQUE. 175
ces grosses musiques à ressort dites musi-
ques de Genève, et c'est au fond de celte
boîle formant table d'harmonie que la lige
du pilon venait se fixer.
Cette disposition fera comprendre que,
lorsque la musique jouait, tous les sons se
reproduisaient dans la petite cassette par les
mêmes raisons que nous avons données dans
le truc précédent.
Pour compléter l'expérience, j'avais placé
sur une tablette, dans un des coins de la
salle une autre boîle à musique dont les airs
étaient en tout point semblables à ceux de
la musique placée à l'étage supérieur.
Je présentai ce truc comme une expérience
expérimentale et sous le titre de transmis^
sion des ondes sonores.
Après quelques explications données sur
la nature des ondes sonores, j'annonçais que
10;
174 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
des sons pouvaient se transporter, d'une
table d'harmonie à une autre, lorsque ces
deux tables étaient accordéesau même dia-
pason, et que, comme application de ce prin-
cipe, la cassette isolée et suspendue allait
répéter les airs joués par la musique (il s'a-
gissait seulement de la musique du bas,
l'autre étant censée ne pas exister). Je pous-
sais alors la détente, et à peine la première
phrase musicale était-elle terminée, que j'in-
terrompais subitement. Tout aussitôt on
entendait se répéter dans la boîte la partie de
l'air qui venait d'être joué. Je continuais en
faisant jouer une autre phrase qui était
encore répétée, et cela avait lieu jusqu'à la
fin de l'air.
Cette répétition de phrases musicales ve-
»
nait de la musique placée à l'étage supérieur,
et c'est à l'aide de l'électricité que ceile-ci
•F«
f
CURIEUSE EXPËRIERGE D'ACOUSTIQUE. 175
se meltail àjouer quand Taulre s'arrêtait.
Celte expérience produisait un très-grand
effet, surtout lorsque, ainsi que dans l'expé-
rience précédente, on ouvrait la boîte et on
la donnait en main pour l'examiner.
^^■■^■L«AA4-atf «
XI
LE DÉCAPITÉ PAELANT.
f elle ingénieuse illusion
l ne portait pas primitive-
If ment ce litre effrayant.
C'est sous le nom de
1 sphinœ qu'elle fut pré-
sentée, en 1865, à Londres, dans Egyptiàn
Hall, par un prestidigitateur nommé le colo-
nel Slodare. L'inventeur de ce truc, M. Tobin ,
secrétaire de \a Polytechnic Instituti(m,yen~
dit son procédé à H. Talrich, habite modeleur
m •>
180 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
en cire, qui exploitait alors, au boulevard de la
Madeleine, à Paris, un spectacle défigures de
ïire sous le nom de Musée français. Ce musée
se composait d'un certain nombre de groupes,
mythologiques ou autres, d'une grande dé-
licatesse d'exécution, notamment d'une scène
qui représentait le docteur Dupuytren faisant
un cours d'anatomie devant ses nombreux
élèves. M. Talrich avait été bien inspiré,
puisque ce tableau lui fournisKiit roccask)n
de mettre en relief les prépwâti^itô 4»^^)»i-
ques auxquelles il devait sâ rèjyutati^n.
Le truc du sphinx suggéra à M^ Tairich
ridée de joindre à son imaée «M «é&liibiti'on
semblable à celle du fameux cabinet d'hor-
reurs que madame Tussaut avait installé à
Londres, dans son établissement de figures
de cire. Dans ce but, il fut amené à changer
la mise en scène du sphinx^ qu'il trouvait
-1
LE DECAPITE PARLANT. 181
avec raison trop anodine pour sa destînation.
11 en fit le décapité parlant ^ et voici comment
il organisa cette exhibition : au-dessous de
son musée, il existait une cave assez vaste et
inoccupée, dans laquelle on descendait par
un escalier praticable, dont la porte donnait
dans rétablissement même. C'est cet endroit
qui fut destiné au spectacle du décapité.
Loin de chercher à rapproprier et à recrépir
les murs, l'intelligent artiste en conserva la
mousse verdâtre et l'humidité fangeuse, et
s'a l tacha particulièrement à mettre les lieux
en rapport avec le spectacle qui devait y être
représenté. On en jugera par la description
suivante. L'escalier n'était éclairé que par la
lumière jaunâtre et blafarde de lampes anti-
ques suspendues au sommet des voûtes. Une
fois de plain-pied, on se trouvait d'abord en
présence d'un tableau plastique représentant
il
182 HÂiilE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
une scène de Tinquisilion. La torture y était
mise à nu avec une exaclilude frappante. Un
aide du bourreau tenant une torche allumée
éclairait seul ce lugubre tableau. En sortant
de là, on tournait sur la droite, on passait par
un couloir à peine éclairé, et Ton arrivait en
face d'une balustrade à hauteur d'appui fer-
mant Feutrée d'un petit caveau. Au milieu
de ce bouge, dont une paille humide formait
le parquet, on voyait une table sur laquelle
était une tête un peu penchée sur le côté et
semblant dormir. A l'appel du cicérone, le dé-
capité se redressait, ouvrait les yeux, racon-
tait sa propre histoire, ainsi que les détails de
son supplice, et répondait ensuite, dans plu-
sieurs langues, aux questions qui lui étaient
adressées par les assistants : c'était là un spec-
tacle d'une singulière horreur. Jusque-là tout
allait pour le mieux dans cette fantastique
j
LE DËGiPITÉ PARLANT. 189
exliibilioïi, et il est probable que le succès de
curiosité qui s'étail tout d'abord déclaré se
fût longtemps prolongé; mais une grande
maladresse fut commise par le directeur, et
cette maladresse causa la ruine de rétablis-
sement. Le prix d'entrée pour le Musée fran-
çais avait été fixé à un franc par personne :
c'était un prix fort modéré, sans doute ; mais,
si le \isileur désiraitvoir le décapité parlant,
il lui fallait donner cinq francs de supplé-
ment. Cinq francs pour un spectacle de cinq
minutes, c'était exorbitant. Toutefois, la cu-
riosité l'emportant presque toujours, on don-
nait cinq, dix, quinze ou vingt francs, selon
le nombre de personnes que l'on conduisait.
Cependant le cavalier galant avec ses dames,
le père de famille avec ses enfants, Tami avec
ses amis, tout en payant sans murmurer,
cherchaient le plus souvent à satisfaire par
184 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
^^. _, , ,, I II ■_----- ■ ■ ^ .
quelques taquineries leur méconlenlement
rentré. C'est sans doute dans ces fâcheuses
dispositions que se commirent des faits re-
grettables à l'endroit du décapité : on lança
des boulettes sur cette tête d'un autre monde,
afin de savoir si elle avait complètement perdu
sa sensibilité. Au premier projectile, le mal
heureux patient dont on ne voyait que la tête,
ou du moins cette tête elle-même, faisait la
grimace ; au second, elle prenait un air cour-
roucé; au troisième, ma foi, oubliant son rôle
passif, elle invectivait les assistants; et le ci-
cérone de refouler l'assistance vers le couloir
en appelant à sonaide. Le bruit de ces scènes
se répandit dans le monde, et quelques dés-
œuvrés du high life trouvèrent très-amu-
sant d'aller pour leurs cinq francs se donner
le plaisir de lancer des bouL ttes sur le déca-
pité rageur. On appelait cela le tir à la hotir^
LE DËGAPITË PARLANT. 1B5
lette. Ces boulettes, dirigées plusieurs fois
par des mains inhabiles, tombaienl sur cer-
taines parties de la lable que Ton cropit vides
et sur lesquelles elles rebondissaient en dé-
voilant une glace Dès lors le truc fui éventé
et chacun se fil un malin plaisir d'aller de
proche en proche divulguer le fameux secret
du décapité. Nf. Tahich avait mis un terme
aux projections en plaçant un grillage serré
entre le public et son sujet ; mais celle pi-é-
iSÔ
MAGIE £T PUTSIQUE AMUSANTE.
caution était tardive et devint superflue; le
combat cessa faute de combattante ; la vogue
était passée pour le Musée français. Le déca-
pité parlant avait tué les dieux de l'Olympe,
ainsi que la savante conférence du docteur
Dupuytren.
Les causes de Tinsuccès de M. Talrich fu-
rent les mêmes que celles qui amenèrent
les désastres des frères Davenporl. Trop de
confiance dans la longanimité du public pa-
risien les porta, de part et d'autre, à lui pré-
senter pour des phénomènes merveilleux ce
qui n'était enr résumé que d'ingénieux tours
d'escamotage. Trop d'ignorance aussi dans
nos usages leur fit exagérer outre mesure le
prix de leur exhibition.
Plus intelligent, ou plus entendu dans les
choses de théâtre, le colonel Stodare ne met-
tait pas autant de prétentions pour son sphinx
LE DÉCAPITE PARLANT. 187
égyptien; il ne le présentait dans ses séances
que sous forme d'intermède et ne lui attri-
buait d'autre merveilleux que le prestige d'un
truc ingénieux. Toutefois, la mise en scène
exigeant une fable, voici comment ce truc
était présenté. Tenant en main une cassette
fermée, le colonel s'approchait des specta-
teurs et leur racontait que, dans ses voyages
en Egypte, ayant fait la rencontre d'un ma-
gicien, celui-ci était venu à mourir et lui
avait légué ce petit meuble dans lequel se
trouvait, depuis la plus haute antiquité, la
tête vivante d'un sphinx pouvant répondre
aux questions qu'on lui adressait. Le physi-
cien interpellait alors le sphinx, qui lui répon-
dait à travers la boîte (le colonel Siodare était
ventriloque). 11 déposait ensuite sur une table
le précieux coffret, en abaissait le devant, et
le public pouvait voir une belle tête de sphinx
18» MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
coiffée d'un capuchon égyptien à bandelellcs
dorées. Le dessous de la table sur laquelle
la boîte était posée semblait entièrement à
jour. Le sphinx, intelligent et ingénieux,
répondait avec infiniment d'esprit et d'à-
piopos aux questions qui lui étaient faites par
le public; après quoi, le colonel fermait la
boîte, la prenait entre ses mains, faisait
dire au prisonnier un good night au public,
et rentrait dans la coulisse avec son précietfx
fardeau. Ainsi présenté, ce truc fut très-goûté
et le succès ne s'arrêla qu'à la mort inopmée
de l'intelligent prestidigitateur.
Cette expérience est des plus simples à ex-
pliquer et doit être comprise facilement : la
tête que Ton voit sur la table appartient au
corps d'un pauvre diable que le besoin a ré-
duit à jouer toute la journée ce pénible rôle
d'homme au carcan. Par une disposition de
•▼— ^— ^^^
LE DÉCAPITÉ PARLANT.
189
glaces adaptées aux pieds de la table, ce
compère peut se placer sous ce raeuble sans
être aperçu et passer sa lête à travers un Irou.
Une collerette cache les bords de celte ouver-
ture.
Pig.2.
La table n'est supportée que sur trois
pieds, C, D, E (fig. 1 et 2), bien qu'elle sem-
ble en avoir quatre. Entre ces trois pieds, et
dans des rainures pratiquées à cet effet, sont
deux glaces étamées, G, G' (fig. 2), derrière
lesquelles, avons-nous dit, le compère se
il.
100 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
dissimule en se tenant à la place H. Ces gla^
ces sont placées à angle droit et à peu près à
45 degrés par rapport aux draperies qui les
entourent. Celles-ci, A et B, en se réfléchis-
sant, correspondent avec A' et B' et rempla-
cent imaginairement la partie de la draperie
qui est cachée par les deux glaces ; de sorte
que Ton croit toujours voir la draperie du
fond à travers les pieds de la table.
Le sphinx se produisait par les mêmes ef-
fets : la caisse était vide lorsque le colonel
Stodare l'apportait en scène; son talent de
ventriloque faisait entendre une voix à Tinté -
, rieur. Lorsque cette cassette était sur la table,
le compère qui était dessous ouvrait la trappe
du trou de la table, passait sa tête par cette
ouverture, et, soulevant le fond mobile de
la cassette, s'y plaçait assez facilement. Le
prestidigitateur n'avait qu'à abaisser le de-
LE DËGAPITÊ PARLANT. 191
w« — 1 ■ - ,
vanl de la boîte pour montrer la tête qu'elle
contenait.
Pour peu qu'on connaisse les lois de la ré-
flexion, il est facile de s'assurer que, à moins
d'être placé très-près de la table et sur le
côté, il est impossible aux spectateurs d'a-
percevoir dans les glaces autre chose que les
draperies. D'ailleurs, les dispositions sont
prises pour qu'il en soit toujours ainsi. Chez
Talrich, c'étaient les murs du caveau qui
venaient se peindre dans les glaces.
XII
L'ARMOIRE PROTÉE.
1
a figure que l'on verra
i ci-conlre peut donner
! une idée du meuble
servant à l'esécution
du Unie que nous aUons
décrire. C'est, on va le voir, une sorte d'ar-
moire à deux battants, montée sur quatre
pieds à roulettes qui permettent de l'amener
en scène el de lui faire faire des évolutions
sur place.
105 MAGIE ET PUÏSIQCB AMUSANTE.
DESCRIPTION DU TROC
Une personne monte dans l'armoire et
l'on cil ferme les porter. Oii fait tourner le
^^ZW3
meuble sur lui-même pour prouver qu'il ne
peut donner aucune issue au prisonnier;
après quoi, on ouvre les portes et l'armoire
L'AHMOIRE PROTËE. 107
est vide. On ferme de nouveau; on fait exé-
cuter au meuble une révolution, et, lorsqu'en
dernier lieu on ouvre les portes, on voit une
transformation de personnage : un homme
était entré dans le meuble ; c'est une femme
qui en sort.
EXPLICATION.
L'artifice de ce tour a beaucoup d*analogîe
avec celui du décapité : deux glaces placées
convenablement dans Tarmoire à un mo-
ment donné lui donnent l'apparence d'un
meuble vide, même lorsqu'elle contient quel-
qu'un.
La figure 2 ci-contre est le plan par terre
de Farmoire, dont la forme est représentée
plus haut.
198
MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE
A B C D sont les bâlis de l'armoire, P P les
deux portes extérieures, M montant de bois
placé vers la partie antérieure de l'intérieur du
meuble, G G deux portes ou compartiments
Fig. 1
ayant la hauteur du meuble prise dans l'inté-
rieur. Ces portes sont montées sur charnières
et pivotent en IL Elles peuvent s'appliquer sur
le montant M, ou se dissimuler en s'appli-
quant sur la paroi intérieure des bâtis AB C D.
3
:M
L'âRMOIR£ PROTËE. 190
C'est celte dernière position qu'elles occu-
pent lorsque Ton ouvre les portes pour la
première fois. A ce moment, le regard du
spectateur peut pénétrer dans le meuble,
qui est réellement vide.
Mais, lorsque l'homme est dans Tarmoire
et que l'on a fermé sur lui les deux portes
extérieures PP, il se place en H; tire à lui
les deux glaces et les fait appliquer sur le
montant M, et forme ainsi un compartiment
triangulaire Mil, dans lequel il est en
fermé et qui le dissimule aux yeux du public.
Lorsque, de nouveau, les portes sont ouvertes,
il se produit une illusion semblable à celle
que nous avons expliquée à propos du déca-
pité : les glaces de l'armoire réfléchissent
vers les spectateurs la tenture des côtés K K
de l'armoire el leur font croire qu'ils en
voient le fond LL. Les glaces semblent ne
200 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
pas exister el tout paraît être dans le même
étal que précédemment.
Il esl important, pour la réussite de l'ex-
périence, que le même papier de tenture
tapisse les parties intérieures du meuble
KK, LL, ainsi que le revers des glaces 00.
Après qu'on a fait \oir au public qu'il n'y
a rien dans le meuble el qu'on en a fermé les
portes^ tandis qu'on le tourne et qu'on donne
quelques explications pour gagner du temps,
l'homme, pour se mettre plus à Taise,
pousse les compartiments GG en KK, et,
ainsi que cela se fait dans les pantomimes,,
il se dépouille vivement de son vêlemenl
masculin, qui recouvre un costume de
femme, et remet la défroque qu'il vient de
quitter sur une planchette placée hors de vue
dans le haut de l'armoire. Une fois trans-
formé, il donne un petit signal pour ouvrir
L'ARMOIRE PROTÉS. 201
les portes et il apparaît dans son nouveau
coslume.
Les transformations que je viens de dé-
crire sont en dehors du truc dont il s'agit
ici ; je ne les indique que pour donner une
idée des ressources que Ton peut tirer de
cette illusion.
i
k ■
XIII
LE TRUC DES FRËRES DiYENPORT.
-4
' ans le mois de septembre
I de l'année 1865, deux
Américains , Ira et Wil-
' liam Davenport, arri-
* vaient en France pour
y donner des séances merreilleuses, sous le
nom de manifestations spirites. Ils venaient
directement d'Angleterre, où, pendant deux
ans, ils avaient joui d'une vogue immense.
La presse des Trois-Royaumes s'était vive-
SÛ6 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
ment occupée de leurs mystérieux exercices,
et le bruit des polémiques qu'ils y avaient
soulevées était parvenu jusqu'à nous.
L'arrivée de ces thaumaturges prit l'im-
portance d'un fait politique : le Moniteur du
soir y journal officiel, les annonça dans ses
numéros du 6 et du 8 septembre, et la presse
entière répéta à l'envi celte intéressante
nouvelle.
Avant de se rendre à Paris, les frères Da-
venport s'étaient arrêtés au château de Gen-
nevillicrs, dont le propriétaire, fervent apô-
tre du spiritisme, regarda comme une bonne
fortune le séjour chez lui des illustres voya-
geurs. Ce fut dans celte résidence hospita-
lière qu'eut lieu, à titre dressai, la première
séance des manifestations spirites. On y avait
invité un petit nombre d'écrivains et de
journalistes, qui tous s'accordèrent à recon-
LK TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 207
naître merveilleux et inexplicables les faits
dont ils avaient été témoins.
Les spirites américains ne parlaient pas
un mot de notre langue; aussi furent-ils
obligés de s'adjoindre un interprète, qui fut
en même temps leur impressario, ou, comme
on dit encore, leur Barnum. On les avait
adressés à M. Derosne, homme de lettres
w
demeurant à Passy , et auquel on doit d'excel-
lentes traductions de quelques ouvrages an-
glais. Celui-ci accepta la mission qui lui était
offerte, et, pour faire connaître ses proté-
gés, il leur fit donner, dans son salon, quel-
ques séances devant des spectateurs d'élite^
dont le suffrage pouvait avoir une grande
influence sur les futurs succès des représen-
tations qu'on se proposait de donner dans la
capitale. Des affiches immenses, dites à
Vaméi'icainey furent placardées dans Paris ;
N
208 UAGIE £T PHYSIQUE AMUSANTE.
on y annonçait, en énormes caractères, que
la première séance des frères Davenport
aurait lieu le 12 septembre, dans la salle
Herz. Le spectacle, divisé en deux parties,
se composait : 1** des eocercices de Varmoire;
2** de la séance dans les ténèbres. Le prix
des places était fixé à vingt- cinq francs par
personne pour le spectacle entier, et à dix
francs seulement si Ton n'assistait qu'à la
première partie.
Avec de tels prix, quelles belles recettes
en perspective ! Hélas I ici durent s'arrêter
les illusions des deux frères au sujet de leurs
futurs succès dans la capitale; les bienveil-
lants suffrages qu'ils avaient recueillis dans
leurs séances préparatoires furent les seules
joies réelles qu'il leur fut donné de goûter,
dans le pays le plus intelligent et le plus
sceptique du monde civilisé.
LE TRUC DES FRËRES DAVENPORT. 209
Un orage imprévu par eux grondait sur le
spiritisme en général et sur leurs exercices
en particulier; cet orage devenait de plus en
plus menaçant, à mesure que s'approchait le
jour de la première représentation, Aax ar-
ticles bienveillants de quelques journaux
avaient succédé grand nombre d^éiiergiques
protestations contre une exhibition que Ton
regardait, avec quelque raison, comme dan-
gereuse pour Tesprit public et particulière-
ment pour certains cerveaux faibles, toujouiY
portés à prendre au sérieux les trucs et les
ficelles des adeptes de la sorcellerie simu-
lée.
Les lignes suivantes, extraites d'un article
du journal V Opinion natiofiiale (10 septembre
1865), donneront une idée de Tétat d'exci-
tation de la presse parisienne à l'endroit des
médiums américains. Cet article précédait
12.
lA^
210 MÂGIË ET PHYSIQUE AMUSANTE.
de deux jours la première représentation des
frères Davenport:
c< . . . . Ces estimables Américains arrivent
précédés d'une réputation foudroyante. Leur
Évangile a paru avant eux. C'est un volume
de trois cents pages, dans lequel M. Nichols,
Tau leur de cet ouvrage, assure que les frères
a
Davenport possèdent depuis leur plus tendre
jeunesse la faculté d'être plus légers que
Tair ; que maintes fois ils se sont envolés
jusqu'au plafond et ont plané sur Tassis-
tance. Si j'ose contester sur ce point le té-
moignage de M. Nichols, ce n'est pas seule-
ment parce que la chose est absurde en elle-
même, c'est surtout parce qu'elle est inju-
rieuse aux frères Davenport. Eh quoi ! mes-
sieurs, vous laissez dire que vous avez volé
sans ailes dans un salon, quand il est avéré
que vous ne le pouvez plus ! Vous avez donc
LE TRUC DES FRÈRES BAYENPORT. 311
alors une puissance qui s'est usée, une vertu
qui est sortie de vous? Faut-il conclure que
vous avez démérité des esprits vos domes-
tiques , que vous n'avez plus sur vos por-
teurs aériens la même autorité qu'autrefois ^
que vous êtes en baisse à l'âge de vingt-cinq
ou de vingt-trois ans , que vous allez de plus
fort en plus faible, et cela dails la patrie de
Nicolel? Vous venez nous montrer des mi-
racles de pacotille, après avoir donné en
Amérique des représentations dont un dieu
serait jaloux? Prenez-vous donc Paris pour
une de ces sous-préfectures infimes où les
artistes usés, incompris et hors d'âge vont
quêter un regain de succès.
» N'est-il pas singulier qu'en 1865, lors-
que l'humanité entière court à grands pas
vers le progrès , quand l'esprit positif en-
vahit tout, quand toutes les sciences, débar-
212 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
passées du fardeau des niaiseries antiques,
se lancent résolument dans la route d«i vrai,
on vienne entreprendre de ressusciter les
farces surnaturelles ?
» Si le moment est mal choisi, le choix
des instruments n'est guère moins ridicule.
Comment! voici deux gaillards qui ont
dompté les puissances invisibles ; ils se font
servir par des esprits; ils ont à leurs ordres
une armée d'êlres inconnus, mais assuré-
ment supérieurs à Thomme, et, grâce à
l'alliance de ce pouvoir surnaturel, ils par-
viennent à quoi? à jouer du violon dans
une armoire ! En vérité, les demi-dieux sont
devenus bien modestes depuis quelque
temps !
» Ces messieurs semblent avoir fait le
voyage d'Amérique en France pour nous mon-
trer des phénomènes. C'est le mot qu'ils
LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 215
- — *
emploient, et ils ont soin d'ajouter que c< ces
» phénomènes ont été constatés par les sa*
» vanls les plus renommés de T Angle terre
» et de FAmérique. » Leur Evangile est in-
titulé : Phénœnènes des frères Davenport. Va
donc pour phénomènes ; c'est un mot usité
dans le langage de la science, et de la foire
aussi. La foire de Saverne ne s'ouvre que di-
manche prochain et déjà la place est encom-
brée de phénomènes. Il y en a de vivants,
tous constatés par l'empereur de la Chine et
le sultan du Maroc ; ils n'en sont pas plus
fiers pour cela.
» Mais je reviens à vos phénomènes, puis-
que enfin vous avez des phénomènes à vous
et que vous semblez désireux d'en trouver le
placement. Vous ne savez donc pas que les
phénomènes ne sont rien par eux-mêmes? il
s'agit de les rappoi ter à une loi connue ou
su MAGlË ET PHYSIQUE AMUSANTE.
inconnue, ancienne ou nouvelle ; ils n'inté-
ressent les hommes sérieux qu'à la condi-
tion de prouver quelque chose. Que voulez-
vous prouver? quelle conclusion tirez-vous
de vos petits tapages nocturnes ? quel élé-
ment nouveau apportez-vous à la science?
Voyons, déboutonnez-vous franchement j les
idées neuves ne nous font pas peur. Elles
nous effarouchent si peu, qu'il est fort inu-
tile aujourd'hui de les recommander par le
miracle. Une bonne vérité fait son chemin
dans ce monde, sans accompagnement de
guitares lumineuses et de violons phospho-
res. » (Edmond About.)
Ces réflexions judicieuses, ces raisonne-
ments logiques et serrés de l'éminent écri-
vain, durent porter un coup terrible au crédit
des médiums américains, et ébranler la foi
des plus fermes croyants en sciences occul-
LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 215
tes. Les facultés médianimiques des deux
frères, leurs évocations et leurs manifesta-
tions spirites étaient maintenant jugées. Pour
tout homme raisonnant un peu, les frères
Davenport n'étaient réellement que des fai-
seurs de tours. Toutefois, la curiosité publi-
que avait été depuis quelque temps telle-
ment surexcitée, que chacun voulut voir ces
hommes dont on avait tant parlé, et ces
miracles faux ou vrais qui avaient été
l'objet de si vives controverses. On attendit
donc avec impatience le jour de la première
représentation et Ton y courut en foule.
En raison de mon éloignement de la cani-
lale, il ne me fut pas possible d'assister à
cette séance mémorable; je suis alors obligé
d'en emprunter la relation à M. B. de Pêne,
me réservant de donner un peu plus tard
une description exacte de ces .prestigieux
. ' ■>
* *
S16 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSA.NTE.
exercices, tels que je les ai vu exécii|er de-
vant un public calme et bienveillant.
Voici comment le spirituel chroniqueur
de la Gazette des étrangers raconte, sous le
tilre de
L'ËGORGEMENT DES FRÈRES DAVENPORT
▲ LA SALLE HER2.
l'épopée tragico-burlesque de la soirée du 14
septembre :
« La première représentation des deux frè-
res devant un public payant, dit-il, a eu lieu
mardi soir, comme on l'avait annoncé, La
salle avait allumé ses lustres; toutes les
places étaient remplies. Mais le spectacle
s'est trouvé noyé dans un tumulte digne
d'une assemblée d'actionnaires en furie. On
a fait beaucoup de bruit et d'assez méchante
besogne. La séance de nuit, la plus inté-
LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 2i7
ressante des deux, celle qu'on avait poéti-
quement intitulée : Une heure dans les ténè-
breSy et qui ne devait avoir pour témoins
qu'un petit nombre de spectateurs au prix
fort, n'a pas eu lieu du tout.
» La première partie seulement de la séance
dite publique, accessible à des prix doux, a
suffi pour amener un tumulte tel, que, après
trois quarts d'heure environ de brouhaha, le
public a dû sortir avec des serments de ville
dans les reins. Du reste, on rendait loyale-
ment l'argent à la porte ; on nous dit même
qu'il en est sorti de la caisse plus qu'il n'en
était entré.
» Ces pauvres Davenport! je les ai vus de
près; je leur ai parlé; j'ai louché leur ar-
moire, leurs fameuses cordes, le tambour de
basque, les sonnettes, les guitares; en un
mot, tous les éléments de la symphonie mi
13
218 BIAGIË ET PHYSIQUE AMUSANTE.
raculeuse dans laquelle il paraît qu'ils excel-
lent. J'avais été appelé par le suffrage uni-
versel des spectateurs au périlleux honneur
de monter sur l'estrade pour inspecter les
opérations, lier, délier, et faire lout ce qui
concernait mon état de contrôleur.
» Dirai-je qu'il y a eu une cabale contre
eux dès a vaut le commencement de la séance?
c'est possible, mais je ne saurais TafOrmer.
Les pires ennemis des Davenporl dans celle
séance, c'a été eux-mêmes. Entendons-nous
bien : je les tiens pour des gens très-habiles^
puisque, en présence de témoins dignes de
foi et de moi-même, ils ont fait, en diverses
rencontres, à l'aide de ficelles de ce monde-
ci ou de celui-là, des choses vraiment mer-
veilleuses. Leur réputation et leur mérite de
prestidigitateurs, de médiums ou de sorciers,
comme il vous plaira de dire, demeurent en-
LE T«UC DES FKÊRES DAVENPORT. 21^
core inlacts à mes yeux. Seulement, ils ne
connaissent pas le premier mot du public
parisien ; et, à la façon dont la mise en scène
de leurs... miracles était organisée, on di-
rait qu'ils ne sont jamais sortis de leur ar-
moire. Évidemment, on avait affaire à un pu-
blic défiant et sur Voeily qu'il fallait attaquer
vivement, la main haute et légère, comme un
cavalier habile enlève son cheval qui hésiie
devant Tobstàcle. Si le cavalier hésite aussi,
il est perdu.
» La soirée s'ouvrit par le speech d'un
interprète dont l'intention était excellente ei
l'esprit des plus concihants, mais dont l'é-
motion, aussi, était des plus visibles. Il y
était dit, à peu près, ceci : « Messieurs, les
» frères Davenport, qui jouissent depuis dix
» ans en Amérique et en Angleterre d'une
» réputation immense, n'ont pas le bonheur
220 XÂGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
D de parler votre langue; ils me chargent
» donc de vous assurer qu'ils ne prétendent,
» en aucune façon, imposer au public la
» croyance en leur commerce avec les es-
» prits; ils ne se proclament devant vous ni
» sorciers ni escamoteurs; ils se propo-
» sent seulement de vous rendre témoins
» des phénomènes dont eux-mêmes igno-
» rent les causes, en vous laissant seuls
» juges des effets qui seront produits. »
» Une pareille charte était raisonnable,
elle fut assez bien accueillie. Par malheur,
l'interprète, trop confiant dans les marques
de bienveillance qui viennent de lui être ac-
cordées, continue de parler et se lance dans
de longues et diffuses explications qui las-
sent enfin le public. On demande à grands
cris les Davenport. Ceux-ci paraissent, et la
tumulte s'apaise.
LE TRUG D£S FRËRES DAYENPORT. ^lï
» Enfin, le spectacle va commencer I Pas
encore! Les acteurs sont bien en scène, leur
armoire est bien ouverte à trois battants
pour les recevoir, mais leur ignorance de
notre langue, leur désir affecté ou sincère
d'un contrôle sérieux, l'empressement avec
lequel ils acceptent tout ^ixamen sans mar-
chander, l'entêtement qu'ils mettent à forcer
le mandataire de l'incrédulité publique (hé-
las! c'était toujours nous) à fourrer son
nez partout, amènent des longueurs et en-
core des longueurs. Il vaudrait mieux trom-
per les gens et les tromper plus vite. On
grogne, on chante, on siffle, on rit aux
éclats, on hurle, on se fâche.
» Pendant ce temps difficile, nous nous
acquittons des fonctions qui nous ont été
déléguées; nous vérifions, nous sondons,
nous tâtons tout; puis, après examen des
fn lAGIE ET FITSIQUB ÂlUSASTE.
cordes qui doWenl nous servir, nous atta-
chons de notre mieux les deux firères sur
les bancs de leur armoire. Le public, inter-
rogé par l'interprète, répond en chœur qu'il
est satisfait de notre trayail. Mais un mon-
sieur aux cheveux blonds, que Ton m'a dit
depuis être un ingénieur, se lève, ce Ces mes-
» sieurs, dit-il, sont sincèrement liés, mais
» mal attachés; je vais les garrotter moi-
» même de telle sorte qu'ils ne pourront se
» défedre. » Il exécute ce qu'il dit, et retourne
à sa place d'un air de triomphateur. Les
portes de l'armoire se ferment sur les deux
frères, qui, quelques minutes après, parais-
sent détachés de leurs liens. On applaudit.
Les Davenport avaient donc réussi dans ce
que j'appellerâî provisoirement leurs tours
de cordes, lorsque le monsieur blond, qui
tient à venger sa défaite, s'élance impétueu-
LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 223
sèment sur Pestrade et s'écrie : « On nous
» tmmpe; c'estuneindignemystilication: la
» planche sur laquelle ces messieurs sont as-
» sis esta bascule et leur permet de se déta-
i> cher. » Disant ceci, il applique un vigoureux
coup de poing sur la planche qui se brise
avec fracas. Ainsi qu'il arrive lorsqu'on re-
tire une chaise sur laquelle on est assis, l'un
des frères Davenport tombe naturellemenl
par terre. Toute la salle se lève aussitôt; la
tempête est partout ; chacun quitte sa place
et devient son propre délégué; tout le monàc
est sur l'estrade. On parle aux gens qu'on
ne connaît pas, exactement comme les jours
d'émeute. M. Herz commence à trembler
pour sa salle.
» Enirée des sergents de ville vive et ani-
mée, et, sur Tordre formel du commissaire
de police, la séance est levée.
S24 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
» A l'heure nocturne où j^écris ces lignes,
mardi minuit, on ne parle que des Daven-
port sur le boulevard en tumulte. On les co-
tera en baisse à la bourse de demain. L'im-
pression qui me paraît dominer, c'est qu'ils
ont été exécutés avec une certaine férocité
de mauvais goût et non jugés. En effet, la
pire des choses haïssables, à mon gré, c'est
la violence. Elle souille les meilleures causes,
et nous détacherait du bon droit lui-même
quand elle se met à suivre son drapeau.
J'admets que les frères Davenport soient des
imposteurs sans habileté; toujours est-il
que, dans leur Waterloo de la salle Herz, le
public s'est montré brutal; donc, à mes
yeux, le public a eu tort même en ayant rai-
son. »
A en juger par la réception qui venait de
leur être faite, les frères Davenport durent
«.
i
I.E TRUC DES FRÈRES DAVËNPORT. 225
avoir une singulière idée de l'hospitalité
française. Bien d'autres à leur place se se-
raient découragés à la suite d'nn tel accueil
et auraient bravement abandonné la partie*
Mais ils avaient à cœur de prendre une re-
vanche avec leur bouillant contradicteur^
qu'ils regardaient, non sans quelque raison^
comme le principal instigateur de leur dé-
sastreuse mésaventure. Dès le lendemain, ils
engagèrent quelques notabilités de la presse
à venir visiter leur armoire, tandis qu'on en
réparait les dégâts. Ils prouvèrent facilement
que les traverses articulées, signalées par
leur contradicteur, n'existaient que dans son
imagination, et que les charnières et parties
mobiles du meuble n'avaient d'autre but que
de pouvoir se replier sur elles-mêmes pour
la facilité de l'emballage.
Le triomphe du bouillant ingénieur fut
15.
226 MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE.
donc de courte durée; il pul lire, le jour
même, dans plusieurs journaux (VÊpoque, le
Temps et la Patrie)^ Tentre-filet sui\anl :
ce M. D,.., qui a cru avoir découvert le
truc, et qui nous avait fait, jusqu'à hier soir,
partager sa conviction , s*est évidemment
trompé.
a La traverse de bois mobile n'est, en aucune
façon, le deus ex machina de cet appareil . En
effet, cette traverse est maintenant fixée aux
montants de l'armoire par des vis Irès-solides.
Le meuble est fait de planches fort minces,
à rintcrieur desquelles il est absolument im-
possible d'introduire le moindre mécanisme.
Dessus, dessous, de côté, nous ne décou-
vrons absolument rien de suspect, et nous
avons beau regarder, frapper les murailles,
soulever les tapis, déplacer les chaises, nous
sommes forcé de convenir que, s'il y a dos
lE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 227
trucs, ils sont absolument, mais absolument
invisibles. »
Encouragés par celte déclaration, les Da-
vcnport firent insérerdanstous les journaux
une lettre dans laquelle, tout en protestant
contre la violence dont ils avaient été l'objet,
ils annonçaient leur intention de continuer
le cours de leurs représentations. En voici un
extrait :
« M. D..., l'ingénieur qui, après avoir
escaladé, s'est écrié : « Nous sommes dupes
» d'une odieuse mystification! » a, pour
justifier son exclamation, violemment brisé
une innocente traverse soutenant le siège sur
lequel l'un de nous élait assis et garrotté.
Celle traverse est en chêne plein et ne ren-
ferme aucun ressort ni truc; elle n'est sortie
de sa place que parce qu'elle a été brisée en
éclats. Nous invitons personnellement M. D...
228 lIAGIfi ET PHYSIQUE AMUSANTE.
lui-même à venir vérifier ce fait et à recon-
naître galamment son erreur.
« Notre armoire peut être visitée par tout
le monde; elle ne contient aucune disposi-
tion qui puisse favoriser les phénomènes
qui s'y produisent. Du reste, quiconque vou-
dra nous fournir un meuble de même forme
et de même dimension que le nôtre et con-
struit sans notre intervention, pourra se con-
vaincre que la séance du 12 septembre n'a
été qu'une suite de démonstrations hostiles
et malveillantes. Nous nous serions mclinés
devant un jugement rendu avec calme et
équité ; nous protestons de toutes nos forces
et de toute notre légitime indignation contre
les injures et les brutalités auxquelles de-
puis quelque temps nous avons été en butte,
et nous en appellerons loyalement du juge-
ment d'une foule égarée et partiale aux in-
LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 2'i»
vestîgalions sérieuses et honnêtes de person-
nes désintéressées et même prévenues contre
nous. C'est dans ce but que nous continue-
rons à donner nos séances à la salle Herz ^
ne mettant pas un instant en doute le résul-
tat définitif de notre apparition en public. »
Les frères Davenport donnèrent, en effet,
une série de séances qu'ils eurent le bon es-
prit de présenter dans un local moins vaste
que celui de la salle des concerts, et par con-
séquent plus convenable pour ce genre de
spectacle. Ces soirées se passaient avec un
calme relatif. Il y avait bien de temps à au-
tre quelques petites attaques ou quelques per-
siflages, mais jamais ces scènes ne dégéné-
raient en désordre. Elles tournaient le plus
souvent au comique, et laissaient les rieurs
tantôt pour un parti, tantôt pour l'autre.
J'ai assisté plusieurs fois à ces séances^
230 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
et je m'y amusais comme je l'eusse fait de-
vant des tours d'escamotage bien exécutés ;
car je savais à quoi m'en tenir sur la nature
des manifestations spirites des deux frères,
et j'ai ri bien souvent de l'aplomb avec
lequel ils se posaient comme intermédiaires
passifs des esprits d'un autre monde. Dé-
clarons-le hautement, les Davenport n'é-
laient que d'habiles prestidigitateurs qui,
pour donner plus d'éclat à leurs séances,
avaient jugé à propos d'attribuer à des exer-
cices purement manuels l'intervention sur-
naturelle des esprits. Au point de vue de
l'exploitation de leur spectacle, ils avaient
grandement raison, puisque, jusqu'à l'épo-
que de leur mésaventure de la salle Herz ,
ils avaient récolté d'énormes recettes. Ce n'é-
tait alors, à proprement parler, ni des tours
de cordes ni des danses de guitare qu'on
LE TRUC DES F/IÈRES DA\ENPORT. 251
allait voir : on se rendait aux manifestations
spirites pour être témoin de faits surnaturels
et inexplicables, et c'est pour cela seulement
v'ju'on se décidait à donner vingt-cinq francs
d'entrée- En fin de compte, les exercices des
frères américains étaient très-intéressants; la
mise en scène en était toujours très-impres-
sionnante. Pour donner au lecteur une idée
de cette séance, je vais en faire ici le récit
exact, en rendant compte également de l'im-
pression que je l'ai vue produire sur l'assis-
tance. Une fois ces faits merveilleux connus,
je me propose de les faire suivre d'explica-
tions sur la manière dont ils étaient produits.
SÉANCE DES FRÈRES DAVENPORT.
Première partie. L*ai^moire. — Nous som-
mes dans un salon appartenant aux dépcn-
S32 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
danœs de la salle Herz, rue de la Victoire,
salon qui peut contenir une soixantaine de
personnes. La pièce est divisée en deux par-
lies égales par une balustrade d'un mètre de
hauteur. D'un côté sont les sièges réservés
aux spectateurs, et de l'autre l'armoire qui
doit servir à la séance. Ce meuble, d^une
construction aussi frêle que possible, est
monté sur des tréteaux ; il ne peut contenir
que trois personnes assises ou debout. Aux
parois intérieures de Tarmoire sont appen-
dus divers instruments, tels que violon, gui-
lare, trompette, tambour de basque et son-
nette. Trois portes, en se fermant, lorsque
les besoins de la chose Texigent, peuvent dé-
rober les médiums aux regards du public.
Avant de commencer la séance, plusieurs
spectateurs sont priés de passer dans ren-
ceinte privée et de se placer en cercle autour
LE TRUC DES FRÈRES DÂYENPORT. 255
du meuble, afin de former un obstacle à
loule communicalion avec Fextérieur.
Il s^agit d'abord de garrotter les deux
Américains. Tous les assistants s'accordent
à désigner, pour l'exécul ion de cette œuvre
délicate, un ancien officier de marine expert
en nœuds de toute sorte, et en Thabileté
duquel chacun semble avoir une grande
confiance.
On commence par faire examiner les cor-
des dont on va se servir ; on fouille les deux
jeunes gens comme le feraient les représen-
tants de la force publique, on prend toutes
les précautions contre les ruses et les sur-
prises, et l'on se dispose au garrottage.
Les Américains montent dans Parmoire et
s'assoient sur les bancs auxquels on doit les
attacher. Le marin délégué prend une corde,
il la marque pour s'assurer qu'elle ne sera
234 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
pas changée ; il constate sa longueur ; puis,
à l'aide de nœuds dits nœuds marins j ré-
putés, jusqu'ici, inextricables; il attache
successivement les deux frères; il fixe leurs
bras près du corps, leur lie solidement les
jambes ; il les enlace enfin et les amarre de
telle sorte sur leurs bancs et sur les tra-
verses, que chacun regarde la défaite des
Américains comme assurée ; ils vont, à coup
sûr, êlre forcés de demander grâce.
Nous avons dit que l'armoire avait trois
portes»; dans celle du milieu est pratiquée,
à hauteur d'homme, une ouverture en forme
de losange. On ferme d'abord, en même
temps, les deux portes de côté, puis la porte
du milieu; mais, chose incroyable, à peine
cette dernière vient-elle d'être poussée que
l'on voit apparaître, par Touverture susdite,
les bras du prisonnier de droite, rouges en-
LE TRUC DES FRËRES DAYENPORT. 235
core des étreintes du fameux nœud marin.
La surprise, le saisissement, la slupéfaution
du public ne peuvent se dépeindre ; on hé-
site à croire ce que l'on voit ; on se regarde
pour fixer ses idées sur celles de son voisin ;
mais chacun, se trouvant suffisamment intri-
gué, ne peut fournir aucun éclaircissement.
On se résigne alors et Ton paye aux artistes
un juste tribut d'applaudissements.
Bientôt on ouvre les trois portes et Ton
voit les deux frères, le sourire sur les lèvres,
descendre de l'armoire dégagés de leurs liens
qu'ils tiennent à la main. On avait passé plus
de dix minutes à les garrotter; une minute
leur avait suffi pour se dégager.
Ce premier fait accompli, les jeunes gens
remontent dans l'armoire, ils s'y assoient ;
on pose le paquet de cordes à leurs pieds et
on ferme les portes. Deux minutes après, on
£.
S36 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
ouvre et on voit les médiums garrottés de
nouveau; ils se sont attachés eux-mêmes
dans robscurité, et leurs mains sont solide-
ment liées derrière le dos. On vérifie les atta- .]
ches et on les déclare aussi solides que les
premières. Il est bon de rappeler que, pen-
dant toute la séance, quelques spectateurs
entourent constamment Farmoire, que ce
meuble est élevé sur des tréteaux et que la
salle est tenue dans un état de clarté suffi-
sante pour permettre de tout distinguer.
Maintenant vont se passer les faits les plus
étonnants. On ferme les portes aussi vive-
ment que possible, mais le dernier des bat-
tants est à peine poussé que le plus étrange
concert se fait entendre : le violon s'anime
sous un archet fermement conduit, la gui-
tare résonne, le tambour de basque marque
la mesure, la sonnette carillonne, la trora-
^. .i-- i^fi
LE TKUG DES FRÈRES DAYEKPORT. 237
pelte est vigoureusement embouchée, et le
tout forme une cacophonie épouvantable.
Parfois une succession de bruits, de chocs,
de coups se joint à celte infernale musique.
Puis tout à coup le silence se fait, et Tba
voit un bras passer en entier par la lucarne
en agitant la sonnette avec frénésie.
A rinslant où le concert est le plus étour-
dissant, si Ton ouvre brusquement les portes
de Tarmoire, on remarque que les instru-
ments sont à la place qu'ils occupaient et
que les deux frères sont immobiles sur leurs
banquettes et liés comme précédemment.
Les portes refermées, le bacchanal recom-
mence, et, chaque fois qu'on ouvre, on re-
connaît que les médiums sont calmes, tran-
quilles et toujours garrottés. J'oubliais de
dire que, à chacune des manifestations spi-
rites^ le cornet et la sonnette sont lancés par
238 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
la lucarne et viennent tomber aux pieds des
spectateurs.
Pour contrôler ces espiègles lutins, on prie
l'un des assistants, que le choix du public
désigne, de se placer dans l'armoire entre les
deux frères. Un délégué est envoyé : il se
place sur le banc du milieu, et, pour se met-
tre en garde contre toute coopération de sa
part, on lui attache une main sur Fépaule de
l'un des deux frères et l'autre main sur le
genou de l'autre frère. On est assuré déplus
qu'aucun mouvement des médiums ne pourra
avoir lieu sans que le délégué s'en aperçoive.
Les portes une fois fermées, le sabbat se fait
entendre de nouveau dans l'armoire et tous
les instruments s'escriment à qui mieux
mieux. Ce bacchanal cesse au bout d'un in-
stant; on ouvre les portes et l'on aperçoit le
malheureux visiteur la tête enveloppée de
LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 239
son propre mouchoir de poche et coiffé du
tambour de basque, tandis que sa cravate est
régulièrement nouée autour du cou de son
voisin de droite, et que ses lunettes sont sur
le nez de son voisin de gauche; sa montre
même s'est trouvée transportée d'une poche
dans l'autre. Le délégué une fois délivré de
ses entraves est aussitôt entouré, questionné :
il déclare qu'il n'a senti qu'un petit frôle-
ment sur le nez, à l'instant où, du même
coup, il était couvert du mouchoir et dé-
pouillé de ses lunettes, et ne peut donner
aucune autre explication. Cependant les poi-
gnets des médiums sont toujours solidement
attachés derrière leur dos. On apporte de la
farine, et, à l'aide d'une cuiller, on en met
dans chacune des mains des spirites. Les
portes ne sont pas plus tôt fermées que l'ha-
bil de l'un des reclus passe par la lucarne.
^40 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
On ouvre vivement, on vérifie les ligatures ;
on referme de nouveau, et deux minutes ne
se sont pas écoulées que les deux frères des-
cendent de l'armoire entièrement dégagés de
leurs liens; ils s'avancent vers les specta-
teurs et leur montrent que leurs mains sont
encore remplies de la farine que Ton y avait
mise. Il faut dire que les jeunes gens sont
habillés de noir et que pas le moindre vestige
de farine ne se trouve sur leurs vêtements.
Beimeme partie. Les ténèbres. La dis-
position scénique de la séance est des plus
simples : Tarmoire et ses tréteaux ayant été
enlevés et mis de côté, on les remplace par
une petite table sur laquelle sont déposés
deux guitares et un tambour de basque, que
nous avons vus figurer dans la première par-
tie de la séance.
LE TRUC DES FRERES DAVENPORT. 241
Ces préparations, qui ont été faîtes avec
beaucoup de calme, ont donné aux deux frè-
res le temps de prendre quelque repos dans
une salle voisine. Ils reviennent bientôt pren-
dre place sur deux chaises légères, de chaque
côté de la table. Us déposent à leurs pieds
chacun un paquet de cordes.
Sur la demande qu'ils en font faire par
leur interprète, une quinzaine de personnes
viennent s'asseoir près des Américains, et, se
tenant toutes par les mains, forment autour
d'eux un cercle impénétrable. Deux becs de
gaz, placés de chaque côté de Fenceinle ré-
servée, sont seuls allumés dans la salle. Une
personne postée près de chacun de ces becs
€st chargée de donner ou de supprimer la
lumière.
A un signal donné par l'un des deux frères,
l'obscurité se fait pendant deux minutes en-
14
842 MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE.
viron. Un grand silence règne dans l'assem-
blée, tant on est impressionné par cette mise
en scène inusitée. Les speclatems privilé-
giés, ceux qui font partie du cordon sanitaire,
sont si près des médiums, que le moindre
mouvement de ceux-ci, le plus faible frôle-
ment de leurs vêtements doit se faire enten-
dre. On prête une oreille attentive; on cher-
che à saisir le moindre bruit révélateur; mais,
au milieu de cette attente inquiète, la lumière
se fait soudain, et Ton voit les deux Améri-
ff
cains solidement garrottés; leurs jambes,
leurs bras, leurs corps sont entourés de cor-
des et de nœuds qui les fixent aux chaises
sur lesquelles ils sont assis; leurs poignets
sont liés derrière leur dos et assujettis aux
traverses des sièges. La (able et les chaises
sont enlacées également par de fortes liga-
tures. On s'approche, on examine les atta-
LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 243
ches diverses et on les déclare conscien-
cieusement exécutées.
L'obscurité se fait de nouveau, el tout
aussitôt les instruments placés sur la table
font entendre une mystérieuse harmonie.
Soudain le gaz s'allume et le concert cesse
avec l'apparition de la lumière. Les instru-
ments ne semblent pas avoir bougé de
place, et les médiums sont toujours atta-
chés.
Les assistants commencent à se sentir sai-
sis d'une indicible impression de malaise.
On n'applaudit que très-peu ; ce genre de
spectacle n'est pas de nature à exciter les
fibres de l'enthousiasme. On serait plutôt
porté à l'énervation. Les croyants voient
dans ces fails de véritables manifestations
spirites ; les incrédules, les sceptiques, ne
peuvent s^empêcher d'avouer que ces pré-
944 MAGIE El PHYSIQUE AMUSANTE.
tendues interventions surnaturelles sont
tout au moins fort bien exécutées. Et pour-
tant on n'est pas encore arrivé aux faits les
plus surprenants de cette mystérieuse
séance.
Pour donner à l'assemblée la certitude
absolue que les liens ne seront pas défails,
on prie quelqu'un des spectateurs voisins
de faire couler de la cire sur les nœuds qui
élreignent les poignets et d'y apposer l'em-
preinte d'un cachet. Pendant ce temps, on
enduit les guitares et le tambour de basque
d'une liqueur phosphorescente qui permet-
tra de les distinguer dans les ténèbres.
Aussitôt qu'a lieu l'obscurité, les guitares
et le tambour de basque s'agitent et quittent
leur place en produisant les plus lugubres
sons. On les voit s'élever en Fair, tracer des
contours lumineux ; puis, dans une course
LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 245
désordonnée, parcourir la salle en planant
sur la tête des spectateurs. Une guitare ef-
fleure les cheveux de celui-ci, une autre
frôle le vêtement de celui-là, et, bien que
souvent animés de mouvemenls brusques
et saccadés, aucun de ces instruments ne
heurte les spectateurs ni le plafond; seule-
ment, lorsqu'ils passent auprès du visage,
on sent un vent brusque, un air déplacé qui
vous porte instinctivement à rentrer la lêle
dans les épaules, de crainte de quelque choc.
Celle situation est plus pénible qu'agréable,
el on en ressent un senliment de vague ter-
reur qui paralyse toute réflexion.
Au milieu de ces évolutions bizarres, la
lumière paraît et les instruments se trouvent
abattus sur les genoux des spectateurs. Vé-
rification faite des liens cachetés, on les
trouve inlacls.
14.
MO hàgie et physique amusante.
Voici une nouvelle précaulion prise pour
rassurer les spectateurs contre toute super-
cherie, si un doute leur reste encore : on
met une feuille de papier sous les pieds des
médiums; on y trace avec un crayon le
contour de leur chaussure. Si, par un pro-
cédé inexplicable, ils viennent à se dégager
de leurs liens et à quitter leur siège , la
feuille de papier révélera le fait. Quelques
millimètres d'écart et le truc est éventé. Le
public paraît satisfait de cette mesure. Un
spectateur est, en outre, prié de quitter son
habit ou son paletot et de le placer sur ses
genoux.
Ces dispositions terminées, le gaz est
éteint, et, pendant quelques instants d'obs-
curité, les guitares font encore entendre
leurs chants d'outre-tombe, et se livrent à
leurs ébats fantastiques. Mais, tandis que
>
LE TIIUC DES FRÈRES DAVENPORT. 247
ces clartés sonores se balancent dans l'es-
pace, un spectateur se trouve subitement
dépouillé de son chapeau qui se transporte
à quelques mètres de distance; un autre a
les cheveux ébouriffés par le passage d'une
main inconnue ; un troisième se sent pres-
ser la main par une main invisible; enfin
rhabit du spectateur lui est vivement enlevé,
tandis qu'un autre spectateur reçoit sur ses
genoux comme un vêtement qu'il ne saurait
distinguer. Or, lorsqu'on rallume le gaz, on
voit les deux frères calmes, garrottés et pa-
raissant complètement étrangers à tout ce
qui vient de se passer. On se précipite sur
les cachets: ils sont intacts; on vérifie la
feuille de papier : la chaussure n'a pas
quitté d'un millimètre les traits qui Ten-
lourent. Mais ce qui porte surtout l'éton-
nement à son comble, c'est que l'un des
i
348 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSAKTjL
frères, bien que garroUé et cacheté, est re-
vêtu de rhabit du spectateur, tandis que
l'autre est coiffé d'un chapeau et porte sur
son nez une paire de lunettes. Ces trois ob-
jets appartiennent à trois des assistants.
L'habit du médium est dans la salle sur un
des spectateurs. .
A ce moment, Fétonnement, on pourrait
dire la stupéfaction, Tébahissement du pu-
blic, est à son comble. Manifestations spi-
rites ou mystification , intervention des
esprits ou tour d'escamotage, le spectacle
est complet et Ton se décide, toute réflexion
et toute recherche cessantes, à payer aux
artistes un juste tribut d'applaudissements^
Explication des trucs a l'aide les-
quels se font LES prétendues MANIFESTATIONS
8PIR1TES ET LES PHÉNOMÈNES « INEXPLICABLES »
I
LE TRUC DES FEËRBS DAYENPORT. 249
DES FRÈRES Da VENPORT. — Lcs preslicfigi tatCUFS
ont, d'ordinaire, des instruments spéciaux
propres à facililer leurs prestigieux exercices.
Les Davenport n'ont, à proprement parler,
que leurs cordes. L'armoire n'est pour rien
dans Texéculion des trucs. Un simple para-
vent et deux chaises pourraient au besoin la
remplacer. Elle ne sert, en réalité, qu'à ca-
cher les manipulations des médiums. Lcs
instruments de musique peuvent êlre consi-
dérés comme de simples accessoires.
Les cordes sont faites de coton ; leur tissu
est une tresse semblable à celle des cordons
qui servent à faire mouvoir les rideaux;
elles présentent ainsi une surface unie pou-
vant glisser très-facilement Tune sur l'autre.
Elles ont environ trois mètres de longueur.
Lorsque, au commencement de la séance,
on engage un certain nombre de spectateurs
250 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
^^■— ^^^^^^ ■ ■ Il ■ ■ ■■■■■■■■■ <^^^^,^m^^^^m . ■ - - I » ^^^^^^m^^m^^m^m^m^t^
à monter sur Teslradeet à entourerrarmoire,
on les prie de so tenir lous parla main, sous
le prétexte d'établir un cercle magnétique
autour des spirites. En réalité, c'est pour
prévenir les indiscrétions. C'est pour les
mêmes raisons qu'on fait également se tenir
par la main le rang des spectateurs les plus
nipprochés de la scène.
Les deux frères s'assoient sur les sièges
de l'armoire; ils remettent chacun trois
cordes au délégué qui doit les attacher sur
leur banc. On croirait peut-être cette besogne
facile; il n'en est rien. D'abord, comment
va-t-on s'y prendre, et par où va-t-on com-
mencer? On n'a jamais eu, peut-être, l'oc-
casion de garrotter un prisonnier. Quelque-
fois le délégué est bienveillant ; il cherche
moins à embarrasser son homme qu'à rem-
plir sa lâche ; il marche au hasard de la
i
LE TRLC DES FIIËRES DiVENl'ORT. Ul
corde. Alors tout est pour le mieux pour le
succès du prestige. Mais fort souvent aussi
on a aïfaire à un délégué malin, nerveux,
prenant son rôle au sérieux et regardant sa
répulalion d'habileté comme ei^agée. Sa
première idée est de placer les poignets du
252 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
■ Il II I ■ ^
palienl derrière son dos et de les y fixer so-
lidement. Il fait ensuite revenir la corde par
devant, la conduit ensuite par derrière, l'en-
lace sous les bras et termine par un nœud
qu'il juge inextricable. Avec les deux autres
cordes il entoure les pieds, les cuisses, les
bras, et amarre solidement ces parties au
banc de l'armoire. Vaines précautions! Tous
les nœuds, toutes les attaches peuvent se
défaire.
Tandis qu'on le garrotte, le médium se
prête à toutes les positions qu'on lui impose.
Mais de son œil américain il voit prompte-
ment à qui il a affaire. Le délégué bienveil-
lant, il ne s'en occupe guère; il le laisse
faire. Mais Pautre, il le surveille et lutte taci-
tement contre ses rigueurs. Se sent-il trop
vigoureusement serré, il laisse échapper une
faible plainte qu'il semble réprimer aussitôt.
LE TRUC DES FRÈRES DAVEXPORT. 253
Cette pelile comédie réussit presque toujours :
il est rare qu'on ne mette pas un peu de
réserve dans la continuation des ligatures.
Ou bien encore le médium, sans qu'on puisse
s'en douter, gonfle certaines parlies du corps,
soit en haussant insensiblement les épaules,
soit en écartant les bras du corps, soit enfin
en opposant une résistance du côté où la
pression se fait sentir.
Une fois garrotté, le premier mouvement
du médium est^ par certains efforts qu'on ne
saurai! décrire, de faire remonter vers les
épaules les cordes qui sont sur les avant-
bras, afin de rendre à ceux-ci un peu de
liberté. Yient ensuite un travail de force et
de dislocation : les poignets vigoureusement
écartés l'un de l'autre forment levier sur les
boucles dans lesquelles ils sont passés, et,
par des secousses répétées, ils déterminent
15
25ft . UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
un relâchement dans les parties susceptibles
d'eu éprouver. Un centimètre, à peine, de
jeu suffit pourpermeltreladélivrancede Tune
ou de l'autre main. 11 est vrai de dire que,
par un exercice auquel nos médiums se sont
livrés, le pouce s'efface dans la main et le
tout prend une forme cylindrique qui ne pré-
sente pas plus de grosseur que le poignet. La
première des quatre mains qui se dégage
passe par la lucarne pour se montrer aux
spectateurs, tandis que les trois autres tra-
vaillent à la délivrance commune. Une fois
qu'on a les mains libres, on défait les autres
attaches ainsi que les nœuds; les dents ren-
dent un grand service dans celte circonstance.
Ira Davenport, celui qui, dans la figure 1 , est
à la droite du spectateur, est plus habile et
mieux disloqué que son frère; c'est presque
toujours lui le premier dégagé. Dans ce cas .
j
LB THUG DUS FRÈltBS DAVEHPOAT. S3S
il aide William. D'ailleurs, le premier libre
aide l'aulre.
Lorsque les médiums s'altaehenl eux-
mêmes dans leur armoire, le mode de liga-
ture qu'ils emploient leur permet de se
détacher et de s'attacher de nouveau en lrès~
S5e MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
peu de temps. La figure 2 donnera une idée
de la disposition des cordes.
Pour obtenir celte disposition, voici ce
qu'ils font : ils prennent une des cordes par
Fig. 3. .
le milieu, et ils pratiquent à cet endroit une
double boucle, telle qu'elle est représentée
par la figure 3.
On voit que c'est un double nœud coulant
dont les boucles peuvent être serrées ou
agrandies, soit qu'on tire les bouts À et B ou
qu'on les lâche.
LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. «57
%i— M ■— ■ ■ ■ I ■■■■■■■■ .^ I ■ 11 II ■ M^B^^— ^^M^^— M^^^— ^^Mii ■ ■ mmm^^m^ i ■
Tout en laissant ces boucles ouvertes, ils
passent, par deux trous pratiqués dans le
banc, les deux bouts de la corde, qui est
assez longue pour aller entourer les pieds el
se fixer à la traverse de devant. Avec les
deux autres cordes, ils attachent les cuisses
sur la traverse et quelquefois les bras sur le
corps. Ceci terminé, ils passent les mains
dans les boucles qu'ils serrent en allongeant
un peu les jambes en avant. C'est sur ce truc
que repose tout le simulacre deTinlervention
des esprits el du tapage auquel ils se livrent.
En effel, les portes de l'armoire sont à peine
fermées que les deux frères ramènent un peu
leurs jambes en arrière, donnent de la liberté
au nœud ; ce qui leur permet de sortir leurs
mains elde les rendre libres. Le violon, les
guitares, le tambour de basque, la sonnette,
sont presque simultanément mis en jeu et
r
258 MAGIE ET PHYSIQUE ÂVUSANTE.
formenl une cacophonie que renforcent en-
core des Irépignemenls et des coups de poing
frappés sur les parois du meuble. Puis tout
tout à coup les instruments sont mis à leur
place, les mains rentrent dans leurs liens ;
on ouvre les portes et tout paraît en ordre.
Un délégué du public, avons-nous dit,
leur est envoyé; il se place dans l'armoire
sur le banc du milieu. On lui attache une
main sur Tépaule d'ira et Pautre main sur
le genou de William. Mais ne voit-on pas que
cetle précaution, qui semble prise contre les
deux frères, est à leur avantage? Us n'ont
pas besoin, en effet, de remuer ni leur épaule
ni leur genou pour se livrer à leurs espiègle-
ries, et le nouveau venu, ayant les mains atta-
chées, ne peut contrôler leurs faits et gestes.
11 devient un être passif, et, dans cet état,
ou lui enlève facilement ses lunettes, s'il en
[
LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 259
porte, sa cravate, son mouchoir de poche, et
on le coiffe avec le tambour de basque. Mettre
de la farine dans les mains des deux frères,
cela ne les empêche pas de les sortir du nœud
coulant. Une fois les mains dégagées, ils ver-
sent leur farine dans une poche pratiquée
dans Thabit; s'y essuient les mains ; les pas-
sent ensuite successivement par la lucarne
pour montrer qu'elles sont libres, et selivrent
enfin, comme précédemment, à leur bruyant
concert; après quoi, l'un des frères prend
dans une poche de côté un petit cornet rem-
pli de farine ; il en verse dans les mains de
son compère et dans une des siennes ; remet
le cornet vide dans sa cachette et répartit
dans ses deux mains sa provision de farine.
On ouvre les portes, et les deux frères déga-
gés de leurs cordes, descendent monlrer au
public que leurs mains sont toujours rem-
S60 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
plies de farine. Ce pelit truc de farine eut,-
un jour, un dénoûmenl assez fâcheux pour
les médiums, mais très-plaisant pour les
spectateurs. Le délégué chargé de mettre la
farine dans les mains eut la malice d'y mettre
du tabac à la place. Les spirites n'en virent
rien, puisque, à ce moment, leurs mains sont
placées derrière leur dos. Les deux frères
reparurent avec de la farine dans les mains.
On leur fit connaître le tour qu'on leur avait
joué, et tout le monde se mit à rire, excepté,
pourtant, les mystificateurs mystifiés.
Les explications sur la seconde partie, dite
dans les ténèbres^ seront faciles à compren-
dre, attendu que les trucs reposent encore,
pour la plus grande partie, sur le fameux
nœud coulant dont nous venons de parler :
les deux frères sont assis de chaque côté
d'une table sur laquelle sont déposés guitares
VE TRUC bES FRÈRES DÀYENPORT. 261
et tambour de basque; ils ont à leurs pieds
un paquet de cordes; autour d'eux se forme
le cercle magnétique des spectateurs se te-
nant par la main ; l'obscurité se fait, et tout
aussi tôt les deux frères se garrottent sur leur
chaise, dans les conditions que nous avons
indiquées plus haut et dans la position que
représente la figure 2. Il n'y a de différence
que dans la forme des sièges. Ainsi que dans
l'armoire, ils peuvent à leur gré s'attacher
ou se détacher instantanément et jouer des
instruments qui sont sur la table. Mais, dira-
t-on, comment vont-ils faire lorsqu'on va
sceller à la cire le nœud qui les attache? Le
lecteur remarquera sur la figure 3 qu'on peut
mettre de la cire sur le milieu du noeud et
fixer même ensemble, à cet endroit, deux
parties de la corde, sans que le mouvement
des bouts  et fi, ainsi que celui des boucles,
15.
2G2 MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE.
puisse être gêné. Lorsque les poignets sont
passés dans les boucles, celte partie du nœud
se trouve toujours en dessus. Et puis Tinter-
prèle a soin d'indiquer Tendroil précis où le
cachet doit êli e apposé, en priant d'éviter de
faire couler de la cire brûlante sur les poi-
gnets. Cette observation provoque toujours
une réserve très-utile à la réussite du truc.
Il faut dire enfin que la corde étant de la
grosseur du pelit doigt, le cachet ne peut
guère prendre plus d'espace que la réunion
des deux parties fixes.
H nous reste encore plusieurs faits mer-
veilleux à expliquer : ce sont les évolutions
fantastiques des guitares, la feuille de papier
sous les pieds, Thabit enlevé et revêtu, etc.
Les guitares et le tambour de basque sont
enduits d'une liqueur phosporescente dont le
faible éclat ne rayonne pas assez pour écl?i-
LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 263
^ ^ ■ Il ■ ■ I
rer les objets qui les entourent; on se trouve
donc dans une complète obscurité. Ira se dé-
tache de ses liens, et, avec l'habitude qu'il a
acquise de se reconnaître dans ces ténèbres,
il prend par le manche une guitare lumi-
neuse, s'avance aussi près que possible du
public, et la fait voltiger au-dessus des tètes,
tout en faisant vibrer les cordes à l'aide des
deux derniers doigts. L'absence de tout autre
objet de comparaison ne permet pas au pu-
blic de juger à quelle distance se trouve cette
lumière indécise, et j'ai éprouvé moi-même
qu'une guitare qui me touchait presque la .
tête me semblaiten être éloignée de quelques
mètres. Pendant ce temps, Tautre médium,
étant également suffisamment dégagé, élève
aussi haut que possible Fautre guitare et le
tambour de basque phosphores, et fait avec
ces deux instruments autant de bruit et de
204 UÂGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
mouvement que possible. Le Iruc du contour
des pieds marqué sur la feuille de papier est
très-ingénieux : Ira, après qu'on a pris cette
mesure de précaution, quitte la feuille de
papier pour s'approcher des spectateurs, et,
lorsqu'il revient s'asseoir, il a soin de retour-
ner la feuille de papier avant de poser ses
pieds dessus ; puis , à Taide d'un crayon
qu'il prend dans une de ses poches, il trace
un autre contour que Ton prend pour celui
que le public a fait. Quant au tour de l'habit
endossé. Ira, libre de ses liens, quitte son
habit, le jette au milieu de la salle, et, sai-
sissant celui qu'il a fait mettre sur les ge-
noux d'un spectateur du premier rang, il s'en
revêt, puis se remet dans ses attaches et le
tour est fait.
)
XIV
LE CARTON FANTaSTIQUK.
jut le moade coonall
, cetaxiomede physique:
'' Icconleou est plus petit
j que le contenanî, et ré-
Jcîproquemenl. Celte in-
conteslable vérité, cet axiome semble se
trouver en contradiction avec le truc dont il
s'agit ici. On en jugera par l'exposition som-
maire dont je vais faire précéder les explica-
tions techniques.
Le prestidigitateur entre en scène portant
968 VÀGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
SOUS le bras un carlon à dessin; il le pose
sur de légers tréteaux placés en avant de la
scène, et il en relire successivement :
1* Différentes images.
S"" Deux charmants chapeaux de femme,
Tun en velours noir, orné d'une plume
blanche; l'autre en salin rose, garni de fleurs.
3"* Quatre tourterelles vivantes;
^ Trois grandes casseroles remplies,
Fune de haricots, Tautre d'eau, la troisième
de feu.
S"" Une cage garnie de serins volti^ant de
bâtons en bâtons.
6"* Un enfant de cinq ou six ans.
Il est bon de faire remarquer que le car-
ton n'a pas plus de trois centimclres et demi
d'épaisseur, et qu'on le ferme chaque fois
qu'on en a retiré un des objets que je viens
de citer.
LE CARTON FANTASTIQUE. S69
Avant de donner les explications néces-
saires pour Texéciition de ce tour, il est in-
dispensable d'en indiquer les dispositions
scéniques, en y joignant le boniment, qui
motive l'apparition de chacun des objets.
Lorsque le carton est placé sur les tré-
teaux et que les cordons en ont été déliés,
on en sort une image représentant une char-
mante petite dame à mi-corps, grandeur
nature, et coiffée en cheveux. On ferme le
carton.
— Je remarque, dites -vous, que celte
dame est sortie nu-tête de ce carton; elle y
aura sans doute oublié son chapeau. En effet,
le voici.
On sort le chapeau et on ferme le carton.
^ Ce chapeau est pour 1 hiver; il doit
être sans doute accompagné d'un chapeau
d'été.
270 VÂGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE.
On ouvre, et on relire un chapeau de
satin; on ferme le carton pour le rouvrir
aussitôt, et on en sort une autre image repré-
sentant un oiseau.
— Ah! voici un oiseau; il est certain
qu*il ne peut y en avoir dans ce portefeuille
qu'en peinture. Cependant, voici une tourte-
relle qui a essayé de s'y fourrer; mais dans
quel état est-elle, gi^and Dieu!
On montre une tourterelle empaillée et
tout aplatie.
— Elle est morte. Mais j'en aperçois une
qui a résisté à la pression; elle est bien
vivante 1
On la montre ; puis une autre, puis encore
une autre, et enfin une quatrième. On a
retiré ainsi quatre tourterelles, que Ton
a successivement mises sur les bords du
carton, qui est resté ouvert. Après les avoir
À
LE CARTON FANTASTIQUE. 271
mises de côté, on ferme le carton * ; puis, un
instant après, on le rouvre et on en sort une
image représentant deux cuisiniers qui se
battent à coups de casseroles.
— Ah bien! voici, maintenant, une bat-
terie de cuisine... Leurs instruments culi-
naires ne doivent pas être éloignés. En effet,
voici une grande casserole remplie de ha-
ricots.
On sort celle-ci et on la met sur une table
de côté; puis, revenant vers le carton, on
sort une autre casserole remplie d'eau.
— Voici, sans doute, Teau dans laquelle
on allait mettre les haricots; elle est bouil-
lante.
On y met le doigt et on le retire vive-
i. Le soir, les tourterelles sont tellement dociles quo non-
seulement elles ne fuient pas, mais encore qu'elles restent là où
on les met
27) UÂGIK ET PHYSIQUE AHUSÂHTE.
ment, bien que Teau ne soit pas chaude.
— Cela n'est pas étonnant^ voilà le feu
qui la faisait bouillir!
On relire la troisième casserole et on la
met de côté, ainsi que l'autre, et on ferme ;
puis, presque aussitôt, en ouwe de nouveau*
— Voici un objet que j'avais oublié de
sortir... .
On relire la cage pleine d'oiseaux, que
l'on porte aux spectateurs pour être exa-
minée. Lorsque l'on revient, on frappe sur
le carton, qui est resté ouvert.
— Toc toc ! il n'y a plus rien là, dit-on, et
encore moins personne.
— Mais si! il y a encore quelqu'un, ré-
pond Tenfanl en passant sa petite tête par-
dessus le carton; je voudrais bien sortir
pour prendre l'air, on étouffe là dedans !
On sort l'enfant, et l'on vient ensuite
1
LE CâRTO« fantastique. 275
montrer au public riiitérieur du carton, qui
ne diffère en rien des cartons ordinaires -
Ce tour exige une très-grande adresse
pour être convenablement exécuté, surtout
quant à ce qui concerne Tapparilion de T en-
fant.
EXPLICATION.
De tous les objets qui sortent du carton,
les uns y sont installés à Tavance, les autres
y sont introduits dans le cours de Texpé-
rience. Pour les premiers, ce sont les ima-
ges, les chapeaux, la tourterelle aplatie, le
couvercle ou double fond de casserole rem-
pli de haricots, et la cage. Pour les seconds,
les tourterelles vivantes, les casseroles et
Tenfanl.
27i MAGIE ET PUYSIQUE AMUSAÎiTE.
PRÉPARATIFS ET DISPOSITIONS DES OBJETS
AVANT L'EXÉCUTION DU TOUR.
Le carton, avons- nous dit, a pour épais-
seur extérieure trois centimètres et demi;
c'est donc deux centimètres environ de vide
à l'intérieur pour y cacher des objets. Ce
portefeuille est construit en carton très-ré-
sistant. En dernier lieu, j'avais remplacé
les deux feuilles de carton par des feuilles de
tôle, entièrement recouvertes de papier et de
peau ; ce qui, tout en présentant plus de soli-
dité, donnait à gagner plus d'un demi-centi-
mètre pour le vide réservé à l'intérieur.
Ainsi qu'on le fait dans certains cartons pour
protéger les gravures, une toile verte, fixée
sur l'un des bords, venait s'étendre à l'inté-
rieur. Celte toile de recouvrement, dont nous
J
II
1
LE CARTON FAT^TASTIQUE. 275
allons lout à Theure montrer riitilité, au
lieud'êlre mise sur les objets, est placée en
dessous. Sur le côté et à l'intérieur du carton,
est une équerre articulée, pouvant dans cer-
tains moments tenir le carton ouvert dans un
angle de 45 à 50 degrés.
LES IMAGES.
Elles servent à cacher les mouvements
que Ton fait pour prendre sur soi des objets
que Ton met dans le carton ; elles sont, à cet
effet, collées sur des feuilles de carton mince
pour leur donner un peu de consistance.
LES CHAPEAUX DE DAME.
Us ont leurs carcasses faites avec des
lames de ressort de pendule ; on les a cam-
S70 MAGIE ET PHYSIQUE AUUSAKTE.
brées selon la forme de la mode. Grâce à une
fente qui est sur le derrière du chapeau,
celui-ci peut se développer et se mettre à
plat dans le carton en y tenant peu de place
comme épaisseur. Avant qu'on le retire et
lorsqu'il est encore caché par le car Ion, il
reprend lui-même sa forme, tandis que le
fond ou calotte, qui est à charnière, vient
également se mettre à sa place. Une agrafe
fixe le tout d'une manière solide*.
LES CASSEROLES.
Elles semblent de même grandeur lors-
qu'elles sont sorties du carton; cependant
elles peuvent entrer les unes dans les autres.
1 . A répoque où j*ai créé ce tour, la mode était d'avoir de
gi^ands chapeaux, ce qui donnait plus de yaleur à ce prestige.
LE CARTON FANTASTIQUE. 277
Leur queue se termine en crochets qui,
en entrant les uns dans les autres, n'en for-
ment plus qu'un et peuvent ainsi s'accrocher
en bloc, comme nous allons le dire tout à
l'heure. Voici, maintenant, de quelle façon,
à un moment donné, elles peuvent contenir
du feu, de l'eau et des haricots.
Pour faciliter notre explication, la casse-
role la plus grande s'appellera n*" 1; la se-
conde en grandeur n'' 2 et la plus petite n"* 3.
Le n" 3 doit contenir de l'eau ; à cet effet,
lorsqu'elle est pleine de ce liquide, on la
couvre d'un morceau de toild imperméable
que Ton' attache fortement sur les bords
avec une ticelle, ainsi qu'on le fait d'un pot
de confitures. Afin que la ficelle ne tende pas
à s'échapper, on a soudé un petit cordon
en fil de cuivre autour des bords. Toutefois il
y a une interruption de ce cordon métallique
16
i\.
278 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTH.
près de la queue, sur une longueur de cinq
à six centimètres ; ce qui sert à décoiffer la
casserole plus aisément en enlevant la toile
par cet endroit. On a ajusté au n"* 2 un double
fond de deux centimètres de hauteur, sorte
de couvercle creux qui s'emboîte sur la cas-
serole. Lorsque ce double fond est plein dé
haricots et placé dans la casserole, il semble
que celle-ci en soit pleine. La casserole n"" f
n'a aucune disposition particulière ; elle doit
contenir le feu ainsi que nous allons l'expli-
quer plus loin.
LES QUATRE TOURTERELLES.
Elles sont placées dans un petit sac que
je ne crois pas devoir décrire ici en raison
de sa simplicité; elles sont installées cha-
i
LE CARTON FANTASTIQUE. 279
cune dans un compartiment qui les enve-
loppe en partie. Ces compartiments sont su-
perposés de deux en deux, ce qui en forme
un petit paquet assez régulier et peu volumi-
neux. Un crochet en fil de fer, de dix centi-
mètres de longueur, est disposé de manière à
tenir le paquet fermé lorsque celui-ci esl
suspendu; mais, sitôt que les tourterelles
sont déposées dans le carton, tout doit s'ou-
vrir en même temps, et les tourlerelles sont
libres.
LA GAGE AUX OISEAUX.
Il serait trop long de donner une descrip-
tion exacte de cette cage; toutefois, je. crois
pouvoir en faire comprendre les dispositions
par l'explication suivante :
280 XAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
La cage a quatre grands côtés et deux
petits formant le fond, le dessus et deux
côtés. Les quatre grandes faces de cetle cage,
au lieu d'être solidement fixées entre elles,
sont réunies par des charnières, ce qui per-
met à la cage de s'aplatir et de ne présenter
que Irès-peu d'épaisseur. Les deux petites fa-
ces des extrémités sont également mobiles,
mais elles ne tiennent à la cage que par un de
ses côtés, et elles servent à fixer celle-ci
lorsqu'elle est redressée. Le fond de la cage
est en tôle et disposé de manière à laisser
une place suffisante pour loger les canaris
lorsqu'elle est à plat.
Lorsqu'on redresse la cage, on ferme vive-
ment les deux petits côtés pour que les deux
oiseaux n'aient pas le temps de s'échapper.
L'anse de la cage est également à charnière
pour pouvoir s^aplatir.
i
CARTON FANTASTIQUE. 281
L'ENFANT.
A un moment donné, il entre dans le car-
ton sans que le public Taperçoive; il y est
presque lancé par un procédé que nous allons
décrire.
Du côté où le carton s'ouvre et directe-
ment au-dessous de ses bords est pratiquée
dans le parquet une petite trappe à charnière.
Au-dessous de cetle trappe est placée verti-
calement une boîte oblongue dans laquelle
Tenfant debout se trouve placé. Le fond est
mobile et peut être soulevé par un levier de
manière à enlever l'enfant jusqu'à la hauteur
du carton. Nous verrons plus loin comment
doit être pratiquée celte opération.
id.
282 MAGIE ET PflYSIQUE AHUSAKTË
PRÉPARATION DU CARTON AYANT D'ENTRER
EN SCÈNE.
On étend d'abord la toile de recouvrement
sur le fond intérieur du carton, puis on mel
par-dessus les objets suivants : 1"* la cage
aplatie avec les oiseaux dedans ; 2"" à côté de
cette cage le double fond de la casserole
remplie de haricots ; 5° l'image de la batterie
de cuisine; 4° la tourterelle aplatie ; 5** l'image
de l'oiseau ; 6' les deux chapeaux aplatis à
côté l'un de l'autre ; 7"* l'image de la petite
dame.
PRÉPARATION DES CASSEROLES.
Emplir d'eau la casserole n"3; la couvrir
et la ficeler ainsi qu'il a été indiqué plus
LE CARTON FANTASTIQUE. 283
haut. Mettre dans le fond de la casserole
n'' 1 un sachet en papier fin dans lequel est
une poudre dont l'inflammation produit un
feu rouge *. Une mèche communiquant avec
celte poudre sort du papier pour être facile-
ment enflammée. On met à cet effet une
allumette à côté dans la casserole. Après
quoi, on met les casseroles les unes dans
les autres.
Les tourterelles, ainsi que je Tai dit, se
mettent dans un sac pour ne former qu'un
paquet.
Lorsqu'on est prêt à faire le tour , on
accroche le paquet de casseroles à une
boucle que Ton a derrière soi saus l'habit,
1. Gomposilion de la poudre à feu rouge :
1* Nitrate de strontiane pulvérisé et
desséché avec soin 20 parties.
I 2o
2* Résine de benjoin 4 »
3* Fleur de soufre desséchée. . 1 •
;l
?84 MAGlfi ET PUYSIQUE AMUSANTE.
comme je l'ai indiqué dans mon volume des
Secrets de la prestidigitation, page 403. Les
tourterelles s'accrochent également de ma-
nière à se trouver au-dessus des casseroles.
Toutes ces disposilions prises et étant
ainsi équipé, on prend le carton et on entre
en scène. Puis, après que le carton a été
déposé sur les tréteaux, on procède à Tex-
Iraction des objets en s'appuyant sur le boni-
ment que j'ai indiqué plus haut.
Première ouverture : l'image de la petite
dame et des chapeaux.
Deuxième ouverture : l'image des oiseaux.
En élevant verticalement cette image au-
dessus du carton comme pour la sortir avec
la main gauche, le corps se trouve masqué
un instant et on en profite pour décrocher
vivement le paquet de tourterelles et le
mettre dans le carton*
4
LE CARTON FANTASTIQUE. 285
Troisième ouverture l'image de la bat-
terie de cuisine servant également à masquer
le corps pour déposer dans le carton le pa •
quel de casseroles. Une fois déposées, on
les met à côté Tune de l'autre. Le double
fond aux haricots est mis sur le n* 2. Avant
de sortir le n*" 1 , on frotte l'allumelle et on
enflamme la poudre, ce qui laisce croire que
la casserole est remplie de feu.
Quatrième ouverlure : on relève la cage
et on la sort du carton, qui, après cela, reste
ouvert, étant retenu par son compas.
Ici commence une scène qui doi t faciliter
l'introduction de l'enfant dans le carton
sans qu'il soit vu du public : on s'avance
vivement jusqu'auprès des spectateurs pour
leur montrer la cage, et, mettant la main
dedans, on feint de vouloir leur di^^tribuer
les serins ea criant :
SS6 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSAMTB.
— Quelles sont les personnes qui en veu-
lent?
Les speclaleurs, croyant rexpérience ter-
minée et, d'autre part, désireux d'avoir un
de ces pelils oiseaux, reportent loule leur
attention sur la cage.
Mais, pendant ce lemps, voici ce qui se
passe sur la scène : le servant qui est près
du carton à l'instant où on vient d'en sortir
laçage, voyant, du reste, toute l'attention
du public portée sur la cage, laisse échapper
du carton le recouvrement en toile verte qui
tombe jusqu'à terre et cache ainsi le vide
entre le carton et le parquet. A ce signal, une
personne, placée dans la coulisse, poussant le
levier dont j ai parlé plus haut, lance en
quelque sorte l'enfant à la hauteur de l'ou-
verture du carton et celui-ci s'v fourre
aussitôt.
\
\
»
4
lE CAUTON FANTASTIQUE. 287
Celte inlroduction opérée, le servant re-
lève tranquillement la toile comme pour
réparer un accidenl inattendu. Ce mouvement
élait fait sur ma scène avec une telle prompti-
tude que, pour le spectateur qui, je suppose,
n'eût pas quitté le carton des yeux, c'eût été
simplement le fait d'une toile tombée par
hasard et relevée aussitôt. J'ai souvent ap-
précié la durée de l'introduction de l'en-
fant qui ne durait pas plus de quatre se-
condes.
Je me suis étendu assez longuement sur
ce (our, parce que c'était un de mes trucs
de prédilection, et que je le regarde comme
Tun des trucs les plus étonnants que Ton
puisse présenter au public.
i
1
r
XV
LE TAMBOUR MAGIQUE
àv
I
^ • w <
i
u commandement du
preslidigitaleur, un tam-
bour placé sui* un tré-
' pied léger, bat diflé-
rentes marches avec la
précision et l'habblé d'un tambour maî-
tre ; à cette différence près que ce tambour
magique résonne sans le secours de ba-
guettes et sans aucune intervention appa-
rente.
Cet exercice a lieu d'abord sur la scène ;
SOS MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE.
puis, pour éviter la supposition d'une illusion
d'acoustique, le physicien accroche le lam-
bour à deux coidons suspendus au plafond
de la salle. L'instrument, tout en se balan-
çant au-dessus de la tête des spectateurs,
redouble de vigueur et d'entrain dans l'exé-
cution de ses marches cl batteries.
Ce prestigieux exercice que l'on pourrai^
aisément faire passer pour une intervention
mcdianimique, repose sur un principe d'une
grande simplicité. Dans rinlérieur du tam-
bour est un vibi^ateur de la Rive\ vulgaire-
ment appelé sonnerie électrique. Le marteau
de celte sonnerie est disposé de manière à
frapper sur la peau d'âne en guise de timbre.
On sait que, dans l'organisation d'une son-
i. On trouye dans les traités d'électricité dynamique, et no-
amment dans les ouvrages de M. le comte du Moncel, la des-
cription de ce genre de sonnerie.
LE TAMBOUR MAGIQUE. 293
nerie électrique, il existe, à certîu'ne distance
de cet averlibseur, un bouton qu'il sufGl de
presser pour animer Tappareil. Tant que le
doigt reste sur le bouton les vibrations mé-
taUiques se font entendre ; elles ne cessent
que lorsque cesse la pression.
Ce bouton est placé dans la coulisse près
d'un compère qui doit remplir le rôle de
médium à distance. Des fils habilement dissi-
mulés et des communications métalliques
communiquent à l'intérieur du tambour, soit
qu'on le place sur le trépied ou à l'extré-
mité des cordons.
Rien de plus simple avec cette disposition
que d'exécuter toute batterie militaire, puis-
qu'on a à sa disposition des fia et des rrrrra
de toute durée.
En effet (et Ton peut essayer cet exercice
sur le bouton d'une sonnerie électrique), si
17.
294 HAGIB ET PHYSIQUE AMUSANTE.
on appuie sur le bouton dans un temps très*
court de la valeur d*une double croche, par
exemple, le marleau ne frappe qu'un coup.
C'est le fia ou l'unique coup de baguette.
Quant aux différents rrrrra ou roulements^
ils s'obtiennent par des durées de pression
comparables à des croches, des noires, des
blanches, etc. C'est un instrument dont le
compère joue avec plus ou moins de perfec-
tion.
Pour donner plus de brio à la batterie du
tambour, on place à l'intérieur de celui-ci
un second vibraleur et une seconde louche
sous la main du compère. On peut alors
d'une main faire un roulement continu»
tandis que de l'autre on exécute la marche. ^
Ce qui, dans l'art de la caisse roulaïUe, est j
un tour de force exécuté par les plus ha-
biles*
•I
4
j
LE TAMBOUR MAGIQUE. 295
. Pour rendre rexécûlion plus parfaite^
on peut, comme dans les serinettes, dis-
poser un cylindre sur lequel des chevilles
convenablement espacées envoient Téleclri-
cité dans des temps voulus pour l'exécution
des batteries.
Fin