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Full text of "Magie et physique amusante"

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ORNÉ d'un portrait DE l'âUTEUR 
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PABIS 

CALMANN LÊVY, ÉDITEUR 
ANCIENNE MAISON MICHEL LAVY FRÈRES 

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ONiti à» ftfBfdMtlMi f t df tndactioa léMrrét 



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AVERTISSEMENT 



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ans le volume qu'il 
Dublia sous ce litre : 
Us Secrets de la Presti- 
digitation et delà Ma- 
(fie, Robert Houdin 
exprirnsHt l'intention de donner prochai- 
nement une suite à cet ouvrage. La mort 
ne lui permit malheureusemeat pas de 
réaliser ce projet. Mais il a laissé des- 
matériaux suHisants, sinon pour former 
OD traité complet do In pri^Udigitatinn. 



!▼ AVERTISSEMENT. 



comme il le désirait, au moms pour 
composer un nouveau livre des plus in- 
téressants. 

C'est celte œuvre posthume que nous 
livrons aujourd'hui au public. Non -seule- 
ment elle est instructive et amusante en 
ce qu'elle révèle les curieux secrets de 
r habile enchanteur, mais encore, grâce 
aux dessins qui en accompagnent le texte, 
elle permet aux gens du monde de mettre 
eux-mêmes en pratique ce que Robert 
Houdin appelait modestement ses tmcs^ 
et ce qui n'était pas moins que de mer- 
veilleuses applications de la mécanique et 
de la physique, souvent dignes du génie 
de Vaucanson. 

L'ËDITEUli 






INTRODUCTION 



DANS LA l'EMEURE UE L'AUTEUR 



Saint-Gervai*. — te Menrf. — On aàetgê flectriqua. — V-ijui 
de rei»nn .lire à quatre cents mètre* d'éloignement 1s nombre cl II 
Dilure lies vUileors qui entrent dans une demeure. — Bi'lle m 
Icllres inilii[u]ni, à dlslancc, l'espèce et 1i quantité des di^pjches. 
— Coimnent on parrlenl à ossurer 1 «on cheval l'enclitude des 
repos et rîntfgrilf des râlions. — Itéreil irr^jïs'iblp, — |Inil<- 
«■tioQ de l'iieure sur tout le> cadrans. — Grotsc EonDerio'a'boi- 
logi! SB remonlant par le Ta-«t-Tient des domestiques, et eeli sani 
^'ils s'en doutent. — rrocfdf poar breer la euisinièra i préçuti 
le dincr i l'heure que l'on désire. — GoatrAkur de U température 
d'uni! serre, — Aïertiiseur d'incendie, — Voleur» prie au Irébu- 
ehcl. — Tir n\ pirtolet et couronnement du Tainquenr par l'élcc- 
trieiU' — dieniia de Fer aérien. 



IgU possède et j'habite à 
, Saint-Gervais, tout près 
lie Blois, une demeure 
dans laquelle j 'ai orga- 
nisé des agencements, 
je dirais presque des trucs, qui, sans être 




v.ii INTRODUCTION 



aussi prestigieux que ceux de mes séances, 
ne m'en ont pas moins donné dans le pays, 
à certaine époque, la dangereuse réputation 
d'un homme possédant des pouvoirs sur- 
naturels. 

Ces organisations mystérieuses ne sont, à 
vrai dire, que d'utiles applications de la 
science aux usages domestiques. 

J'ai pensé qu'il serait peut-être agréable 
au public de connaître ces petits secrets 
dont on a beaucoup parlé, et j'ai cru ne pou- 
voir mieux faire, pour leur publicité, que de 
les placer en tête d'un ouvrage plein de ré- 
vélations et de confidences. 

Si le lecteur veut bien me suivre, je vais 
le conduire jusqu'à Saint-Gervais, l'intro- 
duire dans mon habitation, lui servir de ci- 
cérone, et, pour lui épargner tout dépla- 
cement et toute fatigue, je ferai en sorte, en 



DANS LA DEMEURE DE L*AUTEUR. n 



ma qaaiîîé d'ex-sorcîer, que son voyage el 
sa visite s'exécutent sans changer de place. 



A deux kilomètres de Blois, sur la rive 
gauche de ia Loire, est un petit village dont 
le nom rappelle aux gourmets de savoureux 
souvenirs. C'est là que se fabrique la fameuse 
crème de Saint-Gervais. 

Ce n'est pas assurément le culte de cette 
blanctie friandise qui m'a porté à choisir cet 
endroit pour y fixer ma résidence. C'est à 
V amour sacré de la patrie^ seulement, que 
je dais d'avoir pour vis-à-vis cette bonne 
ville de Blois qui m'a fait l'honneur de me 
donner le jour. 

Une promenade, droite comme un I ma- 
juscule, relie Saint-Gervais à ma ville natale. 



a. 



IKTKODUCTiaW 



Sur l'extrémité de cet I tombe à angle droit 
un chemin communal longeant notre village 
et conduisant au Prieuré. 

Le Prieuré, c'est mon modeste domaine, 
que mon ami Dantan jeune a nommé, par 
extension, l'abbaye de F Attrape. 



Lorsqu'on arrive au Prieuré, on a defvafnt 
t>oi: 

1* Une grille pour l'entrée des voitures ; 

2* Une porte, sur la gauche, pour le pas- 
sage des visiteurs ; 

3' Une boîte, sur la droite, avec ouverture 
à bascule, pour T introduction des lettres et 
des journaux. 

La maison d'habitation est située à 
quatre cents mètres de cet endroit; une 



DANS LA DEMEURE DE L'AUTEUR. « 



allée large et sinueuse y conduit à travers 
un petit parc ombragé d'arbres séculaires. 

Cette courte description lopographique 
fera comprendre au lecteur la nécessité des 
procédés électriques que j'ai organisés à mes 
portes pour remplir automatiquement les 
fonctions d'un concierge. 

La porte des visiteurs est peinte en blanc 
Sur celte porte immaculée apparaît, à hau- 
teur d'oeil, une plaque eu cuivre et dorée, 
portant le nom de Robert Hôudin; celte in- 
dication est de la plus grande utilité, nul 
voisin n'étant là pour renseigner le visiteur. 

Au-dessous de cette plaque est un petit 
marteau également doré, dont la forme in- 
dique suffisamment les fonctions; mais, 
pour qu'il n'y ait aucun doute à cet égard, 
œie petite tête fantastique et deux mains de 
même nature sortant de la porte, comme 



zti INTRODUCTION 



d'uD pilori, semblent indiquer le rïiol 
Frappez, qui est placé au-dessous d'elles» 

Le visiteur soulève le marleau selon sa 
fantaisie; mais, si faible que soit le coup, 
là-bas, à quatre cents milres de dislance, 
un carillon énergique se lait entendre dans 
toutes les parties de la maison, sans blesser, 
pour cela, Toreille la plus délicate. 

Si le carillon cessait avec la percussion, 
comme dans les sonneries ordinaires, rien 
ne viendrait contrôler l'ouverture de la porte, 
et le visiteur risquerait de faire une longue 
faction devant le Prieuré. 

H n'en est pas ainsi. La cloche sonne in- 
cessamment, et ne cesse son appel que lors- 
que la serrure a fonctionné régulièrement. 

Pour ouvrir cette serrure, il a suffi de 
pousser un boulon placé dans le vestibule. 
C'est presque le cordon du concierge. 



DAr^S U DEMEDRË DE L'AUTEUR. x .. 



Par la cessation de la sonnerie, le domes- 
lique est donc averti du succès de son service. 

Mais cela ne suffit pas : il faut aussi que le 
visiteur sache qu'il peut entrer. 

Voici ce qui se passe à cet effet. Eu même 
temps que fonctionne la serrure, le nom de 
Robert Houdin disparaît subitement et se 
trouve remplacé par une plaque en émail, 
sur laquelle est peint en gros caractères le 
mot Entrez ! 

A cette intelligible invitation, le visiteur 
tourne un bouton d'ivoire, et il entre en 
poussant la porte, qu'il n'a pas même la 
peine de refermer, un ressort se chai^eant 
de ce soin. 

La porte une fois fermée, on ne peut plus 
sortir sans certaines formalités. Tout est 
rentré dans Tordre primitif, et le nom propre 
a remplacé le mot d'invitation. 



-XIV INTnODUCTION 



Celle fermeture présenle, en outre, une 
sûrelé pour les maîtres du logis. Si, par er- 
reur, par enfantillage ou par maladresse, un 
domestique tire le cordon, la porte ne s'ouvre f 

pas; il faul pour cela que le marteau art été 
soulevé et que ravértissement de la cloche 
se soit tait entendre. 

Le visiteur, en entrant, ne s'est pas douté 
^u*il a envoyé des avertissements à ses fu- 
turs hôtes. 

La porte, en s'ouvrant et en se fermant, 
^ exécuté aux différents angles de son ou- 
verture et de sa fermeture, une sonnerie 
d'*un rhythmeparliculier. 

Cette musique bizarre et de courte durée 
peut indiquer, par l'observation, si l'on reçoit 
une ou plusieurs personnes^ si c'est un hor- 
titué de la n:aison ou un visiteur nouveau, 
5i c'est enfin quelque intrus qui, ne con- 



DANS LA BËMEURE DE L'ÂUTEUIl. xt 



naissant pas la porte de service, s'est four- 
voyé par cette ouverture. 

Id j'ai besoin de donner des explications, 
car ces effets, qui semblent sortir des lois 
ordinaires de la mécanique, pourraient peut- 
être trouver quelques incrédules parmi mes 
lecteurs, si je ne prouvais ce que j'avance. 

Mes procédés de reconnaissance à distance 
sont de la plus grande simplicité et reposent 
uniquement sur certaines observations d'a- 
coustique qui ne m'ont jamais fait défaut. 

Nous venons de dire que la porte, en s'ou- 
vrant, envoyait, à deux angles différents de 
son ouverture, deux sonneries bien distinctes, 
lesquelles sonneries se réjjélaient aux mêmes 
angles par la fermeture. Ces quatre petits 
carillons, bien que produits par des mouve- 
ments différents, arrivent au Prieuré espacés 
par des silences de durée égale. 



XVI INTRODUCTION 



Avec une aussi simple disposition on peut^ 
ainsi qu'on va le voir, recevoir, à Tinsu des 
visiteurs, des avertissements bien différents. 

Un seul visiteur se présenle-t-il : il sonne, 
on ouvre, il entre en poussant la porte, qui 
se referme aussitôt. C'est ce que j'appelle l'ou- 
verture normale : les quatre coups se sont 
suivis à distances égales : T)nn!...dnn!... 
(Innî... drin!... On a jugé au Prieuré qu'il 
n'est entré qu'une seule personne. 



Supposons, maintenant, qu'il nous vienne 
plusieurs visiteurs. La porte s'est ouverte 
d'après les formalités ci-dessus indiquées. 
Le premier visiteur entre en poussant la 
port-^, et, selon les règles prescrites par la po- 
litesse la plus élémentaire, il la lient ouverte 



3ANS LA DEMEURE DE L'AUTiilUR. zvu 



lusqu'à ce que chacan soit passé; puis la 
porte se referme lorsqu'elle est abandonnée. 
Or, Fintervalle entre les deux premiers et les 
deux derniers coups a été proportionnel à la 
quantité des personnes qui sont entrées; 
le carillon s'est fait entendre ainsi : Drin!... 
drin!... drin!.., drin!... Et, pour une 
oreille exercée, l'appréciation du nombre 
est des plus faciles. 



L'habitué de la maison, lui, se reconnaît 
aisément : il frappe, et, sachant ce qui doit se 
produire devant lui, il ne s'arrête pas, comme 
l'on dit, aux bagatelles de la porte; on ne lui 
a pas plus tôt ouvert que les quatre coups 
équidistants se font entendre et annoncent 
son introduction» 



irni liNTRODUCTlO:^ 



Le mendiant voyageur qui se présente h 
celle porte, parce qu'il ne connaît pas la 
porle de service, soulève timidement le mar- 






11 n'en est pas de même pour un visiteur ^ 

nouveau : celui-ci ti'appe, et, lorsque paraît 
le mot Entrez j sa surprise l'arrête; ce n'est 
qu'au bout de quelques instants qu'il se dé- 
cide à pousser la porte. Dans cette action, il 
observe tout ; sa démarche est lente et les 
quatre coups sont comme sa démarche : 
Drin!.... drin!.... drin ! .... drin! .. ..Ouse 
prépare au Prieuré pour recevoir ce nouveau 
visiteur. 



DkyS LÀ BEUEURE DE L'AUTEUR. m 



teau, et au lieu de xoir, selon l'usage, quel- 
qu'un venir iponv lui ouvrir, il est témoin 
d*un procédé d'ouverture auquel il est loin 
de s'aUendre; il ci*aint une indiscrétion; 
il hésite à entrer; et, s'il le fait, ce n'est 
qu'après quelques instants d'attente et d'in- 
certitude. On doit croire qu'il n'ouvre pas 
brusquement la porte. En entendant le ca- 
rillon : D...r...i...n/... d...r...L..n!... 
d...r...i...n!... d...r...i...n!... il semble 
aux gens de la maison qu'ils voient entrer 
ce paiTvre diable. On va à sa rencontre avec 
certitude. On ne s'est jamais trompé. 



Supposons maintenant qu'on vienne en 
voiture pour me visiter. Les grilles d'entrée 
sont ordinairement fermées, mais les co- 



1 



XX INTRODUCTION 



chers du pays savent tous par expérience 
ou par ouï-dire comment on les ouvre. L'au- 
tomédon descend de son siège; il se fait^ 
d'abord, ouvrir la petite porte; il entre. Ah! 
par exemple, en voilà un dont le carillon est 
distinctif. Dnnldrinldrinldrin! On com- 
prend au Prieuré que le cocher qui entre 
avec une telle précipitation veut faire preuve 
vis-à-vis de ses maîtres ou de ses bourgeois 
de son zèle et de son intelligence. 

Noire homme trouve appendue à Tinté- 
rieur la clef de la grille qu'une inscription 
lui désigne; il n'a plus qu'à ouvrir les portes 
à deux battants. Ce double mouvement s'en- 
tend et se voit, même dans la maison. A cet 
effet est placé dans le vestibule un tableau 
sur lequel sont peints ces mots : Les portes 

DES grilles sont. . . 

A la suite de cette inscription incomplète 



DANS LÀ DEMEURE DE L'AUTEUR. xxi 



viennent se présenter successivement les 
mois OUVERTES OU FERMÉES, sclou que les 
grilles sont dans Tun ou Pautre de ces deux 
élals; et celte transposition alternative vient 
prouver matériellement la justesse de cet 
axiome : « Il faut qu'une porte soit ouverte 
ou fermée.» 

Avec un tel tableau, je puis, chaque soir, 
vérifier à distance la fermeture des portes 
de la maison. 



Passons maintenant au service de la boîte 
aux lettres. Rien n'est plus simple encore. 
J'ai dit plus haut que la boîte aux lettres 
était fermée par une petite porte à bascule. 
Cette porte est disposée de telle sorte que, 
lorsqu'elle s'ouvre, elle met en mouvement 



L- 



^ — - 



un IINTUODUGTIOIH 



au Prieuré une sonnerie électrique- Or, Ife 
fadeur a reçu l'ordre de mellre d'abord 
d'un seul coup dans la boîte tous les jour- 
naux, el d'y joindre les circulaires, pour ne 
pas produire de fausses émoLions; après 
quoi, il introduit les lettres, l'une après 

m 

l'autre. On est donc averti à la maison de la 
remise de chacun de ces objets; de sorte 
que, si Ton n'est pas matineux, on peut^ 
de son lit, compter les diverses parties de 
son courrier. 

Pour éviter d'envoyer porter les lettres à 
la poste du village, on fait la correspondance 
le soir; puis, en tournant un index nommé 
commutateur j on transpose les avertisse- 
ments, c'est-à-dire que, le lendemain matin,, 
le facteur, en mettant son message dans la 
boîte, au lieu d'envoyer le carillon à la mai- 
son, entend près de lui une sonnerie qui 



DANS LÀ DËI1£UU£ D£ L'AUTEUR. zxin 



l'averlît d'y venir prendre des lettres; il se 
sonne ainsi lui-même. 



Ces organîsalions, si agréablement utiles^ 
présentent cependant un inconvénient que 
je vais signaler ; ce qui m'amènera à raconter 
incidemment au lecteur une petite anecdote 
assez plaisanle sur ce sujet. 

Les habitants de Saint-Gervais ont une 
qualité que je me plais à leur reconnaître : 
ils sont très-discrets. 11 n'est jamais venu 
à ridée d'aucun d'entre eux de toucher 
au marteau de ma porte d'entrée autre- 
ment que par nécessite. 

Mais certains promeneurs de la ville y 
mettent moins de réserve, et se permettent 
quelquefois de s'escrimer sur les accès- 



mi INTRODUCTION 



soires électriques, pour en voir les effets. 

Bien que très-rares, ces indiscrélions ne 
laissent pas que d'être désagréables. 

Tel est l'inconvénient dont je viens de 
parler, et voici l'anecdote à laquelle il a 
donné lieu : 

Un jour, Jean, le jardinier de la maison, 
travaillait près de la porte d'entrée; il en- 
tend quelque bruit de ce côté,et voit bientôt 
un flâneur de notre cité blésoise, qui, après 
avoir fait manœuvrer le marteau, s'amusait 
à ouvrir et à fermer la porte, sans s'in- 
quiéter du trouble qu'il portait à la maison. 

Sur une remontrance que lui fait l'homme 
de service, l'importun se contente de dire 
pour sa justification : 

— Ah ! oui, je sais ; ça sonne là-bas. 

Pardon ! je voulais voir comment ça fonc- 

« 

tionnait. 



DANS LA DEMEURE DE HAUTEUR. zi? 



— S'il en est ainsi, monsieur, c'est 
bien différent, reprend le jardinier d'un 
ton de bonhomie affectée. Je comprends 
\otre désir de vous instruire, et je vous 
demande pardon, à mon tour de vous 
avoir dérangé dans vos obser^'ations. 

Sur ce, sans paraître remarquer l'em- 
barras de son interlocuteur, Jean retourne 
à son ouvrage en continuant déjouer l'indif- 
férence la plus complète. Mais Jean est un 
malin dans la double acception du mot ; il 
ne se trouve pas suffisamment satisfait, et, 
s'il refoule au fond de son cœur son reste 
de mécontentement, c'est pour avoir une 
plus grande liberté d'esprit dans un projet 
de représailles qu'il vient de concevoir et 
qu'il se propose de mettre, le jour même, 
à exécution. 
' Vers minuit^ il se rend à la demeure du 



6 



xin ■ INTRODUCTION. 



personnage ; il se pend à sa sonnette et ca* 
rillonne de toute la force de ses poi^- 
gnets. 

Une fenêtre s^enlr'otivre au puemier 
étage ; puis, par son entre-bâillement, parait 
un tête coiffée de nuit et enapourprée par 
la colère • 

Jean s'est muni d'une lanterne; il en 
dirige les rayons vers sa viclime. 

— r- Bonsoir, monsieur, lui dit-il d'un ton 
ironiquement poli; comment vous portez- 
vous ? 

— Que diable avez-vous donc à «onner 
ainsi à pareille heure ? répond la tête d'une 
voix courroucée* 

— Oh ! pardon , monsieur^ reprend Jean 
en paraphrasant certaine réponse de son 
interlocuteur ; oui, je sais, ça sonne là-hautj 
mais je voulais voir si votive sonnette fonc- 



DANS LA DEHEURE DE L'AUTEUR. nvii 



4ioimail aussi bien que le marteau du 
Prieuré. Bonsoir, monsieur ! 

Il était temps que Jean s'éloignâl; le 
monsieur était allé diercher, pour la lui 
jeter sur la tète..., une vengeance de nuit. 



Pour conjurer celte petite misère, je pla- 
çai sur ma porte un avis engageant chacun 
à ne pas toucher au marteau sans nécessité. 
Avjs inutile ! Il y avait toujours une néces- 
sité pour frapper, c'était celle de satisfaire 
ane ou plusieurs curiosités. 

Ne pouvant échapper à ces persistantes 
indiscrétionSjje pris le parti de ne plus m'en 
taquiner, et de les regarder, au contraire, 
comme un succès que m'attiraient mes 
procédés électriques. 



MviH INTRODUCTION 



Je n'eus qu^à me féliciter, plus lard, de 
ma conciliante détermination ; car, soit que 
la curiosité locale se fût émoussée, soit 
toute autre cause, les imporlunités cessè- 
rent d'elles-mêmes, et maintenant il est fort 
rare que le marteau soit soulevé dans un 
autre but que celui de pénétrer dans ma 
demeure. 

Mon concierge électrique ne me laisse 
donc plus rien à désirer. Son service est 
des plus exacts ; sa fidélité est à toute 
épreuve; sa discrétion est sans égale ; quant 
à ses appointements, je doute qu'il soit 
possible de moins donner pour un employé 
aussi parfait. 



Voici maintenant certains détails sur un 



DANS^ LA DEMEURE DE L'AUTEUR. xxiz 

procédé à Taide duquel je parviens à assurer 
à mon cheval Texactilude de ses repas et 
l'intégrité de ses rations. 

Il est bon de dire que ce cheval est une 
Jument, bonne et douce fille quasi majeure, 
qui répondrait au nom de Fanchelte, si ta 
parole ne lui faisait défaut. 

Fanchetle est affectueuse et même cares- 
sante; nous la regardons presque comme 
une amie de la maison, et c'est à ce litre 
que nous lui prodiguons toutes les douceurs 
qu'il lui est donné de goûter dans sa. con- 
dition chevaline. 

Ce petit préambule fera comprendre ma 
sollicitude à Tendroit des repas de notre 
chère bête. 

Fanchette a une personne affectée à son 
service de bouche; c'est un garçon fort 
honnête, qui, en raison même de sa probité, 

b. 



XXX 



INTRODUCTION. 



ne se formalise aucunement de mes pro- 
cédés... électriques. 

Mais, avant ce serviteur, j'en avais un 
autre* C'était un homme actif, intelligent, 
et qui s'était passionné pour l'art cultivé 
jadis par son patron* Il ne connaissait 
qu'un seul tour, mais il l'exécutait avec une 
rare habileté. Ce tour consistait à changer 
mon avoine en pièces de cinq francs. 

Fanchette goûtait peu ce genre de spec- 
tacle, et, faute de pouvoir se plaindre, elle 
se contentait de protester par des défail- 
lances accusatrices. 

Cet escamotage étant bien constaté, je 
donnai le compte à mon artiste, et me 
décidai à distribuer moi-même à Fanchette 
sou picotin réconfortant. 

Je dis moi-même ; c'est beaucoup avancer, 
car, je dois le confesser, si ma bête eût dû 



DANS Là demeure DE L'AUTEUU. xxzi 



compter sur mon exactitude pour faire ses 
repas à heure fixe, elle eût pu éprouver 
quelques déceptions à ce sujet. 

Mais n*ai-je pas dans Téleclricité et la 
mécanique des auxiliaires intelligents et 
sur le service desquels je puis comp- 
ter? 

L'écurie est distante d'une quarantaine 
de mètres de la maison. Malgré cet éloigne* 
ment, c'est de mon cabinet de travail que se 
fait la distribution. Une pendule est chaînée 
de ce soin, à l'aide d'une communication 
électrique. Ces fonctions ont lieu trois fois 
par jour et à heure fixe. L'instrument dis- 
tributeur est de la plus grande simplicité : 
c est une boîte carrée en forme d'entonnoir, 
versant le picotin dans des proportions 
réglées à Pavanée. 

« Mais , me dira-t-on, ne peut-on pas 



xxxn INTRODUCTION. 



enlever au cheval son avoine aussitôt qu'elle 
vient de tomber? » 

Cette circonstance est prévue ; le cheval 
n'a rien à craindre de ce côté, car la détente 
électrique qui fait verser l'avoine ne peut 
avoir son effet qu'aulant que la porte de 
récurie est fermée à clef. 

c< Mais le voleur ne peut-il pas s'enfermer 
avec le cheval ? » 

Cela n'est pas possible, attendu que la 
serrure ne se ferme que du dehors. 

c< Alors, on attendra que l'avoine soit 
tombée pour venir la soustraire. » 

Oui ; mais alors on est averti de ce 
manège par un carillon disposé de manière 
à se faire entendre au logis, si on ouvre la 
porte avant que l'avoine soit entièrement 
mangée par le cheval. 



DANS LA UEUCUl&B DE L'AUTEUR. ixiui 



La pendule dont je viens de parler est 
chargée, en outre, de transmellre Theure à 
tleux grands cadrans placés, Tun au fronton 
de la maison, l'autre au logeraenl du jar- 
dinier. 

a Pourquoi ce luxe de deux grands 
cadrans, me direz-vous, lorsqu'un seul peut 
suffire pour l'extérieur ? » 

Je vous dois, lecteur, à ce sujet, une 
explication justificative. Lorsque je plaçai 
mon premier cadran électrique dans le fron- 
ton du Prieuré, c'était dans le double but 
d'indiquer l'heure à toute la vallée, et de 
donner aux gens de la maison une heure uni- 
que et régulatrice. 

Mais, une fois mon œuvre terminée, je 



XX1X7 HîTRODUCTION 



m'aperçus que mon cadran était plus utile 
aux passants qu'à moi-même. J'étais obligé 
de sortir pour voir l'heure. 

Je me creusai vainement la tète pendant 
quelque lenips, pour parer à cet inconvé- 
nient. Je ne voyais d'autre solution à ce pro- 
blème que de bâtir une maison en face de la 
mienne pour regarder mon cadran. Toutefois 
une idée beaucoup plus sioaiple vint enfin me 
sortir d'embarras : le pignon du logement 
du jardinier était en vue de toutes nos fe- 
nêtres, j'y plaçai un second cadran et je h 
fis marcher par le même fil élecliique que 
le premier. 

Celte heure se communique par le même 
procédé à plusieurs cadrans placés dans dif- 
férentes pièces de Thabilation. 

Mais à tous ces cadrans il fallait une son- 
Berie unique, une sonnerie pouvant être 



DANS LA DEMEURE DE L'AUTEUR. 



coèendiie des habitants du Prieuré, ainsi que 
de toul le village. 

Voici ce que j'organisai pour cela ; 

Sur le faite de la maison est une sorte de 
campanile abritant une cloche d^un cert»n 
volume, dont on se sert pour l'appel aux 
beures des repas. 

Je plaçai au-dessous de cette cloche un 
rouage suffisamment énergique pour soule- 
ver le marteau ai> temps v^ulii. Mais, comme 
il eût fallu remoaler chaque jour le poids 
de celle machine, j« me servis d'une force 
perdue, ou pour mieux dire non utilisée, 
poiftr remplir automatiquement cette fonc- 
tmi. A cet effet, j'établis entre la porte 
battante de la cuisine, située au rez-^le- 
chaussée, et le remontoir de la sonnerie, 
placé au grenier, une communication dis- 
posée de telle sorte qu'en allant et venant 



XXXVI INTRODUCTION 



pour leur service, et sans qu'ils s'en doutent, 
les domestiques remontent incessamment 
le poids de ce rouage. C'est presque un 
mouvement perpétuel dont on n'a jamais à 
s'occuper. 

Un courant électrique distribué par mon 
régulateur soulève la détente de la sonnerie 
et fait compter le nombre de coups indiqués 
par les cadrans» 

Cette distribution d'heure me permet 
d'user, dans certains cas, d'une petite ruse 
qui m'est fort utile et que je vais vous con- 
fier, lecteur, à la condition de n'en pas 
parler; car ma ruse, une fois connue, man- 
querait son effets Lorsque, pour une cause 
ou pour une autre, je veux avancer ou re- 
tarder l'heure de mes repas, je presse se- 
crètement sur certaine touche électrique 
placée dans mon cabinet, et j'avance ou je 



DANS LA DEMEURE DE L'AUTEUR. xzxrii 



retarde à mon gré les cadrans et la sonnerie 
de la maison. La cuisinière a trouvé que le 
temps passe souvent bien vite, et, moi, j'ai 
gagné en plus ou en moins un quart d'heure 
que je n'eusse pas obtenu sans cela. 

C'est encore ce même régulateur qui, 
chaque matin, à l'aide de transmissions 
électriques, réveille trois personnes à des 
heures différentes, à commencer par le jar- 
dinier. 

Celle disposition n'a rien de bien mer- 
veilleux,et je n'en parlerais pas si je n'avais 
à signaler un procédé assez simple pour 
forcer mon monde à se lever lorsqu'il est 
réveillé. Voici le procédé. Le réveil sonne 
d'abord assez bruyamment pour que le dor- 
meur le plus apa Ihique soit réveillé, et il 
continue de sonner jusqu'à ce qu'on aille 
déranger une petite touche placée à l'extré- 



xxxvui INTRODUCTION 



mité de la chambre. Il faut, pour cela, se 
lever ; alors le tour est fait. 



Ce pauvre jardinier, je le tourmente bien 
avec mon électricité! Croirait-on qu'il ne 
peut pas chauffer ma serre au delà de dix 
degrés de chaleur, ou laisser baisser la tem- 
pérature au-dessous de trois degrés de froid, 
sans que j'en sois averti ? 

Le lendemain matin, je luis dis : 

— Jean vous avez trop chauffé hier soii ; 
vous grillez mes géraniums I 

Ou bien : 

— Jean vous risquez de geler mes oran- 
gers; le thermomètre est descendu, cette 
nuit, à trois degrés au-dessous de zéro 1 

Jean se gratte l'oreille, ne répond pas ; 



DANS LÀ DEMEURE DE L'AUTEUR. xxxtt 



mais je suis sûr qu'il me regarde un peu 
comme sorcier. 

Cette disposition thermo-électrique est 
également placée dans mon bûcher, pour 
m^avertîr du moindre commencement d'in- 
cendie. 



Le Prieuré n'est point une succursale de 
la Banque de France ; toutefois, si modestes 
que soient mes objets précieux, je tiens à 
les consCTver, et, dans ce but, j'ai cru de- 
voir prendre mes précautions contre les 
voleurs. Les portes et fenêtres de ma de- 
meure ont toutes une disposition électrique 
qui les relie avec le carillon, et sont organisées 
de telle sorte que, lorsque l'une d'entre elles 
fonctionne, la cloche résonne tout le temps 
de son ouverture. 



XI INTRODUCTIOK 

Le lecteur voit déjà rinconvénient que 
présenterait ce système si le carillon réson- 
nait chaque fois qu'on se mettrait à la fenê- 
tre ou qu'on voudrait sortir de chez soi. Il 
n'en est point ainsi : la communication se 
trouve interrompue toute la journée, et n'est 
rétablie qu'à minuit (l'heure du crime), et 
c'est encore la pendule au picolin qui est 
chargée de ce soin. 

Lorsque nous nous absentons de la maison, 
la communication électrique est permanente, 
et, le cas d'ouverture échéant, la grosse 
sonnerie de l'horloge, dont la détente est 
soulevée par l'électricité, sonne sans cesse et 
produit à s'y méprendre la sonnerie du 
tocsin. Le jardinier et les voisins mêmes 
étant avertis de ce fait, le voleur serait facile- 
ment pris au trébuchet. 



1 



DANS LA DEMEURE DE L'AUTEUR. lu 



Nous nous plaisons souvent à lirer au pis- 
lolet. Nous avons pour cela un emplacement 
fort bien organisé. Mais, au lieu de la Re* 
nommée traditionnelle, le tireur qui fait 
mouche voit soudain paraître au-dessus de 
sa tête une couronne de feuillage. La balle 
et réleclricité luttent de vitesse dans ce 
double trajet ; ainsi, bien qu'on soit à vingt 
mètres du but, le couronnement est in- 
stantané. 



Permettez-moi, lecteur, de vous parler 
encore d'une invention à laquelle rélectricit^ 
est tout à fait étrangère, mais que je crois 



lut INTRODUCTION 



devoir, toutefois , vous intéresser. Dans 
mon parc se trouve un chemin creux que 
Ton se voit quelquefois dans la nécessite 
de traverser. Il n'y a pour cela ni pont ni 
passerelle* Mais, sur le bord de ce ravin, on 
voit un petit banc; le promeneur y prend 
place ^ et il n'est pas plus tôt assis qu'il se 
voit subitement transporté à Faulre rife. 

Le voyageur met pied à terre et le petit 
banc retourne de lui-même chercher uu 
autre passager. 

Cette locomotion est à double effet : il y a 
une même voie aérienne pour le retour. 

Je termine ici mes descriptions ; en les 
conlîniiant, je craindrais de tomber dans ce 
ridicule du propriétaire campagnard qui, 
dès qu'il tient un visiteur, ne lui fait pas 
plus grâce d'un bourgeon de ses arbres que 
d'un oeuf de son poulailler. 



DANS LÀ DEMEURE DE L'AUTEUR. ZLia 

D'ailleurs,iie dois-je pas réserver quelques 
petits détails imprévus pour le visiteur qui 
viendrait lever le marteau mystérieux au- 
dessous duquel, on se le rappelle, est gravé 
le nom de 

Robert Houdin. 



I 



THfiATRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES 
DE ROBERT HOUDIN. 



1 




vaut d'aborder le 
^ fond de mon sujet, 
I il est à propos, je 
[•crois, de donner 
quelques renseigne- 
ments sur la salle de spectacle créée par 
moi sous le lilre de Théâtre des soirées 
fantastiques de Robert Houdin\ et dans 
laquelle j'ai présenté, pendant de longues 
années , le plus grand nombre des expé- 
riences que je vais décrire ici. 

1. Le ptdtlic a considérableinenl abrégé ce tilre : le Dom 
Mol de Bobert Houdin désigne aujourd'hui le tliÉâtre et le 
genre de ipeclacle. 



4 MÂGIË ET PHYSIQUE AUUSANTE. 

Je pense être agréable au lecteur en 
faisant précéder cette description d'une 
anecdote dont les détails, si j'en juge par 
rirapression que m'en cause le souvenir 
après plus de vingt ans d'intervalle, ne 
peut, manquer d'exciter vivement son in- 
térêt. 

J'ai raconté, dans mes Confidences^ com- 
ment de mécanicien j'étais devenu prestidi- 
gitateur; mais ce que je n'ai pu dire, pour 
des raisons que je vais exposer plus loin, 
c'est à quelles bizarres circonstances je dois 
d'avoir pu construire mon théâtre avec des 
ressources pécuniaires beaucoup plus mo- 
destes que ne l'exigeait celte entreprise. Je 
puis mamtenant parler de cette affaire, et je 
le ferai d'autant plus volontiers que mon 
récit me fournira l'occasion de donner un 
souvenir de reconnaissance à un homme 



i 



THÉÂTRE DES SOIRÈbiS FANTASTIQUES. 



dont ce qui va suivre fera connaître le noble 
cœur cl la délicale générosité. 

Cette entrée en matière sera également 
une dédicace à mon bien regretté bienfaiteur 
et ami. 

En 1843, n'étant encore qu'un horloger 
constructeur de curiosités mécaniques, j'eus 
Toccasion de vendre une pendule de pré- 
cision à M. le comte de l'Escalopier. 
Celle pièce, à laquelle j'avais porté tous mes 
soins, me valut plusieurs visites de mon 
noble client en vue de m'adresser des félici- 
tations. J'eus tout lieu de croire, depuis, 
que mon client, grand amateur des arts en 
général et que la mécanique intéressait par- 
ticulièrement, n'était pas fâché, tout en 
payant un tribut mérité au mécanicien, de 
lui faire une visite de temps à autre. Il 
trouvait là, chaque fois, une nouvelle curio- 



MAGIE BT PHYSIQUE ÂUUSANTE. 



silé en train d'exécution et, sans façon, il 
s'asseyail près de mon établi pour me voir 
travailler. 

A cette époque, ainsi que jeTai dit ailleurs, 
tout en m'occupant avec mes ouvriers d'ob- 
jets d'une fabrication productive, je confec- 
tionnais aussi les pièces mécaniques qui 
devaient figurer, un jour bien éloigné peut- 
être, dans les séances publiques que je me 
proposais de donner. 

Une intimité relative s'étanl par suite éta- 
blie entre M de TEscalopier et moi, je fus 
tout naturellement amené à lui parler de 
mes projets de théâtre, et, pour les justifier, 
je lui avais donné, à plusieurs reprises, un 
échantillon de mon savoir-faire en preslidi- 
gitsition. Guidé sans doute par ses sentiments 
de bienveillance, mon spectateur m'applau- 
dissait toujours et m'encourageait vivoraenl 



THÉÂTRE DES SOIUÉËS FANTASTIQUES. 7 

à pousser à bonne fin la réalisation de mes 
projets. M* le comte de l'Escalopier, pos-- 
sesseur d'une forlime considérable, habitait 
un des magnifiques hôtels qui entourent la 
place que l'on a appelée Royale ou des Vosges^ 
selon la couleur du drapeau de nos gouTcr* 
nanls. J'occupais un modeste appartement 
rue de Vendôme, au Marais, et celte dispro- 
portion dans l'importance de nos demeures 
n'empêchait pas le comte et l'artiste de se 
donner entre eux le nom de cher voisin et 
souvent aussi celui d'ami. 

Mon voisin donc, très-partisan de mes pro^ 
jets, ainsi que je viens de le dire, m'en 
entretenait sans cesse ; et, pour m'exercer^ 
disait- il, à ma future profession, jwur 
me donner l'assurance qui me manquait 
alors, il m'invitait souvent à passer la soirée 
en compagnie de quelques intimes que je 



8 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

me faisais un grand plaisir d'amuser avec 
mes tours d'adresse ; c'est ainsi qu'à la suite 
d'un dîner offert par M. de l'Escalopier 
à l'archevêque de Paris*, avec lequel U était 
lié d'amitié, j'eus l'honneur d'être présenté 
au digne prélat comme un mécanicien, futur 
prestidigitateur, et que j'exécutai devant lui 
une séance composée des meilleures de mes 
expériences. 

A cette époque, je puis le dire sans y 
chercher aucune satisfaction de vanité ré- 
trospective, j'étais assez adroit. Ce qui me 
porte à le croire, c'est qiie ma nombreuse 
assistance se montra émerveillée et que 
monseigneur lui-même m'adressa un com- 
pliment autographe que je ne puis m'em- 
pêcher de relater ici. 



1 Monseigneur kîire, le martyr des barricodes de 1849. 



TUËATRE DFi^ SOIRÉES FANTASTIQUES. 

J'avais réservé pour la fin de ma séance un 
tour que, pour me servir d'une expression 
qui m'élail familière alors, je possédais au 
bout de mes doigts. Yoici sommairement en 
quoi il consistait : après avoir fait examiner 
avec soin par mes spectateurs une grande 
enveloppe de lettre cachetée sur tous les 
joints, je l'avais remise au gran l vicaire de 
monseigneur en le priant de la garder entre 
ses mains. Puis, remettant au prélat une 
petite feuille de papier, je l'avais prié d'y 
écrire secrètement une phrase, une pensée. 
Le papier fut ensuite plié en quatre et osten- 
siblement brûlé. Mais à peine venait-il d'être 
consumé et les cendres dispersées, que, 
remettant Tenvcloppe à monseigneur, je le 
priai d'en faire l'ouverture. La première 
enveloppe étant dépouillée, on en trouva une 
autre également cachetée ; puis, après celle-là| 

u 



10 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

une aulie el Ton aniva ainsi à décacheter 
une douzaine d'enveloppes sortant les unes 
des autres, la dernière contenait le billet 
intact et regénéré; on se le passa de main en 
main el voici ce que chacun put y lire : 

« Sans être prophète, je vous prédis, mon- 
sieur, de grands succès dans votre futui'e 
carrière, » 

Je demandai à Monseigneur Affre la per- 
mission de conserver cet autographe; ce 
qu'il m'accorda avec une grâce charmante*. 

A partir de cette soirée, M. de TEscalopier 
ne cessa de m'engager à frapper le grand 
ooupy comme il disait, et il insistait sou- 
vent sur ce sujet. 

1 . Ce billet fut conservé par moi comme une pieuse relique ; 
je lit avais réservé une plaee secrète dans an portefeuille qpK 
je portais toujours sur moi. Dans le voyage que je fis en Âl<;éric, 
i*eus le malheur de perdre mon portefeuille et Tobjet précieux 
qu*il reniermait. 



THEATRE DES SOIREES FANTASTIQUES. 11 

A ces amicales instances j'opposais Texé- 
culion inachevée de certains Irucs qui m'é- 
taient indispensables; ce qui n'était pas 
l'exacte vérité. La cause réelle de mes ater- 
moiements olait l'insuffîsance de mes res- 
sources pécuniaires. Â lort ou à raison , je 
mettais une certaine fierté à ne pas faire cet 
aveu, espérant arriver par mon travail au 
but que je me proposais. Pourtant, mi jour, 
à bout d'arguments sur cette question tant 
de fois traitée, je fus obligé délaisser entre- 
voir la vérité. 

— Gomme cela se trouve à merveille, me 
dit le comte avec une bonhomie charmante, 
j'ai précisément chez moi une dizaine de 
mille francs dont je ne sais que faire; obli- 
gez-moi donc de me les emprunter pour un 
temps indéterminé ; vous me rendrez là ua 
véritable service. 



12 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

N'élanl pas préparé à celte délicate propo- 
sition, je refusai. Pourquoi? je ne saurais le 
dire au juste; sinon qu'il me coulait d'asso 
cicr apiHori les intérêts d^un ami aux éven- 
lualités de mon entreprise. 

M. de TEscalopier essaya par divers 
raisonnements de vaincre des scrupules 
dont il soupçonnait la cause; n*y pou- 
vant parvenir, il me quitta visiblement con- 
trarié. 

Je fus quelque temps sans le voir, ce qui 
m'attristait beaucoup; car, je dois le dire, 
ses visites, jusque-là très-régulières, étaient 
pour moi d'un grand charme et me donnaient 
une excitation salutaire pour mes travaux, 
mon noble voisin m'était devenu, en un mot, 
indispensable; j'étais sur le point d'aller le 
trouver, lorsqu'une après-midi je le vis en- 
trer chez moi ; ses traits étaient contractés et 



THEATRE D£S SOIRÉES FANTASTIQUES. 13 

il paraissait èlre sous le poids d'une extrême 
émotion . 

— Mon cher voisin, me dit-il en m*a- 
bordant, puisque vous ne voulez pas absolu- 
ment être mon obligé, c'est moi qui viens 
aujourd'hui solliciter d'êlre le vôtre Voici 
le fail : Ma mère^ ma femme et moi, nous 
sommes sous le coup d'un danger imminent, 
d'un affreux malheur. Ce malheur, vous 
pouvez peut-être le conjurer. Vous allez en 
juger, ccou lez-moi. 

» Depuis plus d'un an, on me vole dans 
mon secrétaire des sommes parfois assez con- 
sidérables. Ne sachant à qui m'en prendre, 
j'ai successivement renvoyé tous mes domes- 
tiques; j'ai pris aussi toutes les précautions 
et sûretés imaginables : surveillance, change- 
ment de serrure, secrets aux portes, etc., 
rien n'a pu déjouer l'adresse et la perfidie 



14 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

da malfaiteur. Ce matin encore, je viens de 
constater ]a disparition de deux billels de 
mille francs. Concevez- vous, ajouta lecomle, 
tout ce qu'il y a d'horrible dans la position où 
se trouve notre famille; le voleur, quel qu'il 
soit, si j'en juge par son énergique audace^ 
peut, s'il se trouvait pris sur le fait, nous 
assassiner les uns ou les autres pour se sau* 
ver... Voyons, ne pourriez- vous trouver au 
plus tôt un moyen de découvrir ou de pren- 
dre même cet audacieux coquin? 

— Monsieur le comte, répondis je, vous 
savez bien que mon pouvoir magique ne 
dépasse pas la longueur de mes doigts, et^ 
dans le cas présent, je ne vois pas ea-quoi 
je pourrais vous être utile. 

— Ce que vous pourriez foire? répliqua 
mon voisin ; mais n'avez-vous pas un pms* 
sant auxiliaire dans la mécanique? 



TlIfcAÏUE DES SOIREES FANTASTIQUES. 15 



— La tuocauiqnc?... alleiidcz doiicl... 
Vous me mêliez sur la voie d'une idée. En 
effet, je me rappelle que, étant au collège^ • 
j'ai déjà, dans eertaine circonstance, à l'aide 
d'une machine d'invention bien primitive 
sans doute, découvert un gaillard qui me 
volait impunément mes richesses d'écolier. 
Avec ce point de départ, je pourrai peut-êlre 
combiner quelque nouveau piège à voleur. 
Laissez-moi y réfléchir; demain, vous aurez 
de mes nouvelles. 

Une fois seul, poussé par celte excitation 
fébrile que les inventeurs savent si facile- 
ment provoquer, j'eus bientôt trouvé la solu- 
tion du problème qui m'était proposé. Je fis 
immédiatement le plan de celte machine, et, 
sans plus tarder, je me mis à l'œuvre en me 
faisant aider de deux de mes ouvriers qui 
passèrent avec moi toute la nuit. Â huit 



JT5 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

heures du matin, mon travail était terminé 
et prêt à être mis en place. 

M. de TEscalopier, chez lequel je me ren- 
dis, avait été préalablement prévenu par un 
mot de moi, et il avait, sous différents pré- 
textes, éloigné tout le monde de la maison 
afin que personne n'eût connaissance de no- 
tre installation. 

Pendant que je travaillais à cet agence- 
ment, le comte, qui en ignorait les résultats, 
ne cessait de me témoigner son élonnement 
de me voir la main droite enveloppée d'un 
gant fourré et très-épais. Je ne lui donnai le 
mot de cette énigme que lorsque mes dispo- 
sitions furent entièrement terminées. 

— Tenez, lui dis-je, après avoir fermé le 
secrélaire, supposons que je sois le voleur; 
je mets la clef dans la serrure, j*ouvre 
avec précaution, et à peine la porte est-elle 



UÊATRE DES SOIRÉES FAI9TÂST1QUES. 17 

entr'ouverle que..., à cet inslant, un coup 
de pistolet retentit, et sur le dessus de mon 
gant se trouve imprimé en caractères inef- 
façables le mot voLECR. 

Voulant expliquer au comle les effets qui 
venaient de se produire : 

— L'explosion du pistolet, lui dis-je, est 
pour vous donner Talarme et vous avertir, 
quelque part que vous soyez dans la maison ; 
puis, voyez-vous, aussitôt que le secrétaire 
en s^ouvrant laisse une ouverture suffisante, 
cette griffe portée par une tige et poussée par 
un ressort vient s'appliquer sur le dos de la 
main qui tient encore la clef. Cette griffe 
n'est, à proprement dire, qu'un instrument 
à tatouer; ce sont des pointes très-courtes, 
et très-aiguës, disposées de façon à former 
le mot VOLEUR. Ces pointes traversent un 
tampon imprégné de nitrate d'argent qui, 



18 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



par le choc, se répand dans les piqûres et 
rend leurs marques ineffaçables pour la vie. 

A ces explications y M. de rËscalo{âer 
devint sérieux et presque Iriste. 

— Mon Dieu ! mon cher ami, me dil-if , 
que ferions-nous là? il n'appartient qu'à la 
justice de flétrir un coupable. Celte marque 
indélébile, dont le malheureux ne pourrait 
se débarrasser que par une horrible mutila- 
lion, ne peut-elle pas, en le classant indéfi^ 
niment parmi les ennemis de la société, lui 
fermer la porte du repentir? Dn tel procédé 
serait inhumain et même injuste. 

» El puis, ajoula*il en témoignant un sen- 
liment d'horreur^ ne peut-il arriver que, par 
suite de distraction, d'oubli, de fatale erreur, 
quelqu'un des nôtres fût viclime de nos 
sévères précautions, et alors...? 

J'avais, dès les premiers mots du comlc, 



THEATRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES «9 



reconnu la justesse de son appréhension et 
de ses craintes ; aussi, Tinlerrompanl : 

— C'est juste, lui dis-je, je n'avais point 
songé à tout cela, mais il n'y a rien de perdu ; 
je ne vous demande que quelques heures pour 
apporter à l'instrument une modiGcation qui 
ne vous laissera rien à craindre ni à désirer. 

Je courus m 'enfermer dans mon atelier* 
et, avant la fm de la journée, j'avais rap- 
porté rinstrument modifié : à la place de la 
griffe d'impression, j'avais mis une sorle de 
griffe de chat pouvant faire sur la main une 
légère traînée, une simple égratignure sus- 
ceptible d'être facilement guérie. Nous refer- 
mâmes le secrétaire et nous nous séparâmes, 
mon voisin et moi, en attendant les événe- 
menls. 

Pour stimuler la cupidité du voleur, M. de 
l'Escalopier fit venir plusieurs fois son agent 



20 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

de change, on compta ostensiblement de 
l'argent, on simula des sorties, un petit 
voyage, une absence complète des maîlriîs 
de la maison. L'appât fut inutile, car la 
semaine se passa sans qu'il y eût aucun 
résultat ; le comte, en venant me voir chaque 
matin, m'abordait invariablement par ces 
mots : Ci Rien encore I » 

Dans la famille de TEscalopier, le surna- 
turel commençait à prendre certain crédit. 
Quant à moi, je me creusais en vain la tête 
pour trouver une explication à mon insuccès. 

Nous étions au seizième jour d'attente et 
j'avais fini par prendre mon parti sur l'ennui 
que me causait celte affaire, quand, dans la 
matinée, je vis soudain entrer M. de l'Es- 
calopier; sa figure était toute bouleversée 

— Nous tenons enfin le voleur, me dit-i. 
en s'essuyant le front, comme un homme qui 



THÉÂTRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES. 21 

vient de faire une rude besogne ; mais, avant 
de vous le faire connaître, je veux vous 
raconter ce qui vient de se passer. 

» 3'élais ce matin dans ma bibliothèque, 
qui, vous le savez, est assez éloignée de ma 
chambre à coucher, lorsqu'une détonation 
se fait entendre. Reconnaissant aussitôt le 
signal de notre piège, mais n'ayant aucune 
arme près de moi, j'arrache une hache d'une 
panoplie et je cours sus au voleur. Dans ma 
précipitation, je commettais là une grande 
imprudence; j'ignorais à quel homme j'allais 
avoir affaire et mon arme pouvait ne pas 
suffire à me proléger. Quoi qu'il en soit, une 
fois arrivé, je pousse violemment la porte 
et j'entre résolument. Jugez de mon saisis- 
sement, en me trouvant en face de Bernard*, 

1. Je change le nom pour des raisons que Ton devra com- 
prendre. 



22 XAGIE ET PHYSIQUE AMDSANTE. 

mon homme de confiance, mon factotum ^ 
presque mon ami, un homme que je tutoie 
depuis plus de vingt ans. Eperdu, ayant à 
peine conscience de ce que je vois, et ne 
sachant que penser : 

» — Eh bien, Bernard ! balbuliai-je, quel 
est ce bruil, et comment te trouves-tu en ce 
moment dans ma chambre? 

» — C'est bien simple, monsieur le comte, 
répond Bernard avec une certaine assurance: 
je suis venu, comme vous Tavez fait vous- 
même au bruit de la détonation, et, cri arri- 
vant, je viens de voir un homme se sauvant 
parrcscalicr de service; j'en ai été telle- 
ment saisi, que je n'ai pas eu la force de le 
poursuivre; il doit cire hors de la maison 
déjà. 

» Sans phis de réflexion, je descends en 
toute hàle jusqu'au bas de l'escalier quîl me 



THÉÂTRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES. 23 

désigne. Mais quoi ! la porle est fermée et 
la def est de mon côté. 

» Une affreuse pensée me vient à Tespril : 

— Si c'était lui ! 

i^ Je remonte et, celte fois, la vérité m'ap- 
paraît dans toute sa laideur. Je remarque que 
Bernard lient sa main droite derrière son 
dos; je la lire violemment à moi, cl, lui 
montrant le sang qui la couvre : 

» — Malheureux, lui dis-je en le repous- 
sant avec horreur, voici la preuve de Ion 
crime ! 

Cet homme, qui loul à T heure encore 
essayait de me duper, se jette à mes ge- 
noux en implorant ma clémence. Je n'écoute 
rien, je m'éloigne de lui en ayant soin de 
l'enfermer à clef. 

» Yous connaissez, ajouta le comte, mon 
excellent docteur G.. .; c'est un homme d'un 



24 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

bon conseil ; je courus le trouver ; je lui ra- 
conte ce qui vient de se passer, et, après nous 
être consultés sur ce qu'il y avait de plus 
sage à faire, nous revenons à Thôtel. 

» — Voyons, dis-je sévèremen t à Bernard, 
depuis quand me voles-tu? 

» — Depuis bientôt deux ans. 

» — A quelle somme s'élève ce que tu 
m'as pris? 

» — Je ne saurais le dire au juste... Une 
quinzaine de mille francs, peut-être ! 

» — Va pour quinze mille francs, lui dis- 
je ; je t'acquitte du reste; car tu me trompes 
sans doute encore... Et oii as-tu placé celle 
Sfomme? 

» — J'en ai acheté des rentes sur TÉtat 
dont les titres sont dans mon secrétaire. 

» Nous le conduisons à sa chambre, où il 
nous remet des valeurs équivalentes à la 



THÉÂTRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES. V5 

somme qu'il disait m'avoir volée; après quoi, 
séance tenante, je lui fis écrire la déclaration 
suivante : 

« Je soussigné déclare avoir volé à M. le 
» comte de TEscalopier la somme de quinze 
» mille francs que je lui ai prise dans son 
» secrétaire à l'aide de fausses clefs. 

» Bernard X... 

» Paris, le... » 

» Enfin le docleur, prenant la parole, lui 
dit d'un ton sévère : 

» — A partir d'aujourd'hui, il est de votre 
intérêt de rentrer dans une vie honnête et de 
racheter ainsi voire infâme passé; sinon, 
cet écrit, dont je reste le dépositaire, sera 
remis à qui de droit, et alors vous irez 
donner a la justice les détails de votre 
aveu. Sortez! et souvenez-vous que les 

2 



■^t\ 



MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



portes de cet hôtel vous sont à jamais fer- 
mées. » 

Bernard mourut Tannée suivante ; son an- 
den maître, toujours prêt à pardonner, donna 
quelques larmes à son souvenir en m'assu- 
rant qu^il était mort sous le poids de ses re- 
mords. 

Son récit terminé, M. de TEscalopier tira 
•de sa poche un portefeuille, en sortit des 
papiers roulés ensemble et me les présen- 
tant avec une charmante expression de bonté : 

— J'espère, mon ami, me dit-il que vous 
ne me refuserez pas maintenant la satisfaction 
de vous prêter cette somme que je dois à 
votre intelligente adresse ; prenez-la ; vous 
me la rendrez quand vous voudrez, et qu^il 
soit bien entendu que ce remboursement ne 
se fera que sur les bénéfices réalisés dans 
votre théâtre. 



THEATRE DES SOIRÉES FANTASTIQUES. 27 



A celle olïre généreuse, rémotion me gagna 
et je restai quelques instants sans pouvoir 
articuler une parole. 

Toutefois, faisant un effort sur moi-^ 
môme, je me levai, et, sautant au cou de 
mon noble ami : 

— Tant pis pour Tétiquetle 1 lui dis-je,. 
que je vous embrasse pour tant de bonté 1 

Celle accolade fut le seul acte de garantie 
que M. de TEscalôpicr voulut accepter de 



moi*. 



Grâce à l'augmentation de mes finances, je 
pus donner cours à mes projets de consti'uc- 
lion, et je fis sans plus tarder b«^tir^ au Palais- 
Royal, une salle dont, en quelques mots, je 
vais décrire l'intérieur et les abords. 



1. L'excellent accueil que le public fit h mes représentation» 
me permit, un an après r ouverture de mon lhé«1lre, de m*ac- 
^Uer enveis mon généreux créancier. 



28 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

Les galeries qui entourent le jardin du 
Palais-Royal sont divisées par des arcades dans 
lesquelles sont installés des magasins qui 
passent à juste titre pour renfermer tout ce 
que Paris possède de plus riche, de plus élé- 
gant et de meilleur goût. 

Au-dessus de ces arcades, il existe au pre- 
mier étage de vastes appartements occupés 
par des établissements publics , cercles , 
cafés, restaurants, etc. C'est dans l'empla- 
cement de Tun de ces appartements, au 
n** 164 de la rue de Valois, que je construisis 
mon théâtre, embrassant, comme largeur, 
trois arcades et, comme longueur, la dislance 
entre le jardin et la rue de Valois, c'est-à-dire 
toute l'épaisseur du bâtiment. Les dimen- 
sions de cette salle étaient, comme on le voit, 
fort restreintes ; c'est à peine si deux cents 
personnes pouvaient y être contenues; il est 



t 



tuëâtre des soirées Fantastiques. 29 

vrai que les sièges étaient confortablement 
divises en stalles. 

Si les places étaient peu nombreuses, le 
prix en était assez élevé ; ce qui établissait 
une compensation en faveur de mes inté- 
rêts. 

On en jugera par le tableau suivant : 



AvanUscciies 5 francs. 

Loges. 4 » 

Stalles 5 » 

Galeries 2 » 



Les enfants payaient place entière. 

Dans le principe, ces places dites de gale- 
ries portaient le nom de parterre ; c'en était 
en effet. Mais, plus lard, m'étanl aperçu que 
beaucoup de personnes hésitaient à prendre 
des places de ce nom, j'avais eu recours à 
l'euphémisme et j'employai le mol de galerie 
pour les désigner; ce qui m*avail fort bien 

2. 



30 KAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

réussi, car, parmi les occupants de ces places ^ 
les dames étaient grandement représentées* 
Ma scène était petite et proportionnée, du 
reste, à la grandeur de la salle ; elle repré* 
sentait une sorte de petit salon Louis XY blanc 
€tx)r, uniquement meublé de ce qui était in- 
dispensable à ma séance. On y voyait une 
table de milieu, deux consoles et deux petits 
guéridons. Une tablette de même style ré- 
gnait dans le fond de la scène dans toute sa 
largeur; j'y déposais les objets devant servir 
à l'exécution de mes séances. Le parquet 
était couvert d'un riche tapis. 

Il y avait à la droite et à la gauche de ma 
scène une porte à deux battants ; cette lar- 
geur d'enlrée était nécessaire pour Pintro- 
duction de certaines pièces mécaniques* 

La figure suivante complétera cette expli- 
caliou» 



TilËATKE DES SOEItlLS FANTASTIQUES. M 

La porle pratiquée sur le côté droit de lu 
scène communiquai L à une chambre où, le 
soir, je préparais mes cxpi'Tiences cl qui, dans 




la journée, me servait d'atelier. Une grande 
leuêlrc donnant sur le jardin du Palais-Royal 
rendait cette pièce fort plaisante ; c'est là 
que j'ai exécuté grand nombre de trucs dont 
je vais donner la description. 



II 



DISPOSITIONS SGÉNIQUES 
POUR LA PRESTIDIGITATION THÉÂTRALE. 




*ameublemenl de la 
scène d'un prestidigi- 
tateur n'est pas seule- 
av.- ment disposé ponrcliar- 
^ ' mer la vue des specta- 
teurs, ii sert aussi à faciliter l'exécution 
d'un graud nombre de prestiges. Les tables 
surtout ont d'importantes fonclions à rem- 
plir : ce sont elles qui, le plus souvent, sont 
chaînées de faire apparaître ou disparaître 
des objets trop volumineux pour être cou- 



M HaGIB El PHYSIQUE ABUSANTE. 

tenus dans les mains ou dam les poches c'e 
l'opéra leur. 

Les anciens prestidigitaleurs' trouvaient, 
en cela, de grandes facilités dans l'ornemen- 
tation même de leurs tables. Ces meubles 




élaienl recouverts de tapis richement dé- 
corés qui tombaient jusqu'à terre, ainsi que 
le rejirésente la figure ci-dessus. 

1 , Comie, Bosco, Philippe, pour oe citer que ceux dont uns 
partie de la géaératioD p^nie peut encore sToir conaorvé la 



DISPOSITIONS SCÉNIQUES. 57 

Il n'élail pas rare de voir sur la scène 
quatre ou cinq de ces tables et quelquefois 
plus encore. Pour détourner l'idée de leur 
véritable destination, on les chargeait de 
flambeaux et d'objets de toute nature ayant 
apparence d'utilité pour la séance. 

Au fond de la scène et dans toute la lar- 
geur régnait un gradin à plusieurs étages 
chargé également d'instruments en cuivre 
poli qui, le plus souvent, n'avaient aucun 
trait à la prestidigitation. Cette collection 
hétéroclite et éblouissante était encore re- 
haussée d'éclat par un nombre considérable 
de lampes et de bougies \ Cette exposition 
brillante, que le prestidigitateur d'alors nom- 
mait pallas ', avait pour but, ainsi qu'on le 

1 . Philippe est celui qui a le plus abusé de ces éblouissantes 
exhibitions : iln*ayaitpis moins de cinq cents bougies sur la scène. 

2. En parlant d'une riche et brillante mise en scène, on disait 
aussi : « C'est très-pal laseux. » .. » 

3 



38 MAGI£ £T PHYSIQUE AMUSANTE. 

dit \ulg.\i rement, de jeter de la poudre 
aux yeux. 

Lorsqu'en 1844 je m'occupai de l'inslal- 
lalion de mon théâtre, j'apportai de no- 
tables modifications aux dispositions scé- 
niques de mes devanciers. La plus importante 
fut la suppression des longs tapis de table 
sous lesquels le public, avec quelque rai- 
son, a toujours supposé un auxiliaire pour 
les prestiges de l'escamotage. Je remplaçai; 
ces immenses boîtes à compère par des tables 
et des consoles en bois doré, genre Louis XV, 
dont je donne un échantillon. 

Le nombre de ces tables fut très-restreint : 
une table de milieu (celle, que représente la 
gravure ci-contre) deux consoles de côté et 
deux petits guéridons légers. Dans le fond, 
une large tablette de même style sur laquelle 
étaient disposés les instruments qui devaient 



DISPOSITIOSS 8GËNIQUES. 8» 

servir à Texécution de ma séance*. On n'y 
voyait, comme précédemment, aucune de 
ces énormes cloches en métal poli ou verni 



Fîg. 2. 



sous lesquelles se mettaient les objets que 
Ton voulait faire disparaître. Je les avais rem- 
placées par des appareils en cristal opaque 



i. Tous les prestidigitateurs, je dois le dire, s'empressk'ent 
d'adopter ces modifications, à Texceptioa toutefois du Tieiii 
Bosco, qui, jusqu'à son dernier moment, ne voulut démordie 
DÎ de ses tapis longs ni de ses manches courtes. 



40 mâgië et physique amusante. 

_ ■ ■ • ■ I ■ I ■ -^ 

ou transparent. La boîte à double fond, les 
instruments de cuivre ou de fer-blanc verni 
avaient été complètement proscrits de ma 
scène. 

La tenture de mon petit salon était blanc et 
or. Le luminaire se composait uniquement 
de quatre girandoles et de deux petits can- 
délabres rocaille placés sur ma table du mi- 
lieu. Mais pour que le public pût distinguer 
les moindres détails de mes exercices, j'avais 
pourvu ma scène d'un système d'éclairage 
qui y répandait une lumière suffisante sans 
que la vue des spectateurs en fût blessée. A 
cet effet, j'avais établi derrière la frise du ri- 
deau d'avant-scène* une herse ' au gaz garnie 

1. La frise du rideau d'avant-scèno est cette P'*riie courbe de 
draperie derrièra laquelle le rideau se cache en s'éleyant. 

2. Une herse de théâtre est un long tuyau à gaz sur lequel 
lont adaptés, à distances très-rapprochées, des becs à papillon 
formant en quelque sorte un ruban lumineux dans toute la 
longueur de la scène. • 



DISPOSITIONS SCÉNIQUES. 41 



d'un réflecteur qui projetait une vive lumière 
sur ma table du milieu, ainsi que sur les deux 
consoles, seuls endroits où s'exécutaient mes 
exercices de prestidigitation. 

Les réformes que j'avais apportées à la 
forme et à T ornementation des tables ne sup- 
primaient aucune des ressources qu'elles 
avaient fournies jusqu'alors à la prestidigi- 
tation ; on en jugera par les détails qui vont 
suivre. 

Ainsi que je viens de le dire, il n'y avait 
sur ma scène que trois tables : une au milieu 
et deux sur les côtés ; ces deux dernières, 
en forme de consoles, étaient fixées aux lam- 
bris du décor. J'avais également deux petits 
guéridons très-légers que je transportais au 
besoin sur le devant de ma scène pour les 
expériences qui exigeaient un rapprochement 
des spectateurs. 



42 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

— *- 

C'est sur ma table du milieu (figure 2) 
que se faisait la présentation du plus grand 
nombre de mes expériences; celle table 
n'avait d'autre apprêt qu'une servante garnie 
de sa gibecière et d' un jeu de pédales . J 'ai dé- 
crit dans un précédent ouvrage* et j'ai indi- 
qué par figure, à la page 315, la disposition 
et l'utilité d'une servante : « C'est une ta- 
blette placée derrière la table du côté opposé 
aux spectateurs, sur laquelle sont déposés à 
l'avance les objets que l'on doit faire appa- 
raître dans le cours de la séance. Au milieu 
est une petite boite carrée construite unique- 
ment en étoffe garnie de ouate et capitonnée 
pour lui donner une certaine consistance. 
Cette boîte est placée là pour recevoir sans 
^ruit les objets que Ton y jette subtilement 



1. Les Seo'ets de la prestidigitation et de la magie. 



DISPOSITIONS SCÉNIQUES. 45 

pour les faire disparaître aux yeux des spec- 
tateurs. 

Le jeu de pédales appliqué soas la fnce 
interne de la table sert à faire fonctionner 
ies automates et pièces mécaniques que Ton 
présente aux spectateurs. Ces automates étant 
censés obéir à commandement, il faut que 
celte intelligence mécanique soit guidée par 
un compère, et c^est par l'intermédiaire des 
pédales qu^on obtient ce résultat. 

La pédale est un assemblage de trois fils 
d'acier ; deux d'entre eux sont fixes et for- , 
ment ce qu'en terme de mécanique on ap- 
pelle une cage ; le troisième est mobile et 
peut s'éleva au-dessus des autres, lorsqu'on 
tire la ficelle. Le ressort qui est en dessous 
est chargé de ramener la tige à sa place, 
lorsqu'on lâche la ficelle* 

Quand plusieurs de ces pédales sont pla- 



44 mâgië £t physique amusante. 



cées sur une même ligne, à côlé les unes des 
nulres, "elles forment ce qu'on appelle un 
jeu de pédales.' Supposons, ainsi que je 
l'avais moi-même, ce jeu composé de dix pé- 
dales ; les dix ficelles passeront à droite el à 
gauche par les pieds de la table en s'ap- 
puyant sur des poulies, et, dirigées sous le 
théâtre, elles aboutiront à un clavier et y 
seront rangées dans Tordre qu'elles occu- 
pent dans la table. 

Lorsque les tiges s'élèvent au-dessus de la 
table, elles rencontrent les pédales corres- 
pondantes, qui sont placées dans le socle de 
la machine; lesquelles pédales font mouvoir 
soit un bras, soit la tête, soit toute autre 
pièce de l'automate ou de la machine. 

Les tables de côté, ou consoles fixées au 
lambris du décor, sont garnies de différentes 
trappes dont la destination est spéciale à tel 



DISPOSITIONS SGÉNIQUES. 45 

OU tel Iruc. Une ouverture, pratiquée dans le 
décor à la hauteur de la console, permet au 
servant d'y introduire le bras pour son ser- 
vice. Le dessous des consoles forme un 
caisson fermé de toutes parts, afin que les 
objets qui passent par les trappes ne puissent 
tomber à terre. Ge caisson, qui a environ 
vingt centimètres de hauteur, est dissimulé 
par la moulure de la table et par la frange 
d^or qui y est attachée. 

En dehors de ces tables appropriées au 
service ordinaire de la séance, il y en a 
d'autres qui sont spécialement organisées 
pour un seul truc et que l'on met en scène 
pour la circonstance. Telle est celle qui sert 
à l'escamotage d'une personne. Nous en fe- 
rons plus tard la description, lorsqu'il 
s'agira de ce truc. 

Le servant remplit sur la scène les fonc- 

3. 



éè MÂGIE BT PHYSIQUE IMUSANTE. 



tîoBS du préparateur d'un professeur de 
physique ou de chimie ; il s'occupe de four- 
nir à ropérateur tout ce qui lui est néces- 
saire pour reïéculion de ses expériences, el 
souvent y à Tinsu des spectateurs, il con- 
tribue au succès de certains presti}>es. Ce 
servant, quel <iue soit son costume , doit être 
d'une taille inférieure à celle du preslidigi- 
taleur, afin de ne pas trop meubler la scène 
de sa personnalité; un jeune garçon remplit 
très-bien ce rôle» Je me faisais aider en 
scène par l'un de mes fils, qui avait pour 
costume celui que la mode imposait à son 
âge (il avait treize ans en 1844)* 

Il existe un secoiwJ servant, dont le public 
ignore l'existence; celui-là, c'est Valter egù 
du prestidigitateur, c'est la main invisible 
qui est chargée de cerlaii^s apparitions, 
soustractions et aihstitutîo&s réputées œu- 



DISPOSITIOISS SGÉNIQUES. 47 



vres de la magie. Ce servant se lient dans la 
coulisse, l'œil et Poreille au guet, et, dans 
certains moments convenus à l'avance, il 
joint sa coopération à l'adresse et au boni- 
ment du prestidigitateur. Celte fonction 
exige une grande adresse, une attention sou- 
tenue et surtout une grande vivapité dans 
l'exécution. Les femmes s'en, acquittent à 
merveille. 



III 



TOURS DE MOUGHOIH. 




't armi les objets que te 
I public confie aui presti- 
l (iigitatfturs pour l'exécu- 
lion de leurs tours, les 
[ inouchwrs el ks fou- 
lards jouent an grand rôle. 

Je me propose de donner, en temps et 
lieu, la descripliofi de tours dans lesquels 
figurent des mouchoirs, tels que Voranger, 
le dessèchement, la combustion instan- 
tanée, etc. 



52 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

Voici, en allendant, lyj joli petit tour 
inédit s'exécutant avec un mouchoir. Je 
m'en servais dans mes séances sous forme 
d'intermède. Je le donne comme étant d*un 
très-grand effet. 



MOUCHOIR S'EVAPORANT DANS LA MAIN. 



« Les magiciens d'autrefois, dites-vous, 
n'étaient assujettis à aucune des misères de la 
vie; ils n'éprouvaient ni le froid, ni la faim, 
ni la soif, tant qu'ils étaient dans l'exercice 
de leurs conjurations. Toutefois, leurs rap- 
ports brûlants avec les chauds potentats d'un 
autre monde les exposaient, le plus souvent, 
à un excès de température dont le résultat se 
' traduisait par une abondante transpiration. 

» Ces magiciens, en jouant avec le feu, 



• • • 



TOURS DE MOUCHOIR. 53 

étaient incommodés par Peau dont s'inon- 
dait leur visage. Mais ils s'en débarrassaient 
en s'essuyant avec leur mouchoir, comme 
l'eussent fait de simples mortels. 

» L'un d'eux, que cet exercice ennuyait 
sans doute, avait imaginé un singulier moyeu 
d'abréger cette besogne siccative : son mou- 
choir, après son service, allait de lui-même 
se loger dans sa poche. 

» Je connais ce procédé cabaHs tique, et, si 
vous le voulez bien, je vais vous en donner 
la représentation. 

» Supposons donc que, pour les raisons 
que je viens de donner,.il faille m'essuyer le 
front : je prends à cet effet mon mouchoir 
dans ma poche... Le voici...» 

On s'essuie le h'onl, on s'évente avec le 
mouchoir; puis, en le frappant ciUrc les 
deux mains, on le fait s'évanouir aussitôt. 



U MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

■■■' ' ■■■■ — ■■■■III ■■■i--ii.,^, ■■■_■_ ■■■ ,^ 

« Savez-vous, messieurB^ où est le mou- 
choir?. •. Non!... Eh bien, je vais toUs le 
dire : il est retourné dans ma poche* . * » 

On sort, de nouveau, le mouchoir de la 
poche, pour le faire évanouir une seconde 
fois. 

« Vous voyeï, messieurs, combien la be- 
sogne se trouve ainsi abrégée : on n'a qu'à 
prendre son mouchoir dans sa poche, mais 
on n'a pas besoin de Ty remettre. » 

Ce plaisant intermède produisait le double 
effet de suspendre un instant ma séance et 
de reposer mes spectateurs. 

Voici comment le tour s'exécute : 

l"" Attaches un mouchoir par le milieu 
avec une ficelle*. 



i . D faut éviter dans eette attache toute grosseur pouvant 
faire obstacle à rintroduction du mouchoir dans la manche, cet 
inconTénient s'évite en cousant la ficelle après le mouchoir. 



TOUaS DE MOUCHOIRS* 55 

2* Introduisez rextrémîté libre de celle 
ficelle dans la manche droite de votre habit, 
passez-la derrière voire dos et failes-la redes* 
cendre par la manche gauche. 

En tirant la ficelle près du poignet 
gauche, le mouchoir remonte dans la 
manche droite. C'est cette opération qu'il 
s'agit de faire, sans que le public s'en aper- 
çoive. 

Pour cela faire, attachez reitrémité libre 
de la ficelle après le poignet gauche; et, pour 
déterminer la longueur de la ficelle, il faut 
que les bras étant droits et allongés, la corde 
soit tendue et que le mouchoir soit rentré 
dans la manche. 

On comprendra maintenant que, si l'on 
tient les bras un peu courbés et rapprochés 
du corps, la ficelle devienne libre et permette 
au mouchoir de pouvoir sortir de la manche. 



56 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

En allongeant les bras en avant, la corde 
se tend et le mouchoir rentre dans la 
manche avec la promptitude de Téclair. 

Lorsqu'on arrive en scène, le mouchoir est 
dans sa cachette ; on met les mains derrière 
le dos comme pour le prendre dans la 
poche, mais en réalité c'est pour le sortir de 
la manche à l'aide de la main gauche. 

En ramenant le bras par devant, h mou- 
choir est en paquet dans la main droite, ce 
qui sert à cacher son attache mystérieuse. 

Après que le mouchoir a rempli son 
office, on écarte et on allonge les bras, en 
frappant vivement les mains l'une contre 
l'aulre, et ces mouvements combinés, tout 
en faisant rentrer le mouchoir dans la 
manche, dissimulent les mystères de l'opé- 
ration. 

On peut répéter l'expérience, puisqu'il ne 



«' - ' 



TOURS DE MOUCHOIRS. 57 

- ■ Il 

s'agit que de mettre les mains derrière le 
dos, sous prétexte de prendi^e le mouchoir 
dans la poche. 

Ce tour, je le répète, est d'un effet très- 
saisissant; il peut sembler d'une exécution 
difficile, mais que Ton ne se décourage pas j 
avec un peu d'exercice, on doit aisément en 
venir à bout. 



IV 



LE COFFRE LOURD. 




' armi les illusions que 
( j'ai imaginées pour .. 
f disons le mot , duper 
^ mes bons spectateurs, 
': je ne crois pas, toute 
modestie à pari, avoir jamais rïen inventé 
d'aussi hardiment ingénieux que l'expé- 
rience que je vais décrire. 

Il ne s'agit pas ici du cofire Lourd dont j'ai 
donné l'explication dans mes Cmifidences^, 

1 . Confidence» de Btbrri Houdin, tome il, page 365, et le» 
SeertU <U la pratidigitalion, page 93. 



62 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



maïs d'une addition que j'y avais faite pour 
dépister l'esprit investigateur du public. 

Au risque de me répéter devant les per- 
sonnes qui ont lu le livre que j^ viens de 
citer, je crois devoir, d'abord, dire quelques 
mots sur la manière dont j'avais présenté 
ma première expérience du coff7'e lourd; 
puis ensuite nous décrirons le truc âoAt il 
s'agit ici. 

Le coffre lourd élait un petit coffret qui,^ 
placé à un certain endroit parmi les specta- 
teurs, pouvait, à mon commandement, de- 
venir lourd ou léger. Uu; enfant pouvait le 
soulever sans peine ou bien l'homme le plus 



robuste ne pouvait le bouger de place» . 

Poiir comprendre les dii^posilions de ce- 
truc, il est nécessaire que je ^onne une courte 
explication sur certains eff^ électriques qui 
en forment la base ? 



LB GOFFRB LOURD. C3 



A l'aide de réiectrîcilé, chacun le sait 
maintenant, on parvient à aimanter un mor-- 

ceau de fer. Cet aimant artificiel, que l'on 

« 

nomme éleclro-aimant , conserve son pou- 
voir d'attraction tant que le courant éleclrique 
circule antonr de lui ; mais, sitôt que le cir- 
cuit électrique esl interrompu, le morceau 
de fer perd complètement son aimantation \ 
On produit de cette façon des aiiilanls d'une 

r 

force d'attraction si considérable, que, lors- 
qu'un rtiorceau de fer est en contact avec e^ix, 
nulle force humaine ne saurait l'en détacher. 

C'est sur ce principe que je fondai l'arti- 
fîce du truc, \e coffre Ichwày que je présenfâis 
dans mes séances. ' 

Au inilieù da patHerre et sur une plancha 



' i. .Voir, pour la eonstructipn de ces électro-aimants, l$s ou'- 
▼rages de physîqHe, et notamment ceux qui traitent spéciale-r 
ment de Félectricité : le comte Dumoncel, £.daiond Becquerel. 



■v. 



64 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

»■ ■ ^ ■ — ^^w^i^^^— ^^B^fc^— — ^^- ■■ ■ ■■■ ■ ■ ■■—■■■Il M 

qui me servait Ae prciticable pour communî- 
quer anrec mes spectateurs, j'avais pratiqué 
une ouverture dans laquelle était logé un 
puissant électro-aimant dissimulé par une 
étoffe mince qui,4e recouvrait. Les fils élec- 

• • • 

triques commuiriqUaient secrètement à la 
coulisse, d'où devait arriver, à mx moment 
^onné, le courant nécessaire à l'aimantation. 
Sous le coffret qui devait être attiré par l'ai- 
mant, il y avait une forte plaque de fer in- 
crustée dans le^bois et dissimulée |)ar une 
feuille de papier couleur acajou, qui semblait^ 
faire partie* du corps de la boîte.* 

Ces dispositions prises, lursquej^ liwis le 
coffret au-dessus del'électro-aimant, on pou- i 
vail le soulever sans -peine ouv s'épuiser vai- . 
Dûment à vouloirle bouger de place, selon^quc 

»m' 

certain compère invisible ouvrait ou fermait 
le circuit pour le passage deTélectricité. 



Lorsque, eï3 1 ^*^- .^ : >"^»^iiiii ':* i"^'' î"'' 
la première i^^- *^ j'iiéij.iiipfii':*- -^ ' '^^ 
magnétiques e^L^^:-^^: -iicnuiiife di y" '- ^' 
me gardai bien d'éz Li^^t ii%^^ h\*^*:^*i':i "^ s'-" 
celte merveille d^ -î^ i^'-iWn-^. e: y: i**- "-* 
beaucoup plu^ a-^^^^i-'-'^^^i^i > lu* in*- r'>''î'>'- 
de préseiler 1^ O'J/t'^^ iOti^u ';jiîi::>* «'i* 
exemple de ntagi^ ^irrix^t^ ^,,^^* j^ -<j'>i 
le secrel. Je 1^ 3<^^^'^ ^ *ii-j[ k^j\u\u< Wih 
irailalion d'un f^t ^^^^*^*J^^tjjiqut, c' n-^*' v 
fable que je débitais a ee ^^j^» . ^ (> ^^..f , 
disais-je, nae s«ert <3^ co. 'r^ de bùî^'U;i4#f Mti*; 
j'y renferme des valeurs ^ dau^ ^ r;;i. , J. j,<; 
^ meJopne auctta »>^*^ ^-'ur \^ ,j^,,^ ,,. I,^,r* ij, 
' laiwléedesvoI«o^'*^»A£, r^^nl*;!!.^ ^^ Um' 
• au-dessus uœ itapos>i^^ou utajj„<?..j,i, ':: /' 
suis sûr de le reiroarer à l^^ ^^^ ^^^^ .^ ^.^^ 
laissé. En voiei la f^'uv^ , Suj»i/.,>^m.^ .,..' 
• ce coffreldoiit ^^^^ ''^"^ 4*. %.M)(io, '., 1/ < 



66 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

» * - I I ■ ■ ■ 

reté contienne quelques mille francs en bil- 

r 

lels de banque, ce qui serait très-facile à 
emporter ; eh bien, il tne suffit d'étendre la 
main au-dessus comme ceci ; et vous pouvez 
vous assurer maintmiant que l'homme le 

m 

plus fort s'épuiserait en vain pour le sou- 
lever. » 

A près divers essais infructueux, j'ajoutais : 
« Et cependant, à mon commandement, 
le coffre cesse d'être lourd et vous voyez que 
je l'enlève facilement avec mon petit doigt. » 
Plus tard , lorsque l'électro-magnétisme 
fut plus connu, je jugeai à propos de faire 
unfe addition au coffrg Umfd^'i^onr détourner 

ridée du procédé quô j'employais <lan^ cette - 

/ • 

ppérience ; et wid comâient je présentais 

ce nouveau truc qui, aux yeux ^u public, 

n'élâil que le coipUaire ^u truc précédent u 

« Messieurs, disais-je, pouTjotjs prouver . 



LE COFFRE LOURD. «7 

que la pesanlear que j'imprime an coffre est 
réelle et ne tient à aucun artifice extérieur, 
je vais le suspendre à Tune des extrémités de 
cette corde et, en prenant l'autre bout, vous 
pourrez juger quelle est sa puissance attrac- 
tive. » Cela dit, j'accroclèâis le coffre; après 
quoi, je priais un spectateur de vouloir bien 
le soutenir en Pair en prenant la corde par 
Taulre extrémité, ce qu'il faisait assez faci- 
lement. « Pour le moment, disais-je, ce 
coffre est ti'ès-léger; mais, comme il va deve- 
nir très-lourd à mon commandement, je 
prierai cinq ou six personnes d'aider mon- 
sieur, pour que le coffre ne vienne pas à Uen- 
Iraîner et même à Tenlever. » 

Aussitôt ces disj^osilions prises, le jcoffre 
desce»daR, entraînant et soulevant même 
toiis les spectateurs qui siattachaient à la 
corde • 






88 



MAGIE El PHYSIQUE AMUSANTE. 



La mécanique fait tous les frais de ce pres- 
tige ; seulement, son action est tellement dis- 
simulée, q,ue nul ne saurait s'en douter. 

•Nous allons maintenant donner une ex- 
plication plus détaillée, et, poiy cela, nous 
aurons recours à la figure suivante. • 




•> 



Fig. 5. 



Lorsqu'on regarde la chapg et ga poulîte, 
tout porte à croirfi quft, ainsi que cela a Jieu 
d'ordinaire, la corde passejpar-dessus cette 



LE COFFRE LOUAD. 



dpraière en entrant d'un côté.el en sortant de 
Taulrè ; mais il n'en est pa»«insi, selon qu'on 
peut le yoir en suivant les lignes, ponctuées 
qui, passant par la chape, traversent le 
plnfond et vont s'attacher de chaque côté 
d'une dt)uble poulie qui se trouve à l'étage 
. supérieur .r 

Cq qui portera l'illusion', c'est que, avant 
de suspendre le coffret au crochet, si Ton . 
tire^ celui-ci, la corde, enroulée sur la double 
poulie supérieirtre, se déroule, tandis que le 
morceau de corde du côté opposé s enroule 
de la même quantité. Or, pour le spectateur, ^ 
ce lirage de corde à droite et â gauche jiro- 

' duit le même effet que si la corde passait 
seulement sur la poulie qui est visible^ 

Pour peu que l'on connaisse les lois dp la 
mécanique, on voit que les forces de l'homme 

. qui lient la manivelle en nain sont plus que 



70 



MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



décuplées et qu'il peut lutter avec avantage 
contre les forces^ réunies des cinq ou six 
spectateurs. 

Cette expérience ne peut guère s'exécuter 
que dans une salle dont le plafond n'esl pas 
très-élevé. 






LES CENT BOUGIES ALUIMÈES D'UN CODP 

DE PISTOLET. ' 



1r 



Of» 




i nous disons cent bour- 
• (jieSy c'est pour conser- 
ver au truc dont il s'agit 
ici le litre sous lequel il 
3 a été présenté; car, ainsi 
qu'on le verra plus loin, on peut en allumer 
davantage. 

Ce truc qui n'est, à vrai dire, que l'appli- 
cation en grand d'une ancienne expérience 
de physique nommée le briquet électrique, 
a été présenté pour la première fois par le 



74 HAGU ET PHYSIQUE AMUSilME. 

prestidigitateur Dobler, dans les séances 
qu'il donna, en 1840, au théâtre Saint-James 
de Londres. 

Pour bien faire comprendre les disposi- 
tions du truc des cent bougies, etc., nous 
allons d'abord rappeler celles du briquet 
électrique. La figure suivante nous aidera 
dans cette description 




A est l'extrémité d'un tuyau ou bec condui- 
sant à un réservoir de gaz hydrogène; B et G, 
deux petites tiges métalliques très-fines, et 



LES CENT BOUGIES. 75 



dont les pointes sont très-rapprochées Tune 
deTaulre. L'une de ces liges 6 est isolée sur 
une tige de verre ; Tautre G est fixée sur 
une côlomiette en ^we immmmq^mA 
avec le sol. 

Lorsque le gaz s'échappe par le bec A, il 
se rend directement sur la mèche de la 
bougie D, en passant entre les pointes B etC^ 
et si, à cet instant, ou introduit une étincelle 
électrique à l'endroit de la pointe B, celle-ci, 
en se dirigeant vers Faulre pointe, traversera 
le gaz et Tenflammera. Cette langue de feu 
ainsi dirigée allumera la mèche de la 
bougie. 

En faisant de légères modifications de 
formes, et en multipliant les becs de gaz, 
les pointes et les bougies, on aura l'expé- 
rience de M. Dobler. 

Dans la figure que nous donnons ci- 



76 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



après, on peut voir celte nouvelle disposi- 
tion. 




n-. s. 

Tous les supports S des tiges sont des 
corps isolants, excepté le dernier, quel que 
soit leur nombre. Tous les becs 6 sont fixés 
sur un même tuyau qui doit leur fournir 
le gaz. Les lettres 6 indiquent les bougies. 

Ainsi que dans l'expérience précédente, 
on ouvre le robinet principal et le gaz s'é- 
chappe par tous les becs. Dans le même 
instant, on fait passer Tétincelle par Tune 
des tiges qui se trouve à l'extrémité qui est 
isolée^ et, aussitôt, rélectricilé, franchissant 
toutes les interruptions dans un temps inap- 



LES CENT BOLGIES. 77 

préciable, enflamme, comme nous Tavons 
dit, les jets de gaz et par suite toutes les 
bougies. 

Pour plus de sûreté d'inflammation, 
après que Ton a préparé à Tavance la mèche 
de la bougie en la brûlant un peu, on l'enduit 
d'essence de térébenthine à l'aide d'un 
pinceau. 

Plus le nombre d'interruptions dans les 
liges est considérable, plus il est néces- 
saire que l'étincelle ait de puissance, pour 
vaincre toutes ces résistances dans son par- 
cours. 

Aulrefois, la décharge venait d'une puis- 
sante machine électrique; mais, si puissant 
que fût cet instrument, il arrivait souvent, 
lorsque le temps était humide, que la pro- 
duction d'électricité était insuffisante et que 
Texpérience ratait. Aujourd'hui, avec la bo- 



78 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

bine d'induction de Rhumkorf, on n'a rien 
à craiiidire de ces caprices, pourvu que la 
grosseur de la bobine soit en rapport avec 
le nombre de bougies qu'on veut alluma. 



I 



VJ 



SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES, 
APPARITIONS FANTASTIQUES. 



i 




' e truc des spectres est 
I l'une des plus curieu- 
i ses illusions que l'op- 
\ lique ail jamais pro- 
*• duiles; lesapparilions 
qui en icsultenl sont du plus saisissant cdfcl 
et ne laissent aux speclaleurs aucun doute 
sur leur apparente réalité. 

Ainsi que dans le tableau ci-après, ou 
voit , par exemple , deux personnages en 
scène. Ils marchent et se meuvent en tous 



62 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

sens ; on les entend parler l'un et Tautre et 
tout porte à croire que leur organisation, 
sinon leur costume, est en tout point sem- 
blable. Pourtant F un est un personnage en 
chair et en os ; l'autre est un être immaté- 
riel, un spectre impalpable. 

L'être réel essaye vainement de saisir le 
fantôme; il le frappe de son arme; il passe 
même au travers de son corps, ainsi qu'il le 
ferait en traversant un nuage. Celui-ci n'en 
est point déformé pour cela; il reste intact; 
il continue même de gesticuler comme 
pour braver son adversaire et finit, enfin, 
par s'évanouir; l'homme seul reste en 
scène. 

Celte étrange expérience est due à certains 
phénomènes de catoptrique dont nous allons, 
d'abord, donner l'explication et que nous 
reprendrons un peu plus loin pour indiquer 



84 MAGIE ET PHYSIQUE ÂMUSAKTE. 

les dispositions scéniques propres à leur or- 
ganisation. 

Un fait des plus simples fera tout de suite 
comprendre le principe sur lequel repose le 
phénomène dont il s'agit ici. 

Disposez verticalement sur une lable une 
glace sans tain, ou à défaut, un morceau de 
verre de vitre, exempt de bouillons et de 
stries, ayant une trentaine de centimètres de 
hauteur sur autant de large. Mettez, ensuite, 
une bougie allumée à 10 centimètres environ 
en avant de cette glace et placez derrière un 
livre qui fera rofïîce d'un écran. La figure 2 
ci-contre donnera l'idée de cette dispo- 
sition. 

En regardant par dessus le livre B, dans 
la glace, vous y verrez Fimage réfléchie de 
la bougie C que cet écran cache à votre vue 
directe, et cette image vous apparaîtra vir- 



SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 



85 



tiiellemenl en D, derrière la glace, à une 
distance égale à celle dont l'image réelle C 
s'en trouve éloignée. 

Si, tout en conservant la vue au même 
endroit, vous avancez la main derrière la 




Fig. 2. 

glace, vous pourrez passer les doigts à travers 
la bougie I), et ce corps, qui vous semblait 
opaque, deviendra tout à coup impalpable et 
diaphane. 

A la place de la bougie C, mettez un corps 
blanc vivement éclairé, vous aurez la repré- 



^6 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

sentation du truc des spectres que Ton re- 
présente au théâtre. 

Il est bien entendu qu'il ne faut pas dans 
la salle d'autre lumière que celle nécessaire 
à l'expérience. 

Pour expliquer l'effet qui se produit 
ici : Lorsqu'une glace sans tain est placée 
dans un milieu également éclairé, elle ne 
donne de réflection ni d'un côté ni de l'autre 
de ses faces, ainsi, du reste, que cela a lieu 
pour les glaces ou vitres d'une fenêtre, lors- 
que l'inlérieur et l'extérieur de l'apparte- 
ment reçoivent la même quantité de lumière. 
Mais, si l'un des côtés de la glace devien* 
plus éclairé que l'aulre, ce dernier, dans ce 
cas, perd en transparence et gagne en ré- 
flection, en raison directe de l'abaissement de 
l'éclairage ; Fobscuiité faisant ici l'office d'un 
, tain plus ou moins dense. 



SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 87. 

Voyons maintenant l'application de ce 
principe aux scènes théâtrales dites les spec- 
tres vivants et impalpables. 

La figure 1 représente une scène entre un 
spectre et un homme vivant. Elle indique 
Tensemble du procédé employé pour pro- 
duire cette illusion. Dne glace sans tain, 
convenablement inclinée, se place entre les 
acteurs et les spectateurs. Sous le théâtre et 
en avant de cette glace est une personne vêtue 
d'un linceul blanc et éclairée par les rayons 
éclatants de la lumière électrique ou de la 
lumière Drummond (gaz oxi-hydrogêne). 
Dans ces conditions, l'image du spectre -ac- 
teur , étant réfléchie par la glace, apparaît aux 
spectateurs et se place virtuellement der- 
rière celle-ci à une distance égale à celle du 
côté opposé où se trouve le sujet. 

Cette image, d'après les principes de rô- 



8S MAGIE ET PHYSIQUE AMISANTE. 

tlection que nous avons expliqués plus haul, 
n'est perçue que parles speclateurs ; Tacteur 
qui esl en scène n'en voit rien, el, pour que 
celui-ci puisse mettre de la précision dans 
ses attaques sur le spectre, on est obligé de 
faire à Pavancc sur le plancher un repère 
au-dessus duquel doit se produire, pour le 
spectateur, l'apparition spectrale. 

Pour la réussite de Pexpérîence, il est né- 
cessaire de se conformer aux indicalions sui- 
vantes : 

V La glace doit être d'une grande pureté 
d'exécution pour ne pas être vue des specta- 
teurs. Le moindre bouillon dans la matière 
pourrait révéler sa présence. 

â*" La scène doit être très-faiblement éclai- 
rée et, par contre, Tacteur-spectre doit être 
inondé de lumière. C'est à cette condition 
que la glace sans tain dont le pouvoir réflé- 



■* 



SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 89 



chissant est très-faible pourra produire une 
image éclatante. 

5*^ L'acteur chargé du rôle de spectre doit 
se tenir dans une inclinaison telle que son 
image réfléchie soit dans une position verti- 
cale. Nous indiquerons plus loin les règles à 
suivre pour déterminer cette inclinaison. 

^ Les images des objets dans les miroirs 
plans étant symétriques de ces objets^ il est 
nécessaire que l'acteur-spectre agisse en sens 
inverse des mouvements naturels; ainsi, s'il 
brandit une arme, ce doit être de la main 
gauche pour que la réflection le représente 
agissant de la main droite. 

5° L'endroit sous la scène où se meut le 
spectre-acteur doit être tendu d'étoffe d'un 
noir mat ; sans quoi le fond en se réfléchis- 
sant sur la scène viendrait former à côté du 
spectre un plan qui pourrait éveiller des 



90 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSj^NTE. 

soupçons. Le velours noir est Pétotïe qui 
absorbe le plus les rayons lumineux. A défaut 
de velours, un drap léger ou simplement une 
étoffe de laine peuvent également conve- 
nir. 



DIMENSIONS DE LA GLACE. 



Les dimensions de la glace qui doit servir 
à l'expérience se règlent pratiquement de la 
manière suivante : 

Après avoir déterminé sur le parquet de la 
scène l'endroit où doit se faire l'apparition 
spectrale, on plante verticalement à cet en- 
droit une planche ayant la hauteur et la lar- 
geur du fantôme. Puis, fixant un fil * de 

1. Dans le langage technique du théâtre, le fil est employé 
par les machinistes pour le mot ficelle, qu*on ne prononce 
jamais devant eux sans être passible d*une amende. 



SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 91 

chaque côté delà base de ce repère, on le con- 
duit, en le tendanlsur le parquet, jusqu'aux 
avant-scènes, ou jusqu'aux places de droite 
et de gauche les plus rapprochées delà scène. 

L'angle formé par ce double fil donnera la 
largeur de la glace à toutes les parties de la 
scène où on conviendra de Finstaller. Quant 
à la hauteur, rien de plus facile encore à 
déterminer : on attache au sommet de la 
planche un troisième fil que l'on conduit, en 
le tendant, jusqu'à la place de face la plus 
élevée du théâtre. Cette ligne indiquera la 
hauteur à laquelle la glace doit s'élever; 
quelle que soit son inclinaison. Ces trois fils 
représentent les lignes extrêmes de vision 
de l'assistance ; tous les regards doivent donc 
trouver place sur la glace pour la réflection 
dfe l'image spectrale. 

En la plaçant dans les limites tracées par 



02 



MAGIE ET PHYSIQUE ÂUUSANTE. 



ces fils, la glace sera d'autant pins grande 
qu'elle sera rapprochée des spectateurs et 
vice vei'sâ. 



INCLINAISON DE LA GLACE 

S.jpposons, ainsi qu'il est marqué dans 
la figures ci-dessous, que l'apparition doive 




Fig. s. 

se fane en  à cinq mètres de distance du 
bo! d de la scène. 



j 



SPECTAES VIVANTS ET IMPALPABLES. 03 

Dans ces conditions, plaçons notre glace 
6 en B à deux mètres en avant de A et incli- 
nons-la à 20 degrés. 



EMPLACEMENT ET POSITION DE L*AGT£UR-SP£GTnE 



Tirons une ligne G de prolongation et des- 
cendons-la sur le papier jusqu'à environ trois 
ou quatre fois la longueur de la glace. A 
partir de rextrémité de cette ligne, décrivons 
deux traits avec le compas ; Tun de E en G, 
l'autre de A en D et réunissons-les par une 
ligne GD, qui devra former avec la glace un 
angle semblable à celui que forme avec cel le-ci 
la ligne E A. 

L'emplacement de la ligne GD et son in- 
clinaison seront ceux que devra prendre 



04 MAGIE £T PHYSIQUE AMUSÂKTE. 

- - -. . - 

Facteur pour que son image se trouve dans 
une position verticale à l'endroit EÂ. 

On devra comprendre que plus la glace se 
redressera, moins Tacleur sera penché, mais 
plus aussi il remontera au-dessus de la 
scène. Dans ce cas, les bords de la trappe, en 
s'élevant pour cacher Tacteur, viendraient 
cacher une partie de son image aux specta- 
teurs placés aux stalles et à Forcheslre, 

La figure 4 montre les effets optiques de 
la glace placée dans les dispositions que 
nous venons d'indiquer. L'endroit où se fait 
la réflection est variable pour tous les spec- 
tateurs, selon la place que chacun d'eux oc- 
cupe. Ainsi, pour le spectateur le plus élevé, 
l'image sera sur la glace de A en B, tandis 
qu'elle sera deC en Dpour le plus bas placé. 
On remarquera que, à quelque endroit que se 
fasse cette réflection, les angles d'incidence 



SPECTRES TIYANTS ET IMPALPABLES. 



95 



égalent les angles de réfiection, et que ces 
mêmes angles d'incidence sont également 
égaux à ceux correspondants de l'image vir- 




Fig. 4. 



tuelle que nous avons tracée derrière la 
glace. 

Lorsque l'acteur-spectre ne doit pas bou- 
ger de place, il s'installe sur un support 



9G MAGIii; ET lllYSIQUE AMUSANTE. 



ayant rinclinaison voulue, ce qui ne l'em- 
pêche pas de gesticulera son aise. Mais, s'il 
doit marcher, l'inclinaison du corps lui offre 
des difficultés. Toutefois, comme il ne doit 
se diriger que dans une direction parallèle 
au plan de la glace, il peut, protégé par le 
vêtement qui le drape, plier la jambe du côté 
où il est penché, ce qui lui permet de mar- 
cher assez facilement dans une inclinaison 
de 35 à 40 degrés. Mais cette démarche est 
toujours un peu guindée; il vaut mieux en- 
core disposer derrière l'acteur, dans une in- 
clinaison convenable, un support mobile à 
roulettes qui peut être dissimulé par le vê- 
tement du spectre. Ce support n'empêche 
pas l'acteur de mouvoir ses jambes; il peut 
donc, ainsi soutenu, marcher en avant et en 
arrière dans la ligne suivie par le support. 
Dans certains cas, l'acteur tient ses jambes 



SPECTHES yiVANTS ET IMPALPABLES. 97 

immobiles, et, le chariot sur lequel il est ap- 
puyé étant lire par une corde, le fait avancer 
vers les acteurs véritables, ainsi que le ferait 
Fombre d'un spectre. Ce mouvement est 
d'un effet très-saisissant*. 



NOUVELLE APPLICATION DU TRUC DES SPECTRES. 



Dans Tannée 1868, on représenta à F Am- 
bigu un drame {laCmriné) tiré d'un épisode 
de mes Confidences, et dans lequel figurait 
un automate joueur d'échecs que j'avais con- 
struit pour la circonstance. Mes collabora- 

i. On peut remédier à rinconyénient de rinclinaison de 
l*acteur en mettant à la place qu'il doit occuper et dans une 
position pai*allèle à la glace sans tain, une glace étamée de 
petite dimension (2 mètres sur 1 mètre environ). Dans ce cas, 
Facteur se tiendrait droit devant cette glace, et c'est sa réflection 
qui serait réfléchie. 11 serait éclairé par la lampe que Ton 
placerait devant lui à côté de la glacd étamée. 





98 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE* 



leurs, Âdenis et Gaslineau, m'avaient de- 
mandé pour le dernier acte une apparition 
fantastique. J'eus recours au truc des spec- 
tres et je le présentai dans des conditions 
qui lui donnèrent un cachet de nouveauté. 
On en jugera par ce qui suit. Le drame se 
passe en Russie, sous le règne de Cathe- 
rine II. Au dernier acte, un nommé Pouga- 
tcheff, qui, grâce à sa ressemblance avec 
Pierre III, veut se faire passer pour le défunt 
monarque, cherche à soulever le peuple 
russe pour détrôner Catherine IL Un savant, 
M. de Kempelen, dévoué à la czarine, par- 
vient, à Taide de procédés scientifiques, à dé- 
jouer les projets criminels du faux préten- 
dant. 

On est au milieu d'un site sauvage, au fond 
duquel se dessinent de sombres roche is. 
Pougatcheff est entouré d'une population 







SPiCTRES VIYANTS ET IMPALPABLES. 09 

qui racclame. M. de Kempelen s'avance, 
démasque Timposleur, et, pour achever de 
le confondre, il annonce qu'il va évoquer 
Tombre de Pierre III. A ses ordres, un sar- 
cophage sort du milieu d'un rocher, il se 
dresse, il s'ourre et laisse apparaître un fan- 
tôme couvert d'un linceul. Le tombeau re- 
tombe, le spectre reste debout. Le faux czar, 
bien que saisi de frayeur , semble vouloir 
braver cette apparition qtfil Iraile de chi- 
mère. Mais le haut du linceul tombe et Ton 
voit apparaître les traits livides et décompo^ 
ses de Tex-souverain. Pougalcheff, croyant 
avoir raison de ce cadavre, tire son sabre, et, 
d'un seul coup, il lui tranche la tête qui 
roule à terre avec fracas. Tout aussitôt, la 
tête vivante de Pierre III apparaît sur le 
corps du fantôme. Pougatcfaeff, irrité de 
plus en plus par ces fantastiquéS'apparitions, 



100 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



court au speclre, lesaisilpar ses vêtements 
et le repousse violemment dans le saico- 
phage. Mais ^ la tête ne quitte pas sa place ; 
séparée du coiTps, elle reste suspendue dans 
l'espace, roule des yeux menaçants et sem- 
ble défier sou persécuteur. La fureur de Pou- 
gatcbeff est à son comble ; saisissant son 
sabre à deux mains, il croit pourfendre d'un 
seul coup la tête de son mystérieux adver- 
saire; il ne traverse qu'un corps impalpable 
qui, toutefois, se rit de sa rage impuissante. 
Son arme se lève de nouveau ; mais, à ce mo- 
ment, le corps de Pierre III,en grand costume 
et revêtu de ses insignes, se forme au-des- 
sous de sa tête. Le czar ressuscité le repousse 
d'un bras vigoureux et lui dit d'une voix vi- 
brante : « Arrête, sacrilège! » Pougatcheff, 
épouvanté, confondu, confesse son impos- 
ture... Lefafttôme s'évanouit. 



I 



SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 101 

Voici les dispositions de celle mise en 
scène. Un acleur, revêtu du brillant costume 
de Pierre III, est couché sur le support, 
dans l'inclinaison que nous avons indiquée; 
son corps est couvert d'une pièce de velours 
noir qui doit empêcher, pour un certain temps, 
roule réfleclion dans la glace. La lèle seule 
est à découvert et pourra se peindre dans h 
glace, lorsque lalumière électrique réclairera . 

Le fantôme sortant du sarcophage est un 
mannequin dont la tête a été modelée sur cel'c 
de l'acteur représentant le czar. Cette lêlc 
peut être facilement détachée du corps. 

Tout a été disposé et repéré de façon à ce 
que l'image virtuelle du czar Pierre III coïn- 
cide avec le corps de l'acleur-fanlôme. 

A l'instant où la tète de celui-ci lombe a 
terre, la lumière électrique vient éclairer in- 
sensiblement la tête de l'acteur Pierre III, 

0. 



102 MAGIE ET PllYSiaUE AMUSANTE 

qui, se réfléchissant dans la glace, semble 
naître sur le corps du fantôme. Une fois ce- 
lui-ci renversé, on lire subitement et d'un 
seul coup la couverture qui couvre le corps 
du czar, et la lumière électrique, en l'inon- 
dant, reporte son image à l'endroit où se 
trouve déjà la têle. 



if 
it • 



Si Ton veut organiser le truc des spectres 
dans une salle où il n'y ait pas de sous-scène, 
on d oit changer les dispositions réfléchissantes 
et les organiser ainsi que le représente la fi- 
gure 5 ci-contre. SoitÂBGD la scène, dont 
CD est le devant, ÂD et BG lés coulisses^ 
G l'acteur -spectre, H son image virtuelle, 



SPECTRES YIVANTS ET IMPALPABLES. 109 

G la glace, foniiant avec le devant de la scène 
un angle de 50 degrés. 

L'acteur C est invisible aux spectateurs ; 




Fig. 5. 



son 



corps, vivement éclairé par la lumière 
électrique ou celle de Drummond, porte son 
image dans la glace G et parait être virtuel- 
lement en H. Les points UK sont divers 
rayons visuels de l'assistance qui viennent 



U'i MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE. 



prouver que, quelque part que Ton soit dans 
la salle, les lois de la réneclion sont observées 
pour que le spectre paraisse toujours en H. 

Après les diverses explications que je viens 
de donner, on comprendra facilement cer- 
taines dispositions scéniques que j'ai oi^a- 
nisées pour produire des apparitions spec- 
trales, que Ton pourrait appeler , d'après 
l'expression anglaise, les dissolving spectres, 
les spectres fondants. 

L'organisation dont je veux parler a clé 
faite, pour mon propre agrément et aussi 
pour celui de mes amis, dans un petit chalet 
construit ad hoc au milieu de mon parc. 

Pour ce spectacle, je n'ai point établi de 
places assises; les quelques spectateurs qui 
y assistent se tiennent debout devant une 
ouverture AB, figure 6, représentant, en petit, 
une avant-scène théâtrale. Cette avant-scène 



SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES. 



105 



OU proscenium, indiquée par ABCD, se trouve 
contenue dans le chalet. L'annexe GËDF est 
construite en dehors et contient la scène où 
se passent les prestiges optiques. La dispo- 

Kl 




Fig. 6. 

silion de cette annexe a été prise pour que la 
lumière du jour puisse pénétrer facilement 
par les trappes IJ, lorsqu'elles sont ouvertes. 
G est la glace formant avec le plancher KL 
un angle de 70 degrés. T est Tobjet qiii doit 



lOG MAGli: ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

être réfléchi dans la glace i>our paraître vir- 
tuellement en S, lorsque le jour Téclairera, 
Cet endroit S est également destiné à mettre 
des objets qui seront vus directement à tra- 
vers la glace 6 par les spectateurs. L'œil 
indique la position moyenne du point de vue 
des assistants. 

Avec ces diverses dispositions, voici cer- 
tains effets que l'on peut produire : La scène 
commence par s'éclairer insensiblement en 
passant par toutes les gradations entre le 
plus faible crépuscule et le grand jour. On 
voit alors apparaître en S une pierre tumu- 
laire surmontée d'un hibou. Quelques in- 
stants après, l'image d'une sainte Vierge 
semble se mêler au lugubre tableau ; puis 
cette statuette, se dessinant de plus en plus, 
finit par prendre la place du tombeau qui 
disparaît. La Tierce subit à son tour une 



SPECTRES VIVANTS ET IMPALPABLES 107 

transformation : ses joues se colorent, ses 
traits s^animent; elle devient vivante sous 
les traits d'une jeune fille vêtue de blanc et 
xx)uroimée de fleurs. Ces fleurs deviennent 
bientôt un énorme bouquet au-dessous du- 
quel se forme insensiblement un vase qui 
prend la place de la jeune fille 

Cette scène pourrait se prolonger encore : 
il ne s'agirait que de substituer des objets 
nouveaux à ceux qui ont dé[à paru. 



EXPLICATION DE LA SCÈNE PRÉCÉDENTE. 



Avant de commencer rexpérience, la pierre 
lumulaire dont nous avons parlé doit être 
placée en S, tandis que la statuette de la 
Vierge est en T. 



iOS MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



La salle et la scène doivent êlre dans unr 
obscurité complète. Pour cela faire, toutes 
les ouvertures et particulièrement les trap- 
pes IJ doivent être hermétiquement fer- 
mées. 

Maintenant, si, à Taîde d'un tirage quel- 
conque, on ouvre insensiblement la trappe I, 
le jour éclairera graduellement l'objet placé 
en S qui sera vu directement par l'assis- 
tance. Lorsque cette trappe sera complète- 
ment ouverte, on la refermera tout douce- 
ment^ tandis qu'on ouvrira dans les mêmes 
proportions la trappe J. Le jour éclairera la 
Vierge placée en T, et, à un moment donné^ 
il en résultera que les deux images (directe 
et réfléchie) étant également éclairées, se 
confondront ensemble. Mais l'image T, ga- 
gnant insensiblement de la lumière tandis 
que l'image S en perd, finira par êlre seule 



SPECTRES VIVÂ^TS ET IMPALPABLES 109 

visible aux spectateurs, et la substitution 
sera achevée. 

L'obscurité ayant été faite sur la scène 
par la fermeture de la trappe I, la jeune fille 
pourra prendre la place de la pierre tumu- 
laire qu'elle enlèvera ou qui s'enfoncera sous 
la scène, et elle restera inaperçue jusqu'à ce 
que cette trappe, en s'ouvrant de nouveau, 
vienne l'éclairer. Cette ouverture s'est faite 
en même temps que se fermait la trappe J ; il 
y a eu, comme précédemment, mélange des 
deux images et substitution. Lorsque la Vierge 
est, à son tour, dans Pobscurité, on la rem- 
place par le vase de fleurs, qui doit se substi- 
tuer virtuellement à la jeune fille par le pro- 
cédé que nous venons d'indiquer. 

Ainsi le spectateur qui est en pourra 
voir en S quatre différents tableaux; savoir : 
1"* L'image directe du tombeau ; 2^ ce même 



Uê MieiE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



K ' L I I ■ « 



objet confoiidu avec l'imaga virtuelle de la 
Vierge placée en T, laquelle est également 
vue seule; S" cette image confondue avec 
l'image directe de la jeune fille placée en S, 
laquelle se yoit également seule; Â"" celle 
image se confondant avec le vase de fleurs 
placé en T et dont l'image virtuelle finit par 
rester seule sur la scène. 

Dans Torganisalion de cette expérience; il 
e^t important que les distances entre la glace 
et les objets soient bien les mêmes, pour que 
leurs images réelles ou virtuelles se rencon-^ 
trent bien au même point sur la scène. 

Le truc des spectres a été imaginé, en 
1S63, par M. Pepper, direcleur du Paly- 
technic ImtitvUon de Londres j et représenté 
dans cet établissement, où il ei^cita la plus 
vive curiosité. 

Dans la même année, M, Hoitein, direc- 



»PECTa£S VIViUTS fiT IMPALPABLES. lit 

tear du théâtre impérial du Chàtelet, acheta 
de M. Pepper le secret des spectres pour les 
faire figurer dans un draine intitulé : le Se- 
cret de miss Àwrore. M. Hestein ne recula 
devant aucun sacrifice pour assurer le succès 
de ce prestige* Trois énormes glaces sans 
tain, de cinq mètres de oôlé chacune^ 
furent réunies l'une près de Tautre et pré- 
sentèrent une large surface pour la réflection 
de l'acteur^spectre et de ses évolutions. Deux 
lumières Drummon (oxy4iydrogène] étaient 
consacrées à celte expérience. 

Mais, avant que ce truc fût organisé poui 
sa nouvelle destination, plusieurs théâtres 
de Paris, en dépit d'un brevet d'invention 
bien en règle de M. Pepper, en avaient déjà 
annoncé la représentation. 

M. Hostein ne put empêcher ce plagiat : 
malheureusement pour lui et plus encore 



112 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE 

m ■ < ■ ■ ■ * 

pour rinventeur, les imitateurs avaient dé- 
couverl au ministère de Tintérieur un brevet 
pris, une dizaine d'années plus tôt (20 ocr 
tobre 1852), par un nommé Séguin, pour 
un joujou nommé le polyoscone, lequel jou- 
jou était fondé sur les mêmes principes que 
le truc des spectres. 

En présence de ce malencontreux précé- 
dent qu'il ignorait, M. Pepper , bien qu'étant 
le véritable inventeur du truc dont il s'agit 
ici, dut céder la place à ses nombreux imi- 
tateurs* en reconnaissant la vérité de cet 
impitoyable axiome devenu cliché à force 
d'applications vraies : Rien de nouveau sous 
le soleil. 

1. Les prestidigitateurs Robin et Lassaigne furent ceux qui 
surent à Paris mettre ce truc le plus convenablement en scène. 



vu 



lE PANIER INDIEN 




e panier indien a été 
;)r(îsenlé à Londi-es en 
! 865 par le colonel Slo- 
(!are,dans son Théâtre 
du mystère, Egyptian 
hall, Piccadilly. 

On a dit que ce truc avait été rapporté de 
l'Inde par le colonel magicien ; dans ce 
cas, si l'on en juge par ce qui va suivre^ 
la mise en scène première du panier in- 
dien a dû être considérablement modifiée 



110 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

pour sa présentation devant le peuple an- 
glais. 

Au lever du rideau, on voyait, sur une table 
légère et dégarnie de tapis, un panier en 
osier de la forme d'un carré long. 

Le colonel entrait en scène ; il était suivi 
d'un charmant enfant portant avec aisance 
le costume traditionnel des princes in- 
diens : la robe blanche de cachemire bro- 
dée d'or; la coiffure surmontée d'une 
plume de paon soutenue par une aigrette de 
diamants. 

— Que vois-je? disait le colonel, un des- 
cendant de cette nation qui a égorgé les 
Anglais I 

— Je ne suis qu'un enfant, soupirait le 
prince. 

— Cela ne m'empêchera pas de te mettre 
à mort. 



LE PANIER INDIEN. 117 

— Grâce! grâce! s'écriait rinnocent. 

— Point de pitié, tu vas mourir. 
L'enfant voulait fuir mais le colonel le 

saisissait, et, Fenievant à bout de bras, il le 
plongeait dans le panier, dont il fermait et 
bouclait le couvercle. 11 tirait ensuite son 
épée^ et, après en avoir vérifié Tacuïté en en- 
fonçant la pointe dans le parquet, il en 
frappait le panier à coups redoublés et le 
transperçait de part en part. 

A chaque coup, l'enfant jetait des cris de 
douleur; Tépée reparaissait, chaque fois, 
teinte du sang de la victime. Puis les cris 
s'affaiblissaient de plus en plus, et bientôt 
l'on n'entendait plus rien. 

Le public était sous l'impression d'une 
indicible terreur; les daraes demandaient 
grâce et se couvraient le visage de leur 
éventail, 

7. 



il» MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



Les hommes criaient : 

— Assez ! as«ez ! 

On était irrité, exaspéré; tant était réelle 
celte scène de carnage. Peu s'en fallut qu'on 
ne fît un mauvais parti au colonel Slodare. 
Mais celui-ci, changeant subitement de ton 
et, prenant un air souriant, s'adressait ainsi 
à l'auditoire : 

— Dois-je vous rappeler, mesdames et 
messieurs, que je ne présente ici que des 
illusions? Calmez-vous donc, je vouspricy et 
soyez sans inquiétude sur le sort de moK 
jeune Indien, qui est en ce moment sain 
et sauf, puisqu'il a quitté son élroite pri- 
son . 

Le magicien, ouvrant alors ïe panier, mon- 
trait qu'il était vide. L'enfant, en effet, n*y 
était plus. 

Pendant qife l'assemblée s'extasiait, le cd- 



LE> PANIER INDIEN. M9 

X 

lonel indiquait du doigt une loge de face 
dans laquelle le jeune prince indien, frais et 
dispos, prenait de joyeux ébals, et, de sa pe- 
tite main, envoyait des baisers à ra$sislance, 
ainsi qu'à son bourreau pour rire* 



EXPLICATION. 



Le panier du colonel Slodare était posé sur 
une table semblable en tout point à celle 
que nous ^allons décrire pour te décapité 
parlante Une fois enfermé, Fenfant ouvrait 
une trappe pratiquée dans le fond du pafiîer, 
et correspondant avec l'ouverture de la 
table ; puis , prot^é par les deux glaces 
élamées qui y réunissent les pieds de ce 
meuble, il^ se glissait derrière ce double 



120 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

■-- ■ ■ ^ 

écran et, de là, il poussait les cris de 
détresse exigés par la mise en scène. Puis 
enfin, la comédie étant terminée, il passait 
sous le théâtre et se rendait à la loge qui lui 
était réservée. 

Une éponge imbibée de couleur rouge et 
placée convenablement dans le panier, si- 
mulait le sang et en imprégnait Tépée qui la 
traversait. 

On doit comprendre que, dans ce truc, 
le colonel se gardait bien de passer devant sa 
table; sans quoi, ses jambes se seraient 
réfléchies dans les glaces et eussent ainsi 
dévoilé au public les secrets prestigieux du 
panier indien. 

Au dire du colonel Stodare, ce tour qu'il a 
rapporté de l'ïnde est tel qu'il l'a vu exécuter 
par les enchanteurs de ce pays. Celte asser- 
tion n'est vraie qu'en partie : c'est bien le 



LE PANIER INDIEN. 121 

même panier, en effet, mais ce n'est pas la 
même mise en scène. 

Les Indiens qui pratiquent ce truc depuis 
longtemps sur la voie publique n'ont jamais 
fait usage de la fameuse table à glaces dont 
ils doivent même ignorer l'existence, puis- 
qu'elle est d'invention récente. 

Ce qui a sans doute forcé le colonel de 
modifier cet escamotage, c'est que, pour se 
conformer à la méthode de ses confrères en 
magie, il lui eût fallu revêtir la robe tradi- 
tionnelle des magiciens indous; ce qui se 
fût, certes, fort mal accordé avec son cos- 
tume américain, et les insignes de son grade. 

Le véritable tour du panier indien est 
beaucoup plus simple de présentation que 
celui que nous venons de décrire. On en 
jugera par la description suivante, que nous 
donnons comme très-exacte. 



h • 



i22 HÂGIE ST PHYSIQUE AMUSANTE. 

Le panier étant semblable à celui du co- 
lonel Stodare, nous nous dispenserons d'en 
faire une seconde fois la description. Nous 
ne parlerons que de Tescamolage de V^dfont 
^t de son apparition parmi les specta^ 
tenrs. 

Une fois l'enfant enfermé dans le panier 
^i est posé sur le sol, l'Indien boucle le 
c;ouTercle ai^ec des lanières de cuir, et, pour 
faciliter cette opération, il appuie k ^noa 
sur le psnier. Le fond se trouvant umsi 
tourné vers l'opérateur, l'enfant sortpw une 
trappe habilement pratiquée dans le panier 
et se eacbe Tivement sous la robe du magi- 
cien^ doDi la position facilite cette introduc- 
tion. 

Puis, tandis que celui-ci transperce le 
{Kwier de s«a éféê et que toute l'attentîoii 
se porte à cel endr(yt, }e petit Indien , s'é^ 






LE PÂniER INDIEN. 122^ 



chappant de derrière la robe, s'éloigne un 
peu de l'assistance sans être vu et revient 
ensuite se mêler aux spectateurs en poussant 
des cris de joie. Le magicien montre alors 
que le panier est vide. 

Au dire de la personne qui m^a commu- 
niqué ces renseignements, ce truc, ainsi exé- 
cuté, est d'un effet saisissant. 



i 



124 MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE. 



DEUXIÈME MANIÈRE D'EXÉCUTER CE TOUR. 



Le panier indien peut s'exécuter d'une 
autre façon, sans avoir recours à la table 
du décapité. Deux simples tréteaux suffisent 
alors pour supporter le panier, dans lequel 
se trouvent certaines dispositions pour ca- 
cher et faire disparaître aux yeux du pu- 
blic Tenfanl que l'on y a enfermé. 

Les figui'es suivantes feront aisément 
comprendre l'organisation de ce truc. 

La figure 1 représente le panier, ouvert, 
prêt à recevoir l'enfant. La figure 2 est la 
coupe de ce même panier lorsqu'il est fermé 
et qu'il contient le Jeune acteur. 

On voit en A et B un double fond mobile 



LE PAHIER INDIEN. 



dont le centre de mouvemenl est en C. Ce 
doub'e fond est plus fidèlement représenté 




dans la figure 3. Mais alors il a changé de 
place, ainsi que nous allons l'expliquer'. 




Pour faire disparatlre Tanfant, on abaisse 

1. Les personnes qui s'occupent de machinerie théâtrale 
comprendront ce truc d'autant plus lacilemeat qu'elles doiTeot 



186 . HACIE ET PRTSIQIfï ABCSAHTE. 

le dessus du panier, en le tournant vers le 
public. Mais le fond du panier A et la partie 
^ qui en dépend ne prenoent pas part à ce 
mouvement. Le poids de t'eD^Dl, appuyant 
:sur le fond A, le kvee à rester en place, et. 




par ce fait, la partie B vient boucher le fond 
du panier, ea suivant la ligne ponctuée 

(fig- 2). 

Pour pouvoir passer l'épée à travers le 
panier sans risque de blesser l'enfanl, le 

le reconnaître pour avoir été emplojé dam cerfaiiua féeries 
KHu la nom de la Ml* de TarhfMR. 



LE PANIER IUDIBII. f«7 

-■--■--■■ ■ ■ 

magicien agit avec certaine» réserves et 
prend des précautions : il a des repères 
indiqués sur \e panier pour enfoncer son 
épée, et pour êlre sur qu'il n'y aura )7a9 
d'erreur^ il est conyenu avec ren£ant qu'en 
enfoncera très^peu l'épée et que, une fois en** 
trée dans le panier, il la dirigera lui-même 
pour ne pi» en être blessé. Il y a suffisam^ 
ment de place dans le panier pour que l'en-» 
fant se replie vers l'une ou l'autre de ses ex- 
trémités» 

Il nous reste à expliquer comment on 
peut faire apparaître l'enfant dans une loge, 
bien qu'il reste enfermé dans le panier r il 
faut pour cela avoir deux enSaints de même 
taille et portant le même vêtement et k 
même coiffure. 

Un des deux enfants entre en scène avec 
le magicien^ qui, pour une cause ou pour 



428 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

une autre (cela dépend du boniment), an- 
nonce qu'il va l'enfermer dans le panier. 
Mais, afin qu'il ait moins peur dans celte 
étroite prison, il lui met un large bandeau 
sur les yeux. L'enfant, effrayé cependant de 
ces préparatifs, s'échappe des mains du 
prestidigitateur. Il est ressaisi toutefois par 
son bourreau à l'instant où il vient de fran- 
chir une porte latérale de la scène, et plonge 
sans rémission dans le panier. 

Cette petite scène a pour but une sub- 
stitution de personnage : l'enfant sosie ayant 
également un bandeau sur les yeux se tient 
près de la porte dans la coulisse, et vient se 
substituer à la victime à l'instant où celle-ci 
se dirige vers la loge dans laquelle elle doit 
apparaître. Le nouveau venu, que l'on prend 
facilement pour le fugitif, est enfermé dans 
le panier et se livre à la comédie que nous 



LE PANIER INDIEN. 120 

venons de décrire; puis, lorsqu'on le fait 
disparaître derrière le double fond du panier, 
son camarade, dont on connaît la figure 
pour ravoir vue découverte, paraît dans la 
loge et adresse ses salutations enfantines à 
rassemblée. 



vin 



MANIFESTATIONS SPIRITE& 




'ascension d'un corps 
humain et son balan- 
cement dans l'espace ; 
!e soulèvement d'une 
table et son transport 
d'un lieu à un autre sont des faits médianimi- 
ques grâce auxquels M. Home, le célèbre mé- 
dium américain, a, pendant quelque lemps, 
passé parmi nous pour un être surnaturel. 
La science a pu imiter ces prestigieux 
phénomènes et des hommes intelligents en 



134 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

ont fait le fond d'une exhibition Irès-intéres- 
sanle\ 

Ces illusions scéniques ont sur le prestige 
réel l'avantage de ne dépendre aucune- 
ment du bon vouloir des esprits de l'autre 
monde, el d'être, par ce fait, d'une réussite 
assurée. 



EXPOSITION DE L'EXPilIHCfi. 



La scène sur laquelle les manifœtitkms 
spirites doivent se produire est Tide de tout 
meuble, à l'exception d'une table d'appa- 
rence assez lourde et d'une ehaise. La tabie 
6^ reléguée sur le côté de la scène. 

La porte du fond s'ouvre ; un monsi^n 

1. Cette expérience a été imaginée en 1868 par HM. Peppcr 
et Toldii et ropréseatée par eux II Po^^icdbw liMltiirfitti^ 



^ 



lUAIPESTATiaiVS SPIRITBSL f% 

esklre^ tenant par la mai» une dame qu'rl 
présente à Tassistance comme un sujet mé- 
dian! mique d'une grande puîssance. Cet ex* 
posé t^miné, le monsieur prend la cdiaise» 
h pose au milieu de la scène^ et la dame 
s'y assied. 

Le pseudo-médium commence par débar- 
rasser la dame d'un gros bouquet qu'elle 
lient à la main ; il va le déposer sur un des 
coins de la table et revient avec le plus 
grand sérieux se livrer sur son sujet à des 
passes plus ou moins magnétiques. 

Bientôt la dame s'endort oc( semble s'en- 
dormir^ et 7 tout en restant assise sur sa 
chaise, elle s'enlève en l'air el s'y balance 
doucement, sans qu'il soit possible de dis- 
lingner aucun support qui la soutienne;' elfe 
étend ensuite languissamment la main vers 
la table, et tout aossi'dl celle-ci s'éfôve à son 



136 MAGIE El PHYSIQUE AMUSANTE. 

tour et s'approche assez près d'elle pour 
qu'elle puisse y prendre son bouquet, qui, 
du reste, se présente sous sa main. La table 
retourne ensuite à sa place, et bientôt la 
dame, descendant mollement à lerre, se ré- 
veille, se lève de sa chaise et quitte la scène. 



EXPLICATION. 



La chaise et la dame sont soulevées par 
une glace lians tain placée au-dessous 
d'elles dans une position verticale et faisant 
face au public. La table est enlevée par le 
même procédé , mais avec une organisation 
différente. Voici quelles sont les dispositions 
de ce truc: 

Au milieu de la scène et sous le parquet 



MANIFESTATIONS SPIRITES. 137 

sont placés, dans une position verticale, deux 

« 

montants de bois à coulisse dans lesquels 
peut glisser une glace épaisse et bien trans- 
parente. Par des dispositions mécaniques 
qu'il est facile de se figurer, la glace, en 
glissant dans les coulisses, peut s'élever ver- 
ticalement au-dessus du parquet en passant 
par une fente qui y est pratiquée. Un pla- 
teau en bois d'une soixantaine de centimè- 
tres carrés, solidement fixé sur les bouts 
supérieurs de la glace, sert à supporter la 
chaise et la dame qui s'y assied. Ce plateau,, 
lorsqu'il est soulevé par la glaqe, peut être 
facilement caché par les jupons de la dame 
qui tout naturellement tombent dessus. 

Mais le plateau, qui est à fleur du plan- 
cher, laisse, en s'élevant ,. une ouverture 
béante qu'il est bon de boucher aussitôt. A 
cet effet, un second plateau, pousgépar des 

8. 



138 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

ressorts ou contre-poids, vient se substituer 
au premier ; puis il se retire lorsque celui- 
ci vient reprendre sa place. 

La glace qui supporte la chaise, si elle 
est suffisamment épaisse, n'a pas besoin 
d'être plus large que le plateau. Du reste, sa 
position verticale lui permet de supporter 
un grand poids sans risque de se briser. 

Les montants dans lesquels glisse la glace 
peuvent être convenablement reliés ensemble 
pour ne plus former qu'un cadre solide. Ce 
cadre, garni de roulettes à sa partie infé- 
rieure et placé sur un petit chemin de fer, 
peut glisser à droite ou à gauche et trams- 
porter la personne enlevée pour simuler son 
balancement dans l'espace» Il faut, pour cela 
foire, qu'il y ait, pratiquée dans le parquet, 
une fente suffisamment longue pour que fo 
glace puisse s'y pomener à l'aise. Voici 



û 



f 



MANIFESTATIONS SPIRITES. 159 



quelques précautions à prendre pour la réus^ 
site de l'expérience : 

1"* Afin de dissimuler les fentes et les joints 
d'ouverture, on couvre le parquet d'un tapis 
à bandes de couleur foncée. Un morceau de 
ce tapis doit être également placé en raccord 
sur le plateau du dessous. 

2"" La lumière qui éclaire la scène doit 
être diffuse et assez faible pour donner une 
dcmi-obseurité. Cet état de lumière se rè- 
gle, du reste^ par le tâtonnement. La glace 
ni ses bords ne devant être aperçus d'aucune 
partie de la salle, il faut donc diminuer Fin* 
tensité de la lumière jusqu'à ce qu'on ait 
obtenu ce résultat f plus les spectateurs sont 
éloignés^ moins ce demi-jour est néces- 
saille 

La lumière de la rampe ne convient pas 
pour cette eipérience, parce qu'elle <k>nne 



if-^ 



■r.iw 



140 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

des reflets dans la glace et qu'elle en dévoile 
ainsi la présence. 

5"" Il est bon que la dame qui paraît en 
scène soit vêtue de blanc et que la chaise et 
la table soient également d'une couleur ten- 
dre afin d'être plus facilement distinguées 
dans la pénombre. 

L'enlèvement de la table et son trans- 
port se font par les mêmes procédés que 
cenxindiqués pour l'enlèvement de la chaise; 
seulement, la glace est en dessus de l'objet 
au lieu d'être en dessous. Au lieu de soule- 
ver la table en la poussant du bas, elle l'é- 
lève en l'attirant vers le haut. Dans le pla- 
fond est pratiquée une fenle à travers la- 
quelle descend une glace qui est fixée au- 
dessus de la table. La glace, en s'élevant par 
les mêmes procédés que ceux que nous avons 
décrits pour la chaise, enlève la *able et la 



HâMIFESTâTIONS SPIRITËS. 141 



dirige vers la dame. A cela près de leur 
action inverse, ces deux trucs n'en font 
qu'un. 

Il serait mieux, pour Teffet scénique, de 
placer la table dans un des coins de la scène 
et de la faire arriver jusqu'à la dame en lui 
faisant suivre une ligne diagonale. 

Voici maintenant, pour Tenlèvement de la 
lable , un procédé beaucoup plus simple et 
surtout moins coûteux que je propose, sans 
aucune idée de critique, pour le truc précé- 
dent : 

On ferait une table ayant une apparence 
massive, mais qui serait par le lait très-lé- 
gère. Cette table serait construite en carton, 
en bois mince ou en lames de liège; on la 
suspendrait avec des fils de fer très-minces^; 

1. On Tend dans le commerce du fil de fer presque aussi fin 
çi'un cheveu qui serait suffisamment résistant pour cet objet. 



142 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSARTE. 



ces fils passeraient par des fentes également 
très-minces pratiquées dans le plafond. A 
quelques pas; il serait impossible d'aperce- 
voir ni les fils nî la fente, même avec plus 
de lumière que dans le précédent truc. C^esl, 
du reste, un procédé que j'ai employé et qui 
m'ci très-bien réussi* 



IX 



LE BUSTE DE SOGRATfi. 




ueTon se lïgare, isolé ef 
suspendu au milieu de 
la scène, un buste vivant 
représentant les formes 
physiques de Soci'ale. 
Cette réduction du grand philosophe ne 
l'empêche pas de parler et de s'annoncer 
lui-même par quelques vers élégiaques. Co 
noble Athénien lui donne la réplique dans 
un dialc^ne qui molive le jeu de la physio- 
nomie du plus sage des sages de la Grèce^ 



146 VAGIE ET PHÏSIQVE AMUSANTE. 

Telle esl la mise en scène de ce truc ingé- 
nieux représenté dans la figure ci-dessous : 




if 1 

BXPLICATIOn. 

A B G D (fîg. 2) est une coupe de la scène 
où se passe le prestige. Une glace étamée 
G G, tenant toute la largeur de la scène, est 
placée diagonalement dans la pièce en par- 
tant de la partie supérieure du fond B jus.- 



LE BUSTE DE SOGKATE. 



147 



qu*auprès de la rampe C el forme ainsi avec 
le parquet un angle de 45 degrés. 

Au milieu de celle glace esl un Irou pai 




Fig. 2. 



lequel Tacteur passe sa lête el son busle. 
Voyez la figure. 

Disons encore que le plafond el les deux 
côtés de la scène sont tapissés par un même 



U8 ÎIAGIB ST PHYSIQUE AMUSANTE. 

: , 1 . —^ 

papier de tenture ^t qu'ils sont vivement 
éclaiVés par la lumière de la rampe G ou 
par des becs de gaz placés derrière le ban- 
deau A. . 

D'après ces dispositions, voici ce qui se 
passe : le plafond A B se réfléchit dans la 
glace et son image paraît être aux specta- 
teurs la tenture du fond B D, qui est cachée 
par la glace. 

* 

Par cette réflexion que l'on ignore, il 
semble que l'on voie les trois côtés de la 
scène et aucune supposition de glace ne 
venant à l'esprit, on peut croire que le buste 
est isolé dans l'espace .sans aucun sou- 
tien. 

Si les spectateurs ne dominent pas h 
scène, le personnage qui est en scène peut 
se tenir près de îa glace, sans crainte qu^n 
voie son image en raison de l'inclinaison âe 



LE BUSTE DE SOCRATE. 



149 



la glace. Dans un théâtre où généralement 
les places sont três-élevées, Fadeur serait 

# 

oblîgé de se tenir en dehors de la scène cl 
plus bas que la plancher* 






CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. 




L ette expéi'ienceimaginée 
parM.WheasIone, le cé- 
lèbre physicien aidais, 
a été présentée à Londreg 
< hPolytechmcInstUwtiûn 
dans l'année 1855. 

Voici quellfs sont les dispusitions scéni- 
ques de ce prestigieux phénomène : 

Sur le milieu de la scène sont rangées en 
un demi-cercle quatre harpes d'Érard, qui 
doivent reproduire les sons d'instruments 



154 MAGlË.i;r PHYSIQUE AMUSANTE. 

_ . •• * — — . 

« 

dont on doit jouer dans les caves profondes 
de rinslitut. Ces instruments sont un piano, 
un violoncelle, un violon et uneclarinettCo 

A cet effet, on a fixé sur les tables d'har- 
monie des harpes quatre petites tringles 
verticales en bois de sapin de deux centimè- 
" très environ de diamètre qui, descendant 
perpendiculairement, traversent la scène et 
les plafonds inférieurs el vont jusqu'à la 
cave se fixer : la première à la table d'har- 
raonÎB du piano, la seconde à l'ame du vio- 
loncelle, la troisième à l'âme du violon, la 
quatrième à Tanche de la clarinette. 

Afin de pouvoir, au besoin, interrompre 
les vibrations entre les instruments et les 
harpes, on a coupé les tringles à quelques 
centimètres au-dessus de la scène, ce qui 
ne les empêche pas de porter Tune sur 
l'autre et de transmettre les vibrations. En 



CUniEUSE EXPËRIEnCE.D'ACOUSTIQnE. IGS 

faisant tourner les harpfô sur elles-mcmcs 
on opère la séparation des tringles. 

Nota. — Les tringles doivent être isolées 
des planches, à travers lesquelles elles pas- 




sent pour empêcher des vibrations qui pour- 
raient être nuisibles à l'effet. Cet isolement 
se produit en faisant les trous plus grands 
que les ligesou en soutenant celles-ci par des 
corps les moins susceptibles de vibrations. 



450 HÂGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

- ' ■■ ■ ■ ■ ■!■ m^ 

I 

Voici comment M. Pepper procède à l'ex- 
périence: 

En frappant sur la tringle n* 1, il avertit 
le pianiste de toucher son instrument. Les 
sons amenés par la tringle et répétés parla 
table d'harmonie de la harpe correspondante 
sont parfaitement entendus par tout l'audi- 
toire; ils n'ont presque rien perdu de leur 
force, et pas une note de l'air joué n'est 
altérée dans son timbre, son ton, sa succes- 
sion, son mouvement. Mais, si, pendant que 
Tairjoue, on fait cesser, en tournant la harpe, 
la communication ou le contact des tringles, 
on n'entend plus rien, absolument rien. 

M. Pepper procède de la même manière 
pour les trois autres instruments et les trois 
harpes ; il constate que le son qui n'est en 
aucune manière entendu, quand les tringles 
de la table d'harmonie ne sont pas en contact 



CURIEUSE EXPËRIEMGE D'ACOUSTIQUE. i57 



avec la tringle de l'instrumeat, est perçu, 
dès que le contact est rétabli, aussi bien que 
si les instruments étaient sur la scène. 

M. Pepper, en frappant sur les quatre 
tringles simultanément, avertit les musi- 
ciens de jouer un quatuor : le quatuor est 
transmis, avec une grande exactitude, aux 
tables d'harmonie, et ce concert sans musi- 
ciens apparents produit une émotion singu- 
lière parmi les assistants. Enfin, au beau 
milieu du quatuor, M. Pepper faisant tour- 
ner successivement les quatre harpes, inter* 
rompt leurs communications avec les in- 
struments, et le concert finit, non pas faute 
d'exécutants, puisque ceux-ci n'en conti- 
nuent pas moins à faire résonner leurs in- 
struments, mais parce que les vibrations 
sonores, n'étant plus renforcées par les tables 
d'harmonie, restent à l'état rudimenlaire de 



158 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

»■ ■■■■■ ■ ■» il—i.i ■ ,, , m^.- m . m , m I ^— ^i^^^^^^^ ■ i ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■^■^— ^^^ 

mouvemeat mécanique et s'éleignenl dans 
Tair. 

Au point de vue d'une exposition scienti- 
fique, celle expérience est fort bien présen- 
tée et produit un très-grand effet ; mais, sous 
le rapport du prestige scénique, on eût pu en 
tirer des illusions merveilleuses et en faire 
d'excellents trucs; en admettant toutefois 
que le principe n'en fût point divulgué. Il 
s'agirait, pour cela, d'apporter quelques lé- 
gers changements à la mise en scène de 
cette exhibition et de la présenter sous un 
tout autre aspect. 

En voici deux exemples que je vais don- 
ner : 

De quelque manière que soit présentée 
cette expérience, la modification la plus im- 
portante à apporter, c'est que le phénomène 
se passe aussi près que possible des specla- 



CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. 159 

leurs, ^Rn qu'ils soient bien convaincus de 
la réalité des faits qu'on leur annonce ; car, 
à une certaine dislance, il est difficile de s'en 
rendre compte, et le public, généralement 
soupçonneux, pourrait très-bien supposer 
qu'on le trompe et que les sons, au lieu de 
sortir des harpes, viennent simplement de la 
coulisse ou même du dessous de la scène. 
Alors, adieu le prestige et ses illusions 1 

11 faut donc établir une estrade parmi les 
spectateurs, et au milieu d'eux, si cela est 
possible. Le dessous de cette estrade serait 
garni d'un certain nombre de supports en 
bois de sapin parmi lesquels se confondraient 
les liges vibrantes. Ce dessous, du reste, se- 
rait caché par une draperie que Ton pourrait 
relever au besoin, pour montrer qu'elle ne 
cache ni musiciens ni instruments. 

Celte disposition prise, el en se confor- 



160 HAGIE ET PHYSIQUE AHUSÀMTK. 

manl aux principes énoncés dans l'expé- 
rience précédente, on mettrait sur Peslrade 
deux harpes communiquant par des tiges 
avec deux autres harpes placées dans les 
caves entre les mains de deux harpistes. 

On pourrait alors annoncer Texpérienoe 
des 



HARPES ÉOLIENNES JOUANT SOUS LE SOUFFLE 
D'ESPRITS MÉDIANIMIQUES. 



On comprend tout Tétonnement que peut 
produire un pareil spectacle : deux harpes 
parfaitement isolées jouant un duo, s'arrê- 
tant l'une ou l'autre ou toutes deux au com^ 
mandement du pseudo-médium; puis re- 
commençant sur un nouvel ordre; cela tien* 
drait du merveilleux. 



i5 



CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. 161 



Nùta. — Pour transmettre mystérieuse- 
ment aux musiciens Tordre de jouei' on de 
s'arrêter, une personne placée dans un coin 
de la salle pourrait sur certains gestes du 
physicien ou même sur Fordre précis s'adre&- 
sant aux prétendus esprits, toucher, à l'insu 
des spectateurs, un bouton communiquant à 
une sonnerie électrique placée dans la ca^e. 

L'expérience étant ainsi présentée, il ne 
serait pas nécessaire que tes musiciens 
fussent placés dans une cave; il suffirait 
qu'ils se tinssent dans un appartement infé- 
rieur d'où Ton n'entendit pas le jeu des in- 
siruments à travers le parquet de la salle. 

Voici encore un autre truc, ne dilTéranl 
qne par la mise en scène des expériences 
précédentes, mais présentant des faits beau- 
coup plus mystérieux. 

Aux qualre coins de l'estrade dont nous 



162 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

— . ■■ ■ ,.. ■ ■ -ii, 

avons parlé plus haut sont placés quatre 
petits guéridons dont le pied central est 
creux. 

Ainsi que dans la démonstration expéri- 
mentale de M. Wheaslone, un piano, un vio- 
loncelle, un violon et une clarinette sont 
installés dans un étage inférieur ; les tiges 
de sapin qui y sont fixées montent perpen- 
diculairement jusqu'à Teslrade, traversent 
les pieds des guéridons et aboutissent un 
peu au-dessus de leur tablette. Ces tiges, 
ainsi que nous l'avons déjà dit, doivent être 
dans tout leur parcours, isolées de tout 
corps vibrant pour ne rien perdre de leurs 
propres vibrations. Ces dispositions étant 
faites à Tavance, voici comment on procé- 
dera à Texpérience dont il s'agit et que Ton 
peut nommer un concert des esrrrits (Tun 
autre monde. 



CURIEUSE ËXPËRIEriCE D'ACOUSTIQUE. 163 



\:ONGERT DES ESPRITS D*UN AUTRE MONDE. 



On présente au public quatre cassettes en 
bois de sapin très-mince et qui sont fermées 
à clef; en annonçant que Ton y tient enfer- 
més certains esprits qui, sans le secours 
d'aucun instrument, exécutent d'excellente 
musique. Cela dit, on dépose les cassettes au- 
dessus de chacune des liges conduisant aux 
divers instruments. On doit comprendre 
déjà que ces cassettes remplacent les harpes 
et tiennent lieu de tables d'harmonie. On a 
soin de les placer de façon que leur fond 
inférieur appuie bien sur Textrémilé de la 
lige de sapin. Quatre petits pieds sont adap- 
tés à ces cassettes pour isoler le fond de la 



164 MAGIE ET PHYSIQUE AMîlSANTE. 



tablelle du guéridon et les empêcher de va- 

ciiler. 

Ainsi que dans la démonstration expéri- 

menlale, on frxippe un coup sur les cassettes 

pour avertir les musiciens de jouer de leurs 

instruments ensemble ou séparément; ce 

-coup, donné lorsqu'ils jouent, sert à les faire 

arrêter. 

Comme le public entoure l'estrade, il lui 

ost possible de s'assurer que les sons sortent 
bien des cassettes, ce qui doit produire un 
-effet très-saisiissant.' - . 

Mais il péiil aussi venir à l'esprit de quel* 

« • 

<}ues personnes que les boîtes contiennent 
des macbines capables de reproduire ces 
sons, ainsi que cela a lieu, du reste, dans 
les boîtes à musique. Dattis ce cas, l'observa* 
lion qui pourrait en être faite. serait d'un 
très-heureux effet pour le succès de Texpé* 



CURIEUSE EKPÉHIiJSiCSl D'ACOÏÏStl<}UE. i^ 

ê ' 

rience, puisque, lorsque le concert est ter- 
miné, on ouvre les cassettes pour montrer 
qu'il n'y a rien dedans et qu'on les remet 
^tre les mains des spectateurs afm qu'elles 
soient mieux examinées. 

Comme corollaire de œs diverses expé- 
riences, je vais donner ici la descriptium de 
deux petits trucs, tirés des mêmes principes 
et que j'avais organisés chez moi pour l'a- 
grément de mes amis: Je premier de ces 
trucs portait le nom de 



ESPUIf FRÂÎ>PBU^ 



C'était une im i talion parlielie de cette expé- 
rience médianimique au moyen de laquelle, 
à certaine époque, quelques personnes auto- 
risées par une puissance souveraine ot»U 



tee MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



conversé avec de& esprits invisibles d'un au- 
tre monde *. 

Mon truc des esprits frappeurs était orga- 
nisé dans une salle à manger qui me seiirait 
également de petit salon pour mes intimes. 
J'avais choisi cette pièce parce que la table 
me servait à cacher certain artifice de l'ex- 
périence. 

Voici comment le truc était présenté: 

1 . Je dois avouer ici que je n*ai jamais eu la bonne fortune 
d'assister à aucune de ces mystérieuses conversations, bien que 
je Taie vivement désiré. Dans Tannée 1857, un de mes amis 
qui, en raison de son ardente foi dans les facultés surnaturelle^ 
de M. Home, avait un accès facile près de lui, essaya vainement 
de me faire assister à Tune des séances intimes du célèbre 
médium américain ; celui-ci éluda toujours cette rencontre, et 
je dus me contenter des merveilleux récits qui me furent 
donnés par les personnes privilégiées. Sans vouloir contester en 
rien la véracité de faits que je ne connaissais que par ouï-dire, 
je crus pouvoir me permettre de reproduire artificiellement 
Tune de ces merveilles et je construisis mon esprit frappeur. 
Si la puissance spirituelle des médiums existe réellement, ce 
n'est certes pas cette innocente plaisansepe qui pourra leur faire 
du tort 



CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. 167 



Prenant en main une tige en fil de fer d'un 
mètre cinquante centimètres environ de lon- 
gueur, dont chaque extrémité se terminait 
par un crochet, je la suspendais au plafond 
en la passant dans un anneau ou piton qui 
s'y trouvait fixé. Au crochet inférieur je pas- 
sais l'anse d^un petit coffret de bois de sa- 
pin, lequel se trouvait ainsi suspendu à 
quarante centimètres environ au-dessus de 
la table. 

On s'asseyait autour de la table ; on se 
tenait par la main afin d'établir un cercle 
magnétique, et, après quelques instants d'un 
sérieux recueillement que je provoquais par 
un maintien d'une inspiration imperlur- 
bable, on procédait à la constatation de l'es- 
prit qui, selon que je l'avais annoncé, était 
enfermé dans la boîte. 

— Esprit, êtes- vous là? 



iéS UAGïE ET PHYSIQUE AHUSAKTE. 



Trois forts conps frappés dans h boîlc 
donnaient une réponse convaincante aux as- 
sistants. 

Chacun, alors, de faire des qpaesttons aux- 
quelies l'esprit répondait le plus laconique- 
ment possible ; car, on fesait, dans ce genre 
de conyersalion , les causeurs de l'autre 
monde nous sont bien inférieurs sous le 
rapport des procédés du langage : ils sont 
obligés, pour exprimer un mot, de séparer 
les lettres qui le composent et d'indiquer 
chacune d'elles en frappant un nombre de 
coups correspondant au nombre de Fordre 
cpe cette lettre^çciipê dans Talpliabei. Un 
co^p' pour A ; deux pour B ; trois pour C .n. . , 
etc. ; ce qui ne laisse pas que d'être très-long 
pour certains mots ; mais on est patient lors- 
qu'il s'agit d'être témoin de faits aussi mer- 
veilleux. 



N 



CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. t69 



Au bout <i« quelques instants de couver^ 
salion^ Vesprit prenait brusquement congé 
de rassemblée en répondant par le mot adieu 
à Tune des questions posées^ et, quelque iu^ 
sistance que Ton mît à continuer la séance, 
on n'entendait plus rien. 

La boîte se trouvant placée à hauteur de 
tête, chacun avait pu constater que les coups 
en sortaient réellement ^ aussi Tétonnement 
était-il grand lorsque^ décrochant cette cas- 
sette et l'ouvrant^ je la âiisais circulet^ poiDr 

être examinée. 

Il arrivait le plus souvent qu'on me quit- 
tâfl sans savoir au juste à' quoi s'en tenir sur 
la nature de cette expéiîence. 

L'idée de ce truc m'avait été éxf^ée 
par l'expérience de M. Wlieastoïfô que j'ai 
relatée plus haut; seulement, j'en avais con- 
sidérablement modifié les dispositioifô^ ainsi, 

10 



170 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

au lieu de faire monter les vibrations so- 
nores par une tige de bois de sapin, je les 
faisais descendre par un fil de fer jusqu'à la 
cassette qui servait de table d'harmonie 
pour renforcer les sons. 

Voici comment ce truc était organisé. La 
boucle, fixée au plafond, avait comme pro- 
longement une tige métallique qui traversait 
le plancher et venait aboutir dans l'appar- 
tement supérieur et se fixer à une petite ta- 
blette en bois de sapin. Cette tablette était 
supportée par de petits piliers en caoutchouc 
pour empêcher ses vibrations de se commu- 
niquer au parquet de l'appartement. Un 
électro-aimant, placé sur cette tablette, était 
disposé de façon à pouvoir frapper sur le pro- 
longement de la tige métallique. Enfin, une 
touche électrique placée près de mon pied 
droit me permettait, en la pressant, de fer- 



CURIEUSE EXPÉRIENCE D'ACOUSTIQUE. 171 



mer le circuit et de frapper ainsi le nombre 
de coups en rapport avec la réponse que je 
voulais faire. C'était alors, on le comprend, 




m 



Fig. 2. 

mon pied qui remplissait le rôle d'esprit 
frappeur. 

Les explications que je viens de donner 
et la figure ci-dessus indiquent suffisam- 
ment ce qui se passe dans celle prestigieuse 



lis MAGIE ET PHYSIQUE AHUSÂI^TE. 

expérience : le bruit de la percussion pro- 
duite par réleetro-aimanl se renforce sur la 
tabletle d'harmonie, et celle-ci transmet ses 
vibrations à la casselle par rinlermédiaire 
de la grande tige métallique. Les spectateurs 
n'enlendent que les sons qui semblent sor- 
tir de la cassette. 

Lorsque la vogue des espnts frappeurs fut 
passée et que mon truc n'avait plus sa raison 
d'être, je le transformai en un autre truc 
plus intéressant encore et que je nommai : 



LES ONDES SONORES. 



Cette modification était très-simple : c'é- 
tait toujours U même cassette suspendue au 
plafond comme précédemment; seulenient, la 
tabletle du haut était remplacée par une de 



CURIEUSE EXPÉRIENCE D*iCOUSTIQUE. 175 



ces grosses musiques à ressort dites musi- 
ques de Genève, et c'est au fond de celte 
boîle formant table d'harmonie que la lige 
du pilon venait se fixer. 

Cette disposition fera comprendre que, 
lorsque la musique jouait, tous les sons se 
reproduisaient dans la petite cassette par les 
mêmes raisons que nous avons données dans 
le truc précédent. 

Pour compléter l'expérience, j'avais placé 
sur une tablette, dans un des coins de la 
salle une autre boîle à musique dont les airs 
étaient en tout point semblables à ceux de 
la musique placée à l'étage supérieur. 

Je présentai ce truc comme une expérience 
expérimentale et sous le titre de transmis^ 
sion des ondes sonores. 

Après quelques explications données sur 
la nature des ondes sonores, j'annonçais que 

10; 



174 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



des sons pouvaient se transporter, d'une 
table d'harmonie à une autre, lorsque ces 
deux tables étaient accordéesau même dia- 
pason, et que, comme application de ce prin- 
cipe, la cassette isolée et suspendue allait 
répéter les airs joués par la musique (il s'a- 
gissait seulement de la musique du bas, 
l'autre étant censée ne pas exister). Je pous- 
sais alors la détente, et à peine la première 
phrase musicale était-elle terminée, que j'in- 
terrompais subitement. Tout aussitôt on 
entendait se répéter dans la boîte la partie de 
l'air qui venait d'être joué. Je continuais en 
faisant jouer une autre phrase qui était 
encore répétée, et cela avait lieu jusqu'à la 
fin de l'air. 

Cette répétition de phrases musicales ve- 

» 

nait de la musique placée à l'étage supérieur, 
et c'est à l'aide de l'électricité que ceile-ci 



•F« 



f 



CURIEUSE EXPËRIERGE D'ACOUSTIQUE. 175 



se meltail àjouer quand Taulre s'arrêtait. 
Celte expérience produisait un très-grand 
effet, surtout lorsque, ainsi que dans l'expé- 
rience précédente, on ouvrait la boîte et on 
la donnait en main pour l'examiner. 



^^■■^■L«AA4-atf « 



XI 



LE DÉCAPITÉ PAELANT. 




f elle ingénieuse illusion 
l ne portait pas primitive- 
If ment ce litre effrayant. 

C'est sous le nom de 

1 sphinœ qu'elle fut pré- 
sentée, en 1865, à Londres, dans Egyptiàn 
Hall, par un prestidigitateur nommé le colo- 
nel Slodare. L'inventeur de ce truc, M. Tobin , 
secrétaire de \a Polytechnic Instituti(m,yen~ 
dit son procédé à H. Talrich, habite modeleur 



m •> 



180 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

en cire, qui exploitait alors, au boulevard de la 
Madeleine, à Paris, un spectacle défigures de 
ïire sous le nom de Musée français. Ce musée 
se composait d'un certain nombre de groupes, 
mythologiques ou autres, d'une grande dé- 
licatesse d'exécution, notamment d'une scène 
qui représentait le docteur Dupuytren faisant 
un cours d'anatomie devant ses nombreux 
élèves. M. Talrich avait été bien inspiré, 
puisque ce tableau lui fournisKiit roccask)n 
de mettre en relief les prépwâti^itô 4»^^)»i- 
ques auxquelles il devait sâ rèjyutati^n. 

Le truc du sphinx suggéra à M^ Tairich 
ridée de joindre à son imaée «M «é&liibiti'on 
semblable à celle du fameux cabinet d'hor- 
reurs que madame Tussaut avait installé à 
Londres, dans son établissement de figures 
de cire. Dans ce but, il fut amené à changer 
la mise en scène du sphinx^ qu'il trouvait 



-1 



LE DECAPITE PARLANT. 181 



avec raison trop anodine pour sa destînation. 
11 en fit le décapité parlant ^ et voici comment 
il organisa cette exhibition : au-dessous de 
son musée, il existait une cave assez vaste et 
inoccupée, dans laquelle on descendait par 
un escalier praticable, dont la porte donnait 
dans rétablissement même. C'est cet endroit 
qui fut destiné au spectacle du décapité. 
Loin de chercher à rapproprier et à recrépir 
les murs, l'intelligent artiste en conserva la 
mousse verdâtre et l'humidité fangeuse, et 
s'a l tacha particulièrement à mettre les lieux 
en rapport avec le spectacle qui devait y être 
représenté. On en jugera par la description 
suivante. L'escalier n'était éclairé que par la 
lumière jaunâtre et blafarde de lampes anti- 
ques suspendues au sommet des voûtes. Une 
fois de plain-pied, on se trouvait d'abord en 

présence d'un tableau plastique représentant 

il 



182 HÂiilE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

une scène de Tinquisilion. La torture y était 
mise à nu avec une exaclilude frappante. Un 
aide du bourreau tenant une torche allumée 
éclairait seul ce lugubre tableau. En sortant 
de là, on tournait sur la droite, on passait par 
un couloir à peine éclairé, et Ton arrivait en 
face d'une balustrade à hauteur d'appui fer- 
mant Feutrée d'un petit caveau. Au milieu 
de ce bouge, dont une paille humide formait 
le parquet, on voyait une table sur laquelle 



était une tête un peu penchée sur le côté et 
semblant dormir. A l'appel du cicérone, le dé- 
capité se redressait, ouvrait les yeux, racon- 
tait sa propre histoire, ainsi que les détails de 
son supplice, et répondait ensuite, dans plu- 
sieurs langues, aux questions qui lui étaient 
adressées par les assistants : c'était là un spec- 
tacle d'une singulière horreur. Jusque-là tout 
allait pour le mieux dans cette fantastique 



j 



LE DËGiPITÉ PARLANT. 189 



exliibilioïi, et il est probable que le succès de 
curiosité qui s'étail tout d'abord déclaré se 
fût longtemps prolongé; mais une grande 
maladresse fut commise par le directeur, et 
cette maladresse causa la ruine de rétablis- 
sement. Le prix d'entrée pour le Musée fran- 
çais avait été fixé à un franc par personne : 
c'était un prix fort modéré, sans doute ; mais, 
si le \isileur désiraitvoir le décapité parlant, 
il lui fallait donner cinq francs de supplé- 
ment. Cinq francs pour un spectacle de cinq 
minutes, c'était exorbitant. Toutefois, la cu- 
riosité l'emportant presque toujours, on don- 
nait cinq, dix, quinze ou vingt francs, selon 
le nombre de personnes que l'on conduisait. 
Cependant le cavalier galant avec ses dames, 
le père de famille avec ses enfants, Tami avec 
ses amis, tout en payant sans murmurer, 
cherchaient le plus souvent à satisfaire par 



184 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

^^. _, , ,, I II ■_----- ■ ■ ^ . 

quelques taquineries leur méconlenlement 
rentré. C'est sans doute dans ces fâcheuses 
dispositions que se commirent des faits re- 
grettables à l'endroit du décapité : on lança 
des boulettes sur cette tête d'un autre monde, 
afin de savoir si elle avait complètement perdu 
sa sensibilité. Au premier projectile, le mal 
heureux patient dont on ne voyait que la tête, 
ou du moins cette tête elle-même, faisait la 
grimace ; au second, elle prenait un air cour- 
roucé; au troisième, ma foi, oubliant son rôle 
passif, elle invectivait les assistants; et le ci- 
cérone de refouler l'assistance vers le couloir 
en appelant à sonaide. Le bruit de ces scènes 
se répandit dans le monde, et quelques dés- 
œuvrés du high life trouvèrent très-amu- 
sant d'aller pour leurs cinq francs se donner 
le plaisir de lancer des bouL ttes sur le déca- 
pité rageur. On appelait cela le tir à la hotir^ 



LE DËGAPITË PARLANT. 1B5 

lette. Ces boulettes, dirigées plusieurs fois 
par des mains inhabiles, tombaienl sur cer- 
taines parties de la lable que Ton cropit vides 
et sur lesquelles elles rebondissaient en dé- 



voilant une glace Dès lors le truc fui éventé 
et chacun se fil un malin plaisir d'aller de 
proche en proche divulguer le fameux secret 
du décapité. Nf. Tahich avait mis un terme 
aux projections en plaçant un grillage serré 
entre le public et son sujet ; mais celle pi-é- 



iSÔ 



MAGIE £T PUTSIQUE AMUSANTE. 



caution était tardive et devint superflue; le 
combat cessa faute de combattante ; la vogue 
était passée pour le Musée français. Le déca- 
pité parlant avait tué les dieux de l'Olympe, 
ainsi que la savante conférence du docteur 
Dupuytren. 

Les causes de Tinsuccès de M. Talrich fu- 
rent les mêmes que celles qui amenèrent 
les désastres des frères Davenporl. Trop de 
confiance dans la longanimité du public pa- 
risien les porta, de part et d'autre, à lui pré- 
senter pour des phénomènes merveilleux ce 
qui n'était enr résumé que d'ingénieux tours 
d'escamotage. Trop d'ignorance aussi dans 
nos usages leur fit exagérer outre mesure le 
prix de leur exhibition. 

Plus intelligent, ou plus entendu dans les 
choses de théâtre, le colonel Stodare ne met- 
tait pas autant de prétentions pour son sphinx 



LE DÉCAPITE PARLANT. 187 

égyptien; il ne le présentait dans ses séances 
que sous forme d'intermède et ne lui attri- 
buait d'autre merveilleux que le prestige d'un 
truc ingénieux. Toutefois, la mise en scène 
exigeant une fable, voici comment ce truc 
était présenté. Tenant en main une cassette 
fermée, le colonel s'approchait des specta- 
teurs et leur racontait que, dans ses voyages 
en Egypte, ayant fait la rencontre d'un ma- 
gicien, celui-ci était venu à mourir et lui 
avait légué ce petit meuble dans lequel se 
trouvait, depuis la plus haute antiquité, la 
tête vivante d'un sphinx pouvant répondre 
aux questions qu'on lui adressait. Le physi- 
cien interpellait alors le sphinx, qui lui répon- 
dait à travers la boîte (le colonel Siodare était 
ventriloque). 11 déposait ensuite sur une table 
le précieux coffret, en abaissait le devant, et 
le public pouvait voir une belle tête de sphinx 



18» MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

coiffée d'un capuchon égyptien à bandelellcs 
dorées. Le dessous de la table sur laquelle 
la boîte était posée semblait entièrement à 
jour. Le sphinx, intelligent et ingénieux, 
répondait avec infiniment d'esprit et d'à- 
piopos aux questions qui lui étaient faites par 
le public; après quoi, le colonel fermait la 
boîte, la prenait entre ses mains, faisait 
dire au prisonnier un good night au public, 
et rentrait dans la coulisse avec son précietfx 
fardeau. Ainsi présenté, ce truc fut très-goûté 
et le succès ne s'arrêla qu'à la mort inopmée 
de l'intelligent prestidigitateur. 

Cette expérience est des plus simples à ex- 
pliquer et doit être comprise facilement : la 
tête que Ton voit sur la table appartient au 
corps d'un pauvre diable que le besoin a ré- 
duit à jouer toute la journée ce pénible rôle 
d'homme au carcan. Par une disposition de 



•▼— ^— ^^^ 



LE DÉCAPITÉ PARLANT. 



189 



glaces adaptées aux pieds de la table, ce 
compère peut se placer sous ce raeuble sans 
être aperçu et passer sa lête à travers un Irou. 
Une collerette cache les bords de celte ouver- 
ture. 




Pig.2. 

La table n'est supportée que sur trois 
pieds, C, D, E (fig. 1 et 2), bien qu'elle sem- 
ble en avoir quatre. Entre ces trois pieds, et 
dans des rainures pratiquées à cet effet, sont 
deux glaces étamées, G, G' (fig. 2), derrière 

lesquelles, avons-nous dit, le compère se 

il. 



100 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

dissimule en se tenant à la place H. Ces gla^ 
ces sont placées à angle droit et à peu près à 
45 degrés par rapport aux draperies qui les 
entourent. Celles-ci, A et B, en se réfléchis- 
sant, correspondent avec A' et B' et rempla- 
cent imaginairement la partie de la draperie 
qui est cachée par les deux glaces ; de sorte 
que Ton croit toujours voir la draperie du 
fond à travers les pieds de la table. 

Le sphinx se produisait par les mêmes ef- 
fets : la caisse était vide lorsque le colonel 
Stodare l'apportait en scène; son talent de 
ventriloque faisait entendre une voix à Tinté - 
, rieur. Lorsque cette cassette était sur la table, 
le compère qui était dessous ouvrait la trappe 
du trou de la table, passait sa tête par cette 
ouverture, et, soulevant le fond mobile de 
la cassette, s'y plaçait assez facilement. Le 
prestidigitateur n'avait qu'à abaisser le de- 



LE DËGAPITÊ PARLANT. 191 

w« — 1 ■ - , 

vanl de la boîte pour montrer la tête qu'elle 
contenait. 

Pour peu qu'on connaisse les lois de la ré- 
flexion, il est facile de s'assurer que, à moins 
d'être placé très-près de la table et sur le 
côté, il est impossible aux spectateurs d'a- 
percevoir dans les glaces autre chose que les 
draperies. D'ailleurs, les dispositions sont 
prises pour qu'il en soit toujours ainsi. Chez 
Talrich, c'étaient les murs du caveau qui 
venaient se peindre dans les glaces. 



XII 



L'ARMOIRE PROTÉE. 



1 




a figure que l'on verra 
i ci-conlre peut donner 
! une idée du meuble 
servant à l'esécution 
du Unie que nous aUons 
décrire. C'est, on va le voir, une sorte d'ar- 
moire à deux battants, montée sur quatre 
pieds à roulettes qui permettent de l'amener 
en scène el de lui faire faire des évolutions 
sur place. 



105 MAGIE ET PUÏSIQCB AMUSANTE. 



DESCRIPTION DU TROC 



Une personne monte dans l'armoire et 
l'on cil ferme les porter. Oii fait tourner le 



^^ZW3 



meuble sur lui-même pour prouver qu'il ne 
peut donner aucune issue au prisonnier; 
après quoi, on ouvre les portes et l'armoire 



L'AHMOIRE PROTËE. 107 

est vide. On ferme de nouveau; on fait exé- 
cuter au meuble une révolution, et, lorsqu'en 
dernier lieu on ouvre les portes, on voit une 
transformation de personnage : un homme 
était entré dans le meuble ; c'est une femme 
qui en sort. 



EXPLICATION. 



L'artifice de ce tour a beaucoup d*analogîe 
avec celui du décapité : deux glaces placées 
convenablement dans Tarmoire à un mo- 
ment donné lui donnent l'apparence d'un 
meuble vide, même lorsqu'elle contient quel- 
qu'un. 

La figure 2 ci-contre est le plan par terre 
de Farmoire, dont la forme est représentée 
plus haut. 



198 



MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE 



A B C D sont les bâlis de l'armoire, P P les 
deux portes extérieures, M montant de bois 
placé vers la partie antérieure de l'intérieur du 
meuble, G G deux portes ou compartiments 




Fig. 1 

ayant la hauteur du meuble prise dans l'inté- 
rieur. Ces portes sont montées sur charnières 
et pivotent en IL Elles peuvent s'appliquer sur 
le montant M, ou se dissimuler en s'appli- 
quant sur la paroi intérieure des bâtis AB C D. 



3 



:M 



L'âRMOIR£ PROTËE. 190 

C'est celte dernière position qu'elles occu- 
pent lorsque Ton ouvre les portes pour la 
première fois. A ce moment, le regard du 
spectateur peut pénétrer dans le meuble, 
qui est réellement vide. 

Mais, lorsque l'homme est dans Tarmoire 
et que l'on a fermé sur lui les deux portes 
extérieures PP, il se place en H; tire à lui 
les deux glaces et les fait appliquer sur le 
montant M, et forme ainsi un compartiment 
triangulaire Mil, dans lequel il est en 
fermé et qui le dissimule aux yeux du public. 
Lorsque, de nouveau, les portes sont ouvertes, 
il se produit une illusion semblable à celle 
que nous avons expliquée à propos du déca- 
pité : les glaces de l'armoire réfléchissent 
vers les spectateurs la tenture des côtés K K 
de l'armoire el leur font croire qu'ils en 
voient le fond LL. Les glaces semblent ne 



200 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

pas exister el tout paraît être dans le même 
étal que précédemment. 

Il esl important, pour la réussite de l'ex- 
périence, que le même papier de tenture 
tapisse les parties intérieures du meuble 
KK, LL, ainsi que le revers des glaces 00. 

Après qu'on a fait \oir au public qu'il n'y 
a rien dans le meuble el qu'on en a fermé les 
portes^ tandis qu'on le tourne et qu'on donne 
quelques explications pour gagner du temps, 
l'homme, pour se mettre plus à Taise, 
pousse les compartiments GG en KK, et, 
ainsi que cela se fait dans les pantomimes,, 
il se dépouille vivement de son vêlemenl 
masculin, qui recouvre un costume de 
femme, et remet la défroque qu'il vient de 
quitter sur une planchette placée hors de vue 
dans le haut de l'armoire. Une fois trans- 
formé, il donne un petit signal pour ouvrir 






L'ARMOIRE PROTÉS. 201 



les portes et il apparaît dans son nouveau 
coslume. 

Les transformations que je viens de dé- 
crire sont en dehors du truc dont il s'agit 
ici ; je ne les indique que pour donner une 
idée des ressources que Ton peut tirer de 
cette illusion. 



i 



k ■ 



XIII 



LE TRUC DES FRËRES DiYENPORT. 



-4 




' ans le mois de septembre 
I de l'année 1865, deux 
Américains , Ira et Wil- 
' liam Davenport, arri- 
* vaient en France pour 
y donner des séances merreilleuses, sous le 
nom de manifestations spirites. Ils venaient 
directement d'Angleterre, où, pendant deux 
ans, ils avaient joui d'une vogue immense. 
La presse des Trois-Royaumes s'était vive- 



SÛ6 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



ment occupée de leurs mystérieux exercices, 
et le bruit des polémiques qu'ils y avaient 
soulevées était parvenu jusqu'à nous. 

L'arrivée de ces thaumaturges prit l'im- 
portance d'un fait politique : le Moniteur du 
soir y journal officiel, les annonça dans ses 
numéros du 6 et du 8 septembre, et la presse 
entière répéta à l'envi celte intéressante 
nouvelle. 

Avant de se rendre à Paris, les frères Da- 
venport s'étaient arrêtés au château de Gen- 
nevillicrs, dont le propriétaire, fervent apô- 
tre du spiritisme, regarda comme une bonne 
fortune le séjour chez lui des illustres voya- 
geurs. Ce fut dans celte résidence hospita- 
lière qu'eut lieu, à titre dressai, la première 
séance des manifestations spirites. On y avait 
invité un petit nombre d'écrivains et de 
journalistes, qui tous s'accordèrent à recon- 



LK TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 207 



naître merveilleux et inexplicables les faits 
dont ils avaient été témoins. 

Les spirites américains ne parlaient pas 
un mot de notre langue; aussi furent-ils 
obligés de s'adjoindre un interprète, qui fut 
en même temps leur impressario, ou, comme 
on dit encore, leur Barnum. On les avait 
adressés à M. Derosne, homme de lettres 

w 

demeurant à Passy , et auquel on doit d'excel- 
lentes traductions de quelques ouvrages an- 
glais. Celui-ci accepta la mission qui lui était 
offerte, et, pour faire connaître ses proté- 
gés, il leur fit donner, dans son salon, quel- 
ques séances devant des spectateurs d'élite^ 
dont le suffrage pouvait avoir une grande 
influence sur les futurs succès des représen- 
tations qu'on se proposait de donner dans la 
capitale. Des affiches immenses, dites à 
Vaméi'icainey furent placardées dans Paris ; 



N 



208 UAGIE £T PHYSIQUE AMUSANTE. 



on y annonçait, en énormes caractères, que 
la première séance des frères Davenport 
aurait lieu le 12 septembre, dans la salle 
Herz. Le spectacle, divisé en deux parties, 
se composait : 1** des eocercices de Varmoire; 
2** de la séance dans les ténèbres. Le prix 
des places était fixé à vingt- cinq francs par 
personne pour le spectacle entier, et à dix 
francs seulement si Ton n'assistait qu'à la 
première partie. 

Avec de tels prix, quelles belles recettes 
en perspective ! Hélas I ici durent s'arrêter 
les illusions des deux frères au sujet de leurs 
futurs succès dans la capitale; les bienveil- 
lants suffrages qu'ils avaient recueillis dans 
leurs séances préparatoires furent les seules 
joies réelles qu'il leur fut donné de goûter, 
dans le pays le plus intelligent et le plus 
sceptique du monde civilisé. 



LE TRUC DES FRËRES DAVENPORT. 209 

Un orage imprévu par eux grondait sur le 
spiritisme en général et sur leurs exercices 
en particulier; cet orage devenait de plus en 
plus menaçant, à mesure que s'approchait le 
jour de la première représentation, Aax ar- 
ticles bienveillants de quelques journaux 
avaient succédé grand nombre d^éiiergiques 
protestations contre une exhibition que Ton 
regardait, avec quelque raison, comme dan- 
gereuse pour Tesprit public et particulière- 
ment pour certains cerveaux faibles, toujouiY 
portés à prendre au sérieux les trucs et les 
ficelles des adeptes de la sorcellerie simu- 
lée. 

Les lignes suivantes, extraites d'un article 
du journal V Opinion natiofiiale (10 septembre 
1865), donneront une idée de Tétat d'exci- 
tation de la presse parisienne à l'endroit des 
médiums américains. Cet article précédait 

12. 



lA^ 



210 MÂGIË ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



de deux jours la première représentation des 
frères Davenport: 

c< . . . . Ces estimables Américains arrivent 
précédés d'une réputation foudroyante. Leur 
Évangile a paru avant eux. C'est un volume 
de trois cents pages, dans lequel M. Nichols, 
Tau leur de cet ouvrage, assure que les frères 

a 

Davenport possèdent depuis leur plus tendre 
jeunesse la faculté d'être plus légers que 
Tair ; que maintes fois ils se sont envolés 
jusqu'au plafond et ont plané sur Tassis- 
tance. Si j'ose contester sur ce point le té- 
moignage de M. Nichols, ce n'est pas seule- 
ment parce que la chose est absurde en elle- 
même, c'est surtout parce qu'elle est inju- 
rieuse aux frères Davenport. Eh quoi ! mes- 
sieurs, vous laissez dire que vous avez volé 
sans ailes dans un salon, quand il est avéré 
que vous ne le pouvez plus ! Vous avez donc 



LE TRUC DES FRÈRES BAYENPORT. 311 

alors une puissance qui s'est usée, une vertu 
qui est sortie de vous? Faut-il conclure que 
vous avez démérité des esprits vos domes- 
tiques , que vous n'avez plus sur vos por- 
teurs aériens la même autorité qu'autrefois ^ 
que vous êtes en baisse à l'âge de vingt-cinq 
ou de vingt-trois ans , que vous allez de plus 
fort en plus faible, et cela dails la patrie de 
Nicolel? Vous venez nous montrer des mi- 
racles de pacotille, après avoir donné en 
Amérique des représentations dont un dieu 
serait jaloux? Prenez-vous donc Paris pour 
une de ces sous-préfectures infimes où les 
artistes usés, incompris et hors d'âge vont 
quêter un regain de succès. 

» N'est-il pas singulier qu'en 1865, lors- 
que l'humanité entière court à grands pas 
vers le progrès , quand l'esprit positif en- 
vahit tout, quand toutes les sciences, débar- 



212 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

passées du fardeau des niaiseries antiques, 
se lancent résolument dans la route d«i vrai, 
on vienne entreprendre de ressusciter les 
farces surnaturelles ? 

» Si le moment est mal choisi, le choix 
des instruments n'est guère moins ridicule. 
Comment! voici deux gaillards qui ont 
dompté les puissances invisibles ; ils se font 
servir par des esprits; ils ont à leurs ordres 
une armée d'êlres inconnus, mais assuré- 
ment supérieurs à Thomme, et, grâce à 
l'alliance de ce pouvoir surnaturel, ils par- 
viennent à quoi? à jouer du violon dans 
une armoire ! En vérité, les demi-dieux sont 
devenus bien modestes depuis quelque 
temps ! 

» Ces messieurs semblent avoir fait le 
voyage d'Amérique en France pour nous mon- 
trer des phénomènes. C'est le mot qu'ils 



LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 215 

- — * 

emploient, et ils ont soin d'ajouter que c< ces 
» phénomènes ont été constatés par les sa* 
» vanls les plus renommés de T Angle terre 
» et de FAmérique. » Leur Evangile est in- 
titulé : Phénœnènes des frères Davenport. Va 
donc pour phénomènes ; c'est un mot usité 
dans le langage de la science, et de la foire 
aussi. La foire de Saverne ne s'ouvre que di- 
manche prochain et déjà la place est encom- 
brée de phénomènes. Il y en a de vivants, 
tous constatés par l'empereur de la Chine et 
le sultan du Maroc ; ils n'en sont pas plus 
fiers pour cela. 

» Mais je reviens à vos phénomènes, puis- 
que enfin vous avez des phénomènes à vous 
et que vous semblez désireux d'en trouver le 
placement. Vous ne savez donc pas que les 
phénomènes ne sont rien par eux-mêmes? il 
s'agit de les rappoi ter à une loi connue ou 



su MAGlË ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

inconnue, ancienne ou nouvelle ; ils n'inté- 
ressent les hommes sérieux qu'à la condi- 
tion de prouver quelque chose. Que voulez- 
vous prouver? quelle conclusion tirez-vous 
de vos petits tapages nocturnes ? quel élé- 
ment nouveau apportez-vous à la science? 
Voyons, déboutonnez-vous franchement j les 
idées neuves ne nous font pas peur. Elles 
nous effarouchent si peu, qu'il est fort inu- 
tile aujourd'hui de les recommander par le 
miracle. Une bonne vérité fait son chemin 
dans ce monde, sans accompagnement de 
guitares lumineuses et de violons phospho- 
res. » (Edmond About.) 

Ces réflexions judicieuses, ces raisonne- 
ments logiques et serrés de l'éminent écri- 
vain, durent porter un coup terrible au crédit 
des médiums américains, et ébranler la foi 
des plus fermes croyants en sciences occul- 



LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 215 



tes. Les facultés médianimiques des deux 
frères, leurs évocations et leurs manifesta- 
tions spirites étaient maintenant jugées. Pour 
tout homme raisonnant un peu, les frères 
Davenport n'étaient réellement que des fai- 
seurs de tours. Toutefois, la curiosité publi- 
que avait été depuis quelque temps telle- 
ment surexcitée, que chacun voulut voir ces 
hommes dont on avait tant parlé, et ces 
miracles faux ou vrais qui avaient été 
l'objet de si vives controverses. On attendit 
donc avec impatience le jour de la première 
représentation et Ton y courut en foule. 

En raison de mon éloignement de la cani- 
lale, il ne me fut pas possible d'assister à 
cette séance mémorable; je suis alors obligé 
d'en emprunter la relation à M. B. de Pêne, 
me réservant de donner un peu plus tard 
une description exacte de ces .prestigieux 



. ' ■> 

* * 



S16 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSA.NTE. 

exercices, tels que je les ai vu exécii|er de- 
vant un public calme et bienveillant. 

Voici comment le spirituel chroniqueur 
de la Gazette des étrangers raconte, sous le 
tilre de 

L'ËGORGEMENT DES FRÈRES DAVENPORT 
▲ LA SALLE HER2. 



l'épopée tragico-burlesque de la soirée du 14 
septembre : 

« La première représentation des deux frè- 
res devant un public payant, dit-il, a eu lieu 
mardi soir, comme on l'avait annoncé, La 
salle avait allumé ses lustres; toutes les 
places étaient remplies. Mais le spectacle 
s'est trouvé noyé dans un tumulte digne 
d'une assemblée d'actionnaires en furie. On 
a fait beaucoup de bruit et d'assez méchante 
besogne. La séance de nuit, la plus inté- 



LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 2i7 



ressante des deux, celle qu'on avait poéti- 
quement intitulée : Une heure dans les ténè- 
breSy et qui ne devait avoir pour témoins 
qu'un petit nombre de spectateurs au prix 
fort, n'a pas eu lieu du tout. 

» La première partie seulement de la séance 
dite publique, accessible à des prix doux, a 
suffi pour amener un tumulte tel, que, après 
trois quarts d'heure environ de brouhaha, le 
public a dû sortir avec des serments de ville 
dans les reins. Du reste, on rendait loyale- 
ment l'argent à la porte ; on nous dit même 
qu'il en est sorti de la caisse plus qu'il n'en 
était entré. 

» Ces pauvres Davenport! je les ai vus de 
près; je leur ai parlé; j'ai louché leur ar- 
moire, leurs fameuses cordes, le tambour de 
basque, les sonnettes, les guitares; en un 
mot, tous les éléments de la symphonie mi 



13 



218 BIAGIË ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

raculeuse dans laquelle il paraît qu'ils excel- 
lent. J'avais été appelé par le suffrage uni- 
versel des spectateurs au périlleux honneur 
de monter sur l'estrade pour inspecter les 
opérations, lier, délier, et faire lout ce qui 
concernait mon état de contrôleur. 

» Dirai-je qu'il y a eu une cabale contre 
eux dès a vaut le commencement de la séance? 
c'est possible, mais je ne saurais TafOrmer. 
Les pires ennemis des Davenporl dans celle 
séance, c'a été eux-mêmes. Entendons-nous 
bien : je les tiens pour des gens très-habiles^ 
puisque, en présence de témoins dignes de 
foi et de moi-même, ils ont fait, en diverses 
rencontres, à l'aide de ficelles de ce monde- 
ci ou de celui-là, des choses vraiment mer- 
veilleuses. Leur réputation et leur mérite de 
prestidigitateurs, de médiums ou de sorciers, 
comme il vous plaira de dire, demeurent en- 



LE T«UC DES FKÊRES DAVENPORT. 21^ 



core inlacts à mes yeux. Seulement, ils ne 
connaissent pas le premier mot du public 
parisien ; et, à la façon dont la mise en scène 
de leurs... miracles était organisée, on di- 
rait qu'ils ne sont jamais sortis de leur ar- 
moire. Évidemment, on avait affaire à un pu- 
blic défiant et sur Voeily qu'il fallait attaquer 
vivement, la main haute et légère, comme un 
cavalier habile enlève son cheval qui hésiie 
devant Tobstàcle. Si le cavalier hésite aussi, 
il est perdu. 

» La soirée s'ouvrit par le speech d'un 
interprète dont l'intention était excellente ei 
l'esprit des plus concihants, mais dont l'é- 
motion, aussi, était des plus visibles. Il y 
était dit, à peu près, ceci : « Messieurs, les 
» frères Davenport, qui jouissent depuis dix 
» ans en Amérique et en Angleterre d'une 
» réputation immense, n'ont pas le bonheur 



220 XÂGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



D de parler votre langue; ils me chargent 
» donc de vous assurer qu'ils ne prétendent, 
» en aucune façon, imposer au public la 
» croyance en leur commerce avec les es- 
» prits; ils ne se proclament devant vous ni 
» sorciers ni escamoteurs; ils se propo- 
» sent seulement de vous rendre témoins 
» des phénomènes dont eux-mêmes igno- 
» rent les causes, en vous laissant seuls 
» juges des effets qui seront produits. » 

» Une pareille charte était raisonnable, 
elle fut assez bien accueillie. Par malheur, 
l'interprète, trop confiant dans les marques 
de bienveillance qui viennent de lui être ac- 
cordées, continue de parler et se lance dans 
de longues et diffuses explications qui las- 
sent enfin le public. On demande à grands 
cris les Davenport. Ceux-ci paraissent, et la 
tumulte s'apaise. 



LE TRUG D£S FRËRES DAYENPORT. ^lï 

» Enfin, le spectacle va commencer I Pas 
encore! Les acteurs sont bien en scène, leur 
armoire est bien ouverte à trois battants 
pour les recevoir, mais leur ignorance de 
notre langue, leur désir affecté ou sincère 
d'un contrôle sérieux, l'empressement avec 
lequel ils acceptent tout ^ixamen sans mar- 
chander, l'entêtement qu'ils mettent à forcer 
le mandataire de l'incrédulité publique (hé- 
las! c'était toujours nous) à fourrer son 
nez partout, amènent des longueurs et en- 
core des longueurs. Il vaudrait mieux trom- 
per les gens et les tromper plus vite. On 
grogne, on chante, on siffle, on rit aux 
éclats, on hurle, on se fâche. 

» Pendant ce temps difficile, nous nous 
acquittons des fonctions qui nous ont été 
déléguées; nous vérifions, nous sondons, 
nous tâtons tout; puis, après examen des 



fn lAGIE ET FITSIQUB ÂlUSASTE. 

cordes qui doWenl nous servir, nous atta- 
chons de notre mieux les deux firères sur 
les bancs de leur armoire. Le public, inter- 
rogé par l'interprète, répond en chœur qu'il 
est satisfait de notre trayail. Mais un mon- 
sieur aux cheveux blonds, que Ton m'a dit 
depuis être un ingénieur, se lève, ce Ces mes- 
» sieurs, dit-il, sont sincèrement liés, mais 
» mal attachés; je vais les garrotter moi- 
» même de telle sorte qu'ils ne pourront se 
» défedre. » Il exécute ce qu'il dit, et retourne 
à sa place d'un air de triomphateur. Les 
portes de l'armoire se ferment sur les deux 
frères, qui, quelques minutes après, parais- 
sent détachés de leurs liens. On applaudit. 
Les Davenport avaient donc réussi dans ce 
que j'appellerâî provisoirement leurs tours 
de cordes, lorsque le monsieur blond, qui 
tient à venger sa défaite, s'élance impétueu- 



LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 223 

sèment sur Pestrade et s'écrie : « On nous 
» tmmpe; c'estuneindignemystilication: la 
» planche sur laquelle ces messieurs sont as- 
» sis esta bascule et leur permet de se déta- 
i> cher. » Disant ceci, il applique un vigoureux 
coup de poing sur la planche qui se brise 
avec fracas. Ainsi qu'il arrive lorsqu'on re- 
tire une chaise sur laquelle on est assis, l'un 
des frères Davenport tombe naturellemenl 
par terre. Toute la salle se lève aussitôt; la 
tempête est partout ; chacun quitte sa place 
et devient son propre délégué; tout le monàc 
est sur l'estrade. On parle aux gens qu'on 
ne connaît pas, exactement comme les jours 
d'émeute. M. Herz commence à trembler 
pour sa salle. 

» Enirée des sergents de ville vive et ani- 
mée, et, sur Tordre formel du commissaire 
de police, la séance est levée. 



S24 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

» A l'heure nocturne où j^écris ces lignes, 
mardi minuit, on ne parle que des Daven- 
port sur le boulevard en tumulte. On les co- 
tera en baisse à la bourse de demain. L'im- 
pression qui me paraît dominer, c'est qu'ils 
ont été exécutés avec une certaine férocité 
de mauvais goût et non jugés. En effet, la 
pire des choses haïssables, à mon gré, c'est 
la violence. Elle souille les meilleures causes, 
et nous détacherait du bon droit lui-même 
quand elle se met à suivre son drapeau. 
J'admets que les frères Davenport soient des 
imposteurs sans habileté; toujours est-il 
que, dans leur Waterloo de la salle Herz, le 
public s'est montré brutal; donc, à mes 
yeux, le public a eu tort même en ayant rai- 
son. » 

A en juger par la réception qui venait de 
leur être faite, les frères Davenport durent 



«. 

i 



I.E TRUC DES FRÈRES DAVËNPORT. 225 

avoir une singulière idée de l'hospitalité 
française. Bien d'autres à leur place se se- 
raient découragés à la suite d'nn tel accueil 
et auraient bravement abandonné la partie* 
Mais ils avaient à cœur de prendre une re- 
vanche avec leur bouillant contradicteur^ 
qu'ils regardaient, non sans quelque raison^ 
comme le principal instigateur de leur dé- 
sastreuse mésaventure. Dès le lendemain, ils 
engagèrent quelques notabilités de la presse 
à venir visiter leur armoire, tandis qu'on en 
réparait les dégâts. Ils prouvèrent facilement 
que les traverses articulées, signalées par 
leur contradicteur, n'existaient que dans son 
imagination, et que les charnières et parties 
mobiles du meuble n'avaient d'autre but que 
de pouvoir se replier sur elles-mêmes pour 
la facilité de l'emballage. 
Le triomphe du bouillant ingénieur fut 

15. 



226 MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE. 

donc de courte durée; il pul lire, le jour 
même, dans plusieurs journaux (VÊpoque, le 
Temps et la Patrie)^ Tentre-filet sui\anl : 

ce M. D,.., qui a cru avoir découvert le 
truc, et qui nous avait fait, jusqu'à hier soir, 
partager sa conviction , s*est évidemment 
trompé. 

a La traverse de bois mobile n'est, en aucune 
façon, le deus ex machina de cet appareil . En 
effet, cette traverse est maintenant fixée aux 
montants de l'armoire par des vis Irès-solides. 
Le meuble est fait de planches fort minces, 
à rintcrieur desquelles il est absolument im- 
possible d'introduire le moindre mécanisme. 
Dessus, dessous, de côté, nous ne décou- 
vrons absolument rien de suspect, et nous 
avons beau regarder, frapper les murailles, 
soulever les tapis, déplacer les chaises, nous 
sommes forcé de convenir que, s'il y a dos 



lE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 227 



trucs, ils sont absolument, mais absolument 
invisibles. » 

Encouragés par celte déclaration, les Da- 
vcnport firent insérerdanstous les journaux 
une lettre dans laquelle, tout en protestant 
contre la violence dont ils avaient été l'objet, 
ils annonçaient leur intention de continuer 
le cours de leurs représentations. En voici un 
extrait : 

« M. D..., l'ingénieur qui, après avoir 
escaladé, s'est écrié : « Nous sommes dupes 
» d'une odieuse mystification! » a, pour 
justifier son exclamation, violemment brisé 
une innocente traverse soutenant le siège sur 
lequel l'un de nous élait assis et garrotté. 
Celle traverse est en chêne plein et ne ren- 
ferme aucun ressort ni truc; elle n'est sortie 
de sa place que parce qu'elle a été brisée en 
éclats. Nous invitons personnellement M. D... 



228 lIAGIfi ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

lui-même à venir vérifier ce fait et à recon- 
naître galamment son erreur. 

« Notre armoire peut être visitée par tout 
le monde; elle ne contient aucune disposi- 
tion qui puisse favoriser les phénomènes 
qui s'y produisent. Du reste, quiconque vou- 
dra nous fournir un meuble de même forme 
et de même dimension que le nôtre et con- 
struit sans notre intervention, pourra se con- 
vaincre que la séance du 12 septembre n'a 
été qu'une suite de démonstrations hostiles 
et malveillantes. Nous nous serions mclinés 
devant un jugement rendu avec calme et 
équité ; nous protestons de toutes nos forces 
et de toute notre légitime indignation contre 
les injures et les brutalités auxquelles de- 
puis quelque temps nous avons été en butte, 
et nous en appellerons loyalement du juge- 
ment d'une foule égarée et partiale aux in- 



LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 2'i» 



vestîgalions sérieuses et honnêtes de person- 
nes désintéressées et même prévenues contre 
nous. C'est dans ce but que nous continue- 
rons à donner nos séances à la salle Herz ^ 
ne mettant pas un instant en doute le résul- 
tat définitif de notre apparition en public. » 

Les frères Davenport donnèrent, en effet, 
une série de séances qu'ils eurent le bon es- 
prit de présenter dans un local moins vaste 
que celui de la salle des concerts, et par con- 
séquent plus convenable pour ce genre de 
spectacle. Ces soirées se passaient avec un 
calme relatif. Il y avait bien de temps à au- 
tre quelques petites attaques ou quelques per- 
siflages, mais jamais ces scènes ne dégéné- 
raient en désordre. Elles tournaient le plus 
souvent au comique, et laissaient les rieurs 
tantôt pour un parti, tantôt pour l'autre. 

J'ai assisté plusieurs fois à ces séances^ 



230 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

et je m'y amusais comme je l'eusse fait de- 
vant des tours d'escamotage bien exécutés ; 
car je savais à quoi m'en tenir sur la nature 
des manifestations spirites des deux frères, 
et j'ai ri bien souvent de l'aplomb avec 
lequel ils se posaient comme intermédiaires 
passifs des esprits d'un autre monde. Dé- 
clarons-le hautement, les Davenport n'é- 
laient que d'habiles prestidigitateurs qui, 
pour donner plus d'éclat à leurs séances, 
avaient jugé à propos d'attribuer à des exer- 
cices purement manuels l'intervention sur- 
naturelle des esprits. Au point de vue de 
l'exploitation de leur spectacle, ils avaient 
grandement raison, puisque, jusqu'à l'épo- 
que de leur mésaventure de la salle Herz , 
ils avaient récolté d'énormes recettes. Ce n'é- 
tait alors, à proprement parler, ni des tours 
de cordes ni des danses de guitare qu'on 



LE TRUC DES F/IÈRES DA\ENPORT. 251 

allait voir : on se rendait aux manifestations 
spirites pour être témoin de faits surnaturels 
et inexplicables, et c'est pour cela seulement 
v'ju'on se décidait à donner vingt-cinq francs 
d'entrée- En fin de compte, les exercices des 
frères américains étaient très-intéressants; la 
mise en scène en était toujours très-impres- 
sionnante. Pour donner au lecteur une idée 
de cette séance, je vais en faire ici le récit 
exact, en rendant compte également de l'im- 
pression que je l'ai vue produire sur l'assis- 
tance. Une fois ces faits merveilleux connus, 
je me propose de les faire suivre d'explica- 
tions sur la manière dont ils étaient produits. 

SÉANCE DES FRÈRES DAVENPORT. 



Première partie. L*ai^moire. — Nous som- 
mes dans un salon appartenant aux dépcn- 



S32 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

danœs de la salle Herz, rue de la Victoire, 
salon qui peut contenir une soixantaine de 
personnes. La pièce est divisée en deux par- 
lies égales par une balustrade d'un mètre de 
hauteur. D'un côté sont les sièges réservés 
aux spectateurs, et de l'autre l'armoire qui 
doit servir à la séance. Ce meuble, d^une 
construction aussi frêle que possible, est 
monté sur des tréteaux ; il ne peut contenir 
que trois personnes assises ou debout. Aux 
parois intérieures de Tarmoire sont appen- 
dus divers instruments, tels que violon, gui- 
lare, trompette, tambour de basque et son- 
nette. Trois portes, en se fermant, lorsque 
les besoins de la chose Texigent, peuvent dé- 
rober les médiums aux regards du public. 
Avant de commencer la séance, plusieurs 
spectateurs sont priés de passer dans ren- 
ceinte privée et de se placer en cercle autour 



LE TRUC DES FRÈRES DÂYENPORT. 255 

du meuble, afin de former un obstacle à 
loule communicalion avec Fextérieur. 

Il s^agit d'abord de garrotter les deux 
Américains. Tous les assistants s'accordent 
à désigner, pour l'exécul ion de cette œuvre 
délicate, un ancien officier de marine expert 
en nœuds de toute sorte, et en Thabileté 
duquel chacun semble avoir une grande 
confiance. 

On commence par faire examiner les cor- 
des dont on va se servir ; on fouille les deux 
jeunes gens comme le feraient les représen- 
tants de la force publique, on prend toutes 
les précautions contre les ruses et les sur- 
prises, et l'on se dispose au garrottage. 

Les Américains montent dans Parmoire et 
s'assoient sur les bancs auxquels on doit les 
attacher. Le marin délégué prend une corde, 
il la marque pour s'assurer qu'elle ne sera 



234 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

pas changée ; il constate sa longueur ; puis, 
à l'aide de nœuds dits nœuds marins j ré- 
putés, jusqu'ici, inextricables; il attache 
successivement les deux frères; il fixe leurs 
bras près du corps, leur lie solidement les 
jambes ; il les enlace enfin et les amarre de 
telle sorte sur leurs bancs et sur les tra- 
verses, que chacun regarde la défaite des 
Américains comme assurée ; ils vont, à coup 
sûr, êlre forcés de demander grâce. 

Nous avons dit que l'armoire avait trois 
portes»; dans celle du milieu est pratiquée, 
à hauteur d'homme, une ouverture en forme 
de losange. On ferme d'abord, en même 
temps, les deux portes de côté, puis la porte 
du milieu; mais, chose incroyable, à peine 
cette dernière vient-elle d'être poussée que 
l'on voit apparaître, par Touverture susdite, 
les bras du prisonnier de droite, rouges en- 



LE TRUC DES FRËRES DAYENPORT. 235 

core des étreintes du fameux nœud marin. 
La surprise, le saisissement, la slupéfaution 
du public ne peuvent se dépeindre ; on hé- 
site à croire ce que l'on voit ; on se regarde 
pour fixer ses idées sur celles de son voisin ; 
mais chacun, se trouvant suffisamment intri- 
gué, ne peut fournir aucun éclaircissement. 
On se résigne alors et Ton paye aux artistes 
un juste tribut d'applaudissements. 

Bientôt on ouvre les trois portes et Ton 
voit les deux frères, le sourire sur les lèvres, 
descendre de l'armoire dégagés de leurs liens 
qu'ils tiennent à la main. On avait passé plus 
de dix minutes à les garrotter; une minute 
leur avait suffi pour se dégager. 

Ce premier fait accompli, les jeunes gens 
remontent dans l'armoire, ils s'y assoient ; 
on pose le paquet de cordes à leurs pieds et 
on ferme les portes. Deux minutes après, on 



£. 



S36 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

ouvre et on voit les médiums garrottés de 
nouveau; ils se sont attachés eux-mêmes 
dans robscurité, et leurs mains sont solide- 
ment liées derrière le dos. On vérifie les atta- .] 
ches et on les déclare aussi solides que les 
premières. Il est bon de rappeler que, pen- 
dant toute la séance, quelques spectateurs 
entourent constamment Farmoire, que ce 
meuble est élevé sur des tréteaux et que la 
salle est tenue dans un état de clarté suffi- 
sante pour permettre de tout distinguer. 

Maintenant vont se passer les faits les plus 
étonnants. On ferme les portes aussi vive- 
ment que possible, mais le dernier des bat- 
tants est à peine poussé que le plus étrange 
concert se fait entendre : le violon s'anime 
sous un archet fermement conduit, la gui- 
tare résonne, le tambour de basque marque 
la mesure, la sonnette carillonne, la trora- 



^. .i-- i^fi 



LE TKUG DES FRÈRES DAYEKPORT. 237 



pelte est vigoureusement embouchée, et le 
tout forme une cacophonie épouvantable. 
Parfois une succession de bruits, de chocs, 
de coups se joint à celte infernale musique. 
Puis tout à coup le silence se fait, et Tba 
voit un bras passer en entier par la lucarne 
en agitant la sonnette avec frénésie. 

A rinslant où le concert est le plus étour- 
dissant, si Ton ouvre brusquement les portes 
de Tarmoire, on remarque que les instru- 
ments sont à la place qu'ils occupaient et 
que les deux frères sont immobiles sur leurs 
banquettes et liés comme précédemment. 
Les portes refermées, le bacchanal recom- 
mence, et, chaque fois qu'on ouvre, on re- 
connaît que les médiums sont calmes, tran- 
quilles et toujours garrottés. J'oubliais de 
dire que, à chacune des manifestations spi- 
rites^ le cornet et la sonnette sont lancés par 



238 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

la lucarne et viennent tomber aux pieds des 
spectateurs. 

Pour contrôler ces espiègles lutins, on prie 
l'un des assistants, que le choix du public 
désigne, de se placer dans l'armoire entre les 
deux frères. Un délégué est envoyé : il se 
place sur le banc du milieu, et, pour se met- 
tre en garde contre toute coopération de sa 
part, on lui attache une main sur Fépaule de 
l'un des deux frères et l'autre main sur le 
genou de l'autre frère. On est assuré déplus 
qu'aucun mouvement des médiums ne pourra 
avoir lieu sans que le délégué s'en aperçoive. 
Les portes une fois fermées, le sabbat se fait 
entendre de nouveau dans l'armoire et tous 

les instruments s'escriment à qui mieux 
mieux. Ce bacchanal cesse au bout d'un in- 
stant; on ouvre les portes et l'on aperçoit le 
malheureux visiteur la tête enveloppée de 



LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. 239 



son propre mouchoir de poche et coiffé du 
tambour de basque, tandis que sa cravate est 
régulièrement nouée autour du cou de son 
voisin de droite, et que ses lunettes sont sur 
le nez de son voisin de gauche; sa montre 
même s'est trouvée transportée d'une poche 
dans l'autre. Le délégué une fois délivré de 
ses entraves est aussitôt entouré, questionné : 
il déclare qu'il n'a senti qu'un petit frôle- 
ment sur le nez, à l'instant où, du même 
coup, il était couvert du mouchoir et dé- 
pouillé de ses lunettes, et ne peut donner 
aucune autre explication. Cependant les poi- 
gnets des médiums sont toujours solidement 
attachés derrière leur dos. On apporte de la 
farine, et, à l'aide d'une cuiller, on en met 
dans chacune des mains des spirites. Les 
portes ne sont pas plus tôt fermées que l'ha- 
bil de l'un des reclus passe par la lucarne. 



^40 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

On ouvre vivement, on vérifie les ligatures ; 
on referme de nouveau, et deux minutes ne 
se sont pas écoulées que les deux frères des- 
cendent de l'armoire entièrement dégagés de 
leurs liens; ils s'avancent vers les specta- 
teurs et leur montrent que leurs mains sont 
encore remplies de la farine que Ton y avait 
mise. Il faut dire que les jeunes gens sont 
habillés de noir et que pas le moindre vestige 
de farine ne se trouve sur leurs vêtements. 

Beimeme partie. Les ténèbres. La dis- 
position scénique de la séance est des plus 
simples : Tarmoire et ses tréteaux ayant été 
enlevés et mis de côté, on les remplace par 
une petite table sur laquelle sont déposés 
deux guitares et un tambour de basque, que 
nous avons vus figurer dans la première par- 
tie de la séance. 



LE TRUC DES FRERES DAVENPORT. 241 

Ces préparations, qui ont été faîtes avec 
beaucoup de calme, ont donné aux deux frè- 
res le temps de prendre quelque repos dans 
une salle voisine. Ils reviennent bientôt pren- 
dre place sur deux chaises légères, de chaque 
côté de la table. Us déposent à leurs pieds 
chacun un paquet de cordes. 

Sur la demande qu'ils en font faire par 
leur interprète, une quinzaine de personnes 
viennent s'asseoir près des Américains, et, se 
tenant toutes par les mains, forment autour 
d'eux un cercle impénétrable. Deux becs de 
gaz, placés de chaque côté de Fenceinle ré- 
servée, sont seuls allumés dans la salle. Une 
personne postée près de chacun de ces becs 
€st chargée de donner ou de supprimer la 
lumière. 

A un signal donné par l'un des deux frères, 
l'obscurité se fait pendant deux minutes en- 

14 



842 MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE. 



viron. Un grand silence règne dans l'assem- 
blée, tant on est impressionné par cette mise 
en scène inusitée. Les speclatems privilé- 
giés, ceux qui font partie du cordon sanitaire, 
sont si près des médiums, que le moindre 
mouvement de ceux-ci, le plus faible frôle- 
ment de leurs vêtements doit se faire enten- 
dre. On prête une oreille attentive; on cher- 
che à saisir le moindre bruit révélateur; mais, 
au milieu de cette attente inquiète, la lumière 

se fait soudain, et Ton voit les deux Améri- 

ff 
cains solidement garrottés; leurs jambes, 

leurs bras, leurs corps sont entourés de cor- 
des et de nœuds qui les fixent aux chaises 
sur lesquelles ils sont assis; leurs poignets 
sont liés derrière leur dos et assujettis aux 
traverses des sièges. La (able et les chaises 
sont enlacées également par de fortes liga- 
tures. On s'approche, on examine les atta- 



LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 243 



ches diverses et on les déclare conscien- 
cieusement exécutées. 

L'obscurité se fait de nouveau, el tout 
aussitôt les instruments placés sur la table 
font entendre une mystérieuse harmonie. 
Soudain le gaz s'allume et le concert cesse 
avec l'apparition de la lumière. Les instru- 
ments ne semblent pas avoir bougé de 
place, et les médiums sont toujours atta- 
chés. 

Les assistants commencent à se sentir sai- 
sis d'une indicible impression de malaise. 
On n'applaudit que très-peu ; ce genre de 

spectacle n'est pas de nature à exciter les 
fibres de l'enthousiasme. On serait plutôt 
porté à l'énervation. Les croyants voient 
dans ces fails de véritables manifestations 
spirites ; les incrédules, les sceptiques, ne 
peuvent s^empêcher d'avouer que ces pré- 



944 MAGIE El PHYSIQUE AMUSANTE. 



tendues interventions surnaturelles sont 
tout au moins fort bien exécutées. Et pour- 
tant on n'est pas encore arrivé aux faits les 
plus surprenants de cette mystérieuse 
séance. 

Pour donner à l'assemblée la certitude 
absolue que les liens ne seront pas défails, 
on prie quelqu'un des spectateurs voisins 
de faire couler de la cire sur les nœuds qui 
élreignent les poignets et d'y apposer l'em- 
preinte d'un cachet. Pendant ce temps, on 
enduit les guitares et le tambour de basque 
d'une liqueur phosphorescente qui permet- 
tra de les distinguer dans les ténèbres. 

Aussitôt qu'a lieu l'obscurité, les guitares 
et le tambour de basque s'agitent et quittent 
leur place en produisant les plus lugubres 
sons. On les voit s'élever en Fair, tracer des 
contours lumineux ; puis, dans une course 



LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 245 

désordonnée, parcourir la salle en planant 
sur la tête des spectateurs. Une guitare ef- 
fleure les cheveux de celui-ci, une autre 
frôle le vêtement de celui-là, et, bien que 
souvent animés de mouvemenls brusques 
et saccadés, aucun de ces instruments ne 
heurte les spectateurs ni le plafond; seule- 
ment, lorsqu'ils passent auprès du visage, 
on sent un vent brusque, un air déplacé qui 
vous porte instinctivement à rentrer la lêle 
dans les épaules, de crainte de quelque choc. 
Celle situation est plus pénible qu'agréable, 
el on en ressent un senliment de vague ter- 
reur qui paralyse toute réflexion. 

Au milieu de ces évolutions bizarres, la 
lumière paraît et les instruments se trouvent 
abattus sur les genoux des spectateurs. Vé- 
rification faite des liens cachetés, on les 
trouve inlacls. 

14. 



MO hàgie et physique amusante. 

Voici une nouvelle précaulion prise pour 
rassurer les spectateurs contre toute super- 
cherie, si un doute leur reste encore : on 
met une feuille de papier sous les pieds des 
médiums; on y trace avec un crayon le 
contour de leur chaussure. Si, par un pro- 
cédé inexplicable, ils viennent à se dégager 
de leurs liens et à quitter leur siège , la 
feuille de papier révélera le fait. Quelques 
millimètres d'écart et le truc est éventé. Le 
public paraît satisfait de cette mesure. Un 
spectateur est, en outre, prié de quitter son 
habit ou son paletot et de le placer sur ses 
genoux. 

Ces dispositions terminées, le gaz est 
éteint, et, pendant quelques instants d'obs- 
curité, les guitares font encore entendre 
leurs chants d'outre-tombe, et se livrent à 
leurs ébats fantastiques. Mais, tandis que 



> 



LE TIIUC DES FRÈRES DAVENPORT. 247 



ces clartés sonores se balancent dans l'es- 
pace, un spectateur se trouve subitement 
dépouillé de son chapeau qui se transporte 
à quelques mètres de distance; un autre a 
les cheveux ébouriffés par le passage d'une 
main inconnue ; un troisième se sent pres- 
ser la main par une main invisible; enfin 
rhabit du spectateur lui est vivement enlevé, 
tandis qu'un autre spectateur reçoit sur ses 
genoux comme un vêtement qu'il ne saurait 
distinguer. Or, lorsqu'on rallume le gaz, on 
voit les deux frères calmes, garrottés et pa- 
raissant complètement étrangers à tout ce 
qui vient de se passer. On se précipite sur 
les cachets: ils sont intacts; on vérifie la 
feuille de papier : la chaussure n'a pas 
quitté d'un millimètre les traits qui Ten- 
lourent. Mais ce qui porte surtout l'éton- 
nement à son comble, c'est que l'un des 



i 



348 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSAKTjL 



frères, bien que garroUé et cacheté, est re- 
vêtu de rhabit du spectateur, tandis que 
l'autre est coiffé d'un chapeau et porte sur 
son nez une paire de lunettes. Ces trois ob- 
jets appartiennent à trois des assistants. 
L'habit du médium est dans la salle sur un 
des spectateurs. . 

A ce moment, Fétonnement, on pourrait 
dire la stupéfaction, Tébahissement du pu- 
blic, est à son comble. Manifestations spi- 
rites ou mystification , intervention des 
esprits ou tour d'escamotage, le spectacle 
est complet et Ton se décide, toute réflexion 
et toute recherche cessantes, à payer aux 
artistes un juste tribut d'applaudissements^ 

Explication des trucs a l'aide les- 
quels se font LES prétendues MANIFESTATIONS 
8PIR1TES ET LES PHÉNOMÈNES « INEXPLICABLES » 



I 



LE TRUC DES FEËRBS DAYENPORT. 249 

DES FRÈRES Da VENPORT. — Lcs preslicfigi tatCUFS 
ont, d'ordinaire, des instruments spéciaux 
propres à facililer leurs prestigieux exercices. 
Les Davenport n'ont, à proprement parler, 
que leurs cordes. L'armoire n'est pour rien 
dans Texéculion des trucs. Un simple para- 
vent et deux chaises pourraient au besoin la 
remplacer. Elle ne sert, en réalité, qu'à ca- 
cher les manipulations des médiums. Lcs 
instruments de musique peuvent êlre consi- 
dérés comme de simples accessoires. 

Les cordes sont faites de coton ; leur tissu 
est une tresse semblable à celle des cordons 
qui servent à faire mouvoir les rideaux; 
elles présentent ainsi une surface unie pou- 
vant glisser très-facilement Tune sur l'autre. 
Elles ont environ trois mètres de longueur. 

Lorsque, au commencement de la séance, 
on engage un certain nombre de spectateurs 



250 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

^^■— ^^^^^^ ■ ■ Il ■ ■ ■■■■■■■■■ <^^^^,^m^^^^m . ■ - - I » ^^^^^^m^^m^^m^m^m^t^ 

à monter sur Teslradeet à entourerrarmoire, 
on les prie de so tenir lous parla main, sous 
le prétexte d'établir un cercle magnétique 
autour des spirites. En réalité, c'est pour 
prévenir les indiscrétions. C'est pour les 
mêmes raisons qu'on fait également se tenir 
par la main le rang des spectateurs les plus 
nipprochés de la scène. 

Les deux frères s'assoient sur les sièges 
de l'armoire; ils remettent chacun trois 
cordes au délégué qui doit les attacher sur 
leur banc. On croirait peut-être cette besogne 
facile; il n'en est rien. D'abord, comment 
va-t-on s'y prendre, et par où va-t-on com- 
mencer? On n'a jamais eu, peut-être, l'oc- 
casion de garrotter un prisonnier. Quelque- 
fois le délégué est bienveillant ; il cherche 
moins à embarrasser son homme qu'à rem- 
plir sa lâche ; il marche au hasard de la 



i 



LE TRLC DES FIIËRES DiVENl'ORT. Ul 

corde. Alors tout est pour le mieux pour le 
succès du prestige. Mais fort souvent aussi 




on a aïfaire à un délégué malin, nerveux, 
prenant son rôle au sérieux et regardant sa 
répulalion d'habileté comme ei^agée. Sa 
première idée est de placer les poignets du 



252 HAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

■ Il II I ■ ^ 

palienl derrière son dos et de les y fixer so- 
lidement. Il fait ensuite revenir la corde par 
devant, la conduit ensuite par derrière, l'en- 
lace sous les bras et termine par un nœud 
qu'il juge inextricable. Avec les deux autres 
cordes il entoure les pieds, les cuisses, les 
bras, et amarre solidement ces parties au 
banc de l'armoire. Vaines précautions! Tous 
les nœuds, toutes les attaches peuvent se 
défaire. 

Tandis qu'on le garrotte, le médium se 
prête à toutes les positions qu'on lui impose. 
Mais de son œil américain il voit prompte- 
ment à qui il a affaire. Le délégué bienveil- 
lant, il ne s'en occupe guère; il le laisse 
faire. Mais Pautre, il le surveille et lutte taci- 
tement contre ses rigueurs. Se sent-il trop 
vigoureusement serré, il laisse échapper une 
faible plainte qu'il semble réprimer aussitôt. 



LE TRUC DES FRÈRES DAVEXPORT. 253 



Cette pelile comédie réussit presque toujours : 
il est rare qu'on ne mette pas un peu de 
réserve dans la continuation des ligatures. 
Ou bien encore le médium, sans qu'on puisse 
s'en douter, gonfle certaines parlies du corps, 
soit en haussant insensiblement les épaules, 
soit en écartant les bras du corps, soit enfin 
en opposant une résistance du côté où la 
pression se fait sentir. 

Une fois garrotté, le premier mouvement 
du médium est^ par certains efforts qu'on ne 
saurai! décrire, de faire remonter vers les 
épaules les cordes qui sont sur les avant- 
bras, afin de rendre à ceux-ci un peu de 
liberté. Yient ensuite un travail de force et 
de dislocation : les poignets vigoureusement 
écartés l'un de l'autre forment levier sur les 
boucles dans lesquelles ils sont passés, et, 
par des secousses répétées, ils déterminent 



15 



25ft . UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

un relâchement dans les parties susceptibles 
d'eu éprouver. Un centimètre, à peine, de 
jeu suffit pourpermeltreladélivrancede Tune 
ou de l'autre main. 11 est vrai de dire que, 
par un exercice auquel nos médiums se sont 
livrés, le pouce s'efface dans la main et le 
tout prend une forme cylindrique qui ne pré- 
sente pas plus de grosseur que le poignet. La 
première des quatre mains qui se dégage 
passe par la lucarne pour se montrer aux 
spectateurs, tandis que les trois autres tra- 
vaillent à la délivrance commune. Une fois 
qu'on a les mains libres, on défait les autres 
attaches ainsi que les nœuds; les dents ren- 
dent un grand service dans celte circonstance. 
Ira Davenport, celui qui, dans la figure 1 , est 
à la droite du spectateur, est plus habile et 
mieux disloqué que son frère; c'est presque 
toujours lui le premier dégagé. Dans ce cas . 



j 



LB THUG DUS FRÈltBS DAVEHPOAT. S3S 

il aide William. D'ailleurs, le premier libre 
aide l'aulre. 




Lorsque les médiums s'altaehenl eux- 
mêmes dans leur armoire, le mode de liga- 
ture qu'ils emploient leur permet de se 
détacher et de s'attacher de nouveau en lrès~ 



S5e MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

peu de temps. La figure 2 donnera une idée 
de la disposition des cordes. 

Pour obtenir celte disposition, voici ce 
qu'ils font : ils prennent une des cordes par 




Fig. 3. . 

le milieu, et ils pratiquent à cet endroit une 
double boucle, telle qu'elle est représentée 
par la figure 3. 

On voit que c'est un double nœud coulant 
dont les boucles peuvent être serrées ou 
agrandies, soit qu'on tire les bouts À et B ou 
qu'on les lâche. 






LE TRUC DES FRÈRES DAVENPORT. «57 

%i— M ■— ■ ■ ■ I ■■■■■■■■ .^ I ■ 11 II ■ M^B^^— ^^M^^— M^^^— ^^Mii ■ ■ mmm^^m^ i ■ 

Tout en laissant ces boucles ouvertes, ils 
passent, par deux trous pratiqués dans le 
banc, les deux bouts de la corde, qui est 
assez longue pour aller entourer les pieds el 
se fixer à la traverse de devant. Avec les 
deux autres cordes, ils attachent les cuisses 
sur la traverse et quelquefois les bras sur le 
corps. Ceci terminé, ils passent les mains 
dans les boucles qu'ils serrent en allongeant 
un peu les jambes en avant. C'est sur ce truc 
que repose tout le simulacre deTinlervention 
des esprits el du tapage auquel ils se livrent. 
En effel, les portes de l'armoire sont à peine 
fermées que les deux frères ramènent un peu 
leurs jambes en arrière, donnent de la liberté 
au nœud ; ce qui leur permet de sortir leurs 
mains elde les rendre libres. Le violon, les 
guitares, le tambour de basque, la sonnette, 
sont presque simultanément mis en jeu et 



r 



258 MAGIE ET PHYSIQUE ÂVUSANTE. 



formenl une cacophonie que renforcent en- 
core des Irépignemenls et des coups de poing 
frappés sur les parois du meuble. Puis tout 
tout à coup les instruments sont mis à leur 
place, les mains rentrent dans leurs liens ; 
on ouvre les portes et tout paraît en ordre. 
Un délégué du public, avons-nous dit, 
leur est envoyé; il se place dans l'armoire 
sur le banc du milieu. On lui attache une 
main sur Tépaule d'ira et Pautre main sur 
le genou de William. Mais ne voit-on pas que 
cetle précaution, qui semble prise contre les 
deux frères, est à leur avantage? Us n'ont 
pas besoin, en effet, de remuer ni leur épaule 
ni leur genou pour se livrer à leurs espiègle- 
ries, et le nouveau venu, ayant les mains atta- 
chées, ne peut contrôler leurs faits et gestes. 
11 devient un être passif, et, dans cet état, 
ou lui enlève facilement ses lunettes, s'il en 



[ 



LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 259 

porte, sa cravate, son mouchoir de poche, et 
on le coiffe avec le tambour de basque. Mettre 
de la farine dans les mains des deux frères, 
cela ne les empêche pas de les sortir du nœud 
coulant. Une fois les mains dégagées, ils ver- 
sent leur farine dans une poche pratiquée 
dans Thabit; s'y essuient les mains ; les pas- 
sent ensuite successivement par la lucarne 
pour montrer qu'elles sont libres, et selivrent 
enfin, comme précédemment, à leur bruyant 
concert; après quoi, l'un des frères prend 
dans une poche de côté un petit cornet rem- 
pli de farine ; il en verse dans les mains de 
son compère et dans une des siennes ; remet 
le cornet vide dans sa cachette et répartit 
dans ses deux mains sa provision de farine. 
On ouvre les portes, et les deux frères déga- 
gés de leurs cordes, descendent monlrer au 
public que leurs mains sont toujours rem- 



S60 UAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



plies de farine. Ce pelit truc de farine eut,- 
un jour, un dénoûmenl assez fâcheux pour 
les médiums, mais très-plaisant pour les 
spectateurs. Le délégué chargé de mettre la 
farine dans les mains eut la malice d'y mettre 
du tabac à la place. Les spirites n'en virent 
rien, puisque, à ce moment, leurs mains sont 
placées derrière leur dos. Les deux frères 
reparurent avec de la farine dans les mains. 
On leur fit connaître le tour qu'on leur avait 
joué, et tout le monde se mit à rire, excepté, 
pourtant, les mystificateurs mystifiés. 

Les explications sur la seconde partie, dite 
dans les ténèbres^ seront faciles à compren- 
dre, attendu que les trucs reposent encore, 
pour la plus grande partie, sur le fameux 
nœud coulant dont nous venons de parler : 
les deux frères sont assis de chaque côté 
d'une table sur laquelle sont déposés guitares 



VE TRUC bES FRÈRES DÀYENPORT. 261 



et tambour de basque; ils ont à leurs pieds 
un paquet de cordes; autour d'eux se forme 
le cercle magnétique des spectateurs se te- 
nant par la main ; l'obscurité se fait, et tout 
aussi tôt les deux frères se garrottent sur leur 
chaise, dans les conditions que nous avons 
indiquées plus haut et dans la position que 
représente la figure 2. Il n'y a de différence 
que dans la forme des sièges. Ainsi que dans 
l'armoire, ils peuvent à leur gré s'attacher 
ou se détacher instantanément et jouer des 
instruments qui sont sur la table. Mais, dira- 
t-on, comment vont-ils faire lorsqu'on va 
sceller à la cire le nœud qui les attache? Le 
lecteur remarquera sur la figure 3 qu'on peut 
mettre de la cire sur le milieu du noeud et 
fixer même ensemble, à cet endroit, deux 
parties de la corde, sans que le mouvement 
des bouts  et fi, ainsi que celui des boucles, 

15. 



2G2 MAGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE. 



puisse être gêné. Lorsque les poignets sont 
passés dans les boucles, celte partie du nœud 
se trouve toujours en dessus. Et puis Tinter- 
prèle a soin d'indiquer Tendroil précis où le 
cachet doit êli e apposé, en priant d'éviter de 
faire couler de la cire brûlante sur les poi- 
gnets. Cette observation provoque toujours 
une réserve très-utile à la réussite du truc. 
Il faut dire enfin que la corde étant de la 
grosseur du pelit doigt, le cachet ne peut 
guère prendre plus d'espace que la réunion 
des deux parties fixes. 

H nous reste encore plusieurs faits mer- 
veilleux à expliquer : ce sont les évolutions 
fantastiques des guitares, la feuille de papier 
sous les pieds, Thabit enlevé et revêtu, etc. 
Les guitares et le tambour de basque sont 
enduits d'une liqueur phosporescente dont le 
faible éclat ne rayonne pas assez pour écl?i- 



LE TRUC DES FRÈRES DAYENPORT. 263 

^ ^ ■ Il ■ ■ I 

rer les objets qui les entourent; on se trouve 
donc dans une complète obscurité. Ira se dé- 
tache de ses liens, et, avec l'habitude qu'il a 
acquise de se reconnaître dans ces ténèbres, 
il prend par le manche une guitare lumi- 
neuse, s'avance aussi près que possible du 
public, et la fait voltiger au-dessus des tètes, 
tout en faisant vibrer les cordes à l'aide des 
deux derniers doigts. L'absence de tout autre 
objet de comparaison ne permet pas au pu- 
blic de juger à quelle distance se trouve cette 
lumière indécise, et j'ai éprouvé moi-même 
qu'une guitare qui me touchait presque la . 
tête me semblaiten être éloignée de quelques 
mètres. Pendant ce temps, Tautre médium, 
étant également suffisamment dégagé, élève 
aussi haut que possible Fautre guitare et le 
tambour de basque phosphores, et fait avec 
ces deux instruments autant de bruit et de 



204 UÂGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



mouvement que possible. Le Iruc du contour 
des pieds marqué sur la feuille de papier est 
très-ingénieux : Ira, après qu'on a pris cette 
mesure de précaution, quitte la feuille de 
papier pour s'approcher des spectateurs, et, 
lorsqu'il revient s'asseoir, il a soin de retour- 
ner la feuille de papier avant de poser ses 
pieds dessus ; puis , à Taide d'un crayon 
qu'il prend dans une de ses poches, il trace 
un autre contour que Ton prend pour celui 
que le public a fait. Quant au tour de l'habit 
endossé. Ira, libre de ses liens, quitte son 
habit, le jette au milieu de la salle, et, sai- 
sissant celui qu'il a fait mettre sur les ge- 
noux d'un spectateur du premier rang, il s'en 
revêt, puis se remet dans ses attaches et le 
tour est fait. 



) 



XIV 



LE CARTON FANTaSTIQUK. 




jut le moade coonall 
, cetaxiomede physique: 
'' Icconleou est plus petit 
j que le contenanî, et ré- 
Jcîproquemenl. Celte in- 
conteslable vérité, cet axiome semble se 
trouver en contradiction avec le truc dont il 
s'agit ici. On en jugera par l'exposition som- 
maire dont je vais faire précéder les explica- 
tions techniques. 

Le prestidigitateur entre en scène portant 



968 VÀGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



SOUS le bras un carlon à dessin; il le pose 
sur de légers tréteaux placés en avant de la 
scène, et il en relire successivement : 

1* Différentes images. 

S"" Deux charmants chapeaux de femme, 
Tun en velours noir, orné d'une plume 
blanche; l'autre en salin rose, garni de fleurs. 

3"* Quatre tourterelles vivantes; 

^ Trois grandes casseroles remplies, 
Fune de haricots, Tautre d'eau, la troisième 
de feu. 

S"" Une cage garnie de serins volti^ant de 
bâtons en bâtons. 

6"* Un enfant de cinq ou six ans. 

Il est bon de faire remarquer que le car- 
ton n'a pas plus de trois centimclres et demi 
d'épaisseur, et qu'on le ferme chaque fois 
qu'on en a retiré un des objets que je viens 
de citer. 



LE CARTON FANTASTIQUE. S69 

Avant de donner les explications néces- 
saires pour Texéciition de ce tour, il est in- 
dispensable d'en indiquer les dispositions 
scéniques, en y joignant le boniment, qui 
motive l'apparition de chacun des objets. 

Lorsque le carton est placé sur les tré- 
teaux et que les cordons en ont été déliés, 
on en sort une image représentant une char- 
mante petite dame à mi-corps, grandeur 
nature, et coiffée en cheveux. On ferme le 
carton. 

— Je remarque, dites -vous, que celte 
dame est sortie nu-tête de ce carton; elle y 
aura sans doute oublié son chapeau. En effet, 
le voici. 

On sort le chapeau et on ferme le carton. 

^ Ce chapeau est pour 1 hiver; il doit 
être sans doute accompagné d'un chapeau 
d'été. 



270 VÂGIE ET PUYSIQUE AMUSANTE. 



On ouvre, et on relire un chapeau de 
satin; on ferme le carton pour le rouvrir 
aussitôt, et on en sort une autre image repré- 
sentant un oiseau. 

— Ah! voici un oiseau; il est certain 
qu*il ne peut y en avoir dans ce portefeuille 
qu'en peinture. Cependant, voici une tourte- 
relle qui a essayé de s'y fourrer; mais dans 
quel état est-elle, gi^and Dieu! 

On montre une tourterelle empaillée et 
tout aplatie. 

— Elle est morte. Mais j'en aperçois une 
qui a résisté à la pression; elle est bien 
vivante 1 

On la montre ; puis une autre, puis encore 
une autre, et enfin une quatrième. On a 
retiré ainsi quatre tourterelles, que Ton 
a successivement mises sur les bords du 
carton, qui est resté ouvert. Après les avoir 



À 



LE CARTON FANTASTIQUE. 271 



mises de côté, on ferme le carton * ; puis, un 
instant après, on le rouvre et on en sort une 
image représentant deux cuisiniers qui se 
battent à coups de casseroles. 

— Ah bien! voici, maintenant, une bat- 
terie de cuisine... Leurs instruments culi- 
naires ne doivent pas être éloignés. En effet, 
voici une grande casserole remplie de ha- 
ricots. 

On sort celle-ci et on la met sur une table 
de côté; puis, revenant vers le carton, on 
sort une autre casserole remplie d'eau. 

— Voici, sans doute, Teau dans laquelle 
on allait mettre les haricots; elle est bouil- 
lante. 

On y met le doigt et on le retire vive- 



i. Le soir, les tourterelles sont tellement dociles quo non- 
seulement elles ne fuient pas, mais encore qu'elles restent là où 
on les met 



27) UÂGIK ET PHYSIQUE AHUSÂHTE. 

ment, bien que Teau ne soit pas chaude. 

— Cela n'est pas étonnant^ voilà le feu 
qui la faisait bouillir! 

On relire la troisième casserole et on la 
met de côté, ainsi que l'autre, et on ferme ; 
puis, presque aussitôt, en ouwe de nouveau* 

— Voici un objet que j'avais oublié de 
sortir... . 

On relire la cage pleine d'oiseaux, que 
l'on porte aux spectateurs pour être exa- 
minée. Lorsque l'on revient, on frappe sur 
le carton, qui est resté ouvert. 

— Toc toc ! il n'y a plus rien là, dit-on, et 
encore moins personne. 

— Mais si! il y a encore quelqu'un, ré- 
pond Tenfanl en passant sa petite tête par- 
dessus le carton; je voudrais bien sortir 
pour prendre l'air, on étouffe là dedans ! 

On sort l'enfant, et l'on vient ensuite 



1 



LE CâRTO« fantastique. 275 



montrer au public riiitérieur du carton, qui 
ne diffère en rien des cartons ordinaires - 

Ce tour exige une très-grande adresse 
pour être convenablement exécuté, surtout 
quant à ce qui concerne Tapparilion de T en- 
fant. 



EXPLICATION. 



De tous les objets qui sortent du carton, 
les uns y sont installés à Tavance, les autres 
y sont introduits dans le cours de Texpé- 
rience. Pour les premiers, ce sont les ima- 
ges, les chapeaux, la tourterelle aplatie, le 
couvercle ou double fond de casserole rem- 
pli de haricots, et la cage. Pour les seconds, 
les tourterelles vivantes, les casseroles et 
Tenfanl. 



27i MAGIE ET PUYSIQUE AMUSAÎiTE. 



PRÉPARATIFS ET DISPOSITIONS DES OBJETS 
AVANT L'EXÉCUTION DU TOUR. 



Le carton, avons- nous dit, a pour épais- 
seur extérieure trois centimètres et demi; 
c'est donc deux centimètres environ de vide 
à l'intérieur pour y cacher des objets. Ce 
portefeuille est construit en carton très-ré- 
sistant. En dernier lieu, j'avais remplacé 
les deux feuilles de carton par des feuilles de 
tôle, entièrement recouvertes de papier et de 
peau ; ce qui, tout en présentant plus de soli- 
dité, donnait à gagner plus d'un demi-centi- 
mètre pour le vide réservé à l'intérieur. 
Ainsi qu'on le fait dans certains cartons pour 
protéger les gravures, une toile verte, fixée 
sur l'un des bords, venait s'étendre à l'inté- 
rieur. Celte toile de recouvrement, dont nous 



J 
II 



1 



LE CARTON FAT^TASTIQUE. 275 

allons lout à Theure montrer riitilité, au 
lieud'êlre mise sur les objets, est placée en 
dessous. Sur le côté et à l'intérieur du carton, 
est une équerre articulée, pouvant dans cer- 
tains moments tenir le carton ouvert dans un 
angle de 45 à 50 degrés. 



LES IMAGES. 



Elles servent à cacher les mouvements 
que Ton fait pour prendre sur soi des objets 
que Ton met dans le carton ; elles sont, à cet 
effet, collées sur des feuilles de carton mince 
pour leur donner un peu de consistance. 



LES CHAPEAUX DE DAME. 

Us ont leurs carcasses faites avec des 
lames de ressort de pendule ; on les a cam- 



S70 MAGIE ET PHYSIQUE AUUSAKTE. 



brées selon la forme de la mode. Grâce à une 
fente qui est sur le derrière du chapeau, 
celui-ci peut se développer et se mettre à 
plat dans le carton en y tenant peu de place 
comme épaisseur. Avant qu'on le retire et 
lorsqu'il est encore caché par le car Ion, il 
reprend lui-même sa forme, tandis que le 
fond ou calotte, qui est à charnière, vient 
également se mettre à sa place. Une agrafe 
fixe le tout d'une manière solide*. 



LES CASSEROLES. 



Elles semblent de même grandeur lors- 
qu'elles sont sorties du carton; cependant 
elles peuvent entrer les unes dans les autres. 

1 . A répoque où j*ai créé ce tour, la mode était d'avoir de 
gi^ands chapeaux, ce qui donnait plus de yaleur à ce prestige. 



LE CARTON FANTASTIQUE. 277 



Leur queue se termine en crochets qui, 
en entrant les uns dans les autres, n'en for- 
ment plus qu'un et peuvent ainsi s'accrocher 
en bloc, comme nous allons le dire tout à 
l'heure. Voici, maintenant, de quelle façon, 
à un moment donné, elles peuvent contenir 
du feu, de l'eau et des haricots. 

Pour faciliter notre explication, la casse- 
role la plus grande s'appellera n*" 1; la se- 
conde en grandeur n'' 2 et la plus petite n"* 3. 

Le n" 3 doit contenir de l'eau ; à cet effet, 
lorsqu'elle est pleine de ce liquide, on la 
couvre d'un morceau de toild imperméable 
que Ton' attache fortement sur les bords 
avec une ticelle, ainsi qu'on le fait d'un pot 
de confitures. Afin que la ficelle ne tende pas 
à s'échapper, on a soudé un petit cordon 
en fil de cuivre autour des bords. Toutefois il 
y a une interruption de ce cordon métallique 

16 



i\. 



278 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTH. 

près de la queue, sur une longueur de cinq 
à six centimètres ; ce qui sert à décoiffer la 
casserole plus aisément en enlevant la toile 
par cet endroit. On a ajusté au n"* 2 un double 
fond de deux centimètres de hauteur, sorte 
de couvercle creux qui s'emboîte sur la cas- 
serole. Lorsque ce double fond est plein dé 
haricots et placé dans la casserole, il semble 
que celle-ci en soit pleine. La casserole n"" f 
n'a aucune disposition particulière ; elle doit 
contenir le feu ainsi que nous allons l'expli- 
quer plus loin. 



LES QUATRE TOURTERELLES. 



Elles sont placées dans un petit sac que 
je ne crois pas devoir décrire ici en raison 
de sa simplicité; elles sont installées cha- 



i 



LE CARTON FANTASTIQUE. 279 



cune dans un compartiment qui les enve- 
loppe en partie. Ces compartiments sont su- 
perposés de deux en deux, ce qui en forme 
un petit paquet assez régulier et peu volumi- 
neux. Un crochet en fil de fer, de dix centi- 
mètres de longueur, est disposé de manière à 
tenir le paquet fermé lorsque celui-ci esl 
suspendu; mais, sitôt que les tourterelles 
sont déposées dans le carton, tout doit s'ou- 
vrir en même temps, et les tourlerelles sont 
libres. 



LA GAGE AUX OISEAUX. 



Il serait trop long de donner une descrip- 
tion exacte de cette cage; toutefois, je. crois 
pouvoir en faire comprendre les dispositions 
par l'explication suivante : 



280 XAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



La cage a quatre grands côtés et deux 
petits formant le fond, le dessus et deux 
côtés. Les quatre grandes faces de cetle cage, 
au lieu d'être solidement fixées entre elles, 
sont réunies par des charnières, ce qui per- 
met à la cage de s'aplatir et de ne présenter 
que Irès-peu d'épaisseur. Les deux petites fa- 
ces des extrémités sont également mobiles, 
mais elles ne tiennent à la cage que par un de 
ses côtés, et elles servent à fixer celle-ci 
lorsqu'elle est redressée. Le fond de la cage 
est en tôle et disposé de manière à laisser 
une place suffisante pour loger les canaris 
lorsqu'elle est à plat. 

Lorsqu'on redresse la cage, on ferme vive- 
ment les deux petits côtés pour que les deux 
oiseaux n'aient pas le temps de s'échapper. 
L'anse de la cage est également à charnière 
pour pouvoir s^aplatir. 






i 



CARTON FANTASTIQUE. 281 



L'ENFANT. 



A un moment donné, il entre dans le car- 
ton sans que le public Taperçoive; il y est 
presque lancé par un procédé que nous allons 
décrire. 

Du côté où le carton s'ouvre et directe- 
ment au-dessous de ses bords est pratiquée 
dans le parquet une petite trappe à charnière. 
Au-dessous de cetle trappe est placée verti- 
calement une boîte oblongue dans laquelle 
Tenfant debout se trouve placé. Le fond est 
mobile et peut être soulevé par un levier de 
manière à enlever l'enfant jusqu'à la hauteur 
du carton. Nous verrons plus loin comment 
doit être pratiquée celte opération. 



id. 



282 MAGIE ET PflYSIQUE AHUSAKTË 



PRÉPARATION DU CARTON AYANT D'ENTRER 

EN SCÈNE. 



On étend d'abord la toile de recouvrement 
sur le fond intérieur du carton, puis on mel 
par-dessus les objets suivants : 1"* la cage 
aplatie avec les oiseaux dedans ; 2"" à côté de 
cette cage le double fond de la casserole 
remplie de haricots ; 5° l'image de la batterie 
de cuisine; 4° la tourterelle aplatie ; 5** l'image 
de l'oiseau ; 6' les deux chapeaux aplatis à 
côté l'un de l'autre ; 7"* l'image de la petite 
dame. 



PRÉPARATION DES CASSEROLES. 



Emplir d'eau la casserole n"3; la couvrir 
et la ficeler ainsi qu'il a été indiqué plus 



LE CARTON FANTASTIQUE. 283 

haut. Mettre dans le fond de la casserole 
n'' 1 un sachet en papier fin dans lequel est 
une poudre dont l'inflammation produit un 
feu rouge *. Une mèche communiquant avec 
celte poudre sort du papier pour être facile- 
ment enflammée. On met à cet effet une 
allumette à côté dans la casserole. Après 
quoi, on met les casseroles les unes dans 
les autres. 

Les tourterelles, ainsi que je Tai dit, se 
mettent dans un sac pour ne former qu'un 
paquet. 

Lorsqu'on est prêt à faire le tour , on 
accroche le paquet de casseroles à une 
boucle que Ton a derrière soi saus l'habit, 

1. Gomposilion de la poudre à feu rouge : 

1* Nitrate de strontiane pulvérisé et 

desséché avec soin 20 parties. 

I 2o 
2* Résine de benjoin 4 » 

3* Fleur de soufre desséchée. . 1 • 



;l 



?84 MAGlfi ET PUYSIQUE AMUSANTE. 



comme je l'ai indiqué dans mon volume des 
Secrets de la prestidigitation, page 403. Les 
tourterelles s'accrochent également de ma- 
nière à se trouver au-dessus des casseroles. 

Toutes ces disposilions prises et étant 
ainsi équipé, on prend le carton et on entre 
en scène. Puis, après que le carton a été 
déposé sur les tréteaux, on procède à Tex- 
Iraction des objets en s'appuyant sur le boni- 
ment que j'ai indiqué plus haut. 

Première ouverture : l'image de la petite 
dame et des chapeaux. 

Deuxième ouverture : l'image des oiseaux. 
En élevant verticalement cette image au- 
dessus du carton comme pour la sortir avec 
la main gauche, le corps se trouve masqué 
un instant et on en profite pour décrocher 
vivement le paquet de tourterelles et le 
mettre dans le carton* 



4 



LE CARTON FANTASTIQUE. 285 

Troisième ouverture l'image de la bat- 
terie de cuisine servant également à masquer 
le corps pour déposer dans le carton le pa • 
quel de casseroles. Une fois déposées, on 
les met à côté Tune de l'autre. Le double 
fond aux haricots est mis sur le n* 2. Avant 
de sortir le n*" 1 , on frotte l'allumelle et on 
enflamme la poudre, ce qui laisce croire que 
la casserole est remplie de feu. 

Quatrième ouverlure : on relève la cage 
et on la sort du carton, qui, après cela, reste 
ouvert, étant retenu par son compas. 

Ici commence une scène qui doi t faciliter 
l'introduction de l'enfant dans le carton 
sans qu'il soit vu du public : on s'avance 
vivement jusqu'auprès des spectateurs pour 
leur montrer la cage, et, mettant la main 
dedans, on feint de vouloir leur di^^tribuer 
les serins ea criant : 



SS6 MAGIE ET PHYSIQUE AMUSAMTB. 

— Quelles sont les personnes qui en veu- 
lent? 

Les speclaleurs, croyant rexpérience ter- 
minée et, d'autre part, désireux d'avoir un 
de ces pelils oiseaux, reportent loule leur 
attention sur la cage. 

Mais, pendant ce lemps, voici ce qui se 
passe sur la scène : le servant qui est près 
du carton à l'instant où on vient d'en sortir 
laçage, voyant, du reste, toute l'attention 
du public portée sur la cage, laisse échapper 
du carton le recouvrement en toile verte qui 
tombe jusqu'à terre et cache ainsi le vide 
entre le carton et le parquet. A ce signal, une 
personne, placée dans la coulisse, poussant le 
levier dont j ai parlé plus haut, lance en 
quelque sorte l'enfant à la hauteur de l'ou- 
verture du carton et celui-ci s'v fourre 
aussitôt. 



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lE CAUTON FANTASTIQUE. 287 

Celte inlroduction opérée, le servant re- 
lève tranquillement la toile comme pour 
réparer un accidenl inattendu. Ce mouvement 
élait fait sur ma scène avec une telle prompti- 
tude que, pour le spectateur qui, je suppose, 
n'eût pas quitté le carton des yeux, c'eût été 
simplement le fait d'une toile tombée par 
hasard et relevée aussitôt. J'ai souvent ap- 
précié la durée de l'introduction de l'en- 
fant qui ne durait pas plus de quatre se- 
condes. 

Je me suis étendu assez longuement sur 
ce (our, parce que c'était un de mes trucs 
de prédilection, et que je le regarde comme 
Tun des trucs les plus étonnants que Ton 
puisse présenter au public. 






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LE TAMBOUR MAGIQUE 



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u commandement du 
preslidigitaleur, un tam- 
bour placé sui* un tré- 
' pied léger, bat diflé- 
rentes marches avec la 
précision et l'habblé d'un tambour maî- 
tre ; à cette différence près que ce tambour 
magique résonne sans le secours de ba- 
guettes et sans aucune intervention appa- 
rente. 
Cet exercice a lieu d'abord sur la scène ; 



SOS MAGIE ET PHYSIQUE AMUSANTE. 

puis, pour éviter la supposition d'une illusion 
d'acoustique, le physicien accroche le lam- 
bour à deux coidons suspendus au plafond 
de la salle. L'instrument, tout en se balan- 
çant au-dessus de la tête des spectateurs, 
redouble de vigueur et d'entrain dans l'exé- 
cution de ses marches cl batteries. 

Ce prestigieux exercice que l'on pourrai^ 
aisément faire passer pour une intervention 
mcdianimique, repose sur un principe d'une 
grande simplicité. Dans rinlérieur du tam- 
bour est un vibi^ateur de la Rive\ vulgaire- 
ment appelé sonnerie électrique. Le marteau 
de celte sonnerie est disposé de manière à 
frapper sur la peau d'âne en guise de timbre. 

On sait que, dans l'organisation d'une son- 



i. On trouye dans les traités d'électricité dynamique, et no- 
amment dans les ouvrages de M. le comte du Moncel, la des- 
cription de ce genre de sonnerie. 



LE TAMBOUR MAGIQUE. 293 



nerie électrique, il existe, à certîu'ne distance 
de cet averlibseur, un bouton qu'il sufGl de 
presser pour animer Tappareil. Tant que le 
doigt reste sur le bouton les vibrations mé- 
taUiques se font entendre ; elles ne cessent 
que lorsque cesse la pression. 

Ce bouton est placé dans la coulisse près 
d'un compère qui doit remplir le rôle de 
médium à distance. Des fils habilement dissi- 
mulés et des communications métalliques 
communiquent à l'intérieur du tambour, soit 
qu'on le place sur le trépied ou à l'extré- 
mité des cordons. 

Rien de plus simple avec cette disposition 
que d'exécuter toute batterie militaire, puis- 
qu'on a à sa disposition des fia et des rrrrra 
de toute durée. 

En effet (et Ton peut essayer cet exercice 
sur le bouton d'une sonnerie électrique), si 

17. 



294 HAGIB ET PHYSIQUE AMUSANTE. 



on appuie sur le bouton dans un temps très* 
court de la valeur d*une double croche, par 
exemple, le marleau ne frappe qu'un coup. 
C'est le fia ou l'unique coup de baguette. 
Quant aux différents rrrrra ou roulements^ 
ils s'obtiennent par des durées de pression 
comparables à des croches, des noires, des 
blanches, etc. C'est un instrument dont le 
compère joue avec plus ou moins de perfec- 
tion. 

Pour donner plus de brio à la batterie du 
tambour, on place à l'intérieur de celui-ci 
un second vibraleur et une seconde louche 
sous la main du compère. On peut alors 
d'une main faire un roulement continu» 
tandis que de l'autre on exécute la marche. ^ 

Ce qui, dans l'art de la caisse roulaïUe, est j 

un tour de force exécuté par les plus ha- 
biles* 



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LE TAMBOUR MAGIQUE. 295 



. Pour rendre rexécûlion plus parfaite^ 
on peut, comme dans les serinettes, dis- 
poser un cylindre sur lequel des chevilles 
convenablement espacées envoient Téleclri- 
cité dans des temps voulus pour l'exécution 
des batteries. 



Fin